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  • Congrès LR : les jeux sont-ils faits ?

    « Si on n’assiste pas à une bataille de projets, on aura une guerre entre deux hommes. Et ça sera forcément violent. » (un cadre LR rapporté par Quentin Laurent le 14 février 2025 sur France Inter).



     

     
     
     
     


    Jeudi 17 avril 2025 à minuit. C'était la dernière limite pour pouvoir adhérer, ou surtout, réadhérer, au parti Les Républicains pour participer à son prochain congrès qui s'avère crucial. Le vote des adhérents aura lieu les 17 et 18 mai 2025 et devra départager Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez pour la présidence de LR.

    Concrètement, la première bataille est terminée et influera sur le résultat de la vraie bataille, l'élection. La première bataille, dont on ne connaît pas vraiment le résultat si ce n'est de manière géographique (par exemple, en Vendée pour Bruno Retailleau, en Haute-Loire pour Laurent Wauquiez), c'est de pouvoir compter sur une base électorale élargie. On connaît l'histoire des congrès politiques et personne n'est dupe : on inscrit son conjoint, ses enfants, son personnel de maison, son chauffeur, etc., tout est bon pour apporter des voix ponctuellement, cela s'est toujours fait, mais après tout, ce n'est pas forcément une image déformée de la réalité : à l'élection présidentielle, il faudra tout autant mobiliser jusqu'à l'ultime électeur pour aller au bureau de vote.

    Ainsi, la bataille a eu au moins un impact avantageux pour LR, c'est, selon ses dirigeants, d'avoir redépasser le cap des 100 000 adhérents ! Pour comparaison, les écologistes n'arrivent même pas à 14 000 adhérents. Ce ne sont pas les effectifs de la période bénie de Nicolas Sarkozy (plus que 200 000), mais c'est quand même pas mal depuis la marginalisation accélérée de ce parti par les macronistes et les lepénistes amorcée en 2017.

    Certes, le combat des chefs n'a jamais été très favorable à ce parti. Rappelez-vous la quantité de rivalités qui ont ravagé ce parti et les courants dont il est originaire depuis le début de la Cinquième République : Jacques Chaban-Delmas vs Jacques Chirac ; Valéry Giscard d'Estaing vs Jacques Chirac ; Raymond Barre vs Jacques Chirac ; Jacques Chirac vs Édouard Balladur ; Philippe Séguin vs Alain Juppé ; Nicolas Sarkozy vs Dominique de Villepin ; Xavier Bertrand vs Jean-François Copé ; François Fillon vs Jean-François Copé ; Alain Juppé vs Nicolas Sarkozy ; Valérie Pécresse vs Éric Ciotti ; Éric Ciotti vs Bruno Retailleau... et maintenant, voici le match Bruno Retailleau vs Laurent Wauquiez !

     

     
     


    Le parti Les Républicains est en déshérence depuis 2017, mais néanmoins, au contraire du PS qui n'est plus qu'un parti d'élus locaux, LR a réussi à retrouver, depuis l'été 2024, le pouvoir. Et pourtant, la campagne des élections législatives de 2024 a très mal commencé puisque le président de LR a trahi ses membres en rejoignant honteusement Marine Le Pen en pensant sincèrement que le RN serait majoritaire (tant pis pour lui).

    À l'origine, depuis la nouvelle donne politique de 2024, les deux hommes sont "équivalents" : l'un était président du groupe LR au Sénat, très nombreux et très écouté, l'autre a compris, au contraire des Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Jean-François Copé, que l'avenir se jouait dans l'hémicycle et est devenu député ainsi que président du groupe LR à l'Assemblée Nationale (tous les députés LR ne souhaitaient pas vraiment qu'il soit leur président).


    À l'heure de la désignation du gouvernement de Michel Barnier, Bruno Retailleau a gagné le stratégique Ministère de l'Intérieur que convoitait aussi Laurent Wauquiez au point d'aller l'implorer auprès du numéro deux de l'Élysée.

    Soyons clairs : que ce soit Bruno Retailleau ou Laurent Wauquiez, le programme de LR ne changera pas, il restera placé sous l'influence d'une course à l'échalote du plus sécuritaire, course que ne pourra jamais gagner LR face au RN, bien mieux outillé pour dire n'importe quoi.

     

     
     


    Mais il n'y a pas qu'une rivalité de personnes. Il y a aussi une rivalité de stratégies. En juillet 2024, Laurent Wauquiez refusait l'entrée de LR au gouvernement pour ne pas se confondre ni se compromettre avec le Président Emmanuel Macron, ce qui serait, selon lui, suicidaire pour LR lors de l'élection présidentielle 2027. Au contraire, Bruno Retailleau considérait que l'absence de responsabilité gouvernementale, pour un parti de gouvernement, nuisait beaucoup à sa crédibilité, et évidemment, l'histoire a montré qu'il avait raison. Depuis septembre 2024, des ministres LR sont au travail et la visibilité de LR s'est accrue, surtout pour Bruno Retailleau qui, au moins, à l'école du sarkozysme, est sur le front médiatique matin midi et soir.

    Après la censure en décembre 2024, le nouveau Premier Ministre François Bayrou tenait absolument à le garder dans son gouvernement, tandis que Laurent Wauquiez a renoncé à mettre les mains dans le cambouis. Celui-ci aurait dit à ses collègues parlementaires le 21 décembre 2024, avant la formation du gouvernement Bayrou : « La seule configuration possible pour moi, c’était Bercy avec une feuille de route claire, notamment pas d’augmentation d’impôts. Il n’y a pas cette feuille de route. [François Bayrou] m’a proposé autre chose, j’ai décliné. » (selon "Le Figaro").

    Lorsque Bruno Retailleau a déclaré sa candidature à la présidence de LR, le 12 février 2025, Laurent Wauquiez s'est senti trahi, mais trahi par son simple imaginaire. Aucun pacte n'avait été conclu entre les deux hommes, au contraire de ce qu'il a prétendu, à savoir : à moi la présidence du parti, à toi un gros ministère. Non seulement il a été pris de court, mais en déclarant sa propre candidature le lendemain, c'est-à-dire le 13 février 2025, Laurent Wauquiez s'est retrouvé à la fois en position d'outsider mais aussi de diviseur. Il a beau jeu de dénoncer le combat des chefs, il y participe tout autant que son rival.


    Il y a, dans la rivalité, bien sûr, comme dans toute rivalité, une différence de personnalité.

    Bruno Retailleau, numéro deux de Philippe de Villiers en Vendée (au spectacle du Puy-du-Fou puis dauphin à la présidence du conseil général de Vendée), puis numéro deux de François Fillon (dauphin à la présidence du conseil régional des Pays de la Loire, et bras droit lors de la candidature de 2017), est un homme posé, calme, poli, presque intellectuel, et bien évidemment, idéologue, avec des convictions bien ancrées, et surtout une cohérence politique inattaquable, un constance politique (il ne change pas de veste ou d'idée tous les jours). Du reste, il était le plus probable Premier Ministre du seul candidat favori à l'élection présidentielle de 2017... du moins, avant "l'affaire"... Au gouvernement comme Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur, il a montré un courage indéniable, il est présent partout, au risque de dire n'importe quoi (sur l'État de droit), mais cela correspond aussi à des maladresses de débutant ; ministre, ça s'apprend.

    Par exemple, ce dimanche 27 avril 2025, Bruno Retailleau a repris à son compte les valeurs républicains lorsqu'il a condamné (évidemment) l'assassinat d'un jeune musulman dans une mosquée l'avant-veille près d'Alès : « Je suis Français, je suis très attaché à la République française. C'est la République qui nous unit tous. Nous sommes tous des enfants de la République. Être Français, être membre de la communauté nationale, ce n'est pas une question de couleur de peau, ce n'est pas une question de religion, ce n'est pas une question de conditions sociales. On est Français, un point, c'est tout. Et jamais je ne laisserai passer quoi que ce soit qui puisse trier précisément entre nos compatriotes. Je voudrais leur dire vraiment la plus totale solidarité de l'ensemble du gouvernement, du Premier Ministre, du Président de la République, de l'ensemble des ministres. Et nous nous tenons évidemment en cet instant, comme depuis vendredi, à leurs côtés. ».






