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  • Emmanuel Macron à la télévision : Mélanie avant l'Urgence Océan

    « Question redoutable pour une mort insupportable. Les politiques sont légitimement sommés de trouver des remèdes à une situation révoltante : aucun éducateur ne devrait risquer sa vie en encadrant des adolescents. Et le service public encore une fois, n’a pas su protéger l’un de ses serviteurs. Indignation maximale, parfois surjouée, souvent récupérée, mais pour réclamer quoi ? C’est là que les solutions faciles, que les "y'a qu'à, faut qu'on" viennent soudain buter contre le réel. » (Patrick Cohen, le 11 juin 2025 sur France Inter).



     

     
     


    Le Président de la République Emmanuel Macron était l'invité d'une très longue émission de télévision sur France 2 ce mardi 10 juin 2025. L'émission, intitulée "Urgence Océan" a duré près de deux heures trente et été diffusée en direct dans la soirée depuis la ville de Nice où se tenait la Conférence des Nations Unies sur l'Océan.

    Au contraire de l'émission du 13 mai 2025 sur TF1 où Emmanuel Macron avait maladroitement tenté de revenir dans le jeu de la politique intérieure sans avoir été capable d'annoncer une seule mesure concrète, le chef de l'État n'était pas dans ce cadre, ce mardi, à contre-emploi, au contraire, en plein de son rôle de Président de la République censé prendre de la hauteur et anticiper des enjeux à long terme, dans ce qu'on pourrait appeler une diplomatie du climat.

    Certes, seulement 1,5 million de téléspectateurs étaient à l'appel ce mardi soir, mais pour une émission de cette qualité, c'était en fait déjà beaucoup. La longue durée était nécessaire pour présenter les sujets techniques et scientifiques (Thomas Pesquet, entre autres, était parmi les invités), et je recommande vivement de visionner cette émission (vidéo en fin d'article).

     

     
     


    Toutefois, l'actualité très chaude de la journée, un pays sous le coup de l'émotion du meurtre de Mélanie, assistante d'éducation à Nogent, en Haute-Marne, par un collégien de 14 ans, a provoqué un nécessaire changement dans l'émission en permettant au Président de la République de consacrer son premier quart d'heure à ce drame terrible.

    Au-delà de l'expression de son émotion, Emmanuel Macron est revenu en effet sur les mesures pouvant empêcher de nouveaux drames de ce type : un adolescent utilisant une arme blanche, un couteau, pour tuer une personne. Il a ainsi insisté sur l'importance d'interdire la vente de couteau aux adolescents de moins de 15 ans.


    Dans l'après-midi du 11 juin 2025, le Premier Ministre François Bayrou a confirmé au Sénat cette mesure : « Il n'est pas normal que la détention d'armes par des adolescents se développe ainsi. Nous allons interdire la vente de ces armes aux mineurs et multiplier les contrôles de port d'armes. (…) En particulier, on ne pourra plus livrer par internet ce type d'armes sans la signature d'un adulte. ».
     

     
     


    Mais tout le développement d'Emmanuel Macron sur la vente des couteaux m'a paru un peu vain. En effet, dans le cas du meurtre à Nogent, l'adolescent avait pris un couteau de 34 centimètres dans la cuisine de ses parents. Rien ne pourra empêcher un adolescent de dérober ou d'acquérir une arme blanche. On peut bien sûr lui mettre plus d'obstacles, mais ce n'est pas une mesure vraiment efficace.

    Du reste, je dois donner ma propre expérience. À l'Assemblée Nationale le 10 juin 2025, François Bayrou avait confié cette anecdote qui n'a pas été diffusée avec beaucoup d'écho et pourtant, très significative : « C’est une décomposition de la société dans laquelle nous vivons et c’est le surgissement de pratiques de vie communes. L’un de mes collègues disait à l’instant tout bas que son petit garçon de 10 ans lui a demandé quand il pourrait avoir un couteau à l’école. Cela concerne tous les milieux. ».

    J'ai réfléchi à cette anecdote et je me suis rappelé qu'au même âge, autour de 10 ans, et même 9 ans, lorsque j'étais en colonie de vacances, j'étais dans le même état d'esprit, nous voulions, nous, moi et mes compagnons de vacances, avoir des couteaux, des canifs, c'étaient soit des canifs multifonctions (des couteaux suisses), soit des opinels. En montagne, en randonnée, nous étions contents de disposer d'un tel couteau, pour faire des arcs ou encore pour jouer entre nous (nous nous lancions le couteau dans le sol). Précisons, pour rassurer, qu'il n'était pas question d'utiliser ces couteaux comme des armes, mais plutôt comme des accessoires de jeu que nous savions dangereux et auxquels nous faisions attention. Pendant longtemps, j'ai gardé un canif dans ma poche comme pas mal d'hommes (il me semble), jusqu'aux premières vagues d'attentats et à l'instauration des plans Vigipirate ou de ses premiers équivalents, qui interdisait le passage dans certains lieux avec de tels objets considérés comme des armes blanches.

    Dans son analyse, Emmanuel Macron a voulu donner une explication de cette supposée recrudescence des violences d'adolescents : d'une part, l'explosion des familles, la cellule familiale permettait d'instaurer un certain nombre de valeurs et aussi un dialogue au sein de la famille ; d'autre part, les réseaux sociaux, où l'enfant s'isole dans une bulle totalement irréelle l'incitant parfois de passer à l'acte.

    Il est ressorti de cette analyse que le Président de la République militait très fermement pour l'interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans et donc, pour obliger les plate-formes des réseaux sociaux à vérifier que leurs utilisateurs aient plus de 15 ans, comme cela était le cas à 18 ans pour les sites à contenu pornographique.

    Au Sénat le mercredi, François Bayrou a reparlé de cette mesure : « Le Président de la République s'est exprimé plusieurs fois sur l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, qui relève de la compétence de l'Union Européenne. Il l'a dit hier : si l'Union Européenne ne nous suit pas, nous prendrons nos responsabilités en ouvrant ce chemin pour la France. ».


    Là encore, si dans le cas général, il peut y avoir un effet, dans le cas du meurtre de Mélanie, le mis en cause était peu présent dans les réseaux sociaux et ces derniers ne sont donc pas en cause dans cette contribution au passage à l'acte.

    Deux choses graves ont notamment motivé le meurtre de Mélanie : l'adolescent n'a eu aucune empathie pour sa victime ni ses proches, il se moque qu'elle soit tuée ; la présence de cinq gendarmes à l'entrée de l'établissement ne l'a pas empêché de passer à l'acte. La peur du gendarme n'a pas fonctionné ou a pesé peu face à l'extrême violence qu'il avait en lui.

    La troisième vague de mesures, confirmée par François Bayrou au Sénat, concerne la santé mentale : « Nous devons traiter la question des auteurs, la main qui tient l'arme. Un travail considérable est à mener pour protéger la santé mentale des jeunes. À l'adolescence, certains basculent en quelques jours (…) : ce garçon était référent harcèlement et n'était pas considéré comme ayant des problèmes. Tous les signes d'un risque de basculement doivent être identifiés ; nous devons former à cet égard les enseignants et les élèves eux-mêmes. ».

    Mais sans doute que le plus important reste la carence éducative des parents que nul ne peut remplacer, et surtout pas l'État. Comme l'a expliqué Emmanuel Macron, l'explosion des familles a fait perdre beaucoup de repères aux enfants, la notion de bien et de mal, aussi la notion de réalité et de virtualité. L'existence de l'autre, le respect qui est dû à l'autre, son intégrité physique.

    C'est ce que proposait aussi le journaliste Patrick Cohen dans sa chronique sur France Inter le 11 juin 2025 : « Prendre enfin à bras le corps le sujet de la santé mentale des jeunes, pour laquelle les alertes se multiplient depuis la fin de la crise du covid. Miser sur la prévention. Arrêter de faire croire qu’il est possible de tout contrôler et de tout empêcher. ».

    D'ailleurs, l'éditorialiste a voulu pondérer les impressions sur la violence des adolescents : « D’abord l’usage des couteaux n’a rien de français, le fléau est européen. Pour la seule ville de Londres, 10 adolescents sont morts poignardés l’an dernier, 18 en 2023. Ensuite, les chiffres globaux de la délinquance des mineurs en France vont à rebours de ceux qui vous parlent d’ensauvagement généralisé ou d’un pays à feu et à sang. En sept ans, cette délinquance a baissé de 25% ! 65 000 mineurs poursuivis par la justice en 2016. 48 000 en 2023. Avec un recul presque similaire des condamnés, ainsi que des mis en cause par la police et la gendarmerie. En revanche, les actes les plus violents ont bondi. Le nombre d’adolescents poursuivis pour meurtre ou tentative d’homicide, a plus que doublé : 108 en 2016. 255 en 2023. Narcotrafic et règlements de comptes. Cela reste à la fois très minoritaire et très médiatisé. ».


    Sur France 5, ce mercredi 11 juin 2025, le docteur Jean-David Zeitoun, spécialiste en épidémiologie clinique et auteur d'un essai sur les causes de la violence, expliquait que la violence n'a cessé de se réduire depuis sept cents ans ! D'un rapport cinquante. On était beaucoup plus violent dans le passé, mais cela reste encore à un niveau aujourd'hui inacceptable.

    Le Président du Sénat Gérard Larcher a ouvert la séance du 11 juin 2025 par une minute de silence, comme ses collègues députés la veille : « Aucune forme de violence n'a sa place au sein de l'école de la République. Face à la multiplication de ces événements tragiques, nous devons agir collectivement pour renforcer la sécurité des élèves et du personnel qui les encadre, afin que de tels drames ne puissent se reproduire. ». Dans ce domaine, la démagogie et la récupération politique ne sont d'aucune utilité.
     

     
     


    Je voulais évoquer la prestation télévisée d'Emmanuel Macron, mais c'est le drame de Nogent qui est revenu, pressant, imposant, dans les esprits. Oui, c'est important, essentiel même, de se préoccuper du combat pour le climat, du combat pour préserver l'océan. Mais à l'évidence, cette émission pédagogique est arrivée au plus mauvais moment. Elle a au moins le mérite d'avoir été faite et de pouvoir être regardée de nouveau pour bien comprendre les phénomènes en jeu.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron à la télévision : Mélanie avant l'Urgence Océan.
    Mélanie, la douceur incarnée.
    Sidération institutionnelle.
    Il y a un an, la dissolution !
    La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs.
    Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou.
    Interview de François Bayrou le 27 mai 2025 sur BFMTV (vidéo intégrale).

    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250610-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-a-la-television-261459

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/11/article-sr-20250610-macron.html


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  • L'Essentiel chez Labro

    « C'est une des clefs de la vie : si on a une passion, la force et la construction familiales, ça compte. Pour mes parents, c’était un risque, une aventure, un danger, et peut-être un déchirement de me voir partir, mais en même temps c’était : "tu veux le faire, tu le fais". Alors je suis parti à 17 ans. J’en ai eu 18 sur les routes américaines. Et j’ai vécu une aventure qui a totalement changé ma vie, qui a déterminé ma carrière et peut-être même mon caractère. » (Philippe Labro, en février 2012 pour "Phosphore").




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    "L'Essentiel chez Labro", c'était l'une de ses dernières émissions culturelles à la télévision, sur la chaîne disparue C8, diffusée le dimanche soir de mai 2021 à février 2025. Philippe Labro est mort ce mercredi 4 juin 2025. Troublante et triple coïncidence : il est mort le même jour, au même âge (88 ans) et de la même saleté de maladie que la sublime chanteuse Nicole Croisille. Un homme avec toi.

    Difficile de caractériser celui qu'on pourrait appeler un dandy de la vie moderne : écrivain, journaliste, animateur de télévision, producteur, réalisateur de cinéma, parolier de Johnny Hallyday et Jane Birkin (une trentaine de chansons), patron de radio, commentateur sportif, etc., touchant aux images, à l'écrit, à l'oral, dans la presse écrite, à la radio et à la télévision. Il a failli recevoir deux fois le Goncourt, a eu le Prix Interallié (beau lot de consolation), a eu l'audace des folies, des défis, n'a pas hésité à partir à 17 ans en terre inconnue pour découvrir, se faire lui-même une idée du pays le plus influent du monde.

    J'avais évoqué quelques éléments de sa très longue trajectoire il y a quelques années. Pour lui, le mot "retraite" était un gros mot, même à 88 ans ! Même malade ! S'il a arrêté son émission de télévision le 25 février 2025, ce n'était pas parce qu'il voulait la quitter, mais c'est la chaîne qui l'a quitté, disparue au fond de l'abîme de l'Arcom pour non-respect des conventions contractuelles. Ce qu'on peut dire avec certitude, c'est qu'il avait accumulé au fil des années une très vaste culture, autant livresque que sur le tas, une passion de la curiosité...


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    Deux événements de sa vie l'ont particulièrement marqué, d'ordre médical. Deux pépins de santé majeurs.

    Le premier événement fut un œdème du larynx et une pneumopathie foudroyante en 1994 : six semaines à l'hôpital, dont dix jours en réanimation à la suite d'un coma. À cette occasion, il a vécu une expérience de mort imminente qu'il a racontée deux années plus tard dans son roman "La Traversée".


    « Les femmes sourient, comme les hommes. Je les aime tous, ces hommes et ces femmes. Ils ne sont pas plus d'une dizaine. Je les ai tous aimés, mais ils sont morts, et je les aime encore, puisqu'ils n'ont jamais quitté ma mémoire. Ce sont les morts de ma vie. Je me demande pourquoi je devrais les rejoindre. Ce n'est pas dans mes projets. Pourtant, ils insistent. On dirait qu'ils ont adopté la même rondeur dans le maintien, dans le sourire, la même gentillesse un peu lourde, un peu répétitive dans le ton. Il y a une douceur, une douceur ferme, lente, doucereuse :
    – Viens, mais viens donc ! Qu'est-ce que tu attends ?
    Une douceur au ralenti, comme leurs gestes, rares et ralentis. Ils savent ce qu'ils font et ce qu'ils veulent, et cela provoque chez moi un soupçon d'irritation. Car j'ai beau les aimer, je n'aime pas leur insistance, leur face de carême réjouie, cette espèce de componction qui les habite, leur certitude que ça va marcher et que je vais leur obéir et traverser la ligne ! Non : ce sont des morts. Je ne veux pas y aller.

