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xviie législature

  • Emmanuel Macron à la télévision : Mélanie avant l'Urgence Océan

    « Question redoutable pour une mort insupportable. Les politiques sont légitimement sommés de trouver des remèdes à une situation révoltante : aucun éducateur ne devrait risquer sa vie en encadrant des adolescents. Et le service public encore une fois, n’a pas su protéger l’un de ses serviteurs. Indignation maximale, parfois surjouée, souvent récupérée, mais pour réclamer quoi ? C’est là que les solutions faciles, que les "y'a qu'à, faut qu'on" viennent soudain buter contre le réel. » (Patrick Cohen, le 11 juin 2025 sur France Inter).



     

     
     


    Le Président de la République Emmanuel Macron était l'invité d'une très longue émission de télévision sur France 2 ce mardi 10 juin 2025. L'émission, intitulée "Urgence Océan" a duré près de deux heures trente et été diffusée en direct dans la soirée depuis la ville de Nice où se tenait la Conférence des Nations Unies sur l'Océan.

    Au contraire de l'émission du 13 mai 2025 sur TF1 où Emmanuel Macron avait maladroitement tenté de revenir dans le jeu de la politique intérieure sans avoir été capable d'annoncer une seule mesure concrète, le chef de l'État n'était pas dans ce cadre, ce mardi, à contre-emploi, au contraire, en plein de son rôle de Président de la République censé prendre de la hauteur et anticiper des enjeux à long terme, dans ce qu'on pourrait appeler une diplomatie du climat.

    Certes, seulement 1,5 million de téléspectateurs étaient à l'appel ce mardi soir, mais pour une émission de cette qualité, c'était en fait déjà beaucoup. La longue durée était nécessaire pour présenter les sujets techniques et scientifiques (Thomas Pesquet, entre autres, était parmi les invités), et je recommande vivement de visionner cette émission (vidéo en fin d'article).

     

     
     


    Toutefois, l'actualité très chaude de la journée, un pays sous le coup de l'émotion du meurtre de Mélanie, assistante d'éducation à Nogent, en Haute-Marne, par un collégien de 14 ans, a provoqué un nécessaire changement dans l'émission en permettant au Président de la République de consacrer son premier quart d'heure à ce drame terrible.

    Au-delà de l'expression de son émotion, Emmanuel Macron est revenu en effet sur les mesures pouvant empêcher de nouveaux drames de ce type : un adolescent utilisant une arme blanche, un couteau, pour tuer une personne. Il a ainsi insisté sur l'importance d'interdire la vente de couteau aux adolescents de moins de 15 ans.


    Dans l'après-midi du 11 juin 2025, le Premier Ministre François Bayrou a confirmé au Sénat cette mesure : « Il n'est pas normal que la détention d'armes par des adolescents se développe ainsi. Nous allons interdire la vente de ces armes aux mineurs et multiplier les contrôles de port d'armes. (…) En particulier, on ne pourra plus livrer par internet ce type d'armes sans la signature d'un adulte. ».
     

     
     


    Mais tout le développement d'Emmanuel Macron sur la vente des couteaux m'a paru un peu vain. En effet, dans le cas du meurtre à Nogent, l'adolescent avait pris un couteau de 34 centimètres dans la cuisine de ses parents. Rien ne pourra empêcher un adolescent de dérober ou d'acquérir une arme blanche. On peut bien sûr lui mettre plus d'obstacles, mais ce n'est pas une mesure vraiment efficace.

    Du reste, je dois donner ma propre expérience. À l'Assemblée Nationale le 10 juin 2025, François Bayrou avait confié cette anecdote qui n'a pas été diffusée avec beaucoup d'écho et pourtant, très significative : « C’est une décomposition de la société dans laquelle nous vivons et c’est le surgissement de pratiques de vie communes. L’un de mes collègues disait à l’instant tout bas que son petit garçon de 10 ans lui a demandé quand il pourrait avoir un couteau à l’école. Cela concerne tous les milieux. ».

    J'ai réfléchi à cette anecdote et je me suis rappelé qu'au même âge, autour de 10 ans, et même 9 ans, lorsque j'étais en colonie de vacances, j'étais dans le même état d'esprit, nous voulions, nous, moi et mes compagnons de vacances, avoir des couteaux, des canifs, c'étaient soit des canifs multifonctions (des couteaux suisses), soit des opinels. En montagne, en randonnée, nous étions contents de disposer d'un tel couteau, pour faire des arcs ou encore pour jouer entre nous (nous nous lancions le couteau dans le sol). Précisons, pour rassurer, qu'il n'était pas question d'utiliser ces couteaux comme des armes, mais plutôt comme des accessoires de jeu que nous savions dangereux et auxquels nous faisions attention. Pendant longtemps, j'ai gardé un canif dans ma poche comme pas mal d'hommes (il me semble), jusqu'aux premières vagues d'attentats et à l'instauration des plans Vigipirate ou de ses premiers équivalents, qui interdisait le passage dans certains lieux avec de tels objets considérés comme des armes blanches.

    Dans son analyse, Emmanuel Macron a voulu donner une explication de cette supposée recrudescence des violences d'adolescents : d'une part, l'explosion des familles, la cellule familiale permettait d'instaurer un certain nombre de valeurs et aussi un dialogue au sein de la famille ; d'autre part, les réseaux sociaux, où l'enfant s'isole dans une bulle totalement irréelle l'incitant parfois de passer à l'acte.

    Il est ressorti de cette analyse que le Président de la République militait très fermement pour l'interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans et donc, pour obliger les plate-formes des réseaux sociaux à vérifier que leurs utilisateurs aient plus de 15 ans, comme cela était le cas à 18 ans pour les sites à contenu pornographique.

    Au Sénat le mercredi, François Bayrou a reparlé de cette mesure : « Le Président de la République s'est exprimé plusieurs fois sur l'interdiction des réseaux sociaux aux moins de 15 ans, qui relève de la compétence de l'Union Européenne. Il l'a dit hier : si l'Union Européenne ne nous suit pas, nous prendrons nos responsabilités en ouvrant ce chemin pour la France. ».


    Là encore, si dans le cas général, il peut y avoir un effet, dans le cas du meurtre de Mélanie, le mis en cause était peu présent dans les réseaux sociaux et ces derniers ne sont donc pas en cause dans cette contribution au passage à l'acte.

    Deux choses graves ont notamment motivé le meurtre de Mélanie : l'adolescent n'a eu aucune empathie pour sa victime ni ses proches, il se moque qu'elle soit tuée ; la présence de cinq gendarmes à l'entrée de l'établissement ne l'a pas empêché de passer à l'acte. La peur du gendarme n'a pas fonctionné ou a pesé peu face à l'extrême violence qu'il avait en lui.

    La troisième vague de mesures, confirmée par François Bayrou au Sénat, concerne la santé mentale : « Nous devons traiter la question des auteurs, la main qui tient l'arme. Un travail considérable est à mener pour protéger la santé mentale des jeunes. À l'adolescence, certains basculent en quelques jours (…) : ce garçon était référent harcèlement et n'était pas considéré comme ayant des problèmes. Tous les signes d'un risque de basculement doivent être identifiés ; nous devons former à cet égard les enseignants et les élèves eux-mêmes. ».

    Mais sans doute que le plus important reste la carence éducative des parents que nul ne peut remplacer, et surtout pas l'État. Comme l'a expliqué Emmanuel Macron, l'explosion des familles a fait perdre beaucoup de repères aux enfants, la notion de bien et de mal, aussi la notion de réalité et de virtualité. L'existence de l'autre, le respect qui est dû à l'autre, son intégrité physique.

    C'est ce que proposait aussi le journaliste Patrick Cohen dans sa chronique sur France Inter le 11 juin 2025 : « Prendre enfin à bras le corps le sujet de la santé mentale des jeunes, pour laquelle les alertes se multiplient depuis la fin de la crise du covid. Miser sur la prévention. Arrêter de faire croire qu’il est possible de tout contrôler et de tout empêcher. ».

    D'ailleurs, l'éditorialiste a voulu pondérer les impressions sur la violence des adolescents : « D’abord l’usage des couteaux n’a rien de français, le fléau est européen. Pour la seule ville de Londres, 10 adolescents sont morts poignardés l’an dernier, 18 en 2023. Ensuite, les chiffres globaux de la délinquance des mineurs en France vont à rebours de ceux qui vous parlent d’ensauvagement généralisé ou d’un pays à feu et à sang. En sept ans, cette délinquance a baissé de 25% ! 65 000 mineurs poursuivis par la justice en 2016. 48 000 en 2023. Avec un recul presque similaire des condamnés, ainsi que des mis en cause par la police et la gendarmerie. En revanche, les actes les plus violents ont bondi. Le nombre d’adolescents poursuivis pour meurtre ou tentative d’homicide, a plus que doublé : 108 en 2016. 255 en 2023. Narcotrafic et règlements de comptes. Cela reste à la fois très minoritaire et très médiatisé. ».


    Sur France 5, ce mercredi 11 juin 2025, le docteur Jean-David Zeitoun, spécialiste en épidémiologie clinique et auteur d'un essai sur les causes de la violence, expliquait que la violence n'a cessé de se réduire depuis sept cents ans ! D'un rapport cinquante. On était beaucoup plus violent dans le passé, mais cela reste encore à un niveau aujourd'hui inacceptable.

    Le Président du Sénat Gérard Larcher a ouvert la séance du 11 juin 2025 par une minute de silence, comme ses collègues députés la veille : « Aucune forme de violence n'a sa place au sein de l'école de la République. Face à la multiplication de ces événements tragiques, nous devons agir collectivement pour renforcer la sécurité des élèves et du personnel qui les encadre, afin que de tels drames ne puissent se reproduire. ». Dans ce domaine, la démagogie et la récupération politique ne sont d'aucune utilité.
     

     
     


    Je voulais évoquer la prestation télévisée d'Emmanuel Macron, mais c'est le drame de Nogent qui est revenu, pressant, imposant, dans les esprits. Oui, c'est important, essentiel même, de se préoccuper du combat pour le climat, du combat pour préserver l'océan. Mais à l'évidence, cette émission pédagogique est arrivée au plus mauvais moment. Elle a au moins le mérite d'avoir été faite et de pouvoir être regardée de nouveau pour bien comprendre les phénomènes en jeu.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron à la télévision : Mélanie avant l'Urgence Océan.
    Mélanie, la douceur incarnée.
    Sidération institutionnelle.
    Il y a un an, la dissolution !
    La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs.
    Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou.
    Interview de François Bayrou le 27 mai 2025 sur BFMTV (vidéo intégrale).

    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250610-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-a-la-television-261459

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/11/article-sr-20250610-macron.html


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  • Il y a un an, la dissolution !

    « [Le Président de la République] ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit ces élections. » (Article 12 de la Constitution).




     

     
     


    La dissolution prononcée par le Président de la République Emmanuel Macron le 9 juin 2024, une heure après la fermeture des bureaux de vote pour les élections européennes, a désormais un an. C'est encore insuffisant pour qu'il retrouve son droit de dissolution. Il faudra attendre le 7 juillet 2025. Ne tournons pas autour du pot : c'était une erreur politique, une énorme erreur politique.

    Une erreur comme il en existe peu dans l'histoire des Présidents de la Cinquième République. Une erreur comme le 21 avril 1997.

     

     
     


    Certes, recourir au peuple ne devrait jamais être une erreur, mais pas comme ça, pas à chaud, sous le coup de l'émotion, pas juste après un scrutin déjà très polarisé, pas au début des vacances estivales, pas avec cette impression de se faire "violer" l'urne (car il y a eu cette impression pour de nombreux électeurs français).

    Ce n'est pas tant l'échec du camp présidentiel qui est une erreur (c'est un échec électoral, mais ces élections pouvaient avoir leur justification) que le fait d'avoir sidéré une majorité des Français, dans une sorte d'électrochoc qui a, finalement, été salutaire à bien des égards.

    Que croyait le Président de la Président ? Gagner ces élections anticipées par l'effet de surprise ? Quelques jours seulement après un scrutin très clair sur le plan politique ? Croire au Père Noël serait à peu près de la même veine. Ou alors essayer une cohabitation douteuse avec le Rassemblement national pour faire comme en 1988 ? Mais Emmanuel Macron ne peut plus se représenter.

    Pourtant, il ne faut pas négliger que les résultats n'ont pas été ce qu'on croyait. Les sondages donnaient gagnant le RN et ce n'est pas le RN qui a gagné. En ce sens, lorsqu'il disait qu'il fallait espérer, ne pas croire à la fatalité politique, ne pas succomber aux sondages, il avait raison.

     

     
     


    La situation politique a-t-elle été pour autant retournée ? Pas du tout. Elle est politiquement pire qu'avant la dissolution.

    Avant la dissolution, le bloc présidentiel (Renaissance, MoDem, Horizons) n'avait certes pas la majorité absolue, mais avec LR, cette majorité absolue existait. En d'autres termes, aucune motion de censure ne pouvait être adoptée sans l'aval de LR. Après la dissolution, le socle commun (bloc présidentiel et LR) n'a plus de majorité absolue et ne peut plus empêcher l'adoption d'une motion de censure résultant d'une collusion entre l'extrême droite, l'extrême gauche... et le parti socialiste. Cela s'est passé avec la censure contre le gouvernement de Michel Barnier le 4 décembre 2024.
     

     
     


    Mais il n'y a pas que le camp présidentiel qui a perdu avec la dissolution. Le RN a aussi beaucoup perdu en crédibilité et il a semblé avoir perdu une occasion unique d'arriver au pouvoir. Certes, les sondages le donnent encore gagnant à de prochaines éventuelles élections législatives, mais comme en été 2024 : cela signifie qu'une nouvelle dissolution n'aurait aucune utilité car les rapports de force resteront sensiblement les mêmes.

    De même, la gauche, la dissolution n'a pas réussi à lui redonner une dynamique de pouvoir. D'une part, encore une fois, c'est faux de dire que la nouvelle farce populaire ait gagné les élections de 2024, car le socle commun a plus de voix que l'ensemble de la gauche, en sachant d'ailleurs que cette gauche-là n'est d'accord sur rien. D'autre part, elle a mis en évidence l'extrême nocivité de la gauche populiste et islamo-gauchiste et l'extrême faiblesse de la gauche de gouvernement que le congrès du PS vient même de confirmer récemment.
     

     
     


    Toutefois, une formation politique tire son épingle du jeu, Les Républicains. En revenant au pouvoir, LR a gagné en crédibilité alors qu'il devenait urgent pour ce parti de faire preuve de responsabilité après douze années d'opposition (la plus longue période d'opposition pour ce courant politique était auparavant de seulement cinq années !). De plus, le dernier congrès de LR en mai 2025 a permis de lever l'hypothèque de Laurent Wauquiez dont l'impopularité aurait fait couler LR avec lui, comme en 2019. Des ministres LR, un congrès réussi (réussissant à mobiliser de nombreux adhérents, au contraire du PS), la clef de voûte, c'est Bruno Retailleau dont l'avenir dépendra surtout de son action, et de la perception de son action, au Ministère de l'Intérieur.

    Pour autant, est-ce un échec politique complet pour Emmanuel Macron ? Eh non ! Sur le plan politique, la configuration extrêmement serrée de l'Assemblée lui a permis d'obtenir ce qu'il n'avait pas obtenu entre juin 2022 et juillet 2024, à savoir, d'une part, la participation de LR au gouvernement, et d'autre part, la bienveillante neutralité du PS. Il ne doit cette dernière, du reste, que par la grande habileté du Premier Ministre François Bayrou (qui a encore échappé à une motion de censure) et nul autre ne saurait s'en prévaloir.

     

     
     


    Bien sûr, l'enjeu des prochains mois sera le budget de 2026 et surtout, la réduction du déficit abyssal. Pour François Bayrou, cela paraît mission impossible, mais il faut noter que le mode de gouvernance est assez nouveau : il n'a déposé aucun projet de loi en dehors des lois de finances. Ainsi, il laisse les parlementaires légiférer, soutenant à l'occasion une proposition ou une autre. François Bayrou essaie de prouver que son amour du régime parlementaire n'est pas vain et nul doute que les socialistes sont très sensibles à ce sujet.

    Cette guerre de position peut-elle durer à l'Assemblée ? Peut-être. Dans un mois, Emmanuel Macron retrouve son pouvoir de dissolution. C'est plus facile d'éviter une censure avec un tel pouvoir, car la censure impliquerait pour les députés leur propre censure.

     

     
     


    Le RN serait prêt à une nouvelle dissolution, enfin, c'est ce qu'il prétend, car en 2024, au contraire, il n'était pas prêt du tout, et si dissolution signifie anticipation de l'élection présidentielle, alors il n'est pas du tout prêt à cause de l'inéligibilité actuelle de Marine Le Pen qui a tout intérêt à préserver le calendrier originel de l'élection présidentielle.

    La gauche n'a pas non plus intérêt à une nouvelle dissolution car elle ne sait pas du tout si elle retrouverait ses sièges actuels. Les outrances de Jean-Luc Mélenchon et la mollesse d'Olivier Faure pourraient sérieusement encourager dans leur électorat l'abstention voire la reconnaissance des réussites d'Emmanuel Macron sur de nombreux sujets (en particulier, économiques ; je répète, la France toujours première puissance européenne pour l'attractivité des investisseurs).

    Paradoxalement, si la situation est beaucoup plus fragile qu'avant la dissolution, elle peut aussi être plus performante en ce sens que le gouvernement aurait plus les moyens de réformer le pays par cet équilibre précaire. Ce sera alors le grand exploit de François Bayrou.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Sidération institutionnelle.
    Il y a un an, la dissolution !
    La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs.
    Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou.
    Interview de François Bayrou le 27 mai 2025 sur BFMTV (vidéo intégrale).

    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
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    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
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    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
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    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
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    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250609-dissolution.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/il-y-a-un-an-la-dissolution-261386

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/09/article-sr-20250609-dissolution.html




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  • Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou

    « La motion de censure que nous examinons cet après-midi est unique en son genre : c’est la première fois que l’Assemblée Nationale est invitée à voter contre l’Assemblée Nationale. » (François Bayrou, le 4 juin 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Placée au milieu de l'examen de la proposition de loi relative au droit de vote par correspondance des personnes détenues, l'examen de la septième motion de censure contre le gouvernent Bayrou a eu lieu ce mercredi 4 juin 2025 après-midi à l'Assemblée Nationale.

    Déposée par 58 députés insoumis, cette motion de censure, la 154e de la Cinquième République, comme l'a rappelé le Premier Ministre François Bayrou, faisait suite à l'adoption de la motion de rejet préalable de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur le lundi 26 mai 2025.

    Revenons rapidement sur cet épisode : cette proposition de loi, dite proposition de loi Duplomb du nom du sénateur Laurent Duplomb qui l'a initiée et déposée le 1er novembre 2024 (avec un autre collègue sénateur), a été adoptée par le Sénat le 27 janvier 2025 en première lecture. Elle vise à faciliter l'activité des agriculteurs et contient quelques mesures fortement contestées par les écologistes notamment sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Ce texte a été adopté (après des modifications) par la commission des affaires économiques le 16 mai 2025 et, porté par son rapporteur Julien Dive (LR), devait être débattu en séance publique le 26 mai 2025.

    Mais le trop grand nombre d'amendements déposés par la gauche, en particulier par les insoumis et les écologistes, à savoir 3 455, faisait craindre un enlisement des débats et même une obstruction du texte. Trois semaines auraient été nécessaires pour en venir à bout. C'est pourquoi le rapporteur ainsi que les présidents des groupes du socle commun, à savoir Julien Dive, Laurent Wauquiez (LR), Gabriel Attal (Renaissance), Marc Fesneau (MoDem) et Paul Christophe (Horizons) ont déposé une motion de rejet préalable qui a été adoptée par 274 voix pour (sur 402 votants), 121 voix contre, 7 abstentions (scrutin n°2105).

