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« Question redoutable pour une mort insupportable. Les politiques sont légitimement sommés de trouver des remèdes à une situation révoltante : aucun éducateur ne devrait risquer sa vie en encadrant des adolescents. Et le service public encore une fois, n’a pas su protéger l’un de ses serviteurs. Indignation maximale, parfois surjouée, souvent récupérée, mais pour réclamer quoi ? C’est là que les solutions faciles, que les "y'a qu'à, faut qu'on" viennent soudain buter contre le réel. » (Patrick Cohen, le 11 juin 2025 sur France Inter).
Le Président de la République Emmanuel Macron était l'invité d'une très longue émission de télévision sur France 2 ce mardi 10 juin 2025. L'émission, intitulée "Urgence Océan" a duré près de deux heures trente et été diffusée en direct dans la soirée depuis la ville de Nice où se tenait la Conférence des Nations Unies sur l'Océan.
Au contraire de l'émission du 13 mai 2025 sur TF1 où Emmanuel Macron avait maladroitement tenté de revenir dans le jeu de la politique intérieure sans avoir été capable d'annoncer une seule mesure concrète, le chef de l'État n'était pas dans ce cadre, ce mardi, à contre-emploi, au contraire, en plein de son rôle de Président de la République censé prendre de la hauteur et anticiper des enjeux à long terme, dans ce qu'on pourrait appeler une diplomatie du climat.
Certes, seulement 1,5 million de téléspectateurs étaient à l'appel ce mardi soir, mais pour une émission de cette qualité, c'était en fait déjà beaucoup. La longue durée était nécessaire pour présenter les sujets techniques et scientifiques (Thomas Pesquet, entre autres, était parmi les invités), et je recommande vivement de visionner cette émission (vidéo en fin d'article).
Toutefois, l'actualité très chaude de la journée, un pays sous le coup de l'émotion du meurtre de Mélanie, assistante d'éducation à Nogent, en Haute-Marne, par un collégien de 14 ans, a provoqué un nécessaire changement dans l'émission en permettant au Président de la République de consacrer son premier quart d'heure à ce drame terrible.
Au-delà de l'expression de son émotion, Emmanuel Macron est revenu en effet sur les mesures pouvant empêcher de nouveaux drames de ce type : un adolescent utilisant une arme blanche, un couteau, pour tuer une personne. Il a ainsi insisté sur l'importance d'interdire la vente de couteau aux adolescents de moins de 15 ans.
Dans l'après-midi du 11 juin 2025, le Premier Ministre François Bayrou a confirmé au Sénat cette mesure : « Il n'est pas normal que la détention d'armes par des adolescents se développe ainsi. Nous allons interdire la vente de ces armes aux mineurs et multiplier les contrôles de port d'armes. (…) En particulier, on ne pourra plus livrer par internet ce type d'armes sans la signature d'un adulte. ».
Mais tout le développement d'Emmanuel Macron sur la vente des couteaux m'a paru un peu vain. En effet, dans le cas du meurtre à Nogent, l'adolescent avait pris un couteau de 34 centimètres dans la cuisine de ses parents. Rien ne pourra empêcher un adolescent de dérober ou d'acquérir une arme blanche. On peut bien sûr lui mettre plus d'obstacles, mais ce n'est pas une mesure vraiment efficace.
Du reste, je dois donner ma propre expérience. À l'Assemblée Nationale le 10 juin 2025, François Bayrou avait confié cette anecdote qui n'a pas été diffusée avec beaucoup d'écho et pourtant, très significative : « C’est une décomposition de la société dans laquelle nous vivons et c’est le surgissement de pratiques de vie communes. L’un de mes collègues disait à l’instant tout bas que son petit garçon de 10 ans lui a demandé quand il pourrait avoir un couteau à l’école. Cela concerne tous les milieux. ».
J'ai réfléchi à cette anecdote et je me suis rappelé qu'au même âge, autour de 10 ans, et même 9 ans, lorsque j'étais en colonie de vacances, j'étais dans le même état d'esprit, nous voulions, nous, moi et mes compagnons de vacances, avoir des couteaux, des canifs, c'étaient soit des canifs multifonctions (des couteaux suisses), soit des opinels. En montagne, en randonnée, nous étions contents de disposer d'un tel couteau, pour faire des arcs ou encore pour jouer entre nous (nous nous lancions le couteau dans le sol). Précisons, pour rassurer, qu'il n'était pas question d'utiliser ces couteaux comme des armes, mais plutôt comme des accessoires de jeu que nous savions dangereux et auxquels nous faisions attention. Pendant longtemps, j'ai gardé un canif dans ma poche comme pas mal d'hommes (il me semble), jusqu'aux premières vagues d'attentats et à l'instauration des plans Vigipirate ou de ses premiers équivalents, qui interdisait le passage dans certains lieux avec de tels objets considérés comme des armes blanches.
Dans son analyse, Emmanuel Macron a voulu donner une explication de cette supposée recrudescence des violences d'adolescents : d'une part, l'explosion des familles, la cellule familiale permettait d'instaurer un certain nombre de valeurs et aussi un dialogue au sein de la famille ; d'autre part, les réseaux sociaux, où l'enfant s'isole dans une bulle totalement irréelle l'incitant parfois de passer à l'acte.
Il est ressorti de cette analyse que le Président de la République militait très fermement pour l'interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans et donc, pour obliger les plate-formes des réseaux sociaux à vérifier que leurs utilisateurs aient plus de 15 ans, comme cela était le cas à 18 ans pour les sites à contenu pornographique.
Au Sénat le mercredi, François Bayrou a reparlé de cette mesure : « Le Président de la République s'est exprimé plusieurs fois sur l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, qui relève de la compétence de l'Union Européenne. Il l'a dit hier : si l'Union Européenne ne nous suit pas, nous prendrons nos responsabilités en ouvrant ce chemin pour la France. ».
Là encore, si dans le cas général, il peut y avoir un effet, dans le cas du meurtre de Mélanie, le mis en cause était peu présent dans les réseaux sociaux et ces derniers ne sont donc pas en cause dans cette contribution au passage à l'acte.
Deux choses graves ont notamment motivé le meurtre de Mélanie : l'adolescent n'a eu aucune empathie pour sa victime ni ses proches, il se moque qu'elle soit tuée ; la présence de cinq gendarmes à l'entrée de l'établissement ne l'a pas empêché de passer à l'acte. La peur du gendarme n'a pas fonctionné ou a pesé peu face à l'extrême violence qu'il avait en lui.
La troisième vague de mesures, confirmée par François Bayrou au Sénat, concerne la santé mentale : « Nous devons traiter la question des auteurs, la main qui tient l'arme. Un travail considérable est à mener pour protéger la santé mentale des jeunes. À l'adolescence, certains basculent en quelques jours (…) : ce garçon était référent harcèlement et n'était pas considéré comme ayant des problèmes. Tous les signes d'un risque de basculement doivent être identifiés ; nous devons former à cet égard les enseignants et les élèves eux-mêmes. ».
Mais sans doute que le plus important reste la carence éducative des parents que nul ne peut remplacer, et surtout pas l'État. Comme l'a expliqué Emmanuel Macron, l'explosion des familles a fait perdre beaucoup de repères aux enfants, la notion de bien et de mal, aussi la notion de réalité et de virtualité. L'existence de l'autre, le respect qui est dû à l'autre, son intégrité physique.
C'est ce que proposait aussi le journaliste Patrick Cohen dans sa chronique sur France Inter le 11 juin 2025 : « Prendre enfin à bras le corps le sujet de la santé mentale des jeunes, pour laquelle les alertes se multiplient depuis la fin de la crise du covid. Miser sur la prévention. Arrêter de faire croire qu’il est possible de tout contrôler et de tout empêcher. ».
D'ailleurs, l'éditorialiste a voulu pondérer les impressions sur la violence des adolescents : « D’abord l’usage des couteaux n’a rien de français, le fléau est européen. Pour la seule ville de Londres, 10 adolescents sont morts poignardés l’an dernier, 18 en 2023. Ensuite, les chiffres globaux de la délinquance des mineurs en France vont à rebours de ceux qui vous parlent d’ensauvagement généralisé ou d’un pays à feu et à sang. En sept ans, cette délinquance a baissé de 25% ! 65 000 mineurs poursuivis par la justice en 2016. 48 000 en 2023. Avec un recul presque similaire des condamnés, ainsi que des mis en cause par la police et la gendarmerie. En revanche, les actes les plus violents ont bondi. Le nombre d’adolescents poursuivis pour meurtre ou tentative d’homicide, a plus que doublé : 108 en 2016. 255 en 2023. Narcotrafic et règlements de comptes. Cela reste à la fois très minoritaire et très médiatisé. ».
Sur France 5, ce mercredi 11 juin 2025, le docteur Jean-David Zeitoun, spécialiste en épidémiologie clinique et auteur d'un essai sur les causes de la violence, expliquait que la violence n'a cessé de se réduire depuis sept cents ans ! D'un rapport cinquante. On était beaucoup plus violent dans le passé, mais cela reste encore à un niveau aujourd'hui inacceptable.
Le Président du Sénat Gérard Larcher a ouvert la séance du 11 juin 2025 par une minute de silence, comme ses collègues députés la veille : « Aucune forme de violence n'a sa place au sein de l'école de la République. Face à la multiplication de ces événements tragiques, nous devons agir collectivement pour renforcer la sécurité des élèves et du personnel qui les encadre, afin que de tels drames ne puissent se reproduire. ». Dans ce domaine, la démagogie et la récupération politique ne sont d'aucune utilité.
Je voulais évoquer la prestation télévisée d'Emmanuel Macron, mais c'est le drame de Nogent qui est revenu, pressant, imposant, dans les esprits. Oui, c'est important, essentiel même, de se préoccuper du combat pour le climat, du combat pour préserver l'océan. Mais à l'évidence, cette émission pédagogique est arrivée au plus mauvais moment. Elle a au moins le mérite d'avoir été faite et de pouvoir être regardée de nouveau pour bien comprendre les phénomènes en jeu.
« Je crois que beaucoup de gens peuvent se reconnaître sur les projets du PSU, et que par ailleurs, les voix des femmes, dans cette campagne, eh bien, elles ne seront pas trop représentées et que je pense que si ma candidature n'avait que ce rôle-là, ça vaudrait déjà la peine ! » (Huguette Bouchardeau, le 13 avril 1981 sur RTL).
Candidate à l'élection présidentielle de 1981, Huguette Bouchardeau a fêté son 90e anniversaire ce dimanche 1er juin 2025. Née à Saint-Étienne, cette dame assez curieuse de la vie politique a marqué le début des années 1980. Qui s'en souvient ?
La candidate bossait encore en pleine campagne présidentielle car elle n'était pas payée autrement : elle enseignait à Lyon, elle était mère de ses enfants (dont la plus jeune avait 13 ans) et femme de son mari à Saint-Étienne, et elle faisait campagne à Paris (où on lui avait loué un petit appartement) et partout en France (des meetings dans 160 villes !).
Huguette Bouchardeau était alors la secrétaire nationale du PSU, le parti socialiste unifié, et s'était présentée à l'élection présidentielle pour mettre les femmes à l'affiche, l'écologie et le partage du temps de travail. Elle allait bientôt avoir 46 ans. Elle n'était pas la première femme à s'être présentée puisque la porte-parole de Lutte ouvrière Arlette Laguiller était déjà candidate en 1974, et avec cette dernière et la gaulliste Marie-France Garaud (qui s'est éteinte l'an dernier), elle faisait partie des trois femmes capables de participer à la compétition.
Et rien que cela, c'était déjà un exploit, car la nouvelle règle à partir de 1976, c'était d'être parrainée par 500 maires ou parlementaires, élus régionaux et départementaux... au lieu de 100. Cette règle avait empêché (momentanément pour l'un) à deux candidats de 1974 de se représenter en 1981, Jean-Marie Le Pen, pour le Front national, et Alain Krivine, pour la LCR (ces deux anciens candidats se sont éteints également récemment).
La trajectoire de la dame du PSU pourrait se résumer très grossièrement à cette phrase : Huguette Bouchardeau est passée d'une Arlette Laguiller un peu plus intellectuelle (aux cheveux ébouriffés) à une Marie-France Garaud un peu plus à gauche (au chignon bien mis), de militante rebelle à ministre écoutée !
Parlons d'abord du PSU. J'éviterai de préciser l'histoire précise du PSU car c'est très compliqué, aussi compliqué que l'histoire des groupuscules d'extrême gauche ou d'extrême droite, à cela près que, ici, le PSU n'était pas à l'extrême gauche, mais à une deuxième gauche toujours très difficile à définir, une gauche "alternative", une gauche déjà soucieuse d'écologie et une gauche clairement antimilitariste et pacifiste.
En novembre 1999, Huguette Bouchardeau expliquait ainsi le fonctionnement des partis : « Autour de 1968, avec toutes les batailles qui ont eu lieu au PSU autour de Rocard, contre Rocard, quand je voyais le PSU se déchirer en multiples tendances, j'éprouvais une sorte d'horreur devant ce type de débat. (…) C'est très simple : les tendances dans les partis politiques n'ont jamais été organisées autour de programmes différents mais toujours autour d'hommes qui cherchaient le drapeau avant le parti. Ce n'était pas des tendances mais des écuries. Beaucoup de femmes refusaient cette lutte pour le pouvoir qui était l'essentiel de la vie politique. Elles ont été peu intéressées par ces luttes politiques. ».
Le retour de De Gaulle au pouvoir a secoué considérablement l'échiquier politique : le centre droit (les indépendants) a rejoint les gaullistes, une partie du centre démocrate (MRP) aussi, l'autre moitié est restée dans l'opposition, et la gauche, SFIO et PCF, est entrée dans l'opposition. L'un des grands partis d'avant-guerre, le parti radical, a été laminé par le gaullisme, en raison du légitimisme : le légitimisme de la Troisième République se trouvait au sein du parti radical avant la guerre, mais désormais, celui de la Cinquième République se trouvait chez les gaullistes, naturellement.
L'histoire des formations politiques est indissociable de l'histoire des personnalités politiques, bien sûr. Le PSU a été fondé le 3 avril 1960 sous la présidence du grand mathématicien Laurent Schwartz au terme de l'unification de trois forces groupusculaires : le PSA (parti socialiste autonome) qui provenait de socialistes dissidents de la SFIO en 1958 (Édouard Depreux, Daniel Mayer, François Tanguy-Prigent, André Philip) et d'anciens radicaux anti-gaullistes (dont le plus illustre Pierre Mendès France) ; l'UGS (Union de la gauche socialiste) issue de la fusion d'autres formations minusculaires en 1957 et qui se voulait à la fois marxiste et chrétien (Gilles Martinet) ; enfin, des communistes dissidents rejetant le PCF dès 1952 (Jean Poperen, François Furet).
Les deux points de convergence des fondateurs du PSU furent l'opposition à la guerre d'Algérie (au contraire de Guy Mollet, chef de la SFIO), et l'opposition au retour du Général De Gaulle (au contraire de la SFIO). Édouard Depreux a été le premier secrétaire national du PSU d'avril 1960 à juin 1967.
Le PSU voulait se positionner politiquement entre la SFIO (puis le PS) et le PCF, et il était proche aussi du CERES créé par Jean-Pierre Chevènement en 1966 (future aile gauche du PS). En fait, ce parti pourrait aussi être qualifié de parti utopiste en ce sens que ses propositions étaient complètement indépendantes de la réalité du pays. Ou encore autogestionnaire, surtout lors de l'affaire Lip. Le PSU était très proche de la CFDT. Curieusement, beaucoup de personnalités politiques de gauche ont traversé ce parti, souvent pour rejoindre ensuite le PS de François Mitterrand, à des moments différents.
Le plus connu fut Michel Rocard, secrétaire national du PSU de juin 1967 à novembre 1973, candidat du PSU à l'élection présidentielle de 1969, qui a rallié François Mitterrand au PS en 1974 avec toute la direction (rocardienne) du PSU, créant ainsi le courant rocardien au sein du PS.
Citons rapidement quelques personnalités qui se sont retrouvées adhérentes du PSU à un moment ou l'autre : Édouard Depreux, Michel Rocard, Pierre Mendès France, Robert Verdier, Alain Savary, Daniel Mayer, Pierre Bérégovoy, Charles Hernu, Gilles Martinet, Jean Verlhac, Jean Poperen, Claude Bourdet, Alain Badiou, André Philip, François Tanguy-Prigent, Pierre Dreyfus-Schmidt, Serge Mallet, Roland Florian, Marcel Debarge, Laurent Schwartz, Robert Chapuis, Henri Leclerc, Bernard Lambert, Jean Le Garrec, Pierre Brana, Pierre Bourguignon, Bernard Ravenel, Jean-Pierre Mignard, Michel Destot, Tony Dreyfus, Alain Richard, Bernard Langlois, Serge Depaquit, Charles Piaget, Victor Leduc, Huguette Bouchardeau.
Engagée dès 1957 au sein de l'UGS, Huguette Bouchardeau est devenue secrétaire nationale du PSU de janvier 1979 à juin 1983. Serge Depaquit (un proche), lui a succédé. L'histoire chaotique du PSU est terrifiante puisqu'à chaque congrès, il y avait plusieurs courants jusqu'à cinq ou six, qui se disputaient les places de direction, avec des alliances, des scissions de courant, etc. Finalement, le PSU a disparu par encéphalogramme plat officiellement le 7 avril 1990 mais bien avant dans les faits.
