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  • Notre-Dame de Paris, capitale du monde !

    « Vertige de découvrir que Notre-Dame de Paris pouvait disparaître et que nos cathédrales aussi sont mortelles. Alors, nous avons choisi le sursaut, la volonté, le cap de l'espérance. Nous avons décidé de rebâtir Notre-Dame de Paris, plus belle encore, en cinq années. Le sursaut, la volonté, et pour rendre cela possible, une fraternité inédite. » (Emmanuel Macron, le 7 décembre 2024 à Notre-Dame de Paris).



     

     
     


    Le Président de la République de poursuivre : « Fraternité de ceux qui ont donné, de tous les continents, de toutes les religions, de toutes les fortunes, unis par l'espérance et réunis dans ces murs. Fraternité des compagnons, apprentis et de tous les métiers ici réunis sous la conduite du général Georgelin pour qui j'ai ce soir une pensée émue. ». J'aurais pu titrer cet article "Impossible n'est pas français !" et même "Paris vaut bien une messe !".

    Le provincial enfant que j'étais avait été étonné en apprenant que dans les calculs de distances kilométriques pour Paris, on prenait comme point de référence Notre-Dame de Paris. Le centre de Paris. Elle est devenue le centre du monde pour quelques heures ce samedi 7 décembre 2024. Si le temps (météo) n'était pas clément, mais le temps (durée), le moment était toutefois absolument exceptionnel.

     

     
     


    Encore une fois, la France se retrouve au centre de la culture, de la religion, de la politique, de la diplomatie, de l'économie, autant dire, de la civilisation du monde aujourd'hui. Et précisons qu'il n'existe véritablement qu'une seule civilisation de nos jours, celle qui relie des peuples différents, des cultures distinctes par des moyens technologiques de communication et de transports sans précédent.
     

     
     


    L'année 2024 sera doublement étonnante. D'abord, cet été, avec un pays célébré et félicité pour son organisation des Jeux olympiques et paralympiques mémorables alors qu'il n'y avait plus de gouvernement. Et cette fin d'automne qui, là encore, a vu le pays sans gouvernement pour l'une de ses rares cérémonies mondiales, elle aussi mémorable. François Mitterrand avec son Bicentenaire de la Révolution, le 14 juillet 1989, n'a plus qu'à se rhabiller, il a trouvé son maître ès cérémonies, Emmanuel Macron ! Je plaisante, mais c'est un peu vrai. Pas étonnant que le pape François ne soit pas venu, il a adressé un message aux Français à cette occasion, lu dans la soirée, pour les remercier (et demander de ne pas rendre payante l'entrée de la cathédrale), mais il ne souhaitait sans doute pas se mêler aux fastes des invités d'honneur. Lui, c'est l'humilité et on ne le lui reprochera pas.

     

     
     


    Une quarantaine de chefs d'État, de gouvernement étaient présents pour fêter, car il s'agit bien de fête ici, de célébrer la réouverture de Notre-Dame de Paris, d'honorer les pompiers et tous les compagnons artisans qui ont rebâti en cinq ans la cathédrale. Ce n'est pas sans précédent de réunir des dizaines de chefs d'État et de gouvernement à Notre-Dame ; depuis l'assassinat de Sadi Carnot, la plupart des Présidents de la République française ont été enterré à Notre-Dame de Paris, en particulier De Gaulle, Georges Pompidou, mais aussi François Mitterrand (le vrai enterrement a eu lieu à Jarnac) et Jacques Chirac (en fait, il aurait dû y être enterré, mais à cause de l'incendie, ce fut à l'église Saint-Sulpice), et de nombreux homologues étrangers, anciens ou en fonction, les ont accompagnés à ces ultimes hommages.
     

     
     


    Ce samedi soir, et le lendemain, puisque les personnalités invitées ce soir sont aussi conviées, pour certaines, à participer à la messe du dimanche matin, sur le plan religieux, c'est la fête de l'Immaculée conception, appelée aussi la fête des Lumières à Lyon. La fête de la Vierge Marie, la fête de Notre-Dame. Cette cérémonie a eu de nombreuses facettes nationales et internationales. C'est la fête d'Emmanuel Macron et il ne pourra pas cacher sa satisfaction d'avoir réussi à mettre la France et Paris au centre du monde pendant quelques heures. Mais aussi d'avoir réussi ce pari audacieux, ce défi au temps et aux choses de vouloir reconstruire la cathédrale en cinq ans, un peu comme saint Pierre qui allait bâtir l'Église ! Évangile selon saint Matthieu : « Et moi, je te déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l'emporetera pas sur elle ! » (chapitre 16, versets 18).
     

     
     


    La principale facette, c'est l'aspect diplomatique. Emmanuel Macron n'est pas seul au monde et a gardé un indéniable leadership. La meilleure reconnaissance a été la venue du Président élu Donald Trump, au-delà de Jill Biden, représentant son mari Joe Biden. Donald Trump, bien avant l'incendie, avait visité Notre-Dame de Paris (en tant que Président des États-Unis) et en était ressorti enchanté, comme lorsqu'on visite Disneyland !

    Il ne faut pas sous-estimer que Notre-Dame de Paris n'appartient pas qu'aux Parisiens ou qu'aux Français, mais au monde entier : elle est l'emblème international de la France, bien sûr, au même titre que la Tour Eiffel, mais pas seulement. Victor Hugo, par son œuvre littéraire, a non seulement forcé les autorités françaises à se préoccuper de cette cathédrale si haute en patrimoine, mais aussi les citoyens du monde entier. Les enfants américains connaissent tous l'existence de Notre-Dame de Paris et en rêvent comme d'autres rêvent du château de la Belle au bois dormant. Elle fait partie, au monde, de la magie des lieux exceptionnels, comme les pyramides, comme d'autres monuments intemporels. L'émotion le jour de l'incendie a été ressentie bien au-delà des frontières françaises et européennes.


     

     
     


    Mais pour la facette diplomatique, il ne s'agit pas de cette émotion internationale du symbole magique de la France. Il s'agit d'actualité brûlante, avec des événements dramatiques au même moment, la chute de Damas, en Syrie, et la fuite de Bachar El-Assad et de son cruel régime, qui bouleverse complètement le Moyen-Orient, dont les conséquences sont encore très mal analysées, et qui est immanquablement l'une des conséquences du cruel massacre du 7 octobre. Il s'agit aussi de la guerre en Ukraine.

     

     
     


    Emmanuel Macron, futur Prix Nobel de la Paix ? En tout cas, il a su réunir le Président américain élu Donald Trump et le Président ukrainien Volodymyr Zelensky à l'Élysée pour une première rencontre diplomatique, et cette rencontre a été improvisée, elle n'était prévue que dans les minutes qui l'ont précédée (le retard de Donald Trump faisait télescoper son rendez-vous avec celui du Président ukrainien). Très émouvant aussi, car spontanément, Volodymyr Zelensky a été applaudi par le peuple de Paris qui était présent, et à l'intérieur de la cathédrale, par les chefs d'État et de gouvernement qui y étaient présents.

     

     
     


    La présence même de Donald Trump a été sans doute la plus grande victoire diplomatique d'Emmanuel Macron. Donald Trump a ainsi réservé à la France sa première visite internationale, c'est une belle reconnaissance de l'importance de la France dans le monde. Cela a été aussi l'occasion de rencontrer les futurs homologues de Donald Trump venus à la fête. Comme un parrain, il a salué de nombreux chefs d'État et de gouvernement très flattés de pouvoir faire une première approche avec le futur Président des États-Unis.

     

     
     


    La très courageuse Présidente géorgienne Salomé Zourabichvili est venue le saluer pour tenter d'y trouver un allié dans son combat contre Vladimir Poutine. Même le gouvernement français démissionnaire était intimidé, Michel Barnier en premier, qui regardait Donald Trump avec une certaine fascination, celle d'un enfant approchant un animal fantastique.

     

     
     


    Ce n'est pas non plus un hasard si Donald Trump est venu avec une cravate jaune sur un costume bleu, les couleurs de l'Ukraine. Elon Musk s'est invité aussi à la cérémonie, au grand dam du protocole.

     

     
     


    Il y a eu la facette culturelle, qui est celle que la culture réunit bien au-delà de la religion. La cathédrale est un patrimoine reconnu au-delà des chrétiens, au-delà des Parisiens, au-delà des Français, au-delà du religieux. C'est de l'architecture, c'est de l'histoire (dans son discours, Emmanuel Macron a rappelé l'imbrication de Notre-Dame de Paris avec l'histoire de France, depuis saint Louis jusqu'à De Gaulle), c'est aussi le symbole de l'esprit face au matériel, d'une puissance transcendante face au temporel. C'est la nation française qui transcende au-delà des passions religieuses. Il faut ainsi voir cette fraternité dans la diversité des religions. Notre-Dame de Paris fait nation. Emmanuel Macron, qui ne voulait pas prononcer son discours à l'intérieur de la cathédrale, mais les conditions météorologiques l'ont empêché de s'exprimer à l'extérieur, a réussi à ne pas provoquer de polémique sur la laïcité : la laïcité est la neutralité de l'État, pas l'opposition de l'État aux religions. Les athées, les agnostiques, les musulmans, les autres croyants ont tous communié avec les catholiques et les autres chrétiens pour cette renaissance de Notre-Dame de Paris, c'était donc une cérémonie fédératrice, fédératrice de la nation, fédératrice des religions (œcuménisme), et fédératrice des nations au pluriel. Ce n'est pas si fréquent, c'est pour cela qu'il faut le souligner. Oui, Paris vaut bien une messe !

    Et impossible n'est pas français ! Emmanuel Macron a été personnellement responsable de deux choses essentielles pour Notre-Dame de Paris. D'abord, la décision de prendre le risque d'aller sauver les cloches dans une tour. Le risque était grand, il était mortel. La décision n'a pas dû être facile à prendre, soit la vie de dizaines de pompiers, et chaque vie est aussi précieuse qu'un monument historique, soit la préservation, l'existence pure et simple de la cathédrale, car l'effondrement des tours lui aurait été fatal. Le fait qu'il n'y a pas eu de mort, heureusement, ne doit pas faire sous-estimer la folie d'une telle décision.
     

     
     


    Dans son petit discours, d'ailleurs, Emmanuel Macron a rappelé cet épisode : « Le 15 avril 2019, la nouvelle de l'incendie a couru de lèvres en lèvres. Les images de flammes dévorant le transept, la fumée noire, la flèche qui vacille puis s'effondre dans un fracas d'ossements, et ces heures de combats face au feu. La décision de lui laisser sa part et ces minutes désespérées où tout pouvait partir, où la pierre, le bois, les vitraux auraient pu disparaître. (…) Il y eut surtout de la bravoure. Celle de ces sapeurs pompiers et de leur chef, envoyés pour une dernière tentative, plus dangereuse encore que les autres, ces hommes, escaladant la façade, plongeant dans le feu afin d'empêcher les seize cloches de tomber, et avec elles, toute la cathédrale. À 22 heures 47, retentit ce message : nous sommes maîtres du feu. Les pompiers reprenaient l'avantage, et il n'y eut, cette nuit, aucun mort. ». Aucun mort, cela a dû être le principal soulagement de tous sa Présidence.
     

     
     


    Du reste, avant ce discours et avant l'interprétation des talentueux frères Capuçon d'une œuvre de Haendel, les pompiers ont été vivement honorés en défilant dans l'allée principale de la cathédrale.

     

     
     


    Cet épisode a notamment ému Donald Trump car il a dû repenser à l'effondrement des Twin Towers du World Trade Center le 11 septembre 2001 et à la mort des pompiers qui ont tenté de sauver les personnes travaillant à l'intérieur, qui ont représenté 10% des milliers de victimes. L'effondrement de la flèche de Notre-Dame a aussi rappelé chez les Américains cette tragédie.

    Le second point, c'est le choix de rebâtir Notre-Dame de Paris à l'identique, c'est-à-dire selon les choix de Viollet-le-Duc. Emmanuel Macron était plutôt favorable à un élément d'architecture moderne (moi aussi, pas forcément pour la flèche), mais il a finalement été convaincu par l'architecte en chef de Notre-Dame, Philippe Villeneuve, que le choix de l'identique semblait plus adéquat. Comme quoi, le Président est aussi capable d'écouter ce qu'on lui dit. Tous ceux, surtout parisiens, qui considéraient Notre-Dame comme faisant partie de leur paysage quotidien depuis leur enfance ou leur jeunesse ont dû le remercier de ce choix.

    En fait, Emmanuel Macron est le responsable de trois et pas de deux éléments majeurs dans la reconstruction, la premier, c'est évidemment d'avoir fixé le délai de cinq ans pour terminer les travaux, là où dix ou vingt auraient dû être nécessaires selon les plus connaisseurs. C'est cette folie des objectifs qui a permis de faire des miracles. La première chose qu'il faut rappeler, une règle managériale, c'est que même si on ne connaît pas le temps pour un projet, il faut se donner un agenda, des repères, des objectifs de calendrier, quitte à les repousser ensuite, mais il faut se fixer des objectifs. La seconde chose, c'est que le volontarisme fait des miracles, en organisant tout un mouvement pour aller jusqu'au bout de l'action.

     

     
     


    D'ailleurs, au-delà de la volonté politique, il y a bien sûr l'aspect financier dans une époque budgétaire pourtant désastreuse, mais même cette considération a été au-delà des espérances : 340 000 donateurs venus du monde entier, et, certes, quelques grosses fortunes ont contribué massivement, ce qui a apporté 800 millions d'euros très rapidement... un budget en bénéfices qui pourra aussi servir aux rénovations prévues avant l'incendie de Notre-Dame. C'est probablement l'une des raisons de la réussite sur le délai : il n'y avait pas de limite financière au projet. Dans la vie réelle (par exemple, dans les gros chantiers publics, comme le désamiantage de Jussieu), il y a toujours une sous-évaluation du coût du gros chantier public (pour une raison simple : l'État est surendetté et ne prend la décision que si le coût est "raisonnable").

    Dans la facette culturelle, il faut aussi souligner l'extraordinaire choix du couturier Jean-Charles de Castelbajac d'avoir choisi de concevoir de très belles chasubles avec des couleurs vives, ce qui a donné des allures de joie et de modernité à une liturgie qui aurait pu sembler vieillotte et ennuyeuse (d'autant plus que l'archevêque de Paris Mgr Laurent Ulrich, qui a ouvert la grande porte de Notre-Dame, n'est pas ce qu'on appelle un homme très charismatique).
     

     
     


    Bien sûr, il y a eu aussi la facette économique du génie français, de l'excellence française, reconnue par le monde entier. Encore une nouvelle fois, après les JOP. C'est la grande fierté d'Emmanuel Macron, celle d'avoir su atteindre son objectif ô combien ambitieux et périlleux. Le volontarisme fait des miracles. Emmanuel Macron s'est hissé au rang de De Gaulle en termes de volontarisme. Il y a aussi un autre Président qui a cultivé le volontarisme, Nicolas Sarkozy, mais sans doute son volontarisme tournait à vide, par manque de culture, manque d'horizons.

    Emmanuel Macron a su mener à merveilles ce projet de reconstruction de la cathédrale, en particulier en nommant Jean-Louis Georgelin dont la mémoire a été honorée au cours de la cérémonie (il est mort dans une randonnée en montagne en 2023 ; il expliquait qu'il était un militaire, qu'il obéissait et quand on lui a dit cinq ans, il a agi pour atteindre ces cinq ans). C'est la démonstration de l'excellence française, de la capacité des Français à s'unir, à remonter leurs manches et à faire excellent, reconnus par tous dans le monde. Avec cette reconstruction, il y a de quoi être fier d'être Français.

    Incontestablement, il y a bien deux France. La France de l'excellence, du rayonnement culturel, du phare intellectuel, qui éblouit toutes les nations, et, en même temps, cette classe politique pourrie par la haine et l'arrivisme, par l'irresponsabilité et le cynisme, par le populisme et la démagogie, qui a adopté une motion de censure pour d'obscures raisons d'intérêts particuliers en oubliant l'objectif principal d'un engagement politique, servir les Français, servir la Nation. En clair, être patriote ! Heureusement, Emmanuel Macron est là et résistera à ces forces du déclin et de la division. Nos amis étrangers ont, eux aussi, déjà choisi. Et les Français lui en rendront crédit.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Notre-Dame de Paris, capitale du monde !
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Jean-Louis Georgelin.
    Eugène Viollet-le-Duc.
    Notre-Dame de Paris : la flèche ne sera pas remplacée par une pyramide !
    La Renaissance de Notre-Dame de Paris : humour et polémiques autour d’une cathédrale.
    Allocution du Président Emmanuel Macron du 16 avril 2019 (texte intégral).
    Notre-Dame de Paris, double symbole identitaire.
    Maurice Bellet, cruauté et tendresse.











    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241207-notre-dame-de-paris.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/notre-dame-de-paris-capitale-du-258043

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/07/article-sr-20241207-notre-dame-de-paris.html




     

  • Le Premier Ministre de la Saint-Nicolas

    « À partir d’aujourd’hui, c’est une époque nouvelle qui doit commencer où tous devront agir pour la France et où il faudra bâtir des compromis nouveaux. Parce que la planète avance, parce que les défis sont nombreux et parce que nous devons être ambitieux pour la France. Nous ne pouvons nous permettre ni les divisions ni l’immobilisme. C’est pourquoi je nommerai donc dans les prochains jours un Premier Ministre. Je le chargerai de former un gouvernement d’intérêt général représentant toutes les forces politiques d’un arc de gouvernement, qui puissent y participer ou à tout le moins qui s’engagent à ne pas le censurer. Le Premier Ministre aura à mener ces consultations et former un gouvernement resserré à votre service. » (Emmanuel Macron, allocution du 5 décembre 2024).




     

     
     


    Le gouvernement Barnier censuré, on retourne à la case départ du 7 juillet 2024 avec le même problème : comment désigner un gouvernement alors qu'à l'Assemblée, divisée en trois blocs de même taille, aucune majorité ne semble possible ? Quel Premier Ministre ?

    L'adoption de la motion de censure
    le 4 décembre 2024 a été un événement institutionnel majeur de notre histoire politique. Depuis le début de la Cinquième République, c'est la seconde fois qu'un gouvernement a été censuré. La première fois, c'était le 5 octobre 1962 avec le Premier Ministre Georges Pompidou (on a retrouvé des images des deux seuls Premiers Ministres censurés).

    Mais la censure de 2024 est incomparable avec celle de 1962. En effet, la censure de 1962 était fondatrice d'une certaine pratique institutionnelle. L'adoption de la motion de censure a eu pour conséquence la dissolution de l'Assemblée. Ainsi, le Président de la République avait le dernier mot et si aucune motion n'a jamais été encore adoptée de nouveau, jusqu'en 2024, c'était par cet équilibre de la terreur : en cas d'adoption d'une motion de censure, la conséquence la plus probable est le retour aux urnes, la dissolution, pour permettre au peuple de départager le conflit entre l'exécutif et le législatif. Le problème de 2024, c'est que l'arme de la dissolution s'est dissoute avec l'Assemblée puisqu'il ne peut pas y avoir de nouvelle dissolution avant l'été prochain.


     

     
     


    En quelque sorte, 2024 est absolument l'inverse de 1962, c'est la dissolution du 9 juin 2024, qui a abouti à l'élection d'une Assemblée impossible le 7 juillet 2024, ce qui a entraîné une motion de censure le 4 décembre 2024. La dissolution a eu pour conséquence la censure. Et le problème, c'est que les mêmes causes risquent d'avoir les mêmes effets.

