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démocratie

  • Emmanuel Macron à la télévision : Mélanie avant l'Urgence Océan

    « Question redoutable pour une mort insupportable. Les politiques sont légitimement sommés de trouver des remèdes à une situation révoltante : aucun éducateur ne devrait risquer sa vie en encadrant des adolescents. Et le service public encore une fois, n’a pas su protéger l’un de ses serviteurs. Indignation maximale, parfois surjouée, souvent récupérée, mais pour réclamer quoi ? C’est là que les solutions faciles, que les "y'a qu'à, faut qu'on" viennent soudain buter contre le réel. » (Patrick Cohen, le 11 juin 2025 sur France Inter).



     

     
     


    Le Président de la République Emmanuel Macron était l'invité d'une très longue émission de télévision sur France 2 ce mardi 10 juin 2025. L'émission, intitulée "Urgence Océan" a duré près de deux heures trente et été diffusée en direct dans la soirée depuis la ville de Nice où se tenait la Conférence des Nations Unies sur l'Océan.

    Au contraire de l'émission du 13 mai 2025 sur TF1 où Emmanuel Macron avait maladroitement tenté de revenir dans le jeu de la politique intérieure sans avoir été capable d'annoncer une seule mesure concrète, le chef de l'État n'était pas dans ce cadre, ce mardi, à contre-emploi, au contraire, en plein de son rôle de Président de la République censé prendre de la hauteur et anticiper des enjeux à long terme, dans ce qu'on pourrait appeler une diplomatie du climat.

    Certes, seulement 1,5 million de téléspectateurs étaient à l'appel ce mardi soir, mais pour une émission de cette qualité, c'était en fait déjà beaucoup. La longue durée était nécessaire pour présenter les sujets techniques et scientifiques (Thomas Pesquet, entre autres, était parmi les invités), et je recommande vivement de visionner cette émission (vidéo en fin d'article).

     

     
     


    Toutefois, l'actualité très chaude de la journée, un pays sous le coup de l'émotion du meurtre de Mélanie, assistante d'éducation à Nogent, en Haute-Marne, par un collégien de 14 ans, a provoqué un nécessaire changement dans l'émission en permettant au Président de la République de consacrer son premier quart d'heure à ce drame terrible.

    Au-delà de l'expression de son émotion, Emmanuel Macron est revenu en effet sur les mesures pouvant empêcher de nouveaux drames de ce type : un adolescent utilisant une arme blanche, un couteau, pour tuer une personne. Il a ainsi insisté sur l'importance d'interdire la vente de couteau aux adolescents de moins de 15 ans.


    Dans l'après-midi du 11 juin 2025, le Premier Ministre François Bayrou a confirmé au Sénat cette mesure : « Il n'est pas normal que la détention d'armes par des adolescents se développe ainsi. Nous allons interdire la vente de ces armes aux mineurs et multiplier les contrôles de port d'armes. (…) En particulier, on ne pourra plus livrer par internet ce type d'armes sans la signature d'un adulte. ».
     

     
     


    Mais tout le développement d'Emmanuel Macron sur la vente des couteaux m'a paru un peu vain. En effet, dans le cas du meurtre à Nogent, l'adolescent avait pris un couteau de 34 centimètres dans la cuisine de ses parents. Rien ne pourra empêcher un adolescent de dérober ou d'acquérir une arme blanche. On peut bien sûr lui mettre plus d'obstacles, mais ce n'est pas une mesure vraiment efficace.

    Du reste, je dois donner ma propre expérience. À l'Assemblée Nationale le 10 juin 2025, François Bayrou avait confié cette anecdote qui n'a pas été diffusée avec beaucoup d'écho et pourtant, très significative : « C’est une décomposition de la société dans laquelle nous vivons et c’est le surgissement de pratiques de vie communes. L’un de mes collègues disait à l’instant tout bas que son petit garçon de 10 ans lui a demandé quand il pourrait avoir un couteau à l’école. Cela concerne tous les milieux. ».

    J'ai réfléchi à cette anecdote et je me suis rappelé qu'au même âge, autour de 10 ans, et même 9 ans, lorsque j'étais en colonie de vacances, j'étais dans le même état d'esprit, nous voulions, nous, moi et mes compagnons de vacances, avoir des couteaux, des canifs, c'étaient soit des canifs multifonctions (des couteaux suisses), soit des opinels. En montagne, en randonnée, nous étions contents de disposer d'un tel couteau, pour faire des arcs ou encore pour jouer entre nous (nous nous lancions le couteau dans le sol). Précisons, pour rassurer, qu'il n'était pas question d'utiliser ces couteaux comme des armes, mais plutôt comme des accessoires de jeu que nous savions dangereux et auxquels nous faisions attention. Pendant longtemps, j'ai gardé un canif dans ma poche comme pas mal d'hommes (il me semble), jusqu'aux premières vagues d'attentats et à l'instauration des plans Vigipirate ou de ses premiers équivalents, qui interdisait le passage dans certains lieux avec de tels objets considérés comme des armes blanches.

    Dans son analyse, Emmanuel Macron a voulu donner une explication de cette supposée recrudescence des violences d'adolescents : d'une part, l'explosion des familles, la cellule familiale permettait d'instaurer un certain nombre de valeurs et aussi un dialogue au sein de la famille ; d'autre part, les réseaux sociaux, où l'enfant s'isole dans une bulle totalement irréelle l'incitant parfois de passer à l'acte.

    Il est ressorti de cette analyse que le Président de la République militait très fermement pour l'interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans et donc, pour obliger les plate-formes des réseaux sociaux à vérifier que leurs utilisateurs aient plus de 15 ans, comme cela était le cas à 18 ans pour les sites à contenu pornographique.

    Au Sénat le mercredi, François Bayrou a reparlé de cette mesure : « Le Président de la République s'est exprimé plusieurs fois sur l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, qui relève de la compétence de l'Union Européenne. Il l'a dit hier : si l'Union Européenne ne nous suit pas, nous prendrons nos responsabilités en ouvrant ce chemin pour la France. ».


    Là encore, si dans le cas général, il peut y avoir un effet, dans le cas du meurtre de Mélanie, le mis en cause était peu présent dans les réseaux sociaux et ces derniers ne sont donc pas en cause dans cette contribution au passage à l'acte.

    Deux choses graves ont notamment motivé le meurtre de Mélanie : l'adolescent n'a eu aucune empathie pour sa victime ni ses proches, il se moque qu'elle soit tuée ; la présence de cinq gendarmes à l'entrée de l'établissement ne l'a pas empêché de passer à l'acte. La peur du gendarme n'a pas fonctionné ou a pesé peu face à l'extrême violence qu'il avait en lui.

    La troisième vague de mesures, confirmée par François Bayrou au Sénat, concerne la santé mentale : « Nous devons traiter la question des auteurs, la main qui tient l'arme. Un travail considérable est à mener pour protéger la santé mentale des jeunes. À l'adolescence, certains basculent en quelques jours (…) : ce garçon était référent harcèlement et n'était pas considéré comme ayant des problèmes. Tous les signes d'un risque de basculement doivent être identifiés ; nous devons former à cet égard les enseignants et les élèves eux-mêmes. ».

    Mais sans doute que le plus important reste la carence éducative des parents que nul ne peut remplacer, et surtout pas l'État. Comme l'a expliqué Emmanuel Macron, l'explosion des familles a fait perdre beaucoup de repères aux enfants, la notion de bien et de mal, aussi la notion de réalité et de virtualité. L'existence de l'autre, le respect qui est dû à l'autre, son intégrité physique.

    C'est ce que proposait aussi le journaliste Patrick Cohen dans sa chronique sur France Inter le 11 juin 2025 : « Prendre enfin à bras le corps le sujet de la santé mentale des jeunes, pour laquelle les alertes se multiplient depuis la fin de la crise du covid. Miser sur la prévention. Arrêter de faire croire qu’il est possible de tout contrôler et de tout empêcher. ».

    D'ailleurs, l'éditorialiste a voulu pondérer les impressions sur la violence des adolescents : « D’abord l’usage des couteaux n’a rien de français, le fléau est européen. Pour la seule ville de Londres, 10 adolescents sont morts poignardés l’an dernier, 18 en 2023. Ensuite, les chiffres globaux de la délinquance des mineurs en France vont à rebours de ceux qui vous parlent d’ensauvagement généralisé ou d’un pays à feu et à sang. En sept ans, cette délinquance a baissé de 25% ! 65 000 mineurs poursuivis par la justice en 2016. 48 000 en 2023. Avec un recul presque similaire des condamnés, ainsi que des mis en cause par la police et la gendarmerie. En revanche, les actes les plus violents ont bondi. Le nombre d’adolescents poursuivis pour meurtre ou tentative d’homicide, a plus que doublé : 108 en 2016. 255 en 2023. Narcotrafic et règlements de comptes. Cela reste à la fois très minoritaire et très médiatisé. ».


    Sur France 5, ce mercredi 11 juin 2025, le docteur Jean-David Zeitoun, spécialiste en épidémiologie clinique et auteur d'un essai sur les causes de la violence, expliquait que la violence n'a cessé de se réduire depuis sept cents ans ! D'un rapport cinquante. On était beaucoup plus violent dans le passé, mais cela reste encore à un niveau aujourd'hui inacceptable.

    Le Président du Sénat Gérard Larcher a ouvert la séance du 11 juin 2025 par une minute de silence, comme ses collègues députés la veille : « Aucune forme de violence n'a sa place au sein de l'école de la République. Face à la multiplication de ces événements tragiques, nous devons agir collectivement pour renforcer la sécurité des élèves et du personnel qui les encadre, afin que de tels drames ne puissent se reproduire. ». Dans ce domaine, la démagogie et la récupération politique ne sont d'aucune utilité.
     

     
     


    Je voulais évoquer la prestation télévisée d'Emmanuel Macron, mais c'est le drame de Nogent qui est revenu, pressant, imposant, dans les esprits. Oui, c'est important, essentiel même, de se préoccuper du combat pour le climat, du combat pour préserver l'océan. Mais à l'évidence, cette émission pédagogique est arrivée au plus mauvais moment. Elle a au moins le mérite d'avoir été faite et de pouvoir être regardée de nouveau pour bien comprendre les phénomènes en jeu.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron à la télévision : Mélanie avant l'Urgence Océan.
    Mélanie, la douceur incarnée.
    Sidération institutionnelle.
    Il y a un an, la dissolution !
    La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs.
    Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou.
    Interview de François Bayrou le 27 mai 2025 sur BFMTV (vidéo intégrale).

    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250610-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-a-la-television-261459

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/11/article-sr-20250610-macron.html


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  • Il y a un an, la dissolution !

    « [Le Président de la République] ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit ces élections. » (Article 12 de la Constitution).




     

     
     


    La dissolution prononcée par le Président de la République Emmanuel Macron le 9 juin 2024, une heure après la fermeture des bureaux de vote pour les élections européennes, a désormais un an. C'est encore insuffisant pour qu'il retrouve son droit de dissolution. Il faudra attendre le 7 juillet 2025. Ne tournons pas autour du pot : c'était une erreur politique, une énorme erreur politique.

    Une erreur comme il en existe peu dans l'histoire des Présidents de la Cinquième République. Une erreur comme le 21 avril 1997.

     

     
     


    Certes, recourir au peuple ne devrait jamais être une erreur, mais pas comme ça, pas à chaud, sous le coup de l'émotion, pas juste après un scrutin déjà très polarisé, pas au début des vacances estivales, pas avec cette impression de se faire "violer" l'urne (car il y a eu cette impression pour de nombreux électeurs français).

    Ce n'est pas tant l'échec du camp présidentiel qui est une erreur (c'est un échec électoral, mais ces élections pouvaient avoir leur justification) que le fait d'avoir sidéré une majorité des Français, dans une sorte d'électrochoc qui a, finalement, été salutaire à bien des égards.

    Que croyait le Président de la Président ? Gagner ces élections anticipées par l'effet de surprise ? Quelques jours seulement après un scrutin très clair sur le plan politique ? Croire au Père Noël serait à peu près de la même veine. Ou alors essayer une cohabitation douteuse avec le Rassemblement national pour faire comme en 1988 ? Mais Emmanuel Macron ne peut plus se représenter.

    Pourtant, il ne faut pas négliger que les résultats n'ont pas été ce qu'on croyait. Les sondages donnaient gagnant le RN et ce n'est pas le RN qui a gagné. En ce sens, lorsqu'il disait qu'il fallait espérer, ne pas croire à la fatalité politique, ne pas succomber aux sondages, il avait raison.

     

     
     


    La situation politique a-t-elle été pour autant retournée ? Pas du tout. Elle est politiquement pire qu'avant la dissolution.

    Avant la dissolution, le bloc présidentiel (Renaissance, MoDem, Horizons) n'avait certes pas la majorité absolue, mais avec LR, cette majorité absolue existait. En d'autres termes, aucune motion de censure ne pouvait être adoptée sans l'aval de LR. Après la dissolution, le socle commun (bloc présidentiel et LR) n'a plus de majorité absolue et ne peut plus empêcher l'adoption d'une motion de censure résultant d'une collusion entre l'extrême droite, l'extrême gauche... et le parti socialiste. Cela s'est passé avec la censure contre le gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre 2024.
     

     
     


    Mais il n'y a pas que le camp présidentiel qui a perdu avec la dissolution. Le RN a aussi beaucoup perdu en crédibilité et il a semblé avoir perdu une occasion unique d'arriver au pouvoir. Certes, les sondages le donnent encore gagnant à de prochaines éventuelles élections législatives, mais comme en été 2024 : cela signifie qu'une nouvelle dissolution n'aurait aucune utilité car les rapports de force resteront sensiblement les mêmes.

    De même, la gauche, la dissolution n'a pas réussi à lui redonner une dynamique de pouvoir. D'une part, encore une fois, c'est faux de dire que la nouvelle farce populaire ait gagné les élections de 2024, car le socle commun a plus de voix que l'ensemble de la gauche, en sachant d'ailleurs que cette gauche-là n'est d'accord sur rien. D'autre part, elle a mis en évidence l'extrême nocivité de la gauche populiste et islamo-gauchiste et l'extrême faiblesse de la gauche de gouvernement que le congrès du PS vient même de confirmer récemment.
     

     
     


    Toutefois, une formation politique tire son épingle du jeu, Les Républicains. En revenant au pouvoir, LR a gagné en crédibilité alors qu'il devenait urgent pour ce parti de faire preuve de responsabilité après douze années d'opposition (la plus longue période d'opposition pour ce courant politique était auparavant de seulement cinq années !). De plus, le dernier congrès de LR en mai 2025 a permis de lever l'hypothèque de Laurent Wauquiez dont l'impopularité aurait fait couler LR avec lui, comme en 2019. Des ministres LR, un congrès réussi (réussissant à mobiliser de nombreux adhérents, au contraire du PS), la clef de voûte, c'est Bruno Retailleau dont l'avenir dépendra surtout de son action, et de la perception de son action, au Ministère de l'Intérieur.

    Pour autant, est-ce un échec politique complet pour Emmanuel Macron ? Eh non ! Sur le plan politique, la configuration extrêmement serrée de l'Assemblée lui a permis d'obtenir ce qu'il n'avait pas obtenu entre juin 2022 et juillet 2024, à savoir, d'une part, la participation de LR au gouvernement, et d'autre part, la bienveillante neutralité du PS. Il ne doit cette dernière, du reste, que par la grande habileté du Premier Ministre François Bayrou (qui a encore échappé à une motion de censure) et nul autre ne saurait s'en prévaloir.

     

     
     


    Bien sûr, l'enjeu des prochains mois sera le budget de 2026 et surtout, la réduction du déficit abyssal. Pour François Bayrou, cela paraît mission impossible, mais il faut noter que le mode de gouvernance est assez nouveau : il n'a déposé aucun projet de loi en dehors des lois de finances. Ainsi, il laisse les parlementaires légiférer, soutenant à l'occasion une proposition ou une autre. François Bayrou essaie de prouver que son amour du régime parlementaire n'est pas vain et nul doute que les socialistes sont très sensibles à ce sujet.

    Cette guerre de position peut-elle durer à l'Assemblée ? Peut-être. Dans un mois, Emmanuel Macron retrouve son pouvoir de dissolution. C'est plus facile d'éviter une censure avec un tel pouvoir, car la censure impliquerait pour les députés leur propre censure.

     

     
     


    Le RN serait prêt à une nouvelle dissolution, enfin, c'est ce qu'il prétend, car en 2024, au contraire, il n'était pas prêt du tout, et si dissolution signifie anticipation de l'élection présidentielle, alors il n'est pas du tout prêt à cause de l'inéligibilité actuelle de Marine Le Pen qui a tout intérêt à préserver le calendrier originel de l'élection présidentielle.

    La gauche n'a pas non plus intérêt à une nouvelle dissolution car elle ne sait pas du tout si elle retrouverait ses sièges actuels. Les outrances de Jean-Luc Mélenchon et la mollesse d'Olivier Faure pourraient sérieusement encourager dans leur électorat l'abstention voire la reconnaissance des réussites d'Emmanuel Macron sur de nombreux sujets (en particulier, économiques ; je répète, la France toujours première puissance européenne pour l'attractivité des investisseurs).

    Paradoxalement, si la situation est beaucoup plus fragile qu'avant la dissolution, elle peut aussi être plus performante en ce sens que le gouvernement aurait plus les moyens de réformer le pays par cet équilibre précaire. Ce sera alors le grand exploit de François Bayrou.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Sidération institutionnelle.
    Il y a un an, la dissolution !
    La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs.
    Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou.
    Interview de François Bayrou le 27 mai 2025 sur BFMTV (vidéo intégrale).

    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
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    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
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    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
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    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
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    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
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    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250609-dissolution.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/il-y-a-un-an-la-dissolution-261386

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/09/article-sr-20250609-dissolution.html




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  • Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou

    « La motion de censure que nous examinons cet après-midi est unique en son genre : c’est la première fois que l’Assemblée Nationale est invitée à voter contre l’Assemblée Nationale. » (François Bayrou, le 4 juin 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Placée au milieu de l'examen de la proposition de loi relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues, l'examen de la septième motion de censure contre le gouvernent Bayrou a eu lieu ce mercredi 4 juin 2025 après-midi à l'Assemblée Nationale.

    Déposée par 58 députés insoumis, cette motion de censure, la 154e de la Cinquième République, comme l'a rappelé le Premier Ministre François Bayrou, faisait suite à l'adoption de la motion de rejet préalable de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur le lundi 26 mai 2025.

    Revenons rapidement sur cet épisode : cette proposition de loi, dite proposition de loi Duplomb du nom du sénateur Laurent Duplomb qui l'a initiée et déposée le 1er novembre 2024 (avec un autre collègue sénateur), a été adoptée par le Sénat le 27 janvier 2025 en première lecture. Elle vise à faciliter l'activité des agriculteurs et contient quelques mesures fortement contestées par les écologistes notamment sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Ce texte a été adopté (après des modifications) par la commission des affaires économiques le 16 mai 2025 et, porté par son rapporteur Julien Dive (LR), devait être débattu en séance publique le 26 mai 2025.

    Mais le trop grand nombre d'amendements déposés par la gauche, en particulier par les insoumis et les écologistes, à savoir 3 455, faisait craindre un enlisement des débats et même une obstruction du texte. Trois semaines auraient été nécessaires pour en venir à bout. C'est pourquoi le rapporteur ainsi que les présidents des groupes du socle commun, à savoir Julien Dive, Laurent Wauquiez (LR), Gabriel Attal (Renaissance), Marc Fesneau (MoDem) et Paul Christophe (Horizons) ont déposé une motion de rejet préalable qui a été adoptée par 274 voix pour (sur 402 votants), 121 voix contre, 7 abstentions (scrutin n°2105).

     

     
     


    Parmi les 274 pour, se trouvaient 105 députés RN, 56 députés Renaissance, 41 députés LR, 21 députés MoDem, 24 députés Horizons, 13 députés LIOT et 11 députés ciottistes. Parmi les 121 contre, se trouvaient 47 députés insoumis, 25 députés socialistes, 36 députés écologistes et 6 députés communistes. En outre, 5 députés de Renaissance et du MoDem (dont Éric Bothorel et Richard Ramos) ont voté contre cette motion de rejet. Comme on le voit, le RN a voté en masse pour cette motion avec la plupart des députés de la majorité du socle commun.
     

     
     


    La conséquence de ce rejet, c'est la formation le 28 mai 2025 d'une commission mixte paritaire(CMP) composée de 7 députés et 7 sénateurs chargés de proposer un texte identique aux deux assemblées... sur la base du texte adopté le 27 janvier 2025 par le Sénat.

    Pour les insoumis, le vote de la motion de rejet préalable par les promoteurs même du texte est la preuve d'une manœuvre de procédure pour éviter le débat et court-circuiter l'Assemblée Nationale, ce qui permet de revenir avec le texte adopté par le sénateur qui sera le document de travail de la commission mixte paritaire.

