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  • Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle

    « Je dis aux Français qui nous regardent ou qui nous écoutent que la censure aurait de lourdes conséquences. (…) Chers collègues du nouveau front populaire et du Rassemblement national, si vous votez la censure, vous aurez fait entre vous un trait d’union qui s’appelle le renoncement national. Vous êtes le renoncement national ! Pour nous, les députés démocrates, lorsque l’essentiel est en jeu, peu importe les manœuvres politiciennes, peu importe les marchés financiers : seul compte l’avenir du pays. » (Philippe Vigier, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    On l'oublie un peu trop vite car les médias se penchent surtout sur les personnes et le "jeu", qui revient un peu trop souvent, de qui sera Premier Ministre, quel sera le nouveau gouvernement. Mais à la différence du 5 octobre 1962, la motion de censure qui a été adoptée le mercredi 4 décembre 2024 par la collusion de l'extrême droite et de l'extrême gauche n'a pas eu seulement pour effet de renverser le gouvernement : c'est la première fois dans l'histoire politique de la France que cette motion de censure faisait suite à l'application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, ce qui signifie aussi le rejet du texte associé, qui, ici, était le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et, par voie aussi de conséquence, en l'absence de gouvernement, le projet de loi de finances pour 2025. Or, le rejet de ces textes budgétaires est une catastrophe économique et sociale pour les Français.

    Ce qui est rigoureusement stupide, c'est que, aux yeux du RN comme de cette gauche irresponsable et cynique, la loi de finances pour 2024, adoptée l'an dernier sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était beaucoup plus antisociale etc. et pourtant, avec la censure, c'est bien ce budget 2024 qui sera reconduit automatiquement pour l'année 2025 (si la loi spéciale est adoptée avant le 19 décembre 2024). C'est cela qui est absolument grotesque et paradoxal et montre que le RN ainsi que la nouvelle farce populaire (NFP) ne se soucient pas du tout du bien-être des Français, car, je le répète, beaucoup de mesures en faveur des Français étaient consignées dans les projets de lois de finances rejetés.

    Ce rappel préventif, avant le vote de la motion de censure, par certains députés et certains ministres, n'aura pas suffi à faire renoncer à ce chaos voulu par les extrémismes auquel le parti socialiste a accepté en toute conscience (et inconscience de leur rôle de parti gouvernemental) de s'associer.

    D'ailleurs, les premiers concernés par cet impact économique, ce sont les agriculteurs. Ceux-ci ont muré les permanences de certains députés, notamment François Hollande, qui avaient voté ou allaient voter la censure. Bien que fréquemment protestataires, les agriculteurs ont bien compris que l'instabilité gouvernementale ne les aidait pas. Ils ont compris que les mesures dûment négociées avec le gouvernement ne se retrouveraient pas rapidement dans leur concrétisation avec cette motion de censure et que la France serait en situation politiquement si faible qu'elle ne pourrait pas efficacement s'opposer à l'accord commercial entre l'Union Européenne et le Mercosur. Protestataires, mais favorables au maintien du gouvernement, quel qu'il soit ! Car sans gouvernement, aucune avancée possible. Plus généralement, les Français ne sont pas dupes des postures politiciennes motivées par les seuls intérêts partisans, sans s'occuper de la réalité quotidienne des Français.

    Trois interventions en séance publique à l'Assemblée Nationale, entre autres, ont bien énuméré les catastrophes à venir à la suite de l'adoption de la motion de censure. Elles proviennent de la séance du mercredi 4 décembre 2024, l'une est une "question" d'un député du MoDem, la seconde la réponse d'un ministre à cette "question", et enfin, la troisième est l'intervention remarquée d'un chef de groupe au cours de l'examen des motions de censure. Rappelons que cette séance publique est la dernière de l'Assemblée Nationale puisque les travaux en séances publiques dans les deux chambres du Parlement sont interrompus tant qu'un nouveau gouvernement n'est pas nommé. En revanche, les missions et commissions parlementaires continuent leurs travaux.


    Le premier intervenant que je veux évoquer est Philippe Vigier (66 ans), député MoDem, ancien Ministre délégué chargé des Outre-mer du 20 juillet 2023 au 11 janvier 2024 dans le gouvernement d'Élisabeth Borne. Biologiste et docteur en pharmacie, toujours bien réélu député d'Eure-et-Loir (la quatrième circonscription, celle de Châteaudun) depuis juin 2007, il a été président du groupe UDI d'avril 2014 à juin 2017 puis du groupe Libertés et Territoires d'octobre 2018 à septembre 2020, et il a tenté de conquérir la présidence du conseil régional du Centre-Val de Loire en décembre 2015, sans succès à cause d'une triangulaire avec la liste FN.

     
     


    Son intervention dans la petite séance de questions au gouvernement, l'ultime pour Michel Barnier, n'était pas vraiment une question (comme souvent quand les députés font de la politique). Elle avait surtout pour but de lister les conséquences désastreuses d'une censure à court terme sur la vie concrète des Français, et de montrer que la collusion des irresponsables et des cyniques ne se préoccupait pas de leur vie quotidienne.

    Ainsi, Philippe Vigier y est allé clairement : « Voter la censure, c’est renoncer à 7 milliards d’euros supplémentaires pour les hôpitaux et à un meilleur accès aux soins partout. Voter la censure, c’est renoncer à 2 milliards d’euros pour les EHPAD et à la revalorisation des soignants. Voter la censure, c’est renoncer à de nouveaux moyens de lutte contre la fraude sociale. Vous prétendez y être attachés, mais c’est faux. Voter la censure, c’est renoncer à l’accès direct et sans ordonnance au dispositif Mon soutien psy alors que la santé mentale est une priorité. Voter la censure, c’est renoncer à la réforme de la taxe soda, le meilleur outil de prévention du diabète et des maladies cardiovasculaires chez les jeunes. Voter la censure, c’est renoncer au cumul emploi-retraite pour les médecins dont on a tant besoin dans les déserts médicaux. Voter la censure, c’est renoncer à la revalorisation des petites retraites agricoles. Voter la censure, c’est renoncer au déploiement des soins palliatifs dans les départements où il n’y en a pas. ». Évidemment, les députés populistes ont réagi avec leur mauvaise humeur à cette intervention certes polémique mais qui dit pourtant la vérité.

     

     
     


    Pour la forme, il a formulé quand même sa question au Premier Ministre : « Monsieur le Premier Ministre, comment convaincre nos collègues de renoncer à l’irresponsabilité tant qu’il est encore temps ? ».

    Refusant d'intervenir à ce moment des questions, préférant se réserver pour l'examen des motions de censure, Michel Barnier a laissé son Ministre du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin répondre, avec la même tonalité : « Merci pour cette intervention qui liste nombre d’éléments dont nos concitoyens seraient privés si la censure était adoptée dans quelques heures. ».