    Cette déclaration qui pourrait paraître anodine a son importance afin de mettre les points sur les i. Et probablement que le sens des responsabilités l'a emporté sur toute tentation populiste.

    Laurent Wauquiez, quant à lui, est certainement un brillant garçon : normalien, agrégé d'histoire, énarque, auditeur au Conseil d'État, les anciens de la classe politique, et à commencer par l'une des grandes figures du centrisme Jacques Barrot, qui doit se retourner continuellement dans sa tombe à voir et écouter celui qu'il avait pris pour dauphin, ont beaucoup cru en lui avant même qu'il ait fait quelque chose, ce qui peut expliquer une certaine arrogance. En fait, Laurent Wauquiez, c'est l'exemple typique d'une intelligence gâchée. Un intellectuel qui se comporterait comme un voyou. Arrivisme, plus qu'ambition, hypocrisie, matraquage populiste, intimidation... En 2016, son ancien collègue du gouvernement Luc Chatel disait de lui : « Il a zéro conviction mais il bosse énormément, ce qui le rend d'autant plus dangereux ! ».

    Un faussaire qui est capable de teindre ses cheveux en blanc pour avoir l'apparence d'une personne plus âgée et donc plus expérimentée qu'il ne l'est ! Il a commencé à vraiment se faire connaître alors qu'il était Secrétaire d'État à l'Emploi et qu'il a déclaré le 8 mai 2011 sur BFMTV vouloir dénoncer les « dérives de l'assistanat » qui serait « le cancer de la société française ». Le pire a été que les journalistes ont repris sa revendication stupide de représenter une droite dite « sociale » alors qu'elle est avant tout antisociale ! Qu'importe le fond de l'idée, l'opération a fonctionné puisqu'il fallait se faire connaître.

     

     
     


    Dans "Le Parisien" le 14 décembre 2017, il venait d'être élu président de LR, Laurent Wauquiez répondait à cette critique : « Moi, je veux être là pour dire les choses, quitte à secouer. J'ai du tempérament et du dynamisme. Je ne veux pas faire une droite filet d'eau tiède! Alors qu'on me classe à la droite de la droite, ça me fait juste sourire! Sur le plan social par exemple, je ne suis pas à la droite de la droite car la défense des classes moyennes et des familles modestes est l'une de mes obsessions. Moi, je veux juste proposer un autre chemin que celui de Macron et des extrêmes, celui d'une droite républicaine qui défend ses valeurs. ». On notera les "moi, je".

    Sa dernière provocation qui ne valait pas un article d'indignation pour autant, ce fut sa proposition, dite le 8 avril 2025 sur CNews, de mettre toutes les personnes en situation irrégulière qui sont sous OQTF (obligation de quitter le territoire français) dans un centre de rétention administrative situé ...à Saint-Pierre-et-Miquelon (je ne commente pas l'idée, même le RN l'a fustigée !), cela a marché puisqu'on a encore parlé de lui ! Son argument massif, délivré le 9 avril 2025 : « Face à la cohorte de bien-pensants qui trouvent toutes les bonnes raisons pour que rien ne change, je ne me résignerai jamais à l’impuissance. ». Parmi les "bonnes raisons" se trouvent simplement les valeurs républicaines.
     

     
     


    Celui qui a déjà présidé Les Républicains du 10 décembre 2017 au 2 juin 2019 est détesté par tous ses collègues de LR, qui ont été ravis de la candidature de Bruno Retailleau : Jean-François Copé, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, etc., tous soutiennent le Ministre de l'Intérieur contre un autocrate qui n'a jamais montré un sens de l'État très affirmé.

    Qui va gagner ? La question est difficile et les courageux sondeurs se gardent bien de faire un pronostic, car ils sont capables de dire ce que penserait "l'opinion publique", mais pas ce que penseraient les nouveaux adhérents de LR convaincus qu'il faille prendre position dans ce duel.

    Bruno Retailleau est à l'évidence le plus populaire des deux, et devient même, dans les sondages, un présidentiable alors que les intentions de vote en faveur de Laurent Wauquiez plafonnent toujours de 5% à 8% (rappelons que Valérie Pécresse avait 15% des intentions de vote lors de sa désignation). Bruno Retailleau semblerait rencontrer assez peu les militants et serait présent surtout à la télévision, notamment à chaque fait-divers horrible. On a vu en 2006 au PS qu'une candidate populaire et médiatique pouvait gagner une primaire dans un parti qui ne l'appréciait guère (Ségolène Royal face à Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn).
     

     
     


    De son côté, Laurent Wauquiez fait un grand travail de fond en visitant toutes les fédérations départementales LR, pensant que le contact direct lui serait profitable. C'est d'ailleurs son principal argument : lui a le temps d'aller à la rencontre des adhérents et ne leur manque pas de respect. L'autre argument, c'est qu'il serait un président de LR indépendant de François Bayrou et d'Emmanuel Macron, puisqu'il est en dehors du gouvernement. Il oublie de dire qu'il a pleuré devant l'Élysée pour avoir l'Intérieur en septembre 2024 et qu'il voulait l'Économie et les Finances en décembre 2024.

    Bruno Retailleau sait aussi réagir avec vaillance et esprit de répartie. Ainsi, lorsque Laurent Wauquiez a piqué sa colère à la candidature du Ministre de l'Intérieur, ce dernier lui a répondu : « Quand on est de droite, on ne doit pas avoir peur de la compétition. ». C'est vrai que Laurent Wauquiez pensait que redevenir président de LR serait une simple formalité pour lui. Il oublie aussi que celui qui a été élu le 11 décembre 2022 à la présidence de LR contre Bruno Retailleau, c'était Éric Ciotti, qui assurait le soutenir pour l'élection présidentielle de 2027, et qui maintenant bosse manifestement pour Marine Le Pen avec les mêmes réflexes populistes. Laurent Wauquiez ne serait-il qu'un Ciotti bis ?

    Pendant ces deux mois de campagne (celle qui vise à faire adhérer ses sympathisants), les deux candidats ont bombardé d'emails leurs fichiers d'adhérents ou d'anciens adhérents.

    Ainsi, Laurent Wauquiez précisait le 1er mars 2025 : « En juin dernier, je me suis engagé dans la bataille des législatives pour sauver notre mouvement de la disparition. Depuis six mois, une dynamique collective est à l’œuvre. Avec nos adhérents, nos élus locaux, nos parlementaires, nos ministres pleinement engagés au gouvernement et la mission de refondation que je conduis pour notre mouvement. Cette complémentarité fait notre force et je veux la préserver. Après cinq ans de socialisme et bientôt dix ans de macronisme, notre pays a besoin d’un projet de rupture avec l’impuissance. Notre famille politique peut l’incarner. Elle doit l’incarner. C’est ce que je vous propose de bâtir ensemble. C’est pour cela que je suis candidat à la présidence de notre mouvement. Dans le prolongement naturel du travail d’équipe que nous avons engagé, je consacre toute mon énergie à relever la droite, dans une complète indépendance vis-à-vis de François Bayrou et d’Emmanuel Macron. ». Il a même fait valoir sa position de s'opposer à la désignation de Richard Ferrand comme membre du Conseil Constitutionnel, opposition inefficace en raison de l'indifférence des députés RN !

