Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Terre de désolation

    « Le bilan humain, encore très provisoire et difficile à établir, s’annonce particulièrement lourd. Nous pensons aujourd’hui à chacune des victimes, à leurs familles, à tous ceux qui sont dans l’angoisse et sans nouvelles de leurs proches. Des villages entiers ont été anéantis, des milliers de foyers ont perdu leur toit et des infrastructures essentielles ont été gravement endommagées, rendant souvent impossible l’accès à l’eau, à l’électricité ou aux soins. Mayotte est aujourd’hui dévastée. » (Yaël Braun-Pivet, le 16 décembre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Une minute de silence ce lundi 16 décembre 2024, au début de l'unique séance publique qui s'est tenue à l'Assemblée Nationale depuis l'adoption de la motion de censure contre le gouvernement Barnier, proposée par Yaël Braun-Pivet, la Présidente de l'Assemblée Nationale. Toute la Nation est sidérée par ce qui se passe chez nos compatriotes mahorais.

    En effet, l'île de Mayotte a été complètement dévastée par le passage du cyclone Chido ce samedi 14 décembre 2024. 70% des 320 000 habitants de ce département français, le plus pauvre de France, ont été touchés durement. Les premiers bilans, qui font état de 22 victimes tuées et 1 400 blessés, ne traduisent pas l'horreur de cette nouvelle terre de désolation : les victimes, probablement, se compteraient plutôt par centaines, voire par milliers.

    Mayotte a une superficie si petite que la probabilité pour qu'un cyclone dévastateur telle que celui-là passe sur l'île est extrêmement faible. Mais pas nulle. Il n'y avait pas eu à Mayotte un tel événement climatique depuis 1934. Des vents de 226 kilomètres par heure, de la forte pluie, de la grande houle sur les côtes. Ce sont les courants chauds qui ont renforcé la brutalité du cyclone. Toutefois, le lien entre l'incroyable force de ce cyclone et le réchauffement climatique n'est pas, à cette heure, encore bien établi même s'il semble prévisible que des événements aussi violents seront de plus en plus fréquents à l'avenir.


    Avant le cyclone, le territoire était déjà dans une situation très difficile, l'unique hôpital, l'eau potable qui manque, le manque de médecins, les risques d'épidémie récurrents (le dernier cas de choléra le 12 juin dernier). Après le cyclone, tout a été détruit par la force des éléments. L'aéroport n'est plus praticable, autrement qu'en plein jour en raison de la destruction de la tour de contrôle, ce qui empêche l'arrivée massive des avions de secours et de sécurité. Plus grave encore, l'hôpital est détruit alors qu'il y a urgence sanitaire.
     

     
     


    Ce qui a été sans doute le plus grave, ce sont les bidonvilles, ces logements précaires composés de tôles qui ont été totalement détruits. 20 000 personnes, principalement des étrangers en situation irrégulière, y habitaient et seulement 5 000 d'entre eux ont rejoint des refuges en dur selon les recommandations des autorités. Une rumeur a même couru que c'était un piège pour expulser les étrangers clandestins et beaucoup, à cause de cela, n'ont pas osé quitter leur logement. Mortelle rumeur. Les logements en dur ont été aussi fortement touchés.

    Les vues d'avion de l'île sont apocalyptiques. On évoque déjà plus d'un milliard d'euros de dégâts matériels, mais le plus urgent est de retrouver les personnes blessées coincées sous les gravats, la boue, et de trouver de quoi fournir suffisamment d'eau potable et de nourriture. Absence d'électricité, des réseaux de communication pour beaucoup de monde. Risque de crise sanitaire, de famine. L'horreur totale.

    J'exprime bien sûr toute ma compassion pour les Mahorais et encourage vivement à leur venir en aide d'une manière ou d'une autre (d'abord par des dons). Certains évoquent les dons pour reconstruire Notre-Dame de Paris et disent : il faut maintenant reconstruire Mayotte ! Mais avant tout, il faut mettre tout en œuvre pour secourir les personnes en danger de mort, les disparues comme les retrouvées.





    Face à cette catastrophe humanitaire durable, des considérations politiques semblent aujourd'hui misérables, et pourtant, on ne peut pas s'empêcher de voir la réaction des uns et des autres face au drame. Une telle crise humanitaire est exceptionnelle et vient s'entrechoquer à la crise gouvernementale.

    La palme de la honte sera probablement attribuée à Jean-Luc Mélenchon qui n'a pas eu un mot de compassion pour les Mahorais pour tomber dans son dénigrement politicien habituel. Dès le 14 décembre 2024, le papy sniper a tiré à vue sur Twitter, reprochant au gouvernement (démissionnaire) de ne pas avoir stoppé le cyclone et de n'avoir rien prévu pour le stopper.

     

     
     


    La députée de la première circonscription de Mayotte, Estelle Youssouffa (du groupe LIOT), en a été franchement écœurée le 15 décembre 2024 : « Mayotte n'a même pas encore compté ses morts que les charognes sont déjà à l'œuvre... Honte à vous Jean-Luc Mélenchon qui n'avez pas un mot de compassion sincère pour la population mais seulement la bave du rapace avide de pouvoir. ».

    La veille déjà, elle avait rappelé l'amendement des insoumis du 18 janvier 2024 sur le projet d'accélération et simplification de la rénovation de l'habitat dégradé qui refusait la destruction des habitations insalubres : « Comme si un cyclone n'est pas suffisant, Mayotte doit aussi subir l'hypocrisie de Jean-Luc Melenchon et LFI qui s'étaient opposés à la destruction des bidonvilles qui sont aujourd'hui des cimetières. En défendant les habitats insalubres, vous avez creusé des tombes. ».
     

     
     
     
     



    L'opération Wuambushu, déclenchée à partir du 24 avril 2023 et pendant plusieurs semaines, avait pour but d'expulser les étrangers en situation irrégulière, de détruire les bidonvilles et lutter contre la criminalité à Mayotte. Mais ce fut un échec. À l'époque, Jean-Luc Mélenchon et sa clique d'excités insoumis s'étaient violemment opposés à la destruction des bidonvilles. Or, aujourd'hui, force est de reconnaître que les pouvoirs publics avaient raison de vouloir les détruire. Le cyclone aurait eu moins de conséquences sur les vies humaines si l'opération avait été réussie.
     

     
     


    Il est des situations où la fermeté sur l'immigration clandestine renforce aussi la sécurité et la protection des personnes concernées. Avoir voulu les maintenir dans des bidonvilles était une mauvaise idée. Faute de logements salubres, les expulsions étaient la seule solution humaine au problème humain qu'était cette forte immigration illégale.

    En revanche, la personnalité politique qui s'est bien démenée depuis dimanche est sans contestation le Ministre de l'Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau qui, en déplacement sur l'île lundi avec le Ministre des Outre-mer François-Noël Buffet, a semblé en état de sidération face à un territoire si totalement dévasté. Il a rappelé que l'État avait anticipé les conséquences du cyclone et qu'une réunion de crise avait été tenue le vendredi 13 décembre 2024 dans la matinée pour activer les systèmes d'alerte.
     

     
     


    Quant au Premier Ministre François Bayrou, qui a présidé la première cellule de crise au Ministère de l'Intérieur, il doit former le nouveau gouvernement, il était en pleine consultation pour les deux premiers jours de la semaine. Mais on lui reprochera de ne pas avoir annulé et reporté le conseil municipal de Pau du lundi 16 décembre 2024, qu'il a présidé après avoir assisté en visioconférence à la réunion de crise présidée par Emmanuel Macron (qui a annoncé qu'il se rendrait sur l'île et décréterait un deuil national), mais surtout de ne pas s'être déplacé immédiatement à Mayotte pour exprimer aux Mahorais la solidarité de toute la Nation.
     

     
     


    Bien sûr que le déplacement d'officiels sur les lieux de catastrophe crée plus de problème de sécurité qu'autre chose, mais la population a besoin aussi de sentir qu'elle n'est pas abandonnée par les autorités. La solidarité nationale doit s'incarner et le chef du gouvernement y a toute sa place. On lui reprochera longtemps cette maladresse qui pourrait être perçue comme une absence de considération, c'est dommage.

    Ce n'est pas l'heure des comptes, encore, car les urgences humanitaires doivent focaliser toutes les énergies, mais il est certain que l'État n'a pas investi suffisamment à Mayotte pour offrir à ses habitants le même mode de vie que dans les autres départements français. Rappelons que les Mahorais avaient souhaité, par référendum du 8 février 1976, à plus de 99,4% des voix avec 83,3% de participation, au contraire des autres îles des Comores, se maintenir au sein de la République française et que celle-ci ne pouvait qu'accepter cette volonté manifeste de Mayotte. Les Mahorais ont approuvé aussi par référendum du 29 mars 2009, la départementalisation de Mayotte, à plus de 95,2% des voix avec 61,4% de participation.


    Je reviendrai dans un autre article, plus tard, sur un rapport parlementaire publié récemment qui, justement, pointait du doigt les risques à Mayotte en cas de catastrophe météorologique majeure. Hélas, peut-être qu'il n'a pas été assez lu...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (16 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Terre de désolation.
    Séismes en Afghanistan : "plus de 1 000 victimes" près d'Hérat.
    Inondations en Libye : la ville de Derna dévastée.
    Séisme au Maroc.
    Fukushima, dix ans après.
    Apocalypse à la Toussaint ?
    Haïti, cauchemars et espoirs.
    Erika (12 décembre 1999).
    Le tsunami des Célèbes (28 septembre 2018).
    Le tremblement de terre à Haïti (12 janvier 2010).
    L'incendie de Notre-Dame de Paris (15 avril 2019).
    Le syndrome de Hiroshima.
    Amoco Cadiz (16 mars 1978).
    Tchernobyl (1986).
    AZF (21 septembre 2001).
    Fukushima (11 mars 2011).

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241214-mayotte-chido.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/terre-de-desolation-258185

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/15/article-sr-20241214-mayotte-chido.html



     

  • Le pape François en Corse : la vie en rose !

    « En tout temps et dans toute tribulation, le Christ est présent, le Christ est la source de notre joie. Il est avec nous dans la tribulation pour nous faire avancer et nous donner la joie. Gardons toujours cette joie dans nos cœurs, cette assurance que le Christ est avec nous, qu’il marche avec nous. Ne l’oublions pas ! Ainsi, avec cette joie, avec cette sécurité que Jésus est avec nous, nous serons heureux et nous rendrons les autres heureux. Tel doit être notre témoignage. » (le pape François, le 15 décembre 2024 à Ajaccio).



     

     
     


    Le pape François a fait une visite éclair en Corse ce dimanche 15 décembre 2024, à Ajaccio où il a reçu de nombreux évêques de France. Petite compensation pour la France qui l'avait invité à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris la semaine dernière. Le pape avait alors décliné l'invitation, ne se voyant pas aux côtés des autres chefs d'État et de gouvernement, dans un luxe qui aurait affligé sa modestie (et par ailleurs, il n'était pas libre, il n'avait pas piscine, mais un consistoire le 7 décembre 2024, à savoir, la création de 21 nouveaux cardinaux dont 20 électeurs, aucun Français).

    Ce n'est plus beaucoup évident pour le pape de se déplacer. Il a effectué un voyage très épuisant en Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Timor oriental en septembre, avant un voyage plus court en Belgique et Luxembourg. Il est désormais la plupart du temps en fauteuil roulant (il se réserve la position debout dans certaines occasions) et surtout, il est âgé, très âgé, il va d'ailleurs fêter son 88e anniversaire ce mardi 17 décembre 2024. Il est le pape en exercice le plus âgé que le monde a connu depuis plus de cent vingt ans, depuis Léon XIII, qui est mort à 93 ans le 20 juillet 1903. Benoît XVI, qui est mort à 95 ans le 31 décembre 2022, il y a deux ans, avait renoncé à ses fonctions pontificales peu avant ses 86 ans, le 28 février 2013.

    Le pape François, en un peu moins de douze ans de pontificat, est venu très peu souvent en France, et jamais à Paris. Ajaccio est sa troisième destination française, et encore, à condition que la première soit française alors qu'elle était plutôt européenne, au Parlement Européen de Strasbourg le 25 novembre 2014. La deuxième destination fut les 22 et 23 septembre 2023 à Marseille, l'an dernier. Il aime bien la Méditerranée et sans doute y a-t-il vu une allusion avec le drame des migrants. Mais la Corse est aussi assez proche de l'Italie, pas très loin de Rome. C'est donc évidemment une marque d'estime historique que le pape a eue envers les Corses.

    Dans son court déplacement à Ajaccio, le pape François a eu l'occasion de s'exprimer en public à trois reprises. La première fois dans la matinée à 10 heures 15 au Palais des Congrès et d'Exposition d'Ajaccio, pour la clôture du congrès "La religiosité populaire en Méditerranée". Un contexte intellectuel pour le Saint-Père de confirmer son grand intérêt pour la Méditerranée : « Les terres baignées par la mer Méditerranée sont entrées dans l’histoire et ont été le berceau de nombreuses civilisations ayant connu un développement exceptionnel. Rappelons notamment les civilisations gréco-romaine et judéo-chrétienne qui témoignent de l’importance culturelle, religieuse et historique de ce grand “lac” situé entre trois continents, cette mer unique au monde qu’est la Méditerranée. N’oublions pas que dans la littérature classique, tant grecque que latine, la Méditerranée a été souvent le cadre idéal de la naissance de mythes, de contes et de légendes. De même, la pensée philosophique et les arts, avec les techniques de navigation, ont permis aux civilisations de la Mare nostrum de développer une haute culture, d’ouvrir des voies de communication, de construire des infrastructures et des aqueducs, et plus encore des systèmes juridiques et des institutions d’une grande complexité dont les principes de base sont encore valables et pertinents aujourd’hui. ».

     

     
     


    Si, dans son discours, le pape François n'avait aucune intention politique en venant à Ajaccio (au contraire de Marseille), il n'a pas reparlé du drame des migrants à ma connaissance (je peux me tromper), il a quand même évoqué un sujet qui lui tenait très cœur, le risque de dérive identitaire de la foi : « Nous devons veiller à ce que la piété populaire ne soit pas utilisée, instrumentalisée par des groupes qui entendent renforcer leur identité de manière polémique, en alimentant des particularismes, des oppositions, des attitudes d’exclusion. Tout cela ne répond pas à l’esprit chrétien de la piété populaire et appelle chacun, en particulier les pasteurs, à la vigilance, au discernement et à la promotion d’une attention constante aux formes populaires de la vie religieuse. ». L'allusion était relativement transparente d'une certaine extrême droite qui utilise la foi chrétienne pour se replier dans un trip identitaire alors que la foi est avant tout une ouverture au monde et aux autres.