    Et d'embrayer sur les agriculteurs, puis d'autres catégories de travailleurs actifs : « Qui a dit : "Pour que le monde agricole obtienne les promesses qui lui ont été faites, il a besoin d’un budget" ? Non, c’est le président de la FNSEA ! Qui a dit : "Ce qu’on attend du politique est qu’il réduise l’incertitude. Avec la censure, c’est le noir complet" ? Un représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Qui a alerté : "Attention ! 40 000 emplois vont être supprimés avant la fin de l’année" ? Le président de la Fédération française du bâtiment. ».

     
     


    Par ailleurs, en raison de l'inflation et de l'effet des seuils, le projet de loi de finances pour 2025 proposait de relever ceux de 2024 en les indexant à l'inflation. Avec le rejet du texte, ce sont les seuils de 2024 qui sont gardés : « Je vous épargne, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, le langage fleuri tenu ce matin par un de vos électeurs qui serait pénalisé par votre action. Les impôts augmenteraient si la censure était votée. Cessez de dire que c’est un mensonge ! En cas de censure, vous le savez, 400 000 Français deviendront imposables et 18 millions verront leurs impôts augmenter. Mesdames et messieurs les députés, réfléchissez bien ! Si vous ne le faites pas pour le gouvernement, faites-le pour ceux dont je viens de parler, faites-le pour les représentants des PME, faites-le pour les agriculteurs, faites-le pour les Français ! ». D'après les estimations, ce seraient 3 milliards d'euros supplémentaires qui s'imposeraient aux Français sur leurs revenus.

    Un peu plus tard dans l'après-midi de ce mercredi 4 décembre 2024, pour expliquer pourquoi il ne voterait pas la censure du gouvernement Barnier, le président du groupe LR à l'Assemblée Laurent Wauquiez a rappelé, à sa manière, les conséquences économiques et sociales désastreuses que provoquerait la censure : « Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas ! Vous avez beau éructer, nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience et ce choix, il faudra le défendre face aux Français. Il y a une chose qu’on ne peut pas accepter ici. On ne peut pas accepter que vous expliquiez, comme vous l’avez fait ces derniers jours, que la motion de censure ce n’est pas grave. On ne peut pas expliquer avec la légèreté qui est la vôtre que la censure n’aura pas de conséquences. On ne peut pas mentir aux Français, en disant qu’il n’y aura pas de conséquences. Il y aura des conséquences, qui seront payées par les Français et ceux qui se livrent au jeu minable d’aujourd’hui devront leur rendre des comptes. ».
     

     
     


    Lui aussi avait sa liste des conséquences néfastes, en commençant par les contribuables les plus précaires : « La censure, ce que vous appelez "bullshit", ce sera l’augmentation de l’impôt sur le revenu pour 18 millions de Français. Ils paieront ce prétendu "bullshit" que les députés du RN balaient d’un revers de main ! Ce sont 400 000 travailleurs qui deviendront imposables, mais qui sont le cadet des soucis des députés du groupe Rassemblement national ! Voilà la manière dont ils défendent la France qui travaille ! Une fois encore, madame Le Pen, ce sont les Français qui paieront les conséquences de votre légèreté et de votre irresponsabilité ! ».

    Et de poursuivre : « La censure, c’est la fin des aides d’urgence aux agriculteurs, la fin de tout ce que vous avez cherché à construire ces dernières semaines, madame Genevard, c’est la fin des allègements de charges, la fin des exonérations de taxes et la fin de la revalorisation de leurs retraites, eux qui travaillent dur mais touchent des pensions misérables. Il est facile d’aller sur les ronds-points pour prétendre flatter les agriculteurs, puis de les abandonner une fois dans l’hémicycle ! La censure, c’est la fin du plan d’urgence pour sauver les maisons de retraite de la faillite. La censure, c’est l’abandon du cumul emploi-retraite, qui permettrait de lutter contre la désertification médicale. La censure, et je vois bien que cela vous gêne, c’est renoncer à l’augmentation des effectifs de gendarmes, de policiers et de magistrats, si indispensable quand la sécurité doit être notre priorité. La censure, c’est porter un coup d’arrêt à la loi de programmation militaire, alors même que l’Europe est menacée à ses frontières. La censure, c’est la dette qui va continuer à filer, alors même que la France, avec le désordre que vous avez conjointement créé, est désormais moins crédible que la Grèce sur les marchés financiers. On lui impose 1 point de taux d’intérêt supplémentaire et ce sont les Français qui paieront l’addition. C’est 30 milliards d’euros de dette supplémentaire et d’intérêts dans les années qui viennent, c’est trois fois le budget de la justice ! ».

    Sa liste s'allongeait : « La censure, visiblement ça vous gêne encore, c’est l’aggravation de la crise immobilière. C’est la fin du prêt à taux zéro, au moment même où le marché de l’immobilier s’effondre, ce qui met en péril nos artisans et nos entreprises. La censure, c’est l’incertitude économique pour tous ceux qui prennent des risques. C’est l’incertitude pour les entreprises, c’est l’incertitude pour les PME, c’est l’incertitude pour les commerçants, c’est l’incertitude pour les artisans, c’est l’incertitude pour les professions libérales. Vous n’en avez même pas dit un mot, madame Le Pen ! Cette incertitude, c’est celle des Français qui vont hésiter à consommer demain. Je prends d’ailleurs date aujourd’hui : par votre irresponsabilité, vous enfoncerez la France dans une crise économique et financière et vous en porterez la responsabilité aux yeux des Français, qui se souviendront de ceux qui ont allumé la mèche. Un pays a besoin de stabilité. Il a besoin de stabilité, il a besoin d’un budget, il a besoin d’un gouvernement. ».

    L'intervention de Laurent Wauquiez était d'une certaine hauteur de vue, car il a voulu ramener l'enjeu sur l'intérêt général de la France. Il s'est notamment beaucoup inquiété de la perte de stabilité institutionnelle avec la censure : « Rien n’est pire, pour une économie, que l’incertitude. La censure, et c’est sans doute le plus grave, c’est faire perdre à notre pays son dernier atout. La France pouvait au moins compter sur la stabilité de ses institutions, mais vous vous délectez d’une plongée dans l’instabilité. Voilà l’image que vous donnez. La stabilité de nos institutions, c’est ce qui nous a toujours protégés, si bien que même dans les crises les plus graves, notre pays demeurait gouvernable. Alors que nous dansons au-dessus d’un volcan, vous nous proposez de faire un pas de plus en direction de l’instabilité institutionnelle qui a accéléré l’agonie de la IVe République. Vous vous apprêtez à ouvrir la boîte de Pandore de l’instabilité gouvernementale. Vous réveillez les vieux démons qui viennent de l’extrême gauche de la politique française, ceux de l’impuissance, de l’instabilité ministérielle et de l’incertitude économique. Si encore vous aviez des solutions ! Vous proposez le blocage sans solutions. ».