Comme je l'ai écrit, il serait donc très injuste et inexact de réduire le PSU à uniquement Michel Rocard et Huguette Bouchardeau, mais l'histoire n'a retenu que les deux seuls candidats à l'élection présidentielle (de même que l'histoire ne retiendra de LCR/NPA ses seuls candidats à l'élection présidentielle, Alain Krivine, Olivier Besancenot et Philippe Poutou, ainsi que LO ses seules candidats à l'élection présidentielle Arlette Laguiller et Nathalie Arthaud).
Revenons à Huguette Bouchardeau qui est avant tout une brillante intellectuelle : quand elle s'est présentée, elle était une agrégée de philosophie (c'est rare en politique), elle a défendu une thèse de doctorat sur l'enseignement de la philosophie de 1900 à 1972 en France et elle était maître de conférence à l'Université de Lyon-2, poste qu'elle n'avait pas quitté en campagne.
Parallèlement, elle a eu une forte action militante dès sa jeunesse : responsable syndicale à l'UNEF, puis à la FEN, à la CFDT, et militante politique à l'UGS puis au PSU. Elle était alors basée à Saint-Étienne (elle enseignait à Lyon) et a été plusieurs fois candidate du PSU localement. Huguette Bouchardeau a milité aussi, à l'époque, avec les Amis de la Terre, préfiguration du mouvement écologiste.
Lorsqu'elle a été élue secrétaire nationale du PSU en janvier 1979, Huguette Bouchardeau a été la première femme à diriger un parti politique en France (à l'époque, Margaret Thatcher dirigeait le parti conservateur en Grande-Bretagne). Elle a mené la tête de liste du PSU aux premières élections européennes le 10 juin 1979 et sa liste s'est retrouvée dernière, avec 332 voix, oui, j'ai bien écrit 332 et pas 337 000 voix, donc, 0,00%. En fait, son parti n'avait pas l'argent pour payer le matériel de campagne (entre autres, les bulletins de vote) et lors de son meeting de campagne le 11 mai 1979 à Rouen, elle s'en est pris à cette règle électorale qui favoriserait les riches (à cause du seuil de 5% pour pouvoir être remboursé). Ainsi, elle a fait campagne pour faire voter nul, faute de bulletins du PSU à distribuer.
Cette campagne nationale, sa première, ne l'a pas fait vraiment connaître. C'est en 1981 qu'elle a eu droit aux projecteurs de l'actualité. C'était la première fois qu'il y a eu autant de candidats à l'élection présidentielle, dix en 1981 dont six à gauche. L'élection de François Mitterrand a eu lieu au second tour malgré cette division au premier tour. Huguette Bouchardeau ne lui a certes pas fait beaucoup d'ombre avec seulement 1,1% des suffrages exprimés le 26 avril 1981, soit au dernier rang avec 321 353 voix. Pourtant, avec Michel Crépeau (du MRG), elle aurait pu apporter 3,3% aux 25,9% du candidat du PS, ce qui lui aurait donné un résultat supérieur au score du Président sortant Valéry Giscard d'Estaing (28,3%). Finalement, ce ne fut qu'en différé, puisque les candidats du MRG et du PSU ont apporté immédiatement leur soutien au second tour à François Mitterrand. Michel Crépeau allait être récompensé par un porte-feuille (l'Environnement, puis le Commerce, enfin la Justice) entre 1981 et 1986.
C'était parce qu'Huguette Bouchardeau avait déjà un nom dans le militantisme féministe qu'elle a été hissée à la tête du PSU en 1979. Vingt ans plus tard, en novembre 1999, elle en rigolait encore : « Dans les meetings, je disais, en provoquant, que quand une profession commence à se féminiser, elle est en voie de dévalorisation. J'ai toujours dit ce que je pensais sur ce sujet-là. Pendant quelques mois, j'ai mal vécu ce début de secrétariat national du PSU, j'avais le sentiment qu'ils m'avaient mise là parce que c'était bien qu'un parti qui se disait féministe, écolo, etc., ait une femme à sa tête, mais ils se disaient quand même que j'étais là comme simple porte-parole. D'ailleurs, un membre du bureau national me l’a déclaré un jour : "Rocard 'pensait' la théorie du PSU et puis il en parlait, maintenant, on peut très bien avoir une porte-parole". Nous, on pense, et toi, tu causes… Vraiment, j'en ai entendu des vertes et des pas mûres, et tout ça dans la plus grande gentillesse, car vraiment ils m'aimaient bien, je crois. C'est vrai que si je ne leur avais pas paru capable de faire ça, ils ne m'auraient pas poussée, ou sinon ils auraient pris quelqu'un qui présentait bien, qui était mignonne. Ce n'est pas ce qu'ils ont cherché. Ils se sont vraiment dit que faire une place à une femme à la tête d'un parti, c'était la bonne position. (…) Ils voulaient une femme à la tête du parti et une candidate aux élections présidentielles. Ce qui fait qu'en treize ans (la première fois que j'ai été candidate aux législatives, c'était en 1968), tout s'était inversé. En 1968, les gens disaient : "ils sont fous de la présenter, elle leur fait perdre des points". En 1981, on en était venu à se dire qu’une femme peut en faire gagner. Mais cette expérience a été pénible… J'ai été nommée à la tête du PSU en janvier 79, et en juillet, j'ai écrit en trois semaines un bouquin qui s'appelle "Un coin dans leur monde" où je règle leur compte à mes amis politiques, parce que je supportais très mal qu'on m'ait mise là pour autre chose. ».
Les militants du PSU avaient été sidérés par la tribune que la candidature à l'élection présidentielle avait offerte à Arlette Larguiller en 1974. Ils voulaient donc l'imiter avec aussi une femme. Huguette Bouchardeau, candidate du PSU, a eu aussi le soutien du parti communiste révolutionnaire (PCR) et de la fédération de la gauche alternative (FGA).
Un mot sur la campagne dont je propose en fin d'article quatre interventions orales, une interview et trois prestations de campagne officielle. À la différence d'Arlette Laguiller qui parlait très vite pour mettre le maximum de phrases en un temps donné, Huguette Bouchardeau était très lente en diction, presque trop lente, comme un enseignant faisant une dictée dans une école primaire. Mais à la différence de François Bayrou (par exemple), le débit n'était pas saccadé mais très lisse (elle n'était pas pédagogue pour rien ; vous me direz, François Bayrou non plus, mais la différence, c'est qu'il avait une infirmité, le bégaiement). On sentait ainsi l'intellectuelle fluide qui savait manier concepts et idées (bien que femme, oserais-je écrire, pour reprendre le machisme au sein même du PSU !).
Mais des concepts et idées totalement irréalistes. Par exemple, elle s'est opposée très fermement à la dissuasion nucléaire et a proposé que dès son élection, la France se mît à poils sur le plan de la défense. C'est terrible de réécouter ses mots à une époque où l'on considère que justement, la France n'a pas suffisamment concentré son effort de défense. Elle était encore dans la lignée du "faites l'amour, pas la guerre" en pensant qu'il n'y avait que de gentils dans le monde et aucun méchant qui voudrait s'en prendre aux territoires des autres (quelle erreur !).
Elle était aussi pour la réduction du temps de travail, les 35 heures et même les 30 heures par semaine, en pensant que les Français vivraient mieux en travaillant moins (c'était encore l'époque du : on rase gratis !). À l'instar de Michel Rocard et Edmond Maire (secrétaire général de la CFDT), elle croyait aussi à l'autogestion des entreprises (à la suite de l'expérience Lip).
Neuf propositions ont été inscrites sur son tract de campagne : 1. « La loi des 30 heures et les 35 heures tout de suite » ; 2. « Vivre, travailler et décider au pays » ; 3. « L'abandon de l'arme atomique » ; 4. « Des énergies alternatives au nucléaire » ; 5. « La prise de parole des femmes et la défense de leurs droits » ; 6. « La fin des privilèges et des inégalités » ; 7. « La révision de la Constitution de 58 » ; 8. « L'abolition de la peine de mort, de la loi Peyrefitte, et des tribunaux d'exception » ; 9. « Un plan d'urgence contre la faim dans le monde ».
Mais la candidature d'Huguette Bouchardeau était d'abord un moyen de mettre les femmes à l'avant-scène de la politique, et en ce sens, elle y est parvenue par sa notoriété naissante. L'une des meilleures illustrations de l'effet présidentiel sur sa notoriété, c'était ses multiples candidatures aux élections législatives dans la première circonscription de la Loire (ville de Saint-Étienne) : en juin 1968, elle n'a eu que 8,3% ; en mars 1973, que 4,5% ; en mars 1978, que 1,2%... (dans ces scrutins, Michel Durafour a été élu) et en juin 1981, elle est arrivée en troisième position avec 24,2%, ce qui était pas mal, mais insuffisant car elle a été devancée par le candidat communiste Paul Chomat qui était en avance de 126 voix sur elle, si bien qu'elle s'est désistée au second tour pour Paul Chomat qui a battu Michel Durafour avec moins de 500 voix d'avance.
Huguette Bouchardeau ne l'a pas vraiment utilisée car sa célébrité est partie aussi vite qu'elle n'est venue. Pourtant, ce n'était pas faute de poursuivre une carrière politique, chose qu'elle a pu faire en rejoignant la majorité socialo-communiste (au grand dam de la majorité du PSU qu'elle allait quitter en 1986).
Ainsi, Huguette Bouchardeau est entrée au gouvernement, nommée Secrétaire d'État auprès du Premier Ministre chargée de l'Environnement et de la Qualité de la vie du 22 mars 1983 au 17 juillet 1984 dans le dernier gouvernement de Pierre Mauroy, puis Ministre de l'Environnement du 17 juillet 1984 au 20 mars 1986 dans le gouvernement de Laurent Fabius. Elle a été à l'origine de la loi n°83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement (dite loi Bouchardeau) qui dit dans son article premier : « La réalisation d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux, exécutés par des personnes publiques ou privées, est précédée d'une enquête publique soumise aux prescriptions de la présente loi, lorsqu'en raison de leur nature, de leur consistance ou du caractère des zones concernées, ces opérations sont susceptibles d'affecter l'environnement. (…) Les travaux qui sont exécutées en vue de prévenir un danger grave et immédiat sont exclus du champ d'application de la présente loi. ».
Huguette Bouchardeau s'est aussi battue sur le plan européen pour réduire la pollution automobile contre l'industrie automobile française (on sait aujourd'hui que ce combat a eu un bénéficiaire industriel, les États-Unis, et que la réglementation motivée par l'écologie a toujours eu en France des intérêts économiques qui ne sont ni nationaux ni européens).
L'ancienne ministre a été ensuite élue députée du Doubs en mars 1986, sur la liste socialiste (elle était en deuxième place et la liste, avec 35,5% des voix, a gagné deux sièges, à la proportionnelle), elle a donc siégé à l'Assemblée comme députée apparentée au groupe socialiste. Candidate de la France unie (mouvement rassemblant les débauchés du mitterrandisme), elle a été réélue en juin 1988 dans la quatrième circonscription du Doubs (Sochaux) au second tour avec 56,8% des voix face à un candidat UDF-CDS.
Après la démission de Laurent Fabius, devenu premier secrétaire du PS, du perchoir, Huguette Bouchardeau a été candidate aux deux tours de l'élection du nouveau Président de l'Assemblée Nationale le 22 janvier 1992. Au premier tour, à 17 heures 10, elle a obtenu 44 voix sur 541 votants et 534 exprimés (256 à Henri Emmanuelli, 207 à Jacques Chaban-Delmas et 27 au communiste Georges Hage).
Elle a expliqué qu'elle se maintenait au second tour, contrairement à son collègue communiste, avec ces paroles : « Monsieur le président, les applaudissements que nous venons d'entendre comme le résultat que je viens d'obtenir me paraissent significatifs. J'ai voulu, par ma candidature, mes chers collègues, donner un signe. Notre assemblée devrait travailler dans une plus grande indépendance à l'égard du gouvernement et des partis politiques. Je veux affirmer encore cette option et je maintiens donc ma candidature, en souhaitant qu'une fois faite la démonstration par les uns ou les autres de leur fidélité à leur famille d'origine, le plus grand nombre d'entre nous se retrouve sur une candidature en faveur d'une véritable indépendance de notre assemblée. ». Au second tour, à 18 heures 50, elle a reçu moins de voix qu'au premier tour, seulement 32 sur 550 votants et 546 exprimés (289 à Henri Emmanuelli, élu, et 225 à Jacques Chaban-Delmas).
Parfois opposée aux décisions des gouvernements socialistes, elle ne s'est pas représentée en 1993 (la circonscription allait revenir à Pierre Moscovici en 1997), mais elle a été élue maire d'Aigues-Vives, commune de 2 300 habitants près de Lunel, dans la Gard, de juin 1995 à mars 2001 et s'est ensuite retirée de la vie politique locale.
Parallèlement à ses activités politiques, Huguette Bouchardeau a mené une activité éditoriale intense. Elle a été directrice de collection aux éditions Syros de 1978 à 1984, puis a créé HB éditions en 1995 (sa maison d'édition a disparu en juin 2002 après la publication d'environ 150 ouvrages). Elle est surtout l'auteure de plus d'une vingtaine de livres, surtout des essais, en particulier centrés sur certaines femmes qu'elle admire, en particulier : George Sand (1990), Rose Noël (1992), Simone Weil (1995), Agatha Christie (1998), Elsa Triolet (2000), Nathalie Sarraute (2003), Simone Signoret (2005) et Simone de Beauvoir (2007).
Pour finir, écoutons Huguette Bouchardeau dire à Margaret Maruani et Chantal Rogerat, en novembre 1999, sa conception d'être une femme engagée : « Quand j'étais petite fille, je me disais : “est-ce que je travaillerai ou est-ce que je me marierai ?”. Qui se pose encore ces questions-là ? Cela ne veut pas dire que les tâches ménagères soient partagées parfaitement, que les filles aillent moins dans les professions du soin, de secrétariat. Mais il faut voir les classes scientifiques, les classes d'ingénieurs. Il y en a beaucoup plus… Il faut voir dans la vie politique, les femmes comme Aubry, Buffet, Guigou, Royal, Voynet. Nous avons été, nous, une génération intermédiaire à dire que nous nous situions hors du pouvoir… Maintenant elles font le même type de carrière politique que les hommes. L'histoire des femmes ne se fait pas simplement au moment où il y a des grandes manifestations, où il y a une sorte de théorisation de lutte des femmes. Les conquêtes des femmes se prolongent dans le silence, et individu par individu presque, avec quelques femmes qui théorisent, quelques femmes qui font avancer, quelques femmes qui disent “attention, il y a un piège…” » (publié dans la revue "Travail, genre et sociétés" 1999/2 n°2).
« Personne ne parle jamais du fait que, dans le métro, les émissions de particules fines sont cinq fois supérieures aux normes fixées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). C’est contradictoire : vous ne traitez pas certains sujets de fond tout en vous focalisant sur un totem, les ZFE. Il n’y a aucune raison de sauver le soldat ZFE ! Personne n’en veut plus dans notre société et il existe une majorité parlementaire pour les supprimer. Faisons-le ce soir et passons à autre chose ! » (Pierre Meurin, député RN, le 28 mai 2025 dans l'hémicycle).
Il faut dire les choses comme elles le sont : cet article de suppression, déjà adopté en commission, a été adopté en séance publique grâce à la collusion entre le groupe RN et le groupe insoumis... et bien que je m'oppose fermement à ces deux courants populistes (d'extrême droite et d'extrême gauche), j'ai applaudi des deux mains lorsque j'ai appris cette adoption.
Évoquons rapidement le scrutin puisqu'il a été public (scrutin n°2190). 155 députés ont voté, dont 98 ont voté pour, 51 ont voté contre et 6 se sont abstenus. Même si une grande majorité des députés était absente de cette séance, ce qui est tout à fait ordinaire (un député a trente-six choses à faire et se spécialise), ce résultat est significatif et remarquable. Ceux qui ont voté pour étaient surtout du RN et FI : 56 députés RN, 27 députés insoumis, 6 députés LR (dont Olivier Marleix), 3 députés Renaissance (dont Hervé Berville), 1 député Horizons, 1 député LIOT (Jean-Luc Warsmann) et 4 députés ciottistes ont voté pour la suppression des ZFE. Au contraire, 16 députés Renaissance, 17 députés PS, 14 députés écologistes, 2 députés MoDem (dont Marc Fesneau) et 2 députés Horizons ont voté contre. On pouvait imaginer une mobilisation un peu plus forte des écologistes et des socialistes pour sauver les ZFE. Cela n'a pas été le cas.
En ce qui me concerne, si j'avais été dans le cas de ces députés, j'aurais voté pour la suppression des ZFE car je suis résolument opposé à ce qu'on appelle communément des zone à forte exclusion.
Sur le principe, l'idée est évidemment pertinente. Il y a plusieurs milliers de personnes qui meurent chaque année de pollution atmosphérique. Réduire la pollution due aux véhicules thermiques (notamment fines particules) dans les zones d'habitation très dense, en d'autres termes, dans les agglomérations urbaines de plus de 150 000 habitants, paraît un bon objectif, sur le papier.
