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  • Guerre en Iran : pensons au peuple iranien !

    « Alors, à ceux qui exigent un soulèvement immédiat, des remerciements ou des applaudissements : prenez du recul. À ceux qui, sous couvert de bienveillance, tentent de nous imposer leur vision de notre avenir : abstenez-vous. » (Mona Jafarian, le 18 juin 2025).


     

     
     


    Le conflit entre Israël et l'Iran est désormais à son paroxysme et personne ne peut dire comment cela va se terminer. L'inquiétude est grande d'un embrasement généralisé de la région (du Proche-Orient) voire d'une extension vers les pays qui pourraient s'impliquer dans ce conflit, comme les États-Unis dont la position hésitante montre à l'évidence que Donald Trump navigue à vue sans plan d'origine.

    En Europe, on observe aussi avec inquiétude ce conflit mais on attend depuis quarante-six ans la fin de la dictature de mollahs qui a tant réprimé l'humanité en général, que ce soit sur le sol iranien lui-même avec les nombreuses exécutions qu'à l'extérieur au moyen d'attentats terroristes nombreux dont, entre autres, la France a été victime avec l'assassinat de soldats français et, encore aujourd'hui, l'emprisonnement de deux otages français.
     

     
     


    Je propose ici de retranscrire le message de Mona Jafarian, fondatrice de l'Association Femme Azadi, qui est une « association de femmes franco-iraniennes menant des actions politiques, médiatiques et événementielles pour porter la voix du peuple iranien dans sa révolution ». Dans ce message publié le 18 juin 2025 sur son compte Twitter, elle a mis en garde contre la facilité de croire que la guerre résoudrait tout, et a demandé de penser avant tout à l'intérêt du peuple iranien qui n'est pas complice mais victime des mollahs.

    « Je ne sais pas si certains réalisent ce que vivent les Iraniens en ce moment. Quarante-six ans d’une des dictatures les plus barbares au monde ont brisé plusieurs générations, chacune portant les traumatismes de la précédente. Pour beaucoup, cela signifie n’avoir jamais connu leur pays libre. Ils ont traversé une guerre meurtrière contre l’Irak, grandi sous la menace des pendaisons, des massacres, des tortures. Ils ont vu leur peuple se soulever à de nombreuses reprises, être réprimé dans des bains de sang, dans l’indifférence glaçante de la communauté internationale.

    Et aujourd’hui, ce même régime, qui a ruiné une grande nation autrefois prospère et respectée, provoque désormais la guerre sur son propre sol. Le peuple se retrouve pris dans une déchirure insoutenable : la douleur de chaque frappe sur sa terre mêlée au soulagement de voir ses bourreaux être enfin visés et éliminés les uns après les autres.

     

     
     


    Dans les commentaires, certains exigent de ce peuple meurtri et terrorisé, qu’il se soulève en cinq jours, alors même qu’on lui demande dans le même souffle de fuir, d’évacuer, de se cacher. Beaucoup oublient que la guerre n’a rien d’un jeu vidéo, surtout lorsqu’elle est vécue sous un régime criminel qui continue de réprimer, de surveiller, de terroriser de l’intérieur, aujourd’hui plus encore, par peur de s’effondrer.

    Qu’on soit en Iran ou en exil, nous savons que cette guerre, que nous redoutions depuis des années, est peut-être aussi celle qui ouvrira la voie à notre liberté. Mais cela ne la rend pas beaucoup plus facile à supporter.

     

     
     


    Alors, à ceux qui exigent un soulèvement immédiat, des remerciements ou des applaudissements : prenez du recul. À ceux qui, sous couvert de bienveillance, tentent de nous imposer leur vision de notre avenir : abstenez-vous.

    Nous avons alerté le monde avant tout le monde. Nous avons combattu ce régime avant tout le monde. Nous avons versé plus de sang que quiconque pour tenter de libérer le monde de cette pieuvre terroriste.

    À ceux qui nous soutiennent vraiment,qui ressentent ce que nous portons dans nos cœurs : merci.

    Et à nos rares alliés : nous n’oublierons jamais ceux qui furent à nos côtés dans cette longue lutte pour la liberté. »

     

     
     


    J'ajoute ceci : merci à ces femmes résistantes d'avoir été là depuis si longtemps pour nous alerter, nous, Français, de l'impasse de cette théocratie iranienne. Mais comme l'a exprimé le Président Emmanuel Macron, une solution politique durable sur la gouvernance en Iran ne pourra jamais venir de la conquête d'une armée étrangère. L'exemple de l'Irak l'a hélas trop bien démontré en 2004.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Guerre en Iran : pensons au peuple iranien !
    Israël vs Iran : Emmanuel Macron l'équilibriste.
    Beyrouth, il y a trente-cinq ans.
    Majid Kavousifar.
    Varisha Moradi.
    Aïnaz Karimi.
    Arezou Khavari.
    Ahou Daryaei.
    Ebrahim Raïssi.
    Khosro Besharat.
    Mobilisons-nous pour Toomaj Salehi !
    Fatwa de mort contre Salman Rushdie.
    Alireza Akbari.
    Mehran Karimi Nasseri.
    Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Mahsa Amini, les femmes iraniennes, leur liberté et Claude Malhuret.
    Révolution : du rêve républicain à l’enfer théocratique de Bani Sadr.
    L'Iran de Bani Sadr.
    De quoi fouetter un Shah (18 février 2009).
    N’oubliez pas le Guide (20 février 2009).
    Incompréhensions américaines (1) et (2).
    Émission de France 3 "L’Iran et l’Occident" (17-18 février 2009).
    Session de septembre 2006 à l’ONU : Bush, Ahmadinejad, Chirac.
    Dennis Ross et les Iraniens.
    Un émissaire français à Téhéran.
    Gérard Araud.
    Stanislas de Laboulaye.
    Des opposants exécutés par pendaison en Iran.
    Expulsion de Vakili Rad, assassin de Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, par Brice Hortefeux à la suite du retour de l'étudiante Clotilde Reiss.
    Mort de l'ancien Premier Ministre iranien Mohammad Reza Mahdavi-Kani à 83 ans le 21 octobre 2014.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250618-iran.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/guerre-en-iran-pensons-au-peuple-261626

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/19/article-sr-20250618-iran.html




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  • Aung San Suu Kyi : Libérez-nous de la peur !

    « Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur : la peur de perdre le pouvoir pour ceux qui l’exercent, et la peur des matraques pour ceux que le pouvoir opprime… » (Aung San Suu Kyi, 1991).


     

     
     



    Il y a eu un pape qui, une fois élu, a proclamé aux habitants de la Terre : « N'ayez pas peur ! ». C'était Jean-Paul II. Elle, inspirée par Gandhi, elle a proclamé à ses compatriotes birmans : « Libérez-nous de la peur ! ». Elle, c'est Aung San Suu Kyi, "dissidente" birmane qui a atteint, ce jeudi 19 juin 2025, son 80e anniversaire. Elle fait partie des femmes remarquables du monde contemporain, admirable par son courage, sa persévérance, sa cohérence. Elle est en quelque sorte la Nelson Mandela de l'Asie. Elle fait partie de mon Panthéon des femmes politiques.

    Un combat audacieux contre la peur : « Dans sa forme la plus insidieuse, la peur prend le masque du bon sens, voire de la sagesse, en condamnant comme insensés, imprudents, inefficaces ou inutiles les petits gestes quotidiens de courage qui aident à préserver respect de soi et dignité humaine. (…) Dans un système qui dénie l’existence des droits humains fondamentaux, la peur tend à faire partie de l’ordre des choses. Mais aucune machinerie d’État, fût-elle la plus écrasante, ne peut empêcher le courage de ressurgir encore et toujours, car la peur n’est pas l’élément naturel de l’homme civilisé. ».

    À la tête, depuis le 27 septembre 1988, de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), un parti d'opposition, Aung San Suu Kyi a toujours combattu la dictature militaire établie dans son pays depuis des décennies. Son combat politique non-violent a été reconnu par le prestigieux Prix Nobel de la Paix en octobre 1991, mais aussi par une quinzaine d'autres distinctions internationales, comme le Prix Sakharov en 1990 (attribué par le Parlement Européen), la Médaille présidentielle de la Liberté en 2000, le prix le plus important des États-Unis, etc.

    Elle savait de qui tenir. Son père était le général Bogyoke Aung San qui a été un acteur majeur de l'indépendance de la Birmanie, nommé Premier Ministre de la Birmanie britannique le 28 septembre 1946 et assassiné le 19 juillet 1947 à Rangoon, à l'âge de 32 ans, quand sa fille a eu 2 ans. Sa mère était Khin Kyi qui s'est engagée dans la vie politique birmane après la mort de son mari, elle fut députée, la première femme ministre en Birmanie en 1953 et sa première ambassadrice. Celle-ci est morte d'un AVC le 28 décembre 1988 et son enterrement cinq jours plus tard fut une manifestation de l'opposition, 200 000 personnes, contre la junte militaire au pouvoir.
     

     
     


    C'est peu avant la mort de sa mère, alors qu'elle est revenue en Birmanie pour s'occuper d'elle (elle habitait au Royaume-Uni auparavant avec sa famille), qu'Aung San Suu Kyi a cofondé la LND pour s'opposer pacifiquement à la dictature militaire installée depuis le 2 mars 1962. Une nouvelle junte militaire a pris le pouvoir en 18 septembre 1988 pour réprimer très violemment les manifestations des militants démocrates dans le pays. Lors des élections législatives du 27 mai 1990, les premières élections depuis 1960 qui furent pluralistes, organisées sous la pression populaire, la LND les a très largement gagné avec 52,5% des voix pour 72,6% de participation, lui assurant l'élection de 392 sièges sur les 492 au total. Mais la junte militaire a annulé ces élections et imposé la dictature d'un Conseil d'État pour la restauration de la Loi et de l'Ordre de 1990 à 2011.

    De juillet 1989 à juillet 1995, de septembre 2000 à mai 2002 et de mai 2003 à novembre 2010, Aung San Suu Kyi a été arrêtée, enfermée ou placée en résidence surveillée. Elle a été empêchée de voir ses enfants résidant en Grande-Bretagne ainsi que son mari ethnologue qui est mort d'un cancer en mars 1999. Elle n'a pas assisté à l'enterrement de son mari de peur de ne plus pouvoir rentrer en Birmanie. Le 30 mai 2003, elle a failli être assassinée par la junte dans un attentat qui a tué plusieurs de ses compagnons politiques. Pendant cette vingtaine d'années d'opposition, elle a eu le soutien très fort de ce qu'on appelle la communauté internationale.

    Une nouvelle Constitution adoptée le 29 mai 2008 après le référendum du 10 mai 2008 (malgré le rejet de l'opposition) est entrée en vigueur le 31 janvier 2011 et consacre une transition démocratique. Libérée le 13 novembre 2010, Aung San Suu Kyi a été élue députée lors d'élections partielles le 1er avril 2012 et les élections législatives générales du 8 novembre 2015 lui ont apporté une large victoire de 255 sièges sur 440, avec 57,1% des voix. Elle pouvait enfin gouverner.

    Aung San Suu Kyi a voulu se présenter à l'élection présidentielle du 15 mars 2016 (la junte militaire laissait le pouvoir sous quelques conditions, en particulier de garder trois ministères régaliens, la défense, l'intérieur et les frontières). Mais la Constitution du 29 mai 2008 a prévu une clause spéciale contre la Prix Nobel de la Paix en écartant des fonctions politiques les personnes mariées à des étrangers ou qui sont parents d'enfants étrangers, ce qui est le cas d'Aung San Suu Kyi. Elle n'a pas réussi, malgré une confortable majorité, à réviser la Constitution. Ainsi, ce fut son proche Htin Kyaw qui a été élu par 360 voix sur 652 parlementaires et est devenu Président de la République du 30 mars 2016 au 21 mars 2018.
     

     
     


    Ne pouvant être nommée Première Ministre en raison de la clause constitutionnelle déjà évoquée, Aung San Suu Kyi a obtenu un titre spécial, "Conseillère spéciale de l'État" qui correspond en fait au poste de chef du gouvernement, du 6 avril 2016 au 1er février 2021. Elle a cumulé cette responsabilité avec le poste de Ministre des Affaires étrangères et de Ministre de la Présidence.

    Pendant ces près de cinq années, Aung San Suu Kyi a ouvert son pays à l'économie de marché, mais elle a dû faire des compromis en raison de l'armée encore très puissante constitutionnellement. Elle a fait redémarrer économiquement la Birmanie avec une croissance annuelle de 7% de 2016 à 2020, bénéficiant de la levée des sanctions financières internationales.

    C'est sur le génocide des Rohingya, minorité musulmane du pays comptant 1 million de personnes, que la gestion d'Aung San Suu Kyi a été contestée sur le plan international. En effet, la Prix Nobel de la Paix est restée très passive devant la persécution et les massacres commis à partir d'octobre 2016 par l'armée et la police birmanes. En janvier 2018, une étude a évalué le massacre à au moins 25 000 Rohingya tués et 18 000 filles Rohingya violées. L'exil et le déplacement de centaines de milliers de personnes ont provoqué une véritable crise humanitaire. Par son silence et sa passivité, Aung San Suu Kyi s'est vue retirer un certain nombre de distinctions internationales qu'elle avait reçues lorsqu'elle était dans l'opposition. Elle a été "blâmée" le 29 décembre 2016 par onze autres Prix Nobel de la Paix dont Desmond Tutu.