    Pris au vif par les piques de Marine Le Pen, Laurent Wauquiez n'a pas manqué de condamner la posture de celle-ci : « Que vous le vouliez ou non, il ne peut pas y avoir de nouvelles élections législatives avant l’été : c’est ça, la vérité. Pendant que se jouait cette comédie d’une insoutenable légèreté, qu’avons-nous entendu ? "Vous ne nous avez pas traités avec suffisamment d’égards", voilà ce que nous avons entendu. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que vous vous apprêtez à jouer avec le destin de la France, que vous vous apprêtez à faire tomber un gouvernement parce qu’on ne vous aurait pas traités avec suffisamment d’égards ? Est-ce vraiment cela, être à la hauteur des enjeux ? Est-ce bien l’image que vous voulez offrir ? ».

    Et de tacler tous les démagogues : « Je n’oublie rien de la responsabilité de la France insoumise. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui veulent autoriser l’apologie du terrorisme. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui entretiennent une complaisance détestable avec l’antisémitisme et je n’oublie rien du danger de ceux qui ont trahi Jaurès et Clemenceau. ».

    La responsabilité du RN a été fermement pointée du doigt (même si, à mon sens, Laurent Wauquiez a oublié la responsabilité du PS dans cette affaire) : « Toutefois, la réalité c’est que sans vos voix, madame Le Pen, la France insoumise ne pourrait rien. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les policiers d’assassins. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les terroristes de résistants. Honnêtement, la dignité devrait vous imposer un autre comportement. Quand on lit le texte de la motion de censure, on comprend toute l’hypocrisie de son soutien : il dénonce les plus viles obsessions de l’extrême droite et vous le voteriez ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas revenir sur l’aide médicale d’État ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas de loi plus ferme au sujet de l’immigration ? Voilà, madame Le Pen, ce que vous allez faire, voilà à quelles incohérences en sont réduits, dans cet hémicycle, les semeurs de chaos. ».

     

     
     


    Il faut vraiment noter que toute l'intervention de Laurent Wauquiez relevait d'une certaine déception à l'égard du RN, comme s'il avait pu compter sur ce parti extrémiste pour servir l'intérêt national (à l'instar d'un autre qui s'est complètement fourvoyé, Éric Ciotti) : « Dans un parcours politique, il y a toujours un moment de vérité. Il y a des moments où on ne peut pas duper, esquiver ou feindre. Des moments où il faut choisir entre un intérêt personnel, madame Le Pen, et l’intérêt du pays. Des moments où il faut choisir entre son intérêt partisan et le sens de l’État. Madame Le Pen, je n’ai jamais été de ceux qui vous diabolisaient. Je n’ai jamais été de ceux qui vous donnaient des leçons de morale. Je vous le dis donc avec d’autant plus de force aujourd’hui : les Français jugeront sévèrement le choix que vous vous apprêtez à faire. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendent redresser le pays et choisissent le désordre. Les Français jugeront sévèrement ceux qui voulaient se montrer responsables, mais font finalement le choix de l’irresponsabilité. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendaient incarner l’ordre et choisissent aujourd’hui le chaos. Emmanuel Macron porte peut-être seul la responsabilité de la dissolution mais vous porterez, avec la France insoumise, la responsabilité de la censure qui plongera le pays dans l’instabilité. Je vous le dis donc une dernière fois : ressaisissez-vous ! Ressaisissez-vous, il en est encore temps ! Ressaisissez-vous et changez votre choix ! Ressaisissez-vous, parce que sinon, nous nous souviendrons longtemps de ce jour désolant. Nous nous souviendrons longtemps, madame Le Pen, qu’une alliance des contraires, portée par le cynisme, a plongé notre pays dans l’instabilité. Ressaisissez-vous, parce qu’il est toujours temps de faire le choix de la France ! ».

    Au final, malgré l'avertissement toutes ces conséquences connues par les censeurs irresponsables et cyniques, sourds à l'intérêt populaire et aux arguments rationnels de leurs collègues, la motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier a été adoptée par une majorité de l'Assemblée, entraînant le rejet des textes budgétaires, la démission du gouvernement, une nouvelle période d'incertitude à la fois institutionnelle, politique, sociale, économique et financière. Les Français, dans leur bon sens, seront très sévères envers ces oiseaux de malheur qui ne cherchent qu'à détruire la France, diviser le peuple et semer la haine et la désolation dans tout le pays.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier.
    Laurent Wauquiez.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-wauquiez.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/09/article-sr-20241204-wauquiez.html



     

  • Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi

    « Israël n’est pas un très grand pays, mais c’est un pays qui regarde beaucoup la France et les Israéliens se demandent aujourd’hui, au plus profond d’eux-mêmes : où est la France ? Est-ce que la France sait encore où elle habite par rapport à nous ? Faites en sorte, monsieur le ministre, que les Israéliens retrouvent l’adresse de la France ! » (Roger Karoutchi, le 9 octobre 2024 au Sénat).


     

     
     


    Je soutiens toujours Emmanuel Macron, mais j'avoue que j'ai été très choqué par sa déclaration du 5 octobre 2024 sur Israël (et je ne suis heureusement pas le seul). Très choqué et même très en colère, car on n'abandonne pas un pays ami lorsqu'il est attaqué de toutes parts par des centaines de missiles.

    Et le fait que ce sont des députés insoumis qui ont applaudi les propos présidentiels (pour une fois) me donne la chair de poule ! Quand Mathilde Panot a fustigé le Premier Ministre israélien Benyamin Netanyahou qui, dans une allocution télévisée dans la soirée, a mal pris les choses (de toute façon, avec ou sans la France, on continue, a-t-il dit en substance), et qu'elle a réclamé un peu de respect pour notre chef de l'État, j'ai même cru rêver alors qu'elle avait déposé une motion de destitution contre le Président de la République, se moquant complètement du respect de l'institution présidentielle !

    On peut avoir l'impression qu'à l'Élysée, deux tendances s'affrontent en permanence, ce qui peut laisser à l'extérieur un arrière-goût de confusion. C'est sans doute le cas pour la position de la France vis-à-vis d'Israël. Depuis des dizaines d'années, le Quai d'Orsay a souvent prôné une politique pro-arabe.

    D'un côté, Emmanuel Macron a régulièrement réaffirmé le soutien indéfectible de la France à la sécurité d'Israël. Lors de l'hommage rendu dans la cour d'honneur des Invalides le 7 février 2024 aux 42 victimes françaises des massacres antisémites du 7 octobre 2023, le Président de la République a été très clair dans son discours : « Leurs destins ne sont pas les seuls que le déchirement du Moyen-Orient continue de broyer dans cette tornade de souffrance qu'est la guerre. Et toutes les vies se valent, inestimables aux yeux de la France. Et les vies que nous honorons aujourd'hui sont tombées, victimes d'un terrorisme que nous combattons sous toutes ses formes et qui nous a frappés en plein cœur. La France, recueillant ses enfants, parmi d'autres de ses enfants, dont elle n'oublie aucun, refusant les séparations, comme les divisions, refusant l'esprit de mort, de chaos et de clivages que nourrissent précisément les terroristes. Jamais en nous, nous ne laisserons prospérer l'esprit de revanche. (…) Ceux qui tuent par haine trouveront toujours face à eux ceux qui sont prêts à mourir par amour. Et toujours, ils verront s'élever contre eux notre pays qui, ce 7 octobre, a été touché dans sa chair. (…) Nous avons, dès lors, à habiter ce deuil, non pas comme une victoire de la mort mais comme une invitation à leur trouver une place dans nos vies. Et ils sont là, chacune et chacun, pour nous rappeler que nos vies, leurs vies, méritent sans relâche de nous battre contre les idées de haine, de ne rien céder à un antisémitisme rampant, désinhibé, ici comme là-bas. Car rien ne le justifie, rien. Car rien ne saurait justifier, ni excuser ce terrorisme, rien. Alors, nous nous tenons là, quatre mois après, devant ces visages et ces chaises vides, bouleversés de tristesse, aux côtés des familles de ceux qui ne sont plus, chargés d'affection aux côtés de ceux qui soignent leurs blessures et ne cédant rien pour ramener ceux qui sont encore là-bas. Sentiments mêlés que nous vivons ensemble, debout. ».