    C'est ce qu'a expliqué la députée insoumise Mathilde Hignet ce 4 juin 2025 pour défendre la motion de censure déposée par son groupe : « Pour se passer du vote de l’Assemblée, toutes les manœuvres sont bonnes. Après les 49.3 à répétition, l’examen de la proposition de loi dite Duplomb, future loi "pesticides", future loi "agrobusiness", vous conduit à aller encore plus loin en recourant à un 49.3 déguisé : pour la première fois depuis quarante ans, le rapporteur dépose une motion de rejet préalable de son propre texte, ou plutôt du texte dicté par les lobbys de l’agrobusiness et par M. Rousseau, le patron de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Nos concitoyens et concitoyennes doivent comprendre que cette manœuvre ne vise qu’à contourner le débat, le vote des députés : c’est ainsi uniquement la version du texte issue de son examen par le Sénat, et dérangeant même dans vos rangs, chers collègues macronistes, qui sera soumise à la commission mixte paritaire, sept députés, sept sénateurs, loin d’être choisis au hasard, chargés de déterminer à huis clos la mouture finale d’un texte dangereux pour la santé, pour la biodiversité. Privés de notre droit, en tant que parlementaires, de débattre de ce texte, de son impact sur la santé et la planète, face à un gouvernement qui nous mène à la catastrophe, nous déposons cette motion de censure. ».
     

     
     


    Cette députée dit un peu n'importe quoi sur le plan institutionnel car l'article 49 alinéa 3, qui fait partie de notre Constitution approuvée très largement par le peuple français, vise à approuver un texte dans sa globalité alors que la motion de rejet préalable, c'est exactement l'inverse.

    Mathilde Hignet a néanmoins évoqué le fond du débat : « En vérité, vous aviez peur que l’Assemblée, sous pression populaire, ne vote pas comme le souhaite ce gouvernement au service des puissants ; peur qu’un débat public n’expose à tous les yeux l’arnaque que constitue ce texte ; peur que le contenu des amendements retenus en commission, votés par certains dans vos rangs, se retrouve dans la loi. (…) Souvenez-vous ! Souvenez-vous de Christian Jouault, agriculteur, décédé en avril dernier après s’être battu contre une leucémie, un lymphome, un cancer de la prostate, maladies toutes reconnues comme liées aux pesticides. Sous couvert de sauver des filières, vous souhaitez réintroduire un néonicotinoïde, l’acétamipride, dangereux pour l’environnement et la santé. Quelles seront les conséquences d’une telle décision ? Souvenez-vous, collègues, d’Alain Chotard, agriculteur, décédé ce 31 mai après avoir lutté pendant trente ans contre la maladie de Parkinson, elle aussi causée par les pesticides ! Les ravages de ces derniers ne s’arrêtent pas à la lisière des champs : ouvriers de l’agro-industrie, fleuristes, paysagistes, voisins, nous sommes tous concernés. Souvenez-vous de Pascal, décédé d’un cancer lymphatique après avoir été exposé aux pesticides durant vingt-trois ans dans le cadre de son travail de jardinier municipal ! Sacrifier la santé des agriculteurs, des citoyens, aux profits de quelques-uns, voilà ce que vous vous apprêtez à faire. Même la santé des enfants est menacée ! Souvenez-vous d’Emmy, décédée à 11 ans après sept ans de souffrances : la cour d’appel de Rennes a confirmé que sa leucémie avait été causée par l’intoxication aux pesticides, pendant la grossesse, de sa maman, fleuriste. Lorsque vous visiterez, dans votre circonscription, un service d’oncologie pédiatrique, souvenez-vous du texte que vous aurez laissé passer, alors que les médecins alertent désormais au sujet de l’exposition des enfants au cadmium, notamment présent dans les céréales, les pommes de terre, et des risques de cancer du rein ou du foie qui en découlent ! Cette proposition de loi ne règle rien, elle acte les impasses économiques dans lesquelles s’est embourbé notre modèle agricole. Ainsi la prolifération des ravageurs des vergers de noisetiers a-t-elle été facilitée par le doublement, en France, de la surface de ces derniers depuis 2010, une monoculture et une concentration de la production encouragées par Ferrero, qui souhaite gonfler ses 751 millions de bénéfices. Non content de détruire les écosystèmes de l’Indonésie afin de produire de l’huile de palme, Ferrero contribue à la pollution de l’eau et des sols. (…) S’aligner sur le moins-disant ne nous rendra pas plus compétitifs : cela ne fera qu’appauvrir les travailleurs des industries agroalimentaires. Après les normes environnementales, alignerez-vous sur les autres pays la rémunération des agriculteurs ? Leur avenir, est-ce le salaire des pays de l’Est ? Pensez-vous vraiment que relever pour les élevages les seuils à partir desquels s’applique la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) permettra aux éleveurs porcins de contrer la Chine et ses 650 000 cochons élevés dans un immeuble en béton de vingt-six étages ? Lorsque vous évoquez la concurrence mondiale, faites donc preuve d’honnêteté : nos concurrents produisent davantage et moins cher, mais dans quelles conditions ? Enviez-vous à ce point les fermes géantes américaines, avec leurs champs d’OGM à perte de vue, leurs salariés bien souvent immigrés et sous-payés ? Assez de cette course au profit qui sert seulement les intérêts de quelques-uns, assez de cette concurrence déloyale, assez de laisser ceux d’en haut dicter la loi ! ».

     

     
     


    La réponse du Premier Ministre s'est d'abord faite sur sa surprise sur le plan institutionnel : « Nous vivons un moment intéressant (…). Les motions de censure étaient alors généralement déposées par les oppositions contre le gouvernement, par la droite contre la gauche, par la gauche contre la droite, par la gauche et la droite associées contre le centre, et avaient toutes un point commun : elles invitaient l’Assemblée Nationale à voter contre le gouvernement. La motion de censure que nous examinons cet après-midi est unique en son genre : c’est la première fois que l’Assemblée Nationale est invitée à voter contre l’Assemblée Nationale. En effet, la raison, ou plutôt le prétexte, de cette motion de censure est le vote d’une motion de rejet préalable sur un texte d’origine parlementaire, adopté en première lecture par le Sénat. Cette motion de rejet, demandée par quatre des groupes parlementaires de cette assemblée, a recueilli 274 voix contre 121, soit la majorité absolue des votants. Ainsi, l’Assemblée n’est pas contente de l’Assemblée et elle se propose, à la demande de cinquante-huit de ses membres, de manifester le mécontentement qu’elle éprouve à son propre égard en renversant le gouvernement ! Résumons : le gouvernement n’est pas à l’origine de ce texte, il n’est pas à l’origine de son adoption, il n’est pas à l’origine de la motion de rejet préalable, mais il est coupable, forcément coupable, comme le disait Marguerite Duras. ».

    Prônant la démocratie parlementaire, François Bayrou a voulu laisser une plus grande marge de manœuvre au Parlement : « Depuis que ce gouvernement est entré en fonction, il a veillé sans cesse à ce que les prérogatives du Parlement soient respectées, qu’elles s’expriment librement et qu’elles contribuent à résoudre les problèmes qui se posent à nous. Je l’ai affirmé dès notre déclaration de politique générale et je le réaffirme aujourd’hui : la capacité d’action de l’État dépend de la bonne coopération entre le Parlement et l’exécutif. Face aux défis sans précédent qui nous attendent, je crois plus que jamais à la coresponsabilité. Nos institutions invitent à avoir un Parlement fort, un gouvernement fort et un Président fort. Néanmoins, nous devons admettre que nous faisons face, collectivement, à une difficulté que nous ne parvenons pas à surmonter. Les parlementaires, les citoyens et, bien sûr, le gouvernement souhaitent ardemment des réformes. En France, ces réformes passent souvent par des lois. Pourtant, depuis presque six mois, le Parlement ne parvient pas à examiner les textes nécessaires. L’ordre du jour est devenu un casse-tête, les amendements se multiplient, leur nombre double de législature en législature, les débats s’éternisent. Chaque jour, les parlementaires, les commissions, les groupes, les ministres et les observateurs réclament l’inscription de textes nécessaires à l’ordre du jour de l’Assemblée. Pourtant, l’examen de ces textes est rendu impossible à cause de l’engorgement parlementaire délibérément créé au sein de cet hémicycle. (…) Cette situation crée une grande frustration pour les parlementaires sur tous les bancs de l’hémicycle, pour le gouvernement et surtout pour nos concitoyens. Cela n’est bon pour personne. Ce blocage se retourne contre le Parlement lui-même. Les seuls véritables adversaires au bon fonctionnement du Parlement sont ceux qui recourent constamment à l’obstruction et au blocage. Ils cherchent par tous les moyens à miner son travail, à remettre en question sa légitimité et, in fine, à le discréditer aux yeux de nos concitoyens. Nous le constatons chaque jour davantage. Par conséquent, ces adversaires ne sont pas le gouvernement ; ils siègent sur les bancs de cet hémicycle, et empêchent le Parlement de faire son travail. ».

     

     
     


    Justifiant le choix par l'Assemblée du vote de la motion de rejet, François Bayrou a rappelé que cette procédure est parfaitement démocratique : « Le choix qu’ont fait les députés en votant la motion de rejet que vous mettez en cause ne dissimule aucune volonté d’empêcher le débat. Il ne clôt en rien le travail parlementaire : la prochaine étape du texte, la commission mixte paritaire, est le lieu où se construit l’équilibre, le consensus ou le compromis entre les deux chambres du Parlement. C’est une procédure parfaitement régulière, prévue par la Constitution de 1958 et par les règlements des assemblées parlementaires. Elle est fréquemment utilisée sur une très large majorité de textes. La possibilité de voter une motion de rejet est tout aussi régulière, puisqu’elle est également instituée par les textes encadrant le travail parlementaire. Dois-je rappeler à votre groupe qu’il a déposé pas moins de quatorze motions de rejet depuis le début de cette législature, c’est-à-dire depuis septembre 2024 ? Dans cet hémicycle, votre groupe est le recordman de la motion de rejet. Parmi les dix-huit motions déposées par l’opposition, vous en avez déposé quatorze, et vous en avez même fait adopter deux. Vous avez employé la motion de rejet contre des textes portant sur des sujets importants, que nos concitoyens attendaient : la lutte contre le narcotrafic, la sécurité dans les transports, la simplification administrative… Vous utilisez la motion de rejet comme un instrument dans votre stratégie délibérée et continue d’obstruction, qui mène à l’immobilisme. C’est uniquement parce que la proposition de loi des sénateurs Duplomb et Menonville était victime de vos manœuvres d’obstruction qu’une motion de rejet a été déposée puis votée. ».

    En revanche, le Premier Ministre a dénoncé la volonté d'obstruction des promoteurs de cette motion de censure : « Sur ce texte, dont plusieurs mesures sont vitales pour notre agriculture, 3 500 amendements ont été déposés, dont plus de 1 500 par le groupe Écologiste et social et 850 par le groupe La France insoumise. Ces amendements ne contribuent pas à la qualité du débat, ils cherchent plutôt à l’enliser. Je donnerai deux exemples pour que les Français sachent dans quel degré d’enlisement vous essayez d’entraîner le débat. Un amendement propose de remplacer les mots "un mois" par les mots "trente jours". Un autre amendement propose de remplacer le mot "finalité" par le mot "but". Je doute que ces deux modifications répondent aux besoins les plus pressants de l’agriculture française. Avec un rythme d’examen correspondant à allouer trois minutes de débat à chaque amendement, ces 3 500 amendements auraient représenté trois semaines d’examen en séance. Ces trois semaines d’examen auraient empêché la discussion d’autres textes que nos concitoyens attendent pourtant, comme le projet de loi sur Mayotte ou le texte sur l’énergie. Le gouvernement a proposé de mettre en place la procédure du temps législatif programmé ; votre groupe s’y est opposé. Devant l’ampleur des difficultés que nous avons à surmonter, cette stratégie d’obstruction ne constitue pas une attitude responsable. Depuis son entrée en fonction, le gouvernement s’est employé à faire avancer vingt-huit textes adoptés par le Parlement, comme la loi d’urgence pour Mayotte en février, la loi d’orientation agricole en mars, les lois sur le narcotrafic et sur la sécurité dans les transports au mois d’avril. Sur ces bancs, nombreux sont ceux qui considèrent ces jeux d’obstruction comme particulièrement déplacés compte tenu de l’importance des sujets examinés. ».

    Sur le fond, François Bayrou a énoncé la conviction du gouvernement : « Il s’agit là de notre agriculture, de nos agriculteurs, et de la conciliation entre la reconquête de la production agricole et le respect de l’environnement et de la santé publique. Ces sujets sont d’une importance vitale pour notre pays et méritent un débat sur le fond. La conviction du gouvernement est que l’agriculture et le respect de l’environnement sont deux aspects du même combat. Notre ambition pour l’agriculture française est qu’elle garde et renforce son haut niveau d’exigence en matière environnementale, sanitaire et sociale. Nous savons qu’il n’y aura ni souveraineté agricole française ni sécurité alimentaire si notre agriculture n’atteint pas la triple performance économique, qualitative et environnementale. Cet objectif est très largement partagé sur ces bancs, comme cela a été montré par le vote à une large majorité de la motion de rejet pour que le texte puisse enfin être adopté. Il suffit de regarder la situation et les chiffres. ».

    Et de faire un constat alarmant sur la situation de l'agriculture française : « La France était habituée aux excédents agricoles. Pourtant, en 2025, le solde agroalimentaire est déficitaire pour le troisième trimestre consécutif. Il se situe à un niveau très dégradé. Derrière les atouts historiques de la France dans le domaine agroalimentaire, une myriade de déficits commerciaux se détache pour plusieurs catégories de produits : la catégorie des fruits et légumes enregistre 7 milliards d’euros de déficit en 2024 ; les produits d’épicerie, plus de 6 milliards ; les produits d’origine aquatique, 5 milliards ; les viandes et les produits carnés, plus de 3 milliards. Je prends quelques exemples plus spécifiques : pour les tomates, on note un déficit de 393 millions d’euros ; pour les poivrons, 232 millions ; pour les fraises, 143 millions ; pour les poires, 94 millions. Sans une action rapide et sans des moyens adaptés pour soutenir la capacité productive de l’agriculture française, tous nos discours en faveur de la souveraineté agricole et de la sécurité alimentaire se révéleront des vœux pieux. Le texte qui a provoqué cette nouvelle motion de censure a été travaillé avec soin par le Sénat et par les commissions. Il entend permettre à nos agriculteurs de vivre de leur travail tout en continuant à nourrir notre pays dans la durée. Nous ne fragiliserons pas nos producteurs en laissant perdurer des complexités et des distorsions déloyales de concurrence. L’immense majorité des néonicotinoïdes a été interdite ces dernières années. Une seule substance, l’acétamipride, interdite en France, reste autorisée dans les vingt-six autres pays de l’Union Européenne. Interdire à nos agriculteurs de recourir à un produit principalement utilisé pour la culture des noisettes revient à leur imposer une distorsion de concurrence. Les producteurs de noisettes sont un peu plus de 300 en France. Ces nuciculteurs sont à la tête d’exploitations qui ne mesurent pas plus d’une dizaine d’hectares, ce qui représente une part infime de l’espace agricole français, l’équivalent d’un timbre-poste sur un terrain de football. Toutes les noisettes que vous consommez viennent de Turquie ou d’autres pays européens et ont été traitées avec des substances de cet ordre. Vous faites en sorte... Cette vérité semble vous déranger. Vous voulez interdire aux producteurs français d’utiliser un produit considéré comme acceptable dans tous les autres pays européens. Cela revient à rayer de la carte les producteurs français ! Nos agriculteurs vivent un drame que vos actions nourrissent. ».

    Pas étonnant, donc, que l'ancien agriculteur soit resté l'un des plus grands défenseurs des agriculteurs : « Pendant très longtemps, des décennies, voire des siècles, ils ont été considérés comme les meilleurs connaisseurs et les meilleurs protecteurs de la nature. Les campagnes menées contre eux depuis plusieurs années leur ont donné le sentiment d’être pris pour cible et d’être abandonnés. On attaque le cœur de leur vocation, de leur métier, l’amour qu’ils portent à la nature et à leurs terres. Ce n’est pas la faute des lobbyistes, mais de ceux qui intentent un procès infondé à l’agriculture française. C’est vous qui êtes responsables ! La majorité de l’Assemblée s’est exprimée sur ce sujet. Nos agriculteurs savent qu’agriculture et écologie ne pourront être séparées. C’est ce qu’illustre la question de l’eau : sans eau, pas d’agriculture. L’accès à l’eau doit être facilité, mais il convient de réfléchir dans le même temps à un usage responsable de cette ressource, territoire par territoire. Pour trouver ces nouveaux équilibres, nous lançons dès ce mois-ci les conférences territoriales sur l’eau, qui auront lieu d’ici au mois d’octobre. La feuille de route est claire : définir un meilleur partage de la ressource tout en anticipant les risques. Les défenseurs du texte affirment simplement qu’un équilibre de long terme est à trouver entre l’allégement des contraintes qui pèsent sur le travail des agriculteurs et le respect des impératifs environnementaux et de santé publique. Au nom du gouvernement, j’assure de notre confiance les deux chambres du Parlement, qui, représentées au sein de la commission mixte paritaire, parviendront à trouver cet équilibre vital pour nos agriculteurs et notre société. ».

    Après l'intervention d'un orateur par groupe politique, les députés sont passés au vote. À 16 heures 30, la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a annoncé les résultats du vote. Sans surprise, la motion de censure a été rejetée. Seuls 116 députés ont voté en sa faveur alors qu'il en fallait 289. L'analyse du scrutin (n°2222) montre qu'ont voté la motion de censure 71 députés insoumis sur 71, 36 députés écologistes sur 38, 8 députés communistes sur 17 et 1 député socialiste sur 66.

     
     


    Encore une fois, cette motion de censure des insoumis est tombée dans l'eau. Incontestablement, à la veille de leur congrès crucial, les socialistes ont refusé la stratégie du chaos voulue par Jean-Luc Mélenchon. François Bayrou bénéficie ainsi d'une relative stabilité, celle d'empêcher une collusion entre les députés RN et les députés socialistes qui pourrait les conduire à voter ensemble une même motion de censure. Pour les insoumis, ce n'est que partie remise et ils restent convaincus que ...la huitième motion de censure sera la bonne. Quant au gouvernement, il va bosser sur le budget 2026 qui est la principale difficulté du semestre qui va venir.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs.
    Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou.
    Interview de François Bayrou le 27 mai 2025 sur BFMTV (vidéo intégrale).

    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250604-motion-de-censure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-rejet-de-la-7e-motion-de-261367

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/04/article-sr-20250604-motion-de-censure.html



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  • La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs

  • Alfred Dreyfus bientôt général ?

    « La présente proposition de loi est individuelle et singulière. Elle vise à réparer un cas individuel et singulier, hors normes et sans comparaison sous la République. Elle ne crée aucun précédent. » (Charles Sitzenstuhl, le 2 juin 2025 dans l'hémicycle).





     

     
     


    Il y a eu, le lundi 2 juin 2025 sur le coup de 17 heures 30, dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale, une sorte de retour vers le passé exceptionnel, une sorte de construction moderne d'une histoire pourtant ancienne. Pour assister à cette séance publique mémorable, un homme de 98 ans venu exprès dans les tribunes, Charles Dreyfus, le petit-fils du fameux capitaine Alfred Dreyfus accusé à tort d'avoir trahi la France et à l'origine d'une des affaires politiques les plus scandaleuses de l'histoire de France.

    Je résume très brièvement cette Affaire Dreyfus devenue leçon de manuels d'histoire. Par l'antisémitisme ambiant, le capitaine Alfred Dreyfus, polytechnicien originaire de Mulhouse, a été accusé à tort d'intelligence avec l'ennemi (l'Allemagne) et de trahison de la patrie (espionnage) en 1894. Cela a créé une crise politique majeure sous la Troisième République. Victime d'un complot avec la présentation de faux en écriture, Alfred Dreyfus fut condamné le 22 décembre 1894 à la dégradation nationale et à la déportation à perpétuité au bagne de l'Île du Diable, en Guyane. Le 5 janvier 1895, le capitaine Dreyfus fut dégradé dans la cour de l'École militaire à Paris. Il est arrivé le 14 avril 1895 à l'Île du Diable.

    Très rapidement, des faits ont montré que le capitaine Dreyfus était innocent et était devenu un bouc-émissaire tandis que le véritable espion a été identifié (à cet égard, il faut regarder l'excellent film de Roman Polanski, "J'accuse", sorti le 13 novembre 2019 avec Jean Dujardin dans le rôle du colonel Picquart).

    Malgré la réalité des faits, certains éléments dans l'armée, en particulier au plus haut niveau de la hiérarchie, ont continué à charger Alfred Dreyfus pour ne pas déshonorer l'institution. La mobilisation d'intellectuels et de politiques, en particulier Émile Zola (auteur du fameux article "J'accuse !") et Georges Clemenceau (le directeur du journal "L'Aurore" n°87 qui a publié cet article le 13 janvier 1898), a permis de faire émerge la vérité, de reconnaître l'innocence d'Alfred Dreyfus. La plupart des personnalités qui ont considéré publiquement l'innocence d'Alfred Dreyfus, en particulier Émile Zola et le colonel Picquart, chef du service des renseignements, ont été elles-mêmes poursuivies, jugées et condamnées.