    Il a aussi évoqué la laïcité : « Sur le terrain commun de cette audace de faire le bien, de demander la bénédiction, les croyants peuvent se retrouver sur un chemin commun avec les institutions laïques, civiles et politiques, pour travailler ensemble à la croissance humaine intégrale et à la sauvegarde de cette “île de beauté”. D’où la nécessité de développer un concept de laïcité qui ne soit pas statique et figé, mais évolutif et dynamique, capable de s’adapter à des situations différentes ou imprévues, et de promouvoir une coopération constante entre les autorités civiles et ecclésiastiques pour le bien de l’ensemble de la communauté, chacune restant dans les limites de ses compétences et de son espace. ».

    C'était l'occasion de citer le pape Benoît XVI sur une "saine laïcité" qui signifie, selon son prédécesseur : « libérer la croyance du poids de la politique et enrichir la politique par les apports de la croyance, en maintenant la nécessaire distance, la claire distinction et l’indispensable collaboration entre les deux. (…) Une telle saine laïcité garantit à la politique d’opérer sans instrumentaliser la religion, et à la religion de vivre librement sans s’alourdir du politique dicté par l’intérêt, et quelquefois peu conforme, voire même contraire, à la croyance. C’est pourquoi la saine laïcité (unité-distinction) est nécessaire, et même indispensable aux deux. ». Et d'ajouter : « De cette manière, plus d’énergie et plus de synergies peuvent être libérées, sans préjugés et sans opposition de principe, dans le cadre d’un dialogue ouvert, franc et fructueux. ».





    Inutile de dire que ce concept de "saine laïcité" sera certainement fustigé par les uns et les autres, et pourtant, rappelons-nous que la "laïcité" signifie avant tout neutralité de l'État dans une société vivante qui rassemble des croyants de toutes religions, des athées, des agnostiques, etc. et l'idée du pape que chacun, là où il est, peut enrichir la société est une grand pas (ce n'est pas nouveau, cela fait très longtemps que les papes soutiennent la laïcité à la française, même si ce n'était pas le cas au moment du vote de la loi du 9 décembre 1905).

    Le deuxième rendez-vous corse du pape était avec les évêques et les prêtres français (ainsi que les diacres, les séminaristes, etc.) rassemblés dans la cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption à Ajaccio à 11 heures 20. En plus de son 88e anniversaire, le pape a rappelé, à cette occasion, qu'il a fêté son 55e anniversaire de sacerdoce deux jours auparavant, le 13 décembre : « Et je vous fais une confidence : j'ai déjà cinquante-cinq ans de sacerdoce, oui, avant-hier j'ai fait cinquante-cinq ans, et je n'ai jamais refusé l'absolution. Et j’aime confesser, tellement. J’ai toujours cherché le moyen de pardonner. ».






    Car son message portait surtout sur le pardon, au moment de la confession : « S’il vous plaît, ne torturez pas les gens dans le confessionnal : où, comment, quand, avec qui... Toujours pardonner, toujours pardonner ! Il y a un bon frère capucin à Buenos Aires que j’ai fait cardinal à 96 ans. Il a toujours une longue file de gens, parce qu’il est un bon confesseur, j’allais aussi chez lui. Ce confesseur m’a dit un jour : "Écoute, j'ai parfois le scrupule de trop pardonner" "Et que fais-tu ?" "Je vais prier et je dis : Seigneur, excuse-moi, j’ai trop pardonné. Mais tout de suite, il me vient à l’esprit de lui dire : Mais c’est Toi qui m’as donné le mauvais exemple !". Pardonner toujours. Pardonner tout. Et je le dis aussi aux religieuses et religieux : pardonner, oublier, quand on nous fait quelque chose de mal, les luttes ambitieuses de la communauté... Pardonner. Le Seigneur nous a donné l’exemple : pardonner tout et toujours ! Tous, tous, tous. ». En gros, son message était : pardonnez-leur tous, Dieu reconnaîtra les siens !!
     

     
     


    Enfin, le grand moment populaire était à 15 heures 30 pour une grand-messe Place d'Austerlitz, à Ajaccio, au pied de la statue de Napoléon Ier, devant environ 9 000 pèlerins privilégiés (qui ont pu avoir une place). Beaucoup de ferveur, beaucoup de joie dans cette célébration aux prélats vêtus de chasubles blanches et roses.

    Le moment le plus important était évidemment son homélie, courte, avec deux tonnerres d'applaudissements de la foule.

     

     
     


    La première ovation a été pour approuver le pape lorsqu'il leur a demandé de s'occuper des personnes âgées, et pas seulement à Noël : « Puissent nos communautés grandir dans leur capacité d’accompagner tout le monde, en particulier les jeunes (…) ; et, d’une manière particulière, les personnes âgées, les anciens. Les personnes âgées sont la sagesse d’un peuple. Ne l’oublions pas ! Et chacun d’entre nous peut se demander : comment je me comporte face aux personnes âgées ? Est-ce que je vais les chercher ? Est-ce que je perds du temps avec elles ? Est-ce que je les écoute ? Oh non, ils sont ennuyeux, avec leurs histoires ! Est-ce que je les abandonne ? Combien d’enfants abandonnent leurs parents dans les maisons de retraite. Je me souviens qu’une fois, dans un autre diocèse, je me suis rendu dans une maison de retraite pour visiter les gens. Il y avait là une dame qui avait trois ou quatre enfants. Je lui ai demandé : "Comment vont vos enfants ?" – "Ils vont très bien ! J’ai beaucoup de petits-enfants" – "Et ils viennent vous rendre visite ?" – "Oui, ils viennent toujours". Quand je suis sorti, l’infirmière a dit : "Ils viennent une fois par an". Mais la mère couvrait les défauts de ses enfants. Beaucoup laissent les personnes âgées seules. Ils leur souhaitent Noël ou Pâques au téléphone ! Prenez soin des personnes âgées, qui sont la sagesse d’un peuple ! ». Est-ce le sens de la famille en Corse qui a fait tant applaudir ?

    En tout cas, c'est certainement le sens de la famille qui a rendu fiers ces Corses remerciés, félicités d'avoir fait participer tant d'enfants à la messe. Certains ont même chanter ou lu un texte : « En Corse, Dieu merci, ils sont nombreux ! Et félicitations ! Je n’ai jamais vu autant d’enfants qu’ici ! C’est une grâce de Dieu ! Et je n’ai vu que deux petits chiens. Chers frères, ayez des enfants, ayez des enfants, qui seront votre joie, votre consolation dans l’avenir. C’est la vérité : je n’ai jamais vu autant d’enfants. Il n’y a qu’au Timor oriental qu’il y en avait autant, mais dans les autres villes, il n’y en avait pas autant. C’est votre joie et votre gloire. ». On pourrait croire à une sortie un peu populiste, mais le pape n'est pas de ce genre-là, il a simplement été étonné de cette jeunesse et de ces enfants si fervents et si vivants.
     

     
     


    S'il n'a fait aucun commentaire politique, le pape a néanmoins évoqué la souffrance d'enfants ukrainiens : « Nous savons malheureusement bien que de grands motifs de souffrance ne manquent pas parmi les nations : la misère, les guerres, la corruption, la violence. Je vais vous dire une chose : il arrive que des enfants ukrainiens, qui ont été amenés ici à cause de la guerre, viennent aux audiences. Vous savez quoi ? Ces enfants ne sourient pas ! Ils ont oublié le sourire. S’il vous plaît, pensons à ces enfants dans le pays en guerres, à la douleur de tant d’enfants. ».

    La citation que j'ai placée en tête de l'article sur la joie était la conclusion de l'homélie du François. Il ne faut pas croire que prêcher la joie est une béatitude un peu candide. C'est plutôt prêcher une puissante force. Le pape a ainsi affirmé très lucidement : « Il n’est pas facile d’avoir de la joie. La joie chrétienne n’est en aucun cas une joie insouciante, superficielle, une joie de carnaval. Non. Elle n’est pas ainsi. Il s’agit au contraire d’une joie du cœur reposant sur un fondement très solide que le prophète Sophonie, en s’adressant au peuple, exprime ainsi : réjouis-toi, car "le Seigneur ton Dieu est un puissant Sauveur au milieu de toi" (So 3, 17). Cette confiance dans le Seigneur qui est au milieu de nous. Bien souvent, nous ne nous en souvenons pas : il est au milieu de nous lorsque nous faisons une œuvre bonne, lorsque nous éduquons nos enfants, lorsque nous prenons soin des personnes âgées. Au contraire il n’est pas au milieu de nous quand nous faisons des bavardages, en parlant toujours mal des autres. Là, il n’y a pas de Seigneur, il n’y a que nous. La venue du Seigneur nous apporte le salut : elle est donc un motif de réjouissance. Dieu est "puissant", dit l’Écriture : Il peut racheter nos vies car Il est capable de réaliser ce qu’Il dit ! Notre joie n’est donc pas une consolation illusoire pour nous faire oublier les tristesses de la vie. Non, elle n’est pas une consolation illusoire. Notre joie est le fruit de l’Esprit Saint par la foi en Christ Sauveur qui frappe à notre cœur, le libérant de la tristesse et de l’ennui. ».





    La célébration eucharistique a duré plus de deux heures. Le soleil a laissé place à la nuit, sur une foule enchantée par un pape qui a montré, tout au long de son voyage apostolique, une grande simplicité et un contact facile.
     

     
     


    Le pape François a terminé sa journée corse en rencontrant le Président de la République Emmanuel Macron qui l'attendait à l'aéroport d'Ajaccio. Ce dernier a accompagné le souverain pontife jusqu'à son avion.

     

     
     


    Ceux qui ont pensé que le pape était en froid avec le Président français en seront pour leurs frais. Seuls les caricaturistes ont pu s'amuser à bon escient, car dans tous les cas, l'humour a toujours été libre pour les chrétiens, et aucun pape n'a jamais condamné à mort un seul dessinateur pour manque de respect ou impertinence. Le sens de l'humour, lui aussi, est ...d'origine divine !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le pape François en Corse : la vie en rose !
    Le voyage du pape François en Corse (Ajaccio) en direct live ce dimanche 15 décembre 2024 (vidéo).
    Autonomie de la Corse : y a-t-il un risque de séparatisme ?
    Notre-Dame de Paris, capitale du monde !
    Pourquoi a-t-on assassiné le père Popieluszko ?
    Les 98 ans de Sœur Marguerite.
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    Assomption : pourquoi le 15 août est-il férié ?
    Le pape François à Marseille (1) : ne pas légiférer sur l'euthanasie.
    Le voyage du pape François à Marseille (22 et 23 septembre 2023).
    Mgr Jacques Gaillot.
    Mgr Albert Decourtray.

    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.

     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241215-pape-francois.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/le-pape-francois-en-corse-la-vie-258183

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/15/article-sr-20241215-pape-francois.html



     

  • La folle histoire de la nomination de François Bayrou

    « La politique ne peut pas se réduire à un champ de manœuvres, dans une sorte d’entre-soi d’où les citoyens sont exclus. » (Michel Barnier, le 13 décembre 2024 à Matignon).




     

     
     


    Folle et éprouvant histoire. Après le montagnard Michel Barnier, voici le montagnard François Bayrou installé à Matignon ce vendredi 13 décembre 2024. La mission du nouveau Premier Ministre reste toujours impossible depuis le 7 juillet 2024, dès lors qu'aucune majorité constructive n'est capable de se former pour gouverner la France. Impossible ou, du moins, périlleuse, car François Bayrou croit aux miracles. Il doit avoir au moins un regret, celui que son indispensable Marielle de Sarnez ne fût plus là pour vivre ces moments mémorables.

    Il a reçu dès le soir de son installation le Ministre de l'Intérieur démissionnaire, l'influent Bruno Retailleau, ancien président du groupe LR au Sénat, puis, ce samedi 14 décembre 2024, il a reçu, l'un après l'autre, le Premier Président de la Cour des Comptes Pierre Moscovici (ancien ministre socialiste), le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet, enfin le Président du Sénat Gérard Larcher. D'autres consultions sont prévues dans son agenda, avec les chefs de groupes parlementaires et de partis.

    La composition du gouvernement Barnier a été très longue à venir, seize jours en septembre. François Bayrou espère que la composition du sien ira plus vite car il y a des échéances. La première échéance est le début des vacances de Noël, et après le vendredi 20 décembre 2024, les Français ne seront plus réceptifs aux événements politiques avant le Nouvel An. Et puis, il y a cette loi spéciale, adoptée en commission le 12 décembre 2024, qui est examinée le lundi 16 décembre 2024 en séance publique. Ce sera étonnant qu'une telle loi, urgente pour percevoir les impôts et faire des emprunts, soit discutée avec des ministres démissionnaires et un Premier Ministre nouvellement désigné.

    Il faut revenir sur les conditions de la nomination de François Bayrou à Matignon. Tout indique que la matinée du 13 décembre 2024 fut rude. Elle le fut pour le principal intéressé, François Bayrou, ce qui a été une première épreuve du feu qui vaut mille diplômes de forte personnalité. Mais elle le fut aussi pour les journalistes, tous mobilisés depuis la veille pour pronostiquer puis commenter la nomination du nouveau Premier Ministre. Au cours de la matinée, beaucoup se sont discrédités par leurs contacts "bien informés" et leurs "sources propres" en distillant des confidences qu'ils croyaient définitives, au point qu'on ne peut que penser au fameux sketch de Coluche sur les personnes bien informées.

    François Bayrou est véritablement un miraculé ! Les Pyrénées ont remplacé les Alpes à Matignon, mais dans tous les cas, le locataire des lieux est un dur à cuire. En fait de chaîne de montagnes, c'est plutôt l'Himalaya au pied duquel il se trouverait, un « Himalaya de difficultés ». "Le Monde" est revenu sur les conditions de nomination de François Bayrou, alors qu'il avait malencontreusement annoncé avec assurance la non-nomination de François Bayrou. Dans un article publié le samedi 14 décembre 2024, les journalistes Claire Gatinois et Nathalie Segaunes ont précisé la chronologie de cette folle matinée.