     

     
     


    Parmi les 274 pour, se trouvaient 105 députés RN, 56 députés Renaissance, 41 députés LR, 21 députés MoDem, 24 députés Horizons, 13 députés LIOT et 11 députés ciottistes. Parmi les 121 contre, se trouvaient 47 députés insoumis, 25 députés socialistes, 36 députés écologistes et 6 députés communistes. En outre, 5 députés de Renaissance et du MoDem (dont Éric Bothorel et Richard Ramos) ont voté contre cette motion de rejet. Comme on le voit, le RN a voté en masse pour cette motion avec la plupart des députés de la majorité du socle commun.
     

     
     


    La conséquence de ce rejet, c'est la formation le 28 mai 2025 d'une commission mixte paritaire(CMP) composée de 7 députés et 7 sénateurs chargés de proposer un texte identique aux deux assemblées... sur la base du texte adopté le 27 janvier 2025 par le Sénat.

    Pour les insoumis, le vote de la motion de rejet préalable par les promoteurs même du texte est la preuve d'une manœuvre de procédure pour éviter le débat et court-circuiter l'Assemblée Nationale, ce qui permet de revenir avec le texte adopté par le sénateur qui sera le document de travail de la commission mixte paritaire.

    C'est ce qu'a expliqué la députée insoumise Mathilde Hignet ce 4 juin 2025 pour défendre la motion de censure déposée par son groupe : « Pour se passer du vote de l’Assemblée, toutes les manœuvres sont bonnes. Après les 49.3 à répétition, l’examen de la proposition de loi dite Duplomb, future loi "pesticides", future loi "agrobusiness", vous conduit à aller encore plus loin en recourant à un 49.3 déguisé : pour la première fois depuis quarante ans, le rapporteur dépose une motion de rejet préalable de son propre texte, ou plutôt du texte dicté par les lobbys de l’agrobusiness et par M. Rousseau, le patron de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Nos concitoyens et concitoyennes doivent comprendre que cette manœuvre ne vise qu’à contourner le débat, le vote des députés : c’est ainsi uniquement la version du texte issue de son examen par le Sénat, et dérangeant même dans vos rangs, chers collègues macronistes, qui sera soumise à la commission mixte paritaire, sept députés, sept sénateurs, loin d’être choisis au hasard, chargés de déterminer à huis clos la mouture finale d’un texte dangereux pour la santé, pour la biodiversité. Privés de notre droit, en tant que parlementaires, de débattre de ce texte, de son impact sur la santé et la planète, face à un gouvernement qui nous mène à la catastrophe, nous déposons cette motion de censure. ».
     

     
     


    Cette députée dit un peu n'importe quoi sur le plan institutionnel car l'article 49 alinéa 3, qui fait partie de notre Constitution approuvée très largement par le peuple français, vise à approuver un texte dans sa globalité alors que la motion de rejet préalable, c'est exactement l'inverse.

    Mathilde Hignet a néanmoins évoqué le fond du débat : « En vérité, vous aviez peur que l’Assemblée, sous pression populaire, ne vote pas comme le souhaite ce gouvernement au service des puissants ; peur qu’un débat public n’expose à tous les yeux l’arnaque que constitue ce texte ; peur que le contenu des amendements retenus en commission, votés par certains dans vos rangs, se retrouve dans la loi. (…) Souvenez-vous ! Souvenez-vous de Christian Jouault, agriculteur, décédé en avril dernier après s’être battu contre une leucémie, un lymphome, un cancer de la prostate, maladies toutes reconnues comme liées aux pesticides. Sous couvert de sauver des filières, vous souhaitez réintroduire un néonicotinoïde, l’acétamipride, dangereux pour l’environnement et la santé. Quelles seront les conséquences d’une telle décision ? Souvenez-vous, collègues, d’Alain Chotard, agriculteur, décédé ce 31 mai après avoir lutté pendant trente ans contre la maladie de Parkinson, elle aussi causée par les pesticides ! Les ravages de ces derniers ne s’arrêtent pas à la lisière des champs : ouvriers de l’agro-industrie, fleuristes, paysagistes, voisins, nous sommes tous concernés. Souvenez-vous de Pascal, décédé d’un cancer lymphatique après avoir été exposé aux pesticides durant vingt-trois ans dans le cadre de son travail de jardinier municipal ! Sacrifier la santé des agriculteurs, des citoyens, aux profits de quelques-uns, voilà ce que vous vous apprêtez à faire. Même la santé des enfants est menacée ! Souvenez-vous d’Emmy, décédée à 11 ans après sept ans de souffrances : la cour d’appel de Rennes a confirmé que sa leucémie avait été causée par l’intoxication aux pesticides, pendant la grossesse, de sa maman, fleuriste. Lorsque vous visiterez, dans votre circonscription, un service d’oncologie pédiatrique, souvenez-vous du texte que vous aurez laissé passer, alors que les médecins alertent désormais au sujet de l’exposition des enfants au cadmium, notamment présent dans les céréales, les pommes de terre, et des risques de cancer du rein ou du foie qui en découlent ! Cette proposition de loi ne règle rien, elle acte les impasses économiques dans lesquelles s’est embourbé notre modèle agricole. Ainsi la prolifération des ravageurs des vergers de noisetiers a-t-elle été facilitée par le doublement, en France, de la surface de ces derniers depuis 2010, une monoculture et une concentration de la production encouragées par Ferrero, qui souhaite gonfler ses 751 millions de bénéfices. Non content de détruire les écosystèmes de l’Indonésie afin de produire de l’huile de palme, Ferrero contribue à la pollution de l’eau et des sols. (…) S’aligner sur le moins-disant ne nous rendra pas plus compétitifs : cela ne fera qu’appauvrir les travailleurs des industries agroalimentaires. Après les normes environnementales, alignerez-vous sur les autres pays la rémunération des agriculteurs ? Leur avenir, est-ce le salaire des pays de l’Est ? Pensez-vous vraiment que relever pour les élevages les seuils à partir desquels s’applique la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) permettra aux éleveurs porcins de contrer la Chine et ses 650 000 cochons élevés dans un immeuble en béton de vingt-six étages ? Lorsque vous évoquez la concurrence mondiale, faites donc preuve d’honnêteté : nos concurrents produisent davantage et moins cher, mais dans quelles conditions ? Enviez-vous à ce point les fermes géantes américaines, avec leurs champs d’OGM à perte de vue, leurs salariés bien souvent immigrés et sous-payés ? Assez de cette course au profit qui sert seulement les intérêts de quelques-uns, assez de cette concurrence déloyale, assez de laisser ceux d’en haut dicter la loi ! ».

     

     
     


    La réponse du Premier Ministre s'est d'abord faite sur sa surprise sur le plan institutionnel : « Nous vivons un moment intéressant (…). Les motions de censure étaient alors généralement déposées par les oppositions contre le gouvernement, par la droite contre la gauche, par la gauche contre la droite, par la gauche et la droite associées contre le centre, et avaient toutes un point commun : elles invitaient l’Assemblée Nationale à voter contre le gouvernement. La motion de censure que nous examinons cet après-midi est unique en son genre : c’est la première fois que l’Assemblée Nationale est invitée à voter contre l’Assemblée Nationale. En effet, la raison, ou plutôt le prétexte, de cette motion de censure est le vote d’une motion de rejet préalable sur un texte d’origine parlementaire, adopté en première lecture par le Sénat. Cette motion de rejet, demandée par quatre des groupes parlementaires de cette assemblée, a recueilli 274 voix contre 121, soit la majorité absolue des votants. Ainsi, l’Assemblée n’est pas contente de l’Assemblée et elle se propose, à la demande de cinquante-huit de ses membres, de manifester le mécontentement qu’elle éprouve à son propre égard en renversant le gouvernement ! Résumons : le gouvernement n’est pas à l’origine de ce texte, il n’est pas à l’origine de son adoption, il n’est pas à l’origine de la motion de rejet préalable, mais il est coupable, forcément coupable, comme le disait Marguerite Duras. ».

    Prônant la démocratie parlementaire, François Bayrou a voulu laisser une plus grande marge de manœuvre au Parlement : « Depuis que ce gouvernement est entré en fonction, il a veillé sans cesse à ce que les prérogatives du Parlement soient respectées, qu’elles s’expriment librement et qu’elles contribuent à résoudre les problèmes qui se posent à nous. Je l’ai affirmé dès notre déclaration de politique générale et je le réaffirme aujourd’hui : la capacité d’action de l’État dépend de la bonne coopération entre le Parlement et l’exécutif. Face aux défis sans précédent qui nous attendent, je crois plus que jamais à la coresponsabilité. Nos institutions invitent à avoir un Parlement fort, un gouvernement fort et un Président fort. Néanmoins, nous devons admettre que nous faisons face, collectivement, à une difficulté que nous ne parvenons pas à surmonter. Les parlementaires, les citoyens et, bien sûr, le gouvernement souhaitent ardemment des réformes. En France, ces réformes passent souvent par des lois. Pourtant, depuis presque six mois, le Parlement ne parvient pas à examiner les textes nécessaires. L’ordre du jour est devenu un casse-tête, les amendements se multiplient, leur nombre double de législature en législature, les débats s’éternisent. Chaque jour, les parlementaires, les commissions, les groupes, les ministres et les observateurs réclament l’inscription de textes nécessaires à l’ordre du jour de l’Assemblée. Pourtant, l’examen de ces textes est rendu impossible à cause de l’engorgement parlementaire délibérément créé au sein de cet hémicycle. (…) Cette situation crée une grande frustration pour les parlementaires sur tous les bancs de l’hémicycle, pour le gouvernement et surtout pour nos concitoyens. Cela n’est bon pour personne. Ce blocage se retourne contre le Parlement lui-même. Les seuls véritables adversaires au bon fonctionnement du Parlement sont ceux qui recourent constamment à l’obstruction et au blocage. Ils cherchent par tous les moyens à miner son travail, à remettre en question sa légitimité et, in fine, à le discréditer aux yeux de nos concitoyens. Nous le constatons chaque jour davantage. Par conséquent, ces adversaires ne sont pas le gouvernement ; ils siègent sur les bancs de cet hémicycle, et empêchent le Parlement de faire son travail. ».

     

     
     


    Justifiant le choix par l'Assemblée du vote de la motion de rejet, François Bayrou a rappelé que cette procédure est parfaitement démocratique : « Le choix qu’ont fait les députés en votant la motion de rejet que vous mettez en cause ne dissimule aucune volonté d’empêcher le débat. Il ne clôt en rien le travail parlementaire : la prochaine étape du texte, la commission mixte paritaire, est le lieu où se construit l’équilibre, le consensus ou le compromis entre les deux chambres du Parlement. C’est une procédure parfaitement régulière, prévue par la Constitution de 1958 et par les règlements des assemblées parlementaires. Elle est fréquemment utilisée sur une très large majorité de textes. La possibilité de voter une motion de rejet est tout aussi régulière, puisqu’elle est également instituée par les textes encadrant le travail parlementaire. Dois-je rappeler à votre groupe qu’il a déposé pas moins de quatorze motions de rejet depuis le début de cette législature, c’est-à-dire depuis septembre 2024 ? Dans cet hémicycle, votre groupe est le recordman de la motion de rejet. Parmi les dix-huit motions déposées par l’opposition, vous en avez déposé quatorze, et vous en avez même fait adopter deux. Vous avez employé la motion de rejet contre des textes portant sur des sujets importants, que nos concitoyens attendaient : la lutte contre le narcotrafic, la sécurité dans les transports, la simplification administrative… Vous utilisez la motion de rejet comme un instrument dans votre stratégie délibérée et continue d’obstruction, qui mène à l’immobilisme. C’est uniquement parce que la proposition de loi des sénateurs Duplomb et Menonville était victime de vos manœuvres d’obstruction qu’une motion de rejet a été déposée puis votée. ».

    En revanche, le Premier Ministre a dénoncé la volonté d'obstruction des promoteurs de cette motion de censure : « Sur ce texte, dont plusieurs mesures sont vitales pour notre agriculture, 3 500 amendements ont été déposés, dont plus de 1 500 par le groupe Écologiste et social et 850 par le groupe La France insoumise. Ces amendements ne contribuent pas à la qualité du débat, ils cherchent plutôt à l’enliser. Je donnerai deux exemples pour que les Français sachent dans quel degré d’enlisement vous essayez d’entraîner le débat. Un amendement propose de remplacer les mots "un mois" par les mots "trente jours". Un autre amendement propose de remplacer le mot "finalité" par le mot "but". Je doute que ces deux modifications répondent aux besoins les plus pressants de l’agriculture française. Avec un rythme d’examen correspondant à allouer trois minutes de débat à chaque amendement, ces 3 500 amendements auraient représenté trois semaines d’examen en séance. Ces trois semaines d’examen auraient empêché la discussion d’autres textes que nos concitoyens attendent pourtant, comme le projet de loi sur Mayotte ou le texte sur l’énergie. Le gouvernement a proposé de mettre en place la procédure du temps législatif programmé ; votre groupe s’y est opposé. Devant l’ampleur des difficultés que nous avons à surmonter, cette stratégie d’obstruction ne constitue pas une attitude responsable. Depuis son entrée en fonction, le gouvernement s’est employé à faire avancer vingt-huit textes adoptés par le Parlement, comme la loi d’urgence pour Mayotte en février, la loi d’orientation agricole en mars, les lois sur le narcotrafic et sur la sécurité dans les transports au mois d’avril. Sur ces bancs, nombreux sont ceux qui considèrent ces jeux d’obstruction comme particulièrement déplacés compte tenu de l’importance des sujets examinés. ».

    Sur le fond, François Bayrou a énoncé la conviction du gouvernement : « Il s’agit là de notre agriculture, de nos agriculteurs, et de la conciliation entre la reconquête de la production agricole et le respect de l’environnement et de la santé publique. Ces sujets sont d’une importance vitale pour notre pays et méritent un débat sur le fond. La conviction du gouvernement est que l’agriculture et le respect de l’environnement sont deux aspects du même combat. Notre ambition pour l’agriculture française est qu’elle garde et renforce son haut niveau d’exigence en matière environnementale, sanitaire et sociale. Nous savons qu’il n’y aura ni souveraineté agricole française ni sécurité alimentaire si notre agriculture n’atteint pas la triple performance économique, qualitative et environnementale. Cet objectif est très largement partagé sur ces bancs, comme cela a été montré par le vote à une large majorité de la motion de rejet pour que le texte puisse enfin être adopté. Il suffit de regarder la situation et les chiffres. ».

    Et de faire un constat alarmant sur la situation de l'agriculture française : « La France était habituée aux excédents agricoles. Pourtant, en 2025, le solde agroalimentaire est déficitaire pour le troisième trimestre consécutif. Il se situe à un niveau très dégradé. Derrière les atouts historiques de la France dans le domaine agroalimentaire, une myriade de déficits commerciaux se détache pour plusieurs catégories de produits : la catégorie des fruits et légumes enregistre 7 milliards d’euros de déficit en 2024 ; les produits d’épicerie, plus de 6 milliards ; les produits d’origine aquatique, 5 milliards ; les viandes et les produits carnés, plus de 3 milliards. Je prends quelques exemples plus spécifiques : pour les tomates, on note un déficit de 393 millions d’euros ; pour les poivrons, 232 millions ; pour les fraises, 143 millions ; pour les poires, 94 millions. Sans une action rapide et sans des moyens adaptés pour soutenir la capacité productive de l’agriculture française, tous nos discours en faveur de la souveraineté agricole et de la sécurité alimentaire se révéleront des vœux pieux. Le texte qui a provoqué cette nouvelle motion de censure a été travaillé avec soin par le Sénat et par les commissions. Il entend permettre à nos agriculteurs de vivre de leur travail tout en continuant à nourrir notre pays dans la durée. Nous ne fragiliserons pas nos producteurs en laissant perdurer des complexités et des distorsions déloyales de concurrence. L’immense majorité des néonicotinoïdes a été interdite ces dernières années. Une seule substance, l’acétamipride, interdite en France, reste autorisée dans les vingt-six autres pays de l’Union Européenne. Interdire à nos agriculteurs de recourir à un produit principalement utilisé pour la culture des noisettes revient à leur imposer une distorsion de concurrence. Les producteurs de noisettes sont un peu plus de 300 en France. Ces nuciculteurs sont à la tête d’exploitations qui ne mesurent pas plus d’une dizaine d’hectares, ce qui représente une part infime de l’espace agricole français, l’équivalent d’un timbre-poste sur un terrain de football. Toutes les noisettes que vous consommez viennent de Turquie ou d’autres pays européens et ont été traitées avec des substances de cet ordre. Vous faites en sorte... Cette vérité semble vous déranger. Vous voulez interdire aux producteurs français d’utiliser un produit considéré comme acceptable dans tous les autres pays européens. Cela revient à rayer de la carte les producteurs français ! Nos agriculteurs vivent un drame que vos actions nourrissent. ».

    Pas étonnant, donc, que l'ancien agriculteur soit resté l'un des plus grands défenseurs des agriculteurs : « Pendant très longtemps, des décennies, voire des siècles, ils ont été considérés comme les meilleurs connaisseurs et les meilleurs protecteurs de la nature. Les campagnes menées contre eux depuis plusieurs années leur ont donné le sentiment d’être pris pour cible et d’être abandonnés. On attaque le cœur de leur vocation, de leur métier, l’amour qu’ils portent à la nature et à leurs terres. Ce n’est pas la faute des lobbyistes, mais de ceux qui intentent un procès infondé à l’agriculture française. C’est vous qui êtes responsables ! La majorité de l’Assemblée s’est exprimée sur ce sujet. Nos agriculteurs savent qu’agriculture et écologie ne pourront être séparées. C’est ce qu’illustre la question de l’eau : sans eau, pas d’agriculture. L’accès à l’eau doit être facilité, mais il convient de réfléchir dans le même temps à un usage responsable de cette ressource, territoire par territoire. Pour trouver ces nouveaux équilibres, nous lançons dès ce mois-ci les conférences territoriales sur l’eau, qui auront lieu d’ici au mois d’octobre. La feuille de route est claire : définir un meilleur partage de la ressource tout en anticipant les risques. Les défenseurs du texte affirment simplement qu’un équilibre de long terme est à trouver entre l’allégement des contraintes qui pèsent sur le travail des agriculteurs et le respect des impératifs environnementaux et de santé publique. Au nom du gouvernement, j’assure de notre confiance les deux chambres du Parlement, qui, représentées au sein de la commission mixte paritaire, parviendront à trouver cet équilibre vital pour nos agriculteurs et notre société. ».

    Après l'intervention d'un orateur par groupe politique, les députés sont passés au vote. À 16 heures 30, la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a annoncé les résultats du vote. Sans surprise, la motion de censure a été rejetée. Seuls 116 députés ont voté en sa faveur alors qu'il en fallait 289. L'analyse du scrutin (n°2222) montre qu'ont voté la motion de censure 71 députés insoumis sur 71, 36 députés écologistes sur 38, 8 députés communistes sur 17 et 1 député socialiste sur 66.

     
     


    Encore une fois, cette motion de censure des insoumis est tombée dans l'eau. Incontestablement, à la veille de leur congrès crucial, les socialistes ont refusé la stratégie du chaos voulue par Jean-Luc Mélenchon. François Bayrou bénéficie ainsi d'une relative stabilité, celle d'empêcher une collusion entre les députés RN et les députés socialistes qui pourrait les conduire à voter ensemble une même motion de censure. Pour les insoumis, ce n'est que partie remise et ils restent convaincus que ...la huitième motion de censure sera la bonne. Quant au gouvernement, il va bosser sur le budget 2026 qui est la principale difficulté du semestre qui va venir.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs.
    Le rejet de la 7e motion de censure contre le gouvernement Bayrou.
    Interview de François Bayrou le 27 mai 2025 sur BFMTV (vidéo intégrale).