    Du reste, Marine Le Pen, dans un entretien dans "Le Figaro", a confirmé ce vendredi qu'elle pourrait toujours voter une nouvelle motion de censure dans les prochaines semaines ou prochains mois, montrant par là la même irresponsabilité et le même cynisme que Jean-Luc Mélenchon. C'est aussi pour cela que le PS du mou Olivier Faure, soumis aux insoumis, a un peu bougé dans sa posture.

    Un accord de non-censure pourrait être conclu dans « l'arc de gouvernement », comme le souhaiterait Emmanuel Macron, à savoir avec la gauche, le centre, la droite républicaine et le macronisme. Le PS réclame encore un Premier Ministre « de gauche » tandis que LR censurerait une politique de gauche. La porte est étroite, comme dirait André Gide, mais elle s'est ouverte pour éviter la dépendance du futur gouvernement aux caprices lepénistes.

    Mais qui pourrait être nommé à Matignon ? On l'a vu, la personnalité, son expérience politique, parlementaire, sa recherche de consensus, sa clarté dans les idées et dans les négociations, ont dans de tels moments une influence capitale. La personnalité de Michel Barnier était pourtant intéressante et même adaptée aux difficultés des temps, mais à un moment donné, sentant le ridicule d'être mené ainsi par le RN, il y a eu arrêt des discussions. Sans doute saura-t-on dans les années ou décennies à venir ce qui s'est réellement passé pour arriver à une motion de censure, mais il fallait bien comprendre que dans la configuration de la nomination de Michel Barnier, le 5 septembre 2024, chaque jour qui passait était un jour de miracle. La vie est une création continue.


     

     
     


    Malgré la posture un peu différente du PS, tant que les socialistes ne se désolidarisent pas très clairement des insoumis, aucun réel accord ne pourra aboutir avec les formations politiques de l'actuel socle commun. Cela signifie surtout qu'un accord d'appareil paraît peu probable, tant les positions sont divergentes, et que seul, le Premier Ministre, par son rayonnement, son talent de négociateur et son réseau, pourra vraiment fédérer une équipe hétéroclite. Rappelons enfin que l'obstacle du budget n'est toujours pas franchi et qu'en janvier ou février 2025, il restera encore à se mettre d'accord sur les lois de finances pour 2025, ce qui avait provoqué la motion de censure il y a deux jours.

    On a dit que les potentiels Premiers Ministres ne seraient que des hommes. Eh bien, non ! Il y a deux femmes et commençons par elles, et, chose étrange car en général, les plus ambitieux sont plutôt les hommes, ce sont les deux seules candidates clairement autoproclamées à Matignon.


    La première est déjà connue depuis le 23 juillet 2024 : Lucie Castets, non contente des humiliations successives dont elle a été victime de la part de ses "amis" de la nouvelle farce populaire (NFP), s'est déclarée préparée à exercer les fonctions de Première Ministre. On aurait dit un titre du Gorafi, a pensé un journaliste influent sur Twitter ! Elle n'a jamais été élue, elle dit n'importe quoi sur le budget depuis quatre mois et demi (bien qu'ancienne directrice financière de la ville de Paris, certes hyper-endettée), elle a été "répudiée" (y a-t-il un autre terme pour la secte ?) par les insoumis pour une possible candidature à Grenoble... mais, comme les Poilus de 1914 avec leur pantalon bien rouge, elle est montée sur le front surtout pour prendre les coups et faire guignol.

    La deuxième candidate à Matignon est finalement la version féminine de Manuel Valls dans l'arrivisme : Ségolène Royal a fait acte de candidature auprès du Président de la République. L'ancienne candidate à l'Élysée, qui a un certain charisme, c'est vrai, ne représente pourtant plus rien sinon l'antenne de BFMTV. Elle se verrait bien à tous les postes possibles depuis qu'elle a quitté son ministère en 2017. La preuve qu'elle veut repousser l'âge de la retraite à au-delà 70 ans, comme le gourou de FI.

    Plus sérieusement (quel dommage de dire cela parce qu'il manque des femmes à stature), le nom de Sébastien Lecornu, l'actuel Ministre des Armées et premier-ministrable déjà en janvier 2024 (avant la dissolution), considéré comme le chouchou du Président, revient relativement souvent. Il a pour lui d'être originaire du parti Les Républicains, et aussi d'avoir organisé des rencontres entre Édouard Philippe, Marine Le Pen et Jordan Bardella. Homme particulièrement lisse, il est sans aspérité et peut donc plaire. Ou plutôt, ne pas se faire détester.

    D'autres noms reviennent régulièrement aussi : si Xavier Bertrand en meurt beaucoup d'envie, il sait que seul un accord en bonne et due forme avec le PS lui éviterait la censure du RN. Bruno Retailleau fait aussi partie des favoris car il a incarné très politiquement sa nouvelle fonction de Ministre de l'Intérieur (c'était à peu près le seul ministre qu'étaient capables de citer les Français en général), mais sa nomination renforcerait le schéma perdant de l'expérience Barnier. On parle aussi de Jean Castex dont la convivialité consensuelle mettrait un peu de chaleur dans une Assemblée tendue (et la réussite des Jeux olympiques et paralympiques plaide en faveur du patron de la RATP). Ou encore de François Baroin, maire de Troyes, ancien président de l'influente Association des maires de France, qui avait accueilli Emmanuel Macron lors des congrès des maires de France dans une atmosphère très tendue. Ce dernier avait toutefois trouvé des activités plus juteuses (et tranquilles) que la vie politique.


     

     
     


    Le nom de Thierry Breton circule aussi, mais à mon avis à tort. Avec lui, il s'agirait de former un gouvernement technique, mais dès lors qu'il faut construire un budget, même les moins politiques deviennent des politiques ; c'est la fonction même du gouvernement. La principale responsabilité des élus demeure le vote des budgets, quelle qu'en soit les collectivités (l'État comme les collectivités territoriales). C'est l'acte politique par excellence. Parler d'un gouvernement technique, c'est laisser croire qu'il y a des solutions rationnelles qui peuvent se passer des passions politiciennes. Dans une Assemblée aussi fragmentée, c'est impossible.

    Reviennent enfin deux noms qui paraissent être les clefs de ce moment politique. Il s'agit de Bernard Cazeneuve et François Bayrou. Cela a été déjà évoqué par Daniel Cohn-Bendit dès le 1
    er décembre 2024 sur LCI : François Bayrou serait en train de constituer un gouvernement resserré autour de plusieurs personnalités représentatives du front républicain. Concrètement, les deux hommes se sont rencontrés récemment et ce 6 décembre 2024, Bernard Cazeneuve a affirmé que François Bayrou ferait un très bon Premier Ministre. Rappelons d'ailleurs que l'ancien Premier Ministre socialiste a été l'invité de François Bayrou à l'université de rentrée du MoDm le 29 septembre 2024 à Guidel. Enfin, François Bayrou a déjeuné avec Emmanuel Macron le 5 décembre 2024, au lendemain de la censure et juste avant l'allocution présidentielle.
     

     
     


    En quoi François Bayrou pourrait-il être l'homme de la situation ? D'abord, son expérience, équivalente à celle de Michel Barnier, avec moins d'international et plus de politique intérieure, et une différence de taille : il a été peu au gouvernement, mais il a été trois fois candidat à l'élection présidentielle, dont une fois en 2007 où il avait suscité beaucoup d'espoir en frôlant la qualification au second tour. Son positionnement a souvent été courageux : loin de se laisser enfermer dans l'UMP en 2002, il a perdu de nombreuses occasions d'être ministre entre 2002 et 2012, par son refus de soutenir Nicolas Sarkozy.

    À Emmanuel Macron, il est quasiment le seul responsable politique suffisamment proche mais aussi suffisamment indépendant d'esprit pour dire franchement ses quatre vérités. Emmanuel Macron lui doit aussi sa première élection grâce au ralliement du président du MoDem. Refusant de voter pour Nicolas Sarkozy en 2007, votant pour François Hollande en 2012 (une sacrée erreur, et il n'a reçu qu'ingratitude de le part du nouvel élu), soutenant Emmanuel Macron en 2017, et encore récemment, dans la discussion budgétaire, le MoDem a pris souvent des positions de gauche, il est le plus apte à mettre d'accord des personnalités de droite et de gauche, car il n'est ni l'un ni l'autre.

    L'épisode de février 2024 est un peu oublié, c'est pourtant récent, et peut s'expliquer à la lumière des événements actuels. François Bayrou, acquitté par la justice, blanchi avec l'honneur retrouvé, pouvait revenir au gouvernement à un moment où l'on cherchait un nouveau Ministre de l'Éducation nationale. Or, le haut commissaire du plan avait obstinément refusé de rentrer au gouvernement, préférant se mettre en réserve pour plus tard.

    Enfin, François Bayrou garde une autre caractéristique : il est également lepénocompatible, ce qui pourrait paraître très surprenant. Toute sa vie politique a montré qu'il ne transigeait pas sur les valeurs et qu'il a toujours combattu l'extrême droite, mais toujours sur le terrain politique et pas sur le terrain moral. Ainsi, il a aidé Marine Le Pen à recueillir des parrainages pour se présenter à l'élection présidentielle de 2022 en lui apportant le sien et celui d'une trentaine d'élus du MoDem. Par ailleurs, il a aussi déploré qu'une décision de justice puisse empêcher la leader du RN d'être candidate à la prochaine élection présidentielle, d'autant plus qu'il ressent une certaine solidarité à cause du procès des assistants parlementaires, même s'il correspond à des sommes dont les montants n'ont rien à voir avec ceux du procès du MoDem.


     

     
     


    Disons-le clairement : François Bayrou rêverait de devenir ce Premier Ministre de consensus qui consacrerait toute sa vie politique. Longtemps persuadé qu'il serait élu Président de la République (le cynique François Mitterrand le lui avait dit dans l'oreille dans les années 1990, et il l'avait cru !), il est prêt depuis longtemps à diriger la France. Un peu comme Ségolène Royal mais à la grande différence que le maire de Pau a des troupes, un groupe politique à l'Assemblée, et surtout, il a une cohérence politique sur le long terme dont peu de responsables politiques peuvent se vanter.

    Je ne suis pas d'accord sur tout ce que dit François Bayrou, en particulier, je suis fondamentalement opposé à la proportionnelle et ce serait une faute grave de vouloir l'instaurer en ces moments troubles (j'y reviendrai), mais je pense qu'il est l'homme de la situation parce qu'il n'y a plus d'autres personnes prêtes à remonter les manches sans arrière-pensées présidentielles et avec une volonté sincère d'apaisement. L'intérêt général l'emporte chez lui sur les postures cyniques et irresponsables (et puis, c'est son tour, dans l'ordre alphabétique, après Barnier et avant Cazeneuve !).

    Terminons encore par un sourire où l'antimacronisme est servi (et compensé) par le talent d'hilarant, une autre séance de pédopsychothérapie présidentielle, cette fois-ci juste après l'avant-dernière allocution télévisée où le Président a annoncé la fameuse dissolution de l'Assemblée. Par la talentueuse Nicole Ferroni, dont j'adore les prestations même si je ne suis pas du tout d'accord avec elle : le sens de l'humour est un tout, on l'a complètement (à ses risques et périls) ...ou pas du tout.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le Premier Ministre de la Saint-Nicolas.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.









    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241206-premier-ministre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-premier-ministre-de-la-saint-258004

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/06/article-sr-20241206-premier-ministre.html



     

  • Emmanuel Macron face à ses choix

    « Si j’ai toujours assumé toutes mes responsabilités, une bonne chose comme parfois les erreurs que j’ai pu faire, je n’assumerai jamais l’irresponsabilité des autres, et notamment des parlementaires qui ont choisi en conscience de faire tomber le budget et le gouvernement de la France, à quelques jours des fêtes de Noël. » (Emmanuel Macron, le 5 décembre 2024).




     

     
     


    Le Président de la République Emmanuel Macron s'est adressé aux Français ce jeudi 5 décembre 2024 à 20 heures au cours d'une allocution télévisée (dont on peut lire le texte intégral ici).

    Passons rapidement aux pseudo-polémiques : fallait-il qu'il parlât ? pourquoi n'a-t-il rien dit d'essentiel ? Comme le sport national depuis 2017, c'est de dénigrer du Macron (tout est bon dans le Macron pour le dénigrer !), quoi que fasse ou dise ou ne dise pas ou ne fasse pas Emmanuel Macron sera un sujet d'insatisfaction, de critique, de reproche. Il ne se serait pas adressé aux Français, on le lui aurait reproché.


    À la première question, donc : oui, bien sûr. C'était même très important. L'adoption d'une motion de censure est un événement institutionnel majeur et exceptionnel dans notre histoire, et seul, le Président de la République, garant de la stabilité des institutions et de la continuité de l'État, pouvait s'adresser aux Français pour les rassurer et aussi pour leur donner des perspectives d'avenir.

    Emmanuel Macron n'avait plus parlé aux Français de la situation politique depuis le 23 juillet 2024, avant les Jeux olympiques et paralympiques et surtout avant la nomination du gouvernement Barnier. Au contraire de son tempérament, il a gardé le silence et laissé Michel Barnier et l'Assemblée gouverner tant bien que mal, sans y mettre son grain de sel en public (hors micro, je doute qu'il n'ait pas tenté d'influencer certaines choses). On ne peut donc pas dire que l'expérience Barnier, d'une manière ou d'une autre, a été "polluée" par des initiatives hasardeuses de l'Élysée, il a laissé une très grande autonomie au Premier Ministre. En revanche, dans ce moment particulier de crise politique, il fallait qu'il parlât aux Français.

    Pourquoi n'a-t-il rien dit d'essentiel ? En quelque sorte, il a écouté Marine Tondelier, secrétaire nationale de EELV, qui lui suppliait le matin de ne pas donner le nom du futur Premier Ministre au cours de cette allocution, pour éviter le réflexe jupitérien. C'est ce qu'il a fait, dont acte. Il a préféré se donner un peu de temps pour que les lignes bougent par rapport à cet été.

    Alors, qu'a-t-il dit vraiment ?

    Cinq choses.

    D'abord, Emmanuel Macron a remercié Michel Barnier et son gouvernement. C'était une bien dangereuse aventure que celle-ci. Michel Barnier lui-même avait remercié à Matignon, la veille, ses ministres, remercié d'avoir fait partie de cette aventure si périlleuse. Il faut noter que les ministres qui avaient des mandats d'exécutifs locaux avaient pu les conserver, et donc, ils vont les retrouver. Certains seront peut-être reconduits, ou pas, au gouvernement. Ce remerciement présidentiel n'est pas anodin, Michel Barnier n'avait rien de macroniste : « Je veux ici remercier Michel Barnier pour le travail qu’il a accompli pour le pays, pour son dévouement et pour sa pugnacité. Lui comme ses ministres se sont montrés à la hauteur du moment quand tant d’autres ne l’ont pas été. ».
     

     
     


    Ensuite, le Président de la République a rappelé une évidence : il est responsable de la dissolution de l'Assemblée et il l'a toujours assumé : « Je dois bien le reconnaître cette décision n’a pas été comprise. Beaucoup me l’ont reprochée et je sais, beaucoup continuent de me le reprocher. C’est un fait et c’est ma responsabilité. Cependant, nul ne peut dire qu’en faisant cela, je ne vous ai pas redonné la parole. Je crois que c’était nécessaire. ».

    Mais il n'est pas responsable de ses conséquences, à savoir, du vote des Français : « Vous avez pris vous-même votre responsabilité en allant massivement voter aux élections législatives en juin et juillet dernier. Et ce vote ainsi que les désistements réciproques décidés par plusieurs partis ont composé une Assemblée Nationale sans majorité. Aucun parti, aucune coalition présentée aux électeurs en effet ne peut prétendre avoir seul la majorité. et cette situation exige une nouvelle organisation politique. C’est inédit mais c’est ainsi. ». Il a bien rappelé que son choix du Premier Ministre était le résultat du vote et qu'ensuite, il l'avait laissé gouverner : « Mon choix s’est porté sur Michel Barnier, un responsable d’expérience jusqu’alors dans l’opposition. Parce qu’il était en effet susceptible de rassembler la majorité la plus large à l’Assemblée et au Sénat, de la droite républicaine au centre, en passant par les radicaux et les forces indépendantes et des territoires. J’ai laissé le Premier Ministre gouverner, le Parlement légiférer. ».


    Sur la situation politique actuelle au lendemain de la censure, Emmanuel Macron a rejeté fermement la responsabilité, ou plutôt, l'irresponsabilité sur les forces politiques en jeu : « [Le gouvernement Barnier] a été censuré, ce qui est inédit depuis soixante ans, parce que l’extrême droite et l’extrême gauche se sont unies dans un front anti-républicain et parce que des forces qui hier encore gouvernaient la France ont choisi de les aider. Je sais bien que certains sont tentés de me rendre responsable de cette situation, c’est beaucoup plus confortable. Mais si j’ai toujours assumé toutes mes responsabilités, une bonne chose comme parfois les erreurs que j’ai pu faire, je n’assumerai jamais l’irresponsabilité des autres, et notamment des parlementaires qui ont choisi en conscience de faire tomber le budget et le gouvernement de la France, à quelques jours des fêtes de Noël. ».

    Cette dernière phrase est sans doute la plus importante de l'allocution et vise bien sûr les socialistes qui ont joué un jeu dangereux, irresponsable et cynique : « Pourquoi tous ces députés ont-ils agi ainsi ? Ils ne pensent pas à vous, à vos vies, à vos difficultés, à vos fins de mois, à vos projets. Soyons honnêtes. Ils ne pensent qu’à une seule chose : à l’élection présidentielle. Pour la préparer, pour la provoquer, pour la précipiter. Et cela avec le cynisme, si c’est nécessaire, et un certain sens du chaos. ».

    Troisième point, justement, la prochaine élection présidentielle : non seulement la démission du Président ne résoudrait rien mais elle irait à l'encontre de la volonté populaire de 2022. Oui, les journalistes présentent tellement mal les choses, plus par paresse intellectuelle qu'arrière-pensées politiques, mais il était important, même si un peu tardif, que le Président de la République rappelât quelques évidences : « D’abord ils se gardent bien de vous rappeler la réalité de notre Constitution ; quoi qu’il advienne, il ne peut pas y avoir de nouvelles élections législatives avant dix mois. Et dans ces conditions, l’Assemblée a le devoir de faire ce pour quoi vous l’avez élue : travailler ensemble, au service de la France et des Français. Ensuite, personne, ne peut en fait se permettre d’attendre, pour agir, pour être utile. Le monde, l’Europe avancent et nous avons besoin d’un gouvernement qui puisse décider et trancher. Enfin le mandat que vous m’avez démocratiquement confié est un mandat de cinq ans, et je l’exercerai pleinement jusqu’à son terme. Ma responsabilité exige de veiller à la continuité de l’État, au bon fonctionnement de nos institutions, à l’indépendance de notre pays, et à votre protection à tous. Je le fais depuis le début, à vos côtés, à travers les crises sociales, l’épidémie de covid 19, le retour de la guerre, l’inflation et tant d’épreuves que nous avons partagées. ».


     

     
     


    La suite ? C'est le quatrième point. Calendrier et objectif : « Je nommerai donc dans les prochains jours un Premier Ministre. Je le chargerai de former un gouvernement d’intérêt général représentant toutes les forces politiques d’un arc de gouvernement, qui puissent y participer ou à tout le moins qui s’engagent à ne pas le censurer. Le Premier Ministre aura à mener ces consultations et former un gouvernement resserré à votre service. ».

