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  • André Siegfried, père de la sociologie électorale et de la science politique française

    « Malgré son aspect paradoxal, cette observation simpliste, mais décisive s’impose : tout ce qui est sur le calcaire appartient à la gauche, tout ce qui est sur le granit, à la droite. » (André Siegfried, "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République", 1913, éd. Armand Colin).




     

     
     


    Ces quelques lignes ont fait date dans l'analyse politique des terres politiques des différentes partis politiques, et sa formulation lapidaire a valu à son auteur de se faire reprendre par un autre sociologue de la vie politique, Raymond Aron qui ironisait en 1955 : « On trouve l’hétérogénéité géographique quand on la cherche, on trouve les deux blocs quand on les organise. ». Mais il n'en demeure pas moins que le politologue André Siegfried, qui est né il y a juste 150 ans le 21 avril 1875 au Havre, donc en plein début de la Troisième République, reste encore aujourd'hui perçu comme le père de la géographie électorale et même de la science politique qu'il a enseignée mais aussi organisée, institutionnalisée après la dernière guerre.

    C'est pourquoi André Siegfried est une référence fondamentale pour la science politique en France, un fondateur d'une nouvelle discipline dans laquelle se sont engouffrés tous les politologues, éditorialistes politiques depuis la fin de la guerre. André Siegfried a connu et analysé la vie politique de deux républiques, la Troisième et la Quatrième Républiques, il n'a pas eu le temps d'appréhender vraiment la Cinquième République même s'il a eu de quoi sortir, à la fin de sa vie : "De la IVe à la Ve République au jour le jour" en 1958 chez Grasset (il avait déjà publié "De la IIIe à la IVe République" en 1956 chez Grasset). En effet, il est mort le 28 mars 1959 à Paris, peu avant ses 84 ans.

    Auteur prolifique d'études politiques et électorales, universitaire et académicien, André Siegfried a marqué l'histoire intellectuelle de la France du XXe siècle. Ses parents étaient très engagés dans la vie publique et intellectuelle. Son père entrepreneur Jules Siegfried (1837-1922), dont il a fait une biographie en 1946, était une personnalité politique importante de la Troisième République, maire du Havre de 1878 à 1886, député puis sénateur de la Seine-Inférieure, conseiller général, et ministre du commerce des gouvernements d'Alexandre Ribot (1892-1893). Quant à sa mère Julie Puaux-Siegfried (1848-1922), elle était une féministe et a présidé le Conseil national des femmes françaises pendant dix ans, de 1912 à 1922, une instance créée en 1901 que Louise Weiss avait intégrée et qui existe encore aujourd'hui.


    Issu d'un milieu protestant de bourgeoisie provinciale (il avait un oncle maternel pasteur et président de la Société de l'histoire du protestantisme français), d'une famille alsacienne qui a émigré en Normandie après la perte de l'Alsace-Moselle (à l'origine, l'entreprise familiale était située à Mulhouse), André Siegfried a étudié à Paris les lettres et le droit jusqu'à obtenir un doctorat en histoire (thèse sur la démocratie en Nouvelle-Zélande soutenue en 1904) et un doctorat en droit. Ses disciplines furent nombreuses et voisine : il fut économiste, historien, géographe, sociologue, politologue... et il fut bien sûr, écrivain, surtout essayiste.

    Intellectuel et homme de terrain, comme le précise l'Académie, il a fait dans sa jeunesse en 1900-1901 un "vaste tour du monde" qui lui a permis de visiter de nombreux pays du Globe : États-Unis, Mexique, Australie, Japon, Chine, Indes, etc., à l'instar de son père et de son oncle Jacques Siegfried qui ont fait également un tour du monde.

    Baigné dans la vie politique, André Siegfried était d'abord un déçu des élections. En effet, sur les traces paternelles, il a tenté à plusieurs reprises de se faire élire avec l'étiquette de l'Alliance démocratique (formation laïque de centre droit), mais sans succès : quatre candidatures à des élections législatives (en 1902, puis, après invalidation, en 1903, puis en 1906 et en 1910) et aussi à des élections cantonales (en 1909). À la mort de son père, en 1922, sa candidature était envisagée pour la succession, mais finalement, ce fut René Coty qui fut choisi.

    Dès lors, puisque le suffrage universel lui barrait la route, il renonça à une carrière politique et il s'attacha à comprendre les raisons de ses échecs, c'est-à-dire à comprendre le comportement de l'électorat en fonction du territoire, ce qui l'a conduit à publier en 1913 son fameux "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République" aux éditions Armand Colin. Ce livre l'a rendu rapidement célèbre dans les milieux de la recherche en sciences humaines, en jetant les bases d'une science politique moderne attachée à comprendre le comportement des électeurs.


    À partir de 1910, il enseigna à l'École libre des sciences politiques (futur IEP Paris à partir de 1945 après sa nationalisation), et cela jusqu'en 1955, et a suivi une carrière universitaire et académique prestigieuse : il fut élu en 1933 professeur au Collège de France à la chaire à la chaire de géographie économique et politique, qu'il conserva jusqu'en 1945 (il avait alors 70 ans). André Siegfried enseigna également à l'étranger (il faisait de nombreux voyages autour du monde qui lui permirent de publier des analyses sur de nombreux pays étrangers), en particulier il fut professeur associé à l'Université Harvard en 1955. Figure dominante de Science Po Paris (dont il a refusé la direction), il fut en 1945 le premier président de la Fondation nationale des sciences politiques (on peut citer ses successeurs : 1959 Pierre Renouvin, 1971 François Goguel, 1981 René Rémond, 2007 Jean-Claude Casanova, 2016 Olivier Duhamel, jusqu'à sa démission en 2021).
     

     
     


    Lors de ses cours dans les années 1920, selon Gérard Noiriel, il émettait des analyses racistes assez à l'emporte-pièce, comme le présente aujourd'hui Wikipédia : « "Il y a des races qui s'assimilent vite, d'autres plus lentement, d'autres enfin, pas du tout", en France, "les Chinois demeurent toujours des étrangers", "la race noire reste inférieure", "le Juif est un résidu non fusible dans le creuset". ». Cette "géographie des races" a été fortement dénoncé en 1993 par l'historien Pierre Birnbaum, spécialiste de l'antisémitisme en France et aux États-Unis. Dans la revue "Sociétés et Représentations" n°20 d'octobre 2005, l'historienne Carole Reynaud-Paligot, professeure à l'IEP de Paris et spécialiste de l'histoire des intellectuels, en parlait ainsi, pour remettre le contexte : « Le fondateur de la sociologie électorale française n’a pas échappé aux critiques et certains aspects de sa pensée ont été jugés discutables : l’utilisation du concept de race, le recours aux mystères des personnalités ethniques, la présence de stéréotypes et de préjugés de son temps, etc. Il nous apparaît intéressant de poursuivre l’étude en analysant plus particulièrement dans quelle mesure Siegfried est un héritier de la pensée raciale fin de siècle. Cette pensée raciale, qui a largement imprégné la culture française des dernières décennies du XIXe siècle, a construit une représentation de la différence en termes raciaux et produit une vision inégalitaire du genre humain. La communauté savante, le monde colonial, la presse, les manuels scolaires ont largement diffusé cette vision raciale du monde qui s’organise autour de quelques idées force : chaque race possède des caractères physiques, intellectuels et moraux spécifiques qui se transmettent de génération en génération ; l’inégalité raciale s’inscrit dans le processus héréditaire et certaines races sont jugées plus aptes à bénéficier de la civilisation. (…) L’analyse des écrits d’André Siegfried, de ses articles, ouvrages et de ses cours, nous permet de cerner la postérité de cette pensée raciale dans le premier Vingtième Siècle. Dans quelle mesure les axiomes de la raciologie fin de siècle sont-ils restés partie intégrante de la culture du premier vingtième siècle ? De quelles manières les enjeux propres à l’entre-deux-guerres ont-ils modifié ces représentations de l’altérité ? (…) Raciste Siegfried ? Pas dans le sens de l’époque : il juge la thèse "nordique" qui prétend que "tout ce qui est bon dans la région méditerranéenne provient du Nord" ridicule… tout en lui concédant une part de vérité. Après la Seconde Guerre mondiale, Siegfried affirme que les Français "ne sont pas des racistes de doctrine" et ce n’est pas être raciste que d’admettre que les deux notions de civilisation occidentale et de race blanche se recouvrent. Il y a un racisme "parfaitement acceptable" qui est de reconnaître "qu’il y a des races, et que quand vous êtes en présence d’une race, vous êtes en présence d’une réalité". La ségrégation raciale, "dans l’égalité et la dignité", bien que n’étant plus possible dans les sociétés modernes, lui paraît le meilleur moyen de protéger la race blanche des races de couleur. Il lui est difficile d’admettre une égalité totale entre les races : en 1948, il juge que les États-Unis ont "montré quelque légèreté en instituant une ONU dans laquelle les votes relevant de la race blanche, de la civilisation occidentale (…) ne sont probablement pas la majorité". Du début du siècle jusqu’à ses derniers écrits, l’œuvre de Siegfried se fait ainsi encore largement l’écho des thématiques traditionnelles de la pensée raciale fin de siècle : psychologie des peuples, hérédité raciale, idée de hiérarchie et d’inégalité des races, scepticisme face à l’éducation des races de couleur, lenteur de l’évolution intellectuelle des races. À cette culture, issue de la raciologie de la fin du siècle précédent, s’ajoutent des thématiques plus spécifiques à l’entre-deux guerres. Le thème du déclin de la civilisation occidentale et de la race blanche face au "flot montant des races de couleur", qui apparaît au lendemain de la Grande Guerre et qui connaît un succès notable durant l’entre-deux-guerres, est omniprésent dans les écrits de Siegfried, et ce jusque dans les années Cinquante. De même, la question des politiques d’immigration et l’idée de sélection en fonction de la capacité d’assimilation des peuples prennent, dans l’entre-deux-guerres, une grande place aux États-Unis, comme en Europe. Siegfried, on l’a vu, n’y échappe pas. Cette question de l’assimilation demeure encore fortement liée à une vision raciale de l’altérité : l’hérédité raciale facilite ou entrave l’assimilation des races. Si Siegfried entend se rattacher à la tradition humaniste de la France, il rappelle qu’on ne peut oublier "que l’assimilation à ses lois et qu’on ne peut en brûler les étapes". ». On voit que le mythe du supposé "grand remplacement" n'est vraiment pas nouveau ni le thème politique de l'immigration utilisé à des fins électorales !

    À partir de 1934, André Siegfried a collaboré régulièrement au quotidien "Le Figaro" et, entre 1953 et 1956, à la revue d'art et d'histoire, mensuelle, "L'Échauguette", où il écrivait aux côtés de Paul Morand, André Maurois, Henri Mondor, sous la direction de Paul Claudel. Il fut l'auteur d'une œuvre composée de près de 90 ouvrages principalement des essais et des analyses diverses et variées.

    La consécration professionnelle et littéraire a eu lieu d'abord en 1932 avec son élection à l'Académie des sciences morales et politiques, au fauteuil numéro 4 (celui de Paul Deschanel) de la section II (Morale et Sociologie), puis le 12 octobre 1944 à l'Académie française (élu en même temps que deux autres nouveaux membres, dont le grand physicien Louis de Broglie), au fauteuil numéro 29, celui de Claude Bernard, Ernest Renan, et ses successeurs furent, à partir de 1960, Henry de Montherlant, Claude Lévi-Strauss et aujourd'hui (depuis 2011) Amin Maalouf.

    Il fut reçu sous la Coupole le 21 juin 1945 par le duc Auguste-Armand de La Force, un historien. Ce dernier en prit l'occasion pour citer quelques descriptions savoureuses d'acteurs politiques par le nouvel académicien : « De l’appartement de votre père, vous pouviez, le jour de l’an, apercevoir le défilé des landaus, qui, débouchant du cours la Reine, chacun avec son huissier à chaîne sur le siège, traversaient le rond-point pour se rendre de la Chambre à l’Élysée. J’ai croisé plus d’une fois ces voitures misérablement attelées, dont la mauvaise tenue indignait Anatole France. Votre père recevait les sommités de la Troisième République. Vous figuriez parmi les convives et les propos que vous entendiez vous surprenaient quelque peu. Vous nous dites, dans les pages où vous faites revivre votre père et qui sont les Mémoires charmants de votre jeunesse : "Quand il parlait d’intérêt général, de dévouement à la chose publique, mon père se faisait journellement traiter de naïf par ses invités". Comment ne pas vous croire, Monsieur, puisque vous êtes la conscience même et que, d’ailleurs, la vérité sort de la bouche des enfants ? En 1895, jeune homme de vingt ans, vous assistez, 226, boulevard Saint-Germain, dans le nouvel appartement de vos parents, à de grands dîners de parlementaires. Votre mère préside la table, seule femme au milieu de tant d’hommes. Députés et sénateurs étaient sensibles à sa bonne grâce. Son esprit animait et entraînait la conversation. Sa gaieté méridionale parvenait à dérider l’austère Brisson toujours sinistre et vêtu de noir. Quant à vous, Monsieur, vous écoutiez et vous observiez et, bien des années plus tard, vous avez crayonné, pour notre plus grand plaisir, "le petit père Goblet, râblé et rageur", avec ses favoris de neige "l’air d’un amiral sur sa dunette" ; Freycinet "menu et fluet", "immatériel et diaphane comme un saint", mais "l’œil clair et terriblement averti", "vraie souris blanche", prête à se tirer "des situations les plus inextricables" ; "Floquet, portant haut une grosse tête noble, le regard dirigé à quarante-cinq degrés vers le ciel comme un canon de soixante-quinze, toujours rasé de frais, très gentleman, très bien habillé, ressemblant à un Danton soigné". Puis ce fut un nouveau personnel gouvernemental. Vous n’avez pas manqué de l’ajouter à votre galerie de portraits. Voici Paul Deschanel "sentencieux" et d’une si impeccable tenue "que l’on disait : S’il forme un cabinet, ce sera un cabinet de toilette". Plus loin, "André Lebon avec sa barbe de fleuve", "semblant quelque Neptune échappé dans la politique" ; Poincaré "physiquement mesquin et comme étriqué, donnant une froide impression de correction et de compétence" ; Ribot "parlant, avec un léger tremblement dans la voix, des nécessités de l’ordre, des fondements de la société qui étaient ébranlés". Delcassé, d’ordinaire, venait déjeuner seul et proclamait fougueusement : "Si je parviens au pouvoir, soyez sûr que je ne me reposerai pas : la politique se fait en cherchant, non en évitant les affaires". Et vous n’avez portraituré ni les Doumer ni les Doumergue ni les Klotz ni les Leygues ni les Charles Benoist ni les Briand, qui ont passé sous vos yeux à la table de vos parents. Quel regret pour nous, Monsieur ! Votre esprit curieux s’intéressait à leurs débats. Peu d’importantes séances de la Chambre que vous ayez manquées. Je doute, cependant, que telle Mlle Hélène Vacaresco, l’illustre déléguée à la Société des Nations qui porta si haut le drapeau de la Roumanie et soutint de sa belle éloquence l’amitié française, vous ayez subi vingt-sept mille discours. ».

     

     
     


    Pour comprendre un peu mieux André Siegfried, François Goguel lui a rendu hommage, à l'annonce de sa disparition, dans "La Revue Française de Science Politique" que l'immortel avait lancée en 1951 et dirigée jusqu'à sa mort : « Dans un texte daté du 3 mars 1946, André Siegfried écrivait : "Trois maîtres ont exercé sur ma formation une influence décisive : Izoulet, mon professeur de philosophie, m'a donné le goût des idées générales ; Seignobos m'a enseigné le réalisme psychologique politique ; Vidal de La Blache m'a fait comprendre, du moins je l'espère, l'esprit profond de la géographie". Il y a dans cette triple référence une indication profondément significative : dès l'origine, André Siegfried s'est voulu étranger aux cloisonnements traditionnels entre disciplines prétendument distinctes : il se sentait la fois philosophe, historien et géographe. Fort important est également le fait que son éducation ait été très loin d'être purement livresque ou théorique. C'est à son père (…) qu'il dut certainement le goût du concret, la soif de l'observation qui caractérisent sa méthode intellectuelle. ».

    Et François Goguel de citer à nouveau André Siegfried dans son "Tableau des partis en France" publié en 1930 (éd. Grasset) : « Pour recueillir les faits, comment procéder ? J'ai pratiqué toute ma vie une règle dont je ne saurais jamais me départir : aller voir sur place, c'est-à-dire voyager. Tout m'est apparu toujours comme un voyage. Je crois effectivement que le voyage n'est autre chose un état esprit à base de curiosité. J'ai impression d'être en voyage à un kilomètre de chez moi aussi bien qu'à dix mille, dans le XIIIe arrondissement aussi bien qu'à New York, à Samoa ou au Pérou. Je n'aime en somme parler que de ce que j'ai vu. L'atmosphère se respire et cela est irremplaçable. Une escale de deux heures dans un port m'en apprend davantage que de longues lectures. C'est peut-être un peu mélancolique pour quelqu'un qui a écrit beaucoup de livres sur les pays étrangers... Faut-il partir dans un état ignorance ou bien ne s'embarquer après s'être fortement documenté sur les pays qu'on va visiter ?... Le système que je propose consiste à connaître les faits essentiels, ou peut-être même à faire une hypothèse. Mais attention : à condition d'être toujours prêt à l'abandonner comme un échafaudage qu'on abat après avoir construit la maison. Est-il permis d'avoir de la passion ? Elle est nécessaire à la compréhension car elle est la vie même. Ce n'est pourtant qu'une première étape, car l'intelligence ensuite doit débrayer, continuer seule, libérée de toute participation et de toute violence... Les faits sont si nombreux qu'il n'est pas question de les connaître tous. Les plus simples seront ceux sur lesquels on pourra le mieux raisonner. ».