     

     
     


    Selon elles, le Président de la République avait fixé son choix : cela devait être Sébastien Lecornu. Pourquoi ? Pour justement ce que l'opposition de gauche reproche à Emmanuel Macron : pour que le Président puisse reprendre la main après avoir été éloigné des affaires pendant le gouvernement Barnier. À l'évidence, cette idée était complètement absurde dans le cadre d'une Assemblée comme celle qu'on a aujourd'hui. Cela aurait été une provocation frontale inutile qui pouvait avoir de fâcheuses conséquences pour les institutions et même pour lui-même. Comment peut-on avoir aussi peu le sens politique que lui ?

    Vers 9 heures du matin, ce vendredi, Michel Barnier a fait installer dans la cour de Matignon tapis rouge et micros, mais sans savoir à qui il ferait la passation des pouvoirs. Le tapis rouge est donc resté toute la journée puisque la passation a eu lieu à 17 heures.


    Entre-temps, c'était très éprouvant pour certains acteurs politiques. Un coup de téléphone à 5 heures du matin d'Emmanuel Macron à François Bayrou pour dire qu'il ne serait pas nommé Premier Ministre, puis, une rencontre à l'Élysée à 8 heures du matin, qui a duré près de deux heures. En ce début de matinée, pour les éditorialistes matinaux, c'était clair : François Bayrou allait être nommé Premier Ministre. Logique d'être reçu par le Président de la République, et longuement, pour envisager la composition du gouvernement et ses orientations politiques.

    Mais des petits détails ont vite choqué les journalistes de la télévision d'information continue : par exemple, François Bayrou n'est pas sorti officiellement de l'Élysée, mais par une porte "dérobée", sans image, sans déclaration, discrètement. Puis, c'était l'attente, une longue attente. Incompréhensible alors que tout était en principe fixé. Le communiqué devait être publié avant midi. Le tapis rouge s'inquiétait et s'ennuyait. Les horloges s'excitaient.

    Puis, des journalistes ont réussi à capter l'image de François Bayrou, rentrant à son bureau de Haut Commissaire au Plan : il faisait froid, François Bayrou, sans sourire mais sans tristesse non plus, a conseillé aux journalistes présents de ne pas rester là « se geler » et il expliquait : « ça ne servirait à rien ». La grande porte s'est refermée. Cette petite phrase était la confirmation de rumeurs qui parcouraient déjà le tout Paris : François Bayrou ne serait finalement pas nommé. On comprendra plus tard qu'il y a eu beaucoup de gens prétendument bien informés qui n'avaient aucune information fiable. Sans compter les manipulateurs.

    D'après l'article du "Monde", François Bayrou aurait expliqué à Emmanuel Macron pourquoi ce serait une erreur de nommer Sébastien Lecornu, considéré comme un courtisan. Cette nomination rendrait le Président très « vulnérable ». Au contraire, pour François Bayrou qui s'est préparé depuis longtemps à la fonction, il s'agit justement de gouverner au centre, afin de construire des compromis dans cette Chambre ingouvernable. Le président du MoDem était très en colère et a tenté surtout de persuader le Président qu'il faisait fausse route : il perdrait certainement dans une confrontation aussi brutale que douteuse, puisqu'il ne bénéficie plus de majorité à l'Assemblée.

    Et le dernier argument a pu faire pencher la balance : « La discussion entre les deux hommes, tendue, dure près de deux heures. Pour la première fois depuis 2017, François Bayrou menace de rompre, assuré que son parti suivra. "Je vous ai rejoint pour faire de grandes choses, pas de petites choses, lance-t-il à l’hôte de l’Élysée. Donc c’est très simple : si vous ne me nommez pas, je retire mes billes". ».

    Le retrait du MoDem, un peu moins d'une quarantaine de députés, serait un sérieux coup porté contre le bloc central et rendrait inopérant l'argument crucial que le "socle commun" (bloc central et LR) est appelé à gouverner car il est numériquement plus fort que la nouvelle farce populaire (NFP).

    La fin du premier entretien n'a donc pas été conclusif : « "Je réfléchis encore, et je vous tiens au courant", lui répond Emmanuel Macron. Le Béarnais s’éclipse par une porte dérobée, rue de l'Élysée, afin d’éviter les caméras postées devant le palais. Il a brûlé ses vaisseaux, se retrouvant dans la rue sans aucune certitude. ». Emmanuel Macron a alors sondé ses proches. Le nom de Roland Lescure est apparu, puis vite abandonné.


    Mais l'incertitude n'a pas duré trop longtemps : « Emmanuel Macron rappelle le centriste quinze minutes après son départ, et lui demande de revenir à l’Élysée à 11 heures 30. Sa décision est prise : François Bayrou occupera Matignon. "C’est un homme qui en impose", ironise-t-on au palais, laissant entendre que l’agrégé de lettres classiques aurait forcé la main du chef de l’État. "François a une force de persuasion et des convictions. Certains disent des 'coups de colère'…", commente Erwan Balanant, député (MoDem) du Finistère. Une lecture de cet incroyable retournement qui plaît aux amis du désormais Premier Ministre. En s’imposant au chef de l’État, François Bayrou a "affirmé d’emblée son autonomie, car il est désormais de notoriété publique que le Président n’en voulait pas", affirme un intime du maire de Pau. De quoi permettre au Premier Ministre de ne pas être seulement perçu comme l’homme du Président, dans l’opinion. ».
     

     
     


    Pour aller dans le même sens que cette narration, l'éditorialiste Alain Duhamel avait affirmé dès la veille que si François Bayrou n'était pas nommé cette fois-ci, il ferait un "carnage" ! On voit bien ici la grande différence avec Michel Barnier : ce dernier n'avait aucun contrôle sur le groupe LR à l'Assemblée, tenu d'une main de fer par Laurent Wauquiez. Au contraire, François Bayrou maîtrise totalement les positions du groupe MoDem à l'Assemblée.

    Cette histoire est très étonnante. L'indécision, l'hésitation ont été réelles et récurrentes. Ce flottement a été en fait perçu dès avril 2022 : que faire de son second mandat alors qu'il a été réélu sans véritable campagne électorale en pleine guerre en Ukraine et Présidence française de l'Europe ?

    Un Premier Ministre qui va imposer sa nomination au Président de la République, c'est une attitude peu gaullienne, mais elle n'est pas la première et a déjà été adoptée par ...un supposé gaulliste. En effet, Dominique de Villepin l'a fait aussi après l'échec du référendum sur le TCE en mai 2005, imposant sa nomination au Président Jacques Chirac qui avait pourtant choisi, selon "Le Monde", sa ministre Michèle Alliot-Marie.

    Bien avant sa nomination, François Bayrou avait confié à des journalistes son point de vue sur la formation du gouvernement : « Ces négociations de partis, où chacun a ses lignes rouges, c’est pour moi inimaginable, ça ne peut pas marcher. ». Le principe des lignes rouges, c'est la censure assurée, puisque les uns vont faire d'une mesure leur ligne rouge et les autres, la mesure contraire leur ligne rouge à eux. Cela enferme le gouvernement nécessairement dans une impossibilité conceptuelle.

    C'est pourquoi l'arrivée de François Bayrou est un signal très différent d'une nomination Lecornu. La gauche tend à tout amalgamer en prétendant que François Bayrou serait un "homme" du Président : comme je l'ai expliqué précédemment, il n'est pas un "bébé Macron" mais un "papa Macron". François Bayrou ne doit rien à Emmanuel Macron ; en revanche, la réciproque est fausse. De plus, François Bayrou a toujours exprimé ses désaccords le cas échéant devant le Président de la République. Librement.

    Parmi les personnes heureuses de la nomination de François Bayrou, l'écologiste Daniel Cohn-Bendit qui, dès le 10 août 2024, avait adressé une lettre ouverte au Président de la République pour cette nomination, en concluant : « Macron n’est plus à la barre et Bayrou sera un Premier Ministre libre. ». On se dit que Dany le Vert n'est pas rancunier quand on se souvient de la campagne des élections européennes de juin 2009 où François Bayrou l'avait particulièrement taclé le 4 juin 2009 dans un débat télévisé. Autre temps, autre mœurs.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La folle histoire de la nomination de François Bayrou.
    François Bayrou, le papa Macron !
    Le tour de François Bayrou !
    La polémique entre Maurice Druon et François Bayrou en juillet 2004.
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241214-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-folle-histoire-de-la-nomination-258176

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/14/article-sr-20241214-bayrou.html


     

  • François Bayrou, le papa Macron !

    « Je viens de milieux sociaux et de villages qui n’ont pas la chance d’être protégés, favorisés. Je trouve que notre devoir de citoyen, de père de famille, notre devoir de républicain, c’est que nous soyons obsédés pour rendre des chances à ceux qui n’en ont pas. C’est pour moi un devoir sacré. » (François Bayrou, le 13 décembre 2024 à Matignon).





     

     
     


    Ce texte ci-dessus est une formulation assez inattendue pour une allocution de prise de fonction à Matignon. L'origine modeste et paysanne de François Bayrou l'ont marqué au point qu'il voudrait donner sa chance à chaque Français qui le mérite et qui travaille. C'est aussi le dada du Président Emmanuel Macron formulé autrement, et finalement, c'est le rêve américain exprimé, fantasmé aux États-Unis : l'ouverture des possibles, le champ infini des possibles, la fin d'un fatalisme social, versus l'étiquetage, la réduction dans des cases dont on ne sortira pas de toute sa vie.

    Lorsque François Bayrou est arrivé à pied à Matignon, en traversant toute la cour pour atteindre le tapis rouge où l'attendait Michel Barnier, une étrange sérénité accompagnait ses pas. Un sourire, mais pas celui de l'arrivé, pas celui du consacré. C'est vrai, Matignon, il y pensait depuis 2007, et plus encore depuis 2017. Il pensait au sort injuste qui l'avait écarté du pouvoir à cause d'une affaire judiciaire dont il a été totalement blanchi... mais il lui a fallu attendre près de sept années.

    Sur son visage ne figurait pas ce sentiment de revanche, sociale (lorsqu'il a été ministre, c'était un peu difficile pour son entourage politique car, pour parodier Jacques Séguéla, si tu n'es pas ministre à 40 ans, c'est que tu as échoué dans la vie !), ni de revanche politique (Dieu sait comment il a été détesté, moqué, par des personnalités de droite, de gauche, par les journalistes qui, aujourd'hui, le plus sérieusement du monde, lui trouvent mille qualités). La marche d'un homme d'un certain âge, pas de celui qui part la conquête, mais de cette sérénité qui fait dire qu'il faisait déjà partie des meubles (c'est un peu vrai comme Haut Commissaire au plan), comme s'il avait toujours été Premier Ministre, qu'il ne s'en étonnait pas, comme c'était nécessairement inscrit dans l'histoire.

    Ce qui frappait aussi, dans ce même ordre d'idée, c'est qu'on ne sentait pas le vertige devant la fonction, comme beaucoup de ses prédécesseurs le montraient le premier jour dans cette cour. Il n'était pas intimidé par les responsabilités gigantesques qui l'attendent. Lui est trop sûr de son destin, et pourtant, il n'y a aussi qu'humilité, il sait qu'il a tout à perdre, pas grand-chose à gagner, avec peu de chance de réussite. Mais à son âge, c'est le moment ou jamais de donner le plus de lui-même. De montrer à quel point la France a besoin de l'art du compromis, a besoin de la méthode Bayrou. Fini de donner des leçons, le voici à l'œuvre, avec la difficile mission d'agir.


    Et pas question de faire du surplace, comme on le lui a souvent reproché à l'Éducation nationale. Pas question de ne pas s'occuper de tous les sujets importants, malgré l'absence de majorité : « Devant une situation d’une telle gravité, ma ligne de conduite sera de ne rien cacher, de ne rien négliger et de ne rien laisser de côté. (…) Je pense que nous avons le devoir, dans un moment aussi grave pour le pays, pour l’Europe et devant tous les risques de la planète, d’affronter les yeux ouverts, sans timidité, la situation qui est héritée de décennies entières. ».

    François Bayrou a donc trois priorités : la dette avec le budget 2025 à refaire (le thème de la dette est ancien chez François Bayrou ; dès 2002, il en parlait, comme il parlait de la réindustrialisation), l'école qui est essentielle pour structurer une nation, et ce qu'on pourrait dire l'ascension sociale ou l'égalité des chances. "Ceux qui ne sont rien" doivent pouvoir être hissés avec ceux qui ont réussi, les "premiers de cordée".

    Très sagement, François Bayrou ne s'est pas (encore ?) engagé à ne pas recourir à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, alors que les socialistes voudraient faire chanter le gouvernement en monnayant leur non-censure avec l'engagement de ne pas recourir à cet article de la Constitution qui engage la responsabilité du gouvernement sur un texte de loi. C'est sage car justement, cet outil constitutionnel, inspiré par les propositions continues de Jean Jaurès, Léon Blum et Guy Mollet, avait pour but de permettre au gouvernement de gouverner en l'absence de majorité à l'Assemblée, le cas aujourd'hui précisément. Et je ne vois pas comment les lois de finances pourraient être adoptées sans cet outil avec une Assemblée aussi émiettée.

    Dès les premiers mots de son allocution, François Bayrou a rappelé combien il connaissait Michel Barnier, il avait travaillé avec lui à la rénovation de la vie politique sous l'appellation des Douze Rénovateurs, au printemps 1989, avec François Fillon, Philippe Séguin, Dominique Baudis, Bernard Bosson, Michel Noir, Philippe de Villiers, Charles Millon, etc.


     

     
     


    Sur le plan historique, il a rappelé une coïncidence. Ce vendredi 13 est un jour de chance pour François Bayrou. C'est l'anniversaire de la naissance du roi Henri IV, "son" roi, celui qu'il a étudié, sur qui il a écrit des ouvrages, celui qui a voulu réconcilier les Français, celui qui a « fondé sa rencontre avec la France dans des temps aussi difficiles, plus difficiles que ceux que nous vivons aujourd’hui. (…) Si je peux, à mon tour, j’essaierai de servir cette réconciliation nécessaire et je pense que c’est là le seul chemin possible vers le succès. ». Henri IV, pour qui Paris vaut bien une messe (et qui a démarré la branche des Bourbons), est en effet né le 13 décembre 1553, pas un vendredi mais un dimanche, mais à Pau, dont François Bayrou est le maire depuis avril 2014. Du reste, à propos de messe, il était présent à la cérémonie de réouverture de Notre-Dame de Paris, le 7 décembre 2024, et il était joyeux, tout excité à l'idée de devenir Premier Ministre.