    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250604-motion-de-censure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-rejet-de-la-7e-motion-de-261367

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/04/article-sr-20250604-motion-de-censure.html



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  • La proposition de loi Duplomb pour les agriculteurs

  • La longévité du Professeur Bayrou

    « Le gouvernement dispose d’un (…) atout décisif. C’est le besoin, l’exigence, l’injonction que le pays nous assigne : retrouver la stabilité. Tous les Français en ont besoin. Ils comprennent bien que nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais ils nous enjoignent de joindre nos forces pour forcer les issues. Un grand pays, un pays digne de ce nom, est un pays capable de regarder en face ses chances, nous croyons qu’elles sont grandes, et ses difficultés qui ne le sont pas moins. Les sujets d’inquiétude sont innombrables, mais il en est un, criant, qui émerge avec force : le surendettement du pays. » (François Bayrou, le 14 janvier 2025 dans l'hémicycle, lors de sa déclaration de politique générale).




     

     
     


    Le jeudi 22 mai 2025 est passé inaperçu un petit événement politique, voire un petit exploit politique : le Premier Ministre François Bayrou a dépassé la longévité de son déjà lointain prédécesseur socialiste Bernard Cazeneuve, à savoir 5 mois et 9 jours. Ce dernier a succédé à Manuel Valls à Matignon du 6 décembre 2016 au 15 mai 2017, car le futur Ministre des Outre-mer était candidat à la primaire socialiste de janvier 2017 pour être le candidat du PS à l'élection présidentielle de 2017. Comme il fallait bien un chef du gouvernement, François Hollande a choisi Bernard Cazeneuve, un proche, qui a eu depuis le début de son quinquennat une forte destinée ministérielle : Affaires européennes, Budget, Intérieur et enfin Matignon. Il l'a préféré en particulier à Ségolène Royal.

    On a d'ailleurs parlé de Bernard Cazeneuve comme Premier Ministre depuis cet été 2024, dans une configuration parlementaire impossible, un hémicycle divisé en trois pôles quasi-identiques rendant l'action de gouverner très compliquée.


    Pour François Bayrou, nommé à Matignon le 13 décembre 2024, c'est donc un petit exploit, et il entend le renouveler tout au long de la fin de ce second quinquennat du Président Emmanuel Macron.
     

     
     


    L'histoire de la Cinquième République est inédite depuis 2024. On pensait que toutes les situations politiques pouvaient avoir déjà été connues, et en fait, non. La principale inconnue était les périodes de cohabitation, c'est-à-dire lorsque des élections législatives amènent une majorité parlementaire opposée au camp du Président de la République. Elles furent inaugurées le16 mars 1986 et, finalement, a été produite trois fois, deux de deux ans et une de cinq ans (Jacques Chirac de mars 1986 à mai 1988, Édouard Balladur de mars 1993 à mai 1995 et Lionel Jospin de juin 1997 à juin 2002). Ces périodes ont montré la souplesse et la polyvalence de la Constitution, mais toujours à l'avantage de l'exécutif.

    D'autres innovations institutionnelles ont eu lieu par la suite. Ainsi, Jacques Chirac en 2002 a réussi à exclure la gauche du second tour de l'élection présidentielle. En fait, cela avait déjà été le cas en 1969, et l'innovation était que c'est l'extrême droite qui était présente au second tour. Cela s'est déjà renouvelé deux fois par la suite, en 2017 et 2022, et tout semble mener à un quatrième cas d'espèce en 2027.


    En 2017, nouvelle innovation. Je précise, je reprends mon texte, ce n'était pas Jacques Chirac qui a exclu Lionel Jospin en 2022, mais le peuple, bien sûr. La nouvelle innovation en 2017, c'est que le peuple a exclu du second tour à la fois le PS et LR, les deux partis de gouvernement et d'alternance gauche/droite. Le clivage s'est donc modifié en centrisme/extrémisme, avec des nuances qu'il faudrait préciser.
     

     
     


    Jusqu'en 2024, la nomination procédait de la prérogative exclusive du Président de la République, soit dans une totale indépendance, lorsque le Président jouit d'une majorité à l'Assemblée, soit dans une totale contrainte, lorsqu'il est confronté à une opposition devenue majoritaire à l'Assemblée, auquel cas la nouvelle majorité impose au Président le nom du Premier Ministre, ce qui confirme bien la nature à la fois démocratique (mais c'est une évidence, puisqu'il y a des élections présidentielles et législatives libres, sincères et à bulletins secrets) et aussi parlementaire pour ceux qui en auraient douté.

    Du reste, si, avant 2024, seule une motion de censure a été adoptée par l'Assemblée, elle l'a été de manière quasi-originelle, contre le deuxième Premier Ministre de la Cinquième Georges Pompidou le 4 octobre 1962 (c'était une situation exceptionnelle car la classe politique refusait absolument le principe de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct et de sa ratification par référendum, sans débat parlementaire dans une procédure ordinaire de révision de la Constitution).

    Depuis la législature actuelle, la dix-septième, issue du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024, la situation est complètement inédite : non seulement il n'existe pas de majorité absolue mais il n'existe quasiment pas de majorité relative. Cela signifie que la stabilité du gouvernement est très aléatoire (confirmant le nature parlementaire de nos institutions). Le premier Premier Ministre Michel Barnier dans cette configuration en a fait les frais, puisqu'il a été censuré au bout de seulement trois mois (il a quitté Matignon au bout de 3 mois et 8 jours), prenant la place du record de brièveté à Matignon sous la Cinquième République (dans les républiques précédentes, il y a eu nettement plus forts que lui). Un record historique sans doute injuste mais sans doute aurait-il dû adapter sa gouvernance à la complexité de la situation parlementaire.

     

     
     


    Sur les vingt-huit Premiers Ministres de la Cinquième République, les deux seuls Premiers Ministres (à ce jour) à avoir été censurés se retrouvent à l'extrémité : l'un détient le record de brièveté, Michel Barnier, donc, et l'autre... le record de longévité, Georges Pompidou, 6 ans, 2 mois et 26 jours. Georges Pompidou aurait pu, voire aurait dû quitter Matignon au bout de 5 mois et 20 jours (François Bayrou n'en est plus très loin)... mais De Gaulle a choisi de riposter à la censure par la dissolution. La grande nouveauté du 5 décembre 2024, c'est que Michel Barnier a été censuré alors que le Président de la République, qui avait déjà dissous dans l'année courante, avait perdu son droit de dissolution (il le retrouvera le 9 juin 2025).

    Or, le problème de Michel Barnier, c'est qu'il se comportait comme un Premier Ministre normal de la Cinquième République, c'est-à-dire avec autorité, dirigisme et vision, alors qu'il n'en avait pas les moyens parlementaires. La nomination de François Bayrou était ce que la France pouvait le mieux espérer dans une telle situation.

     

     
     


    Pourquoi ? Parce que François Bayrou a réfléchi depuis plus de vingt ans, plutôt même trente ans, à ce jour où il serait nommé Premier Ministre sans qu'aucune majorité ne soit possible à l'Assemblée. Être un tel chef de gouvernement est totalement novateur. Michel Barnier ne l'avait pas compris. Cela donne de nombreuses contraintes qu'on pourrait résumer à se réduire à l'immobilisme, mais aussi à gagner de merveilleuses libertés, notamment limiter les initiatives politiques du Président de la République.

    Depuis sa nomination qu'il a obtenue à l'arraché, François Bayrou a toujours paru serein et surtout, n'a jamais été étonné d'être là, comme si c'était prévu depuis longtemps. Évidemment, on reproche à François Bayrou de ne rien faire. C'est même le principal sujet des caricaturistes à son égard et ma foi, il vaut mieux en rire qu'en pleurer. Soyons réaliste : que peut-il faire face à une Assemblée avec un tiers qui le soutient comme une corde à un pendu, un tiers d'extrême droite et un tiers d'une gauche dont la moitié est éructante, populiste, vociférante ? Pas grand-chose.

    Et au départ, il a réussi déjà un véritable exploit : faire adopter le budget de la nation (et celui de la sécurité sociale), chose que, malgré ses ambitieuses visions, Michel Barnier n'avait pas réussi à obtenir de l'Assemblée.

    Réussir à éviter la conjonction des oppositions est un art de la politique, un grand art, et François Bayrou l'a manifestement. Je peux même dire qu'il est le seul à l'avoir ! Alors, bien sûr, il y a le risque de l'immobilisme, mais franchement, ce reproche n'a-t-il jamais été fait auparavant dans des circonstances politiques pourtant bien plus faciles ?


    On peut mettre au crédit de François Bayrou sa bonne foi et sa sincérité : il souhaite l'intérêt général et peu peuvent penser qu'il agit avec l'arrière-pensée d'être candidat à l'élection présidentielle. Ce n'est pas à 73 ans qu'on devient... candidat ? Ah, si, c'est possible, ce sera au moins le cas de Jean-Luc Mélenchon, si "La Meute" (excellente enquête) ne l'a pas achevé d'ici là.
     

     
     


    Pour ne pas liguer les oppositions contre lui, il doit montrer de la bonne volonté. C'était le cas pour le RN avec sa volonté de lutter efficacement contre l'insécurité et son choix de maintenir Bruno Retailleau à l'Intérieur. C'était aussi le cas pour le PS avec la nomination d'un Ministre de l'Économie et des Finances dit de gauche, Éric Lombard, et le fameux conclave sur les retraites.

    C'est surtout le cas de sa manière de gouverner, qui peut déconcerter lorsqu'on a le pouvoir. Car la première singularité, c'est de penser que tous ses ministres sont des forces de rayonnement et d'intérêt, ce qui va à l'encontre de la consigne "je ne veux voire qu'une seule tête". Ainsi, les ministres sont très autonomes et peuvent même bénéficier d'un retour médiatique personnel. À charge pour eux de ne pas trop se contredire entre eux publiquement, sinon, il y aura quand même recadrage.


    Mais cette gouvernance s'applique aussi avec les parlementaires. Lorsqu'on regarde l'agenda parlementaire, la plupart des textes en discussion sont des propositions de loi qui émanent de parlementaires, et pas des projets de loi qui émanent du gouvernement. Seules les lois de finances émanent du gouvernement.
     

     
     


    François Bayrou se focalise en fait sur la préparation du budget 2026. Et surtout, sur la réduction du déficit de 40 milliards d'euros. Il l'avait présenté dès sa déclaration de politique générale le 14 janvier 2025 : « J’affirme qu’aucune politique de ressaisissement et de refondation ne pourra être conduite sans tenir compte de ce surendettement et sans se fixer pour objectif de le contenir et de le réduire. ».
     

     
     


    Or, aujourd'hui, cela n'avance pas. Il a assuré qu'il voulait reprendre le budget sur une feuille blanche, redéfinir les missions de l'État, etc., mais cela s'apparente à une mission impossible. En plus, la préparation de l'élection présidentielle de 2027 mais aussi des élections municipales de 2026 risque d'impacter sur les prises de positions politiques. Les congrès de LR et du PS vont aussi avoir une influence.
     

     
     


    Mine de rien, François Bayrou est un véritable miraculé. Il a déjà réussi à passer l'épreuve du budget 2025, ce qui n'était pas une mince affaire. Il a ensuite passé l'épreuve de la grave condamnation en première instance de Marine Le Pen qui sera sans doute empêchée de se présenter à l'élection présidentielle prochaine (on verra ce que dira le procès en appel prévu avant l'été 2026), qui aurait pu conduire le RN à adopter une politique de terre brûlée. Enfin, il a franchi l'épreuve peu envieuse de Bétharram, un scandale de pédocriminalité qui affecte des centaines de victimes mais qui a été l'objet d'une basse récupération politicienne de la part de députés insoumis en accusant scandaleusement le Premier Ministre de n'importe quoi.
     

     
     


    Son audition de cinq heures trente du 14 mai 2025 devant la commission d'enquête s'est transformée en une sorte de procès à charge qui n'avait pas lieu d'être dans une enceinte de la République telle que l'Assemblée Nationale. François Bayrou a su répondre avec sincérité et même avec émotion (au-delà des accusations portées contre lui, sa propre fille a été l'une des victimes et il l'a appris très récemment ; au contraire des menteurs, il n'était pas impassible ni froid, et était très ému), mais aussi avec fermeté et pugnacité, aux questions inquisitoriales du député FI Paul Vannier, en apportant des preuves factuelles.
     

     
     


    Bien sûr, François Bayrou a de nombreuses autres épreuves à passer, en particulier le budget 2026 (mais il est encore loin, l'automne 2025), aussi des textes très sensibles comme la loi de simplification pour les agriculteurs qui va être discutée dans les prochains jours, et aussi la possible remise en cause des ZFE, etc., et bien sûr la conclusion prochaine du conclave sur les retraites.

    Parmi les vingt-huit Premiers Ministres que comptent à ce jour la Cinquième République, seulement quatre ou cinq ont dépassé les quatre ans de longévité : Georges Pompidou, François Fillon, Lionel Jospin, Raymond Barre et Jacques Chirac (mais en deux périodes non consécutives). Alors que sept n'ont pas franchi le seuil de la première année à Matignon : Michel Barnier, Gabriel Attal, Bernard Cazeneuve, Édith Cresson, Maurice Couve de Murville et Pierre Bérégovoy.
     

     
     


    Et bien sûr François Bayrou, mais lui, du haut de sa chaire paloise (ou béarnaise), pense qu'il continuera à surfer sur Matignon avec cette "soft gouvernance" jusqu'en mai 2027. À la différence de Michel Barnier, François Bayrou retrouvera dans quelques jours le parapluie de la dissolution contre une éventuelle motion de censure. En tout cas, en mi-août 2025, il aura dépassé la longévité de Gabriel Attal (qui n'a pas eu le temps de défendre aucune loi de finances), de quoi saluer la méthode Bayrou avant les précipitations soutenues du budget 2026.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (24 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250523-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-longevite-du-professeur-bayrou-261128

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/23/article-sr-20250523-bayrou.html



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  • Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?

    « Voilà le paysage tourmenté dans lequel se dresse la montagne de difficultés que notre pays doit affronter, et à laquelle se heurtent les responsables politiques, majorité après majorité, alternance après alternance, gouvernement après gouvernement, sans jamais trouver de réponse. Notre conviction est que seule une prise de conscience de nos concitoyens, seule la confrontation les yeux ouverts avec la vérité de notre situation peut soutenir une action déterminée. Rien ne serait possible sans leur soutien. Et leur soutien ne viendra que de leur pleine information. (…) Nous devons prendre conscience de la gravité de la situation, en écartant comme nos pires ennemis la peur et la tentation du découragement. Ce temps du constat, loin d’être un frein à l’action, est donc dans mon esprit le temps de la mobilisation. » (François Bayrou, le 15 avril 2025 à Paris).





     

     
     


    Si François Bayrou n'existait pas, il faudrait l'inventer ! Cet exercice des finances publiques pour préparer le budget de 2026 est en effet typiquement bayrouïen (ou bayroulien ?). Lors de la conférence de presse de ce mardi 15 avril 2025 à 11 heures, François Bayrou a pu donner toute sa mesure : celui qui n'a cessé d'alerter les Français depuis vingt-cinq ans sur le trop fort endettement public est maintenant aux manettes dans la pire des situations.

    La pire des situations déjà en raison de ses fondements politiques instables. Le gouvernement Bayrou ne tient que par une sorte d'équilibre de la terreur d'une nouvelle censure : le RN n'a pas vraiment intérêt à retirer une tribune officielle à sa candidate déchue, et le PS, empêtré dans ses divisions d'avant-congrès, a d'autres choses à penser qu'une nouvelle campagne législative. Après tout, on a beau critiquer François Bayrou, il a fait le job, il a fait adopter les budgets publics pour 2025 (ce n'était pas gagné d'avance) et maintenant, il s'aventure vers le budget 2026. Il a compris que c'était le nerf principal de la guerre, le budget, l'exercice ô combien politique de son mandat précaire.


    Pour l'heure, il a dépassé en brièveté (euh, en longévité) le gouvernement de Michel Barnier, et est sur la voie de dépasser aussi celui de Bernard Cazeneuve. Il peut peut-être tabler pour dépasser celui de Gabriel Attal, mais il lui faudra alors vivre le double de maintenant, et puis, sur le papier, il peut durer jusqu'à l'élection présidentielle de 2027. Car, après tout, qui a vraiment envie de gouverner la France de 2025 ?

    Mais la situation économique est instable aussi à cause du contexte international qui ne donne plus aucune lisibilité sur l'avenir : « À ses confins orientaux, l’Europe se sent menacée dans son intégrité. Mais surtout comme si la guerre ne suffisait pas, un tsunami de déstabilisation est venu chambouler la planète. Ce tsunami est d’abord stratégique. Le monde ébahi a vécu en direct un renversement des alliances que nul ne pouvait imaginer. Comme dans une série télévisée, en direct du bureau ovale de la maison blanche, le Président des États-Unis a intimé l’ordre à son allié agressé, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky d’avoir à se rendre sans délai aux exigences de son agresseur, c’est-à-dire de renoncer à la liberté et à la souveraineté de son pays, sous la menace de se voir privé de toute aide militaire. Abandon et intimidation, entre alliés ! Les États-Unis étaient jusqu’à ce jour le pays pivot de l’alliance des nations libres. Il était le pays qui accueille sur son sol le siège des Nations-Unies, la première économie du monde, membre essentiel du Conseil de Sécurité, garant du Droit entre les nations. Que cette nation et cette puissance, un des socles de l’ordre mondial, puisse en un instant passer du côté des agresseurs, pour le monde qu’on disait "libre", c’est un coup de théâtre, un coup de semonce, qui ruine notre vision fondamentale du monde. (…) Et comme si cela ne suffisait pas, ce tremblement de terre suivi de tant de dégâts géopolitiques et moraux, s’est doublé d’une réplique de terrible puissance, celle-là dans le domaine de l’économie, des échanges et du commerce. Le Président des États-Unis a déclenché un cyclone dont les conséquences ne cesseront pas de sitôt. En donnant le signal de départ d’une guerre commerciale planétaire, sans avertissement, du jour au lendemain, frappant d’inimaginables droits de douane les échanges entre les États-Unis et leurs concurrents chinois et très vite leurs plus proches alliés, les obligeant à des mesures de rétorsion en elles-mêmes dangereuses, avant des volte-face imprévisibles, des allers et des retours, ce cyclone, en quelques jours a jeté à bas le cadre même, les fondations et la charpente de notre vie économique mondiale. ».

    Et puis, il y a la situation financière de la France politique, faite de clientélisme électoral à court terme et de rallonge de la dépense publique depuis une cinquantaine d'années. 57% du PIB de dépenses publiques pour 50% du PIB de recettes publiques. Cherchez l'erreur ! L'objectif de François Bayrou est d'économiser 40 milliards d'euros, mais où peut-il les trouver ? Réponse avant le 14 juillet 2025. Joli feu d'artifice en perspective.

     

     
     


    Pour lui, deux raisons liées l'une à l'autre pour expliquer ces déficits chroniques : les Français ne produisent pas assez. Il faut produire plus pour augmenter la richesse nationale, permettre d'exporter plus. Le déficit commercial qui a grossi depuis un quart de siècle est la raison du fort endettement, tant que nous souhaitons préserver notre modèle social. D'où l'idée que les Français doivent travailler plus dans leur ensemble. Pour renforcer le ratio population active sur population totale qui tend à diminuer en raison de l'évolution démographique.