    Toutefois, selon Alexandra de Mersan, une anthropologue qui connaît bien la Birmanie , pour "Paris Match" le 8 juin 2017, Aung San Suu Kyi « a tenté de mener une première conférence de réconciliation nationale, invitant les ethnies, les groupes, les organisations pour discuter. Ce que n'ont jamais fait les militaires. Mais pendant ces discussions, les conflits continuaient à faire rage dans ces États. ». Pour l'armée birmane, auteure des exactions, c'était le moyen de démontrer que l'ancienne opposante était incapable de gouverner son pays.

     

     
     


    Ce scandaleux nettoyage ethnique par l'armée n'a pas empêché le parti d'Aung San Suu Kyi de remporter une large victoire aux élections législatives du 8 novembre 2020 avec l'obtention de 258 sièges sur 440 et 68,0% des voix pour 72,0% de participation. Cette victoire était de trop pour l'armée birmane qui a repris l'initiative en faisant un coup d'État le 1er février 2021. Le Président Win Myint, de la LND aussi, a été démis de ses fonctions au profit d'un militaire et Aung San Suu Kyi a été de nouveau arrêtée et elle est encore en prison à l'heure actuelle. Elle a été jugée pour des motifs fallacieux (comme la gestion de la crise du covid-19), avec un premier procès qui l'a condamnée le 6 décembre 2021 à quatre ans de prison (réduits à deux ans), et un second procès le 30 décembre 2022 à trente-trois ans de prison (réduits à vingt-sept ans).

    L'une des raisons de cette reprise en main est que la forte victoire électorale d'Aung San Suu Kyi devait lui permettre de réviser la Constitution et réduire l'influence politique de l'armée, ce qui était inacceptable pour la junte. Citée par Wikipédia, la politologue Sophie Boisseau du Rocher, spécialiste de géopolitique dans l'Asie du Sud-Est, estimait le 18 février 2021 sur France Culture : « L’armée n’a jamais envisagé une vraie transition politique. Elle voulait encadrer le processus pour en tirer parti. Aung San Suu Kyi a réussi à contourner ces contraintes car à l’origine elle n’avait pas de liberté de pouvoir. Elle représente désormais un vrai risque car avec 82% des sièges à l’Assemblée, le nouveau gouvernement pourra faire avancer la réforme constitutionnelle. ». Dans la même émission radiophonique, l'anthropologue François Robinne résumait ainsi : « Il y a eu deux élections récemment en 2015 et 2020. En 2015 le peuple a porté Aung San Suu Kyi au pouvoir. En 2020 c’est un peu différent, le peuple a voté contre le pouvoir militaire. ».

    Un coup d'État de trop ? Toutes les forces vives de Birmanie, en particulier la jeunesse et les professions intellectuelles, se sont opposées à ce retour de la dictature militaire... mais elle subsiste toujours en 2025 et Aung San Suu Kyi est encore en prison.


    En 1991, elle écrivait : « A l'heure où des personnages tout-puissants et sans scrupules peuvent disposer et disposent de fait, grâce aux immenses progrès techniques, d'armes meurtrières contre les faibles et les déshérités, il est urgent de lier plus étroitement la politique à la morale, dans les nations comme à l'échelle internationale. ». Avec ce qui se passe en Ukraine ou en Iran, on peut affirmer que cette réflexion est plus que jamais d'actualité.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Aung San Suu Kyi.
    Le tsunami de l'océan Indien, 20 ans plus tard.

    Gandhi.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250619-aung-san-suu-kyi.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/aung-san-suu-kyi-liberez-nous-de-261247

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/18/article-sr-20250619-aung-san-suu-kyi.html

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  • Yvon Gattaz : mettez-vous à votre conte !

    « Mettez-vous à votre contre. Et ça s'écrit comme ça, conte, car c'est un conte de fée. N'ayez pas peur, c'est un conte de fée, et c'est un conte de fée qui curieusement réussit, et moi, je suis très content que les jeunes fassent fortune. » (Yvon Gattaz, en novembre 2018 à HEC).


     

     
     


    L'ancien patron des patrons Yvon Gattaz est né il y a exactement 100 ans le 17 juin 1925, soit un jour après Jean d'Ormesson. Vaillant chef d'entreprise, il ne concevait pas, comme Maurice Allais, la retraite avant l'âge de 100 ans. Il ne l'a donc jamais prise puisqu'il n'a pas atteint cet âge canonique du centenaire, de peu puisqu'il est parti il y a six mois, le 12 décembre 2024.

    En effet, Yvon Gattaz, centralien, créateur et chef d'entreprise respecté, qui a commencé ex nihilo (comme il le disait, mais il se sentait obligé de traduire pour les plus jeunes, à partir de rien), n'a jamais cessé de promouvoir l'esprit d'entreprise, la création d'entreprise, notamment auprès des plus jeunes.

    Il voulait notamment expliquer la culture de l'échec : ce n'est pas grave d'échouer si cela permet de rebondir, et on ne réussit pas forcément dès la première fois. En France, le côté perfectionniste tend à n'oser faire une chose que lorsqu'on est sûr de pouvoir la réussir, or, l'esprit d'entreprise, c'est de prendre des risques (calculés), c'est l'audace d'autoriser l'échec.

    Il avait l'habitude de citer Chamfort : « Si les raisonnables ont duré, les enthousiastes ont vécu. ».

    Le 17 juin était pour Yvon Gattaz un jour important, d'ailleurs, car c'était aussi le 17 juin 1952 qu'il a créé avec son frère, également ingénieur, leur entreprise Radiall, dans un petit atelier du dixième arrondissement. L'entreprise a pu naître, vivre et survivre grâce à l'adéquation de son modèle économique avec le marché.

    Après une courte expérience d'ingénieur salarié dans une aciérie, il a ainsi dirigé son entreprise pendant plus d'une quarantaine d'années. Elle fait partie de ces entreprises moyennes qui manquent tant à la France (où il y a surtout des grands groupes ou des petites entreprises) et qui a permis la prospérité industrielle de l'Allemagne pendant longtemps. Cela nécessite de développer son activité, de ne pas avoir peur d'intégrer des investisseurs, de faire de nouveaux paris.

    S'amusant à parler de lui à la troisième personne, il racontait : « Ils ont eu la chance de trouver un créneau porteur premier marché, qui est (…) le vrai secret stratégique de la création d'entreprise. Trouver le créneau premier marché porteur. ».

    Parmi ses paris personnels, l'idée de représenter le patronat français lors de l'élection de François Mitterrand et de l'arrivée d'un gouvernement socialo-communiste au pouvoir. C'était un vrai challenge ! Yvon Gattaz a présidé le CNPF (qui allait devenir le Medef, lui-même présidé pendant un certain temps par son fils Pierre Gattaz) de décembre 1981 à décembre 1986. Un quinquennat très politique et pas de tout repos car il a fallu négocier avec le Premier Ministre Pierre Mauroy sur de nombreux fronts, dont la réduction du temps de travail à 39 heures, la hausse des charges salariales, l'impôt sur la grande fortune et les nationalisations de pans entiers de l'économie française.
     

     
     


    Fier d'avoir été élu le 29 mai 1989 à l'Académie des sciences morales et politiques (section Économie politique, statistiques et finaces), qu'il a même présidée en 1999, Yvon Gattaz n'était pas un taiseux (même au-delà de 90 ans) et n'était pas avare de ses conseils aux jeunes. Il a créé justement l'Association Jeunesse et Entreprise en 1986 pour encourager les jeunes à créer leur entreprise, pour les aider, les conseiller, leur donner du moral.

    C'est ce goût de la transmission de sa passion d'entreprendre qui l'a gardé très vivant jusqu'à sa disparition, n'hésitant pas à multiplier les conférences et les tables rondes dans les campus et les universités, l'œil toujours pétillant.

    Répondant à un directeur de HEC très emballé par la lecture d'un de ses livres et voulant l'inviter dans sa grande école, Yvon Gattaz le mettait en garde : « Je lui ai expliqué que la création d'entreprise ne pouvait pas s'enseigner ex cathedra par un académicien comme un cours de philosophie, ça n'est pas vrai. La création d'entreprise, ça se transmet, ça ne s'enseigne pas. ».

    La réputation d'Yvon Gattaz à proposer des formules chocs, des aphorismes, est telle qu'on les a appelées gattazinades (comme les raffarinades) ou les gattazeries. Du reste, il en était très fier.

    En voici une qu'il considérait comme essentielle : « Le talent de la gestion, c'est la gestion des talents. ».

    Il l'explicitait ainsi : « Savoir gérer les talents des autres est un talent considérable et c'est ça qui va assurer le succès de votre prochaine entreprise. Ou vous savez gérer les talents de vos collaborateurs ou vous ne savez pas. Si vous ne savez pas, vous êtes foutus ! Il faut utiliser tous les talents qui sont autour de vous, car soi-même, on n'a pas tous les talents. (…) C'est le problème de la complémentarité des talents. Le talent de la gestion, c'est la gestion des talents. ».

    Il aimait même citer les gattazinades des autres, souvent apocryphes, comme cette citation attribuée à tort à André Malraux : « Le futur est un présent que nous fait le passé. ».

    Lors d'une conférence à des étudiants de HEC, en novembre 2018 (il avait alors 93 ans), il l'a terminée sur un slide qui révélait le secret du créateur d'entreprise (un secret qui n'est pas vraiment une surprise, car c'est la personnalité des créateurs qui compte le plus dans une telle initiative) : « La recette d'Yvon Gattaz : 10% de finance, 10% de compétence, 40% de vaillance et 40% d'inconscience. ».

    Je vous recommande d'écouter Yvon Gattaz qui, malgré son âge, avait encore cette vaillance des jeunes entrepreneur. Et peut-être aussi cette inconscience dans un pays où beaucoup de jeunes encore se rêvent fonctionnaires !..


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Yvon Gattaz.
    Comment créer les emplois de demain ?
    Vite et bien !
    François-Xavier Ortoli.
    Gilberte Beaux.
    Carlos Tavares.
    Carlos Ghosn.
    Bernard Madoff.
    Jacques Séguéla.
    Gustave Eiffel.
    Francis Mer.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250617-yvon-gattaz.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/yvon-gattaz-mettez-vous-a-votre-260691

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/17/article-sr-20250617-yvon-gattaz.html


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  • Emmanuel Macron à la télévision : Mélanie avant l'Urgence Océan

    « Question redoutable pour une mort insupportable. Les politiques sont légitimement sommés de trouver des remèdes à une situation révoltante : aucun éducateur ne devrait risquer sa vie en encadrant des adolescents. Et le service public encore une fois, n’a pas su protéger l’un de ses serviteurs. Indignation maximale, parfois surjouée, souvent récupérée, mais pour réclamer quoi ? C’est là que les solutions faciles, que les "y'a qu'à, faut qu'on" viennent soudain buter contre le réel. » (Patrick Cohen, le 11 juin 2025 sur France Inter).



     

     
     


    Le Président de la République Emmanuel Macron était l'invité d'une très longue émission de télévision sur France 2 ce mardi 10 juin 2025. L'émission, intitulée "Urgence Océan" a duré près de deux heures trente et été diffusée en direct dans la soirée depuis la ville de Nice où se tenait la Conférence des Nations Unies sur l'Océan.

    Au contraire de l'émission du 13 mai 2025 sur TF1 où Emmanuel Macron avait maladroitement tenté de revenir dans le jeu de la politique intérieure sans avoir été capable d'annoncer une seule mesure concrète, le chef de l'État n'était pas dans ce cadre, ce mardi, à contre-emploi, au contraire, en plein de son rôle de Président de la République censé prendre de la hauteur et anticiper des enjeux à long terme, dans ce qu'on pourrait appeler une diplomatie du climat.

    Certes, seulement 1,5 million de téléspectateurs étaient à l'appel ce mardi soir, mais pour une émission de cette qualité, c'était en fait déjà beaucoup. La longue durée était nécessaire pour présenter les sujets techniques et scientifiques (Thomas Pesquet, entre autres, était parmi les invités), et je recommande vivement de visionner cette émission (vidéo en fin d'article).

     

     
     


    Toutefois, l'actualité très chaude de la journée, un pays sous le coup de l'émotion du meurtre de Mélanie, assistante d'éducation à Nogent, en Haute-Marne, par un collégien de 14 ans, a provoqué un nécessaire changement dans l'émission en permettant au Président de la République de consacrer son premier quart d'heure à ce drame terrible.

    Au-delà de l'expression de son émotion, Emmanuel Macron est revenu en effet sur les mesures pouvant empêcher de nouveaux drames de ce type : un adolescent utilisant une arme blanche, un couteau, pour tuer une personne. Il a ainsi insisté sur l'importance d'interdire la vente de couteau aux adolescents de moins de 15 ans.


    Dans l'après-midi du 11 juin 2025, le Premier Ministre François Bayrou a confirmé au Sénat cette mesure : « Il n'est pas normal que la détention d'armes par des adolescents se développe ainsi. Nous allons interdire la vente de ces armes aux mineurs et multiplier les contrôles de port d'armes. (…) En particulier, on ne pourra plus livrer par internet ce type d'armes sans la signature d'un adulte. ».
     