    Il aurait pu aussi rappeler une autre date, le trentième anniversaire de la mort de l'illustre Antoine Pinay, le 13 décembre 1994 à presque 103 ans. Antoine Pinay est devenu Président du Conseil assez âgé (mais plus jeune que François Bayrou : à 60 ans). Antoine Pinay a la particularité d'avoir sauvé le franc et les finances publiques. Raymond Poincaré, Antoine Pinay, Raymond Barre, Pierre Bérégovoy... voudrait-il, François Bayrou, compléter la liste avec son nom ?

    Restons en histoire. On a parlé de la situation historique, catastrophique, d'avoir en France quatre Premiers Ministres dans la seule année civile 2024 : Élisabeth Borne, Gabriel Attal, Michel Barnier et François Bayrou. Si Gabriel Attal a été installé par Emmanuel Macron et que la responsabilité de la démission du même provient aussi du Président de la République qui a décidé la dissolution de l'Assemblée, le renversement du gouvernement Barnier n'est pas du fait d'Emmanuel Macron mais de la censure votée par la collusion d'irresponsables, de l'extrême droite, de l'extrême gauche et de la gauche prétendument gouvernementale.

    En prenant sur une seule année civile, c'est évidemment biaiser, car Élisabeth Borne a supervisé le gouvernement sur trois années civiles (de 2022 à 2024) et finalement, la plupart des Premiers Ministres entre 2017 et 2024 ont eu une longévité tout à fait ordinaire d'un Premier Ministre sous la Cinquième République. Édouard Philippe est même classé au septième rang des Premiers Ministres les plus longs, bien au-delà de Michel Rocard, Jacques Chaban-Delmas, Édouard Balladur, etc.

    Si on veut regarder en arrière les exemples où quatre chefs de gouvernement (différents) se sont succédé dans la même année civile, eh bien, on dira que c'était rare sous la Quatrième République. Il n'y a eu que l'année 1946 qui a connu cela, une année de crise politique majeure qui a commencé par la démission de De Gaulle. En 1946, De Gaulle, donc, jusqu'au 20 janvier 1946, puis Félix Gouin du 26 janvier au 24 juin 1946, puis Georges Bidault du 24 juin au 28 novembre 1946, enfin Léon Blum à partir du 16 décembre 1946. On remonterait moins loin, en 1948, si on prenait quatre gouvernements qui s'y sont succédé, mais avec seulement trois Présidents du Conseil différents.

    Ensuite, il faut remonter à avant la guerre, sous la Troisième République, où c'était très courant. Il y a quatre-vingt-dix ans. En 1934 (année particulière de crises et d'émeutes) : Camille Chautemps, Édouard Daladier, Gaston Doumergue et Pierre-Étienne Flandin. En 1933 : Joseph Paul-Boncour, Édouard Daladier, Albert Sarraut et Camille Chautemps. En 1932 : Pierre Laval, André Tardieu, Édouard Herriot et Joseph Paul-Boncour. En 1930, on est dans la même situation qu'en 1948 : quatre gouvernements et trois chefs de gouvernement.


    Donc, oui, depuis quatre-vingt-dix ans, il ne s'est passé que deux années civiles avec autant d'instabilité gouvernementale. À qui la faute ? D'abord bien sûr au Président de la République qui aurait dû garder Élisabeth Borne jusqu'aux élections européennes de juin 2024, ce qui, après un échec désastreux, l'aurait amené à nommer Gabriel Attal juste après, au lieu de dissoudre. Mais la responsabilité est partagée car il y a aussi le peuple qui a offert à la France une Assemblée composée de trois blocs incompatibles de même force, sans majorité, et enfin, pour la censure du 4 décembre 2024, la responsabilité est entièrement portée par les députés censeurs. Notons d'ailleurs que l'adoption de la motion de censure a créé un choc psychologique et un malaise de sidération dans les groupes d'opposition comme la dissolution avait créé un malaise dans les groupes du socle commun.

     

     
     


    J'en viens à Michel Houellebecq. Dans son roman "Soumission", sorti chez Flammarion le 7 janvier 2015, le jour des attentats de "Charlie Hebdo" (il y a presque dix ans), l'auteur a proposé une anticipation politique originale : en 2022, un candidat énarque issu d'un parti musulman est élu Président de la République au second tour dans un duel face à l'extrême droite. François Bayrou est alors choisi pour Matignon à la tête d'un gouvernement rassemblant droite, centre et gauche gouvernementale. Le livre n'est pas très flatteur pour François Bayrou mais ce dernier peut se vanter de devenir un personnage de roman, qui plus est, pas très éloigné de la réalité, à deux ans près.

    Au fait, pourquoi mon titre ? Jean-Louis Bourlanges, ancien président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée et membre du MoDem, était l'invité de LCI le soir du 13 décembre 2024. Il a expliqué que jusqu'à maintenant, jusqu'à l'été 2024, tous les Premiers Ministres nommés par Emmanuel Macron étaient des "bébés Macron", c'est-à-dire qui n'avaient pas d'existence politique propre sans Emmanuel Macron. Or, avec la configuration impossible de l'Assemblée d'aujourd'hui, Emmanuel Macron a beaucoup hésité, il aurait pu nommer encore un "bébé Macron", comme Roland Lescure ou Sébastien Lecornu.

    Finalement, avec François Bayrou, il a nommé un "papa Macron", et c'est une grande différence : François Bayrou ne doit rien à Emmanuel Macron alors qu'Emmanuel Macron doit tout à François Bayrou, à commencer par son soutien décisif à l'élection présidentielle de 2017. Ceux qui, à gauche, pensent qu'avec François Bayrou, c'est continuer la politique d'Emmanuel Macron, sont dans le procès d'intention et dans l'erreur de discernement, c'est mal connaître François Bayrou dont la grande expérience d'élu local (député, président de conseil général, maire de grande ville) lui permet de "sentir" le pouls des Français, de les écouter, au contraire du Président de la République enfermé dans sa tour d'ivoire avec ses collaborateurs technocrates et ses idées originales.

    Les prochaines étapes, ce sont la désignation de son gouvernement qu'il voudrait surtout composé de grands politiques, et la déclaration de politique générale. Ce sera à ce moment-là, probablement après le Nouvel An, que les députés pourront être fixés sur les intentions du nouveau Premier Ministre et de sa volonté d'aborder les réformes avec un large consensus.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Bayrou, le papa Macron !
    Le tour de François Bayrou !
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241213-bayrou-matignon.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-bayrou-le-papa-macron-258148

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/13/article-sr-20241213-bayrou-matignon.html


     

  • Le tour de François Bayrou !

    « Un certain nombre de personnalités politiques éminentes l'ont dit : qui a la capacité à parler à tous aujourd'hui ? Qui a tenu des propos, à pousser des idées selon lesquelles chacun doit trouver sa place ? Qui, parmi les premiers, a défendu le redressement des finances publiques ou la réindustrialisation du pays ? La liste n'est pas si longue. » (Jean-Noël Barrot, le 9 décembre 2024 sur franceinfo).




     

     
     


    Après de laborieuses réflexions, le Président de la République Emmanuel Macron a nommé François Bayrou à Matignon ce vendredi 13 décembre 2024 à 12 heures 40 (je reviendrai certainement sur les conditions rocambolesques de cette nomination). Le Premier Ministre du vendredi 13 ! Beaucoup attendaient une surprise du chef de l'État et finalement, il est la personne qui était la plus probable à ce poste de toutes celles qui avaient été nommées depuis l'adoption de la motion censure, le 4 décembre 2024, contre le gouvernement Barnier. Dans un journal breton, l'ancien ministre Jean-Yves Le Drian a confirmé ce vendredi matin qu'il avait été contacté et qu'il avait refusé Matignon à cause de son âge. Hier, la nomination (fantaisiste) de Roland Lescure était (sérieusement) évoquée, peut-être pour l'abandonner aussi vite (pas si vite que cela, apparemment).

    Pour l'avoir connu dès 1989, je peux dire évidemment que ce jour est, pour François Bayrou, la consécration d'une carrière politique d'une petite cinquantaine d'années, un peu moins longue que celle de Michel Barnier même s'ils ont à peu près le même âge (73 ans). Il y a une certaine émotion à écrire ces lignes. Mais c'est mal le connaître que de croire qu'il se croirait "arrivé" ! Au contraire, tout commence, il part, il n'arrive pas. Il part dans une aventure incertaine, limitée dans le temps, peut-être, au mieux, jusqu'à mai 2027, la prochaine élection présidentielle, plus probablement jusqu'en automne 2025, les potentielles prochaines élections législatives après nouvelle dissolution, si ce n'est quelques semaines ou mois. Au contraire de Michel Barnier qui n'avait plus de relais au sein de l'hémicycle, François Bayrou est un homme qui connaît encore bien les parlementaires actuels qui seront les éléments clefs de sa stabilité.

    François Bayrou est actuellement maire de Pau, président du MoDem et Haut Commissaire au Plan. Il avait donc déjà un bureau à Matignon. Un pied à Matignon. Son objectif n'est pas de durer, bien sûr, mais d'éviter les erreurs de Michel Barnier, trop confiant sur sa capacité de négociation. On ne négocie pas à l'Assemblée avec un temps court comme on négocie en Europe avec un temps long.

     

     
     


    Un membre de l'entourage de Nicolas Sarkozy a démenti le fait que l'ancien Président se serait mobilisé auprès de l'Élysée pour éviter François Bayrou à Matignon. Certes, les deux hommes ne s'apprécient pas beaucoup et Nicolas Sarkozy a souffert de l'opposition irréductible de son ancien alter ego des années 1990 (Nicolas Sarkozy secrétaire général adjoint du RPR et François Bayrou secrétaire général adjoint de l'UDF) lors des élections présidentielles de 2007 et de 2012 : dans la première, François Bayrou s'est abstenu au second tour (contrairement à ce qu'affirment certains journalistes à la mémoire défaillante, il n'a pas voté pour Ségolène Royal) et dans la seconde, il a voté pour François Hollande au second tour, sans retour puisque l'ancien premier secrétaire du PS est resté obstinément dans une majorité dite de gauche (étriquée à cause des frondeurs).

    En revanche, il ne faut pas oublier que les dirigeants de LR ne détestent pas tous François Bayrou qui, entre autres, avait fait alliance avec Valérie Pécresse en Île-de-France, Xavier Bertrand aux Hauts-de-France et Laurent Wauquiez en Auvergne-Rhône-Alpes aux élections régionales en 2015.

    On a reproché à François Bayrou, qui n'a été "que" Ministre de l'Éducation nationale de mars 1993 à juin 1997 (il aurai voulu les Affaires étrangère en mai 1995 ; et il est resté à la Justice un mois et demi en mai-juin 2017), de n'avoir rien fait. Peut-être. Mais en l'occurrence, en décembre 2024, c'est un avantage ! Dans une Assemblée aussi impossible que celle sortie des urnes le 7 juillet 2024, il est impossible d'avoir l'ambition des grandes réformes. Parce qu'il n'y aurait aucune majorité pour les faire adopter. L'urgence, c'est donc le budget.

    Or, la dette était son dada. Je me souviens très bien que pendant sa première campagne présidentielle, en 2002, il prêchait déjà dans le désert sur la gravité de la dette et les conséquences sur les Français et les générations à venir. Ce n'était pas très sexy et il a su se distinguer des "petits candidats" par une gifle spontanée (et publique) qu'il a donnée à un gamin qui lui faisait les poches (il est arrivé en quatrième position derrière Jacques Chirac, Jean-Marie Le Pen et Lionel Jospin, mais devant Jean-Pierre Chevènement, ce dernier surnommé un moment "le troisième homme" avec des sondages faussement flatteurs.

    Bien entendu, à l'époque, la situation budgétaire était bien moins grave que par la suite, mais cette gravité de la dette semble avoir maintenant été entendue en 2024, même si la classe politique en général joue hypocritement. Le PS et le RN dénoncent le trop fort endettement de la France, mais n'hésitent pas à prôner des dépenses publiques en plus (en particulier la gauche qui veut abroger la réforme des retraites de 2023 alors qu'il faudrait en refaire une nouvelle pour assurer la pérennisation de leur financement).

    Son autre aspect particulier, c'est de pouvoir discuter avec tout le monde. S'il y a une personne capable de cultiver l'art du compromis dans la classe politique, c'est bien lui. Sans doute son caractère est difficile, ce qui veut dire que la cohabitation avec Emmanuel Macron ne sera pas de tout repos pour le Président : au contraire de ses précédents Premiers Ministre, Michel Barnier compris (qui était en retrait politique depuis 2021), François Bayrou a toujours existé politiquement de manière autonome et indépendamment d'Emmanuel Macron. Il a été un candidat à l'élection présidentielle qui a recueilli 18,5% des suffrages en 2007, ça compte dans la vie politique.


     

     
     


    En particulier, le président du MoDem a été assez sévère contre la méthode de la réforme des retraites et l'idée de remettre en chantier certains éléments de cette réforme semble possible, sans remettre en cause l'essentiel, son financement, mais ce petit pas peut être un grand pas pour obtenir la non-censure du PS pour qui c'est un marqueur politique et électoral fort.

    Si des réformes structurelles pour réduire durablement les dépenses de l'État semblent assez peu probables, François Bayrou sera amené à faire des réformes qui pourraient obtenir des consensus pour aider les agriculteurs, pour relancer le logement et pour réfléchir sur la transition énergétique, notamment par le redémarrage du programme nucléaire. Ce sont des sujets qui sont peu des marqueurs politiques et qui concernent la vie concrète des Français. C'est ce qu'ils attendent.

    On imagine toutefois mal François Bayrou capable d'obtenir l'accord d'une majorité de députés sur une nouvelle loi sur l'immigration. Apparemment, il serait partisan de maintenir Bruno Retailleau à l'Intérieur afin de donner de gages à LR, tandis que des personnalités comme Bernard Cazeneuve pourraient entrer au gouvernement avec des ministères importants.

    Pour beaucoup dans la classe politique, il est le plus grand commun diviseur, j'insiste sur le plus "grand" et pas le plus petit ! En classe de cinquième, j'ai appris ce qu'étaient le PGCD et le PPCM, que tous les journalistes, qui ne comprennent rien à ce qu'ils disent, relisent leurs anciens cours de mathématiques ! Le PGCD, en politique, c'est le compromis le plus grand qu'on peut avoir dans une situation de division généralisée. Ou la personne qui le porte.