    Le fait d'avoir parlé des "prochains jours" au pluriel laisserait entendre que la nomination n'interviendrait pas avant lundi prochain, sachant que ce week-end est consacré à la réouverture de Notre-Dame de Paris et de la rencontre des dizaines de chefs d'État et de gouvernement, en particulier Donald Trump et Volodymyr Zelensky. La précision de "l'arc républicain", qui n'est pas défini, est importante, elle signifie a priori que les socialistes sont conviés à entrer au prochain gouvernement tandis que dans tous les cas, avec ou sans participation, le groupe Les Républicains a déjà annoncé dans la matinée du jeudi qu'il ne censurerait pas la prochain gouvernement. Un petit mot aussi sur le qualificatif "d'intérêt général" : c'est le propre de chaque gouvernement d'être d'intérêt général. Pas un gouvernement, en principe, n'est censé se préoccuper d'intérêts particuliers, il est toujours d'intérêt général.

    Dans la foulée de la nomination du nouveau gouvernement qui devrait quand même être rapide (au contraire de cet été), Emmanuel Macron a donné les urgences pour ne pas inquiéter les partenaires financiers de la France qui va devoir bientôt emprunter 300 milliards d'euros pour renouveler sa dette. Le Président de la République a donc voulu rassuré avec les outils qui se présentent dans les institutions : vote d'une loi spéciale pour permettre de passer le début d'année sans budget puis vote des lois de finances pour 2025 en janvier prochain : « Les services publics fonctionneront, les entreprises pourront travailler, nos obligations seront tenues, nos maires pourront évidemment là aussi continuer de fonctionner, je les remercie encore de leur dévouement pour la Nation. ».

    Emmanuel Macron a cité en particulier cinq domaines où le vote d'un nouveau budget était crucial : « pour permettre au pays d’investir comme c’était prévu, pour nos armées, notre justice, nos forces de l’ordre, mais aussi aider nos agriculteurs en difficultés qui attendaient ce budget ou venir en soutien de la Nouvelle-Calédonie ». L'évocation de la Nouvelle-Calédonie, en grandes difficultés depuis le printemps dernier, est intéressante et certains pourraient y voir une relation avec le refus de voter la censure d'Emmanuel Tjibaou (membre du groupe communiste), le fils de Jean-Marie Tjibaou, le leader du FLNKS assassiné il y a trente-cinq ans.

    Et cinquième et dernier point, après le court terme, l'urgence budgétaire, le moyen terme : « Vous le savez, je ne pourrai pas me représenter en 2027. C’est pourquoi le seul calendrier qui m’importe n’est pas celui des ambitions, c’est celui de notre Nation, au fond celui qui compte pour vous, pour nous. Nous avons devant nous trente mois, trente mois jusqu’au terme du mandat que vous m’avez confié. Trente mois pour que le gouvernement puisse agir. Agir pour faire de la France un pays plus fort et plus juste : innover, produire, investir dans les transitions technologiques et environnementales, instruire nos enfants et nos jeunes, prévenir et soigner, protéger. Au moment où les guerres en Europe et au Moyen-Orient nous déstabilisent, continuer de préparer nos armées mais aussi toute la société, et agir pour la paix. Avoir une France plus forte dans une Europe plus forte, plus indépendante et prête peut être à de nouveaux conflits et à résister à toutes les pressions. ».

     

     
     


    Face à la situation apocalyptique de la vie politique française, Emmanuel Macron a voulu, dans sa conclusion, apporter une autre vision de la France aux Français : « Regardez, samedi, devant le monde entier, nous allons célébrer la réouverture au public de Notre-Dame-de-Paris. La cathédrale sera rendue aux Parisiennes et aux Parisiens, à nous tous, aux catholiques du monde entier et aux cultes. Et ce chantier qu’on croyait impossible, rappelez-vous, nous tous, ce soir d’avril 2019. Eh bien nous l’avons fait. Comme nous avons réussi nos Jeux olympiques et paralympiques. Nous l’avons fait car il y a eu un cap clair, une volonté et parce que chaque femme et chaque homme ont travaillé dur : responsables publics, fonctionnaires, salariés, compagnons, bénévoles… chacun a eu un rôle essentiel pour une cause plus grande que nous tous. C’est la preuve que nous savons faire de grandes choses, que nous savons faire l’impossible Et d’ailleurs le monde entier, à deux reprises cette année nous admire pour cela. Eh bien c’est la même chose qu’il faut pour la Nation : avoir un cap clair pour ces trente mois : l’école, la santé, la sécurité, le travail, le progrès, le climat, l’Europe. ».

    C'est essentiel que le Président de la République puisse donner une vision optimiste de la France et positive de son avenir. Nous, Français, manquons cruellement de confiance en nous, nous pensons que nous sommes incapables de grandeur et surtout, nous attendons que ce soient nos dirigeants qui doivent être grands : mais un grand pays, ce n'est pas seulement un pays dont les dirigeants font de grandes choses (la classe politique a, à cet égard, cette grande faiblesse de l'irresponsabilité et du cynisme), c'est aussi aux citoyens eux-mêmes d'être grands par eux-mêmes et de montrer l'exemple. C'est le sens de cette conclusion présidentielle, il ne faut aussi s'investir personnellement : « Partout où elle est fragilisée, rebâtir la Nation ; partout où il y a des emportements de l’insulte, remettre de la sagesse et partout où il y a de la division vouloir l’unité ; partout où les uns cèdent à l’angoisse, vouloir l’espérance. ».

    Depuis quatre mois, cette parole présidentielle manquait beaucoup aux Français pour remettre quelques horloges à l'heure. Et d'ailleurs, conséquence presque cocasse de la censure, les censeurs ne le voulaient certainement pas, Emmanuel Macron est redevenu le maître des horloges. Étonnant, non ?

    Allez, pour sourire et parce que l'humour est toujours indispensable quand il y a tension, en vidéo à la fin de cet article, un vision différente de cette allocution par l'humoriste psychologue Nicole Ferroni...



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    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
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    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
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    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241205-macron.html

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  • Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle

    « Je dis aux Français qui nous regardent ou qui nous écoutent que la censure aurait de lourdes conséquences. (…) Chers collègues du nouveau front populaire et du Rassemblement national, si vous votez la censure, vous aurez fait entre vous un trait d’union qui s’appelle le renoncement national. Vous êtes le renoncement national ! Pour nous, les députés démocrates, lorsque l’essentiel est en jeu, peu importe les manœuvres politiciennes, peu importe les marchés financiers : seul compte l’avenir du pays. » (Philippe Vigier, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    On l'oublie un peu trop vite car les médias se penchent surtout sur les personnes et le "jeu", qui revient un peu trop souvent, de qui sera Premier Ministre, quel sera le nouveau gouvernement. Mais à la différence du 5 octobre 1962, la motion de censure qui a été adoptée le mercredi 4 décembre 2024 par la collusion de l'extrême droite et de l'extrême gauche n'a pas eu seulement pour effet de renverser le gouvernement : c'est la première fois dans l'histoire politique de la France que cette motion de censure faisait suite à l'application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, ce qui signifie aussi le rejet du texte associé, qui, ici, était le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et, par voie aussi de conséquence, en l'absence de gouvernement, le projet de loi de finances pour 2025. Or, le rejet de ces textes budgétaires est une catastrophe économique et sociale pour les Français.

    Ce qui est rigoureusement stupide, c'est que, aux yeux du RN comme de cette gauche irresponsable et cynique, la loi de finances pour 2024, adoptée l'an dernier sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était beaucoup plus antisociale etc. et pourtant, avec la censure, c'est bien ce budget 2024 qui sera reconduit automatiquement pour l'année 2025 (si la loi spéciale est adoptée avant le 19 décembre 2024). C'est cela qui est absolument grotesque et paradoxal et montre que le RN ainsi que la nouvelle farce populaire (NFP) ne se soucient pas du tout du bien-être des Français, car, je le répète, beaucoup de mesures en faveur des Français étaient consignées dans les projets de lois de finances rejetés.

    Ce rappel préventif, avant le vote de la motion de censure, par certains députés et certains ministres, n'aura pas suffi à faire renoncer à ce chaos voulu par les extrémismes auquel le parti socialiste a accepté en toute conscience (et inconscience de leur rôle de parti gouvernemental) de s'associer.

    D'ailleurs, les premiers concernés par cet impact économique, ce sont les agriculteurs. Ceux-ci ont muré les permanences de certains députés, notamment François Hollande, qui avaient voté ou allaient voter la censure. Bien que fréquemment protestataires, les agriculteurs ont bien compris que l'instabilité gouvernementale ne les aidait pas. Ils ont compris que les mesures dûment négociées avec le gouvernement ne se retrouveraient pas rapidement dans leur concrétisation avec cette motion de censure et que la France serait en situation politiquement si faible qu'elle ne pourrait pas efficacement s'opposer à l'accord commercial entre l'Union Européenne et le Mercosur. Protestataires, mais favorables au maintien du gouvernement, quel qu'il soit ! Car sans gouvernement, aucune avancée possible. Plus généralement, les Français ne sont pas dupes des postures politiciennes motivées par les seuls intérêts partisans, sans s'occuper de la réalité quotidienne des Français.

    Trois interventions en séance publique à l'Assemblée Nationale, entre autres, ont bien énuméré les catastrophes à venir à la suite de l'adoption de la motion de censure. Elles proviennent de la séance du mercredi 4 décembre 2024, l'une est une "question" d'un député du MoDem, la seconde la réponse d'un ministre à cette "question", et enfin, la troisième est l'intervention remarquée d'un chef de groupe au cours de l'examen des motions de censure. Rappelons que cette séance publique est la dernière de l'Assemblée Nationale puisque les travaux en séances publiques dans les deux chambres du Parlement sont interrompus tant qu'un nouveau gouvernement n'est pas nommé. En revanche, les missions et commissions parlementaires continuent leurs travaux.


    Le premier intervenant que je veux évoquer est Philippe Vigier (66 ans), député MoDem, ancien Ministre délégué chargé des Outre-mer du 20 juillet 2023 au 11 janvier 2024 dans le gouvernement d'Élisabeth Borne. Biologiste et docteur en pharmacie, toujours bien réélu député d'Eure-et-Loir (la quatrième circonscription, celle de Châteaudun) depuis juin 2007, il a été président du groupe UDI d'avril 2014 à juin 2017 puis du groupe Libertés et Territoires d'octobre 2018 à septembre 2020, et il a tenté de conquérir la présidence du conseil régional du Centre-Val de Loire en décembre 2015, sans succès à cause d'une triangulaire avec la liste FN.

     
     


    Son intervention dans la petite séance de questions au gouvernement, l'ultime pour Michel Barnier, n'était pas vraiment une question (comme souvent quand les députés font de la politique). Elle avait surtout pour but de lister les conséquences désastreuses d'une censure à court terme sur la vie concrète des Français, et de montrer que la collusion des irresponsables et des cyniques ne se préoccupait pas de leur vie quotidienne.

    Ainsi, Philippe Vigier y est allé clairement : « Voter la censure, c’est renoncer à 7 milliards d’euros supplémentaires pour les hôpitaux et à un meilleur accès aux soins partout. Voter la censure, c’est renoncer à 2 milliards d’euros pour les EHPAD et à la revalorisation des soignants. Voter la censure, c’est renoncer à de nouveaux moyens de lutte contre la fraude sociale. Vous prétendez y être attachés, mais c’est faux. Voter la censure, c’est renoncer à l’accès direct et sans ordonnance au dispositif Mon soutien psy alors que la santé mentale est une priorité. Voter la censure, c’est renoncer à la réforme de la taxe soda, le meilleur outil de prévention du diabète et des maladies cardiovasculaires chez les jeunes. Voter la censure, c’est renoncer au cumul emploi-retraite pour les médecins dont on a tant besoin dans les déserts médicaux. Voter la censure, c’est renoncer à la revalorisation des petites retraites agricoles. Voter la censure, c’est renoncer au déploiement des soins palliatifs dans les départements où il n’y en a pas. ». Évidemment, les députés populistes ont réagi avec leur mauvaise humeur à cette intervention certes polémique mais qui dit pourtant la vérité.

     

     
     


    Pour la forme, il a formulé quand même sa question au Premier Ministre : « Monsieur le Premier Ministre, comment convaincre nos collègues de renoncer à l’irresponsabilité tant qu’il est encore temps ? ».

    Refusant d'intervenir à ce moment des questions, préférant se réserver pour l'examen des motions de censure, Michel Barnier a laissé son Ministre du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin répondre, avec la même tonalité : « Merci pour cette intervention qui liste nombre d’éléments dont nos concitoyens seraient privés si la censure était adoptée dans quelques heures. ».

    Et d'embrayer sur les agriculteurs, puis d'autres catégories de travailleurs actifs : « Qui a dit : "Pour que le monde agricole obtienne les promesses qui lui ont été faites, il a besoin d’un budget" ? Non, c’est le président de la FNSEA ! Qui a dit : "Ce qu’on attend du politique est qu’il réduise l’incertitude. Avec la censure, c’est le noir complet" ? Un représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Qui a alerté : "Attention ! 40 000 emplois vont être supprimés avant la fin de l’année" ? Le président de la Fédération française du bâtiment. ».

     
     


    Par ailleurs, en raison de l'inflation et de l'effet des seuils, le projet de loi de finances pour 2025 proposait de relever ceux de 2024 en les indexant à l'inflation. Avec le rejet du texte, ce sont les seuils de 2024 qui sont gardés : « Je vous épargne, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, le langage fleuri tenu ce matin par un de vos électeurs qui serait pénalisé par votre action. Les impôts augmenteraient si la censure était votée. Cessez de dire que c’est un mensonge ! En cas de censure, vous le savez, 400 000 Français deviendront imposables et 18 millions verront leurs impôts augmenter. Mesdames et messieurs les députés, réfléchissez bien ! Si vous ne le faites pas pour le gouvernement, faites-le pour ceux dont je viens de parler, faites-le pour les représentants des PME, faites-le pour les agriculteurs, faites-le pour les Français ! ». D'après les estimations, ce seraient 3 milliards d'euros supplémentaires qui s'imposeraient aux Français sur leurs revenus.

    Un peu plus tard dans l'après-midi de ce mercredi 4 décembre 2024, pour expliquer pourquoi il ne voterait pas la censure du gouvernement Barnier, le président du groupe LR à l'Assemblée Laurent Wauquiez a rappelé, à sa manière, les conséquences économiques et sociales désastreuses que provoquerait la censure : « Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas ! Vous avez beau éructer, nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience et ce choix, il faudra le défendre face aux Français. Il y a une chose qu’on ne peut pas accepter ici. On ne peut pas accepter que vous expliquiez, comme vous l’avez fait ces derniers jours, que la motion de censure ce n’est pas grave. On ne peut pas expliquer avec la légèreté qui est la vôtre que la censure n’aura pas de conséquences. On ne peut pas mentir aux Français, en disant qu’il n’y aura pas de conséquences. Il y aura des conséquences, qui seront payées par les Français et ceux qui se livrent au jeu minable d’aujourd’hui devront leur rendre des comptes. ».
     

     
     


    Lui aussi avait sa liste des conséquences néfastes, en commençant par les contribuables les plus précaires : « La censure, ce que vous appelez "bullshit", ce sera l’augmentation de l’impôt sur le revenu pour 18 millions de Français. Ils paieront ce prétendu "bullshit" que les députés du RN balaient d’un revers de main ! Ce sont 400 000 travailleurs qui deviendront imposables, mais qui sont le cadet des soucis des députés du groupe Rassemblement national ! Voilà la manière dont ils défendent la France qui travaille ! Une fois encore, madame Le Pen, ce sont les Français qui paieront les conséquences de votre légèreté et de votre irresponsabilité ! ».

    Et de poursuivre : « La censure, c’est la fin des aides d’urgence aux agriculteurs, la fin de tout ce que vous avez cherché à construire ces dernières semaines, madame Genevard, c’est la fin des allègements de charges, la fin des exonérations de taxes et la fin de la revalorisation de leurs retraites, eux qui travaillent dur mais touchent des pensions misérables. Il est facile d’aller sur les ronds-points pour prétendre flatter les agriculteurs, puis de les abandonner une fois dans l’hémicycle ! La censure, c’est la fin du plan d’urgence pour sauver les maisons de retraite de la faillite. La censure, c’est l’abandon du cumul emploi-retraite, qui permettrait de lutter contre la désertification médicale. La censure, et je vois bien que cela vous gêne, c’est renoncer à l’augmentation des effectifs de gendarmes, de policiers et de magistrats, si indispensable quand la sécurité doit être notre priorité. La censure, c’est porter un coup d’arrêt à la loi de programmation militaire, alors même que l’Europe est menacée à ses frontières. La censure, c’est la dette qui va continuer à filer, alors même que la France, avec le désordre que vous avez conjointement créé, est désormais moins crédible que la Grèce sur les marchés financiers. On lui impose 1 point de taux d’intérêt supplémentaire et ce sont les Français qui paieront l’addition. C’est 30 milliards d’euros de dette supplémentaire et d’intérêts dans les années qui viennent, c’est trois fois le budget de la justice ! ».

    Sa liste s'allongeait : « La censure, visiblement ça vous gêne encore, c’est l’aggravation de la crise immobilière. C’est la fin du prêt à taux zéro, au moment même où le marché de l’immobilier s’effondre, ce qui met en péril nos artisans et nos entreprises. La censure, c’est l’incertitude économique pour tous ceux qui prennent des risques. C’est l’incertitude pour les entreprises, c’est l’incertitude pour les PME, c’est l’incertitude pour les commerçants, c’est l’incertitude pour les artisans, c’est l’incertitude pour les professions libérales. Vous n’en avez même pas dit un mot, madame Le Pen ! Cette incertitude, c’est celle des Français qui vont hésiter à consommer demain. Je prends d’ailleurs date aujourd’hui : par votre irresponsabilité, vous enfoncerez la France dans une crise économique et financière et vous en porterez la responsabilité aux yeux des Français, qui se souviendront de ceux qui ont allumé la mèche. Un pays a besoin de stabilité. Il a besoin de stabilité, il a besoin d’un budget, il a besoin d’un gouvernement. ».

    L'intervention de Laurent Wauquiez était d'une certaine hauteur de vue, car il a voulu ramener l'enjeu sur l'intérêt général de la France. Il s'est notamment beaucoup inquiété de la perte de stabilité institutionnelle avec la censure : « Rien n’est pire, pour une économie, que l’incertitude. La censure, et c’est sans doute le plus grave, c’est faire perdre à notre pays son dernier atout. La France pouvait au moins compter sur la stabilité de ses institutions, mais vous vous délectez d’une plongée dans l’instabilité. Voilà l’image que vous donnez. La stabilité de nos institutions, c’est ce qui nous a toujours protégés, si bien que même dans les crises les plus graves, notre pays demeurait gouvernable. Alors que nous dansons au-dessus d’un volcan, vous nous proposez de faire un pas de plus en direction de l’instabilité institutionnelle qui a accéléré l’agonie de la IVe République. Vous vous apprêtez à ouvrir la boîte de Pandore de l’instabilité gouvernementale. Vous réveillez les vieux démons qui viennent de l’extrême gauche de la politique française, ceux de l’impuissance, de l’instabilité ministérielle et de l’incertitude économique. Si encore vous aviez des solutions ! Vous proposez le blocage sans solutions. ».

    Pris au vif par les piques de Marine Le Pen, Laurent Wauquiez n'a pas manqué de condamner la posture de celle-ci : « Que vous le vouliez ou non, il ne peut pas y avoir de nouvelles élections législatives avant l’été : c’est ça, la vérité. Pendant que se jouait cette comédie d’une insoutenable légèreté, qu’avons-nous entendu ? "Vous ne nous avez pas traités avec suffisamment d’égards", voilà ce que nous avons entendu. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que vous vous apprêtez à jouer avec le destin de la France, que vous vous apprêtez à faire tomber un gouvernement parce qu’on ne vous aurait pas traités avec suffisamment d’égards ? Est-ce vraiment cela, être à la hauteur des enjeux ? Est-ce bien l’image que vous voulez offrir ? ».