    Ce fut entre autres la mort soudaine, le 16 février 1899, du Président de la République Félix Faure, hostile à la révision du procès Dreyfus qui a fait bouger les lignes. Du 7 août au 9 septembre 1899, un nouveau procès par le conseil de guerre a eu lieu à Rennes, mais à son issue, Alfred Dreyfus a été à nouveau condamné, cette fois-ci à dix ans de réclusion pour circonstances atténuantes. Il a été gracié dès le 19 septembre 1899 par le Président de la République Émile Loubet et le gouvernement a déposé le 17 novembre 1899 une loi d'amnistie pour l'ensemble des faits de l'Affaire Dreyfus, loi adoptée définitivement le 24 décembre 1900.

     

     
     


    Le problème de la grâce présidentielle et de l'amnistie, c'était que, d'une part, l'innocence d'Alfred Dreyfus n'a pas été reconnue, et d'autre part, l'amnistie a blanchi les vrais coupables de cette affaire et ceux qui ont conspiré contre Alfred Dreyfus. Alfred Dreyfus a donc redemandé au Ministre de la Justice le 26 novembre 1903 la révision de son procès de Rennes (le second).

    Il a fallu attendre le 12 juillet 1906 pour que la Cour de Cassation annulât le jugement de Rennes et réhabilitât le capitaine Alfred Dreyfus dans son honneur. Le 13 juillet 1906, le gouvernement a déposé un projet de loi pour réintégrer Alfred Dreyfus dans l'armée avec le grade de chef d'escadron (c'est-à-dire commandant) et le colonel Picquart avec le grade de général de brigade. Le 20 juillet 1906, Dreyfus fut nommé chevalier de la Légion d'honneur et décoré solennellement dans la cour de l'École militaire, là-même où on l'a dégradé.

    Patriote, Alfred Dreyfus n'était pas rancunier puisqu'il a voulu continuer à servir dans l'armée. Mais comme on ne lui a refusé le grade de lieutenant-colonel qu'il aurait obtenu si on avait comptabilisé son temps de détention dans son ancienneté, il a pris sa retraite le 25 octobre 1907. Il a cependant repris du service lors de la Première Guerre mondiale, en particulier à Verdun et au Chemin des Dames, ce qui l'a promu en septembre 1918 au grade de lieutenant-colonel et le 9 juillet 1919 d'officier de la Légion d'honneur. Il est mort à Paris à l'âge de 75 ans il y a près de quatre-vingt-dix ans, le 12 juillet 1935, coïncidence, ce fut le jour anniversaire de sa réhabilitation.

    Peu avant de mourir, Alfred Dreyfus a confié à son petit-fils présent dans l'hémicycle : « Je n'étais qu'un officier d'artillerie, qu'une tragique erreur a empêché de suivre son chemin. ».


    Lors de la réhabilitation de Dreyfus le 12 juillet 1906, la classe politique avait sans doute mal compris Alfred Dreyfus en ne comprenant pas qu'il voulait réintégrer l'armée. Depuis sa mort en 1935, il y a régulièrement des tentatives de remédier à cet oubli.

    Dans sa chronique du 2 juin 2025 sur France Inter, Patrick Cohen a rappelé un historique récent sur la situation d'Alfred Dreyfus. Ainsi, en 1985, l'armée a refusé l'érection d'une statue de Dreyfus dans la cour de l'École militaire, refus approuvé par François Mitterrand alors Président de la République : « Il faut donner aux militaires un exemple, pas un remords. ». Au centenaire de la réhabilitation de Dreyfus, en juillet 2006, le Président Jacques Chirac s'est posé la question de cette injustice de carrière. Le général Bentégeat, chef d'état-major des armée, a confirmé la position de ses prédécesseurs : « Dans les armées, on n'a pas l'habitude de célébrer ses erreurs. On célèbre d'abord ses victoires. ». Ministre des Armée, Florence Parly a voulu également répondre à cette injustice en juillet 2019, mais deux ans plus tard, en octobre 2021, le Président Emmanuel Macron a refusé de prendre une décision individuelle, qui serait considérée comme le fait du prince (et illégale sur le plan juridique), et voulait une décision de l'armée... ou une loi.
     

     
     


    Ce fut donc une loi. L'ancien Premier Ministre et président du groupe EPR à l'Assemblée Gabriel Attal a ainsi déposé le 7 mai 2025 une proposition de loi au texte très court pour donner le grade de général à Alfred Dreyfus. À titre posthume. L'occasion aussi de rappeler cette funeste affaire et d'insister sur les dégâts de l'antisémitisme toujours aussi vivace de nos jours.

    Le texte est passé par la commission de la défense nationale et des forces armées le 28 mai 2025. Le rapporteur du texte est le député alsacien Charles Sitzenstuhl. Lors de l'examen en commission, Charles Sitzenstuhl a précisé le problème de la loi déposée le 13 juillet 1906 : « Là se noue le problème qui nous occupe. Alors que Picquart se voit attribuer un grade aligné sur celui des officiers d’une ancienneté égale à la sienne, Dreyfus est promu commandant à la date de la loi, soit au même niveau que des officiers dont l’ancienneté est inférieure de cinq ans à la sienne. Son avancement est de fait retardé de cinq ans, soit à peu près la durée de sa détention. Alors âgé de 46 ans et seulement commandant, Dreyfus, officier brillant promis aux plus belles perspectives, voit sa trajectoire de carrière irrémédiablement rompue, et il le comprend. Lorsqu’il reprend du service, il se trouve sous les ordres d’un supérieur plus jeune que lui. De la possibilité de devenir général, il est privé, car il sait qu’il sera atteint auparavant par la limite d’âge. Face à ce traitement inéquitable, il demande à contrecœur sa mise à la retraite le 26 juin 1907. J’ajoute, pour la précision historique, que Dreyfus se réengage comme réserviste lors de la Première Guerre mondiale, dès les premiers jours de la guerre. Il est nommé à la toute fin de ce conflit lieutenant colonel de réserve, tardivement (…). Il semble bien, d’après les auditions que j’ai menées, que la différence de traitement de la loi de 1906 résulte d’abord d’un malentendu, qui est à l’origine d’une erreur regrettable. L’inspirateur du projet de loi, le commandant Targe, dreyfusard convaincu, était persuadé que Dreyfus ne souhaitait pas poursuivre une carrière militaire et n’avait donc pas prévu de nomination rétroactive. Il s’était surtout attaché, avec succès, à faire obtenir à Dreyfus la Légion d’honneur. Les députés, suivant le rapporteur Adolphe Messimy, votent le texte à une très large majorité. Dreyfus n’en sera pas moins très affecté. Il entreprendra auprès du gouvernement, sans succès, des démarches en vue de corriger l’erreur et rédigera même en 1907 une proposition de loi, qui ne sera jamais déposée et dont le texte figure dans le rapport, visant à "réparer l’erreur qui a certainement été commise". Ni Clemenceau, alors Président du Conseil, ni Picquart, devenu, magnifique hasard de l’histoire !, Ministre de la Guerre, ne souhaitent rouvrir le dossier, pour de multiples raisons qu’ont explicitées les historiens. Dès la fin juillet 1906, Dreyfus écrit au journaliste et député Joseph Reinach : "Je n’avais jamais demandé de faveurs dans ma carrière ; j’avais essayé d’arriver par mon travail. Après ma tragique et si imméritée condamnation de 1894, je n’ai demandé que de la justice. Si on m’avait donné le rang auquel j’ai droit, je n’eusse voulu d’aucune faveur. J’aurais pu réfléchir et peut être, quel que soit l’état de ma santé, sacrifier encore quelque chose de ma vie. Mais on ne l’a pas fait. J’ai conscience d’avoir fait tout mon devoir. Le gouvernement n’a pas fait le sien". ».

     

     
     


    Cela ne fait qu'une vingtaine d'années que la classe politique a été sensibilisée par cette injustice de carrière. Avant Gabriel Attal, d'autres parlementaires avaient déposé des propositions de loi allant dans le même sens, en particulier Éric Ciotti, Joël Guerriau, Roger Karoutchi et Patrick Kanner.

    Charles Sitzenstulh a rappelé aussi la raison du passage par une loi : « Pourquoi incombe t il aux parlementaires de se pencher sur la question ? Parce qu’il s’agit d’un cas singulier. À la nomination d’Alfred Dreyfus au grade de général de brigade à titre posthume, seule la loi peut procéder. L’exécutif n’en a pas le pouvoir, comme le président Macron l’a lui-même rappelé le 26 octobre 2021. Le chef de l’État, pas plus que le gouvernement, ne peut y procéder par décret. Aucune disposition du code de la défense ne permet de procéder à une élévation au grade deux fois supérieur à titre posthume en vue de reconstituer une carrière. Faute de pouvoir agir par la voie réglementaire, il faut emprunter la voie législative. Au demeurant, la réintégration incomplète de Dreyfus ayant été opérée par une loi, la loi du 13 juillet 1906, il est cohérent d’emprunter la voie législative pour la corriger et la compléter rétroactivement. La présente proposition de loi est singulière. Elle est aussi individuelle, ayant pour objet un individu précis. (…) La proposition de loi qui vous est soumise procède d’une démarche législative singulière visant à régler une situation singulière. Il s’agit d’une reconnaissance symbolique pour un cas hors norme, sans équivalent dans l’histoire de la République. Le dispositif qui vous est proposé est simple. Il tient en un unique alinéa d’une seule phrase. Je présenterai deux amendements quasi rédactionnels, visant respectivement à mettre en cohérence le titre de la proposition de loi et son dispositif et à ramasser la rédaction du dispositif pour en renforcer la clarté. ».


    Dans son rapport à la commission, le rapporteur a terminé sa présentation ainsi : « En conclusion, je nous sais nombreux, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, à partager un même souci d’équité et la volonté que réparation soit complètement faite à cet officier exemplaire et brillant qu’était Alfred Dreyfus, qui est un exemple d’héroïsme face à l’arbitraire et à l’écrasement. Nous honorons un officier français patriote, endurant et intelligent, et avec lui tous les militaires, car il y en eut qui lui vinrent en aide, crurent à son innocence, lui témoignèrent de la camaraderie. Chers collègues, Alfred Dreyfus est un héros de notre histoire. Le courage qui lui permit de traverser ces épreuves, c’est aussi dans les valeurs militaires qui lui ont été inculquées qu’il l’a puisé. Dreyfus est un modèle pour la nation, un modèle pour nos armées, un modèle de patriotisme, un modèle d’intégrité, un modèle d’honnêteté, un modèle de sang froid, un modèle de résistance et un modèle de bravoure. Je forme le vœu, important pour notre histoire et pour le Parlement, que la présente proposition de loi rencontre un large accord, et je vous appelle à la voter. ».

    Vœu exaucé en séance publique le 2 juin 2025, et c'est le genre de loi qu'on souhaiterait plus nombreuse pour l'honneur du Parlement français !

    Seulement deux amendements ont été déposés par le rapporteur lui-même, un (technique) sur le titre et un sur le libellé (déjà très court) de son article unique : il s'agissait de supprimer les mots « éprise de justice et qui n'oublie pas » car cette précision, « en allongeant la rédaction, atténue la clarté du dispositif ».
     

     
     


    Ainsi, la proposition de loi « élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade » ne contient qu'un seul article rédigé ainsi, de quinze mots. Article unique : « La Nation française élève, à titre posthume, Alfred Dreyfus au grade de général de brigade. ».

    Lors de l'examen en séance publique le 2 juin 2025, Charles Sitzenstuhl a insisté sur ce qu'il avait dit en commission : « Si on s’activait pour obtenir la Légion d’honneur à Dreyfus, qu’il reçut lors d’une cérémonie émouvante à l’École militaire, on pensait qu’il ne continuerait pas sa carrière. Or malgré la forfaiture organisée contre lui par quelques chefs indignes, Dreyfus veut toujours servir l’armée. Songez bien, mesdames et messieurs, chers collègues, ce que cette volonté de continuer à servir nous dit du sens du devoir, du courage et de la générosité des sentiments de cet officier. À l’issue d’une telle conspiration, quelle force d’âme et quel culte de l’armée faut-il avoir pour vouloir renfiler l’uniforme ! Souvenez-vous, c’était ça, Dreyfus ! Cet exemple de patriotisme qui s’écriait le matin d’hiver de son humiliante dégradation : "Vive la France ! Vive l’armée !". ».

    Réparer une injustice historique : « Mes chers collègues, il n’est jamais trop tard pour corriger une injustice et réparer complètement l’honneur d’un homme et il est de notre devoir de le faire maintenant. Il faut le faire non seulement pour Dreyfus mais aussi pour nous, pour la nation, pour la France de demain. Il faut le faire pour que la République demeure cette haute idée de l’égalité et de la justice. Alors que notre vieux pays est à nouveau traversé par des pulsions de haine, d’antisémitisme, de xénophobie, de complotisme, maladies de la société qui font écho au climat de l’Affaire, il faut rester vigilant, se rappeler de Dreyfus, ne pas oublier ce héros républicain, symbole de résistance à l’oppression et à l’écrasement. ».

    Héros et exemple : « Dreyfus n’est pas une vieille histoire ; c’est une sentinelle de la République ! Dans les conditions cruelles de l’Île du Diable, il se battit pour sa survie et sa réhabilitation. Il fut le principal acteur de son histoire. S’il fut aidé par d’illustres personnalités ainsi que par des militaires, car il y en eut, qui crurent à son innocence et lui témoignèrent de la camaraderie, c’est bien Dreyfus qui, toujours, refusa d’abdiquer. Ce combat, il put le mener aussi grâce aux valeurs de l’armée qu’on lui avait inculquées. Dreyfus est un modèle de résistance et d’héroïsme pour la nation. Il est un exemple pour les jeunes générations, un grand homme auquel la patrie peut se montrer reconnaissante. ».

    Après plusieurs interventions de députés, la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet (qui, pour l'occasion, présidait elle-même la séance, ce qui est très rare pour un lundi), a mis au vote cette proposition de loi et celle-ci a obtenu 197 voix pour l'adoption sur 197 votants, donc à l'unanimité. L'Assemblée, parfois, s'honore de certains votes.

    Curieusement, le gouvernement avait opté pour une procédure accélérée, c'est-à-dire pour une seule lecture, comme si, après près de cent dix-neuf ans, cela ne pouvait pas attendre quelques mois de plus ! Mais cette procédure sera certainement inutile car le Sénat va probablement adopter dans quelques mois, dès la première lecture, ce texte dans les mêmes termes. 2025 verra alors l'épilogue de la très grande et tragique Affaire Dreyfus depuis 1894.


    À moins que la République n'aille encore plus loin, jusqu'à transférer les cendres d'Alfred Dreyfus au Panthéon (elles sont actuellement au cimetière du Montparnasse, dans le quatorzième arrondissement de Paris). Jacques Chirac l'avait refusé car il préférait panthéoniser des héros et pas des victimes, et pour certains historiens, le héros de cette affaire est déjà au Panthéon puisqu'il s'agit d'Émile Zola. Patrick Cohen a terminé sa chronique en considérant que la panthéonisation ne serait pas illogique : « Mais l’historien Vincent Duclert l’a bien montré, et contrairement à ce que disait Mitterrand, Alfred Dreyfus a été un officier exemplaire, d’un patriotisme absolu, engagé dans les combats de Verdun et du Chemin des Dames à près de 60 ans, grand républicain. ». Plus que cette réparation tardive, c'est l'unanimité des députés qui, ici, est précieuse, compte et émeut.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L’affaire Dreyfus au cinéma.
    Alfred Dreyfus bientôt général ?
    Jules Verne.

    Les 150 ans des lois constitutionnelles de la IIIe République.
    Jean Jaurès.
    Panthéon versus wokisme !
    Centenaire du drame.
    Anatole France.
    Alexandre Dumas fils.
    Pierre Waldeck-Rousseau.
    Alexandre Millerand.
    La victoire des impressionnistes.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Mélinée et Missak Manouchian.
    Le Débarquement en Normandie.
    La crise du 6 février 1934.
    Gustave Eiffel.

    Maurice Barrès.
    Joseph Paul-Boncour.
    G. Bruno et son Tour de France par Deux Enfants.
    Pierre Mendès France.
    Léon Blum.
    Jean Zay.
    Le général Georges Boulanger.
    Georges Clemenceau.
    Paul Déroulède.
    Seconde Guerre mondiale.
    Première Guerre mondiale.
    Le Pacte Briand-Kellogg.
    Le Traité de Versailles.
    Charles Maurras.
    L’école publique gratuite de Jules Ferry.
    La loi du 9 décembre 1905.
    Émile Combes.
    Henri Queuille.
    Rosa Luxemburg.
    La Commune de Paris.
    Le Front populaire.
    Le congrès de Tours.
    Georges Mandel.
    Les Accords de Munich.
    Édouard Daladier.
    Clemenceau a perdu.
    Au Panthéon de la République, Emmanuel Macron défend le droit au blasphème.
    L'attentat de Sarajevo.
    150 ans de traditions républicaines françaises.


     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250602-alfred-dreyfus.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/alfred-dreyfus-bientot-general-261326

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/07/article-sr-20250602-alfred-dreyfus.html


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  • La longévité du Professeur Bayrou

    « Le gouvernement dispose d’un (…) atout décisif. C’est le besoin, l’exigence, l’injonction que le pays nous assigne : retrouver la stabilité. Tous les Français en ont besoin. Ils comprennent bien que nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais ils nous enjoignent de joindre nos forces pour forcer les issues. Un grand pays, un pays digne de ce nom, est un pays capable de regarder en face ses chances, nous croyons qu’elles sont grandes, et ses difficultés qui ne le sont pas moins. Les sujets d’inquiétude sont innombrables, mais il en est un, criant, qui émerge avec force : le surendettement du pays. » (François Bayrou, le 14 janvier 2025 dans l'hémicycle, lors de sa déclaration de politique générale).




     

     
     


    Le jeudi 22 mai 2025 est passé inaperçu un petit événement politique, voire un petit exploit politique : le Premier Ministre François Bayrou a dépassé la longévité de son déjà lointain prédécesseur socialiste Bernard Cazeneuve, à savoir 5 mois et 9 jours. Ce dernier a succédé à Manuel Valls à Matignon du 6 décembre 2016 au 15 mai 2017, car le futur Ministre des Outre-mer était candidat à la primaire socialiste de janvier 2017 pour être le candidat du PS à l'élection présidentielle de 2017. Comme il fallait bien un chef du gouvernement, François Hollande a choisi Bernard Cazeneuve, un proche, qui a eu depuis le début de son quinquennat une forte destinée ministérielle : Affaires européennes, Budget, Intérieur et enfin Matignon. Il l'a préféré en particulier à Ségolène Royal.

    On a d'ailleurs parlé de Bernard Cazeneuve comme Premier Ministre depuis cet été 2024, dans une configuration parlementaire impossible, un hémicycle divisé en trois pôles quasi-identiques rendant l'action de gouverner très compliquée.


    Pour François Bayrou, nommé à Matignon le 13 décembre 2024, c'est donc un petit exploit, et il entend le renouveler tout au long de la fin de ce second quinquennat du Président Emmanuel Macron.
     

     
     


    L'histoire de la Cinquième République est inédite depuis 2024. On pensait que toutes les situations politiques pouvaient avoir déjà été connues, et en fait, non. La principale inconnue était les périodes de cohabitation, c'est-à-dire lorsque des élections législatives amènent une majorité parlementaire opposée au camp du Président de la République. Elles furent inaugurées le16 mars 1986 et, finalement, a été produite trois fois, deux de deux ans et une de cinq ans (Jacques Chirac de mars 1986 à mai 1988, Édouard Balladur de mars 1993 à mai 1995 et Lionel Jospin de juin 1997 à juin 2002). Ces périodes ont montré la souplesse et la polyvalence de la Constitution, mais toujours à l'avantage de l'exécutif.

    D'autres innovations institutionnelles ont eu lieu par la suite. Ainsi, Jacques Chirac en 2002 a réussi à exclure la gauche du second tour de l'élection présidentielle. En fait, cela avait déjà été le cas en 1969, et l'innovation était que c'est l'extrême droite qui était présente au second tour. Cela s'est déjà renouvelé deux fois par la suite, en 2017 et 2022, et tout semble mener à un quatrième cas d'espèce en 2027.


    En 2017, nouvelle innovation. Je précise, je reprends mon texte, ce n'était pas Jacques Chirac qui a exclu Lionel Jospin en 2022, mais le peuple, bien sûr. La nouvelle innovation en 2017, c'est que le peuple a exclu du second tour à la fois le PS et LR, les deux partis de gouvernement et d'alternance gauche/droite. Le clivage s'est donc modifié en centrisme/extrémisme, avec des nuances qu'il faudrait préciser.
     

     
     


    Jusqu'en 2024, la nomination procédait de la prérogative exclusive du Président de la République, soit dans une totale indépendance, lorsque le Président jouit d'une majorité à l'Assemblée, soit dans une totale contrainte, lorsqu'il est confronté à une opposition devenue majoritaire à l'Assemblée, auquel cas la nouvelle majorité impose au Président le nom du Premier Ministre, ce qui confirme bien la nature à la fois démocratique (mais c'est une évidence, puisqu'il y a des élections présidentielles et législatives libres, sincères et à bulletins secrets) et aussi parlementaire pour ceux qui en auraient douté.