    Ce qui est clair, c'est que François Bayrou sera indépendant d'Emmanuel Macron. C'est mal le connaître de croire qu'il se serait qu'un fondé de pouvoir de l'Élysée. Du reste, c'était le cas aussi pour Michel Barnier. Reste à voir si la méthode Bayrou sera plus concluante que la méthde Barnier. La passation des pouvoirs avec Michel Barnier, retenu à l'Élysée en fin de matinée pour une décoration, est en train de se faire dans la foulée de la nomination de François Bayrou. Bonne chance à lui et à la France !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le tour de François Bayrou !
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     
     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241213-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-tour-de-francois-bayrou-258146

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/13/article-sr-20241213-bayrou.html


     

  • Yvon Gattaz, vite et bien !

    « Familier des métaphores, infatigable inventeur de mots et de sigles, qu’il appelait lui-même "gattazismes, gattazeries et gattazinades", ce premier créateur d’entreprise à être entré à l’Académie des sciences morales et politiques surnommait la mort "EDF", comme "extinction des feux". Jusqu’au bout, celui qui se flattait de s’éloigner de plus en plus d’une retraite qu’il n’avait jamais prise, a déployé une énergie sans limites. » (Michel Noblecourt, le 12 décembre 2024 dans "Le Monde").



     

     
     


    Vite et bien, c'était sa devise d'entrepreneur. L'ancien patron des patrons Yvon Gattaz vient de mourir ce jeudi 12 décembre 2024 à l'âge de 99 ans (il allait avoir 100 ans le 17 juin prochain). Il y a quelques années, j'avais évoqué cette grande figure de l'industrie française.

    Major de l'École centrale, après quelques années comme ingénieur, il a créé en juin 1952 avec son frère Lucien (lui aussi ingénieur) une entreprise qui a eu un grand succès dans l'électronique, Radiall, basée en Isère (à Voreppe). Il en est resté le patron jusqu'en 1993. Membre du Conseil Économique et Social (futur CESE) de 1979 à 1989, Yvon Gattaz est devenu très connu du grand public entre le 15 décembre 1981 et le 16 décembre 1986 alors qu'il présidait le CNPF (Conseil national des patronat français) face à une gauche socialo-communiste arrivée au pouvoir avec l'élection de François Mitterrand.

     

     
     


    Sans brutalité et avec beaucoup de diplomatie, il a ainsi mené de nombreuses batailles politiques sur la flexibilité du temps de travail, contre les 39 heures, la hausse énorme des charges sur les salaires, l'impôt sur la grande fortune, et surtout, sur les nationalisations qui ont mobilisé beaucoup de capitaux. Yvon Gattaz a montré son talent de mobilisation en rassemblant près de 30 000 chefs d'entreprise le 14 décembre 1982 au parc des exposition de Villepinte pour mettre en garde le gouvernement contre les risques pour l'économie française. Ce grand investissement personnel lui a permis de négocier avec le gouvernement et de conclure un accord le 16 avril 1982 pour limiter la casse des investissements.

    Ce fut sous sa présidence du CNPF que l'entreprise, paradoxalement, a été réhabilitée voire célébrée par les Français dans leur esprit (à tel point qu'on appelle cette décennie les années Tapie !). Yvon Gattaz a été aussi membre du conseil d'administration du Centre français du commerce extérieur de 1979 à 1981, du CNRS (Centre national de la recherche scientifique) de 1979 à 1981, de Moulinex de 1988 à 1993 et de la Fondation Fourmentin-Guilbert pour la recherche en biologie moléculaire à partir de 1989.

     

     
     


    Son fils qui lui a succédé à la tête de Radiall a aussi, dans une sorte de drôle de coïncidence dynastique, succédé à la présidence du Medef de 2013 à 2018, l'organisation qui a pris le relais sur le CNPF. Pierre Gattaz a eu aussi à batailler face à un Président de la République socialiste qui a alourdi les impôts et taxes dès le début de son quinquennat.

    Malgré l'âge qui avançait lentement, Yvon Gattaz n'a jamais pris sa retraite. Il a présidé jusqu'à sa mort l'Association Jeunesse et Entreprise qu'il a créée en 1986, et il a créé bien d'autres organisations (comme Ethic, les entreprises de taille humaine indépendante et de croissance, en 1976).


    Yvon Gattaz a été élu le 29 mai 1989 à l'Académie des sciences morales et politiques, dans la section Économie politique, statistique et finances, et il en fut l'un des membres les plus actifs (il présida même cette académie en 1999).

    Au-delà des honneurs, Yvon Gattaz avait le goût de la transmission, celle de sa passion d'entreprendre, celle de former les jeunes pour créer les entreprises de demain, car l'économie évolue très vite. Ce n'est pas pour rien qu'il avait adopté cette devise pour son entreprise, "vite et bien" au point de bousculer la tiédeur des fauteuils par des formules choc.

    Il disait notamment, à propos de sa devise : « Cette maxime peut sembler simple voire simpliste. En fait, elle est d’une rare difficulté. Il est courant de rencontrer des lents qui n’ont pas compris que la vitesse, c’est la vie moderne et qu’on ne peut la traverser en gastéropode sans souci des autres et de l’environnement. Bien sûr, le conseil "Il faut tuer les lents" est une image brutale et simplement satirique. Il serait plus humain de les parquer dans des cités réservées où tout se ferait lentement… lentement… lentement… Le lent ne sait pas qu’il freine tout le monde : le flot des voitures comme les études des élèves normaux. Au feu rouge de 15 secondes, le lent qui met 5 secondes à démarrer diminue le trafic d’un tiers, avec des conséquences économiques qu’on ne veut pas évaluer. Si le perfectionniste est dangereux, le "trop rapide" risque de bâcler. La vie moderne exige le "bien fait", de même qu’elle veut des réponses rapides, ce qu’on appelle dans l’entreprise de la réactivité. Le compromis incontestable est le "vite et bien" que peu de nos compatriotes savent vraiment réaliser. On a pu dire que cette expression n’était pas une devise mais une asymptote ! ».

    Dans le même registre, Yvon Gattaz considérait que tout le monde n'avait pas le profil d'un entrepreneur. Il faut quelques qualités qui ne sont pas données à tous. D'abord, une volonté et une ténacité de fer, une résistance aux épreuves. Ensuite, des qualités de réception : la compréhension rapide, la faculté d'analyse, la faculté de synthèse et la mémoire. Mais ce n'est pas suffisant, il faut aussi des qualités d'émission : de l'imagination créatrice, de la combativité. Il rappelait qu'il faut mille fois moins d'énergie pour recevoir un signal radio que pour en émettre. Or, on a toujours favorisé les réceptions (les bons diplômés) alors qu'il faudrait favoriser les émissions, les créations. De plus, comme il le dit, il faut de la résistance : « Les épreuves tuent les faibles et endurcissent les forts. ».

     

     
     


    Parmi toutes les réflexions qu'il a émises pendant sa longue retraite, Yvon Gattaz n'hésitait pas à casser le tabou sur les syndicats, facteurs de blocage en France. Dans une tribune publiée le 3 décembre 2003 dans "Le Figaro", il n'y allait pas avec le dos de la cuillère : « Les sondages sont tous concordants : pour défendre leurs intérêts, les salariés font plus confiance à leur patron qu'aux syndicats. (…) On ose enfin attaquer de front la plus grande puissance cachée de la France, le syndicalisme, toujours tabou, encore sanctifié, éternellement intouchable, jouissant de façon incroyable d'une sorte d'immunité psychologique, morale, fiscale et même judiciaire. Ce n'est pas un état dans l'État. C'est une divinité dans l'État. Si on peut moquer, décrier, ridiculiser les parlementaires, les ministres, le chef de l'État, les policiers, les militaires, les enseignants, les patrons, les religieux et le pape lui-même, on ne peut toucher à un cheveu d'un syndicaliste, ce qui, d'ailleurs, ne ferait rire personne. La sanctuarisation est profonde. ».

    Il critiquait ainsi le fonctionnement des syndicats réduits à leur principe de base, leur outil unique et leur méthode d'influence : « Le principe de base des syndicats est cette indestructible IAA, l'Irréversibilité des Avantages Acquis, érigée en dogme définitivement calcifié. Quelles que soient les circonstances politiques, économiques, financières ou humaines, on ne change rien, jamais rien, en contradiction avec tous les pays modernes dont l'adaptabilité est le maître-mot dans un monde en mutation de plus en plus rapide. L'outil des syndicats est unique, et ce n'est pas à proprement parlé un outil pour construire, mais une arme pour détruire : la grève. (…) La méthode d'influence des syndicats est elle aussi d'une extrême simplicité et d'une redoutable efficacité : le TDN, le Taux De Nocivité. Quelle influence pourrait avoir sur les pouvoirs publics un syndicat inoffensif ? Basé sur l'IAA et utilisant la grève dévastatrice, le TDN éclate au grand jour et fait trembler les décideurs. Le noyautage des services publics démontre l'effroyable efficacité de ce TDN. ».


    Je propose ici quatre interventions d'Yvon Gattaz, souvent dans le cadre de conférences à des étudiants. Ses grands-parents étaient directeurs d'école, ses parents enseignants, et lui-même ne s'estimait pas vraiment préparé à créer une entreprise. C'est pourquoi il n'a pas cessé de vouloir expliquer ce que c'est pour donner cette passion aux jeunes qui est déjà la passion de l'effort et du résultat. Il aura été un très grand patron. Condoléances à la famille.



    1. Interview du 17 février 2014 à "La Tribune des Décideurs"







    2. Conférence du 26 février 2015 à l'École de Management Léonard de Vinci






    3. Conférence en novembre 2018 à HEC







    4. Interview du 11 juin 2019 à Saint-Raphaël






    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Comment créer les emplois de demain ?
    Yvon Gattaz.
    Gilberte Beaux.
    Carlos Tavares.
    Carlos Ghosn.
    Bernard Madoff.
    Jacques Séguéla.
    Gustave Eiffel.
    Francis Mer.
     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241212-yvon-gattaz.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/yvon-gattaz-vite-et-bien-258121

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/12/article-sr-20241212-yvon-gattaz.html



     

  • Cadeau de Noël pour Mary Jane Veloso

    « Après plus d’une décennie de diplomatie et de consultations avec le gouvernement indonésien, nous avons réussi à retarder son exécution suffisamment longtemps pour parvenir à un accord pour enfin la ramener aux Philippines. » (Bongbong Marcos, le 20 novembre 2024).


     

     
     


    Il est parfois des combats heureux, et je dois dire que lorsque j'avais alerté sur la situation de Mary Jane Veloso, il y a plus de huit années, on pouvait imagier que ce combat serait difficile voire perdu d'avance.

    Lorsque le grand boxeur philippin Manny Pacquiao, « l'un des sportifs les mieux payés du monde » selon Anthony Verdot-Belaval de "Paris Match", avait rencontré Mary Jane Veloso dans sa prison indonésienne, le 10 juillet 2015, il avait déclaré, ému sur le sort de la jeune femme : « Nous espérons pouvoir aider à sauver la vie de Mary Jane. Je pense que Mary Jane est une victime de trafic d'êtres humains. ». Mais pensait-il qu'elle s'en tirerait ? En tout cas, il l'a aidée financièrement pour qu'elle puisse être défendue convenablement avec de vrais avocats.

    En effet, Mary Jane Veloso, qui va avoir 40 ans le 10 janvier prochain, mère de famille venant des Philippines, a été arrêtée à Yogyakarta, en Indonésie, en avril 2010 en train de transporter une valise de 2,6 kilogrammes de drogue. L'Indonésie ne plaisantant pas avec les trafiquants de drogue, Mary Jane Veloso a été condamnée à mort en octobre 2010. Elle a même failli être exécutée en avril 2015 alors que son nom, avec aussi celui du Français Serge Atlaoui, avait été inscrit sur la liste de prochaines exécutions. Heureusement, son nom a été retiré in extremis (comme celui de Serge Atlaoui).

     

     
     


    Il faut dire qu'elle avait du mal à être soutenue par son État d'origine, les Philippines. Le Président philippin de l'époque, Rodrigo Duterte avait annoncé qu'il n'interférerait pas avec la justice indonésienne. Certaines rumeurs avaient même annoncé le 12 septembre 2016 que le Président philippin aurait donné son accord pour l'exécution de sa ressortissante. Il faut dire aussi que depuis le début de la Présidence de Rodrigo Duterte, le 30 juin 2016, jusqu'au début septembre 2016, il y avait déjà eu, dans son pays, 2 000 exécutions de personnes condamnées pour trafic de drogue. Alors, une de plus ou de moins... (Ce chiffre de 2 000 exécutions aux Philippines est à expliquer, car les Philippines ont définitivement aboli la peine de mort le 24 juin 2006 : Rodrigo Duterte, en revanche, qui n'a pas réussi à rétablir la peine de mort, avait encouragé l'élimination physique des trafiquants de drogue, hors justice).

    Heureusement, Mary Jane Veloso a bénéficié d'un fort soutien de la part de sa famille, mais aussi du peuple philippin, des réseaux sociaux,de célébrités régionales. On ne l'a pas oubliée, et c'est heureux, car cela fait plus de quatorze années qu'elle clame son innocence. Innocence ? Oui, parce qu'en tant que migrante (qui n'a pas eu du tout de chance dans la vie), elle a été piégée ; elle a été victime d'une femme chef d'un réseau de trafic d'être humains qui utilisait des pigeons pour le transport de drogue, en guise de travail rémunéré (on les appelle en fait des "mules"). Cette chef de réseau a d'ailleurs été arrêtée et Mary Jane Veloso est intervenue comme témoin dans cette affaire (d'où le sursis à son exécution, ce qui est particulièrement cynique).

     

     
     


    Comme avec Serge Atlaoui, rien n'a véritablement bougé tant que le Président indonésien Joko Widodo restait au pouvoir (il est resté pendant deux mandats). Le 24 novembre 2024, quelques semaines après l'arrivée de son successeur (et héritier politique), Prabowo Subianto, le 20 octobre 2024, ce dernier a annoncé qu'il était temps de renvoyer ces condamnés à mort dans leur pays, sous condition qu'ils terminent leur peine chez eux. La condition était assez hypocrite, surtout pour la France et les Philippines qui ont aboli la peine de mort. Le nouveau Président indonésien a toutefois déclaré que si les pays d'origine amnistiaient ou graciaient leurs ressortissants, ce serait leur problème et il le respecterait. On ne pouvait pas être plus conciliant.