    Du reste, Christophe Le Digol, maître de conférences en science politique à l'Université Paris-Nanterre, expliquait aussi le 9 février 2016 dans "Le Figaro" : « André Siegfried était convaincu que “même l'enfer a ses lois”. Et s'appuie sur l'hypothèse qu'il existe des lois générales qui dominent le désordre des faits particuliers et qu'elles se différencient des explications habituellement proposées par les hommes politiques ou les commentateurs les plus avertis. ».

    Dans son livre "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République" (1913), André Siegfried s'était en particulier intéressé à la Vendée : « L’attachement du peuple à son clergé demeure entier  ; l’effort de la noblesse pour conserver sa suprématie reste couronné de succès. Pour provoquer une transformation de ce milieu, il y faudrait une destruction complète de la grande propriété en même temps qu’une révolte générale contre le pouvoir électoral du prêtre. La Vendée reste donc en marge de la France politique moderne, dont, à la lettre, elle n’est pas contemporaine. Le régime moderne a pu y établir des fonctionnaires, y imposer des lois, y tracer des routes pour y introduire, comme en pays étranger, ses conceptions officielles de la société et du gouvernement. Mais les routes morales qui mènent de France en Vendée sont désertes comme les routes militaires de Napoléon ; plusieurs lois restent lettre morte dans un milieu qui les repousse ; et les fonctionnaires, isolés dans leurs postes ainsi qu’un corps d’occupation, y restent socialement des étrangers. Entre la France démocratique du Centre ou du Sud-Ouest et cette première marche de l’Ouest, il y a tout au plus contact, il n’y a pas pénétration. ».

    À l'occasion du centenaire de la naissance d'André Siegfried, l'historien Jacques Chastenet lui a rendu hommage le 26 mai 1975, sous la Coupole, en commençant par cette description physique : « La taille élevée, les épaules larges, point de ventre, les cheveux blond cendré, une courte moustache surmontant une bouche bien dessinée, l’œil clair, la physionomie habituellement souriante, parfois narquoise, le geste rare, la démarche souple : tel, presque jusqu’au terme de sa vie, apparaissait André Siegfried. ».

    Et il terminait sa biographie verbale ainsi : « Certains problèmes d’ordre métaphysique, problèmes dont il s’était jusqu’ici peu occupé, commencent à se poser à lui. Croyant sincère, très lié avec d’éminents pasteurs, il n’était guère pratiquant et la religion n’occupait dans son œuvre qu’une place secondaire. Pourtant, dès 1951, il collabora à une importante publication : "Les Forces religieuses et la Vie politique". En 1958, il donne un ouvrage : "Les Voies d’Israël, Essai d’interprétation de la Religion juive", qui témoigne de préoccupations nouvelles. Son dernier livre toutefois, qui ne paraîtra qu’après sa mort, reste dans sa ligne habituelle. Il est intitulé : "Itinéraire de contagions, Épidémies et Idéologies". En 1958, Siegfried va encore nager au voisinage du Cap d’Antibes. En 1959, un mal incurable s’installe soudain dans son organisme. Bientôt il se voit condamné à l’immobilité, son cerveau demeurant entièrement lucide. La tendresse de sa femme et celle de sa fille adoucissent son glissement vers la mort. Elle survient au bout de quatre mois. Il a quatre-vingt-quatre ans. Je ne suis pas certain que notre époque violente et tourmentée favorise l’éclosion d’un autre Siegfried, savant objectif, impartial, irradiant la clarté en même temps passionné par les formes, les sons et les couleurs. Il était le très haut représentant d’un monde menacé d’effondrement. Inspirons-nous cependant de sa lucide fermeté pour ne pas désespérer et disons-nous, après Claudel, que "le pire n’est pas toujours le plus sûr". ».

    Le 25 octobre 1945, André Siegfried a prononcé un discours à l'Académie française sur la continuité de la langue et de la civilisation françaises : « Je me suis souvent demandé ce dont, dans la contribution de la France à la civilisation, je suis le plus fier, et, dans ma réponse, je n’hésite pas : je placerais tout au centre la confiance magnifique du Français dans l’intelligence humaine. Nous croyons, spontanément et de toute notre force, qu’il y a une vérité humaine, la même pour tous les hommes, appartenant donc à tous les hommes, et que, cette vérité, l’intelligence peut la comprendre, la parole l’exprimer. À nos yeux, une pensée n’existe que si elle peut être exprimée ; jusque-là elle n’est que virtuelle. Pour lui donner la forme qui sera la condition nécessaire de son être, nous faisons confiance, confiance entière à notre langue. Ainsi le Français ne respecte intellectuellement que ce qui est clair, libéré du chaos. Là réside sans doute la différence profonde, essentielle, qui sépare la pensée française de la pensée allemande et même, plus généralement, de la pensée nordique ou anglo-saxonne. L’Allemand s’estime profond quand il eut obscur, il se plaît même à opposer cette obscurité à notre clarté. ».


    D'autres échantillons de la pensée d'André Siegfried sont notamment dans son livre "L'Âme des peuples" publié en 1950 (chez Hachette), où l'on comprend son positionnement politique et sociologique. Ainsi : « Ce Français, qui vote en doctrinaire intransigeant de la gauche, c'est souvent le même qui, dans la défense de ses intérêts, glisse à l'égoïsme le plus absolu, et le fait que cet égoïsme est familial n'en change pas au fond le caractère. Ce communiste propriétaire, et combien n'en connaissons-nous pas, est prêt à défendre âprement sa propriété : il trouverait scandaleux qu'on lui imposât le régime du kolkhoze ! Et tous ces gens qui votent, avec conviction, avec passion, pour les nationalisations, nous voyons bien qu'ils se méfient de l'État et que, quand il s'agit de choses qu'ils estiment sérieuses, c'est sur eux-mêmes qu'ils comptent en somme. ».

    La dépense publique sans fond, André Siegfried a bien compris le talon d'Achille de toute politique publique : « Ainsi donc le Français, quand il recourt à la puissance publique, se trouve-t-il tenté de la considérer, non comme une entreprise dont il est l'associé solidaire, mais comme une vache à lait dont il faut tirer pour lui le maximum. (...) Le rentier social croit encore que la caisse de l'État est sans fond, que l'industrie nationalisée peut sans inconvénient tourner indéfiniment à perte. Il lui faudra une difficile éducation pour comprendre qu'en l'espèce il n'est pas en somme, comme il le croit, un obligataire, mais l'actionnaire d'une grande société qui est la France elle-même. En attendant, avec des dons merveilleux, avec une dépense étonnante de talent, et du reste aussi de dévouement, ce qui nous frappe surtout en France, c'est l'inefficacité de la vie publique faisant contraste avec l'efficacité de l'individu. ».

    L'âme française : « Tout le bien et tout le mal, toute la grandeur et toute la faiblesse de la France viennent de sa conception de l'individu : conception splendide, éventuellement aussi pathologique. Il s'agit d'abord d'une revendication d'indépendance, essentiellement d'une revendication d'indépendance intellectuelle. Le Français prétend penser et juger par lui-même, il ne s'incline devant aucun mandarinat et par là il est profondément non conformiste, anti-totalitaire. S'il lui arrive de suivre fanatiquement, aveuglément une consigne, en sacrifiant délibérément tout esprit critique, c'est par dévouement fanatique à un principe, à un système, à une politique, mais ce n'est pas, comme chez l'Allemand, par tempérament d'obéissance. En Amérique on obtient tout de l'individu au nom de l'efficacité, c'est au nom d'un principe qu'on peut tout demander au Français. À cet égard, la pensée française, que ce soit sous l'angle de la critique ou sous l'angle du fanatisme idéologique, peut apparaître, à juste titre, non seulement comme un instrument de libération, mais comme un ferment dangereux, éventuellement révolutionnaire. ».


    L'individualisme : « Dans l'association, le Français a toujours le sentiment qu'il apporte plus qu'il ne reçoit, et c'est un mauvais associé, mais l'Allemand reçoit et a conscience de recevoir du groupe plus qu'il ne lui donne. ».

    On s'étonnera des préjugés, clichés et surtout, généralités qu'André Siegfried a pu commettre dans toute son œuvre. Comme l'expliquait Carole Reynaud-Paligot (plus haut), cette œuvre est imprégnée de stéréotypes de la fin du XIXe siècle, en particulier racistes (ne serait-ce que parce qu'il n'y a, biologiquement et génétiquement, pas de races humaines), et qu'en ce sens, elle est très datée. Il n'en demeure pas moins qu'il reste une référence à tous les politologues d'aujourd'hui et aussi, à tous les experts en sondage qui peuplent aujourd'hui les plateaux de télévision.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    André Siegfried.
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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250421-andre-siegfried.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/andre-siegfried-pere-de-la-259608

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/19/article-sr-20250421-andre-siegfried.html


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  • Pâques : Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?

    « Personne ne se sauve tout seul, (…) il n'est possible de se sauver qu'ensemble. » (Pape François, le 3 octobre 2020 à Assise, encyclique "Fratelli Tutti").



     

     
     


    Selon la liturgie catholique, c'est l'Évangile selon saint Luc qui est lu à la messe de Pâques de ce dimanche 20 avril 2025. Le Christ est mort le vendredi à 15 heures, et le dimanche, trois femmes sont allées le visiter à son tombeau. Stupeur, le tombeau est vide. Vide. Deux hommes éblouissants leur demandent donc mon titre, plus haut : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n'est pas ici, il est ressuscité. ».

    Pour notre vie quotidienne, la fête de Pâques, c'est d'abord la fête du chocolat dans les supermarchés, les embouteillages (parisiens) pour le week-end pascal (merci, j'ai été déjà bien servi cette année), c'est d'ailleurs un week-end prolongé avec un jour férié, le lundi de Pâques (depuis la loi du 8 mars 1886), et ce sont évidemment les vacances dites de printemps. Certes, certes.

    Mais à l'origine, c'est d'abord une fête chrétienne. Chrétienne qui a eu lieu à peu près au même moment que la fête juive (on parle de Pâque au singulier pour les Juifs). C'est même la plus importante fête chrétienne, encore plus importante que l'autre fête socialement essentielle, Noël (malgré le caractère laïque de notre société et même sa déchristianisation, ces deux fêtes restent l'ossature du calendrier actuel en ce sens qu'elles entourent l'hiver.

    Noël est la fête de la naissance du Messie. Cela pourrait être facile à croire (une naissance comme une autre), mais la foi propose que Jésus-Christ provienne du ventre de Marie ...encore vierge, la Vierge-Marie ou Notre-Dame, très saluée dans la foi chrétienne. La PMA est-elle possible fortuitement ? Rien d'impossible avec la foi, mais de toute façon, quelle réelle importance dès lors qu'un père l'a élevé, Joseph ?

    L'autre fête, ce n'est justement pas la mort du Christ, qui, chronologiquement, a lieu le Vendredi Saint à 15 heures (la Semaine Sainte court du dimanche des Rameaux au dimanche Pâques, avec le Jeudi Saint le dernier repas avec les douze apôtres, la Cène, et le Vendredi Saint, sa mort, après Sa Passion, sorte de lynchage par le peuple après avoir été lâché par les dirigeants politiques finalement indifférents au sort de celui qu'ils considéraient comme un innocent).

    Il ne s'agit pas d'une commodité intellectuelle ou spirituelle, mais les religions proviennent naturellement d'éléments transcendantaux que l'être humain a du mal à appréhender. J'ai longtemps cru que l'élément fondamental le plus dur à appréhender était la mort. Certains athées, voire agnostiques, pensent que les croyants croient par facilité parce qu'ils ont peur de la mort. Mais la naissance est tout aussi incompréhensible, tout aussi difficile à appréhender : avant, rien, aucun être, après (pas forcément la naissance, après la conception), un être, un bébé d'abord, puis une personne à part entière, un adulte comme les autres. Où était-il "avant" ? Où étais-je avant ma naissance ?!


    Au moins, je n'ai pas peur de la naissance, je la trouve très enthousiasmante (dans ce mot contient le mot Dieu en grec). En revanche, j'avoue bien humblement que j'ai peur de la mort, et cela en tant que simple humain sur Terre, pas en tant que croyant, ni en tant qu'incroyant d'ailleurs, la mort des autres, de mes proches évidemment, car le manque sera immédiat, émouvant, effondrant, mais aussi ma propre mort. Comment appréhender ma propre mort ? Où serai-je après mon trépas ? Ma seule intuition est que tout ce qui a été fait ne sera jamais inutile (concept de néguentropie), et donc, il faudra bien que toutes ces vies, ces dizaines de milliards de vies humaines depuis que l'humain est apparu sur Terre, si riches, si précieuses, si diversifiées, si originales, si uniques, si contributives de ce qu'on pourrait appeler l'humanité, aient servi à quelque chose, ici-bas ou plus haut.

    Être chrétien n'est certainement pas une facilité avec la mort : j'ai connu un prêtre qui avait été impressionné par un autre collègue prêtre, très âgé, sur son lit de mort, qui était terrorisé à l'idée de mourir. Je le serai certainement si j'ai le temps d'en avoir conscience. Tout le monde est homme et se retrouve à la même enseigne.

    Alors, l'histoire de la Passion du Christ est, c'est vrai, très novatrice et très originale. Le jeune homme de 33 ans, prêcheur pendant trois ans, après une traversée du désert (le Carême, quarante jours), l'arrivée triomphale à Jérusalem (accueilli avec des rameaux d'olivier), et détrôné, car il était bien le roi des Juifs (mais son royaume n'était pas de ce monde), comme un vulgaire voyou qu'on a molesté puis crucifié.

    Il faut se rappeler que la nuit du Jeudi Saint, sur le Mont des Oliviers, comme tous ses semblables humains, Jésus a la trouille, une forte trouille, tout son corps traumatisé, terrorisé, et il implore même son père, Dieu, de l'épargner, d'arrêter ce processus terrible qui le conduira quelques heures plus tard sur la Croix. Car Jésus est homme.

    Alors, bien sûr, il y a plusieurs miracles, plusieurs faits que seule la foi permet de croire. Le premier, c'est que Jésus soit à la fois fils de Dieu et fils de l'homme. Il est Dieu et il est homme. Il est aussi le Saint Esprit. Trinité. En d'autres termes, cela signifie beaucoup de choses : chaque personne est en elle-même dépositaire de Dieu, est Dieu lui-même. L'amour conjugal est en quelque sort l'amour de Dieu dans l'autre, l'être aimé est le Dieu de celui qui aime.

    L'autre chose difficile à croire, c'est une sorte de masochisme : Jésus doit mourir crucifié pour racheter les péchés du monde. En gros, un blanchissement du Mal humain. L'un se sacrifie pour tout le monde. Un pour tous, tous pour un.

    Enfin, le mystère chrétien au plus haut degré, c'est bien sûr la Résurrection de Jésus, sorti d'entre-les-morts et seule la foi peut le faire croire. Encore une fois, il ne s'agit pas seulement de l'individu Jésus mais bien de chaque homme qui est destiné à ressusciter. La vie gagnant sur la mort.

    Ces réflexions ne sont pas du tout théologiques, elles sont très maladroites, ce sont quelques remarques sans prétention d'un contemporain qui tente de comprimer ce Mystère énorme, celui de la mort, celui de la Résurrection, dans une vie de tous les jours de plus en plus achrétienne, de plus en plus déchristianisée. D'ailleurs, cette déchristianisation, commencée en France avec la Troisième République (la République et la foi étaient contradictoire jusqu'au pape Léon XIII) rendait inopportune la peine de mort : s'il existe la vie après la mort, la peine de mort dans un cadre de rédemption pouvait se concevoir, pour une vie ultérieure meilleure, mais si on n'a qu'une seule vie, qu'une seule chance, la supprimer ne l'améliore pas, surtout, ne la corrige pas.

    Chaque Homme est Dieu, et Dieu, finalement, c'est peut-être l'ensemble des liens, des relations entre les humains, amour, amitié, affection.

     

     
     


    C'est pourquoi j'avais envie de citer le pape François à l'occasion de cette fête de Pâques. Sa troisième encyclique, intitulée "Fratelli Tutti", autrement dit, Tous Frères en italien, a été signée le 3 octobre 2020, sur le tombeau de saint François d'Assise, personnalité qui l'a éblouie au point de prendre son nom en tant que pape (étrangement, aucun pape François n'a existé avant lui). La veille de la fête du saint.

    Cette encyclique a recentré le message du pape autour des personnes précaires, des pauvres, au point qu'elle a été saluée par l'extrême gauche. Dans son paragraphe 32, le pape explique ainsi : « Certes, une tragédie mondiale comme la pandémie de covid-19 a réveillé un moment la conscience que nous constituons une communauté mondiale qui navigue dans le même bateau, où le mal de l’un porte préjudice à tout le monde. Nous nous sommes rappelés que personne ne se sauve tout seul, qu’il n’est possible de se sauver qu’ensemble. C’est pourquoi j’ai affirmé que "la tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ces sécurités, fausses et superflues, avec lesquelles nous avons construit nos agendas, nos projets, nos habitudes et priorités. (…) À la faveur de la tempête, est tombé le maquillage des stéréotypes avec lequel nous cachions nos ego toujours préoccupés de leur image ; et reste manifeste, encore une fois, cette [heureuse] appartenance commune (…), à laquelle nous ne pouvons pas nous soustraire : le fait d’être frères". ».


    Le mot principal dans ce paragraphe, c'est "ensemble" : on ne peut se sauver qu'ensemble. Il n'y a pas de salut si on laisse de côté des... laissés-pour-compte. On l'a vu effectivement pour la pandémie du covid-19 (la signature de l'encyclique a été le premier déplacement du pape François depuis le début de cette pandémie). Mais on le verra sans doute, hélas, plus tard, avec les bouleversements climatiques de la planète : on ne sauvera la planète qu'ensemble ("sauver la planète" est très réducteur, évidemment, la planète n'a pas besoin d'être sauvée et se moque de sauver l'homme ; sauver la planète, ici, doit se comprendre comme sauver les conditions qui permettent aux hommes de vivre encore sur la planète... en sachant qu'il y aura un point final facilement prévisible pour les astronomes).