     
     


    Mais tout le développement d'Emmanuel Macron sur la vente des couteaux m'a paru un peu vain. En effet, dans le cas du meurtre à Nogent, l'adolescent avait pris un couteau de 34 centimètres dans la cuisine de ses parents. Rien ne pourra empêcher un adolescent de dérober ou d'acquérir une arme blanche. On peut bien sûr lui mettre plus d'obstacles, mais ce n'est pas une mesure vraiment efficace.

    Du reste, je dois donner ma propre expérience. À l'Assemblée Nationale le 10 juin 2025, François Bayrou avait confié cette anecdote qui n'a pas été diffusée avec beaucoup d'écho et pourtant, très significative : « C’est une décomposition de la société dans laquelle nous vivons et c’est le surgissement de pratiques de vie communes. L’un de mes collègues disait à l’instant tout bas que son petit garçon de 10 ans lui a demandé quand il pourrait avoir un couteau à l’école. Cela concerne tous les milieux. ».

    J'ai réfléchi à cette anecdote et je me suis rappelé qu'au même âge, autour de 10 ans, et même 9 ans, lorsque j'étais en colonie de vacances, j'étais dans le même état d'esprit, nous voulions, nous, moi et mes compagnons de vacances, avoir des couteaux, des canifs, c'étaient soit des canifs multifonctions (des couteaux suisses), soit des opinels. En montagne, en randonnée, nous étions contents de disposer d'un tel couteau, pour faire des arcs ou encore pour jouer entre nous (nous nous lancions le couteau dans le sol). Précisons, pour rassurer, qu'il n'était pas question d'utiliser ces couteaux comme des armes, mais plutôt comme des accessoires de jeu que nous savions dangereux et auxquels nous faisions attention. Pendant longtemps, j'ai gardé un canif dans ma poche comme pas mal d'hommes (il me semble), jusqu'aux premières vagues d'attentats et à l'instauration des plans Vigipirate ou de ses premiers équivalents, qui interdisait le passage dans certains lieux avec de tels objets considérés comme des armes blanches.

    Dans son analyse, Emmanuel Macron a voulu donner une explication de cette supposée recrudescence des violences d'adolescents : d'une part, l'explosion des familles, la cellule familiale permettait d'instaurer un certain nombre de valeurs et aussi un dialogue au sein de la famille ; d'autre part, les réseaux sociaux, où l'enfant s'isole dans une bulle totalement irréelle l'incitant parfois de passer à l'acte.

    Il est ressorti de cette analyse que le Président de la République militait très fermement pour l'interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans et donc, pour obliger les plate-formes des réseaux sociaux à vérifier que leurs utilisateurs aient plus de 15 ans, comme cela était le cas à 18 ans pour les sites à contenu pornographique.

    Au Sénat le mercredi, François Bayrou a reparlé de cette mesure : « Le Président de la République s'est exprimé plusieurs fois sur l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, qui relève de la compétence de l'Union Européenne. Il l'a dit hier : si l'Union Européenne ne nous suit pas, nous prendrons nos responsabilités en ouvrant ce chemin pour la France. ».


    Là encore, si dans le cas général, il peut y avoir un effet, dans le cas du meurtre de Mélanie, le mis en cause était peu présent dans les réseaux sociaux et ces derniers ne sont donc pas en cause dans cette contribution au passage à l'acte.

    Deux choses graves ont notamment motivé le meurtre de Mélanie : l'adolescent n'a eu aucune empathie pour sa victime ni ses proches, il se moque qu'elle soit tuée ; la présence de cinq gendarmes à l'entrée de l'établissement ne l'a pas empêché de passer à l'acte. La peur du gendarme n'a pas fonctionné ou a pesé peu face à l'extrême violence qu'il avait en lui.

    La troisième vague de mesures, confirmée par François Bayrou au Sénat, concerne la santé mentale : « Nous devons traiter la question des auteurs, la main qui tient l'arme. Un travail considérable est à mener pour protéger la santé mentale des jeunes. À l'adolescence, certains basculent en quelques jours (…) : ce garçon était référent harcèlement et n'était pas considéré comme ayant des problèmes. Tous les signes d'un risque de basculement doivent être identifiés ; nous devons former à cet égard les enseignants et les élèves eux-mêmes. ».

    Mais sans doute que le plus important reste la carence éducative des parents que nul ne peut remplacer, et surtout pas l'État. Comme l'a expliqué Emmanuel Macron, l'explosion des familles a fait perdre beaucoup de repères aux enfants, la notion de bien et de mal, aussi la notion de réalité et de virtualité. L'existence de l'autre, le respect qui est dû à l'autre, son intégrité physique.

    C'est ce que proposait aussi le journaliste Patrick Cohen dans sa chronique sur France Inter le 11 juin 2025 : « Prendre enfin à bras le corps le sujet de la santé mentale des jeunes, pour laquelle les alertes se multiplient depuis la fin de la crise du covid. Miser sur la prévention. Arrêter de faire croire qu’il est possible de tout contrôler et de tout empêcher. ».

    D'ailleurs, l'éditorialiste a voulu pondérer les impressions sur la violence des adolescents : « D’abord l’usage des couteaux n’a rien de français, le fléau est européen. Pour la seule ville de Londres, 10 adolescents sont morts poignardés l’an dernier, 18 en 2023. Ensuite, les chiffres globaux de la délinquance des mineurs en France vont à rebours de ceux qui vous parlent d’ensauvagement généralisé ou d’un pays à feu et à sang. En sept ans, cette délinquance a baissé de 25% ! 65 000 mineurs poursuivis par la justice en 2016. 48 000 en 2023. Avec un recul presque similaire des condamnés, ainsi que des mis en cause par la police et la gendarmerie. En revanche, les actes les plus violents ont bondi. Le nombre d’adolescents poursuivis pour meurtre ou tentative d’homicide, a plus que doublé : 108 en 2016. 255 en 2023. Narcotrafic et règlements de comptes. Cela reste à la fois très minoritaire et très médiatisé. ».


    Sur France 5, ce mercredi 11 juin 2025, le docteur Jean-David Zeitoun, spécialiste en épidémiologie clinique et auteur d'un essai sur les causes de la violence, expliquait que la violence n'a cessé de se réduire depuis sept cents ans ! D'un rapport cinquante. On était beaucoup plus violent dans le passé, mais cela reste encore à un niveau aujourd'hui inacceptable.

    Le Président du Sénat Gérard Larcher a ouvert la séance du 11 juin 2025 par une minute de silence, comme ses collègues députés la veille : « Aucune forme de violence n'a sa place au sein de l'école de la République. Face à la multiplication de ces événements tragiques, nous devons agir collectivement pour renforcer la sécurité des élèves et du personnel qui les encadre, afin que de tels drames ne puissent se reproduire. ». Dans ce domaine, la démagogie et la récupération politique ne sont d'aucune utilité.
     

     
     


    Je voulais évoquer la prestation télévisée d'Emmanuel Macron, mais c'est le drame de Nogent qui est revenu, pressant, imposant, dans les esprits. Oui, c'est important, essentiel même, de se préoccuper du combat pour le climat, du combat pour préserver l'océan. Mais à l'évidence, cette émission pédagogique est arrivée au plus mauvais moment. Elle a au moins le mérite d'avoir été faite et de pouvoir être regardée de nouveau pour bien comprendre les phénomènes en jeu.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron à la télévision : Mélanie avant l'Urgence Océan.
    Mélanie, la douceur incarnée.
    Sidération institutionnelle.
    Il y a un an, la dissolution !
    La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs.
    Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou.
    Interview de François Bayrou le 27 mai 2025 sur BFMTV (vidéo intégrale).

    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250610-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-a-la-television-261459

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/11/article-sr-20250610-macron.html


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  • Il y a un an, la dissolution !

    « [Le Président de la République] ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit ces élections. » (Article 12 de la Constitution).




     

     
     


    La dissolution prononcée par le Président de la République Emmanuel Macron le 9 juin 2024, une heure après la fermeture des bureaux de vote pour les élections européennes, a désormais un an. C'est encore insuffisant pour qu'il retrouve son droit de dissolution. Il faudra attendre le 7 juillet 2025. Ne tournons pas autour du pot : c'était une erreur politique, une énorme erreur politique.

    Une erreur comme il en existe peu dans l'histoire des Présidents de la Cinquième République. Une erreur comme le 21 avril 1997.

     

     
     


    Certes, recourir au peuple ne devrait jamais être une erreur, mais pas comme ça, pas à chaud, sous le coup de l'émotion, pas juste après un scrutin déjà très polarisé, pas au début des vacances estivales, pas avec cette impression de se faire "violer" l'urne (car il y a eu cette impression pour de nombreux électeurs français).

    Ce n'est pas tant l'échec du camp présidentiel qui est une erreur (c'est un échec électoral, mais ces élections pouvaient avoir leur justification) que le fait d'avoir sidéré une majorité des Français, dans une sorte d'électrochoc qui a, finalement, été salutaire à bien des égards.

    Que croyait le Président de la Président ? Gagner ces élections anticipées par l'effet de surprise ? Quelques jours seulement après un scrutin très clair sur le plan politique ? Croire au Père Noël serait à peu près de la même veine. Ou alors essayer une cohabitation douteuse avec le Rassemblement national pour faire comme en 1988 ? Mais Emmanuel Macron ne peut plus se représenter.

    Pourtant, il ne faut pas négliger que les résultats n'ont pas été ce qu'on croyait. Les sondages donnaient gagnant le RN et ce n'est pas le RN qui a gagné. En ce sens, lorsqu'il disait qu'il fallait espérer, ne pas croire à la fatalité politique, ne pas succomber aux sondages, il avait raison.

     

     
     


    La situation politique a-t-elle été pour autant retournée ? Pas du tout. Elle est politiquement pire qu'avant la dissolution.

    Avant la dissolution, le bloc présidentiel (Renaissance, MoDem, Horizons) n'avait certes pas la majorité absolue, mais avec LR, cette majorité absolue existait. En d'autres termes, aucune motion de censure ne pouvait être adoptée sans l'aval de LR. Après la dissolution, le socle commun (bloc présidentiel et LR) n'a plus de majorité absolue et ne peut plus empêcher l'adoption d'une motion de censure résultant d'une collusion entre l'extrême droite, l'extrême gauche... et le parti socialiste. Cela s'est passé avec la censure contre le gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre 2024.
     

     
     


    Mais il n'y a pas que le camp présidentiel qui a perdu avec la dissolution. Le RN a aussi beaucoup perdu en crédibilité et il a semblé avoir perdu une occasion unique d'arriver au pouvoir. Certes, les sondages le donnent encore gagnant à de prochaines éventuelles élections législatives, mais comme en été 2024 : cela signifie qu'une nouvelle dissolution n'aurait aucune utilité car les rapports de force resteront sensiblement les mêmes.

    De même, la gauche, la dissolution n'a pas réussi à lui redonner une dynamique de pouvoir. D'une part, encore une fois, c'est faux de dire que la nouvelle farce populaire ait gagné les élections de 2024, car le socle commun a plus de voix que l'ensemble de la gauche, en sachant d'ailleurs que cette gauche-là n'est d'accord sur rien. D'autre part, elle a mis en évidence l'extrême nocivité de la gauche populiste et islamo-gauchiste et l'extrême faiblesse de la gauche de gouvernement que le congrès du PS vient même de confirmer récemment.
     

     
     


    Toutefois, une formation politique tire son épingle du jeu, Les Républicains. En revenant au pouvoir, LR a gagné en crédibilité alors qu'il devenait urgent pour ce parti de faire preuve de responsabilité après douze années d'opposition (la plus longue période d'opposition pour ce courant politique était auparavant de seulement cinq années !). De plus, le dernier congrès de LR en mai 2025 a permis de lever l'hypothèque de Laurent Wauquiez dont l'impopularité aurait fait couler LR avec lui, comme en 2019. Des ministres LR, un congrès réussi (réussissant à mobiliser de nombreux adhérents, au contraire du PS), la clef de voûte, c'est Bruno Retailleau dont l'avenir dépendra surtout de son action, et de la perception de son action, au Ministère de l'Intérieur.

    Pour autant, est-ce un échec politique complet pour Emmanuel Macron ? Eh non ! Sur le plan politique, la configuration extrêmement serrée de l'Assemblée lui a permis d'obtenir ce qu'il n'avait pas obtenu entre juin 2022 et juillet 2024, à savoir, d'une part, la participation de LR au gouvernement, et d'autre part, la bienveillante neutralité du PS. Il ne doit cette dernière, du reste, que par la grande habileté du Premier Ministre François Bayrou (qui a encore échappé à une motion de censure) et nul autre ne saurait s'en prévaloir.

     

     
     


    Bien sûr, l'enjeu des prochains mois sera le budget de 2026 et surtout, la réduction du déficit abyssal. Pour François Bayrou, cela paraît mission impossible, mais il faut noter que le mode de gouvernance est assez nouveau : il n'a déposé aucun projet de loi en dehors des lois de finances. Ainsi, il laisse les parlementaires légiférer, soutenant à l'occasion une proposition ou une autre. François Bayrou essaie de prouver que son amour du régime parlementaire n'est pas vain et nul doute que les socialistes sont très sensibles à ce sujet.