    Ils sont morts, ai-je dit, mais ils ne sont pas morts puisque je suis vivant et puisqu'ils sont là, bien présents le long du mur blanc-jaune, et puisqu'ils me parlent. Ou alors, est-ce moi qui ne suis plus vivant ? ».

    De cette expérience personnelle très intime, Philippe Labro avait reçu plusieurs leçons.


    La première est une leçon d'humanité : « Le malade est un égoïste, un enfant gâté qui attend tout, un "assisté" à 100%. Or, la jeune femme qui, à 6 heures du matin, vient lui porter ses premières gélules ; la jeune femme qui, à 8 heures, vient lui servir son thé chaud et ses tartines ; la jeune femme qui, à 9 heures, vient balayer et nettoyer le sol de sa chambre, la cuvette de ses toilettes, les cloisons de ses placards ; le jeune homme qui, à 10 heures, vient lui poser son aérosol ou prendre sa température ou son sang ; les femmes qui, à 11 heures, viennent changer les draps de son lit et son alaise ; les ouvriers et les ouvrières de cette incessante manufacture de la vie qu’est un hôpital méritent toutes et tous votre considération et votre compassion. Cette considération et cette compassion vous viennent d’autant plus aisément que vous sortez de la réa. Il est important de conserver ce sentiment et de l’entretenir sans artifice. Infirmières et infirmiers, kinés, femmes de ménage, surveillantes et internes, assistantes : ils sont comme vous et moi. Ils se posent la même question : qu’est-ce qu’on fait là, dans cette vie, qu’est-ce que je fais avec ce corps-là ? Ils savent même un peu mieux que vous et moi qu’ils doivent mourir, et que ce savoir nous rend différents de toutes les espèces et créatures vivantes sur cette terre. ».

    Une autre leçon, fondamentale : « Il faut parler aux malades. N'écoutez pas les hommes de science et de technique, les hommes d'autorité et de compétence, les hommes de savoir dont la connaissance s'arrête aux portes des sentiments et dont la rationalité limite leur approche de la vie et des êtres. N'écoutez pas ceux qui vous disent que le malade, le comateux, voire le mourant, voire le mort !, ne vous entendent pas. Il faut parler à ceux dont on croit qu'ils ne sont plus en état de recevoir une parole, parce que, justement, la parole passe. Il suffit qu'elle soit parole d'amour. ».

    Une leçon sur la douleur : « Il existe quatre étapes pour aborder la douleur. Premièrement, il faut la reconnaître. Deuxième étape, si tu l'as reconnue, il faut l'accepter. Troisième étape, puisque tu l'as acceptée, tu peux essayer d'en sortir. Quatrième et dernière étape, tu es donc capable de la dépasser, puisque tu la connais. ».

    Une leçon sur les forces en présence : « Première force : la volonté et la résistance, transformées en un combat verbal entre les deux voix (la négative et la positive). Deuxième force : le rire. Troisième force : l'amour, les autres. ».

    Une leçon d'amour et de vie : « Lorsque vous êtes en face d'un malade en proie à l'incertitude sur sa propre vie, et à la solitude provoquée par cette incertitude, ne lui dites pas seulement que vous l'aimez. Dites-lui aussi que les autres l'aiment, parlez-lui de ces "autres". Parlez-lui de ce qui fait une des beautés de la vie : parlez-lui des vivants. Car s'il passe ce seuil mystérieux au-delà duquel il devient étranger à vous et aux autres, alors le monde des vivants lui paraîtra une pure absurdité. Empêchez-le de tomber dans cette absurdité et poussez-le doucement à recenser tout ce qu'il doit à ceux qui l'aiment et qu'il aime. Poussez-le à comprendre que votre amour, comme celui des autres, ou celui qu'il a pour les autres, vaut qu'il lutte pour vivre. ».

    Une leçon sur l'ordre des événements : « Tu pensais avoir encore beaucoup d'années, beaucoup de temps devant toi, mais que veux-tu, même si ce n'était pas programmé, c'est en train de se produire. Tu seras peut-être le premier à t'en aller des quatre frères qui formaient ta famille. Et pourtant, tu n'étais pas l'aîné, ni même le second, mais rien ni personne n'a jamais énoncé que l'on quitte la vie dans l'ordre dans lequel on l'a abordée. Rien ! Il n'y a pas de loi, c'est écrit nulle part. Il va falloir l'accepter. Tu seras le premier à rejoindre ton père. ».

    La leçon pour reconnaître un menteur : « On comprend vite le discours d'un menteur. C'est toujours attirant mais on comprend, parce que c'est toujours le même discours. Et l'on finit par comprendre que le menteur lui-même y croit. C'est ce que l'on appelle un menteur de bonne foi. Ce sont les plus dangereux. Eh bien vois-tu, cet homme n'est pas un type bien. Un type bien, c'est le contraire de ce que tu viens de voir et d'entendre. ».

    Une leçon sur la crétinisation ambiante : « Nous vivons une civilisation bombardée d'images et de sons crétinisants. Le monde se crétinise à vitesse accélérée, à la vitesse de l'image. C'est ce que je ressens en ce moment même, pendant que je vous parle. Je me dis que je devrai être plus attentif a préserver mes enfants de la communication de masse, de l'insuffisance de la Culture vers eux. Est-ce que nous les élevons correctement, est-ce que nous n'avons pas abandonné notre devoir d'explication, de nourriture esthétique à leur égard? Donnons-nous à l'éducation toute l'importance qu'elle devrait avoir ? ».

    Où habitait-il alors ? Dans la capitale de la douleur : « L'image me convient, elle est appropriée : tu habites dans la Capitale de la Douleur, boulevard des Allongés, rue des Tubulés, impasse des Quasi-comateux, carrefour du Larynx Bouché, à l'étage de la Bactérie Inconnue et Non Identifiée, dans l'appartement des Perfusés, dans la pièce des Réanimés. Dans le quartier des Angoissés. ».


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    Le second événement marquant fut une dépression nerveuse entre octobre 1999 et avril 2001. Il devait devenir président de RTL en 2000 après avoir été pendant une quinzaine d'années le directeur général des programmes de la station de radio, mais au lieu cela, il s'est retrouvé à l'hôpital. Descente aux enfers : « Acceptez la vérité, c'est déjà un remède. Consulter un médecin psychiatre ne constitue ni une faiblesse ni une tare. La dépression est une maladie. Ça ce soigne. On en guérit. ». Là encore, il a décrit cette étrange maladie dans un roman deux années plus tard, "Tomber sept fois, se relever huit".

    « Faire semblant tout de même ! Par je ne sais quel réflexe d'orgueil, la peur de ne pas être à la hauteur de ce que je crois qu'on attend de moi, je vais m'accrocher à mon travail, au bureau, aux horaires et aux réunions. Je vais faire semblant d'être "opérationnel". Peut-être ai-je commis une erreur. J'aurais peut-être du tout lâcher et dire : "Voilà, je suis malade, je prends un congé, débrouilliez-vous sans moi, je vais me faire soigner". Mais d'abord, je n'avais pas encore admis et accepté que j'étais malade. Je n'arrivais d'ailleurs pas à définir la maladie. Il faut sauver la face, sauver le job aussi, peut-être ? ».

    La description de son état de malade est précise, sincère, factuelle, glaçante.

    L'extinction générale : « Tout fait peine. La voix et le regard sont éteints ? Mais c'est tout votre corps qui l'est, éteint ! ».

    La course au sommeil : « Lassitude, épuisement, tout est lourd, difficile, insupportable. Seul projet, seul objectif : chercher le sommeil et s'y réfugier. Ah ! pouvoir dormir, pouvoir prolonger l'oubli de moi, mon corps, mes jours de la vie. Et espérer que le sommeil m'aidera et me réparera, que j'en ressortirai meilleur, plus en forme. Vite, vite : du sommeil, comme on réclame de l'eau, du pain, comme un clochard quémande de l'argent ! ».

    L'isolement progressif : « Leurs visages et leurs expressions m'échappent, m'indiffèrent. Rien ne m'intéresse que la douleur qui est en train de m'isoler et dresser un mur de verre entre les autres et moi. ».

    L'évolution narcissique : « Le déprimé est fondamentalement un égoïste, autocentré, il ne s'intéresse qu'à sa maladie, il est incapable de se mettre à la place des autres. Il ne connaît plus l'affection. Il est même d'une certaine façon amoureux de sa propre dépression. ».

    Le vide retentissant : « Il y avait ce vide total, cette perte de toute perspective, toute projection dans l’immédiat, il y avait une peur absolue de tout et l’aveuglante certitude d’une absence de solution. Aucune pensée construite, aucune capacité de réfléchir à ce qui était en train de m’arriver. ».

    L'inactivité : « L'épuisement de ne rien faire, ne plus exercer son corps ou son intelligence, ne plus toucher à un stylo, un crayon, du papier, ne voir venir aucune idée, aucun sujet, ne plus s'adonner à cette discipline salutaire et solitaire que j'avais observée depuis ma première jeunesse : prendre des notes ! ».

    Les leçons de la dépression : « Quel est l'héritage d'une dépression ? Qu'ai-je reçu que je n'avais pas ou que j'avais oublié ? Un peu plus de modestie, une forte dose du sens de la relativité des choses, la conscience que ta douleur ne pèse d'aucun poids par rapport à celle de tant d'autres. Le simple recul d'un demi-millimètre sur toi-même, et tu mesures à quel point tes plaintes et souffrances n'étaient que pleurnicheries, eu égard à la misère absolue des condamnés de cette terre. ».

    Ces deux événements de santé autour de 60 ans ont complètement retourné Philippe Labro. Son don de l'écriture et de la description lui a permis de mettre des mots à ses maux (formule qui est certes un poncif). Et surtout, de faire œuvre utile aux autres, à ceux qui souffrent de la dépression mais aussi à leur entourage pour qui c'est très difficile. Il s'est éteint d'un autre mal, lui aussi, hélas, très répandu, en forme de crabe...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Touche-à-tout de l'audiovisuel français.
    Philippe Labro.
    Alain Duhamel.
    André Siegfried.
    Boualem Sansal.
    Robert Badinter.
    Charles De Gaulle.
    Philippe De Gaulle.
    Natacha Polony.
    Alain Finkielkraut.
    Cyril Hanouna.
    Éric Zemmour.
    Clémentine Autain.
    Ségolène Royal.

    Pierre Dac.
    Julien Dray.
    Jean-Louis Debré.
    Jean-François Kahn.
    Axel Kahn.
    Philippe Val.
    Sophia Aram.
    Claude Allègre.
    Hubert Reeves.
    Alain Peyrefitte.
    Jean-Pierre Elkabbach.
    Patrick Cohen.
    Fake news manipulatoires.
    Bernard Pivot.
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Yves Montand.
    Jean Lacouture.
    Marc Ferro.
    Dominique Baudis.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Christine Angot.
    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
    Comment devient-on le chroniqueur politique le plus influent du pays ?

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250604-philippe-labro.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/l-essentiel-chez-labro-261366

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/04/q2article-sr-20250604-philippe-labro.html




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  • Nicole Croisille, une femme avec Nous

    « Et je perdais mon temps dans ce désert doré
    J'étais seule quand je t'ai rencontré
    Les autres s'enterraient, toi tu étais vivant »
    ("Une femme avec toi", 1975).




     

     
     


    La très talentueuse chanteuse Nicole Croisille s'est éteinte ce mercredi 4 juin 2025 à l'âge de 88 ans, des suites d'une saleté de maladie (elle a connu la chimiothérapie). Coïncidence ? Même jour et même âge que Philippe Labro. Si ce dernier a bénéficié d'une bonne couverture médiatique (ce qui est logique, la disparition d'un des leurs touche les journalistes), j'ai l'impression qu'on a un peu oublié Nicole Crosille dans les médias.

    Elle était pourtant très présente dans l'actualité culturelle jusqu'à récemment (2020). Effectivement, elle jouait encore en 2020 dans une pièce de Sacha Guitry aux côtés de Michel Sardou, au Théâtre de la Michodière, à Paris. C'était le genre de personne qui mourrait artiste. Elle était d'ailleurs jalouse de son autonomie et n'aurait pas accepté d'être diminuée, elle laissait échapper qu'elle ne concourait pas pour être centenaire. Elle était du reste favorable à l'euthanasie.

    On a parlé d'elle comme de "la" chanteuse de Claude Lelouch, celle du Chabadabada de 1966, dans le film "Un homme et une femme". Des paroles de Pierre Barouh et une composition de Francis Lai, Nicole Croisille l'a interprétée aux côtés de Pierre Barouh.





    C'était peut-être cela, son talon d'Achille, elle était une interprète exceptionnelle et émouvante mais elle dépendait de paroliers et de compositeurs. C'est pour cela que sa carrière a été en dents de scie.

    Comme je l'avais déjà exprimé il y a plus de trois ans, j'ai adoré la chanson "Une femme avec toi" de Vito Pallavicini et Alfredo Ferrari adaptée par Pierre Delanoë. Elle est sortie en 1975 et caractérisait excellemment ces années 1970 faites d'amour et d'insouciance, juste avant les crises économiques, sociales, morales, géopolitiques qui n'en finissent plus de bousculer notre monde contemporain (évidemment, j'exagère, c'est juste une vue de l'esprit, il y a eu bien des crises avant les années 1980).
     

     
     


    Pour moi, cette chanson si bien servie avec cette belle voix était comme une lueur dans un océan d'incertitude et d'inquiétude. L'idée que l'amour triompherait un jour. Qu'une femme puisse te dire : « Et enfin pour la première fois, je me suis enfin sentie : Femme, femme, une femme avec toi ! », quelle émotion, quelle force !





    Autre très belle chanson que Nicole Croisille a interprétée, toujours grâce à Claude Lelouch, dans "Itinéraire d'un enfant gâté" c'est "J'aurais voulu être artiste", chanson de Michel Berger et Luc Plamondon pour Starmania modifiée à la deuxième personne du singulier "Tu aurais voulu être un artiste", dont le vrai titre est "Le blues du businessman".