    De l'autre côté, Emmanuel Macron est capable, pour le moins, d'étonner voire de révolter les Israéliens quand, à quelques jours de la commémoration du 7 octobre, il a déclaré qu'il fallait ne plus livrer d'armes à Israël pour Gaza. L'argument apporté, c'est qu'on ne peut pas vouloir un cessez-le-feu et livrer des armes à la fois. Une phrase incompréhensible alors qu'Israël, tous les jours, est victime de centaines de tirs de roquettes de la part de ses trois ennemis, le Hamas depuis Gaza, le Hezbollah depuis le Sud-Liban et la République islamique d'Iran.

    Une telle affirmation, enregistrée le 1er octobre 2024 en ouverture du Sommet de la Francophonie, était peu pertinente et très maladroite, d'autant plus que la France ne livre pas d'armes à Israël (en revanche, elle en livre beaucoup au Qatar). Le principal pourvoyeur d'armes à Israël est les États-Unis, et bien après, l'Allemagne. Il ne faut pas oublier qu'avant la Guerre des Six Jours, c'était la France le principal fournisseur d'armes à Israël, mais le Général De Gaulle a décidé d'un embargo le 2 juin 1967 (la conférence de presse du 27 novembre 1967 a provoqué une vive polémique par l'évocation d'un « peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur ») car la France refusait l'occupation de territoires palestiniens.

    Parmi tous les réactions d'indignation ou d'incompréhension provenant de personnalités françaises à propos de la petite phrase d'Emmanuel Macron, la réaction de Roger Karoutchi m'a paru sans doute la plus emblématique.

     
     


    Agrégé d'histoire, Roger Karoutchi est un vieux routard de la politique française : à 73 ans, il est sénateur des Hauts-de-Seine depuis 1999 (il a remplacé Charles Pasqua élu député européen), sauf pendant ses fonctions gouvernementales, Secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement du 18 mai 2007 au 23 juin 2009, puis Représentant permanent de la France auprès de l'OCDE du 3 juillet 2009 au 24 août 2011.

    Apparatchik dans l'appareil gaulliste, UDR, RPR, UMP puis LR, Roger Karoutchi était un proche de
    Philippe Séguin, soutien de Jacques Chirac en 1995, de Jean-François Copé en 2012, puis de Nicolas Sarkozy en 2016 et de Laurent Wauquiez en 2017. Il a été élu conseiller régional d'Île-de-France de 1992 à 2015 (il s'est présenté à une primaire contre Valérie Pécresse pour prendre d'assaut le conseil régional en 2010) et député européen de 1997 à 1999 (il a succédé à Michel Debatisse décédé), par ailleurs élu municipal à Nanterre, Boulogne-Billancourt, puis Villeneuve-la-Garenne.

    Roger Karoutchi a profité de la séance des questions au gouvernement au Sénat, celle du mercredi 9 octobre 2024, pour exprimer son inquiétude face aux propos présidentiels. Évidemment, il ne s'agissait pas d'interroger directement le Président de la République. Les sénateurs ont maintenant un droit de réplique après la réponse du ministre, s'ils n'ont pas usé de leur temps de parole pour leur question. Roger Karoutchi a eu l'habileté de poser sa question en quelques secondes pour ensuite, en droit de réplique, pouvoir exprimer son opinion sur les propos présidentiels.


    La question du sénateur était simple mais sournoise : « Monsieur le ministre, il y a trois jours, l’Élysée a publié un communiqué réaffirmant l’amitié "indéfectible" de la France à l’égard d’Israël. Pourriez-vous nous décoder cette formule ? ».

    C'est Jean-Noël Barrot, nouveau Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, ancien député du MoDem des Hauts-de-Seine, qui lui a répondu, sans chercher à se faire le porte-parole de l'Élysée : « [Votre question] me permet de rappeler que la France se tient aux côtés d’Israël, pays auquel l’attachent des liens nombreux et anciens, pays dans lequel vivent 180 000 de nos compatriotes. La France est attachée de manière indéfectible à la sécurité d’Israël. Et ce ne sont pas que des mots, ce sont des actes. (…) Lorsque l’Iran prend pour cible Israël ou déclenche contre ce pays une attaque balistique d’ampleur, la France mobilise ses moyens militaires pour lui faire échec. Ce fut le cas en avril comme il y a encore quelques jours. ».

    Mais il a repris l'argument explicité plus haut : « Nous considérons aujourd’hui que la force seule ne peut suffire à garantir la sécurité d’Israël et des Israéliens et que le recours à la force doit désormais céder la place au dialogue et à la diplomatie. C’est pourquoi la France, comme la plupart des pays dans le monde, appelle aujourd’hui au cessez-le-feu, à ce que la force cède la place à la diplomatie et au dialogue, à Gaza comme au Liban. Et lorsque l’on appelle à un cessez-le-feu, on ne peut pas en même temps fournir des armes offensives aux belligérants, quels qu’ils soient. La position de la France est constante sur ce sujet. C’est une question de cohérence. ».
     

     
     


    Le ministre n'a rien apporté de nouveau mais là n'était pas l'essentiel, car l'essentiel, c'était dans la réplique, écrite avant cette réponse, de Roger Karoutchi, loin de vouloir blâmer le nouveau ministre : « Monsieur le ministre, être amis, c’est se dire des vérités, c’est dire comment la France voit l’avenir de Gaza ou du Liban, mais ce n’est sûrement pas dire à Israël, deux jours avant la commémoration du 7 octobre, que le pays ne doit plus recevoir d’armes, surtout quand la France ne lui en livre pas, mais continue à en livrer à certains pays comme le Qatar. ».