    Cette guerre de position peut-elle durer à l'Assemblée ? Peut-être. Dans un mois, Emmanuel Macron retrouve son pouvoir de dissolution. C'est plus facile d'éviter une censure avec un tel pouvoir, car la censure impliquerait pour les députés leur propre censure.

     

     
     


    Le RN serait prêt à une nouvelle dissolution, enfin, c'est ce qu'il prétend, car en 2024, au contraire, il n'était pas prêt du tout, et si dissolution signifie anticipation de l'élection présidentielle, alors il n'est pas du tout prêt à cause de l'inéligibilité actuelle de Marine Le Pen qui a tout intérêt à préserver le calendrier originel de l'élection présidentielle.

    La gauche n'a pas non plus intérêt à une nouvelle dissolution car elle ne sait pas du tout si elle retrouverait ses sièges actuels. Les outrances de Jean-Luc Mélenchon et la mollesse d'Olivier Faure pourraient sérieusement encourager dans leur électorat l'abstention voire la reconnaissance des réussites d'Emmanuel Macron sur de nombreux sujets (en particulier, économiques ; je répète, la France toujours première puissance européenne pour l'attractivité des investisseurs).

    Paradoxalement, si la situation est beaucoup plus fragile qu'avant la dissolution, elle peut aussi être plus performante en ce sens que le gouvernement aurait plus les moyens de réformer le pays par cet équilibre précaire. Ce sera alors le grand exploit de François Bayrou.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Sidération institutionnelle.
    Il y a un an, la dissolution !
    La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs.
    Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou.
    Interview de François Bayrou le 27 mai 2025 sur BFMTV (vidéo intégrale).

    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
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    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
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    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250609-dissolution.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/il-y-a-un-an-la-dissolution-261386

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/09/article-sr-20250609-dissolution.html




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  • Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou

    « La motion de censure que nous examinons cet après-midi est unique en son genre : c’est la première fois que l’Assemblée Nationale est invitée à voter contre l’Assemblée Nationale. » (François Bayrou, le 4 juin 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Placée au milieu de l'examen de la proposition de loi relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues, l'examen de la septième motion de censure contre le gouvernent Bayrou a eu lieu ce mercredi 4 juin 2025 après-midi à l'Assemblée Nationale.

    Déposée par 58 députés insoumis, cette motion de censure, la 154e de la Cinquième République, comme l'a rappelé le Premier Ministre François Bayrou, faisait suite à l'adoption de la motion de rejet préalable de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur le lundi 26 mai 2025.

    Revenons rapidement sur cet épisode : cette proposition de loi, dite proposition de loi Duplomb du nom du sénateur Laurent Duplomb qui l'a initiée et déposée le 1er novembre 2024 (avec un autre collègue sénateur), a été adoptée par le Sénat le 27 janvier 2025 en première lecture. Elle vise à faciliter l'activité des agriculteurs et contient quelques mesures fortement contestées par les écologistes notamment sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Ce texte a été adopté (après des modifications) par la commission des affaires économiques le 16 mai 2025 et, porté par son rapporteur Julien Dive (LR), devait être débattu en séance publique le 26 mai 2025.

    Mais le trop grand nombre d'amendements déposés par la gauche, en particulier par les insoumis et les écologistes, à savoir 3 455, faisait craindre un enlisement des débats et même une obstruction du texte. Trois semaines auraient été nécessaires pour en venir à bout. C'est pourquoi le rapporteur ainsi que les présidents des groupes du socle commun, à savoir Julien Dive, Laurent Wauquiez (LR), Gabriel Attal (Renaissance), Marc Fesneau (MoDem) et Paul Christophe (Horizons) ont déposé une motion de rejet préalable qui a été adoptée par 274 voix pour (sur 402 votants), 121 voix contre, 7 abstentions (scrutin n°2105).

     

     
     


    Parmi les 274 pour, se trouvaient 105 députés RN, 56 députés Renaissance, 41 députés LR, 21 députés MoDem, 24 députés Horizons, 13 députés LIOT et 11 députés ciottistes. Parmi les 121 contre, se trouvaient 47 députés insoumis, 25 députés socialistes, 36 députés écologistes et 6 députés communistes. En outre, 5 députés de Renaissance et du MoDem (dont Éric Bothorel et Richard Ramos) ont voté contre cette motion de rejet. Comme on le voit, le RN a voté en masse pour cette motion avec la plupart des députés de la majorité du socle commun.
     

     
     


    La conséquence de ce rejet, c'est la formation le 28 mai 2025 d'une commission mixte paritaire(CMP) composée de 7 députés et 7 sénateurs chargés de proposer un texte identique aux deux assemblées... sur la base du texte adopté le 27 janvier 2025 par le Sénat.

    Pour les insoumis, le vote de la motion de rejet préalable par les promoteurs même du texte est la preuve d'une manœuvre de procédure pour éviter le débat et court-circuiter l'Assemblée Nationale, ce qui permet de revenir avec le texte adopté par le sénateur qui sera le document de travail de la commission mixte paritaire.

    C'est ce qu'a expliqué la députée insoumise Mathilde Hignet ce 4 juin 2025 pour défendre la motion de censure déposée par son groupe : « Pour se passer du vote de l’Assemblée, toutes les manœuvres sont bonnes. Après les 49.3 à répétition, l’examen de la proposition de loi dite Duplomb, future loi "pesticides", future loi "agrobusiness", vous conduit à aller encore plus loin en recourant à un 49.3 déguisé : pour la première fois depuis quarante ans, le rapporteur dépose une motion de rejet préalable de son propre texte, ou plutôt du texte dicté par les lobbys de l’agrobusiness et par M. Rousseau, le patron de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Nos concitoyens et concitoyennes doivent comprendre que cette manœuvre ne vise qu’à contourner le débat, le vote des députés : c’est ainsi uniquement la version du texte issue de son examen par le Sénat, et dérangeant même dans vos rangs, chers collègues macronistes, qui sera soumise à la commission mixte paritaire, sept députés, sept sénateurs, loin d’être choisis au hasard, chargés de déterminer à huis clos la mouture finale d’un texte dangereux pour la santé, pour la biodiversité. Privés de notre droit, en tant que parlementaires, de débattre de ce texte, de son impact sur la santé et la planète, face à un gouvernement qui nous mène à la catastrophe, nous déposons cette motion de censure. ».
     

     
     


    Cette députée dit un peu n'importe quoi sur le plan institutionnel car l'article 49 alinéa 3, qui fait partie de notre Constitution approuvée très largement par le peuple français, vise à approuver un texte dans sa globalité alors que la motion de rejet préalable, c'est exactement l'inverse.

    Mathilde Hignet a néanmoins évoqué le fond du débat : « En vérité, vous aviez peur que l’Assemblée, sous pression populaire, ne vote pas comme le souhaite ce gouvernement au service des puissants ; peur qu’un débat public n’expose à tous les yeux l’arnaque que constitue ce texte ; peur que le contenu des amendements retenus en commission, votés par certains dans vos rangs, se retrouve dans la loi. (…) Souvenez-vous ! Souvenez-vous de Christian Jouault, agriculteur, décédé en avril dernier après s’être battu contre une leucémie, un lymphome, un cancer de la prostate, maladies toutes reconnues comme liées aux pesticides. Sous couvert de sauver des filières, vous souhaitez réintroduire un néonicotinoïde, l’acétamipride, dangereux pour l’environnement et la santé. Quelles seront les conséquences d’une telle décision ? Souvenez-vous, collègues, d’Alain Chotard, agriculteur, décédé ce 31 mai après avoir lutté pendant trente ans contre la maladie de Parkinson, elle aussi causée par les pesticides ! Les ravages de ces derniers ne s’arrêtent pas à la lisière des champs : ouvriers de l’agro-industrie, fleuristes, paysagistes, voisins, nous sommes tous concernés. Souvenez-vous de Pascal, décédé d’un cancer lymphatique après avoir été exposé aux pesticides durant vingt-trois ans dans le cadre de son travail de jardinier municipal ! Sacrifier la santé des agriculteurs, des citoyens, aux profits de quelques-uns, voilà ce que vous vous apprêtez à faire. Même la santé des enfants est menacée ! Souvenez-vous d’Emmy, décédée à 11 ans après sept ans de souffrances : la cour d’appel de Rennes a confirmé que sa leucémie avait été causée par l’intoxication aux pesticides, pendant la grossesse, de sa maman, fleuriste. Lorsque vous visiterez, dans votre circonscription, un service d’oncologie pédiatrique, souvenez-vous du texte que vous aurez laissé passer, alors que les médecins alertent désormais au sujet de l’exposition des enfants au cadmium, notamment présent dans les céréales, les pommes de terre, et des risques de cancer du rein ou du foie qui en découlent ! Cette proposition de loi ne règle rien, elle acte les impasses économiques dans lesquelles s’est embourbé notre modèle agricole. Ainsi la prolifération des ravageurs des vergers de noisetiers a-t-elle été facilitée par le doublement, en France, de la surface de ces derniers depuis 2010, une monoculture et une concentration de la production encouragées par Ferrero, qui souhaite gonfler ses 751 millions de bénéfices. Non content de détruire les écosystèmes de l’Indonésie afin de produire de l’huile de palme, Ferrero contribue à la pollution de l’eau et des sols. (…) S’aligner sur le moins-disant ne nous rendra pas plus compétitifs : cela ne fera qu’appauvrir les travailleurs des industries agroalimentaires. Après les normes environnementales, alignerez-vous sur les autres pays la rémunération des agriculteurs ? Leur avenir, est-ce le salaire des pays de l’Est ? Pensez-vous vraiment que relever pour les élevages les seuils à partir desquels s’applique la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) permettra aux éleveurs porcins de contrer la Chine et ses 650 000 cochons élevés dans un immeuble en béton de vingt-six étages ? Lorsque vous évoquez la concurrence mondiale, faites donc preuve d’honnêteté : nos concurrents produisent davantage et moins cher, mais dans quelles conditions ? Enviez-vous à ce point les fermes géantes américaines, avec leurs champs d’OGM à perte de vue, leurs salariés bien souvent immigrés et sous-payés ? Assez de cette course au profit qui sert seulement les intérêts de quelques-uns, assez de cette concurrence déloyale, assez de laisser ceux d’en haut dicter la loi ! ».

     

     
     


    La réponse du Premier Ministre s'est d'abord faite sur sa surprise sur le plan institutionnel : « Nous vivons un moment intéressant (…). Les motions de censure étaient alors généralement déposées par les oppositions contre le gouvernement, par la droite contre la gauche, par la gauche contre la droite, par la gauche et la droite associées contre le centre, et avaient toutes un point commun : elles invitaient l’Assemblée Nationale à voter contre le gouvernement. La motion de censure que nous examinons cet après-midi est unique en son genre : c’est la première fois que l’Assemblée Nationale est invitée à voter contre l’Assemblée Nationale. En effet, la raison, ou plutôt le prétexte, de cette motion de censure est le vote d’une motion de rejet préalable sur un texte d’origine parlementaire, adopté en première lecture par le Sénat. Cette motion de rejet, demandée par quatre des groupes parlementaires de cette assemblée, a recueilli 274 voix contre 121, soit la majorité absolue des votants. Ainsi, l’Assemblée n’est pas contente de l’Assemblée et elle se propose, à la demande de cinquante-huit de ses membres, de manifester le mécontentement qu’elle éprouve à son propre égard en renversant le gouvernement ! Résumons : le gouvernement n’est pas à l’origine de ce texte, il n’est pas à l’origine de son adoption, il n’est pas à l’origine de la motion de rejet préalable, mais il est coupable, forcément coupable, comme le disait Marguerite Duras. ».

    Prônant la démocratie parlementaire, François Bayrou a voulu laisser une plus grande marge de manœuvre au Parlement : « Depuis que ce gouvernement est entré en fonction, il a veillé sans cesse à ce que les prérogatives du Parlement soient respectées, qu’elles s’expriment librement et qu’elles contribuent à résoudre les problèmes qui se posent à nous. Je l’ai affirmé dès notre déclaration de politique générale et je le réaffirme aujourd’hui : la capacité d’action de l’État dépend de la bonne coopération entre le Parlement et l’exécutif. Face aux défis sans précédent qui nous attendent, je crois plus que jamais à la coresponsabilité. Nos institutions invitent à avoir un Parlement fort, un gouvernement fort et un Président fort. Néanmoins, nous devons admettre que nous faisons face, collectivement, à une difficulté que nous ne parvenons pas à surmonter. Les parlementaires, les citoyens et, bien sûr, le gouvernement souhaitent ardemment des réformes. En France, ces réformes passent souvent par des lois. Pourtant, depuis presque six mois, le Parlement ne parvient pas à examiner les textes nécessaires. L’ordre du jour est devenu un casse-tête, les amendements se multiplient, leur nombre double de législature en législature, les débats s’éternisent. Chaque jour, les parlementaires, les commissions, les groupes, les ministres et les observateurs réclament l’inscription de textes nécessaires à l’ordre du jour de l’Assemblée. Pourtant, l’examen de ces textes est rendu impossible à cause de l’engorgement parlementaire délibérément créé au sein de cet hémicycle. (…) Cette situation crée une grande frustration pour les parlementaires sur tous les bancs de l’hémicycle, pour le gouvernement et surtout pour nos concitoyens. Cela n’est bon pour personne. Ce blocage se retourne contre le Parlement lui-même. Les seuls véritables adversaires au bon fonctionnement du Parlement sont ceux qui recourent constamment à l’obstruction et au blocage. Ils cherchent par tous les moyens à miner son travail, à remettre en question sa légitimité et, in fine, à le discréditer aux yeux de nos concitoyens. Nous le constatons chaque jour davantage. Par conséquent, ces adversaires ne sont pas le gouvernement ; ils siègent sur les bancs de cet hémicycle, et empêchent le Parlement de faire son travail. ».