    Faute d'être populaire, et convenant après coup que la candidature de Bruno Retailleau avait toute sa légitimité, il a fait, le 20 mars 2025, dix propositions, dont la première  : « Additionner les talents : je proposerai à Bruno Retailleau d’être le premier vice-président de notre mouvement. ». La deuxième proposition est également politicienne : « Pas de primaires qui ne sont qu’une machine à diviser et à perdre : le mode de désignation de notre candidat à la présidentielle, ce seront aux adhérents de le trancher. ». Et il a terminé ainsi : « Président des Républicains, j'irai surtout à votre rencontre. Je sillonnerai toutes nos fédérations, de la plus petite à la plus grande. Comme je l’ai toujours fait et comme je le fais en ce moment même. ».

     

     
     


    Comme sa campagne ne prenait pas, l'équipe de Laurent Wauquiez en a remis une couche le 4 avril 2025 à coup de dix, cette fois-ci des qualités du candidat. Je les cite : « c'est un fidèle, un gagnant, un visionnaire, un courageux, un leader, un homme libre, un rassembleur, un militant, un audacieux, et un marathonien » ! Un vrai marathonien, ça, c'est de l'argumentation politique, car Laurent Wauquiez allait participer au marathon de Paris le 13 avril 2025 !

    Soutenu par un ancien président de LR Christian Jacob, Laurent Wauquiez a réitéré le 14 avril 2025 sa proposition de partenariat avec son rival : « C’est en rompant avec le macronisme que nous tracerons le chemin du sursaut français. Je vous propose donc un duo avec Bruno Retailleau : lui pleinement engagé au Ministère de l’Intérieur, moi pleinement engagé dans la refondation de notre mouvement. Et dans un an, nous choisirons notre candidat à la présidentielle. ».

    Bruno Retailleau non plus n'a pas été avare en messages aux sympathisants, mais il a préféré surtout publié un livre de ses premiers discours, une sorte de bilan de ses six premiers mois place Beauvau. Le 17 mars 2025, il justifiait ainsi sa prise de responsabilité au gouvernement : « Dès mon entrée au gouvernement, j’ai choisi d’agir vite et nous commençons à obtenir de premiers résultats. (…) Bien sûr ma tâche est difficile, parce qu’il n’existe pas de majorité et qu’il me faut souvent affronter les immobilismes, les conformismes. Mais j’ai choisi d’agir, pas de subir, de m’engager, pas de me protéger. C’est mon tempérament, et c’est aussi mon devoir : compte tenu de l’ampleur des désordres, tout ce qui peut aller dans le sens d’une plus grande fermeté doit être entrepris. Je me suis promis que pour protéger les Français, je tenterai tout et je ne lâcherai rien. C’est ce que je fais. ».


    Le 24 mars 2025, alors que le sujet a été mis en avant par les partisans de Laurent Wauquiez, opposés à une primaire ouverte pour la prochaine élection présidentielle, Bruno Retailleau a annoncé qu'il laisserait le choix aux adhérents : « Ce sont les militants qui décideront démocratiquement comment le désigner. Car nous les consulterons. S'ils ne veulent pas de primaire, alors il n'y aura pas de primaire. Dans un parti moderne, il n'est pas question qu'un sujet aussi important soit décidé par quelques élus dans un bureau politique. ».
     

     
     


    Ce qui a trompé Laurent Wauquiez dans son analyse de la situation, c'est que le ministre Bruno Retailleau se déplace beaucoup pour son travail de ministre, certes, mais à chaque déplacement, il fait aussi une rencontre de militants LR, si bien qu'il rencontre lui aussi beaucoup d'adhérents. Il a d'ailleurs déposé 70% des parrainages déposés par l'ensemble des candidats, soit 2 235, ainsi que 92 parrainages de parlementaires (pour Laurent Wauquiez, 997 parrainages et 44 parlementaires). En outre, par une tribune publiée le 22 mars 2025 dans "Valeurs actuelles", qui explique notamment : « Bruno Retailleau incarne une droite fière, enracinée, qui ne transige pas. Ni les vents contraires ni les modes ne l’ont jamais forcé à abdiquer ses convictions et ses engagements : la liberté d’entreprendre, la défense de l’autorité, la promotion du mérite, la préservation de notre identité. Dans un paysage politique marqué par les renoncements et les calculs opportunistes, il a toujours su rester fidèle à ses principes. », il a reçu le soutien de 1 000 jeunes membres de LR, c'est beaucoup.
     

     
     


    Ce qui a conduit Bruno Retailleau à dire le 30 mars 2025 : « Je crois que nous avons suscité une véritable dynamique. Partout où je me rends, les militants sont présents, nombreux, ce qui me touche profondément, car je connais leur courage, eux qui sont restés fidèles à nos convictions, jusqu’au bout. Dans mes réunions publiques, je rencontre aussi beaucoup d’électeurs qui nous ont quittés, mais qui désormais prêtent l’oreille à ce que dit la droite, qui souvent se retrouvent dans la politique de fermeté que je porte. Je suis convaincu que nous avons aujourd’hui une opportunité historique, qu’il ne faut pas rater : refaire un grand mouvement de droite qui rassemble tous ces électeurs aujourd’hui dispersés, mais qui pourtant partagent les mêmes idées d’autorité, de liberté et de fierté française. ».

    Bien entendu, Bruno Retailleau use et abuse des mêmes simplismes que son concurrent et laboure dans le même positionnement idéologique. C'est très clair lorsqu'il a affirmé le 15 avril 2025 : « J’ai fait un choix : me battre. Me battre pour qu’enfin la droite marche la tête haute, sans céder à la pensée unique. Me battre pour qu’enfin la droite parle vrai, sur tous les sujets. La droite fière et sincère : c’est ce que je veux que mon parti incarne, pour renouer avec la confiance des Français qui nous ont quittés. Ma plus grande fierté dans cette campagne interne, c’est d’être parvenu à susciter une espérance parmi tous ces électeurs déçus. ».

    Dès le début de cette campagne interne, Bruno Retailleau avait annoncé qu'il refuserait tout débat contradictoire public avec Laurent Wauquiez. Il a eu raison, car malgré les propositions transgressives de son adversaire, c'est Bruno Retailleau qui a donné les sujets de campagne par sa participation gouvernementale, présent sur tous les fronts et encore ce dimanche 27 avril 2027 à Alès pour évoquer l'assassinat dans une mosquée, l'occasion de ne pas faire simplement une chasse aux islamistes, mais à tous les sauvageons, de quelque bord que ce soit.

    À l'évidence, Bruno Retailleau est le favori, plus par son tempérament cohérent et calme et par le caractère autoritaire de son rival que par le bilan de son action gouvernementale. Somme toute, son vrai bilan, c'est celui du ministère de la parole. Mais de cela, on pouvait l'imaginer dès le début.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Congrès LR : les jeux sont-ils faits ?
    De Gaulle.
    Philippe Bas.
    Xavier Bertrand.
    Bruno Retailleau.
    Nicolas Sarkozy.
    Jean-Louis Debré.
    Claude Malhuret.
    Philippe De Gaulle.
    François-Xavier Ortoli.
    Alain Juppé.

    Jean Tiberi.
    Édouard Philippe.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
    Yvon Bourges.
    Christian Poncelet.
    René Capitant.
    Patrick Devedjian.

     

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250417-congres-lr.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/congres-lr-les-jeux-sont-ils-faits-260550

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/17/article-sr-20250417-congres-lr.html


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  • LR : Bruno Retailleau lance l'offensive !

    « La politique de la majorité nationale, avec trois priorités, vous les retiendrez facilement. La première, rétablir l'ordre. La deuxième, rétablir l'ordre. La troisième, rétablir l'ordre. Parce que je crois à l'ordre, l'ordre comme condition de la liberté. Quand il n'y a pas d'ordre, c'est la liberté d'abord qui est menacée. Je crois à l'ordre comme la condition de l'égalité. La loi du plus fort s'exerce contre le plus faible. Je crois à l'ordre comme la condition de la fraternité, comme une possibilité de la concorde civile. » (Bruno Retailleau, le 23 septembre 2024, Place Beauvau).