    En fait, c'est le Président philippin Bongbong Marcos qui a fait le premier une annonce optimiste dès le 20 novembre 2024 en affirmant que l'Indonésie était d'accord pour le retour de Mary Jane Veloso : « L’histoire de Mary Jane résonne chez beaucoup, une mère prise au piège de la pauvreté qui a fait un choix désespéré qui a changé le cours de sa vie. Bien qu’elle ait été tenue responsable en vertu de la loi indonésienne, elle reste victime de sa situation. ».
     

     
     


    Edouardo de Vega, sous-secrétaire du Ministère philippin de la Justice, a déclaré de son côté, le même jour, que l'Indonésie n'avait rien demandé aux Philippines en contrepartie : « Quand elle arrivera ici, elle ne sera pas immédiatement libérée. Cela signifie que nous nous engageons à la détenir jusqu’à ce qu’un accord mutuel soit trouvé pour qu’elle soit graciée. Mais, au moins, elle sera ici. ».

    Dans une interview télévisée, Cesar Veloso, le père de Mary Jane, a déclaré le 20 novembre 2024 : « Nous sommes vraiment heureux, toute la famille, en particulier les enfants de Mary Jane, sautaient et disaient : "quelqu’un va prendre soin de nous", c’est ce que disent mes petits-enfants. Nous sommes donc très heureux. ».

    Le 24 novembre 2024, Prabowo Subianto a donc annoncé son accord de principe au souhait formulé par Bongbong Marcos du rapatriement à Manille de Mary Jane Veloso, mais rien n'avait été encore conclu. C'est ce vendredi 6 décembre 2024 à Jakarta que l'accord a eu lieu, entre les deux pays. Il est ainsi question de rapatrier Mary Jane Veloso avant Noël prochain (« si Dieu le veut ! »), probablement le 20 décembre 2024.

    Pour sa famille (chrétienne), c'est une divine surprise et sans doute le meilleur Noël qu'elle va passer. Mary Jane Veloso a passé plus du tiers de sa vie en prison et elle va retrouver ses deux enfants qui auront pris près d'une quinzaine d'années en plus ! Celia Veloso (65 ans), la mère de Mary Jane, s'est déclarée à l'AFP « ravie et surprise » de la nouvelle : « Nous pouvons enfin être ensemble ce Noël ! ».
     

     
     


    L'accord sur les conditions du transfert de la condamnée à mort a été signé entre Yusril Ihza Mahendra, le Ministre indonésien en charge des Affaires juridiques, des droits humains, de l'immigration et des affaires pénitentiaires, et Raul Vasquez, autre sous-secrétaire du Ministère philippin de la Justice.

    Yusril Ihza Mahendra a effectivement annoncé la bonne nouvelle le 6 décembre 2024 : « Nous acceptons de renvoyer la personne concernée aux Philippines (…). Mon objectif est que cela puisse être réalisé avant Noël, peut-être vers le 20 décembre. ». Si Raul Vasquez a exprimé la « sincère gratitude » des autorités philippines pour cette décision indonésienne, il a précisé : « C'est un cadeau approprié qui confirme les bonnes relations entre les deux pays (…). Nous comprenons et respectons la décision du tribunal indonésien concernant la peine. (…) Une fois transférée dans le pays, elle purgera sa peine, comme convenu, conformément aux lois et réglementations philippines en matière pénale. ».
     

     
     


    Une telle décision de clémence devrait aussi être annoncée pour le Français Serge Atlaoui et cinq condamnés australiens (parmi les neuf Australiens qui ont été condamnés, parmi lesquels deux ont été exécutés en 2015, un autre est mort en détention d'un cancer et un quatrième a été libéré en 2018). La chute du gouvernement Barnier risque cependant de faire retarder les négociations entre l'Indonésie et la France, faute pour l'Indonésie d'avoir un interlocuteur.

    Mais il ne faut pas se réjouir trop vite : l'Indonésie n'en a pas fini avec la peine de mort. Actuellement, 530 personnes attendent leur exécution dans les couloirs de la mort en Indonésie, dont 96 étrangers (dont deux femmes). Le gouvernement indonésien a même évoqué le 5 décembre 2024 une reprise des exécutions (arrêtées en juillet 2016). Le Ministre indonésien coordonnateur des politiques et de la sécurité Budi Gunawan a en effet déclaré :
    « Le gouvernement va étudier l'accélération de l'exécution de la peine de mort pour les condamnés pour trafic de drogue qui (…) ne disposent plus de recours légaux. ».

    Le combat pour l'abolition universelle de la peine de mort est donc loin d'être achevé. Comme par un écho de coïncidence, le Sénat allait célébrer, au cours d'un colloque présidé par Gérard Larcher le lundi 9 décembre 2024 au Palais du Luxembourg, le ministre et avocat Robert Badinter, celui qui a aboli la peine de mort en France et que la France probablement panthéonisera un jour.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Cadeau de Noël pour Mary Jane Veloso.
    Enfin une bonne nouvelle pour Serge Atlaoui ?
    Varisha Moradi.
    7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
    Une lueur d’espoir pour Serge Atlaoui ?
    Taxe Nutella : Serge Atlaoui, otage de l’huile de palme ?
    Vives inquiétudes pour Mary Jane Veloso.
    Le cauchemar de Serge Atlaoui.
    Peine de mort pour les djihadistes français ?






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241206-mary-jane-veloso.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/cadeau-de-noel-pour-mary-jane-258018

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/06/article-sr-20241206-mary-jane-veloso.html


     

  • Le paysage politique français postcensure

    « Ce qui est en jeu, c’est notre capacité à faire des pas les uns vers les autres, à dépasser les tensions et les clivages qui font tant de mal à notre pays, à n’avoir comme boussole que l’intérêt général. Ce qui devrait nous rassembler, c’est la politique, au sens où je l’entends, qui consiste à créer du progrès collectif, parfois de petits progrès, parfois de grands progrès pour les Français, et de la stabilité. Les citoyens, les entreprises, les acteurs sociaux et économiques en ont tant besoin et si forte envie. » (Michel Barnier, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Contrairement à ceux des députés censeurs qui ont tenté de dédramatiser l'adoption de la motion de censure, le 4 décembre 2024 contre le gouvernement Barnier, cette adoption a provoqué un bouleversement politique majeur et beaucoup de choses changent dans la situation politique. C'est ce paysage politique français postcensure qui est assez différent de celui d'avant la censure. Pour autant, ce n'est pas un paysage apocalyptique postnucléarisé.

    Comme je l'indiquais précédemment, cette motion de censure a remis sur le devant de la scène politique le Président de la République Emmanuel Macron, par nécessité puisqu'il doit, constitutionnellement, nommer le nouveau Premier Ministre. C'est paradoxale car la collusion des populistes irresponsables et cyniques, d'extrême droite et d'extrême gauche, avait justement pour but de mettre hors-jeu le Président de la République. C'est raté !

    Au contraire, Emmanuel Macron s'est investi à la tâche. Après avoir rencontré individuellement la plupart des partis politiques, hors extrêmes, ce lundi 9 décembre 2024, c'est au tour, le lendemain à 14 heures à l'Élysée, d'une réunion collective dans un format "Saint-Denis". Les partisans d'un régime exclusivement parlementaire pourraient s'offusquer que cette réunion ait lieu sous l'autorité du Président de la République, mais ces députés pouvaient depuis le 7 juillet 2024 se réunir à l'Assemblée Nationale. Comme ils en étaient incapables par eux-mêmes, il a bien fallu que le Président de la République, à la fois le véritable arbitre des élégances et le de nouveau maître des horloges, s'en occupât lui-même.

     

     
     


    Les journalistes qui, la veille de la censure, avaient cru comprendre d'un conseiller du Palais que le Président de la République nommerait le nouveau Premier Ministre en vingt-quatre heures, ont visiblement été mal informés. Non seulement Emmanuel Macron prend du temps, mais à l'heure actuelle, si le nouveau locataire de Matignon était nommé à la fin de cette semaine, ce serait déjà un bel exploit. On sait qu'Emmanuel Macron a toujours voulu prendre son temps dans les nominations, et en plus, se tromper pourrait ici avoir de graves conséquences institutionnelles.

    De plus, le fait qu'un conseil des ministres a été convoqué pour le 11 décembre 2024, malgré le caractère démissionnaire du gouvernement, pour adopter le projet de loi spéciale qui reconduira pour le 1er janvier 2025 la loi de finances pour 2024, ce qui permettra de continuer à collecter les impôts et à payer les fonctionnaires sans nouveau budget, dans l'attente de celui-ci, laisse ainsi un peu de temps à la nomination du prochain gouvernement, car il n'y aura plus d'urgence budgétaire.

    Du reste, le casting n'est pas la principale tâche du Président de la République. Son objectif est plutôt de conclure un accord de non-censure avec l'ensemble des formations politiques de l'arc de gouvernement, de LR au PCF en passant par EPR (macronistes) et le PS, en sachant qu'à eux deux, le RN et FI ne pourraient pas faire adopter une motion de censure (140 députés RN et alliés et 71 députés insoumis ne font pas 289).

     

     
     


    Au-delà de cette remise à l'avant-scène d'Emmanuel Macron, ce dernier a quand même réussi un double voire triple exploit le samedi 7 décembre 2024 avec la réouverture de Notre-Dame de Paris. D'une part, c'est un exploit diplomatique car il a réussi à convaincre Donald Trump de venir à Paris, et cela a montré à l'évidence que malgré ses déboires intérieurs, Emmanuel Macron n'était pas isolé. C'est d'ailleurs à peu près l'un des rares chefs d'État ou de gouvernement que Donald Trump connaît bien à son retour à la Maison-Blanche, avec Georgia Meloni et Viktor Orban (et Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, bien sûr). D'autre part, le délai respecté de cinq ans pour reconstruire la cathédrale a montré que le volontarisme politique pouvait fonctionner, même avec des défis audacieux, et disons-le, un peu fous, et cela a apporté la confirmation d'une composante jupitérienne au chef de l'État, quoi qu'on en dise. Enfin, ce week-end a été l'occasion pour les Français d'être fiers d'eux-mêmes, d'être à nouveau le centre du monde, et dans ce climat de dénigrement généralisé, c'est toujours bon à prendre, et avec la trêve des confiseurs qui va se profiler rapidement à partir de mi-décembre jusqu'au début de janvier prochain, cela fait repenser à la trêve olympique qui a mis le monde politique en suspension pendant tout l'été.

     

     
     


    En face du Président de la République, il y a eu des évolutions notables dans la classe politique. Si LR a confirmé son esprit de responsabilité déjà démontré avec la nomination de Michel Barnier à Matignon (on aurait aimé que LR l'adoptât dès juin 2022, ce qui aurait évité la dissolution), d'autres partis ont évolué énormément dans leur approche du problème. La fable insoumise d'une victoire de la nouvelle farce populaire (NFP) a été enfin jetée à la poubelle pour prendre en compte la réalité arithmétique de l'Assemblée.

    C'est le parti socialiste qui a bougé le plus ses lignes, en acceptant l'idée d'un accord de non-censure avec le reste de l'arc de gouvernement. Sur son sillon, il a amené également les écologistes et les communistes, ce qui a pour conséquence d'isoler politiquement les insoumis. Jean-Luc Mélenchon enrage actuellement de ne plus rien contrôler du NFP. Il enrage mais il n'est pas non plus si mécontent que cela, car il sait que cela l'aidera à l'élection présidentielle pour convaincre qu'il serait la seule "alternative" possible à gauche, au contraire des "sociaux-traîtres".

     

     
     


    Le premier secrétaire du PS Olivier Faure, pourtant considéré comme ultramélenchonisé, a lui aussi changé de pied : la perspective du prochain congrès socialiste et sa forte impopularité parmi les militants et surtout parmi les grands élus territoriaux (maires de grandes villes et présidents de conseils régionaux) l'ont incité à modifier sa tactique.

    Comme l'a expliqué Carole Delga, la très écoutée présidente du conseil régional d'Occitanie, qui est favorable à un accord de gouvernement, dans "La Tribune Dimanche" le 8 décembre 2024 : « Face à une crise exceptionnelle, et à un haut niveau d'irresponsabilité de beaucoup de politiques (…), nous devons être à la hauteur pour notre pays. Les Français nous en veulent. Ils sont déboussolés, désespérés par le spectacle que donne la classe politique, inquiets de l'avenir sur les plans social, économique et climatique. Loin des jeux d'appareils et des ambitions présidentielles, tout doit être mis en œuvre pour l'adoption du budget de la France dans les prochaines semaines. ».


    La pire irresponsabilité est sans doute la censure d'un ancien Président de la République, d'autant plus que François Hollande aurait même été à mélenchoniser dans une réunion socialiste en expliquant que le Président de la République devrait partir après l'adoption d'une motion de censure (ce sont des propos rapportés et pas confirmés par l'intéressé). L'emmurement (au sens propre) de sa permanence électorale en Corrèze par des agriculteurs en colère l'a un peu refroidi : aujourd'hui, il n'ose plus beaucoup intervenir dans le débat public.

    À l'extrême droite, la situation aussi a évolué. Comme le disait Gabriel Attal, qui vient d'être élu secrétaire général de Renaissance : « Chassez le naturel, il revient au chaos ! ». L'évolution date en fait des réquisitoires très sévères du parquet contre Marine Le Pen et ses sbires dans le procès fleuve des assistants parlementaires du RN. Elle risque l'inéligibilité immédiatement exécutoire. Le vote de la motion de censure des insoumis, qui fustigeait une nouvelle loi Immigration et la remise en cause de l'aide médicale d'État, en évoquant les « plus viles obsessions » du RN, a rendu un peu dubitatifs, sinon dérouté, les militants du RN. Surtout, ceux qui avaient cru que la respectabilité, la tactique de la cravate, devait les mener au pouvoir. Les agriculteurs en colère en veulent aux députés RN d'avoir voté la censure car les mesures qu'ils avaient obtenues ont été éliminées par la censure.


     

     
     


    Pour preuve les résultats de la première élection législative partielle depuis le 7 juillet 2024. C'est intéressant car ce sont des signaux faibles qui ne sont pas sans signification. Actuellement, trois sièges de députés sont vacants et deux autres élections législatives partielles seront organisées au début de 2025 (pour les circonscriptions d'Hugo Prevost à Grenoble et de Stéphane Séjourné à Boulogne-Billancourt). Celle qui a eu lieu les 1er et 8 décembre 2024 concerne la première circonscription des Ardennes, celle de Charleville-Mézières.