     

     
     


    Justifiant le choix par l'Assemblée du vote de la motion de rejet, François Bayrou a rappelé que cette procédure est parfaitement démocratique : « Le choix qu’ont fait les députés en votant la motion de rejet que vous mettez en cause ne dissimule aucune volonté d’empêcher le débat. Il ne clôt en rien le travail parlementaire : la prochaine étape du texte, la commission mixte paritaire, est le lieu où se construit l’équilibre, le consensus ou le compromis entre les deux chambres du Parlement. C’est une procédure parfaitement régulière, prévue par la Constitution de 1958 et par les règlements des assemblées parlementaires. Elle est fréquemment utilisée sur une très large majorité de textes. La possibilité de voter une motion de rejet est tout aussi régulière, puisqu’elle est également instituée par les textes encadrant le travail parlementaire. Dois-je rappeler à votre groupe qu’il a déposé pas moins de quatorze motions de rejet depuis le début de cette législature, c’est-à-dire depuis septembre 2024 ? Dans cet hémicycle, votre groupe est le recordman de la motion de rejet. Parmi les dix-huit motions déposées par l’opposition, vous en avez déposé quatorze, et vous en avez même fait adopter deux. Vous avez employé la motion de rejet contre des textes portant sur des sujets importants, que nos concitoyens attendaient : la lutte contre le narcotrafic, la sécurité dans les transports, la simplification administrative… Vous utilisez la motion de rejet comme un instrument dans votre stratégie délibérée et continue d’obstruction, qui mène à l’immobilisme. C’est uniquement parce que la proposition de loi des sénateurs Duplomb et Menonville était victime de vos manœuvres d’obstruction qu’une motion de rejet a été déposée puis votée. ».

    En revanche, le Premier Ministre a dénoncé la volonté d'obstruction des promoteurs de cette motion de censure : « Sur ce texte, dont plusieurs mesures sont vitales pour notre agriculture, 3 500 amendements ont été déposés, dont plus de 1 500 par le groupe Écologiste et social et 850 par le groupe La France insoumise. Ces amendements ne contribuent pas à la qualité du débat, ils cherchent plutôt à l’enliser. Je donnerai deux exemples pour que les Français sachent dans quel degré d’enlisement vous essayez d’entraîner le débat. Un amendement propose de remplacer les mots "un mois" par les mots "trente jours". Un autre amendement propose de remplacer le mot "finalité" par le mot "but". Je doute que ces deux modifications répondent aux besoins les plus pressants de l’agriculture française. Avec un rythme d’examen correspondant à allouer trois minutes de débat à chaque amendement, ces 3 500 amendements auraient représenté trois semaines d’examen en séance. Ces trois semaines d’examen auraient empêché la discussion d’autres textes que nos concitoyens attendent pourtant, comme le projet de loi sur Mayotte ou le texte sur l’énergie. Le gouvernement a proposé de mettre en place la procédure du temps législatif programmé ; votre groupe s’y est opposé. Devant l’ampleur des difficultés que nous avons à surmonter, cette stratégie d’obstruction ne constitue pas une attitude responsable. Depuis son entrée en fonction, le gouvernement s’est employé à faire avancer vingt-huit textes adoptés par le Parlement, comme la loi d’urgence pour Mayotte en février, la loi d’orientation agricole en mars, les lois sur le narcotrafic et sur la sécurité dans les transports au mois d’avril. Sur ces bancs, nombreux sont ceux qui considèrent ces jeux d’obstruction comme particulièrement déplacés compte tenu de l’importance des sujets examinés. ».

    Sur le fond, François Bayrou a énoncé la conviction du gouvernement : « Il s’agit là de notre agriculture, de nos agriculteurs, et de la conciliation entre la reconquête de la production agricole et le respect de l’environnement et de la santé publique. Ces sujets sont d’une importance vitale pour notre pays et méritent un débat sur le fond. La conviction du gouvernement est que l’agriculture et le respect de l’environnement sont deux aspects du même combat. Notre ambition pour l’agriculture française est qu’elle garde et renforce son haut niveau d’exigence en matière environnementale, sanitaire et sociale. Nous savons qu’il n’y aura ni souveraineté agricole française ni sécurité alimentaire si notre agriculture n’atteint pas la triple performance économique, qualitative et environnementale. Cet objectif est très largement partagé sur ces bancs, comme cela a été montré par le vote à une large majorité de la motion de rejet pour que le texte puisse enfin être adopté. Il suffit de regarder la situation et les chiffres. ».

    Et de faire un constat alarmant sur la situation de l'agriculture française : « La France était habituée aux excédents agricoles. Pourtant, en 2025, le solde agroalimentaire est déficitaire pour le troisième trimestre consécutif. Il se situe à un niveau très dégradé. Derrière les atouts historiques de la France dans le domaine agroalimentaire, une myriade de déficits commerciaux se détache pour plusieurs catégories de produits : la catégorie des fruits et légumes enregistre 7 milliards d’euros de déficit en 2024 ; les produits d’épicerie, plus de 6 milliards ; les produits d’origine aquatique, 5 milliards ; les viandes et les produits carnés, plus de 3 milliards. Je prends quelques exemples plus spécifiques : pour les tomates, on note un déficit de 393 millions d’euros ; pour les poivrons, 232 millions ; pour les fraises, 143 millions ; pour les poires, 94 millions. Sans une action rapide et sans des moyens adaptés pour soutenir la capacité productive de l’agriculture française, tous nos discours en faveur de la souveraineté agricole et de la sécurité alimentaire se révéleront des vœux pieux. Le texte qui a provoqué cette nouvelle motion de censure a été travaillé avec soin par le Sénat et par les commissions. Il entend permettre à nos agriculteurs de vivre de leur travail tout en continuant à nourrir notre pays dans la durée. Nous ne fragiliserons pas nos producteurs en laissant perdurer des complexités et des distorsions déloyales de concurrence. L’immense majorité des néonicotinoïdes a été interdite ces dernières années. Une seule substance, l’acétamipride, interdite en France, reste autorisée dans les vingt-six autres pays de l’Union Européenne. Interdire à nos agriculteurs de recourir à un produit principalement utilisé pour la culture des noisettes revient à leur imposer une distorsion de concurrence. Les producteurs de noisettes sont un peu plus de 300 en France. Ces nuciculteurs sont à la tête d’exploitations qui ne mesurent pas plus d’une dizaine d’hectares, ce qui représente une part infime de l’espace agricole français, l’équivalent d’un timbre-poste sur un terrain de football. Toutes les noisettes que vous consommez viennent de Turquie ou d’autres pays européens et ont été traitées avec des substances de cet ordre. Vous faites en sorte... Cette vérité semble vous déranger. Vous voulez interdire aux producteurs français d’utiliser un produit considéré comme acceptable dans tous les autres pays européens. Cela revient à rayer de la carte les producteurs français ! Nos agriculteurs vivent un drame que vos actions nourrissent. ».

    Pas étonnant, donc, que l'ancien agriculteur soit resté l'un des plus grands défenseurs des agriculteurs : « Pendant très longtemps, des décennies, voire des siècles, ils ont été considérés comme les meilleurs connaisseurs et les meilleurs protecteurs de la nature. Les campagnes menées contre eux depuis plusieurs années leur ont donné le sentiment d’être pris pour cible et d’être abandonnés. On attaque le cœur de leur vocation, de leur métier, l’amour qu’ils portent à la nature et à leurs terres. Ce n’est pas la faute des lobbyistes, mais de ceux qui intentent un procès infondé à l’agriculture française. C’est vous qui êtes responsables ! La majorité de l’Assemblée s’est exprimée sur ce sujet. Nos agriculteurs savent qu’agriculture et écologie ne pourront être séparées. C’est ce qu’illustre la question de l’eau : sans eau, pas d’agriculture. L’accès à l’eau doit être facilité, mais il convient de réfléchir dans le même temps à un usage responsable de cette ressource, territoire par territoire. Pour trouver ces nouveaux équilibres, nous lançons dès ce mois-ci les conférences territoriales sur l’eau, qui auront lieu d’ici au mois d’octobre. La feuille de route est claire : définir un meilleur partage de la ressource tout en anticipant les risques. Les défenseurs du texte affirment simplement qu’un équilibre de long terme est à trouver entre l’allégement des contraintes qui pèsent sur le travail des agriculteurs et le respect des impératifs environnementaux et de santé publique. Au nom du gouvernement, j’assure de notre confiance les deux chambres du Parlement, qui, représentées au sein de la commission mixte paritaire, parviendront à trouver cet équilibre vital pour nos agriculteurs et notre société. ».

    Après l'intervention d'un orateur par groupe politique, les députés sont passés au vote. À 16 heures 30, la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a annoncé les résultats du vote. Sans surprise, la motion de censure a été rejetée. Seuls 116 députés ont voté en sa faveur alors qu'il en fallait 289. L'analyse du scrutin (n°2222) montre qu'ont voté la motion de censure 71 députés insoumis sur 71, 36 députés écologistes sur 38, 8 députés communistes sur 17 et 1 député socialiste sur 66.

     
     


    Encore une fois, cette motion de censure des insoumis est tombée dans l'eau. Incontestablement, à la veille de leur congrès crucial, les socialistes ont refusé la stratégie du chaos voulue par Jean-Luc Mélenchon. François Bayrou bénéficie ainsi d'une relative stabilité, celle d'empêcher une collusion entre les députés RN et les députés socialistes qui pourrait les conduire à voter ensemble une même motion de censure. Pour les insoumis, ce n'est que partie remise et ils restent convaincus que ...la huitième motion de censure sera la bonne. Quant au gouvernement, il va bosser sur le budget 2026 qui est la principale difficulté du semestre qui va venir.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs.
    Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou.
    Interview de François Bayrou le 27 mai 2025 sur BFMTV (vidéo intégrale).

    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250604-motion-de-censure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-rejet-de-la-7e-motion-de-261367

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/04/article-sr-20250604-motion-de-censure.html



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  • La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs

  • Alfred Dreyfus bientôt général ?

    « La présente proposition de loi est individuelle et singulière. Elle vise à réparer un cas individuel et singulier, hors normes et sans comparaison sous la République. Elle ne crée aucun précédent. » (Charles Sitzenstuhl, le 2 juin 2025 dans l'hémicycle).





     

     
     


    Il y a eu, le lundi 2 juin 2025 sur le coup de 17 heures 30, dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale, une sorte de retour vers le passé exceptionnel, une sorte de construction moderne d'une histoire pourtant ancienne. Pour assister à cette séance publique mémorable, un homme de 98 ans venu exprès dans les tribunes, Charles Dreyfus, le petit-fils du fameux capitaine Alfred Dreyfus accusé à tort d'avoir trahi la France et à l'origine d'une des affaires politiques les plus scandaleuses de l'histoire de France.

    Je résume très brièvement cette Affaire Dreyfus devenue leçon de manuels d'histoire. Par l'antisémitisme ambiant, le capitaine Alfred Dreyfus, polytechnicien originaire de Mulhouse, a été accusé à tort d'intelligence avec l'ennemi (l'Allemagne) et de trahison de la patrie (espionnage) en 1894. Cela a créé une crise politique majeure sous la Troisième République. Victime d'un complot avec la présentation de faux en écriture, Alfred Dreyfus fut condamné le 22 décembre 1894 à la dégradation nationale et à la déportation à perpétuité au bagne de l'Île du Diable, en Guyane. Le 5 janvier 1895, le capitaine Dreyfus fut dégradé dans la cour de l'École militaire à Paris. Il est arrivé le 14 avril 1895 à l'Île du Diable.

    Très rapidement, des faits ont montré que le capitaine Dreyfus était innocent et était devenu un bouc-émissaire tandis que le véritable espion a été identifié (à cet égard, il faut regarder l'excellent film de Roman Polanski, "J'accuse", sorti le 13 novembre 2019 avec Jean Dujardin dans le rôle du colonel Picquart).

    Malgré la réalité des faits, certains éléments dans l'armée, en particulier au plus haut niveau de la hiérarchie, ont continué à charger Alfred Dreyfus pour ne pas déshonorer l'institution. La mobilisation d'intellectuels et de politiques, en particulier Émile Zola (auteur du fameux article "J'accuse !") et Georges Clemenceau (le directeur du journal "L'Aurore" n°87 qui a publié cet article le 13 janvier 1898), a permis de faire émerge la vérité, de reconnaître l'innocence d'Alfred Dreyfus. La plupart des personnalités qui ont considéré publiquement l'innocence d'Alfred Dreyfus, en particulier Émile Zola et le colonel Picquart, chef du service des renseignements, ont été elles-mêmes poursuivies, jugées et condamnées.