Le problème, c'est qu'on s'y est pris doublement comme un balai.
D'une part, il fallait définir ce qu'était un véhicule polluant ou pas, ou plutôt, une gradation de véhicule plus ou moins polluant : la logique scientifique aurait dû être de mesurer les particules et autres pollutions (à définir) qui s'échappaient réellement (j'insiste !) du véhicule et de mettre des seuils de pollution. Les contrôles techniques obligatoires le font déjà.
Mais on a préféré faire dans la facilité parfois injuste. On a créé des vignettes Crit'Air qui sont obligatoires dans certaines zones (à acheter pour quelques euros) et qui sont définies en fonction du type de véhicule (diesel, essence, électrique) et de son année d'immatriculation. Certains années correspondent aussi à des normes plus contraignantes sur le plan de la pollution du véhicule.
Néanmoins, il y a des absurdités monstrueuses : ainsi, on interdira à quelqu'un de rouler avec une vieille diesel qui ne roule que quelques milliers de kilomètres par an alors qu'on autorise au même endroit des SUV très polluants mais qui ont la joie d'être plus récents.
Donc, sur ce plan-là, la définition de la pollution, c'est déjà douteux.
D'autre part, les décisions proprement honteuses d'interdiction pure et simple de circulation de véhicules définis comme polluants dans des zones centrales rendent l'objectif complètement irréaliste, d'autant plus que les aménagements régionaux sont généralement en étoile vers la ville centre. Cela signifie une atteinte déraisonnable de la liberté de circulation.
La mise en œuvre a été d'autant plus folle que très rapide. Ainsi, on interdit chaque niveau supplémentaire en seulement un ou deux ans, avec pour objectif (comme les "bons élèves" ne seront jamais récompensés) l'interdiction de tout véhicule thermique en 2030 (c'est très proche, dans quatre ans et demi, je rappelle que le covid a commencé il y a cinq ans et demi).
La mise en place des ZFE est une mesure complètement anti-sociale. En outre,je suis convaincu que si le socle commun ne les supprimait pas, il perdrait assurément l'élection présidentielle de 2027.
Ainsi, au 1er janvier 2025, les villes de Paris, Lyon et Grenoble sont interdites pour les véhicules qui ne sont pas Crit'Air 1 ou 2. Le pire, c'est que ce n'est pas seulement la ville intra muros qui est interdite mais l'agglomération. Or, pour Paris, c'est une partie supérieure à celle englobée par l'A86, si bien que des banlieusards se retrouvent dans l'impossibilité d'effectuer des trajets banlieue vers banlieue qu'ils doivent pourtant faire en automobile faute d'une desserte en transportes en commun. Depuis le début de l'année, près de 2 millions de véhicules sont interdits de circulation en France, véhicules pourtant parfaitement autorisés à rouler selon le contrôle technique.
Ce n'est plus de l'écologie punitive, c'est pire que cela. C'est la répression des pauvres. Car il ne faut pas se tromper : ceux qui ont des voitures vieilles, ce sont des personnes qui n'ont pas la possibilité de remplacer leur automobile (qu'on vante tant dans les publicités à la télévision). Ce sont des personnes qui en ont énormément besoin, soit pour se rendre à leur lieu de travail, soit même pour vivre, dans des zones rurales où, pour la moindre course, il faut faire plusieurs dizaines de kilomètres.
La mise en place des ZFE a germé dans des cerveaux de technocrates à hauts revenus capables de remplacer fréquemment leur véhicule, qui, d'ailleurs, n'est pas nécessaire car ils ont des voitures de fonction, voire des chauffeurs, voire, plus simplement, habitent, travaillent et se divertissent dans des villes qui ont un maillage complet de transports en commun qui rend la possession d'un véhicule superflu sinon inutile.
Il faut être aveugle, sourd, autiste, et je ne pointe personne qui a vraiment l'une de ces pathologies, pour ne pas comprendre la colère que les ZFE a fait naître, du gilet jaune puissance dix !
Le Ministre chargé de l'Industrie et de l'Énergie Marc Ferracci, au cours du débat parlementaire, rappelait l'intérêt des ZFE : « Je terminerai en évoquant un sujet de fond, la question de l’impact des ZFE, qui a été soulevée par certains. Airparif a publié une étude sur le sujet : elle montre que l’interdiction de circulation des véhicules relevant de la norme Crit’Air 3 s’est traduite par une réduction du nombre de décès. Les auteurs de cette étude, qui n’a pas été commandée par le gouvernement, estiment que le nombre de décès prématurés dus à la pollution de l’air a baissé de 2,2%, quand le nombre de nouveaux cas d’asthme a baissé de 5,2%, pour rappel, chaque année, la pollution de l’air engendre 30 000 nouveaux cas d’asthme. Il a donc été démontré que l’impact des ZFE, mesuré de manière indépendante, est positif pour la santé publique. J’espère que ces éléments, qui sont importants, permettront de nourrir nos échanges. ».
Le problème, c'est qu'on aurait encore de meilleurs résultats en termes de santé publique si le gouvernement décidait d'interdire toute circulation automobile sur tout le territoire nationale. Cela aurait en plus comme grand avantage la réduction drastique du nombre de tués sur la route. Sauf que la responsabilité d'un État, c'est justement de faire la part équilibrée entre deux injonctions paradoxales : la protection de la santé des personnes, mais aussi leur liberté d'aller et venir sans discrimination sociale selon le niveau de revenus ou de patrimoine. Avec les ZFE, on n'a manifestement pas porté attention à ceux qui, avec des bas revenus, avaient absolument besoin de leur (vieilles) voitures. J'ajoute que la Ministre de la Transition écologique a perdu une occasion de se taire lorsqu'elle a affirmé que les pauvres ne possédaient pas de véhicule.
Le député RN Pierre Meurin a exprimé ainsi l'importance d'en finir avec les ZFE : « Liberté, Égalité, Fraternité : cette devise devrait nous rassembler en tant que républicains. Liberté. Les ZFE constituent une atteinte majeure à la liberté de circulation de personnes qui détiennent le permis de conduire, qui conduisent un véhicule ayant obtenu un résultat impeccable au contrôle technique et qui disposent d’une assurance en règle. Nous défendons la France qui s’arrête au feu rouge, qui va bosser et qui est bien élevée ! Égalité. Vous voudriez interdire aux Français des zones rurales l’accès aux métropoles, où une politique catastrophique d’aménagement du territoire a concentré tous les services en désertifiant la ruralité. Les ZFE bafouent le principe d’égalité territoriale, qui implique un accès égal aux services. Fraternité. Vous voulez exclure des grandes villes 13 millions de véhicules. Ce sont 13 millions de Français qui ne pourront pas se rendre dans une grande ville pour aller au boulot, pour se soigner, pour emmener leurs enfants à l’école, pour consommer dans les commerces de proximité ou pour accéder aux services publics. Rien ne va dans les ZFE, qui percutent chaque terme de notre devise républicaine. (…) Chers amis du bloc central, je connais vos doutes. Il faut arrêter de s’accrocher à ce totem. Il ne faut pas sauver le soldat ZFE ! ».
Quelques minutes auparavant, Pierre Meurin estimait que la gauche pourrait l'aider à supprimer les ZFE et même le bloc central dont beaucoup de députés sont dubitatifs voire opposés aux ZFE. Il disait notamment : « Je lance un appel à la mobilisation. C’est un sujet sur lequel je suis fortement impliqué. À Lyon, la gauche manifeste contre les ZFE. J’espère que son contingent sera suffisant sur ses bancs aujourd’hui pour repousser l’amendement du gouvernement qui vise à imposer une ZFE à Lyon, avec instauration de radars de lecture automatique des plaques d’immatriculation dès 2026 et interdiction des véhicules Crit’Air 2 en 2028. Je continue d’en appeler à la conscience de tous nos collègues du bloc central. J’ai échangé avec beaucoup d’entre vous et je connais votre scepticisme, vos interrogations et même, en privé, votre opposition aux ZFE. ».
Ainsi, la députée Danielle Brulebois (Renaissance) n'est pas loin de penser comme Pierre Meurin en s'interrogeant sur la volonté d'amélioration des ZFE par le gouvernement : « Il faut bien reconnaître que les ZFE ne fonctionnent pas. Elles sont source d’inégalité et suscitent beaucoup de mécontentement. Le gouvernement propose de modifier le dispositif, mais cette initiative appelle plusieurs questions. Dans l’exposé sommaire de l’amendement n°2599 rectifié, il est question de "prévoir des dispositifs concrets d’accompagnement pour les publics concernés". Quels sont-ils et comment seront-ils instaurés ? Comment met-on en œuvre un passe ZFE ? À qui s’adresse-t-il ? Aux ménages modestes, aux artisans, aux très petites entreprises ? Il est également question d’ "une période d’adaptation jusqu’au 31 décembre 2026, permettant aux territoires d’expérimenter, d’informer, de sensibiliser", mais 2026, c’est demain ! Comment les territoires prendront-ils d’ici là les mesures requises ? L’amendement ne contient rien de concret pour améliorer les ZFE. ».
Le député Ian Boucard (LR), président de la commission spéciale, a rejoint le concert des opposants aux ZFE : « S’il faut tant d’exceptions, c’est le signe que la règle ne marche pas. Si nous sommes tous d’accord pour exempter du dispositif les voitures de collection ou encore des véhicules dans telle ou telle situation, c’est que les ZFE ne fonctionnent pas. Si nous avons ce débat en 2025 alors que la création des zones à faibles émissions a été votée en 2019, c’est parce que le dispositif est un échec. Je ne comprends pas le raisonnement qui vous amène à proposer de supprimer les ZFE à Bordeaux, à Strasbourg ou encore à Toulouse, mais de les laisser en place à Lyon et à Paris. Danielle Brulebois l’a très bien dit, le dispositif part d’un bon sentiment, tout le monde est d’accord pour améliorer la qualité de l’air, et je comprends pourquoi la majorité de l’époque l’a voté. (…) Les ZFE ne fonctionnent pas et suscitent la colère de nos concitoyens car certains parmi les plus précaires ne pourront plus accéder aux plus grandes métropoles. C’est inacceptable ! Cela ne semble poser de problème à personne que des gens qui viennent faire le ménage dans les beaux bureaux parisiens ne puissent pas venir visiter la ville en voiture avec leurs gamins deux fois par an. Je trouve, moi, que cela pose un problème d’égalité. Les ZFE posent un problème de ségrégation sociale. Il y a plein d’autres moyens d’améliorer la qualité de l’air, de s’engager pour le développement durable et pour l’environnement : il n’est pas nécessaire de laisser les citoyens les plus précaires à la périphérie des grandes villes. En plus, le dispositif est dysfonctionnel. Certaines voitures classées Crit’Air 1 sont extrêmement polluantes et lourdes. Ceux qui ont de l’argent et achètent de gros SUV peuvent encore venir dans Paris, contrairement à ceux dont la voiture a le malheur d’avoir vingt ans d’âge car ils n’ont pas les moyens de la remplacer. Les ZFE ne fonctionnent pas ; supprimons-les ! Je suis ravi de voir le gouvernement proposer des aménagements, mais le dispositif existe depuis 2019 ! Si nous n’en avions pas proposé la suppression en commission spéciale, il n’y aurait eu aucune modification. Personne n’a rien proposé depuis six ans ! ».
Le député RN Christophe Bentz s'est aussi mobilisé pour supprimer les ZFE : « Je m’oppose fermement aux ZFE au nom de la santé des Français. En effet, avec les ZFE, des milliers de Français des zones périurbaines et des zones rurales seront exclus de l’accès aux grandes agglomérations. Depuis des décennies, les Français ruraux voient leurs services publics de proximité délocalisés dans les centres urbains. Les empêcher d’accéder aux services vitaux que les gouvernements successifs ont supprimés, voilà l’injustice sociale et territoriale ! La désertification médicale des zones rurales rend l’accès aux soins toujours plus difficile : l’offre de soins recule et l’accessibilité est de plus en plus réduite. Ces deux problèmes concrets participent au renoncement aux soins de nos compatriotes qui souffrent. En Haute-Marne, dans mon département, les Sud-Marnais dépendent désormais grandement de tous les services de santé de la ZFE de Dijon. Les empêchera-t-on d’accéder à leurs rendez-vous médicaux ? Leur demandera-t-on une dérogation pour aller se soigner parce qu’ils n’ont pas les moyens d’avoir le bon véhicule ? Aggravera-t-on encore leurs difficultés d’accès aux soins ? Nous avons adopté hier une proposition de loi pour développer les soins palliatifs partout et pour tous et nous empêcherions des milliers de Français d’y accéder ? Quel scandale ! Quelle injustice ! Votons pour l’article 15 ter et supprimons les ZFE ! ».
Juste avant le vote sur l'article 15 ter, à savoir sur la suppression des ZFE, Pierre Meurin continuait à faire campagne : « J’insiste : ce dispositif ne marche pas, ne nous accrochons pas à un totem ! La société civile s’est mobilisée à travers de nombreuses associations. Ce soir, nous ferons un geste d’apaisement en votant la suppression des ZFE. ». Il a donc gagné. Du reste, il y a eu beaucoup d'amendements techniques de cohérence pour retirer la motion des ZFE dans les autres textes législatifs.
La victoire des députés partisans de la suppression des ZFE est-elle durable ? C'est la question. Le Sénat entérinera certainement cette suppression. Est-ce que le gouvernement l'acceptera en seconde lecture ? Il en aurait en tout cas la possibilité pour montrer sa responsabilité. Il faut parfois renoncer lorsque les moyens vont à l'encontre de l'intérêt général. Mais avec une telle configuration à l'Assemblée, il faut encore s'attendre à toutes les surprises sur ce sujet très sensible.
« Personne ne parle jamais du fait que, dans le métro, les émissions de particules fines sont cinq fois supérieures aux normes fixées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). C’est contradictoire : vous ne traitez pas certains sujets de fond tout en vous focalisant sur un totem, les ZFE. Il n’y a aucune raison de sauver le soldat ZFE ! Personne n’en veut plus dans notre société et il existe une majorité parlementaire pour les supprimer. Faisons-le ce soir et passons à autre chose ! » (Pierre Meurin, député RN, le 28 mai 2025 dans l'hémicycle).
Il faut dire les choses comme elles le sont : cet article de suppression, déjà adopté en commission, a été adopté en séance publique grâce à la collusion entre le groupe RN et le groupe insoumis... et bien que je m'oppose fermement à ces deux courants populistes (d'extrême droite et d'extrême gauche), j'ai applaudi des deux mains lorsque j'ai appris cette adoption.
Évoquons rapidement le scrutin puisqu'il a été public (scrutin n°2190). 155 députés ont voté, dont 98 ont voté pour, 51 ont voté contre et 6 se sont abstenus. Même si une grande majorité des députés était absente de cette séance, ce qui est tout à fait ordinaire (un député a trente-six choses à faire et se spécialise), ce résultat est significatif et remarquable. Ceux qui ont voté pour étaient surtout du RN et FI : 56 députés RN, 27 députés insoumis, 6 députés LR (dont Olivier Marleix), 3 députés Renaissance (dont Hervé Berville), 1 député Horizons, 1 député LIOT (Jean-Luc Warsmann) et 4 députés ciottistes ont voté pour la suppression des ZFE. Au contraire, 16 députés Renaissance, 17 députés PS, 14 députés écologistes, 2 députés MoDem (dont Marc Fesneau) et 2 députés Horizons ont voté contre. On pouvait imaginer une mobilisation un peu plus forte des écologistes et des socialistes pour sauver les ZFE. Cela n'a pas été le cas.
En ce qui me concerne, si j'avais été dans le cas de ces députés, j'aurais voté pour la suppression des ZFE car je suis résolument opposé à ce qu'on appelle communément des zone à forte exclusion.
Sur le principe, l'idée est évidemment pertinente. Il y a plusieurs milliers de personnes qui meurent chaque année de pollution atmosphérique. Réduire la pollution due aux véhicules thermiques (notamment fines particules) dans les zones d'habitation très dense, en d'autres termes, dans les agglomérations urbaines de plus de 150 000 habitants, paraît un bon objectif, sur le papier.
Le problème, c'est qu'on s'y est pris doublement comme un balai.
D'une part, il fallait définir ce qu'était un véhicule polluant ou pas, ou plutôt, une gradation de véhicule plus ou moins polluant : la logique scientifique aurait dû être de mesurer les particules et autres pollutions (à définir) qui s'échappaient réellement (j'insiste !) du véhicule et de mettre des seuils de pollution. Les contrôles techniques obligatoires le font déjà.
Mais on a préféré faire dans la facilité parfois injuste. On a créé des vignettes Crit'Air qui sont obligatoires dans certaines zones (à acheter pour quelques euros) et qui sont définies en fonction du type de véhicule (diesel, essence, électrique) et de son année d'immatriculation. Certains années correspondent aussi à des normes plus contraignantes sur le plan de la pollution du véhicule.
Néanmoins, il y a des absurdités monstrueuses : ainsi, on interdira à quelqu'un de rouler avec une vieille diesel qui ne roule que quelques milliers de kilomètres par an alors qu'on autorise au même endroit des SUV très polluants mais qui ont la joie d'être plus récents.