    Et de tacler tous les démagogues : « Je n’oublie rien de la responsabilité de la France insoumise. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui veulent autoriser l’apologie du terrorisme. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui entretiennent une complaisance détestable avec l’antisémitisme et je n’oublie rien du danger de ceux qui ont trahi Jaurès et Clemenceau. ».

    La responsabilité du RN a été fermement pointée du doigt (même si, à mon sens, Laurent Wauquiez a oublié la responsabilité du PS dans cette affaire) : « Toutefois, la réalité c’est que sans vos voix, madame Le Pen, la France insoumise ne pourrait rien. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les policiers d’assassins. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les terroristes de résistants. Honnêtement, la dignité devrait vous imposer un autre comportement. Quand on lit le texte de la motion de censure, on comprend toute l’hypocrisie de son soutien : il dénonce les plus viles obsessions de l’extrême droite et vous le voteriez ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas revenir sur l’aide médicale d’État ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas de loi plus ferme au sujet de l’immigration ? Voilà, madame Le Pen, ce que vous allez faire, voilà à quelles incohérences en sont réduits, dans cet hémicycle, les semeurs de chaos. ».

     

     
     


    Il faut vraiment noter que toute l'intervention de Laurent Wauquiez relevait d'une certaine déception à l'égard du RN, comme s'il avait pu compter sur ce parti extrémiste pour servir l'intérêt national (à l'instar d'un autre qui s'est complètement fourvoyé, Éric Ciotti) : « Dans un parcours politique, il y a toujours un moment de vérité. Il y a des moments où on ne peut pas duper, esquiver ou feindre. Des moments où il faut choisir entre un intérêt personnel, madame Le Pen, et l’intérêt du pays. Des moments où il faut choisir entre son intérêt partisan et le sens de l’État. Madame Le Pen, je n’ai jamais été de ceux qui vous diabolisaient. Je n’ai jamais été de ceux qui vous donnaient des leçons de morale. Je vous le dis donc avec d’autant plus de force aujourd’hui : les Français jugeront sévèrement le choix que vous vous apprêtez à faire. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendent redresser le pays et choisissent le désordre. Les Français jugeront sévèrement ceux qui voulaient se montrer responsables, mais font finalement le choix de l’irresponsabilité. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendaient incarner l’ordre et choisissent aujourd’hui le chaos. Emmanuel Macron porte peut-être seul la responsabilité de la dissolution mais vous porterez, avec la France insoumise, la responsabilité de la censure qui plongera le pays dans l’instabilité. Je vous le dis donc une dernière fois : ressaisissez-vous ! Ressaisissez-vous, il en est encore temps ! Ressaisissez-vous et changez votre choix ! Ressaisissez-vous, parce que sinon, nous nous souviendrons longtemps de ce jour désolant. Nous nous souviendrons longtemps, madame Le Pen, qu’une alliance des contraires, portée par le cynisme, a plongé notre pays dans l’instabilité. Ressaisissez-vous, parce qu’il est toujours temps de faire le choix de la France ! ».

    Au final, malgré l'avertissement toutes ces conséquences connues par les censeurs irresponsables et cyniques, sourds à l'intérêt populaire et aux arguments rationnels de leurs collègues, la motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier a été adoptée par une majorité de l'Assemblée, entraînant le rejet des textes budgétaires, la démission du gouvernement, une nouvelle période d'incertitude à la fois institutionnelle, politique, sociale, économique et financière. Les Français, dans leur bon sens, seront très sévères envers ces oiseaux de malheur qui ne cherchent qu'à détruire la France, diviser le peuple et semer la haine et la désolation dans tout le pays.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier.
    Laurent Wauquiez.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-wauquiez.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/09/article-sr-20241204-wauquiez.html



     

  • La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !

    « Malgré des années d’efforts pour tenter de faire croire aux Français que vous seriez responsables, prêts à gouverner, ce que nous confirme le moment que nous vivons, c’est que tout cela n’était que du vent. Chassez le naturel, il revient au chaos ! » (Gabriel Attal, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    La journée parlementaire du mercredi 4 décembre 2024 a été historique en ce sens qu'elle a conclu par l'adoption d'une motion de censure pour la seconde fois de toute l'histoire de la Cinquième République. Une motion de censure qui a rassemblé les votes à la fois de l'extrême gauche de la nouvelle farce populaire (NFP) et de l'extrême droite qui se voulait pourtant constructive. Revenons à la teneur du débat parlementaire et des discours des principaux orateurs.

    À l'évidence, le président du groupe EPR à l'Assemblée, Gabriel Attal, a été le plus percutant, prenant date pour l'avenir, pour pourfendre à la fois l'hypocrisie de l'extrême droite et le cynisme d'une certaine gauche. Il était l'avant-dernier orateur avant la réponse du Premier Ministre.

    Contre le RN, Gabriel Attal a attaqué très fortement la stratégie du chaos du RN : « Quel Français pourra se dire que grâce à la chute du gouvernement et à l’instabilité que cela provoquera, son quotidien s’améliorera ? Aucun ! La vérité, c’est que l’adoption de cette motion de censure ne ferait que des perdants, au premier rang desquels les plus modestes, les classes moyennes, les travailleurs. Parce que quand la crise frappe, quand l’instabilité s’installe, quand le chaos rôde, ce sont toujours ceux qui triment qui payent les pots cassés. Mais le Rassemblement national s’en moque. (…) Oui, les députés lepénistes mentent quand ils font croire aux Français que c’est pour les défendre, eux, et défendre leur pouvoir d’achat qu’ils votent la motion de censure. Il n’en est rien ! Les députés lepénistes mentent quand ils tentent de faire croire que le chaos qu’ils sèment ne serait pas de leur faute. Je crois que vous le sentez déjà : pour vous faire du bien, vous faites mal au pays et mal aux Français. Je crois que vous êtes déjà en train de sentir que les Français sont inquiets de cette censure annoncée. Vous sentez qu’ils aspirent à la stabilité et à la sérénité. Vous sentez déjà que vous faites une erreur devant l’histoire. Mais vous ne pouvez pas vous en empêcher, c’est plus fort que vous, c’est votre nature. Alors vous cherchez à rejeter sur d’autres la responsabilité que vous prenez, seuls, de faire tomber le gouvernement de la France. Auriez-vous déjà la censure honteuse ? Est-ce pour cela que matin, midi et soir, vous courez les plateaux de télévision pour vous évertuer à faire croire que vous ne seriez pas les responsables et que même si les quatre groupes du socle commun soutiennent le gouvernement, qu’il n’a jamais été question pour aucun d’entre nous d’appuyer sur le bouton de la censure, le coupable serait le socle commun. Pas un Français ne croit à ce mensonge, pas un ! La politique, c’est prendre des décisions et surtout, je crois, les assumer. Alors, mesdames, messieurs les députés lepénistes, assumez votre décision, assumez le désordre, assumez l’alliance avec LFI, assumez l’instabilité, assumez l’affaiblissement de la France, assumez votre irresponsabilité ! Madame Le Pen, je vous ai écoutée attentivement dans votre tentative désespérée de vous exonérer de vos responsabilités. ».


    Gabriel Attal a commencé son intervention par une citation de Tocqueville : « Il y a tant à dire sur l’alliance entre LFI et le RN qui est en train de se nouer, conformément à l’analyse de Tocqueville qui écrivait qu’ "en politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés". Il y a vraiment tant à dire, mais je crois que l’essentiel pourrait tenir en une phrase : nous en sommes au point où les Français n’écoutent plus les politiques. En effet, tout cela tourne désormais à vide, la politique française est malade et nous venons d’avoir la confirmation dans les interventions précédentes que ce n’est ni à l’extrême gauche ni à l’extrême droite que les Français pourront trouver l’antidote. (…) Il semble aujourd’hui que l’extrême droite et l’extrême gauche aient décidé de baisser ensemble le pouce, comme naguère à Rome lorsqu’il fallait condamner un gladiateur après le combat. (…) Dans le camp du désordre, le Rassemblement national n’est pas seul, il le partage avec l’extrême gauche qui y a déjà ses habitudes. Motion de censure après motion de censure, outrance après outrance, hurlement après hurlement, l’alliance de la gauche emmenée par Jean-Luc Mélenchon ne poursuit qu’un seul projet : tout piétiner, tout gâcher et tout taxer. ».

    Et l'ancien Premier Ministre s'est adressé tout particulièrement aux socialistes pour en appeler à leur sens des responsabilités : « Je pense à ceux qui, il y a sept ans à peine, gouvernaient encore la France, ceux qui comptent dans leurs rangs des élus sincères, convaincus que la laïcité n’est pas un gros mot, que la compétitivité est nécessaire et que la stabilité est indispensable, ceux qui, depuis le congrès d’Épinay, unissaient la gauche autour de leurs valeurs et ne se soumettaient pas comme aujourd’hui à celles de l’extrême gauche. À ceux-là, nous disons qu’on peut s’opposer sans tout gâcher, qu’on peut s’opposer sans censurer… Affranchissez-vous ! Nous préférons voir le courage de ces quelques députés de gauche qui ont fait preuve d’indépendance en refusant de signer et d’apporter leurs voix à la motion de censure signée par Jean-Luc Mélenchon. Nous préférons voir qu’au sein de la gauche et des députés indépendants, des voix responsables se sont élevées pour dénoncer la politique du pire (…). Nous préférons porter l’espoir qu’un jour (…), la gauche républicaine, la gauche de gouvernement, celle qui a eu l’honneur par deux fois de donner un Président à la France, se ressaisisse et se mette autour de la table avec nous pour, enfin, agir vraiment pour les Français. ».

    Prenant un exemple parmi d'autres : « Chers collègues socialistes, au début de la séance, M. Mélenchon était dans les tribunes pour assister à nos débats. Il a écouté religieusement l’orateur de la France insoumise et Mme Le Pen, puis il s’est levé et est parti au moment même où Boris Vallaud prenait la parole. Il la respecte plus qu’il ne vous respecte ! Que faites-vous encore avec son parti ? ».


    Le premier orateur était Éric Coquerel pour défendre la première motion de censure déposée par l'extrême gauche. Il a basé tout son discours sur la supposée « illégitimité » du Premier Ministre, oubliant en cela la Constitution (quand ça l'arrange) et en attaquant sévèrement le gouvernement : « Vous avez montré que les seuls compromis que vous étiez prêt à admettre étaient ceux que vous négociez avec vous-même. Vous n’avez pas esquissé le moindre mouvement en faveur des amendements adoptés dans cette chambre. Vous ne l’avez fait ni pour le budget de la sécurité sociale, alors que nous réglions une grande partie des déficits des comptes sociaux, par exemple en instaurant des cotisations sur les dividendes, ni pour celui de l’État, alors que nous avions trouvé 56 milliards d’euros en revenant sur les cadeaux fiscaux éhontés faits aux ultrariches et aux très grandes entreprises depuis 2017. Or ces recettes supplémentaires permettaient d’éviter d’augmenter les taxes sur l’électricité ou de diminuer le pouvoir d’achat des actifs et des retraités. Elles permettaient aussi de maintenir le déficit sous les 3% du PIB, ce qui laissait une plus grande latitude pour investir dans l’écologie, l’éducation et la santé. ».

    Le plus cocasse, c'était de pourfendre une prétendue collusion avec le RN alors que c'est le NFP lui-même qui allait mêler sa voix avec celle du RN : « Vous avez finalement tenté des compromis, mais avec l’extrême droite. Vous avez privilégié le Rassemblement national en violation du barrage républicain qui a rassemblé une majorité de voix en juillet dernier, alors que vous auriez dû au moins vous en faire le garant. Cette compromission n’empêchera pas votre chute. Vous chuterez de surcroît dans le déshonneur puisque vous étiez prêt à remettre en question l’aide médicale de l’État (AME). Jusqu’au bout, vous ou vos ministres, comme M. Retailleau hier lors de la séance de questions au gouvernement, avez invoqué des valeurs communes avec l’extrême droite afin d’éviter que ses députés ne votent la censure. En aspirant à un front réactionnaire, vous insultez tous les électeurs qui, pour maintenir le barrage, ont permis à vos maigres soutiens de conserver leur siège dans cette chambre. ».

    Le président insoumis de la commission des finances a même proposé sa solution en réclamant la démission du Président de la République, en violation complète avec la Constitution : « Il existe une meilleure solution, qui respecterait le suffrage universel : nommer un gouvernement nouveau front populaire, qui pourrait avantageusement amender le budget de retour le 18 décembre à l’Assemblée. Il pourrait reprendre tous les amendements qui avaient su trouver une majorité ici même ; il lui resterait alors deux semaines pour essayer de faire passer la partie recette avant fin décembre, comme la loi l’y oblige. Mais il semble que le chef de l’État ne veuille toujours pas de cette solution qui contredit les fondements de sa politique au service de la finance. Voilà pourquoi se posera à nouveau et rapidement la question de la sortie de cette impasse. Cette sortie de crise passera par le suffrage populaire. Elle ne pourra attendre juillet et doit concerner le responsable de tout ce chaos, j’ai nommé le Président de la République. Aujourd’hui nous votons la censure de votre gouvernement mais, plus que tout, nous sonnons le glas d’un mandat : celui du Président. Collègues, notre main n’a pas à trembler. Je vous invite à censurer ce gouvernement. En ce jour, ouvrons un avenir, la promesse d’une aube après le crépuscule. ».


    La deuxième oratrice était Marine Le Pen pour défendre sa propre motion de censure (qui n'a finalement pas été mise aux voix, en raison de l'adoption de la première). Les critiques contre le gouvernement ont plu d'une manière tellement excessive que cela en devenait insignifiant : « Monsieur le Premier Ministre, vous avez fait le choix de prolonger l’hiver technocratique dans lequel est plongée la France depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 : déconnexion des attentes démocratiques, verticalité des décisions, refus des consultations et des compromis, non-respect en somme de la volonté du peuple français en matière migratoire, sécuritaire ou fiscale, ou en matière de construction européenne, et cela malgré les résultats sans appel des élections de juin et juillet dernier. ».

    L'ancienne présidente du RN a notamment fustigé les 3 300 milliards d'euros de dette pour charger le Président de la République (sur ce sujet, je reparlerai prochainement de la dette et de son augmentation pas si différente que cela du passé), et en ponctuant : « La facture est invariablement présentée aux Français, sommés d’éponger ces errements. ». Elle a oublié de préciser que si l'État est si endetté, c'est bien parce que l'État dépense beaucoup plus qu'il ne gagne, et à qui cela profite ? À tous les Français. Le vrai scandale, il est générationnel : ce sont les Français du futur qui vont devoir payer le train de vie des Français d'aujourd'hui, mais dès qu'on touche au train de vie d'aujourd'hui, il y a refus et obstruction. Il faudrait être cohérent.


    Pourtant, Marine Le Pen en était consciente : « Depuis cinquante ans, la France a perdu le contrôle de ses finances publiques. Elle s’est rendue prisonnière de ces budgets qui obèrent désormais son avenir, celui de nos enfants et même de nos petits-enfants. Ils n’ont pas seulement découragé le travail mais la création de richesses ; pas seulement la volonté d’entreprendre mais la possibilité de le faire. Ce budget ne s’attaque pas seulement à la France, il prend en otage les Français, singulièrement les plus vulnérables : les retraités modestes, les personnes malades, les travailleurs pauvres, les Français considérés comme "trop riches" pour être aidés, mais pas assez pauvres pour échapper au matraquage fiscal. ».

    Et de poursuivre comme Louis de Funès dans "L'Avare" : « Ces Français qui, tous, se posent une unique question : "Où va l’argent ?" ». Où va l'argent ? Qu'elle était stupide, cette oratrice, de poser cette question alors que les réponses ont fusé dans l'hémicycle. François Cormier-Bouligeon (EPR) : « Et l'argent du Parlement Européen ? ». Erwan Balanant (MoDem) : « Dans les caisses du Rassemblement national ! ». Émilie Bonnivard (LR) : « Aux assistants parlementaires du Rassemblement national ! ». Marie Lebec (EPR) : « Dans vos poches ! ».

    Quant à la démission du Président de la République, l'hypocrisie au comble, Marine Le Pen l'a réclamée sans la réclamer : « Emmanuel Macron s’est attaqué, depuis sept ans, à tous les murs porteurs de l’État et de la nation ; il a terriblement affaibli la fonction présidentielle, clef de voûte de l’édifice institutionnel français. Parce que nos logiques constitutionnelles le commandent, en attendant que le peuple reprenne la parole et la main, c’est au chef de l’État, et à lui seul, qu’il appartiendrait de sortir le pays de cette pathétique ornière. Je le dis ici, j’ai trop de respect pour la fonction suprême, de déférence à l’égard de nos institutions, de révérence vis-à-vis du suffrage universel, pour participer à une quelconque entreprise, même parlementaire, de demande de destitution. Je laisse cela aux "che-guevaristes" de carnaval qui, sans nul doute, se reconnaîtront. C’est à l’intéressé lui-même de conclure, s’il est en mesure de rester ou pas. C’est à sa conscience de lui commander s’il peut sacrifier l’action publique et le sort de la France à son orgueil. C’est à sa raison de déterminer s’il peut ignorer l’évidence d’une défiance populaire massive que je crois définitive. S’il décide de rester, il sera contraint de constater qu’il est le Président d’une République qui n’est plus tout à fait, par sa faute, la Ve. ». C'était n'importe quoi (comme d'habitude) mais il fallait bien parler sur le sujet. Il faudrait juste rappeler à Marine Le Pen qu'elle avait réclamé la dissolution depuis plus d'un an et que c'est ce retour au peuple qui est dans l'essence de la Cinquième République, tandis qu'elle venait d'appeler cela le chaos. Il faudrait savoir.


     

     
     


    Hypocrisie aussi en votant la motion de censure de l'extrême gauche utilisée « comme un simple outil » ! L'ancienne candidat de l'extrême droite a fait aussi un contresens en condamnant le front républicain entre les deux tours des élections législatives : « Contrairement à ce que vous avez fait en juin dernier, nous ne les envisagerons jamais comme des alliés, car les Français n’auront pas oublié pas que, si tant de députés insoumis siègent sur ces bancs, c’est grâce au désistement de candidats macronistes et LR. Les Français n’oublieront pas non plus que, si tant de députés macronistes et DR siègent sur ces bancs, c’est grâce au désistement de candidats insoumis. N’est-ce pas, monsieur Wauquiez ? ». Eh non, les électeurs sont plus futés, et s'ils avaient voulu une majorité RN, ils auraient pu l'élire même avec cette configuration du front républicain. Le seul message clair d'ailleurs des électeurs, donné le 7 juillet 2024, c'était justement qu'il ne voulait pas que le RN gouvernât.

    En outre, cela a sans doute surpris Laurent Wauquiez d'avoir été ainsi interpellé et cela a dû le faire réfléchir sur le fait qu'entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, il n'y avait décidément pas photo pour choisir avec qui LR voudrait gouverner.

    Il s'est ainsi permis de lui répondre. En effet, Laurent Wauquiez, en évoquant la « coalition des contraires, celle de l'extrême gauche et de l'extrême droite » qui a fait tomber le premier gouvernement de Georges Pompidou en 1962, a embrayé sur 2024 : « Je me souviens encore des propos que j’entendais sur les bancs de la gauche lorsque j’évoquais cet événement [1962] il y a deux mois : ses députés assuraient qu’ils ne voteraient jamais avec le Rassemblement national. Je me souviens également des propos qui me parvenaient des rangs de votre groupe, madame Le Pen : vos députés affirmaient qu’ils ne voteraient jamais avec la France insoumise. Eh bien, nous y voilà : vous faites semblant de vous injurier les uns les autres, mais vous vous apprêtez à voter les uns avec les autres. Vous vous apprêtez à voter ensemble, pour faire tomber un gouvernement. Est-ce une surprise ? Je ne le crois pas ! ».