     

     
     


    S'il y a bien eu une révélation politique depuis le début de la XVIIe législature, celle qui a suivi la dissolution de l'Assemblée, c'est bien Bruno Retailleau, nommé Ministre de l'Intérieur le 23 septembre 2024 dans le gouvernement Barnier et confirmé le 23 décembre 2024 par François Bayrou comme Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur.

    Considéré comme un représentant de l'aile droite de son parti Les Républicains, avec son petit air anachronique de vieux conservateur, l'ancien président du puissant groupe LR au Sénat s'est distingué des autres nouveaux ministres par sa personnalité et son dynamisme. Sans doute le seul nom connu des Français parmi les ministres qui ont siégé aux côtés de Michel Barnier, il a rejoint les poids lourds de la politique dans le gouvernement Bayrou aux côtés d'anciens Premiers Ministres.

    La classe politico-médiatique a certainement sous-estimé les possibilités de Bruno Retailleau, qui a fait ses débuts auprès du seigneur de la Vendée, Philippe de Villiers. Pourtant, François Fillon, devenu le candidat incontournable de LR à l'élection présidentielle de 2017, donné même le favori des sondages avant "son affaire", avait largement laissé entendre qu'il nommerait à Matignon ce sénateur, clair dans des positions clivantes mais courtois dans ses relations.

    Il avait surpris certains Français lorsqu'il s'était présenté contre Éric Ciotti à la présidence de LR en décembre 2022 (et contre Aurélien Pradié). À l'époque, personne n'imaginait qu'Éric Ciotti allait trahir son parti pour se vendre au RN, mais les grands élus avaient soutenu Bruno Retailleau qui rassurait et était capable d'unité. Éric Ciotti, très apprécié des militants LR, a finalement été élu, ce qui a mis LR dans la mouise après la dissolution.

    Au contraire de Laurent Wauquiez, pourtant revenu à l'Assemblée en prenant même la présidence du groupe LR, Bruno Retailleau a accepté de prendre ses responsabilités et de devenir ministre même si c'était dans un contexte politique très difficile (sans majorité absolue). Il a fait preuve de courage pendant que l'ancien président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes a préféré se planquer dans le confortable rôle d'observateur.





    Les premières déclarations de Bruno Retailleau lors de son installation au Ministère de l'Intérieur, en répétant trois fois "ordre", semblaient des incantations au dieu sécuritaire et m'ont fait évidemment penser à Louis de Funès, dans l'excellent film "La Zizanie" de Claude Zidi (sorti le 16 mars 1978), maire et patron en confrontation avec Annie Girardot, sa femme maltraitée, lorsqu'il évoque son programme : « Mon programme, trois points : premièrement, le plein emploi ; deuxièmement, le plein emploi ; et troisièmement, le plein emploi ! ».





    Ses débuts Place Beauvau ont été chaotiques, avec des déclarations intempestives (comme vouloir renoncer à l'État de droit, le dire est une profonde erreur quand on est membre d'un gouvernement), mais à la longue, il était à peu près le seul ministre du gouvernement Barnier à être visible, lisible, audible, à remuer ciel et terre pour renforcer la sécurité des citoyens. Le contraste avec son collègue de la Justice, Didier Migaud, était frappant, moins depuis que Gérald Darmanin s'est installé Place Vendôme. Les deux hommes semblent désormais entrer dans une saine émulation, dans une saine concurrence à celui qui en fera le plus.
     

     
     


    Pour François Bayrou, très occupé jusqu'à maintenant sur les questions budgétaires, il laisse ses deux ministres s'occuper du régalien. Parfois, François Bayrou remet le débat en route, comme le vendredi 7 février 2025 sur RMC en proposant imprudemment d'ouvrir un large débat public sur ce que signifie être Français, qui n'est d'ailleurs pas sans faire penser à un autre débat ouvert tout aussi imprudemment en 2009 par un ancien grand rival, Nicolas Sarkozy, sur l'identité nationale.

    Depuis près de cinq mois, son activisme lui a plutôt réussi : il semble de plus en plus apprécié par les sondés dans les enquêtes d'opinion, et on pense désormais à lui comme possible candidat LR à l'élection présidentielle.
     

     
     


    Présent sur de nombreux fronts, dans les médias et sur le terrain, à l'Assemblée et au Sénat également, Bruno Retailleau était l'invité ce mercredi 12 février 2025 dans la matinale de France Inter où il a refusé d'exprimer ses intentions pour le prochain congrès de LR, un congrès de la refondation. Laurent Wauquiez, inquiet de la tournure des événements, avait envoyé il y a quelques jours une première salve d'avertissements contre son ancien ami pour rappeler un deal qui n'a pourtant jamais eu lieu : à moi le parti, à toi le gouvernement !

    C'est à peine une ou deux heures après son interview sur France Inter qu'a été rendue publique la lettre que Bruno Retailleau a envoyée à tous les adhérents de LR : « J'ai décidé de me porter candidat à la présidence des Républicains. (…) Je veux faire pour mon parti ce que je fais à la tête de mon ministère : parler vrai et agir vite. ». Au moins, cela a le mérite d'être clair.

    "L'entourage" de Laurent Wauquiez, également candidat à la présidence de LR (qu'il avait quittée en 2019), a répliqué immédiatement à l'AFP en affirmant que le Ministre de l'Intérieur « prend la lourde responsabilité d'ouvrir une guerre des chefs ». Comme si la présidence de LR était une chasse gardée !
     

     
     


    Ce qui est surprenant, c'est que Laurent Wauquiez croit qu'il se place au même niveau que Bruno Retailleau dans une éventuelle course présidentielle. Et pourtant, il n'y a pas photo ! Laurent Wauquiez n'est pas apprécié des Français, et aucun frémissement n'a jamais eu lieu depuis toujours à son avantage, même il y a quinze ans. Parmi les handicaps qu'on lui colle à la peau, il y a celui de l'insincérité qui contraste réellement avec la sincérité de Bruno Retailleau qui n'a jamais eu d'arrière-pensée car il a toujours dit ce qu'il pensait et depuis cinq mois, il tente de faire ce qu'il disait (ce qui est beaucoup moins facile). Bruno Retailleau, au pire, on critiquera son impuissance, mais certainement pas son insincérité.

    On ne s'étonnera pas que beaucoup d'anciens dirigeants de LR vont soutenir Bruno Retailleau, et parmi les premiers, un ancien président de l'UMP, Jean-François Copé, replié dans "sa" ville de Meaux, qui voit en Bruno Retailleau le candidat idéal non seulement à la présidence de LR mais aussi à la Présidence de la République. Son avantage, c'est qu'il capte un électorat tenté par le RN. Remettre Laurent Wauquiez à la tête de LR serait d'ailleurs le meilleur moyen de transformer ce grand parti d'élus (encore) en une secte crépusculaire. Si ce dernier ne veut pas de guerre des chefs, il y a une solution très simple, il lui suffit de s'effacer derrière Bruno Retailleau.
     

     
     


    De toute façon, il y a des trains à ne pas rater. Aujourd'hui, il y a un moment Retailleau, et le principal concerné en est bien conscient. Pour François Bayrou, cela lui permet de renforcer la solidarité gouvernementale. L'objectif du Premier Ministre, lorsqu'il a constitué son gouvernement, c'était d'impliquer tous les chefs de parti pour éviter le désordre entre les partis gouvernementaux qui avait pourri l'action du gouvernement Barnier. Et puis, il faut bien le dire, Bruno Retailleau, c'est le seul dirigeant de LR qui reste encore audible par les Français. Les autres ont fait leur temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'analyse de Bruno Retailleau après les élections de 2024.
    Le candidat de l'unité ?
    Bruno Retailleau.
    Jean Tiberi.
    Édouard Philippe.
    Nicolas Sarkozy.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
    Yvon Bourges.
    Christian Poncelet.
    René Capitant.
    Patrick Devedjian.