Donc, sur ce plan-là, la définition de la pollution, c'est déjà douteux.
D'autre part, les décisions proprement honteuses d'interdiction pure et simple de circulation de véhicules définis comme polluants dans des zones centrales rendent l'objectif complètement irréaliste, d'autant plus que les aménagements régionaux sont généralement en étoile vers la ville centre. Cela signifie une atteinte déraisonnable de la liberté de circulation.
La mise en œuvre a été d'autant plus folle que très rapide. Ainsi, on interdit chaque niveau supplémentaire en seulement un ou deux ans, avec pour objectif (comme les "bons élèves" ne seront jamais récompensés) l'interdiction de tout véhicule thermique en 2030 (c'est très proche, dans quatre ans et demi, je rappelle que le covid a commencé il y a cinq ans et demi).
La mise en place des ZFE est une mesure complètement anti-sociale. En outre,je suis convaincu que si le socle commun ne les supprimait pas, il perdrait assurément l'élection présidentielle de 2027.
Ainsi, au 1er janvier 2025, les villes de Paris, Lyon et Grenoble sont interdites pour les véhicules qui ne sont pas Crit'Air 1 ou 2. Le pire, c'est que ce n'est pas seulement la ville intra muros qui est interdite mais l'agglomération. Or, pour Paris, c'est une partie supérieure à celle englobée par l'A86, si bien que des banlieusards se retrouvent dans l'impossibilité d'effectuer des trajets banlieue vers banlieue qu'ils doivent pourtant faire en automobile faute d'une desserte en transportes en commun. Depuis le début de l'année, près de 2 millions de véhicules sont interdits de circulation en France, véhicules pourtant parfaitement autorisés à rouler selon le contrôle technique.
Ce n'est plus de l'écologie punitive, c'est pire que cela. C'est la répression des pauvres. Car il ne faut pas se tromper : ceux qui ont des voitures vieilles, ce sont des personnes qui n'ont pas la possibilité de remplacer leur automobile (qu'on vante tant dans les publicités à la télévision). Ce sont des personnes qui en ont énormément besoin, soit pour se rendre à leur lieu de travail, soit même pour vivre, dans des zones rurales où, pour la moindre course, il faut faire plusieurs dizaines de kilomètres.
La mise en place des ZFE a germé dans des cerveaux de technocrates à hauts revenus capables de remplacer fréquemment leur véhicule, qui, d'ailleurs, n'est pas nécessaire car ils ont des voitures de fonction, voire des chauffeurs, voire, plus simplement, habitent, travaillent et se divertissent dans des villes qui ont un maillage complet de transports en commun qui rend la possession d'un véhicule superflu sinon inutile.
Il faut être aveugle, sourd, autiste, et je ne pointe personne qui a vraiment l'une de ces pathologies, pour ne pas comprendre la colère que les ZFE a fait naître, du gilet jaune puissance dix !
Le Ministre chargé de l'Industrie et de l'Énergie Marc Ferracci, au cours du débat parlementaire, rappelait l'intérêt des ZFE : « Je terminerai en évoquant un sujet de fond, la question de l’impact des ZFE, qui a été soulevée par certains. Airparif a publié une étude sur le sujet : elle montre que l’interdiction de circulation des véhicules relevant de la norme Crit’Air 3 s’est traduite par une réduction du nombre de décès. Les auteurs de cette étude, qui n’a pas été commandée par le gouvernement, estiment que le nombre de décès prématurés dus à la pollution de l’air a baissé de 2,2%, quand le nombre de nouveaux cas d’asthme a baissé de 5,2%, pour rappel, chaque année, la pollution de l’air engendre 30 000 nouveaux cas d’asthme. Il a donc été démontré que l’impact des ZFE, mesuré de manière indépendante, est positif pour la santé publique. J’espère que ces éléments, qui sont importants, permettront de nourrir nos échanges. ».
Le problème, c'est qu'on aurait encore de meilleurs résultats en termes de santé publique si le gouvernement décidait d'interdire toute circulation automobile sur tout le territoire nationale. Cela aurait en plus comme grand avantage la réduction drastique du nombre de tués sur la route. Sauf que la responsabilité d'un État, c'est justement de faire la part équilibrée entre deux injonctions paradoxales : la protection de la santé des personnes, mais aussi leur liberté d'aller et venir sans discrimination sociale selon le niveau de revenus ou de patrimoine. Avec les ZFE, on n'a manifestement pas porté attention à ceux qui, avec des bas revenus, avaient absolument besoin de leur (vieilles) voitures. J'ajoute que la Ministre de la Transition écologique a perdu une occasion de se taire lorsqu'elle a affirmé que les pauvres ne possédaient pas de véhicule.
Le député RN Pierre Meurin a exprimé ainsi l'importance d'en finir avec les ZFE : « Liberté, Égalité, Fraternité : cette devise devrait nous rassembler en tant que républicains. Liberté. Les ZFE constituent une atteinte majeure à la liberté de circulation de personnes qui détiennent le permis de conduire, qui conduisent un véhicule ayant obtenu un résultat impeccable au contrôle technique et qui disposent d’une assurance en règle. Nous défendons la France qui s’arrête au feu rouge, qui va bosser et qui est bien élevée ! Égalité. Vous voudriez interdire aux Français des zones rurales l’accès aux métropoles, où une politique catastrophique d’aménagement du territoire a concentré tous les services en désertifiant la ruralité. Les ZFE bafouent le principe d’égalité territoriale, qui implique un accès égal aux services. Fraternité. Vous voulez exclure des grandes villes 13 millions de véhicules. Ce sont 13 millions de Français qui ne pourront pas se rendre dans une grande ville pour aller au boulot, pour se soigner, pour emmener leurs enfants à l’école, pour consommer dans les commerces de proximité ou pour accéder aux services publics. Rien ne va dans les ZFE, qui percutent chaque terme de notre devise républicaine. (…) Chers amis du bloc central, je connais vos doutes. Il faut arrêter de s’accrocher à ce totem. Il ne faut pas sauver le soldat ZFE ! ».
Quelques minutes auparavant, Pierre Meurin estimait que la gauche pourrait l'aider à supprimer les ZFE et même le bloc central dont beaucoup de députés sont dubitatifs voire opposés aux ZFE. Il disait notamment : « Je lance un appel à la mobilisation. C’est un sujet sur lequel je suis fortement impliqué. À Lyon, la gauche manifeste contre les ZFE. J’espère que son contingent sera suffisant sur ses bancs aujourd’hui pour repousser l’amendement du gouvernement qui vise à imposer une ZFE à Lyon, avec instauration de radars de lecture automatique des plaques d’immatriculation dès 2026 et interdiction des véhicules Crit’Air 2 en 2028. Je continue d’en appeler à la conscience de tous nos collègues du bloc central. J’ai échangé avec beaucoup d’entre vous et je connais votre scepticisme, vos interrogations et même, en privé, votre opposition aux ZFE. ».
Ainsi, la députée Danielle Brulebois (Renaissance) n'est pas loin de penser comme Pierre Meurin en s'interrogeant sur la volonté d'amélioration des ZFE par le gouvernement : « Il faut bien reconnaître que les ZFE ne fonctionnent pas. Elles sont source d’inégalité et suscitent beaucoup de mécontentement. Le gouvernement propose de modifier le dispositif, mais cette initiative appelle plusieurs questions. Dans l’exposé sommaire de l’amendement n°2599 rectifié, il est question de "prévoir des dispositifs concrets d’accompagnement pour les publics concernés". Quels sont-ils et comment seront-ils instaurés ? Comment met-on en œuvre un passe ZFE ? À qui s’adresse-t-il ? Aux ménages modestes, aux artisans, aux très petites entreprises ? Il est également question d’ "une période d’adaptation jusqu’au 31 décembre 2026, permettant aux territoires d’expérimenter, d’informer, de sensibiliser", mais 2026, c’est demain ! Comment les territoires prendront-ils d’ici là les mesures requises ? L’amendement ne contient rien de concret pour améliorer les ZFE. ».
Le député Ian Boucard (LR), président de la commission spéciale, a rejoint le concert des opposants aux ZFE : « S’il faut tant d’exceptions, c’est le signe que la règle ne marche pas. Si nous sommes tous d’accord pour exempter du dispositif les voitures de collection ou encore des véhicules dans telle ou telle situation, c’est que les ZFE ne fonctionnent pas. Si nous avons ce débat en 2025 alors que la création des zones à faibles émissions a été votée en 2019, c’est parce que le dispositif est un échec. Je ne comprends pas le raisonnement qui vous amène à proposer de supprimer les ZFE à Bordeaux, à Strasbourg ou encore à Toulouse, mais de les laisser en place à Lyon et à Paris. Danielle Brulebois l’a très bien dit, le dispositif part d’un bon sentiment, tout le monde est d’accord pour améliorer la qualité de l’air, et je comprends pourquoi la majorité de l’époque l’a voté. (…) Les ZFE ne fonctionnent pas et suscitent la colère de nos concitoyens car certains parmi les plus précaires ne pourront plus accéder aux plus grandes métropoles. C’est inacceptable ! Cela ne semble poser de problème à personne que des gens qui viennent faire le ménage dans les beaux bureaux parisiens ne puissent pas venir visiter la ville en voiture avec leurs gamins deux fois par an. Je trouve, moi, que cela pose un problème d’égalité. Les ZFE posent un problème de ségrégation sociale. Il y a plein d’autres moyens d’améliorer la qualité de l’air, de s’engager pour le développement durable et pour l’environnement : il n’est pas nécessaire de laisser les citoyens les plus précaires à la périphérie des grandes villes. En plus, le dispositif est dysfonctionnel. Certaines voitures classées Crit’Air 1 sont extrêmement polluantes et lourdes. Ceux qui ont de l’argent et achètent de gros SUV peuvent encore venir dans Paris, contrairement à ceux dont la voiture a le malheur d’avoir vingt ans d’âge car ils n’ont pas les moyens de la remplacer. Les ZFE ne fonctionnent pas ; supprimons-les ! Je suis ravi de voir le gouvernement proposer des aménagements, mais le dispositif existe depuis 2019 ! Si nous n’en avions pas proposé la suppression en commission spéciale, il n’y aurait eu aucune modification. Personne n’a rien proposé depuis six ans ! ».
Le député RN Christophe Bentz s'est aussi mobilisé pour supprimer les ZFE : « Je m’oppose fermement aux ZFE au nom de la santé des Français. En effet, avec les ZFE, des milliers de Français des zones périurbaines et des zones rurales seront exclus de l’accès aux grandes agglomérations. Depuis des décennies, les Français ruraux voient leurs services publics de proximité délocalisés dans les centres urbains. Les empêcher d’accéder aux services vitaux que les gouvernements successifs ont supprimés, voilà l’injustice sociale et territoriale ! La désertification médicale des zones rurales rend l’accès aux soins toujours plus difficile : l’offre de soins recule et l’accessibilité est de plus en plus réduite. Ces deux problèmes concrets participent au renoncement aux soins de nos compatriotes qui souffrent. En Haute-Marne, dans mon département, les Sud-Marnais dépendent désormais grandement de tous les services de santé de la ZFE de Dijon. Les empêchera-t-on d’accéder à leurs rendez-vous médicaux ? Leur demandera-t-on une dérogation pour aller se soigner parce qu’ils n’ont pas les moyens d’avoir le bon véhicule ? Aggravera-t-on encore leurs difficultés d’accès aux soins ? Nous avons adopté hier une proposition de loi pour développer les soins palliatifs partout et pour tous et nous empêcherions des milliers de Français d’y accéder ? Quel scandale ! Quelle injustice ! Votons pour l’article 15 ter et supprimons les ZFE ! ».
Juste avant le vote sur l'article 15 ter, à savoir sur la suppression des ZFE, Pierre Meurin continuait à faire campagne : « J’insiste : ce dispositif ne marche pas, ne nous accrochons pas à un totem ! La société civile s’est mobilisée à travers de nombreuses associations. Ce soir, nous ferons un geste d’apaisement en votant la suppression des ZFE. ». Il a donc gagné. Du reste, il y a eu beaucoup d'amendements techniques de cohérence pour retirer la motion des ZFE dans les autres textes législatifs.
La victoire des députés partisans de la suppression des ZFE est-elle durable ? C'est la question. Le Sénat entérinera certainement cette suppression. Est-ce que le gouvernement l'acceptera en seconde lecture ? Il en aurait en tout cas la possibilité pour montrer sa responsabilité. Il faut parfois renoncer lorsque les moyens vont à l'encontre de l'intérêt général. Mais avec une telle configuration à l'Assemblée, il faut encore s'attendre à toutes les surprises sur ce sujet très sensible.
« Je suis antinucléaire, une position défendue par les Verts depuis longtemps avec de nombreux arguments, mais je suis responsable. (…) Ouvrir les choix de l'avenir pour que la France ne dépende pas du tout-nucléaire, défendre la transparence et assurer la sûreté. » (Dominique Voynet, le 12 mai 1998, audition à l'Assemblée).
Et voici qu'on reparle de Dominique Voynet. Elle est une revenante de la vie politique française, mais déjà depuis l'été dernier, lorsqu'elle a été élue députée du Doubs le 7 juillet 2024 sous l'étiquette de la nouvelle farce populaire (NFP), battant le candidat RN grâce au désistement du candidat macroniste qui avait eu 26,8% au premier tour (la circonscription était macroniste depuis 2017).
Les moins de 35 ans ne doivent pas savoir qui est cette dame d'un certain âge (66 ans), tandis que les autres, plus anciens, l'ont aperçue à la télévision, jeune femme moderne, leader de l'écologisme politique, première femme candidate écologiste à l'élection présidentielle (et première écologiste deux fois candidate, en 1995 et en 2007), première ministre issue du parti écologiste en France... Bref, plein d'espoir pour des militants écologistes mais aussi pour celle qui a ultrapolitisé les écologistes à gauche, alors que son prédécesseur à la tête des Verts, Antoine Waechter, refusait toute alliance à droite et à gauche.
Rappelons la trajectoire de Dominique Voynet qui a esquissé, finalement, une carrière politique classique d'un élu local et national : conseillère municipale de Dole de 1989 à 2004, députée européenne en 1991, conseillère régionale de France-Comté de 1992 à 1994, députée du Jura en juin 1997, conseillère générale du Jura de 1998 à 2004, puis, parachutée dans le 93, sénatrice de Seine-Saint-Denis de septembre 2004 à septembre 2011, maire de Montreuil de mars 2008 à mars 2014 (comme tout grand élu, elle a donc cumulé ses mandats de maire et de sénatrice pendant trois ans et demi), puis, elle s'était retirée de la vie politique, n'y trouvant plus son compte.
Elle a conquis la mairie de Montreuil (à l'époque, ville de 100 000 habitants) sans étiquette politique contre le maire sortant PCF Jean-Pierre Brard qui bénéficiait du soutien du PS. Elle est entrée dans le cercle très fermé des femmes maire qui ont administré une ville de plus de 100 000 habitants, à l'instar de Martine Aubry (Lille), Anne Hidalgo (Paris), Catherine Trautmann (Strasbourg), Hélène Mandroux (Montpellier), Maryse Joissains-Masini (Aix-en-Provence), Huguette Bello (Saint-Paul de La Réunion), Adeline Hazan (Reims) et Valérie Fourneyron (Rouen), Jeanne Barseghian (Strasbourg), Michèle Rubirola (Marseille), Johanna Rolland (Nantes), etc.
Dans une interview accordée à "Libération" le 25 novembre 2013, elle constatait amèrement sa lassitude qui l'a amenée à renoncer à briguer un second mandat à Montreuil : « Je ne me retrouve plus dans cette vie politique, dans une vie politique dans laquelle les élus qui refusent des mandats sont traités par les citoyens avec autant de suspicion et de distance que ceux qui cumulent ; dans laquelle il n’y a pas de valeur ajoutée pour les élus qui refusent la corruption, le clientélisme, le communautarisme et le câlinage des intérêts particuliers dans le sens du poil. ». Elle évoquait aussi le sexisme de la vie politique, estimant qu'elle a reçu, à l'instar de Martine Aubry, des insultes qu'elle n'aurait pas eues si elle avait été un homme, comme celle-ci : « "méremptoire" méchante qui n'aime pas les gens ». Cette expression n'est pourtant pas venue toute seule et faisait référence à sa « froideur envers les Montreuillois » qu'elle rebaptisait rigueur.
Mais Dominique Voynet n'était pas qu'une élue classique. Elle a d'abord pris la direction des Verts à Antoine Waechter après son échec à l'élection présidentielle et elle a donc été la chef des écologistes de 1991 à 2003 (officiellement porte-parole nationale puis secrétaire nationale à partir de 2001). C'est pour cette raison qu'elle s'est présentée à l'élection présidentielle de 1995 à l'âge de 36 ans (elle n'a obtenu que 3,3%), puis en 2007 (1,6%), après une sélection par primaire (son adversaire malheureux de 2007 était Yves Cochet, écologiste "historique", qui lui a succédé à son ministère entre 2001 et 2002).