    Ce fut entre autres la mort soudaine, le 16 février 1899, du Président de la République Félix Faure, hostile à la révision du procès Dreyfus qui a fait bouger les lignes. Du 7 août au 9 septembre 1899, un nouveau procès par le conseil de guerre a eu lieu à Rennes, mais à son issue, Alfred Dreyfus a été à nouveau condamné, cette fois-ci à dix ans de réclusion pour circonstances atténuantes. Il a été gracié dès le 19 septembre 1899 par le Président de la République Émile Loubet et le gouvernement a déposé le 17 novembre 1899 une loi d'amnistie pour l'ensemble des faits de l'Affaire Dreyfus, loi adoptée définitivement le 24 décembre 1900.

     

     
     


    Le problème de la grâce présidentielle et de l'amnistie, c'était que, d'une part, l'innocence d'Alfred Dreyfus n'a pas été reconnue, et d'autre part, l'amnistie a blanchi les vrais coupables de cette affaire et ceux qui ont conspiré contre Alfred Dreyfus. Alfred Dreyfus a donc redemandé au Ministre de la Justice le 26 novembre 1903 la révision de son procès de Rennes (le second).

    Il a fallu attendre le 12 juillet 1906 pour que la Cour de Cassation annulât le jugement de Rennes et réhabilitât le capitaine Alfred Dreyfus dans son honneur. Le 13 juillet 1906, le gouvernement a déposé un projet de loi pour réintégrer Alfred Dreyfus dans l'armée avec le grade de chef d'escadron (c'est-à-dire commandant) et le colonel Picquart avec le grade de général de brigade. Le 20 juillet 1906, Dreyfus fut nommé chevalier de la Légion d'honneur et décoré solennellement dans la cour de l'École militaire, là-même où on l'a dégradé.

    Patriote, Alfred Dreyfus n'était pas rancunier puisqu'il a voulu continuer à servir dans l'armée. Mais comme on ne lui a refusé le grade de lieutenant-colonel qu'il aurait obtenu si on avait comptabilisé son temps de détention dans son ancienneté, il a pris sa retraite le 25 octobre 1907. Il a cependant repris du service lors de la Première Guerre mondiale, en particulier à Verdun et au Chemin des Dames, ce qui l'a promu en septembre 1918 au grade de lieutenant-colonel et le 9 juillet 1919 d'officier de la Légion d'honneur. Il est mort à Paris à l'âge de 75 ans il y a près de quatre-vingt-dix ans, le 12 juillet 1935, coïncidence, ce fut le jour anniversaire de sa réhabilitation.

    Peu avant de mourir, Alfred Dreyfus a confié à son petit-fils présent dans l'hémicycle : « Je n'étais qu'un officier d'artillerie, qu'une tragique erreur a empêché de suivre son chemin. ».


    Lors de la réhabilitation de Dreyfus le 12 juillet 1906, la classe politique avait sans doute mal compris Alfred Dreyfus en ne comprenant pas qu'il voulait réintégrer l'armée. Depuis sa mort en 1935, il y a régulièrement des tentatives de remédier à cet oubli.

    Dans sa chronique du 2 juin 2025 sur France Inter, Patrick Cohen a rappelé un historique récent sur la situation d'Alfred Dreyfus. Ainsi, en 1985, l'armée a refusé l'érection d'une statue de Dreyfus dans la cour de l'École militaire, refus approuvé par François Mitterrand alors Président de la République : « Il faut donner aux militaires un exemple, pas un remords. ». Au centenaire de la réhabilitation de Dreyfus, en juillet 2006, le Président Jacques Chirac s'est posé la question de cette injustice de carrière. Le général Bentégeat, chef d'état-major des armée, a confirmé la position de ses prédécesseurs : « Dans les armées, on n'a pas l'habitude de célébrer ses erreurs. On célèbre d'abord ses victoires. ». Ministre des Armée, Florence Parly a voulu également répondre à cette injustice en juillet 2019, mais deux ans plus tard, en octobre 2021, le Président Emmanuel Macron a refusé de prendre une décision individuelle, qui serait considérée comme le fait du prince (et illégale sur le plan juridique), et voulait une décision de l'armée... ou une loi.
     

     
     


    Ce fut donc une loi. L'ancien Premier Ministre et président du groupe EPR à l'Assemblée Gabriel Attal a ainsi déposé le 7 mai 2025 une proposition de loi au texte très court pour donner le grade de général à Alfred Dreyfus. À titre posthume. L'occasion aussi de rappeler cette funeste affaire et d'insister sur les dégâts de l'antisémitisme toujours aussi vivace de nos jours.

    Le texte est passé par la commission de la défense nationale et des forces armées le 28 mai 2025. Le rapporteur du texte est le député alsacien Charles Sitzenstuhl. Lors de l'examen en commission, Charles Sitzenstuhl a précisé le problème de la loi déposée le 13 juillet 1906 : « Là se noue le problème qui nous occupe. Alors que Picquart se voit attribuer un grade aligné sur celui des officiers d’une ancienneté égale à la sienne, Dreyfus est promu commandant à la date de la loi, soit au même niveau que des officiers dont l’ancienneté est inférieure de cinq ans à la sienne. Son avancement est de fait retardé de cinq ans, soit à peu près la durée de sa détention. Alors âgé de 46 ans et seulement commandant, Dreyfus, officier brillant promis aux plus belles perspectives, voit sa trajectoire de carrière irrémédiablement rompue, et il le comprend. Lorsqu’il reprend du service, il se trouve sous les ordres d’un supérieur plus jeune que lui. De la possibilité de devenir général, il est privé, car il sait qu’il sera atteint auparavant par la limite d’âge. Face à ce traitement inéquitable, il demande à contrecœur sa mise à la retraite le 26 juin 1907. J’ajoute, pour la précision historique, que Dreyfus se réengage comme réserviste lors de la Première Guerre mondiale, dès les premiers jours de la guerre. Il est nommé à la toute fin de ce conflit lieutenant colonel de réserve, tardivement (…). Il semble bien, d’après les auditions que j’ai menées, que la différence de traitement de la loi de 1906 résulte d’abord d’un malentendu, qui est à l’origine d’une erreur regrettable. L’inspirateur du projet de loi, le commandant Targe, dreyfusard convaincu, était persuadé que Dreyfus ne souhaitait pas poursuivre une carrière militaire et n’avait donc pas prévu de nomination rétroactive. Il s’était surtout attaché, avec succès, à faire obtenir à Dreyfus la Légion d’honneur. Les députés, suivant le rapporteur Adolphe Messimy, votent le texte à une très large majorité. Dreyfus n’en sera pas moins très affecté. Il entreprendra auprès du gouvernement, sans succès, des démarches en vue de corriger l’erreur et rédigera même en 1907 une proposition de loi, qui ne sera jamais déposée et dont le texte figure dans le rapport, visant à "réparer l’erreur qui a certainement été commise". Ni Clemenceau, alors Président du Conseil, ni Picquart, devenu, magnifique hasard de l’histoire !, Ministre de la Guerre, ne souhaitent rouvrir le dossier, pour de multiples raisons qu’ont explicitées les historiens. Dès la fin juillet 1906, Dreyfus écrit au journaliste et député Joseph Reinach : "Je n’avais jamais demandé de faveurs dans ma carrière ; j’avais essayé d’arriver par mon travail. Après ma tragique et si imméritée condamnation de 1894, je n’ai demandé que de la justice. Si on m’avait donné le rang auquel j’ai droit, je n’eusse voulu d’aucune faveur. J’aurais pu réfléchir et peut être, quel que soit l’état de ma santé, sacrifier encore quelque chose de ma vie. Mais on ne l’a pas fait. J’ai conscience d’avoir fait tout mon devoir. Le gouvernement n’a pas fait le sien". ».

     

     
     


    Cela ne fait qu'une vingtaine d'années que la classe politique a été sensibilisée par cette injustice de carrière. Avant Gabriel Attal, d'autres parlementaires avaient déposé des propositions de loi allant dans le même sens, en particulier Éric Ciotti, Joël Guerriau, Roger Karoutchi et Patrick Kanner.

    Charles Sitzenstulh a rappelé aussi la raison du passage par une loi : « Pourquoi incombe t il aux parlementaires de se pencher sur la question ? Parce qu’il s’agit d’un cas singulier. À la nomination d’Alfred Dreyfus au grade de général de brigade à titre posthume, seule la loi peut procéder. L’exécutif n’en a pas le pouvoir, comme le président Macron l’a lui-même rappelé le 26 octobre 2021. Le chef de l’État, pas plus que le gouvernement, ne peut y procéder par décret. Aucune disposition du code de la défense ne permet de procéder à une élévation au grade deux fois supérieur à titre posthume en vue de reconstituer une carrière. Faute de pouvoir agir par la voie réglementaire, il faut emprunter la voie législative. Au demeurant, la réintégration incomplète de Dreyfus ayant été opérée par une loi, la loi du 13 juillet 1906, il est cohérent d’emprunter la voie législative pour la corriger et la compléter rétroactivement. La présente proposition de loi est singulière. Elle est aussi individuelle, ayant pour objet un individu précis. (…) La proposition de loi qui vous est soumise procède d’une démarche législative singulière visant à régler une situation singulière. Il s’agit d’une reconnaissance symbolique pour un cas hors norme, sans équivalent dans l’histoire de la République. Le dispositif qui vous est proposé est simple. Il tient en un unique alinéa d’une seule phrase. Je présenterai deux amendements quasi rédactionnels, visant respectivement à mettre en cohérence le titre de la proposition de loi et son dispositif et à ramasser la rédaction du dispositif pour en renforcer la clarté. ».


    Dans son rapport à la commission, le rapporteur a terminé sa présentation ainsi : « En conclusion, je nous sais nombreux, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, à partager un même souci d’équité et la volonté que réparation soit complètement faite à cet officier exemplaire et brillant qu’était Alfred Dreyfus, qui est un exemple d’héroïsme face à l’arbitraire et à l’écrasement. Nous honorons un officier français patriote, endurant et intelligent, et avec lui tous les militaires, car il y en eut qui lui vinrent en aide, crurent à son innocence, lui témoignèrent de la camaraderie. Chers collègues, Alfred Dreyfus est un héros de notre histoire. Le courage qui lui permit de traverser ces épreuves, c’est aussi dans les valeurs militaires qui lui ont été inculquées qu’il l’a puisé. Dreyfus est un modèle pour la nation, un modèle pour nos armées, un modèle de patriotisme, un modèle d’intégrité, un modèle d’honnêteté, un modèle de sang froid, un modèle de résistance et un modèle de bravoure. Je forme le vœu, important pour notre histoire et pour le Parlement, que la présente proposition de loi rencontre un large accord, et je vous appelle à la voter. ».

    Vœu exaucé en séance publique le 2 juin 2025, et c'est le genre de loi qu'on souhaiterait plus nombreuse pour l'honneur du Parlement français !

    Seulement deux amendements ont été déposés par le rapporteur lui-même, un (technique) sur le titre et un sur le libellé (déjà très court) de son article unique : il s'agissait de supprimer les mots « éprise de justice et qui n'oublie pas » car cette précision, « en allongeant la rédaction, atténue la clarté du dispositif ».
     

     
     


    Ainsi, la proposition de loi « élevant Alfred Dreyfus au grade de général de brigade » ne contient qu'un seul article rédigé ainsi, de quinze mots. Article unique : « La Nation française élève, à titre posthume, Alfred Dreyfus au grade de général de brigade. ».

    Lors de l'examen en séance publique le 2 juin 2025, Charles Sitzenstuhl a insisté sur ce qu'il avait dit en commission : « Si on s’activait pour obtenir la Légion d’honneur à Dreyfus, qu’il reçut lors d’une cérémonie émouvante à l’École militaire, on pensait qu’il ne continuerait pas sa carrière. Or malgré la forfaiture organisée contre lui par quelques chefs indignes, Dreyfus veut toujours servir l’armée. Songez bien, mesdames et messieurs, chers collègues, ce que cette volonté de continuer à servir nous dit du sens du devoir, du courage et de la générosité des sentiments de cet officier. À l’issue d’une telle conspiration, quelle force d’âme et quel culte de l’armée faut-il avoir pour vouloir renfiler l’uniforme ! Souvenez-vous, c’était ça, Dreyfus ! Cet exemple de patriotisme qui s’écriait le matin d’hiver de son humiliante dégradation : "Vive la France ! Vive l’armée !". ».

    Réparer une injustice historique : « Mes chers collègues, il n’est jamais trop tard pour corriger une injustice et réparer complètement l’honneur d’un homme et il est de notre devoir de le faire maintenant. Il faut le faire non seulement pour Dreyfus mais aussi pour nous, pour la nation, pour la France de demain. Il faut le faire pour que la République demeure cette haute idée de l’égalité et de la justice. Alors que notre vieux pays est à nouveau traversé par des pulsions de haine, d’antisémitisme, de xénophobie, de complotisme, maladies de la société qui font écho au climat de l’Affaire, il faut rester vigilant, se rappeler de Dreyfus, ne pas oublier ce héros républicain, symbole de résistance à l’oppression et à l’écrasement. ».