    En juin 2022, cette circonscription a été conquise par Lionel Vuibert, candidat macroniste, alors que la députée sortante, qui ne se représentait pas, était LR. Le candidat LR a obtenu près de 300 voix de moins que son concurrent macroniste au premier tour et s'est désisté en sa faveur. Au second tour, Lionel Vuibert a gagné avec 200 voix d'avance sur le candidat RN pour une participation de 45,1%.

    Cet été 2024, Lionel Vuibert a perdu largement le second tour avec plus de 2 500 voix de retard sur son jeune concurrent RN Flavien Termet, avec une participation de 67,5%, alors que le candidat macroniste n'avait plus de candidat LR sérieux au premier tour (la candidate officielle de LR n'a fait que 3,8% au premier tour). Flavien Termet, le benjamin de l'Assemblée que certains députés sectaires de gauche n'ont pas voulu saluer au moment de voter pour l'élection au perchoir, a démissionné le 30 septembre 2024 pour des raisons médicales graves. Il aurait aussi quitté le RN en mauvais termes (selon certains journalistes).

    En décembre 2024, la participation a chuté, comme dans les partielles en général, néanmoins, c'est important de noter le résultat. Le candidat RN a fait mieux au premier tour en pourcentages que Flavien Termet en juin (39,1% au lieu de 38,3%) tandis que Lionel Vuibert a fait un peu moins en pourcentages qu'il y a cinq mois (25,4% au lieu de 26,2%), cette fois-ci, concurrencé par un candidat LR qui a fait 16,0% au premier tour (avec une participation de seulement 30,5%). Au second tour, Lionel Vuibert a réussi néanmoins à reconquérir la circonscription en gagnant face au candidat RN avec près de 400 voix d'avance. Il a bénéficié du soutien de LR au second tour. Certes, la participation au second tour était très faible aussi, 30,9%, mais la différence en nombre de voix est quand même notable puisqu'il a gagné avec plus d'écart en voix en décembre 2024 qu'en juin 2022 avec une participation 50% plus grande.


    On ne peut bien sûr pas généraliser au niveau national, mais cela montre cependant que le RN n'a pas su mobiliser ses propres électeurs pour l'emporter, sans doute en raison d'une censure qui est peu compréhensible : pourquoi avoir joué le jeu de la respectabilité pendant trois mois, puis tout d'un coup, se ranger comme Jean-Luc Mélenchon, c'est-à-dire enrager ? Il faut aussi rappeler que depuis plusieurs années, l'abstention nuit au RN au contraire des décennies précédentes où c'était le contraire.

     

     
     


    Mais retour à la situation du moment. Les noms des possibles successeurs de Michel Barnier à Matignon passent à une vitesse folle : Sébastien Lecornu, François Bayrou, Bruno Retailleau, François Baroin, Catherine Vautrin, Bernard Cazeneuve, Manuel Valls (oui, on a parlé de lui !!), Pierre Moscovici, Didier Migaud, Laurent Berger, Thierry Beaudet, et même... François Villeroy de Galhau, supposé être de gauche et gouverneur de la Banque de France depuis novembre 2015. J'ai l'intuition que si c'est ce dernier, son gouvernement sera très impopulaire...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (10 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241209-paysage-politique-postcensure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-paysage-politique-francais-258081

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/10/article-sr-20241209-paysage-politique-postcensure.html


     

  • Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure

    « Je dis aux Français qui nous regardent ou qui nous écoutent que la censure aurait de lourdes conséquences. (…) Chers collègues du nouveau front populaire et du Rassemblement national, si vous votez la censure, vous aurez fait entre vous un trait d’union qui s’appelle le renoncement national. Vous êtes le renoncement national ! Pour nous, les députés démocrates, lorsque l’essentiel est en jeu, peu importe les manœuvres politiciennes, peu importe les marchés financiers : seul compte l’avenir du pays. » (Philippe Vigier, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    On l'oublie un peu trop vite car les médias se penchent surtout sur les personnes et le "jeu", qui revient un peu trop souvent, de qui sera Premier Ministre, quel sera le nouveau gouvernement. Mais à la différence du 5 octobre 1962, la motion de censure qui a été adoptée le mercredi 4 décembre 2024 par la collusion de l'extrême droite et de l'extrême gauche n'a pas eu seulement pour effet de renverser le gouvernement : c'est la première fois dans l'histoire politique de la France que cette motion de censure faisait suite à l'application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, ce qui signifie aussi le rejet du texte associé, qui, ici, était le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et, par voie aussi de conséquence, en l'absence de gouvernement, le projet de loi de finances pour 2025. Or, le rejet de ces textes budgétaires est une catastrophe économique et sociale pour les Français.

    Ce qui est rigoureusement stupide, c'est que, aux yeux du RN comme de cette gauche irresponsable et cynique, la loi de finances pour 2024, adoptée l'an dernier sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était beaucoup plus antisociale etc. et pourtant, avec la censure, c'est bien ce budget 2024 qui sera reconduit automatiquement pour l'année 2025 (si la loi spéciale est adoptée avant le 19 décembre 2024). C'est cela qui est absolument grotesque et paradoxal et montre que le RN ainsi que la nouvelle farce populaire (NFP) ne se soucient pas du tout du bien-être des Français, car, je le répète, beaucoup de mesures en faveur des Français étaient consignées dans les projets de lois de finances rejetés.

    Ce rappel préventif, avant le vote de la motion de censure, par certains députés et certains ministres, n'aura pas suffi à faire renoncer à ce chaos voulu par les extrémismes auquel le parti socialiste a accepté en toute conscience (et inconscience de leur rôle de parti gouvernemental) de s'associer.

    D'ailleurs, les premiers concernés par cet impact économique, ce sont les agriculteurs. Ceux-ci ont muré les permanences de certains députés, notamment François Hollande, qui avaient voté ou allaient voter la censure. Bien que fréquemment protestataires, les agriculteurs ont bien compris que l'instabilité gouvernementale ne les aidait pas. Ils ont compris que les mesures dûment négociées avec le gouvernement ne se retrouveraient pas rapidement dans leur concrétisation avec cette motion de censure et que la France serait en situation politiquement si faible qu'elle ne pourrait pas efficacement s'opposer à l'accord commercial entre l'Union Européenne et le Mercosur. Protestataires, mais favorables au maintien du gouvernement, quel qu'il soit ! Car sans gouvernement, aucune avancée possible. Plus généralement, les Français ne sont pas dupes des postures politiciennes motivées par les seuls intérêts partisans, sans s'occuper de la réalité quotidienne des Français.

    Trois interventions en séance publique à l'Assemblée Nationale, entre autres, ont bien énuméré les catastrophes à venir à la suite de l'adoption de la motion de censure. Elles proviennent de la séance du mercredi 4 décembre 2024, l'une est une "question" d'un député du MoDem, la seconde la réponse d'un ministre à cette "question", et enfin, la troisième est l'intervention remarquée d'un chef de groupe au cours de l'examen des motions de censure. Rappelons que cette séance publique est la dernière de l'Assemblée Nationale puisque les travaux en séances publiques dans les deux chambres du Parlement sont interrompus tant qu'un nouveau gouvernement n'est pas nommé. En revanche, les missions et commissions parlementaires continuent leurs travaux.


    Le premier intervenant que je veux évoquer est Philippe Vigier (66 ans), député MoDem, ancien Ministre délégué chargé des Outre-mer du 20 juillet 2023 au 11 janvier 2024 dans le gouvernement d'Élisabeth Borne. Biologiste et docteur en pharmacie, toujours bien réélu député d'Eure-et-Loir (la quatrième circonscription, celle de Châteaudun) depuis juin 2007, il a été président du groupe UDI d'avril 2014 à juin 2017 puis du groupe Libertés et Territoires d'octobre 2018 à septembre 2020, et il a tenté de conquérir la présidence du conseil régional du Centre-Val de Loire en décembre 2015, sans succès à cause d'une triangulaire avec la liste FN.

     

     
     


    Son intervention dans la petite séance de questions au gouvernement, l'ultime pour Michel Barnier, n'était pas vraiment une question (comme souvent quand les députés font de la politique). Elle avait surtout pour but de lister les conséquences désastreuses d'une censure à court terme sur la vie concrète des Français, et de montrer que la collusion des irresponsables et des cyniques ne se préoccupait pas de leur vie quotidienne.

    Ainsi, Philippe Vigier y est allé clairement : « Voter la censure, c’est renoncer à 7 milliards d’euros supplémentaires pour les hôpitaux et à un meilleur accès aux soins partout. Voter la censure, c’est renoncer à 2 milliards d’euros pour les EHPAD et à la revalorisation des soignants. Voter la censure, c’est renoncer à de nouveaux moyens de lutte contre la fraude sociale. Vous prétendez y être attachés, mais c’est faux. Voter la censure, c’est renoncer à l’accès direct et sans ordonnance au dispositif Mon soutien psy alors que la santé mentale est une priorité. Voter la censure, c’est renoncer à la réforme de la taxe soda, le meilleur outil de prévention du diabète et des maladies cardiovasculaires chez les jeunes. Voter la censure, c’est renoncer au cumul emploi-retraite pour les médecins dont on a tant besoin dans les déserts médicaux. Voter la censure, c’est renoncer à la revalorisation des petites retraites agricoles. Voter la censure, c’est renoncer au déploiement des soins palliatifs dans les départements où il n’y en a pas. ». Évidemment, les députés populistes ont réagi avec leur mauvaise humeur à cette intervention certes polémique mais qui dit pourtant la vérité.

     

     
     

    Pour la forme, il a formulé quand même sa question au Premier Ministre : « Monsieur le Premier Ministre, comment convaincre nos collègues de renoncer à l’irresponsabilité tant qu’il est encore temps ? ».

    Refusant d'intervenir à ce moment des questions, préférant se réserver pour l'examen des motions de censure, Michel Barnier a laissé son Ministre du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin répondre, avec la même tonalité : « Merci pour cette intervention qui liste nombre d’éléments dont nos concitoyens seraient privés si la censure était adoptée dans quelques heures. ».

    Et d'embrayer sur les agriculteurs, puis d'autres catégories de travailleurs actifs : « Qui a dit : "Pour que le monde agricole obtienne les promesses qui lui ont été faites, il a besoin d’un budget" ? Non, c’est le président de la FNSEA ! Qui a dit : "Ce qu’on attend du politique est qu’il réduise l’incertitude. Avec la censure, c’est le noir complet" ? Un représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Qui a alerté : "Attention ! 40 000 emplois vont être supprimés avant la fin de l’année" ? Le président de la Fédération française du bâtiment. ».
     

     
     


    Par ailleurs, en raison de l'inflation et de l'effet des seuils, le projet de loi de finances pour 2025 proposait de relever ceux de 2024 en les indexant à l'inflation. Avec le rejet du texte, ce sont les seuils de 2024 qui sont gardés : « Je vous épargne, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, le langage fleuri tenu ce matin par un de vos électeurs qui serait pénalisé par votre action. Les impôts augmenteraient si la censure était votée. Cessez de dire que c’est un mensonge ! En cas de censure, vous le savez, 400 000 Français deviendront imposables et 18 millions verront leurs impôts augmenter. Mesdames et messieurs les députés, réfléchissez bien ! Si vous ne le faites pas pour le gouvernement, faites-le pour ceux dont je viens de parler, faites-le pour les représentants des PME, faites-le pour les agriculteurs, faites-le pour les Français ! ». D'après les estimations, ce seraient 3 milliards d'euros supplémentaires qui s'imposeraient aux Français sur leurs revenus.

    Un peu plus tard dans l'après-midi de ce mercredi 4 décembre 2024, pour expliquer pourquoi il ne voterait pas la censure du gouvernement Barnier, le président du groupe LR à l'Assemblée Laurent Wauquiez a rappelé, à sa manière, les conséquences économiques et sociales désastreuses que provoquerait la censure : « Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas ! Vous avez beau éructer, nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience et ce choix, il faudra le défendre face aux Français. Il y a une chose qu’on ne peut pas accepter ici. On ne peut pas accepter que vous expliquiez, comme vous l’avez fait ces derniers jours, que la motion de censure ce n’est pas grave. On ne peut pas expliquer avec la légèreté qui est la vôtre que la censure n’aura pas de conséquences. On ne peut pas mentir aux Français, en disant qu’il n’y aura pas de conséquences. Il y aura des conséquences, qui seront payées par les Français et ceux qui se livrent au jeu minable d’aujourd’hui devront leur rendre des comptes. ».

     

     
     


    Lui aussi avait sa liste des conséquences néfastes, en commençant par les contribuables les plus précaires : « La censure, ce que vous appelez "bullshit", ce sera l’augmentation de l’impôt sur le revenu pour 18 millions de Français. Ils paieront ce prétendu "bullshit" que les députés du RN balaient d’un revers de main ! Ce sont 400 000 travailleurs qui deviendront imposables, mais qui sont le cadet des soucis des députés du groupe Rassemblement national ! Voilà la manière dont ils défendent la France qui travaille ! Une fois encore, madame Le Pen, ce sont les Français qui paieront les conséquences de votre légèreté et de votre irresponsabilité ! ».

    Et de poursuivre : « La censure, c’est la fin des aides d’urgence aux agriculteurs, la fin de tout ce que vous avez cherché à construire ces dernières semaines, madame Genevard, c’est la fin des allègements de charges, la fin des exonérations de taxes et la fin de la revalorisation de leurs retraites, eux qui travaillent dur mais touchent des pensions misérables. Il est facile d’aller sur les ronds-points pour prétendre flatter les agriculteurs, puis de les abandonner une fois dans l’hémicycle ! La censure, c’est la fin du plan d’urgence pour sauver les maisons de retraite de la faillite. La censure, c’est l’abandon du cumul emploi-retraite, qui permettrait de lutter contre la désertification médicale. La censure, et je vois bien que cela vous gêne, c’est renoncer à l’augmentation des effectifs de gendarmes, de policiers et de magistrats, si indispensable quand la sécurité doit être notre priorité. La censure, c’est porter un coup d’arrêt à la loi de programmation militaire, alors même que l’Europe est menacée à ses frontières. La censure, c’est la dette qui va continuer à filer, alors même que la France, avec le désordre que vous avez conjointement créé, est désormais moins crédible que la Grèce sur les marchés financiers. On lui impose 1 point de taux d’intérêt supplémentaire et ce sont les Français qui paieront l’addition. C’est 30 milliards d’euros de dette supplémentaire et d’intérêts dans les années qui viennent, c’est trois fois le budget de la justice ! ».