    Et d'ajouter : « Vous n’y êtes pour rien, monsieur le ministre, mais que dire quand on demande à Israël de ne pas réagir trop fortement, lorsque deux cents missiles balistiques iraniens sont envoyés contre son territoire, afin de ne pas provoquer d’embrasement régional ? Quel pays au monde accepterait de s’entendre dire "S’il vous plaît, ne réagissez pas !" après avoir reçu deux cents missiles ? Quel pays au monde accepterait cela ? La guerre au Liban est un crève-cœur, en particulier au regard des liens de la France avec ce pays. Mais en même temps, il faut rappeler, vous le faites, monsieur le ministre, ce qui n’est pas le cas de tout le monde…, que, depuis le 8 octobre de l’année dernière, le Hezbollah bombarde tous les jours les villes du nord d’Israël, et cela dans une indifférence quasi générale. C’est inacceptable ! Quel pays au monde accepterait que ses villes soient bombardées tous les jours et qu’on lui dise : "Surtout, ne réagissez pas". ».

    Il faut dire les choses franchement, Israël fait le
    sale boulot pour les autres, et en particulier pour la France qui a été une victime multiple des attentats terroristes du Hezbollah tant au Liban que sur le sol français et aussi victime du pogrom du 7 octobre 2023 en raison des dizaines de Français qui y ont été massacrés ou enlevés. La responsabilité de la France, c'est de limiter l'ardeur belliqueuse d'Israël pour rappeler que les civils n'ont pas à être des victimes collatérales de la guerre justifiée contre les organisations terroristes, qu'elles soient à Gaza ou au Liban. Mais la France ne doit pas donner de leçon à Israël qui, aujourd'hui, lutte courageusement pour sa survie.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    7 octobre 2023 : un an qu'Israël se bat pour sa survie.
    Laura Blajman-Kadar.
    7 octobre 2023 : l'hommage aux victimes françaises.
    Discours du Président Emmanuel Macron en hommage aux victimes du 7 octobre 2023 aux Invalides le 7 février 2024 (texte intégral et vidéo).
    L'avenir de la France se joue aussi à Gaza !
    La naissance de l’État d’Israël.
    David Ben Gourion.
    Eden Golan.
    Walid Daqqa.
    Gaza : quel est l'accord entre Israël et le Hamas ?
    Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
    Conflit israélo-palestinien : la France est-elle concernée ?
    Dominique de Villepin toujours pro-palestinien ?
    Emmanuel Macron participera-t-il à la grande marche contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023 ?
    Gaza, victime avant tout du Hamas ?
    Quel est le bilan de la visite d'Emmanuel Macron au Proche-Orient ?
    Proche-Orient : l'analyse crue de Jean-Louis Bourlanges.
    Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il en Israël ce mardi 24 octobre 2023 ?
    Hôpital à Gaza : la vérité aveuglée par la colère ?
    Hamas : tirs groupés contre les insoumis.
    Horreur en Israël : les points sur les i de Gérard Larcher et Emmanuel Macron.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 12 octobre 2023 (vidéo et texte intégral).
    Allocution du Président du Sénat Gérard Larcher le 11 octobre 2023 (texte intégral).
    Horreur totale en Israël ; émotion et clarification politique en France.
    Israël en guerre contre son agresseur terroriste, le Hamas.
    Les Accords d'Oslo.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241009-karoutchi.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/proche-orient-l-incomprehension-de-257161

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/10/article-sr-20241009-karoutchi.html


     

  • Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...

    « Les Français sont fatigués de la révolution permanente ; ils sont fatigués de la ZAD qui s’est reconstituée hier à l’Assemblée dès l’ouverture de la session ; ils sont fatigués des démagogues qui promettent la lune et sèment la ruine partout où ils sont au pouvoir. Votre programme, avec humilité et responsabilité, en est l’exact contraire. C’est une raison supplémentaire pour que nous le soutenions. » (Claude Malhuret, le 2 octobre 2024 au Sénat).



     

     
     


    ZAD, comprendre zone à délirer ! Voici une petite démonstration de près de dix minutes sur le mythe des élections volées. Comme depuis quelques années c'est la tradition, chaque intervention en séance publique du sénateur Claude Malhuret est un condensé d'humour et de lucidité sur la vie politique. À un moment pressenti par le nouveau Premier Ministre pour faire partie de son gouvernement (il était déjà membre du gouvernement entre 1986 et 1988), le président du groupe Les Indépendants, République et Territoires au Sénat (regroupant les sénateurs Horizons) n'a pas déçu ses collègues lorsqu'il a fallu participer au débat qui a suivi la déclaration de politique générale de Michel Barnier au Sénat le mercredi 2 octobre 2024. Il réagissait surtout aux propos tenus quelques minutes auparavant par son collègue Patrice Kanner, président du groupe socialiste, qui s'enferrait dans la légende urbaine d'une victoire de la nouvelle farce populaire (NFP) aux dernières élections législatives.

    Alors, le sénateur a commencé comme
    Martin Luther King (mais en négatif : ce n'est pas un rêve qu'il a fait) : « Mes chers collègues, en écoutant il y a quelques instants l’analyse de la situation politique par le président du groupe socialiste, j’ai brusquement fait une sorte de cauchemar éveillé. ». Et il a découvert un nouveau gouvernement : « Je me tenais ici, à cette tribune, et en face de moi, à la place où vous vous trouvez, monsieur le Premier Ministre, ce n’était pas vous : c’était Lucie Castets. À ses côtés se tenaient Sandrine Rousseau, ministre des finances et de la décroissance ; Sophia Chikirou, garde des sceaux ; Aymeric Caron, ministre de l’écologie et des insectes ; Sébastien Delogu, ministre de la mémoire et des anciens combattants ; Louis Boyard, ministre du développement durable du cannabis et Jean-Luc Mélenchon, ministre des affaires étrangères et de l’amitié avec la Russie, le Hezbollah et l’Alliance bolivarienne ! ».

    Retour à la réalité et à l'imposture du NFP : « Lorsque j’ai rouvert les yeux, je me suis aperçu que j’étais en train de tomber de mon siège. Les propos du président du groupe socialiste montrent que l’on ne peut aborder ce débat sans faire d’abord table rase de l’invraisemblable campagne qui est menée depuis des semaines par le nouveau front populaire pour convaincre les Français que l’élection leur a été volée, que votre gouvernement est illégitime et que vous êtes l’otage du Rassemblement national. Cette campagne va se poursuivre, plus virulente que jamais, comme le prouve le discours de fureur et de haine que
    Mme Panot a prononcé hier à l’Assemblée Nationale. Le soir des élections, le 7 juillet dernier, à vingt heures zéro une, à la télévision, tous les chefs de partis ont été priés de passer leur tour pour permettre à celui de LFI de prononcer cette phrase : "Nous sommes arrivés les premiers, nous devons former le gouvernement". L’échec huit jours plus tard du candidat du NFP à l’élection pour la Présidence de l’Assemblée Nationale a démontré de manière évidente que cette intox constitutionnelle était une imposture. Mais la vague médiatique et les ragots sociaux se sont transformés en tsunami et le mensonge s’est changé en vérité. Il faut donc le répéter : l’élection n’a été volée à personne ! Et si elle a été volée, c’est aux électeurs de gauche par les dirigeants de l’extrême gauche, qui ont joué une invraisemblable partie de poker menteur avec leurs partenaires. ».
     