    Dans le même film, Nicole Croisille a également interprété "Qui me dira".





    Claude Lelouch l'a aussi recrutée, quelques années auparavant, pour son film "Les Uns et les Autres" dont elle a chanté aussi la bande originale mais aussi pour jouer un rôle. En 1995, le réalisateur l'a fait Madame Thénardier dans ses "Misérables".





    Cette rencontre avec Claude Lelouch a été fondamentale et pour Nicole Croisille, c'était la raison de sa voix si émouvante. Lorsqu'elle l'a rencontré, le réalisateur lui a dit : « Quand tu fais des notes invraisemblables, et qu'elles sont de très belles notes, je m'en fous complètement. Ça ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est que tu me racontes une histoire, et c'est que je sente ton émotion. ». Réaction de l'intéressée, racontée le 16 octobre 2028 sur France 5 : « J'ai compris qu'il fallait que j'arrête d'être une technicienne de la voix, j'avais quand même fait le cursus d'une chanteuse d'opéra, et puis, que je m'attache à dire pourquoi j'étais en train de chanter. ». Et après, elle a vraiment compris cela avec la discussion avec le chef d'une chorale sénégalaise : « La voix, c'est le reflet de l'âme. Quand nous, on prie, c'est avec notre voix. ». Ce qui l'a fait réfléchir : « Je me suis dit : il faut que j'arrête d'être une chanteuse de métier. Il faut que j'arrive d'être quelqu'un qui utilise sa voix pour communiquer des émotions. ».

    L'âge n'a jamais été pour elle un obstacle au travail (au contraire de la maladie). Ainsi, il y a encore moins de dix ans, le 11 octobre 2015 sur France 3, elle était toujours sur les plateaux de télévision pour s'adonner à son sport favori ("Téléphone-moi !").





    En réaction aux vidéos des chansons sur Youtube, beaucoup d'internautes ont exprimé leur émotion à l'annonce de la disparition de cette grande artiste. Tous pleurent la grande dame... mais aussi une partie d'eux-mêmes et de leur propre histoire. Merci Madame d'avoir su si bien traduire des émotions intemporelles. Elles le resteront par la magie des enregistrements.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La Nicole s'amuse.
    Nicole Croisille.
    Mike Brant.
    Olena Kohut.
    Joséphine Baker.
    Florence Arthaud.
    Herbert Léonard.
    Jeanne Calment.
    Pierre Bachelet.
    Gérard Lenorman.
    Pierre Dac.
    Marianne Faithfull.
    Marcel Zanini.
    Patricia Kaas.
    Kim Wilde.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250604-nicole-croisille.html

    https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/nicole-croisille-une-femme-avec-261365

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/04/article-sr-20250604-nicole-croisille.html


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  • Gérard Depardieu, un chêne qui s'effondre ?

    « Je n’ai pas attendu MeToo pour dire les violences faites aux femmes sont un problème. (…) Je me félicite que la parole se libère (…). Mais je pense que notre rôle, c'est de permettre son cadre, c'est que la justice puisse faire son travail, c'est qu'on protège les femmes qui sont menacées, mais que là aussi, on ne le fasse pas en oubliant les principes constitutionnels qui sont les nôtres, dont la présomption d'innocence. » (Emmanuel Macron, conférence de presse du 16 janvier 2024).


     

     
     


    C'était un rétropédalage à son trop grand hommage à Gérard Depardieu le 20 décembre 2023 sur France 5. Emmanuel Macron avait effectivement déclaré : « Dans nos valeurs, il y a la présomption d’innocence. Je déteste les chasses à l’homme. Quand tout le monde tombe sur une personne, sur la base d’un reportage, sans qu’il ait la possibilité de se défendre… Les procédures judiciaires suivront leur chemin. (…) Gérard Depardieu est un immense acteur, il a servi les plus beaux textes. C’est un génie de son art. (…) Il rend fière la France. ».

    Eh oui, on peut être un immense acteur et être un "prédateur" sexuel. C'est le privilège des immenses, il est des vertiges qui vont des cimes aux abîmes. Faut-il abattre les anciens héros ? Comment passer de monstre sacré à monstre tout court ?

    Un procès prévu le 28 octobre 2024 et reporté aux 24 et 25 mars 2025. Il a été condamné pour agressions sexuelles le 13 mai 2025 par le tribunal correctionnel de Paris à dix-huit mois de prison avec sursis, une peine d'inéligibilité de deux ans et son inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles. Son avocat a immédiatement annoncé qu'il ferait appel.

    Gérard Depardieu a eu de la veine car sa condamnation est tombée dans la plus grande indifférence médiatique, alors que le Festival de Cannes s'ouvrait. La très forte actualité, du bouillonnement diplomatique autour de l'Ukraine, à l'interminable émission d'Emmanuel Macron, en passant par le scandale de Bétharram, etc. a occulté une information grave : on a condamné pour des agressions sexuelles en première instance le géant du cinéma français. À cause de l'appel, la présomption d'innocence revient au galop, mais le témoignage de deux accusatrices, plaignantes, sur des faits commis en 2021 lors du tournage du film "Les Volets verts", a convaincu le juge.
     

     
     


    Au cours de ce procès, Gérard Depardieu a toujours clamé son innocence. Il a déclaré par exemple qu'il s'était rattrapé par la hanche d'une plaignante parce qu'il allait tomber, sans intention sexuelle. Mais il a aussi reconnu qu'il pouvait prononcer des mots grossiers, choquants, sexistes, etc. Sa défense était confuse, parfois arrogante et peu crédible. Peut-on être bon acteur quand le rôle est mauvais dans un mauvais navet ?

    Cette condamnation (en première instance, donc pas définitive) est toute de même un choc pour beaucoup de Français. Bien sûr, il y avait ceux qui ricanaient un peu, sans s'occuper des victimes (qui se sont multipliées au fil des plaintes ; le collectif donne toujours plus de courage).

    Mais il y avait aussi ceux qui se souvenaient de toute la carrière cinématographique de Gérard Depardieu, de ce jeune inventeur (un très petit rôle) dans l'excellent "Stavisky" d'Alain Resnais (1973) ou de ce jeune malfrat dans cet autre excellent film "Le Viager" de Pierre Tchernia (1972). Bien sûr, ceux-là se souvenaient aussi du film qui lui a apporté la notoriété, "Les Valseuses" de Bertrand Blier (1974), et d'une succession incroyable de films souvent excellents (il a tourné dans plus de deux cents films, quelle santé !), parmi lesquels j'ai adoré "Le Sucre" de Jacques Rouffio (1978), "Buffet froid" de Bertrand Blier (1979), "Le Dernier Métro" de François Truffaut (1980), "La Femme d'à côté" de François Truffaut (1981), "La Chèvre" de Francis Veber (1981)... et j'arrête là pour ses "débuts"...

    Il y a cette impression d'une transformation d'un héros en monstre, une transformation physique qui lui donnait des airs parfaits d'Obélix, mais il y a cette autre impression que ce n'était pas une transformation et que Gégé a toujours été graveleux, toujours aux confins des limites du sexuellement correct, voire les franchissant très nettement (par exemple, en 1978, il expliquait qu'il avait eu son premier viol à l'âge de 9 ans).


    Gérard Depardieu est-il le brutal qu'on pourrait décrire, l'alcool aidant, fracassant le véhicule garé devant chez lui à Paris si ce n'était pas son scooter ? Mais Gérard Depardieu est aussi cette personne fine, sensible, que j'ai rencontrée il y a quelques années au Studio 104 de la Maison de la Radio, qui savait tellement bien prendre un rôle qu'il a chanté Barbara avec une excellence étonnante (il avouait alors qu'il s'aidait d'une oreillette ; ils ne sont pas nombreux ceux qui ont cette franchise-là).
     

     
     


    Des "prédateurs" sexuels, finalement, il y en a eu beaucoup qui étaient de braves gens, voire des personnalités qui pouvaient flirter le sommet du prestige. Dominique Strauss-Kahn aurait pu devenir Président de la République. L'abbé Pierre, personnalité préférée des Français pendant des années, aurait pu reposer au Panthéon. Et maintenant, un autre monstre sacré, Gérard Depardieu.

    Alors, c'est une bonne nouvelle pour toutes les victimes, il ne doit plus y avoir impunité pour quiconque aurait abusé sexuellement d'une autre personne. Mais il faut aussi accepter le clivage entre l'homme et son œuvre. Il ne faut pas détruire la Fondation Emmaüs qui fait vivre et qui a réinséré de nombreuses personnes. Il ne sert à rien de refuser de diffuser un film où a joué Gérard Depardieu, déjà parce qu'il n'est pas le seul à avoir fait le film (producteur, réalisateur, autres acteurs), ensuite parce que ses errements amoraux et illégaux n'ont rien enlevé au génie de l'acteur. Aussi condamné soit-il, il reste Gérard Depardieu.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Gérard Depardieu, un chêne qui s'effondre ?
    Un cadeau d'anniversaire à Gérard Depardieu face à la démence collective.
    Faut-il lyncher Depardieu ?
    La russitude de Gérard Depardieu.
    Barbara chantée par Depardieu.
    Lettre de Gérard Depardieu à Jean-Marc Ayrault du 16 décembre 2012.
    Nationalité russe le 3 janvier 2013.

    La belgitude de Gérard Depardieu.
    Un sex symbol pourtant bien français.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250513-depardieu.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/gerard-depardieu-un-chene-qui-s-260952

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/13/article-sr-20250513-depardieu.html

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  • Cyril Hanouna, candidat ...en 2047 ?

    « Je ne serai pas candidat en 2027. Je ne me présenterai pas en 2027, ni en 2032, ni en 2037, ni en 2042. » (Cyril Hanouna, le 29 avril 2025 sur Europe 1).



     

     
     


    Tout est possible pour 2047, alors ? Après tout, l'animateur bouffon n'aura que 72 ans, moins que François Bayrou aujourd'hui. Mais Cyril Hanouna a ajouté : « Je suis inquiet pour la France, mais je le dis aux auditeurs, ma seule priorité dans les mois, les années et les siècles à venir, c'est d'essayer de vous faire rire, que ce soit l'après-midi ou le soir à la télévision. ».

    Voilà, c'est dit, Cyril Hanouna ne sera jamais candidat à l'élection présidentielle, tandis que les sondages pouvaient lui accorder jusqu'à 10% d'intentions de vote. Cyril Hanouna en 2027, dans la grande tradition de Pierre Dac en 1965, Coluche en 1981, Yves Montand en 1988, Bernard Tapie (qui a désormais sa statue à Marseille) en 1995...

    Mais alors, pourquoi la revue d'extrême droite "Valeurs actuelles" a-t-elle consacré sa une du 30 avril 2025 à une possible candidature présidentielle de Cyril Hanouna ? Tout simplement parce qu'elle a été la victime d'un canular. Du reste, en parler est l'objectif final du médiatique présentateur de talk show. L'information, en elle-même peu crédible, avait été crédibilisée par l'annonce au début du mois de février 2025 sur une possible tentation présidentielle.

     

     
     


    Le programme présenté par "Valeurs actuelles" était dément, en gros, deux tiers lepéniste, un tiers mélenchoniste et une nette coloration trumpiste. Ce que l'hebdomadaire a expliqué, c'est qu'une fois élu, Cyril Hanouna ne se rémunérerait pas comme Président de la République (15 000 euros par mois économisés, sur les 3 100 milliards d'euros de la dette publique !). Il pourrait bien se le permettre puisque, selon "L'Informé" du 12 décembre 2022, l'animateur producteur posséderait une fortune évaluée à environ 85 millions d'euros.

    Son programme fait partie du rêve de réenchantement : le SMIC relevé à 2 200-2 300 euros par mois, la réduction drastique des charges des PME, la suppression de la TVA pour les produits de première nécessité. Et même une TVA qui serait variable, selon le salaire du consommateur (imaginons l'usine à gaz et l'intrusion dans la vie privée d'une telle mesure !).

     

     
     


    Pour financer ces énooormes dépenses, la sécurité sociale ne serait accessible qu'aux seuls usagers percevant un salaire inférieur à 2 500 euros par mois (ce qui signifie que beaucoup de monde ne serait plus couvert par une assurance maladie, et tant pis pour eux s'ils ont un cancer dont même la fortune de Cyril Hanouna ne pourrait financer le traitement complet).
     

     
     


    Et puis, toujours cette tarte à la crème, comme l'a résumé un article du journal "Le Figaro" du 29 avril 2025 : « La lutte contre la fraude sociale, fausse carte vitale, abus de l'aide médicale d'État..., serait intensifiée pour redresser les comptes publics. ». C'est la tarte à la crème car toutes les fraudes connues sont sévèrement sanctionnées et les non connues, on ne les connaît pas par définition et on ne peut donc pas les sanctionner, quel que soit le locataire de l'Élysée. Bref, que ce soient les fraudes sociales (argument de droite populiste) ou que ce soient les fraudes fiscales (argument de gauche populiste), l'État fait déjà beaucoup et intensifiera son contrôle dans l'avenir grâce à l'intelligence artificielle, à l'accès à des données personnes sur les réseaux sociaux, etc., et récupère autant qu'il peut l'argent fraudé.

    C'est donc une arnaque de programme électoral, une paresse intellectuelle et un grand manque d'imagination de mettre la lutte contre la fraude pour faire la différence budgétaire avec toutes les mesures coûteuses et dépensières d'un candidat. Rappelons que grâce au prélèvement à la source, le taux de recouvrement de l'impôt était de 98,5% en 2020 !

    Par ailleurs, selon "Valeurs actuelles", Cyril Hanouna voudrait réduire à zéro l'immigration, lèverait l'excuse de minorité pour la responsabilité pénale des mineurs, et reprendrait stupide l'idée de Laurent Wauquiez d'un Guantanamo à la française qui serait un quartier de haute sécurité où seraient incarcérés les cent criminels "les plus dangereux de la société" (à définir ?).