     


     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250212-retailleau.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/lr-bruno-retailleau-lance-l-259265

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/12/article-sr-20250212-retailleau.html



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  • Terre de désolation

    « Le bilan humain, encore très provisoire et difficile à établir, s’annonce particulièrement lourd. Nous pensons aujourd’hui à chacune des victimes, à leurs familles, à tous ceux qui sont dans l’angoisse et sans nouvelles de leurs proches. Des villages entiers ont été anéantis, des milliers de foyers ont perdu leur toit et des infrastructures essentielles ont été gravement endommagées, rendant souvent impossible l’accès à l’eau, à l’électricité ou aux soins. Mayotte est aujourd’hui dévastée. » (Yaël Braun-Pivet, le 16 décembre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Une minute de silence ce lundi 16 décembre 2024, au début de l'unique séance publique qui s'est tenue à l'Assemblée Nationale depuis l'adoption de la motion de censure contre le gouvernement Barnier, proposée par Yaël Braun-Pivet, la Présidente de l'Assemblée Nationale. Toute la Nation est sidérée par ce qui se passe chez nos compatriotes mahorais.

    En effet, l'île de Mayotte a été complètement dévastée par le passage du cyclone Chido ce samedi 14 décembre 2024. 70% des 320 000 habitants de ce département français, le plus pauvre de France, ont été touchés durement. Les premiers bilans, qui font état de 22 victimes tuées et 1 400 blessés, ne traduisent pas l'horreur de cette nouvelle terre de désolation : les victimes, probablement, se compteraient plutôt par centaines, voire par milliers.

    Mayotte a une superficie si petite que la probabilité pour qu'un cyclone dévastateur telle que celui-là passe sur l'île est extrêmement faible. Mais pas nulle. Il n'y avait pas eu à Mayotte un tel événement climatique depuis 1934. Des vents de 226 kilomètres par heure, de la forte pluie, de la grande houle sur les côtes. Ce sont les courants chauds qui ont renforcé la brutalité du cyclone. Toutefois, le lien entre l'incroyable force de ce cyclone et le réchauffement climatique n'est pas, à cette heure, encore bien établi même s'il semble prévisible que des événements aussi violents seront de plus en plus fréquents à l'avenir.


    Avant le cyclone, le territoire était déjà dans une situation très difficile, l'unique hôpital, l'eau potable qui manque, le manque de médecins, les risques d'épidémie récurrents (le dernier cas de choléra le 12 juin dernier). Après le cyclone, tout a été détruit par la force des éléments. L'aéroport n'est plus praticable, autrement qu'en plein jour en raison de la destruction de la tour de contrôle, ce qui empêche l'arrivée massive des avions de secours et de sécurité. Plus grave encore, l'hôpital est détruit alors qu'il y a urgence sanitaire.
     

     
     


    Ce qui a été sans doute le plus grave, ce sont les bidonvilles, ces logements précaires composés de tôles qui ont été totalement détruits. 20 000 personnes, principalement des étrangers en situation irrégulière, y habitaient et seulement 5 000 d'entre eux ont rejoint des refuges en dur selon les recommandations des autorités. Une rumeur a même couru que c'était un piège pour expulser les étrangers clandestins et beaucoup, à cause de cela, n'ont pas osé quitter leur logement. Mortelle rumeur. Les logements en dur ont été aussi fortement touchés.

    Les vues d'avion de l'île sont apocalyptiques. On évoque déjà plus d'un milliard d'euros de dégâts matériels, mais le plus urgent est de retrouver les personnes blessées coincées sous les gravats, la boue, et de trouver de quoi fournir suffisamment d'eau potable et de nourriture. Absence d'électricité, des réseaux de communication pour beaucoup de monde. Risque de crise sanitaire, de famine. L'horreur totale.

    J'exprime bien sûr toute ma compassion pour les Mahorais et encourage vivement à leur venir en aide d'une manière ou d'une autre (d'abord par des dons). Certains évoquent les dons pour reconstruire Notre-Dame de Paris et disent : il faut maintenant reconstruire Mayotte ! Mais avant tout, il faut mettre tout en œuvre pour secourir les personnes en danger de mort, les disparues comme les retrouvées.





    Face à cette catastrophe humanitaire durable, des considérations politiques semblent aujourd'hui misérables, et pourtant, on ne peut pas s'empêcher de voir la réaction des uns et des autres face au drame. Une telle crise humanitaire est exceptionnelle et vient s'entrechoquer à la crise gouvernementale.

    La palme de la honte sera probablement attribuée à Jean-Luc Mélenchon qui n'a pas eu un mot de compassion pour les Mahorais pour tomber dans son dénigrement politicien habituel. Dès le 14 décembre 2024, le papy sniper a tiré à vue sur Twitter, reprochant au gouvernement (démissionnaire) de ne pas avoir stoppé le cyclone et de n'avoir rien prévu pour le stopper.

     

     
     


    La députée de la première circonscription de Mayotte, Estelle Youssouffa (du groupe LIOT), en a été franchement écœurée le 15 décembre 2024 : « Mayotte n'a même pas encore compté ses morts que les charognes sont déjà à l'œuvre... Honte à vous Jean-Luc Mélenchon qui n'avez pas un mot de compassion sincère pour la population mais seulement la bave du rapace avide de pouvoir. ».

    La veille déjà, elle avait rappelé l'amendement des insoumis du 18 janvier 2024 sur le projet d'accélération et simplification de la rénovation de l'habitat dégradé qui refusait la destruction des habitations insalubres : « Comme si un cyclone n'est pas suffisant, Mayotte doit aussi subir l'hypocrisie de Jean-Luc Melenchon et LFI qui s'étaient opposés à la destruction des bidonvilles qui sont aujourd'hui des cimetières. En défendant les habitats insalubres, vous avez creusé des tombes. ».
     

     
     
     
     



    L'opération Wuambushu, déclenchée à partir du 24 avril 2023 et pendant plusieurs semaines, avait pour but d'expulser les étrangers en situation irrégulière, de détruire les bidonvilles et lutter contre la criminalité à Mayotte. Mais ce fut un échec. À l'époque, Jean-Luc Mélenchon et sa clique d'excités insoumis s'étaient violemment opposés à la destruction des bidonvilles. Or, aujourd'hui, force est de reconnaître que les pouvoirs publics avaient raison de vouloir les détruire. Le cyclone aurait eu moins de conséquences sur les vies humaines si l'opération avait été réussie.
     

     
     


    Il est des situations où la fermeté sur l'immigration clandestine renforce aussi la sécurité et la protection des personnes concernées. Avoir voulu les maintenir dans des bidonvilles était une mauvaise idée. Faute de logements salubres, les expulsions étaient la seule solution humaine au problème humain qu'était cette forte immigration illégale.

    En revanche, la personnalité politique qui s'est bien démenée depuis dimanche est sans contestation le Ministre de l'Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau qui, en déplacement sur l'île lundi avec le Ministre des Outre-mer François-Noël Buffet, a semblé en état de sidération face à un territoire si totalement dévasté. Il a rappelé que l'État avait anticipé les conséquences du cyclone et qu'une réunion de crise avait été tenue le vendredi 13 décembre 2024 dans la matinée pour activer les systèmes d'alerte.
     

     
     


    Quant au Premier Ministre François Bayrou, qui a présidé la première cellule de crise au Ministère de l'Intérieur, il doit former le nouveau gouvernement, il était en pleine consultation pour les deux premiers jours de la semaine. Mais on lui reprochera de ne pas avoir annulé et reporté le conseil municipal de Pau du lundi 16 décembre 2024, qu'il a présidé après avoir assisté en visioconférence à la réunion de crise présidée par Emmanuel Macron (qui a annoncé qu'il se rendrait sur l'île et décréterait un deuil national), mais surtout de ne pas s'être déplacé immédiatement à Mayotte pour exprimer aux Mahorais la solidarité de toute la Nation.
     