    Je viens d'écrire que cette encyclique a été saluée par l'extrême gauche en France mais l'a-t-elle vraiment bien lue ? Je propose pour terminer deux autres paragraphes de cette même encyclique qui souhaitent évoquer des « compréhensions inadéquates d'un amour universel » :


    « 99. L’amour qui s’étend au-delà des frontières a pour fondement ce que nous appelons ‘‘l’amitié sociale’’ dans chaque ville ou dans chaque pays. Lorsqu’elle est authentique, cette amitié sociale au sein d’une communauté est la condition de la possibilité d’une ouverture universelle vraie. Il ne s’agit pas du faux universalisme de celui qui a constamment besoin de voyager parce qu’il ne supporte ni n’aime son propre peuple. Celui qui a du mépris pour son propre peuple établit dans la société des catégories, de première ou de deuxième classe, de personnes ayant plus ou moins de dignité et de droits. De cette façon, il nie qu’il y a de la place pour tout le monde. ».

    « 100. Je ne propose pas non plus un universalisme autoritaire et abstrait, conçu ou planifié par certains et présenté comme une aspiration prétendue pour homogénéiser, dominer et piller. Il existe un modèle de globalisation qui "soigneusement vise une uniformité unidimensionnelle et tente d’éliminer toutes les différences et toutes les traditions dans une recherche superficielle d’unité. (…) Si une globalisation prétend [tout] aplanir (…), comme s’il s’agissait d’une sphère, cette globalisation détruit la richesse ainsi que la particularité de chaque personne et de chaque peuple". Ce faux rêve universaliste finit par priver le monde de sa variété colorée, de sa beauté et en définitive de son humanité. En effet, "l’avenir n’est pas monochromatique, mais (…) est possible si nous avons le courage de le regarder dans la variété et dans la diversité de ce que chacun peut apporter. Comme notre famille humaine a besoin d’apprendre à vivre ensemble dans l’harmonie et dans la paix sans que nous ayons besoin d’être tous pareils !" ».

    Ensemble, mais sans être pareils.
    En somme, la belle devise de l'Union Européenne : "Unie dans la diversité" !

    Joyeuses Pâques 2025 !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Pâques : Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?
    Mgr Jean-Marc Aveline.
    Inquiétudes sur la santé du pape François.
    Le pape François en Corse : la vie en rose !
    Le voyage du pape François en Corse (Ajaccio) en direct live ce dimanche 15 décembre 2024 (vidéo).
    Autonomie de la Corse : y a-t-il un risque de séparatisme ?
    Notre-Dame de Paris, capitale du monde !
    Pourquoi a-t-on assassiné le père Popieluszko ?
    Les 98 ans de Sœur Marguerite.
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    Assomption : pourquoi le 15 août est-il férié ?
    Le pape François à Marseille (1) : ne pas légiférer sur l'euthanasie.
    Le voyage du pape François à Marseille (22 et 23 septembre 2023).
    Mgr Jacques Gaillot.
    Mgr Albert Decourtray.

    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250419-paques.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/paques-pourquoi-cherchez-vous-le-259593

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  • Jean-Louis Debré : République, fidélité, humour et amour de la France

    « Mon engagement politique fut au service de la République. La République qui est dans le sang de mes ancêtres. (…) La République qui est notre ambition, notre idéal, notre bien commun, celle d’une aspiration profonde à la liberté. (…) Il faut l’aimer. » (Jean-Louis Debré cité par Yaël Braun-Pivet le 4 mars 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    L'ancien Président de l'Assemblée Nationale Jean-Louis Debré a été enterré ce lundi 10 mars 2025 dans la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides à Paris et a été inhumé au cimetière du Montparnasse. Il est mort le 4 mars 2025 à l'âge de 80 ans.

    Beaucoup de monde était présent aux funérailles présidées par Mgr Antoine de Romanet, l'évêque aux armées, mais la famille avait refusé les places réservées, ce qui a fait une absence de protocole, dans un joli désordre tout jean-louis-debrésien, si j'ose écrire ainsi. Parmi les présents, beaucoup de gaullistes et d'ancien UMP, mais aussi des centristes, des socialistes, etc. Notamment : le Premier Ministre François Bayrou, son prédécesseur Michel Barnier, l'ancien Président de la République François Hollande, Claude Chirac (la fille de l'ancien Président), François Baroin, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Jean-Pierre Raffarin, Michèle Alliot-Marie, Roselyne Bachelot, Alain Juppé, Jacques Toubon, Frédéric de Saint-Sernin, Henri Guaino, etc. En revanche, Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron étaient absents.

    Dans un article publié le 11 mars 2025 dans "Le Monde", la journaliste Solenn de Royer constatait, avec cet enterrement, que c'était « la fin d'un monde ». Il suffisait de voir tous ceux qui assistaient à cet office. Henri Guaino, qui donna le ton à la campagne de Jacques Chirac en 1995, celui de la « fracture sociale », a parlé d'un « monde qui disparaît », celui qui fait la politique à l'ancienne, sans réseaux sociaux, sans chaîne d'information continue, avec des partis, avec des programmes, avec des courriers aux militants, avec des déclarations à l'Assemblée.

    On a l'habitude de dire que la mort d'une personne, c'est une bibliothèque qui brûle. Avec Jean-Louis Debré, c'est carrément une institution qui disparaît.


    Comment ne pas associer en effet Jean-Louis Debré à la Constitution de la Cinquième République qui était, en quelque sorte, sa sœur puisque lui et elle ont eu le même père, Michel Debré (c'est ce qu'il s'amusait à dire). Mais ce n'est pas seulement le lien filial qui a fait que Jean-Louis Debré était lui-même toute une institution, c'était aussi son parcours, Ministre de l'Intérieur pendant deux ans, Président de l'Assemblée pendant cinq ans et Président du Conseil Constitutionnel pendant neuf ans. C'étaient aussi ses fidélités, De Gaulle et Jacques Chirac. C'était aussi sa personnalité, très indépendante, chaleureuse mais n'hésitant pas à dire ce qu'il pensait de ses contemporains (il a beaucoup critiqué Emmanuel Macron ; est-ce la raison pour laquelle le chef de l'État n'était pas présent à ses obsèques ?), et dotée d'un grand sens de l'humour.

     

     
     


    Lorsqu'il présidait le Conseil Constitutionnel, il a eu à "gérer" la présence, à ses côtés, de deux anciens Présidents de la République, Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing, et il aimait raconter, tout amusé, la mesquinerie que ces deux vieillards de la République avaient l'un pour l'autre, en imitant leur voix bien entendu !
     

     
     


    Un amusement confirmé par Alain Juppé dans une interview par "Le Monde" le 7 mars 2025 : « Et un homme plein de vie et d’humour. Ses imitations de Chirac et de Giscard, du temps où les anciens Présidents venaient au Conseil Constitutionnel, étaient hilarantes ! ».





    L'homme aimait la vie, aimait fumer des cigares, s'était réinventé à l'âge de 76 ans en devenant jeune comédien sur les planches d'un théâtre, et surtout, avait l'obsession de « ne pas devenir vieux » !

    Au cours de la cérémonie, Guillaume Debré, le fils aîné de Jean-Louis, qui avait 19 ans en 1995, se demandait pourquoi son père n'avait pas lâché Jacques Chirac, très bas dans les sondages, pour Édouard Balladur. Réponse de l'intéressé : « Ceux qui l’ont trahi sont tellement mal à l’aise. Moi, je sais qui je suis. Et quand je me regarde dans la glace, je me sens bien. ». C'était cela, l'indépendance d'esprit, une liberté, des convictions. Sa fidélité permanente à Jacques Chirac depuis 1973 ne l'a d'ailleurs pas empêché de soutenir Jacques Chaban-Delmas en 1974 alors que son mentor avait tout fait pour le faire battre. Fidélité et convictions, qui, parfois, peuvent s'opposer.

    Je propose ici quelques hommages qui ont été exprimés lors de l'annonce de la disparition de Jean-Louis Debré.


    Le Président de la République Emmanuel Macron, dans un communiqué publié le 4 mars 2025, a réagi ainsi : « Il incarnait pour les Français le sens de l'État, un humanisme intransigeant, la fidélité aussi au Président Jacques Chirac. (…) Jean-Louis Debré avait avec vaillance poursuivi l’héritage de son père, Premier Ministre, pour défendre une espérance française, dans la force de son droit, dans son exigence de générosité envers tous. (…) Longtemps, le jeune homme chercha sa voie, et son père dépêcha Pierre Mazeaud pour le conduire vers des études de droit. (…) Docteur en droit public trois ans plus tôt, il devint [en 1976] magistrat, chargé des affaires de terrorisme. Dans ses fonctions, il apporta à la justice son tempérament, mélange d’humanité et de fermeté, de mesure et d’intransigeance. ».

     

     
     


    Le chef de l'État a souligna l'importance de Jean-Louis Debré à la tête du Conseil Constitutionnel avec l'arrivée des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) : « Pendant neuf ans, Jean-Louis Debré présida une institution qui vécut des transformations profondes, avec l’arrivée de la question prioritaire de constitutionnalité, son plus grand accès à tous les justiciables, son rôle accru dans la vie de la Nation. Avec une liberté de ton, la profondeur de son expérience, l’exigence de sa sagesse, il fut le visage de cette institution imaginée un demi-siècle plus tôt par son père. ». Et il a conclu ainsi : « Les Français le suivaient ainsi tel qu’il était, avec son art du récit, sa gourmandise de mots, sa bonhomie. ».

    Au début de la séance publique du mardi 4 mars 2025 à 15 heures, la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a rendu hommage à Jean-Louis Debré et proposé une minute de silence : « La Ve République a perdu ce matin l’un de ses plus grands défenseurs et serviteurs. Issu d’une famille illustre, député, ministre, Président de l’Assemblée Nationale, Président du Conseil Constitutionnel : sa carrière fut en tout point exceptionnelle. C’est d’abord vers les prétoires qu’elle se tourna. Après une capacité puis une thèse en droit, Jean-Louis Debré devint, en 1971, assistant à la faculté de droit de Paris, puis magistrat et juge d’instruction. Chargé des affaires de grand banditisme, il tirera de ces années une source d’inspiration inépuisable pour les polars qu’il écrira ensuite. Mais revenons en arrière, en 1967. Alors que Jean-Louis Debré a 23 ans, une rencontre va changer sa vie : il fait alors la connaissance de Jacques Chirac, "mon Chirac", comme il l’appelait affectueusement. Ainsi naquit une amitié personnelle marquée par une fidélité politique indéfectible. Du ministère de l’agriculture, en 1973, au soir de la vie du président Chirac, lorsque Jean-Louis Debré lui remontait le moral dans les bars du 6e arrondissement, les deux hommes furent toujours liés, toujours alliés. C’est donc par Jacques Chirac que Jean-Louis Debré entre en politique. ».


     

     
     


    Son lieu privilégié était le Palais-Bourbon : « C’est cependant à l’Assemblée, ici même, depuis ce même perchoir, que Jean-Louis Debré aura connu, selon ses mots, "cinq ans de bonheur absolu". Président malicieux, Jean-Louis Debré était surtout un Président rigoureux, amoureux de cette institution dont il fut l’élève et l’architecte. Cette histoire d’amour commence tôt, lorsqu’enfant, il accompagnait son père au Palais-Bourbon. Il en profitait alors pour faire du patin à roulettes dans les couloirs, à la grande frayeur des huissiers. Président de l’Assemblée Nationale, il en connaissait tous les rouages, tous les passages, tous les secrets. Mais surtout, il connaissait l’essence de sa fonction de Président : être impartial pour, selon ses mots, "incarner l’Assemblée dans toutes ses composantes, et être le protecteur des droits de l’opposition". Estimé et respecté bien au-delà de son propre camp, il fut ainsi reconnu pour ce qu’il était : un homme droit, intègre, attaché au pluralisme républicain. Il était aussi et surtout un politique qui aimait les gens et qui s’intéressait à eux. Un homme simple, un homme bien, qui avait l’art du lien. Je peux en témoigner, puisqu’il fut toujours avec moi d’une grande bienveillance et d’un soutien indéfectible. Comme nombre d’entre vous, je le croisais souvent ici, à l’Assemblée, lorsqu’il arpentait les couloirs en guide passionné, se faisant auprès du jeune public autant conteur que passeur. Jean-Louis Debré, c’était donc un homme de cœur, mais c’était aussi un homme d’esprit et d’humour. À l’Assemblée même, il se permit quelques facéties. À la boutique, dont il eut l’idée, il avait même dessiné et conçu des peignoirs floqués du slogan "Mouillez-vous avec les politiques" ou des tabliers estampillés "Cuisine électorale". ».

    Au Conseil Constitutionnel : « Il fut le président de la QPC, question prioritaire de constitutionnalité, fit grandir cette réforme, ouvrit les portes du Conseil Constitutionnel aux avocats et aux justiciables. Sous sa Présidence, le Conseil devint pleinement, selon ses mots, "le bouclier qui préserve de toute atteinte à des droits et libertés". ».

    Et de conclure de cette façon : « Jean-Louis Debré était un amoureux de la République. Un amoureux d’une République qu’il voulait libre et laïque, qu’il voulait ardente, vibrante, vivante. Un amoureux de ces Mariannes auxquelles il était si attaché, c’est lui qui créa à l’Assemblée le salon des Mariannes et qui fit placer dans une niche du salon Delacroix le buste de Marianne à la place du trône de Louis-Philippe. En évoquant Marianne, la République, le Président Jean-Louis Debré paraphrasait souvent Ernest Renan : la République, disait-il, est "un rêve d’avenir partagé". Mais ces derniers temps, il ajoutait un avertissement inquiet : "Il faut faire en sorte que la République ne meure pas". ». Il avait d'ailleurs une grande collection de bustes de Marianne.
     

     
     


    Le Premier Ministre François Bayrou a répondu à Yaël Braun-Pivet par cet autre hommage dans l'hémicycle, le 4 mars 2025 : « Le premier mot qui me vient à l’esprit, au nom du gouvernement, est celui de reconnaissance, reconnaissance pour la personnalité qu’il était, pour le parcours exceptionnel qui fut le sien. S’il fallait trouver un adjectif pour qualifier le chemin de Jean-Louis Debré, ce serait sans aucun doute "républicain". Il était profondément attaché aux principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, qu’il a servis et honorés durant toute sa carrière, toute sa vie. Un autre mot qui le définit est celui de fidélité, cette fidélité dont il a fait preuve dans tous ses engagements, politiques comme personnels, notamment, vous l’avez rappelé, auprès de Jacques Chirac. Tout au long de sa vie, il a servi une certaine idée, une idée, si je puis dire, presque chevaleresque, de ce qu’étaient l’engagement et la responsabilité politiques, qu’il ne séparait pas de l’engagement personnel et affectif ; une certaine idée de la République, mais aussi de la vie : une vie dans laquelle on ne s’abaisse pas, surtout pas à trahir ceux qu’on aime et avec qui on se bat. Le troisième et dernier mot qui me vient à l’esprit est celui d’amour : l’amour de la France, qu’il ne dissociait jamais de l’amour de la République. Il voyait dans le long chemin des institutions qu’il a servies, non seulement depuis votre fauteuil, Madame la Présidente, mais aussi depuis la Présidence du Conseil Constitutionnel, un parallèle avec l’aventure nationale à laquelle il avait dédié toute sa vie. Enfin, vous l’avez souligné, c’était un homme qui, tout engagé qu’il fut, ne se départait jamais d’un certain humour, d’une pointe d’ironie dans les yeux. Moi qui ai siégé à ses côtés au conseil des ministres pendant des années, je garde le souvenir précis de l’esprit qu’il déployait au service de ses collègues et de ses contemporains, parfois en les égratignant quelque peu. Cette manière de voir le monde, où l’on pouvait être fidèle en tout sans être dupe de rien, était une marque de fabrique de sa personnalité. Cet homme nous manquera. Sa fidélité restera un modèle et son humour sera pour nous une leçon de vie. ».

    Le même jour, 4 mars 2025, au début de la séance publique de 16 heures 30, le Président du Sénat Gérard Larcher a également proposé une minute de silence pour Jean-Louis Debré : « Évoquer Jean-Louis Debré, c’est honorer la mémoire d’un grand serviteur de la Ve République. Son père, Michel Debré, Premier Ministre du Général De Gaulle, père de la Constitution, lui transmit les valeurs du gaullisme, auxquelles il restera attaché toute sa vie et qu’il défendra aux côtés de Jacques Chirac. (…) Le fils de celui qui fut le père de la Constitution veillera à ce qu’elle soit appliquée avec la plus grande rigueur. Présidant le Conseil Constitutionnel de 2007 à 2016, Jean-Louis Debré s’est attaché à ce que puisse être adoptée et que se déploie la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité. Il fut vigilant quant à la protection des droits et libertés. Il fut aussi un auteur : comment ne pas évoquer son "Dictionnaire amoureux de la République" ? Il fut un passionné de théâtre. ».





    François Bayrou y a aussi apporté son hommage au Sénat, un second, donc, qui a changé un petit peu de celui, quelques minutes auparavant, rendu à l'Assemblée : « Ceux qui le connaissaient bien, j’en suis, ayant siégé à ses côtés au gouvernement pendant deux années, savent quelle personnalité attachante était la sienne. Le premier mot qui vient à l’esprit, lorsqu’on pense à lui, est celui de républicain. Il avait des formules assez drôles. Ainsi, lui qui était le fils de Michel Debré disait régulièrement qu’il était le frère de la Constitution de la Ve République, puisque Michel Debré était le père de celle-ci. Évidemment, la proximité entre cette œuvre majeure et la personnalité de Michel Debré était profondément marquante. Le deuxième mot est celui de fidèle. Qui a rencontré Jean-Louis Debré dans sa vie partagée avec Jacques Chirac sait que, au-delà des positions politiques qu’ils avaient en commun, il y avait de la part du premier à l’égard du second une fidélité joviale, amicale, chaleureuse et, à bien des moments, drôle. En effet, le troisième mot auquel on pense pour évoquer la personnalité de Jean-Louis Debré, c’est celui d’humour, dont il était profondément pétri. Il portait sur le monde, et notamment sur le monde politique, un regard amusé, ironique, informé. Il n’était guère de secret qu’il ne connût, mais cela n’empêchait pas l’indulgence qu’il avait non seulement envers ses collègues engagés en politique, mais aussi à l’égard, au fond, de la nature humaine. Cette manière, chaleureuse, de regarder le monde, était aussi remarquable au travers des œuvres littéraires qu’il produisait. De son passé de juge d’instruction, il avait retenu bien des intrigues et bien des tics de personnalité, dont il faisait la matière de ses romans policiers. Il était un homme attachant et respecté. ».


