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  • Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions

    « Derrière une apparente volonté de compassion et d’encadrement, ce texte opère un basculement radical : il introduit légalement la possibilité d’administrer la mort, par suicide assisté ou euthanasie, en bouleversant profondément les fondements de l’éthique médicale et sociale. » (la CRCF, le 15 mai 2025).



     

     
     


    Dans mon précédent article sur l'euthanasie, j'expliquais que l'argumentation devait éviter de se référer à une religion, en ce sens que la République doit pouvoir légiférer sans influence d'une religion, et c'est le principe de laïcité qui est traditionnel en France. Sans ce principe, la loi sur l'IVG, par exemple, n'aurait jamais pu être adoptée.

    Toutefois, cela ne signifie pas que les religions n'ont pas leur mot à dire. Au même titre que n'importe quel citoyen français, les religions basées en France ont le droit d'avoir réfléchi et de s'exprimer sur ce sujet très important, d'autant plus qu'elles sont bien placées pour en parler car c'est l'objet, pour elles, de nombreux sujets d'étude, la mort, l'accompagnement des personnes mourantes, l'accompagnement des personnes en souffrance, en situation de handicap, etc.


    Or, il y a eu un petit événement qui est, semble-t-il, passé complètement inaperçu dans les médias, c'est que l'ensemble des grandes religions présentes en France s'est réuni et a fait un communiqué commun, a pris une position commune sur la proposition de loi en cours d'examen à l'Assemblée Nationale. Et le message, c'est une forte inquiétude pour l'avenir.

    Il s'agit de la CRCF qui est la Conférence des responsables de culte en France, fondée le 23 novembre 2010. Elle rassemble les représentants des religions catholique, protestante, orthodoxe, juive, musulmane et bouddhiste. Elle a pour objectif de favoriser le dialogue interreligieux et le dialogue avec les pouvoirs publics dans le respect de la laïcité française. Elle souhaite contribuer ensemble à la cohésion de la société français dans le respect des autres courants de pensée et par la reconnaissance de la laïcité comme fondement de la République. Un tel unanimisme sur l'euthanasie est notable et rare, tant certaines de ces religions ont guerroyé entre elles, ou parfois guerroient encore aujourd'hui.

    Un communiqué commun a été signé le jeudi 15 mai 2025 par six représentants religieux : Mgr Éric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France (qui va bientôt céder la place à Mgr Jean-Marc Aveline, le 1er juillet 2025), Pasteur Christian Krieger, le président de la Fédération protestante, Mgr Dimitrios Ploumis, le métropolite de France et président de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France, Haïm Korsia, le grand-rabbin de France, Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la grande mosquée de Paris, et Antony Boussemart, le coprésident de l'Union bouddhiste de France.
     

     
     


    Les religions ont voulu alerter solennellement sur « les graves dérives » qu'introduirait la proposition de loi sur "l'aide à mourir". Cinq inquiétudes ont été exprimées à cette occasion.

    La première inquiétude est de ne pas vouloir nommer clairement la chose, à savoir l'euthanasie et le suicide assisté qui pourraient s'appliquer. Cette terminologie d'aide à mourir « vise à anesthésier les consciences et affaiblir le débat public ». Cette expression d'aide à mourir réduit la portée très grave de cet acte.

    La deuxième inquiétude est la contradiction de fond avec le serment d'Hippocrate dont le principe fondamental est de « soulager sans jamais tuer ». Cette loi serait ainsi ressentie par de nombreux soignants comme « une transgression radicale de leur mission ». Des manifestants ont déjà fait des démonstrations pour lancer cet appel : soigner et pas tuer.

    La troisième alerte est le cœur du débat parlementaire puisqu'il consiste à définir les garanties éthiques et procédurales. La CRCF a souligné l'absence d'une procédure collégiale (un seul médecin pourrait autoriser "l'aide à mourir"). De plus, le délai de réflexion serait seulement de 48 heures et mériterait d'être très remonté : « Cette précipitation est indigne d'une décision irréversible et de la gravité de l'enjeu ». D'autres garanties sont en cours de discussion dans l'hémicycle, tout aussi inquiétantes. Ainsi lorsqu'il s'agit de considérer la souffrance psychologique comme pouvant bénéficier de cette "aide à mourir".

    La quatrième inquiétude est, à mon avis, la plus grave et la plus irréversible : « L’instauration de ce "droit" risque d’exercer une pression sourde mais réelle sur les personnes âgées, malades ou en situation de handicap. La seule existence d’une telle option peut induire chez des patients une culpabilité toxique, celle d’ "être un fardeau". ». La CRCF a constaté que « dans les pays où l’euthanasie a été légalisée, les demandes ne cessent d’augmenter, et on observe une baisse inquiétante de l’investissement dans les soins palliatifs ». Ainsi, elle a remarqué : « La promesse d’un accompagnement digne tend à s’effacer derrière une option terminale présentée comme solution. ».

    Enfin, la cinquième crainte serait « une atteinte à l'équilibre entre autonomie et solidarité ». La proposition de loi « érige l'autodétermination individuelle en absolu ». Ce qui signifierait que « ce choix solitaire risque fort d’occasionner des traumatismes et de blessures durables, notamment dans le cas d’une découverte a posteriori du décès d’un proche aidé au suicide ou euthanasié ». Toutefois, je considère que cette crainte ne doit pas être prise en compte car la loi doit se focaliser avant tout sur le patient lui-même et son intérêt, son bien, et pas sur le ressenti de ses proches qu'il faudrait ménager.
     

     
     


    Et le communiqué commun de conclure ainsi : « Il faut choisir l’investissement dans les soins palliatifs, la formation à l’écoute, l’accompagnement global des personnes jusqu’à la fin de leur vie. Ce choix est celui de l’humanité contre l’abandon, de la relation contre la solitude, du soin contre la résignation. ».

    Cette réflexion, qui va au-delà des religions et qui respecte avant tout une éthique de la société, l'aide aux plus vulnérables, ce qui est le devoir d'un État responsable, a exprimé ces inquiétudes dans un contexte d'une évidence surjouée par les médias. Ce qui est inquiétant, c'est que le débat parlementaire est surtout focalisé sur les seuils des curseurs (des conditions d'application, des garanties d'encadrement) alors que l'enjeu est le principe même de cette autorisation de tuer, de cette transgression. Dans un prochain article, j'évoquerai le débat parlementaire en cours.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?



     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250522-euthanasie-2025b.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-2-l-inquietude-des-260829

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/22/article-sr-20250522-euthanasie-2025b.html


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  • Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

    « Le fait de provoquer au suicide d'autrui est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d'une tentative de suicide. » (Article 223-13 du code pénal).




     

     
     


    Depuis le lundi 12 mai 2025, les députés examinent la proposition de loi déposée par Olivier Falorni (député MoDem, ex-PS, de La Rochelle) sur "l'aide à mourir". C'était une initiative de l'année dernière qui a été interrompue par la dissolution et le Président de la République Emmanuel Macron souhaite absolument "aboutir", au point qu'il a menacé le 13 mai 2025 sur TF1 de recourir au référendum si cela s'enlisait au Parlement (ce serait une décision complètement déraisonnable et une telle pression sur les parlementaires me paraît du reste peu démocratique). Le Premier Ministre François Bayrou a toutefois voulu séparer les deux parties de la proposition en deux textes séparés, l'un sur les soins palliatifs et l'autre sur "l'aide à mourir", ce qui était très sage.

    Avant toute chose, définissons mieux le sujet. "L'aide à mourir" (ou "l'aide active à mourir") n'est qu'une expression qui n'ose pas dire "euthanasie" et "suicide assisté". Malheureusement, aucun humain n'a besoin d'aide pour mourir, il meurt tout seul et bien trop vite. S'il a besoin d'aide, c'est pour vivre, c'est pour vivre bien ce qui lui reste à vivre, mais certainement pas pour mourir, et contrairement au vrai mot, on ne meurt jamais "bien", il n'y a pas de "bonne" mort, c'est toujours un mauvais moment à passer, dont certains voudraient ne pas avoir conscience.


    Je vais redéfinir les termes, mais avant, comme ce sujet m'est important, comme il devrait l'être à tout humain, et que je me suis déjà très longuement exprimé sur les sujets depuis des années, et le fait même de préciser "euthanasie" me place dans un "camp", disons-le très net, je suis absolument opposé à toute législation sur l'euthanasie et le suicide assisté. Notez bien que je n'ai pas dit que j'étais forcément opposé à l'euthanasie et au suicide assisté, mais je suis résolument opposé à toute inscription de ces actes dans la loi qui est une généralité alors que ces actes sont exceptionnels et toujours singuliers. Hypocritement, d'ailleurs, les partisans de l'euthanasie disent qu'une loi permettrait de mieux l'encadrer, mais ce n'est pas une loi qui peut encadrer autant de cas exceptionnels que d'humains en partance. Celui qui, aujourd'hui, encadre ces actes qui ont lieu malgré la non-législation, c'est le juge, et le juge, par définition, est sage car il repose son jugement sur, d'une part, la loi, effectivement, mais aussi sur la situation particulière, donnée, singulière, qui est en cause.

    Je vais donc employer le mot "euthanasie" pour évoquer deux stades : le "suicide assisté" et "l'euthanasie active". Certes, ce sont deux actes très différents, mais en réalité, la conclusion est la même et les acteurs presque les mêmes. Dans le premier cas, un tiers (a priori qui s'y connaît en substance létale) fournit au dit patient une substance létale et c'est le patient qui se l'injecte, et dans le second cas, un autre (ou le même) l'injecte à la place du patient, parce qu'il ne peut pas le faire lui-même.

    Je pourrais reprendre le cadre de la psychanalyste Feroudja Hocini sur "l'aide à mourir". Il y a cinq stades bien définis, en "crescendo" : le premier, c'est de soigner la pathologie insoignable jusqu'à la fin ; le deuxième est l'arrêt de soins car c'est insoignable ; le troisième est l'injection d'une substance qui permette de réduire voire supprimer la douleur, avec la possibilité que cette substance précipite la mort sans intention de la donner ; le quatrième est le suicide assisté ; le cinquième est l'euthanasie active.
     

     
     


    Il y a une rupture anthropologique entre le troisième et le quatrième stade, car dans les deux derniers stades, il y a clairement intention de donner la mort, ce qui est la transgression d'un principe absolu. Dans le troisième stade, qui est l'application de la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, le patient en fin de vie peut demander une sédation profonde et continue jusqu'au décès. Cette sédation a pour but de réduire les souffrances, pas de donner la mort. L'intentionnalité est un élément majeur dans un jugement, c'est notamment le cas pour séparer l'homicide involontaire par négligence (accident avec responsabilité), par exemple, de l'assassinat où le fait de tuer était volontaire et préparé d'avance (prémédité).

    Dans la sédation profonde et continue, le fait de ne plus se nourrir ou de ne plus s'hydrater n'a pas beaucoup d'importance puisque le patient ne souffre pas (insistons sur cela). Parler alors d'hypocrisie pour exiger l'euthanasie active est une véritable escroquerie intellectuelle car l'hypocrisie, c'est surtout de ne pas distinguer l'intention de tuer et l'intention de soulager la douleur. Quant à la famille qui voit son proche mourir, que ce soit avec ou sans aide médicale (avec ou sans sédation), ce sera toujours un calvaire psychologique (bien sûr). Que la loi se garde bien d'être rédigée pour les proches, c'est pour le patient qu'elle doit l'être. Il y a des proches qui peuvent avoir quelques intérêts particuliers à voir "accélérer" les procédures, la loi ne doit donc pas être basée sur eux mais sur le seul intérêt du patient.


    Donc, dans ce qui suit, et, dans cet article, sans reprendre le texte de la proposition de loi (ce sera l'objet d'un article ultérieur), je parlerai d'euthanasie pour évoquer l'ensemble suicide assisté et euthanasie active.

    C'est un sujet qui peut cliver car il prend les personnes en pleine conscience de leur conception de la vie, de la mort et aussi, on oublie un peu trop vite, de la société des hommes. L'euthanasie est revendiquée en tant qu'un droit, ou une liberté. C'est par excellence le triomphe de l'individu sur le collectif. En quelque sorte, c'est le triomphe de l'ultralibéralisme extrême qui fait passer exclusivement la liberté d'une personne sur les conséquences collectives que cela peut entraîner.

    Un sujet clivant mais qui peut rassembler tout de même autour de quelques principes.

    Le premier principe est le refus de la souffrance. Tout doit être fait pour soulager la douleur du patient. Ce principe est déjà dans la loi, chacun a le droit de voir sa souffrance soulager. La loi du 4 mars 2002 permet le refus de soins selon la volonté du patient. Dès lors, il n'y a plus de possibilité d'acharnement thérapeutique dans la loi. Dans la pratique, cela peut évidemment être différent. Mais l'argument de l'acharnement thérapeutique n'est plus valable depuis une vingtaine d'années. Et c'est heureux : l'idée n'est pas de poursuivre coûte que coûte de prolonger la vie, comme, à mon sens, l'idée n'est pas d'abréger la vie, mais l'idée, l'obsession même, c'est de lutter contre la douleur, contre les souffrances. Je reste dans le général car dans le détail, il faut bien sûr définir exactement chaque terme.
     

     
     


    Le deuxième principe qu'on peut se donner dans un débat sur la question, c'est de ne pas mettre en avant, pour approuver ou s'opposer, ses convictions religieuses. Certes, les convictions religieuses ou leur absence peuvent être des éléments importants d'appréhension d'une question, mais ici, le débat est encore plus universel que la religion (même si certaines se prétendent à juste titre universelles). Il s'agit avant tout d'avoir le regard d'un être humain. Et l'éthique, comme la morale, est civile, elle peut avoir été façonnée par la religion, mais elle est acceptée, elle doit être acceptée bien au-delà du cadre religieux. Ainsi, le code pénal s'est inspiré du Dix Commandements. L'absolu "tu ne tueras point" est l'une des bases de toute société.

    Le troisième principe, toujours sur le débat, c'est le respect de toutes les opinions, car un sujet comme la fin de vie n'a pas une solution vraie et des solutions fausses. Le débat doit donc être serein, sans anathème, de part et d'autres. Il me semble qu'à ce stade, à l'Assemblée, c'est le cas.

    Toutefois, je trouve que le sujet a été très mal amené par les médias, les politiques, la société en général. Déjà par le vocabulaire. Il y a deux choses qui me désolent beaucoup dans ce débat public.

    Le premier point concerne la dignité. Une association qui milite pour l'euthanasie en a même fait son nom de baptême : elle réclame le droit de mourir dans la dignité. Pour moi, c'est une horreur, cela signifierait que des personnes auraient perdu leur dignité du fait de leur état de santé, de leur situation de handicap, de faiblesse. Non ! La dignité est intrinsèque à l'humain. Nous tous, aussi diminués que nous soyons, restons dignes, dignes de vivre comme dignes de mourir, ou plutôt, dignes de mourir avec dignité. La dignité ne se perd pas avec son état de santé.