     

     
     


    En bon antiparlementaire primaire (les politiques, tous pourris !), le Président Hanouna réduirait de 30% le nombre de députés, réduirait leurs indemnités (ce qui donnerait un avantage aux élus fortunés), et supprimerait tous les ministères sauf Matignon et Bercy (les ministres, des inutiles !). Et en bon populiste, l'animateur proposerait des référendums sur toute sorte de sujet, y compris la révocation des élus.

    Bref, on le voit bien, "Valeurs actuelles" a bu comme du petit lait de gilets jaunes le programme supposé d'un Cyril Hanouna très heureux, tel un coq, qu'on parlât de lui. Mais le problème, c'est que sa candidature éventuelle en 2027 ferait un peu l'effet de celle de l'ancien éditorialiste télévisuel Éric Zemmour en 2022 : elle prendrait des voix principalement au candidat du RN, Marine Le Pen ou son remplaçant Jordan Bardella, qui seraient tous les deux en tête des intentions de vote en cas d'élection présidentielle aujourd'hui. C'est pourquoi le président du RN, adepte aussi de la méthode Coué, assurait comme un mantra qu'il ne croyait pas du tout à cette candidature. Pour une fois, il avait raison.
     

     
     


    Après tout, Coluche aussi voyait sa candidature canular créditée de 10% à 15% d'intentions de vote en 1981, et il a vite stoppé la démarche quand il commençait à mettre sérieusement en difficulté la candidature de François Mitterrand.

    Les rumeurs sur l'existence d'une liaison affective entre Cyril Hanouna et Tiphaine Auzière, la belle-fille très sage du Président Emmanuel Macron, répandues en mars 2025 et démenties par l'intéressé le 3 avril 2025 sur Europe 1, seraient-elles fondées, ce qui ferait comprendre l'intérêt de son éventuelle candidature à l'élection présidentielle, celui de disperser les voix des populistes ? Complot ? Canular, on vous dit !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (29 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Cyril Hanouna, candidat ...en 2047 ?
    L'extinction de C8 : la loi ou la liberté d'expression ?
    Touche pas à Hanouna ?.
    Philippe Labro.
    Notre-Dame de Paris, capitale du monde !
    Teddy Vrignault.
    Jean-Pierre Elkabbach.
    Jeux paralympiques de Paris 2024 : sport, spectacle et handicap.
    Le génie olympique français !
    Festivité !
    Ouverture des Jeux olympiques : Paris tenu !
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Eurovision 2024.
    Eurovision 1974.
    Bernard Pivot.
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Frédéric Mitterrand.
    Roger Pierre.
    Jean-Marc Thibault.

    Stéphane Collaro.
    Philippe Bouvard.
    Laurent Ruquier.
    Silvio Berlusconi.
    Les Randonneuses (série télévisée).
    L'Affaire d'Outreau (documentaire télévisé).
    Lycée Toulouse-Lautrec (série télévisée).
    À votre écoute, coûte que coûte !

    C'est pas sérieux.
    Transgenres adolescentes en Suède : la génération sacrifiée.
    Ci-gît la redevance à la papa.
    La BBC fête son centenaire.
    Franck Riester : France Médias ne sera absolument pas l’ORTF.
    Publiphobie hésitante chez les députés (17 décembre 2008).
    Pub à la télé : la révolution silencieuse (2 septembre 2008).
    L’inexactitude de Nicolas Sarkozy sur l’audiovisuel public.
    Les Shadoks.
    Casimir et l'île aux enfants.
    Ne nous enlevez pas les Miss France !
    Combien valez-vous ?
    Loft Story.
    Abus d'autorité (1).
    Abus d'autorité (2).
    Maître Capello.
    Joséphine ange gardien.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250429-hanouna.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/cyril-hanouna-candidat-en-2047-260748

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/29/article-sr-20250429-hanouna.html


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  • Pour qui roule Natacha Polony ?

    « Sur beaucoup de points, une gauche jaurésienne souscrira aux thèses qu’elle développe, sur le social, sur la critique de la mondialisation ou du libéralisme, sur la lutte contre un consumérisme sans âme. Dans l’arc néoconservateur, Natacha Polony se situe sur la gauche, plus près de Chevènement, qui aurait pu signer l’ouvrage, que de Dupont-Aignan ou Finkielkraut. Pourtant à la lecture, point un certain agacement, qui se manifeste souvent, quand on consulte ces innombrables essais à la française, tissés de raisonnements rapides et d'affirmations non démontrées, qu'on trouve autant à gauche qu'à droite. » (Laurent Joffrin, le 24 octobre 2017 dans "Libération").




     

     
     


    L'éditorialiste politique a confié bien plus tard qu'elle avait voté pour François Bayrou au premier tour de l'élection présidentielle de 2007, et blanc au second tour. Natacha Polony fête son 50e anniversaire ce mardi 15 avril 2025. Autant dire qu'elle a maintenant "un peu de bouteille", car elle a déjà à peu près un quart de siècle d'expérience.

    J'apprécie beaucoup Natacha Polony alors que ses opinions sont souvent divergentes avec les miennes. Mais parfois, je me suis aperçu qu'elle concluait de la même manière, comme son vote Bayrou de 2007 (je doute qu'elle soit prête à récidiver avec le Premier Ministre d'aujourd'hui !). Je lui reconnais un élément rare : elle pense par elle-même, elle réfléchit sans prêt-à-penser tout fait, tout artificiel, et c'est donc rafraîchissant. Elle apporte du vent intellectuel neuf (certes, pas tout le temps).


    Son dada serait surtout le souverainisme, mais pourquoi ne pas rappeler que le Président Emmanuel Macron a prôné le souverainisme dès les premières minutes de sa Présidence en insistant sur le souverainisme européen ? La crise du covid-19, la guerre en Ukraine et, enfin, l'arrivée du gros éléphant Donald Trump dans un monde en porcelaine particulièrement fragile et complexe ont renforcé ce besoin de souveraineté : souveraineté alimentaire, souveraineté pharmaceutique, souveraineté militaire, souveraineté industrielle, souveraineté numérique, etc.

    Comme l'exprimait Laurent Joffrin (qui n'est toutefois pas, pour moi, vraiment une référence), Natacha Polony serait moins de droite que de gauche. Je ne sais pas. C'est vrai, elle a commencé en 2001 comme secrétaire nationale du parti de Jean-Pierre Chevènement qu'elle a activement soutenu lors de l'élection présidentielle de 2002 et elle s'est même présentée à Paris avec cette étiquette aux élections législatives de juin 2002 (sans succès, inutile de rappeler le score, elle a eu le mérite de s'engager). Du reste, Jean-Pierre Chevènement lui-même, séduit par la brillante intelligence présidentielle, a soutenu activement Emmanuel Macron à l'élection présidentielle de 2022.

    L'intéressée nie en bloc son appartenance au bloc conservateur et se revendique d'une gauche qui n'aurait pas oublié le socialisme (réel). Elle-même, au fond, est la preuve vivante que le découpage du paysage politique entre la droite et la gauche n'a plus aucun sens. Les deux derniers duels présidentiels, en 2017 et en 2022, l'ont d'ailleurs acté : le clivage n'est pas encore la gauche et la droite, mais entre un centrisme ouvert et un extrémisme fermé. Cela ne dit rien de plus sur là où se situe Natacha Polony selon ces nouveaux enjeux politiques.


    Citons encore Laurent Joffrin qui a commencé son commentaire sur un ouvrage de Natacha Polony avec une ironie particulièrement vache : « Bâillonnée, pourchassée, censurée, traquée par les sbires de la pensée unique, "criminalisée", écrit-elle, pour ses pensées non conformes, Natacha Polony a néanmoins réussi, contre tous les bien-pensants européistes, contre les dévots de la mondialisation heureuse acharnés à sa perte, à publier un livre. Cette héroïne autoproclamée de la liberté de pensée, elle a même fondé un "comité Orwell" contre la "police de la pensée", s'était retranchée à Europe 1, une radio clandestine qu'on sait dévouée à la critique virulente de notre société, et chez Ruquier, ce dissident obscur et marginal. Elle est maintenant réfugiée sur LCI, propriété de Martin Bouygues, une sorte de bolchevik fiévreux, et au "Figaro", ce samizdat bien connu qui combat avec panache l'oligarchie. » (24 octobre 2017).

    L'ancien directeur de "Libération" a raison sur l'idée qu'on ne peut pas être victime d'un isolement idéologique et bénéficier en même temps d'un grand écho médiatique, car depuis une quinzaine d'années, Natacha Polony est présente, très présente dans le paysage médiatique et intellectuel, tant dans la presse écrite qu'à la radio et à la télévision (et elle a aussi écrit une douzaine d'ouvrages politiques) : "Le Figaro", "Marianne", France 2, Canal Plus, Paris Première, C8, France 5, LCI, BFMTV, Europe 1 (pour une revue de presse quotidienne le matin), France Inter, Sud Radio, etc. (et même Polony TV). De quoi avoir de l'audience pour être écoutée !

    À ce jour, sa plus grande responsabilité est sans doute d'avoir été nommée directrice de la rédaction de l'hebdomadaire "Marianne" créé entre autres par Jean-François Kahn, du 6 septembre 2018 au 1er mars 2025. Toutefois, sa participation médiatique qui l'a fait connaître du grand-public a été son recrutement comme l'une des deux chroniqueurs polémistes de l'émission de Laurent Ruquier "On n'est pas couché" diffusée sur France 2 tous les samedis soirs, de septembre 2011 à juin 2014, exercice qu'elle a pratiqué avec Audrey Pulvar (désormais adjointe PS de la ville de Paris), puis Aymeric Caron (désormais député FI de Paris). Dans cet art de la critique, elle a succédé à Éric Zemmour, qui a vu, lui aussi, sa notoriété grimper (d'autant plus qu'il a fait dans la provocation), et elle a laissé sa place à Léa Salamé (qui anime désormais l'émission du samedi soir sur France 2).
     

     
     


    Pour autant, je l'ai découverte avant sa participation chez Laurent Ruquier, dans une émission plus confidentielle, celle animée par Frédéric Taddeï, "Ce soir (ou jamais !)", diffusée sur France 3 (dont elle était l'invitée parmi les plus fréquents). Précisément l'émission diffusée le 25 novembre 2010 : à l'époque, Natacha Polony était une journaliste de 35 ans du service éducation du journal "Le Figaro" et elle enseignait également la culture générale à l'Université Léonard-de-Vinci des Hauts-de-Seine ("l'Université Pasqua"). Elle était une invitée parmi d'autres invités, notamment le chanteur Jacques Higelin, la femme politique Clémentine Autain (37 ans), pas encore députée, et la journaliste Christine Ockrent, à l'époque directrice générale déléguée de l'Audiovisuel extérieur de la France (RFI, France 24).

    J'ai eu assez vite le coup de cœur pour la (presque) la benjamine de l’émission et sans doute l’une des plus douées : dans mon esprit de 2010, je me disais que Natacha Polony, sans aucun doute, allait faire parler d’elle dans les prochaines années. Déjà plusieurs bouquins à son actif, un blog très approfondi sur l’éducation, et une audace qu’on pourrait croire uniquement sortie des jeunes pousses. Natacha Polony n’a pas hésité à aborder de front le problème de Christine Ockrent et de son époux de Kouchner. Elle a émis beaucoup d’idées subtiles, nuancées avec une clarté qui pourrait désarmer ses contradicteurs. Enfin, elle était charmante (c’est un élément agréable et néanmoins mineur quand on n’a pas un objectif autre qu’intellectuel).


    Au départ, j’avais du mal à la positionner : de droite ? de gauche ? "Le Figaro" la mettrait à droite… sauf qu’elle était chevènementiste dans sa jeunesse. Ce passé de militante s’entendait bien dans l’émission ; Natacha Polony n’avait pas peur de prendre la parole, comme on coupe un gâteau, avec le tranchant d’une lame verbale. Un ton vif qui allait de paire avec une intelligence au-dessus de la moyenne. Son pedigree est aussi joli que son minois (je l'écris en plaisantant, qu'on m'épargne des critiques de sexisme que je ne cultive pas !) : Louis Le Grand, Science Po Paris, DEA de littérature consacré aux poèmes, et agrégation de lettres modernes. Et depuis l'émission, elle a eu le temps de recevoir le Prix Edgar-Faure en 2014 (récompensant un auteur d'essai politique) et le Prix Richelieu en 2016 (récompensant un journaliste pour sa défense de la langue française).

    Certains peuvent s'en souvenir. Cette émission de Frédéric Taddeï était un talk-show un peut désordonné, où les invités parlaient en même temps et s'interrompaient, mais cultivait une vertu cardinale, la liberté d'expression. Consacrée à l'actualité, l'émission de ce soir-là, celle du 25 novembre 2010, proposait trois sujets d'actualité (de l'époque).


    Le premier sujet avait trait à une vidéo d’Éric Cantona qui a fait un "buzz" d’enfer sur Internet. Du coup, l’émission s’y colla. En gros, c’était un footballeur qui jouait les experts financiers. Ou révolutionnaires. Il proposait de faire mettre en difficulté toutes les banques en proposant à tous les citoyens de retirer leur argent des banques. Bon, l’idée était complètement absurde : c’était le genre suicidaire. Les banques aident aussi au développement (ou à la survie) de nombreuses petites entreprises et commerces qui font l’activité et l’emploi. C’est ce qu’a rappelé fort judicieusement Natacha Polony. Ensuite, il faudrait que ces dits citoyens aient encore de l’argent à retirer. Pas sûr par les temps qui couraient…

    Le deuxième sujet était plus "grave" puisqu’il parlait de "la journée de la jupe". Là, pareil, on parlait des femmes dans le mauvais sens. Encore une fois très judicieusement, Natacha Polony faisait remarquer qu’il fallait faire la distinction entre la violence conjugale, qui se pratique entre deux êtres individuels, et la forte pression qu’un groupe ou communauté pouvait faire sur les femmes en général. D’un côté, individu, de l’autre, société. Ce n'était pas dit explicitement, mais la journaliste pensait très fort au voile. Mais elle n’a pas été vraiment comprise car très vite, d’autres invités ont projeté leurs propres fantasmes en disant qu’il s’agirait de discrimination ("culturelle"), puisque le problème serait surtout en banlieue chaude, où les jeunes filles ne pourraient plus se promener en jupe sans se faire traiter de prostituées.