    Enfin, je termine sur le témoignage d'un autre chiraquien historique, Alain Juppé, dans un entretien accordé à Frédéric Lemaître et Solenn de Royer publié le 7 mars 2025 dans "Le Monde". Jean-Louis Debré était secrétaire général adjoint du RPR lorsqu'Alain Juppé était secrétaire général : « C’est brutal [sa disparition]. (…) Jean-Louis Debré est un ami politique, un ami tout court. (…) Nous avons cheminé ensemble. C’était un homme de convictions, gaulliste, chiraquien, d’une fidélité absolue à Chirac. C’était aussi un Président de l’Assemblée Nationale infiniment respectueux des droits de l’opposition. ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jean-Louis Debré.
    L'un des derniers gardiens du Temple.
    Enfant de la République (la Cinquième).
    Haut perché.
    Bernard Debré.
    Michel Debré.





     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250310-jean-louis-debre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-louis-debre-republique-259807

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/12/article-sr-20250310-jean-louis-debre.html


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  • Pour qui roule Natacha Polony ?

    « Sur beaucoup de points, une gauche jaurésienne souscrira aux thèses qu’elle développe, sur le social, sur la critique de la mondialisation ou du libéralisme, sur la lutte contre un consumérisme sans âme. Dans l’arc néoconservateur, Natacha Polony se situe sur la gauche, plus près de Chevènement, qui aurait pu signer l’ouvrage, que de Dupont-Aignan ou Finkielkraut. Pourtant à la lecture, point un certain agacement, qui se manifeste souvent, quand on consulte ces innombrables essais à la française, tissés de raisonnements rapides et d'affirmations non démontrées, qu'on trouve autant à gauche qu'à droite. » (Laurent Joffrin, le 24 octobre 2017 dans "Libération").




     

     
     


    L'éditorialiste politique a confié bien plus tard qu'elle avait voté pour François Bayrou au premier tour de l'élection présidentielle de 2007, et blanc au second tour. Natacha Polony fête son 50e anniversaire ce mardi 15 avril 2025. Autant dire qu'elle a maintenant "un peu de bouteille", car elle a déjà à peu près un quart de siècle d'expérience.

    J'apprécie beaucoup Natacha Polony alors que ses opinions sont souvent divergentes avec les miennes. Mais parfois, je me suis aperçu qu'elle concluait de la même manière, comme son vote Bayrou de 2007 (je doute qu'elle soit prête à récidiver avec le Premier Ministre d'aujourd'hui !). Je lui reconnais un élément rare : elle pense par elle-même, elle réfléchit sans prêt-à-penser tout fait, tout artificiel, et c'est donc rafraîchissant. Elle apporte du vent intellectuel neuf (certes, pas tout le temps).


    Son dada serait surtout le souverainisme, mais pourquoi ne pas rappeler que le Président Emmanuel Macron a prôné le souverainisme dès les premières minutes de sa Présidence en insistant sur le souverainisme européen ? La crise du covid-19, la guerre en Ukraine et, enfin, l'arrivée du gros éléphant Donald Trump dans un monde en porcelaine particulièrement fragile et complexe ont renforcé ce besoin de souveraineté : souveraineté alimentaire, souveraineté pharmaceutique, souveraineté militaire, souveraineté industrielle, souveraineté numérique, etc.

    Comme l'exprimait Laurent Joffrin (qui n'est toutefois pas, pour moi, vraiment une référence), Natacha Polony serait moins de droite que de gauche. Je ne sais pas. C'est vrai, elle a commencé en 2001 comme secrétaire nationale du parti de Jean-Pierre Chevènement qu'elle a activement soutenu lors de l'élection présidentielle de 2002 et elle s'est même présentée à Paris avec cette étiquette aux élections législatives de juin 2002 (sans succès, inutile de rappeler le score, elle a eu le mérite de s'engager). Du reste, Jean-Pierre Chevènement lui-même, séduit par la brillante intelligence présidentielle, a soutenu activement Emmanuel Macron à l'élection présidentielle de 2022.

    L'intéressée nie en bloc son appartenance au bloc conservateur et se revendique d'une gauche qui n'aurait pas oublié le socialisme (réel). Elle-même, au fond, est la preuve vivante que le découpage du paysage politique entre la droite et la gauche n'a plus aucun sens. Les deux derniers duels présidentiels, en 2017 et en 2022, l'ont d'ailleurs acté : le clivage n'est pas encore la gauche et la droite, mais entre un centrisme ouvert et un extrémisme fermé. Cela ne dit rien de plus sur là où se situe Natacha Polony selon ces nouveaux enjeux politiques.


    Citons encore Laurent Joffrin qui a commencé son commentaire sur un ouvrage de Natacha Polony avec une ironie particulièrement vache : « Bâillonnée, pourchassée, censurée, traquée par les sbires de la pensée unique, "criminalisée", écrit-elle, pour ses pensées non conformes, Natacha Polony a néanmoins réussi, contre tous les bien-pensants européistes, contre les dévots de la mondialisation heureuse acharnés à sa perte, à publier un livre. Cette héroïne autoproclamée de la liberté de pensée, elle a même fondé un "comité Orwell" contre la "police de la pensée", s'était retranchée à Europe 1, une radio clandestine qu'on sait dévouée à la critique virulente de notre société, et chez Ruquier, ce dissident obscur et marginal. Elle est maintenant réfugiée sur LCI, propriété de Martin Bouygues, une sorte de bolchevik fiévreux, et au "Figaro", ce samizdat bien connu qui combat avec panache l'oligarchie. » (24 octobre 2017).

    L'ancien directeur de "Libération" a raison sur l'idée qu'on ne peut pas être victime d'un isolement idéologique et bénéficier en même temps d'un grand écho médiatique, car depuis une quinzaine d'années, Natacha Polony est présente, très présente dans le paysage médiatique et intellectuel, tant dans la presse écrite qu'à la radio et à la télévision (et elle a aussi écrit une douzaine d'ouvrages politiques) : "Le Figaro", "Marianne", France 2, Canal Plus, Paris Première, C8, France 5, LCI, BFMTV, Europe 1 (pour une revue de presse quotidienne le matin), France Inter, Sud Radio, etc. (et même Polony TV). De quoi avoir de l'audience pour être écoutée !

    À ce jour, sa plus grande responsabilité est sans doute d'avoir été nommée directrice de la rédaction de l'hebdomadaire "Marianne" créé entre autres par Jean-François Kahn, du 6 septembre 2018 au 1er mars 2025. Toutefois, sa participation médiatique qui l'a fait connaître du grand-public a été son recrutement comme l'une des deux chroniqueurs polémistes de l'émission de Laurent Ruquier "On n'est pas couché" diffusée sur France 2 tous les samedis soirs, de septembre 2011 à juin 2014, exercice qu'elle a pratiqué avec Audrey Pulvar (désormais adjointe PS de la ville de Paris), puis Aymeric Caron (désormais député FI de Paris). Dans cet art de la critique, elle a succédé à Éric Zemmour, qui a vu, lui aussi, sa notoriété grimper (d'autant plus qu'il a fait dans la provocation), et elle a laissé sa place à Léa Salamé (qui anime désormais l'émission du samedi soir sur France 2).
     

     
     


    Pour autant, je l'ai découverte avant sa participation chez Laurent Ruquier, dans une émission plus confidentielle, celle animée par Frédéric Taddeï, "Ce soir (ou jamais !)", diffusée sur France 3 (dont elle était l'invitée parmi les plus fréquents). Précisément l'émission diffusée le 25 novembre 2010 : à l'époque, Natacha Polony était une journaliste de 35 ans du service éducation du journal "Le Figaro" et elle enseignait également la culture générale à l'Université Léonard-de-Vinci des Hauts-de-Seine ("l'Université Pasqua"). Elle était une invitée parmi d'autres invités, notamment le chanteur Jacques Higelin, la femme politique Clémentine Autain (37 ans), pas encore députée, et la journaliste Christine Ockrent, à l'époque directrice générale déléguée de l'Audiovisuel extérieur de la France (RFI, France 24).

    J'ai eu assez vite le coup de cœur pour la (presque) la benjamine de l’émission et sans doute l’une des plus douées : dans mon esprit de 2010, je me disais que Natacha Polony, sans aucun doute, allait faire parler d’elle dans les prochaines années. Déjà plusieurs bouquins à son actif, un blog très approfondi sur l’éducation, et une audace qu’on pourrait croire uniquement sortie des jeunes pousses. Natacha Polony n’a pas hésité à aborder de front le problème de Christine Ockrent et de son époux de Kouchner. Elle a émis beaucoup d’idées subtiles, nuancées avec une clarté qui pourrait désarmer ses contradicteurs. Enfin, elle était charmante (c’est un élément agréable et néanmoins mineur quand on n’a pas un objectif autre qu’intellectuel).


    Au départ, j’avais du mal à la positionner : de droite ? de gauche ? "Le Figaro" la mettrait à droite… sauf qu’elle était chevènementiste dans sa jeunesse. Ce passé de militante s’entendait bien dans l’émission ; Natacha Polony n’avait pas peur de prendre la parole, comme on coupe un gâteau, avec le tranchant d’une lame verbale. Un ton vif qui allait de paire avec une intelligence au-dessus de la moyenne. Son pedigree est aussi joli que son minois (je l'écris en plaisantant, qu'on m'épargne des critiques de sexisme que je ne cultive pas !) : Louis Le Grand, Science Po Paris, DEA de littérature consacré aux poèmes, et agrégation de lettres modernes. Et depuis l'émission, elle a eu le temps de recevoir le Prix Edgar-Faure en 2014 (récompensant un auteur d'essai politique) et le Prix Richelieu en 2016 (récompensant un journaliste pour sa défense de la langue française).

    Certains peuvent s'en souvenir. Cette émission de Frédéric Taddeï était un talk-show un peut désordonné, où les invités parlaient en même temps et s'interrompaient, mais cultivait une vertu cardinale, la liberté d'expression. Consacrée à l'actualité, l'émission de ce soir-là, celle du 25 novembre 2010, proposait trois sujets d'actualité (de l'époque).


    Le premier sujet avait trait à une vidéo d’Éric Cantona qui a fait un "buzz" d’enfer sur Internet. Du coup, l’émission s’y colla. En gros, c’était un footballeur qui jouait les experts financiers. Ou révolutionnaires. Il proposait de faire mettre en difficulté toutes les banques en proposant à tous les citoyens de retirer leur argent des banques. Bon, l’idée était complètement absurde : c’était le genre suicidaire. Les banques aident aussi au développement (ou à la survie) de nombreuses petites entreprises et commerces qui font l’activité et l’emploi. C’est ce qu’a rappelé fort judicieusement Natacha Polony. Ensuite, il faudrait que ces dits citoyens aient encore de l’argent à retirer. Pas sûr par les temps qui couraient…

    Le deuxième sujet était plus "grave" puisqu’il parlait de "la journée de la jupe". Là, pareil, on parlait des femmes dans le mauvais sens. Encore une fois très judicieusement, Natacha Polony faisait remarquer qu’il fallait faire la distinction entre la violence conjugale, qui se pratique entre deux êtres individuels, et la forte pression qu’un groupe ou communauté pouvait faire sur les femmes en général. D’un côté, individu, de l’autre, société. Ce n'était pas dit explicitement, mais la journaliste pensait très fort au voile. Mais elle n’a pas été vraiment comprise car très vite, d’autres invités ont projeté leurs propres fantasmes en disant qu’il s’agirait de discrimination ("culturelle"), puisque le problème serait surtout en banlieue chaude, où les jeunes filles ne pourraient plus se promener en jupe sans se faire traiter de prostituées.

    Le troisième sujet était beaucoup plus cocasse : l’interdiction d’antenne d’Audrey Pulvar qui animait une émission politique sur I-Télé alors que son compagnon (de lit) s’était déclaré candidat à la candidature présidentielle. Il s’agissait d’Arnaud Montebourg (candidat à la primaire socialiste d'octobre 2011). Sur ce sujet, évidemment, Christine Ockrent, femme de l’ancien Ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner (et donc son patron de tutelle pour France 24), était en première ligne. Elle a montré un ton plutôt odieux, condescendant et très mal à l’aise à tel point qu’elle ponctuait avec de l’humour à pirouettes chaque phrase de Natacha Polony qui, décidément, était vraiment éclatante, en ce sens que, effectivement, Natacha Polony n'hésitait pas à mettre les pieds dans le plat. Deux thèses s’opposaient : celle de Christine Ockrent estimant que les femmes qui ont acquis elles-mêmes de fortes responsabilités (elle s’est sentie obligée de rappeler son CV) savaient faire la part encore le lit conjugal et la conscience professionnelle ; et l’autre, considérant que le fait même qu’il y ait suspicion, même sans acte d’influence, de collusion entre journalistes et personnalités politiques était suffisant pour faire arrêter l’émission d'Audrey Pulvar, qui n'était pas la seule journaliste dans ce cas depuis des décennies (Anne Sinclair, Catherine Nay
    , Béatrice Schönberg, Marie Drucker, etc.).

    C'est ainsi que j'ai découvert Natacha Polony il y a environ quinze ans : courageuse, indépendante, débatteuse, pensant par elle-même. Et par la suite, je n'ai pas été déçu, machine bien huilée, qui fonctionne bien, mais manquant peut-être de carburant. Le souverainisme comme seul moteur est un peu léger. Et surtout, pour aller où ? Car si elle ne se satisfait pas de cette société de consommation, si elle est même plutôt ouverte à la décroissance, et qu'elle se définirait aussi comme illibérale mais dans le sens économique du terme. Elle rejette le wokisme qu'elle considère comme "une dictature des minorités", elle rejette aussi les populismes, tant l'extrême droite que l'extrême gauche. C'est ce qui rend son positionnement sur l'échiquier politique un peu confus, ce qui, finalement, devrait être le cas de tous les journalistes, même les éditorialistes politiques, qui, a priori, ne sont pas des militants mais des informateurs et des analystes (ou analyseurs ?).

    On parlait de la reine Christine, je propose de la remplacer par la reine Natacha !

     

     
     


    Je vous soumets pour terminer quelques citations de ses ouvrages politiques.

    Indécence (et elle avait raison) : « C'est le mot qui revient à l'esprit spontanément : indécence. Devant des députés qui refusent d'allonger le congé des parents ayant perdu un enfant, au motif que "ça va pénaliser les entreprises". Devant un Carlos Ghosn qui réclame à Renault le paiement de sa retraite chapeau. Devant Ségolène Royal qui parle, à propos d'une jeune fille menacée de mort pour avoir répondu à des insultes homophobes par une diatribe contre l'islam, d'une "adolescente peut-être encore en crise d'adolescence" à qui il faudrait enseigner "le respect"… C'est même un des traits les plus frappants de notre époque : la disparition d'une forme de retenue qui s'imposait jusqu'à présent à toute personne publique. ».

    Voile : « L'égalité homme-femme fait partie des valeurs non négociables d'une société qui a développé, plus que toute autre en Europe, le travail des femmes, leur liberté à mener de front vie professionnelle et vie familiale. Tout cela, nous le disions, articulé autour d'un "commerce apaisé" entre les sexes, une capacité à réguler le désir par le langage. Le voile, qu'on le veuille ou non, est la négation symbolique de tout cela. Il est la transformation d'un verset du Coran prescrivant de masquer les atours (leur "gorge", selon une traduction qui fait à peu près consensus) des femmes pour les protéger des agressions et une volonté obsessionnelle de cacher tout ce qui pourrait susciter la concupiscence. La réalité est là : le voile signifie que les femmes doivent se cacher parce que les hommes seraient incapables de contenir leurs désirs, et qu'elles-mêmes, créatures faibles et impures, risqueraient d'y succomber. » (2015).


    Crise narcissique : « L'individualisme contemporain a voulu faire croire que l'épanouissement de chacun passait par la proclamation de son "identité" personnelle, par l'affichage en bandoulière de ses spécificités, de son Moi. Chacun est incité à mettre en avant la petite part de lui est qui "différente". Il n'est de gloire que dans l'altérité, il n'est de noblesse que dans la minorité. Pire, cette singularité aspire désormais à la reconnaissance. On réclame des aménagements dans les écoles publiques comme on réclame un menu sans gluten dans un restaurant. La crise que vit la France est avant tout une crise narcissique. » (2015).

    Individualisme apatride : « La démocratie est notamment menacée par l'alliance redoutable des marchés financiers et des nouvelles technologies, alliance sanctifiée par le caractère indépassable du bon plaisir individuel. En devenant virtuelles et planétaires, ces forces se sont détachées de tout territoire et sont désormais hors d'atteinte des volontés populaires. » (2016).

    Capitalisme : « Le capitalisme n'est plus un système de production par le capital, mais un système de production de capital, favorisé par le crédit, les dettes et la création monétaire de banques centrales. » (2016).

    Commerce international (où l'on voit qu'elle avait tort) : « On a vu, ces dernières semaines, le débat se focaliser sur les traités de libre-échange comme étant un des symboles de l’aberration européenne qui consiste à sacrifier ses forces productives dans dans l’espoir de pénétrer les marchés de pays qui n’ont et n’auront pas avant longtemps les mêmes règles sociales et environnementale que nous. Sacrifice des PME pour le bénéfice de quelques grands groupes, sacrifice des agriculteurs pour le bénéfice de l’industrie (allemande), de la banque et des assurances. Nos partenaires européens sont encore majoritairement convaincus des bienfaits du libre-échange et de la dérégulation. ». Donald Trump a fait la meilleure démonstration du contraire !