    Et de présenter l'enjeu ainsi : « Le choix que nous devons faire, chers collègues, est donc parfaitement clair. D’ailleurs, il n’y a pas trois options possibles, mais seulement deux : l’intérêt du pays ou l’intérêt des partis. Le choix de la responsabilité ou le choix du chaos, le choix de la solution ou le choix du désordre. (…) Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas ! Vous avez beau éructer, nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience et ce choix, il faudra le défendre face aux Français. ».


    Juste avant Laurent Wauquiez, le président du groupe socialiste a pris la parole. Boris Vallaud n'a pas manqué de culot en crachant ceci : « Monsieur le Premier Ministre, à aucun moment vous ne nous avez laissés améliorer ce projet, injuste et inefficace, qui fait payer les malades, qui appauvrit les retraités, qui fragilise l’hôpital et qui ne prépare pas le pays aux défis de la société du vieillissement. Vous nous avez empêchés d’aller au bout de l’examen du texte et vous êtes demeuré sourd aux modifications proposées en CMP [commission mixte paritaire]. Or nous n’avons jamais été dans le tout ou rien. À aucun moment, vous êtes entré en dialogue avec l’opposition de la gauche et des écologistes. Vous avez donné suite à aucune de nos propositions, que ce soit à l’occasion du débat parlementaire, que vous avez déserté, à la suite des courriers que nous vous avons adressés, ou encore lors de notre récente entrevue à Matignon, à votre initiative pourtant. ».

    Un peu plus tard, Michel Barnier lui a répondu très vertement en évoquant Georges Pompidou : « En 1962, lui aussi tombait, sous le coup d’une motion de censure. En ce qui me concerne, j’ai toujours admiré cet homme d’État, gardant le souvenir de ce qu’il recommandait dans son livre, "Le Nœud gordien" : il faut, en toutes circonstances, chercher à préserver "la morale de l’action", la morale du collectif. Monsieur le président Vallaud, lorsque, arrivant à l’hôtel Matignon, où je vous avais appelé au lendemain de ma nomination il y a moins de trois mois, vous m’indiquiez, avant que j’aie formé le gouvernement ou présenté son programme, avant même que j’aie ouvert la bouche, que vous voteriez la censure, où est la morale ? Où est l’action ? ».

    Soucieux d'être constructif (ce qui est rare dans cette Assemblée), Boris Vallaud a aussi proposé un pacte de non-censure : « Voilà notre accord de non-censure pour gouverner sans 49-3. Tous les présidents de groupe qui ont bénéficié du front républicain pourraient convenir d’un accord de méthode afin d’y parvenir. C’est une construction politique difficile, certes, mais la seule option raisonnable qui s’offre à nous. Le pouvoir n’est plus à l’Élysée. Il n’est plus à Matignon. Il est à l’Assemblée Nationale. À ceux qui, comme moi, croient au Parlement et qui espèrent un réveil démocratique, à ceux qui rêvent d’une VIe République, la voici ! Oui, nous pouvons changer de budget et de Premier Ministre ; oui, nous pouvons changer la vie. Nous pouvons trouver un chemin pour ce faire. Je crois dans le génie de la démocratie mais elle a besoin de démocrates sincères, de républicains ardents et de parlementaires adultes. ».

    Mais en écoutant mieux l'orateur socialiste, il a précisé quand même un préalable, que ce Premier Ministre soit de gauche, ce qui l'a disqualifié dans la recherche sincère d'une coalition : « Tous préfèrent l’action, même imparfaite, au verbe impuissant ; tous espèrent de la gauche un changement dans leurs vies. Un Premier Ministre de gauche, qui conduirait la politique de la nation, selon la volonté de changement des électeurs nous ayant fait confiance et une Assemblée qui chercherait des compromis et des majorités larges autour de quelques priorités répondant aux attentes urgentes des Français. ».

    Paradoxalement, alors qu'il allait mêler sa voix avec celle du RN pour renverser le gouvernement, Boris Vallaud donnait des leçons de morale à ses collègues du socle commun : «  Chers collègues du bloc central qui vociférez, je le dis avec gravité, cette censure est un appel au sursaut moral. La majorité de compromis que vous avez voulue s’est transformée en un sinistre gouvernement de connivence avec l’extrême droite. Vous la subissez et, désormais, elle vous achève. Pour tout républicain authentique, le prix à payer est devenu beaucoup trop élevé. Le choix qui s’offre à vous est simple. Préférez-vous négocier avec une gauche au pouvoir, que certains jugent imparfaite, mais avec laquelle la plupart d’entre vous partagent l’essentiel des combats républicains ou continuer de courber l’échine aux injonctions de Mme Le Pen ? Préférez-vous la laisse et le bâton du Rassemblement national ou la responsabilité républicaine, au prix de négociations parlementaires exigeantes ? ». La réponse est pourtant simple : tant que le PS est associé aux insoumis, aucun compromis ne sera possible puisque les mélenchonistes sont pour le chaos et la destruction de la République.

    Et oubliant qu'il n'était qu'un instrument de l'extrême droite et de l'extrême gauche, le pauvre dirigeant socialiste répétait comme un mantra : « Cette motion de censure n’est pas un outil de déstabilisation ou de chaos institutionnel. ». Un peu aussi comme dans "Mars Attacks !" de Tim Burton (sorti le 13 décembre 1996), quand un envahisseur lâchait comme un robot "nous venons en paix, nous venons en paix..." !

    Dernier orateur à parler, pour répondre aux précédents, le Premier Ministre Michel Barnier, dont c'était la dernière intervention dans l'hémicycle avant la censure. L'occasion de remercier ceux qui l'ont accompagné pendant ces trois mois au pouvoir : « À chacune et à chacun des députés qui viennent de se lever et aux membres du gouvernement, qui sont presque tous présents, je dois dire que je suis très touché par votre attitude et par votre accueil. (…) C’est aussi l’occasion, peut-être la dernière si tel est le choix de la représentation nationale, de vous remercier, madame la Présidente, pour votre attention et la qualité de notre dialogue durant près de trois mois, ainsi que l’ensemble des services de l’Assemblée Nationale. ».

    Michel Barnier a prophétisé la suite, très lucidement : « Chaque année, les Français vont devoir payer 60 milliards d’euros d’intérêts. C’est plus que le budget de la défense ou de l’enseignement supérieur et ce serait encore davantage demain si nous ne faisions rien. Voilà la réalité. Voilà la réalité, quoi qu’on en dise. Cette vérité, j’ai essayé de l’affronter avec l’ensemble du gouvernement, que je remercie. Ce n’est pas un hasard si le budget que j’ai présenté ne contient quasiment que des mesures difficiles : j’aurais préféré distribuer de l’argent, même si nous ne l’avons pas, pour faciliter la discussion ; mais cette réalité demeure et, écoutez-moi bien !, elle ne disparaîtra pas par l’enchantement d’une motion de censure. Écoutez-moi bien et souvenez-vous-en, dans quelque temps : cette réalité se rappellera à tout gouvernement, quel qu’il soit. ».


    Et d'ajouter en aparté une pique à Marine Le Pen : « En effet, madame Le Pen, il s’agit de notre souveraineté, même si la nature de vos propositions, d’hier et d’aujourd’hui, prouve que nous n’avons pas la même idée de la souveraineté, ni du patriotisme. ».

    L'enjeu que le chef du gouvernement a exposé était le suivant : « Ne nous trompons pas d’enjeu : ce qui se décide en cette fin d’après-midi, ce n’est certainement pas l’issue d’un bras de fer entre l’une ou l’autre des formations politiques et le Premier Ministre, pas plus que le sort du Premier Ministre, je n’ai pas peur, rassurez-vous, monsieur Sansu, j’ai rarement eu peur depuis que je suis engagé en politique, ce qui est en jeu, c’est notre capacité à faire des pas les uns vers les autres, à dépasser les tensions et les clivages qui font tant de mal à notre pays, à n’avoir comme boussole que l’intérêt général. Ce qui devrait nous rassembler, c’est la politique, au sens où je l’entends, qui consiste à créer du progrès collectif, parfois de petits progrès, parfois de grands progrès pour les Français, et de la stabilité. Les citoyens, les entreprises, les acteurs sociaux et économiques en ont tant besoin et si forte envie. ».


    Ses dernières paroles ont été les suivantes : « Mesdames et messieurs les députés, vous voilà rendus à ce moment de vérité. Vous me permettrez, à cet instant, de terminer de façon plus personnelle et de vous dire que je ressens comme un honneur d’avoir été depuis trois mois, et d’être encore, le premier ministre des Français, de tous les Français. Au moment où ma mission prendra fin, peut-être bientôt, je dois dire que cela restera pour moi un honneur d’avoir servi, avec dignité, la France et les Français. ».

    Cela m'a fait évidemment penser à la fin de célèbre tirade de Jean Gabin, lui aussi renversé par une majorité hostile, dans l'excellent film "Le Président" d'Henri Verneuil (sorti le 1er mars 1961). Michel Barnier aura marqué l'histoire... mais certainement pas comme il l'aurait voulu. Par un acte manqué.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.


     

     

     

     

     

     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-assemblee-nationale.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-motion-rnfp-chassez-le-naturel-257977

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/04/article-sr-20241204-assemblee-nationale.html


     

     

     

     

     

     

     

  • L'émotion de censure de Michel Barnier

    « Voter la motion de censure aggraverait la crise démocratique. En effet, que vont penser les Français d’une Assemblée Nationale incapable d’adopter une loi de finances et une loi de financement de la sécurité sociale ? Le rejet de la démocratie parlementaire peut déboucher sur un régime autoritaire. Le dernier sondage Ipsos rappelle que seulement 22% des Français font encore confiance aux députés de la nation, quand 63% considèrent le personnel politique comme corrompu, 78% comme non représentatif et 83% comme agissant pour ses intérêts personnels. C’est une catastrophe démocratique. (…) Seul un large rassemblement de l’arc républicain permettrait de gouverner notre pays en évitant les risques liés à des solutions extrêmes. » (Charles de Courson, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Charles de Courson n'a pas été écouté. Sans surprise. La motion de censure déposée par 185 députés de la nouvelle farce populaire (NFP) le 2 décembre 2024 à la suite de l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution a été adoptée ce mercredi 4 décembre 2024 à 20 heures 26 par 331 députés. Le Premier Ministre Michel Barnier va donc remettre la démission de son gouvernement au Président de la République le 5 décembre 2024 à 10 heures à l'Élysée. Emmanuel Macron s'adressera aux Français le même jour à 20 heures.

    Bien que prévisible depuis trois jours, des députés du socle commun ont tenté d'éviter l'inéluctable en pensant pouvoir faire changer d'avis certains députés socialistes. C'était peine perdue : avec 331 voix, la motion de censure a très largement dépassé le seuil pour être adoptée, à savoir 288 (il y a deux sièges vacants actuellement).


    Non seulement la gauche a suivi les insoumis dans leur excitation politicienne (71 FI sur 71, 65 PS sur 66, 38 EELV sur 38, 16 PCF sur 17), mais le RN et ses alliés ont rejoint l'extrême gauche dans leur désir de désordre institutionnel (123 RN sur 124, 16 ciottistes sur 16) ainsi que 1 député LIOT sur 23 et 1 non-inscrit. Il faut bien intégrer que parmi les votants de cette motion de censure contre Michel Barnier, il y a un ancien ami politique de Michel Barnier, Éric Ciotti, et aussi un ancien Président de la République François Hollande, censé en principe assurer la stabilité des institutions et pour qui les responsabilités sont un trop vieux souvenir.

     

     
     


    Comment en est-on arrivé là ? Simplement par la collusion des irresponsables et une sorte de machiavélique complémentarité du cynisme avec l'irresponsabilité. On n'a que la classe politique qu'on mérite et c'est bien le peuple qui a élu les 577 députés de l'actuelle législature.

    Évidemment, j'éprouve de la tristesse ce soir, non pas pour Michel Barnier qui avait été à Matignon comme une sorte de divine surprise qui a ponctué sa très longue carrière politique qu'il croyait déjà achevée, mais pour la France, et les Français. La France est un merveilleux pays avec des Français capables d'excellence et d'organisation, et on peut le dire très clairement en 2024 avec l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, et aussi la restauration de Notre-Dame de Paris en cinq ans, saluée par une très grande cérémonie ce samedi 7 décembre 2024, et en même temps, capables d'anachronismes idéologiques, d'auto-dénigrement et de manque de confiance en eux ; les Français font tout pour se mettre des bâtons dans les roues... au grand plaisir de tous ceux qui ne nous veulent pas que du bien.


     

     
     


    Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, l'une de façon un peu moins véhémente que l'autre, réclament aujourd'hui la démission d'Emmanuel Macron pourtant élu par le peuple, qu'ils disent tant adorer, pour cinq ans. Depuis juillet 2024, Emmanuel Macron ne s'est pas adressé aux Français et a laissé le gouvernement agir à sa guise, mais ce silence médiatique n'a pas suffi à redorer son blason dans les sondages. Il devra trouver les mots pour convaincre un peuple en déshérence et surtout inquiet, inquiet pour lui mais aussi pour son pays dans un contexte international particulièrement en crise.

     

     
     


    Michel Barnier a vécu sa dernière journée de Premier Ministre avec un certain panache, et il a fait honneur à la France et à son histoire. Hélas pour lui, il n'aura rien marqué dans l'histoire de son pays comme Premier Ministre, sinon d'avoir été le plus bref chef d'un gouvernement de la Cinquième République, avec seulement trois mois d'exercice.

    C'est plutôt le fait d'avoir été renversé par une motion de censure qui est historique. On parle de la seconde motion de censure adoptée sous la Cinquième République, la première ayant été adoptée le 5 octobre 1962 contre le premier gouvernement de Georges Pompidou à la suite de la décision de De Gaulle de proposer aux Français d'élire leur Président de la République au suffrage universel direct. Georges Pompidou a été victime d'une conjonction des non, en clair, du syndicat des anciens de la Quatrième République et des proches de l'OAS.

    À la différence de Michel Barnier, le cas de Georges Pompidou s'est relativement bien passé : De Gaulle a dissous l'Assemblée, les députés gaullistes étaient persuadés avoir perdu la bataille mais une majorité gaulliste (la première en majorité absolue avec les alliés indépendants) a été élue et Georges Pompidou a été confirmé et a été d'ailleurs le Premier Ministre le plus long de l'histoire républicaine (plus de six ans !).

     

     
     


    Ce 4 décembre 2024, la situation est complètement différente : le Président de la République a déjà dissous l'Assemblée le 9 juin 2024 et ne pourra pas dissoudre avant le 9 juin 2025, c'est-à-dire dans au moins six mois. Comme en 1962, il n'y a pas de majorité mais cette non-majorité va perdurer encore au moins six mois (que le Président de la République démissionne ou pas, insistons sur ce point).

    Le cynisme, c'est Marine Le Pen et ses sbires de l'extrême droite qui votent une motion qui dit explicitement : « Alors qu’une large majorité de nos concitoyennes et concitoyens a fait le choix du barrage à l’extrême droite lors des élections législatives, le Premier Ministre a cédé à leurs plus viles obsessions, avec une nouvelle loi immigration, qui poursuivrait la faillite morale et politique de l’année dernière et une remise en cause de l’Aide Médicale d’État, qui apporte humanité et dignité à ceux qui foulent notre sol et est une mesure essentielle pour tous de santé publique. ». Maso les députés RN ? Non, simplement cyniques : ils n'ont jamais voulu le bien commun, ils n'ont jamais voulu l'intérêt général. Quelles que fussent les concessions du gouvernement Barnier, le RN l'aurait censuré parce que c'est le caprice de la diva qui n'a pas trouvé d'autres réactions pour réagir à sa probable condamnation le 31 mars 2025.

    Le cynisme, c'est bien entendu le PS et en premier lieu François Hollande qui a totalement oublié l'intérêt général. J'ai au moins la fierté de n'avoir jamais voté pour cet homme mou et soumis (électoralement) aux insoumis, ce qui me permet de me regarder dans une glace sans jamais avoir honte de mes choix dans l'isoloir. Le cynisme, c'est aussi celui de Boris Vallaud qui a le toupet de dire que le gouvernement Barnier n'a pas tenté de discuter avec le PS alors qu'il avait lui-même refusé toute rencontre et annoncé le dépôt d'une motion de censure avant même que Michel Barnier n'ait ouvert sa bouche et même n'ait nommé son gouvernement !


    Voici ce que disait le sénateur Claude Malhuret, toujours pertinent, heureusement lucide et réaliste, le 3 décembre 2024, à l'approche de l'adoption de la motion de censure : « Après avoir voté pendant un mois, souvent ensemble, des mesures irresponsables qui menaient le pays à un budget de faillite, l'extrême gauche et l'extrême droite ont décidé, en alliant leurs voix sur une motion de censure, d'engager la France dans une aventure sans issue. Ils prétendent que ce vote est une simple péripétie, qu'il n'aura pas de graves conséquences. Ils mentent. Et ils savent qu'ils mentent. Il vont plonger le pays dans l'inconnu, sans budget, sans gouvernement et sans majorité. Les premières victimes seront les classes populaires et les classes moyennes qu'ils prétendent défendre, tout comme les entreprises fragiles, les agriculteurs, les retraités. 400 000 foyers nouveaux paieront l'impôt sur le revenu, 17 millions d'autres verront celui qu'ils paient déjà augmenter. La hausse des taux d'intérêt rendra insoutenable la dette de l'État et plombera tous les acteurs économiques. Les investisseurs qui avaient retrouvé confiance en la France repartiront. De la part de la France insoumise, rien d'étonnant. Leur but depuis toujours est la chute du régime et de la démocratie. Cette motion de censure n'est que la suite logique de la bordélisation de l'Assemblée Nationale et du discrédit du Parlement qu'ils organisent depuis des années. Pour le Rassemblement national, la farce de la dédiabolisation et des députés cravatés vient d'exploser en plein vol. Ils sont prêts à mettre le chaos dans le pays pour détourner l'attention de leurs turpitudes financières pour lesquelles leur patronne est menacée d'inéligibilité devant un tribunal. Il faut qu'ils n'aient aucune dignité pour s'apprêter à voter une motion de censure dont le texte les insulte copieusement. Que les populistes mêlent leurs voix une fois de plus n'est pas une surprise. Ils sont d'accord sur tellement de choses : la haine de l'Europe, de l'OTAN, de la démocratie, l'anti-américanisme, le soutien à tous les dictateurs et, chez nous, l'obsession de saborder la Cinquième République et toutes ses institutions et tous ses dirigeants. La surprise, et même l'effarement, est de voir un parti jusqu'alors respectable qui comptait dans ses rangs un ancien Président de la République se prêter à ce scénario délétère. Depuis 2022, le PS n'est que l'ombre de lui-même. Pour le plat de lentilles de quelques circonscriptions, il a vendu son âme à une secte gauchiste qui a sombré depuis les massacres du 7 octobre dans l'antisémitisme et le soutien aux islamistes. Ses dirigeants s'apprêtent, contre l'avis d'une bonne partie de leurs adhérents, à plonger le pays dans une crise qui fera le malheur de tous les Français et le bonheur de deux factions populistes qui les détestent. Il ne leur reste que quelques heures pour se raviser et ne pas mêler leurs voix à une manœuvre dont les conséquences laisseront une tache sur leur écharpe tricolore. Chacun va devoir prendre ses responsabilités. Pour ma part, ma conviction est claire : dans la période de grande incertitude où nous vivons, entourés de dictateurs dans le monde, de régimes illibéraux en Europe et de l'imprévisibilité de l'Amérique, la France a besoin de stabilité et d'apaisement. La question qui se pose aujourd'hui à l'ensemble des responsables politiques est simple : choisir entre les calculs de boutiquiers et l'intérêt général. ».