    Le troisième sujet était beaucoup plus cocasse : l’interdiction d’antenne d’Audrey Pulvar qui animait une émission politique sur I-Télé alors que son compagnon (de lit) s’était déclaré candidat à la candidature présidentielle. Il s’agissait d’Arnaud Montebourg (candidat à la primaire socialiste d'octobre 2011). Sur ce sujet, évidemment, Christine Ockrent, femme de l’ancien Ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner (et donc son patron de tutelle pour France 24), était en première ligne. Elle a montré un ton plutôt odieux, condescendant et très mal à l’aise à tel point qu’elle ponctuait avec de l’humour à pirouettes chaque phrase de Natacha Polony qui, décidément, était vraiment éclatante, en ce sens que, effectivement, Natacha Polony n'hésitait pas à mettre les pieds dans le plat. Deux thèses s’opposaient : celle de Christine Ockrent estimant que les femmes qui ont acquis elles-mêmes de fortes responsabilités (elle s’est sentie obligée de rappeler son CV) savaient faire la part encore le lit conjugal et la conscience professionnelle ; et l’autre, considérant que le fait même qu’il y ait suspicion, même sans acte d’influence, de collusion entre journalistes et personnalités politiques était suffisant pour faire arrêter l’émission d'Audrey Pulvar, qui n'était pas la seule journaliste dans ce cas depuis des décennies (Anne Sinclair, Catherine Nay
    , Béatrice Schönberg, Marie Drucker, etc.).

    C'est ainsi que j'ai découvert Natacha Polony il y a environ quinze ans : courageuse, indépendante, débatteuse, pensant par elle-même. Et par la suite, je n'ai pas été déçu, machine bien huilée, qui fonctionne bien, mais manquant peut-être de carburant. Le souverainisme comme seul moteur est un peu léger. Et surtout, pour aller où ? Car si elle ne se satisfait pas de cette société de consommation, si elle est même plutôt ouverte à la décroissance, et qu'elle se définirait aussi comme illibérale mais dans le sens économique du terme. Elle rejette le wokisme qu'elle considère comme "une dictature des minorités", elle rejette aussi les populismes, tant l'extrême droite que l'extrême gauche. C'est ce qui rend son positionnement sur l'échiquier politique un peu confus, ce qui, finalement, devrait être le cas de tous les journalistes, même les éditorialistes politiques, qui, a priori, ne sont pas des militants mais des informateurs et des analystes (ou analyseurs ?).

    On parlait de la reine Christine, je propose de la remplacer par la reine Natacha !

     

     
     


    Je vous soumets pour terminer quelques citations de ses ouvrages politiques.

    Indécence (et elle avait raison) : « C'est le mot qui revient à l'esprit spontanément : indécence. Devant des députés qui refusent d'allonger le congé des parents ayant perdu un enfant, au motif que "ça va pénaliser les entreprises". Devant un Carlos Ghosn qui réclame à Renault le paiement de sa retraite chapeau. Devant Ségolène Royal qui parle, à propos d'une jeune fille menacée de mort pour avoir répondu à des insultes homophobes par une diatribe contre l'islam, d'une "adolescente peut-être encore en crise d'adolescence" à qui il faudrait enseigner "le respect"… C'est même un des traits les plus frappants de notre époque : la disparition d'une forme de retenue qui s'imposait jusqu'à présent à toute personne publique. ».

    Voile : « L'égalité homme-femme fait partie des valeurs non négociables d'une société qui a développé, plus que toute autre en Europe, le travail des femmes, leur liberté à mener de front vie professionnelle et vie familiale. Tout cela, nous le disions, articulé autour d'un "commerce apaisé" entre les sexes, une capacité à réguler le désir par le langage. Le voile, qu'on le veuille ou non, est la négation symbolique de tout cela. Il est la transformation d'un verset du Coran prescrivant de masquer les atours (leur "gorge", selon une traduction qui fait à peu près consensus) des femmes pour les protéger des agressions et une volonté obsessionnelle de cacher tout ce qui pourrait susciter la concupiscence. La réalité est là : le voile signifie que les femmes doivent se cacher parce que les hommes seraient incapables de contenir leurs désirs, et qu'elles-mêmes, créatures faibles et impures, risqueraient d'y succomber. » (2015).


    Crise narcissique : « L'individualisme contemporain a voulu faire croire que l'épanouissement de chacun passait par la proclamation de son "identité" personnelle, par l'affichage en bandoulière de ses spécificités, de son Moi. Chacun est incité à mettre en avant la petite part de lui est qui "différente". Il n'est de gloire que dans l'altérité, il n'est de noblesse que dans la minorité. Pire, cette singularité aspire désormais à la reconnaissance. On réclame des aménagements dans les écoles publiques comme on réclame un menu sans gluten dans un restaurant. La crise que vit la France est avant tout une crise narcissique. » (2015).

    Individualisme apatride : « La démocratie est notamment menacée par l'alliance redoutable des marchés financiers et des nouvelles technologies, alliance sanctifiée par le caractère indépassable du bon plaisir individuel. En devenant virtuelles et planétaires, ces forces se sont détachées de tout territoire et sont désormais hors d'atteinte des volontés populaires. » (2016).

    Capitalisme : « Le capitalisme n'est plus un système de production par le capital, mais un système de production de capital, favorisé par le crédit, les dettes et la création monétaire de banques centrales. » (2016).

    Commerce international (où l'on voit qu'elle avait tort) : « On a vu, ces dernières semaines, le débat se focaliser sur les traités de libre-échange comme étant un des symboles de l’aberration européenne qui consiste à sacrifier ses forces productives dans dans l’espoir de pénétrer les marchés de pays qui n’ont et n’auront pas avant longtemps les mêmes règles sociales et environnementale que nous. Sacrifice des PME pour le bénéfice de quelques grands groupes, sacrifice des agriculteurs pour le bénéfice de l’industrie (allemande), de la banque et des assurances. Nos partenaires européens sont encore majoritairement convaincus des bienfaits du libre-échange et de la dérégulation. ». Donald Trump a fait la meilleure démonstration du contraire !

    Contre l'écriture inclusive : « Une écriture inclusive défendue par des historiennes et des militantes, les grammairiens et les linguistes sachant, eux, que ce n'est pas "le masculin qui l'emporte sur le féminin" en langue française mais le genre neutre qui se confond avec le masculin pour des raisons de phonétique historique. » (2018).

    Citoyen acheteur : « L'ensemble de notre organisation économique et sociale est fait pour produire un type humain spécifique, qui n'a plus rien à voir avec le citoyen doué de libre arbitre : le consommateur. » (2021).


    Écologie sélective : « On continue le libre-échange, les porte-conteneurs, la production de masse écoulée grâce à la publicité, mais on taxe vos diesels. Pour votre bien. » (2021).

    Bonhomme de neige : « Il a neigé toute la nuit. Voilà ma matinée.
    08h00 : je fais un bonhomme de neige.
    08h10 : une féministe passe et me demande pourquoi je n'ai pas fait une bonne femme de neige.
    08h15 : alors je fais aussi une bonne femme de neige.
    08h17 : la nounou des voisins râle parce qu'elle trouve la poitrine de la bonne femme de neige trop voluptueuse.
    08h20 : le couple d'homos du quartier grommelle que ça aurait pu être deux bonshommes de neige.
    08h25 : les végétariens du n°12 rouspètent à cause de la carotte qui sert de nez au bonhomme. Les légumes sont de la nourriture et ne doivent pas servir à ça.
    08h28 : on me traite de raciste, car le couple est blanc.
    08h31 : les musulmans de l'autre côté de la rue veulent que je mette un foulard à ma bonne femme de neige.
    08h40 : quelqu'un appelle la police, qui vient voir ce qui se passe.
    08h42 : on me dit qu'il faut que j'enlève le manche à balai que tient le bonhomme de neige car il pourrait être utilisé comme une arme mortelle. Les choses empirent quand je marmonne : "ouais, surtout si vous l'avez dans le c...".
    08h45 : l'équipe de tv locale s'amène. Ils me demandent si je connais la différence entre un bonhomme de neige et une bonne femme de neige. Je réponds : "oui, les boules" et on me traite de sexiste.
    08h52 : mon téléphone portable est saisi, contrôlé et je suis embarqué au commissariat.
    09h00 : je parais au journal tv ; on me suspecte d'être un terroriste profitant du mauvais temps pour troubler l'ordre public.
    09h10 : on me demande si j'ai des complices.
    09h29 : un groupe djihadiste inconnu revendique l'action.
    MORALE : il n y a pas de morale à cette histoire. C'est juste la France dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Ça, c'était la version humoristique. » (2018).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Natacha Polony.
    Alain Finkielkraut.
    Éric Zemmour.
    Clémentine Autain.
    Ségolène Royal.

    Pierre Dac.
    Julien Dray.
    Jean-Louis Debré.
    Jean-François Kahn.
    Axel Kahn.
    Philippe Val.
    Sophia Aram.
    Claude Allègre.
    Hubert Reeves.
    Alain Peyrefitte.
    Jean-Pierre Elkabbach.
    Patrick Cohen.
    Fake news manipulatoires.
    Bernard Pivot.
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Yves Montand.
    Jean Lacouture.
    Marc Ferro.
    Dominique Baudis.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Christine Angot.
    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
    Alain Duhamel.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250415-natacha-polony.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/pour-qui-roule-natacha-polony-259420

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/13/article-sr-20250415-natacha-polony.html


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  • Splendide Josiane Balasko !

    « J'ai grandi dans un bistrot. On se chambrait sans arrêt. Il est toutefois important d'avoir de l'autodérision. Je suis la première à me moquer de moi-même. » (Josiane Balasko, le 9 juillet 2023 à Neuchâtel).



     

     
     


    Issue d'un milieu populaire, fille d'un cafetier d'origine yougoslave, proche du parti communiste et engagée auprès des sans-papiers, l'actrice française Josiane Balasko fête ses 75 ans ce mardi 15 avril 2025. Elle est actrice, mais aussi réalisatrice, scénariste, metteuse en scène de pièce de théâtre, et même écrivaine, elle fait partie de ces gens qui ne se laissent pas facilement enfermer dans des petites cases. Ainsi, en 2019, elle a publié un recueil de nouvelles fantastiques aux éditions Pygmalion, "Jamaiplu", après quelques romans.

    On ne peut pas dire qu'elle a démarré comme une starlette qui se basait sur sa beauté physique pour ouvrir de nombreuses portes du cinéma. Elle avait déjà, jeune, un physique, mais pas de starlette. D'ailleurs, elle en usait, voire en abusait, comme ses compères du Splendid, et elle disait même en 2005 : « On avait l'habitude de jouer avec nos physiques. Bon pour Michel Blanc et Gérard Jugnot, c'était facile… Et pour moi aussi, allez ! ».


    L'actrice désormais pleinement septuagénaire expliquait le 26 novembre 2023 sur France 2 : « Ça ne m’a jamais dérangé qu’on dise que je n’étais pas trop belle, ce n’est pas grave. Je crois que les gens qui posaient ces questions, quel que soit le respect que j’ai pour eux, ne savent pas ce que c’est les gens de la rue. Ils ne voient que des gens minces qui suivent des régimes et qui s’habillent chez les grands couturiers et évidemment, je ne rentrais pas dans le truc. ».
     

     
     


    Josiane Balasko, Michel Blanc, qui est parti il y a quelques mois, Gérard Jugnot, mais aussi Christian Clavier, Thierry Lhermitte, Marie-Anne Chazel, Bruno Moyniot, et quelques autres... évidemment, on ne peut pas évoquer la figure de Josiane Balasko sans évoquer la Troupe du Splendid, les deux (trois) gros succès de leur jeunesse qui les ont fait franchir le plafond de verre de la notoriété et du succès, avec les deux numéros des "Bronzés" (Josiane est Nathalie) et "Le Père Noël est une ordure" (Josiane est Madame Musquin, mais seulement au cinéma, elle n'a pas joué dans la pièce de théâtre). Comme plusieurs de cette troupe d'acteurs étonnants, Josiane Balasko a su à la fois cultiver une notoriété collective (qui l'a amenée à recevoir un César d'honneur collectif pour toute la Troupe du Splendid en 2021) et sa propre carrière, différente de celle des autres.

    Au début, c'était pourtant un peu difficile, car elle jouait le rôle de la bonne copine, de la fille à embrouilles, de la complexée, de la faire-valoir des vrais héros. Pas très réjouissant, comme perspectives. Mais heureusement, Bertrand Blier lui a proposé le rôle principal de "Trop belle pour toi" (sorti le 12 mai 1989), celui de la maîtresse d'un homme riche, Gérard Depardieu, marié à une très belle femme, Carole Bouquet. Josiane Balasko a alors changé de catégorie. Elle est nommée pour la première fois pour le César de la meilleure actrice.

     

     
     


    En tout, Josiane Balasko a été récompensée par trois Césars, celui du meilleur scénario pour "Gazon maudit" (sorti le 1996) qu'elle a réalisé, un César d'honneur en 2000 et le César anniversaire de la Troupe du Splendid en 2021, mais elle a été aussi nommée trois fois au César de la meilleure actrice (1990, 1994 pour "Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes" et 2004 pour "Cette femme-là"), une fois du meilleur réalisateur (1996) et une fois de la meilleure actrice dans un second rôle (2020) pour son rôle dans le film très médiatisé de François Ozon "Grâce à Dieu".

    La carrière de Josiane Balasko a donc commencé surtout par des comédies, mais elle a réussi aussi à avoir des rôles plus dramatiques, l'âge aidant, et dans les derniers films où elle a joué, elle n'a plus le rôle principal mais un second rôle.

    À côté du cinéma, elle joue aussi parfois des pièces de théâtre, la dernière pièce est une pièce qu'elle a mise en scène en 2021 au Théâtre des Nouveautés, "Un chalet à Gstaad", une comédie de boulevard alors qu'elle tournait en même temps au cinéma dans un rôle dramatique pour "Quand vient l'automne" de François Ozon (sorti le 9 septembre 2024), avec Hélène Vincent et Ludivine Sagnier.