     
     


    Bien sûr que le déplacement d'officiels sur les lieux de catastrophe crée plus de problème de sécurité qu'autre chose, mais la population a besoin aussi de sentir qu'elle n'est pas abandonnée par les autorités. La solidarité nationale doit s'incarner et le chef du gouvernement y a toute sa place. On lui reprochera longtemps cette maladresse qui pourrait être perçue comme une absence de considération, c'est dommage.

    Ce n'est pas l'heure des comptes, encore, car les urgences humanitaires doivent focaliser toutes les énergies, mais il est certain que l'État n'a pas investi suffisamment à Mayotte pour offrir à ses habitants le même mode de vie que dans les autres départements français. Rappelons que les Mahorais avaient souhaité, par référendum du 8 février 1976, à plus de 99,4% des voix avec 83,3% de participation, au contraire des autres îles des Comores, se maintenir au sein de la République française et que celle-ci ne pouvait qu'accepter cette volonté manifeste de Mayotte. Les Mahorais ont approuvé aussi par référendum du 29 mars 2009, la départementalisation de Mayotte, à plus de 95,2% des voix avec 61,4% de participation.


    Je reviendrai dans un autre article, plus tard, sur un rapport parlementaire publié récemment qui, justement, pointait du doigt les risques à Mayotte en cas de catastrophe météorologique majeure. Hélas, peut-être qu'il n'a pas été assez lu...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (16 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Terre de désolation.
    Séismes en Afghanistan : "plus de 1 000 victimes" près d'Hérat.
    Inondations en Libye : la ville de Derna dévastée.
    Séisme au Maroc.
    Fukushima, dix ans après.
    Apocalypse à la Toussaint ?
    Haïti, cauchemars et espoirs.
    Erika (12 décembre 1999).
    Le tsunami des Célèbes (28 septembre 2018).
    Le tremblement de terre à Haïti (12 janvier 2010).
    L'incendie de Notre-Dame de Paris (15 avril 2019).
    Le syndrome de Hiroshima.
    Amoco Cadiz (16 mars 1978).
    Tchernobyl (1986).
    AZF (21 septembre 2001).
    Fukushima (11 mars 2011).

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241214-mayotte-chido.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/terre-de-desolation-258185

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/15/article-sr-20241214-mayotte-chido.html



     

  • Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !

    « Je voudrais rappeler que le Sénat, donc chacune et chacun d’entre nous, a une responsabilité particulière de préservation des institutions et de protection des libertés dans la période qui s’ouvre. Je veillerai à ce que notre assemblée exerce ses prérogatives en toute indépendance et avec responsabilité, qu’il s’agisse de ses compétences en matière législative ou de ses pouvoirs de contrôle. » (Gérard Larcher, le 18 juillet 2024 au Sénat).



     

     
     


    L'ouverture de la XVIIe législature n'a pas seulement concerné les députés de l'Assemblée Nationale, mais aussi les sénateurs du Sénat (renouvelé en septembre 2023). En effet, en raison de la dissolution puis des élections législatives anticipées (et en l'absence d'une session ordinaire), une session parlementaire extraordinaire est obligatoirement provoquée pour installer la nouvelle Assemblée Nationale à partir du deuxième jeudi suivant le second tour (troisième alinéa de l'article 12 de la Constitution), soit le jeudi 18 juillet 2024, pour une durée de quinze jours (jusqu'au 1er août 2024 inclus). Autant que l'Assemblée, le Sénat devait donc se réunir le même jour. En conférence des présidents pour fixer l'ordre du jour, vide a priori, il a été donc décidé de faire un débat parlementaire sur la situation politique (un représentant de chaque groupe politique prenant la parole dans l'ordre décroissant de l'importance des groupes) et de ne plus se réunir jusqu'à la fin de cette session spéciale sauf en cas de nécessité.

    C'était la teneur du message du Président du Sénat Gérard Larcher ce jeudi 18 juillet 2024 à 15 heures 30 : « Mes chers collègues, la conférence des présidents s’est réunie tout à l’heure, en l’absence du gouvernement, démissionnaire. Elle n’a donc pas fixé d’ordre du jour pour la session de droit. (…) Nous attendrons la désignation du nouveau gouvernement de plein exercice pour fixer le calendrier des semaines du premier trimestre de la session. ».

    Et de proposer ainsi un débat contradictoire : « Mes chers collègues, compte tenu du contexte, la conférence des présidents a décidé d’organiser un temps d’expression des groupes sur la situation politique, en prévoyant l’intervention d’un orateur par groupe et d’un représentant des sénateurs n’appartenant à aucun groupe. ».


    Comme déjà lors de la législature précédente (2022-2024), puisque aucune majorité absolue n'avait (déjà) été observée à l'Assemblée Nationale, les sénateurs ont effectivement un rôle important de gardiens de la stabilité institutionnelle et de facilitateurs du processus législatif dès lors qu'aucune majorité, même relative, n'est connue à ce jour au sein des députés.

    Je propose ainsi un petit aperçu des orateurs des principaux groupes politiques du Sénat sur la situation politique de la France à l'issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024. On ne s'étonnera évidemment pas que les partis d'opposition s'opposent au Président Emmanuel Macron, parfois avec des arguments assez peu constructifs et souvent stériles.

     

     
     


    Premier à parler en raison de l'importance de son groupe, Bruno Retailleau, président du groupe LR, a largement fustigé la responsabilité du Président de la République dans cette situation surréaliste et impossible : « L’exercice auquel nous allons nous livrer cette après-midi témoigne d’un grand désordre : il n’y a pas de majorité à l’Assemblée Nationale ; il n’y a pas de Premier Ministre ; il n’y a pas de ministre au banc du gouvernement, qui reste vide ; il y a seulement un gouvernement démissionnaire, qui est chargé d’expédier les affaires courantes. À mon sens, ce grand désordre est à l’image de la voie sans issue dans laquelle le Président Macron a conduit le pays. ».

    Pour lui, deux causes à cette impasse. D'une part, Emmanuel Macron : « Quelques mois après la première élection de M. Macron à la Présidence de la République en 2017, j’avais écrit dans une tribune que le macronisme était non pas un hypercentrisme, mais un égocentrisme. Comment comprendre la dissolution en dehors de cette analyse ? Comment expliquer cette inexplicable décision sans tenir compte de cet élément ? Bien entendu, personne ne s’y attendait : le Général De Gaulle disait qu’une dissolution était faite pour résoudre une crise, non pour en provoquer une… ».

    Ainsi, le Président est devenu le « grand ordonnateur du front républicain. Ce dernier cependant ne règle rien pour l’avenir, car un rejet n’est pas un projet. Fort heureusement, les Français ont clairement indiqué qu’ils ne faisaient pas confiance au Rassemblement national pour gouverner la France. Toutefois (…), on aurait tort de balayer d’un revers de main les angoisses et les attentes exprimées par des millions de Français, notamment au premier tour des élections législatives. ».


    D'autre part, le tripartisme « constitué par un bloc central et deux ailes radicales » : « Le tripartisme est un poison, tant pour la démocratie, parce qu’il sous-entend qu’il n’y a d’autre alternance que radicale, que pour la Ve République, qui est conçue pour le fait majoritaire. En effet, lorsque le paysage politique est divisé en trois, il n’y a pas de majorité. Aujourd’hui, il n’y a plus de majorité : la démocratie est comme placée en pause et la République est sous la pression de M. Mélenchon, dont les affidés appellent à marcher sur Matignon et dont les supplétifs voudraient que l’on place aujourd’hui l’Assemblée Nationale sous surveillance. Est-ce acceptable ? Bien sûr que non ! ».