    Si nous avions un PIB équivalent à celui de l'Allemagne ou des États-Unis, nous n'aurions pas de problème de déficit : « Si notre production par habitant était dans la même gamme que celle de nos voisins européens, nous n'aurions plus de déficit budgétaire, et nos concitoyens qui gagnent quelque 2000 € par mois, approcheraient les 2500 €, et cela changerait notre vie et la leur. ».

    Il y a un déficit de la balance commerciale de 100 milliards d'euros dont 40 milliards d'euros pour l'importation d'hydrocarbures. Non seulement il faut réindustrialiser la France, mais aussi faire la transition écologique pour moins dépendre du pétrole et du gaz. Le Premier Ministre de constater : « Dans tous ces domaines, nous maîtrisons le haut de la pyramide, ce qui est le plus difficile, ce qui est inatteignable, mais nous sommes presque totalement absents de la base des produits industriels et agricoles que consomment les Français. (…) La politique de retour de la production et de réindustrialisation, si l'on veut s'y engager avec l'énergie nécessaire, doit devenir une obsession pour notre nation tout entière et un principe d'organisation de notre économie. ».

     
     


    La situation financière qu'il a décrite lucidement est loin d'être sympathique. Aimant des images parlantes à donner aux chiffres (en fait, aux nombres) qui ne lui disent pas grand-chose, le Premier Ministre a lâché le montant qui tue : avec plus de 3 300 milliards d'euros de dette publique, cela représente une dette de 50 000 euros pour chaque Français, y compris les bébés ! 200 000 euros pour une famille avec deux enfants, en gros, le pris d'un domicile, petite maison ou appartement selon le lieu.

    Ce qu'il trouve scandaleux, ce n'est pas le principe de l'endettement : comme les ménages, si on emprunte pour investir, on paie pour l'avenir et c'est acceptable. Mais là, l'État se surendette pour financer son seul fonctionnement, c'est-à-dire qu'on endette la France pour les deux ou trois générations à venir seulement pour aider à vivre ceux qui auront disparu depuis longtemps lorsque la facture viendra. Drôle d'héritage !
     

     
     


    D'où l'idée de François Bayrou que les jeunes d'aujourd'hui devraient protester contre la légèreté de leurs aînés : « Il est moralement insoutenable de faire supporter aux générations de travailleurs actuelles et futures nos dépenses de tous les jours. (…) Nous avons préféré la dette de facilité qui finance le train de vie quotidien, nos feuilles de maladie d'aujourd'hui, les déficits de fonctionnement et les dépenses courantes. ».

    Deux solutions faciles ont été souvent utilisées pour financer les dépenses publiques sans limite. 1° Augmenter les impôts, mais la France est déjà championne du monde du niveau de prélèvements obligatoires. Il ne faut plus les augmenter. 2° Ou emprunter encore de l'argent. Mais alors, la charge de la dette (les intérêts) devient insupportable et inacceptable. Actuellement, elle est de 62 milliards d'euros, soit le budget de l'éducation et, à un milliard près, celui de la défense : « À l'heure où le contexte géopolitique devrait nous obliger à investir dans notre défense et dans notre recherche, nous ne pouvons pas nous saigner aux quatre veines chaque année pour rembourser nos dettes passées plutôt que de préparer l'avenir. Une telle situation menace gravement notre indépendance. ». En 2029, la charge de la dette aura probablement franchi le seuil des 100 milliards d'euros ! (dépensés en pure pertes !).


    On ne peut pas fuir en avant par la dette : « À l'heure où le contexte géopolitique devrait nous obliger à investir dans notre défense et dans notre recherche, nous ne pouvons pas nous saigner aux quatre veines chaque année pour rembourser nos dettes passées plutôt que de préparer l'avenir. Une telle situation menace gravement notre indépendance. ».
     

     
     


    Poursuivre cette fuite en avant, c'est se jeter dans le piège, s'enfermer dans un cercle vicieux : « Tout abaissement de la notation de la dette de la France par les agences de notation, dont vous connaissez le nom, Standard & Poors, Moody's, Fitch, entraînerait une augmentation des taux d'intérêt et donc une augmentation plus forte encore de la charge de remboursement que cette dette impose au pays. C'est un cercle vicieux, un piège dangereux, potentiellement irréversible qu'il convient d'identifier et dont nous devons partager la pleine connaissance avec les Français. Ce risque est politiquement insoutenable. ».

    À partir de ce diagnostic, une seule réaction : « Si nous avons les yeux ouverts, nous devons constater qu'en fait nous n'avons pas le choix, nous devons agir. Nous devons agir avec résolution mais aussi dans le respect de ce que nous sommes, de notre modèle social et de notre République décentralisée. Nous devons agir pour garantir la survie de notre modèle social, ce modèle unique de solidarité qui se décline dans le domaine de l'éducation, de la santé ou de l'emploi. ».

     

     
     

    François Bayrou, qui voudrait créer le même électrochoc de productivisme en France que son homologue allemand Gerhard Schröder avait créé en Allemagne en 2004, a proposé quatre voies d'ascension pour franchir l'Himalaya du budget 2026.

    La première : « Notre indépendance en matière de sécurité et de défense. Nous ne pouvons pas être pris en défaut du point de vue de notre sécurité. Devant le gigantesque effort d'armement de la Russie, le gigantesque effort d'armement de la Chine, le pas de côté des États-Unis, certes dotés de la première armée au monde mais ne considérant plus que l'Europe soit pour l'avenir leur priorité de défense, l'Union Européenne a le devoir impérieux de construire une défense autonome ! ».

    La deuxième : « Le refus du surendettement : la trajectoire budgétaire définie pour 2025 et 2026 doit être maintenue, en gardant l'objectif d'un retour aux 3% de déficit en 2029. Contrairement à ce que l'on a beaucoup entendu dire, ce chiffre des 3% n'est pas un chiffre au doigt mouillé. 3% c'est le seuil en-deçà duquel la dette n'augmente plus. Baisser les déficits, nous-mêmes avons su le faire à partir de 2017. ».
     

     
     


    La troisième piste : « La refondation de l'action publique : nous ne pouvons pas accepter que la France soit le pays où l'on dépense le plus d'argent public, où l'on prélève le plus d'impôts, de taxes diverses et de cotisations, et que pourtant les Français s'accordent unanimement à constater que l'action publique ne marche pas. Pour beaucoup d'entre eux, la frontière entre action et inaction publique est devenue trouble. Le gouvernement a engagé une véritable remise à plat des missions et des budgets de nos administrations. ».

    Enfin, la quatrième voie : « La vitalité économique de notre pays. La bonne santé de notre société passe par des choix politiques qui encouragent et aident l'activité économique, pour que la France soit une terre attractive d'investissement, d'emploi, tournée vers l'innovation et la production. Depuis 2017, notre pays a réussi à retrouver un élan : alors que nous avions perdu 900 000 emplois industriels en 20 ans, 130 000 emplois ont été créés. Notre industrie a su se renouveler et s'emparer de sujets d'avenir, en prenant en compte les défis écologiques. Cela passe par l'innovation : nous avons vérifié la semaine dernière que dans le cadre du programme d'investissement France 2030, 15 milliards allaient pouvoir financer des projets innovants. Cela passe par la simplification : ni l'administration ni la bureaucratie ni les normes ne devraient constituer des obstacles à l'activité économique. Ce travail de levée d'obstacles nous allons le conduire avec les intéressés eux-mêmes, entreprises, artisans, familles elles-mêmes. Cela passe par la formation aux métiers d'avenir et l'acquisition et le renforcement des compétences. ».

    Alors, du sang et des larmes ? Non ! Mais une prise en compte de la réalité d'aujourd'hui, c'est-à-dire, une réorganisation de notre société productive et son adaptation aux contraintes des temps. Il ne s'agit pas de payer plus d'impôt, mais simplement de travailler plus pour produire plus de richesses.


    De toute façon, la situation ne donne pas beaucoup le choix : « Nous avons une conscience aiguë de la difficulté de la situation. Mais il serait lâche et irresponsable de fermer les yeux, de pousser la poussière sous le tapis, de faire semblant. Ce n'est pas notre choix. J'ajoute une chose : aucun gouvernement, ni le nôtre, ni ceux qui viendront après nous, ne pourra éluder cette question ! C'est de la survie de notre pays qu'il s'agit, de son indépendance, de sa liberté, de son équilibre et de sa paix civile. ».

    La conclusion du chef du gouvernement est enthousiaste : « Il y a des continents d'énergie qui ne demandent qu'à s'exprimer. Il suffit que nous nous libérions des pesanteurs et des entraves qui nous emprisonnent. C'est ce mouvement de libération que nous avons entrepris ce matin. ».

    Sans doute François Bayrou est dans la faiblesse d'une absence de majorité mais c'est peut-être aussi sa force. Car aucun gouvernement qui bénéficiait d'une majorité confortable à l'Assemblée n'a jamais voulu s'occuper de ce problème majeur qu'est cet endettement excessif. La fragilité des positions parlementaires impose un certain consensus dans la classe politique. L'heure est aux responsabilités : plus que jamais, l'intérêt général doit primer sur l'intérêt des partis. Et des candidats.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250415-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/budget-2026-francois-bayrou-promet-260501

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/15/article-sr-20250415-bayrou.html


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  • François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !

    « J’appelle donc les sensibilités politiques représentées dans cette assemblée à ne pas détourner leur énergie de cette tâche historique, à ne pas dilapider leurs forces dans des tours de passe-passe politiques, dont ce type de motion de censure fournira à la postérité un cas d’école. Non seulement votre motion de censure rate sa cible, mais elle se retournera contre ceux qu’elle prétend défendre. » (François Bayrou, le 19 février 2025 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Le chef du gouvernement a été écouté : il a survécu à une énième opération de politique politicienne. Reprenons depuis le début.

    Alors que le parti socialiste prépare son congrès de juin prochain pour faire réélire triomphalement son leader charismatique Olivier Faure à sa tête (je plaisante), se moquant totalement de la marche du monde et en particulier de l'avenir de l'Ukraine et de l'Europe, les députés socialistes ont déposé le lundi 17 février 2025 une nouvelle motion de censure, la sixième motion de censure en cinq semaines contre le gouvernement Bayrou. Quelle santé !

    Ce qui est clair, c'est que si les rares électeurs qui leur restent ont compris la démarche, il faudra les honorer d'une médaille du mérite. En effet, depuis la nomination de François Bayrou à Matignon il y a un peu plus de deux mois, les socialistes avaient adopté une attitude un peu plus ouverte qu'avec Michel Barnier, ce qui a abouti à la non-censure pour les cinq premières motions de censure de l'année 2025.

    Et puis, voici que les socialistes décident de déposer et donc de voter une motion de censure. On ne comprend pas très bien s'ils veulent que le gouvernement survive ou s'il faut le renverser, et les électeurs socialistes devront bien choisir et opter pour des candidats un peu plus clairs que ces socialistes en peau de lapin.


    Si on lit le texte de la motion de censure, signé, rappelons-le, notamment par François Hollande, ancien Président de la République, c'est la guerre entre François Bayrou et les socialistes. Je cite : « Force est néanmoins de constater l’absence de culture de compromis du gouvernement de François Bayrou, qui n’a que trop partiellement accepté de faire des concessions sur des orientations budgétaires pourtant sanctionnées à plusieurs reprises dans les urnes. S’il fallait un budget pour le pays, ce budget ne répond pas aux attentes des Françaises et des Français, sur la question du pouvoir d’achat notamment, et il n’est pas celui des députées et députés signataires de la présente motion. ». Un laïus très explicite pour dire à Jean-Luc Mélenchon que les socialistes sont bien dans l'opposition, des fois qu'il en douterait (et cela ne l'empêchera pas d'en douter).
     

     
     


    Et comme à chaque manipulation, le cri au fascisme, à l'extrême droite. Pour le PS, comme pour la nouvelle farce populaire (NFP), tous ceux qui ne pensent pas comme eux est d'extrême droite. Je continue de citer : « Le gouvernement par la voix de plusieurs de ses ministres a cédé aux passions tristes de l’extrême droite, offrant des victoires culturelles inédites au Rassemblement national qu’il est censé combattre, et sape les fondements de notre pacte social depuis 1945. (…) Le Premier Ministre a repris les mots funestes de Jean-Marie Le Pen, condamné pour rappel à de multiples reprises pour incitation à la haine, en parlant de “submersion migratoire” et en déclarant que “l’immigration était une impasse”. ».

    Ce texte est faux car François Bayrou n'a jamais parlé de "submersion migratoire" mais d'un "sentiment de submersion", ce qui est une réalité vécue par des Français qui se sentent, peut-être improprement, "submergés".

    Et après une énumération un peu lassante de quelques déclarations de Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, le texte se termine ainsi : « Face aux attaques contre notre modèle démocratique, à la remise en cause de notre contrat social, à la dérégulation économique, au saccage de notre planète et au mensonge érigé comme fait alternatif, promus dans notre pays par le Rassemblement national, le gouvernement de la France doit s’ériger comme un rempart. Celui de François Bayrou n’en est pas un. Pire, dans la continuité des gouvernements précédents depuis 2017, il est l’accélérateur de nombreux affaissements politiques et moraux. ».

    Bref, avec autant de haine, si renouvelée depuis 2017, et surtout, en oubliant que l'actuel Président Emmanuel Macron avait été nommé Ministre de l'Économie et des Finances pendant deux ans par François Hollande et que Manuel Valls, le Premier Ministre de François Hollande et l'un des derniers Premiers Ministres socialistes, est aujourd'hui membre du gouvernement Bayrou avec rang de ministre d'État, deuxième dans l'ordre protocolaire derrière Élisabeth Borne, on se demande pourquoi les députés socialistes n'ont pas censuré le gouvernement lors des cinq premières motions de censure, surtout, comme le dit le texte, avec « l’absence de culture de compromis du gouvernement de François Bayrou », alors que les députés socialistes avaient justifié leur non-censure par cette "culture du compromis". Comprenne qui pourra !

    Cette motion de censure a donc été examinée dans l'hémicycle le mercredi 19 février 2025 dans l'après-midi. Comme toujours, il y a eu peu de monde présent dans ces lieux. C'est la députée socialiste Ayda Hadizadeh qui a défendu à la tribune cette motion de censure.


     

     
     


    Son discours sonnait plein de moraline et cette arrogance intellectuelle qui voudrait que seul son point de vue serait moralement acceptable (sans comprendre pourquoi les Français ont élu quand même 143 députés RN et alliés avec plus de 30% des voix) : « Un poison insidieux s’infiltre dans les veines de nos institutions. Goutte par goutte, il se distille dans les discours, dans les lois, dans les décisions de ce gouvernement. Ce poison, c’est la compromission. Ce sont les préjugés. C’est le mensonge. C’est l’idée que l’on peut s’inspirer des mots hideux de l’extrême droite qui porte la haine en bandoulière. Mais non ! La République ne se vend pas ! Elle ne se vend pas à ceux qui veulent faire de l’étranger un ennemi, à ceux qui disent de l’État de droit qu’il est une faiblesse, à ceux qui veulent transformer la justice en un instrument de vengeance. Elle ne se vend pas, jamais !, aux tribuns de la peur et aux marchands de haine. Il est du devoir de tout républicain d’en devenir le défenseur quand elle vacille et le rempart quand on l’attaque. ». Les socialistes n'ont aucune qualité pour s'ériger, seuls, en juges de la morale républicaine.

    Évidemment, l'expression impropre (fausse dans la bouche de François Bayrou) a été répétée : « Nous vous avons entendu vous, monsieur le Premier Ministre, reprendre les mots funestes de "submersion migratoire", au lieu de dénoncer la seule submersion : la submersion nationaliste ! (…) Votre politique stigmatise, exclut et fragilise. Votre dureté de cœur n’épargne pas même les Français. Vous affaiblissez la liberté de l’information, vous attaquez les aides sociales, vous abandonnez ceux qui souffrent. Vous nous aviez promis de gouverner tel Henri IV, ce souverain qui a su ramener la paix dans le cœur d’un peuple qui s’entre-tuait. Mais aujourd’hui, qui singez-vous ? Donald Trump ! (…) Gouverner, ce n’est pas pactiser avec l’ombre, c’est éclairer le chemin. Vous ne construisez pas ; vous détruisez. Chaque jour, vous ouvrez une nouvelle brèche (…). La République n’est pas une muraille que l’on démolit pierre par pierre. La République, c’est une cathédrale qui a traversé les siècles et qui a su résister aux monarchies, aux dictatures, aux tyrannies. Notre pays a apporté les Lumières au monde, mais il a sombré quand il a laissé le poison de la haine envahir son cœur. Les ténèbres, ce sont l’esclavage, l'affaire Dreyfus, la collaboration, la colonisation. La République sait guider le peuple vers la sagesse et la paix, quand elle est fidèle à ses valeurs humanistes, quand elle reste fidèle à sa lumière. ». Plus c'est gros, plus c'est insignifiant.

    Mais cela ne s'est pas arrêté là, l'oratrice socialiste y est allée de sa pleine arrogance : « Nous sommes ici pour juger un gouvernement qui a failli, mais nous ne sommes pas seulement les juges du présent ; nous sommes les architectes de l’avenir. ».


    François Bayrou a eu un malin plaisir à répondre à cette "motion de censure de congrès", comme il l'a appelée : « Cette motion de censure, qui est la sixième que nous examinons en cinq semaines, est la plus cousue de fil blanc de toute l’histoire parlementaire. Selon les mots de l’un des membres les mieux informés de cette assemblée, ancien premier secrétaire du Parti socialiste et ancien Président de la République française, "ce n’est pas une motion de censure pour faire tomber le gouvernement, mais pour montrer que nous sommes dans l’opposition". Il s’agit donc d’une motion de censure à faux, à blanc. Après avoir refusé, à juste titre, de voter quatre motions de censure à balles réelles contre le gouvernement, et contre la France , vous nous présentez une motion de censure de congrès. Voilà le parti de Blum, de Jaurès, de François Mitterrand et de Jacques Delors, dont vous devez bien avoir des portraits dans vos locaux, réduit à déposer une motion de censure pour faire semblant. Il y avait une vieille expression dans les vallées pyrénéennes pour se moquer gentiment des villages voisins réputés moins prospères. On disait : "Ce sont des pays où l’hiver les corbeaux volent sur le dos pour ne pas voir la misère". (…) Les portraits des grands ancêtres, il va falloir que vous les retourniez contre le mur pour qu’ils ne voient pas à quels expédients le Parti socialiste en est réduit. ».
     

     
     


    Et le Premier Ministre a mis en parallèle les enfantillages des socialistes et la situation internationale très grave, le PS ne vit pas sur la même planète : « Vous en arrivez, au moment où la planète chancelle sur ses bases, où le danger est partout, où la guerre d’agression de Poutine fait rage en Ukraine, où la Chine déploie sa puissance pour nous soumettre économiquement, où le quarante-septième président des États-Unis évoque rien de moins que l’annexion du canal de Panama, de Gaza et du Groenland, où l’Europe que nous avons voulue ensemble et construite ensemble ne parvient pas à s’unir, vous en arrivez à déposer une motion de censure pour faire semblant, de manière à enlever à Jean-Luc Mélenchon un angle de sarcasmes contre vous. Mais vous ne détournerez rien, car vous aurez les sarcasmes, et vous aurez le ridicule. Je dis cela avec tristesse. ».