    "Un chalet à Gstaad", c'est un face-à-face entre bourgeois qui ont fuit la France pour des raisons fiscales, des exilés fiscaux. Ils se fréquentent mais ils ne s'entendent pas forcément. Josiane Balasko est la femme d'un homme très riche et passe son temps chez l'esthéticienne ou dans le whisky. L'actrice précisait le 22 septembre 2022 sur France Info : « Ce sont des bourgeois très riches qui ne savent pas ce qu'est le RSA. Ce sont des gens que je ne connais pas, vraiment, ou que j'ai dû peut-être entrapercevoir, mais sans jamais les fréquenter. Donc ce sont des portraits qui sont imaginaires, certains sont exilés fiscaux. Ils se reçoivent entre eux, pas forcément parce qu'ils s'apprécient, mais c'est parce qu'ils n'ont pas trop le choix. ».

    Mais elle n'est pas qu'actrice, elle est aussi réalisatrice et ce n'est pas du tout le même métier. À ce jour, elle a réalisé huit films entre 1985 et 2013, dont son plus grand succès, près de 4 millions d'entrées en France, "Gazon maudit" qui évoque le thème de l'homosexualité féminine (c'était très original à l'époque) dans un jeu à trois avec Victoria Abril et Alain Chabat. Elle allait dire plus tard : « Je me suis inspirée d'une histoire qui était arrivée à des gens que je connaissais vaguement. » (le titre, très bien vu, a été trouvé par Bertrand Blier). Elle a rencontré des femmes bien plus tard qui lui ont assuré que son film leur avait permis de parler à leur entourage de leur homosexualité, ce qui lui a donné de la fierté.

    D'autres films qu'elle a réalisés ont eu beaucoup moins de succès, mais au moins, elle a exercé sa liberté de création, et maintenant, elle n'a plus trop envie de faire de la réalisation, c'est trop de travail pour elle. Elle préfère écrire des nouvelles : « Quand j'écris une nouvelle, il n'y a pas beaucoup d'enjeux. Si je me plante, il y a peu d'incidences, sauf mon amour-propre (…). On ne sait jamais ce qui va se passer quand on crée. Si ça va passer, si ça va émouvoir ou faire rire. On lance les dés à chaque fois. » (2023). L'intérêt de l'écriture, c'est que l'histoire est « à budget illimité », au contraire d'un film au cinéma. Elle peut imaginer tout, sans engager trop de moyens (cette réflexion peut être remise en cause avec l'intelligence artificielle, puisqu'on peut maintenant faire des œuvres créatives, en image ou en film, en très peu de temps).

    En tout cas, Josiane Balasko ne regrette pas du tout d'avoir abandonné le dessin malgré les encouragements de sa mère (qu'elle a tout de même suivie au début puisqu'elle a commencé ses études à l'École des arts graphiques). Elle a préféré suivre sa voie, celle du théâtre. 75 ans, dont déjà cinquante-cinq d'une belle carrière : bravo et bon anniversaire !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Josiane Balasko.
    Joséphine Baker.
    Moonraker.
    Gene Hackman.
    Pierre Dac.
    Bertrand Blier.
    Pierre Arditi.
    Pierre Palmade.
    Carla Bruni.
    Valeria Bruni Tedeschi.
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    François Truffaut.
    Roger Hanin.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250415-josiane-balasko.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/splendide-josiane-balasko-259484

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/13/article-sr-20250415-josiane-balasko.html



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  • Charlotte Lepic a la trentaine

    « Charlotte fait partie de moi. Au début, elle était renfermée, mais avec les années, elle s'épanouit et se montre de plus en plus déterminée. (…) Avec les autres enfants de la série, nous sommes aussi très soudés. Un peu comme une deuxième famille. Depuis huit ans, nous vivons des choses exceptionnelles ensemble. Nous essayons de nous voir régulièrement en dehors des tournages. » (Cannelle Carré-Cassaigne, le 3 février 2016 dans "Paris Match").



     

     
     


    C'est ce vendredi 21 mars 2025 que Charlotte Lepic fête son 30e anniversaire. Oups ! Non, pas Charlotte Lepic, mais l'actrice Cannelle Carré-Cassaigne. C'est l'ennui avec les séries télévisées qui durent longtemps et qui ont du succès : l'acteur se confond avec son personnage. Après, c'est très difficile de s'en défaire, voyez Peter Falk, même si, pour certains comédiens en fin de carrière, c'est une rente confortable (généralement, une série policière, il y en a de nombreuses).

    La série dont il est question, c'est la succulente "Fais pas ci, fais pas ça", sans doute la meilleure série télévisée française contemporaine (je m'avance prudemment en ajoutant "française contemporaine", mais je pourrais presque le supprimer). Chronique sociale sans précédent, cette série qui a été diffusée sur France 2 du 8 septembre 2007 au 19 juin 2017 sur France 2 et avec deux épisodes exceptionnels diffusés le 18 décembre 2020, puis le 18 décembre 2024 sur France 2. Les dernières rediffusions ont eu lieu ces dernières années le vendredi soir sur la chaîne NRJ12 qui vient d'être interrompue le 28 février 2025. À l'occasion de la sortie du dernier épisode, toute la série pouvait être regardée gratuitement sur la plate-forme de France Télévisions du 5 décembre 2024 au 4 janvier 2025. L'épisode de 2018 a été regardé par 6,1 millions de téléspectateurs à sa première diffusion. Des DVD de la série ont été commercialisés.

    Le principe de cette série était à l'origine de faire de la téléréalité, une sorte de reportage documentaire sur deux familles, vivant dans des maisons voisines, avec des méthodes d'éducation diamétralement opposées : l'une, les Lepic, famille nombreuse traditionnelle (quatre enfants, mère femme au foyer, etc.), est dans le mode conservateur, éducation stricte avec des valeurs plutôt de droite ; l'autre, les Bouley, famille recomposée et plus moderne (grande sœur issue d'un autre père que le frère, père homme au foyer, etc.), est au contraire dans le mode permissif voire laxiste avec des valeurs plutôt de gauche, laissant la liberté aux enfants pour qu'ils s'épanouissent et fassent leurs propres expériences. On s'aperçoit assez rapidement qu'il n'y a pas de méthode d'éducation plus efficace que d'autres, et que chaque famille tend vers l'autre mode selon les besoins du moment (le fiston des Bouley militant à droite, devenant macho et cynique, par exemple) et que les deux familles qui ont finalement le même niveau de vie (habitent la même banlieue résidentielle à l'ouest parisien) sont toutes les deux bo-bo, chacune à sa façon.

    L'idée d'origine a aussi rapidement évolué vers une série télévisée classique qui raconte des choses sur le mode fictif (dans les premiers épisodes, les personnages parlent souvent à la caméra comme dans la téléréalité). La série a très bien fonctionné grâce aux idées parfois caricaturales mais toujours très drôles et souvent subtiles des scénaristes (principalement Anne Giafferi, Chloé Marçais, Quoc Dang Tran et Hélène Le Gal). Mais la succès est aussi le résultat de la grand qualité des comédiens qui ont été choisis pour les deux familles et qui se sont particulièrement éclatés, durablement, pendant cette décennie de tournage.

    La famille Lepic : les parents Fabienne (Valérie Bonneton) et Renaud (Guillaume de Tonquédec), et leurs enfants Christophe (Yaniss Lespert), Soline (Thiphaine Haas), Charlotte (Cannelle Carré-Cassaigne), Lucas (Timothée Kempen Hamel) et le petit-fils Kim (Marin et Louis Launay). La famille Bouley : les parents Valérie (Isabelle Gélinas) et Denis (Bruno Salomone), et leurs enfants Thiphaine (Alexandra Gentil), d'un autre père, Eliott (Lilian Dugois) et Salomé (Myrtille Gougat).

    Bien sûr, les acteurs jouant les quatre parents étaient déjà des comédiens confirmés dans d'autres films qui ont beaucoup apporté pour faire fonctionner cette petite "bande", tandis que les enfants étaient pour la plupart dans leur première expérience de fiction.
     

     
     


    J'ai eu une nette préférence, parmi tous ces acteurs, pour Cannelle Carré-Cassaigne et pour Lilian Dugois, probablement parce que les deux ont commencé très jeunes dans la série et qu'on a ainsi pu les voir évoluer, prendre de la maturité et de l'assurance, s'épanouir, car dix ans, c'est beaucoup lorsqu'on a, comme c'était le cas de Cannelle Carré-Cassaigne, 11 ans et qu'on est sixième. Dix ans plus tard, on devient une jeune femme adulte. Et les deux ont été d'excellents interprètes de l'esprit de la série dont le titre est d'ailleurs celui d'une chanson très connue interprétée par Jacques Dutronc (écrite par Jacques Lanzmann et Anne Segalen) avec le même rythme haletant.

    Dans la série, Charlotte Lepic est une petite fille (préadolescente) qui a peu confiance en elle et qui, d'ailleurs, est très pudique au point de refuser de se mettre en maillot de bain devant les autres dans la piscine du jardin (son père se met en maillot de bain féminin en se promenant dans les rues du quartier pour lui montrer qu'il n'y a pas de honte à se montrer ridicule, le problème étant qu'il se fait alors arrêter par la police municipale !). Et au fil des "saisons", on la retrouve un peu plus tard capable paradoxalement de se mettre à poils dans un village de vacances naturistes lors d'un voyage improbable en Guadeloupe gagné par les deux familles (avec inversion des rôles ; la mère de la famille permissive refuse obstinément de se prêter à la nudité tandis que le père de la famille conservatrice, par légitimisme social, se prête gaiement au jeu).


    Entre-temps, on voit Charlotte dépressive à cause d'un chagrin d'amour, et surtout, ce qui a surpris autant l'actrice que son personnage, elle est devenue lesbienne dans la série (sa copine faisant de l'art contemporain, une manière pour les auteurs de beaucoup s'amuser sur cet art contemporain où il y a beaucoup à boire et à manger). Cannelle Carré-Cassaigne l'a expliqué à Joséphine Simon-Michel dans une interview publiée le 3 février 2016 dans "Paris Match" : « Ce fut une grande surprise ! À chaque fois que je reçois un scénario, je m'enferme dans ma chambre, m'allonge sur mon lit et me plonge dans la lecture. En découvrant la préférence sexuelle de Charlotte, j'étais ravie car j'avais enfin autre chose à jouer avec un vrai thème à défendre. ».

    Dans ce scénario, sa mère Fabienne Lepic, devenue adjointe, devait refuser (illégalement) le mariage homosexuel d'habitants qui en font la demande en raison des consignes très strictes du maire qui voudrait se faire réélire quelques mois plus tard par un électorat très conservateur (on était alors en plein débat public sur le mariage pour tous). Mais elle ne savait pas que sa propre fille fait partie des amies des demandeuses. L'homosexualité n'était toutefois qu'une façade narrative pour la comédienne puisqu'elle s'est mariée le 28 juin 2024 à Reims, selon le quotidien "L'Union", à un élégant jeune homme (qui travaille dans le Champagne).

     

     
     


    Quand elle a fait les tests de casting pour cette série, Cannelle Carré-Cassaigne connaissait déjà assez bien l'univers des tournages car son grand frère Théodule avait tourné dans "Les Choristes", le célèbre film de Christophe Barratier (sorti le 17 mars 2004), mais aussi auparavant, dans d'autres films, dès 2000. Dès l'âge de 5 ans, Cannelle a ainsi tourné pour des spots publicitaires (en particulier pour BHV, Petit Gervais et Flanby en 2000, et Kinder surprise en 2003). Elle a aussi joué dans le film "Je déteste les enfants des autres" d'Anne Fassio (sorti le 4 juillet 2007), aux côtés de Valérie Benguigui, Élodie Bouchez, Lionel Abelanski, Axelle Laffont, etc. (qui a repris l'idée de "Fais pas ci, fais pas ça" sur les différentes méthodes éducatives, à moins que la série se soit inspiré de ce film, puisque cela a été réalisé à peu près en même temps).

    Pour les premiers épisodes de "Fais pas ci, fais pas ça", l'actrice, qui était en sixième, a bénéficié de la tolérance de ses enseignants parce qu'elle était une très bonne élève, dans un collège artistique où elle consacrait déjà ses après-midis à jouer du haut-bois. Elle voulait faire médecin ou musicienne, mais a découvert sa vocation de jouer la comédie en tournant dans "Fais pas ci, fais pas ça".

    Hélas, pour le moment, elle n'a pas eu, à ma connaissance, d'autre rôle important que dans cette série qui, évidemment, lui colle encore à la peau puisque sa notoriété lui est venue par cela.





    Cannelle Carré-Cassaigne a visiblement un grand potentiel si on regarde cette petite série qu'elle a tournée pour Internet (vingt-trois épisodes du 11 septembre 2016 au 24 juin 2017) intitulée "Le Département", une série encore plus loufoque que la précédente, où elle n'est plus Charlotte Lepic mais Camille Boulin. Elle est une stagiaire dans un énigmatique Département d'une mystérieuse grande entreprise répondant à des règles sociales bizarres et absurdes comme le montre la vidéo ci-dessus.

     

     
     


    Je lui souhaite de tourner dans quelques beaux films qui fera évoluer sa carrière vers des voies insoupçonnées (comme diététicienne-nutritionniste).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 mars 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Fais pas ci, fais pas ça (à visionner sur France.tv).
    Cannelle Carré-Cassaigne.
    Gene Hackman.
    Pierre Dac.
    Jean-Louis Debré.
    Pierre Arditi.
    Pierre Palmade.
    Carla Bruni.
    Valeria Bruni Tedeschi.
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    François Truffaut.
    Roger Hanin.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250321-cannelle-carre-cassaigne.html

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  • Les mystérieuses morts de Gene Hackman et Betsy Arakawa

    « Il n'y a pas de meilleur acteur que Gene. Intense et instinctif. Jamais une fausse note. C'est aussi un cher ami qui me manquera beaucoup. » (Clint Eastwood, le 27 février 2025).