    Héros et exemple : « Dreyfus n’est pas une vieille histoire ; c’est une sentinelle de la République ! Dans les conditions cruelles de l’Île du Diable, il se battit pour sa survie et sa réhabilitation. Il fut le principal acteur de son histoire. S’il fut aidé par d’illustres personnalités ainsi que par des militaires, car il y en eut, qui crurent à son innocence et lui témoignèrent de la camaraderie, c’est bien Dreyfus qui, toujours, refusa d’abdiquer. Ce combat, il put le mener aussi grâce aux valeurs de l’armée qu’on lui avait inculquées. Dreyfus est un modèle de résistance et d’héroïsme pour la nation. Il est un exemple pour les jeunes générations, un grand homme auquel la patrie peut se montrer reconnaissante. ».

    Après plusieurs interventions de députés, la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet (qui, pour l'occasion, présidait elle-même la séance, ce qui est très rare pour un lundi), a mis au vote cette proposition de loi et celle-ci a obtenu 197 voix pour l'adoption sur 197 votants, donc à l'unanimité. L'Assemblée, parfois, s'honore de certains votes.

    Curieusement, le gouvernement avait opté pour une procédure accélérée, c'est-à-dire pour une seule lecture, comme si, après près de cent dix-neuf ans, cela ne pouvait pas attendre quelques mois de plus ! Mais cette procédure sera certainement inutile car le Sénat va probablement adopter dans quelques mois, dès la première lecture, ce texte dans les mêmes termes. 2025 verra alors l'épilogue de la très grande et tragique Affaire Dreyfus depuis 1894.


    À moins que la République n'aille encore plus loin, jusqu'à transférer les cendres d'Alfred Dreyfus au Panthéon (elles sont actuellement au cimetière du Montparnasse, dans le quatorzième arrondissement de Paris). Jacques Chirac l'avait refusé car il préférait panthéoniser des héros et pas des victimes, et pour certains historiens, le héros de cette affaire est déjà au Panthéon puisqu'il s'agit d'Émile Zola. Patrick Cohen a terminé sa chronique en considérant que la panthéonisation ne serait pas illogique : « Mais l’historien Vincent Duclert l’a bien montré, et contrairement à ce que disait Mitterrand, Alfred Dreyfus a été un officier exemplaire, d’un patriotisme absolu, engagé dans les combats de Verdun et du Chemin des Dames à près de 60 ans, grand républicain. ». Plus que cette réparation tardive, c'est l'unanimité des députés qui, ici, est précieuse, compte et émeut.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L’affaire Dreyfus au cinéma.
    Alfred Dreyfus bientôt général ?
    Jules Verne.

    Les 150 ans des lois constitutionnelles de la IIIe République.
    Jean Jaurès.
    Panthéon versus wokisme !
    Centenaire du drame.
    Anatole France.
    Alexandre Dumas fils.
    Pierre Waldeck-Rousseau.
    Alexandre Millerand.
    La victoire des impressionnistes.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Mélinée et Missak Manouchian.
    Le Débarquement en Normandie.
    La crise du 6 février 1934.
    Gustave Eiffel.

    Maurice Barrès.
    Joseph Paul-Boncour.
    G. Bruno et son Tour de France par Deux Enfants.
    Pierre Mendès France.
    Léon Blum.
    Jean Zay.
    Le général Georges Boulanger.
    Georges Clemenceau.
    Paul Déroulède.
    Seconde Guerre mondiale.
    Première Guerre mondiale.
    Le Pacte Briand-Kellogg.
    Le Traité de Versailles.
    Charles Maurras.
    L’école publique gratuite de Jules Ferry.
    La loi du 9 décembre 1905.
    Émile Combes.
    Henri Queuille.
    Rosa Luxemburg.
    La Commune de Paris.
    Le Front populaire.
    Le congrès de Tours.
    Georges Mandel.
    Les Accords de Munich.
    Édouard Daladier.
    Clemenceau a perdu.
    Au Panthéon de la République, Emmanuel Macron défend le droit au blasphème.
    L'attentat de Sarajevo.
    150 ans de traditions républicaines françaises.


     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250602-alfred-dreyfus.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/alfred-dreyfus-bientot-general-261326

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/07/article-sr-20250602-alfred-dreyfus.html


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  • La longévité du Professeur Bayrou

    « Le gouvernement dispose d’un (…) atout décisif. C’est le besoin, l’exigence, l’injonction que le pays nous assigne : retrouver la stabilité. Tous les Français en ont besoin. Ils comprennent bien que nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais ils nous enjoignent de joindre nos forces pour forcer les issues. Un grand pays, un pays digne de ce nom, est un pays capable de regarder en face ses chances, nous croyons qu’elles sont grandes, et ses difficultés qui ne le sont pas moins. Les sujets d’inquiétude sont innombrables, mais il en est un, criant, qui émerge avec force : le surendettement du pays. » (François Bayrou, le 14 janvier 2025 dans l'hémicycle, lors de sa déclaration de politique générale).




     

     
     


    Le jeudi 22 mai 2025 est passé inaperçu un petit événement politique, voire un petit exploit politique : le Premier Ministre François Bayrou a dépassé la longévité de son déjà lointain prédécesseur socialiste Bernard Cazeneuve, à savoir 5 mois et 9 jours. Ce dernier a succédé à Manuel Valls à Matignon du 6 décembre 2016 au 15 mai 2017, car le futur Ministre des Outre-mer était candidat à la primaire socialiste de janvier 2017 pour être le candidat du PS à l'élection présidentielle de 2017. Comme il fallait bien un chef du gouvernement, François Hollande a choisi Bernard Cazeneuve, un proche, qui a eu depuis le début de son quinquennat une forte destinée ministérielle : Affaires européennes, Budget, Intérieur et enfin Matignon. Il l'a préféré en particulier à Ségolène Royal.

    On a d'ailleurs parlé de Bernard Cazeneuve comme Premier Ministre depuis cet été 2024, dans une configuration parlementaire impossible, un hémicycle divisé en trois pôles quasi-identiques rendant l'action de gouverner très compliquée.


    Pour François Bayrou, nommé à Matignon le 13 décembre 2024, c'est donc un petit exploit, et il entend le renouveler tout au long de la fin de ce second quinquennat du Président Emmanuel Macron.
     

     
     


    L'histoire de la Cinquième République est inédite depuis 2024. On pensait que toutes les situations politiques pouvaient avoir déjà été connues, et en fait, non. La principale inconnue était les périodes de cohabitation, c'est-à-dire lorsque des élections législatives amènent une majorité parlementaire opposée au camp du Président de la République. Elles furent inaugurées le16 mars 1986 et, finalement, a été produite trois fois, deux de deux ans et une de cinq ans (Jacques Chirac de mars 1986 à mai 1988, Édouard Balladur de mars 1993 à mai 1995 et Lionel Jospin de juin 1997 à juin 2002). Ces périodes ont montré la souplesse et la polyvalence de la Constitution, mais toujours à l'avantage de l'exécutif.

    D'autres innovations institutionnelles ont eu lieu par la suite. Ainsi, Jacques Chirac en 2002 a réussi à exclure la gauche du second tour de l'élection présidentielle. En fait, cela avait déjà été le cas en 1969, et l'innovation était que c'est l'extrême droite qui était présente au second tour. Cela s'est déjà renouvelé deux fois par la suite, en 2017 et 2022, et tout semble mener à un quatrième cas d'espèce en 2027.


    En 2017, nouvelle innovation. Je précise, je reprends mon texte, ce n'était pas Jacques Chirac qui a exclu Lionel Jospin en 2022, mais le peuple, bien sûr. La nouvelle innovation en 2017, c'est que le peuple a exclu du second tour à la fois le PS et LR, les deux partis de gouvernement et d'alternance gauche/droite. Le clivage s'est donc modifié en centrisme/extrémisme, avec des nuances qu'il faudrait préciser.
     

     
     


    Jusqu'en 2024, la nomination procédait de la prérogative exclusive du Président de la République, soit dans une totale indépendance, lorsque le Président jouit d'une majorité à l'Assemblée, soit dans une totale contrainte, lorsqu'il est confronté à une opposition devenue majoritaire à l'Assemblée, auquel cas la nouvelle majorité impose au Président le nom du Premier Ministre, ce qui confirme bien la nature à la fois démocratique (mais c'est une évidence, puisqu'il y a des élections présidentielles et législatives libres, sincères et à bulletins secrets) et aussi parlementaire pour ceux qui en auraient douté.

    Du reste, si, avant 2024, seule une motion de censure a été adoptée par l'Assemblée, elle l'a été de manière quasi-originelle, contre le deuxième Premier Ministre de la Cinquième Georges Pompidou le 4 octobre 1962 (c'était une situation exceptionnelle car la classe politique refusait absolument le principe de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct et de sa ratification par référendum, sans débat parlementaire dans une procédure ordinaire de révision de la Constitution).

    Depuis la législature actuelle, la dix-septième, issue du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024, la situation est complètement inédite : non seulement il n'existe pas de majorité absolue mais il n'existe quasiment pas de majorité relative. Cela signifie que la stabilité du gouvernement est très aléatoire (confirmant le nature parlementaire de nos institutions). Le premier Premier Ministre Michel Barnier dans cette configuration en a fait les frais, puisqu'il a été censuré au bout de seulement trois mois (il a quitté Matignon au bout de 3 mois et 8 jours), prenant la place du record de brièveté à Matignon sous la Cinquième République (dans les républiques précédentes, il y a eu nettement plus forts que lui). Un record historique sans doute injuste mais sans doute aurait-il dû adapter sa gouvernance à la complexité de la situation parlementaire.

     

     
     


    Sur les vingt-huit Premiers Ministres de la Cinquième République, les deux seuls Premiers Ministres (à ce jour) à avoir été censurés se retrouvent à l'extrémité : l'un détient le record de brièveté, Michel Barnier, donc, et l'autre... le record de longévité, Georges Pompidou, 6 ans, 2 mois et 26 jours. Georges Pompidou aurait pu, voire aurait dû quitter Matignon au bout de 5 mois et 20 jours (François Bayrou n'en est plus très loin)... mais De Gaulle a choisi de riposter à la censure par la dissolution. La grande nouveauté du 5 décembre 2024, c'est que Michel Barnier a été censuré alors que le Président de la République, qui avait déjà dissous dans l'année courante, avait perdu son droit de dissolution (il le retrouvera le 9 juin 2025).

    Or, le problème de Michel Barnier, c'est qu'il se comportait comme un Premier Ministre normal de la Cinquième République, c'est-à-dire avec autorité, dirigisme et vision, alors qu'il n'en avait pas les moyens parlementaires. La nomination de François Bayrou était ce que la France pouvait le mieux espérer dans une telle situation.

     

     
     


    Pourquoi ? Parce que François Bayrou a réfléchi depuis plus de vingt ans, plutôt même trente ans, à ce jour où il serait nommé Premier Ministre sans qu'aucune majorité ne soit possible à l'Assemblée. Être un tel chef de gouvernement est totalement novateur. Michel Barnier ne l'avait pas compris. Cela donne de nombreuses contraintes qu'on pourrait résumer à se réduire à l'immobilisme, mais aussi à gagner de merveilleuses libertés, notamment limiter les initiatives politiques du Président de la République.

    Depuis sa nomination qu'il a obtenue à l'arraché, François Bayrou a toujours paru serein et surtout, n'a jamais été étonné d'être là, comme si c'était prévu depuis longtemps. Évidemment, on reproche à François Bayrou de ne rien faire. C'est même le principal sujet des caricaturistes à son égard et ma foi, il vaut mieux en rire qu'en pleurer. Soyons réaliste : que peut-il faire face à une Assemblée avec un tiers qui le soutient comme une corde à un pendu, un tiers d'extrême droite et un tiers d'une gauche dont la moitié est éructante, populiste, vociférante ? Pas grand-chose.

    Et au départ, il a réussi déjà un véritable exploit : faire adopter le budget de la nation (et celui de la sécurité sociale), chose que, malgré ses ambitieuses visions, Michel Barnier n'avait pas réussi à obtenir de l'Assemblée.

    Réussir à éviter la conjonction des oppositions est un art de la politique, un grand art, et François Bayrou l'a manifestement. Je peux même dire qu'il est le seul à l'avoir ! Alors, bien sûr, il y a le risque de l'immobilisme, mais franchement, ce reproche n'a-t-il jamais été fait auparavant dans des circonstances politiques pourtant bien plus faciles ?


    On peut mettre au crédit de François Bayrou sa bonne foi et sa sincérité : il souhaite l'intérêt général et peu peuvent penser qu'il agit avec l'arrière-pensée d'être candidat à l'élection présidentielle. Ce n'est pas à 73 ans qu'on devient... candidat ? Ah, si, c'est possible, ce sera au moins le cas de Jean-Luc Mélenchon, si "La Meute" (excellente enquête) ne l'a pas achevé d'ici là.
     

     
     


    Pour ne pas liguer les oppositions contre lui, il doit montrer de la bonne volonté. C'était le cas pour le RN avec sa volonté de lutter efficacement contre l'insécurité et son choix de maintenir Bruno Retailleau à l'Intérieur. C'était aussi le cas pour le PS avec la nomination d'un Ministre de l'Économie et des Finances dit de gauche, Éric Lombard, et le fameux conclave sur les retraites.