    Contre l'écriture inclusive : « Une écriture inclusive défendue par des historiennes et des militantes, les grammairiens et les linguistes sachant, eux, que ce n'est pas "le masculin qui l'emporte sur le féminin" en langue française mais le genre neutre qui se confond avec le masculin pour des raisons de phonétique historique. » (2018).

    Citoyen acheteur : « L'ensemble de notre organisation économique et sociale est fait pour produire un type humain spécifique, qui n'a plus rien à voir avec le citoyen doué de libre arbitre : le consommateur. » (2021).


    Écologie sélective : « On continue le libre-échange, les porte-conteneurs, la production de masse écoulée grâce à la publicité, mais on taxe vos diesels. Pour votre bien. » (2021).

    Bonhomme de neige : « Il a neigé toute la nuit. Voilà ma matinée.
    08h00 : je fais un bonhomme de neige.
    08h10 : une féministe passe et me demande pourquoi je n'ai pas fait une bonne femme de neige.
    08h15 : alors je fais aussi une bonne femme de neige.
    08h17 : la nounou des voisins râle parce qu'elle trouve la poitrine de la bonne femme de neige trop voluptueuse.
    08h20 : le couple d'homos du quartier grommelle que ça aurait pu être deux bonshommes de neige.
    08h25 : les végétariens du n°12 rouspètent à cause de la carotte qui sert de nez au bonhomme. Les légumes sont de la nourriture et ne doivent pas servir à ça.
    08h28 : on me traite de raciste, car le couple est blanc.
    08h31 : les musulmans de l'autre côté de la rue veulent que je mette un foulard à ma bonne femme de neige.
    08h40 : quelqu'un appelle la police, qui vient voir ce qui se passe.
    08h42 : on me dit qu'il faut que j'enlève le manche à balai que tient le bonhomme de neige car il pourrait être utilisé comme une arme mortelle. Les choses empirent quand je marmonne : "ouais, surtout si vous l'avez dans le c...".
    08h45 : l'équipe de tv locale s'amène. Ils me demandent si je connais la différence entre un bonhomme de neige et une bonne femme de neige. Je réponds : "oui, les boules" et on me traite de sexiste.
    08h52 : mon téléphone portable est saisi, contrôlé et je suis embarqué au commissariat.
    09h00 : je parais au journal tv ; on me suspecte d'être un terroriste profitant du mauvais temps pour troubler l'ordre public.
    09h10 : on me demande si j'ai des complices.
    09h29 : un groupe djihadiste inconnu revendique l'action.
    MORALE : il n y a pas de morale à cette histoire. C'est juste la France dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Ça, c'était la version humoristique. » (2018).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 avril 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Natacha Polony.
    Alain Finkielkraut.
    Éric Zemmour.
    Clémentine Autain.
    Ségolène Royal.

    Pierre Dac.
    Julien Dray.
    Jean-Louis Debré.
    Jean-François Kahn.
    Axel Kahn.
    Philippe Val.
    Sophia Aram.
    Claude Allègre.
    Hubert Reeves.
    Alain Peyrefitte.
    Jean-Pierre Elkabbach.
    Patrick Cohen.
    Fake news manipulatoires.
    Bernard Pivot.
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Yves Montand.
    Jean Lacouture.
    Marc Ferro.
    Dominique Baudis.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Christine Angot.
    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
    Alain Duhamel.


     

     
     




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  • Splendide Josiane Balasko !

    « J'ai grandi dans un bistrot. On se chambrait sans arrêt. Il est toutefois important d'avoir de l'autodérision. Je suis la première à me moquer de moi-même. » (Josiane Balasko, le 9 juillet 2023 à Neuchâtel).



     

     
     


    Issue d'un milieu populaire, fille d'un cafetier d'origine yougoslave, proche du parti communiste et engagée auprès des sans-papiers, l'actrice française Josiane Balasko fête ses 75 ans ce mardi 15 avril 2025. Elle est actrice, mais aussi réalisatrice, scénariste, metteuse en scène de pièce de théâtre, et même écrivaine, elle fait partie de ces gens qui ne se laissent pas facilement enfermer dans des petites cases. Ainsi, en 2019, elle a publié un recueil de nouvelles fantastiques aux éditions Pygmalion, "Jamaiplu", après quelques romans.

    On ne peut pas dire qu'elle a démarré comme une starlette qui se basait sur sa beauté physique pour ouvrir de nombreuses portes du cinéma. Elle avait déjà, jeune, un physique, mais pas de starlette. D'ailleurs, elle en usait, voire en abusait, comme ses compères du Splendid, et elle disait même en 2005 : « On avait l'habitude de jouer avec nos physiques. Bon pour Michel Blanc et Gérard Jugnot, c'était facile… Et pour moi aussi, allez ! ».


    L'actrice désormais pleinement septuagénaire expliquait le 26 novembre 2023 sur France 2 : « Ça ne m’a jamais dérangé qu’on dise que je n’étais pas trop belle, ce n’est pas grave. Je crois que les gens qui posaient ces questions, quel que soit le respect que j’ai pour eux, ne savent pas ce que c’est les gens de la rue. Ils ne voient que des gens minces qui suivent des régimes et qui s’habillent chez les grands couturiers et évidemment, je ne rentrais pas dans le truc. ».
     

     
     


    Josiane Balasko, Michel Blanc, qui est parti il y a quelques mois, Gérard Jugnot, mais aussi Christian Clavier, Thierry Lhermitte, Marie-Anne Chazel, Bruno Moyniot, et quelques autres... évidemment, on ne peut pas évoquer la figure de Josiane Balasko sans évoquer la Troupe du Splendid, les deux (trois) gros succès de leur jeunesse qui les ont fait franchir le plafond de verre de la notoriété et du succès, avec les deux numéros des "Bronzés" (Josiane est Nathalie) et "Le Père Noël est une ordure" (Josiane est Madame Musquin, mais seulement au cinéma, elle n'a pas joué dans la pièce de théâtre). Comme plusieurs de cette troupe d'acteurs étonnants, Josiane Balasko a su à la fois cultiver une notoriété collective (qui l'a amenée à recevoir un César d'honneur collectif pour toute la Troupe du Splendid en 2021) et sa propre carrière, différente de celle des autres.

    Au début, c'était pourtant un peu difficile, car elle jouait le rôle de la bonne copine, de la fille à embrouilles, de la complexée, de la faire-valoir des vrais héros. Pas très réjouissant, comme perspectives. Mais heureusement, Bertrand Blier lui a proposé le rôle principal de "Trop belle pour toi" (sorti le 12 mai 1989), celui de la maîtresse d'un homme riche, Gérard Depardieu, marié à une très belle femme, Carole Bouquet. Josiane Balasko a alors changé de catégorie. Elle est nommée pour la première fois pour le César de la meilleure actrice.

     

     
     


    En tout, Josiane Balasko a été récompensée par trois Césars, celui du meilleur scénario pour "Gazon maudit" (sorti le 1996) qu'elle a réalisé, un César d'honneur en 2000 et le César anniversaire de la Troupe du Splendid en 2021, mais elle a été aussi nommée trois fois au César de la meilleure actrice (1990, 1994 pour "Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes" et 2004 pour "Cette femme-là"), une fois du meilleur réalisateur (1996) et une fois de la meilleure actrice dans un second rôle (2020) pour son rôle dans le film très médiatisé de François Ozon "Grâce à Dieu".

    La carrière de Josiane Balasko a donc commencé surtout par des comédies, mais elle a réussi aussi à avoir des rôles plus dramatiques, l'âge aidant, et dans les derniers films où elle a joué, elle n'a plus le rôle principal mais un second rôle.

    À côté du cinéma, elle joue aussi parfois des pièces de théâtre, la dernière pièce est une pièce qu'elle a mise en scène en 2021 au Théâtre des Nouveautés, "Un chalet à Gstaad", une comédie de boulevard alors qu'elle tournait en même temps au cinéma dans un rôle dramatique pour "Quand vient l'automne" de François Ozon (sorti le 9 septembre 2024), avec Hélène Vincent et Ludivine Sagnier.





    "Un chalet à Gstaad", c'est un face-à-face entre bourgeois qui ont fuit la France pour des raisons fiscales, des exilés fiscaux. Ils se fréquentent mais ils ne s'entendent pas forcément. Josiane Balasko est la femme d'un homme très riche et passe son temps chez l'esthéticienne ou dans le whisky. L'actrice précisait le 22 septembre 2022 sur France Info : « Ce sont des bourgeois très riches qui ne savent pas ce qu'est le RSA. Ce sont des gens que je ne connais pas, vraiment, ou que j'ai dû peut-être entrapercevoir, mais sans jamais les fréquenter. Donc ce sont des portraits qui sont imaginaires, certains sont exilés fiscaux. Ils se reçoivent entre eux, pas forcément parce qu'ils s'apprécient, mais c'est parce qu'ils n'ont pas trop le choix. ».

    Mais elle n'est pas qu'actrice, elle est aussi réalisatrice et ce n'est pas du tout le même métier. À ce jour, elle a réalisé huit films entre 1985 et 2013, dont son plus grand succès, près de 4 millions d'entrées en France, "Gazon maudit" qui évoque le thème de l'homosexualité féminine (c'était très original à l'époque) dans un jeu à trois avec Victoria Abril et Alain Chabat. Elle allait dire plus tard : « Je me suis inspirée d'une histoire qui était arrivée à des gens que je connaissais vaguement. » (le titre, très bien vu, a été trouvé par Bertrand Blier). Elle a rencontré des femmes bien plus tard qui lui ont assuré que son film leur avait permis de parler à leur entourage de leur homosexualité, ce qui lui a donné de la fierté.

    D'autres films qu'elle a réalisés ont eu beaucoup moins de succès, mais au moins, elle a exercé sa liberté de création, et maintenant, elle n'a plus trop envie de faire de la réalisation, c'est trop de travail pour elle. Elle préfère écrire des nouvelles : « Quand j'écris une nouvelle, il n'y a pas beaucoup d'enjeux. Si je me plante, il y a peu d'incidences, sauf mon amour-propre (…). On ne sait jamais ce qui va se passer quand on crée. Si ça va passer, si ça va émouvoir ou faire rire. On lance les dés à chaque fois. » (2023). L'intérêt de l'écriture, c'est que l'histoire est « à budget illimité », au contraire d'un film au cinéma. Elle peut imaginer tout, sans engager trop de moyens (cette réflexion peut être remise en cause avec l'intelligence artificielle, puisqu'on peut maintenant faire des œuvres créatives, en image ou en film, en très peu de temps).

    En tout cas, Josiane Balasko ne regrette pas du tout d'avoir abandonné le dessin malgré les encouragements de sa mère (qu'elle a tout de même suivie au début puisqu'elle a commencé ses études à l'École des arts graphiques). Elle a préféré suivre sa voie, celle du théâtre. 75 ans, dont déjà cinquante-cinq d'une belle carrière : bravo et bon anniversaire !



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    Sylvain Rakotoarison (12 avril 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Josiane Balasko.
    Joséphine Baker.
    Moonraker.
    Gene Hackman.
    Pierre Dac.
    Bertrand Blier.
    Pierre Arditi.
    Pierre Palmade.
    Carla Bruni.
    Valeria Bruni Tedeschi.
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    François Truffaut.
    Roger Hanin.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250415-josiane-balasko.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/splendide-josiane-balasko-259484

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/13/article-sr-20250415-josiane-balasko.html



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  • Robert Badinter au Panthéon : faut-il s'en réjouir ?

    « Les lois de la vie et de la mort comme suspendue, vaincue, abolie. Alors, s’ouvre le temps de la reconnaissance de la Nation. Aussi votre nom devra s’inscrire, aux côtés de ceux qui ont tant fait pour le progrès humain et pour la France et vous attendent, au Panthéon. » (Emmanuel Macron, le 14 février 2024 à Paris).




     

     
     


    Selon une information diffusée ce mardi 8 avril 2025 dans la soirée et confirmée par l'entourage du Président de la République Emmanuel Macron, l'ancien garde des sceaux Robert Badinter, qui est mort l'année dernière, le 9 février 2024, entrera au Panthéon le 9 octobre 2025, qui est la date du quarante-quatrième anniversaire de la promulgation de la loi n°81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort.

    La panthéonisation de Robert Badinter a été envisagée dès son décès et même bien auparavant. La principale personne concernée ne s'était pas opposée, de son vivant, à cette idée, même s'il lui était pénible d'être l'objet d'honneurs publics. Il avait ainsi refusé toute décoration nationale, que ce soit l'Ordre national du Mérite ou la Légion d'honneur. Il avait été d'ailleurs un moment envisagé une panthéonisation du couple Badinter, avec également sa femme Élisabeth Badinter lors du décès de celle-ci, au même titre que l'époux de Simone Veil, Antoine Veil, a été transféré à ses côtés au Panthéon (mais je trouvais cette planification un peu morbide).

     

     
     


    Finalement, il a été conclu que Robert Badinter ira au Panthéon... sans ses cendres qui resteront inhumées là où elles se trouvent actuellement. Cela avait déjà été le cas pour Geneviève Anthonioz-De Gaulle et Germaine Tillion.

    Lors d'un hommage national à l'avocat de François Mitterrand, le 14 février 2024, Emmanuel Macron avait annoncé sa panthéonisation probable, mettant Robert Badinter aux rangs de ceux qui ont « tant fait pour le progrès humain et pour la France ».

     

     
     


    Le transfert des cendres d'une personnalité, en principe de nationalité française (mais il y a eu des exceptions), est décidée par un décret du Président de la République, sur proposition du Premier Ministre et sur rapport du Ministre de la Culture.

    Je suis toujours gêné par le principe de la panthéonisation qui est l'équivalent républicain et laïque d'une sorte de béatification voire canonisation pour les chrétiens. Il est difficile de sélectionner ceux qui devraient en être et ceux qui ne devraient pas en être, d'autant plus que cela dépend beaucoup du moment, de l'évolution de la société et aussi de la connaissance qu'on peut avoir des personnes (ainsi, l'abbé Pierre avait été souvent cité pour faire partie des prochains panthéonisés ; on se rassure qu'il ne le soit finalement pas !). On a aussi panthéonisé des maîtres de cérémonie de panthéonisation, par exemple, André Malraux pour Jean Moulin.

    Heureusement, dans un éclair à la fois de lucidité et d'extrême orgueil, beaucoup de grands personnages de l'État ont refusé de leur vivant ce genre d'hommage, le premier d'entre eux étant De Gaulle lui-même qui craignait de ne pas pouvoir se reposer en paix. Devenir comme une œuvre d'art dans un musée, visitée par des milliers de touristes, n'est pas forcément du goût de tous les macchabées qui aspirent plutôt à la tranquillité.

     

     
     


    L'idée de panthéoniser Robert Badinter a pourtant un véritable sens, celui d'avoir su, au-delà des oppositions feutrées ou même féroces (il suffit de voir les réactions ces prochains jours sur cette information ; Robert Badinter bénéficie encore d'un haut niveau de haine qui montre à quel point il fallait du courage pour aller jusqu'au bout de son projet), ...d'avoir su mener à bien l'abolition de la peine de mort qui n'est pas une question de politique pénale, ni de politique tout court, mais une question de société, de philosophie : la justice, au nom du peuple français, avait-elle le droit de supprimer des vies ? C'est un choix de société. La réponse depuis le 9 octobre 1981 est non, et le Président Jacques Chirac, qui, lorsqu'il était député, avait voté cette abolition de la peine de mort (comme d'autres personnalités de l'opposition, entre autres Philippe Séguin), a même renforcé le dispositif en rendant constitutionnelle cette abolition, ce qui reste une garantie pour tous les justiciables en France.
     

     
     


    Ainsi, on peut voir une analogie entre Simone Veil, qui a mené à bien la loi sur l'IVG en 1974-1975, et Robert Badinter la loi sur l'abolition de la peine de mort en 1981. Aucun des deux n'avait vraiment prévu la chose dans leur existence. Jean Lecanuet aurait dû le faire pour l'IVG et Maurice Faure pour la peine de mort. Les deux lois ont été, par la suite, intégrées dans la Constitution. Enfin, dernière analogie qui n'est pas sans intérêt, les deux ont connu l'atrocité des camps d'extermination (elle comme déportée ; lui, qui a failli être déporté, touché de plein fouet), y perdant chacun une partie de leur famille, ce qui en a fait des êtres toujours associés à une certaine gravité historique (les parents de Robert Badinter étaient tous les deux d'origine moldave et ont obtenu la nationalité française quelques semaines avant sa naissance).

    Ministre de la Justice de 1981 à 1986, Président du Conseil Constitutionnel de 1986 à 1995, sénateur des Hauts-de-Seine de 1995 à 2011, Robert Badinter a incarné pendant sa vie publique une certaine idée de faire de la politique, celle de l'intellectuel, celle du moraliste, mais certainement pas celle de l'ambitieux. Il a pris les chemins détournés de la politique pour suivre, paradoxalement, son ambitieux ami François Mitterrand pour qui il voua une fidélité mise parfois à rude épreuve. La République a de quoi s'enorgueillir d'avoir eu parmi ses serviteurs un homme tel que Robert Badinter. C'est parce qu'ils sont rares qu'il faut savoir les honorer et en faire des exemples républicains (sans qu'ils en soient pour autant des modèles).



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Robert Badinter au Panthéon : faut-il s'en réjouir ?
    Élisabeth Badinter.
    Robert Badinter transformé en icône de la République.
    Hommage national à Robert Badinter le 14 février 2024 à Paris (texte intégral et vidéo).

    Robert Badinter, un intellectuel errant en politique.
    Le procureur Badinter accuse le criminel Poutine !
    L'anti-politique.
    7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
    Une conscience nationale.
    L’affaire Patrick Henry.
    Robert Badinter et la burqa.
    L’abolition de la peine de mort.
    La peine de mort.
    François Mitterrand.
    François Mitterrand et l’Algérie.
    Roland Dumas.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250408-robert-badinter.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/robert-badinter-au-pantheon-faut-260398

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/09/article-sr-20250408-robert-badinter.html


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  • Boualem Sansal, un nouveau capitaine Dreyfus ?