     

     
     


    Les deux acteurs était de la même génération, mais l'un avait dirigé l'autre dans plusieurs films. La découverte du corps sans vie du grand acteur américain Gene Hackman et de son épouse Betsy Arakawa a choqué et a intrigué. Choqué pour la double disparition, et intrigué pour les circonstances qui semblaient redonner vie Gene Hackman dans un thriller (de mauvais scénario, il faut dire).

    Gene Hackman a tourné plus d'une centaine de films, surtout pour le cinéma et pour un quart pour la télévision. Il a reçu de nombreuses récompenses, en particulier deux Oscars (meilleur acteur en 1972 pour "French Connection" de William Friedkin, et meilleur second rôle masculin en 1993 pour "Impitoyable" de Clint Eastwood), quatre Golden Globes, le prix du meilleur acteur à la Berlinale de 1989 (pour "Mississippi Burning" d'Alan Parker), etc. (et trois autres nominations pour les Oscars, en particulier pour "Bonnie et Clyde" d'Arthur Penn, quatre autres pour les Golden Globes, etc.).

    Il était aussi l'acteur principal de "L'Épouvantail" de Jerry Schatzberg, et de "Conversation secrète" de Francis Ford Coppola, deux films qui ont obtenu la Palme d'Or au Festival de Cannes, respectivement en 1973 et 1974. Il a aussi joué dans "La Firme" (1993) de Sydney Pollack, "Les Pleins Pouvoirs" (1997) de Clint Eastwood, "Ennemi d'État" (1998) de Tony Scott, ainsi que le rôle de Lex Lutor dans "Superman" (1978) de Richard Donner et "Superman 2" (1980) de Richard Lester.


    Ils s'étaient marié le 1er décembre 1991, en secondes noces pour Gene Hackman qui venait de fêter son 95e anniversaire le 30 janvier dernier. Son épouse était Betsy Arakawa, citoyenne américaine d'origine japonaise, une pianiste de musique classique (elle a été récompensée pour un morceau de Haydn à Honolulu) et venait d'avoir 65 ans (le 15 décembre dernier).

    Le 26 février 2025, ils ont été retrouvés sans vie chez eux, dans leur résidence de Santa Fe, la capitale du Nouveau-Mexique, qui compte un peu moins de 90 000 habitants. Les deux étaient dans un état de décomposition qui laissait comprendre qu'ils étaient morts depuis plusieurs jours. Betsy était dans la salle de bains avec des pilules éparpillées autour d'elle, Gene était dans l'entrée de la maison. De plus, un de leurs trois chiens a aussi été retrouvé mort couché dans une caisse, près de Betsy. Aucune trace d'effraction n'a été décelée (la porte d'entrée était restée ouverte) ni aucune blessure ou traumatisme sur les corps. Aucun vol n'a semblé avoir été commis. Une rapide analyse a rapidement écarté l'intoxication, volontaire ou involontaire, au monoxyde de carbone, et donc, l'hypothèse d'un double suicide.

    Ce mystère de cette double, voire triple mort a entraîné l'ouverture d'une enquête de police pour établir la cause des décès. Le lieutenant Columbo n'a pas pu être missionné pour cette enquête car lui-même était parti depuis longtemps (il y a plus de treize ans) et de toute façon, il n'aurait pas pu mener l'enquête car il était touché de la même maladie que son collègue Gene Hackman.

     

     
     


    C'est le vendredi 7 mars 2025 que les conclusions de l'enquête ont été publiées, ce qui est assez rapide. La conclusion, c'est que les deux conjoints sont morts chacun d'une mort naturelle. Ce qui pourrait paraître très étrange, car c'était comme la succession de plusieurs événements peu probables simultanément, un peu comme dans l'histoire de la chauve-souris racontée par Jean-Marie Bigard.

    Betsy Arakawa est morte d'une infection respiratoire dont la cause est la contamination d'un orthohantavirus, transmis par un rongeur (souris, etc.), virus qui circule actuellement dans cette partie des États-Unis. La maladie ne se transmet pas d'homme à homme. Les pilules qui était dispersées autour d'elle étaient un médicament pour la thyroïde qui était sans lien avec sa mort. La dernière fois qu'elle a été vue par des caméras de vidéoprotection était le 11 février 2025, date probable de son décès (au-delà de laquelle elle n'a plus répondu à ses emails). « L’hantavirus se présente comme une maladie pseudo-grippale, avec des symptômes tels que fièvre, douleurs musculaires, toux, parfois vomissements et diarrhée, qui peuvent évoluer vers l’essoufflement et l’insuffisance cardiaque ou pulmonaire. La maladie se produit après une exposition d’une à huit semaines aux excréments d’une espèce particulière de souris porteuse de l’hantavirus ». La maladie serait mortelle dans 50% des cas.

    Quant à Gene Hackman, on a pu déterminer la date probable de son décès au 18 février 2025, par l'arrêt tracé de son pacemaker. Il est mort d'une « maladie cardiovasculaire hypertensive et athérosclérotique ». Par ailleurs, il présentait « une forme avancée de la maladie d'Alzheimer », ce qui a été « un facteur contributif significatif » à sa mort, selon Heather Jarrell, la médecin légiste en chef du Nouveau-Mexique. L'acteur n'a probablement pas eu conscience de la mort de son épouse.

    Il n'y a donc plus de mystère, même si on peut se demander comment un couple a pu rester sans vie aussi longtemps. C'est finalement un problème récurrent pour le très grand âge. Les enfants doivent veiller à la fois à laisser vivre en toute autonomie leurs parents quand c'est possible, mais aussi à vérifier qu'il n'y a pas eu de pépin qui les mettrait en danger (une mauvaise chute, etc.). Or, à deux, c'est en principe plus facile d'éviter ce problème puisque les deux ont peu de chances d'avoir en même temps des pépins et donc l'un pourrait prévenir les secours pour l'autre. C'est pourtant ce qui s'est passé pour Gene et Betsy, en sachant que l'un avait la maladie d'Alzheimer, c'est comme s'il n'existait plus pour faire l'alerte le cas échéant.

    Cela signifie aussi que pendant quinze jours, le couple n'a reçu aucune visite ni de la famille ou amis, ni d'un personnel de service (livreur, soignant, aide ménagère, etc.), ni aucun coup de fil. Mais cela n'aurait probablement rien changé si on les avait découverts plus tôt. On ne bouleverse pas toujours les destins, même avec un "Retour sur le futur".


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    Sylvain Rakotoarison (08 mars 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Gene Hackman.
    Pierre Dac.
    Pierre Arditi.
    Pierre Palmade.
    Carla Bruni.
    Valeria Bruni Tedeschi.
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    François Truffaut.
    Roger Hanin.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.
     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250307-gene-hackman.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/les-mysterieuses-morts-de-gene-259781

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/08/article-sr-20250307-gene-hackman.html


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  • L'extinction de C8 : la loi ou la liberté d'expression ?

    « Le Conseil d’État juge que l’Arcom n’a pas commis d’illégalité dans son analyse qui l’a amenée à écarter C8 et NRJ 12, aussi bien dans l’appréciation qu’elle a portée sur chacun des dossiers que dans la comparaison de leurs mérites. » (Communiqué du Conseil d'État, le 19 février 2025).





     

     
     


    Le 24 juillet 2024, l'Arcom a annoncé la fin d'émission de deux chaînes TNT qui devaient être renouvelées, C8 et NRJ 12, prévue pour le vendredi 28 février 2025 à minuit. Si peu de monde, à part son propriétaire, le groupe NRJ, ne semble s'apitoyer sur le sort de NRJ12, en raison de la nature de la chaîne qui ne diffusait que des œuvres (séries, films, documentaires) qui n'avaient aucun caractère d'inédit, le sort de C8 a en revanche provoqué réactions et polémiques, en particulier sur le thème de la liberté d'expression.

    La chaîne C8 a été créée par le groupe Bolloré et Philippe Labro sous le nom de Direct 8 le 31 mars 2005. Elle se voulait une chaîne d'information générale et aussi de diffusion culturelle classique, comme TF1, France 2 et M6. Elle a été rachetée par le groupe Canal+ le 27 septembre 2012 et a changé son nom en D8 le 7 octobre 2012. Et à partir du 8 octobre 2012, l'émission vedette "Touche pas à mon poste !" (TPMP), créée, animée et produite par Cyril Hanouna (le producteur est H2O Productions, société créée en 2010 par Cyril Hanouna et Yannick Bolloré, un des fils de Vincent Bolloré), et qui était diffusée auparavant par une chaîne de la télévision publique, à savoir France 4. Le 5 septembre 2016, le nom de D8 est transformé en C8, selon le souhait du président du conseil de surveillance du groupe Canal+ Vincent Bolloré, afin d'harmoniser les noms (C+, C8, CNews, CStar, etc.). En 2016, le groupe Bolloré avait pris le contrôle du groupe Canal+, filiale de Vivendi, en devant le premier actionnaire de Vivendi.

    Rappelons d'abord ce qu'est l'Arcom, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle. Elle a été créée le 1er janvier 2022 par la fusion du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) et la HADOPI (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et protection des droits sur Internet). En d'autres termes, elle est le régulateur des émissions à la fois par ondes hertziennes (depuis 1982 avec la Haute Autorité de l'audiovisuel, suivie par la CNCL puis le CSA) et sur Internet (HADOPI).


    La TNT (télévision numérique terrestre) a permis d'augmenter le nombre de chaînes de télévision gratuites. L'attribution des chaînes TNT a donc été faite par le régulateur après un appel d'offre et un choix sur critères précis. Cette attribution était pour une durée donnée. La concession devait donc être renouvelée pour le 1er mars 2025. Les autorisations de diffusion par voie hertzienne de quinze services de télévision arrivaient à échéance en début 2025. L'appel aux candidature a été lancée le 28 février 2024.

    Les représentants de C8 ont été auditionnés par l'Arcom le 9 juillet 2024 à 10 heures 45 pour la poursuive de l'autorisation d'émettre de la chaîne C8 (on peut écouter l'audition en fin d'article). Comme dit en introduction, l'Arcom a annoncé le non-renouvellement de l'autorisation d'émettre de C8 et de NRJ12 le 24 juillet 2024 (au profit de deux autres projets). Le groupe Canal+ a, par réaction, annoncé le 5 décembre 2024 le retrait de la candidature de ses chaînes payantes de l'offre TNT, libérant ainsi quatre autres canaux qui feront peut-être l'objet d'un nouvel appel d'offre cette année : « L’Arcom a pris acte de la décision du groupe Canal+ de ne pas donner suite à la candidature de ses chaînes payantes présélectionnées au terme des auditions publiques de juillet dernier. Elle a considéré que cette décision n’était pas de nature à remettre en cause le nombre de services autorisés à émettre gratuitement sur la TNT dans le cadre de la procédure d’attribution des fréquences, compte tenu de la nécessité de garantir le financement pérenne des services dans le contexte d’un marché publicitaire en érosion et dont les perspectives sont en décroissance. » (12 décembre 2024).

    En effet, le 24 juillet 2024, l'Arcom a rendu public la présélection de quinze chaînes candidates sur les vingt-cinq dossiers de candidatures déclarées recevables (dont une qui s'est désistée), dont les représentants ont été auditionnés entre le 8 et le 17 juillet 2024. J'imagine qu'il s'agit d'une présélection dans l'attente de la rédaction formelle des conventions qui vont lier ces dites chaînes et l'Arcom (conventions en date du 10 décembre 2024). La décision de confirmer les onze candidatures retenues (quinze présélectionnées moins les quatre chaînes payantes du groupe Canal+ qui se sont retirées entre-temps) a été formellement prise lors de sa délibération du 11 décembre 2024 et annoncée le 12 décembre 2024 par un communiqué de presse. Ces autorisations sont valables jusqu'en 2035 (dix ans est juridiquement la durée maximale ; et le tacite renouvellement ne peut se prolonger au-delà de vingt ans sans nouvel appel aux candidatures). Dans son communiqué du 12 décembre 2024, l'Arcom a précisé : « Les candidats non retenus se verront notifier les rejets motivés dans les prochains jours. ». C8 a dû recevoir sa notification officielle le 16 décembre 2024.

    La décision de l'Arcom s'est basée sur la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (dite loi Léotard), et en particulier sur les critères mentionnés à ses articles 29, 30 et 30-1, « en appréciant notamment l'intérêt de chaque projet pour le public au regard de l’impératif prioritaire de pluralisme des courants d'expression socio-culturels ».

    Le 6 juin 2025 aura lieu une réaffectation des numéro de canaux pour les télévisions TNT, dans un ordre un peu plus logique, ainsi le canal 4 sera affecté à France 4 au lieu de 14, le canal 8 aux chaînes parlementaires (LCP et Public Sénat) au lieu de 13, Gulli le canal 12, et les quatre chaînes d'information continue (BFMTV, CNews, LCI et franceinfo) seront "voisines de canal", du 13 au 16, ce que demandaient depuis longtemps LCI et franceinfo actuellement dans des canaux "lointains", 26 et 27, au nom d'une concurrence non-déloyale.


    Parmi les recours de C8 (je n'évoque pas NRJ 12) contre la décision de l'Arcom, le plus important (sur le fond) a été rejeté par le Conseil d'État très récemment, le 19 février 2025, ce qui a permis d'en apprendre un peu plus sur les raisons qui ont conduit au choix de l'Arcom. Il faut rappeler que les motivations de la décision de l'Arcom ont été notifiées aux chaînes concernées (en l'occurrence C8) mais n'avaient pas été rendues publiques.
     

     
     


    Avant de reprendre l'arrêt du Conseil d'État, je propose les premiers commentaires suivants.

    D'une part, il est toujours triste qu'une chaîne de télévision cesse d'émettre. Aussi nulle soit-elle, cela reste triste. On peut se rappeler l'arrêt d'émission de la chaîne musicale TV6 (le 28 février 1987 après seulement un an d'existence) et la fin de La Cinq, chaîne particulièrement nulle, mais qui pouvait quand même avoir sa place (fin d'émission le 12 avril 1992 à la suite de sa faillite après six ans d'existence). Si on devait arrêter tout ce qui était nul, on n'aurait plus beaucoup d'offre de culture et de divertissement ! En sachant d'ailleurs surtout que le "nul" a une définition sans doute aussi multiple que le nombre de téléspectateurs. Il en est de même lorsqu'un journal meurt, une radio meurt, un site Internet meurt, etc.