    Le second point est le supposé progrès sociétal, la supposée avancée sociétale que constituerait l'euthanasie. Eh bien non, je ne considère pas que tout ce qui est nouveau soit une avancée. C'est parfois une régression. Transgresser l'interdiction de tuer est pour moi un retour en arrière monstrueux. Mais cependant, je peux l'entendre et comprendre que sincèrement, certains croient à un tel progrès, parce qu'ils auraient gagné une liberté en plus, un droit en plus, de manière strictement individuelle (qui ne devrait pas gêner les autres, c'est ce côté-là qui me gêne, car c'est une erreur de dire cela, j'y reviendrai plus loin). Il faut même l'entendre comme une stratégie mûrement réfléchie des promoteurs de l'euthanasie. Que disent-ils aujourd'hui ? Ils souhaitent que la loi définisse le plus de restrictions possible, dans les conditions d'application, etc. car leur objectif est qu'une loi sur l'euthanasie soit adoptée, quelle qu'elle soit. Car ils savent bien que dans un deuxième temps, une fois le pied dans la porte, on pourra toujours réviser la loi et assouplir ces conditions. Cela s'est passé dans tous les pays qui ont légiféré et par conséquent, l'argument selon lequel l'euthanasie sera appliquée dans un cadre très strict et rigoureux est purement du pipeau. Ce sera assoupli dès la prochaine occasion.

    J'en viens aux arguments, maintenant.

    La question est de lutter contre la souffrance, pas en tuant celui qui souffre mais en tuant la souffrance. Pour 99% des cas, la médecine est capable de le faire. Il faut donc s'appesantir à généraliser les soins palliatifs, qui sont un droit de chaque patient. Pour le 1% restant (je donne une proportion estimée seulement), le patient peut être réfractaire aux traitements de la souffrance. Il se peut qu'il souhaite tout arrêter. La sédation profonde et continue peut alors être la solution. Elle est possible, mais il faut appliquer la loi déjà existante. Et ce n'est pas une hypocrisie, je le répète. Cette loi était consensuelle, c'est-à-dire qu'elle a su rassembler la quasi-totalité de la classe politique en 2016, parce qu'elle a été rédigée avec une extrême prudence dans un climat constructif et serein.

    En quoi le principe de l'euthanasie serait une catastrophe collective ?

    Comme je l'ai signalé plus haut, les conditions d'application d'une telle loi évolueraient vers un assouplissement continu et ferait passer d'une exception vers une généralisation, vers un élargissement des possibilités d'application. L'une des meilleures preuves est l'extension en Belgique de son application : aux enfants (sans condition d'âge) et à ceux qui souffrent de pathologies psychologiques ou mentales. En d'autre terme, on a déjà euthanasié en Belgique des personnes en dépression. Or, la dépression conduit le patient à des envies suicidaires. La loi doit au contraire prévenir ces suicides et pas les encourager.
     

     
     


    Plus généralement, les conditions de la volonté d'euthanasie seraient mises à rude épreuve et la protection des plus faibles, des plus vulnérables serait mise à mal par une telle loi. Comment empêcherait-on alors des héritiers d'accélérer le processus ? Ou même comment empêcher la pression sociale qui deviendrait de plus en plus forte sur une personne âgée qui se sentirait de plus en plus inutile et qui se verrait un poids pour ses enfants alors qu'elle mérite toute sa place dans la société et que personne n'y est inutile ? Et les personnes vulnérables sont nombreuses : les personnes malades, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, et on pourrait même poursuivre la liste selon une supposée utilité sociale, dans un cadre tout à fait naturel mais odieux d'eugénisme.

    Reparlons de dignité. Si la solution à une pathologie, à une situation extrême, devenait l'euthanasie, comme pourraient réagir tous les aidants, les proches, les soignants (ils sont plusieurs millions) qui se battent chaque jour, parfois chaque minute à accompagner une personne en perte d'autonomie ? Cela réduirait le sens même de leur action, cela pourrait les décourager alors que ce qui compte, avant tout, c'est cet accompagnement humain.
     

     
     


    Et puis, il y a aussi l'intérêt économique de la société. J'ai lu que les coûts les plus élevés de la sécurité sociale, sont dépensés les six derniers mois d'une vie. Il suffirait d'euthanasier une personne six mois avant sa mort naturelle pour réduire drastiquement les dépenses sociales. Bien sûr, ne connaissant pas la date de la mort naturelle, on se garderait bien de défier ainsi la mort, mais il ne faut pas nier la pression qui serait de plus en plus forte pour réduire les dépenses de santé en encourageant l'euthanasie. Aujourd'hui, on dit à grands cris qu'il n'en est pas question : dans cinq ans, dans dix ans, qu'en sera-t-il ? "Soleil vert", pour les amateurs de vieux films (qui a assez mal vieilli).

    Enfin, il y aurait une conséquence collective très importante si l'euthanasie devenait une pratique comme une autre. J'évoquais le faux argument du progrès social. Ce serait même le contraire : dans ce cas, il n'y aurait plus de progrès médical. Car si les patients étaient euthanasiés avant même qu'on tente de les guérir, il n'y aurait plus de progrès médical possible. Car une pathologie inguérissable se définit dans le temps et lorsqu'on voit les progrès de la médecine depuis les vingt dernières années, on a de quoi être optimiste. On a augmenté le pourcentage de guérison de plusieurs cancers qui ne sont plus systématiquement des synonymes de mort assurée comme auparavant (hélas, ce n'est pas le cas pour tous les cancers). La mort prématurée des patients empêcheraient toute possibilité d'innovation dans leurs traitements médicaux.


    Donc, je résume ma réflexion générale ainsi. Premièrement, tout doit être focalisé sur le traitement de la souffrance, par quelque moyen que ce soit. Deuxièmement, il existe une solution ultime pour tous les réfractaires à la douleur, l'application de la loi Claeys-Leonetti. Troisièmement, un droit individuel pourrait avoir des répercussions désastreuses, à moyen terme, sur les personnes les plus vulnérables. Quatrièmement, loin d'être une avancée sociétale, ce serait une régression dans la recherche de nouveaux traitements. Parce que ce serait beaucoup moins cher d'encourager l'euthanasie que de poursuivre des recherches médicales très poussées et donc très coûteuses. Enfin, cinquièmement, la transgression inscrite dans la loi de l'interdiction de tuer aurait nécessairement des conséquences graves et irréversibles, de type eugénique, dans une société de plus en plus individualiste.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?
    Euthanasie 2024 (3) : les ultras dicteront-ils leur loi au gouvernement ?
    Euthanasie : Robert Badinter, Ana Estrada et l'exemple péruvien ?
    Euthanasie 2024 (2) : le projet Vautrin adopté au conseil des ministres du 10 avril 2024.
    Euthanasie 2024 (1) : l'agenda désolant du Président Macron.
    Robert Badinter sur l'euthanasie.
    Le pape François sur l'euthanasie.
    Fin de vie 2023 (4) : la mystification d'un supposé "modèle français" de la fin de vie.
    Discours du Président Emmanuel Macron recevant la Convention citoyenne sur la fin de vie le 3 avril 2023 à l'Élysée (texte intégral).
    Communiqué de l'Ordre des médecins sur la fin de vie publié le 1er avril 2023 (texte intégral).
    Avis n°139 du CCNE sur les questions éthiques relatives aux situations de fin de vie publié le 13 septembre 2022 (à télécharger).
    Rapport n°1021 de la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti publié par l'Assemblée Nationale le 29 mars 2023 (à télécharger).
    Rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie publié le 2 avril 2023 (à télécharger).
    Fin de vie 2023 (3) : conclusions sans surprise de la Convention citoyenne.
    Fin de vie 2023 (2) : méthodologie douteuse.
    Fin de vie 2023 (1) : attention danger !
    Le drame de la famille Adams.
    Prémonitions (Solace).
    Vincent Lambert.
    Axel Kahn : chronique d’une mort annoncée.
    Euthanasie : soigner ou achever ?
    Le réveil de conscience est possible !
    Soins palliatifs.
    Le congé de proche aidant.
    Stephen Hawking et la dépendance.
    La dignité et le handicap.
    Euthanasie ou sédation ?
    La leçon du procès Bonnemaison.
    Les sondages sur la fin de vie.
    Les expériences de l’étranger.
    La politisation du CCNE (16 décembre 2013).
    Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Figaro" du 5 avril 2021.
    Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Monde" du 12 juillet 2019.
    Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
    Réglementation sur la procédure collégiale (décret n°2016-1066 du 3 août 2016).
    La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
    La loi Leonetti du 22 avril 2005.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250520-euthanasie-2025a.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-1-quelle-societe-260439

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/20/article-sr-20250520-euthanasie-2025a.html


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  • Congrès du PS : le choc de complexité !

    « Nous nous sommes positionnés comme une opposition "utile", visant à arracher aux gouvernements des avancées concrètes pour nos concitoyennes et concitoyens, tout en dénonçant les mesures que nous jugions injustes ou dangereuses, susceptibles de faire le lit de l’extrême droite que nous n’avons jamais cessé de combattre, en France, en Europe et dans le monde. » (Corinne Narassiguin, rapport d'activité du PS 2023-2025).




     

     
     


    Après Les Républicains, le Parti socialiste est en congrès pour ce printemps 2025. Comme pour LR, ce 81e congrès des socialistes est crucial, le dernier avant l'élection présidentielle de 2027. Les deux anciens partis hégémoniques de gouvernement, réduits à la taille de puces, comptent profiter de l'après-Emmanuel Macron pour tenter de redevenir hégémoniques. Il y a entre-temps les élections municipales de mars 2026 pour lesquelles LR et le PS sont actuellement en bonne posture, mais la recomposition du paysage politique en trois grands blocs, le bloc central et réaliste, et deux blocs populistes, un de droite et un de gauche, empêchera sans doute le retour au clivage traditionnel LR vs PS.

    J'avais évoqué il y a deux mois le congrès de Rennes en 1990, mémorable dans les esprits socialistes et considéré comme l'explosion de l'influence de François Mitterrand. Était-ce le congrès socialistes le plus divisé ? Peut-être pas. Le congrès de Reims en 2008 n'était pas mal non plus comme significatif en divisions. Celui de Marseille en 2023 a marqué des divisions profondes. Et peut-être aussi celui-ci, le congrès qui se déroulera à Nancy du 13 au 15 juin 2025. Triste choix alors que, historiquement, Nancy n'a jamais été socialiste, sauf en 2020 à la faveur d'une abstention massive due au covid (les personnes âgées préférant rester chez elles). En tant que Nancéien de naissance, j'espère que ce congrès ne laissera aucun souvenir, aucune postérité, afin de ne pas associer cette extrêmement belle ville à ce piteux parti politique.

    Ce sera probablement le cas, ne serait-ce que lorsqu'on regarde les protagonistes et leur stature. En 1990, on avait des combats d'éléphants de premier choix avec les Michel Rocard, Lionel Jospin, Laurent Fabius, Pierre Mauroy, Jean-Pierre Chevènement, Louis Mermaz, Pierre Joxe, Jacques Delors, Pierre Bérégovoy, Jean Poperen, Jean-Luc Mélenchon (oui oui), etc. En 2008, on avait encore des éléphants de seconde zone : François Hollande, Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Bertrand Delanoë, Ségolène Royal, Benoît Hamon, etc. Aujourd'hui, en 2025, le combat de coqs (plus que d'éléphants) se résumera à une rivalité (déjà ancienne) entre Olivier Faure, l'actuel premier secrétaire du PS, et Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen qui était déjà près de prendre la place du précédent au précédent congrès, celui de Marseille en janvier 2023.

    Si on regarde de près les conditions de ce congrès du PS, on se dit que décidément, il ne faut pas attendre de ce parti un choc de simplification, la fin de l'ultranormisation, ni la fin de l'ultraformalisation de la société. J'en veux pour preuve ce parcours du combattant : le militant de base qui veut voter avec discernement et en toute connaissance de cause devra avant tout se farcir le rapport d'activité du PS pour la période 2023-2025 (soit 54 pages), plus le livret des six "contributions générales" (soit 100 pages), plus le livret des trois "textes d'orientation" (soit 83 pages)... on en est déjà, sur le compteur, à 237 pages, et je n'ai pas compté les "contributions thématiques" (il y en a beaucoup !) qui, insiste beaucoup le site officiel du PS, « n'engagent que leurs auteurs et ne sont pas des positions officielles du parti socialiste » ! Et je n'ai pas précisé que ces textes lourdingues ont été mâtinés d'exécrable écriture inclusive.

     

     
     


    Reprenons d'abord le calendrier, lui-même déjà compliqué.

    D'abord, les "contributions générales" : le 5 avril 2025 a eu lieu le conseil national de dépôt des "contributions générales". Mais on pourrait d'abord se demander : qu'est-ce que c'est, une "contribution générale" ? À cela, je répondrais que c'est une bonne question... et aussi que c'est un texte rempli de blabla (car on blablate beaucoup chez les socialistes) qui est présenté d'abord par un ambitieux et ses copains, l'ambitieux souhaitant être calife à la place du calife (c'est-à-dire être premier secrétaire du PS), à moins qu'il ne soit le calife lui-même, auquel cas il souhaiterait alors le rester (et ses copains aussi).

    En tout, six "contributions générales" ont été déposées. Pour qu'elles soient validées, il faut qu'elles aient obtenu au moins 15 parrainages de membres du conseil national. Pas facile si l'on en juge par les chiffres. J'avais envisagé de nommer les contributions par leur titre déclaré (comme "Le cœur de la gauche" ou "Pour gagner, un grand PS et une nouvelle alliance, Debout les socialistes"... et puis je me suis dit que cela allait compliquer encore les choses (rappelez-vous, pour les assesseurs, l'horrible dépouillement des élections européennes du 9 juin 2024, où il y avait 38 listes, dont le titre n'avait pas grand-chose à voir avec le nom de la tête de liste).

    Ainsi, il y a, dans l'ordre décroissant de parrainages, la contribution d'Olivier Faure (119 parrainages), la contribution de Nicolas Mayer-Rossignol (72), la contribution d'Hélène Geoffroy (42), celle de Boris Vallaud (27), de Philippe Brun et Jérôme Guedj (15 juste) et celle du député socialiste Paul Christophle (15 aussi).