    « Je souhaite vivement qu’après ce jugement, il puisse y avoir des décisions claires, je dirais humaines et humanitaires par les plus hautes autorités algériennes, pour pouvoir lui redonner sa liberté et lui permettre de redevenir à la fois un homme libre et de se soigner parce qu’il combat aussi la maladie. Et je sais pouvoir compter sur à la fois le bon sens et l’humanité des autorités algériennes pour prendre une telle décision, en tout cas, je l’espère fortement. » (Emmanuel Macron, le 27 mars 2025 à l'Élysée).



     

     
     


    La réaction du Président de la République française Emmanuel Macron, interrogé lors de sa conférence de presse à l'issue de la rencontre de 31 pays sur l'Ukraine, a montré un entier soutien à son compatriote incarcéré à Alger depuis plus de quatre mois, mais également une élégante retenue diplomatique malgré le révoltant verdict.

    En effet, c'est dans la matinée, ce jeudi 27 mars 2025, que le tribunal correctionnel de Dar El Beida, à Alger, a notifié à l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal sa condamnation à cinq ans de prison ferme et environ 3 500 euros d'amende pour atteinte à l'intégrité du territoire. Il n'a pourtant pas utilisé de char d'assaut, ni d'autres armes, mais seulement de mots.

    C'est une véritable honte pour l'Algérie et pour la raison ! Boualem Sansal a 75 ans et est très malade, il n'est pas soigné depuis qu'il a été arrêté le 16 novembre 2024 à Alger par la police algérienne et a besoin d'un traitement médical (il a un cancer et selon les autorités algériennes, l'écrivain aurait été médicalement pris en charge). Il a été placé sous mandat de dépôt le 26 novembre 2024 en vertu de l'article 87 bis du code pénal algérien pour atteintes à la sûreté de l'État (rien que cela !). Son avocat n'a toujours pas reçu de visa pour pouvoir le défendre dans un pseudo-procès qui a commencé le 13 mars 2025.

     

     
     


    Que lui reproche-t-on ? Des propos, simplement des propos qui, selon lui, relèvent seulement de la liberté d'expression. On lui a reproché ses propos livrés au média "Frontières" (supposé d'extrême droite) : « Quand la France a colonisé l'Algérie, toute la partie ouest de l'Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu'à Mascara. Toute cette région faisait partie du royaume. ». Faute d'avocat, c'est lui-même, avec le talent qu'on lui connaît, qui s'est défendu.
     

     
     


    Le 11 décembre 2024, la chambre d'accusation a rejeté une demande de liberté. Le 20 mars 2025, le parquet a fait un réquisitoire impitoyable contre l'écrivain, réclamant dix ans de prison ferme et près de 6 900 euros d'amende (je rappelle qu'il est très malade et a 75 ans).
     

     
     


    Le 25 mars 2025 à Paris s'est tenue une grande manifestation de soutien à Boualem Sansal avant l'énoncé du jugement, à laquelle ont participé de nombreuses personnalités, notamment Gérard Larcher, Yaël Braun-Pivet, Gabriel Attal, Alain Finkielkraut, Élisabeth Badinter, etc. Un des comités de soutien qui avait organisé ce grand rassemblement de soutien expliquait la veille, dans un communiqué : « Il appartient à toutes et à tous, citoyens engagés, militants des droits humains, amoureux de la liberté et acteurs culturels, de contrarier ce funeste dessein (…). Il est devenu, bien malgré lui, l’otage de cette relation devenue tourmentée entre Paris et Alger. ».

    Il faut rappeler que Boualem Sansal a aussi la nationalité française et son incarcération est donc aussi un problème français. Le Président Emmanuel Macron a donc vivement réagi à l'annonce du jugement et a voulu croire à une résolution du problème par une démarche du Président algérien Abdelmadjib Tebboune.
     

     
     


    Depuis l'annonce du soutien de la France au Maroc sur le Sahara occidental, le 31 juillet 2024, l'Algérie se livre à une guerre psychologique contre la France, en multipliant les polémiques, dont la principale est le refus d'accueillir des personnes algériennes ou franco-algériennes qui ont été condamnées en France et expulsées de France, sous OQTF (obligation de quitter le territoire français), ce qui a mis en première ligne le Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau qui n'est pourtant pas aux Affaires étrangères.

    Guerre de déclarations aussi, avec le Président algérien qui a considéré le 29 décembre 2024 que Boualem Sansal était un « imposteur envoyé par la France ». Le Parlement Européen a voté le 23 janvier 2025 une résolution avec une large majorité pour demander la libération immédiate de l'écrivain (les élus insoumis, révélant leur hideux visage, ont voté contre cette résolution ou se sont abstenus pour dénoncer la tentative de récupération politique de l'arrestation de Boualem Sansal).


     

     
     


    Emmanuel Macron n'a jamais voulu envenimé la situation et a toujours voulu séparer le sort de Boualem Sansal, qui relève du droit humanitaire, du dossier des personnes algériennes expulsées de France et refusées par le gouvernement algérien malgré les accords entre Paris et Alger. Le Président français ainsi que le Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot sont donc devenus les interlocuteurs privilégiés des autorités algériennes.

    L'emprisonnement de Boualem Sansal, désormais justifié par un procès bâclé, sans droit à la défense, sans public, est un scandale humanitaire, une injustice flagrante et un attentat contre la raison. Il est l'otage politique d'un pouvoir antifrançais incapable de gérer correctement ses relations internationales. Au lieu de s'en prendre à l'Europe le 14 février 2025 à Munich, le Vice-Président américain J. D. Vance aurait été mieux inspiré en critiquant la conception de la liberté d'expression en Algérie.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Boualem Sansal, un nouveau capitaine Dreyfus ?
    Boualem Sansal.
    Le massacre d’Oran, 60 ans plus tard…
    José Gonzalez.
    Reconnaissance par Emmanuel Macron le 26 janvier 2022 de deux massacres commis en 1962 en Algérie (Alger et Oran).
    Pierre Vidal-Naquet.
    Jean Lacouture.
    Edmond Michelet.
    Jacques Soustelle.
    Albert Camus.
    Abdelaziz Bouteflika en 2021.
    Le fantôme d’El Mouradia.
    Louis Joxe et les Harkis.
    Chadli Bendjedid.
    Disparition de Chadli Benjedid.
    Hocine Aït Ahmed.
    Ahmed Ben Bella.
    Josette Audin.
    Michel Audin.
    Déclaration d’Emmanuel Macron sur Maurice Audin (13 septembre 2018).
    François Mitterrand et l'Algérie.
    Hervé Gourdel.
    Mohamed Boudiaf.
    Vidéo : dernières paroles de Boudiaf le 29 juin 1992.
    Rapport officiel sur l’assassinat de Boudiaf (texte intégral).
    Abdelaziz Bouteflika en 2009.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250327-sansal.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/boualem-sansal-un-nouveau-260146

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/27/article-sr-20250327-sansal.html


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  • Jules Verne, précurseur fécond des romans scientifiques

    « La véritable supériorité de l'homme, ce n'est pas de dominer, de vaincre la nature. C'est, pour le penseur, de la comprendre, de faire tenir l'univers immense dans le microcosme de son cerveau. C'est, pour l'homme d'action, de garder une âme sereine devant la révolte de la matière, c'est de lui dire : "Me détruire, soit ! M'émouvoir, jamais !" » (Jules Verne).


     

     
     


    L'écrivain français Jules Verne est mort il y a exactement cent vingt ans, le 24 mars 1905 à Amiens, où il habitait et dont il avait été un conseiller municipal, à l'âge de 77 ans (né le 8 février 1828 à Nantes).

    Jules Verne est un écrivain prolifique de romans d'aventures et d'anticipation mais aussi de pièces de théâtre et de poésie, curieusement peu honoré de son vivant (il n'a été membre que de l'Académie d'Amiens), mais c'est peut-être le lot des auteurs populaires par rapport à d'autres plus intellectuels. D'une tradition plutôt monarchique (orléaniste), Jules Verne n'a pas donné non plus son nom à beaucoup de grandes voies publiques mais surtout à des établissements scolaires en France (430 écoles, collèges ou lycées sont appelés Jules-Verne, soit parmi les vingt-cinq premières personnalités les plus célébrées).

    Jules Verne est aussi très célébré à l'étranger, beaucoup de pays ont leur Société Jules-Verne et, par exemple, à Nijniy Novgorod, grande ville de la Fédération de Russie à l'est de Moscou, il existe même un complexe résidentiel Jules-Verne et une statue de l'écrivain (parce que les Russes ne sont pas restés insensibles à "Michel Strogoff"). Le Président russe Vladimir Poutine expliquait ainsi le 18 mars 2005 au Salon du Livre de Paris : « Il est rare de trouver aujourd'hui en Russie quelqu'un qui, enfant, ne se soit pas passionné pour Jules Verne ou Dumas. ».

    Ce qui est impressionnant est la somme de ses œuvres qui ont fait l'objet de 4 751 traductions, soit, explique le site Wikipédia, le deuxième parmi les « auteurs les plus traduits en langues étrangères après Agatha Christie et devant William Shakespeare » en 2020. Un monument de la littérature française (inspiré notamment par Edgard Allan Poe, Victor Hugo, Daniel Defoe, George Sand, Walter Scott, etc.) où qualité est associée aussi à quantité. Jugez-en : 96 romans et nouvelles, dont 20 publiés à titre posthume (il avait plusieurs romans d'avance), 17 pièces de théâtre, 12 essais et 184 poèmes et chansons, sans oublier 14 discours (principalement comme membre de l'Académie d'Amiens ou conseiller municipal d'Amiens) et des tonnes de lettres (certaines publiées dans six recueils de correspondance), lettres notamment à Nadar, Alexandre Dumas fils, Émile Perrin, Théophile Gautier, Charles Lemire, Hector Malot, etc.


     

     
     


    Si Jules Verne est si connu des gens, même après plus d'un siècle, c'est qu'il a réussi à allier littérature pour la jeunesse et romans d'anticipation. Ses romans d'aventures font rêver, et lui-même a inspiré beaucoup de monde, on peut même dire que c'est le premier auteur vraiment moderne de science-fiction, utilisant les nouvelles technologies pour aller au-delà de la réalité, voire inventant de nouvelles technologies pour aller encore plus loin. Son éditeur Pierre-Jules Hetzel voulait que Jules Verne proposât des œuvres vulgarisant la science. Même si c'est beaucoup plus tard, le roman de Céline "Mort à crédit" donne l'ambiance de cette époque où la technologie était un divertissement culturel, où les montées en ballon étaient une activité voire une curiosité dominicales, où la vulgarisation scientifique était la poursuite des Lumières voulues par la République, etc.

    C'est pourquoi, dès son époque, ses œuvres ont fait l'objet de nombreuses adaptations, tant au cinéma que dans la bande dessiné (l'un des auteurs les plus inspiré fut Hergé qui a repris l'idée de Jules Verne d'aller sur la Lune et qui a imité aussi des personnages de Jules Verne, comme les Dupont/Dupond). Exotisme, exploration, voyage, science, technologie, rêve... la recette gagnante de Jules Verne qui a vu son succès décoller dès la sortie de "Cinq Semaines en ballon" en 1863 (il avait alors 35 ans).


     

     
     


    Non seulement l'écrivain et certains de ses romans sont très connus, durablement connus, mais aussi des personnages de ses romans, comme Michel Strogoff, le capitaine Nemo, Phileas Fogg, etc. Et des équipements : le Nautilus a donné son nom au premier sous-marin nucléaire américain.

    Je propose quelques citations de dix des œuvres les plus connues de Jules Verne.


    1. "Cinq Semaines en ballon" (1863)

    1.1. « – Faites entrer le docteur Fergusson dit simplement Sir Francis M...
    Et le docteur entra au milieu d'un tonnerre d'applaudissements, pas le moins du monde ému d'ailleurs. C' était un homme d'une quarantaine d'années, de taille et de constitution ordinaires ; son tempérament sanguin se trahissait par une coloration foncée du visage ; il avait une figure froide, aux traits réguliers, avec un nez fort, le nez en proue de vaisseau de l'homme prédestiné aux découvertes ; ses yeux fort doux, plus intelligents que hardis, donnaient un grand charme à sa physionomie ; ses bras étaient longs, et ses pieds se posaient à terre avec l'aplomb du grand marcheur. »

    1.2. « Le docteur Fergusson avait un ami. Non pas un autre lui-même, un alter-ego ; l'amitié ne saurait exister entre deux êtres parfaitement identiques. »

    1.3. « À force d'inventer des machines, les hommes se feront dévorer par elles ! Je me suis toujours figuré que le dernier jour du monde sera celui où quelque immense chaudière chauffée à trois milliards d'atmosphères fera sauter notre globe ! »

    1.4. « Là s'étalent sans ordre, et même avec un désordre charmant, les étoffes voyantes, les ivoires, les dents de requins, le miel, le tabac, le coton ; là se pratiquent les marchés les plus étranges, où chaque objet n'a de valeur que par les désirs qu 'il excite. »

    1.5. « C'était là l'un des plus beaux spectacles que la nature pût donner à l'homme. En bas, l'orage. En haut, le ciel étoilé, tranquille, muet, impassible, avec la lune projetant ses paisibles rayons sur ces nuages irrités. »


    2. "Voyage au centre de la Terre" (1864)

    2.1. « La science, mon garçon, est faite d'erreurs, mais d'erreurs qu'il est bon de commettre, car elles mènent peu à peu à la vérité. »

    2.2. « Jamais minéralogistes ne s’étaient rencontrés dans des circonstances aussi merveilleuses pour étudier la nature sur place. Ce que la sonde, machine inintelligente et brutale, ne pouvait rapporter à la surface du globe de sa texture interne, nous allions l’étudier de nos yeux et le toucher de nos mains. »

    2.3. « Alors intervint l'action de la chimie naturelle ; au fond des mers, les masses végétales se firent tourbe d'abord ; puis, grâce à l'influence des gaz, et sous le feu de la fermentation, elles subirent une minéralisation complète. Ainsi se formèrent ces immenses couches de charbon qu'une consommation excessive doit, pourtant, épuiser en moins de trois siècles, si les peuples industriels n'y prennent garde. »

    2.4. « C'était la maison d'un paysan, mais, en fait d'hospitalité, elle valait celle d'un roi. »

    2.5. « Représentez-vous un homme grand, maigre, d’une santé de fer, et d’un blond juvénile qui lui ôtait dix bonnes années de sa cinquantaine. Ses gros yeux roulaient sans cesse derrière des lunettes considérables ; son nez, long et mince, ressemblait à une lame affilée ; les méchants prétendaient même qu’il était aimanté et qu’il attirait la limaille de fer. Pure calomnie : il n’attirait que le tabac, mais en grande abondance, pour ne point mentir. Quand j’aurai ajouté que mon oncle faisait des enjambées mathématiques d’une demi-toise, et si je dis qu’en marchant il tenait ses poings solidement fermés, signe d’un tempérament impétueux, on le connaîtra assez pour ne pas se montrer friand de sa compagnie. »

    2.6. « C'était la maison d'un paysan, mais, en fait d'hospitalité, elle valait celle d'un roi. »

    2.7. « Ah ! Femmes, jeunes filles, cœurs féminins toujours incompréhensibles ! Quand vous n’êtes pas les plus timides des êtres, vous en êtes les plus braves ! La raison n’a que faire auprès de vous. »

    2.8. « Ah ! quel voyage ! Quel merveilleux voyage ! Entrés par un volcan, nous étions sortis par un autre, et cet autre était situé à plus de douze cents lieues du Sneffels, de cet aride pays de d'Islande jeté aux confins du monde ! »


    3. "De la Terre à la Lune" (1865)

    3.1. « Parmi ces cinq mille nébuleuses, il en est une que les hommes ont nommée la Voie Lactée, et qui renferme dix-huit millions d'étoiles, (…) dont l'une des plus modestes et des moins brillantes, une étoile du quatrième ordre, s'appelle orgueilleusement le Soleil. »

    3.2. « L’homme a commencé par voyager à quatre pattes, puis, un beau jour, sur deux pieds, puis en charrette, puis en coche, puis en patache, puis en diligence, puis en chemin de fer ; eh bien ! le projectile est la voiture de l’avenir, et, à vrai dire, les planètes ne sont que des projectiles, de simples boulets de canon lancés par la main du Créateur. »

    3.3. « Je ne crois donc pas trop m'avancer en disant qu'on établira prochainement des trains de projectiles, dans lesquels se fera commodément le voyage de la Terre à la Lune. »

    3.4. « Ils ont plus souci de l'humanité en général que de l'individu en particulier. »

    3.5. « À eux trois ils emportent dans l'espace toutes les ressources de l'art, de la science et de l'industrie. Avec cela on fait ce qu'on veut, et vous verrez qu'ils se tireront d'affaire. »

    3.6. « Or, quand un Américain a une idée, il cherche un second Américain qui la partage. Sont-ils trois, ils élisent un président et deux secrétaires. Quatre, ils nomment un archiviste, et le bureau fonctionne. Cinq, ils se convoquent en assemblée générale, et le club est constitué. »

    3.7. « Rien ne saurait étonner un Américain. On a souvent répété que le mot "impossible" n'était pas français ; on s'est évidemment trompé de dictionnaire. En Amérique, tout est facile, tout est simple, et quant aux difficultés mécaniques, elles sont mortes avant d'être nées. Entre le projet Barbicane et sa réalisation, pas un véritable Yankee ne se fût permis d'entrevoir l'apparence d'une difficulté . Chose dite, chose faite. »

    3.8. « Divisant le nombre des victimes tombées sous les boulets par celui des membres du Gun Club, il trouva que chacun de ceux-ci avait tué pour son compte une moyenne de deux mille trois cent soixante-quinze hommes et une fraction. À considérer un pareil chiffre, il est évident que l'unique préoccupation de cette société savante fut la destruction de l'humanité dans un but philanthropique, et le perfectionnement des armes de guerre, considérées comme instruments de civilisation. »