    Conformément à son origine gaulliste, Bruno Retailleau attendrait donc tout du Président : « Le Président de la République reste la clef de voûte de nos institutions. Il doit désormais formuler des propositions pour sortir du chaos. Il détient les clefs institutionnelles, au moins certaines d’entre elles. Que peut-il faire ? Certainement pas nommer un Premier Ministre issu des Insoumis, qui, je le répète à cette tribune, se sont par eux-mêmes retranchés de l’arc républicain, en défendant un antisionisme qui est malheureusement parfois le masque peu convenable de l’antisémitisme ou en méprisant les institutions, notamment en prônant la "haine des flics" et la désobéissance civile, c’est-à-dire rien d’autre que l’appel à désobéir à la loi que nous votons ! Ils expriment également une fascination pour la violence, théorisée par Chantal Mouffe. Je cite M. Mélenchon : "Il faut faire d’un peuple révolté un peuple révolutionnaire". Or nous savons ce que donnent les révolutions : la guerre civile ! (…) Je ne confonds pas cette gauche-là avec la gauche républicaine qui siège au Sénat. Je sais parfaitement que celle-ci a la République chevillée au corps. ».


    Ces deux dernières phrases pourraient laisser entendre que le groupe LR au Sénat serait favorable à une grande coalition allant du PS à LR, mais ce n'est pas le cas : « Je ne crois pas à une grande coalition. Une grande coalition, c’est le mariage des contraires, c’est la parousie du "en même temps". Il me semble au contraire que c’est dans la clarté que nous devons travailler pour la France. En revanche, dans ces moments, il faut en revenir aux grandes leçons de l’histoire. Quand la politique est affaiblie comme aujourd’hui et qu’elle se révèle incapable de tenir les rênes de l’État ou le destin des Français, il faut parfois sortir de la logique des partis. ».

    Son esquisse de solution serait la nomination d'un gouvernement de techniciens : « Quelques évidences s’imposent. La première, c’est que selon la Constitution de la Ve République, la nomination du Premier Ministre revient non pas aux partis, mais au Président de la République. Deuxième évidence : j’ai proposé de décaler le point de vue. Plutôt que de choisir un profil parmi les partis politiques, il vaudrait sans doute mieux désigner une personnalité non seulement technique ou issue de la société civile, mais qui, par son aura et sa stature, ait le sens de l’État et connaisse bien ses rouages. J’ai proposé que cette personne ait fait autre chose qu’un bref passage dans l’administration et qu’elle ait l’intérêt général chevillé au corps. Les candidats ayant ce type de profil existent. ».


    Pour quoi faire ? Quelques actes forts : « Nous pourrions nous mettre d’accord, mes chers collègues, sur un agenda législatif, car il nous faut éviter le chaos pour la France, y compris en matière financière. Le premier acte législatif, ce sera le budget. Or, en cas de crise financière, ce ne sont pas les plus riches qui souffrent le plus. Au contraire, en général, ce sont les plus modestes ! Il existe donc un passage. Il appartiendra au Président de la République de l’emprunter. ».

    Le dernier point du discours de Bruno Retailleau, c'était pour redire l'importance du Sénat en cette période troublée : « Au milieu de ce champ de ruines se tient le Sénat. La Haute Assemblée est debout (…) et constitue un amer, un repère, un pôle de stabilité (…). Soyons, mes chers collègues, la chambre de la démocratie du grand jour et non celle de la démocratie des combinaisons d’arrière-couloir ou des manigances d’arrière-boutique. (…) L’Assemblée Nationale pourra dire non, mais jamais elle ne pourra dire oui. Seul le Sénat dispose d’une majorité permettant de faire peut-être passer des textes. Au milieu de cette agitation et de cette confusion, le Sénat dans son ensemble (…) devra incarner ce qui manque peut-être actuellement le plus à notre pays : la force de l’équilibre, la puissance de la stabilité, mais aussi la voix de la raison. ».

     

     
     


    Le deuxième orateur était l'ancien ministre Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat. Lui non plus n'a pas mâché ses mots contre Emmanuel Macron : « Outre une débâcle électorale pour le camp présidentiel, c’est un véritable chaos démocratique dans lequel nous avons été plongés le 9 juin dernier, par le caprice vengeur d’un homme vexé. Le "maître des horloges" est devenu un enfant roi qui a cassé son jouet, la République. Rien d’étonnant, me direz-vous. C’est ce même Président de la République qui a voulu enjamber l’élection présidentielle en 2022 et escamoter les élections législatives qui ont suivi. C’est le même qui a brutalisé les institutions du pays et qui a voulu les contourner avec des gadgets improductifs : le fameux grand débat, les conventions citoyennes, le Conseil national de la refondation (CNR) ou encore les rencontres de Saint-Denis… Tout cela au lieu d’écouter le peuple qui souffrait et qui grondait. ». Cette dernière phrase est peu pertinente puisque justement, par la dissolution, Emmanuel Macron a fait appel à la parole du peuple en lui redonnant l'initiative.

    Un peu plus tard, il revenait avec son aigreur d'antimacroniste primaire : « Est-il acceptable qu’un homme seul, fût-il Président de la République, puisse fragiliser nos institutions, y compris en jouant à la roulette russe la prise de pouvoir par l’extrême droite ? C’est pourtant un Président de la République élu par défaut, grâce à un front républicain qu’il a balayé d’un revers de main en 2017, qu’il a écarté d’un autre revers de main en 2022 et qu’il néglige en 2024. ».


    Mais Patrick Kanner a regretté qu'une part importante du peuple s'en est remise au RN : « Ce sont désormais 12 millions de nos concitoyens qui, de peur du déclassement, de la relégation et de l’isolement, votent pour l’extrême droite, et cela de plus en plus par adhésion, et par une adhésion assumée. (…) Désormais, des millions d’électeurs sont convaincus que le RN est la seule solution de rechange. À force de ne vouloir débattre qu’avec le RN, le désavoué Emmanuel Macron a installé dans l’esprit des Français l’idée mortifère que le couple Le Pen-Bardella était le seul opposant efficace à sa politique. ».

    C'est pourtant bien la gauche qui, en se désistant avec le bloc central, a précipité, par le front républicain, cet état de fait : « Le front républicain a guidé notre action dès le lendemain du premier tour. Il a permis d’éviter le pire avec le soutien des deux tiers de nos concitoyens. (…) Aucune porosité avec l’extrême droite ne saurait, à nous, être reprochée. ». Pourtant, les actes et comportements à l'Assemblée entre 2022 et 2024 ont prouvé le contraire.


    Ce qu'a proposé Patrick Kanner, c'était un gouvernement NFP alors que le NFP n'a pas de majorité, et un bouleversement des institutions alors qu'elles permettent, au contraire, de préserver une certaine stabilité du pays face à la confusion des partis.
     

     
     


    Le troisième orateur est Hervé Marseille, le président du groupe centriste (UC) au Sénat, qui accueille aussi bien des sénateurs favorables au pouvoir macroniste qu'opposants à lui : « Le 7 juillet au soir, j’en ai entendu certains dire que le Nouveau front populaire était majoritaire. Je n’ai pas la même lecture des résultats. Au demeurant, l’élection au perchoir de l’Assemblée Nationale, ce soir, nous éclairera sur le sujet… J’en ai entendu d’autres dire que l’exécutif qui gouverne depuis 2017 serait fautif de tout, puisqu’il a dissous. Certes, mais il a tout de même eu le bon goût de ne pas proposer de candidats face à 60 candidats de la droite et du centre ! Ceux-ci ont donc bénéficié, cela a déjà été rappelé, des voix de gauche au second tour, et vice-versa, le désistement des candidats de la droite et du centre ayant également permis l’élection de députés de gauche dans le cadre de l’arc républicain. C’est dire que les résultats doivent être étudiés avec une certaine retenue et beaucoup de modestie. ».

    Le centriste a eu également raison de rappeler que l'absence de majorité (et donc que la situation impossible) ne provient pas d'Emmanuel Macron mais avant tout du vote des électeurs : « La dissolution a eu lieu. Les Français ont voté. Et, pour la première fois depuis 1962, ils n’ont pas désigné de majorité à l’Assemblée Nationale, même relative. Dès lors, nous devons nous poser deux questions bien précises : qui peut gouverner ? Pour quoi faire ? ».