    Ensuite, parlons des "textes d'orientation" : le 26 avril 2025 a eu lieu le "conseil national de synthèse" où sont déposés les "textes d'orientation". Alors, qu'est-ce qu'un "texte d'orientation" ? Bonne question, etc. Un "texte d'orientation", c'est un texte contributif dont le "premier signataire" (c'est une fonction maintenant) est d'office candidat au poste de premier secrétaire du PS. Ou presque ! En gros, vous prenez les "contributions générales", vous les mettez dans un mixeur appelé "synthèse", et il en ressort des "textes d'orientation", et si le mixeur est efficace, il y en a moins que de "contributions générales", c'est-à-dire que plusieurs contributions ont fusionné parfois en un seul texte. Le "premier signataire" est évidemment un ambitieux soutenu par ses copains. Pour que ce soit validé comme un "texte d'orientation", il faut qu'il soit approuvé par au moins 30 parrains.

    De ce "conseil national de synthèse" sont donc ressortis, en tout, trois "textes d'orientation" (on appelait cela "motions" dans les belles heures des congrès du PS) : le texte A d'Olivier Faure (145 parrainages), le texte C de Nicolas Mayer-Rossignol (126 parrainages) et le texte B de Boris Vallaud (30 parrainages).

    D'un point de vue politique, ou plutôt, politicien car j'ai renoncé à tenter d'y voir un sens politique autrement que des copineries d'appareil et de la cuisine électorale interne, Olivier Faure a reçu le soutien de Paul Christophle et Nicolas Mayer-Rossignol ceux d'Hélène Geoffroy (comme au congrès de Marseille en janvier 2023) et de Philippe Brun et Jérôme Guedj.

    Pourquoi ai-je parlé de copineries d'appareil plutôt que de ligne politique claire ? Parce que par exemple, Nicolas Mayer-Rossignol serait plus au centre gauche qu'Olivier Faure, avec Hélène Geoffroy qui se revendique sociale-démocrate, mais Philippe Brun et Jérôme Guedj se revendiquent plutôt de l'aile gauche du PS, plus à gauche qu'Olivier Faure. Pour l'anecdote, Jérôme Guedj, qui a toujours été opposé à l'alliance avec l'insoumis Jean-Luc Mélenchon, était un bébé Mélenchon dans sa circonscription de Massy, dans l'Essonne, fief du grand gourou insoumis à l'époque où il n'était qu'un simple apparatchik du PS.

    Ce qui compte, donc, ce sont les signatures. Pour Boris Vallaud, le président du groupe PS depuis juin 2022, sa position d'outsider est très nette et sa démarche très personnelle. Il est soutenu par sa compagne ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem, Alain Rousset, Alain Vidalies, Christian Eckert, François Lamy, etc.

    Nicolas Mayer-Rossignol, lui, est soutenu par Hélène Geoffroy, Philippe Brun, Jérôme Guedj, Carole Delga, Karim Bouamrane, Lamia El Aaraje, Anne Hidalgo, Stéphane Le Foll, Rachid Temal, Laurence Rossignol, Jean-Christophe Cambadélis, David Assouline, François Bonneau, Philippe Doucet, François Kalfon, Dominique Potier, Colette Capdevielle ("inquisitrice" contre François Bayrou à la commission Bétharram), Marie-Guite Dufay, Mickaël Delafosse, Jean-Marc Germain, Marie-Arlette Carlotti, Patrick Kanner, Valérie Rabault, Rémi Feraud, Marie-Pierre de La Gontrie, etc. Parmi ses 5 000 signataires, on lit des doublons, par exemple, Nicolas Morvan et Angèle Louviers sont cités deux fois dans la liste, je ne sais pas s'ils sont comptés double (j'ai renoncé à aller trop loin, il ne faut pas exagérer !).

    Enfin, le chef actuel des socialistes au charisme fou, Olivier Faure, est soutenu par Martine Aubry, Jean-Marc Ayrault, Johanna Rolland, Guillaume Garot, Emma Rafowicz, Paul Christophle, Laurent Baumel, Luc Carvounas, Chloé Ridel, Ericka Bareigts, etc. Suit une liste de 2 500 noms.

    Il faut noter que les trois grosses têtes du PS actuel, à savoir Olivier Faure (premier secrétaire du PS), Boris Vallaud (président du groupe PS à l'Assemblée) et Patrick Kanner (président du groupe PS au Sénat) sont dans trois listes différentes. Ce qui montre un attelage politique très hétérogène.

     

     
     


    L'échéance suivante a lieu ce mardi 27 mai 2025. À cette date, justement, il y a le vote des adhérents du PS pour l'un des trois "textes d'orientation". On pourrait croire que c'est un vote programmatique, basé sur des lignes de fond, mais non. C'est un vote pour une personnalité, pour le prochain dirigeant du PS. Car la règle veut que les "premiers signataires" des deux "textes d'orientation" qui ont obtenu le plus de votes seront candidats au poste de premier secrétaire du PS.

    À cette occasion, on pourra donc connaître le nombre exact d'adhérents inscrits participant à ce scrutin ainsi que le nombre exact de vrais adhérents qui votent. Le congrès du PS est malencontreusement arrivé après celui de LR, si bien que la barre est haute pour dire que ce serait un succès : chez LR, il y a eu près de 100 000 votants (exactement 98 110), ce qui est très fort pour un parti (il y a un mois, les écologistes n'avaient eu que 6 702 votants !).

    Ce vote, qui aura lieu la semaine prochaine, est donc crucial. Ensuite, le jeudi 5 juin 2025 aura lieu à proprement parler l'élection du premier secrétaire du PS. L'enjeu est important sur l'avenir du gouvernement et surtout, l'avenir de la législature actuelle puisque le Président de la République reprend son droit à dissoudre à partir du 9 juin 2025. Enfin, le congrès aura lieu dix jours plus tard, du 13 au 15 juin 2025 à Nancy. Tout aura été déjà décidé par les adhérents... ou pas, car on a vu des congrès qui n'étaient pas très fixés par le vote des militants (Rennes en 1990, Reims en 2008 et aussi Marseille en 2023 !).

     

     
     


    Un petit mot pour le sortant, Olivier Faure, dont on a reproché la décision de dissoudre le gouvernement de Michel Barnier en mélangeant les voix socialistes avec celles des insoumis et surtout, celles du RN. Ensuite, on lui a reproché exactement le contraire quand il a refusé de censurer le gouvernement de François Bayrou avec l'argument développé par Corinne Narassiguin, la secrétaire nationale chargée de la coordination et des moyens du parti, mis au début de cet article.

    Le poste de premier secrétaire du PS est nationalement important. Si tous les premiers secrétaires n'ont pas été Présidents de la République, les rares Présidents de la République socialistes ont été tous premiers secrétaires, à savoir François Mitterrand et François Hollande (j'aurais pu aussi dire qu'ils avaient ce même prénom François mais on ne m'aurait pas cru !).


    Olivier Faure est premier secrétaire du PS depuis le 7 avril 2018, soit plus de sept années, ce qui commence à devenir important. Il a été élu le 29 mars 2018, et réélu les 18 septembre 2021 et 19 janvier 2023. Une réélection le 5 juin 2025 le placerait dans les historiques du parti socialiste (chef du PS jusqu'en 2028). Celui qui a été le premier secrétaire le plus long est François Hollande du 27 novembre 1997 au 26 novembre 2008 (11 ans). Il est suivi de François Mitterrand du 16 juin 1971 au 24 janvier 1981 (9 ans et 7 mois) et de Lionel Jospin du 24 janvier 1981 au 14 mai 1988 puis du 14 octobre 1995 au 2 juin 1997 (8 ans et 11 mois). Ces trois socialistes ont été les seuls, je souligne, les seuls dirigeants socialistes français à avoir eu le pouvoir par leur propre conquête électorale, le dernier, Lionel Jospin, en tant que Premier Ministre de cohabitation.

    On mesure ainsi l'importance politique d'Olivier Faure... ou le niveau de décrépitude dans lequel est tombé le parti socialiste ! Il jouit ainsi de ce paradigme du sortant qui lui donne plus de stature nationale que tout autre concurrent actuellement. D'ailleurs, c'est bien dans le texte d'Olivier Faure qu'on y trouve cette lignée en y ajoutant bien sûr Léon Blum, mais en oubliant Guy Mollet, l'indéboulonnable secrétaire général de la SFIO sous la Quatrième République : « Nous devons retrouver celles et ceux pour qui nous nous battons. Celles et ceux qui pâtiront les premiers d'une politique d'extrême droite, enfermée dans une logique nationaliste, individualiste et capitaliste qui n'a jamais nourri que le conflit et la guerre. La gauche est toujours arrivée au pouvoir à la faveur d'une alliance de classes, avec l'émancipation des travailleurs au cœur de son projet. C'était le cas du temps de Léon Blum, comme de François Mitterrand, Lionel Jospin et François Hollande. ».

    Et justement, parlons de ce dernier pour terminer. François Hollande est le seul cité encore en service, élu député en juillet 2024. Et qui soutient-il ? Prudemment, personne. Cet adepte de la synthèse intégrale a préféré voir venir, se disant qu'il est le seul capable de concourir avec le blason socialiste en 2027. Rappelons qu'il aura alors presque 73 ans. Et Olivier Faure presque 59 ans.



    Aussi sur le blog.
    Sylvain Rakotoarison (20 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Congrès du PS : le choc de complexité !
    Robert Badinter.
    Congrès du PS à Rennes : l'explosion de la Mitterrandie.
    La préparation du congrès de Rennes (27 janvier 1990).
    Histoire du PS.
    Manuel Valls.
    Martine Aubry.
    Hubert Védrine.
    Julien Dray.
    Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    Lionel Jospin.
    Claude Allègre.
    François Mitterrand.
    Jacques Delors.
    Mazarine Pingeot.
    Richard Ferrand.
    Didier Guillaume.

    Pierre Joxe.
    André Chandernagor.
    Didier Migaud.
    Pierre Moscovici.

    La bataille de l'école libre en 1984.
    Bernard Kouchner.
    Hubert Curien.
    Alain Bombard.
    Danielle Mitterrand.
    Olivier Faure.
    Lucie Castets.

    Bernard Cazeneuve
    Gabriel Attal.
    Élisabeth Borne.
    Agnès Pannier-Runacher.
    Sacha Houlié.
    Louis Mermaz.
    L'élection du croque-mort.
    La mort du parti socialiste ?
    Le fiasco de la candidate socialiste.
    Le socialisme à Dunkerque.
    Le PS à la Cour des Comptes.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250520-congres-ps.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/congres-du-ps-le-choc-de-260727

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/20/article-sr-20250520-congres-ps.html



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  • Pol Pot, l'incarnation de la cruauté

    « Pour moi, Pol Pot est synonyme de Hitler, synonyme de Staline, synonyme de Mao, synonyme de Bokassa, synonyme d’Amin Dada, synonyme de Pinochet. En fait, la liste serait certainement plus longue, mais c’étaient les noms qui revenaient régulièrement dans les années 1970. » (mon article d'août 2011).



     

     
     


    Le cruel dictateur khmer rouge Pol Pot (de son vrai nom Saloth Sâr) serait né il y a cent ans, le 19 mai 1925. Je mets au conditionnel car la part de mystère de cet homme est relativement importante. J'ai eu la chance... ou plutôt la malchance, certainement, de rencontrer dès 1978 des réfugiés cambodgiens qui ont pu m'informer sur ce qui se passait, alors, dans leur pays.

    Le terme de génocide devrait être adopté, même si c'est surprenant que des membres du même peuple aient pu contribuer à son extermination. Toujours est-il qu'entre le 17 avril 1975, il y a cinquante ans, qui correspond à la chute de Phnom Penh vaincu par les troupes khmères rouges et le 7 janvier 1979, qui correspond à l'invasion des troupes vietnamiennes au Cambodge, c'est-à-dire la période où Pol Pot et les khmers rouges avaient un pouvoir absolu de terreur, on évalue à 1,7 million voire à 3 millions le nombre de victimes cambodgiennes de ces communistes, soit 21%, pour l'option la plus faible, de la population cambodgienne de l'époque. Si on devait résumer par une image les presque quatre ans de dictature communiste au Cambodge, c'est certainement celle du bas de cet article, ou une autre du même genre, à savoir un tas de crânes et d'os, ceux des victimes irréversibles de Pol Pot.

    Ce qui est étonnant est l'histoire de cet homme. La politique cambodgienne intérieure est certes assez compliquée à comprendre. Pol Pot faisait partie d'une certaine élite qui a eu le privilège de faire ses études en France. Il est arrivé à Paris en octobre 1949, soit à peu près au même moment que Mao Tsé-Toung a pris le pouvoir en Chine. Le futur dictateur a fréquenté une école d'ingénieur parisienne (celle de radioélectricité) de 1949 à 1953. Il en est sorti sans diplôme.

    En 1952, le roi Norodom Sihanouk, mis en place par la France, refusait de mettre au pouvoir les démocrates vainqueurs des élections du 9 septembre 1951 et voulait gouverner seul. L'étudiant Pol Pot (j'écris Pol Pot mais il n'a pris ce nom qu'en 1975, c'est plus simple de garder le même nom) se trouvait alors résolument dans l'opposition et osa écrire (c'est terrifiant d'imaginer la suite) : « La démocratie est un régime auquel aspirent aujourd’hui tous les peuples du monde ; elle est aussi précieuse qu’un diamant et ne peut être comparée à aucun autre gouvernement. ». Cela dit, les démocrates étant de moins en moins influents, Pol Pot et ses camarades se sont rapprochés des communistes, au point que Jacques Duclos est devenu son parrain et Jacques Vergès son ami.

    De retour au Cambodge en 1953 (sans diplôme), Pol Pot s'intégra dans les cercles communistes, renforçant son opposition lors du départ précipité des Français en 1954, laissant Norodom Sihanouk roi du Cambodge (nommé le 25 avril 1941). Les relations entre Norodom Sihanouk et les khmers rouges furent d'ailleurs particulièrement compliquées, car s'ils se sont très opposés, ils ont su, parfois, être des alliés contre un ennemi commun (vietnamien). L'histoire du Cambodge d'après-guerre est elle-même compliquée avec une succession de gouvernements et de régimes assez bizarres (par exemple, Norodom Sihanouk fut un moment chef de l'État sans être roi mais dans une monarchie !).

     

     
     


    À partir du 22 février 1963, Pol Pot a conquis la tête du parti communiste du Kampuchéa, autrement dit, les khmers rouges (il le resta longtemps). Il batailla contre le pouvoir en place. En 1967 s'est engagée une guerre civile entre, d'une part, les khmers rouges et les nord-vietnamiens, d'autre part, le Royaume du Cambodge et les sud-vietnamiens, puis la République (régime pro-américain). Le principal ennemi de Pol Pot fut le maréchal Lon Nol, Premier Ministre cambodgien du 14 août 1960 au 11 mars 1971 puis Président de la République cambodgienne du 10 mars 1972 au 1er avril 1975. Parmi les grands alliés de Pol Pot, il y avait bien sûr Mao dont il appliqua les concepts lorsqu'il a conquis le pouvoir.