    Du reste, si, avant 2024, seule une motion de censure a été adoptée par l'Assemblée, elle l'a été de manière quasi-originelle, contre le deuxième Premier Ministre de la Cinquième Georges Pompidou le 4 octobre 1962 (c'était une situation exceptionnelle car la classe politique refusait absolument le principe de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct et de sa ratification par référendum, sans débat parlementaire dans une procédure ordinaire de révision de la Constitution).

    Depuis la législature actuelle, la dix-septième, issue du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024, la situation est complètement inédite : non seulement il n'existe pas de majorité absolue mais il n'existe quasiment pas de majorité relative. Cela signifie que la stabilité du gouvernement est très aléatoire (confirmant le nature parlementaire de nos institutions). Le premier Premier Ministre Michel Barnier dans cette configuration en a fait les frais, puisqu'il a été censuré au bout de seulement trois mois (il a quitté Matignon au bout de 3 mois et 8 jours), prenant la place du record de brièveté à Matignon sous la Cinquième République (dans les républiques précédentes, il y a eu nettement plus forts que lui). Un record historique sans doute injuste mais sans doute aurait-il dû adapter sa gouvernance à la complexité de la situation parlementaire.

     

     
     


    Sur les vingt-huit Premiers Ministres de la Cinquième République, les deux seuls Premiers Ministres (à ce jour) à avoir été censurés se retrouvent à l'extrémité : l'un détient le record de brièveté, Michel Barnier, donc, et l'autre... le record de longévité, Georges Pompidou, 6 ans, 2 mois et 26 jours. Georges Pompidou aurait pu, voire aurait dû quitter Matignon au bout de 5 mois et 20 jours (François Bayrou n'en est plus très loin)... mais De Gaulle a choisi de riposter à la censure par la dissolution. La grande nouveauté du 5 décembre 2024, c'est que Michel Barnier a été censuré alors que le Président de la République, qui avait déjà dissous dans l'année courante, avait perdu son droit de dissolution (il le retrouvera le 9 juin 2025).

    Or, le problème de Michel Barnier, c'est qu'il se comportait comme un Premier Ministre normal de la Cinquième République, c'est-à-dire avec autorité, dirigisme et vision, alors qu'il n'en avait pas les moyens parlementaires. La nomination de François Bayrou était ce que la France pouvait le mieux espérer dans une telle situation.

     

     
     


    Pourquoi ? Parce que François Bayrou a réfléchi depuis plus de vingt ans, plutôt même trente ans, à ce jour où il serait nommé Premier Ministre sans qu'aucune majorité ne soit possible à l'Assemblée. Être un tel chef de gouvernement est totalement novateur. Michel Barnier ne l'avait pas compris. Cela donne de nombreuses contraintes qu'on pourrait résumer à se réduire à l'immobilisme, mais aussi à gagner de merveilleuses libertés, notamment limiter les initiatives politiques du Président de la République.

    Depuis sa nomination qu'il a obtenue à l'arraché, François Bayrou a toujours paru serein et surtout, n'a jamais été étonné d'être là, comme si c'était prévu depuis longtemps. Évidemment, on reproche à François Bayrou de ne rien faire. C'est même le principal sujet des caricaturistes à son égard et ma foi, il vaut mieux en rire qu'en pleurer. Soyons réaliste : que peut-il faire face à une Assemblée avec un tiers qui le soutient comme une corde à un pendu, un tiers d'extrême droite et un tiers d'une gauche dont la moitié est éructante, populiste, vociférante ? Pas grand-chose.

    Et au départ, il a réussi déjà un véritable exploit : faire adopter le budget de la nation (et celui de la sécurité sociale), chose que, malgré ses ambitieuses visions, Michel Barnier n'avait pas réussi à obtenir de l'Assemblée.

    Réussir à éviter la conjonction des oppositions est un art de la politique, un grand art, et François Bayrou l'a manifestement. Je peux même dire qu'il est le seul à l'avoir ! Alors, bien sûr, il y a le risque de l'immobilisme, mais franchement, ce reproche n'a-t-il jamais été fait auparavant dans des circonstances politiques pourtant bien plus faciles ?


    On peut mettre au crédit de François Bayrou sa bonne foi et sa sincérité : il souhaite l'intérêt général et peu peuvent penser qu'il agit avec l'arrière-pensée d'être candidat à l'élection présidentielle. Ce n'est pas à 73 ans qu'on devient... candidat ? Ah, si, c'est possible, ce sera au moins le cas de Jean-Luc Mélenchon, si "La Meute" (excellente enquête) ne l'a pas achevé d'ici là.
     

     
     


    Pour ne pas liguer les oppositions contre lui, il doit montrer de la bonne volonté. C'était le cas pour le RN avec sa volonté de lutter efficacement contre l'insécurité et son choix de maintenir Bruno Retailleau à l'Intérieur. C'était aussi le cas pour le PS avec la nomination d'un Ministre de l'Économie et des Finances dit de gauche, Éric Lombard, et le fameux conclave sur les retraites.

    C'est surtout le cas de sa manière de gouverner, qui peut déconcerter lorsqu'on a le pouvoir. Car la première singularité, c'est de penser que tous ses ministres sont des forces de rayonnement et d'intérêt, ce qui va à l'encontre de la consigne "je ne veux voire qu'une seule tête". Ainsi, les ministres sont très autonomes et peuvent même bénéficier d'un retour médiatique personnel. À charge pour eux de ne pas trop se contredire entre eux publiquement, sinon, il y aura quand même recadrage.


    Mais cette gouvernance s'applique aussi avec les parlementaires. Lorsqu'on regarde l'agenda parlementaire, la plupart des textes en discussion sont des propositions de loi qui émanent de parlementaires, et pas des projets de loi qui émanent du gouvernement. Seules les lois de finances émanent du gouvernement.
     

     
     


    François Bayrou se focalise en fait sur la préparation du budget 2026. Et surtout, sur la réduction du déficit de 40 milliards d'euros. Il l'avait présenté dès sa déclaration de politique générale le 14 janvier 2025 : « J’affirme qu’aucune politique de ressaisissement et de refondation ne pourra être conduite sans tenir compte de ce surendettement et sans se fixer pour objectif de le contenir et de le réduire. ».
     

     
     


    Or, aujourd'hui, cela n'avance pas. Il a assuré qu'il voulait reprendre le budget sur une feuille blanche, redéfinir les missions de l'État, etc., mais cela s'apparente à une mission impossible. En plus, la préparation de l'élection présidentielle de 2027 mais aussi des élections municipales de 2026 risque d'impacter sur les prises de positions politiques. Les congrès de LR et du PS vont aussi avoir une influence.
     

     
     


    Mine de rien, François Bayrou est un véritable miraculé. Il a déjà réussi à passer l'épreuve du budget 2025, ce qui n'était pas une mince affaire. Il a ensuite passé l'épreuve de la grave condamnation en première instance de Marine Le Pen qui sera sans doute empêchée de se présenter à l'élection présidentielle prochaine (on verra ce que dira le procès en appel prévu avant l'été 2026), qui aurait pu conduire le RN à adopter une politique de terre brûlée. Enfin, il a franchi l'épreuve peu envieuse de Bétharram, un scandale de pédocriminalité qui affecte des centaines de victimes mais qui a été l'objet d'une basse récupération politicienne de la part de députés insoumis en accusant scandaleusement le Premier Ministre de n'importe quoi.
     

     
     


    Son audition de cinq heures trente du 14 mai 2025 devant la commission d'enquête s'est transformée en une sorte de procès à charge qui n'avait pas lieu d'être dans une enceinte de la République telle que l'Assemblée Nationale. François Bayrou a su répondre avec sincérité et même avec émotion (au-delà des accusations portées contre lui, sa propre fille a été l'une des victimes et il l'a appris très récemment ; au contraire des menteurs, il n'était pas impassible ni froid, et était très ému), mais aussi avec fermeté et pugnacité, aux questions inquisitoriales du député FI Paul Vannier, en apportant des preuves factuelles.
     

     
     


    Bien sûr, François Bayrou a de nombreuses autres épreuves à passer, en particulier le budget 2026 (mais il est encore loin, l'automne 2025), aussi des textes très sensibles comme la loi de simplification pour les agriculteurs qui va être discutée dans les prochains jours, et aussi la possible remise en cause des ZFE, etc., et bien sûr la conclusion prochaine du conclave sur les retraites.

    Parmi les vingt-huit Premiers Ministres que comptent à ce jour la Cinquième République, seulement quatre ou cinq ont dépassé les quatre ans de longévité : Georges Pompidou, François Fillon, Lionel Jospin, Raymond Barre et Jacques Chirac (mais en deux périodes non consécutives). Alors que sept n'ont pas franchi le seuil de la première année à Matignon : Michel Barnier, Gabriel Attal, Bernard Cazeneuve, Édith Cresson, Maurice Couve de Murville et Pierre Bérégovoy.
     

     
     


    Et bien sûr François Bayrou, mais lui, du haut de sa chaire paloise (ou béarnaise), pense qu'il continuera à surfer sur Matignon avec cette "soft gouvernance" jusqu'en mai 2027. À la différence de Michel Barnier, François Bayrou retrouvera dans quelques jours le parapluie de la dissolution contre une éventuelle motion de censure. En tout cas, en mi-août 2025, il aura dépassé la longévité de Gabriel Attal (qui n'a pas eu le temps de défendre aucune loi de finances), de quoi saluer la méthode Bayrou avant les précipitations soutenues du budget 2026.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (24 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250523-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-longevite-du-professeur-bayrou-261128

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/23/article-sr-20250523-bayrou.html



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  • Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?

    « Voilà le paysage tourmenté dans lequel se dresse la montagne de difficultés que notre pays doit affronter, et à laquelle se heurtent les responsables politiques, majorité après majorité, alternance après alternance, gouvernement après gouvernement, sans jamais trouver de réponse. Notre conviction est que seule une prise de conscience de nos concitoyens, seule la confrontation les yeux ouverts avec la vérité de notre situation peut soutenir une action déterminée. Rien ne serait possible sans leur soutien. Et leur soutien ne viendra que de leur pleine information. (…) Nous devons prendre conscience de la gravité de la situation, en écartant comme nos pires ennemis la peur et la tentation du découragement. Ce temps du constat, loin d’être un frein à l’action, est donc dans mon esprit le temps de la mobilisation. » (François Bayrou, le 15 avril 2025 à Paris).





     

     
     


    Si François Bayrou n'existait pas, il faudrait l'inventer ! Cet exercice des finances publiques pour préparer le budget de 2026 est en effet typiquement bayrouïen (ou bayroulien ?). Lors de la conférence de presse de ce mardi 15 avril 2025 à 11 heures, François Bayrou a pu donner toute sa mesure : celui qui n'a cessé d'alerter les Français depuis vingt-cinq ans sur le trop fort endettement public est maintenant aux manettes dans la pire des situations.

    La pire des situations déjà en raison de ses fondements politiques instables. Le gouvernement Bayrou ne tient que par une sorte d'équilibre de la terreur d'une nouvelle censure : le RN n'a pas vraiment intérêt à retirer une tribune officielle à sa candidate déchue, et le PS, empêtré dans ses divisions d'avant-congrès, a d'autres choses à penser qu'une nouvelle campagne législative. Après tout, on a beau critiquer François Bayrou, il a fait le job, il a fait adopter les budgets publics pour 2025 (ce n'était pas gagné d'avance) et maintenant, il s'aventure vers le budget 2026. Il a compris que c'était le nerf principal de la guerre, le budget, l'exercice ô combien politique de son mandat précaire.


    Pour l'heure, il a dépassé en brièveté (euh, en longévité) le gouvernement de Michel Barnier, et est sur la voie de dépasser aussi celui de Bernard Cazeneuve. Il peut peut-être tabler pour dépasser celui de Gabriel Attal, mais il lui faudra alors vivre le double de maintenant, et puis, sur le papier, il peut durer jusqu'à l'élection présidentielle de 2027. Car, après tout, qui a vraiment envie de gouverner la France de 2025 ?

    Mais la situation économique est instable aussi à cause du contexte international qui ne donne plus aucune lisibilité sur l'avenir : « À ses confins orientaux, l’Europe se sent menacée dans son intégrité. Mais surtout comme si la guerre ne suffisait pas, un tsunami de déstabilisation est venu chambouler la planète. Ce tsunami est d’abord stratégique. Le monde ébahi a vécu en direct un renversement des alliances que nul ne pouvait imaginer. Comme dans une série télévisée, en direct du bureau ovale de la maison blanche, le Président des États-Unis a intimé l’ordre à son allié agressé, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky d’avoir à se rendre sans délai aux exigences de son agresseur, c’est-à-dire de renoncer à la liberté et à la souveraineté de son pays, sous la menace de se voir privé de toute aide militaire. Abandon et intimidation, entre alliés ! Les États-Unis étaient jusqu’à ce jour le pays pivot de l’alliance des nations libres. Il était le pays qui accueille sur son sol le siège des Nations-Unies, la première économie du monde, membre essentiel du Conseil de Sécurité, garant du Droit entre les nations. Que cette nation et cette puissance, un des socles de l’ordre mondial, puisse en un instant passer du côté des agresseurs, pour le monde qu’on disait "libre", c’est un coup de théâtre, un coup de semonce, qui ruine notre vision fondamentale du monde. (…) Et comme si cela ne suffisait pas, ce tremblement de terre suivi de tant de dégâts géopolitiques et moraux, s’est doublé d’une réplique de terrible puissance, celle-là dans le domaine de l’économie, des échanges et du commerce. Le Président des États-Unis a déclenché un cyclone dont les conséquences ne cesseront pas de sitôt. En donnant le signal de départ d’une guerre commerciale planétaire, sans avertissement, du jour au lendemain, frappant d’inimaginables droits de douane les échanges entre les États-Unis et leurs concurrents chinois et très vite leurs plus proches alliés, les obligeant à des mesures de rétorsion en elles-mêmes dangereuses, avant des volte-face imprévisibles, des allers et des retours, ce cyclone, en quelques jours a jeté à bas le cadre même, les fondations et la charpente de notre vie économique mondiale. ».

    Et puis, il y a la situation financière de la France politique, faite de clientélisme électoral à court terme et de rallonge de la dépense publique depuis une cinquantaine d'années. 57% du PIB de dépenses publiques pour 50% du PIB de recettes publiques. Cherchez l'erreur ! L'objectif de François Bayrou est d'économiser 40 milliards d'euros, mais où peut-il les trouver ? Réponse avant le 14 juillet 2025. Joli feu d'artifice en perspective.

     

     
     


    Pour lui, deux raisons liées l'une à l'autre pour expliquer ces déficits chroniques : les Français ne produisent pas assez. Il faut produire plus pour augmenter la richesse nationale, permettre d'exporter plus. Le déficit commercial qui a grossi depuis un quart de siècle est la raison du fort endettement, tant que nous souhaitons préserver notre modèle social. D'où l'idée que les Français doivent travailler plus dans leur ensemble. Pour renforcer le ratio population active sur population totale qui tend à diminuer en raison de l'évolution démographique.

    Si nous avions un PIB équivalent à celui de l'Allemagne ou des États-Unis, nous n'aurions pas de problème de déficit : « Si notre production par habitant était dans la même gamme que celle de nos voisins européens, nous n'aurions plus de déficit budgétaire, et nos concitoyens qui gagnent quelque 2000 € par mois, approcheraient les 2500 €, et cela changerait notre vie et la leur. ».

    Il y a un déficit de la balance commerciale de 100 milliards d'euros dont 40 milliards d'euros pour l'importation d'hydrocarbures. Non seulement il faut réindustrialiser la France, mais aussi faire la transition écologique pour moins dépendre du pétrole et du gaz. Le Premier Ministre de constater : « Dans tous ces domaines, nous maîtrisons le haut de la pyramide, ce qui est le plus difficile, ce qui est inatteignable, mais nous sommes presque totalement absents de la base des produits industriels et agricoles que consomment les Français. (…) La politique de retour de la production et de réindustrialisation, si l'on veut s'y engager avec l'énergie nécessaire, doit devenir une obsession pour notre nation tout entière et un principe d'organisation de notre économie. ».

     
     


    La situation financière qu'il a décrite lucidement est loin d'être sympathique. Aimant des images parlantes à donner aux chiffres (en fait, aux nombres) qui ne lui disent pas grand-chose, le Premier Ministre a lâché le montant qui tue : avec plus de 3 300 milliards d'euros de dette publique, cela représente une dette de 50 000 euros pour chaque Français, y compris les bébés ! 200 000 euros pour une famille avec deux enfants, en gros, le pris d'un domicile, petite maison ou appartement selon le lieu.

    Ce qu'il trouve scandaleux, ce n'est pas le principe de l'endettement : comme les ménages, si on emprunte pour investir, on paie pour l'avenir et c'est acceptable. Mais là, l'État se surendette pour financer son seul fonctionnement, c'est-à-dire qu'on endette la France pour les deux ou trois générations à venir seulement pour aider à vivre ceux qui auront disparu depuis longtemps lorsque la facture viendra. Drôle d'héritage !
     

     
     


    D'où l'idée de François Bayrou que les jeunes d'aujourd'hui devraient protester contre la légèreté de leurs aînés : « Il est moralement insoutenable de faire supporter aux générations de travailleurs actuelles et futures nos dépenses de tous les jours. (…) Nous avons préféré la dette de facilité qui finance le train de vie quotidien, nos feuilles de maladie d'aujourd'hui, les déficits de fonctionnement et les dépenses courantes. ».

    Deux solutions faciles ont été souvent utilisées pour financer les dépenses publiques sans limite. 1° Augmenter les impôts, mais la France est déjà championne du monde du niveau de prélèvements obligatoires. Il ne faut plus les augmenter. 2° Ou emprunter encore de l'argent. Mais alors, la charge de la dette (les intérêts) devient insupportable et inacceptable. Actuellement, elle est de 62 milliards d'euros, soit le budget de l'éducation et, à un milliard près, celui de la défense : « À l'heure où le contexte géopolitique devrait nous obliger à investir dans notre défense et dans notre recherche, nous ne pouvons pas nous saigner aux quatre veines chaque année pour rembourser nos dettes passées plutôt que de préparer l'avenir. Une telle situation menace gravement notre indépendance. ». En 2029, la charge de la dette aura probablement franchi le seuil des 100 milliards d'euros ! (dépensés en pure pertes !).


    On ne peut pas fuir en avant par la dette : « À l'heure où le contexte géopolitique devrait nous obliger à investir dans notre défense et dans notre recherche, nous ne pouvons pas nous saigner aux quatre veines chaque année pour rembourser nos dettes passées plutôt que de préparer l'avenir. Une telle situation menace gravement notre indépendance. ».
     

     
     


    Poursuivre cette fuite en avant, c'est se jeter dans le piège, s'enfermer dans un cercle vicieux : « Tout abaissement de la notation de la dette de la France par les agences de notation, dont vous connaissez le nom, Standard & Poors, Moody's, Fitch, entraînerait une augmentation des taux d'intérêt et donc une augmentation plus forte encore de la charge de remboursement que cette dette impose au pays. C'est un cercle vicieux, un piège dangereux, potentiellement irréversible qu'il convient d'identifier et dont nous devons partager la pleine connaissance avec les Français. Ce risque est politiquement insoutenable. ».

    À partir de ce diagnostic, une seule réaction : « Si nous avons les yeux ouverts, nous devons constater qu'en fait nous n'avons pas le choix, nous devons agir. Nous devons agir avec résolution mais aussi dans le respect de ce que nous sommes, de notre modèle social et de notre République décentralisée. Nous devons agir pour garantir la survie de notre modèle social, ce modèle unique de solidarité qui se décline dans le domaine de l'éducation, de la santé ou de l'emploi. ».

     

     
     

    François Bayrou, qui voudrait créer le même électrochoc de productivisme en France que son homologue allemand Gerhard Schröder avait créé en Allemagne en 2004, a proposé quatre voies d'ascension pour franchir l'Himalaya du budget 2026.

    La première : « Notre indépendance en matière de sécurité et de défense. Nous ne pouvons pas être pris en défaut du point de vue de notre sécurité. Devant le gigantesque effort d'armement de la Russie, le gigantesque effort d'armement de la Chine, le pas de côté des États-Unis, certes dotés de la première armée au monde mais ne considérant plus que l'Europe soit pour l'avenir leur priorité de défense, l'Union Européenne a le devoir impérieux de construire une défense autonome ! ».

    La deuxième : « Le refus du surendettement : la trajectoire budgétaire définie pour 2025 et 2026 doit être maintenue, en gardant l'objectif d'un retour aux 3% de déficit en 2029. Contrairement à ce que l'on a beaucoup entendu dire, ce chiffre des 3% n'est pas un chiffre au doigt mouillé. 3% c'est le seuil en-deçà duquel la dette n'augmente plus. Baisser les déficits, nous-mêmes avons su le faire à partir de 2017. ».
     

     
     


    La troisième piste : « La refondation de l'action publique : nous ne pouvons pas accepter que la France soit le pays où l'on dépense le plus d'argent public, où l'on prélève le plus d'impôts, de taxes diverses et de cotisations, et que pourtant les Français s'accordent unanimement à constater que l'action publique ne marche pas. Pour beaucoup d'entre eux, la frontière entre action et inaction publique est devenue trouble. Le gouvernement a engagé une véritable remise à plat des missions et des budgets de nos administrations. ».