     
     


    D'où la recherche laborieuse d'un Premier Ministre qui oscillait entre le vaudeville et la tragédie (je ne sais pas trop s'il a été le plus féroce contre Lucie Castets ou contre Ségolène Royal !) : « Pendant les quinze jours qui ont suivi le 7 juillet, le mot d’ordre fut : "Macron doit nommer immédiatement un Premier Ministre du NFP". Question des journalistes : "Qui est votre candidat ?". Réponse : "On ne sait pas, on n’arrive pas à se mettre d’accord". Après deux semaines de bras de fer et de crises de nerfs, une inconnue tombe enfin du ciel : pendant vingt-quatre heures, Huguette Bello devient le nouveau dalaï-lama, jusqu’à ce qu’on découvre qu’elle n’est pas woke, mais alors pas woke du tout : elle est anti-mariage pour tous et tout le tralala. Panique au NFP ; exit Huguette ! Quelqu’un propose alors Laurence Tubiana, organisatrice de la COP21. Horreur, on s’aperçoit que Macron l’a nommée à l’UNESCO. Une macroniste Première Ministre du NFP ? La "fisha" absolue… Exit Laurence ! Au bord du gouffre, alors qu’il n’allait plus rester que Ségolène Royal, on finit par débusquer dans les combles de la mairie de Paris une sémillante fonctionnaire jamais élue nulle part et coanimatrice de l’incroyable dette de 10 milliards d’euros de la capitale. Par miracle, cet Annapurna de la pensée politique, auprès de qui les Bertrand, Cazeneuve ou Barnier ne sont que des billes, accepte de faire bénéficier les Français de son inexpérience. Le NFP tient sa Première Ministre. Du moins, c’est ce que croient les socialistes, les écolos et les communistes. Ce qu’ils n’ont pas compris, et l’on s’étonne d’une telle naïveté, c’est que jamais Mélenchon n’a envisagé un Premier Ministre de gauche. Jamais ! Au moment même où le nom de Lucie Castets est prononcé, une fatwa vient la faucher en quelques mots : "Le programme, rien que le programme, mais tout le programme !". En bon français, cela veut dire que Mme Castets disposerait de 193 voix à l’Assemblée, et pas une de plus ! Exit donc Lucie… En un mot, si vous avez compris le NFP, c’est qu’on vous a mal expliqué ! ». Cette dernière phrase restera sans doute "culte" ! On est en plein dans un film comique avec le regretté Michel Blanc.

    Claude Malhuret a ainsi expliqué l'échec de
    Bernard Cazeneuve : « La gauche responsable, celle qui est largement représentée dans cet hémicycle, du moins c’est ce que je pensais jusqu’à il y a quelques minutes, fait une tentative désespérée en proposant le nom de Bernard Cazeneuve. Cette fois, Mélenchon n’a même pas besoin de lever le petit doigt, Faure le socialiste se charge lui-même du sale boulot en déclarant que nommer un Premier Ministre socialiste serait une "anomalie". Cazeneuve est des nôtres, il sera censuré comme les autres ! Exit Bernard ! Un jour, dans les manuels de sciences politiques, on expliquera dans un long chapitre comment, en 2024, la gauche s’est vendue pour un plat de lentilles à une secte gauchiste en pleine dérive islamiste et antisémite, dirigée par un ancien du lambertisme, que les communistes eux-mêmes qualifiaient il y a quelques années encore d’hitléro-trotskisme ! ».

    Il n'y a pas eu que la gauche islamo-gauchiste à avoir crié au vol des élections,
    l'extrême droite a hurlé pareil : « Quant à l’extrême droite, qui prétend elle aussi qu’on a volé l’élection à ses 11 millions d’électeurs, elle oublie de dire que 20 millions d’autres ont décidé d’associer leurs voix au second tour pour lui faire barrage devant la radicalité de ses positions, un programme économique qui nous mènerait droit vers l’abîme et une flopée de candidats imprésentables, entre les casquettes nazies et les propos antisémites sur les réseaux asociaux. Elle n’est pas plus légitime à gouverner et elle le sait très bien. Elle attend son heure, et si cette heure vient un jour, elle aura été soigneusement préparée par la folie de l’extrême gauche et la capitulation du premier secrétaire du parti socialiste, l’homme-caoutchouc. ».

    Quant à la
    motion de censure, voici pourquoi ses chances de succès sont faibles : « Vient enfin le dernier mensonge, monsieur le Premier Ministre : vous seriez l’otage du Rassemblement national. L’extrême droite compte 142 députés. Ils ne peuvent faire tomber votre gouvernement qu’en bande organisée avec le NFP. J’attends avec impatience qu’ils expliquent cela à leurs électeurs, et surtout qu’ils expliquent comment ils comptent composer, pour vous succéder, un gouvernement lepéno-mélenchoniste. Mélenchon ne veut pas de Premier Ministre de gauche et Le Pen sait que son parti est incapable pour l’heure de gouverner. Ce n’est pas une assurance-vie, mais votre gouvernement est loin d’être condamné d’avance. ».

    D'où le soutien fort du groupe présidé par Claude Malhuret au gouvernement de Michel Barnier : « Vous êtes légitime. Vous n’avez pas de majorité absolue, mais vous rassemblez tous ceux, de la droite républicaine au centre et à la gauche modérée, qui ont fait le choix de la responsabilité. Ils sont le camp de la raison que notre groupe Les Indépendants appelle de ses vœux depuis des mois. Et vous êtes, après deux ans d’Assemblée Nationale transformée en zone à délirer, le Premier Ministre de l’apaisement. Quelles sont les priorités ? Mais il n’y a que des priorités : le budget, le déficit, la dette, la
    Nouvelle-Calédonie, le logement, l’agriculture, l’immigration, la transition écologique, sans oublier l’Ukraine, le Moyen-Orient et toutes les crises dans le monde que la France ne peut ignorer. Ces priorités étaient au cœur de votre discours et de ceux de tous mes collègues ; je n’y reviendrai pas à mon tour. Qu’il me soit seulement permis de dire que nous soutenons votre engagement dans cette démarche difficile et courageuse. Vous disposerez d’une large majorité au Sénat, qui tentera de compenser l’absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale et de combattre les tentatives des populistes pour saper notre démocratie. ».
     