    Lon Nol a fui son pays peu avant l'arrivée des khmers rouges à Phnom Penh le 17 avril 1975. À partir de cette date, une dictature communiste de type chinoise, sans pitié, s'est mise en place, même si dans les premiers temps, ils étaient arrivés en libérateurs pour le peuple. L'objectif de Pol Pot qui contrôlait tous les pouvoirs et qui était formellement le Premier Ministre du 14 avril 1976 au 27 septembre 1976 puis du 25 octobre 1976 au 7 janvier 1979 (en automne 1976, il fut remplacé par Nuon Chea en raison d'un éloignement pour raison de santé), c'était d'éliminer tous ses ennemis politiques (ou supposés ennemis), à l'aide d'un prétexte d'antiaméricanisme. La capitale fut vidée de ses 2 millions d'habitants envoyés aux champs comme en Chine quelques années auparavant. Les intellectuels, les habitants des villes, furent pourchassés par les khmers rouges. Emprisonnements, tortures, exécutions furent nombreux. Toute idée d'Occident fut détruite : monuments, religions, modes de vie, etc.

    Pol Pot était alors un dictateur mystérieux, inexistant sur le plan diplomatique, absent sur le plan intérieur. Comme tout dictateur communiste (il a bien appris de Staline et Mao), Pol Pot a multiplié les purges au sein de son propre parti communiste. Quelques relations officielles avec la Chine a montré l'importance de l'enseignement de Mao (disparu), en particulier le 18 janvier 1978 avec la visite officielle de Deng Yingchao, la veuve de Chou En-Lai, également Vice-Présidente du comité permanent de l'Assemblée nationale populaire de Chine de 1976 à 1983.
     

     
     


    Craignant pour ses frontières, le Vietnam a envahi le Cambodge jusqu'à renverser Pol Pot le 7 janvier 1979 et installer un nouveau régime pro-vietnamien. Après une période de gouvernements d'anciens khmers rouges, Hun Sen, pro-vietnamien et ancien khmer rouge, a pris la tête du gouvernement cambodgien du 14 janvier 1985 au 22 août 2023 puis l'a laissée à son fils Hun Manet encore en fonction (je résume très grossièrement car entre 1993 et 1998, il y a eu deux Premiers Ministres avec le retour du royaume).

    Quant à Pol Pot, il a fui la capitale pour se réfugier dans les maquis (dans la jungle). Le mystère s'est poursuivi avec cet homme-là puisqu'il aurait gardé une grande influence sur les rebelles. Il aurait démissionné du commandement des forces armées khmères rouges en 1985, cédant la place à Son Sen. Ses amis politiques l'ont destituésen juin 1997 et son rival Ta Mok, considéré comme encore plus cruel que Pol Pot, l'a fait arrêter en 1998 par les troupes cambodgiennes. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir commandité l'assassinat de Son Sen et de sa femme en juin 1997, Pol Pot est officiellement mort le 15 avril 1998 d'une crise cardiaque (donc à l'âge de 72 ans). Il souffrait aussi d'un cancer des ganglions et de la malaria. Incinéré très rapidement, son corps n'aura pas fait l'objet d'une autopsie. (Certains pensent que ce n'était pas Pol Pot et que ce dernier aurait passé des jours heureux en Thaïlande).

    Ce qui est terrible, c'est l'aveuglement idéologique des dictateurs communistes qui en sont venus à massacrer des millions de leurs contemporains. Pol Pot n'a jamais été jugé pour ses crimes pendant son gouvernement et la plupart de ses complices sont morts en cours de procès ou avant. Depuis une loi adoptée le 7 juin 2013 par le Parlement cambodgien, la mémoire des victimes est scrupuleusement respectée au point que tout individu qui minimise ou nie les crimes des khmers rouges est passible de deux ans de prison.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (17 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Pol Pot.
    Norodom Sihanouk.
    La loi sur les génocides.
    Le fabuleux festin de bébé.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250519-pol-pot.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/pol-pot-l-incarnation-de-la-260147

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/17/article-sr-20250519-pol-pot.html


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  • Bruno Retailleau largement élu président de LR ce dimanche 18 mai 2025

    « Aujourd’hui, alors que le pays se trouve dans une situation grave, la droite est de nouveau écoutée. Et c’est pourquoi demain, elle peut gagner. J’en suis profondément convaincu. Mais nous devons d’abord, et sans tarder, donner une incarnation à notre mouvement, pour lui donner un nouvel élan. » (Bruno Retailleau, le 2 avril 2025, profession de foi).


     

     
     


    Il est des congrès serrés, où les scores sont très rapprochés. Le congrès du parti Les Républicains de ce dimanche 18 mai 2025 n'aura pas du tout été serré : le Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a été véritablement plébiscité par les militants de LR pour devenir président de leur parti. Son unique concurrent, Laurent Wauquiez a subi une désastreuse défaite sur le plan personnel : sa personnalité, son insincérité, son cynisme ont agacé plus d'un des adhérents de LR, et cette fois-là, on peut le dire car les deux candidats prônaient à peu près le même fond idéologique de droite dite dure.

    Revenons aux données chiffrées. La rivalité entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau depuis février 2025 a redonné de la vitalité à ce parti moribond et peut-être que c'est cette nouvelle guerre des chefs qui a été très profitable, au contraire de ce qu'affirmaient les deux protagonistes. Seuls les adhérents de LR au 17 avril 2025 pouvaient voter, si bien qu'une vague d'adhésions, ou plutôt, de réadhésions d'anciens adhérents déçus, a submergé les fédérations. Je l'évoquais déjà le mois dernier.

    Il faut voir l'évolution : le nombre d'adhérents a triplé en deux mois ! C'est passé de 43 859 adhérents au 13 février 2025 à 121 617 au 17 avril 2025, ce qui est énorme.

     
     


    L'autre élément de vitalité, bien sûr, c'est la participation, mais il était prévisible que ceux qui ont adhéré entre février et avril 2025 allaient voter puisque c'était l'unique but de cette adhésion. Il fallait voter de manière électronique, c'est-à-dire sur Internet. 98 110 ont participé au vote, c'est-à-dire 80,7% de participation, ce qui est également énorme pour un parti politique (il suffit de regarder le futur congrès du parti socialiste). Ce sont des données officielles, mais généralement confirmées par des huissiers et autres contrôleurs car les candidats pensaient leur score très serré. Cette fois-ci, ce n'était pas le cas.
     

     
     


    En outre, il y a eu très peu de blancs et nuls, 374, ce qui signifie bien que l'enjeu était effectivement entre les deux candidats. Inutile de dire que le parti Les Républicains, héritier de l'UMP qui, elle-même, était censée être la fusion entre le RPR et l'UDF, n'est plus qu'un repaire d'ex-RPR aile dure. C'est certes difficile de dire cela car beaucoup d'adhérents LR n'étaient pas nés politiquement avant l'UMP, mais il paraît certain qu'il n'existe plus aucun centriste dans ce parti qui devait pourtant rassembler la droite et le centre à l'initiative du Président Jacques Chirac en 2002.
     

     
     


    Cela ne me fait donc pas déplaisir de constater que François Bayrou avait évidemment raison en 2002 lorsqu'il avait refusé de rejoindre l'UMP, étant persuadé que la volaille centriste allait se faire plumer par l'aile la plus dure du RPR. Ce qui est amusant aujourd'hui, c'est que c'est François Bayrou qui est au pouvoir, à Matignon, et que toute l'argumentation de Laurent Wauquiez était basée sur l'indépendance de LR vis-à-vis de François Bayrou et Emmanuel Macron.
     

     
     


    Mais cela ne lui a pas suffi à reprendre l'avantage. Et de loin. À l'origine, Laurent Wauquiez était le favori, et pensait même que son élection à la présidence de LR serait une formalité. Après tout, il avait déjà été président de LR, élu par les militants, du 10 décembre 2017 au 2 juin 2019. L'échec de LR aux européennes de 2019 a été fatal à Laurent Wauquiez, si bien qu'il s'est replié dans sa présidence du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes qu'il occupait depuis le 4 janvier 2016 (jusqu'au 4 septembre 2024). Il a laissé passer l'élection présidentielle 2022 ingagnable, et il a cru que son fidèle Éric Ciotti allait tenir boutique à sa place. Erreur, il n'a pas fallu longtemps pour que le sieur Ciotti rejoignît le RN et Marine Le Pen.
     

     
     


    Laurent Wauquiez a pris alors une position courageuse : quitter son repli régional et revenir à l'Assemblée Nationale, là où se passait le véritable combat politique (au contraire de ses collègues Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Jean-François Copé, etc.). Il doit d'ailleurs son mandat de député aux macronistes. Le 10 juillet 2024, il a pris (sans demander aux autres) la présidence du groupe LR à l'Assemblée, si bien qu'avec Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, il formait un binôme pour négocier les futurs gouvernements. Au départ, Laurent Wauquiez voulait rester dans l'opposition, puis, voulant l'Intérieur, n'a plus voulu appartenir à un gouvernement en dehors de la place Beauvau.
     

     
     


    Bruno Retailleau, lui, a pris ses responsabilités. Michel Barnier l'a choisi comme Ministre de l'Intérieur le 21 septembre 2024 et confirmé par François Bayrou le 23 décembre 2024 avec le rare privilège d'être un Ministre d'État. Depuis ainsi près de huit mois, Bruno Retailleau est sur le pont, en déplacements incessants sur tous les lieux des drames en France. Son efficacité n'est peut-être pas au rendez-vous (on verra au bilan), mais son discours de vérité plaît, sa sincérité n'est pas mise en doute (au contraire de son adversaire interne) et surtout, il est devenu une personnalité nouvelle de la vie politique.

     
     


    En fait, c'est faux, il existe politiquement depuis des décennies, aurait sans doute été le Premier Ministre de François Fillon si ce dernier avait été élu en 2017, mais les Français ne le connaissaient pas et il est ainsi arrivé avec la lumière des projecteurs. Les Français sont en train de le découvrir.

    Le score des adhérents de LR est sans appel. Bruno Retailleau a obtenu 72 629 voix, soit 74,3%, tandis que Laurent Wauquiez n'a eu que 25 107 voix, soit 25,7%. En gros, trois quarts pour Bruno Retailleau et un quart pour Laurent Wauquiez. Il n'y aura finalement pas de guerre des chefs car les militants ont définitivement tranché.

     

     
     


    Je ne sais pas comment va réagir Laurent Wauquiez dans les mois à venir, mais sa perspective présidentielle sera d'autant plus bloquée que lui-même a fait campagne contre une primaire ouverte pour 2027. Le parti va être administré par son rival et ce dernier sera en bonne posture pour, éventuellement, présenter une candidature LR à l'élection présidentielle de 2027. J'écris "éventuellement" car il paraît peu responsable que le bloc commun qui gouverne aujourd'hui se présente désuni en 2027 face au RN et à la gauche mélenchonisée (qui, contrairement à ce qu'on dit, est capable de revenir à un niveau élevé, de l'ordre de 20% de l'électorat, car Jean-Luc Mélenchon jouit de son grand talent souvent sous-estimé et d'une absence d'autres rivaux à gauche).

    Cette victoire de Bruno Retailleau ne fait pas non plus l'affaire du RN. Certainement interdit de candidature de Marine Le Pen, le RN aura du mal à concurrencer Bruno Retailleau sur ses thèmes favoris (sécurité, immigration) avec un à peine trentenaire qui n'a jamais rien fait de sa vie (à part jouer à TikTok), j'ai nommé Jordan Bardella.

    Laurent Wauquiez a perdu par un manque complet de discernement. Il n'a jamais existé parce qu'il était chef de parti, il a existé parce qu'il était ministre à l'époque de Nicolas Sarkozy. Au même titre que Nicolas Sarkozy est devenu présidentiable parce qu'il était Ministre de l'Intérieur, pas parce qu'il était président de l'UMP, le parti n'était qu'un moyen de gagner, pas sa légitimité de candidat.

    C'est aussi ainsi pour Bruno Retailleau, c'est sa légitimité ministérielle qui l'a fait triompher dans un parti de gouvernement qui n'était plus au gouvernement de 2012 à 2024 (pendant douze ans). C'est Bruno Retailleau qui a redonné un peu de fierté aux militants de LR et surtout, qui leur a redonné un peu d'espoir en l'avenir.


    Enfin, je termine sur une analogie : le 16 novembre 2006, s'est déroulée une primaire interne au PS pour choisir son candidat à l'élection présidentielle de 2007. Les socialistes avaient été très secoués par leur absence au second tour en 2002. Trois candidats se sont présentés : deux très connus et bien "capés", Laurent Fabius (ancien Premier Ministre, ancien Ministre de l'Économie et des Finances, ancien Président de l'Assemblée Nationale, ancien premier secrétaire du PS), Dominique Strauss-Kahn (ancien numéro deux du gouvernement, ancien Ministre de l'Économie et des Finances), et un ancienne sous-ministre qui n'avait pas eu beaucoup de médailles sur son tableau politique, Ségolène Royal. Les apparatchiks du PS étaient évidemment favorables aux deux premiers, mais les militants socialistes ont préféré la plus populaire, Ségolène Royal, car, malgré ses handicaps, elle était la seule à présenter un espoir d'avenir (en fait, un Désir d'avenir !), la perspective d'une victoire à l'élection présidentielle de 2007. Cela n'a pas marché, mais cela aurait pu, car elle a réussi à mobiliser de nombreux nouveaux électeurs. Ségolène Royal a eu 60,6% des militants du PS, DSK 20,7% et Laurent Fabius 18,7%. Les sondages ont tranché !

    En donnant les clefs de leur parti à leur seul ministre populaire et visible Bruno Retailleau, les adhérents de LR ont aussi exprimé leur désir de revenir à l'avant-scène de la vie politique et, pourquoi pas (mais je n'y crois pas pour autant), gagner la prochaine élection présidentielle. Quant à Laurent Wauquiez, il va tranquillement retourner à l'ombre, comme l'ont fait d'autres avant lui, entre autres, Jean-François Copé.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bruno Retailleau.
    LR : plébiscite pour Bruno Retailleau !
    Congrès LR : les jeux sont-ils faits ?
    De Gaulle.
    Philippe Bas.
    Xavier Bertrand.
    L'offensive de Bruno Retailleau.
    Nicolas Sarkozy.
    Jean-Louis Debré.
    Claude Malhuret.
    Philippe De Gaulle.
    François-Xavier Ortoli.
    Alain Juppé.

    Jean Tiberi.
    Édouard Philippe.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
    Yvon Bourges.
    Christian Poncelet.
    René Capitant.
    Patrick Devedjian.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250518-retailleau.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/18/article-sr-20250518-retailleau.html



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  • LR : plébiscite pour Bruno Retailleau !