     

     
     


    Je reviendrai plus longuement sur cette journée qui restera dans les annales de la République comme une journée noire. Les responsables du socle commun n'ont pas non plus beaucoup soutenu le gouvernement Barnier dans les médias ces derniers jours et c'est aussi ce manque d'enthousiasme et cette focalisation vers la cohésion interne qui ont empêché Michel Barnier de prendre en compte les propositions de l'ensemble des députés.

    Inutile d'énumérer les noms qui circulent pour les potentiels successeurs de Michel Barnier : le choix du Président de la République, qui devra être rapide, sera entre reprendre un socle commun bloc central et LR et aller vers la gauche. Dans le premier cas, le RN resterait toujours en position de maître-chanteur et les mêmes causes faisant les mêmes effets, il y aurait un grand risque qu'une motion de censure soit adoptée dans les semaines qui suivent la nomination du nouveau gouvernement. Dans le second cas, il y aurait quand même un préalable qui paralyse actuellement tout : il faut que le PS ait le courage de quitter cette alliance insensée avec les insoumis qui eux ne veulent pas du tout la responsabilité, mais détruire nos institutions et notre république, au prix d'une paix civil et même civilisationnelle.

    Merci à Michel Barnier, la République vous salue, mais nul n'est tenu à être un super-héros dans ce microcosme de voyous et de menteurs. On parlera de l'expérience Barnier, à défaut d'autre chose. Restera une citation proposée par le Premier Ministre avant de quitter les lieux, elle est de Saint-Exupéry : « Chacun est responsable de tous. Chacun est seul responsable. Chacun est seul responsable de tous. ». À méditer.


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    Sylvain Rakotoarison (04 décembre 2024)
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    Pour aller plus loin :
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
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    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
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    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
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    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-censure.html

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  • Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national

    « Je dis aux Français qui nous regardent ou qui nous écoutent que la censure aurait de lourdes conséquences. (…) Chers collègues du nouveau front populaire et du Rassemblement national, si vous votez la censure, vous aurez fait entre vous un trait d’union qui s’appelle le renoncement national. Vous êtes le renoncement national ! Pour nous, les députés démocrates, lorsque l’essentiel est en jeu, peu importe les manœuvres politiciennes, peu importe les marchés financiers : seul compte l’avenir du pays. » (Philippe Vigier, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    On l'oublie un peu trop vite car les médias se penchent surtout sur les personnes et le "jeu", qui revient un peu trop souvent, de qui sera Premier Ministre, quel sera le nouveau gouvernement. Mais à la différence du 5 octobre 1962, la motion de censure qui a été adoptée le mercredi 4 décembre 2024 par la collusion de l'extrême droite et de l'extrême gauche n'a pas eu seulement pour effet de renverser le gouvernement : c'est la première fois dans l'histoire politique de la France que cette motion de censure faisait suite à l'application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, ce qui signifie aussi le rejet du texte associé, qui, ici, était le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et, par voie aussi de conséquence, en l'absence de gouvernement, le projet de loi de finances pour 2025. Or, le rejet de ces textes budgétaires est une catastrophe économique et sociale pour les Français.

    Ce qui est rigoureusement stupide, c'est que, aux yeux du RN comme de cette gauche irresponsable et cynique, la loi de finances pour 2024, adoptée l'an dernier sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était beaucoup plus antisociale etc. et pourtant, avec la censure, c'est bien ce budget 2024 qui sera reconduit automatiquement pour l'année 2025 (si la loi spéciale est adoptée avant le 19 décembre 2024). C'est cela qui est absolument grotesque et paradoxal et montre que le RN ainsi que la nouvelle farce populaire (NFP) ne se soucient pas du tout du bien-être des Français, car, je le répète, beaucoup de mesures en faveur des Français étaient consignées dans les projets de lois de finances rejetés.

    Ce rappel préventif, avant le vote de la motion de censure, par certains députés et certains ministres, n'aura pas suffi à faire renoncer à ce chaos voulu par les extrémismes auquel le parti socialiste a accepté en toute conscience (et inconscience de leur rôle de parti gouvernemental) de s'associer.

    D'ailleurs, les premiers concernés par cet impact économique, ce sont les agriculteurs. Ceux-ci ont muré les permanences de certains députés, notamment François Hollande, qui avaient voté ou allaient voter la censure. Bien que fréquemment protestataires, les agriculteurs ont bien compris que l'instabilité gouvernementale ne les aidait pas. Ils ont compris que les mesures dûment négociées avec le gouvernement ne se retrouveraient pas rapidement dans leur concrétisation avec cette motion de censure et que la France serait en situation politiquement si faible qu'elle ne pourrait pas efficacement s'opposer à l'accord commercial entre l'Union Européenne et le Mercosur. Protestataires, mais favorables au maintien du gouvernement, quel qu'il soit ! Car sans gouvernement, aucune avancée possible. Plus généralement, les Français ne sont pas dupes des postures politiciennes motivées par les seuls intérêts partisans, sans s'occuper de la réalité quotidienne des Français.

    Trois interventions en séance publique à l'Assemblée Nationale, entre autres, ont bien énuméré les catastrophes à venir à la suite de l'adoption de la motion de censure. Elles proviennent de la séance du mercredi 4 décembre 2024, l'une est une "question" d'un député du MoDem, la seconde la réponse d'un ministre à cette "question", et enfin, la troisième est l'intervention remarquée d'un chef de groupe au cours de l'examen des motions de censure. Rappelons que cette séance publique est la dernière de l'Assemblée Nationale puisque les travaux en séances publiques dans les deux chambres du Parlement sont interrompus tant qu'un nouveau gouvernement n'est pas nommé. En revanche, les missions et commissions parlementaires continuent leurs travaux.


    Le premier intervenant que je veux évoquer est Philippe Vigier (66 ans), député MoDem, ancien Ministre délégué chargé des Outre-mer du 20 juillet 2023 au 11 janvier 2024 dans le gouvernement d'Élisabeth Borne. Biologiste et docteur en pharmacie, toujours bien réélu député d'Eure-et-Loir (la quatrième circonscription, celle de Châteaudun) depuis juin 2007, il a été président du groupe UDI d'avril 2014 à juin 2017 puis du groupe Libertés et Territoires d'octobre 2018 à septembre 2020, et il a tenté de conquérir la présidence du conseil régional du Centre-Val de Loire en décembre 2015, sans succès à cause d'une triangulaire avec la liste FN.
     

     
     


    Son intervention dans la petite séance de questions au gouvernement, l'ultime pour Michel Barnier, n'était pas vraiment une question (comme souvent quand les députés font de la politique). Elle avait surtout pour but de lister les conséquences désastreuses d'une censure à court terme sur la vie concrète des Français, et de montrer que la collusion des irresponsables et des cyniques ne se préoccupait pas de leur vie quotidienne.

    Ainsi, Philippe Vigier y est allé clairement : « Voter la censure, c’est renoncer à 7 milliards d’euros supplémentaires pour les hôpitaux et à un meilleur accès aux soins partout. Voter la censure, c’est renoncer à 2 milliards d’euros pour les EHPAD et à la revalorisation des soignants. Voter la censure, c’est renoncer à de nouveaux moyens de lutte contre la fraude sociale. Vous prétendez y être attachés, mais c’est faux. Voter la censure, c’est renoncer à l’accès direct et sans ordonnance au dispositif Mon soutien psy alors que la santé mentale est une priorité. Voter la censure, c’est renoncer à la réforme de la taxe soda, le meilleur outil de prévention du diabète et des maladies cardiovasculaires chez les jeunes. Voter la censure, c’est renoncer au cumul emploi-retraite pour les médecins dont on a tant besoin dans les déserts médicaux. Voter la censure, c’est renoncer à la revalorisation des petites retraites agricoles. Voter la censure, c’est renoncer au déploiement des soins palliatifs dans les départements où il n’y en a pas. ». Évidemment, les députés populistes ont réagi avec leur mauvaise humeur à cette intervention certes polémique mais qui dit pourtant la vérité.


    Pour la forme, il a formulé quand même sa question au Premier Ministre : « Monsieur le Premier Ministre, comment convaincre nos collègues de renoncer à l’irresponsabilité tant qu’il est encore temps ? ».

    Refusant d'intervenir à ce moment des questions, préférant se réserver pour l'examen des motions de censure, Michel Barnier a laissé son Ministre du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin répondre, avec la même tonalité : « Merci pour cette intervention qui liste nombre d’éléments dont nos concitoyens seraient privés si la censure était adoptée dans quelques heures. ».

    Et d'embrayer sur les agriculteurs, puis d'autres catégories de travailleurs actifs : « Qui a dit : "Pour que le monde agricole obtienne les promesses qui lui ont été faites, il a besoin d’un budget" ? Non, c’est le président de la FNSEA ! Qui a dit : "Ce qu’on attend du politique est qu’il réduise l’incertitude. Avec la censure, c’est le noir complet" ? Un représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Qui a alerté : "Attention ! 40 000 emplois vont être supprimés avant la fin de l’année" ? Le président de la Fédération française du bâtiment. ».
     

     
     


    Par ailleurs, en raison de l'inflation et de l'effet des seuils, le projet de loi de finances pour 2025 proposait de relever ceux de 2024 en les indexant à l'inflation. Avec le rejet du texte, ce sont les seuils de 2024 qui sont gardés : « Je vous épargne, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, le langage fleuri tenu ce matin par un de vos électeurs qui serait pénalisé par votre action. Les impôts augmenteraient si la censure était votée. Cessez de dire que c’est un mensonge ! En cas de censure, vous le savez, 400 000 Français deviendront imposables et 18 millions verront leurs impôts augmenter. Mesdames et messieurs les députés, réfléchissez bien ! Si vous ne le faites pas pour le gouvernement, faites-le pour ceux dont je viens de parler, faites-le pour les représentants des PME, faites-le pour les agriculteurs, faites-le pour les Français ! ». D'après les estimations, ce seraient 3 milliards d'euros supplémentaires qui s'imposeraient aux Français sur leurs revenus.

    Un peu plus tard dans l'après-midi de ce mercredi 4 décembre 2024, pour expliquer pourquoi il ne voterait pas la censure du gouvernement Barnier, le président du groupe LR à l'Assemblée Laurent Wauquiez a rappelé, à sa manière, les conséquences économiques et sociales désastreuses que provoquerait la censure : « Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas ! Vous avez beau éructer, nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience et ce choix, il faudra le défendre face aux Français. Il y a une chose qu’on ne peut pas accepter ici. On ne peut pas accepter que vous expliquiez, comme vous l’avez fait ces derniers jours, que la motion de censure ce n’est pas grave. On ne peut pas expliquer avec la légèreté qui est la vôtre que la censure n’aura pas de conséquences. On ne peut pas mentir aux Français, en disant qu’il n’y aura pas de conséquences. Il y aura des conséquences, qui seront payées par les Français et ceux qui se livrent au jeu minable d’aujourd’hui devront leur rendre des comptes. ».

     

     
     


    Lui aussi avait sa liste des conséquences néfastes, en commençant par les contribuables les plus précaires : « La censure, ce que vous appelez "bullshit", ce sera l’augmentation de l’impôt sur le revenu pour 18 millions de Français. Ils paieront ce prétendu "bullshit" que les députés du RN balaient d’un revers de main ! Ce sont 400 000 travailleurs qui deviendront imposables, mais qui sont le cadet des soucis des députés du groupe Rassemblement national ! Voilà la manière dont ils défendent la France qui travaille ! Une fois encore, madame Le Pen, ce sont les Français qui paieront les conséquences de votre légèreté et de votre irresponsabilité ! ».

    Et de poursuivre : « La censure, c’est la fin des aides d’urgence aux agriculteurs, la fin de tout ce que vous avez cherché à construire ces dernières semaines, madame Genevard, c’est la fin des allègements de charges, la fin des exonérations de taxes et la fin de la revalorisation de leurs retraites, eux qui travaillent dur mais touchent des pensions misérables. Il est facile d’aller sur les ronds-points pour prétendre flatter les agriculteurs, puis de les abandonner une fois dans l’hémicycle ! La censure, c’est la fin du plan d’urgence pour sauver les maisons de retraite de la faillite. La censure, c’est l’abandon du cumul emploi-retraite, qui permettrait de lutter contre la désertification médicale. La censure, et je vois bien que cela vous gêne, c’est renoncer à l’augmentation des effectifs de gendarmes, de policiers et de magistrats, si indispensable quand la sécurité doit être notre priorité. La censure, c’est porter un coup d’arrêt à la loi de programmation militaire, alors même que l’Europe est menacée à ses frontières. La censure, c’est la dette qui va continuer à filer, alors même que la France, avec le désordre que vous avez conjointement créé, est désormais moins crédible que la Grèce sur les marchés financiers. On lui impose 1 point de taux d’intérêt supplémentaire et ce sont les Français qui paieront l’addition. C’est 30 milliards d’euros de dette supplémentaire et d’intérêts dans les années qui viennent, c’est trois fois le budget de la justice ! ».

    Sa liste s'allongeait : « La censure, visiblement ça vous gêne encore, c’est l’aggravation de la crise immobilière. C’est la fin du prêt à taux zéro, au moment même où le marché de l’immobilier s’effondre, ce qui met en péril nos artisans et nos entreprises. La censure, c’est l’incertitude économique pour tous ceux qui prennent des risques. C’est l’incertitude pour les entreprises, c’est l’incertitude pour les PME, c’est l’incertitude pour les commerçants, c’est l’incertitude pour les artisans, c’est l’incertitude pour les professions libérales. Vous n’en avez même pas dit un mot, madame Le Pen ! Cette incertitude, c’est celle des Français qui vont hésiter à consommer demain. Je prends d’ailleurs date aujourd’hui : par votre irresponsabilité, vous enfoncerez la France dans une crise économique et financière et vous en porterez la responsabilité aux yeux des Français, qui se souviendront de ceux qui ont allumé la mèche. Un pays a besoin de stabilité. Il a besoin de stabilité, il a besoin d’un budget, il a besoin d’un gouvernement. ».
     

     
     


    L'intervention de Laurent Wauquiez était d'une certaine hauteur de vue, car il a voulu ramener l'enjeu sur l'intérêt général de la France. Il s'est notamment beaucoup inquiété de la perte de stabilité institutionnelle avec la censure : « Rien n’est pire, pour une économie, que l’incertitude. La censure, et c’est sans doute le plus grave, c’est faire perdre à notre pays son dernier atout. La France pouvait au moins compter sur la stabilité de ses institutions, mais vous vous délectez d’une plongée dans l’instabilité. Voilà l’image que vous donnez. La stabilité de nos institutions, c’est ce qui nous a toujours protégés, si bien que même dans les crises les plus graves, notre pays demeurait gouvernable. Alors que nous dansons au-dessus d’un volcan, vous nous proposez de faire un pas de plus en direction de l’instabilité institutionnelle qui a accéléré l’agonie de la IVe République. Vous vous apprêtez à ouvrir la boîte de Pandore de l’instabilité gouvernementale. Vous réveillez les vieux démons qui viennent de l’extrême gauche de la politique française, ceux de l’impuissance, de l’instabilité ministérielle et de l’incertitude économique. Si encore vous aviez des solutions ! Vous proposez le blocage sans solutions. ».

    Pris au vif par les piques de Marine Le Pen, Laurent Wauquiez n'a pas manqué de condamner la posture de celle-ci : « Que vous le vouliez ou non, il ne peut pas y avoir de nouvelles élections législatives avant l’été : c’est ça, la vérité. Pendant que se jouait cette comédie d’une insoutenable légèreté, qu’avons-nous entendu ? "Vous ne nous avez pas traités avec suffisamment d’égards", voilà ce que nous avons entendu. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que vous vous apprêtez à jouer avec le destin de la France, que vous vous apprêtez à faire tomber un gouvernement parce qu’on ne vous aurait pas traités avec suffisamment d’égards ? Est-ce vraiment cela, être à la hauteur des enjeux ? Est-ce bien l’image que vous voulez offrir ? ».

    Et de tacler tous les démagogues : « Je n’oublie rien de la responsabilité de la France insoumise. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui veulent autoriser l’apologie du terrorisme. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui entretiennent une complaisance détestable avec l’antisémitisme et je n’oublie rien du danger de ceux qui ont trahi Jaurès et Clemenceau. ».

    La responsabilité du RN a été fermement pointée du doigt (même si, à mon sens, Laurent Wauquiez a oublié la responsabilité du PS dans cette affaire) : « Toutefois, la réalité c’est que sans vos voix, madame Le Pen, la France insoumise ne pourrait rien. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les policiers d’assassins. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les terroristes de résistants. Honnêtement, la dignité devrait vous imposer un autre comportement. Quand on lit le texte de la motion de censure, on comprend toute l’hypocrisie de son soutien : il dénonce les plus viles obsessions de l’extrême droite et vous le voteriez ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas revenir sur l’aide médicale d’État ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas de loi plus ferme au sujet de l’immigration ? Voilà, madame Le Pen, ce que vous allez faire, voilà à quelles incohérences en sont réduits, dans cet hémicycle, les semeurs de chaos. ».

     

     
     


    Il faut vraiment noter que toute l'intervention de Laurent Wauquiez relevait d'une certaine déception à l'égard du RN, comme s'il avait pu compter sur ce parti extrémiste pour servir l'intérêt national (à l'instar d'un autre qui s'est complètement fourvoyé, Éric Ciotti) : « Dans un parcours politique, il y a toujours un moment de vérité. Il y a des moments où on ne peut pas duper, esquiver ou feindre. Des moments où il faut choisir entre un intérêt personnel, madame Le Pen, et l’intérêt du pays. Des moments où il faut choisir entre son intérêt partisan et le sens de l’État. Madame Le Pen, je n’ai jamais été de ceux qui vous diabolisaient. Je n’ai jamais été de ceux qui vous donnaient des leçons de morale. Je vous le dis donc avec d’autant plus de force aujourd’hui : les Français jugeront sévèrement le choix que vous vous apprêtez à faire. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendent redresser le pays et choisissent le désordre. Les Français jugeront sévèrement ceux qui voulaient se montrer responsables, mais font finalement le choix de l’irresponsabilité. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendaient incarner l’ordre et choisissent aujourd’hui le chaos. Emmanuel Macron porte peut-être seul la responsabilité de la dissolution mais vous porterez, avec la France insoumise, la responsabilité de la censure qui plongera le pays dans l’instabilité. Je vous le dis donc une dernière fois : ressaisissez-vous ! Ressaisissez-vous, il en est encore temps ! Ressaisissez-vous et changez votre choix ! Ressaisissez-vous, parce que sinon, nous nous souviendrons longtemps de ce jour désolant. Nous nous souviendrons longtemps, madame Le Pen, qu’une alliance des contraires, portée par le cynisme, a plongé notre pays dans l’instabilité. Ressaisissez-vous, parce qu’il est toujours temps de faire le choix de la France ! ».