    3.9. « Oui ! Mon brave ami ! Songe au cas où nous rencontrions des habitants là-haut. Voudrais tu leur donner une aussi triste idée de ce qui se passe ici-bas, leur apprendre ce que c'est que la guerre, leur montrer qu'on emploie le meilleur de son temps à se dévorer, à se manger, à se casser bras et jambes, et cela sur un globe qui pourrait nourrir cent milliards d'habitants, et où il y en a douze cents millions à peine ? »


    4. "Les Enfants du capitaine Grant" (1865)

    4.1. « Voir est une science. »

    4.2. « Il suffit que l'on respire pour espérer ! »

    4.3. « Les Néo-Zélandais sont les plus cruels, pour ne pas dire les plus gourmands des anthropophages. Ils dévorent tout ce qui leur tombe sous la dent. La guerre pour eux n'est qu'une chasse à ce gibier qui s'appelle l'homme, et il faut l'avouer, c'est la seule guerre logique. Les Européens tuent leurs ennemis et les enterrent. Les sauvages tuent leurs ennemis et les mangent, et, comme l'a fort bien dit mon compatriote Toussenel, le mal n'est pas tant de faire rôtir son ennemi quand il est mort, que de le tuer quand il ne veut pas mourir. »

    4.4. « Dans un Français, il y a toujours un cuisinier. »

    4.5. « Cet homme grand, sec et maigre, pouvait avoir quarante ans ; il ressemblait à un long clou à grosse tête ; sa tête, en effet, était large et forte, son front haut, son nez allongé, sa bouche grande, son menton fortement busqué. Quant à ses yeux, ils se dissimulaient derrière d'énormes lunettes rondes, et son regard semblait avoir cette indécision particulière aux nyctalopes. Sa physionomie annonçait un homme intelligent et gai ; il n'avait pas l'air rébarbatif de ces graves personnages qui ne rient jamais, par principe, et dont la nullité se couvre d'un masque sérieux. Loin de là. Le laisser-aller, le sans-façon aimable de cet inconnu démontraient clairement qu'il savait prendre les hommes et les choses par leur bon côté. Mais sans qu'il eût encore parlé, on le sentait parleur, et distrait surtout, à la façon des gens qui ne voient pas ce qu'ils regardent, et qui n'entendent pas ce qu'ils écoutent. Il était coiffé d'une casquette de voyage, chaussé de fortes bottines jaunes et de guêtres de cuir, vêtu d'un pantalon de velours marron et d'une jaquette de même étoffe, dont les poches semblaient bourrées de calepins, d'agendas, de carnets, de portefeuilles, et de mille objets aussi embarrassants qu'inutiles, sans parler d'une longue-vue qu'il portait en bandoulière. »
     

     
     



    5. "Vingt Mille Lieues sous les mers" (1869)

    5.1. « On peut braver les lois humaines, mais non résister aux lois naturelles. »

    5.2. « La mer est le vaste réservoir de la nature. C'est par la mer que le globe a pour ainsi dire commencé, et qui sait s'il ne finira pas par elle ! Là est la suprême tranquillité. La mer n'appartient pas aux despotes. À sa surface, ils peuvent encore exercer des droits iniques, s'y battre, s'y dévorer, y transporter toutes les horreurs terrestres. Mais à trente pieds au-dessous de son niveau, leur pouvoir cesse, leur influence s'éteint, leur puissance disparaît ! Ah ! Monsieur, vivez, vivez au sein des mers ! Là seulement est l'indépendance ! Là je ne reconnais plus de maîtres ! Là je suis libre ! »

    5.3. « Oui ! Je l’aime ! La mer est tout ! Elle couvre les sept dixièmes du globe terrestre. Son souffle est pur et sain. C’est l’immense désert où l’homme n’est jamais seul, car il sent frémir la vie à ses côtés. La mer n’est que le véhicule d’une surnaturelle et prodigieuse existence ; elle n’est que mouvement et amour ; c’est l’infini vivant, comme l’a dit un de vos poètes. »

    5.4. « Il semblait que ces visqueux tentacules renaissaient comme les têtes de l'hydre. »

    5.5. « Cependant, le capitaine avait raison. L'acharnement barbare et inconsidéré des pêcheurs fera disparaître un jour la dernière baleine de l'Océan. »

    5.6. « Pas de pitié pour ces féroces cétacés. Ils ne sont que bouche et dents ! »

    5.7. « La mer était couverte de cadavres mutilés. »

    5.8. « Ce ne sont pas de nouveaux continents qu'il faut à la Terre, mais de nouveaux hommes ! »

    5.9. « Ce que les joueurs regrettent par-dessus tout, d'ordinaire, c'est moins la perte de leur argent que celle de leurs folles espérances. »


    6. "Le Tour du monde en quatre-vingts jours" (1872)

    6.1. « Phileas Fogg était de ces gens mathématiquement exacts, qui, jamais pressés et toujours prêts, sont économes de leurs pas et de leurs mouvements. Il ne faisait pas une enjambée de trop, allant toujours par le plus court. Il ne perdait pas un regard au plafond, il ne se permettait aucun geste superflu. On ne l’avait jamais vu ému ni troublé. C’était l’homme le moins pressé du monde, mais il arrivait toujours à temps. »

    6.2. « Les passeports ne servent jamais qu'à gêner les honnêtes gens et à favoriser la fuite des coquins. »

    6.3. « Et d'ailleurs, avec les habitudes d'insouciance des Américains, on peut dire que, quand ils se mettent à être prudents, il y aurait folie à ne pas l'être. »

    6.4. « — Tiens ! Mais vous êtes un homme de cœur ! dit sir Francis Cromarty.
    Quelquefois, répondit simplement Phileas Fogg. Quand j’ai le temps. »

    6.5. « Et maintenant, comment un homme si exact, si méticuleux, avait-il pu commettre cette erreur de jour ? Comment se croyait-il au samedi soir, 21 décembre, quand il débarqua à Londres, alors qu'il n'était qu'au vendredi, 20 décembre, soixante-dix-neuf jours seulement après son départ ? Voici la raison de cette erreur. Elle est fort simple. Phileas Fogg avait, « sans s'en douter », gagné un jour sur son itinéraire, et cela uniquement parce qu'il avait fait le tour du monde en allant vers l'est, et il eût, au contraire, perdu ce jour en allant en sens inverse, soit vers l'ouest. En effet, en marchant vers l'est, Phileas Fogg allait au-devant du soleil, et, par conséquent les jours diminuaient pour lui d'autant de fois quatre minutes qu'il franchissait de degrés dans cette direction. Or, on compte trois cent soixante degrés sur la circonférence terrestre, et ces trois cent soixante degrés, multipliés par quatre minutes, donnent précisément vingt-quatre heures, c'est-à-dire ce jour inconsciemment gagné. En d'autres termes, pendant que Phileas Fogg, marchant vers l'est, voyait le soleil passer quatre-vingts fois au méridien, ses collègues restés à Londres ne le voyaient passer que soixante-dix-neuf fois. C'est pourquoi, ce jour-là même, qui était le samedi et non le dimanche, comme le croyait Mr. Fogg, ceux-ci l'attendaient dans le salon du Reform Club. »

    6.6. « Qu'avait-il gagné à ce déplacement ? Qu'avait-il rapporté de ce voyage ? Rien, dira-t-on ? Rien, soit, si ce n'est une charmante femme, qui, quelque invraisemblable que cela puisse paraître, le rendit le plus heureux des hommes. En vérité, ne ferait-on pas, pour moins que cela, le Tour du Monde ? »


    7. "L'Île mystérieuse" (1874)

    7.1. « Voici ma pensée : les savants admettent généralement qu’un jour notre globe finira, ou plutôt que la vie animale et végétale n’y sera plus possible, par suite du refroidissement intense qu’il subira. Ce sur quoi ils ne sont pas d’accord, c’est sur la cause de ce refroidissement. Les uns pensent qu’il proviendra de l’abaissement de température que le soleil éprouvera après des millions d’années ; les autres, de l’extinction graduelle des feux intérieurs de notre globe, qui ont sur lui une influence plus prononcée qu’on ne le suppose généralement. Je tiens, moi, pour cette dernière hypothèse, en me fondant sur ce fait que la lune est bien véritablement un astre refroidi, lequel n’est plus habitable, quoique le soleil continue toujours de verser à sa surface la même somme de chaleur. Si donc la lune s’est refroidie, c’est parce que ces feux intérieurs auxquels, ainsi que tous les astres du monde stellaire, elle a dû son origine, se sont complètement éteints. Enfin, quelle qu’en soit la cause, notre globe se refroidira un jour, mais ce refroidissement ne s’opérera que peu à peu. Qu’arrivera-t-il alors ? C’est que les zones tempérées, dans une époque plus ou moins éloignée, ne seront pas plus habitables que ne le sont actuellement les régions polaires. »

    7.2. « C'était l'immense mer, dont les flots se heurtaient encore avec une incomparable violence ! C'était l'Océan sans limites visibles, même pour eux, qui le dominaient de haut et dont les regards s'étendaient alors sur un rayon de quarante miles ! C'était cette plaine liquide, battue sans merci, fouettée par l'ouragan, qui devait leur apparaître comme une chevauchée de lames échevelées, sur lesquelles eût été jeté un vaste réseau de crêtes blanches ! Pas une terre en vue, pas un navire ! »

    7.3. « Ah ! s'écria Cyrus Smith, te voilà donc redevenu homme, puisque tu pleures ! »

    7.4. « Le souper fut bientôt dévoré, car on avait faim, et il ne fut plus question que de dormir. Mais, quelques rugissements de nature suspecte s’étant fait entendre avec la tombée du jour, le foyer fut alimenté pour la nuit, de manière à protéger les dormeurs de ses flammes pétillantes. »

    7.5. « J’étais dans la justice et dans le droit, ajouta-t-il. J’ai fait partout le bien que j’ai pu, et aussi le mal que j’ai dû. Toute justice n’est pas dans le pardon ! »

    7.6. « La nécessité est, de tous les maîtres, celui qu'on écoute le plus et celui qui enseigne le mieux. »

    7.7. « Je meurs d'avoir cru que l'on pouvait vivre seul. »


    8. "Michel Strogoff" (1876)

    8.1. « Trop d'ambition a perdu les plus grands empires. »

    8.2. « Il fut un temps, Sire, où, quand on allait en Sibérie, on n’en revenait pas ! »

    8.3. « Eh ! Que diable ! Il faut bien bouillir quelquefois ! Dieu nous aurait mis de l'eau dans les veines et non du sang, s'il nous eût voulus toujours et partout imperturbables ! »

    8.4. « Qu'importe ! L'hiver est l'ami du Russe. Oui, Nadia, mais quel tempérament à toute épreuve il faut pour résister à une telle amitié ! J'ai vu souvent la température tomber dans les steppes sibériennes à plus de quarante degré au-dessous de glace ! J'ai senti, malgré mon vêtement de peau de renne,
    mon cœur se glacer, mes membres se tordre, mes pieds se geler sous leurs triples chaussettes de laine ! J'ai vu les chevaux de mon traîneau recouverts d'une carapace de glace, leur respiration figée aux naseaux. J'ai vu l'eau-de-vie de ma gourde se changer en pierre dure que le couteau ne pouvait entamer !... mon traîneau filer comme un ouragan ! Plus d'obstacles sur la plaine nivelée et blanche à perte de vue ! Plus de cours d'eau dont on est obligé de chercher les passages guéables ! Plus de lacs qu'il faut traverser en bateau ! Partout la glace dure, la route libre, le chemin assuré ! »

    8.5. « À quatorze ans, Michel Strogoff avait tué son premier ours, tout seul, ce qui n’était rien ; mais, après l’avoir dépouillé, il avait traîné la peau du gigantesque animal jusqu’à la maison paternelle, distante de plusieurs verstes, ce qui indiquait chez l’enfant une vigueur peu commune. Cette vie lui profita, et, arrivé à l’âge de l’homme fait, il était capable de tout supporter, le froid, le chaud, la faim, la soif, la fatigue. »


    8.6. « Elle se rappelait ses attentions pendant le voyage, son arrivée à la maison de police de Nijniy Novgorod, la cordiale simplicité avec laquelle il lui avait parlé en l’appelant du nom de sœur, son empressement près d’elle pendant la descente du Volga, enfin tout ce qu’il avait fait, dans cette terrible nuit d’orage à travers les monts Oural, pour défendre sa vie au péril de la sienne ! Nadia songeait donc à Michel Strogoff. Elle remerciait Dieu d’avoir placé à point sur sa route ce vaillant protecteur, cet ami généreux et discret. Elle se sentait en sûreté près de lui, sous sa garde. Un vrai frère n’eût pu mieux faire ! Elle ne redoutait plus aucun obstacle, elle se croyait maintenant certaine d’atteindre son but. »


    9. "Les Tribulations d'un Chinois en Chine" (1879)

    9.1. « C’est qu’il en est du bonheur comme de la santé. Pour en bien jouir, il faut en avoir été privé quelquefois. »

    9.2. « L’existence me paraît très acceptable, du moment qu’on ne fait rien et qu’on a le moyen de ne rien faire ! »

    9.3. « S’ennuyer seul dans la vie, c’est mauvais ! S’ennuyer à deux, c’est pire ! »

    9.4. « En passant devant la porte de l'Est, son regard s'accrocha, par hasard, à une douzaine de cages en bambou, où grimaçaient des têtes de criminels, qui avaient été exécutés la veille. "Peut-être, dit-il, y aurait-il mieux à faire que d'abattre des têtes ! Ce serait de les rendre plus solides !" »

    9.5. « Sa vie, il y tenait plus que jamais, et comme le disaient Craig-Fry, "Il se serait fait tuer pour la conserver". »

    9.6. « Un proverbe chinois dit : Quand les sabres sont rouillés et les bêches luisantes, quand les prisons sont vides et les greniers pleins, quand les degrés des temples sont usés par les pas des fidèles et les cours des tribunaux couvertes d'herbe, quand les médecins vont à pied et les boulangers à cheval, l'Empire est bien gouverné. »


    10. "Le Rayon vert" (1882)

    10.1. « Avez-vous quelquefois observé le soleil qui se couche sur un horizon de mer ? Oui ! sans doute. L'avez-vous suivi jusqu'au moment où, la partie supérieure de son disque effleurant la ligne d'eau, il va disparaître ? C'est très probable. Mais avez-vous remarqué le phénomène qui se produit à l'instant précis où l'astre radieux lance son dernier rayon, si le ciel, dégagé de brumes, est alors d'une pureté parfaite ? Non ! Peut-être. Eh bien, la première fois que vous trouverez l'occasion, elle se présente très rarement, de faire cette observation, ce ne sera pas, comme on pourrait le croire, un rayon rouge qui viendra frapper la rétine de votre œil, ce sera un rayon "vert", mais d'un vert merveilleux, d'un vert qu'aucun peintre ne peut obtenir sur sa palette, d'un vert dont la nature, ni dans la teinte si variée des végétaux, ni dans la couleur des mers les plus limpides, n'a jamais reproduit la nuance ! S'il y a du vert-là, qui est, sans doute, le vrai vert de l'espérance ! »

    10.2. « Alors, cette fantaisie devint une idée fixe, qui ne laissa plus place à aucune autre. Cela tournait à l'était d'obsession. On en rêvait nuit et jour, à faire craindre quelque nouveau genre de monomanie, à une époque où il n'y a plus à les compter. Sous cette contention d'esprit, les couleurs se transformaient en une couleur unique : le ciel bleu était vert, les routes étaient vertes, les grèves étaient vertes, les roches étaient vertes, l'eau et le vin étaient verts comme de l'absinthe. Les frères Melvill s'imaginaient être vêtus de vert et se prenaient pour deux grands perroquets, qui prenaient du tabac dans une tabatière verte ! En un mot, c'était la folie du vert ! Tous étaient frappés d'une sorte de daltonisme, et les professeurs d'oculistique auraient eu là de quoi publier d'intéressants mémoires dans leurs revues d'ophtalmologie. Cela ne pouvait durer plus longtemps. »

    10.3. « Mais, ce que Miss Campbell ne leur dit pas, c'est que précisément ce Rayon-Vert se rapportait à une vieille légende, dont le sens intime lui avait échappé jusqu'alors, légende inexpliquée entre tant d'autres, nées au pays des Highlands, et qui affirme ceci : c'est que ce rayon a pour vertu de faire que celui qui l'a vu ne peut plus se tromper dans les choses de sentiment ; c'est que son apparition détruit illusions et mensonges ; c'est que celui qui a été assez heureux pour l'apercevoir une fois, voit clair dans son cœur et dans celui des autres. »

    10.4. « C'était un "personnage" de vingt-huit ans, qui n'avait jamais été jeune et probablement ne serait jamais vieux. Il était évidemment né à l'âge qu'il devait paraître avoir toute sa vie. De tournure, ni bien ni mal ; de figure, très insignifiant, avec des cheveux trop blonds pour un homme ; sous ses lunettes, l'œil sans regard du myope ; un nez court, qui ne semblait pas être le nez de son visage. Des cent trente mille cheveux que doit porter toute tête humaine, d'après les dernières statistiques, il ne lui en restait plus guère que soixante mille. Un collier de barbe encadrait ses joues et son menton, ce qui lui donnait une face quelque peu simiesque. S'il avait été un singe, c'eût été un beau singe, peut-être celui qui manque à l'échelle des darwinistes pour raccorder l'animalité à l'humanité. »

    10.5. « Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur, que quelques savants ont traité scientifiquement cette question si palpitante : De l'influence des queues de poisson sur les ondulations de la mer ?... (…) Eh bien, monsieur, en voici une autre que je recommande tout particulièrement à vos savantes méditations : De l'influence des instruments à vent sur la formation des tempêtes. »


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    Sylvain Rakotoarison (22 mars 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Jules Verne.
    Anatole France.
    Alexandre Dumas fils.
    Jean-Louis Debré.
    Philippe De Gaulle.
    Florence Arthaud.
    Pierre Dac.
    Lionel Jospin.
    Jean-François Kahn.
    Axel Kahn.