    « Aujourd’hui, alors que le pays se trouve dans une situation grave, la droite est de nouveau écoutée. Et c’est pourquoi demain, elle peut gagner. J’en suis profondément convaincu. Mais nous devons d’abord, et sans tarder, donner une incarnation à notre mouvement, pour lui donner un nouvel élan. » (Bruno Retailleau, le 2 avril 2025, profession de foi).


     

     
     


    Il est des congrès serrés, où les scores sont très rapprochés. Le congrès du parti Les Républicains de ce dimanche 18 mai 2025 n'aura pas du tout été serré : le Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a été véritablement plébiscité par les militants de LR pour devenir président de leur parti. Son unique concurrent, Laurent Wauquiez a subi une désastreuse défaite sur le plan personnel : sa personnalité, son insincérité, son cynisme ont agacé plus d'un des adhérents de LR, et cette fois-là, on peut le dire car les deux candidats prônaient à peu près le même fond idéologique de droite dite dure.

    Revenons aux données chiffrées. La rivalité entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau depuis février 2025 a redonné de la vitalité à ce parti moribond et peut-être que c'est cette nouvelle guerre des chefs qui a été très profitable, au contraire de ce qu'affirmaient les deux protagonistes. Seuls les adhérents de LR au 17 avril 2025 pouvaient voter, si bien qu'une vague d'adhésions, ou plutôt, de réadhésions d'anciens adhérents déçus, a submergé les fédérations. Je l'évoquais déjà le mois dernier.

    Il faut voir l'évolution : le nombre d'adhérents a triplé en deux mois ! C'est passé de 43 859 adhérents au 13 février 2025 à 121 617 au 17 avril 2025, ce qui est énorme.

     

     
     


    L'autre élément de vitalité, bien sûr, c'est la participation, mais il était prévisible que ceux qui ont adhéré entre février et avril 2025 allaient voter puisque c'était l'unique but de cette adhésion. Il fallait voter de manière électronique, c'est-à-dire sur Internet. 98 110 ont participé au vote, c'est-à-dire 80,7% de participation, ce qui est également énorme pour un parti politique (il suffit de regarder le futur congrès du parti socialiste). Ce sont des données officielles, mais généralement confirmées par des huissiers et autres contrôleurs car les candidats pensaient leur score très serré. Cette fois-ci, ce n'était pas le cas.
     

     
     


    En outre, il y a eu très peu de blancs et nuls, 374, ce qui signifie bien que l'enjeu était effectivement entre les deux candidats. Inutile de dire que le parti Les Républicains, héritier de l'UMP qui, elle-même, était censée être la fusion entre le RPR et l'UDF, n'est plus qu'un repaire d'ex-RPR aile dure. C'est certes difficile de dire cela car beaucoup d'adhérents LR n'étaient pas nés politiquement avant l'UMP, mais il paraît certain qu'il n'existe plus aucun centriste dans ce parti qui devait pourtant rassembler la droite et le centre à l'initiative du Président Jacques Chirac en 2002.
     

     
     


    Cela ne me fait donc pas déplaisir de constater que François Bayrou avait évidemment raison en 2002 lorsqu'il avait refusé de rejoindre l'UMP, étant persuadé que la volaille centriste allait se faire plumer par l'aile la plus dure du RPR. Ce qui est amusant aujourd'hui, c'est que c'est François Bayrou qui est au pouvoir, à Matignon, et que toute l'argumentation de Laurent Wauquiez était basée sur l'indépendance de LR vis-à-vis de François Bayrou et Emmanuel Macron.
     

     
     


    Mais cela ne lui a pas suffi à reprendre l'avantage. Et de loin. À l'origine, Laurent Wauquiez était le favori, et pensait même que son élection à la présidence de LR serait une formalité. Après tout, il avait déjà été président de LR, élu par les militants, du 10 décembre 2017 au 2 juin 2019. L'échec de LR aux européennes de 2019 a été fatal à Laurent Wauquiez, si bien qu'il s'est replié dans sa présidence du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes qu'il occupait depuis le 4 janvier 2016 (jusqu'au 4 septembre 2024). Il a laissé passer l'élection présidentielle 2022 ingagnable, et il a cru que son fidèle Éric Ciotti allait tenir boutique à sa place. Erreur, il n'a pas fallu longtemps pour que le sieur Ciotti rejoignît le RN et Marine Le Pen.
     

     
     


    Laurent Wauquiez a pris alors une position courageuse : quitter son repli régional et revenir à l'Assemblée Nationale, là où se passait le véritable combat politique (au contraire de ses collègues Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Jean-François Copé, etc.). Il doit d'ailleurs son mandat de député aux macronistes. Le 10 juillet 2024, il a pris (sans demander aux autres) la présidence du groupe LR à l'Assemblée, si bien qu'avec Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, il formait un binôme pour négocier les futurs gouvernements. Au départ, Laurent Wauquiez voulait rester dans l'opposition, puis, voulant l'Intérieur, n'a plus voulu appartenir à un gouvernement en dehors de la place Beauvau.
     

     
     


    Bruno Retailleau, lui, a pris ses responsabilités. Michel Barnier l'a choisi comme Ministre de l'Intérieur le 21 septembre 2024 et confirmé par François Bayrou le 23 décembre 2024 avec le rare privilège d'être un Ministre d'État. Depuis ainsi près de huit mois, Bruno Retailleau est sur le pont, en déplacements incessants sur tous les lieux des drames en France. Son efficacité n'est peut-être pas au rendez-vous (on verra au bilan), mais son discours de vérité plaît, sa sincérité n'est pas mise en doute (au contraire de son adversaire interne) et surtout, il est devenu une personnalité nouvelle de la vie politique.
     

     
     


    En fait, c'est faux, il existe politiquement depuis des décennies, aurait sans doute été le Premier Ministre de François Fillon si ce dernier avait été élu en 2017, mais les Français ne le connaissaient pas et il est ainsi arrivé avec la lumière des projecteurs. Les Français sont en train de le découvrir.

    Le score des adhérents de LR est sans appel. Bruno Retailleau a obtenu 72 629 voix, soit 74,3%, tandis que Laurent Wauquiez n'a eu que 25 107 voix, soit 25,7%. En gros, trois quarts pour Bruno Retailleau et un quart pour Laurent Wauquiez. Il n'y aura finalement pas de guerre des chefs car les militants ont définitivement tranché.

     

     
     


    Je ne sais pas comment va réagir Laurent Wauquiez dans les mois à venir, mais sa perspective présidentielle sera d'autant plus bloquée que lui-même a fait campagne contre une primaire ouverte pour 2027. Le parti va être administré par son rival et ce dernier sera en bonne posture pour, éventuellement, présenter une candidature LR à l'élection présidentielle de 2027. J'écris "éventuellement" car il paraît peu responsable que le bloc commun qui gouverne aujourd'hui se présente désuni en 2027 face au RN et à la gauche mélenchonisée (qui, contrairement à ce qu'on dit, est capable de revenir à un niveau élevé, de l'ordre de 20% de l'électorat, car Jean-Luc Mélenchon jouit de son grand talent souvent sous-estimé et d'une absence d'autres rivaux à gauche).

    Cette victoire de Bruno Retailleau ne fait pas non plus l'affaire du RN. Certainement interdit de candidature de Marine Le Pen, le RN aura du mal à concurrencer Bruno Retailleau sur ses thèmes favoris (sécurité, immigration) avec un à peine trentenaire qui n'a jamais rien fait de sa vie (à part jouer à TikTok), j'ai nommé Jordan Bardella.

    Laurent Wauquiez a perdu par un manque complet de discernement. Il n'a jamais existé parce qu'il était chef de parti, il a existé parce qu'il était ministre à l'époque de Nicolas Sarkozy. Au même titre que Nicolas Sarkozy est devenu présidentiable parce qu'il était Ministre de l'Intérieur, pas parce qu'il était président de l'UMP, le parti n'était qu'un moyen de gagner, pas sa légitimité de candidat.

    C'est aussi ainsi pour Bruno Retailleau, c'est sa légitimité ministérielle qui l'a fait triompher dans un parti de gouvernement qui n'était plus au gouvernement de 2012 à 2024 (pendant douze ans). C'est Bruno Retailleau qui a redonné un peu de fierté aux militants de LR et surtout, qui leur a redonné un peu d'espoir en l'avenir.


    Enfin, je termine sur une analogie : le 16 novembre 2006, s'est déroulée une primaire interne au PS pour choisir son candidat à l'élection présidentielle de 2007. Les socialistes avaient été très secoués par leur absence au second tour en 2002. Trois candidats se sont présentés : deux très connus et bien "capés", Laurent Fabius (ancien Premier Ministre, ancien Ministre de l'Économie et des Finances, ancien Président de l'Assemblée Nationale, ancien premier secrétaire du PS), Dominique Strauss-Kahn (ancien numéro deux du gouvernement, ancien Ministre de l'Économie et des Finances), et un ancienne sous-ministre qui n'avait pas eu beaucoup de médailles sur son tableau politique, Ségolène Royal. Les apparatchiks du PS étaient évidemment favorables aux deux premiers, mais les militants socialistes ont préféré la plus populaire, Ségolène Royal, car, malgré ses handicaps, elle était la seule à présenter un espoir d'avenir (en fait, un Désir d'avenir !), la perspective d'une victoire à l'élection présidentielle de 2007. Cela n'a pas marché, mais cela aurait pu, car elle a réussi à mobiliser de nombreux nouveaux électeurs. Ségolène Royal a eu 60,6% des militants du PS, DSK 20,7% et Laurent Fabius 18,7%. Les sondages ont tranché !

    En donnant les clefs de leur parti à leur seul ministre populaire et visible Bruno Retailleau, les adhérents de LR ont aussi exprimé leur désir de revenir à l'avant-scène de la vie politique et, pourquoi pas (mais je n'y crois pas pour autant), gagner la prochaine élection présidentielle. Quant à Laurent Wauquiez, il va tranquillement retourner à l'ombre, comme l'ont fait d'autres avant lui, entre autres, Jean-François Copé.



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    Sylvain Rakotoarison (18 mai 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Bruno Retailleau.
    LR : plébiscite pour Bruno Retailleau !
    Congrès LR : les jeux sont-ils faits ?
    De Gaulle.
    Philippe Bas.
    Xavier Bertrand.
    L'offensive de Bruno Retailleau.
    Nicolas Sarkozy.
    Jean-Louis Debré.
    Claude Malhuret.
    Philippe De Gaulle.
    François-Xavier Ortoli.
    Alain Juppé.

    Jean Tiberi.
    Édouard Philippe.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
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    Christian Poncelet.
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  • Thérèse de Lisieux, mystique et comique, d'une invincible gaieté !

    « Il paraît que Thérèse était très drôle en récréation. Je crois bien qu’elle était gaie. Elle n’avait pas le goût de la tristesse. (…) "Mystique, comique, tout lui va !" (…). L’œuvre de Thérèse est comme un tableau impressionniste : si on a le nez dessus, on risque de ne voir que le sentimentalisme et de passer à côté de l’essentiel. » (Maurice Bellet).



     

     
     


    Le prêtre et philosophe Maurice Bellet aimait beaucoup sainte Thérèse de Lisieux. Le journaliste qui l'a ainsi cité, Adrien Bail, évoquait ainsi la jeune fille dans "Le Pèlerin" du 25 septembre 2013 : « Sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus a gardé l’espièglerie, mêlée à un profond sérieux, de son enfance, où elle jouait déjà au théâtre (…) et raconte ses aventures avec sa cousine Marie ou sa sœur Céline, dignes de la comtesse de Ségur. Ce côté enfantin lui fera imaginer "un ascenseur" pour aller au Ciel… Il reste cependant un style qui peut être un obstacle. (…) On retrouve [le] sourire sur de nombreux clichés de Thérèse. Il imprègne son dialogue amoureux avec Jésus et sa symbolique : les roses, les oiseaux… Tout traduit une invincible gaieté qui résistera à l’agonie. ».

    Thérèse de Lisieux, sœur carmélite qui a été un modèle de foi pour celui qui doute et qui désespère, a été canonisée il y a un siècle, le 17 mai 1925, par le pape Pie XI à la Basilique Saint-Pierre de Rome. La jeune fille qui est morte de tuberculose à l'âge de 24 ans le 30 septembre 1897 avait été béatifiée peu auparavant, le 29 avril 1923 par le même pape Pie XI. J'ai évoqué la trajectoire de Thérèse il y a quelques quelques années.

    Malgré son jeune âge, on peut considérer Thérèse de Lisieux comme une grande intellectuelle de la foi, une sorte de philosophe de la sérénité qui a beaucoup influencé les esprits du XXe siècle. Son livre posthume "Histoire d'une âme", publié l'année suivant sa mort, a été vendu à plus de 500 millions d'exemplaires en une cinquantaine de langue et une quarantaine d'éditions (depuis 1898). Beaucoup de lecteurs ont été transformés par la lecture de cette œuvre qui avait été écrite sans aucune intention d'être publiée, et cela beaucoup d'années avant que le pape ne s'en soit mêlé. Thérèse de Lisieux a d'abord été une sainte pour le peuple avant de l'être pour le Vatican et le pape.

     

     
     


    Lors de sa canonisation le 17 mai 1925, Pie XI le rappelait : « L'Esprit de vérité lui ouvrit et lui fit connaître ce qu'il a coutume de cacher aux sages et aux savants pour le révéler aux tout-petits. Ainsi, selon le témoignage de notre prédécesseur immédiat, elle a possédé une telle science des réalités d'en-haut qu'elle peut montrer aux âmes une voie sûre pour le salut. ». En d'autres termes, certains sont des théoriciens de la foi, alors qu'elle, elle a été une praticienne de la foi, elle a été philosophe sur le tas, ressentant l'incarnation du divin et de l'Amour dans son être.

    Le pape Pie XII, à l'occasion de la consécration de la Basilique Sainte-Thérèse à Lisieux, remarquait le 11 juillet 1954 : « Message d'humilité d'abord ! Quelle étrange apparition au sein d'un monde imbu de lui-même, de ses découvertes scientifiques, de ses virtuosités techniques, que le rayonnement d'une jeune fille que ne distingue aucune action d'éclat, aucune œuvre temporelle. Avec son dépouillement absolu des grandeurs terrestres, le renoncement à sa liberté et aux joies de la vie, le sacrifice combien douloureux des affections les plus tendres, elle se pose en vivante antithèse de tous les idéals du monde. Quand les peuples et les classes sociales se défient ou s'affrontent pour la prépondérance économique ou politique, Thérèse de l'Enfant-Jésus apparaît les mains vides : fortune, honneur, influence, efficacité temporelle, rien ne l'attire, rien ne la retient que Dieu seul et son Royaume. Mais en revanche, le Seigneur l'a introduite dans sa maison, lui a confié ses secrets. ».