    Enfin, la quatrième voie : « La vitalité économique de notre pays. La bonne santé de notre société passe par des choix politiques qui encouragent et aident l'activité économique, pour que la France soit une terre attractive d'investissement, d'emploi, tournée vers l'innovation et la production. Depuis 2017, notre pays a réussi à retrouver un élan : alors que nous avions perdu 900 000 emplois industriels en 20 ans, 130 000 emplois ont été créés. Notre industrie a su se renouveler et s'emparer de sujets d'avenir, en prenant en compte les défis écologiques. Cela passe par l'innovation : nous avons vérifié la semaine dernière que dans le cadre du programme d'investissement France 2030, 15 milliards allaient pouvoir financer des projets innovants. Cela passe par la simplification : ni l'administration ni la bureaucratie ni les normes ne devraient constituer des obstacles à l'activité économique. Ce travail de levée d'obstacles nous allons le conduire avec les intéressés eux-mêmes, entreprises, artisans, familles elles-mêmes. Cela passe par la formation aux métiers d'avenir et l'acquisition et le renforcement des compétences. ».

    Alors, du sang et des larmes ? Non ! Mais une prise en compte de la réalité d'aujourd'hui, c'est-à-dire, une réorganisation de notre société productive et son adaptation aux contraintes des temps. Il ne s'agit pas de payer plus d'impôt, mais simplement de travailler plus pour produire plus de richesses.


    De toute façon, la situation ne donne pas beaucoup le choix : « Nous avons une conscience aiguë de la difficulté de la situation. Mais il serait lâche et irresponsable de fermer les yeux, de pousser la poussière sous le tapis, de faire semblant. Ce n'est pas notre choix. J'ajoute une chose : aucun gouvernement, ni le nôtre, ni ceux qui viendront après nous, ne pourra éluder cette question ! C'est de la survie de notre pays qu'il s'agit, de son indépendance, de sa liberté, de son équilibre et de sa paix civile. ».

    La conclusion du chef du gouvernement est enthousiaste : « Il y a des continents d'énergie qui ne demandent qu'à s'exprimer. Il suffit que nous nous libérions des pesanteurs et des entraves qui nous emprisonnent. C'est ce mouvement de libération que nous avons entrepris ce matin. ».

    Sans doute François Bayrou est dans la faiblesse d'une absence de majorité mais c'est peut-être aussi sa force. Car aucun gouvernement qui bénéficiait d'une majorité confortable à l'Assemblée n'a jamais voulu s'occuper de ce problème majeur qu'est cet endettement excessif. La fragilité des positions parlementaires impose un certain consensus dans la classe politique. L'heure est aux responsabilités : plus que jamais, l'intérêt général doit primer sur l'intérêt des partis. Et des candidats.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250415-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/budget-2026-francois-bayrou-promet-260501

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/15/article-sr-20250415-bayrou.html


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  • Les 150 ans des lois constitutionnelles de la IIIe République

    « Mais, dira-t-on, vous n'en faites pas moins la République ! À cela, je réponds tout simplement : Si la République ne convient pas à la France, la plus sûre manière d'en finir avec elle, c'est de la faire. » (Henri Wallon, le 30 janvier 1875 dans l'hémicycle).





     

     
     


    Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, la Troisième République proclamée par Léon Gambetta le 4 septembre 1870 n'a jamais bénéficié d'une Constitution en tant que telle. C'est d'autant plus étrange qu'elle est le régime depuis 1789 qui a bénéficié de la plus grande longévité à ce jour, ainsi que la République à la plus grande longévité, puisqu'elle a été mise entre parenthèses (suspendue) le 10 juillet 1940 avec le vote des pleins pouvoirs à Philippe Pétain, puis, plus formellement, la promulgation de la Quatrième République le 27 octobre 1946 (en d'autres termes, d'une durée d'un peu moins de soixante-dix ans ; la Cinquième République, promulguée le 4 octobre 1958, a seulement soixante-six ans).

    Pour autant, les parlementaires ont voté une série de trois lois constitutionnelles dont la première date d'il y a cent cinquante ans, le 24 février 1875. Deux autres lois constitutionnelles ont suivi le 25 février 1875 et le 16 juillet 1875, après un long processus de compromis institutionnel initié dès 1871.

    Pour simplifier, on peut dire que ce sont les monarchistes qui ont choisi le mode de gouvernement de la République, ce qui est assez bizarre. Revenons donc rapidement à cette période chaotique entre 1871 et 1875.


    Alors que les Prussiens occupaient la France, les électeurs français ont élu le 8 février 1871 leurs nouveaux parlementaires quelques mois après la chute du Second Empire. L'idée de Bismarck était que les négociations de paix se fissent avec des représentants français légitime. Adolphe Thiers, ancien Président du Conseil sous Louis-Philippe, grand historien et orléaniste de centre gauche, a été alors élu « chef du pouvoir exécutif de la République française » le 17 février 1871 par la nouvelle Assemblée Nationale, « dépositaire de l'autorité souveraine », en expliquant que cette nomination s'est faite en « considérant qu'il importe, en attendant qu'il soit statué sur les institutions de la France, de pourvoir immédiatement aux nécessités du gouvernement et à la conduite des négociations ».

    En clair, la nouvelle Assemblée Nationale, de majorité monarchiste et donc prête à restaurer la monarchie (214 députés orléanistes et 182 députés légitimistes sur 645), a nommé Thiers, dont la stature était très importante, pour négocier au mieux face aux Allemands la fin de leur occupation. Après la défaite de la Commune de Paris le 28 mai 1871, Thiers a permis une convergence entre les conservateurs et les républicains : la République serait conservatrice ou ne serait pas. Néanmoins, il n'est pas parvenu à faire avancer cette idée le 27 avril 1871, mais les élections partielles du 2 juillet 1871 ont conforté les thèses de Thiers d'autant plus que le 5 juillet 1871, l'un des prétendants au trône, le prétendant légitimiste, petit-fils de Charles X, le comte de Chambord (Henri d'Artois), a demandé aux monarchiste de se rallier derrière son panache blanc.

    La loi Rivet, inspirée du député Jean-Charles Rivet , adoptée le 31 août 1871, a précisé le titre de Thiers : « Président de la République » au lieu de « chef du pouvoir exécutif », pour une durée égale à celle de l'Assemblée avec possibilité d'être révoqué à tout moment par l'Assemblée, tout en énumérant ses prérogatives : promulgue et exécute les lois, nomme et révoque les ministres, avec responsabilité des ministres et du Président de la République.


    Thiers était toutefois devenu républicain. Il l'a annoncé dans un message à l'Assemblée le 13 octobre 1872 : « La République existe, elle sera le gouvernement légal du pays, vouloir autre chose serait une nouvelle révolution et la plus redoutable de toutes. Ne perdons pas notre temps à la proclamer, mais employons-le à lui imprimer ses caractères désirables et nécessaires. Une commission nommée par vous il y a quelques mois lui donnait le titre de République conservatrice. Emparons-nous de ce titre et tâchons surtout qu'il soit mérité. Tout gouvernement doit être conservateur, et nulle société ne pourrait vivre sous un gouvernement qui ne le serait point. La République sera conservatrice ou ne sera pas. La France ne peut pas vivre dans de continuelles alarmes. ». Cela a provoqué la fureur du chef de file des monarchistes, le duc Albert de Broglie.

    La situation devenait de plus en plus tendue entre Thiers devenu républicain et l'Assemblée restée monarchiste, et, paradoxalement, l'Assemblée a tenté, petit à petit, à réduire les pouvoirs du Président au profit de l'Assemblée, alors que le principe monarchique, c'était justement le principe du pouvoir au monarque.


    La loi De Broglie, inspirée du futur Président du Conseil Albert de Broglie, adoptée le 13 mars 1873, a réduit encore les pouvoirs de Thiers, en l'éloignant un peu plus de l'Assemblée. En effet, bon orateur, Thiers réussissait à retourner politiquement sune situation en s'exprimant aux députés et en les convainquant. Désormais, avec la loi De Broglie, tout un cérémonial était nécessaire pour s'exprimer aux députés (ce que Thiers appelait le « cérémonial chinois »). À savoir, il devait adresser un message à l'Assemblée pour annoncer une intervention orale qui aurait lieu le lendemain, ce qui était gênant lorsqu'il voulait intervenir directement dans un débat parlementaire. Cela consacrait un monologue pour Thiers. On a donné le prétexte du grand honneur accordé à Thiers pour qu'il ne s'exprimât que de choses importantes, mais Thiers l'a plutôt conçu comme une réduction de sa capacité à s'exprimer à l'Assemblée. De plus, était consacrée la responsabilité des ministres et pas la sienne, devant l'Assemblée. Mais Thiers a joué sur le chantage à la démission, considérant que la politique des ministres qu'il nommait était la sienne. En tant qu'homme providentiel, l'Assemblée ne pouvait pas le révoquer.

    Malgré cela, les tensions étaient de plus en plus grandes entre Thiers et les députés monarchistes, et les accords de paix avec l'Allemagne (départ des troupes allemandes) étaient achevés, si bien que Thiers n'était plus indispensable. Dans un message adressé aux parlementaires, Thiers a confirmé son soutien à la République : « J'ai pris mon parti sur la question de la République. Je l'ai pris, oui, vous savez pourquoi ?... Parce que pratiquement la monarchie est impossible : il n'y a qu'un trône, et on ne peut l'occuper à trois ! ». À la suite d'une motion de défiance présentée par Albert de Broglie et adoptée par 360 voix contre 334, Thiers a démissionné le 24 mai 1873 et est resté député de la Seine jusqu'à la fin de sa vie, le 3 septembre 1877, honoré le 16 juin 1877 comme le « Libérateur du territoire ».
     

     
     


    Le même jour (24 mai 1873), l'Assemblée a élu le maréchal Patrice de Mac Mahon à la Présidence de la République par 390 voix sur 731, un militaire monarchiste prêt à s'effacer après la Restauration. Pour autant que la Restauration pût se faire. Or, elle a échoué avec l'entêtement du comte de Chambord à refuser le drapeau tricolore au profit du drapeau blanc (alors que les orléanistes voulaient absolument le drapeau tricolore). L'échec était patent dès le 30 octobre 1873 quand le comte de Chambord a confirmé dans "L'Union" : « Je veux rester tout entier ce que je suis. ».

    Ce prétendant étant sans descendance, les députés monarchistes voulaient durer dans le provisoire le temps que la nature remît de l'ordre dans le désaccord dynastique, à savoir qu'à la mort du comte de Chambord, le prétendant naturel serait le comte de Paris, petit-fils de Louis-Philippe (Philippe d'Orléans), acceptant le drapeau tricolore.

    C'est pour cette raison que la loi du 20 novembre 1873 a été votée : « Le pouvoir exécutif est confié pour sept ans au maréchal de Mac-Mahon, duc de Magenta, à partir de la promulgation de la présente loi ; ce pouvoir continuera à être exercé avec le titre de Président de la République et dans les conditions actuelles jusqu'aux modifications qui pourraient y être apportées par les lois constitutionnelles. ». On a effectivement précisé que le maréchal de Mac Mahon garderait la place dans l'attente d'un compromis entre monarchistes, et une durée a été négociée dans son article 2, celle de sept ans, qui était un compromis entre dix ans et cinq ans, suffisamment longtemps pour pouvoir aboutir à la Restauration. Cela a donc créé le septennat. La République a donc conservé le septennat du 20 novembre 1873 au 24 septembre 2000, date du référendum sur le quinquennat. Pour l'anecdote, Patrice de Mac Mahon a démissionné avant la fin de son septennat, le 30 janvier 1879 (au lieu du 20 novembre 1880), à cause d'une Assemblée de plus en plus républicaine. Par ailleurs, cette loi du 20 novembre 1873 a consacré l'irresponsabilité du Président de la République devant l'Assemblée et l'impossibilité d'être révoqué par l'Assemblée (ces dispositions sont encore en cours de nos jours).

    Albert de Broglie a commenté cette loi très importante du 20 novembre 1873 dans ses mémoires : « Le septennat du maréchal de Mac Mahon, constitué au lendemain de l'échec de la fusion, nous donnait un délai de quelques années pendant lesquelles la porte restait ouverte à la monarchie : le comte de Chambord pouvait réfléchir et revenir sur ses prétentions, ou la France se résigner à les accepter. Nous donnions ainsi du temps et en quelque sorte de la marge aux événements. Le trône restait vacant et j'avais réussi à y faire asseoir, sous le nom de Président, un véritable lieutenant-général du Royaume, prêt à céder la place, le jour où le roi aurait été en mesure de la prendre. ».


    La loi du 20 novembre 1873 a ajouté une autre disposition très importante : la création d'une commission de trente députés chargée de rédiger une Constitution, à majorité monarchiste. Celle-ci ne s'est pas réunie tout de suite, dans l'objectif de préparer la Restauration, mais au fil des renouvellements de l'Assemblée, les bonapartistes ont eu de nouveau le vent en poupe, si bien que les républicains et les monarchistes se sont mis d'accord pour rédiger rapidement les lois constitutionnelles de 1875.

    Entre 1874 et 1875, la nature même du septennat était en discussion : les républicains voulaient l'instituer comme une règle générale pour le Président de la République alors que les monarchistes ne voulaient l'associer qu'à Patrice de Mac Mahon précisément dans l'attente d'une Restauration. Le député Jean Casimir-Périer (futur Président de la République) a déposé une proposition de loi constitutionnelle proclamant : « Le gouvernement de la République se compose de deux chambres et d'un Président. ». Elle a été rejetée par les monarchistes qui ne voulaient pas entendre parler de République.

    Le débat parlementaire a eu lieu à partir du 21 janvier 1875 sur le texte proposé par la Commission des Trente, un texte très spécifiquement neutre au point que le mot République était absent. Le clivage était fort à l'Assemblée. Le député Henri Wallon a alors proposé un amendement, le fameux amendement Wallon, qui disait : « Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. ». Cet amendement a été adopté le 30 janvier 1875 par 353 voix pour et 352 voix contre. En inscrivant clairement "Président de la République", on reconnaissait que le régime était républicain. On a dit ainsi que la Troisième République est née avec une majorité d'une voix, mais ce n'est pas vraiment exact, car, selon le constitutionnaliste François Goguel, elle a été confirmée surtout avec le vote global de toute la loi du 25 février 1875, soit une majorité nettement plus large, 425 pour et 254 contre.
     

     
     


    Henri Wallon a défendu son amendement devant ses collègues avec les arguments suivants : « Dans la situation où est la France, il faut que nous sacrifiions nos préférences, nos théories. Nous n'avons pas le choix. Nous trouvons une forme de gouvernement, il faut la prendre telle qu'elle est ; il faut la faire durer. Je dis que c'est le devoir de tout bon citoyen. J'ajoute, au risque d'avoir l'air de soutenir un paradoxe, que c'est l'intérêt même du parti monarchique. En effet, ou la République s'affermira avec votre concours et donnera à la France le moyen de se relever et de recouvrer sa prospérité, de reprendre sa place dans le monde, et alors vous ne pourrez que vous réjouir du bien auquel vous aurez contribué ; ou bien votre concours même sera insuffisant ; on trouvera qu'il n'y a pas assez de stabilité dans le pouvoir, que les affaires ne reprennent pas, et alors, après une épreuve loyale, le pays reconnaissant des sacrifices d'opinion que vous aurez fait, du concours que vous aurez apporté à la chose publique, sera plus disposé à suivre vos idées, et ce jour là vous trouverez le concours de ceux qui, aujourd'hui, ont une autre opinion, mais qui, éclairés par l'expérience et voulant comme nous, avant tout, le bien du pays, vous aideront à faire ce que le pays réclame. Ma conclusion, messieurs, c'est qu'il faut sortir du provisoire. Si la monarchie est possible, si vous pouvez montrer qu'elle est acceptable, proposez-la. Mais il ne dépend pas malheureusement de vous, ici présents, de la rendre acceptable. Que si, au contraire, elle ne paraît pas possible, eh bien, je ne vous dis pas : Proclamez la République !… mais je vous dis : Constituez le gouvernement qui se trouve maintenant établi et qui est le gouvernement de la République ! Je ne vous demande pas de le déclarer définitif. Qu'est-ce qui est définitif ? Mais ne le déclarez pas non plus provisoire. Faites un gouvernement qui ait en lui les moyens de vivre et de se continuer, qui ait aussi en lui les moyens de se transformer, si le besoin du pays le demande ; de se transformer, non pas à une date fixe comme le 20 novembre 1880, mais alors que le besoin du pays le demandera, ni plus tôt ni plus tard. Voilà, messieurs, quel était l'objet de mon amendement. ». Le 20 novembre 1880 était la date prévue de fin du mandat présidentiel de Patrice de Mac Mahon (sept ans après la loi du 20 novembre 1873).

    L'amendement Wallon faisait état d'un Sénat, et c'est probablement le premier accord entre monarchistes et républicains, avec l'adoption de la loi constitutionnelle du 24 février 1875 sur l'organisation du Sénat, avec 435 pour et 234 contre. C'est donc aussi le cent cinquantième anniversaire du Sénat français.

    Ce premier élément de compromis a été le bicaméralisme, à savoir de créer une seconde chambre du Parlement pour instaurer un contre-poids au pouvoir démocratique, dans l'inspiration du député Antonin Lefèvre-Pontalis, membre de la Commission des Trente : « La pensée principale qui en ressort, c’est que, pour assurer à un pays les bienfaits de la liberté politique, il doit y avoir, dans toute constitution, un centre de résistance contre le pouvoir prédominant : dès lors, dans une société démocratique comme la nôtre, il importe de chercher et de trouver un contrepoids contre la démocratie elle-même. ».

    Ainsi, à l'instar d'Albert de Broglie qui prônait « une chambre de résistance contre le torrent des innovations téméraires », les monarchistes étaient rassurés en verrouillant la désignation du Sénat par les grands électeurs issus des collectivités locales, permettant la constance d'une majorité conservatrice, qui pouvait faire contre-poids à une chambre des députés de plus en plus républicaine et progressiste. Quant aux républicains, qui ne souhaitaient pas la République des révolutionnaires de 1789, ils acceptaient le principe de contre-pouvoir pour arriver à un compromis dans la rédaction des lois, dès lors que le mot "République" était mentionné.

    Une deuxième loi constitutionnelle date du 25 février 1875 sur l'organisation des pouvoirs publics, et une troisième du 16 juillet 1875 sur les rapports entre les pouvoirs publics adoptée par 520 pour et 84 contre.

    Dans un discours important prononcé le 23 avril 1875 à Belleville, Gambetta a déclaré à ce propos : « On a fait une Constitution, on ne l’a pas beaucoup discutée. On a organisé des pouvoirs, on ne les a pas très minutieusement et, si je puis le dire, on ne les a pas très analytiquement examinés et coordonnés. On a été vite, et cependant savez-vous ce qui est arrivé ? C'est que l’œuvre vaut mieux, peut-être, que les circonstances qui l’ont produite ; c’est que, si nous voulons nous approprier cette œuvre et la faire nôtre, l’examiner, nous en servir, la bien connaître surtout, afin de bien l’appliquer, il pourrait bien se faire que cette Constitution, que nos adversaires redoutent d’autant plus qu'ils la raillent, que nos propres amis ne connaissent pas encore suffisamment, offrît à la démocratie républicaine le meilleur des instruments d’affranchissement et de libération qu’on nous ait encore mis dans les mains. ».
     

     
     


    Ces trois lois constitutionnelles de 1875 sont considérées comme la Constitution de la Troisième République, un texte un peu chaotique, sans ligne directrice, très courte (seulement trente-quatre articles), sans préambule, sans déclaration sur les valeurs ou les références philosophiques qui l'ont inspirée. Chaque article, sans suite logique, n'a été qu'un compromis ponctuel entre les partis, et chaque parti espérait modifier les articles lorsqu'ils serait au pouvoir, d'autant plus que la procédure pour réformer ces lois constitutionnelles n'était pas contraignante (ces lois votées gardaient donc un arrière-goût d'état provisoire).

    Parmi les mesures importantes décrites par ces lois, il y avait l'irresponsabilité du Président de la République devant les parlementaires, au contraire des ministres responsables devant le Parlement : « Les ministres sont solidairement responsables devant les chambres de la politique générale du gouvernement, et individuellement de leurs actes personnels. Le Président de la République n'est responsable que dans le cas de haute trahison. » (article 16 de la loi du 25 février 1875). Cette irresponsabilité présidentielle est un trait purement monarchique, rapprochant le Président d'un roi.

    De même, le Président de la République n'avait plus le droit de s'exprimer devant les parlementaires et ne pouvait s'adresser à eux qu'au moyen de messages écrits lus par chaque président d'assemblée. Cette disposition a été reprise le 27 octobre 1946 et le 4 octobre 1958, jusqu'au 23 juillet 2008 (possibilité au Président de la République de s'exprimer devant le Parlement réuni en congrès à Versailles seulement une fois par an, sans qu'il n'y ait débat ; cette disposition a été appliquée à ce jour seulement quatre fois).