    Au final, malgré l'avertissement toutes ces conséquences connues par les censeurs irresponsables et cyniques, sourds à l'intérêt populaire et aux arguments rationnels de leurs collègues, la motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier a été adoptée par une majorité de l'Assemblée, entraînant le rejet des textes budgétaires, la démission du gouvernement, une nouvelle période d'incertitude à la fois institutionnelle, politique, sociale, économique et financière. Les Français, dans leur bon sens, seront très sévères envers ces oiseaux de malheur qui ne cherchent qu'à détruire la France, diviser le peuple et semer la haine et la désolation dans tout le pays.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier.
    Laurent Wauquiez.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-philippe-vigier.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/04/article-sr-20241204-philippe-vigier.html



     

  • La collusion des irresponsables

    « Nous avons rectifié un budget qui était sans doute déséquilibré et rigide au départ de manière à en faire un budget de consensus, plus protecteur. (…) La voie du compromis a permis d’obtenir des garanties et des équilibres justes pour les Français. Mais une alliance des extrêmes, à l’idéologie faite de bric et de broc, s’est constituée pour faire voler en éclat l’édifice du Parlement. C’est cette même alliance qui a fait adopter des dizaines de milliards d’impôts et de taxes supplémentaires il y a quelques jours. Il faut dire la vérité aux Français sur le projet de chaos et de discorde du Rassemblement national, poussé par les insoumis. Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est ne laisser à l’URSSAF que quelques semaines de trésorerie pour payer les retraites, rembourser les soins et financer les hôpitaux. Qui veut que les cartes vitales cessent de fonctionner en mars ? (…) J’en appelle donc à la responsabilité du Parlement, en particulier à celle de la coalition entre LFI et le RN. Cette alliance contre-nature est en réalité une alliance contre les Français ! » (Yannick Neuder, le 2 décembre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Le député LR Yannick Neuder avait raison lorsqu'il a s'est exprimé au début de la séance publique de ce lundi 2 décembre 2024 à l'Assemblée Nationale. Il est le rapporteur de la commission mixte paritaire (CMP) pour aborder le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 en seconde lecture. Il exprimait l'idée générale d'une coalition des contraires.

    L'ancien ministre Frédéric Valletoux (Horizons), président de la commission mixte paritaire, qui l'a suivi dans la discussion, a déclaré la même chose : « Je sais la tentation pour le nouveau front populaire et le Rassemblement national de s’unir, de mêler leurs voix pour adopter une motion de censure et renverser le gouvernement. (…) Pour les extrêmes de droite et de gauche, l’heure est à la distraction et à la complaisance, nous l’avons bien compris. Mais la démocratie exige des compromis et le mandat qui est le vôtre impose un texte de responsabilité. C’est le service de la protection sociale, qui protège tous les Français, qui est en jeu. J’ai aussi bien conscience des enjeux de politique calendaire qui sont les vôtres. Mais, avant de penser à 2027 et à la prochaine élection présidentielle, il faut penser au présent en assurant la stabilité fiscale, économique et institutionnelle de notre pays, et en garantissant aux Français le niveau de protection sociale qui leur est dû. ».

     

     
     


    Après une première suspension de séance, le Premier Ministre Michel Barnier a pris la parole avec gravité : «  Dans ma déclaration de politique générale, il y a tout juste deux mois, je vous ai exposé ma méthode, faite d’écoute, de respect et de dialogue, en premier lieu vis-à-vis du Parlement et de tous les groupes politiques qui le constituent. Je vous ai également répété que je tiendrais un langage de vérité sur les très nombreuses contraintes qui pèsent sur notre pays et sur les efforts qu’elles nous imposent. (…) Pour cela, j’ai été au bout du dialogue avec l’ensemble des groupes politiques, en restant toujours ouvert et à l’écoute. Depuis le premier jour de mon engagement politique, je respecte profondément le débat et la culture du compromis ; je les crois indispensables. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale en a d’ailleurs prouvé l’utilité. Les très nombreuses heures de travail parlementaire ont permis d’enrichir le texte du gouvernement et ont conduit à un accord en CMP, pour la première fois depuis quatorze ans. ».

     

     
     


    Et d'annoncer l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 à 15 heures 42 : « Ce texte est là, et il est maintenant temps d’agir pour l’appliquer. Je crois que nous sommes parvenus à un moment de vérité, qui met chacun face à ses responsabilités. C’est maintenant à vous de décider si notre pays se dote de textes financiers responsables, indispensables et utiles à nos concitoyens, ou si nous entrons en territoire inconnu. Je m’adresse à vous avec respect, mais aussi avec une certitude : les Français ne nous pardonneraient pas de préférer les intérêts particuliers à l’avenir de la nation. Je le pense sincèrement. Vous l’entendez dans chacune de vos circonscriptions : les Français attendent de la stabilité et de la visibilité, pour leur vie quotidienne et les entreprises, alors que notre pays a tant à faire pour défendre ses intérêts et son influence en Europe et dans le monde. Je sais de quoi je parle. C’est pourquoi, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’engage la responsabilité du gouvernement, de mon gouvernement sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dans sa version résultant des travaux de la commission mixte paritaire et modifié par les amendements rédactionnels et de coordination déposés. Je le fais en appelant à la responsabilité de chacun des représentants de la nation que vous êtes, quand bien même certains d’entre vous quittent l’hémicycle, persuadé que notre mission commune, au-delà de nos divergences, est de servir la France et les Français. Désormais, chacun doit prendre ses responsabilités. J’ai pris les miennes. ».
     

     
     


    À l'évidence, il était impossible de trouver un compromis tant avec les excités de la nouvelle farce populaire (NFP) qu'avec le RN et ses alliés. Le NFP en est encore aujourd'hui à la fable urbaine de sa victoire le 7 juillet 2024 et de Lucie Castets Première Ministre, alors qu'il a été incapable de faire élire son candidat au perchoir et incapable aussi de faire adopter sa version du projet de loi de finances qui a été rejetée en première lecture. La raison a quitté cet hémicycle depuis longtemps. Les historiens auront fort à faire pour comprendre puis expliquer aux générations futures cette actualité affligeante d'irresponsabilité.

     

     
     


    Quant au RN, Marine Le Pen a montré qu'elle ne voulait pas conclure. Michel Barnier, dans sa grande bienveillance, avait reculé sur trois des quatre lignes rouges de la probablement future reprise de justice. Si elle voulait négocier, elle aurait, elle aussi, fait un pas vers le gouvernement. Au lieu de quoi, elle préfère mettre à la poubelle le budget 2025, ce qui signifie que plusieurs millions de Français paieront plus cher l'impôt sur le revenu, dont un peu moins de 400 000 qui n'auraient pas dû en payer du tout mais qui en paieront quand même, car le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une indexation des seuils avec l'inflation. Or, l'échec du texte (il y a deux textes : le projet de loi de finances PLF et le projet de loi de financement de la sécurité sociale PLFSS et si le gouvernement tombe par le 49 alinéa 3, les deux projets de loi tombent aussi), c'est reprendre le budget 2024, soit 3 milliards d'euros de plus en impôt sur le revenu rien que par les effets de seuil découplés de l'inflation. De même, l'engagement de l'État à créer de nouvelles brigades de gendarmerie sera annulé par le vote de la motion de censure.

     

     
     


    Certains commentateurs essaient d'imaginer les intérêts ou pas du RN ou de FI pour une telle censure, ces deux partis complètement obsédés par la prochaine élection présidentielle. Mais le simple fait de parler d'intérêts partisans ou personnels est un scandale, un responsable politique, un élu, doit avant tout s'occuper de l'intérêt général et ne pas mettre un pays en crise, en péril pour d'obscurs raisons de rancune ou de susceptibilité personnelle. De toute façon, les Français, qui ont toujours du bon sens, sauront rapidement qui les défend réellement et qui se moque d'eux.
     

     
     


    Quant aux supputations de démission du Président de la République, Emmanuel Macron, en visite d'État en Arabie Saoudite du 2 au 4 décembre 2024, a déclaré bien clairement le 3 décembre à Riyad devant des journalistes français : « Je serai Président jusqu'à la dernière seconde. Si je suis devant vous, c'est parce que j'ai été élu à deux reprises par le peuple français. J’en suis extrêmement fier et j’honorerai cette confiance avec toute l’énergie qui est la mienne jusqu’à la dernière seconde pour être utile au pays. ». Heureusement qu'il est là pour assurer encore une stabilité institutionnelle. Ces populistes extrémistes veulent saccager la France et détruire toutes ses institutions.

    La conférence des présidents de l'Assemblée réunie ce mardi 3 décembre 2024 a décidé que c'est le mercredi 4 décembre 2024 à 16 heures que seront débattues (en même temps) les deux motions de censure déposées le lundi 2 décembre.

     

     
     


    La première (déposée le 2 décembre à 16 heures 35) a été signée par 185 députés du NFP (il en manque 8 à l'appel dont Sophie Pantel, députée PS de Lozère, qui a annoncé : « Je ne voterai pas cette motion de censure ! »), elle sera défendue par Éric Coquerel, et dans sa présentation, elle est particulièrement offensive contre le RN : « Alors qu’une large majorité de nos concitoyennes et concitoyens a fait le choix du barrage à l’extrême droite lors des élections législatives, le Premier Ministre a cédé à leurs plus viles obsessions, avec une nouvelle loi immigration, qui poursuivrait la faillite morale et politique de l’année dernière et une remise en cause de l’Aide Médicale d’État, qui apporte humanité et dignité à ceux qui foulent notre sol et est une mesure essentielle pour tous de santé publique. L’utilisation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution est le résultat du choix d’Emmanuel Macron de désigner un Premier Ministre ne détenant qu’un très faible soutien dans l’hémicycle et dans le pays et qui ne cherche à se maintenir, au-delà de ses divisions, que par la recherche d’un accord désormais clair avec le Rassemblement national. ».

    Malgré ce texte très dur contre le RN, le RN a déjà annoncé qu'il voterait volontiers pour cette motion de censure. Cela ne gêne pas le PS et en particulier François Hollande, l'un des signataires furieux de cette motion, de voter la censure en mélangeant sa voix avec celles du RN. Cela ne gêne pas François Hollande se s'être soumis à son pire adversaire Jean-Luc Mélenchon pour se faire élire dans sa circonscription corrézienne où il n'a même pas obtenu 50% au second tour. Et où se trouve Raphaël Glucksmann, le donneur de leçons de morale, qu'on n'entend pas en cette période de grave crise politique ?

    Sur BFMTV, l'éditorialiste Bruno Jeudy a affirmé : « Il faut le rappeler aux téléspectateurs : si le PS ne votait pas la censure (avec les 60 députés socialistes), eh bien le gouvernement Barnier ne tomberait pas ! ». Pourquoi le PS ne veut-il pas négocier avec le gouvernement en monnayant sa non-censure, sinon par irresponsabilité dans une Assemblée sans majorité ?


    À chacun de prendre ses responsabilités. On savait que les insoumis n'avaient aucune once de responsabilité et que leur but, dans une stratégie du chaos, est de faire une révolution ouverte pour mettre leur guide à vie à la tête d'une république rougeoyante. Mais les socialistes viennent eux d'un parti qui se disait de gouvernement et qui a encore récemment (il y a sept ans et demi) gouverné la France. Comment peuvent-ils faire la politique du pire.
     

     
     


    Pourquoi le RN voterait-il la motion des insoumis (particulièrement anti-RN) alors qu'il a déposé sa propre motion de censure ? En effet, la seconde motion de censure (déposée le 2 décembre à 17 heures 30) a été signée par 140 députés du RN et de ses alliés ciottistes. Dans ce texte, le RN aurait voulu que le gouvernement Barnier appliquât le programme du RN, mais il n'est pas au pouvoir car il n'est pas majoritaire. Le RN a réaffirmé vouloir « dégraisser l'État » et « engager une débureaucratisation massive ».

    Dans ce texte, il y a beaucoup de formules creuses qui ne veulent rien dire concrètement : « rendre du pouvoir d'achat aux Français », « défendre les entrepreneurs et la valeur travail », « lutter contre la fraude », « stopper les dépenses contraires à la volonté populaire », et en même temps, il y a des propositions qui vont totalement à l'encontre de la volonté populaire comme faire un Frexit financier en ne contribuant plus financièrement à l'Union Européenne.


    En fait, lorsqu'on lit attentivement ce texte, on se dit que Michel Barnier a eu bien tort d'essayer de négocier avec le RN : Marine Le Pen avait décidé depuis le début de voter la motion de censure, parce qu'elle se sent cernée avec sa probable future condamnation judiciaire et qu'elle est aux abois. En montrant son pouvoir de dislocation du gouvernement, elle montre ainsi sa capacité à faire pire. Puissance de nuisance à défaut d'être constructif pour le pays.
     

     
     


    C'est un sabordage du RN qui perd définitivement sa crédibilité pour gouverner. Presque quatorze années d'effort réduites à néant par un procès qui va faire exploser l'avenir présidentiel de la fille de Jean-Marie Le Pen. C'est vrai, il y a de quoi enrager, d'autant plus que la relève est déjà assurée par Jordan Bardella qui ne voulait plus de candidat RN aux prochaines élections avec un casier judiciaire non vierge !

    Ajouté à cela, même si c'est très anecdotique, insistons sur le fait que l'ancien président de LR Éric Ciotti fait partie des signataires de cette motion de censure, c'est-à-dire qu'il va censurer Michel Barnier avec qui il était en compétition pour la primaire LR de décembre 2021, il n'y a pas si longtemps (trois ans). En se mettant en une opposition totale contre les députés de son ancien parti LR, Éric Ciotti montre qu'il n'a fait que retourner sa veste, qu'il s'est définitivement vendu au RN, au point de vouloir renverser le gouvernement de la République en mélangeant sa voix avec celle de François Hollande et surtout celles des mélenchonistes et des communistes. À l'évidence, les historiens auront beaucoup de travail dans les années et décennies à venir pour expliquer cette période à leurs étudiants.


     

     
     


    Le pire, dans tout cela, c'est que les députés qui s'apprêtent à voter la censure n'ont aucune solution de rechange à proposer à la France avec la configuration tripartite de l'Assemblée actuelle qui restera encore au moins six mois, quoi qu'il se passe. Cette collusion des contraires ne peut que détruire les projets mais en aucun cas construire une proposition nouvelle, de gouvernement ou même de budget.

     

     
     


    Reprenant la parole ce mardi 3 décembre 2024 à l'occasion d'une question au gouvernement du président du groupe communiste André Chassaigne sur la situation politique, le Premier Ministre a insisté sur la gravité et les conséquences de l'adoption d'une motion de censure : « Sur le fond, tout le monde sait que la situation est difficile. D’abord, elle l’est sur le plan budgétaire, je l’ai dit dès le début en cherchant à montrer la vérité aux Français : la situation est plus grave qu’on ne l’a cru, avec une dette que tout le monde devra payer un jour. Ensuite, elle l’est sur le plan économique et social. Tout à l’heure, l’un de vos collègues parlait de la Chapelle Darblay et d’ArcelorMittal et je m’attendais à une question sur Michelin. Je suis cela très attentivement avec le ministre de l’industrie, le ministre de l’économie et des finances, ainsi que le ministre du travail. Tous les jours, nous veillons à apporter notre soutien aux salariés et aux territoires qui sont touchés. Enfin, la situation est difficile sur le plan financier. Je suis avec une grande vigilance les marchés financiers, que je connais assez bien. ».

    Et il a conclu en guise de prophétie : « Il y a une chose dont je suis sûr, retenez bien ce que je vous dis aujourd’hui : la censure dont il est question pour demain rendra tout plus difficile et plus grave. ». Honte aux députés irresponsables qui vont coûter très cher à la France et aux Français. Ceux-ci se rappelleront le moment venu quelles sont les irresponsables qui auront fait plonger la France dans un cycle économique et financier désastreux avec une surenchère des intérêts de la dette et un hausse des plans sociaux. L'histoire a toujours jugé sévèrement les irresponsables, soit par volonté, soit, comme pour les socialistes, par soumission, mollesse et inconséquence. Dans tous les cas, ce seront les Français qui trinqueront.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241202-motion-de-censure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-collusion-des-irresponsables-257958

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/03/article-sr-20241202-motion-de-censure.html




     

  • Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France

    « J’ai entendu parler d’une épée de Damoclès qui pèserait sur la tête du gouvernement mais la véritable épée de Damoclès, est dès aujourd’hui là sur la tête de la France et des Français et faute d’actions, faute de courage maintenant, je suis sûr d’une chose : elle pèsera beaucoup plus gravement demain sur nos enfants et nos petits-enfants. La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale : 3 228 milliards d’euros. Si l’on n’y prend garde, elle placera notre pays au bord du précipice. (…) Il y a une autre épée de Damoclès, tout aussi redoutable, celle de la dette écologique. Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. » (Michel Barnier, le 1er octobre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Dans une perspective de récession en Allemagne, mais surtout, d'instabilité politique durable en Allemagne (de nouvelles élections législatives sont prévues pour le 23 février 2025), la situation politique française est observée très attentivement par le monde. Cette semaine, et probablement les semaines à venir, vont être cruciales non seulement pour le gouvernement Barnier, mais aussi pour l'avenir économique de la France.

    L'enjeu est très important : serons-nous, Français, dans la situation de la Grèce en 2010 ou en 2015 ? Notre super-endettement sera-t-il encore absorbé par la confiance que les milieux financiers portent à la France ? Pour l'instant, le Premier Ministre Michel Barnier s'est assez bien débrouillé. Il a su convaincre la Commission Européenne, et je pense qu'il était le seul Premier Ministre possible à pouvoir le faire, que la trajectoire budgétaire, même si elle a pris un peu de retard, restait dans la bonne direction et que la France ne sera pas sanctionnée pour manquement à ses engagements (ce n'est pas la dictature de Bruxelles, il s'agit ici de la parole de la France à honorer).


    Petite cerise sur le gâteau, l'agence de notation Standard & Poor's n'a pas abaissé la note de confiance de la France ce vendredi 29 novembre 2024, ce qui montre que la crédibilité financière de la France reste intacte malgré toutes les difficultés. En effet, l'agence a communiqué : « Malgré l'incertitude politique, nous nous attendons à ce que la France se conforme avec un délai au cadre budgétaire européen et consolide progressivement ses finances publiques. ».

    Le renversement du gouvernement Barnier et donc le rejet du projet de loi de finances, c'est-à-dire le vote d'une motion de censure, serait un événement qui mettrait en danger la crédibilité de la France et même de l'Europe alors qu'il n'y existe plus beaucoup de pôle stable. Le scénario catastrophe peut être envisagé mais le pire n'est jamais sûr non plus, et c'est important de résister aux défaitismes ambiants.

    Par exemple, quand les journalistes disent avec une panique surjouée (ça va faire de l'audience) que la France désormais emprunte de l'argent au même taux d'intérêt que la Grèce, à savoir 3%, ils oublient de dire que c'est le taux d'intérêt de 2024, pas celui de 2010 qui devait être (je n'ai pas vérifié) entre 15 et 20% ! Entre-temps, la Grèce a adopté une politique pour le coup qu'on peut appeler d'austérité, qui n'a rien à voir avec le budget à peine rigoureux présenté depuis deux mois par Michel Barnier.


    A priori, le RN a annoncé qu'il voterait une motion de censure. Rien ne dit que c'est la même motion de censure que celle que déposera inévitablement la nouvelle farce populaire (NFP) puisque dans les motions de censure, il y a les motivations qui déterminent la politique que les signataires veulent conduire, or le RN est loin du NFP en termes programmatiques.
     

     
     


    En revanche, on peut se demander quelle est la motivation réelle de Marine Le Pen à vouloir censurer le gouvernement. Jusqu'à maintenant, elle avait adopté une attitude responsable afin de montrer que son parti était en mesure de gouverner bientôt la France. Cela a été un très lent processus, qui a commencé dès son accession à la tête du FN le 16 janvier 2011. En votant une motion de censure alors que le gouvernement a reculé sur le pouvoir d'achat en renonçant à augmenter la taxe sur l'électricité (soit dit en passant, ce n'est pas augmenter, mais c'est supprimer la réduction de la taxe qu'avaient voulue les gouvernements précédents pour faire face à l'inflation), le RN risquerait fort de ne plus être compréhensible. D'ailleurs, Jordan Bardella serait plutôt sur la ligne de responsabilité au contraire de sa mentor.