    Le pape Jean-Paul II, futur saint, le confirmait lorsqu'il l'a reconnue comme une Docteure de l'Église (très rare pour une femme) le 19 octobre 1997 : « Parmi les petits auxquels les secrets du Royaume ont été manifestés d'une manière toute particulière, resplendit Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face (…). Pendant sa vie, Thérèse a découvert "de nouvelles lumières, des sens cachés et mystérieux" et elle a reçu du divin Maître la "science d'Amour" qu'elle a montrée dans ses écrits avec une réelle originalité. Cette science est l'expression lumineuse de sa connaissance du mystère du Royaume et de son expérience personnelle de la grâce. Elle peut être considérée comme un charisme particulier de la sagesse évangélique que Thérèse, comme d'autres saints et maîtres de la foi, a puisée dans la prière. En notre siècle, l'accueil réservé à l'exemple de sa vie et à sa doctrine évangélique a été rapide, universel et constant. (…) Son message, souvent résumé dans ce qu'on appelle la "petite voie", qui n'est autre que la voie évangélique de la sainteté ouverte à tous, a été étudié par des théologiens et des spécialistes de la spiritualité. ».

    Dans son exhortation apostolique "Evangelii Gaudium", le pape François déclarait le 24 novembre 2013 aux évêques, prêtres, diacres et simples fidèles laïcs, notamment ceci : « Un défi important est de montrer que la solution ne consistera jamais dans la fuite d’une relation personnelle et engagée avec Dieu, et qui nous engage en même temps avec les autres. C’est ce qui se passe aujourd’hui quand les croyants font en sorte de se cacher et de se soustraire au regard des autres, et quand subtilement ils s’enfuient d’un lieu à l’autre ou d’une tâche à l’autre, sans créer des liens profonds et stables : "Imaginatio locorum et mutatio multos fefellit" [Plusieurs s’imaginant qu’ils seraient meilleurs en d’autres lieux, ont été trompés par cette idée de changement]. C’est un faux remède qui rend malade le cœur et parfois le corps. Il est nécessaire d’aider à reconnaître que l’unique voie consiste dans le fait d’apprendre à rencontrer les autres en adoptant le comportement juste, en les appréciant et en les acceptant comme des compagnons de route, sans résistances intérieures. Mieux encore, il s’agit d’apprendre à découvrir Jésus dans le visage des autres, dans leur voix, dans leurs demandes. C’est aussi apprendre à souffrir en embrassant Jésus crucifié quand nous subissons des agressions injustes ou des ingratitudes, sans jamais nous lasser de choisir la fraternité. » (paragraphe 91).

    Il faisait en particulier référence à sainte Thérèse de Lisieux et à son expérience intérieure qu'elle avait elle-même racontée : « Un soir d’hiver j’accomplissais comme d’habitude mon petit office, il faisait froid, il faisait nuit… tout à coup j’entendis dans le lointain le son harmonieux d’un instrument de musique, alors je me représentai un salon bien éclairé, tout brillant de dorures, des jeunes filles élégamment vêtues se faisant mutuellement des compliments et des politesses mondaines ; puis mon regard se porta sur la pauvre malade que je soutenais ; au lieu d’une mélodie j’entendais de temps en temps ses gémissements plaintifs (…). Je ne puis exprimer ce qui se passa dans mon âme, ce que je sais c’est que le Seigneur l’illumina des rayons de la vérité qui surpassèrent tellement l’éclat ténébreux des fêtes de la terre, que je ne pouvais croire à mon bonheur. ».

     

     
     


    Dans son autre exhortation apostolique "Amoris Laetitia" publiée le 19 mars 2016, le pape François plaçait encore Thérèse de Lisieux en exemple : « Une façon de communiquer avec les proches décédés est de prier pour eux. La Bible affirme que "prier pour les morts" est une pensée "sainte et pieuse". (…) Certains saints, avant de mourir, consolaient leurs proches en leur promettant qu’ils seraient proches pour les aider. Sainte Thérèse de Lisieux faisait part de son désir de passer son Ciel à continuer de faire du bien sur la terre. » (paragraphe 257).

    Et il ajoutait : « Si nous acceptons la mort, nous pouvons nous y préparer. Le parcours est de grandir dans l’amour envers ceux qui cheminent avec nous, jusqu’au jour où "il n’y aura plus de mort, ni de pleur, ni de cri ni de peine". Ainsi, nous nous préparerons aussi à retrouver les proches qui sont morts. (…) Ne perdons pas notre énergie à rester des années et des années dans le passé. Mieux nous vivons sur cette terre, plus grand sera le bonheur que nous pourrons partager avec nos proches dans le ciel. Plus nous arriverons à mûrir et à grandir, plus nous pourrons leur apporter de belles choses au banquet céleste. » (paragraphe 258).

    Le père dominicain Serge-Thomas Bonino, théologien français, normalien, président de l'Académie pontificale romaine de saint Thomas d'Aquin et de religion catholique depuis 2014, était le secrétaire général de la Commission théologique internationale de 2011 à 2020, une des six commissions de la Curie romaine, celle chargée de traiter les questions théologiques de grande importance. Le 29 novembre 2011, dans un commentaire sur un document sur les perspectives, principes et critères de la théologie, il évoquait Thérèse comme une petite qui a reçu le Mystère : « Il y a aussi à notre époque des petits qui ont connu ce mystère. Nous pensons à sainte Bernadette Soubirous ; sainte Thérèse de Lisieux, avec sa nouvelle lecture de la Bible "non scientifique", mais qui entre dans le cœur de l'Écriture Sainte ; jusqu’aux saints et bienheureux de notre époque : sainte Joséphine Bakhita, la bienheureuse Teresa de Calcutta, saint Damien de Veuster. Nous pourrions en citer tant ! ». Entre-temps, Mère Teresa a été elle-même canonisée.

    Depuis que son enseignement est connu, soit depuis près de cent trente ans, tous ont considéré Thérèse de Lisieux comme un exemple d'humilité, d'une "petite" qui a pu entrer par la grande porte mieux que les "grands". C'est pourquoi il est étonnant que sa canonisation, il y a juste cent ans, ait fait l'objet d'une cérémonie très pompeuse et luxueuse. À l'évidence, ce n'était pas du tout l'intention de Thérèse de vouloir être au centre de pompes pontificales qui ont honoré avec beaucoup trop de fastes la petite fille souriante et aimante qu'elle avait toujours été. Elle n'est qu'une, parmi de très nombreux autres, peut-être complètement anonymes, qui sont entrés dans le Mystère de la foi. En toute discrétion.



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    Sylvain Rakotoarison (17 mai 2025)
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    Mgr Jacques Gaillot.
    Mgr Albert Decourtray.

    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250517-sainte-therese-de-lisieux.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/therese-de-lisieux-mystique-et-260872

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/17/article-sr-20250517-sainte-therese-de-lisieux.html


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  • Gérard Depardieu, un chêne qui s'effondre ?

    « Je n’ai pas attendu MeToo pour dire les violences faites aux femmes sont un problème. (…) Je me félicite que la parole se libère (…). Mais je pense que notre rôle, c'est de permettre son cadre, c'est que la justice puisse faire son travail, c'est qu'on protège les femmes qui sont menacées, mais que là aussi, on ne le fasse pas en oubliant les principes constitutionnels qui sont les nôtres, dont la présomption d'innocence. » (Emmanuel Macron, conférence de presse du 16 janvier 2024).


     

     
     


    C'était un rétropédalage à son trop grand hommage à Gérard Depardieu le 20 décembre 2023 sur France 5. Emmanuel Macron avait effectivement déclaré : « Dans nos valeurs, il y a la présomption d’innocence. Je déteste les chasses à l’homme. Quand tout le monde tombe sur une personne, sur la base d’un reportage, sans qu’il ait la possibilité de se défendre… Les procédures judiciaires suivront leur chemin. (…) Gérard Depardieu est un immense acteur, il a servi les plus beaux textes. C’est un génie de son art. (…) Il rend fière la France. ».

    Eh oui, on peut être un immense acteur et être un "prédateur" sexuel. C'est le privilège des immenses, il est des vertiges qui vont des cimes aux abîmes. Faut-il abattre les anciens héros ? Comment passer de monstre sacré à monstre tout court ?

    Un procès prévu le 28 octobre 2024 et reporté aux 24 et 25 mars 2025. Il a été condamné pour agressions sexuelles le 13 mai 2025 par le tribunal correctionnel de Paris à dix-huit mois de prison avec sursis, une peine d'inéligibilité de deux ans et son inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles. Son avocat a immédiatement annoncé qu'il ferait appel.

    Gérard Depardieu a eu de la veine car sa condamnation est tombée dans la plus grande indifférence médiatique, alors que le Festival de Cannes s'ouvrait. La très forte actualité, du bouillonnement diplomatique autour de l'Ukraine, à l'interminable émission d'Emmanuel Macron, en passant par le scandale de Bétharram, etc. a occulté une information grave : on a condamné pour des agressions sexuelles en première instance le géant du cinéma français. À cause de l'appel, la présomption d'innocence revient au galop, mais le témoignage de deux accusatrices, plaignantes, sur des faits commis en 2021 lors du tournage du film "Les Volets verts", a convaincu le juge.
     

     
     


    Au cours de ce procès, Gérard Depardieu a toujours clamé son innocence. Il a déclaré par exemple qu'il s'était rattrapé par la hanche d'une plaignante parce qu'il allait tomber, sans intention sexuelle. Mais il a aussi reconnu qu'il pouvait prononcer des mots grossiers, choquants, sexistes, etc. Sa défense était confuse, parfois arrogante et peu crédible. Peut-on être bon acteur quand le rôle est mauvais dans un mauvais navet ?

    Cette condamnation (en première instance, donc pas définitive) est toute de même un choc pour beaucoup de Français. Bien sûr, il y avait ceux qui ricanaient un peu, sans s'occuper des victimes (qui se sont multipliées au fil des plaintes ; le collectif donne toujours plus de courage).

    Mais il y avait aussi ceux qui se souvenaient de toute la carrière cinématographique de Gérard Depardieu, de ce jeune inventeur (un très petit rôle) dans l'excellent "Stavisky" d'Alain Resnais (1973) ou de ce jeune malfrat dans cet autre excellent film "Le Viager" de Pierre Tchernia (1972). Bien sûr, ceux-là se souvenaient aussi du film qui lui a apporté la notoriété, "Les Valseuses" de Bertrand Blier (1974), et d'une succession incroyable de films souvent excellents (il a tourné dans plus de deux cents films, quelle santé !), parmi lesquels j'ai adoré "Le Sucre" de Jacques Rouffio (1978), "Buffet froid" de Bertrand Blier (1979), "Le Dernier Métro" de François Truffaut (1980), "La Femme d'à côté" de François Truffaut (1981), "La Chèvre" de Francis Veber (1981)... et j'arrête là pour ses "débuts"...

    Il y a cette impression d'une transformation d'un héros en monstre, une transformation physique qui lui donnait des airs parfaits d'Obélix, mais il y a cette autre impression que ce n'était pas une transformation et que Gégé a toujours été graveleux, toujours aux confins des limites du sexuellement correct, voire les franchissant très nettement (par exemple, en 1978, il expliquait qu'il avait eu son premier viol à l'âge de 9 ans).


    Gérard Depardieu est-il le brutal qu'on pourrait décrire, l'alcool aidant, fracassant le véhicule garé devant chez lui à Paris si ce n'était pas son scooter ? Mais Gérard Depardieu est aussi cette personne fine, sensible, que j'ai rencontrée il y a quelques années au Studio 104 de la Maison de la Radio, qui savait tellement bien prendre un rôle qu'il a chanté Barbara avec une excellence étonnante (il avouait alors qu'il s'aidait d'une oreillette ; ils ne sont pas nombreux ceux qui ont cette franchise-là).
     

     
     


    Des "prédateurs" sexuels, finalement, il y en a eu beaucoup qui étaient de braves gens, voire des personnalités qui pouvaient flirter le sommet du prestige. Dominique Strauss-Kahn aurait pu devenir Président de la République. L'abbé Pierre, personnalité préférée des Français pendant des années, aurait pu reposer au Panthéon. Et maintenant, un autre monstre sacré, Gérard Depardieu.

    Alors, c'est une bonne nouvelle pour toutes les victimes, il ne doit plus y avoir impunité pour quiconque aurait abusé sexuellement d'une autre personne. Mais il faut aussi accepter le clivage entre l'homme et son œuvre. Il ne faut pas détruire la Fondation Emmaüs qui fait vivre et qui a réinséré de nombreuses personnes. Il ne sert à rien de refuser de diffuser un film où a joué Gérard Depardieu, déjà parce qu'il n'est pas le seul à avoir fait le film (producteur, réalisateur, autres acteurs), ensuite parce que ses errements amoraux et illégaux n'ont rien enlevé au génie de l'acteur. Aussi condamné soit-il, il reste Gérard Depardieu.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Gérard Depardieu, un chêne qui s'effondre ?
    Un cadeau d'anniversaire à Gérard Depardieu face à la démence collective.
    Faut-il lyncher Depardieu ?
    La russitude de Gérard Depardieu.
    Barbara chantée par Depardieu.
    Lettre de Gérard Depardieu à Jean-Marc Ayrault du 16 décembre 2012.
    Nationalité russe le 3 janvier 2013.

    La belgitude de Gérard Depardieu.
    Un sex symbol pourtant bien français.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250513-depardieu.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/gerard-depardieu-un-chene-qui-s-260952

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/13/article-sr-20250513-depardieu.html

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  • Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi

    « Je comprends que vous vous sentiez mal parce que c’est toute votre stratégie qui, ce soir, cette fin d’après-midi, s’est effondrée, parce que des preuves ont été apportées. (…) Je ne peux pas laisser la vérité être à ce point rayée de la carte. » (François Bayrou à Paul Vannier, le 14 mai 2025 à l'Assemblée Nationale).



     

     
     


    Selon la loi de Brandolini bien connue des internautes, « la quantité d'énergie pour réfuter des sottises (…) est supérieure d'un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire ». Cela s'annonçait donc comme une mission quasi-impossible pour le Premier Ministre François Bayrou qui était auditionné ce mercredi 14 mai 2025 à 17 heures par la commission d'enquête parlementaire créée le 19 février 2025 à l'Assemblée Nationale « sur les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires » (privés ou publics) et en particulier sur le scandale de Notre-Dame de Bétharram.

    D'abord, insistons sur le véritable scandale, celui de plusieurs centaines de victimes qui, enfants, entre les années 1950 et les années 2010, ont été violentés, sexuellement ou pas, par des adultes au sein de l'internat de Notre-Dame de Bétharram. Heureusement, la parole se libère, mais elle se libère tardivement, parfois quarante années plus tard. C'est un drame humain dont les plus sincères de la commission d'enquête parlementaire souhaitent comprendre le mécanisme, en particulier celui du silence, de la solitude des victimes, mais aussi celui de l'inaction des adultes éventuellement alertés. C'est important car la parole ne s'est pas simplement libérée à Bétharram, mais aussi dans de nombreux autres internats dans toute la France, parfois du service public.