    François Bayrou a énuméré un certain nombre d'arguments, le premier étant qu'il a toujours été pour le pluralisme politique, parfois à ses dépens lorsqu'il a refusé l'UMP en 2002 : « J’expliquerai à la fin de ce propos pourquoi je pense, et ça ne date pas d’aujourd’hui, que la démocratie française a besoin de socialistes libres, comme elle a besoin de gaullistes libres, de démocrates libres, de grands partis réformistes de gouvernement, à côté ou en face des mouvements protestataires, contestataires, plus radicaux, les uns sur la ligne nationaliste, les autres sur la ligne soi-disant révolutionnaire. J’ai plaidé, tout au long de ma vie politique, la même conviction : si nous pensons tous la même chose, alors nous ne pensons plus rien. La démocratie française a besoin de respect mutuel,mais elle a d’abord besoin que chacun se respecte soi-même. Et c’est à cela que manque cette motion de censure pour faire semblant. ».

    Un autre argument, d'autorité, c'est qu'il serait difficile de dire qu'il ne respecte pas les valeurs républicaines : « Il n’y a pas un parlementaire, dans cette assemblée, sur quelque banc qu’il siège, même parmi ceux qui nous combattent et nous détestent, qui croie que nous ne respectons pas les valeurs de la République. Beaucoup pensent que nous sommes incapables, beaucoup pensent que nous sommes nuls, à côté de la plaque, loin de ce qu’il conviendrait de faire, agaçants et insupportables, mais il n’en est pas un en vérité pour croire que nous ne respectons pas la République. La République, historiquement, nous l’avons défendue et sauvée, tous les courants qui appartiennent à ce gouvernement et tous les courants de gouvernement, en un temps dont j’ose espérer qu’il n’est pas révolu, pour composer ensemble, quand il le fallait, la Résistance française. Mais on voit bien de quoi il s’agit : habiller des mots les plus grands et les plus grandiloquents possible de médiocres, de médiocrissimes intérêts : minuscules intérêts électoraux, microscopiques intérêts de courants de congrès. Et, ce faisant, je vous le dis comme je le crois : vous vous trompez. ».


    Vexés à l'écoute de cette vérité, Olivier Faure et la plupart des députés socialistes ont quitté l'hémicycle, si bien que les lieux étaient quasiment déserts. Étrange pour les promoteurs d'une motion de censure : « J’avoue que c’est la première fois que je vois un parti qui, ayant déposé une motion de censure, quitte l’hémicycle pendant qu’elle est en discussion. Mais l’innovation est la marque des peuples vivants. En habillant de mots grandiloquents des intérêts électoraux de courants de congrès, je crois que vous jouez contre vous-mêmes. ».
     

     
     


    Puis, le chef du gouvernement s'est expliqué avec ce mot "submersion" : « Donc vous vous êtes saisis, avec la même grandiloquence, de ce que j’aie employé le mot "submersion" dans une émission de télévision. Je n’ai jamais employé l’expression "submersion migratoire", mais vous vous êtes épandus à loisir sur ce sujet. Je veux rappeler le contexte, puisqu’aujourd’hui il faut se justifier de tout. J’étais dans l’émission de Darius Rochebin et, au bout d’une heure d’émission, ou un peu plus, il m’a posé une question à laquelle je dois avouer, c’est assez rare, que je ne m’attendais pas. Il a dit : "Je suis allé voir les photos de votre enfance, au lycée de Nay, au pied des Pyrénées, et j’ai remarqué quelque chose". J’avoue qu’à cet instant mon esprit battait un peu la campagne, en repensant à ces photos auxquelles sont attachés tant de souvenirs et de tendresse et je ne voyais vraiment pas où il voulait en venir. "J’ai remarqué, dit-il, que dans votre classe, vous êtes tous blancs". Imaginez que dans un pays africain, au Sénégal ou au Congo, on ait interrogé un responsable politique en lui disant : "J’ai regardé vos photos d’enfance et vous êtes tous noirs". Je crois qu’on en parlerait aux quatre coins du continent et que cela aurait dit quelque chose du temps que nous vivons. J’ai été saisi, je dois l’avouer, de ce que ces garçons et ces filles que nous étions ensemble, je n’avais jamais pensé qu’ils étaient blancs. Nous étions quelque 600 élèves et, dans tout le lycée, il y avait un Africain, dont nous étions tous, les garçons, vaguement jaloux parce qu’il était toujours sur le même banc, dans un coin de la cour, avec une très jolie fille, pleine de charme qui se reconnaîtra si elle écoute. (…) Et le journaliste a prolongé sa question : "Vous étiez tous blancs, est-ce que vous pensez qu’il faut métisser la France ?" ».

    J'ai été, moi aussi, très choqué par la question de Darius Rochebin qui était une question stupide et qui n'avait rien à faire dans cette interview. J'ai regretté que François Bayrou n'ait pas exprimé aussi clairement son trouble sur le moment, comme il l'a fait excellemment ce mercredi devant la représentation nationale.

    C'est-à-dire : « J’ai répondu deux choses. D’abord, que je ne regardais pas la couleur de la peau. Ensuite, qu’il y avait du danger dans une telle affirmation, parce que si nos compatriotes considèrent que la couleur de la peau doit inexorablement changer, qu’ils le veuillent ou non, si c’est une fatalité qu’on leur commande de subir, même contre leur gré, alors ils auront le sentiment de perdre le contrôle. C’est ce que j’ai appelé "submersion". Et je répète que je n’ai jamais dit "migratoire". Et si vous ne vous rendez pas compte de cela, pas compte que les choses qui viennent du fond des âges, même si vous direz qu’elles sont archaïques, font partie de la nature humaine, alors vous passez à côté de choses bien plus profondes que l’addition de Marx, Lénine, Staline et Trotski réunis. Et méfiez-vous : à force de nier l’archaïque, vous ouvrez la voie à tous les Trump, à tous les Vance, à tous les Musk de la création, spécialement à tous les suprématistes et à tous les racistes, spécialement dans les milieux populaires, comme vous dites, chez ceux qui vivent dans les difficultés sociales et culturelles et qui se croient dépossédés de leur destin. Vous les transformez malgré eux en chair à canon de la mondialisation. Vous touchez non pas à ce qu’ils ont, mais à ce qu’ils sont ou croient être. Vous faites, avec la bouche en cul-de-poule, le lit de toutes les instrumentalisations. ».

    Mais François Bayrou est allé beaucoup plus loin et a contre-attaqué encore, en rappelant certains discours de socialistes. Par exemple, François Mitterrand : « Les mêmes qui osent déclarer que nous faisons la politique de l’extrême droite, les hypocrites, les hypocritissimes, quand François Mitterrand a dit "le seuil de tolérance est atteint", une phrase qui touche à une conception organique de la société, où celle-ci est décrite comme se défendant contre une agression, qu’ont-ils dit à l’époque ? ».

    Et le coup de grâce, c'est une déclaration très douteuse d'Olivier Faure lui-même : « Je regrette qu’Olivier Faure soit parti : peut-être l’a-t-il fait parce qu’il imaginait ce que j’allais dire. Le responsable politique qui est le principal leader du parti qui dépose la motion de censure, M. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, qu’a-t-il dit le 25 octobre 2018 ? Je le cite exactement : "Il existe aujourd’hui des endroits où le fait de ne pas être issu de l’immigration peut poser problème à des gens dans ces quartiers, et qui peuvent se sentir exclus. II y a des endroits où il y a des regroupements qui se sont faits génération après génération et qui donnent le sentiment qu’on est dans une sorte, écoutez bien !, de colonisation à l’envers, ce que m’a dit un jour une de mes concitoyennes. Qui me disait après avoir voté longtemps pour la gauche, qu’elle ne voulait plus voter pour nous parce qu’elle avait le sentiment d’être colonisée. Ce message-là, je l’entends". C’est Olivier Faure qui parle. "Colonisation à l’envers" : ce message-là, M. Faure l’entend. Mais M. Faure sait-il que "colonisation à l’envers", c’est bien plus grave que "seuil de tolérance" ou que "sentiment de submersion", qui n’est que le constat d’une situation subie ? "Colonisation à l’envers", c’est autre chose : c’est un projet politique, un dessein politique, une volonté de conquérir et de soumettre. Et c’est le même responsable politique qui, vêtu de probité candide et de lin blanc, et, j’imagine, d’un peu de fond de teint pour effacer le rouge de la honte, disait hier à la radio que nous sommes connivents avec l’extrême droite et même en fusion idéologique avec elle. Celui qui dit "colonisation à l’envers" (…). Je viens de lire le texte dans son intégralité et il finit par : "Ce message-là, je l’entends". Ce sont ses mots précisément : j’ai donné la date de sa prise de parole, vous pouvez vérifier. ».


    Malgré tout, il y a eu parfois des communautés de vue. Ainsi, l'oratrice rappelait son origine de cette manière : « L’immigration ne doit pas être traitée comme un fardeau, mais comme un défi à relever avec humanité et raison. Ce défi, la France le relève tous les jours ! C’est moi qui vous le dis, moi qui suis née en Iran, moi dont la mère a fui l’obscurantisme, moi qui n’ai pas une goutte de sang français, pourtant, c’est toute la France qui coule dans mes veines. La France a fait de moi son enfant. J’ai reçu l’amour de la France sur les bancs de l’école de la République, grâce à ses professeurs. J’ai reçu l’amour des Français, que je remercie encore et toujours, car quand on reçoit de l’amour, on le rend ! ».

    François Bayrou lui a répondu ceci : « Pourquoi partaient-ils, nos arrière-grands-parents basques, béarnais, bretons ? Parce que c’était la misère. Ils allaient vers une vie qu’ils croyaient plus facile, et beaucoup y mouraient, je parle de ma propre famille. Ceux qui sont aujourd’hui dans la misère, ils viennent chez nous, ou ils y passent : 300 000 se sont accumulés au fil des années, parce qu’ils veulent passer en Grande-Bretagne. L’immigration, c’est une partie de notre France : 25% des Français, dit-on, descendent d’un parent immigré de la première, deuxième ou troisième génération. C’est votre cas, madame, et vous avez raison de le revendiquer à la tribune. C’est notre réalité, et c’est une réalité d’enrichissement de notre pays. ».

    Et d'ajouter, pour enlever toute ambiguïté : « Ceux qui en sont issus [de l'immigration] sont-ils des compatriotes de manière pleine et entière ? Ils le sont. Ont-ils contribué au rayonnement de la France ? Magnifiquement. Nous ne sommes pas une nation fondée sur l’origine ethnique, géographique, la couleur de la peau : nombre de nos compatriotes descendent aux Antilles d’esclaves africains, à La Réunion de familles indiennes, en Nouvelle-Calédonie des peuples autochtones austronésiens, quand ils ne sont pas d’origine wallisienne ou polynésienne. Chez nous, la nation ne se fait pas non plus par la religion. Elle se fait par un ciment. Nous sommes ce que nous croyons : que les êtres humains, femmes et hommes, sont libres, qu’ils sont égaux, qu’ils doivent être fraternels. De ce triptyque républicain, la fraternité constitue la clef de voûte : bien des régimes reposent sur le postulat que la liberté l’emporte sur l’égalité, ou réciproquement, mais on ne peut être fraternel sans concevoir l’autre comme libre et égal à soi. ».

    Le Premier Ministre a évoqué le quatrième principe républicain après la liberté, l'égalité et la fraternité, à savoir, la laïcité : « À cela, nous ajoutons une conquête récente, la laïcité. Laos, en grec, c’est le peuple ; laïkos, ce qui fait ce peuple, ce qui, encore une fois, le cimente. Nous avons mis quatre siècles à la construire, à compter de l’apparition, au XVIe siècle, après presque un siècle de guerres, de la notion de tolérance. Jusque-là, il n’y avait qu’un roi, une loi, une foi ; une religion nouvelle, le protestantisme, est venue tout chambouler. Généralement, la laïcité est présentée comme une séparation, celle de l’Église et de l’État ou, comme je l’ai souvent énoncé, celle de la foi et de la loi : la loi protège la foi, la foi ne fait pas la loi. Or, si l’on y réfléchit, c’est bien davantage. La laïcité va plus loin que la tolérance. Elle ne se contente pas d’établir que l’on peut être différents et cependant concitoyens, elle affirme que nous sommes concitoyens parce que nous acceptons nos différences et, plus encore, parce que nous les voulons ; que le lien qui nous unit en tant que Français est assez fort pour cela, qu’il nous permet d’apporter nos différences dans un espace commun de reconnaissance, de dialogue et d’enrichissement mutuel. La laïcité, c’est l’amour de cet espace, contre les communautarismes. En matière religieuse, philosophique, elle s’est imposée au terme d’une histoire dont on connaît les heurts, les violences, les effusions de sang. Nous avons mis des siècles, je le répète, à parvenir à ce respect mutuel entre croyants et non-croyants. Les tenants d’une foi donnée ne préconisent heureusement plus l’extinction des autres. Chrétiens et Juifs ne souhaitent pas la disparition dans notre pays de la religion musulmane, pas plus que les athées celle des croyances religieuses. Nous avons construit un espace commun où tous ont droit de cité. (…) Vous n’aviez qu’à ne pas déposer de motion de censure car il devient alors très difficile de se soustraire à l’obligation d’écouter ceux que vous voulez censurer ! Il nous reste à tirer les ultimes conséquences de ce principe et à l’appliquer, nous en sommes loin, comme on le voit, mais je suis persuadé qu’il faut le faire, à la sphère politique. Ce concept nouveau de laïcité politique invite à mettre un terme aux conflits absurdes, descendants des guerres de religion, aux "mon parti, mon programme et rien d’autre" dans lesquels la France épuise son crédit depuis si longtemps. ».
     

     
     


    Voici la définition de la démocratie pour François Bayrou : « Pendant longtemps, j’ai cru comme tout le monde que le but des affrontements politiques consistait à faire triompher ses idées, à vaincre les autres, c’est-à-dire au bout du compte, si l’on y réfléchit un peu, à obtenir tous les pouvoirs, à imposer un absolutisme politique comme on voulait autrefois un absolutisme religieux. J’ai été un très bon militant de partis qui n’étaient pas des plus faciles à défendre ; j’y ai consacré beaucoup de temps et des quelques capacités que je possédais à l’époque. Désormais, je ne crois plus que la démocratie signifie l’écrasement des uns par les autres. Je défends le contraire. Dans cet hémicycle et ailleurs, je suis en accord avec certains courants politiques, j’en considère d’autres avec des nuances, avec certains je suis en désaccord, avec d’autres enfin en opposition franche ; mais je crois en la démocratie comme en un espace où les sensibilités doivent coexister et, autant que possible, s’enrichir. Que ce soit en matière philosophique, religieuse ou politique, la laïcité ne saurait tendre à la tolérance molle, que je n’aime pas, encore moins au relativisme, que j’abhorre, mais à la fermeté des convictions et à la compréhension mutuelle. Dans le débat, voire le combat, on n’a pas envie de mous, d’insipides, de "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil". Georges Bernanos l’a écrit dans l’un de ses plus grands romans : "petits cœurs, petites bouches, ceci n’est point pour vous". On a besoin de raison, vous l’avez dit ; besoin de flamme, de cœur, de culture, d’intelligence, d’histoire et d’art, pour avec cette raison, cette foi, cette vertu d’engagement, arriver à comprendre l’autre, même l’adversaire, comme l’on comprendrait un frère ! Beaucoup hausseront les épaules en taxant d’idéalisme une telle manière de voir les choses. J’accepte le reproche ; je le revendique même. Ce n’était pas un tiède que Pascal, pas un tiède que Voltaire. Regardons-nous : nous sommes le peuple qui fait vivre ensemble Voltaire et Pascal, qui vit de Voltaire autant que de Pascal, sans arrondir les angles de leur pensée. Que l’on enlève l’un ou que l’on supprime l’autre, la France ne serait plus la France. Je vois d’ici les regards amusés : quel est ce type qui, à propos des valeurs de la République, vient vous parler de Voltaire et de Pascal, au temps des réseaux sociaux ? Pardonnez-moi, mais de toute ma conviction, de toute ma folie peut-être, je crois que c’est parce que l’on ne parle plus d’eux que les réseaux sociaux sont devenus si pauvres. Voltaire et Pascal, je vous assure, ne sont pas moins modernes qu’Elon Musk et Sam Altman. En tout cas, c’est là qu’est la France ! C’est parce que nous partageons ces principes que nous formons un peuple : Ernest Renan le proclamait déjà il y a 150 ans. Il y a là un cas de figure unique au monde : nous ne nous définissons pas par la pureté du sang de nos ancêtres, par la supériorité d’un dieu sur les autres, mais en tant que porteurs de quelque chose d’infiniment plus précieux, un projet commun de liberté, d’égalité et de fraternité, celle-ci, je le répète, constituant la clef de voûte. ».

    Après ces propos liminaires, François Bayrou a longuement parlé de l'immigration et de la politique qu'il poursuivait. Il a notamment rappelé les principes pour régulariser les personnes en situation irrégulière : « D’où l’importance, enfin, d’une conception nette, et elle aussi respectée, des devoirs qui incombent aux personnes accueillies en France. Ces obligations, qui ouvrent la voie à la régularité du séjour, d’abord, à l’intégration, ensuite, à l’assimilation, enfin, au terme de ce parcours d’étapes, sont au moins au nombre de trois : l’obligation de travailler, c’est-à-dire de contribuer au modèle économique et social ; l’obligation de parler notre langue, qui est le fondement du lien social ; et l’obligation d’adhérer à nos principes de vie en commun. Cette conviction est, je crois, partagée par la plupart de ceux qui siègent sur ces bancs. Alors, quels sont les sujets qui font débat ? ».

     

     
     


    C'est la députée insoumise Clémence Guetté, vice-présidente de l'Assemblée, qui a présidé la séance et annoncé le rejet de la motion de censure ce mercredi 19 février 2025 à 20 heures 25. Seulement 181 députés ont voté pour la censure, il en fallait 289.

    L'analyse du scrutin n°842 montre que parmi les 181 censeurs, la puissance de feu de la gauche, il y avait 68 insoumis sur 71, 64 socialistes sur 66 (dont Jérôme Guedj et François Hollande, insistons !), 37 écologistes sur 38 et 12 communistes sur 17. Il a manqué 11 députés à l'appel. Quant au RN, il n'a pas participé au vote, comme les députés soutenant le gouvernement.

    Rescapé de six motions de censure en cinq semaines, François Bayrou est ce qu'on peut dire insubmersible dans un tel environnement parlementaire hostile. Sa désignation se justifiait car il était le plus apte à trouver les moyens d'une stabilité gouvernementale, et d'abord, d'une adoption des budgets publics. Les socialistes vont cependant avoir du mal à recoller les morceaux pour poursuivre leur politique de non-censure (cinq fois), censure (une fois), non-censure (cinq fois), censure (une fois), et ainsi de suite.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250219-motion-de-censure.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/17/article-sr-20250219-motion-de-censure.html

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  • François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS

    « J’appelle donc les sensibilités politiques représentées dans cette assemblée à ne pas détourner leur énergie de cette tâche historique, à ne pas dilapider leurs forces dans des tours de passe-passe politiques, dont ce type de motion de censure fournira à la postérité un cas d’école. Non seulement votre motion de censure rate sa cible, mais elle se retournera contre ceux qu’elle prétend défendre. » (François Bayrou, le 19 février 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Le chef du gouvernement a été écouté : il a survécu à une énième opération de politique politicienne. Reprenons depuis le début.

    Alors que le parti socialiste prépare son congrès de juin prochain pour faire réélire triomphalement son leader charismatique Olivier Faure à sa tête (je plaisante), se moquant totalement de la marche du monde et en particulier de l'avenir de l'Ukraine et de l'Europe, les députés socialistes ont déposé le lundi 17 février 2025 une nouvelle motion de censure, la sixième motion de censure en cinq semaines contre le gouvernement Bayrou. Quelle santé !