Là où elle a eu beaucoup d'influence, ce fut effectivement sous le gouvernement de Lionel Jospin. Dominique Voynet a été nommée Ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement du 4 juin 1997 au 9 juillet 2001. J'y reviendrai plus loin. Ses responsabilités ministérielles lui ont coûté son mandat à la direction des Verts en janvier 2003, même si elle a quitté le gouvernement pour remplir sa mission de secrétaire nationale des Verts (et préparer en vain sa réélection aux législatives de juin 2002).
Après son retrait de la vie politique en mars 2014, Dominique Voynet a été bombardée inspectrice générale des affaires sociales le 16 avril 2014. Il est vrai que son métier était d'être médecin anesthésiste, qu'elle a pratiqué de 1985 à 1989 à l'hôpital de Dole. Mais cela ne justifiait peut-être pas ce poste qui est comme celui d'inspecteur des finances pour les finances. Une sorte de placard doré pour anciens élus (c'est là qu'on pourrait faire beaucoup d'économies). Elle a alors eu quelques vagues missions d'étude comme en 2018 la coopération sanitaire dans un contexte de forte pression migratoire en Guyane et à Mayotte. Puis, elle a été nommée le 27 novembre 2019 en conseil des ministres au poste de directrice de l'Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte et a pris ses fonctions le 1er janvier 2020. Elle n'imaginait pas qu'elle serait alors en première ligne pour gérer la crise du covid-19 dans un territoire particulièrement défavorisé. Elle est partie de l'ARS de Mayotte en septembre 2021 pour bénéficier de ses droits à la retraite.
Retraite administrative, car Dominique Voynet a repris des responsabilités politiques à partir de 2022, en devenant la responsable des écologistes de Franche-Comté. Elle s'est présentée aux élections législatives de 2024 et a été élue grâce au retrait du candidat macroniste. Une véritable revenante dans une Assemblée qu'elle n'avait plus fréquentée depuis vingt-trois ans. Entre les deux tours des dernières législatives, l'ancienne candidate à la présidentielle s'était ainsi décrite : « Je crois que beaucoup sont ceux qui reconnaissent que je suis une personne d'expérience qui sait écouter, qui ne vociférera pas, qui fera en sorte de construire des majorités d'idées et de projets. ».
Pourquoi parle-t-on seulement maintenant de Dominique Voynet ? Parce qu'a été publié, ce mercredi 19 mars 2025 au Journal officiel, l'arrêté du 11 mars 2025 portant nomination de membres du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire. On y lit entre autres que Dominique Voynet y a été nommée en tant que représentante des députés (deux députés siègent dans cette instance). Donc, il faut bien le souligner, même si cela émane d'un arrêté de Bercy, ce n'est pas le gouvernement qui a nommé Dominique Voynet au HCTISN, mais les groupes parlementaires dans un accord global à l'amiable.
À cette annonce, beaucoup se sont inquiétés et d'autres ont ironisé sur l'ancienne ministre qui a cassé le bel outil que la France avait avec l'industrie nucléaire. En particulier, elle a prôné l'arrêt définitif du surgénérateur Superphénix à Creys-Malville, faisant perdre à la France son avantage concurrentiel dans le monde sur cette technologie. L'histoire de Superphénix à partir de 1992 est un vrai scandale politico-industriel, où l'on a sacrifié notre filière nucléaire pour des intérêts électoralistes mal compris (à l'efficacité douteuse).
Devant la commission d'enquête présidée par l'ancien ministre Robert Galley, dont le but était de revenir sur la décision d'arrêter Superphénix, la ministre Dominique Voynet était clairement une militante antinucléaire irresponsable (au contraire de ce qu'elle soutenait), en parlant de « folie des grandeurs » d'une « classe politique qui baignait dans l'euphorie nucléaire », et en niant les besoins en électricité de la France (d'où le grand retard pour les centrales nucléaires). Cette position très antinucléaire, Dominique Voynet l'a toujours conservée et l'a encore revendiquée très récemment.
D'où cette interrogation et cette inquiétude sur la composition du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). La riposte est venue des députés Raphaël Schellenberger (LR) et Antoine Armand (REN), l'ancien Ministre de l'Économie et des Finances de Michel Barnier, qui étaient respectivement le président et le rapporteur de la commission d'enquête sur la souveraineté énergétique dans la précédente législature (la commission « visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France »). Ils ont adressé à la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet un courrier faisant état de leur incompréhension d'avoir désigné une militante anti-nucléaire à ce comité qui aurait besoin de sérénité. Pour eux, cette nomination serait en effet « incompréhensible et préoccupante, alors que ces institutions doivent garder leur indépendance et une grande sérénité dans leur fonctionnement ».
Les deux députés ont insisté sur la teneur des propos de Dominique Voynet lors de son audition devant leur commission d'enquête le 7 février 2023, car elle « a confirmé son positionnement idéologique et dogmatique face à la représentation nationale ». Complétant sur Twitter : « Honnêtement, c'est intolérable. Rien qu'en décembre dernier [2024], elle disait vouloir saborder le nucléaire français ! ». Ainsi ont-ils insisté sur le besoin d'impartialité de cette instance : « Nous ne devons pas renouer avec des décennies d’approches militantes et irrationnelles, qui n’ont eu pour seul effet que d’affaiblir notre filière nucléaire et de freiner une transition écologique pragmatique et ambitieuse. C’est pourquoi nous vous demandons solennellement de reconsidérer cette nomination, afin de garantir que le HCTISN puisse remplir pleinement sa mission, en s’appuyant sur des faits scientifiques et l’expertise de membres impartiaux et compétents. ».
Dans sa réponse aux deux députés, apportée le 20 mars 2025, Yaël Braun-Pivet considérait qu'il n'y avait pas matière à polémiquer : « Je tiens à vous rappeler que la répartition des sièges au sein des différents organismes extraparlementaires a fait l'objet d'une longue négociation parmi les groupes, au terme de laquelle un accord a pu être trouvé. (…) [Il] ne lui appartient pas de remettre en cause des accords conclus (…) [et je] déplore les mots employés sur les réseaux sociaux. ».
Il est vrai que les internautes ont été assez durs contre Dominique Voynet, du moins, ceux qui avaient la mémoire de ses décisions en tant que ministre. Mais pas que sur Internet. Les éditorialistes n'ont pas été tendres. Ainsi, la journaliste Isabelle Saporta, ancienne présidente-directrice générale des éditions Fayard, a comparé la nomination de Dominique Voynet le 20 mars 2025 sur RTL ainsi : « Presque aussi baroque que de nommer une végan au contrôle qualité d'une charcuterie ! ».
Un internaute a tweeté le même genre de comparaison le 20 mars 2025 : « Nommer Dominique Voynet au HCTISN, c'est comme donner des pains de plastic à un djihadiste avec les clefs de l'église aux heures de messe. ». Un autre le 19 mars 2025 : « Comment peut-on nommer une personne aussi incompétente que Voynet qui expliquait en commission que ITER allait consommer un quart des ressources planétaires en métaux rares ! sic !... et parlait même du métal nobrium qui est un anxiolytique... dans une centrale. ».
Ce qui est étrange, c'est que la polémique s'est amorcée le 19 mars 2025 alors que c'était connu dès le 7 novembre 2024, jour de la parution, dans le Journal officiel, de l'accord entre les différents groupes parlementaires sur les nominations de représentants de l'Assemblée dans divers organismes extraparlementaires. Ces désignations datent du 6 novembre 2024. En particulier, deux députés sont présents au sein du HCTISN, un de la majorité et un de l'opposition, en l'occurrence Pierre Cazeneuve (REN) et Dominique Voynet (EELV).
Cyrielle Chatelain, la présidente du groupe EELV à l'Assemblée, a apporté son soutien à l'ancienne candidate à l'élection présidentielle le 20 mars 2025 sur LCP : « On ne leur demande pas d'être d'accord avec elle. ».
Dominique Voynet aussi a réagi dans "Le Monde" le 20 mars 2025, confirmant son militantisme antinucléaire : « J’imagine que cette nomination n’est pas jugée absolument excitante ou rassurante par une partie du lobby nucléaire, mais la première réunion [du 12 décembre 2024] s’est bien passée. L'idée n’est pas d’y aller comme en manif' avec des drapeaux, mais d’essayer d’en savoir plus, dans un monde qui est quand même encore relativement opaque. ».
Et sur France Inter, elle a déclaré : « J'interprète cette démarche comme une forme d'intimidation à mon égard. C'est comme si on avait uniquement le droit de défendre des positions quand elles sont favorables à l'espèce de consensus pro-nucléaire ambiant. (…) J'ai une culture scientifique, je siège à l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, je crois que je n'y raconte pas de sottise, et donc je demande tout simplement le respect. ».
Mais le respect, ça se mérite aussi. Car ce qui est navrant, c'est surtout qu'une ancienne ministre, qui a pris des décisions importantes et graves contre l'industrie nucléaire, a montré sa totale incompétence dans ce domaine lors de son audition le 7 février 2023, en mélangeant le nom d'un métal avec le nom d'un anxiolytique, en ne sachant pas le principe du projet ITER, et, par voie de conséquence, en disant n'importe quoi sur ces sujets que seule l'idéologie dogmatique a guidé depuis qu'elle a commencé son engagement politique.
Pourrait-on se rassurer ? Oui ! On pourrait conclure sur le fait que ce Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire ne détermine pas la politique énergétique de la France. En quelque sorte, ce comité Théodule sert-il vraiment à quelque chose ? Ne serait-il pas pertinent qu'une commission d'enquête parlementaire se préoccupe de son efficacité ? Car la polémique Voynet sur le nucléaire est un tantinet anachronique : aujourd'hui, l'énergie nucléaire est considérée comme la meilleure énergie décarbonée et même l'Allemagne commence à s'en rendre compte.
La polémique Voynet pourrait même être utile pour un autre enjeu. La décision du 6 novembre 2024 sur les désignations parlementaires dans les organismes extraparlementaires est intéressante en ce sens qu'elle donne une liste d'organismes très nombreux où siège au moins un député.
On y trouve ainsi, entre autres, le "Conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances", la "Commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut civil de droit local et les membres de leurs familles", le "Comité de pilotage de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires", "l'Instance nationale du supportérisme", le "Conseil supérieur des gens de mer", etc. Et ma double question est simple. Combien coûtent ces organismes ? Quelles sont leurs utilités ?
Précisons que pour le Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, créé en 1973 sous un autre nom et transformé en 2006, son budget pour 2020 était de 20 000 euros (en forte baisse ; en 2018, il était de 150 000 euros) et qu'il est présidé depuis le 3 décembre 2018 par Christine Noiville, docteure en droit, directrice de recherches au CNRS, présidente du comité d'éthique du CNRS, directrice de l'Institut des sciences juridique et philosophique de la Sorbonne et ancienne présidente du Haut Conseil des biotechnologies. Christine Noiville a publié un communiqué le 21 mars 2025 pour répondre à la polémique : « Christine Noiville appelle à ne pas se méprendre sur la mission du Haut Comité. Son rôle concerne la transparence nucléaire. Il est d’assurer que les Français disposent bien de l’information sur les questions de sûreté et de sécurité dans ce domaine. Il n’a aucunement pour mission d’établir la politique énergétique de la France et ne vise donc ni à promouvoir l’énergie nucléaire, ni à en limiter le développement. ».
« Il faut rappeler quand même que Paris c'est 2 millions d'habitants et qu'il y a tous les jours un million de salariés qui rentrent dans la ville et 2 ou 3 millions d'autres personnes. Le périphérique, il est entre tout ça. Donc, essayer, pourquoi pas, mais la vraie question c'est : est-ce qu'on a envie de covoiturer sur des trajets du quotidien ? Quand c'est tous les jours, c'est autre chose, parce qu’on rentre dans l'intimité d'un quotidien et est-ce qu'on a envie de se voir tous les jours avec un voisin de palier ? Ce n'est pas sûr du tout. » (Jean Viard, sociologue, le 2 mars 2025 sur France Info).
Ah non, l'image n'est pas contractuelle ! Elle est issue d'une publicité pour Blablacar, l'application française de covoiturage bien connue. En fait de bande de copains joyeux roulant au milieu d'une végétation luxuriante, il faut plutôt voir un automobiliste francilien seul, honteusement seul, au volant de son véhicule, roulant dans une zone ultrabétonnée, le matin, exaspéré sinon furieux de voir la durée des bouchons sur le périphérique augmenter. On appelle cela l'autosolisme, le fait de conduire seul, ce qui correspond à environ 80% des usagers de la route (1,24 personne par véhicule en moyenne, et même 1,10 sur les trajets domicile-travail).
La raison ? À partir de ce lundi 3 mars 2025, en concertation avec la préfecture de police de Paris et la préfecture de la région Île-de-France, la ville de Paris a mis en place sur le périphérique parisien une voie de covoiturage, la voie de gauche. Elle existe aussi sur le début de l'autoroute A1, au nord, et sur le début de l'autoroute A13, à l'ouest. Sur le périphérique parisien, seul le tronçon sud, entre la Porte de Bercy et le Quai d'Issy, est épargné par la mesure, et sera inclus dans le dispositif dans un temps ultérieur.
Comme toujours, cela commence par de l'expérimentation, mais on sait très bien ce que cela signifie. Espérons que l'évaluation sera correctement faite avant que le dispositif soit définitif. Ainsi, sur ces tronçons où la circulation automobile est particulièrement dense, quand le losange blanc est allumé, cette signalétique signifiant que la voie de gauche est réservée au covoiturage, il sera interdit d'y accéder si on est tout seul dans son véhicule. On ne précise pas si l'on transporte des chats ce qu'il advient. En fait, si, on le précise ; un animal de compagnie n'est pas considéré comme un passager. En revanche, le système reconnaît les enfants, même dans un siège enfant à l'arrière.
Cette voie réservée est activée en semaine, du lundi au vendredi, de 7 heures à 10 heures 30 et de 16 heures à 20 heures. C'est la voie de gauche qui a été choisie pour ne pas perturber l'accès aux bretelles de sortie ou d'entrée. Quand il y a trop de bouchon, les autorités (la préfecture de police) pourront quand même désactiver le dispositif (éteindre le losange blanc) malgré ces horaires et tenter de refluidifier le trafic. De même, lorsque le trafic est faible, l'activation ne sera peut-être pas faite car inutile.
Ceux qui ont accès à cette voie spéciale sont les véhicules transportant au moins deux personnes, les transports public collectifs (bus scolaires), les taxis, les VTC en charge, les deux-roues motorisés en circulation interfile, les véhicules des services de secours et des forces de sécurité, dont les ambulances privées, et les personnes détentrices de la carte mobilité inclusive stationnement (il faut s'inscrire sur une plate-forme pour être reconnu par les radars). En outre, les camions de plus de 3,5 tonnes transportant de la marchandise ne sont pas autorisés sur cette voie.
Qui dit contrainte dit bien sûr contrôle. Le contrôle est réalisé par un double radar qui, à l'aide de l'intelligence artificielle, détermine le type de véhicule roulant sur la voie réservée et le nombre de personnes transportées. Au début, il n'y aura que des contrôles pédagogiques et les premières amendes seront envoyées à partir du 1er mai 2025, histoire de fêter le muguet ! L'amende est classique, d'un montant de 135 euros, et est délivrée par vidéo-verbalisation assistée par ordinateur (VAO).
Attention aux petits malins qui mettraient leur poupée gonflable ou leur Gaston Lagaffe en latex sur le siège du passager avant (comme cela arrive parfois aux États-Unis pour tromper les contrôles). Les radars sont dotés de cellules thermiques et pourront donc distinguer le vrai du faux passager. En cas de verbalisation, cela pourrait donc aller beaucoup plus loin que la simple amende puisqu'il y aura eu une volonté de frauder (le contrevenant risque jusqu'à 350 000 euros d'amende !).
En fait, le principe de voie réservée n'est pas nouveau en France. Il existe déjà dans plusieurs grandes agglomérations, en particulier à Lyon (je l'ai expérimenté), à Grenoble, à Lille, et même à Paris et les autoroutes s'y concentrant, cela a été fait pendant toute la période des Jeux olympiques et paralympiques. Je l'ai aussi expérimenté notamment sur l'A86 et l'A4, mais avec une autre définition des véhicules autorisés (il ne s'agissait pas de covoiturage dans ce cas-là). Certains ont cru intelligent de faire un bilan positif sur le trafic automobile, mais en oubliant que cette période était la période estivale, donc beaucoup plus légère en termes de circulation (tous les Franciliens qui roulent habituellement dans l'agglomération parisienne soufflent un peu pendant les périodes estivales).
Incontestablement, cette nouvelle mesure va engendrer des embouteillages de plus autour de Paris et les banlieusards seront plus impactés que les Parisiens intra muros qui n'ont pas besoin de se déplacer en automobile. De même, l'idée de faire du covoiturage récurrent pour le trajet domicile-travail est intéressante mais assez illusoire, comme l'a dit le sociologue Jean Viard le 2 mars 2025 sur France Info : on n'a pas forcément envie de vivre quotidiennement avec son voisin. Il existe de plus des difficultés pour s'organiser : d'une part, beaucoup de personnes ne savent pas forcément exactement à quelle heure ils rentreront du travail ; d'autre part, il peut y avoir besoin de faire des courses, ou des activités culturelles ou sportives, chercher les enfants à l'école, etc. et cela pas nécessairement de manière anticipée.