    Cela dit, la vie est faite de mort. Phrase pompeusement philosophique mais réaliste : comme les êtres, comme les entreprises, comme les emplois, tout meurt. Ce qui est important, c'est de savoir si l'environnement permet également des naissances, de la nouveauté, de l'innovation. De nouveaux emplois, de nouvelles entreprises, de nouvelles chaînes. Ce sera le défi des deux projets de nouvelles chaînes choisis par l'Arcom sur lesquelles je ne m'appesantirai pas ici (Ouest-France et CEMI France).

    En particulier, je conçois que ce soit une catastrophe sociale de ne plus pouvoir émettre : 250 personnes auraient été licenciées depuis l'annonce du non-renouvellement de l'autorisation d'émettre de C8. Il faut ajouter que l'émission phare TPMP faisait vivre environ 450 personnes. Au-delà de cette émission phare, il faut aussi citer d'autres émissions, en particulier une émission sur l'adoption des animaux en association avec la SPA, qui seront donc impactées par l'extinction de C8.

    D'autre part, on m'a toujours appris que la liberté ne se concevait qu'avec la responsabilité. Tout parent l'apprend pour l'éducation de ses enfants : la liberté totale et sans responsabilité est généralement la cause de graves insécurités.

    Pourquoi je parle de liberté ? Parce que bien sûr, les promoteurs de C8 ne cessent d'évoquer une "censure" et un coup contre la "liberté d'expression". Le fait que de nombreuses personnes puissent de nombreuses fois sur de nombreux supports (écrits, radiodiffusés, télévisés, sur Internet) le dire met un bémol sur l'atteinte réelle à la liberté de leur expression, en tout cas !

    La régulation, c'est toujours la protection des plus faibles. Sans régulation, c'est la loi du plus fort qui dominerait, la loi de la jungle. Mais dans notre cas ici, c'est assez simple : il y avait, dans l'appel aux candidatures, une quinzaine de places renouvelables pour la TNT, et il y a plus de candidats. Donc, il faut que l'État puisse choisir, ou, du moins, un acteur public, c'est-à-dire une autorité indépendante qui ne soit pas politisée, pas politique, afin d'éviter justement ce risque de censure et d'atteinte à la liberté d'expression. Car, et j'insiste, l'Arcom n'est pas le gouvernement (qui a bien autre chose à penser en ce moment, surtout depuis juillet 2024 !).

    On pourra toujours débattre sur le mode de désignation des membres de l'Arcom. Ce que je constate, c'est que la présentatrice de l'une des émissions phares de CNews, issue du groupe Bolloré comme C8, depuis 2019, le soir en semaine (avec, au début, pour chroniqueur vedette Éric Zemmour), c'est la journaliste Christine Kelly qui a été membre du CSA de 2009 à 2015 (benjamine de l'instance de régulation et première membre issue des Outre-mer). Ce qui n'empêcha pas non plus l'Arcom de sanctionner le 17 janvier 2024 la chaîne CNews pour cette même émission pour son numéro du 26 septembre 2022 en raison d'un manquement à l'obligation d'honnêteté et de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information.

    Le choix rendu à la suite de l'appel d'offre pour les autorisations d'émettre sur la TNT relève donc d'une analyse objective des réponses à la suite d'un cahier des charges précis, en particulier, d'obligations auxquelles s'engagent les chaînes retenues.

     

     
     


    Venons-en donc aux motivations affichées. On les retrouve dans la décision n°499823 du Conseil d'État rendu le 19 février 2025, réponse au recours sur le fond fait par C8.

    Le Conseil d'État a d'abord rappelé la procédure : « La loi de 1986 relative à la liberté de communication prévoit que les fréquences TNT, qui sont un bien public et en nombre limité, sont attribuées après une étude d’impact et une consultation publique, suivies d’un appel à candidatures. La loi prévoit que lorsqu’une fréquence de TNT est attribuée à l’issue de cette procédure, elle ne peut être reconduite au-delà d’une durée de 20 ans sans nouvel appel à candidatures, afin d’assurer la concurrence et le pluralisme. ».

    Il a ensuite exclu toute illégalité dans la décision de l'Arcom du 11 décembre 2024 : « Le Conseil d’État estime que l’Arcom n’a pas commis d’illégalité dans l’appréciation qu’elle a faite des différents projets retenus par rapport à ceux qu’elle a écartés et dans l’application des critères posés par les articles 29 et 30-1 de la loi du 30 septembre 1986. Elle s’est prononcée, ainsi que la loi l’impose, sur l’ensemble des candidatures dont elle était saisie dans le but d’assurer sur la TNT une diversité de programmes et de contenus. ».

    Et voici les motivations d'exclusion de C8 par l'Arcom tel que le Conseil d'État l'a analysé : « S’agissant de C8, qui bénéficie d’une part d’audience élevée sur la TNT, hors les chaînes historiques de la télévision hertzienne, et dont l’Arcom a relevé qu’elle propose un volume important de programmes inédits et en direct, mais que ces programmes sont peu diversifiés au regard d’offres plus variées et renouvelées de ses concurrents, le Conseil d’État estime que le régulateur était juridiquement fondé à prendre en compte les manquements réitérés commis par la chaîne au cours des dernières années à ses obligations légales et conventionnelles, notamment en matière de respect des droits de la personne, de protection des mineurs et de maîtrise de l’antenne. Ces manquements sont de nature à jeter un doute sur sa capacité à tenir ses engagements. Enfin, la chaîne n’ayant, depuis sa création il y a vingt ans, jamais atteint l’équilibre financier, le plan de croissance figurant dans son dossier de candidature contraste avec ses résultats et les perspectives d’évolution du marché publicitaire. ».

    On peut donc retenir trois motivations principales pour ne pas renouveler C8.

    La première, c'est le manque d'originalité et de diversité dans la programmation des fictions (évaluée à 1 700 heures par an), essentiellement de la rediffusion de séries précédemment diffusées par d'autres chaînes.

    La deuxième, ce sont les nombreux manquements à la convention qui liait C8 à l'autorité de régulation, pratiquement tous provenant de l'émission TPMP, ce qui a conduit la chaîne à être sanctionné par une amende cumulée de 7,6 millions d'euros sur les huit dernières années, un record en terme de dérapages à la télévision (au moins neuf sanctions de l'Autorité de régulation, CSA puis Arcom). L'organisation de la chaîne n'a jamais évolué pour que cessent les comportements fautifs malgré les rappels à l'ordre de l'Arcom adressés à la chaîne concernant, entre autres, ses obligations sur le pluralisme de l’information, la maîtrise de l’antenne, la publicité, et la diffusion. L'Arcom avait proposé à C8 d'abandonner la diffusion en direct de TPMP afin d'éviter les dérapages les plus grossiers, mais, malgré son annonce, cela n'a pas été fait.

    La troisième motivation, enfin, c'est l'absence d'équilibre financier. En vingt ans, la chaîne n'a jamais enregistré de bénéfices et ses pertes cumulées depuis 2005 s'élèveraient à 736 millions d'euros. La Cinq avait été arrêtée justement par ses pertes financières. C8, c'est un peu différent, car elle fait partie d'un groupe géant qui lui assurait un financement même en l'absence de rentabilité (ce qui en dirait long sur l'objectif du groupe Bolloré avec cette chaîne déficitaire si on cherchait à comprendre).

    Je reprends plus explicitement quelques considérations de la décision du Conseil d'État.

    La n°39 : « Il ressort des pièces des dossiers que la société C8 a fait l'objet de nombreuses sanctions financières, mises en demeure et mises en garde de la part de l'Arcom pour des manquements, au cours des dernières années, à ses obligations légales et conventionnelles, notamment en matière de respect des droits de la personne, de protection des mineurs et de maîtrise de l'antenne. En outre, si la société requérante se prévaut, dans son dossier de candidature, d'un nouveau dispositif de maîtrise de l'antenne, mis en place en octobre 2023, il ressort des pièces des dossiers, ainsi que l'a relevé l'Arcom, que ces procédures n'ont pas empêché le constat, par l'Autorité, de nouveaux manquements postérieurement à leur mise en œuvre. Enfin, si les représentants de la chaîne ont annoncé, lors de leur audition, la mise en place d'un différé dans la diffusion d'une partie de ses programmes pour renforcer son dispositif de maîtrise de l'antenne dès septembre 2024, il ressort des pièces du dossier que cette mesure, qui n'a, au demeurant, pas été mise en œuvre, présente un caractère trop imprécis pour être regardée comme de nature à remédier aux carences relevées. Contrairement à ce que soutient la société C8, l'Arcom a pu légalement tenir compte de ces considérations pour apprécier, au regard des critères prévus aux articles 29 et 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, l'intérêt du projet de C8, notamment s'agissant de la capacité de la chaîne à respecter ses obligations légales si son autorisation venait à être renouvelée. ».

    Cette 39e considération de la décision du Conseil d'État explique certainement la principale motivation de l'Arcom à ne pas renouveler C8, et cela n'a rien à voir avec une censure ou une atteinte à la liberté d'expression, mais au fait répétitif et systématique que la chaîne C8 refuse de respecter son cahier des charges et les recommandations de l'autorité de régulation.

    La n°40 : « Il ressort des pièces des dossiers que la société C8 a, depuis sa création, enregistré un déficit chronique et significatif et que les prévisions du plan d'affaires figurant au dossier de candidature contrastent avec les perspectives d'évolution du marché publicitaire. ».

    Enfin, la n°41 qui analyse la comparaison entre les chaînes retenues et les deux rejetées : « Au vu de l'ensemble des caractéristiques des projets qui lui ont été présentés et compte tenu des différents impératifs et critères énoncés par la loi, l'Arcom a pu légalement estimer que les candidatures de C8 et NRJ 12 étaient moins à même que les onze projets qu'elle a retenus, notamment ceux des chaînes CMI TV, OFTV, TFX, TMC et W9, seuls contestés par les sociétés requérantes, de contribuer au pluralisme des courants d'expression socio-culturels et de répondre à l'intérêt du public. Il ne ressort pas, en outre, des pièces des dossiers que l'Arcom, qui n'était pas tenue de motiver son refus au regard de l'ensemble des critères rappelés aux points 28 et 29 ni de consulter préalablement l'Autorité de la concurrence, aurait inexactement apprécié les conséquences que le non-renouvellement des autorisations de NRJ 12 et de C8 serait susceptible d'entraîner sur l'équilibre concurrentiel de la TNT gratuite ni qu'elle aurait insuffisamment tenu compte de l'expérience des deux sociétés, de l'amortissement du coût des investissements réalisés par elles ou de leurs engagements en matière de production et de diffusion d'œuvres françaises et européennes. ».

    Toutefois, C8 garde encore une toute petite chance de survivre sur la TNT. La considération n°27 explique ceci : « Il incombe toutefois à l'Autorité de mener sans délai une nouvelle consultation publique et une nouvelle étude d'impact dans les conditions prévues à l'article 31 afin de décider si la situation économique du secteur est favorable au lancement d'un appel à candidatures pour les quatre autorisations n'ayant pas été attribuées ou s'il convient, au contraire, de le différer de deux ans, renouvelables une fois, à compter de l'échéance des autorisations actuelles concernées. ».

    En effet, en raison de la libération des quatre canaux TNT des chaînes payantes du groupe Canal+, si une étude d'impact concluait qu'il pourrait y avoir encore de la place sur le marché publicitaire pour d'autres chaînes gratuites, C8 pourrait de nouveau se porter candidate et peut-être être choisie pour l'un de ces canaux. C'est en tout cas ce que souhaitaient les dirigeants de cette chaîne dans le huitième point de leur requête n°500009 du 24 décembre 2024 au Conseil d'État : « C8 demande au Conseil d'État d'enjoindre à l'Arcom de réexaminer la candidature de C8 et de l'admettre à négocier une convention ou, subsidiairement, de relancer un appel à candidatures pour l'attribution des fréquences correspondant aux autorisations annulées. ».

    Voilà, j'ai donné le maximum d'indications factuelles sur le rejet du renouvellement de l'autorisation d'émettre de la chaîne C8 par l'Arcom. Considérer que c'est une question de liberté d'expression, c'est refuser de comprendre le droit. Les règles sont les mêmes pour tous, et le renouvellement d'un canal TNT à C8 aurait certainement provoqué également des recours par les candidats qui n'auraient pas été choisis. Parler de censure, c'est oublier que l'Arcom a renouvelé l'autorisation d'émettre de la chaîne CNews pourtant issue du même groupe que C8. Où est donc la censure ? Lorsque un acteur est sanctionné autant de fois, parfois en pénal, faut-il encore lui faire confiance ? Je pose la question et ceux qui y répondent simplement parce qu'ils soutiennent la liberté d'expression oublient qu'en France, fort heureusement, nous sommes dans un État de droit et que c'est le droit qui doit réglementer l'organisation de notre société. La liberté ne peut s'entendre que si un cadre protège également le éventuelles victimes de cette liberté, cela a toujours été la doctrine de la République française depuis le début de la Troisième République. Quant à C8, au pire, personne ne l'empêche de continuer à émettre sous d'autres formes, d'autres supports, notamment sur Internet. Cela ne l'exonérera pas de respecter les lois et la réglementation de la République, notamment sur l'insulte, la diffamation et la dignité humaine.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (26 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    L'extinction de C8 : la loi ou la liberté d'expression ?
    Philippe Labro.
    Touche pas à Hanouna ?.
    Notre-Dame de Paris, capitale du monde !
    Teddy Vrignault.
    Jean-Pierre Elkabbach.
    Jeux paralympiques de Paris 2024 : sport, spectacle et handicap.
    Le génie olympique français !
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    Ouverture des Jeux olympiques : Paris tenu !
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Eurovision 2024.
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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250226-c8.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/l-extinction-de-c8-la-loi-ou-la-259510

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/26/article-sr-20250226-c8.html




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