    Ce qui est clair, c'est que si les rares électeurs qui leur restent ont compris la démarche, il faudra les honorer d'une médaille du mérite. En effet, depuis la nomination de François Bayrou à Matignon il y a un peu plus de deux mois, les socialistes avaient adopté une attitude un peu plus ouverte qu'avec Michel Barnier, ce qui a abouti à la non-censure pour les cinq premières motions de censure de l'année 2025.

    Et puis, voici que les socialistes décident de déposer et donc de voter une motion de censure. On ne comprend pas très bien s'ils veulent que le gouvernement survive ou s'il faut le renverser, et les électeurs socialistes devront bien choisir et opter pour des candidats un peu plus clairs que ces socialistes en peau de lapin.


    Si on lit le texte de la motion de censure, signé, rappelons-le, notamment par François Hollande, ancien Président de la République, c'est la guerre entre François Bayrou et les socialistes. Je cite : « Force est néanmoins de constater l’absence de culture de compromis du gouvernement de François Bayrou, qui n’a que trop partiellement accepté de faire des concessions sur des orientations budgétaires pourtant sanctionnées à plusieurs reprises dans les urnes. S’il fallait un budget pour le pays, ce budget ne répond pas aux attentes des Françaises et des Français, sur la question du pouvoir d’achat notamment, et il n’est pas celui des députées et députés signataires de la présente motion. ». Un laïus très explicite pour dire à Jean-Luc Mélenchon que les socialistes sont bien dans l'opposition, des fois qu'il en douterait (et cela ne l'empêchera pas d'en douter).

     

     
     


    Et comme à chaque manipulation, le cri au fascisme, à l'extrême droite. Pour le PS, comme pour la nouvelle farce populaire (NFP), tous ceux qui ne pensent pas comme eux est d'extrême droite. Je continue de citer : « Le gouvernement par la voix de plusieurs de ses ministres a cédé aux passions tristes de l’extrême droite, offrant des victoires culturelles inédites au Rassemblement national qu’il est censé combattre, et sape les fondements de notre pacte social depuis 1945. (…) Le Premier Ministre a repris les mots funestes de Jean-Marie Le Pen, condamné pour rappel à de multiples reprises pour incitation à la haine, en parlant de “submersion migratoire” et en déclarant que “l’immigration était une impasse”. ».

    Ce texte est faux car François Bayrou n'a jamais parlé de "submersion migratoire" mais d'un "sentiment de submersion", ce qui est une réalité vécue par des Français qui se sentent, peut-être improprement, "submergés".

    Et après une énumération un peu lassante de quelques déclarations de Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, le texte se termine ainsi : « Face aux attaques contre notre modèle démocratique, à la remise en cause de notre contrat social, à la dérégulation économique, au saccage de notre planète et au mensonge érigé comme fait alternatif, promus dans notre pays par le Rassemblement national, le gouvernement de la France doit s’ériger comme un rempart. Celui de François Bayrou n’en est pas un. Pire, dans la continuité des gouvernements précédents depuis 2017, il est l’accélérateur de nombreux affaissements politiques et moraux. ».

    Bref, avec autant de haine, si renouvelée depuis 2017, et surtout, en oubliant que l'actuel Président Emmanuel Macron avait été nommé Ministre de l'Économie et des Finances pendant deux ans par François Hollande et que Manuel Valls, le Premier Ministre de François Hollande et l'un des derniers Premiers Ministres socialistes, est aujourd'hui membre du gouvernement Bayrou avec rang de ministre d'État, deuxième dans l'ordre protocolaire derrière Élisabeth Borne, on se demande pourquoi les députés socialistes n'ont pas censuré le gouvernement lors des cinq premières motions de censure, surtout, comme le dit le texte, avec « l’absence de culture de compromis du gouvernement de François Bayrou », alors que les députés socialistes avaient justifié leur non-censure par cette "culture du compromis". Comprenne qui pourra !

    Cette motion de censure a donc été examinée dans l'hémicycle le mercredi 19 février 2025 dans l'après-midi. Comme toujours, il y a eu peu de monde présent dans ces lieux. C'est la députée socialiste Ayda Hadizadeh qui a défendu à la tribune cette motion de censure.


     

     
     


    Son discours sonnait plein de moraline et cette arrogance intellectuelle qui voudrait que seul son point de vue serait moralement acceptable (sans comprendre pourquoi les Français ont élu quand même 143 députés RN et alliés avec plus de 30% des voix) : « Un poison insidieux s’infiltre dans les veines de nos institutions. Goutte par goutte, il se distille dans les discours, dans les lois, dans les décisions de ce gouvernement. Ce poison, c’est la compromission. Ce sont les préjugés. C’est le mensonge. C’est l’idée que l’on peut s’inspirer des mots hideux de l’extrême droite qui porte la haine en bandoulière. Mais non ! La République ne se vend pas ! Elle ne se vend pas à ceux qui veulent faire de l’étranger un ennemi, à ceux qui disent de l’État de droit qu’il est une faiblesse, à ceux qui veulent transformer la justice en un instrument de vengeance. Elle ne se vend pas, jamais !, aux tribuns de la peur et aux marchands de haine. Il est du devoir de tout républicain d’en devenir le défenseur quand elle vacille et le rempart quand on l’attaque. ». Les socialistes n'ont aucune qualité pour s'ériger, seuls, en juges de la morale républicaine.

    Évidemment, l'expression impropre (fausse dans la bouche de François Bayrou) a été répétée : « Nous vous avons entendu vous, monsieur le Premier Ministre, reprendre les mots funestes de "submersion migratoire", au lieu de dénoncer la seule submersion : la submersion nationaliste ! (…) Votre politique stigmatise, exclut et fragilise. Votre dureté de cœur n’épargne pas même les Français. Vous affaiblissez la liberté de l’information, vous attaquez les aides sociales, vous abandonnez ceux qui souffrent. Vous nous aviez promis de gouverner tel Henri IV, ce souverain qui a su ramener la paix dans le cœur d’un peuple qui s’entre-tuait. Mais aujourd’hui, qui singez-vous ? Donald Trump ! (…) Gouverner, ce n’est pas pactiser avec l’ombre, c’est éclairer le chemin. Vous ne construisez pas ; vous détruisez. Chaque jour, vous ouvrez une nouvelle brèche (…). La République n’est pas une muraille que l’on démolit pierre par pierre. La République, c’est une cathédrale qui a traversé les siècles et qui a su résister aux monarchies, aux dictatures, aux tyrannies. Notre pays a apporté les Lumières au monde, mais il a sombré quand il a laissé le poison de la haine envahir son cœur. Les ténèbres, ce sont l’esclavage, l'affaire Dreyfus, la collaboration, la colonisation. La République sait guider le peuple vers la sagesse et la paix, quand elle est fidèle à ses valeurs humanistes, quand elle reste fidèle à sa lumière. ». Plus c'est gros, plus c'est insignifiant.

    Mais cela ne s'est pas arrêté là, l'oratrice socialiste y est allée de sa pleine arrogance : « Nous sommes ici pour juger un gouvernement qui a failli, mais nous ne sommes pas seulement les juges du présent ; nous sommes les architectes de l’avenir. ».


    François Bayrou a eu un malin plaisir à répondre à cette "motion de censure de congrès", comme il l'a appelée : « Cette motion de censure, qui est la sixième que nous examinons en cinq semaines, est la plus cousue de fil blanc de toute l’histoire parlementaire. Selon les mots de l’un des membres les mieux informés de cette assemblée, ancien premier secrétaire du Parti socialiste et ancien Président de la République française, "ce n’est pas une motion de censure pour faire tomber le gouvernement, mais pour montrer que nous sommes dans l’opposition". Il s’agit donc d’une motion de censure à faux, à blanc. Après avoir refusé, à juste titre, de voter quatre motions de censure à balles réelles contre le gouvernement, et contre la France , vous nous présentez une motion de censure de congrès. Voilà le parti de Blum, de Jaurès, de François Mitterrand et de Jacques Delors, dont vous devez bien avoir des portraits dans vos locaux, réduit à déposer une motion de censure pour faire semblant. Il y avait une vieille expression dans les vallées pyrénéennes pour se moquer gentiment des villages voisins réputés moins prospères. On disait : "Ce sont des pays où l’hiver les corbeaux volent sur le dos pour ne pas voir la misère". (…) Les portraits des grands ancêtres, il va falloir que vous les retourniez contre le mur pour qu’ils ne voient pas à quels expédients le Parti socialiste en est réduit. ».

     

     
     


    Et le Premier Ministre a mis en parallèle les enfantillages des socialistes et la situation internationale très grave, le PS ne vit pas sur la même planète : « Vous en arrivez, au moment où la planète chancelle sur ses bases, où le danger est partout, où la guerre d’agression de Poutine fait rage en Ukraine, où la Chine déploie sa puissance pour nous soumettre économiquement, où le quarante-septième président des États-Unis évoque rien de moins que l’annexion du canal de Panama, de Gaza et du Groenland, où l’Europe que nous avons voulue ensemble et construite ensemble ne parvient pas à s’unir, vous en arrivez à déposer une motion de censure pour faire semblant, de manière à enlever à Jean-Luc Mélenchon un angle de sarcasmes contre vous. Mais vous ne détournerez rien, car vous aurez les sarcasmes, et vous aurez le ridicule. Je dis cela avec tristesse. ».

    François Bayrou a énuméré un certain nombre d'arguments, le premier étant qu'il a toujours été pour le pluralisme politique, parfois à ses dépens lorsqu'il a refusé l'UMP en 2002 : « J’expliquerai à la fin de ce propos pourquoi je pense, et ça ne date pas d’aujourd’hui, que la démocratie française a besoin de socialistes libres, comme elle a besoin de gaullistes libres, de démocrates libres, de grands partis réformistes de gouvernement, à côté ou en face des mouvements protestataires, contestataires, plus radicaux, les uns sur la ligne nationaliste, les autres sur la ligne soi-disant révolutionnaire. J’ai plaidé, tout au long de ma vie politique, la même conviction : si nous pensons tous la même chose, alors nous ne pensons plus rien. La démocratie française a besoin de respect mutuel,mais elle a d’abord besoin que chacun se respecte soi-même. Et c’est à cela que manque cette motion de censure pour faire semblant. ».

    Un autre argument, d'autorité, c'est qu'il serait difficile de dire qu'il ne respecte pas les valeurs républicaines : « Il n’y a pas un parlementaire, dans cette assemblée, sur quelque banc qu’il siège, même parmi ceux qui nous combattent et nous détestent, qui croie que nous ne respectons pas les valeurs de la République. Beaucoup pensent que nous sommes incapables, beaucoup pensent que nous sommes nuls, à côté de la plaque, loin de ce qu’il conviendrait de faire, agaçants et insupportables, mais il n’en est pas un en vérité pour croire que nous ne respectons pas la République. La République, historiquement, nous l’avons défendue et sauvée, tous les courants qui appartiennent à ce gouvernement et tous les courants de gouvernement, en un temps dont j’ose espérer qu’il n’est pas révolu, pour composer ensemble, quand il le fallait, la Résistance française. Mais on voit bien de quoi il s’agit : habiller des mots les plus grands et les plus grandiloquents possible de médiocres, de médiocrissimes intérêts : minuscules intérêts électoraux, microscopiques intérêts de courants de congrès. Et, ce faisant, je vous le dis comme je le crois : vous vous trompez. ».


    Vexés à l'écoute de cette vérité, Olivier Faure et la plupart des députés socialistes ont quitté l'hémicycle, si bien que les lieux étaient quasiment déserts. Étrange pour les promoteurs d'une motion de censure : « J’avoue que c’est la première fois que je vois un parti qui, ayant déposé une motion de censure, quitte l’hémicycle pendant qu’elle est en discussion. Mais l’innovation est la marque des peuples vivants. En habillant de mots grandiloquents des intérêts électoraux de courants de congrès, je crois que vous jouez contre vous-mêmes. ».
     

     
     


    Puis, le chef du gouvernement s'est expliqué avec ce mot "submersion" : « Donc vous vous êtes saisis, avec la même grandiloquence, de ce que j’aie employé le mot "submersion" dans une émission de télévision. Je n’ai jamais employé l’expression "submersion migratoire", mais vous vous êtes épandus à loisir sur ce sujet. Je veux rappeler le contexte, puisqu’aujourd’hui il faut se justifier de tout. J’étais dans l’émission de Darius Rochebin et, au bout d’une heure d’émission, ou un peu plus, il m’a posé une question à laquelle je dois avouer, c’est assez rare, que je ne m’attendais pas. Il a dit : "Je suis allé voir les photos de votre enfance, au lycée de Nay, au pied des Pyrénées, et j’ai remarqué quelque chose". J’avoue qu’à cet instant mon esprit battait un peu la campagne, en repensant à ces photos auxquelles sont attachés tant de souvenirs et de tendresse et je ne voyais vraiment pas où il voulait en venir. "J’ai remarqué, dit-il, que dans votre classe, vous êtes tous blancs". Imaginez que dans un pays africain, au Sénégal ou au Congo, on ait interrogé un responsable politique en lui disant : "J’ai regardé vos photos d’enfance et vous êtes tous noirs". Je crois qu’on en parlerait aux quatre coins du continent et que cela aurait dit quelque chose du temps que nous vivons. J’ai été saisi, je dois l’avouer, de ce que ces garçons et ces filles que nous étions ensemble, je n’avais jamais pensé qu’ils étaient blancs. Nous étions quelque 600 élèves et, dans tout le lycée, il y avait un Africain, dont nous étions tous, les garçons, vaguement jaloux parce qu’il était toujours sur le même banc, dans un coin de la cour, avec une très jolie fille, pleine de charme qui se reconnaîtra si elle écoute. (…) Et le journaliste a prolongé sa question : "Vous étiez tous blancs, est-ce que vous pensez qu’il faut métisser la France ?" ».

    J'ai été, moi aussi, très choqué par la question de Darius Rochebin qui était une question stupide et qui n'avait rien à faire dans cette interview. J'ai regretté que François Bayrou n'ait pas exprimé aussi clairement son trouble sur le moment, comme il l'a fait excellemment ce mercredi devant la représentation nationale.

    C'est-à-dire : « J’ai répondu deux choses. D’abord, que je ne regardais pas la couleur de la peau. Ensuite, qu’il y avait du danger dans une telle affirmation, parce que si nos compatriotes considèrent que la couleur de la peau doit inexorablement changer, qu’ils le veuillent ou non, si c’est une fatalité qu’on leur commande de subir, même contre leur gré, alors ils auront le sentiment de perdre le contrôle. C’est ce que j’ai appelé "submersion". Et je répète que je n’ai jamais dit "migratoire". Et si vous ne vous rendez pas compte de cela, pas compte que les choses qui viennent du fond des âges, même si vous direz qu’elles sont archaïques, font partie de la nature humaine, alors vous passez à côté de choses bien plus profondes que l’addition de Marx, Lénine, Staline et Trotski réunis. Et méfiez-vous : à force de nier l’archaïque, vous ouvrez la voie à tous les Trump, à tous les Vance, à tous les Musk de la création, spécialement à tous les suprématistes et à tous les racistes, spécialement dans les milieux populaires, comme vous dites, chez ceux qui vivent dans les difficultés sociales et culturelles et qui se croient dépossédés de leur destin. Vous les transformez malgré eux en chair à canon de la mondialisation. Vous touchez non pas à ce qu’ils ont, mais à ce qu’ils sont ou croient être. Vous faites, avec la bouche en cul-de-poule, le lit de toutes les instrumentalisations. ».

    Mais François Bayrou est allé beaucoup plus loin et a contre-attaqué encore, en rappelant certains discours de socialistes. Par exemple, François Mitterrand : « Les mêmes qui osent déclarer que nous faisons la politique de l’extrême droite, les hypocrites, les hypocritissimes, quand François Mitterrand a dit "le seuil de tolérance est atteint", une phrase qui touche à une conception organique de la société, où celle-ci est décrite comme se défendant contre une agression, qu’ont-ils dit à l’époque ? ».

    Et le coup de grâce, c'est une déclaration très douteuse d'Olivier Faure lui-même : « Je regrette qu’Olivier Faure soit parti : peut-être l’a-t-il fait parce qu’il imaginait ce que j’allais dire. Le responsable politique qui est le principal leader du parti qui dépose la motion de censure, M. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, qu’a-t-il dit le 25 octobre 2018 ? Je le cite exactement : "Il existe aujourd’hui des endroits où le fait de ne pas être issu de l’immigration peut poser problème à des gens dans ces quartiers, et qui peuvent se sentir exclus. II y a des endroits où il y a des regroupements qui se sont faits génération après génération et qui donnent le sentiment qu’on est dans une sorte, écoutez bien !, de colonisation à l’envers, ce que m’a dit un jour une de mes concitoyennes. Qui me disait après avoir voté longtemps pour la gauche, qu’elle ne voulait plus voter pour nous parce qu’elle avait le sentiment d’être colonisée. Ce message-là, je l’entends". C’est Olivier Faure qui parle. "Colonisation à l’envers" : ce message-là, M. Faure l’entend. Mais M. Faure sait-il que "colonisation à l’envers", c’est bien plus grave que "seuil de tolérance" ou que "sentiment de submersion", qui n’est que le constat d’une situation subie ? "Colonisation à l’envers", c’est autre chose : c’est un projet politique, un dessein politique, une volonté de conquérir et de soumettre. Et c’est le même responsable politique qui, vêtu de probité candide et de lin blanc, et, j’imagine, d’un peu de fond de teint pour effacer le rouge de la honte, disait hier à la radio que nous sommes connivents avec l’extrême droite et même en fusion idéologique avec elle. Celui qui dit "colonisation à l’envers" (…). Je viens de lire le texte dans son intégralité et il finit par : "Ce message-là, je l’entends". Ce sont ses mots précisément : j’ai donné la date de sa prise de parole, vous pouvez vérifier. ».


    Malgré tout, il y a eu parfois des communautés de vue. Ainsi, l'oratrice rappelait son origine de cette manière : « L’immigration ne doit pas être traitée comme un fardeau, mais comme un défi à relever avec humanité et raison. Ce défi, la France le relève tous les jours ! C’est moi qui vous le dis, moi qui suis née en Iran, moi dont la mère a fui l’obscurantisme, moi qui n’ai pas une goutte de sang français, pourtant, c’est toute la France qui coule dans mes veines. La France a fait de moi son enfant. J’ai reçu l’amour de la France sur les bancs de l’école de la République, grâce à ses professeurs. J’ai reçu l’amour des Français, que je remercie encore et toujours, car quand on reçoit de l’amour, on le rend ! ».

    François Bayrou lui a répondu ceci : « Pourquoi partaient-ils, nos arrière-grands-parents basques, béarnais, bretons ? Parce que c’était la misère. Ils allaient vers une vie qu’ils croyaient plus facile, et beaucoup y mouraient, je parle de ma propre famille. Ceux qui sont aujourd’hui dans la misère, ils viennent chez nous, ou ils y passent : 300 000 se sont accumulés au fil des années, parce qu’ils veulent passer en Grande-Bretagne. L’immigration, c’est une partie de notre France : 25% des Français, dit-on, descendent d’un parent immigré de la première, deuxième ou troisième génération. C’est votre cas, madame, et vous avez raison de le revendiquer à la tribune. C’est notre réalité, et c’est une réalité d’enrichissement de notre pays. ».