    On peut imaginer que Marine Le Pen sente sa carrière cramer à court terme avec sa probable condamnation le 31 mars 2025. Alors, elle peut jouer comme Jean-Luc Mélenchon et vouloir la tactique du chaos pour bénéficier d'une élection présidentielle anticipée. Mais il ne faut pas qu'elle se leurre, même en cas de démission du Président de la République (fort peu probable, mais la dissolution était tout aussi improbable), l'élection présidentielle ne serait pas organisée avant avril ou mai 2025, soit après une possible condamnation et inéligibilité exécutoire immédiatement. On peut alors imaginer plutôt une politique de la terre brûlée, ce qui est très étrange pour le RN à qui il manquait encore des électeurs de responsabilité pour atteindre une majorité absolue.

    Je ne suis pas madame Soleil ni madame Irma, et donc, à part dire que le pire n'est jamais certain, je suis bien incapable de prédire l'avenir politique très proche, avec un élément à prendre en compte, du 2 au 4 décembre 2024, le Président de la Républiqe sera absent du territoire français puisqu'en visite d'État en Arabie Saoudite.


    En revanche, je voudrais revenir sur ce qu'on entend depuis une semaine (depuis cinq mois en fait) sur les institutions et sur les critiques contre Emmanuel Macron. Comme 99,999% de la population, je n'ai pas compris la dissolution le 9 juin 2024 et j'ai été particulièrement choqué par celle-ci, sidéré plutôt, mais il ne faut pas exagérer : une dissolution, c'est le retour au peuple, c'est redonner la parole au peuple et s'il n'avait pas dissous, Emmanuel Macron aurait été critiqué de ne pas l'avoir fait, d'autant plus que le RN hurlait à la dissolution depuis une bonne année.

     

     
     


    On a tendance à faire des comparaisons avec De Gaulle. Comparaison n'est jamais raison et puis, De Gaulle était De Gaulle et personne ne l'est dans la classe politique depuis 1970, il ne faut donc pas, là non plus, exagérer : la démission de De Gaulle le 28 avril 1969, c'était aussi la retraite anticipée d'un vieillard de 78 ans (âge qu'aura Jean-Luc Mélenchon au milieu du prochain quinquennat), il s'est sabordé lui-même, car il savait très bien où il allait quand il a annoncé son référendum. Mais surtout, personne ne l'a contraint à démissionner, c'était un choix personnel sans pression extérieure, celui d'un vieux monsieur qui a fait l'histoire et qui ne comprenait plus son pays depuis une année (mai 68).

    De plus, la comparaison avec la pratique institutionnelle de De Gaulle s'arrête généralement à sa démission, mais c'est incomplet, on oublie aussi qu'il a dissous deux fois l'Assemblée, une fois en 1962 à une époque où les députés gaullistes ont considéré que c'était de la folie et anticipaient un désastre électoral majeur (qui n'a heureusement pas eu lieu), et une seconde fois en 1968 à une époque où c'était le "foutoir" de mai 68. Les deux "paris" de De Gaulle ont été gagnés, mais ils auraient pu être perdus, et dans ce cas, la faute n'en aurait pas été imputable à De Gaulle mais au peuple qui a voté.


    D'autres Présidents de la République ont subi de graves revers électoraux, parfois très graves, et j'en citerai deux : François Mitterrand, le 16 mars 1986 et surtout le 28 mars 1993, deux échecs de son parti aux élections législatives, et Jacques Chirac, le 1er juin 1997, échec aux élections législatives (provoquées par une dissolution !) et le 29 mai 20065, échec du référendum sur le TCE. Aucun de ces deux Présidents de la République n'a démissionné et personne, à part quelques excités du bocage, n'a réclamé leur démission.

    En 2024, Emmanuel Macron a fait mieux (et pas pire) que Jacques Chirac en 1997. À l'évidence, il n'a pas réussi puisqu'il a obtenu moins de sièges de sa majorité à la fin qu'au début, comme en 1997, mais au contraire de 1997, aucune opposition n'a réussi à obtenir une majorité absolue pour autant. C'est cette situation de no-man's-land politique qui rend la situation actuelle très incertaine et, répétons-le, elle ne finirait pas avec la démission du Président de la République puisqu'il serait constitutionnellement impossible de dissoudre avant une année (s'il y avait bien une réforme institutionnelle à faire, ce serait de réduire ce délai).


    Le seul message clair des électeurs le 7 juillet 2024, c'est qu'ils ne voulaient pas d'un gouvernement dirigé par le RN alors que tous les prescripteurs d'opinion le pronostiquaient. Et c'était donc aux groupes qui ont fait élire leurs députés sous cette bannière du front républicaine de s'entendre pour gouverner. Au lieu de cela, Jean-Luc Mélenchon a pris en otage toute la gauche, et celle-ci, curieusement, s'est laissée faire. Cela coûtera très cher à la France.

    Car le plus sot (on ne prête qu'aux riches), c'est qu'on impute à Emmanuel Macron une responsabilité qu'il n'a pas. Il a eu la responsabilité de dissoudre l'Assemblée mais c'est sa décision souveraine et constitutionnelle et personne n'a à la discuter, éventuellement on peut la commenter, mais c'était son droit souverain et constitutionnel de dissoudre. En revanche, on ne peut pas le rendre responsable du résultat des élections législatives de 2024 : ce sont les Français, souverainement, démocratiquement, par leur vote libre, sincère et secret, qui ont donné à la France cette Assemblée impossible.

    Ce n'est pas Emmanuel Macron qui a mis les institutions en surpression, ce n'est même pas les institutions qui l'ont voulu alors que les constituants de 1958 avaient tenté de chercher toutes les causes d'ingouvernabilité, et ils avaient un bon modèle avec la Quatrième République. Mais ils n'ont pas imaginé la situation de 2024. Ce sont les Français qui l'ont voulu, et eux seuls.


    Alors, dans cette situation, plus qu'Emmanuel Macron seul qui n'a fait qu'amorcer un processus, je vois le peuple principale cause de cette difficulté à gouverner en choisissant trois forces politiques d'égale représentation (au lieu de deux). Ce choix est là, est un fait. On peut le regretter (tout le monde le regrette), mais quoi faire ? Ce n'est pas destituer Emmanuel Macron ou le pousser à la démission qui résoudra quelque chose, ou alors, dans cette logique, il faudrait plutôt destituer le peuple !

     

     
     


    Mais je vois un autre responsable, la classe politique dans sa globalité, ou plutôt, celle représentée à l'Assemblée Nationale, l'ensemble des groupes politiques qui montrent une absence totale de responsabilité face aux grands défis qui attendent la France dans une conjecture internationale particulièrement inquiétante au moment où Vladimir Poutine évoque la possibilité d'envoyer des missiles nucléaires en Europe. Et en France, pour d'obscures ambitions présidentielles des uns et des autres, on ergote sur un budget, on veut encore moins travailler, raser encore plus gratis, etc. Société de paresse alors qu'on devrait plutôt remonter ses manches.

    Assurément, nous ne sommes plus en 1933 avec l'expression enflammée des extrêmes. C'est déjà du passé. Nous sommes maintenant en 1936, avec les grèves, avec les congés payés, avec l'espoir de la belle vie... sans voir un seul moment que se profilait 1939 et 1940. Décidément, j'ai parfois l'impression que l'histoire repasse les plats, mais alors les plus réchauffés...



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    Sylvain Rakotoarison (01er décembre 2024)
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    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
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  • Pierre Arditi est-il un proche de Marine Le Pen ?

    « Mais je suis très proche de Marine Le Pen, vous ne le saviez pas ? Non non, de plus en plus, on peut écouter ce son-là, il n'est pas totalement inutile... » (Pierre Arditi).




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    L'acteur Pierre Arditi fête son 80e anniversaire ce dimanche 1er décembre 2024 (comme le romancier Daniel Pennac) et on imagine qu'il en est le premier étonné tant il se sent toujours aussi éveillé et alerte dans la vie.

    L'un des sujets qui l'irrite souvent est de le mettre dans la case de la gauche caviar car il ne se considère pas comme ainsi. Évidemment, à force de jouer le vrai et le faux, il risque d'être un peu plus incompréhensible. Pour ne pas se laisser enfermer dans une case, peut-être ?

    Pour preuve, sa fausse interview lors de son passage chez Thierry Ardisson, à "Salut les Terriens !" diffusée le 3 octobre 2015 sur Canal Plus, où il précisait très doctement à propos de Nadine Morano : « C'est surtout une fine analyse de ce qu'est la société française d'aujourd'hui. ». Tout en avouant sa vénalité théâtrale : « Mais c'est-à-dire, si vous voulez, forcément, c'est là où il y a un peu de pognon, alors moi, je défends là où ça casque à la caisse, sinon, ça ne m'intéresse pas ! ». On peut l'écouter sur la vidéo de l'INA à la fin de l'article.

    Bien sûr, tout était faux, mais c'était à une époque où le jeu, la légèreté n'étaient pas pollués par la crédulité pour les choses du premier degré, et surtout par les fake news. Pierre Arditi est un comédien et aime d'abord jouer (voire fanfaronner) et jouer à celui qu'il n'est pas, c'est un rôle qu'il aime bien (et qui le protège peut-être, d'ailleurs, de sa propre réalité). Des âmes sensibles pourraient s'en offusquer.


    Dans une interview pour "Le Bien public" publiée le 29 mai 2013, Pierre Arditi assurait de toute façon : « Je continue d’être un homme engagé à gauche. C’est comme ça depuis toujours. Et ça finira comme ça. Mais, avec le temps, je me suis calmé. Mes convictions sont les mêmes, mais je suis beaucoup moins manichéen que lorsque j’étais beaucoup plus jeune, ce qui est tout à fait normal. Aujourd’hui, les choses sont beaucoup plus complexes. Maintenant, après avoir vécu déjà un long moment de ma vie, je suis à même de les analyser autrement. Il y a des gens qui ne sont pas de mon bord que j’estime profondément et vice et versa. Je pense qu’on ne peut pas passer sa vie à donner des leçons de morale. D’abord parce que lorsque l’on en donne, il faut commencer à se les appliquer à soi-même et qu’on ne le fait pas toujours. Dans ces cas-là, on est mal en point. Mais simplement, on peut essayer de convaincre, parfois sur certains thèmes, certaines choses, qu’à un moment donné il faudrait être plus généreux, plus solidaire, etc. Après, la vie est ce qu’elle est, les sociétés sont ce qu’elles sont. Elles sont difficiles, elles sont égoïstes, elles sont parfois trop repliées sur elles-mêmes. C’est compliqué. La vie est de plus en plus compliquée et de plus en plus féroce. Alors, ce n’est plus un problème d’être de droite ou de gauche, il suffit simplement d’être un humain. C’est plutôt comme ça que j’essaye de me redéfinir. Je tente de ne pas perdre cette part d’humanité que j’ai encore, avec laquelle je me bagarre pour la conserver. » (propos recueillis par Vincent Lindeneher). Une longue tirade certainement issue de sa sincérité spontanée, mais pour finir par dire ceci : « Avant d’être de gauche, je suis Français. Ce que je souhaite, c’est que ce Président-là réussisse pour le bien de notre pays. Et si c’était un autre, je lui souhaiterais la même chose. » (il parlait à l'époque de François Hollande).

    Un an et demi plus tard, le 3 octobre 2014, tout aussi sincèrement, le comédien disait à Audrey Crespo-Mara sur LCI : « Diaboliser le FN, c'est une imbécillité. À partir du moment où un nombre important de gens, des millions, finissent par voter dans ce sens-là, ça commence à devenir un vote d'adhésion. Pourquoi ça le devient ? Parce que ce qu'on attend des partis politiques traditionnels ne vient pas. Des promesses ne sont pas tenues, les résultats pour le moment ne sont pas là, c'est difficile, mais c'est comme ça. Alors, qu'est-ce qu'on fait ? On bâillonne les gens qui votent pour le FN ? On sait que c'est le premier parti ouvrier de France, il y a beaucoup d'anciens membres du Parti communiste qui votent pour le Front national... Qu'est-ce qu'on fait ? On les brûle ? Non ! On les déporte ? Non ! Donc, ce qui peut empêcher Marine Le Pen d'entrer à l'Élysée, c'est que la classe politique, quelle qu'elle soit, de gauche ou de droite, sache que la parole donnée doit être, à un moment ou à un autre, tenue ! Parce que, sinon, quand on donne sa parole et qu'on ne la tient pas, c'est très ennuyeux, on n'en a plus ! Je ne jette pas la pierre, c'est mon camp, c'est mon bord. ».


    Rejetant une éventuelle appartenance au PS (au pouvoir à l'époque), il enrageait de la fronde menée par les ministres Arnaud Montebourg et Benoît Hamon : « Il y a un minimum de solidarité gouvernementale. Ce qu'on pourrait dire à des membres du gouvernement, je ne citerai personne, c'est qu'il faut qu'ils se mettent dans le crâne qu'ils ne sont pas au bureau national du PS, mais qu'ils appartiennent au gouvernement de la France, cela n'a rien à voir ! ». Mais de là à devenir proche d'Alain Juppé... pourquoi pas : « Ne me demandez pas non plus de ne pas être objectif avec l'autre camp quand il a des qualités, et c'est le cas d'Alain Juppé ! ».

    Dans "Le Divan" de Marc-Olivier Fogiel, le 21 mars 2017, en pleine campagne présidentielle, Pierre Arditi est revenu sur la politique en répondant à ses détracteurs qui trouveraient qu'il gagnerait beaucoup trop d'argent pour être un homme de gauche : « Mais vous devriez au contraire m'estimer davantage. Parce que j'ai tout dans ma condition sociale pour être un homme de droite. (…) Je trouve tout à fait normal, que moi gagnant bien ma vie, j'aide ceux qui la gagnent bien moins que moi ! ». D'autant plus qu'il n'a jamais autant payé d'impôt que depuis que la gauche est revenue au pouvoir, avouait-il !


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    Saut dans le temps. Nous voici maintenant dans l'émission "C à Vous" le 5 septembre 2023 sur France 5. L'acteur s'est un peu lâché contre la Nupes dont l'attitude irresponsable allait apporter, selon lui, la victoire de l'extrême droite sur un plateau d'argent : « J’ai un âge, malheureusement, qui me permets d’en avoir connu une autre, d’autres gauches, avec lesquelles je me sentais plus en accord. Aujourd’hui, elle est où exactement ? C’est quoi l’identité de la gauche ? Moi, je ne la connais pas et je ne la reconnais pas. (…) Quand est-ce que ces gens vont comprendre qu’on est en train de faire le berceau de l'extrême droite ? Je ne citerai pas de nom, mais vous pouvez imaginer à qui je fais allusion. (…) Ça finira par arriver, si la gauche continue de donner ce spectacle. ». Il faut penser aussi qu'entre-temps, Pierre Arditi a soutenu Emmanuel Macron.

    Comme il a soutenu le 12 janvier 2024 au micro de RTL la nouvelle ministre Rachida Dati qui venait d'être nommée la veille : « Le procès qu'on lui fait c'est qu'elle n'est pas du bon bord, qu'elle n'est pas spécialiste. Mais qui est spécialiste ? Personne, absolument personne. Qui sait tout sur la culture ? Qui sait ce qu'il faut faire et ce qu'il faudrait faire et surtout qui le fait ? Personne ou pratiquement personne ! (…) On les décapite avant qu'ils aient pu se servir de leur tête. Comment peut-on juger quelqu'un avant qu'il ait fait quoi que ce soit ? C'est grotesque ! ».

    Après l'incompréhensible dissolution, Pierre Arditi a refusé de soutenir la nouvelle farce populaire (NFP) dans une tribune intitulée "La question n'est pas Macron ou non" publiée le 23 juin 2024 dans "La Tribune Dimanche" qui commençait ainsi : « Depuis l'annonce de la dissolution, nous avons l'impression de vivre un cauchemar au ralenti. Celui d'une France blessée et divisée, en route vers son suicide. Celui d'une classe politique indécente, inconséquente, avide de sauver ses intérêts, "l'anatomie d'une chute" vers le chaos. Un moment de bascule historique, celui de la fin d'une ère de démocratie et de liberté, comme nous l'avions lu, jadis, dans les livres, comme nous l'avaient raconté nos parents ou nos grands-parents. Comme si nous vivions, comme au siècle dernier, le délitement inexorable de nos fondamentaux. Cette situation est l'addition que nous payons aujourd'hui de décennies de colère populaire et de la détestation souvent injuste de la classe politique. ».

    Inquiet du risque de l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite, il a affirmé : « Laisser le RN prendre Matignon, c'est accepter au nom d'une pseudo-souveraineté d'abandonner notre indépendance. ». Mais il n'était pas possible pour lui de soutenir le NFP : « Le nouveau front populaire s'est formé avec des cœurs sincères, remplis d'espérance. Ces cœurs sincères sont ma famille, j'ai passé ma vie à les soutenir, à voter comme eux et avec eux. Si certains d'entre eux sont des sociaux-démocrates sincères, je le sais, cette alliance contre-nature est désespérante. (…) La question n'est pas Macron ou non. La question est le chaos ou le sursaut, pas une question de personnes mais une question de survie. ».


    Il faut dire que le 15 avril 2024, le soir à l'Élysée, Pierre Arditi a reçu des mains du Président de la République les insignes de commandeur de l'Ordre national du Mérite. Après avoir fait allusion aux deux malaises sur scène du comédien, Emmanuel Macron, devant une quarantaine d'invités, s'est interrogé en connaisseur : « On peut se poser une question : pourquoi Pierre Arditi n’est pas démodé ? Au fond, vous n'avez jamais joué votre époque, vous avez joué des rôles intempestifs. Vous êtes devenu un style, intemporel. ». Réaction de l'intéressé, ému : « Il n'a pas fait un discours, il a fait une déclaration d'amour ! ».

    À ses détracteurs qui lui reprochaient d'avoir été présent à la Rotonde le soir de la victoire d'Emmanuel Macron en 2017, Pierre Arditi a répondu le 28 juin 2024 sur la chaîne C8 qu'il se sentait plus de la "gauche cassoulet" que de la "gauche caviar" : « Je ne peux pas dire que ça m’a été reproché. Ça a surpris de me voir avec Macron (...) Le Président de la République, je l'aime bien. Il y a des choses avec lesquelles je suis d'accord, d'autres avec lesquelles je suis moins d'accord. (…) Il fait des choses, il est courageux (…). Je suis plutôt un homme de gauche, plutôt gauche cassoulet que caviar ! ».

    Et de poursuivre : « Et de toute manière, même s’il m’arrivait de manger du caviar et d’être de gauche, ce serait d’autant plus louable chez moi. Si j’avais ces moyens-là, je devrais plutôt être de droite. Donc, si je me bagarre pour que des gens qui n’ont pas les moyens que j’ai, finissent par en avoir aussi, c’est plutôt mieux que le contraire, c'est-à-dire préserver mes petits privilèges ! ».

    Pierre Arditi a ajouté qu'il n'avait aucune vocation à entrer au gouvernement : « Un acteur n'est pas fait pour être Ministre de la Culture. ». Il jouerait pourtant forcément bien ce rôle. Resterait alors à trouver un scénariste pour l'histoire...


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    Sylvain Rakotoarison (30 novembre 2024)
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    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241201-pierre-arditi.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/pierre-arditi-est-il-un-proche-de-257665

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/01/article-sr-20241201-pierre-arditi.html