     
     


    Les savoureuses envolées lyriques du sénateur Malhuret apportent toujours un peu de fraîcheur, de légèreté, mais aussi de lucidité à une classe politique tendue et rageuse. Il a le mérite de faire mal car il cible juste. Depuis 2022, il s'inquiète régulièrement de la perspective de l'élection présidentielle de 2027 et de la nécessité de rassembler toutes les forces non-populistes, ce qu'il a appelé ce 2 octobre 2024 les forces raisonnables, le "camp de la raison", du centre droit au centre gauche, "qui ont fait le choix de la responsabilité". Les deux anciens grands partis gouvernementaux, LR et le PS, n'ont pas voulu jouer le jeu en 2022, chacun pris par une surenchère populiste. LR s'est finalement résolu à faire le choix de la raison et de la responsabilité, au contraire du PS qui s'enferme toujours dans un mélencho-islamisme qui l'asphyxiera à court terme. Surtout, Claude Malhuret, continuez à nous délecter ainsi !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Claude Malhuret sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution le 4 mars 2024 à Versailles.
    Claude Malhuret s'en prend à "la pression permanente et déprimante des extrêmes" !
    Claude Malhuret dénonce la "mauvaise république" du guide suprême !
    L'Iran et les femmes : Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Passe vaccinal : Claude Malhuret charge lourdement les antivax.
    Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241002-malhuret.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/claude-malhuret-du-vol-des-257033

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/02/article-sr-20241002-malhuret.html



     

  • Législatives 2024 (51) : la quadrature du cercle de Michel Barnier

    « Je pars, avec le gouvernement, d’un vote populaire par lequel vous avez été élus, mesdames, messieurs les députés et qui traduit des attentes fortes, urgentes et justifiées pour des services publics efficaces, pour une sécurité au quotidien, mais aussi, j’en suis convaincu, pour que notre pays retrouve le chemin de l’apaisement, de la fraternité, de l’espérance. (…) Écoute et respect à l’égard de toutes les forces politiques et de toutes les sensibilités politiques représentées à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Je l’ai dit dès le premier jour : nous écouterons et respecterons chacune et chacun d’entre vous, même si ce respect n’est pas toujours réciproque. » (Michel Barnier, le 1er octobre 2024, dans l'hémicycle).



     

     
     


    Ce mardi 1er octobre 2024 à 15 heures a eu lieu, au Palais-Bourbon, l'ouverture de la première session ordinaire de la XVIIe Législature qu'on n'hésitera pas à qualifier d'ingouvernable ou d'impossible ("on" = sans doute les livres d'histoire plus tard). Elle est la troisième journée de séances publiques, après l'installation de la nouvelle Assemblée Nationale les 18 et 19 juillet 2024. Il n'a pas attendu une seule journée : le nouveau Premier Ministre Michel Barnier y a prononcé sa déclaration de politique générale devant des députés au mieux réticents au pire hurleurs (dont on peut lire le texte dans son intégralité ici).

    En effet, la base parlementaire de son gouvernement est très étroite, et Michel Barnier a dû essuyer pendant toute la durée de son discours les vociférations des insoumis qui montraient un irrespect total des institutions (notons que ces mêmes députés ont été très calmes pendant le discours de
    Marine Le Pen !). Mais même au sein de la majorité, l'attitude est à l'attentisme. Le groupe EPR (Ensemble pour la République, ex-Renaissance) avait pour consigne de ne pas faire d'ovation pour le Premier Ministre afin de se montrer comme des alliés responsables mais exigeants, ce qui ne va pas beaucoup aider le gouvernement.

    C'est son grand oral, probablement le moment le plus important de sa carrière politique, le plus important et le plus improbable, car à 73 ans, il ne s'attendait pas à reprendre du service. Même sa candidature à la
    primaire LR en 2021, il l'a présentée comme un baroud d'honneur avant de quitter la scène politique.

    Après un hommage à
    Philippine, lâchement violée et assassinée, Michel Barnier a rempli son objectif de la déclaration de politique générale : ne pas faire un catalogue à la Prévert de mesures qu'il ne pourra pas prendre à cause du manque de majorité, mais une synthèse de ce qu'il compte faire, sur le fond (peu de textes) et sur la forme (beaucoup de concertation, d'écoute). Sa méthode : « Pour répondre à ces questions dans le contexte politique particulier où nous sommes, nous avons besoin d’une nouvelle méthode. Nous avons besoin d’écoute, de respect et de dialogue. Écoute, respect et dialogue entre le gouvernement et le Parlement. Je demanderai à mon gouvernement de s’appuyer davantage sur le travail parlementaire : propositions de lois, amendements, recommandations des commissions d’enquête ou d’information, évaluation des politiques publiques. Cela vaut évidemment pour les groupes parlementaires de l’Assemblée Nationale ou du Sénat dont certains membres font désormais partie du gouvernement et que je remercie pour leur soutien, mais aussi pour tous les autres groupes. Je souhaite qu’il y ait moins de textes et qu’il y ait plus de temps pour en débattre. ».

    Pour autant, le Premier Ministre n'entend pas rester immobile. Il compte bien s'appuyer sur l'Assemblée pour faire passer des mesures difficiles, celles qui réduiront le déficit de l'État qui sera en 2024 à plus de 6% du PIB. Il a proposé la trajectoire suivante : déficit ramené à 5% en 2025, 3% en 2029. Il a souhaité placer son action dans le cadre d'une durée de deux ans et demi, jusqu'à l'élection présidentielle, même si durer, pour lui, va être un véritable calvaire, surtout après la première année où le Président de la République pourra débloquer la situation en dissolvant à nouveau.


    Sa priorité est notre dette : « Une exigence d’abord : la réduction de notre double dette, budgétaire et écologique. (…) Ces deux réalités budgétaire et climatique certains veulent les nier ou les ignorer. D’autres les subissent ou se contentent de les commenter. Mettre la tête dans le sable ou se lamenter n’a jamais permis d’avancer. Il n’y a pas de fatalité tant qu’il n’y a pas de fatalisme ! Je pense que les hommes et les femmes politiques que nous sommes n’ont pas le droit en ce moment d’être fatalistes. Je suis convaincu que nous pouvons trouver un chemin de réalisme et d’action qui passe partout par le contrat plutôt que par la contrainte et qui nous permette pas à pas de reconstruire la confiance. ».
     

     
     


    Comme réduire le déficit ? Plusieurs axes de réponse.

    Réduire les dépenses publiques : « Comment faire ? Ne nous racontons pas d’histoires, je ne raconterai pas d’histoires. Nos dépenses publiques atteignent 57% de la richesse nationale, contre 49% dans le reste de l’Europe. Elles ont augmenté de plus de 300 milliards depuis 2019, ce qui représente 5 000 euros de dépenses publiques supplémentaires chaque année par Français, quel que soit son âge. Le premier remède contre la dette, c’est la réduction des dépenses. En 2025, les deux tiers de l’effort de redressement viendront donc de la réduction des dépenses. Réduire les dépenses, c’est renoncer à l’argent magique, à l’illusion du tout gratuit, à la tentation de tout subventionner. ».

    Ensuite, rendre plus efficace l'argent public : « Le deuxième remède, c’est l’efficacité de la dépense publique. Nous sommes champions des dépenses publiques, mais pour quel résultat ? Est-il normal que le coût de l’éducation d’un élève français soit supérieur à celui de nos voisins, alors que nos professeurs sont souvent moins bien payés ? Est-il acceptable que les services de l’État louent à prix d’or des locaux au cœur de Paris quand un déménagement dans des départements limitrophes permettrait de faire des économies et de participer à la rénovation urbaine comme l’organisation des Jeux olympiques l’a prouvé en Seine-Saint-Denis ? Trop souvent, nos concitoyens ont l’impression, et vous les entendez, mesdames et messieurs les députés, de ne pas en avoir pour leurs impôts. Nous ferons donc la chasse aux doublons, aux inefficacités, aux fraudes, aux abus du système et aux rentes injustifiées. ».
     