Toutefois, c'est aussi un changement de culture et de mode de vie. Ne pas s'éterniser au bureau et prendre peut-être un rythme plus régulier en semaine. Un changement plutôt vertueux puisqu'il tend à réduire le nombre de véhicules en circulation, ce qui réduit la pollution atmosphérique et sonore.
Comme pour la limitation du périphérique parisien à 50 kilomètres par heure (au lieu de 70), je suis donc plutôt favorable à cette mesure qui n'empêche personne de se déplacer, cela ne met que quelques contraintes supplémentaires. Le périphérique parisien est la partie la plus polluée de l'agglomération parisienne (2 à 2,5 fois supérieure à Paris intra muros). Chaque jour, 1,5 million d'automobilistes se déplacent sur le périphérique, polluant 550 000 riverais dont certains mourront de maladie respiratoire.
La réduction de la vitesse sur le périph n'était pas forcément une mesure de bon sens (il y a une vitesse optimale pour réduire au maximum la pollution des véhicules thermiques, cela dépend du véhicule mais elle est plutôt autour de 60 kilomètres par heure), mais il faut être honnête. En ce qui me concerne, si je roule déjà à 40 kilomètres par heure, je suis content vu que les bouchons y sont nombreux. La baisse de la vitesse est, pour les riverains, une mesure de salubrité publique afin de réduire la pollution sonore.
En revanche, je suis beaucoup plus réservé sur l'interdiction des véhicules dits polluants (mais parfois, moins polluants que des gros SUV récents) dans les zones à faibles émissions (ZFE) car, pour le coup, cela empêche réellement certains automobilistes de se déplacer, en particulier les moins aisés, ceux qui doivent habiter en lointaine banlieue faute de moyens, et, surtout, qui n'ont pas les moyens de s'acheter une voiture neuve ou une voiture électrique. Du reste, leurs véhicules d'occasion dits polluants devraient pouvoir continuer à rouler jusqu'à la mort réelle du véhicule et pas mis à la casse avant, car globalement, c'est beaucoup moins écologique de mettre à la casse des automobiles encore en bon état de fonctionnement.
On ne pourra jamais faire admettre l'importance (réelle) de la transition écologique si l'on discrimine ainsi socialement les citoyens de notre pays. Les centres-villes ne doivent pas être réservés aux personnes riches, interdites des gueux placés dans les lointains faubourgs pollués, dans une France à deux vitesses. Parce que tout simplement, c'est un mauvais calcul, dès lors que nous restons une démocratie. À l'instar des gilets jaunes, si nous ne comprenions pas la situation des personnes les plus précaires, des mouvements populistes prendraient alors un jour le pouvoir et remettraient en cause toutes les mesures favorables à l'environnement, y compris les bonnes mesures, intelligentes, c'est-à-dire, au moins, efficaces et non discriminantes socialement.
« Il résulte (…) que s’il est établi que le gain de temps généré par la liaison autoroutière permettra une meilleure de desserte du bassin de Castres-Mazamet ainsi qu’un gain de confort, facilitera l’accès de ce bassin à des équipements régionaux et participera du confortement du développement économique de ce territoire, ces avantages, pris isolément ainsi que dans leur ensemble, qui ont justifié que ce projet soit définitivement reconnu d’utilité publique, ne sauraient, en revanche, eu égard à la situation démographique et économique de ce bassin, qui ne révèle pas de décrochage, ainsi qu’aux apports limités du projet en termes économique, social et de gains de sécurité, suffire à caractériser l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur, c’est-à-dire d’un intérêt d'une importance telle qu'il puisse être mis en balance avec l'objectif de conservation des habitats naturels, de la faune et de la flore sauvage. » (n°43 ; extrait de la décision n°2303544 du tribunal administratif de Toulouse du 27 février 2025).
L'annonce de la double décision de la troisième chambre du tribunal administratif de Toulouse faite le jeudi 27 février 2025 a étonné et même stupéfait un grand nombre d'acteurs politiques et économiques de la région Occitanie. En effet, le juge administratif a annulé les arrêtés du 1er et du 2 mars 2023 des préfets de la région Occitanie et des départements de Haute-Garonne et du Tarn donnant autorisation environnementale à la société Atosca de construire la liaison autoroutière Toulouse-Castres dite A69.
Ce sujet est juridiquement, politiquement, économiquement très complexe, mais il a abouti, peut-être de manière provisoire, à la suspension des travaux de cette liaison autoroutière débutés il y a deux ans, d'un coût de 530 millions d'euros (dont 23 millions d'euros d'argent public) pour 900 emplois. La très grande compréhension des conséquences (argent public gâché, travaux inachevés, que faire des constructions déjà réalisées ?, emplois "en suspension", aménagement du territoire, etc.) fait que chaque citoyen peut ressentir le besoin d'avoir son avis sur la question, et celui-ci se résumerait à seulement deux possibilités : hourrah, les "résistants" autoproclamés ont gagné ! Ou : quelle ineptie, les écologistes ont gagné, on retourne aux siècles antérieurs, à l'âge des cavernes ! Avec une resucée du style : à bas le gouvernement des juges !
Avant d'expliciter plus en détail les décisions du tribunal administratif de Toulouse, un petit témoignage personnel. Il y a quelques années, j'étais en déplacement à Cahors et je devais me rendre à Béziers. J'étais (honteusement) en automobile (j'avais mes raisons très acceptables et de toute façon, je n'ai pas à le justifier, du moins, pas encore à le justifier) et je me suis fait cette réflexion : la région est belle mais difficile d'accès. Je suis passé par la nationale N126 pour aller à Castres puis Mazamet, et redescendre par le Haut Languedoc. Comme j'allais à Béziers, j'aurais pu prendre l'autoroute A61 de Toulouse à Narbonne en passant par Carcassonne, puis l'A9 pour remonter vers Béziers. Pour une seule fois, cela ne me gênait pas vraiment de passer par la montagne, mais si je devais faire tous les jours Toulouse-Castres, je me disais que cela serait vraiment la galère.
À l'évidence, les environs de Castres sont enclavés. Il y a certes un aéroport, mais avec très peu de lignes aériennes. Il y a certes une gare, mais pour aller à Paris, il faut au moins sept heures de train et une correspondance. La loi de la République, c'est l'aménagement du territoire pour tous, le désenclavement des régions enclavées. C'est le principe d'égalité des chances de tous les citoyens quelle que soit sa localisation géographique. Du moins, c'est l'horizon idéal vers quoi la République doit tendre. Donc, désenclaver le bassin de Castres-Mazamet, le seul de cette importance démographique autour de Toulouse à ne pas être relié par une autoroute, et réduire les risques accidentogènes.
Je referme la parenthèse, mais pas complètement, car bien entendu, la décision de faire la liaison autoroutière Toulouse-Castres répond à une logique économique de bassin d'emplois. L'idée est de permettre à des habitants de l'agglomération de Toulouse de pouvoir travailler dans l'agglomération de Castres, qui est un grand bassin d'emplois. Certains zadistes ont rappelé que Pierre Fabre, fondateur des laboratoires pharmaceutiques qui portent son nom et très implanté autour de Castres, a fait de fortes pressions auprès des milieux politiques pour obtenir une telle autoroute. Il faut encore une fois reconnaître que l'intérêt particulier peut parfois se confondre avec l'intérêt général quand il s'agit de créer des emplois et de l'activité économique, surtout dans une période économique morose.
En clair, la plupart des élus locaux (pour ne pas dire tous), de droite comme de gauche ou du centre, ont soutenu ce projet d'aménagement du territoire. Bernard Bosson (UDF), François Fillon (UMP), Jean-Louis Borloo (centriste), initialement opposé au projet, Dominique Perben (UMP), François Hollande (PS), Martin Malvy (PS), Carole Delga (PS), Édouard Philippe (HOR), Élisabeth Borne (REN), Jean Castex (REN), etc., ont pris des décisions de soutien à l'autoroute A69. La structure étoilée du territoire (tout pour Paris) a fait oublier des populations entières, et celle de Toulouse a été parmi les dernières servies par une ligne TGV ou une autoroute la reliant à Paris. Les infrastructures régionales ont souvent été négligées, d'autant plus en région de montage car les coûts des ouvrages sont beaucoup plus élevés.
Cette liaison rapide a été envisagée dès le 8 mars 1994 (le ministre Bernard Bosson a approuvé le principe de l'A69), c'est dire si, comme d'autres liaisons en province, elles prennent beaucoup de temps pour aller de l'idée à la réalisation (comme l'A49 entre Grenoble et Valence qui a mis aussi près d'une trentaine d'années pour être construite), avec deux difficultés principales, le financement (des études puis du projet), et les aspects techniques sur le terrain, tant sur les expropriations nécessaires que la protection de l'environnement. C'est évidemment ce dernier point qui a préoccupé le tribunal administratif.
Je veux d'abord préciser deux ou trois choses. Il y a eu deux décisions car il y a officiellement deux projets, l'élargissement de l'autoroute A680 et la construction de l'autoroute A69, qui sont deux ouvrages continus (l'un jusqu'à Verteil et l'autre à partir de Verteil). Pour la simplification du propos, je ne parlerai que de l'A69 alors qu'il s'agit des deux, et je ne parlerai que d'une décision alors qu'il y en a deux, de même qu'il y a eu deux arrêtés signés les 1er et 2 mars 2023 (en fait, pour être vraiment exact, il y a même quatre décisions du tribunal administratif de Toulouse, numéros 2303830, 2303544, 2304976 et 2305322, mais nous considérons que c'est la même dans leur globalité).
Parlons aussi des acteurs de cette décision administrative, puisque certains en ont parlé. La rapporteure publique s'appelait Mona Rousseau (cela ne s'invente pas), elle a communiqué ses conclusions le 20 novembre 2024, elle est une jeune débutante dans ses fonctions depuis deux ans, mais les détracteurs de cette décision (je me sens plutôt de ce côté-là) ne devraient pas prendre ce genre d'argument pour critiquer la décision, et de toute façon, ce n'est pas elle qui a pris la décision, mais des juges expérimentés, la présidente du tribunal a dix-sept ans d'expérience et sa première assesseure est docteure en droit public et maître de conférences à l'université.
Plus intéressante est la raison de l'annulation de l'arrêté d'autorisation, qui a pour effet la suspension des travaux. Au contraire de la justice pénale, les décisions de la justice administrative ne sont pas suspensives en cas d'appel, sauf exception (nous le verrons plus loin). Par conséquent, les travaux doivent s'être arrêtés dès le 27 février 2025. C'est l'État qui va faire appel, ce qui est logique (et pas du tout choquant) puisque le tribunal a remis en cause la décision de deux préfets, représentants de l'État. On peut regretter cette décision de justice, mais il faut bien se garder de hurler contre le principe d'un État de droit qui permet aux citoyens de se défendre contre la décision de l'État ou d'une autre autorité publique. Ce n'est pas dans une dictature que nous aurions une telle décision.
Dans le cadre de la protection de l'environnement et de la biodiversité, il y a eu de nombreuses lois qui ont été promulguées en France pour assurer la conservation de faune et de flore. Certaines lois sont aussi des transpositions nationales de directives européennes qui ont été décidées, répétons-le sans cesse, par les États membres, et donc par la France sans qui peu de décisions importantes pourraient être prises au niveau européen (parce que la France est un grand pays, en population et en superficie, et qu'il est l'un des fondateurs de l'Union Européenne). Et ces transpositions nationales sont votées sous forme de lois par le Parlement français. Donc, toute notre législation sur l'environnement est avant tout une volonté nationale de la France.
Pour construire des ouvrages comme une autoroute, il faut la délivrance d'une autorisation environnementale. Formellement, elle est signée par le préfet, puisque c'est à l'État de faire appliquer la loi, mais le préfet n'est pas un tyran, il doit prendre sa décision dans le cadre législatif en vigueur et avec de solides arguments. La preuve, c'est que n'importe quelle décision administrative peut être remise en cause par la justice administrative avec, là aussi, de solides arguments juridiques.
L'autorisation environnementale a été délivrée au titre de l'article L.181-1 du code de l'environnement. Elle vaut dérogation "espèces protégées". En clair, le préfet donne l'autorisation environnementale à réaliser un projet qui met en danger la sauvegarde de l'environnement et de la biodiversité en contrepartie de laquelle il existe une « raison impérative d'intérêt public majeur ». C'est cette expression qui est l'essentiel du dossier.
Pour être plus simple, on peut dire que l'autorisation environnementale, comme l'a expliqué l'avocat fiscaliste Collab blues sur Twitter, « c'est le permis de construire en matière d'infrastructure routière, il rassemble toutes les autorisations nécessaires pour commencer les travaux. Donc, c'est très bien, car ça simplifie et limite le nombre d'autorisations à obtenir (et potentiellement attaquables), mais c'est aussi un risque car si un point de l'autorisation est branlant, c'est tout l'édifice qui s'effondre. » (28 février 2025).
Reprenons-la dans un extrait de la décision qui donne, en quelque sorte, le mode d'emploi : « Il résulte (…) qu’un projet de travaux, d’aménagement ou de construction d’une personne publique ou privée susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales ou végétales protégées et de leur habitat ne peut être autorisé, à titre dérogatoire, que s’il répond, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En présence d’un tel intérêt, le projet ne peut cependant être autorisé, eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. » (n°28).
Autrement formulé, il fallait que le juge administratif appréciât si la construction de l'autoroute A69 était motivée par une raison impérative d'intérêt public majeur. Je ne disserterai pas sur cette expression très juridique, car on peut se demander d'abord ce qu'est "l'intérêt public" (il y a des définitions juridiques très spécifiques), ce qu'est un intérêt public "majeur" et enfin, ce qu'est une raison "impérative". Cette raison peut être de nature sociale et économique. On voit que le juge a la possibilité d'interpréter de différentes manières le sujet.
La preuve, c'est que la justice administrative avait déjà pris en référé des décisions qui étaient le contraire de celle du 27 février 2025 (j'y viens plus loin). Car les zadistes ont voulu s'opposer de toutes les façons à la construction de cette autoroute, par l'occupation sur le terrain, par des opérations de sensibilisations médiatiques, et surtout, par de nombreux recours administratifs et juridiques.
Leurs arguments ne sont pas minces : la construction d'une autoroute met en l'air la faune et la flore. Pas besoin de faire un dessin ni de militer chez les Verts pour comprendre à quel point l'asphalte est une horreur écologique pour tout ce qui est vivant. Les zadistes ont souligné que toutes les mesures de compensation présentées par la société qui construit l'autoroute étaient des leurres, notamment pour replanter les arbres coupés (on parle de cent trente espèces). Je n'ai pas la possibilité de savoir s'ils ont raison ou s'ils exagèrent, on peut juste se dire que la société qui construit l'autoroute n'est pas une entreprise écologique, son cœur de métier, c'est l'autoroute, et donc, toutes ses solutions écologiques sont limitées au mieux à la loi, au pire, à l'affichage. Cela ne signifie pas que cette société est malhonnête, bien sûr, mais elle cherchera forcément à minimiser les coûts de ces opérations de compensation.
Les zadistes soutiennent aussi qu'il suffirait d'aménager la nationale N126 pour permettre une liaison routière plus rapide qu'actuellement sans faire de gros bouleversements écologiques, d'autant plus que le tracé de l'A69 est assez parallèle de celui de la N126. D'ailleurs, sur les 53 kilomètres prévus de l'A69, 9 kilomètres sont un élargissement de l'A680. Et une section de l'A69 reprendra une rocade de la N126, ce qui est scandaleux pour les zadistes car cette section deviendra donc payante et ceux qui ne voudront pas payer devront traverser des communes, ce qui n'est pas le cas actuellement. L'A69 touchera vingt-quatre communes, et le projet comprendra deux cents ouvrages d'art et hydrauliques, ainsi que seize points de recharges pour voitures électriques (pour lesquelles le péage sera un peu moins cher).
Et venons-en au fait du péage. Le prix de l'autoroute est considéré par le tribunal administratif comme trop cher pour qu'il puisse apporter un avantage économique majeur. En effet, la décision dit ceci : « S’il ne saurait être réfuté que la création d’une liaison autoroutière constitue un des facteurs pouvant participer au confortement du développement économique d’un bassin économique et, par suite, à son attractivité, notamment par le gain de temps de trajet qu’il procure, lequel sera, en l’espèce, de l’ordre d’une vingtaine de minutes, cet impact économique doit, toutefois, être relativisé dès lors, d’une part, qu’il résulte de l’instruction qu’une telle liaison ne constitue pas un facteur suffisant de développement économique, et, d’autre part, que le coût élevé du péage de la future liaison autoroutière sera de nature à en minorer significativement l’intérêt pour les opérateurs économiques. » (n°38).
Et il en résulte pour le juge administratif ceci : « Dans ces conditions, compte tenu de la seule nécessité de conforter le développement économique du bassin de Castres-Mazamet, et non de procéder à son redressement, ainsi que des effets relatifs que la création d’une liaison autoroutière peut avoir sur ce confortement, les motifs économiques avancés pour justifier un tel projet ne sauraient caractériser l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur. » (n°39).
Cela dit, le prix du péage ne devrait être une raison principale, il devrait anecdotique en ce sens que le prix peut être fixé autrement, soit par une baisse avec un apport d'argent public supplémentaire (c'est-à-dire que les contribuables paient au lieu des usagers) soit une baisse sans compensation publique, qui serait de toute façon plus rentable que l'arrêt définitif des travaux aujourd'hui.