    Philippe Val.
    Sophia Aram.
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    Mazarine Pingeot.

    Danielle Mitterrand.
    Yvon Gattaz.
    Le pape François.
    Alain Peyrefitte.
    Boualem Sansal.
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    Teddy Vrignault.

    Bernard Kouchner.
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    Édouard Philippe.
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    Racine.
    Molière.
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    George Steiner.
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    Jean d’Ormesson.
    Les 90 ans de Jean d’O.



     

     
     





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  • L'amiral Philippe De Gaulle célébré par Emmanuel Macron

    « Vous nous avez rappelé, Amiral, qu'il est des chênes que rien n’abat, ni le fer, ni le feu, ni l'hiver, ni l'usure. Ces chênes qui passent de la vie à l'éternité. Leur feuillage ombragent les armes de la République. Et quand autour de nous, les abatteurs menacent, nous savons qu'ils ne peuvent rien contre ces chênes-là et que par eux, par l'idéal qu'ils nous transmettent et que nous reprenons, la France tiendra. Et face aux cognées de la haine, de l'esprit de défaite ou des consciences qui parfois vacillent, s'il ne reste qu’un pays, que la France soit celui-là, debout. » (Emmanuel Macron, le 20 mars 2024 aux Invalides).




     

     
     


    Il y a un an, le mercredi 13 mars 2024, l'amiral Philippe De Gaulle s'est éteint à Paris, à l'âge de 102 ans. Fils de son père, il a été un personnage historique de l'épopée gaullienne, son témoin direct, l'observateur des années De Gaulle, celles de la Résistance comme celles du début de la Cinquième République. Militaire de carrière, résistant de la première heure, mais jamais intégré dans l'ordre des Compagnons de la Libération car son père voulait éviter toute complaisance de népotisme, Philippe De Gaulle, paradoxalement, est devenu sénateur de Paris pendant dix-huit ans, de 1986 à 2004 alors que son père voulait supprimer le Sénat en 1969.

    À la fois grand militaire de la marine et témoin de la vie politique, et à ce titre, auteur de quelques ouvrages de référence pour mieux comprendre la vie et l'œuvre du Général De Gaulle, l'amiral Philippe De Gaulle a reçu un hommage national une semaine après sa disparition, le 20 mars 2024, dans la cour d'honneur des Invalides.

    Cette cérémonie était présidée par le Président de la République Emmanuel Macron en présence du gouvernement, dont le Premier Ministre en exercice Gabriel Attal, et de nombreuses personnalités politiques et militaires. Pas étonnant que ce fût aux Invalides puisqu'il séjournait pour ses vieux jours : « Le marin, le résistant, l'élu de la République avait retrouvé, ici, cette cohorte de blessés et de héros. La chaîne des temps. Il était là, debout, parmi eux. (…) Connaître toutes les mers du monde, mais choisir la Seine pour dernier rivage. Partir en homme de devoir, risquer sa vie sur quatre continents et aller reposer à Colombey. ».


     

     
     


    Emmanuel Macron est un passeur d'histoire et est fasciné par les vétérans de l'histoire récente : « Devoir à l'endroit de nos anciens, car chacun de nous est dépositaire et gardien de leur legs de courage, d'abnégation, d'héroïsme. ». Le Président de la République entretenait aussi de bonnes relations avec d'autres résistants comme Daniel Cordier, Hubert Germain, ou d'autres vieillards de la République, ce que j'appelle des vieillards de la République en ce sens que ce sont des dinosaures dans leur domaine et que la République leur est reconnaissante de leur existence, de leurs talents, de la richesse qu'ils ont apportée à la France et parfois au monde, comme le peintre Pierre Soulages, le chanteur Charles Aznavour, le comédien Michel Bouquet ou l'écrivain Jean d'Ormesson. Quant aux politiques, les hommages aux Invalides ont été également nombreux, de Jacques Chirac à Jacques Delors, en passant par Robert Badinter.

    À 18 ans, Philippe De Gaulle s'est engagé dans la Résistance dès le premier jour, répondant plus au devoir qu'il se faisait de la France qu'à son père. En août 1944, il participa à la Libération de Paris, et la famille fut rassemblée : « Le cœur symbolique de la République est délivré. Paris est libérée. La France est relevée. Philippe De Gaulle peut alors rejoindre les siens. Et il y eut chez les De Gaulle cette scène de retrouvailles si singulière, autour d'un repas de famille où l'on discutait comme si l'on s'était quitté le matin même, parlant de tout et de rien, des uns et des autres, des projets, de tout sauf de la guerre et des hauts faits. ».

    Après la guerre, le futur amiral a poursuivi une brillante carrière de pilote de l'aéronavale qui l'amena aux plus grandes responsabilités militaires : « Honneur, patrie, valeur, discipline. Ces quatre piliers de la Marine, gravés sur chacun de ses bâtiments, étaient les tables de sa loi. ».

     

     
     


    À sa retraite, à l'âge de 64 ans, sur demande de Jacques Chirac, Philippe De Gaulle fut élu sénateur : « apportant sa voix à la commission des Affaires étrangères et de la Défense. Comme il est dur, pourtant, d'être De Gaulle après De Gaulle, d'en avoir l'allure, la voix, les gestes et de ne pas être lui. L'Amiral répondait aux murmures par la rigueur de sa conscience, son indifférence à la mondanité, déclinant toute présidence parlementaire ou honorifique, quelle qu'elle fût. ».

    Philippe De Gaulle cultivait une grande humilité et s'effaçait derrière plus grand que lui. Son credo : « Il faut agir au-delà de soi et travailler pour plus grand que soi. ». Homme de devoirs, il en était un très important pour lui : « Devoir d'espérance. "La France en a vu d'autres, la France s'en sortira, tu verras", tels étaient ses mots répétés, toujours à travers les meurtrissures de l'histoire. C'était sa certitude, partagée avec tous ses compagnons d'armes, tous ses compagnons dont il eut la place s'il n'eut pas le titre, grandeur d'un sacrifice consenti en silence dépassant l'injustice ressentie. ». Pour son père, il était le premier compagnon de la Libération. Pour l'histoire, il fut le dernier aussi, le dernier survivant, après Hubert Germain (le dernier officiellement).
     

     
     


    Le Président Emmanuel Macron a raconté la disparition de celui qui ressemblait tant à l'homme du 18 juin : « Il a attendu d'avoir tout écrit, tout transmis, mis un point final à ses derniers souvenirs, rédigé ses dernières volontés avec une rigueur d'ordre d'opération, demandé les derniers sacrements, et puis, il a fermé les yeux dans la nuit qui ne connaît pas l'Histoire. Une mort à sa mesure. Une mort de paladin, de chevalier, remettant ses pensées à la France, son âme à son Seigneur et son cœur à sa dame. Car le dernier nom qu'il murmura fut celui d'Henriette, en chevalier, membre de cette confrérie de l'idéal, ceux qui ne vivent que debout, ceux qui ont redressé leur patrie à la face du monde. ».

    Cet hommage était le minimum que pouvait faire la République pour ce serviteur si singulier. Avec lui, c'est un peu rendre un hommage national au Général De Gaulle qui n'avait encore jamais eu lieu, en raison des dernières volontés de ce dernier. L'association Emmanuel Macron et De Gaulle n'est pas vaine : depuis 2017, le Président de la République revendique, à l'instar de son illustre et historique prédécesseur, la souveraineté européenne de défense, pour que la sécurité de la France et de l'Europe ne dépende pas du bon vouloir des États-Unis.

    On peut avoir raison trop tôt, mais aussi être entendu à temps. Car il n'est jamais trop tard pour la construire, cette défense souveraine qui doit répondre à la double menace de l'impérialisme russe et du terrorisme islamique. Emmanuel Macron l'a encore redit ce mardi 11 mars 2025 : « Une grande nation, elle n'a pas à choisir. Elle a à répondre. Et elle n'a pas à décider de lutter contre les menaces géopolitiques qui s'imposent à elle ou contre des menaces sur son sol projetées par les terroristes. Elle a à faire les deux en même temps. C'est ce que nous faisons. ». Un véritable homme d'État.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Philippe De Gaulle.
    Hommage du Président Emmanuel Macron à Philippe De Gaulle le 20 mars 2024 aux Invalides (texte intégral et vidéo).
    De Gaulle à l'ombre du Généra.
    L'impossible Compagnon de la Libération.
    Entre père et mer.
    L'autre De Gaulle.
    La mort du père.
    Le théorème de la locomotive.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    18 juin 1940 : De Gaulle et l’esprit de Résistance.
    Daniel Cordier.
    Le songe de l’histoire.
    Vive la Cinquième République !
    De Gaulle et son discours de Bayeux.
    Napoléon, De Gaulle et Macron.
    Pourquoi De Gaulle a-t-il ménagé François Mitterrand ?
    Deux ou trois choses encore sur De Gaulle.
    La France, 50 ans après De Gaulle : 5 idées fausses.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250313-philippe-de-gaulle.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-amiral-philippe-de-gaulle-259366

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  • Jean-Louis Debré, l'un des derniers gardiens du Temple

    « Chirac doit être à 13% dans les sondages, Balladur est à 30 ou 40%. Personne ne veut vraiment nous recevoir. Et je lui dis : comment voyez-vous les choses ? (…) Ce n'est pas très bon. Et je lui dis : qu'est-ce qu'on va faire après ? Il me dit : on va ouvrir une agence de voyage. Tu la tiendras et je voyagerai. Et dix secondes après : non, on va gagner ! On est à 13%. » (Jean-Louis Debré sur Jacques Chirac).




     

     
     


    Une anecdote parmi de très nombreuses autres qu'il aimait raconter, lui le mécanicien de la Cinquième République, celui qui était dans le moteur institutionnel de père en fils. C'est avec beaucoup de tristesse que j'ai appris la mort de Jean-Louis Debré dans la nuit du 3 au 4 mars 2025. Il avait 80 ans. Il nous manquera, "nous", tous les Français, car il était un visage et un regard irremplaçable d'une certaine idée de la vie politique.

    Il rejoint son frère jumeau, médecin et également homme politique, Bernard Debré mort le 13 septembre 2020 à 75 ans, quelques heures avant leur grand frère François Debré, journaliste, à 78 ans. De la fratrie, il ne reste plus que Vincent, l'aîné, 86 ans.

    Incontestablement, Jean-Louis Debré était issu d'une grande famille exceptionnelle, certains diront dynastie, mais en République, chaque membre n'a brillé que par son mérite personnel, et on l'a bien compris en observant les deux frères jumeaux, l'un était un homme politique, tandis que l'autre était bien plus que cela, un homme d'État (c'est d'ailleurs ainsi que le présente Wikipédia, ce dont je me réjouis), comme leur père, Michel Debré, auteur de la Constitution de la Cinquième République et premier Premier Ministre de cette République et du Général De Gaulle.

    Cette famille, qui était déjà bien installée depuis plusieurs générations, a donné de nombreux grands médecins (dont Robert Debré, présenté comme le père de la pédiatrie moderne, le grand-père de Jean-Louis Debré), de grandes personnalités politiques, de grands scientifiques et universitaires (Michel Debré était le cousin germain du grand mathématicien Laurent Schwartz récompensé par la Médaille Field, son frère Bernard Schwartz a été le directeur de l'École des Mines de Nancy, etc.), aussi un grand-rabbin (Simon Debré, l'arrière-grand-père de Jean-Louis Debré), aussi de grands artistes (son oncle Olivier Debré était un peintre de l'abstrait), sept académiciens, etc.

     

     
     


    Jean-Louis Debré était adolescent quand son père était à Matignon, il connaissait les De Gaulle, leur face publique mais aussi privée. Il ne pouvait être que passionné par la politique, car il a baigné dans la marmite étant petit (comme Obélix), d'autant plus que son père était un passionné qui a retransmis le virus de la politique à ses enfants. En 1986, les deux frères jumeaux ont été élus députés et ils ont siégé avec le père qui a pris sa retraite en 1988. Pendant deux ans, il y a eu trois Debré pour le prix d'un au Palais-Bourbon !

    Mais c'est bien avant qu'il a vraiment fait la connaissance de Jacques Chirac, en 1973, à une époque où, jeune homme de 28 ans, il s'était présenté aux élections législatives et avait perdu : on ne lui avait pas donné une circonscription en or, il s'est démené par son mérite pour arriver à la politique. Jacques Chirac l'a épaulé, l'a coaché, il était son mentor, en quelque sorte. Et au fil des années et des décennies, au fil des fidélités et des vilenies, Jean-Louis Debré est resté le chiraquien fidèle, l'un des rares jusqu'au bout de la route, l'un de ses rares visiteurs quand il était malade.

     

     
     


    Docteur en droit public, juge d'instruction, Jean-Louis Debré, au-delà de ses mandats de député (son successeur dans sa circonscription fut Bruno Le Maire) et de maire d'Évreux, a assumé trois grands mandats dans sa carrière politique.

    Le premier n'était pas une joie et son autorité y était souvent remise en cause : Ministre de l'Intérieur du 18 mai 1995 au 2 juin 1997, je pourrais même dire le premier Ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac Président de la République, mais il aurait sans doute été plus utile au Ministère de la Justice. Jacques Chirac avait besoin d'une personne fiable et fidèle à l'Intérieur, et Jean-Louis Debré, qui n'a jamais tutoyé le Président, n'a jamais trahi Jacques Chirac, notamment pendant la campagne présidentielle de 1995, voir l'anecdote en introduction (alors que son frère Bernard Debré soutenait Édouard Balladur).

    Sa deuxième grande responsabilité a été d'être Président de l'Assemblée Nationale du 25 juin 2002 au 4 mars 2007. Là encore, rien n'était évident pour lui et il a réussi à convaincre la majorité des députés UMP de l'élire, alors que d'autres noms, parfois prestigieux (Édouard Balladur), circulaient pour le perchoir. Ce fut, comme l'a rappelé sa lointaine successeure Yaël Braun-Pivet, « l'honneur d'une vie » et « cinq ans de bonheur absolu ». Sa passion de la chose politique et son respect des institutions ont conduit Jean-Louis Debré à profondément marquer l'Assemblée Nationale par sa fonction. Depuis 1958, il n'y a pas eu beaucoup de Présidents de l'Assemblée à s'être autant distingué : Jacques Chaban-Delmas, Philippe Séguin, et lui (et je pourrais rajouter Yaël Braun-Pivet et Louis Mermaz). Les autres, c'était juste une ligne de plus sur leur CV et leurs gratifications ; pour Jean-Louis Debré, c'était faire vivre la représentation nationale, la moderniser, l'incarner, en particulier à l'étranger.

     

     
     


    Enfin, sa troisième grande responsabilité, il a exercé le mandat de Président du Conseil Constitutionnel du 5 mars 2007 au 5 mars 2016, de manière passionnée mais neutre et impartiale, d'autant plus que son gaullisme originel l'incitait à détester Nicolas Sarkozy et ses attitudes peu gaulliennes (par la suite, après 2016, il n'a pas caché qu'il avait voté pour François Hollande en 2012 !). Laurent Fabius lui a succédé et ce mandat s'achève dans quelques jours au profit de Richard Ferrand.

    Son père Michel Debré avait d'ailleurs refusé la proposition du Président Georges Pompidou de le nommer Président du Conseil Constitutionnel en début 1974, il était pourtant sans doute le plus apte à assumer cette fonction, mais il se méfiait de Georges Pompidou et pensait qu'il voulait se débarrasser (politiquement) de lui, alors que lui-même voulait garder sa liberté, sa partialité, son besoin d'influer sur le cours des choses.

    Retiré de la vie politique en mars 2016, Jean-Louis Debré a fréquenté régulièrement le Salon du Livre mais aussi le théâtre. Il a publié quelques livres de témoignages et d'anecdotes parfois croustillantes, devenu observateur après acteur, et quelques exposés sur des sujets qui l'intéressaient, comme les femmes qui ont réveillé la France, un spectacle au théâtre dans une nouvelle vie, culturelle cette fois-ci, commencée en 2022. Son amour pour l'histoire l'a conduit aussi à présider le Conseil supérieur des archives de 2016 à 2025, après deux prédécesseurs prestigieux, les historiens René Rémond (1988 à 2007) et Georgette Elgey (2007 à 2016).


     

     
     


    Je reviens sur la relation de Jean-Louis Debré avec Jacques Chirac qui l'a pris sous son aile en 1973 en le nommant conseiller technique au Ministère de l'Agriculture (leur première rencontre a eu lieu à l'aéroport d'Orly en juillet 1967, il avait 22 ans et accompagnait Michel Debré pour accueillir De Gaulle de retour de sa visite officielle au Québec, le fameux "vive le Québec libre !"). Soutenant comme son père la candidature de Jacques Chaban-Delmas, il a quitté le cabinet de Jacques Chirac (qui soutenait VGE) mais l'a réintégré à Matignon après l'élection de Valéry Giscard d'Estaing, jusqu'en été 1976. À partir de 1988, Jacques Chirac s'est beaucoup reposé sur la loyauté de Jean-Louis Debré pour maintenir unies ses troupes du RPR, après des tentatives de "rébellion" interne de Charles Pasqua, Philippe Séguin, puis Édouard Balladur.

    Sa liberté de ton, sa passion et son engagement ont fait de Jean-Louis Debré l'une des personnalités politiques les plus respectées de France, à qui même Mathilde Panot a rendu hommage ce matin, un hommage à « un des représentants majeurs d'une droite républicaine qui défendait encore les usages démocratiques ». Il manquera à la République.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jean-Louis Debré.
    Enfant de la République (la Cinquième).
    Haut perché.
    Bernard Debré.
    Michel Debré.

     

     
     




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    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-louis-debre-l-un-des-derniers-259679

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/04/article-sr-20250304-jean-louis-debre.html




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