    Dès le début de l'audition, le chef du gouvernement a exprimé son soulagement de trouver enfin une enceinte pour s'expliquer : « Le premier mot qui me vient quand je pense à cette audition, c’est “enfin” (…). Pour moi, cette audition est très importante. Elle est très importante pour les garçons et les filles qui ont été victimes de violences et particulièrement de violences sexuelles depuis des décennies. Si ma présence comme cible politique a permis que ces faits apparaissent, ce MeeToo de l’enfance, alors cela aura été utile. ».
     

     
     


    Ce scandale n'aurait pas été effectivement autant médiatisé si François Bayrou n'avait pas été odieusement la cible des insoumis avec des méthodes particulièrement staliniennes. Il a son procureur, digne des procès de Moscou, ou digne de Robespierre, le député FI Paul Vannier qui, corapporteur de la commission d'enquête, a montré pendant toute cette audition un talent particulier de la manipulation, de l'instrumentalisation, de la mauvaise foi et d la reformulation à l'envers (comme l'explique bien le livre "La Meute" sorti le 7 mai 2025 sur la clique de Jean-Luc Mélenchon).

    Paul Vannier a commencé ses attaques contre François Bayrou le 5 février 2025 sur Twitter en l'accusant d'avoir couvert une affaire de pédophilie il y a plus de trente ans. Sa première attaque institutionnelle a eu lieu lors de la séance des questions au gouvernement du 11 février 2025 qui a commencé avec cette question scandaleuse : « Monsieur le Premier Ministre, pourquoi n’avez-vous pas protégé les élèves de l’école Notre-Dame de Bétharram, victimes de violences pédocriminelles ? ».

    Pendant trois mois, de la boue dégueulasse a sali l'honneur de François Bayrou. On sait pourquoi et cela n'a échappé à aucun esprit politique : les mélenchonistes veulent renverser tous les gouvernements depuis 2022 et souhaiteraient réserver le même sort que Michel Barnier à François Bayrou. Avec les réseaux sociaux, le nom de François Bayrou a été associé à la pédocriminalité, à tel point qu'on aurait pu croire que François Bayrou était l'un des auteurs de ces violences révoltantes sur les enfants. En fait, le 22 avril 2025, on a su et il a su qu'il était plutôt une victime, car sa fille aînée, Hélène, 53 ans (elle était en première à Bétharram en 1987), a été violentée lors d'un camp d'été. Elle ne lui a dit que la veille d'une interview, après plusieurs décennies de silence.

    Il faut bien comprendre la chose : la campagne de calomnie que subit François Bayrou n'est rien par rapport à ce qu'ont enduré les vraies victimes de Bétharram, et on ne peut évidemment pas les mettre sur le même plan. Du reste, le 15 février 2025, le Premier Ministre n'a pas hésité à les recevoir à la mairie de Pau pour les écouter pendant quatre heures : c'était la première fois qu'on les écoutait.

     

     
     


    Mais on peut comprendre aussi l'enfer psychologique que peut vivre François Bayrou depuis trois mois. En gros, ne t'inquiète pas, je te traite de complice des pédocriminels juste pour des raisons politiques, mais je ne t'en veux pas, c'est parce que tu es Premier Ministre. La manipulation est très claire puisque les nombreuses plaintes ont commencé à s'ébruiter dans les journaux dès 2024 et pourtant, les insoumis et le site Mediapart ne s'en sont emparé qu'en début février 2025, dès lors que les socialistes avaient annoncé qu'ils ne voteraient pas la motion de censure déposée par les insoumis. C'est tellement clair que c'en est très peu subtil.

    François Bayrou a accusé le rapporteur FI de « déformation de la réalité » et de ne pas se préoccuper des victimes : « Il s’agissait de me coincer pour m’obliger à démissionner. (…) Vous ne m’avez interrogé que sur moi, sur ma responsabilité, sur ce que j’avais fait ou pas fait, sur le soupçon d’être intervenu, soupçon insupportable, dans l’affaire pour protéger des pédocriminels. Toute l’audition a tourné autour de ça. (…) J’aurais voulu qu’on laisse tomber le cas d’un supposé responsable politique indifférent, corrompu, dominer par une omerta… J’aurais préféré qu’on parle des victimes. ».

     

     
     


    D'ailleurs, Alain Esquerre, le porte-parole du collectif des victimes de Bétharram, s'est exprimé à l'occasion de cette audition qui a, selon lui, « un peu malmené » le Premier Ministre : « François Bayrou ne représente pas l’enjeu principal de notre combat. Il fait partie d’une chaîne de responsabilités, d’alertes ignorées, de silence institutionnel. Il n’est ni la cause unique ni le seul témoin de cette tragédie. ».

    François Bayrou, en tant qu'élu local ou député, et même ministre, a labouré son territoire électoral, a inauguré plein de choses, a rencontré plein de gens depuis 1982 et il est difficile de pouvoir reconstituer exactement, au jour le jour, ce qu'il a fait exactement il y a trente à quarante ans. En somme, c'est la défaillance de la mémoire d'un homme déjà âgé de 74 ans qui serait le plus à souligner qu'une supposée volonté de tromper ou de mentir.

    Comme le prévoyait la loi de Brandolini, il a fallu ce 14 mai 2025 beaucoup d'énergie pour répondre à toutes les accusations parfois complètement farfelues dont il a été la cible. Et il a fait fort : le lendemain de l'émission interminable du Président de la République Emmanuel Macron, François Bayrou l'a largement battu. Son audition a duré près de cinq heures et demi, entrecoupée de deux pauses de cinq minutes. Elle est rentrée dans l'histoire parlementaire de la Cinquième République, à l'évidence. On peut l'écouter dans son intégralité ci-dessous (pour les plus vaillants).
     

     
     


    La présidente de la commission, la députée socialiste Fatiha Keloua Hachi, a parlé à la fin de l'audition d'une certaine confusion. Mais la confusion était plutôt dans les accusations insensées. François Bayrou, au contraire, a été organisé et a bien préparé son audition en apportant des preuves de ce qu'il a avancé. Ceux qui sont intéressés écouteront l'audition, car tout expliquer ferait un roman feuilleton peu intéressant par écrit. Et par oral.

    Peu intéressant car ce n'est pas l'objet de la commission d'enquête. La commission d'enquête veut comprendre comment des gamins violentés ont pu rester avec cette violence sous silence pendant si longtemps sans que des tiers ne puissent arrêter le massacre. C'est cela l'essentiel, pas de savoir si François Bayrou a croisé son voisin sur le chemin ou chez lui. Après, d'autres députés de gauche (car le tir était groupé : insoumis mais aussi écologistes et socialistes de la commission) lui ont reproché de n'avoir parlé que de lui et pas des victimes : mais les questions ne portaient que sur des détails anecdotiques le concernant, et lui, en revanche, a évoqué la pensée des victimes dès son propos liminaire que la présidente de la commission voulait d'ailleurs à l'origine lui interdire de dire !

    La chance, c'est que François Bayrou a réussi à retrouver des documents lui permettant d'étayer ses affirmations ou de les préciser lorsque la mémoire lui faisait défaut. Il s'avère que François Bayrou Ministre de l'Éducation nationale a agi dès le lendemain de la publication d'un article annonçant la première plainte pour violence sexuelle en ordonnant une inspection immédiate de l'établissement de Notre-Dame de Bétharram. Malheureusement, le rapport a été mal fait, trop vite bâclé et son auteur, aujourd'hui, nonagénaire, regrette de n'avoir pas pris plus de temps pour le faire, car il a conclu en disant que tout allait bien madame la marquise.

    Dans cette tentative désespérée de s'en prendre au Premier Ministre, on ne lui a rien épargné et sûrement pas la tape qu'il a donnée le 9 avril 2002 en pleine campagne présidentielle. Il se retrouvait avec la maire de Strasbourg, la centriste Fabienne Keller, dans une mairie annexe de la capitale alsacienne, et comme il avait été le premier, comme ministre en 1994, à refuser le voile à l'école, un groupe d'islamistes était en train de jeter des cailloux sur le bâtiment. On l'a exfiltré mais comme certains ont insulté Fabienne Keller, François Bayrou est revenu vers eux leur faire la leçon de respect dû aux femmes. C'est alors qu'un jeune était en train de lui voler son porte-feuille, la tape est partie tout de suite : « Je lui ai donné une tape, pas une claque (…). Je suis d’ailleurs certain que cette scène a été bruitée par les télévisions. (…) Ce n’était pas du tout une claque violente, c’était une tape en effet de père de famille (…). Pour moi, ce n’est pas de la violence. ».
     

     
     


    Ainsi, à partir de ce fait-divers, qui n'a rien à voir avec les violences répétées et scandaleuses de Bétharram, on a voulu faire dire que le Premier Ministre était d'accord avec les violences de l'établissement où il a placé certains de ses enfants ! Bien sûr qu'il est opposé aux claques et à toute violence sur les enfants, et il a même soutenu très activement la députée du MoDem Maud Petit dans sa défense de sa proposition de loi contre les violences éducatives ordinaires adoptée à l'Assemblée le 29 novembre 2018 et promulguée en tant que loi n°2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l'interdiction des violences éducatives ordinaires qui interdit toute violence physique et psychologique sur un enfant de la part de l'autorité parentale (article 371-1 du code civil). Et d'ailleurs, il n'a pas voulu le dire, mais alors qu'il plafonnait en dessous de 4% des intentions de vote dans les sondages en début avril 2002, François Bayrou a bénéficié de cette tape électoralement car on y a vu de la fermeté dans le régalien, ce qui a fait qu'il a terminé à 6% et en quatrième position derrière Jacques Chirac, Jean-Marie Le Pen et Lionel Jospin. Entre 2002 et 2019, les mentalités ont beaucoup changé.

    À la fin de l'audition, François Bayrou, en ce qui le concernait, a conclu ainsi : « Je n’ai pas ma part de responsabilité dans ce dont on m’accusait. Je n’ai pas couvert des pratiques quelles qu’elles soient. Je n’ai pas eu d’informations privilégiées. Je ne suis pas resté sans rien faire quand j’ai découvert les affaires et je ne suis jamais intervenu dans une affaire. Mais pour le reste, on a tous une part de responsabilité, tous, quel que soit le département dont on est originaire. ».


    Au-delà de sa propre défense qui reste dérisoire face au traumatisme des victimes, François Bayrou a surtout voulu être utile et positif en annonçant des mesures intéressantes. Ainsi, il a proposé de créer une haute autorité indépendante conseillée par deux groupes, un conseil de scientifiques et un conseil de victimes : « Il faut des victimes pour mieux écouter les victimes. ». Il a souhaité aussi ajouter la mission de lutter contre les violences à l'école à la Haut-commissaire à l'Enfance Sarah El Haïry (ancienne ministre et ancienne députée) : « Je suis prêt à compléter [sa] feuille de route. ». La question de la prescription est en réflexion pour permettre une instruction judiciaire très longtemps après les faits.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    La vérité nous rendra libres.
    Abus sexuels : l’Église reconnaît sa responsabilité institutionnelle.
    Legs et indécence.
    Secret de la confession et lois de la République.
    Abus sexuels dans l’Église : honte, effroi et pardon !
    Rapport de Jean-Marc Sauvé remis le 5 octobre 2021 sur la pédocriminalité dans l’Église (à télécharger).
    Présentation du rapport Sauvé le 5 octobre 2021 (vidéo).
    Discours du pape François le 24 février 2019 au Vatican (texte intégral).
    La protection des mineurs dans l’Église.
    Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
    Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
    La faute de Mgr Jacques Gaillot.
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Mgr Barbarin : le vent du boulet.
    Pédophilie dans l’Église catholique : la décision lourde de Lourdes.
    Mgr Barbarin : une condamnation qui remet les pendules à l’heure.
    Pédophilie dans l’Église : le pape François pour la tolérance zéro.
    Le pape François demande pardon pour les abus sexuels dans l’Église.
    Le pape François en lutte contre la culture de l’étiquette et de la médisance.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250514-betharram.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/betharram-francois-bayrou-a-260979

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/14/article-sr-20250514-betharram.html




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  • Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?

    « Rester libres : une armée plus forte, une économie plus indépendante, une jeunesse protégée et éduquée, nous y arriverons. » (L'engagement d'Emmanuel Macron le 13 mai 2025 sur TF1).



     

     
     


    Le Président de la République Emmanuel Macron a participé à une émission spéciale ce mardi 13 mai 2025 à 20 heures sur TF1 intitulée "Les défis de la France" (qu'on pourra revoir à ce lien). Cette intervention, interminable (elle a duré près de trois heures et quart) avec seulement 5 à 6,5 millions de téléspectateurs, a probablement plus desservi que servi le chef de l'État.

    On comprend bien qu'Emmanuel Macron était à la diète médiatique depuis la dissolution et qu'il mourait d'envie de reprendre pied dans la vie politique française. Pourtant, on sait que la rareté médiatique est souvent appréciée pour le chef de l'État. Alors qu'il venait de prendre le leadership de l'Europe et même, du monde dit libre, face aux bombes de Vladimir Poutine, et qu'il a montré une réelle utilité politique et internationale, Emmanuel Macron n'a pas pu s'empêcher de vouloir revenir dans le jeu politique intérieur, et, à mon avis, il s'y est mal pris. Je pense qu'il a vraiment, et depuis le début, de très mauvais conseillers en communication au château.

    L'émission était beaucoup trop longue, s'arrêtait sur beaucoup de détails techniques (un Président de la République n'a pas à aller jusqu'à proposer de louer des places de prison !) et a évoqué tellement de sujets qu'à la fin, il n'en est rien ressorti. S'il y avait un message à faire passer, il fallait rester sur le sujet de ce message. Mais justement, je crains qu'il n'y eût pas d'autre message que l'idée qu'il était de retour sur la scène intérieure. Et le dire pendant plus de trois heures, cela pouvait devenir pénible pour les téléspectateurs même s'il faut saluer sa maîtrise de tous les sujets, c'est toujours un petit exploit intellectuel, mais rappelons-nous que pendant les grands débats, Emmanuel Macron était capable de se prêter à cet exercice pendant six heures, sept heures... devant des élus locaux médusés.

     

     
     


    J'ai trouvé en plus qu'Emmanuel Macron était un peu malmené sur le plan relationnel. Le journaliste Gilles Bouleau, grand ordonnateur de ce spectacle politico-médiatique, a été parfois un peu cavalier, lui disant par exemple : « Non ! Monsieur le Président, un peu de discipline ! » ou encore, à la fin, sans mot de politesse, comme un gradé à un bidasse (alors qu'il est le chef des armées) : « Suivez-moi ! ». Réciproquement, Emmanuel Macron s'est permis des expressions très familières, jusqu'à jurer : « Bon Dieu ! », ce qui a écorché mes pieuses oreilles, ou encore : « On plie les gaules ! ».