    Et d'ajouter, pour enlever toute ambiguïté : « Ceux qui en sont issus [de l'immigration] sont-ils des compatriotes de manière pleine et entière ? Ils le sont. Ont-ils contribué au rayonnement de la France ? Magnifiquement. Nous ne sommes pas une nation fondée sur l’origine ethnique, géographique, la couleur de la peau : nombre de nos compatriotes descendent aux Antilles d’esclaves africains, à La Réunion de familles indiennes, en Nouvelle-Calédonie des peuples autochtones austronésiens, quand ils ne sont pas d’origine wallisienne ou polynésienne. Chez nous, la nation ne se fait pas non plus par la religion. Elle se fait par un ciment. Nous sommes ce que nous croyons : que les êtres humains, femmes et hommes, sont libres, qu’ils sont égaux, qu’ils doivent être fraternels. De ce triptyque républicain, la fraternité constitue la clef de voûte : bien des régimes reposent sur le postulat que la liberté l’emporte sur l’égalité, ou réciproquement, mais on ne peut être fraternel sans concevoir l’autre comme libre et égal à soi. ».

    Le Premier Ministre a évoqué le quatrième principe républicain après la liberté, l'égalité et la fraternité, à savoir, la laïcité : « À cela, nous ajoutons une conquête récente, la laïcité. Laos, en grec, c’est le peuple ; laïkos, ce qui fait ce peuple, ce qui, encore une fois, le cimente. Nous avons mis quatre siècles à la construire, à compter de l’apparition, au XVIe siècle, après presque un siècle de guerres, de la notion de tolérance. Jusque-là, il n’y avait qu’un roi, une loi, une foi ; une religion nouvelle, le protestantisme, est venue tout chambouler. Généralement, la laïcité est présentée comme une séparation, celle de l’Église et de l’État ou, comme je l’ai souvent énoncé, celle de la foi et de la loi : la loi protège la foi, la foi ne fait pas la loi. Or, si l’on y réfléchit, c’est bien davantage. La laïcité va plus loin que la tolérance. Elle ne se contente pas d’établir que l’on peut être différents et cependant concitoyens, elle affirme que nous sommes concitoyens parce que nous acceptons nos différences et, plus encore, parce que nous les voulons ; que le lien qui nous unit en tant que Français est assez fort pour cela, qu’il nous permet d’apporter nos différences dans un espace commun de reconnaissance, de dialogue et d’enrichissement mutuel. La laïcité, c’est l’amour de cet espace, contre les communautarismes. En matière religieuse, philosophique, elle s’est imposée au terme d’une histoire dont on connaît les heurts, les violences, les effusions de sang. Nous avons mis des siècles, je le répète, à parvenir à ce respect mutuel entre croyants et non-croyants. Les tenants d’une foi donnée ne préconisent heureusement plus l’extinction des autres. Chrétiens et Juifs ne souhaitent pas la disparition dans notre pays de la religion musulmane, pas plus que les athées celle des croyances religieuses. Nous avons construit un espace commun où tous ont droit de cité. (…) Vous n’aviez qu’à ne pas déposer de motion de censure car il devient alors très difficile de se soustraire à l’obligation d’écouter ceux que vous voulez censurer ! Il nous reste à tirer les ultimes conséquences de ce principe et à l’appliquer, nous en sommes loin, comme on le voit, mais je suis persuadé qu’il faut le faire, à la sphère politique. Ce concept nouveau de laïcité politique invite à mettre un terme aux conflits absurdes, descendants des guerres de religion, aux "mon parti, mon programme et rien d’autre" dans lesquels la France épuise son crédit depuis si longtemps. ».
     

     
     


    Voici la définition de la démocratie pour François Bayrou : « Pendant longtemps, j’ai cru comme tout le monde que le but des affrontements politiques consistait à faire triompher ses idées, à vaincre les autres, c’est-à-dire au bout du compte, si l’on y réfléchit un peu, à obtenir tous les pouvoirs, à imposer un absolutisme politique comme on voulait autrefois un absolutisme religieux. J’ai été un très bon militant de partis qui n’étaient pas des plus faciles à défendre ; j’y ai consacré beaucoup de temps et des quelques capacités que je possédais à l’époque. Désormais, je ne crois plus que la démocratie signifie l’écrasement des uns par les autres. Je défends le contraire. Dans cet hémicycle et ailleurs, je suis en accord avec certains courants politiques, j’en considère d’autres avec des nuances, avec certains je suis en désaccord, avec d’autres enfin en opposition franche ; mais je crois en la démocratie comme en un espace où les sensibilités doivent coexister et, autant que possible, s’enrichir. Que ce soit en matière philosophique, religieuse ou politique, la laïcité ne saurait tendre à la tolérance molle, que je n’aime pas, encore moins au relativisme, que j’abhorre, mais à la fermeté des convictions et à la compréhension mutuelle. Dans le débat, voire le combat, on n’a pas envie de mous, d’insipides, de "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil". Georges Bernanos l’a écrit dans l’un de ses plus grands romans : "petits cœurs, petites bouches, ceci n’est point pour vous". On a besoin de raison, vous l’avez dit ; besoin de flamme, de cœur, de culture, d’intelligence, d’histoire et d’art, pour avec cette raison, cette foi, cette vertu d’engagement, arriver à comprendre l’autre, même l’adversaire, comme l’on comprendrait un frère ! Beaucoup hausseront les épaules en taxant d’idéalisme une telle manière de voir les choses. J’accepte le reproche ; je le revendique même. Ce n’était pas un tiède que Pascal, pas un tiède que Voltaire. Regardons-nous : nous sommes le peuple qui fait vivre ensemble Voltaire et Pascal, qui vit de Voltaire autant que de Pascal, sans arrondir les angles de leur pensée. Que l’on enlève l’un ou que l’on supprime l’autre, la France ne serait plus la France. Je vois d’ici les regards amusés : quel est ce type qui, à propos des valeurs de la République, vient vous parler de Voltaire et de Pascal, au temps des réseaux sociaux ? Pardonnez-moi, mais de toute ma conviction, de toute ma folie peut-être, je crois que c’est parce que l’on ne parle plus d’eux que les réseaux sociaux sont devenus si pauvres. Voltaire et Pascal, je vous assure, ne sont pas moins modernes qu’Elon Musk et Sam Altman. En tout cas, c’est là qu’est la France ! C’est parce que nous partageons ces principes que nous formons un peuple : Ernest Renan le proclamait déjà il y a 150 ans. Il y a là un cas de figure unique au monde : nous ne nous définissons pas par la pureté du sang de nos ancêtres, par la supériorité d’un dieu sur les autres, mais en tant que porteurs de quelque chose d’infiniment plus précieux, un projet commun de liberté, d’égalité et de fraternité, celle-ci, je le répète, constituant la clef de voûte. ».

    Après ces propos liminaires, François Bayrou a longuement parlé de l'immigration et de la politique qu'il poursuivait. Il a notamment rappelé les principes pour régulariser les personnes en situation irrégulière : « D’où l’importance, enfin, d’une conception nette, et elle aussi respectée, des devoirs qui incombent aux personnes accueillies en France. Ces obligations, qui ouvrent la voie à la régularité du séjour, d’abord, à l’intégration, ensuite, à l’assimilation, enfin, au terme de ce parcours d’étapes, sont au moins au nombre de trois : l’obligation de travailler, c’est-à-dire de contribuer au modèle économique et social ; l’obligation de parler notre langue, qui est le fondement du lien social ; et l’obligation d’adhérer à nos principes de vie en commun. Cette conviction est, je crois, partagée par la plupart de ceux qui siègent sur ces bancs. Alors, quels sont les sujets qui font débat ? ».

     

     
     


    C'est la députée insoumise Clémence Guetté, vice-présidente de l'Assemblée, qui a présidé la séance et annoncé le rejet de la motion de censure ce mercredi 19 février 2025 à 20 heures 25. Seulement 181 députés ont voté pour la censure, il en fallait 289.

    L'analyse du scrutin n°842 montre que parmi les 181 censeurs, la puissance de feu de la gauche, il y avait 68 insoumis sur 71, 64 socialistes sur 66 (dont Jérôme Guedj et François Hollande, insistons !), 37 écologistes sur 38 et 12 communistes sur 17. Il a manqué 11 députés à l'appel. Quant au RN, il n'a pas participé au vote, comme les députés soutenant le gouvernement.

    Rescapé de six motions de censure en cinq semaines, François Bayrou est ce qu'on peut dire insubmersible dans un tel environnement parlementaire hostile. Sa désignation se justifiait car il était le plus apte à trouver les moyens d'une stabilité gouvernementale, et d'abord, d'une adoption des budgets publics. Les socialistes vont cependant avoir du mal à recoller les morceaux pour poursuivre leur politique de non-censure (cinq fois), censure (une fois), non-censure (cinq fois), censure (une fois), et ainsi de suite.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250219-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-bayrou-et-la-motion-de-259364

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/20/article-sr-20250219-bayrou.html


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  • Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !)

    « Si ce texte est, comme je le crois, considéré comme adopté ce soir, il faudra dès la semaine prochaine se tourner vers l’avenir pour trouver les clés, réfléchir, inventer un projet pour une sécurité sociale qui protège chaque Français et soit soutenable dans le temps long. C’est une immense refondation que nous avons à conduire. Nous devrons pour cela mobiliser notre capacité d’analyse, notre connaissance du monde de la santé, des besoins en santé, et aussi notre imagination : il en faudra beaucoup pour trouver ce nouvel équilibre. J’ai la certitude que nous y parviendrons, grâce au dialogue. » (François Bayrou, le 12 février 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Il était 19 heures 45 ce mercredi 12 février 2025. La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet s'est installée à son perchoir et a annoncé la couleur : la motion de censure déposée le 10 février 2025 par le groupe insoumis a été une nouvelle fois rejetée. Seulement 121 députés ont voté pour elle, alors qu'il en fallait au moins 289 pour être adoptée. Et elle a conclu : « La troisième partie et l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 sont considérés comme adoptés. ». En clair, après un très long marathon parlementaire, c'est tout le processus budgétaire, à savoir le projet de loi de finances pour 2025 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, qui s'est achevé ce soir-là.

    Le Premier Ministre François Bayrou a donc pu souffler... juste quelques minutes, car il entendait bien relancer immédiatement le processus budgétaire pour 2026, en recommençant cette fois-ci avec une page blanche, comme l'ont demandé de nombreux députés (PS et LR notamment), ce qui est beaucoup plus ambitieux que de repartir du budget de l'année précédente. François Bayrou a accompli sa première mission, celle de faire adopter les deux budgets publics. Il reste encore l'adoption par le Sénat (ce qui ne fait pas de doute) et l'éventuelle voie du Conseil Constitutionnel, déjà saisi pour le PLF qui a conclu le lendemain par sa décision n°2025-874 DC du 13 février 2025. Le Conseil Constitutionnel a en effet invalidé dix dispositions du projet de loi de finances pour 2025.


     

     
     


    Revenons à la discussion de cette cinquième motion de censure contre le gouvernement Bayrou, à la suite de l'engagement de responsabilité pour la dernière partie (Dépenses) du PLFSS et l'ensemble du texte. François Bayrou est parvenu à faire du vote d'une motion de censure un non-événement, ce qui, depuis le 7 juillet 2024, est un réel exploit politique et institutionnel !

    C'est la députée insoumise Marianne Maximi qui a ouvert le débat en présentant la motion de censure. Avec ces motions de censure à répétition, cela permet aux insoumis de faire parler leurs membres. Et surtout, de parler d'autre chose que du seul budget de la Sécurité sociale.


    Et elle a répété la fable de la nouvelle farce populaire (NFP), que la gauche extrême aurait plus de légitimité à gouverner que le bloc central et LR qui comptent pourtant plus de députés : « Vous êtes toujours aussi minoritaires, toujours aussi illégitimes à imposer la politique économique austéritaire, votre obsession. Face à cette impasse, vous confirmez votre choix : l’autoritarisme et le déni de démocratie. Nous ne laisserons pas cette pratique devenir la règle ; voilà pourquoi, une fois encore, nous nous retrouvons face à vous. ».

    Tout au long de son intervention, ce n'a été que caricatures excessives et insignifiantes : « Votre projet de loi est d’une violence sociale sans précédent ! Le mois dernier, une patiente de 20 ans est morte aux urgences, sur un brancard, après des heures d’attente. (…) À la souffrance des hôpitaux français, en grande difficulté, vous répondez par un budget austéritaire ! Fédérations hospitalières et organisations syndicales avaient pourtant fait le travail pour vous : elles estiment que la hausse des moyens doit être au moins de 6% pour répondre aux besoins et compenser l’inflation. Vous proposez moitié moins, ce qui revient à soumettre à une pression intenable notre système de santé. Ne nous objectez pas que les caisses sont vides. Nous vous avons alertés sur votre politique qui consiste à supprimer de façon aveugle des cotisations sociales au profit des grandes entreprises. Vous n’avez rien voulu entendre. Vous creusez le déficit du système et, pour combler les trous qui se forment, vous faites payer les malades. Demain, se soigner coûtera davantage en raison, entre autres, de votre taxe sur les complémentaires santé, sans encadrement des tarifs pour les assurés. ».
     

     
     


    L'avenir pour 2026 : « Je profite de cette tribune pour alerter : le budget pour 2026, déjà en préparation, sera pire encore. Le ministre de l’économie a annoncé la couleur : le texte sera travaillé "avec les entreprises" et "il n’y aura pas de surtaxes sur les grandes entreprises". Le coup de pression de Bernard Amault semble avoir porté ses fruits. Autant nommer le Medef à Matignon ! ».

    Hors-sujet en abordant le thème de l'immigration : « Depuis des mois, vous adhérez progressivement, mais sûrement, aux conceptions de l’extrême droite. Vous avez voté pour le dernier texte portant sur l’immigration, qui reprenait les idées des Le Pen ; vous avez approuvé la proposition de loi de vos alliés de la droite, qui attaque le droit du sol à Mayotte ; vous voterez demain pour le texte du député Attal, dont le populisme pénal prévoit de casser la justice des mineurs. Depuis quelques jours, le gouvernement instaure dans le pays un débat nauséabond sur ce que signifie le fait d’être Français. Tout cela pour contenter l’extrême droite et échapper à la censure : quelle déchéance, sachant que la plupart des députés macronistes ont été élus avec les voix du peuple de gauche, afin de faire barrage à cette même extrême droite ! ».

    S'adressant à ses collègues socialistes, Marianne Maximi s'est désolée de leur non-censure : « Être responsable, c’est leur barrer la route et non maintenir le gouvernement le plus réactionnaire de la Ve République ! (…) Ne pas voter la censure, c’est accepter un budget austéritaire, amputé de 6 milliards. Ne pas voter la censure, c’est laisser la démocratie se faire piétiner et valider un gouvernement illégitime. Ne pas voter la censure, c’est laisser ce gouvernement reprendre une à une les idées et le programme du Front national. ». Jean-Luc Mélenchon avait d'ailleurs fait de cette ultime motion de censure la dernière possibilité pour rester encore dans le NFP, comme si le gourou vieillissant était le seul dépositaire des tables de cette alliance électorale de circonstance.


    La réponse a été faite par l'orateur suivant qui était encore Jérôme Guedj pour le groupe socialiste, mis en accusation de non-censure. Le député de l'Essonne s'est amusé sur ce long cycle qui allait enfin s'achever : « C’est un peu "Un jour sans fin", le jour de la marmotte, au cours duquel nous répétons sans cesse ce que nous pensons du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Mais la pédagogie, me direz-vous, est faite de répétitions. Je le redis donc avec sérénité et tranquillité : ce n’est pas un bon budget, mais nous en avons besoin (…). C’est aussi un budget dans lequel nous avons pu, autant que possible, corriger, atténuer, voire supprimer certaines mesures néfastes. ».

    Et un peu plus loin dans le discours : « J’ai dit, au début de mon propos, que nous étions parvenus à limiter les effets les plus délétères. C’est pourquoi, je m’attends à une réaction immédiate, mais je suis désormais mithridatisé, nous n’avons pas la négociation honteuse. Nous n’aurons donc pas la non-censure honteuse. ». Ainsi que ceci (qui est tout le contraire des propos des insoumis) : « Ce sont autant de raisons qui me conduisent à considérer que, même si ce budget n’est pas un bon budget, il est moins mauvais que celui proposé par Michel Barnier. Je terminerai en évoquant un point, psalmodié de manière récurrente : l’idée selon laquelle la censure du gouvernement, donc l’absence de budget, ne serait pas si grave. Je connais trop le PLFSS et je respecte trop les acteurs qui le portent et ceux qui le font vivre, notamment dans les hôpitaux, pour ne pas reconnaître que ce serait un problème. (…) Je souhaite donc tordre le cou à cet argument un peu facile qui consiste à faire croire que le rejet du PLFSS n’aurait pas de conséquences. Je préfère ce PLFSS, aussi insuffisant soit-il. C’est pourquoi nous ne le censurerons pas, de façon à disposer d’un budget de la sécurité sociale. Cependant, nous devons dès à présent préparer les suivants ; sinon, nous nous exposerions à des difficultés plus sévères. ».

     

     
     


    Jérôme Guedj a une nouvelle fois regretté l'absence d'une grande loi sur le grand âge : « Vous semblez avoir été frappés par une forme de procrastination gouvernementale, certes, vous n’êtes pas les seuls ; tous vos prédécesseurs, de droite comme de gauche, l’ont été avant vous, qui vous empêche d’appréhender l’ampleur de la transition démographique. Il nous a fallu beaucoup de temps pour prendre la mesure de la transition écologique. Nous sommes également confrontés à la transition numérique et à la digitalisation de la société. Mais nous sommes incapables de percevoir cette révolution anthropologique que constitue le vieillissement de la population, ou nous agissons de manière homéopathique, donc insuffisante, à coups de fonds d’urgence et de colmatages, comme c’est le cas dans ce PLFSS. Nous devons aussi définir une méthode de travail. En effet, il y a un hiatus entre la volonté des parlementaires qui ont demandé, à l’unanimité, l’année dernière, une loi de programmation sur le grand âge et les réponses très parcellaires qu’ils ont obtenues. Cela pourrait prendre la forme d’un plan ou, pourquoi pas, d’une stratégie nationale, en tout cas, nous avons besoin d’outils juridiques pour le faire. Laissez-moi vous donner un exemple : l’isolement des personnes âgées, qui constitue l’un des fléaux de notre société, ce que les Petits Frères des pauvres appellent la "mort sociale". À l’heure actuelle, aucun acteur public, hormis les centres communaux d’action sociale (CCAS) et leur volontarisme, n’est chargé de ce mal du siècle. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) a commencé, de manière balbutiante là encore, à investir le sujet. À défaut d’en faire une grande cause nationale, faisons-en au moins un objet de politique publique, qui nécessite des supports législatifs. ».

    Le député LR Thibault Bazin, rapporteur général de la commission des affaires sociales, a voulu remettre quelques cadrans des insoumis à l'heure : « Les jours se suivent et se ressemblent étrangement. Alors que nous examinons la quatrième motion de censure déposée par la France insoumise en huit jours, nous commençons tous à ressentir une certaine lassitude. Comme à son habitude, LFI persiste à rechercher le chaos institutionnel, au moment où l’adoption d’une motion de censure aurait un effet cataclysmique sur nos finances publiques. Je le répète depuis des semaines, non seulement en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, mais aussi en tant que citoyen. (…) Depuis la censure du gouvernement de Michel Barnier, la France est privée de budgets et cela inquiète légitimement les Français. Il faut y remédier de toute urgence ; sinon, la facture de la censure s’aggravera encore. Cette facture ne sera pas que budgétaire mais également, et c’est peut-être le plus grave, sociale, là, vous pourrez parler de violence. ».