    Plus curieusement, le personnage central du pouvoir sous la Troisième République n'est pas mentionné dans les lois constitutionnelles, à savoir le Président du Conseil. Seul est mentionné le Conseil des ministres, responsable devant le Parlement, également chargé d'assurer l'intérim en cas de vacance du Président de la République. Dans la pratique, le Président du Conseil a pris une importance décisive, et sa fonction et son rôle ont été confirmés explicitement par la Quatrième République. Thiers, prenant acte qu'il n'était plus tout seul responsable devant l'Assemblée, a signé un décret le 2 septembre 1871 instituant le « Vice-Président du Conseil » (puisque c'était lui qui présidait le conseil des ministres), à l'époque en la personne de Jules Dufaure, poste qui est devenu Président du Conseil dans la pratique institutionnelle ultérieure (Mac Mahon a ainsi nommé, le 23 février 1876, Jules Dufaure Président du Conseil).


    Avec l'article 2 de la loi constitutionnelle du 14 août 1884, les députés républicains, désormais majoritaires, ont amendé la loi du 25 juillet 1875 avec cette phrase également maintenue pour la Cinquième République : « La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de révision. ». Ce qui a rendu juridiquement impossible tout retour à la monarchie (ou à l'empire). Cette révision a proposé aussi : « Les membres des familles ayant régné sur la France sont inéligibles à la Présidence de la République. ».
     

     
     


    Ayant réussi à doter la France de lois constitutionnelles, l'Assemblée Nationale s'est auto-dissoute le 8 mars 1876. Les élections législatives des 20 février et 5 mars 1876 ont donné une très large majorité républicaine (361 sièges sur 533), entrant en confrontation avec le Président Patrice de Mac Mahon, provoquant une grave crise institutionnelle (crise du 16 mai 1877), et de nouvelles élections après une dissolution avec un thème de campagne de Gambetta qui a imposé à Mac Mahon de se soumettre ou de se démettre, comme il l'a proclamé lors de son discours de campagne le 15 août 1877 à Lille : « Quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, croyez-le bien Messieurs, il faudra se soumettre ou se démettre. ».
     

     
     


    Avec le successeur de Mac Mahon, le premier Président réellement républicain, Jules Grévy, qui s'est interdit toute dissolution de la Chambre des députés (pourtant permise par l'article 5 de la loi du 25 février 1875), la Troisième République qui donnait autant de pouvoirs au Président de la République que sous la future Cinquième République, a consolidé, dans la pratique de ses acteurs, le régime d'assemblée. Par la suite, seul le Président Alexandre Millerand a tenté de reprendre ce pouvoir de 1875, puis les Présidents du Conseil André Tardieu puis Gaston Doumergue (en 1934) ont tenté de réformer ces lois constitutionnelles pour donner plus de pouvoirs au gouvernement face aux assemblées. Mais ces trois tentatives ont échoué.

    Malgré la légèreté du texte constitutionnel, son manque de lien logique, l'absence d'inspiration philosophique, la Troisième République aura été, pour le moment, le régime le plus long et, pendant longtemps, le plus efficace de tous les régimes depuis la Révolution française (notamment pendant la Première Guerre mondiale). En matière constitutionnelle, la pratique l'emporte toujours sur le théorique, si bien que l'action des acteurs politiques est bien plus déterminante que la volonté initiale du constituant.

    Si la Troisième République a tant duré, c'est grâce à sa souplesse. C'est aussi la raison pour laquelle la Cinquième République va avoir une longévité bientôt équivalente. Parce qu'elle est très souple. Les événements politique depuis le 7 juillet 2024 (absence totale de majorité parlementaire) en ont donné une nouvelle démonstration, après le 10 mai 1981 (première alternance) et le 16 mars 1986 (première cohabitation).



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    (La première illustration représente le député Henri Wallon portant la Constitution, dessiné par Gill, publié le 6 mars 1875 dans "L'Éclipse").


    Pour aller plus loin :
    Site de l'Assemblée Nationale sur le sujet.
    Les 150 ans des lois constitutionnelles de la IIIe République.
    Site de l'Assemblée Nationale (événement).
    Jean Jaurès.
    Panthéon versus wokisme !
    Centenaire du drame.
    Anatole France.
    Alexandre Dumas fils.
    Pierre Waldeck-Rousseau.
    Alexandre Millerand.
    La victoire des impressionnistes.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Mélinée et Missak Manouchian.
    Le Débarquement en Normandie.
    La crise du 6 février 1934.
    Gustave Eiffel.

    Maurice Barrès.
    Joseph Paul-Boncour.
    G. Bruno et son Tour de France par Deux Enfants.
    Pierre Mendès France.
    Léon Blum.
    Jean Zay.
    Le général Georges Boulanger.
    Georges Clemenceau.
    Paul Déroulède.
    Seconde Guerre mondiale.
    Première Guerre mondiale.
    Le Pacte Briand-Kellogg.
    Le Traité de Versailles.
    Charles Maurras.
    L’école publique gratuite de Jules Ferry.
    La loi du 9 décembre 1905.
    Émile Combes.
    Henri Queuille.
    Rosa Luxemburg.
    La Commune de Paris.
    Le Front populaire.
    Le congrès de Tours.
    Georges Mandel.
    Les Accords de Munich.
    Édouard Daladier.
    Clemenceau a perdu.
    Au Panthéon de la République, Emmanuel Macron défend le droit au blasphème.
    L'attentat de Sarajevo.
    150 ans de traditions républicaines françaises.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250224-lois-constitutionnelles-1875.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-150-ans-des-lois-259019

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/17/article-sr-20250224-lois-constitutionnelles-1875.html


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  • François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !

    « J’appelle donc les sensibilités politiques représentées dans cette assemblée à ne pas détourner leur énergie de cette tâche historique, à ne pas dilapider leurs forces dans des tours de passe-passe politiques, dont ce type de motion de censure fournira à la postérité un cas d’école. Non seulement votre motion de censure rate sa cible, mais elle se retournera contre ceux qu’elle prétend défendre. » (François Bayrou, le 19 février 2025 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Le chef du gouvernement a été écouté : il a survécu à une énième opération de politique politicienne. Reprenons depuis le début.

    Alors que le parti socialiste prépare son congrès de juin prochain pour faire réélire triomphalement son leader charismatique Olivier Faure à sa tête (je plaisante), se moquant totalement de la marche du monde et en particulier de l'avenir de l'Ukraine et de l'Europe, les députés socialistes ont déposé le lundi 17 février 2025 une nouvelle motion de censure, la sixième motion de censure en cinq semaines contre le gouvernement Bayrou. Quelle santé !

    Ce qui est clair, c'est que si les rares électeurs qui leur restent ont compris la démarche, il faudra les honorer d'une médaille du mérite. En effet, depuis la nomination de François Bayrou à Matignon il y a un peu plus de deux mois, les socialistes avaient adopté une attitude un peu plus ouverte qu'avec Michel Barnier, ce qui a abouti à la non-censure pour les cinq premières motions de censure de l'année 2025.

    Et puis, voici que les socialistes décident de déposer et donc de voter une motion de censure. On ne comprend pas très bien s'ils veulent que le gouvernement survive ou s'il faut le renverser, et les électeurs socialistes devront bien choisir et opter pour des candidats un peu plus clairs que ces socialistes en peau de lapin.


    Si on lit le texte de la motion de censure, signé, rappelons-le, notamment par François Hollande, ancien Président de la République, c'est la guerre entre François Bayrou et les socialistes. Je cite : « Force est néanmoins de constater l’absence de culture de compromis du gouvernement de François Bayrou, qui n’a que trop partiellement accepté de faire des concessions sur des orientations budgétaires pourtant sanctionnées à plusieurs reprises dans les urnes. S’il fallait un budget pour le pays, ce budget ne répond pas aux attentes des Françaises et des Français, sur la question du pouvoir d’achat notamment, et il n’est pas celui des députées et députés signataires de la présente motion. ». Un laïus très explicite pour dire à Jean-Luc Mélenchon que les socialistes sont bien dans l'opposition, des fois qu'il en douterait (et cela ne l'empêchera pas d'en douter).
     

     
     


    Et comme à chaque manipulation, le cri au fascisme, à l'extrême droite. Pour le PS, comme pour la nouvelle farce populaire (NFP), tous ceux qui ne pensent pas comme eux est d'extrême droite. Je continue de citer : « Le gouvernement par la voix de plusieurs de ses ministres a cédé aux passions tristes de l’extrême droite, offrant des victoires culturelles inédites au Rassemblement national qu’il est censé combattre, et sape les fondements de notre pacte social depuis 1945. (…) Le Premier Ministre a repris les mots funestes de Jean-Marie Le Pen, condamné pour rappel à de multiples reprises pour incitation à la haine, en parlant de “submersion migratoire” et en déclarant que “l’immigration était une impasse”. ».

    Ce texte est faux car François Bayrou n'a jamais parlé de "submersion migratoire" mais d'un "sentiment de submersion", ce qui est une réalité vécue par des Français qui se sentent, peut-être improprement, "submergés".

    Et après une énumération un peu lassante de quelques déclarations de Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, le texte se termine ainsi : « Face aux attaques contre notre modèle démocratique, à la remise en cause de notre contrat social, à la dérégulation économique, au saccage de notre planète et au mensonge érigé comme fait alternatif, promus dans notre pays par le Rassemblement national, le gouvernement de la France doit s’ériger comme un rempart. Celui de François Bayrou n’en est pas un. Pire, dans la continuité des gouvernements précédents depuis 2017, il est l’accélérateur de nombreux affaissements politiques et moraux. ».

    Bref, avec autant de haine, si renouvelée depuis 2017, et surtout, en oubliant que l'actuel Président Emmanuel Macron avait été nommé Ministre de l'Économie et des Finances pendant deux ans par François Hollande et que Manuel Valls, le Premier Ministre de François Hollande et l'un des derniers Premiers Ministres socialistes, est aujourd'hui membre du gouvernement Bayrou avec rang de ministre d'État, deuxième dans l'ordre protocolaire derrière Élisabeth Borne, on se demande pourquoi les députés socialistes n'ont pas censuré le gouvernement lors des cinq premières motions de censure, surtout, comme le dit le texte, avec « l’absence de culture de compromis du gouvernement de François Bayrou », alors que les députés socialistes avaient justifié leur non-censure par cette "culture du compromis". Comprenne qui pourra !

    Cette motion de censure a donc été examinée dans l'hémicycle le mercredi 19 février 2025 dans l'après-midi. Comme toujours, il y a eu peu de monde présent dans ces lieux. C'est la députée socialiste Ayda Hadizadeh qui a défendu à la tribune cette motion de censure.


     

     
     


    Son discours sonnait plein de moraline et cette arrogance intellectuelle qui voudrait que seul son point de vue serait moralement acceptable (sans comprendre pourquoi les Français ont élu quand même 143 députés RN et alliés avec plus de 30% des voix) : « Un poison insidieux s’infiltre dans les veines de nos institutions. Goutte par goutte, il se distille dans les discours, dans les lois, dans les décisions de ce gouvernement. Ce poison, c’est la compromission. Ce sont les préjugés. C’est le mensonge. C’est l’idée que l’on peut s’inspirer des mots hideux de l’extrême droite qui porte la haine en bandoulière. Mais non ! La République ne se vend pas ! Elle ne se vend pas à ceux qui veulent faire de l’étranger un ennemi, à ceux qui disent de l’État de droit qu’il est une faiblesse, à ceux qui veulent transformer la justice en un instrument de vengeance. Elle ne se vend pas, jamais !, aux tribuns de la peur et aux marchands de haine. Il est du devoir de tout républicain d’en devenir le défenseur quand elle vacille et le rempart quand on l’attaque. ». Les socialistes n'ont aucune qualité pour s'ériger, seuls, en juges de la morale républicaine.

    Évidemment, l'expression impropre (fausse dans la bouche de François Bayrou) a été répétée : « Nous vous avons entendu vous, monsieur le Premier Ministre, reprendre les mots funestes de "submersion migratoire", au lieu de dénoncer la seule submersion : la submersion nationaliste ! (…) Votre politique stigmatise, exclut et fragilise. Votre dureté de cœur n’épargne pas même les Français. Vous affaiblissez la liberté de l’information, vous attaquez les aides sociales, vous abandonnez ceux qui souffrent. Vous nous aviez promis de gouverner tel Henri IV, ce souverain qui a su ramener la paix dans le cœur d’un peuple qui s’entre-tuait. Mais aujourd’hui, qui singez-vous ? Donald Trump ! (…) Gouverner, ce n’est pas pactiser avec l’ombre, c’est éclairer le chemin. Vous ne construisez pas ; vous détruisez. Chaque jour, vous ouvrez une nouvelle brèche (…). La République n’est pas une muraille que l’on démolit pierre par pierre. La République, c’est une cathédrale qui a traversé les siècles et qui a su résister aux monarchies, aux dictatures, aux tyrannies. Notre pays a apporté les Lumières au monde, mais il a sombré quand il a laissé le poison de la haine envahir son cœur. Les ténèbres, ce sont l’esclavage, l'affaire Dreyfus, la collaboration, la colonisation. La République sait guider le peuple vers la sagesse et la paix, quand elle est fidèle à ses valeurs humanistes, quand elle reste fidèle à sa lumière. ». Plus c'est gros, plus c'est insignifiant.

    Mais cela ne s'est pas arrêté là, l'oratrice socialiste y est allée de sa pleine arrogance : « Nous sommes ici pour juger un gouvernement qui a failli, mais nous ne sommes pas seulement les juges du présent ; nous sommes les architectes de l’avenir. ».


    François Bayrou a eu un malin plaisir à répondre à cette "motion de censure de congrès", comme il l'a appelée : « Cette motion de censure, qui est la sixième que nous examinons en cinq semaines, est la plus cousue de fil blanc de toute l’histoire parlementaire. Selon les mots de l’un des membres les mieux informés de cette assemblée, ancien premier secrétaire du Parti socialiste et ancien Président de la République française, "ce n’est pas une motion de censure pour faire tomber le gouvernement, mais pour montrer que nous sommes dans l’opposition". Il s’agit donc d’une motion de censure à faux, à blanc. Après avoir refusé, à juste titre, de voter quatre motions de censure à balles réelles contre le gouvernement, et contre la France , vous nous présentez une motion de censure de congrès. Voilà le parti de Blum, de Jaurès, de François Mitterrand et de Jacques Delors, dont vous devez bien avoir des portraits dans vos locaux, réduit à déposer une motion de censure pour faire semblant. Il y avait une vieille expression dans les vallées pyrénéennes pour se moquer gentiment des villages voisins réputés moins prospères. On disait : "Ce sont des pays où l’hiver les corbeaux volent sur le dos pour ne pas voir la misère". (…) Les portraits des grands ancêtres, il va falloir que vous les retourniez contre le mur pour qu’ils ne voient pas à quels expédients le Parti socialiste en est réduit. ».
     

     
     


    Et le Premier Ministre a mis en parallèle les enfantillages des socialistes et la situation internationale très grave, le PS ne vit pas sur la même planète : « Vous en arrivez, au moment où la planète chancelle sur ses bases, où le danger est partout, où la guerre d’agression de Poutine fait rage en Ukraine, où la Chine déploie sa puissance pour nous soumettre économiquement, où le quarante-septième président des États-Unis évoque rien de moins que l’annexion du canal de Panama, de Gaza et du Groenland, où l’Europe que nous avons voulue ensemble et construite ensemble ne parvient pas à s’unir, vous en arrivez à déposer une motion de censure pour faire semblant, de manière à enlever à Jean-Luc Mélenchon un angle de sarcasmes contre vous. Mais vous ne détournerez rien, car vous aurez les sarcasmes, et vous aurez le ridicule. Je dis cela avec tristesse. ».

    François Bayrou a énuméré un certain nombre d'arguments, le premier étant qu'il a toujours été pour le pluralisme politique, parfois à ses dépens lorsqu'il a refusé l'UMP en 2002 : « J’expliquerai à la fin de ce propos pourquoi je pense, et ça ne date pas d’aujourd’hui, que la démocratie française a besoin de socialistes libres, comme elle a besoin de gaullistes libres, de démocrates libres, de grands partis réformistes de gouvernement, à côté ou en face des mouvements protestataires, contestataires, plus radicaux, les uns sur la ligne nationaliste, les autres sur la ligne soi-disant révolutionnaire. J’ai plaidé, tout au long de ma vie politique, la même conviction : si nous pensons tous la même chose, alors nous ne pensons plus rien. La démocratie française a besoin de respect mutuel,mais elle a d’abord besoin que chacun se respecte soi-même. Et c’est à cela que manque cette motion de censure pour faire semblant. ».

    Un autre argument, d'autorité, c'est qu'il serait difficile de dire qu'il ne respecte pas les valeurs républicaines : « Il n’y a pas un parlementaire, dans cette assemblée, sur quelque banc qu’il siège, même parmi ceux qui nous combattent et nous détestent, qui croie que nous ne respectons pas les valeurs de la République. Beaucoup pensent que nous sommes incapables, beaucoup pensent que nous sommes nuls, à côté de la plaque, loin de ce qu’il conviendrait de faire, agaçants et insupportables, mais il n’en est pas un en vérité pour croire que nous ne respectons pas la République. La République, historiquement, nous l’avons défendue et sauvée, tous les courants qui appartiennent à ce gouvernement et tous les courants de gouvernement, en un temps dont j’ose espérer qu’il n’est pas révolu, pour composer ensemble, quand il le fallait, la Résistance française. Mais on voit bien de quoi il s’agit : habiller des mots les plus grands et les plus grandiloquents possible de médiocres, de médiocrissimes intérêts : minuscules intérêts électoraux, microscopiques intérêts de courants de congrès. Et, ce faisant, je vous le dis comme je le crois : vous vous trompez. ».


    Vexés à l'écoute de cette vérité, Olivier Faure et la plupart des députés socialistes ont quitté l'hémicycle, si bien que les lieux étaient quasiment déserts. Étrange pour les promoteurs d'une motion de censure : « J’avoue que c’est la première fois que je vois un parti qui, ayant déposé une motion de censure, quitte l’hémicycle pendant qu’elle est en discussion. Mais l’innovation est la marque des peuples vivants. En habillant de mots grandiloquents des intérêts électoraux de courants de congrès, je crois que vous jouez contre vous-mêmes. ».
     

     
     


    Puis, le chef du gouvernement s'est expliqué avec ce mot "submersion" : « Donc vous vous êtes saisis, avec la même grandiloquence, de ce que j’aie employé le mot "submersion" dans une émission de télévision. Je n’ai jamais employé l’expression "submersion migratoire", mais vous vous êtes épandus à loisir sur ce sujet. Je veux rappeler le contexte, puisqu’aujourd’hui il faut se justifier de tout. J’étais dans l’émission de Darius Rochebin et, au bout d’une heure d’émission, ou un peu plus, il m’a posé une question à laquelle je dois avouer, c’est assez rare, que je ne m’attendais pas. Il a dit : "Je suis allé voir les photos de votre enfance, au lycée de Nay, au pied des Pyrénées, et j’ai remarqué quelque chose". J’avoue qu’à cet instant mon esprit battait un peu la campagne, en repensant à ces photos auxquelles sont attachés tant de souvenirs et de tendresse et je ne voyais vraiment pas où il voulait en venir. "J’ai remarqué, dit-il, que dans votre classe, vous êtes tous blancs". Imaginez que dans un pays africain, au Sénégal ou au Congo, on ait interrogé un responsable politique en lui disant : "J’ai regardé vos photos d’enfance et vous êtes tous noirs". Je crois qu’on en parlerait aux quatre coins du continent et que cela aurait dit quelque chose du temps que nous vivons. J’ai été saisi, je dois l’avouer, de ce que ces garçons et ces filles que nous étions ensemble, je n’avais jamais pensé qu’ils étaient blancs. Nous étions quelque 600 élèves et, dans tout le lycée, il y avait un Africain, dont nous étions tous, les garçons, vaguement jaloux parce qu’il était toujours sur le même banc, dans un coin de la cour, avec une très jolie fille, pleine de charme qui se reconnaîtra si elle écoute. (…) Et le journaliste a prolongé sa question : "Vous étiez tous blancs, est-ce que vous pensez qu’il faut métisser la France ?" ».

    J'ai été, moi aussi, très choqué par la question de Darius Rochebin qui était une question stupide et qui n'avait rien à faire dans cette interview. J'ai regretté que François Bayrou n'ait pas exprimé aussi clairement son trouble sur le moment, comme il l'a fait excellemment ce mercredi devant la représentation nationale.

    C'est-à-dire : « J’ai répondu deux choses. D’abord, que je ne regardais pas la couleur de la peau. Ensuite, qu’il y avait du danger dans une telle affirmation, parce que si nos compatriotes considèrent que la couleur de la peau doit inexorablement changer, qu’ils le veuillent ou non, si c’est une fatalité qu’on leur commande de subir, même contre leur gré, alors ils auront le sentiment de perdre le contrôle. C’est ce que j’ai appelé "submersion". Et je répète que je n’ai jamais dit "migratoire". Et si vous ne vous rendez pas compte de cela, pas compte que les choses qui viennent du fond des âges, même si vous direz qu’elles sont archaïques, font partie de la nature humaine, alors vous passez à côté de choses bien plus profondes que l’addition de Marx, Lénine, Staline et Trotski réunis. Et méfiez-vous : à force de nier l’archaïque, vous ouvrez la voie à tous les Trump, à tous les Vance, à tous les Musk de la création, spécialement à tous les suprématistes et à tous les racistes, spécialement dans les milieux populaires, comme vous dites, chez ceux qui vivent dans les difficultés sociales et culturelles et qui se croient dépossédés de leur destin. Vous les transformez malgré eux en chair à canon de la mondialisation. Vous touchez non pas à ce qu’ils ont, mais à ce qu’ils sont ou croient être. Vous faites, avec la bouche en cul-de-poule, le lit de toutes les instrumentalisations. ».