    On a du mal à imaginer De Gaulle dire ainsi ou être traité ainsi, mais De Gaulle est révolu depuis longtemps pour la communication politique. Je verrais plutôt une comparaison avec cette émission terrible d'Yves Mourousi diffusée en direct le 28 avril 1985 sur TF1,
    "Ça m'intéresse Monsieur le Président", où il se permettait d'interroger le Président François Mitterrand avec le derrière à moitié assis sur son bureau, une familiarité qui avait aussi beaucoup choqué (c'était l'émission qui François Mitterrand disait qu'il était « bléca » pour montrer qu'il était très « branché » !).
     

     
     


    Mais contrairement à l'émission de 1985 où l'on servait la soupe au Président de la République, cette émission de 2025, quarante années plus tard, était plutôt une sorte de guet-apens médiatique et politique tant le Président s'est trouvé systématiquement en position de défensive, ne pouvant que rappeler et expliquer en long et en large son bilan de huit années de Présidence et, malgré le titre de l'émission, il a évoqué très peu de perspectives d'avenir, de vision, avec des éléments concrets et mesurables. Le flou, comme on lui a souvent reproché, l'a emporté sur un message clair.

    Il a oublié de rappeler le principal : le contexte politique et institutionnel actuel qui veut que, depuis l'été 2024, il n'existe aucune majorité et que la difficulté de faire des réformes est aussi dans la difficulté de réunir deux Français sur trois (selon le rêve de Valéry Giscard d'Estaing en 1983), ou, du moins, deux députés sur trois. C'est d'autant plus important qu'Emmanuel Macron a répété son intention de ne plus dissoudre l'Assemblée et d'aller ainsi jusqu'en 2027.
     

     
     


    En face d'Emmanuel Macron, il y a eu des interlocuteurs qui s'étaient excellemment bien préparés à la confrontation, qui ont été percutants et qui n'ont pas ménagé le Président, en particulier les trois principaux (politiquement) : la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, bien organisée, tenace et avenante (ce qui ne l'empêche pas d'être dans ancien monde ; pourquoi les Français devraient-ils payer des milliards de leur poche pour la nationalisation d'un grand groupe industriel qui n'aurait plus de clients ?), la diamétralement opposée à la précédente Agnès Verdier-Moliné, essayiste et directrice de la Fondation iFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques), un think tank libéral, et le maire de Bézieux Robert Ménard qui se permettait quelques familiarités de langage avec le Président.

    La première interlocutrice reprochait à Emmanuel Macron de ne pas dépenser assez pendant que la deuxième lui reprochait exactement l'inverse, de ne pas avoir réduit la dépense publique. Emmanuel Macron a rappelé tout l'historique de l'augmentation de la dette, avec des crises majeures comme le covid, l'inflation et l'énergie, la France s'en était bien tirée : «  Si on regarde nos déficits, entre 2017 et 2019, lorsque j’arrive aux responsabilités, on baisse les impôts de manière massive. (…) On a eu une politique vertueuse. (…) [J']assume totalement [la politique du] quoi qu’il en coûte (…). On a protégé notre appareil productif. On a dépensé beaucoup d’argent, mais on a prévenu un chômage qui serait tombé. ».

     

     
     


    Fustigeant la bureaucratisation et l'augmentation infernale des normes et de la réglementation, Agnès Verdier-Moliné lui a cependant rappelé que des 1 100 milliards d'euros d'augmentation de la dette publique sous ses mandats, il y en a 500 milliards qui ne proviennent pas des crises. Mais on a oublié de dire que justement, ces 500 milliards d'euros de déficit sur ces années-là proviennent du déficit structurel des retraites !

    Emmanuel Macron a donc montré un petit graphique pour montrer qu'aujourd'hui, le gouvernement recherche 70 euros d'économies pour 1 000 euros de dépenses publiques, d'ici à 2029. La plus grande partie des dépenses publiques reste les dépenses sociales (retraites, sécurité sociale et autres).

     

     
     


    Il voudrait bien réduire le nombre de fonctionnaires (« mais ce n’est pas [la piste] qui crée le plus d’économies »), et pas les militaires, pas les enseignants, pas les soignants... Plutôt : « faire des efforts sur ce qu'on suradministre. On a un taux de suradministration dans la santé. Là, on a des pistes. ».

    Emmanuel Macron a proposé d'ouvrir deux grands chantiers : une conférence sociale sur le financement de notre modèle social, qui repose trop sur le travail, et un autre sur le travail des seniors, qu'il puisse y avoir plus de souplesse, etc.
     

     
     


    Par ailleurs, le Président de la République a exclu tout référendum sur les retraites mais aussi sur l'immigration, ce dernier serait même anticonstitutionnel selon lui. Défendant « le droit à vivre une vie de famille normale », le chef de l'État s'est prononcé pour maintenir le regroupement familial : « Je ne suis pas pour remettre en cause le regroupement familial. (…) Le regroupement familial qui l’utilise ? L’essentiel du regroupement familial ce sont des Français ou des Françaises qui épousent des étrangers et veulent les faire venir. ».

    En revanche, Emmanuel Macron a donné raison à Robert Ménard dans son refus, en tant que maire, de marier quelqu'un qui était sous OQTF (obligation de quitter le territoire français) : « Il a raison, c’est le bon sens. Je suis pour qu’on exécute les OQTF et donc la proposition de loi du sénateur Demilly, sénateur de la Somme. Je souhaite qu’elle soit inscrite rapidement à l’Assemblée Nationale. Je pense que c’est un bon débat, car c’est un débat de bon sens. ».


    Le Président s'est également opposé au port de signes religieux dans le sport : « Je suis pour la charte olympique qui interdit le port de tous signes religieux dans les compétitions. La pratique du sport, je pense que c’est aux fédérations de décider. Mais je pense que quand on est dans une compétition, ce n’est pas la place d’un signe religieux. ».

    Répondant à l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot, Emmanuel Macron a refusé de trouver dans une nouvelle taxe sur les successions la solution miracle de tout : « Mon programme est plutôt de baisser la taxe d’héritage (…). La clef, c’est qu’on aide davantage nos compatriotes à constituer un patrimoine. (…) Je pense que la réponse n’est pas dans les taxes, la réponse est dans notre capacité à avoir plus de mobilité sociale. ».
     

     
     


    L'émission a commencé sur la guerre en Ukraine et le harcèlement de questions du journaliste maison Darius Rochebin. Emmanuel Macron a été assez convaincant dans ce domaine qu'il connaît par cœur pour être l'un des acteurs majeurs de la vie internationale. Le chef de l'État a souhaité négocier directement avec Vladimir Poutine : « Je le ferai en coordination avec Volodymyr Zelensky et avec les partenaires européens. On doit négocier avec lui pour la suite. ».

    Emmanuel Macron en a profité pour balayer toutes les fake news sur son compte : « Nous n’avons jamais proposé d’être sur la ligne de front. Il y aura forcément une ligne entre des territoires occupés et des territoires libres. Faut-il un mandat des Nations-Unies, une force de maintien de la paix ? Cela fait partie de la question. (…) Les forces de réassurance, ce n’est pas des forces sur la ligne de front. (…) C’est mettre des forces prépositionnées, loin de la ligne de front, dans des endroits qui sont clefs, dans des opérations conjointes, (…) avec une capacité de dissuasion. (…) Si la Russie violait la paix, elle attaquerait de facto les forces alliées. ».

    Enfin, pour être tout à fait clair : « Ce qui se joue en Ukraine, c'est notre sécurité. (…) On doit aider l'Ukraine à se défendre, mais on ne veut pas déclencher un troisième conflit mondial. (…) Nous avons décidé de ne pas engager nos troupes en confrontation directe avec une puissance dotée de l’arme nucléaire (…), pour qu’il n’y ait pas d’escalade, car on ne veut pas faire la troisième guerre mondiale [avec la Russie]. ».

    Il a par ailleurs rappelé la doctrine française de la dissuasion nucléaire : « Depuis qu’une doctrine nucléaire existe, il y a toujours eu une dimension européenne dans la prise en compte de ce que l’on appelle les intérêts vitaux. On ne le détaille pas car l’ambiguïté va avec la dissuasion. (…) Si les Européens veulent rester libres, ils doivent être en situation de s'armer, d'être solidaires et de dissuader. (…) La France est prête à une discussion sur le déploiement d'avions armés de bombes nucléaires dans d'autres pays européens. (…) La France ne paiera pas pour la sécurité des autres, ça ne viendra pas en soustraction de ce dont on a besoin pour nous et la décision finale reviendra toujours au Président de la République. ».

    Emmanuel Macron a été aussi interrogé sur la situation dramatique à Gaza : « C’est un drame et c’est horrible. Moi, mon boulot, c’est de tout faire pour que cela s’arrête. (…) Ce que fait le gouvernement de Benjamin Netanyahou est inacceptable et aujourd’hui, la crise humanitaire est la plus grave depuis octobre dernier. (…) On ne peut pas faire comme si de rien n’était, donc on va devoir monter la pression. ».
     

     
     


    À la fin de l'émission, il a évoqué les référendums possibles. C'est sans doute sa partie la plus mauvaise de l'émission, car il est resté dans le flou complet. L'Élysée avait pourtant fait monter la sauce en annonçant des initiatives dans ce domaine, mais il n'en a rien été. Certes, le Président de la République a confirmé ses vœux du 31 décembre 2024 : « Je souhaite qu’on puisse organiser une consultation multiple, c’est-à-dire plusieurs référendums en même temps, dans les mois qui viennent. ». Mais : « Cela suppose un travail qui chemine pour le gouvernement » et « on a des réformes institutionnelles qui sont à prévoir, des réformes économiques qui sont à porter ». Il a avoué ne pas vouloir « donner ici trop précisément les thèmes. C’est au gouvernement de finir ce travail et à moi de prendre les décisions. ». Tout en excluant un référendum sur les finances publiques qui est de la compétence du Parlement.
     

     
     


    Ainsi, Emmanuel Macron a évoqué des thèmes qui sont très anecdotiques selon les Français, tels que l'interdiction des réseaux sociaux en dessous d'un certain âge pour préserver les jeunes, l'exposition aux écrans, etc. Et aussi, l'euthanasie. Ce qui me navre vraiment (j'y reviendrai). Certes, il veut un travail au Parlement, mais pour faire pression sur les députés et les sénateurs, il n'exclut pas de soumettre la loi sur l'euthanasie au référendum, ce qui serait une grave faute morale et politique : « Si à l’issue de cette première lecture, on voyait un enlisement, une espèce d’impossibilité d’aller au bout, à ce moment-là, le référendum peut être une voie pour débloquer et permettre aux Françaises et aux Français de s’exprimer. ». C'est un sujet très sensible et le débat doit être apaisé, voire consensuel. Le mettre dans un référendum polariserait stupidement et inutilement "l'opinion publique" (pour être clair, je conçois que je dois être à l'envers des tendances majoritaires actuelles puisque je soutiens Emmanuel Macron mais, en même temps !, je suis absolument contre cette loi sur l'euthanasie).
     

     
     


    Je termine par trois éléments de politique politicienne.

    Le premier concerne la confiance qu'Emmanuel Macron porte envers le Premier Ministre François Bayrou à la veille de son audition devant la commission d'enquête sur le scandale de Notre-Dame de Bétharram : « Demain, je sais qu’il répondra à toutes les questions qui lui seront posées. Je sais qui il est. Le Premier Ministre est un homme que je connais depuis de nombreuses années, je sais qui il est et j’ai confiance en lui. ».

    Le deuxième élément est une confidence volée, repérée par certains éditorialistes. Lorsque Sophie Binet a dit à Emmanuel Macron que, selon les sondages, 65% des Français seraient favorables à un référendum sur les retraites, le Président a tout de suite rejeté l'intérêt des sondages en disant qu'ils pouvaient se tromper, et surtout, laissant croire qu'il avait prononcé la dissolution de l'Assemblée à partir de sondages (douteux). Si c'était vrai, ce serait malheureux que d'autres critères n'aient pas été pris en compte dans la réflexion du chef de l'État.


    Enfin, le troisième élément est la dernière question de Gilles Bouleau, décidément une de trop, qui était, non pas de se retrouver à l'élection présidentielle de 2027, mais déjà à celle de 2032 ! En gros, est-ce qu'Emmanuel Macron solliciterait un nouveau mandat en 2032 (en fait, la question était plus rusée, c'était : est-ce qu'il excluait complètement de se représenter en 2032 ?). La réponse d'Emmanuel Macron était intéressante, pour le coup : « Je suis le premier Président qui n’a constitutionnellement pas le droit de se représenter. Ce n’est jamais arrivé. (…) Je pense chaque jour à une seule chose, c’est notre pays, c’est aller au terme de ce mandat en ayant fait tout ce que je pouvais faire. (…) Quand j’aurais fini, je réfléchirai à la suite, et à ce moment-là je pourrais vous répondre. Mais aujourd’hui, je n’ai pas réfléchi. ».
     

     
     


    Que retiendrons les Français de cette très très longue émission de télévision ? Sans doute rien ! Car il n'y a eu aucune annonce claire, concrète et mesurable. C'est donc surtout un sentiment d'impuissance qui transparaît implicitement du flou élyséen. Et c'est normal, car la réalité, mais il n'osera jamais se l'avouer, le pouvoir politique s'est déplacé à Matignon et au Palais-Bourbon. L'Élysée reste essentiel pour la diplomatie et la défense, mais certainement pas pour la politique économique et sociale de la France. Pour preuve, cette petite remarque sur le travail du gouvernement : « Le Premier Ministre travaille avec son gouvernement sur un budget. Le budget, c’est la compétence du Parlement. (…) Il travaille aussi sur des réformes ambitieuses sur le plan économique et social. Je n’ai pas le plan. Donc, quand il me présentera ses réformes, si on considère que certaines peuvent aller au référendum, je vous dis pourquoi pas. ». "Je n'ai pas le plan" : voilà sans doute l'explication de l'impuissance présidentielle ! Il ne lui reste plus que le verbe.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur les taxes douanières américaines le 3 avril 2025 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 mars 2025 (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Vœux 2025 d'Emmanuel Macron : aux Français de trancher ?
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 décembre 2024 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Sidération institutionnelle.
    Emmanuel Macron, haut et fort dans l'intérêt de la France et des Français.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2 (vidéo intégrale).
    Discours du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 en Normandie.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur l'Europe le 25 avril 2024 à la Sorbonne à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (le26 septembre 2017 à la Sorbonne).
    Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Pour que la France reste la France !
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Macron.
    Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

    Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
    Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
    Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
    Élisabeth Borne remerciée !
    Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
    Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250513-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-qu-allait-il-faire-260950

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/13/article-sr-20250513-macron.html


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