    Et de replacer l'église au centre du village : « La France insoumise parle d’un budget austéritaire. Qu’en est-il vraiment ? J’ai regardé de plus près : toutes branches confondues, y compris le fonds de solidarité vieillesse (FSV), les dépenses pour 2025 s’élèveront à 666,4 milliards d’euros, soit une hausse de 23,5 milliards par rapport à 2024. C’est une hausse de 3,7%, bien supérieure à l’inflation attendue. L’année précédente, les dépenses avaient déjà progressé de 32,2 milliards. La hausse s’élève donc à 9,1% en deux ans. On est loin de l’austérité ! Ne mentons pas aux Français. Avec votre motion de censure, vous prenez le risque d’empêcher le déploiement de mesures attendues et utiles pour nos concitoyens, puisque le texte serait rejeté si votre motion était adoptée. Je pense à la réforme du calcul du montant de la pension des retraités agricoles, visant à l’aligner sur les vingt-cinq meilleures années de revenus, prévue à l’article 22. (…) Vous prenez le risque d’empêcher le triplement du fonds de soutien exceptionnel aux EHPAD, avec la dotation de 300 millions d’euros, obtenue en nouvelle lecture et prévue à l’article 21 quater. Vous prenez le risque d’abandonner la reconnaissance du statut d’infirmier coordonnateur dans les EHPAD, à l’article 21 ter. (…) Avec votre motion de censure, vous prenez le risque d’empêcher l’expérimentation, prévue à l’article 17 octies, relative à la prise en charge par l’assurance maladie de tests pour détecter une soumission chimique, y compris sans dépôt de plainte. Vous prenez le risque que ces mesures, attendues, partent à la poubelle avec l’adoption de la motion de censure. En réalité, vous fragilisez davantage ceux que vous prétendez défendre ! Il est encore temps de vous ressaisir. Dans l’intérêt général, pour la France, je vous invite à retirer votre motion de censure. (…) Si cette nouvelle motion de censure venait à être adoptée, il est évident que la France serait affaiblie, et le déficit encore plus catastrophique, à plus de 28 milliards. ».

    Mais tout cela ne servait à rien, car tous les députés insoumis avaient déjà déserté l'hémicycle, se moquant totalement de l'avis de leurs collègues, signe habituel de leur irrespect des institutions.
     

     
     


    Le député de Meurthe-et-Moselle a toutefois poursuivi en espérant améliorer les prochains PLFSS à l'avenir, pour en finir avec leur déficit : « Il faut s’assurer que chaque euro dépensé est justifié. C’est une question de justice, mais également un impératif pour la cohésion sociale et la pérennité de notre modèle. Dans l’intérêt du pays, il n’est pas, plus, possible de naviguer au gré des gouvernements, et de préparer un budget en quelques semaines à partir de mesures purement paramétriques. Plutôt que des rabots budgétaires imposés à l’aveugle, injustement préjudiciables au système, il faut de toute urgence œuvrer résolument, mais avec discernement, au redressement de nos comptes sociaux. Ainsi, nous pourrons relever les défis, en particulier ceux du vieillissement de la population et de la dénatalité. ».

    Quelques pistes : « Nous devons nous attaquer au déficit abyssal de notre système de retraite, pas celui qui est apparent, celui qui inclut aussi les dépenses financées par l’État. (…) Certaines dépenses ne sont pas justifiées. Elles scandalisent nos concitoyens, qui participent au financement de notre modèle de protection sociale. Ceux-ci s’inquiètent des dérapages budgétaires, des déficits qui s’accumulent et se traduisent par une dette qui pèsera sur les générations futures, nous sommes aussi là pour elles. En avons-nous suffisamment conscience ? (…) Dit autrement : il faut conserver ce qui vaut, et modifier ce qu’il faut. Nous sommes vigilants : préservons l’accès aux soins dans nos territoires. (…) Le redressement de nos comptes sociaux passe par des réformes structurelles. Il ne faut plus les reporter. Les efforts doivent s’accompagner d’une réflexion plus générale sur notre taux d’emploi, ou sur notre natalité qu’il faut relancer, le désir d’enfants est plus de 40% supérieur au taux de fécondité constaté. À court terme, le plus crucial ne figure pas dans ce budget : c’est notre taux d’emploi, qu’il faut améliorer. Si nous avions un taux d’emploi similaire à celui de l’Allemagne, cela représenterait 15 milliards de recettes sociales en plus, et 5 milliards de prestations à verser en moins. Cette différence de 20 milliards comblerait l’essentiel du déficit de la sécurité sociale ! C’est le principal levier à utiliser. Nous ne pouvons en faire l’économie si nous tenons à la pérennité de notre modèle de protection sociale. Notre système est fondé sur le travail et la solidarité intergénérationnelle, deux principes fondamentaux de plus en plus dévoyés. (…) Il faut aboutir à l’allocation sociale unique. Cela simplifiera la vie des bénéficiaires, permettra de lutter contre le non-recours et de réduire les frais de gestion. Cela doit aller de pair avec un rétablissement des allocations familiales pour les familles qui travaillent, et qui ont été pénalisées par la mise sous condition de ressources de ces allocations, coup de rabot que l’on doit à la Présidence de François Hollande. Telle est notre priorité pour la France : mieux valoriser ceux qui travaillent afin d’assurer la pérennité de notre protection sociale. Il y va de notre cohésion et de l’avenir de notre nation. Notre boussole a toujours été et restera la France. ».

    Pour les écologistes, Benjamin Lucas a fustigé ce PLFSS supposé austéritaire : « Mes chers collègues, nous vivons ici, et, à travers nous, tous les citoyens de ce pays, une expérience de Milgram à grande échelle. C’est notre soumission à la stabilité que vous éprouvez. J’interroge ceux de mes amis et camarades qui sont sincèrement tiraillés entre le rejet de votre politique et la peur de l’instabilité : jusqu’où irons-nous ? Pouvons-nous tout accepter au nom de la stabilité ? Pouvons-nous accepter en son nom une cure d’austérité qui affaiblira les services publics et les mécanismes de solidarité ? Vous prétendez réduire les déficits publics que vous avez creusés en baissant la dépense publique, ce qui affaiblira la puissance publique. (…) Les membres du gouvernement présents au banc cet après-midi en sont une illustration. Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, que ce gouvernement compte en son sein deux anciens premiers ministres qui font partie des personnalités politiques les plus détestées du pays ? Pouvons-nous accepter, au nom de la stabilité, les provocations récurrentes d’un ministre de l’intérieur en roue libre, qui va jusqu’à remettre en cause les programmes d’histoire à l’école pour servir son discours aux relents colonialistes et ses obsessions néoconservatrices ? ».

    Comme Marianne Maximi, l'orateur écologiste a fait du hors-piste en évoquant le thème de l'immigration (alors que la motion de censure est pour le PLFSS) : « Jusqu’à quel point vous compromettrez-vous moralement avec le lepénisme ? Ouvrir comme vous le faites un débat sur l’identité nationale est dangereux, non seulement parce qu’il pourrait faire se déchaîner les passions tristes et rances, mais aussi parce qu’il replierait notre pays sur lui-même, le rendant frileux, fébrile, lui faisant perdre la confiance qu’il place en son modèle républicain et l’amour qu’il se porte à lui-même, indispensable pour s’accepter tel qu’il est et grandir. Regarderons-nous notre nombril, obsédés par des querelles identitaires, pendant que nous attendent des défis mondiaux, géopolitiques, existentiels qui nous obligent à voir large, à penser haut ? ».


    Pour s'amuser de la lassitude d'une quatrième mention de censure déposée par les insoumis en huit jours, le député ciottiste Olivier Fayssat a tenté un peu d'humour : « Nous avons désormais nos petites habitudes dans ce rendez-vous devenu récurrent et, pour vous épargner toute lassitude, le groupe UDR [ciottiste] prend soin d’alterner les orateurs, tantôt notre excellent collègue Maxime Michelet, tantôt moi-même. Si vous avez une préférence, je vous remercie par avance de ne pas en faire état, surtout si ce n’est pas à mon avantage. Si le groupe la France insoumise maintient ce rythme effréné des dépôts de motions de censure, la fréquence de nos rencontres pourrait nous conduire naturellement à nous appeler par nos prénoms. Cela étant, l’orateur change, mais le message reste similaire. La troisième partie du PLFSS ne nous convient pas plus que les deux premières, toutefois, nous poursuivrons en direction de la stabilité et nous ne censurerons pas. Annoncer un plan en trois parties en brisant si tôt le suspense est un exercice périlleux. Il m’oblige à une certaine concision car il serait redondant de s’étendre une fois de plus sur certaines de nos lignes rouges qui n’ont pas été franchies. (…) Notre intérêt à tous est que la sécurité sociale protège tous les Français et qu’elle ne fasse pas peser un poids insupportable sur la croissance et l’emploi, seules manières de garantir aux générations futures la même protection contre les risques de la vie. Certains de nos adversaires ne vous ont pas ménagé et je ne m’associe en aucun cas aux incorrections et autres inélégances dont ils se sont rendus coupables. J’espère que vous aurez apprécié cette parenthèse de douceur, sans brutalité ni agressivité. Je suis certain néanmoins que votre sagesse n’y verra pas des acquis que nous n’entendons pas vous concéder. ».

    À la fin du débat parlementaire sur cette énième motion de censure des insoumis, le Premier Ministre François Bayrou a pris la parole avant la mise au vote : « Nous voilà, peut-être, au terme de ce marathon budgétaire. Si le Sénat approuve le projet de loi de financement de la sécurité sociale une fois que cette motion aura été repoussée, la France aura alors ses budgets, celui de l’action publique et celui de la sécurité sociale. Ce dernier est lourd de conséquences pour le pays. Il est bon de rappeler que la partie dépenses du PLFSS s’élève à 666,4 milliards d’euros ! Un tel budget garantit à l’ensemble de nos concitoyens la protection sociale à laquelle ils ont droit et qui est, beaucoup l’ont dit, le pilier central du pacte républicain, hérité du Conseil national de la Résistance. ».

    Et il a décrit sa méthode : « Ce texte a été évidemment difficile à mettre au monde. Il est le fruit d’un dialogue, d’un compromis, le mot a été employé plusieurs fois à cette tribune. J’atteste que ce dialogue a été mené de bonne foi. Bonne foi de la part du gouvernement, de la part des groupes qui y participent ou le soutiennent, mais également de la part de plusieurs sensibilités qui, ne participant pas au gouvernement et ne s’y sentant pas représentées, ont accepté de dialoguer pour pour qu’un texte amélioré permette à l’Assemblée de se prononcer sans arrière-pensées à son sujet. ».

     

     
     


    Le résultat de cette motion de censure a été proclamé en fin d'après-midi (scrutin n°791). 121 députés seulement ont voté pour elle, soit moins de 21% des députés, répartis ainsi : 71 insoumis (sur 71), 34 écologistes (sur 38), 15 communistes (sur 17) et 1 socialiste (sur 66), le même que pour la précédente motion de censure. C'est un peu plus que la précédente motion de censure qui avait reçu seulement 115 votants.

    Si la page budgétaire de 2025 se tourne pour François Bayrou, il lui reste encore tous les autres sommets de l'Himalaya à gravir...



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     
     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250212-budget.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/mission-accomplie-les-budgets-2025-259277

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/12/article-sr-20250212-budget.html



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  • LR : Bruno Retailleau lance l'offensive !

    « La politique de la majorité nationale, avec trois priorités, vous les retiendrez facilement. La première, rétablir l'ordre. La deuxième, rétablir l'ordre. La troisième, rétablir l'ordre. Parce que je crois à l'ordre, l'ordre comme condition de la liberté. Quand il n'y a pas d'ordre, c'est la liberté d'abord qui est menacée. Je crois à l'ordre comme la condition de l'égalité. La loi du plus fort s'exerce contre le plus faible. Je crois à l'ordre comme la condition de la fraternité, comme une possibilité de la concorde civile. » (Bruno Retailleau, le 23 septembre 2024, Place Beauvau).




     

     
     


    S'il y a bien eu une révélation politique depuis le début de la XVIIe législature, celle qui a suivi la dissolution de l'Assemblée, c'est bien Bruno Retailleau, nommé Ministre de l'Intérieur le 23 septembre 2024 dans le gouvernement Barnier et confirmé le 23 décembre 2024 par François Bayrou comme Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur.

    Considéré comme un représentant de l'aile droite de son parti Les Républicains, avec son petit air anachronique de vieux conservateur, l'ancien président du puissant groupe LR au Sénat s'est distingué des autres nouveaux ministres par sa personnalité et son dynamisme. Sans doute le seul nom connu des Français parmi les ministres qui ont siégé aux côtés de Michel Barnier, il a rejoint les poids lourds de la politique dans le gouvernement Bayrou aux côtés d'anciens Premiers Ministres.

    La classe politico-médiatique a certainement sous-estimé les possibilités de Bruno Retailleau, qui a fait ses débuts auprès du seigneur de la Vendée, Philippe de Villiers. Pourtant, François Fillon, devenu le candidat incontournable de LR à l'élection présidentielle de 2017, donné même le favori des sondages avant "son affaire", avait largement laissé entendre qu'il nommerait à Matignon ce sénateur, clair dans des positions clivantes mais courtois dans ses relations.

    Il avait surpris certains Français lorsqu'il s'était présenté contre Éric Ciotti à la présidence de LR en décembre 2022 (et contre Aurélien Pradié). À l'époque, personne n'imaginait qu'Éric Ciotti allait trahir son parti pour se vendre au RN, mais les grands élus avaient soutenu Bruno Retailleau qui rassurait et était capable d'unité. Éric Ciotti, très apprécié des militants LR, a finalement été élu, ce qui a mis LR dans la mouise après la dissolution.

    Au contraire de Laurent Wauquiez, pourtant revenu à l'Assemblée en prenant même la présidence du groupe LR, Bruno Retailleau a accepté de prendre ses responsabilités et de devenir ministre même si c'était dans un contexte politique très difficile (sans majorité absolue). Il a fait preuve de courage pendant que l'ancien président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes a préféré se planquer dans le confortable rôle d'observateur.





    Les premières déclarations de Bruno Retailleau lors de son installation au Ministère de l'Intérieur, en répétant trois fois "ordre", semblaient des incantations au dieu sécuritaire et m'ont fait évidemment penser à Louis de Funès, dans l'excellent film "La Zizanie" de Claude Zidi (sorti le 16 mars 1978), maire et patron en confrontation avec Annie Girardot, sa femme maltraitée, lorsqu'il évoque son programme : « Mon programme, trois points : premièrement, le plein emploi ; deuxièmement, le plein emploi ; et troisièmement, le plein emploi ! ».





    Ses débuts Place Beauvau ont été chaotiques, avec des déclarations intempestives (comme vouloir renoncer à l'État de droit, le dire est une profonde erreur quand on est membre d'un gouvernement), mais à la longue, il était à peu près le seul ministre du gouvernement Barnier à être visible, lisible, audible, à remuer ciel et terre pour renforcer la sécurité des citoyens. Le contraste avec son collègue de la Justice, Didier Migaud, était frappant, moins depuis que Gérald Darmanin s'est installé Place Vendôme. Les deux hommes semblent désormais entrer dans une saine émulation, dans une saine concurrence à celui qui en fera le plus.
     

     
     


    Pour François Bayrou, très occupé jusqu'à maintenant sur les questions budgétaires, il laisse ses deux ministres s'occuper du régalien. Parfois, François Bayrou remet le débat en route, comme le vendredi 7 février 2025 sur RMC en proposant imprudemment d'ouvrir un large débat public sur ce que signifie être Français, qui n'est d'ailleurs pas sans faire penser à un autre débat ouvert tout aussi imprudemment en 2009 par un ancien grand rival, Nicolas Sarkozy, sur l'identité nationale.

    Depuis près de cinq mois, son activisme lui a plutôt réussi : il semble de plus en plus apprécié par les sondés dans les enquêtes d'opinion, et on pense désormais à lui comme possible candidat LR à l'élection présidentielle.
     

     
     


    Présent sur de nombreux fronts, dans les médias et sur le terrain, à l'Assemblée et au Sénat également, Bruno Retailleau était l'invité ce mercredi 12 février 2025 dans la matinale de France Inter où il a refusé d'exprimer ses intentions pour le prochain congrès de LR, un congrès de la refondation. Laurent Wauquiez, inquiet de la tournure des événements, avait envoyé il y a quelques jours une première salve d'avertissements contre son ancien ami pour rappeler un deal qui n'a pourtant jamais eu lieu : à moi le parti, à toi le gouvernement !

    C'est à peine une ou deux heures après son interview sur France Inter qu'a été rendue publique la lettre que Bruno Retailleau a envoyée à tous les adhérents de LR : « J'ai décidé de me porter candidat à la présidence des Républicains. (…) Je veux faire pour mon parti ce que je fais à la tête de mon ministère : parler vrai et agir vite. ». Au moins, cela a le mérite d'être clair.

    "L'entourage" de Laurent Wauquiez, également candidat à la présidence de LR (qu'il avait quittée en 2019), a répliqué immédiatement à l'AFP en affirmant que le Ministre de l'Intérieur « prend la lourde responsabilité d'ouvrir une guerre des chefs ». Comme si la présidence de LR était une chasse gardée !
     

     
     


    Ce qui est surprenant, c'est que Laurent Wauquiez croit qu'il se place au même niveau que Bruno Retailleau dans une éventuelle course présidentielle. Et pourtant, il n'y a pas photo ! Laurent Wauquiez n'est pas apprécié des Français, et aucun frémissement n'a jamais eu lieu depuis toujours à son avantage, même il y a quinze ans. Parmi les handicaps qu'on lui colle à la peau, il y a celui de l'insincérité qui contraste réellement avec la sincérité de Bruno Retailleau qui n'a jamais eu d'arrière-pensée car il a toujours dit ce qu'il pensait et depuis cinq mois, il tente de faire ce qu'il disait (ce qui est beaucoup moins facile). Bruno Retailleau, au pire, on critiquera son impuissance, mais certainement pas son insincérité.

    On ne s'étonnera pas que beaucoup d'anciens dirigeants de LR vont soutenir Bruno Retailleau, et parmi les premiers, un ancien président de l'UMP, Jean-François Copé, replié dans "sa" ville de Meaux, qui voit en Bruno Retailleau le candidat idéal non seulement à la présidence de LR mais aussi à la Présidence de la République. Son avantage, c'est qu'il capte un électorat tenté par le RN. Remettre Laurent Wauquiez à la tête de LR serait d'ailleurs le meilleur moyen de transformer ce grand parti d'élus (encore) en une secte crépusculaire. Si ce dernier ne veut pas de guerre des chefs, il y a une solution très simple, il lui suffit de s'effacer derrière Bruno Retailleau.
     

     
     


    De toute façon, il y a des trains à ne pas rater. Aujourd'hui, il y a un moment Retailleau, et le principal concerné en est bien conscient. Pour François Bayrou, cela lui permet de renforcer la solidarité gouvernementale. L'objectif du Premier Ministre, lorsqu'il a constitué son gouvernement, c'était d'impliquer tous les chefs de parti pour éviter le désordre entre les partis gouvernementaux qui avait pourri l'action du gouvernement Barnier. Et puis, il faut bien le dire, Bruno Retailleau, c'est le seul dirigeant de LR qui reste encore audible par les Français. Les autres ont fait leur temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'analyse de Bruno Retailleau après les élections de 2024.
    Le candidat de l'unité ?
    Bruno Retailleau.
    Jean Tiberi.
    Édouard Philippe.
    Nicolas Sarkozy.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
    Yvon Bourges.
    Christian Poncelet.
    René Capitant.
    Patrick Devedjian.

     


     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250212-retailleau.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/lr-bruno-retailleau-lance-l-259265

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/12/article-sr-20250212-retailleau.html



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