D'autres arguments ont été pris en compte par le juge administratif, au point de conclure comme le proclame l'extrait mis en tête de l'article, que tous les arguments pour l'autoroute « ne sauraient (…) suffire à caractériser l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur ». Il faut bien comprendre que pour arriver à cette conclusion, le juge administratif a fait une analyste très détaillée de la situation, en particulier, il a étudié la démographie du bassin de Castres-Mazamet (et a conclu qu'il n'y avait plus le décrochage démographique à la hausse envisagé dans les années 1990), aussi l'historique des accidents routiers sur la N126, et plein d'autres éléments comme la nature du trafic routier actuel (professionnel, particulier, destination des déplacements, etc.).
C'est cette conclusion qui est fustigée par les partisans de l'autoroute A69 avec plusieurs arguments de poids.
Le premier est quasi-philosophique : les acteurs politiques sur le terrain, de tous les bords politiques, qui sont les représentants du peuple, sont les plus aptes à dire ce qui est l'intérêt général, l'intérêt des populations, l'intérêt public majeur. Si la justice administrative empêche toute construction, il n'y a plus de possibilité d'évoluer, de se moderniser, de se développer, d'innover, c'est donc grave. Il y a une clivage juge versus politique sur ce que doit devenir la société.
À cette inquiétude, réelle, qui se retrouve à un niveau plus élevé avec les décisions du Conseil Constitutionnel qui peut invalider des dispositions d'un texte de loi voté par le Parlement, il y a une réponse qui me paraît assez simple. Au même titre que le Conseil Constitutionnel ne se fie qu'à la Constitution (et au bloc de constitutionnalité), et qu'il suffit aux parlementaires de réviser la Constitution pour valider une disposition qui n'aurait pas été validée en l'état, le juge administratif ne fait que lire la loi (et l'interpréter, bien sûr, ce qui crée de la jurisprudence), et il y a un côté schizophrénique des politiques qui font des lois qui, ensuite, les piègent, qui les enserrent, les enferment, les empêchent de tourner en rond.
Et toutes les lois sur l'environnement sont de ce ressort : ce sont des lois qui mettent de nombreuses contraintes pour protéger l'environnement. Mais certains objectifs comme le zéro artificialisation nette sont démentiels, je pèse mon mot, lorsqu'on a besoin d'infrastructures nouvelles et surtout, de logements nouveaux pour une population qui, malgré la faible natalité, ne cesse de croître (du moins, ses besoins en logement, car le mode de vie renforce l'individualisation, la séparation des familles, leur recomposition, etc.). Peut-être qu'avant de dicter l'idéal, il faudrait juste le réalisable pour qu'il y ait une acceptation globale de la société de ces contraintes (sinon, le risque, c'est de faire le jeu des populismes et de revenir très brutalement en arrière).
Dans le point 43 de la conclusion proposée, il est suivi ceci, qui est très intéressant aussi : « et ce, quand bien même la loi d’orientation susvisée du 24 décembre 2019, dite LOM, laquelle a pour objet de définir la stratégie et la programmation financière et opérationnelle des investissements de l'État dans les systèmes de transports pour la période 2019-2037, a reconnu ce projet comme étant prioritaire au titre des dépenses de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France et que l’arrêté susvisé du 31 mai 2024, lequel est de niveau infra-législatif, a, dans le cadre d’une législation distincte, classé ce projet parmi ceux d’envergure nationale ou européenne présentant un intérêt public majeur. ».
En clair, le juge administratif se sent permis de juger quelle loi prime sur quelle autre. C'est très important... et surtout, nécessaire, dès lors que des textes de loi s'entremêlent, voire se contredisent, avec des injonctions contradictoires. Si le législateur était plus ordonné, plus global, il éviterait de laisser le choix à un tribunal administratif. (L'exemple type est : il faut construire beaucoup plus de logements notamment beaucoup plus de logements sociaux, mais il ne faut plus artificialiser de terrain ; on fait quoi ?on creuse des cavernes ?).
Le deuxième argument pour fustiger cette conclusion, ce sont les conséquences d'une suspension, provisoire ou, pire, définitive, des travaux alors qu'ils ont commencé il y a deux ans, que des centaines d'emplois sont en jeu et que des centaines de millions d'euros ont déjà été engagés dans ce projet. Dès lors que toutes les autorisations ont été données, après enquêtes publiques, etc., comment la justice peut-elle, après coup, encore interdire le projet ?
Cet argument ne tient pas beaucoup car il est presque trumpien ! En gros, forçons la construction et c'est la politique du fait accompli. Certaines villas au bord de la mer, qui violent la loi littoral, ont subi les mêmes déboires judiciaires ou administratifs. À côté de Grenoble, un hypermarché a même été remis en cause plusieurs années voire une dizaine d'années après son ouverture, qui avait été considérée comme illégale, longtemps après.
Le troisième argument est, à mon sens, plus sérieux, car le jugement sur le fond n'était pas le premier recours déposé par les zadistes contre le projet d'A69. C'était le énième. Il y a eu de nombreuses décisions qui avaient déjà donné raison au projet, d'où la surprise de la décision du 27 février 2025.
Ainsi, le projet a eu sa déclaration d'utilité publique le 19 juillet 2018 (décret n°2018-638 du 19 juillet 2018 signé par Édouard Philippe) et le contrat de concession avec la société Atosca a été signé le 20 avril 2022 (décret n°2022-599 du 20 avril 2022 signé par Jean Castex). L'élargissement de l'A680 a été déclaré d'utilité publique le 22 décembre 2017 par un arrêté du préfet de Haute-Garonne.
Plusieurs recours en référés ont été déboutés. Le 5 mars 2021, le Conseil d'État a rejeté le recours en annulation du décret du 19 juillet 2018 (décision n°424323). Le juge du référé-liberé du tribunal administratif de Toulouse a rejeté le 24 mars 2023 la demande d'interruption des travaux (ordonnance n°2301521), décision confirmée par le Conseil d'État le 19 avril 2023 (décision n°472633). Le juge des référés a rejeté la demande d'interruption des travaux le 3 août 2023. Le tribunal administratif de Toulouse a rejeté une nouvelle demande d'interruption des travaux le 6 octobre 2023 (ordonnance n°230714). En tout, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté quatre fois par ordonnance la demande d'arrêt des travaux. Le Conseil d'État a validé le 29 novembre 2023 l'autorisation environnementale délivrée le 1er mars 2023 après le rejet le 1er août 2023 par le tribunal administratif de la demande d'annulation dudit décret (ordonnance n°230323). Le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a encore une fois rejeté le 21 janvier 2025 une nouvelle demande de suspension des travaux (ordonnance n°2407798) à cause de la proximité de la date du jugement sur le fond.
La décision du juge des référés du tribunal administratif de Toulouse du 1er août 2023 est intéressante car justement, il considérait que le projet de l'A69 répondait à une « raison impérative d'intérêt public majeur » avec les arguments suivants : « Il résulte de l’instruction que le projet de l’autoroute A69 a été engagé par l’État en vue de faciliter les liaisons entre Toulouse, chef-lieu de la région Occitanie, et Castres, chef-lieu d’arrondissement du sud du Tarn constituant un pôle important notamment en termes de service public, d’économie et d’emploi dans le cadre d’un bassin de vie et d’activité s’étendant à Mazamet et à l’ensemble de l’est du département, pôle qui, s’il dispose d’une cohérence et d’une dynamique internes, demeure relié à Toulouse par une route nationale dont seule une brève portion dispose d’une chaussée à deux fois deux voies. Par ailleurs, il résulte de l’instruction, que même dans les hypothèses les moins favorables, la construction de cette liaison autoroutière, en absorbant une partie du trafic de la route nationale 126, induirait un gain de temps et de confort sur ce parcours d’environ vingt minutes sur un trajet d’une heure et dix minutes, aurait un effet positif sur la sécurité routière en évitant notamment la traversée du centre de certaines communes et la circulation d’un trafic important sur une route nationale essentiellement composée de sections à deux fois une voie, et serait ainsi susceptible de contribuer au rééquilibrage territorial attendu entre le bassin de Castres-Mazamet et les autres pôles de l’aire d’influence de Toulouse, tant au point de vue démographique qu’au point de vue économique. Si les requérantes, en s’appuyant notamment sur les avis rendus par l’autorité environnementale et le conseil national de protection de la nature sur le dossier de demande d’autorisation environnementale, ainsi que sur certaines analyses socio-économiques réalisées avant l’intervention de la déclaration d’utilité publique, remettent en cause la pertinence de ces objectifs ainsi que la réalité et l’ampleur de ces gains, il ne résulte pas de leur argumentation, qui repose essentiellement sur des hypothèses ou des interrogations sur les effets attendus de l’ouvrage, que les motifs de la politique d’aménagement ainsi menée, la configuration de l’autoroute A69, la nature des territoires qu’elle doit desservir, le coût de son péage, ou ses éventuelles conséquences négatives seraient susceptibles de créer un doute, en l’état de l’instruction, sur son caractère de projet répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens et pour l’application de l’article L.411-2 du code de l’environnement. » (n°13).
En clair, et je ne vois pas en quoi le fait que ce soit le juge des référés qui a pris la décision change la logique, cette décision reconnaissait la raison impérative d'intérêt public majeur en détaillant les arguments pour s'en convaincre. Pourquoi ce même tribunal administratif, sur le fond, un an et demi plus tard, aurait une conclusion diamétralement opposée ? C'est cette question qui me pose problème.
Maître Arnaud Gossement, professeur associé à la Sorbonne et avocat du cabinet Gossement Avocats spécialisé dans le droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, public et privé, a cité aussi, dans son blog, une autre motivation de rejet dans la décision du 1er août 2023, car selon le juge des référés, le bénéficiaire de l'autorisation environnementale contestée a recherché d'autres solutions : « L’étude d’impact préalable à l’intervention de l’autorisation environnementale contestée procède à une comparaison précise des avantages et inconvénients du projet objet de cette autorisation avec ceux afférents aux solutions alternatives que constituent un accroissement de la desserte ferroviaire entre Toulouse et Castres, l’aménagement sur place de la route nationale 126 et son aménagement par création à distance de celle-ci d’un axe non autoroutier doublant cette route, solutions écartées en raison de coûts d’investissement importants et d’un impact majoré sur l’écosystème et les riverains. Il en résulte, dès lors que les hypothèses et conclusions retenues par l’étude d’impact sur ce point ne sont pas sérieusement remises en cause par l’argumentation des requérantes, que le moyen tiré de l’insuffisance de la recherche d’autre solution satisfaisante au sens et pour l’application de l’article L.411-2 du code de l’environnement n’est pas de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté attaqué. ».
Enfin, une commission d'enquête parlementaire sur l'A69 a vu le jour à l'initiative du groupe écologiste à l'Assemblée Nationale le 16 janvier 2024, mais la dissolution de l'Assemblée a annulé la commission et tous les travaux en cours. Au cours des auditions du 27 février 2024, l'ancien Ministre des Transports (entre 2005 et 2007) Dominique Perben a expliqué notamment : « À l’époque, nous étions très préoccupés par l’équilibre du territoire et par le fait que le dynamisme de la métropole toulousaine bénéficie aussi aux autres villes. ». Il s'agissait donc bien de désenclaver un bassin d'emploi privé de liaison rapide vers la métropole toulousaine.
Quelle sera la suite de cette suspension des travaux ordonnée le 27 février 2025 ? Il y en a deux. L'État va interjeter appel (dans un délai de deux mois), probablement la société concessionnaire aussi, mais, selon l'article R.811-14 du code de justice administrative, l'appel n'est pas suspensif. C'est la raison pour laquelle l'État va aussi faire une requête en sursis à exécution du jugement, auprès de la cour administrative d'appel, dont le but est de permettre la poursuite des travaux pendant le temps de l'instruction du procès en appel.
La requête en sursis à exécution du jugement (article R.811-15 du code de justice administrative) est une procédure qui est acceptée très rarement. Elle nécessite deux conditions : d'une part, que les conséquences d'un non-sursis, en l'occurrence l'arrêt des travaux, sont très fâcheuses (notamment pour l'emploi de centaines de personnes), d'autre part, qu'il y a suffisamment d'argument pour penser que la cour d'appel puisse donner une décision contraire à la première instance. Interrogé par Xavier Lalu le 28 février 2025 sur France Info, maître Antoine Hudrisier, avocat spécialiste en droit public, a précisé : « Dans ce cas, si la cour d'administrative d'appel juge la demande recevable, elle peut faire renaître, par ordonnance, l'existence juridique de l'autorisation environnementale, en attendant la décision en appel. (…) Reste à savoir dans quel délai pourrait être jugée cette demande de sursis à exécution car rien n'est précisé dans le code à ce sujet. ».
Dans tous les cas, cela ira certainement jusqu'au Conseil d'État puisque les deux parties sont prêtes à aller jusqu'au bout, l'État et la société concessionnaire puisque c'est un projet essentiel d'aménagement du territoire, les zadistes par leur combativité juridique.
Je ne conteste évidemment pas la décision du 27 février 2025 qui a été prise certainement sans légèreté et en comprenant tous les enjeux en présence, notamment économiques et sociaux, mais j'espère que l'appel rétablira la situation qui paraît assez ubuesque actuellement puisqu'une moitié d'autoroute est déjà construite et risque de rester en l'état.
Je reste néanmoins convaincu que la décision finale de ce qu'est une « raison impérative d'intérêt public majeur » doit rester au pouvoir démocratique, c'est-à-dire aux élus, représentants du peuple, voire au peuple lui-même si on le consulte, et pas aux juges ni aux demandeurs d'arrêt de toutes les constructions d'infrastructures, que ce soit l'A69, le barrage de Sivens (mais qui ne vaut pas la vie d'un jeune homme, rendons hommage à Rémi Fraisse pour la mort duquel la CEDH a condamné le 27 février 2025 la France de violation du droit de toute personne à la vie), ou encore l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, à Nantes, projet pourtant très bien ficelé, consensuel (toute la classe politique l'approuvait), ratifié par une consultation populaire, et annulé sur l'autel de la lâcheté de François Hollande.
« Des catastrophes "arrivent". Puis, elles "sont arrivées". Et on passe à autre chose. » (Hubert Reeves).
Noël 2024 est très durement affecté à Mayotte à cause du désastre provoqué par le cyclone Chido. Nous souhaitons que l'île se reconstruira et que les habitants s'en remettront le plus vite possible (en sachant qu'il est dommages irréparables, humains et psychologiques), en espérant que cela donne l'occasion pour que l'État se préoccupe un peu plus de Mayotte qu'auparavant. Ce n'est malheureusement pas la première fois que nous avons l'impression de paysages de désolation en toute fin d'année. Il y a vingt-cinq ans, le 26 décembre 1999, la France (et l'Europe) ont été traversées par deux tempêtes d'intense amplitude (les cyclones Lothar et Martin), sur plusieurs jours, qui ont provoqué la mort de 140 personnes et près de 20 milliards de dollars de dégâts matériels.
Mais le plus impressionnant fut cinq ans plus tard, il y a exactement vingt ans, le tremblement de terre suivi d'un tsunami le 26 décembre 2004 peu avant 8 heures du matin (heure de Jakarta) dans l'océan Indien, près de la côte nord-ouest de Sumatra, en Indonésie. Le séisme avait été précédé un autre séisme le 23 décembre 2024 dans l'océan Indien au large des côtes des Nouvelle-Zélande de magnitude 8,1.
Ce fut, avec le tremblement de terre à Haïti le 12 janvier 2010, l'une des catastrophes naturelles les plus graves que la planète a connues depuis le début du siècle. Ce fut le choc entre deux plaques tectoniques, la plaque eurasienne et la plaque indo-australienne. Le séisme a été d'une très forte intensité, d'une magnitude de 9,1 à 9,3 de l'échelle de Richter, un dégagement d'énergie équivalent à plus de 500 mégatonnes de TNT (trinitrotoluène). Une bande de 1 600 kilomètres s'est soulevée jusqu'à 6 mètres de hauteur !
Je reviens sur l'énergie dégagée. Pour se donner une idée comparative, l'énergie dégagée par la bombe nucléaire qui a explosé à Hiroshima le 6 août 1945 était d'environ 15 kilotonnes de TNT, plus de 33 000 fois moindre. Cela signifie que ce séisme a eu la même ampleur cataclysmique que l'explosion de plus de 33 000 bombes nucléaires de type Little Boy (Hiroshima). Cela a l'air impressionnant, mais malgré la désolation, les dégâts et surtout le bilan humain, cela a été "absorbé" par la planète. Cela signifie que malgré un arsenal nucléaire qui se densifie (plus de pays et, de nouveau, augmentation du stock d'ogives nucléaires), même si tout explosait, la planète s'en sortirait (la population humaine, en revanche, je n'en sais rien).