    Mais François Bayrou est allé beaucoup plus loin et a contre-attaqué encore, en rappelant certains discours de socialistes. Par exemple, François Mitterrand : « Les mêmes qui osent déclarer que nous faisons la politique de l’extrême droite, les hypocrites, les hypocritissimes, quand François Mitterrand a dit "le seuil de tolérance est atteint", une phrase qui touche à une conception organique de la société, où celle-ci est décrite comme se défendant contre une agression, qu’ont-ils dit à l’époque ? ».

    Et le coup de grâce, c'est une déclaration très douteuse d'Olivier Faure lui-même : « Je regrette qu’Olivier Faure soit parti : peut-être l’a-t-il fait parce qu’il imaginait ce que j’allais dire. Le responsable politique qui est le principal leader du parti qui dépose la motion de censure, M. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, qu’a-t-il dit le 25 octobre 2018 ? Je le cite exactement : "Il existe aujourd’hui des endroits où le fait de ne pas être issu de l’immigration peut poser problème à des gens dans ces quartiers, et qui peuvent se sentir exclus. II y a des endroits où il y a des regroupements qui se sont faits génération après génération et qui donnent le sentiment qu’on est dans une sorte, écoutez bien !, de colonisation à l’envers, ce que m’a dit un jour une de mes concitoyennes. Qui me disait après avoir voté longtemps pour la gauche, qu’elle ne voulait plus voter pour nous parce qu’elle avait le sentiment d’être colonisée. Ce message-là, je l’entends". C’est Olivier Faure qui parle. "Colonisation à l’envers" : ce message-là, M. Faure l’entend. Mais M. Faure sait-il que "colonisation à l’envers", c’est bien plus grave que "seuil de tolérance" ou que "sentiment de submersion", qui n’est que le constat d’une situation subie ? "Colonisation à l’envers", c’est autre chose : c’est un projet politique, un dessein politique, une volonté de conquérir et de soumettre. Et c’est le même responsable politique qui, vêtu de probité candide et de lin blanc, et, j’imagine, d’un peu de fond de teint pour effacer le rouge de la honte, disait hier à la radio que nous sommes connivents avec l’extrême droite et même en fusion idéologique avec elle. Celui qui dit "colonisation à l’envers" (…). Je viens de lire le texte dans son intégralité et il finit par : "Ce message-là, je l’entends". Ce sont ses mots précisément : j’ai donné la date de sa prise de parole, vous pouvez vérifier. ».


    Malgré tout, il y a eu parfois des communautés de vue. Ainsi, l'oratrice rappelait son origine de cette manière : « L’immigration ne doit pas être traitée comme un fardeau, mais comme un défi à relever avec humanité et raison. Ce défi, la France le relève tous les jours ! C’est moi qui vous le dis, moi qui suis née en Iran, moi dont la mère a fui l’obscurantisme, moi qui n’ai pas une goutte de sang français, pourtant, c’est toute la France qui coule dans mes veines. La France a fait de moi son enfant. J’ai reçu l’amour de la France sur les bancs de l’école de la République, grâce à ses professeurs. J’ai reçu l’amour des Français, que je remercie encore et toujours, car quand on reçoit de l’amour, on le rend ! ».

    François Bayrou lui a répondu ceci : « Pourquoi partaient-ils, nos arrière-grands-parents basques, béarnais, bretons ? Parce que c’était la misère. Ils allaient vers une vie qu’ils croyaient plus facile, et beaucoup y mouraient, je parle de ma propre famille. Ceux qui sont aujourd’hui dans la misère, ils viennent chez nous, ou ils y passent : 300 000 se sont accumulés au fil des années, parce qu’ils veulent passer en Grande-Bretagne. L’immigration, c’est une partie de notre France : 25% des Français, dit-on, descendent d’un parent immigré de la première, deuxième ou troisième génération. C’est votre cas, madame, et vous avez raison de le revendiquer à la tribune. C’est notre réalité, et c’est une réalité d’enrichissement de notre pays. ».

    Et d'ajouter, pour enlever toute ambiguïté : « Ceux qui en sont issus [de l'immigration] sont-ils des compatriotes de manière pleine et entière ? Ils le sont. Ont-ils contribué au rayonnement de la France ? Magnifiquement. Nous ne sommes pas une nation fondée sur l’origine ethnique, géographique, la couleur de la peau : nombre de nos compatriotes descendent aux Antilles d’esclaves africains, à La Réunion de familles indiennes, en Nouvelle-Calédonie des peuples autochtones austronésiens, quand ils ne sont pas d’origine wallisienne ou polynésienne. Chez nous, la nation ne se fait pas non plus par la religion. Elle se fait par un ciment. Nous sommes ce que nous croyons : que les êtres humains, femmes et hommes, sont libres, qu’ils sont égaux, qu’ils doivent être fraternels. De ce triptyque républicain, la fraternité constitue la clef de voûte : bien des régimes reposent sur le postulat que la liberté l’emporte sur l’égalité, ou réciproquement, mais on ne peut être fraternel sans concevoir l’autre comme libre et égal à soi. ».

    Le Premier Ministre a évoqué le quatrième principe républicain après la liberté, l'égalité et la fraternité, à savoir, la laïcité : « À cela, nous ajoutons une conquête récente, la laïcité. Laos, en grec, c’est le peuple ; laïkos, ce qui fait ce peuple, ce qui, encore une fois, le cimente. Nous avons mis quatre siècles à la construire, à compter de l’apparition, au XVIe siècle, après presque un siècle de guerres, de la notion de tolérance. Jusque-là, il n’y avait qu’un roi, une loi, une foi ; une religion nouvelle, le protestantisme, est venue tout chambouler. Généralement, la laïcité est présentée comme une séparation, celle de l’Église et de l’État ou, comme je l’ai souvent énoncé, celle de la foi et de la loi : la loi protège la foi, la foi ne fait pas la loi. Or, si l’on y réfléchit, c’est bien davantage. La laïcité va plus loin que la tolérance. Elle ne se contente pas d’établir que l’on peut être différents et cependant concitoyens, elle affirme que nous sommes concitoyens parce que nous acceptons nos différences et, plus encore, parce que nous les voulons ; que le lien qui nous unit en tant que Français est assez fort pour cela, qu’il nous permet d’apporter nos différences dans un espace commun de reconnaissance, de dialogue et d’enrichissement mutuel. La laïcité, c’est l’amour de cet espace, contre les communautarismes. En matière religieuse, philosophique, elle s’est imposée au terme d’une histoire dont on connaît les heurts, les violences, les effusions de sang. Nous avons mis des siècles, je le répète, à parvenir à ce respect mutuel entre croyants et non-croyants. Les tenants d’une foi donnée ne préconisent heureusement plus l’extinction des autres. Chrétiens et Juifs ne souhaitent pas la disparition dans notre pays de la religion musulmane, pas plus que les athées celle des croyances religieuses. Nous avons construit un espace commun où tous ont droit de cité. (…) Vous n’aviez qu’à ne pas déposer de motion de censure car il devient alors très difficile de se soustraire à l’obligation d’écouter ceux que vous voulez censurer ! Il nous reste à tirer les ultimes conséquences de ce principe et à l’appliquer, nous en sommes loin, comme on le voit, mais je suis persuadé qu’il faut le faire, à la sphère politique. Ce concept nouveau de laïcité politique invite à mettre un terme aux conflits absurdes, descendants des guerres de religion, aux "mon parti, mon programme et rien d’autre" dans lesquels la France épuise son crédit depuis si longtemps. ».
     

     
     


    Voici la définition de la démocratie pour François Bayrou : « Pendant longtemps, j’ai cru comme tout le monde que le but des affrontements politiques consistait à faire triompher ses idées, à vaincre les autres, c’est-à-dire au bout du compte, si l’on y réfléchit un peu, à obtenir tous les pouvoirs, à imposer un absolutisme politique comme on voulait autrefois un absolutisme religieux. J’ai été un très bon militant de partis qui n’étaient pas des plus faciles à défendre ; j’y ai consacré beaucoup de temps et des quelques capacités que je possédais à l’époque. Désormais, je ne crois plus que la démocratie signifie l’écrasement des uns par les autres. Je défends le contraire. Dans cet hémicycle et ailleurs, je suis en accord avec certains courants politiques, j’en considère d’autres avec des nuances, avec certains je suis en désaccord, avec d’autres enfin en opposition franche ; mais je crois en la démocratie comme en un espace où les sensibilités doivent coexister et, autant que possible, s’enrichir. Que ce soit en matière philosophique, religieuse ou politique, la laïcité ne saurait tendre à la tolérance molle, que je n’aime pas, encore moins au relativisme, que j’abhorre, mais à la fermeté des convictions et à la compréhension mutuelle. Dans le débat, voire le combat, on n’a pas envie de mous, d’insipides, de "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil". Georges Bernanos l’a écrit dans l’un de ses plus grands romans : "petits cœurs, petites bouches, ceci n’est point pour vous". On a besoin de raison, vous l’avez dit ; besoin de flamme, de cœur, de culture, d’intelligence, d’histoire et d’art, pour avec cette raison, cette foi, cette vertu d’engagement, arriver à comprendre l’autre, même l’adversaire, comme l’on comprendrait un frère ! Beaucoup hausseront les épaules en taxant d’idéalisme une telle manière de voir les choses. J’accepte le reproche ; je le revendique même. Ce n’était pas un tiède que Pascal, pas un tiède que Voltaire. Regardons-nous : nous sommes le peuple qui fait vivre ensemble Voltaire et Pascal, qui vit de Voltaire autant que de Pascal, sans arrondir les angles de leur pensée. Que l’on enlève l’un ou que l’on supprime l’autre, la France ne serait plus la France. Je vois d’ici les regards amusés : quel est ce type qui, à propos des valeurs de la République, vient vous parler de Voltaire et de Pascal, au temps des réseaux sociaux ? Pardonnez-moi, mais de toute ma conviction, de toute ma folie peut-être, je crois que c’est parce que l’on ne parle plus d’eux que les réseaux sociaux sont devenus si pauvres. Voltaire et Pascal, je vous assure, ne sont pas moins modernes qu’Elon Musk et Sam Altman. En tout cas, c’est là qu’est la France ! C’est parce que nous partageons ces principes que nous formons un peuple : Ernest Renan le proclamait déjà il y a 150 ans. Il y a là un cas de figure unique au monde : nous ne nous définissons pas par la pureté du sang de nos ancêtres, par la supériorité d’un dieu sur les autres, mais en tant que porteurs de quelque chose d’infiniment plus précieux, un projet commun de liberté, d’égalité et de fraternité, celle-ci, je le répète, constituant la clef de voûte. ».

    Après ces propos liminaires, François Bayrou a longuement parlé de l'immigration et de la politique qu'il poursuivait. Il a notamment rappelé les principes pour régulariser les personnes en situation irrégulière : « D’où l’importance, enfin, d’une conception nette, et elle aussi respectée, des devoirs qui incombent aux personnes accueillies en France. Ces obligations, qui ouvrent la voie à la régularité du séjour, d’abord, à l’intégration, ensuite, à l’assimilation, enfin, au terme de ce parcours d’étapes, sont au moins au nombre de trois : l’obligation de travailler, c’est-à-dire de contribuer au modèle économique et social ; l’obligation de parler notre langue, qui est le fondement du lien social ; et l’obligation d’adhérer à nos principes de vie en commun. Cette conviction est, je crois, partagée par la plupart de ceux qui siègent sur ces bancs. Alors, quels sont les sujets qui font débat ? ».

     

     
     


    C'est la députée insoumise Clémence Guetté, vice-présidente de l'Assemblée, qui a présidé la séance et annoncé le rejet de la motion de censure ce mercredi 19 février 2025 à 20 heures 25. Seulement 181 députés ont voté pour la censure, il en fallait 289.

    L'analyse du scrutin n°842 montre que parmi les 181 censeurs, la puissance de feu de la gauche, il y avait 68 insoumis sur 71, 64 socialistes sur 66 (dont Jérôme Guedj et François Hollande, insistons !), 37 écologistes sur 38 et 12 communistes sur 17. Il a manqué 11 députés à l'appel. Quant au RN, il n'a pas participé au vote, comme les députés soutenant le gouvernement.

    Rescapé de six motions de censure en cinq semaines, François Bayrou est ce qu'on peut dire insubmersible dans un tel environnement parlementaire hostile. Sa désignation se justifiait car il était le plus apte à trouver les moyens d'une stabilité gouvernementale, et d'abord, d'une adoption des budgets publics. Les socialistes vont cependant avoir du mal à recoller les morceaux pour poursuivre leur politique de non-censure (cinq fois), censure (une fois), non-censure (cinq fois), censure (une fois), et ainsi de suite.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250219-motion-de-censure.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/17/article-sr-20250219-motion-de-censure.html

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  • François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS

    « J’appelle donc les sensibilités politiques représentées dans cette assemblée à ne pas détourner leur énergie de cette tâche historique, à ne pas dilapider leurs forces dans des tours de passe-passe politiques, dont ce type de motion de censure fournira à la postérité un cas d’école. Non seulement votre motion de censure rate sa cible, mais elle se retournera contre ceux qu’elle prétend défendre. » (François Bayrou, le 19 février 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Le chef du gouvernement a été écouté : il a survécu à une énième opération de politique politicienne. Reprenons depuis le début.

    Alors que le parti socialiste prépare son congrès de juin prochain pour faire réélire triomphalement son leader charismatique Olivier Faure à sa tête (je plaisante), se moquant totalement de la marche du monde et en particulier de l'avenir de l'Ukraine et de l'Europe, les députés socialistes ont déposé le lundi 17 février 2025 une nouvelle motion de censure, la sixième motion de censure en cinq semaines contre le gouvernement Bayrou. Quelle santé !

    Ce qui est clair, c'est que si les rares électeurs qui leur restent ont compris la démarche, il faudra les honorer d'une médaille du mérite. En effet, depuis la nomination de François Bayrou à Matignon il y a un peu plus de deux mois, les socialistes avaient adopté une attitude un peu plus ouverte qu'avec Michel Barnier, ce qui a abouti à la non-censure pour les cinq premières motions de censure de l'année 2025.

    Et puis, voici que les socialistes décident de déposer et donc de voter une motion de censure. On ne comprend pas très bien s'ils veulent que le gouvernement survive ou s'il faut le renverser, et les électeurs socialistes devront bien choisir et opter pour des candidats un peu plus clairs que ces socialistes en peau de lapin.


    Si on lit le texte de la motion de censure, signé, rappelons-le, notamment par François Hollande, ancien Président de la République, c'est la guerre entre François Bayrou et les socialistes. Je cite : « Force est néanmoins de constater l’absence de culture de compromis du gouvernement de François Bayrou, qui n’a que trop partiellement accepté de faire des concessions sur des orientations budgétaires pourtant sanctionnées à plusieurs reprises dans les urnes. S’il fallait un budget pour le pays, ce budget ne répond pas aux attentes des Françaises et des Français, sur la question du pouvoir d’achat notamment, et il n’est pas celui des députées et députés signataires de la présente motion. ». Un laïus très explicite pour dire à Jean-Luc Mélenchon que les socialistes sont bien dans l'opposition, des fois qu'il en douterait (et cela ne l'empêchera pas d'en douter).

     

     
     


    Et comme à chaque manipulation, le cri au fascisme, à l'extrême droite. Pour le PS, comme pour la nouvelle farce populaire (NFP), tous ceux qui ne pensent pas comme eux est d'extrême droite. Je continue de citer : « Le gouvernement par la voix de plusieurs de ses ministres a cédé aux passions tristes de l’extrême droite, offrant des victoires culturelles inédites au Rassemblement national qu’il est censé combattre, et sape les fondements de notre pacte social depuis 1945. (…) Le Premier Ministre a repris les mots funestes de Jean-Marie Le Pen, condamné pour rappel à de multiples reprises pour incitation à la haine, en parlant de “submersion migratoire” et en déclarant que “l’immigration était une impasse”. ».

    Ce texte est faux car François Bayrou n'a jamais parlé de "submersion migratoire" mais d'un "sentiment de submersion", ce qui est une réalité vécue par des Français qui se sentent, peut-être improprement, "submergés".

    Et après une énumération un peu lassante de quelques déclarations de Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, le texte se termine ainsi : « Face aux attaques contre notre modèle démocratique, à la remise en cause de notre contrat social, à la dérégulation économique, au saccage de notre planète et au mensonge érigé comme fait alternatif, promus dans notre pays par le Rassemblement national, le gouvernement de la France doit s’ériger comme un rempart. Celui de François Bayrou n’en est pas un. Pire, dans la continuité des gouvernements précédents depuis 2017, il est l’accélérateur de nombreux affaissements politiques et moraux. ».

    Bref, avec autant de haine, si renouvelée depuis 2017, et surtout, en oubliant que l'actuel Président Emmanuel Macron avait été nommé Ministre de l'Économie et des Finances pendant deux ans par François Hollande et que Manuel Valls, le Premier Ministre de François Hollande et l'un des derniers Premiers Ministres socialistes, est aujourd'hui membre du gouvernement Bayrou avec rang de ministre d'État, deuxième dans l'ordre protocolaire derrière Élisabeth Borne, on se demande pourquoi les députés socialistes n'ont pas censuré le gouvernement lors des cinq premières motions de censure, surtout, comme le dit le texte, avec « l’absence de culture de compromis du gouvernement de François Bayrou », alors que les députés socialistes avaient justifié leur non-censure par cette "culture du compromis". Comprenne qui pourra !

    Cette motion de censure a donc été examinée dans l'hémicycle le mercredi 19 février 2025 dans l'après-midi. Comme toujours, il y a eu peu de monde présent dans ces lieux. C'est la députée socialiste Ayda Hadizadeh qui a défendu à la tribune cette motion de censure.


     

     
     


    Son discours sonnait plein de moraline et cette arrogance intellectuelle qui voudrait que seul son point de vue serait moralement acceptable (sans comprendre pourquoi les Français ont élu quand même 143 députés RN et alliés avec plus de 30% des voix) : « Un poison insidieux s’infiltre dans les veines de nos institutions. Goutte par goutte, il se distille dans les discours, dans les lois, dans les décisions de ce gouvernement. Ce poison, c’est la compromission. Ce sont les préjugés. C’est le mensonge. C’est l’idée que l’on peut s’inspirer des mots hideux de l’extrême droite qui porte la haine en bandoulière. Mais non ! La République ne se vend pas ! Elle ne se vend pas à ceux qui veulent faire de l’étranger un ennemi, à ceux qui disent de l’État de droit qu’il est une faiblesse, à ceux qui veulent transformer la justice en un instrument de vengeance. Elle ne se vend pas, jamais !, aux tribuns de la peur et aux marchands de haine. Il est du devoir de tout républicain d’en devenir le défenseur quand elle vacille et le rempart quand on l’attaque. ». Les socialistes n'ont aucune qualité pour s'ériger, seuls, en juges de la morale républicaine.

    Évidemment, l'expression impropre (fausse dans la bouche de François Bayrou) a été répétée : « Nous vous avons entendu vous, monsieur le Premier Ministre, reprendre les mots funestes de "submersion migratoire", au lieu de dénoncer la seule submersion : la submersion nationaliste ! (…) Votre politique stigmatise, exclut et fragilise. Votre dureté de cœur n’épargne pas même les Français. Vous affaiblissez la liberté de l’information, vous attaquez les aides sociales, vous abandonnez ceux qui souffrent. Vous nous aviez promis de gouverner tel Henri IV, ce souverain qui a su ramener la paix dans le cœur d’un peuple qui s’entre-tuait. Mais aujourd’hui, qui singez-vous ? Donald Trump ! (…) Gouverner, ce n’est pas pactiser avec l’ombre, c’est éclairer le chemin. Vous ne construisez pas ; vous détruisez. Chaque jour, vous ouvrez une nouvelle brèche (…). La République n’est pas une muraille que l’on démolit pierre par pierre. La République, c’est une cathédrale qui a traversé les siècles et qui a su résister aux monarchies, aux dictatures, aux tyrannies. Notre pays a apporté les Lumières au monde, mais il a sombré quand il a laissé le poison de la haine envahir son cœur. Les ténèbres, ce sont l’esclavage, l'affaire Dreyfus, la collaboration, la colonisation. La République sait guider le peuple vers la sagesse et la paix, quand elle est fidèle à ses valeurs humanistes, quand elle reste fidèle à sa lumière. ». Plus c'est gros, plus c'est insignifiant.

    Mais cela ne s'est pas arrêté là, l'oratrice socialiste y est allée de sa pleine arrogance : « Nous sommes ici pour juger un gouvernement qui a failli, mais nous ne sommes pas seulement les juges du présent ; nous sommes les architectes de l’avenir. ».