    C'est surtout le cas de sa manière de gouverner, qui peut déconcerter lorsqu'on a le pouvoir. Car la première singularité, c'est de penser que tous ses ministres sont des forces de rayonnement et d'intérêt, ce qui va à l'encontre de la consigne "je ne veux voire qu'une seule tête". Ainsi, les ministres sont très autonomes et peuvent même bénéficier d'un retour médiatique personnel. À charge pour eux de ne pas trop se contredire entre eux publiquement, sinon, il y aura quand même recadrage.


    Mais cette gouvernance s'applique aussi avec les parlementaires. Lorsqu'on regarde l'agenda parlementaire, la plupart des textes en discussion sont des propositions de loi qui émanent de parlementaires, et pas des projets de loi qui émanent du gouvernement. Seules les lois de finances émanent du gouvernement.
     

     
     


    François Bayrou se focalise en fait sur la préparation du budget 2026. Et surtout, sur la réduction du déficit de 40 milliards d'euros. Il l'avait présenté dès sa déclaration de politique générale le 14 janvier 2025 : « J’affirme qu’aucune politique de ressaisissement et de refondation ne pourra être conduite sans tenir compte de ce surendettement et sans se fixer pour objectif de le contenir et de le réduire. ».
     

     
     


    Or, aujourd'hui, cela n'avance pas. Il a assuré qu'il voulait reprendre le budget sur une feuille blanche, redéfinir les missions de l'État, etc., mais cela s'apparente à une mission impossible. En plus, la préparation de l'élection présidentielle de 2027 mais aussi des élections municipales de 2026 risque d'impacter sur les prises de positions politiques. Les congrès de LR et du PS vont aussi avoir une influence.
     

     
     


    Mine de rien, François Bayrou est un véritable miraculé. Il a déjà réussi à passer l'épreuve du budget 2025, ce qui n'était pas une mince affaire. Il a ensuite passé l'épreuve de la grave condamnation en première instance de Marine Le Pen qui sera sans doute empêchée de se présenter à l'élection présidentielle prochaine (on verra ce que dira le procès en appel prévu avant l'été 2026), qui aurait pu conduire le RN à adopter une politique de terre brûlée. Enfin, il a franchi l'épreuve peu envieuse de Bétharram, un scandale de pédocriminalité qui affecte des centaines de victimes mais qui a été l'objet d'une basse récupération politicienne de la part de députés insoumis en accusant scandaleusement le Premier Ministre de n'importe quoi.
     

     
     


    Son audition de cinq heures trente du 14 mai 2025 devant la commission d'enquête s'est transformée en une sorte de procès à charge qui n'avait pas lieu d'être dans une enceinte de la République telle que l'Assemblée Nationale. François Bayrou a su répondre avec sincérité et même avec émotion (au-delà des accusations portées contre lui, sa propre fille a été l'une des victimes et il l'a appris très récemment ; au contraire des menteurs, il n'était pas impassible ni froid, et était très ému), mais aussi avec fermeté et pugnacité, aux questions inquisitoriales du député FI Paul Vannier, en apportant des preuves factuelles.
     

     
     


    Bien sûr, François Bayrou a de nombreuses autres épreuves à passer, en particulier le budget 2026 (mais il est encore loin, l'automne 2025), aussi des textes très sensibles comme la loi de simplification pour les agriculteurs qui va être discutée dans les prochains jours, et aussi la possible remise en cause des ZFE, etc., et bien sûr la conclusion prochaine du conclave sur les retraites.

    Parmi les vingt-huit Premiers Ministres que comptent à ce jour la Cinquième République, seulement quatre ou cinq ont dépassé les quatre ans de longévité : Georges Pompidou, François Fillon, Lionel Jospin, Raymond Barre et Jacques Chirac (mais en deux périodes non consécutives). Alors que sept n'ont pas franchi le seuil de la première année à Matignon : Michel Barnier, Gabriel Attal, Bernard Cazeneuve, Édith Cresson, Maurice Couve de Murville et Pierre Bérégovoy.
     

     
     


    Et bien sûr François Bayrou, mais lui, du haut de sa chaire paloise (ou béarnaise), pense qu'il continuera à surfer sur Matignon avec cette "soft gouvernance" jusqu'en mai 2027. À la différence de Michel Barnier, François Bayrou retrouvera dans quelques jours le parapluie de la dissolution contre une éventuelle motion de censure. En tout cas, en mi-août 2025, il aura dépassé la longévité de Gabriel Attal (qui n'a pas eu le temps de défendre aucune loi de finances), de quoi saluer la méthode Bayrou avant les précipitations soutenues du budget 2026.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (24 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
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    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
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    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250523-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-longevite-du-professeur-bayrou-261128

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/23/article-sr-20250523-bayrou.html



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  • Pol Pot, l'incarnation de la cruauté

    « Pour moi, Pol Pot est synonyme de Hitler, synonyme de Staline, synonyme de Mao, synonyme de Bokassa, synonyme d’Amin Dada, synonyme de Pinochet. En fait, la liste serait certainement plus longue, mais c’étaient les noms qui revenaient régulièrement dans les années 1970. » (mon article d'août 2011).



     

     
     


    Le cruel dictateur khmer rouge Pol Pot (de son vrai nom Saloth Sâr) serait né il y a cent ans, le 19 mai 1925. Je mets au conditionnel car la part de mystère de cet homme est relativement importante. J'ai eu la chance... ou plutôt la malchance, certainement, de rencontrer dès 1978 des réfugiés cambodgiens qui ont pu m'informer sur ce qui se passait, alors, dans leur pays.

    Le terme de génocide devrait être adopté, même si c'est surprenant que des membres du même peuple aient pu contribuer à son extermination. Toujours est-il qu'entre le 17 avril 1975, il y a cinquante ans, qui correspond à la chute de Phnom Penh vaincu par les troupes khmères rouges et le 7 janvier 1979, qui correspond à l'invasion des troupes vietnamiennes au Cambodge, c'est-à-dire la période où Pol Pot et les khmers rouges avaient un pouvoir absolu de terreur, on évalue à 1,7 million voire à 3 millions le nombre de victimes cambodgiennes de ces communistes, soit 21%, pour l'option la plus faible, de la population cambodgienne de l'époque. Si on devait résumer par une image les presque quatre ans de dictature communiste au Cambodge, c'est certainement celle du bas de cet article, ou une autre du même genre, à savoir un tas de crânes et d'os, ceux des victimes irréversibles de Pol Pot.

    Ce qui est étonnant est l'histoire de cet homme. La politique cambodgienne intérieure est certes assez compliquée à comprendre. Pol Pot faisait partie d'une certaine élite qui a eu le privilège de faire ses études en France. Il est arrivé à Paris en octobre 1949, soit à peu près au même moment que Mao Tsé-Toung a pris le pouvoir en Chine. Le futur dictateur a fréquenté une école d'ingénieur parisienne (celle de radioélectricité) de 1949 à 1953. Il en est sorti sans diplôme.

    En 1952, le roi Norodom Sihanouk, mis en place par la France, refusait de mettre au pouvoir les démocrates vainqueurs des élections du 9 septembre 1951 et voulait gouverner seul. L'étudiant Pol Pot (j'écris Pol Pot mais il n'a pris ce nom qu'en 1975, c'est plus simple de garder le même nom) se trouvait alors résolument dans l'opposition et osa écrire (c'est terrifiant d'imaginer la suite) : « La démocratie est un régime auquel aspirent aujourd’hui tous les peuples du monde ; elle est aussi précieuse qu’un diamant et ne peut être comparée à aucun autre gouvernement. ». Cela dit, les démocrates étant de moins en moins influents, Pol Pot et ses camarades se sont rapprochés des communistes, au point que Jacques Duclos est devenu son parrain et Jacques Vergès son ami.

    De retour au Cambodge en 1953 (sans diplôme), Pol Pot s'intégra dans les cercles communistes, renforçant son opposition lors du départ précipité des Français en 1954, laissant Norodom Sihanouk roi du Cambodge (nommé le 25 avril 1941). Les relations entre Norodom Sihanouk et les khmers rouges furent d'ailleurs particulièrement compliquées, car s'ils se sont très opposés, ils ont su, parfois, être des alliés contre un ennemi commun (vietnamien). L'histoire du Cambodge d'après-guerre est elle-même compliquée avec une succession de gouvernements et de régimes assez bizarres (par exemple, Norodom Sihanouk fut un moment chef de l'État sans être roi mais dans une monarchie !).

     

     
     


    À partir du 22 février 1963, Pol Pot a conquis la tête du parti communiste du Kampuchéa, autrement dit, les khmers rouges (il le resta longtemps). Il batailla contre le pouvoir en place. En 1967 s'est engagée une guerre civile entre, d'une part, les khmers rouges et les nord-vietnamiens, d'autre part, le Royaume du Cambodge et les sud-vietnamiens, puis la République (régime pro-américain). Le principal ennemi de Pol Pot fut le maréchal Lon Nol, Premier Ministre cambodgien du 14 août 1960 au 11 mars 1971 puis Président de la République cambodgienne du 10 mars 1972 au 1er avril 1975. Parmi les grands alliés de Pol Pot, il y avait bien sûr Mao dont il appliqua les concepts lorsqu'il a conquis le pouvoir.

    Lon Nol a fui son pays peu avant l'arrivée des khmers rouges à Phnom Penh le 17 avril 1975. À partir de cette date, une dictature communiste de type chinoise, sans pitié, s'est mise en place, même si dans les premiers temps, ils étaient arrivés en libérateurs pour le peuple. L'objectif de Pol Pot qui contrôlait tous les pouvoirs et qui était formellement le Premier Ministre du 14 avril 1976 au 27 septembre 1976 puis du 25 octobre 1976 au 7 janvier 1979 (en automne 1976, il fut remplacé par Nuon Chea en raison d'un éloignement pour raison de santé), c'était d'éliminer tous ses ennemis politiques (ou supposés ennemis), à l'aide d'un prétexte d'antiaméricanisme. La capitale fut vidée de ses 2 millions d'habitants envoyés aux champs comme en Chine quelques années auparavant. Les intellectuels, les habitants des villes, furent pourchassés par les khmers rouges. Emprisonnements, tortures, exécutions furent nombreux. Toute idée d'Occident fut détruite : monuments, religions, modes de vie, etc.

    Pol Pot était alors un dictateur mystérieux, inexistant sur le plan diplomatique, absent sur le plan intérieur. Comme tout dictateur communiste (il a bien appris de Staline et Mao), Pol Pot a multiplié les purges au sein de son propre parti communiste. Quelques relations officielles avec la Chine a montré l'importance de l'enseignement de Mao (disparu), en particulier le 18 janvier 1978 avec la visite officielle de Deng Yingchao, la veuve de Chou En-Lai, également Vice-Présidente du comité permanent de l'Assemblée nationale populaire de Chine de 1976 à 1983.
     

     
     


    Craignant pour ses frontières, le Vietnam a envahi le Cambodge jusqu'à renverser Pol Pot le 7 janvier 1979 et installer un nouveau régime pro-vietnamien. Après une période de gouvernements d'anciens khmers rouges, Hun Sen, pro-vietnamien et ancien khmer rouge, a pris la tête du gouvernement cambodgien du 14 janvier 1985 au 22 août 2023 puis l'a laissée à son fils Hun Manet encore en fonction (je résume très grossièrement car entre 1993 et 1998, il y a eu deux Premiers Ministres avec le retour du royaume).

    Quant à Pol Pot, il a fui la capitale pour se réfugier dans les maquis (dans la jungle). Le mystère s'est poursuivi avec cet homme-là puisqu'il aurait gardé une grande influence sur les rebelles. Il aurait démissionné du commandement des forces armées khmères rouges en 1985, cédant la place à Son Sen. Ses amis politiques l'ont destituésen juin 1997 et son rival Ta Mok, considéré comme encore plus cruel que Pol Pot, l'a fait arrêter en 1998 par les troupes cambodgiennes. Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir commandité l'assassinat de Son Sen et de sa femme en juin 1997, Pol Pot est officiellement mort le 15 avril 1998 d'une crise cardiaque (donc à l'âge de 72 ans). Il souffrait aussi d'un cancer des ganglions et de la malaria. Incinéré très rapidement, son corps n'aura pas fait l'objet d'une autopsie. (Certains pensent que ce n'était pas Pol Pot et que ce dernier aurait passé des jours heureux en Thaïlande).

    Ce qui est terrible, c'est l'aveuglement idéologique des dictateurs communistes qui en sont venus à massacrer des millions de leurs contemporains. Pol Pot n'a jamais été jugé pour ses crimes pendant son gouvernement et la plupart de ses complices sont morts en cours de procès ou avant. Depuis une loi adoptée le 7 juin 2013 par le Parlement cambodgien, la mémoire des victimes est scrupuleusement respectée au point que tout individu qui minimise ou nie les crimes des khmers rouges est passible de deux ans de prison.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (17 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Pol Pot.
    Norodom Sihanouk.
    La loi sur les génocides.
    Le fabuleux festin de bébé.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250519-pol-pot.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/pol-pot-l-incarnation-de-la-260147

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/17/article-sr-20250519-pol-pot.html


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