D'ailleurs, bien plus que le séisme, c'est surtout le tsunami (raz-de-marée) qui a suivi le séisme quelques heures plus tard qui a provoqué le plus de dégâts humains et matériels : des vagues montant jusqu'à 35 mètres de hauteur (en pleine mer) ont frappé l'Indonésie, l'Inde, le Sri Lanka, la Thaïlande, la Birmanie, les Maldives, la Somalie, la Tanzanie, et un peu plus loin, les côtés du Mozambique, Madagascar, etc. De nombreuses répliques du séisme ont eu lieu les jours et les mois qui ont suivi, dont une quarantaine ont dépassé la magnitude 6 (et deux la magnitude 7, le premier le 28 mars 2005 de magnitude 8,7 et le dernier le 24 juillet 2005).
Il ferait partie des dix plus graves catastrophes naturelles de l'histoire du monde, mais c'est aussi ne pas compter ceux qu'on n'a pas pu mémoriser, et c'est probablement le tsunami le plus grave connu et recensé à ce jour.
Dans les pays touchés, il existait très rarement des systèmes de détection des tsunamis permettant de prévenir les populations. Beaucoup d'habitants et de touristes ont vu, sur les plages, une vague de plus de 10 mètres de hauteur foncer sur eux et les emporter. Certains ont pu filmer la déferlante, certaines images sont impressionnantes et bien plus éloquentes qu'un vulgaire film de catastrophe. Dans les faits, la mer s'est retirée de manière impressionnante avant de revenir avec une vague géante.
Pas de préparation anticipées des populations locales, et pas d'information sur l'arrivée des vagues géantes. Le nombre de victimes a été effroyablement élevé : environ 225 000 recensées, probablement autour de 300 000. Les plus touchés furent l'Indonésie, le Sri Lanka, l'Inde et la Thaïlande. En raison des lieux touristiques touchés, c'est à peu près toutes les nations du monde qui ont été touchées, en particulier les Suédois, les Allemands et les Britanniques. 95 victimes françaises ont été recensées. Beaucoup de cérémonies ont été célébrées en hommages aux victimes le 26 décembre 2005.
Les conséquences humanitaires et sanitaires furent énormes dans les pays touchés, et l'aide humanitaire internationale a été massive (en argent, en nourriture, en pharmacie, en bateaux, en avions, en hélicoptères et en hommes ; par exemple, les États-Unis y ont dépêché 16 500 soldats sauveteurs). Les enjeux sont les mêmes que pour Mayotte aujourd'hui : retrouver et sauver les personnes disparues, fournir de l'eau potable, de la nourriture, de quoi dormir, prévenir les épidémies, notamment de choléra et de gastro-entérite, etc. Pas tout à fait les mêmes que Mayotte dans certains lieux, par exemple au Sri Lanka où des endroits étaient sous contrôle des rebelles, ce qui a freiné les possibilités de secours international par une désorganisation politique en plus de la désorganisation sociale et économique provoquée par la catastrophe.
Le tsunami du 26 décembre 2004 a encouragé les différents pays impliqués à se doter de dispositifs de surveillance des tsunamis dans l'océan Indien afin de pouvoir prévenir les populations de l'arrivée imminente de la catastrophe, ainsi qu'une préparation pour savoir quoi faire. Comme pour les tremblements de terre, la qualité des constructions est déterminante pour résister aux énergies massives, et il reste une inégalité tout aussi déterminante entre les pays riches et les pays pauvres dans ce domaine (il suffit de voir la différence de victimes dans les séismes de même magnitude au Japon, en Turquie et à Haïti).
Pouvait-on éviter ce séisme et ce tsunami ? Il s'agit de mouvements des plaques tectoniques, donc la réponse est simplement non, hélas. La Terre est une planète vivante, elle n'est que le résultat d'incessants bouillonnements, réactions chimiques, explosions volcaniques etc. La seule chose que les humains peuvent faire, c'est prévoir à court terme l'arrivée d'une telle catastrophe, prévenir les potentielles victimes pour les protéger dans des abris plus sûrs, ne pas s'exposer. Et avoir une réactivité pour les secours en prévision de telles tragédies.
Cela montre aussi la petitesse des hommes face à la Nature. Non, l'humain ne domptera jamais la Nature et c'est très prétentieux de le croire. Il faut rester très humbles face à l'immensité qui nous dépasse. Cela ne signifie pas de nous contenter d'être fatalistes, car il y a des actions concrètes (et coûteuses) pour réduire le nombre des victimes des catastrophes de demain, mais il est vain d'imaginer une planète totalement sous contrôle. Cela devrait donc rendre plus humbles certains discours écologistes stupidement globalisant...
« Le bilan humain, encore très provisoire et difficile à établir, s’annonce particulièrement lourd. Nous pensons aujourd’hui à chacune des victimes, à leurs familles, à tous ceux qui sont dans l’angoisse et sans nouvelles de leurs proches. Des villages entiers ont été anéantis, des milliers de foyers ont perdu leur toit et des infrastructures essentielles ont été gravement endommagées, rendant souvent impossible l’accès à l’eau, à l’électricité ou aux soins. Mayotte est aujourd’hui dévastée. » (Yaël Braun-Pivet, le 16 décembre 2024 dans l'hémicycle).
Une minute de silence ce lundi 16 décembre 2024, au début de l'unique séance publique qui s'est tenue à l'Assemblée Nationale depuis l'adoption de la motion de censure contre le gouvernement Barnier, proposée par Yaël Braun-Pivet, la Présidente de l'Assemblée Nationale. Toute la Nation est sidérée par ce qui se passe chez nos compatriotes mahorais.
En effet, l'île de Mayotte a été complètement dévastée par le passage du cyclone Chido ce samedi 14 décembre 2024. 70% des 320 000 habitants de ce département français, le plus pauvre de France, ont été touchés durement. Les premiers bilans, qui font état de 22 victimes tuées et 1 400 blessés, ne traduisent pas l'horreur de cette nouvelle terre de désolation : les victimes, probablement, se compteraient plutôt par centaines, voire par milliers.
Mayotte a une superficie si petite que la probabilité pour qu'un cyclone dévastateur telle que celui-là passe sur l'île est extrêmement faible. Mais pas nulle. Il n'y avait pas eu à Mayotte un tel événement climatique depuis 1934. Des vents de 226 kilomètres par heure, de la forte pluie, de la grande houle sur les côtes. Ce sont les courants chauds qui ont renforcé la brutalité du cyclone. Toutefois, le lien entre l'incroyable force de ce cyclone et le réchauffement climatique n'est pas, à cette heure, encore bien établi même s'il semble prévisible que des événements aussi violents seront de plus en plus fréquents à l'avenir.
Avant le cyclone, le territoire était déjà dans une situation très difficile, l'unique hôpital, l'eau potable qui manque, le manque de médecins, les risques d'épidémie récurrents (le dernier cas de choléra le 12 juin dernier). Après le cyclone, tout a été détruit par la force des éléments. L'aéroport n'est plus praticable, autrement qu'en plein jour en raison de la destruction de la tour de contrôle, ce qui empêche l'arrivée massive des avions de secours et de sécurité. Plus grave encore, l'hôpital est détruit alors qu'il y a urgence sanitaire.
Ce qui a été sans doute le plus grave, ce sont les bidonvilles, ces logements précaires composés de tôles qui ont été totalement détruits. 20 000 personnes, principalement des étrangers en situation irrégulière, y habitaient et seulement 5 000 d'entre eux ont rejoint des refuges en dur selon les recommandations des autorités. Une rumeur a même couru que c'était un piège pour expulser les étrangers clandestins et beaucoup, à cause de cela, n'ont pas osé quitter leur logement. Mortelle rumeur. Les logements en dur ont été aussi fortement touchés.
Les vues d'avion de l'île sont apocalyptiques. On évoque déjà plus d'un milliard d'euros de dégâts matériels, mais le plus urgent est de retrouver les personnes blessées coincées sous les gravats, la boue, et de trouver de quoi fournir suffisamment d'eau potable et de nourriture. Absence d'électricité, des réseaux de communication pour beaucoup de monde. Risque de crise sanitaire, de famine. L'horreur totale.
J'exprime bien sûr toute ma compassion pour les Mahorais et encourage vivement à leur venir en aide d'une manière ou d'une autre (d'abord par des dons). Certains évoquent les dons pour reconstruire Notre-Dame de Paris et disent : il faut maintenant reconstruire Mayotte ! Mais avant tout, il faut mettre tout en œuvre pour secourir les personnes en danger de mort, les disparues comme les retrouvées.
Face à cette catastrophe humanitaire durable, des considérations politiques semblent aujourd'hui misérables, et pourtant, on ne peut pas s'empêcher de voir la réaction des uns et des autres face au drame. Une telle crise humanitaire est exceptionnelle et vient s'entrechoquer à la crise gouvernementale.
La palme de la honte sera probablement attribuée à Jean-Luc Mélenchon qui n'a pas eu un mot de compassion pour les Mahorais pour tomber dans son dénigrement politicien habituel. Dès le 14 décembre 2024, le papy sniper a tiré à vue sur Twitter, reprochant au gouvernement (démissionnaire) de ne pas avoir stoppé le cyclone et de n'avoir rien prévu pour le stopper.
La députée de la première circonscription de Mayotte, Estelle Youssouffa (du groupe LIOT), en a été franchement écœurée le 15 décembre 2024 : « Mayotte n'a même pas encore compté ses morts que les charognes sont déjà à l'œuvre... Honte à vous Jean-Luc Mélenchon qui n'avez pas un mot de compassion sincère pour la population mais seulement la bave du rapace avide de pouvoir. ».
La veille déjà, elle avait rappelé l'amendement des insoumis du 18 janvier 2024 sur le projet d'accélération et simplification de la rénovation de l'habitat dégradé qui refusait la destruction des habitations insalubres : « Comme si un cyclone n'est pas suffisant, Mayotte doit aussi subir l'hypocrisie de Jean-Luc Melenchon et LFI qui s'étaient opposés à la destruction des bidonvilles qui sont aujourd'hui des cimetières. En défendant les habitats insalubres, vous avez creusé des tombes. ».
L'opération Wuambushu, déclenchée à partir du 24 avril 2023 et pendant plusieurs semaines, avait pour but d'expulser les étrangers en situation irrégulière, de détruire les bidonvilles et lutter contre la criminalité à Mayotte. Mais ce fut un échec. À l'époque, Jean-Luc Mélenchon et sa clique d'excités insoumis s'étaient violemment opposés à la destruction des bidonvilles. Or, aujourd'hui, force est de reconnaître que les pouvoirs publics avaient raison de vouloir les détruire. Le cyclone aurait eu moins de conséquences sur les vies humaines si l'opération avait été réussie.
Il est des situations où la fermeté sur l'immigration clandestine renforce aussi la sécurité et la protection des personnes concernées. Avoir voulu les maintenir dans des bidonvilles était une mauvaise idée. Faute de logements salubres, les expulsions étaient la seule solution humaine au problème humain qu'était cette forte immigration illégale.
En revanche, la personnalité politique qui s'est bien démenée depuis dimanche est sans contestation le Ministre de l'Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau qui, en déplacement sur l'île lundi avec le Ministre des Outre-mer François-Noël Buffet, a semblé en état de sidération face à un territoire si totalement dévasté. Il a rappelé que l'État avait anticipé les conséquences du cyclone et qu'une réunion de crise avait été tenue le vendredi 13 décembre 2024 dans la matinée pour activer les systèmes d'alerte.
Quant au Premier Ministre François Bayrou, qui a présidé la première cellule de crise au Ministère de l'Intérieur, il doit former le nouveau gouvernement, il était en pleine consultation pour les deux premiers jours de la semaine. Mais on lui reprochera de ne pas avoir annulé et reporté le conseil municipal de Pau du lundi 16 décembre 2024, qu'il a présidé après avoir assisté en visioconférence à la réunion de crise présidée par Emmanuel Macron (qui a annoncé qu'il se rendrait sur l'île et décréterait un deuil national), mais surtout de ne pas s'être déplacé immédiatement à Mayotte pour exprimer aux Mahorais la solidarité de toute la Nation.
Bien sûr que le déplacement d'officiels sur les lieux de catastrophe crée plus de problème de sécurité qu'autre chose, mais la population a besoin aussi de sentir qu'elle n'est pas abandonnée par les autorités. La solidarité nationale doit s'incarner et le chef du gouvernement y a toute sa place. On lui reprochera longtemps cette maladresse qui pourrait être perçue comme une absence de considération, c'est dommage.
Ce n'est pas l'heure des comptes, encore, car les urgences humanitaires doivent focaliser toutes les énergies, mais il est certain que l'État n'a pas investi suffisamment à Mayotte pour offrir à ses habitants le même mode de vie que dans les autres départements français. Rappelons que les Mahorais avaient souhaité, par référendum du 8 février 1976, à plus de 99,4% des voix avec 83,3% de participation, au contraire des autres îles des Comores, se maintenir au sein de la République française et que celle-ci ne pouvait qu'accepter cette volonté manifeste de Mayotte. Les Mahorais ont approuvé aussi par référendum du 29 mars 2009, la départementalisation de Mayotte, à plus de 95,2% des voix avec 61,4% de participation.
Je reviendrai dans un autre article, plus tard, sur un rapport parlementaire publié récemment qui, justement, pointait du doigt les risques à Mayotte en cas de catastrophe météorologique majeure. Hélas, peut-être qu'il n'a pas été assez lu...
« Cette soirée banale avait le charme d'une première fois. » (David Foenkinos, 2020).
Cette nuit du mardi 17 au mercredi 18 septembre 2024, une éclipse partielle de la Lune était visible partout sur la planète où il faisait nuit. La chance était aux Parisiens (entre autres) puisque la météo était parfaite : aucun nuage !
Rappelons très rapidement ce qu'est une éclipse de la Lune. C'est un concours de circonstances, si l'on peut dire. L'alignement de la Lune, de la Terre et du Soleil. Une éclipse lunaire est lorsque la Terre se trouve entre la Lune et le Soleil. La Lune reflète le rayonnement du Soleil et la Terre peut lui faire écran. Une éclipse du Soleil, c'est le contraire, c'est lorsque la Lune est entre le Soleil et la Terre et cache une partie voire tout le Soleil. Une éclipse lunaire se voit donc en pleine nuit au cours d'une Pleine Lune tandis qu'une éclipse solaire se voit en plein jour au cours d'une Nouvelle Lune. Notons que s'il faut des lunettes spéciales pour regarder une éclipse solaire (des filtres aluminium pour ne pas s'abîmer les rétines), ce n'est bien sûr pas nécessaire pour une éclipse lunaire.
En fait, c'est un petit plus compliqué qu'un simple alignement car nous sommes en trois dimensions et le plan orbital de la Terre est à un angle d'environ 5° avec le plan orbital de la Lune (les trois astres ne sont pas dans le même plan). L'alignement des trois astres est donc un événement plutôt rare (pour une éclipse lunaire, environ deux fois par an, voir plus loin).
De plus, il y a deux sortes d'obscurité, l'ombre que fait la Terre sur la Lune, dans le cône duquel aucun rayon du Soleil ne peut passer, et la pénombre, entre ombre et lumière, où l'obscurité est partielle. On voit dans le schéma proposé par le site pleine-lune.org les deux régions où la Lune se retrouve respectivement dans l'ombre et dans la pénombre. L'éclipse lunaire du 18 septembre 2024 n'est pas une éclipse totale, c'est-à-dire que la Lune ne passe pas entièrement dans le cône d'ombre. On dit alors que c'est une éclipse partielle.
En fait, c'était presque décevant, car la Lune a juste frôlé le cône d'ombre, en y passant un peu mais très légèrement. Le reste était en pénombre. Les heures à Paris étaient les suivantes (en heure de Paris) : 02h41 entrée dans la pénombre ; 04h13 entrée dans l'ombre ; 04h44 maximum ; 06h16 sortie de l'ombre ; 06h47 sortie de la pénombre. Parfois, lorsque la Lune est dans l'ombre, elle peut montrer (selon la météo et les poussières) une teinte rougeâtre (que je n'ai pas vue de mon point de vue).
Malheureusement, je ne disposais pas d'un appareil photo très perfectionné et non plus d'un trépied. Néanmoins, j'ai pu capter quelques images intéressantes. L'heure indiquée est approximative (à une ou deux minutes près). Inutile de dire que c'est l'excitation de l'observation qui m'a motivé à passer une grande partie de la nuit à fixer les leds de mon réveil pour regarder le ciel aux bons moments, au risque de me rendormir. Je l'ai déjà fait plusieurs autres fois et il y a toujours un petit côté je-campe-chez-moi assez amusant (un remue-ménage nocturne qui reste en tout état de cause complètement incompréhensible pour les chats).
Entrée dans la pénombre :
Entrée dans l'ombre :
Sortie de l'ombre :
Sortie de la pénombre :
Enfin, coucher de la Lune alors que le jour allait se lever :
Le site déjà cité a répertorié les différentes prochaines éclipses de Lune en indiquant dans le tableau si elles seront visibles depuis Paris et si elles seront totales, partielles ou seulement pénombrales. Les prochaines éclipses lunaires auront lieu le 14 mars 2025 dans la matinée et le 7 septembre 2025 dans la soirée, et elles seront totales.
Pour terminer, je propose une vidéo du site américain d'astronomie Time and Date qui a diffusé en direct l'éclipse lunaire de ce jour pour ceux qui n'auraient pas pu la voir eux-mêmes (à cause du temps, à cause du sommeil, à cause de leur situation géographique, etc.).