    François Bayrou a eu un malin plaisir à répondre à cette "motion de censure de congrès", comme il l'a appelée : « Cette motion de censure, qui est la sixième que nous examinons en cinq semaines, est la plus cousue de fil blanc de toute l’histoire parlementaire. Selon les mots de l’un des membres les mieux informés de cette assemblée, ancien premier secrétaire du Parti socialiste et ancien Président de la République française, "ce n’est pas une motion de censure pour faire tomber le gouvernement, mais pour montrer que nous sommes dans l’opposition". Il s’agit donc d’une motion de censure à faux, à blanc. Après avoir refusé, à juste titre, de voter quatre motions de censure à balles réelles contre le gouvernement, et contre la France , vous nous présentez une motion de censure de congrès. Voilà le parti de Blum, de Jaurès, de François Mitterrand et de Jacques Delors, dont vous devez bien avoir des portraits dans vos locaux, réduit à déposer une motion de censure pour faire semblant. Il y avait une vieille expression dans les vallées pyrénéennes pour se moquer gentiment des villages voisins réputés moins prospères. On disait : "Ce sont des pays où l’hiver les corbeaux volent sur le dos pour ne pas voir la misère". (…) Les portraits des grands ancêtres, il va falloir que vous les retourniez contre le mur pour qu’ils ne voient pas à quels expédients le Parti socialiste en est réduit. ».

     

     
     


    Et le Premier Ministre a mis en parallèle les enfantillages des socialistes et la situation internationale très grave, le PS ne vit pas sur la même planète : « Vous en arrivez, au moment où la planète chancelle sur ses bases, où le danger est partout, où la guerre d’agression de Poutine fait rage en Ukraine, où la Chine déploie sa puissance pour nous soumettre économiquement, où le quarante-septième président des États-Unis évoque rien de moins que l’annexion du canal de Panama, de Gaza et du Groenland, où l’Europe que nous avons voulue ensemble et construite ensemble ne parvient pas à s’unir, vous en arrivez à déposer une motion de censure pour faire semblant, de manière à enlever à Jean-Luc Mélenchon un angle de sarcasmes contre vous. Mais vous ne détournerez rien, car vous aurez les sarcasmes, et vous aurez le ridicule. Je dis cela avec tristesse. ».

    François Bayrou a énuméré un certain nombre d'arguments, le premier étant qu'il a toujours été pour le pluralisme politique, parfois à ses dépens lorsqu'il a refusé l'UMP en 2002 : « J’expliquerai à la fin de ce propos pourquoi je pense, et ça ne date pas d’aujourd’hui, que la démocratie française a besoin de socialistes libres, comme elle a besoin de gaullistes libres, de démocrates libres, de grands partis réformistes de gouvernement, à côté ou en face des mouvements protestataires, contestataires, plus radicaux, les uns sur la ligne nationaliste, les autres sur la ligne soi-disant révolutionnaire. J’ai plaidé, tout au long de ma vie politique, la même conviction : si nous pensons tous la même chose, alors nous ne pensons plus rien. La démocratie française a besoin de respect mutuel,mais elle a d’abord besoin que chacun se respecte soi-même. Et c’est à cela que manque cette motion de censure pour faire semblant. ».

    Un autre argument, d'autorité, c'est qu'il serait difficile de dire qu'il ne respecte pas les valeurs républicaines : « Il n’y a pas un parlementaire, dans cette assemblée, sur quelque banc qu’il siège, même parmi ceux qui nous combattent et nous détestent, qui croie que nous ne respectons pas les valeurs de la République. Beaucoup pensent que nous sommes incapables, beaucoup pensent que nous sommes nuls, à côté de la plaque, loin de ce qu’il conviendrait de faire, agaçants et insupportables, mais il n’en est pas un en vérité pour croire que nous ne respectons pas la République. La République, historiquement, nous l’avons défendue et sauvée, tous les courants qui appartiennent à ce gouvernement et tous les courants de gouvernement, en un temps dont j’ose espérer qu’il n’est pas révolu, pour composer ensemble, quand il le fallait, la Résistance française. Mais on voit bien de quoi il s’agit : habiller des mots les plus grands et les plus grandiloquents possible de médiocres, de médiocrissimes intérêts : minuscules intérêts électoraux, microscopiques intérêts de courants de congrès. Et, ce faisant, je vous le dis comme je le crois : vous vous trompez. ».


    Vexés à l'écoute de cette vérité, Olivier Faure et la plupart des députés socialistes ont quitté l'hémicycle, si bien que les lieux étaient quasiment déserts. Étrange pour les promoteurs d'une motion de censure : « J’avoue que c’est la première fois que je vois un parti qui, ayant déposé une motion de censure, quitte l’hémicycle pendant qu’elle est en discussion. Mais l’innovation est la marque des peuples vivants. En habillant de mots grandiloquents des intérêts électoraux de courants de congrès, je crois que vous jouez contre vous-mêmes. ».
     

     
     


    Puis, le chef du gouvernement s'est expliqué avec ce mot "submersion" : « Donc vous vous êtes saisis, avec la même grandiloquence, de ce que j’aie employé le mot "submersion" dans une émission de télévision. Je n’ai jamais employé l’expression "submersion migratoire", mais vous vous êtes épandus à loisir sur ce sujet. Je veux rappeler le contexte, puisqu’aujourd’hui il faut se justifier de tout. J’étais dans l’émission de Darius Rochebin et, au bout d’une heure d’émission, ou un peu plus, il m’a posé une question à laquelle je dois avouer, c’est assez rare, que je ne m’attendais pas. Il a dit : "Je suis allé voir les photos de votre enfance, au lycée de Nay, au pied des Pyrénées, et j’ai remarqué quelque chose". J’avoue qu’à cet instant mon esprit battait un peu la campagne, en repensant à ces photos auxquelles sont attachés tant de souvenirs et de tendresse et je ne voyais vraiment pas où il voulait en venir. "J’ai remarqué, dit-il, que dans votre classe, vous êtes tous blancs". Imaginez que dans un pays africain, au Sénégal ou au Congo, on ait interrogé un responsable politique en lui disant : "J’ai regardé vos photos d’enfance et vous êtes tous noirs". Je crois qu’on en parlerait aux quatre coins du continent et que cela aurait dit quelque chose du temps que nous vivons. J’ai été saisi, je dois l’avouer, de ce que ces garçons et ces filles que nous étions ensemble, je n’avais jamais pensé qu’ils étaient blancs. Nous étions quelque 600 élèves et, dans tout le lycée, il y avait un Africain, dont nous étions tous, les garçons, vaguement jaloux parce qu’il était toujours sur le même banc, dans un coin de la cour, avec une très jolie fille, pleine de charme qui se reconnaîtra si elle écoute. (…) Et le journaliste a prolongé sa question : "Vous étiez tous blancs, est-ce que vous pensez qu’il faut métisser la France ?" ».

    J'ai été, moi aussi, très choqué par la question de Darius Rochebin qui était une question stupide et qui n'avait rien à faire dans cette interview. J'ai regretté que François Bayrou n'ait pas exprimé aussi clairement son trouble sur le moment, comme il l'a fait excellemment ce mercredi devant la représentation nationale.

    C'est-à-dire : « J’ai répondu deux choses. D’abord, que je ne regardais pas la couleur de la peau. Ensuite, qu’il y avait du danger dans une telle affirmation, parce que si nos compatriotes considèrent que la couleur de la peau doit inexorablement changer, qu’ils le veuillent ou non, si c’est une fatalité qu’on leur commande de subir, même contre leur gré, alors ils auront le sentiment de perdre le contrôle. C’est ce que j’ai appelé "submersion". Et je répète que je n’ai jamais dit "migratoire". Et si vous ne vous rendez pas compte de cela, pas compte que les choses qui viennent du fond des âges, même si vous direz qu’elles sont archaïques, font partie de la nature humaine, alors vous passez à côté de choses bien plus profondes que l’addition de Marx, Lénine, Staline et Trotski réunis. Et méfiez-vous : à force de nier l’archaïque, vous ouvrez la voie à tous les Trump, à tous les Vance, à tous les Musk de la création, spécialement à tous les suprématistes et à tous les racistes, spécialement dans les milieux populaires, comme vous dites, chez ceux qui vivent dans les difficultés sociales et culturelles et qui se croient dépossédés de leur destin. Vous les transformez malgré eux en chair à canon de la mondialisation. Vous touchez non pas à ce qu’ils ont, mais à ce qu’ils sont ou croient être. Vous faites, avec la bouche en cul-de-poule, le lit de toutes les instrumentalisations. ».

    Mais François Bayrou est allé beaucoup plus loin et a contre-attaqué encore, en rappelant certains discours de socialistes. Par exemple, François Mitterrand : « Les mêmes qui osent déclarer que nous faisons la politique de l’extrême droite, les hypocrites, les hypocritissimes, quand François Mitterrand a dit "le seuil de tolérance est atteint", une phrase qui touche à une conception organique de la société, où celle-ci est décrite comme se défendant contre une agression, qu’ont-ils dit à l’époque ? ».

    Et le coup de grâce, c'est une déclaration très douteuse d'Olivier Faure lui-même : « Je regrette qu’Olivier Faure soit parti : peut-être l’a-t-il fait parce qu’il imaginait ce que j’allais dire. Le responsable politique qui est le principal leader du parti qui dépose la motion de censure, M. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, qu’a-t-il dit le 25 octobre 2018 ? Je le cite exactement : "Il existe aujourd’hui des endroits où le fait de ne pas être issu de l’immigration peut poser problème à des gens dans ces quartiers, et qui peuvent se sentir exclus. II y a des endroits où il y a des regroupements qui se sont faits génération après génération et qui donnent le sentiment qu’on est dans une sorte, écoutez bien !, de colonisation à l’envers, ce que m’a dit un jour une de mes concitoyennes. Qui me disait après avoir voté longtemps pour la gauche, qu’elle ne voulait plus voter pour nous parce qu’elle avait le sentiment d’être colonisée. Ce message-là, je l’entends". C’est Olivier Faure qui parle. "Colonisation à l’envers" : ce message-là, M. Faure l’entend. Mais M. Faure sait-il que "colonisation à l’envers", c’est bien plus grave que "seuil de tolérance" ou que "sentiment de submersion", qui n’est que le constat d’une situation subie ? "Colonisation à l’envers", c’est autre chose : c’est un projet politique, un dessein politique, une volonté de conquérir et de soumettre. Et c’est le même responsable politique qui, vêtu de probité candide et de lin blanc, et, j’imagine, d’un peu de fond de teint pour effacer le rouge de la honte, disait hier à la radio que nous sommes connivents avec l’extrême droite et même en fusion idéologique avec elle. Celui qui dit "colonisation à l’envers" (…). Je viens de lire le texte dans son intégralité et il finit par : "Ce message-là, je l’entends". Ce sont ses mots précisément : j’ai donné la date de sa prise de parole, vous pouvez vérifier. ».


    Malgré tout, il y a eu parfois des communautés de vue. Ainsi, l'oratrice rappelait son origine de cette manière : « L’immigration ne doit pas être traitée comme un fardeau, mais comme un défi à relever avec humanité et raison. Ce défi, la France le relève tous les jours ! C’est moi qui vous le dis, moi qui suis née en Iran, moi dont la mère a fui l’obscurantisme, moi qui n’ai pas une goutte de sang français, pourtant, c’est toute la France qui coule dans mes veines. La France a fait de moi son enfant. J’ai reçu l’amour de la France sur les bancs de l’école de la République, grâce à ses professeurs. J’ai reçu l’amour des Français, que je remercie encore et toujours, car quand on reçoit de l’amour, on le rend ! ».

    François Bayrou lui a répondu ceci : « Pourquoi partaient-ils, nos arrière-grands-parents basques, béarnais, bretons ? Parce que c’était la misère. Ils allaient vers une vie qu’ils croyaient plus facile, et beaucoup y mouraient, je parle de ma propre famille. Ceux qui sont aujourd’hui dans la misère, ils viennent chez nous, ou ils y passent : 300 000 se sont accumulés au fil des années, parce qu’ils veulent passer en Grande-Bretagne. L’immigration, c’est une partie de notre France : 25% des Français, dit-on, descendent d’un parent immigré de la première, deuxième ou troisième génération. C’est votre cas, madame, et vous avez raison de le revendiquer à la tribune. C’est notre réalité, et c’est une réalité d’enrichissement de notre pays. ».

    Et d'ajouter, pour enlever toute ambiguïté : « Ceux qui en sont issus [de l'immigration] sont-ils des compatriotes de manière pleine et entière ? Ils le sont. Ont-ils contribué au rayonnement de la France ? Magnifiquement. Nous ne sommes pas une nation fondée sur l’origine ethnique, géographique, la couleur de la peau : nombre de nos compatriotes descendent aux Antilles d’esclaves africains, à La Réunion de familles indiennes, en Nouvelle-Calédonie des peuples autochtones austronésiens, quand ils ne sont pas d’origine wallisienne ou polynésienne. Chez nous, la nation ne se fait pas non plus par la religion. Elle se fait par un ciment. Nous sommes ce que nous croyons : que les êtres humains, femmes et hommes, sont libres, qu’ils sont égaux, qu’ils doivent être fraternels. De ce triptyque républicain, la fraternité constitue la clef de voûte : bien des régimes reposent sur le postulat que la liberté l’emporte sur l’égalité, ou réciproquement, mais on ne peut être fraternel sans concevoir l’autre comme libre et égal à soi. ».

    Le Premier Ministre a évoqué le quatrième principe républicain après la liberté, l'égalité et la fraternité, à savoir, la laïcité : « À cela, nous ajoutons une conquête récente, la laïcité. Laos, en grec, c’est le peuple ; laïkos, ce qui fait ce peuple, ce qui, encore une fois, le cimente. Nous avons mis quatre siècles à la construire, à compter de l’apparition, au XVIe siècle, après presque un siècle de guerres, de la notion de tolérance. Jusque-là, il n’y avait qu’un roi, une loi, une foi ; une religion nouvelle, le protestantisme, est venue tout chambouler. Généralement, la laïcité est présentée comme une séparation, celle de l’Église et de l’État ou, comme je l’ai souvent énoncé, celle de la foi et de la loi : la loi protège la foi, la foi ne fait pas la loi. Or, si l’on y réfléchit, c’est bien davantage. La laïcité va plus loin que la tolérance. Elle ne se contente pas d’établir que l’on peut être différents et cependant concitoyens, elle affirme que nous sommes concitoyens parce que nous acceptons nos différences et, plus encore, parce que nous les voulons ; que le lien qui nous unit en tant que Français est assez fort pour cela, qu’il nous permet d’apporter nos différences dans un espace commun de reconnaissance, de dialogue et d’enrichissement mutuel. La laïcité, c’est l’amour de cet espace, contre les communautarismes. En matière religieuse, philosophique, elle s’est imposée au terme d’une histoire dont on connaît les heurts, les violences, les effusions de sang. Nous avons mis des siècles, je le répète, à parvenir à ce respect mutuel entre croyants et non-croyants. Les tenants d’une foi donnée ne préconisent heureusement plus l’extinction des autres. Chrétiens et Juifs ne souhaitent pas la disparition dans notre pays de la religion musulmane, pas plus que les athées celle des croyances religieuses. Nous avons construit un espace commun où tous ont droit de cité. (…) Vous n’aviez qu’à ne pas déposer de motion de censure car il devient alors très difficile de se soustraire à l’obligation d’écouter ceux que vous voulez censurer ! Il nous reste à tirer les ultimes conséquences de ce principe et à l’appliquer, nous en sommes loin, comme on le voit, mais je suis persuadé qu’il faut le faire, à la sphère politique. Ce concept nouveau de laïcité politique invite à mettre un terme aux conflits absurdes, descendants des guerres de religion, aux "mon parti, mon programme et rien d’autre" dans lesquels la France épuise son crédit depuis si longtemps. ».
     

     
     


    Voici la définition de la démocratie pour François Bayrou : « Pendant longtemps, j’ai cru comme tout le monde que le but des affrontements politiques consistait à faire triompher ses idées, à vaincre les autres, c’est-à-dire au bout du compte, si l’on y réfléchit un peu, à obtenir tous les pouvoirs, à imposer un absolutisme politique comme on voulait autrefois un absolutisme religieux. J’ai été un très bon militant de partis qui n’étaient pas des plus faciles à défendre ; j’y ai consacré beaucoup de temps et des quelques capacités que je possédais à l’époque. Désormais, je ne crois plus que la démocratie signifie l’écrasement des uns par les autres. Je défends le contraire. Dans cet hémicycle et ailleurs, je suis en accord avec certains courants politiques, j’en considère d’autres avec des nuances, avec certains je suis en désaccord, avec d’autres enfin en opposition franche ; mais je crois en la démocratie comme en un espace où les sensibilités doivent coexister et, autant que possible, s’enrichir. Que ce soit en matière philosophique, religieuse ou politique, la laïcité ne saurait tendre à la tolérance molle, que je n’aime pas, encore moins au relativisme, que j’abhorre, mais à la fermeté des convictions et à la compréhension mutuelle. Dans le débat, voire le combat, on n’a pas envie de mous, d’insipides, de "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil". Georges Bernanos l’a écrit dans l’un de ses plus grands romans : "petits cœurs, petites bouches, ceci n’est point pour vous". On a besoin de raison, vous l’avez dit ; besoin de flamme, de cœur, de culture, d’intelligence, d’histoire et d’art, pour avec cette raison, cette foi, cette vertu d’engagement, arriver à comprendre l’autre, même l’adversaire, comme l’on comprendrait un frère ! Beaucoup hausseront les épaules en taxant d’idéalisme une telle manière de voir les choses. J’accepte le reproche ; je le revendique même. Ce n’était pas un tiède que Pascal, pas un tiède que Voltaire. Regardons-nous : nous sommes le peuple qui fait vivre ensemble Voltaire et Pascal, qui vit de Voltaire autant que de Pascal, sans arrondir les angles de leur pensée. Que l’on enlève l’un ou que l’on supprime l’autre, la France ne serait plus la France. Je vois d’ici les regards amusés : quel est ce type qui, à propos des valeurs de la République, vient vous parler de Voltaire et de Pascal, au temps des réseaux sociaux ? Pardonnez-moi, mais de toute ma conviction, de toute ma folie peut-être, je crois que c’est parce que l’on ne parle plus d’eux que les réseaux sociaux sont devenus si pauvres. Voltaire et Pascal, je vous assure, ne sont pas moins modernes qu’Elon Musk et Sam Altman. En tout cas, c’est là qu’est la France ! C’est parce que nous partageons ces principes que nous formons un peuple : Ernest Renan le proclamait déjà il y a 150 ans. Il y a là un cas de figure unique au monde : nous ne nous définissons pas par la pureté du sang de nos ancêtres, par la supériorité d’un dieu sur les autres, mais en tant que porteurs de quelque chose d’infiniment plus précieux, un projet commun de liberté, d’égalité et de fraternité, celle-ci, je le répète, constituant la clef de voûte. ».

    Après ces propos liminaires, François Bayrou a longuement parlé de l'immigration et de la politique qu'il poursuivait. Il a notamment rappelé les principes pour régulariser les personnes en situation irrégulière : « D’où l’importance, enfin, d’une conception nette, et elle aussi respectée, des devoirs qui incombent aux personnes accueillies en France. Ces obligations, qui ouvrent la voie à la régularité du séjour, d’abord, à l’intégration, ensuite, à l’assimilation, enfin, au terme de ce parcours d’étapes, sont au moins au nombre de trois : l’obligation de travailler, c’est-à-dire de contribuer au modèle économique et social ; l’obligation de parler notre langue, qui est le fondement du lien social ; et l’obligation d’adhérer à nos principes de vie en commun. Cette conviction est, je crois, partagée par la plupart de ceux qui siègent sur ces bancs. Alors, quels sont les sujets qui font débat ? ».

     

     
     


    C'est la députée insoumise Clémence Guetté, vice-présidente de l'Assemblée, qui a présidé la séance et annoncé le rejet de la motion de censure ce mercredi 19 février 2025 à 20 heures 25. Seulement 181 députés ont voté pour la censure, il en fallait 289.

    L'analyse du scrutin n°842 montre que parmi les 181 censeurs, la puissance de feu de la gauche, il y avait 68 insoumis sur 71, 64 socialistes sur 66 (dont Jérôme Guedj et François Hollande, insistons !), 37 écologistes sur 38 et 12 communistes sur 17. Il a manqué 11 députés à l'appel. Quant au RN, il n'a pas participé au vote, comme les députés soutenant le gouvernement.

    Rescapé de six motions de censure en cinq semaines, François Bayrou est ce qu'on peut dire insubmersible dans un tel environnement parlementaire hostile. Sa désignation se justifiait car il était le plus apte à trouver les moyens d'une stabilité gouvernementale, et d'abord, d'une adoption des budgets publics. Les socialistes vont cependant avoir du mal à recoller les morceaux pour poursuivre leur politique de non-censure (cinq fois), censure (une fois), non-censure (cinq fois), censure (une fois), et ainsi de suite.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250219-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-bayrou-et-la-motion-de-259364

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/20/article-sr-20250219-bayrou.html


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