    Sa liste s'allongeait : « La censure, visiblement ça vous gêne encore, c’est l’aggravation de la crise immobilière. C’est la fin du prêt à taux zéro, au moment même où le marché de l’immobilier s’effondre, ce qui met en péril nos artisans et nos entreprises. La censure, c’est l’incertitude économique pour tous ceux qui prennent des risques. C’est l’incertitude pour les entreprises, c’est l’incertitude pour les PME, c’est l’incertitude pour les commerçants, c’est l’incertitude pour les artisans, c’est l’incertitude pour les professions libérales. Vous n’en avez même pas dit un mot, madame Le Pen ! Cette incertitude, c’est celle des Français qui vont hésiter à consommer demain. Je prends d’ailleurs date aujourd’hui : par votre irresponsabilité, vous enfoncerez la France dans une crise économique et financière et vous en porterez la responsabilité aux yeux des Français, qui se souviendront de ceux qui ont allumé la mèche. Un pays a besoin de stabilité. Il a besoin de stabilité, il a besoin d’un budget, il a besoin d’un gouvernement. ».

    L'intervention de Laurent Wauquiez était d'une certaine hauteur de vue, car il a voulu ramener l'enjeu sur l'intérêt général de la France. Il s'est notamment beaucoup inquiété de la perte de stabilité institutionnelle avec la censure : « Rien n’est pire, pour une économie, que l’incertitude. La censure, et c’est sans doute le plus grave, c’est faire perdre à notre pays son dernier atout. La France pouvait au moins compter sur la stabilité de ses institutions, mais vous vous délectez d’une plongée dans l’instabilité. Voilà l’image que vous donnez. La stabilité de nos institutions, c’est ce qui nous a toujours protégés, si bien que même dans les crises les plus graves, notre pays demeurait gouvernable. Alors que nous dansons au-dessus d’un volcan, vous nous proposez de faire un pas de plus en direction de l’instabilité institutionnelle qui a accéléré l’agonie de la IVe République. Vous vous apprêtez à ouvrir la boîte de Pandore de l’instabilité gouvernementale. Vous réveillez les vieux démons qui viennent de l’extrême gauche de la politique française, ceux de l’impuissance, de l’instabilité ministérielle et de l’incertitude économique. Si encore vous aviez des solutions ! Vous proposez le blocage sans solutions. ».

    Pris au vif par les piques de Marine Le Pen, Laurent Wauquiez n'a pas manqué de condamner la posture de celle-ci : « Que vous le vouliez ou non, il ne peut pas y avoir de nouvelles élections législatives avant l’été : c’est ça, la vérité. Pendant que se jouait cette comédie d’une insoutenable légèreté, qu’avons-nous entendu ? "Vous ne nous avez pas traités avec suffisamment d’égards", voilà ce que nous avons entendu. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que vous vous apprêtez à jouer avec le destin de la France, que vous vous apprêtez à faire tomber un gouvernement parce qu’on ne vous aurait pas traités avec suffisamment d’égards ? Est-ce vraiment cela, être à la hauteur des enjeux ? Est-ce bien l’image que vous voulez offrir ? ».

    Et de tacler tous les démagogues : « Je n’oublie rien de la responsabilité de la France insoumise. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui veulent autoriser l’apologie du terrorisme. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui entretiennent une complaisance détestable avec l’antisémitisme et je n’oublie rien du danger de ceux qui ont trahi Jaurès et Clemenceau. ».

    La responsabilité du RN a été fermement pointée du doigt (même si, à mon sens, Laurent Wauquiez a oublié la responsabilité du PS dans cette affaire) : « Toutefois, la réalité c’est que sans vos voix, madame Le Pen, la France insoumise ne pourrait rien. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les policiers d’assassins. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les terroristes de résistants. Honnêtement, la dignité devrait vous imposer un autre comportement. Quand on lit le texte de la motion de censure, on comprend toute l’hypocrisie de son soutien : il dénonce les plus viles obsessions de l’extrême droite et vous le voteriez ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas revenir sur l’aide médicale d’État ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas de loi plus ferme au sujet de l’immigration ? Voilà, madame Le Pen, ce que vous allez faire, voilà à quelles incohérences en sont réduits, dans cet hémicycle, les semeurs de chaos. ».


     

     
     


    Il faut vraiment noter que toute l'intervention de Laurent Wauquiez relevait d'une certaine déception à l'égard du RN, comme s'il avait pu compter sur ce parti extrémiste pour servir l'intérêt national (à l'instar d'un autre qui s'est complètement fourvoyé, Éric Ciotti) : « Dans un parcours politique, il y a toujours un moment de vérité. Il y a des moments où on ne peut pas duper, esquiver ou feindre. Des moments où il faut choisir entre un intérêt personnel, madame Le Pen, et l’intérêt du pays. Des moments où il faut choisir entre son intérêt partisan et le sens de l’État. Madame Le Pen, je n’ai jamais été de ceux qui vous diabolisaient. Je n’ai jamais été de ceux qui vous donnaient des leçons de morale. Je vous le dis donc avec d’autant plus de force aujourd’hui : les Français jugeront sévèrement le choix que vous vous apprêtez à faire. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendent redresser le pays et choisissent le désordre. Les Français jugeront sévèrement ceux qui voulaient se montrer responsables, mais font finalement le choix de l’irresponsabilité. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendaient incarner l’ordre et choisissent aujourd’hui le chaos. Emmanuel Macron porte peut-être seul la responsabilité de la dissolution mais vous porterez, avec la France insoumise, la responsabilité de la censure qui plongera le pays dans l’instabilité. Je vous le dis donc une dernière fois : ressaisissez-vous ! Ressaisissez-vous, il en est encore temps ! Ressaisissez-vous et changez votre choix ! Ressaisissez-vous, parce que sinon, nous nous souviendrons longtemps de ce jour désolant. Nous nous souviendrons longtemps, madame Le Pen, qu’une alliance des contraires, portée par le cynisme, a plongé notre pays dans l’instabilité. Ressaisissez-vous, parce qu’il est toujours temps de faire le choix de la France ! ».

    Au final, malgré l'avertissement toutes ces conséquences connues par les censeurs irresponsables et cyniques, sourds à l'intérêt populaire et aux arguments rationnels de leurs collègues, la motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier a été adoptée par une majorité de l'Assemblée, entraînant le rejet des textes budgétaires, la démission du gouvernement, une nouvelle période d'incertitude à la fois institutionnelle, politique, sociale, économique et financière. Les Français, dans leur bon sens, seront très sévères envers ces oiseaux de malheur qui ne cherchent qu'à détruire la France, diviser le peuple et semer la haine et la désolation dans tout le pays.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier.
    Laurent Wauquiez.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-consequences-censure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/motion-de-sangsue-les-consequences-257976

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/03/article-sr-20241204-consequences-censure.html





     

  • Syrie : la chute historique de Bachar El-Assad

    « Après cinquante ans d'oppression sous le pouvoir du [parti] Baas, et treize années de crimes, de tyrannie et de déplacements, nous annonçons aujourd'hui la fin de cette ère sombre et le début d'une nouvelle ère pour la Syrie. » (déclaration des rebelles syriens, le 8 décembre 2024).



     

     
     


    C'est acté ! Après la chute de Ben Ali, la chute de Moubarak, la chute de Kadhafi, voici, avec un long différé du Printemps arabe, la chute de Bachar El-Assad, après plus de vingt-quatre ans d'un pouvoir absolu. La guerre civile avait commencé en juillet 2011 en Syrie. Ce dimanche 8 décembre 2024, les troupes rebelles ont pris la capitale, Damas, et le gouvernement l'a proclamé ville libre. Les effigies du tyran et de son père ont été retirées. Le peuple syrien est en liesse.

    Selon Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, qui l'a annoncé à l'AFP, « [Bachar] El-Assad a quitté la Syrie via l'aéroport international de Damas avant que les membres des forces armées et de sécurité ne quittent [les lieux]. ». Son sort est maintenant connu, lui et sa famille ont réussi à fuir la Syrie et ont reçu l'asile politique à Moscou, qui n'avait pas pu les protéger.


    Chef du parti Baas, Hafez El-Assad (1930-2000), Président de la République syrienne du 14 mars 1971 au 10 juin 2000, a mis en place une dictature alaouite (chiite) implacable. Son fils Bachar El-Assad, médecin, ne devait pas être le successeur de son père. C'était en principe son frère aîné Bassel El-Assad qui devait prendre la relève de la dictature, mais il est mort dans un accident de voiture le 21 janvier 1994. À sa prise de fonction le 17 juillet 2000, Bachar El-Assad, considéré comme "moderne", avait fait naître l'espoir d'un assouplissement du régime. À la fin des années 2000, je me souviens avoir vu sur Arte un documentaire biographique sur lui très élogieux, beaucoup trop élogieux pour que la chaîne franco-allemande ose le rediffuser depuis 2011. Il serait intelligent de le rediffuser pour montrer à quel point l'histoire est changeante et les points de vue peuvent singulièrement s'inverser.

    Et pourtant, on savait déjà que le régime de Bachar El-Assad n'avait rien à envier à celui de son père. Membre de l'UDF, je me souviens que, en marge des congrès de l'UDF, en 2003, en 2004, en particulier, des réfugiés syriens expliquaient, témoignaient, alertaient : le régime syrien était une dictature de la pire espèce et son tyran un véritable boucher. À l'époque, ils n'étaient pas vraiment écoutés des gouvernements européens ou américains. La géopolitique l'emportait sur les droits de l'homme.

    Ce sont les Printemps arabes qui ont changé un peu les choses avec ce clivage assez fou dans la plupart des pays musulmans : ou une dictature "laïque" (et souvent militaire), ou la charia. Choix cornélien. Bachar El-Assad n'avait pas lésiné sur la répression à partir de 2011 pour éviter d'être déstabilisé, avec l'aide de la Russie et de l'Iran, et on se demande toujours aujourd'hui si c'était mieux ou pas qu'il ne chutât pas à l'époque, car en face, Daech ne présentait pas mieux en termes de paix et de douceur de vivre. Peut-être même bien pire.

     

     
     


    L'offensive actuelle des rebelles a été amorcée le 27 novembre 2024. Alep a été prise le 1er décembre 2024, puis Hama, la quatrième ville du pays le 5 décembre 2024, puis Homs le 7 décembre 2024, enfin Damas ce dimanche. Les combats ont fait plusieurs centaines voire milliers de morts (au moins 910), l'Iran et la Russie ont tenté d'aider Bachar El-Assad par des bombardements. Le Hezbollah avait envoyé 2 000 combattants pour aider le dictateur. Près de 400 000 personnes auraient été déplacées à cause des combats. Le renversement du régime a été fulgurant, une dizaine de jours ont suffi aux rebelles pour virer Bachar El-Assad. Les forces russes ont décidé prudemment de se retirer. Donald Trump, présent à Paris samedi, a annoncé qu'il ne serait pas question que les États-Unis interviennent dans cette histoire. Pour l'instant, les forces américaines ont bombardé préventivement 75 bases de Daech à l'est de la Syrie.

    La faiblesse de la riposte du régime face au rebelle était étonnante. L'ancien ambassadeur de France en Syrie, Michel Duclos, a analysé sur franceinfo, ce dimanche : « Le fait qu'il n'y ait pas eu de résistance, pour l'instant, signifie que le régime [syrien] était vraiment en bout de course. ». Le régime Baas s'est écroulé comme un château de cartes, à l'instar des dictatures communistes entre 1989 et 1991. Le signal est fort car cela pourrait continuer à bouger dans la région ; après l'effondrement de la Syrie, c'est la République islamique d'Iran qui pourrait aussi être violemment secouée. Le régime des ayatollahs est en effet très fragile et repose actuellement sur un vieillard malade de plus de 85 ans.


    Les rebelles syriens sont réunis depuis 2017 au sein de Hayat Tahrir El-Sham (HTS), qui signifie Organisation de libération du Levant. Ce mouvement est dominé par l'ancien branche syrienne d'Al-Qaïda et dirigé par Abou Mohammed Al-Joulani (40 ans). Considéré comme un "terroriste mondial" depuis le 16 mai 2013 par les États-Unis, il a été membre d'Al-Qaïda de 2003 à 2006, de Daech de 2006 à 2011 et fondateur du Front Al-Nosra le 23 janvier 2012. Ce jihadiste a su fédérer les rebelles en Syrie, qui, pour la plupart, seraient soutenus par la Turquie, dont le rôle resterait à préciser à ce jour.

    Je ne regretterai pas Bachar El-Assad, ce boucher sanguinaire, et je crois que peu de Syriens vont le regretter. En revanche, se réjouir de la chute d'un dictateur n'empêche pas de s'inquiéter de l'avenir. Il n'existe pas de "jihadiste modéré", pas plus que de "taliban modéré" en Afghanistan. Il faudra donc surveiller de près la suite, sur les libertés, sur les droits de l'homme, sur la considération pour les femmes, sur la démocratie qui n'a jamais été instaurée en Syrie, etc.

    Ce renversement important du Proche-Orient a bien eu un détonateur, le massacre du 7 octobre 2024 et la réaction d'Israël contre le Hamas et surtout contre le Hezbollah qui, apparemment, était la principale défense du régime syrien. L'axe Russie-Iran-Syrie est donc mis à mal et Benyamin Netanyahou, le Premier Ministre israélien, en a profité pour annoncer la prise de contrôle du plateau du Golan pour assurer une sécurité préventive de son pays.


     

     
     


    En tout cas, tortures, massacres, bombardements, emploi du gaz à grande échelle, le bilan écœurant de Bachar El-Assad devra un jour être précisément établi, et même, pourquoi pas, qu'il soit jugé pour tous ses actes. Quant à certains leaders populistes et extrémistes en France, ne soyons pas amnésiques, ne nous laissons pas bercer par leurs réactions d'aujourd'hui, plus hypocrites les unes que les autres, et n'oublions surtout pas que ceux qui étaient (et restent encore) les alliés de Vladimir Poutine l'étaient aussi de Bachar El-Assad, régulièrement reçus par lui aux pires moments de répression (ils avaient leur rond de serviette). Il faudra aussi, sur ce plan-là, rendre des comptes au peuple français.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Syrie : la chute historique de Bachar El-Assad.
    Fadwa Suleiman.
    Daech : toujours la guerre.
    Le massacre d’Alep.
    Daech en Syrie : guerre et peine.
    Flou blues.
    BHL et la Syrie.
    Vade-mecum des révolutions arabes.

     

     
     

     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241208-chute-bachar-el-assad.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/syrie-la-chute-historique-de-258056

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/08/article-sr-20241208-chute-bachar-el-assad.html