    Qui peut gouverner : « Tout d’abord, nous devons trouver une majorité de gestion au sein de l’Assemblée Nationale qui soit la plus homogène possible. Rien qu’en matière de politique étrangère, le gouvernement doit pouvoir parler d’une seule voix. Que dirons-nous demain sur l’Ukraine, sur Israël ou encore sur le nucléaire ? Un gouvernement suppose une certaine affectio societatis entre ses membres, ce qui invalide d’emblée la France insoumise (LFI), qui est en porte-à-faux avec ses propres alliés sur nombre de sujets. Ensuite, parmi toutes les forces composant la nouvelle Assemblée Nationale, peu sont enclines à donner des postes de responsabilité gouvernementale aux extrêmes. La plupart partagent l’attachement aux valeurs républicaines et à l’Union Européenne. Collectivement, elles peuvent rassembler tous ceux qui refusent un gouvernement comportant des extrêmes. Les forces de l’arc républicain rassemblent les partis traditionnels de gouvernement. Or un parti de gouvernement, à ma connaissance, c’est fait pour gouverner ! (…) Il s’agirait d’une coalition allant des Républicains aux sociaux-démocrates. L’avenir de notre pays se joue plus que jamais autour du bloc central, en opposition aux extrêmes. Le problème, c’est que la culture politique française est peu habituée à cet exercice. ».

    Pour trouver un modèle historique, Hervé Marseille a ressorti une expérience originale de la Troisième République : « Il y a eu au moins un précédent fameux, celui de Waldeck-Rousseau, qui constitua en 1899 un gouvernement de défense républicaine dans le contexte de l’affaire Dreyfus. Ce gouvernement rassemblait des modérés, des radicaux et des libéraux. C’est à lui que nous devons l’installation définitive de la République dans notre pays. Nous sommes aujourd’hui dans une situation comparable. Il n’y a pas d’autre issue qu’une coalition de défense républicaine pour traiter urgemment les maux dont souffre notre société. (…) Les extrêmes n’apportent aucune solution. Les propositions les plus structurantes avancées par le RN, soit sont inconstitutionnelles, soit relèvent de l’Europe. Le programme du Nouveau front populaire, quant à lui, est mortifère pour notre économie. ».

    Pour quoi faire : « Je pense au pouvoir d’achat et au logement, bien sûr. Je pense également à l’accès aux services publics ou à la santé. Enfin, les Français ne supportent plus l’impuissance de l’État. Il y a des sujets pour lesquels on ne peut plus tergiverser. C’est le cas de l’immigration irrégulière, de la laïcité et de la sécurité, en particulier la violence des mineurs. Il faudra avoir le courage de prendre des mesures pour apporter une réponse pénale plus rapide. Idem concernant les finances publiques et la dette. (…) On ne retrouvera vraisemblablement pas le chemin de l’équilibre sans à la fois réaliser des économies et trouver de nouvelles ressources. Ne pas le dire, ne pas le relever, c’est mentir ! N’oublions pas non plus la Nouvelle-Calédonie et Mayotte, laissées seules face à elles-mêmes en ce moment, dans de terribles souffrances. Sur l’ensemble de ces sujets, nous avons une obligation de résultat. Nous ne pouvons pas échouer, car, dans ce cas-là, je ne donne malheureusement pas cher de notre avenir. Si nous ne nous montrons pas à la hauteur de l’enjeu, nos lendemains seront très difficiles. ».


    Fidèle au centrisme, Hervé Marseille a également prôné le scrutin proportionnel et le « retour réfléchi du cumul des mandats ». Si le second point serait un avantage pour remettre les députés au plus près des réalités que vivent les Français, le premier point, au contraire, les éloignerait forcément en laissant tout pouvoir à la cuisine politicienne des partis.

    Comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau, Hervé Marseille voit le Sénat comme le moteur de la stabilité et de la construction de la loi : « En 2022, avec une majorité relative, nous avons redécouvert qu’il était non seulement possible, mais même nécessaire de se parler, de s’écouter, de négocier et de faire des compromis pour adopter des textes. Ici, au Sénat, nous savons faire cela ! Aujourd’hui, il nous faut aller plus loin et déployer plus que nous ne l’avons jamais fait des trésors de pragmatisme et d’esprit de consensus. Il nous faut expérimenter un système dans lequel le Parlement revient au cœur de la vie politique du pays. Nous devrons être véritablement moteurs, force d’initiative et de proposition. (…) Il va falloir momentanément oublier les intérêts personnels et partisans pour accepter une plate-forme minimale dans l’intérêt du pays. C’est un comportement qui est courant en Europe et qui respecte les citoyens. Comme l’a dit à l’instant notre Président, nous avons à cet égard une immense responsabilité. ».

     

     
     


    Quatrième orateur dans l'ordre d'importance des groupes, François Patriat représentait les sénateurs macronistes dont il préside le groupe : « Nous vivons une situation inédite : par leur vote, les Français se sont prononcés pour trois blocs, dont deux extrêmes aux politiques inapplicables. C’est ce tripartisme qui redonne aujourd’hui la parole au Parlement. Vous ne devriez pas vous en plaindre, d’ailleurs, mes chers collègues. C’est un revers pour la majorité sortante. Nous en prenons acte. Pour autant, ce n’est une victoire pour personne. D’une part, les Français ont refusé le national-populisme, d’autre part, malgré ses affirmations, le Nouveau front populaire n’a pas gagné : c’est le front républicain qui a gagné. Avec plus de 10 millions de voix en sa faveur, le Rassemblement national reste aux portes du pouvoir, tandis que, pour certains d’entre nous, le pilonnage permanent du chef de l’État fait office d’unique programme politique. ».

    Parmi ses préconisations : « Les politiques responsables ne doivent pas être tétanisés par la perspective de l’élection présidentielle au point de refuser d’assumer, dès à présent, leurs responsabilités. La guerre fait rage en Europe, le risque terroriste plane toujours, les problèmes d’insécurité, de pouvoir d’achat et d’accès aux services publics demeurent au premier rang des préoccupations des Français. Avec la hausse des taux d’intérêt, la crise financière est à nos portes et le déclassement qui en résulterait serait un désastre, en particulier pour les plus défavorisés. La réponse politique doit être forte. Notre pays a besoin d’un programme d’action axé autour de trois priorités : préserver nos acquis économiques, accentuer la réponse régalienne et lutter pour plus de justice sociale. Ces priorités sont portées par l’ensemble des groupes politiques du Sénat, et je reste convaincu que les députés de l’arc républicain partagent ce diagnostic. En travaillant ensemble, en associant les partenaires sociaux et les forces vives économiques, sociales et culturelles, notre pays peut dessiner une ambition nationale. (…) Profitons de ce séisme politique pour bâtir un large rassemblement. J’appelle la gauche responsable et sociale-démocrate, les centristes, la droite républicaine et plus largement tous ceux qui portent les valeurs humanistes et universalistes et qui veulent protéger notre démocratie à œuvrer ensemble, pour bâtir une alliance protectrice de la République. ».

    Cinq autres orateurs ont ensuite succédé à François Patriat : Cécile Cukierman, présidente du groupe communiste, Claude Malhuret, président du groupe des indépendants, Maryse Carrère, présidente du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), Guillaume Gontard, président du groupe écologiste, et Christopher Szczurek au nom des non-inscrits.

    Faute de la présence d'un gouvernement, les sénateurs se sont séparés dans la soirée du 18 juillet et espéraient retrouver un fonctionnement normal à partir du 1er octobre 2024. Comme l'a montré ce débat, chacun a rappelé la position voire la posture de son parti, mais les sénateurs ont forcément un rôle à jouer pour encourager des partis très différents à gouverner provisoirement la France dans l'intérêt des Français.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     




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    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-33-le-grain-de-255914

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