     
     


    Puis, de nouveaux impôts très ciblés : « Le troisième remède est d’ordre fiscal. Nos impôts sont parmi les plus élevés du monde. Les baisses d’impôts décidées depuis sept ans et les mesures prises pendant la crise du covid ont aidé beaucoup de Français et beaucoup d’entreprises, c’est la vérité, et ont redonné de l’oxygène dans une situation inédite et grave. Mais la situation de nos comptes demande aujourd’hui un effort ciblé, limité dans le temps et partagé dans une exigence de justice fiscale. Ce partage de l’effort nous conduira à demander une participation au redressement collectif aux grandes et très grandes entreprises qui réalisent des profits importants. Nous le ferons sans remettre en cause notre compétitivité. Il n’y a ni partage ni redistribution possible s’il n’existe pas en amont de l’activité et de la production sur notre territoire. Cette exigence nous conduira également à demander une contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés afin d’éviter les stratégies de défiscalisation des plus gros contribuables. ».
     

     
     


    Quatrième piste, qui est, il faut bien le dire, la tarte à la crème de tous les nouveaux gouvernements (on ne voit pas pourquoi l'État ne lutterait pas en permanence contre la fraude) : « Enfin, nous lutterons résolument et dans la durée contre la fraude fiscale et la fraude sociale, y compris en sécurisant les cartes Vitale pour éviter le versement indu d’allocations. ».

    Un mot sur les épées de Damoclès : « J’ai entendu parler d’une épée de Damoclès qui pèserait sur la tête du gouvernement mais la véritable épée de Damoclès, est dès aujourd’hui là sur la tête de la France et des Français et faute d’actions, faute de courage maintenant, je suis sûr d’une chose : elle pèsera beaucoup plus gravement demain sur nos enfants et nos petits-enfants. La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale : 3 228 milliards d’euros. Si l’on n’y prend garde, elle placera notre pays au bord du précipice. (…) Il y a une autre épée de Damoclès, tout aussi redoutable, celle de la dette écologique. Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. Cette priorité m’a accompagné tout au long de ma vie publique, depuis mon tout premier engagement aux côtés du tout premier ministre français de l’environnement, dans mon pays de Savoie, à l’Assemblée Nationale et au Sénat où j’ai eu l’honneur de siéger, au ministère de l’environnement puis au ministère de l’agriculture et de la pêche, à la Commission Européenne enfin. Elle sera au cœur de notre action, parce que j’ai en mémoire la recommandation d’un homme d’État que je respectais et admirais,
    Pierre Mendès France : ne jamais "sacrifier l’avenir au présent". ».

    Effectivement, l'autre dette, écologique, fait partie des préoccupations majeures de Michel Barnier : « J’entends bien ceux qui disent : à quoi bon ? Que peut faire la France seule, face à un problème qui concerne l’ensemble de l’humanité ? Je pense qu’on peut faire beaucoup. Nos émissions de gaz à effet de serre ont à nouveau diminué de 3,6% au premier semestre de 2024 : c’est la preuve que les efforts paient. Nous pouvons et devons faire plus pour lutter contre le changement climatique et prévenir tous les risques de plus en plus nombreux et violents qu’il porte en lui, préserver la biodiversité et encourager l’économie circulaire. Nous devons agir plus concrètement au sein de l’Union Européenne et dans le cadre des Accords de Paris, et valoriser les initiatives des communes, de nos régions, des départements, de tant d’entreprises et d’associations. La transition écologique doit être l’un des moteurs de notre politique industrielle. Décarbonation des usines, encouragement à l’innovation, implantation de nouvelles industries de la transition, renforcement de nos filières de recyclage : je crois depuis longtemps à une écologie des solutions. Ensemble, nous allons agir aussi sur l’offre énergétique, en poursuivant résolument le développement du nucléaire, notamment des nouveaux réacteurs, mais aussi des énergies renouvelables en mesurant mieux tous leurs impacts, je pense en particulier aux éoliennes, en valorisant la biomasse pour décarboner efficacement la production de chaleur et de gaz, en développant la filière française des biocarburants pour l’aviation. Enfin, dans les outre-mer, engagés vers un objectif de 100% d’électricité renouvelable en 2030, seront développés des laboratoires d’innovation pour le solaire et la géothermie. Ensemble, nous devons maîtriser nos besoins d’énergie, en poursuivant les efforts engagés et en faisant preuve de sobriété et d’efficacité. Nous allons mieux cibler l’accompagnement des particuliers et des entreprises, notamment pour la rénovation thermique des bâtiments. En attendant, le diagnostic de performance énergétique sera simplifié et son calendrier adapté. ».

    Et de faire de l'État le premier acteur de la transition écologique : « L’État qui est avec ses opérateurs le plus gros propriétaire immobilier foncier du pays doit aussi être exemplaire et réduira sa consommation d’énergie en isolant les surfaces qu’il gère. Pour tout cela, les travaux de planification vont reprendre immédiatement, avec les outils dont nous disposons : la stratégie française pour l’énergie et le climat, le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie. Je voudrais dire un dernier mot sur la question de l’eau. Sécheresses ou inondations, conflit des usages, pollution des nappes phréatiques, envolée des prix : soixante ans après la toute première loi sur l’eau de 1963, le moment est venu, en prenant en compte les travaux et les réflexions engagées ces dernières années, de consacrer aux enjeux stratégiques liés à l’eau une grande conférence nationale pour agir. ».

     

     
     


    Pour rassurer son aile gauche, Michel Barnier a indiqué ses propres lignes rouges : « Madame la Présidente, mesdames et messieurs les députés, j’ai entendu que certains ont des lignes rouges, parfois très rouges. On préfère les lignes bleues aux lignes rouges ! Depuis que j’ai accepté la proposition du Président de la République d’être le Premier Ministre de notre pays, j’ai gardé en mémoire mes propres lignes rouges, qui sont celles de tout le gouvernement. Il n’y aura aucune tolérance à l’égard du racisme et de l’antisémitisme. Il n’y aura aucune tolérance à l’égard des violences faites aux femmes. Il n’y aura aucune tolérance à l’égard du communautarisme. Il n’y aura aucun accommodement en ce qui concerne la défense de la laïcité, aucun. Nous n’accepterons aucune discrimination. Nous n’accepterons aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans. Je pense à la loi sur l’interruption volontaire de grossesse défendue par Simone Veil. Pour tout vous dire, avoir siégé dans le même gouvernement que Simone Veil reste un des grands honneurs de ma vie. Il n’y aura donc aucune remise en cause de cette loi désormais protégée par la Constitution. De même, il n’y aura aucune remise en cause de la loi sur le mariage pour tous ni des dispositions législatives sur la procréation médicalement assistée. ». Ça va mieux en le disant.
     

     
     


    Et pour un clin d'œil à Emmanuel Macron, il a évoqué MacKinsey (sans le citer) : « Pour conserver ou reconstruire une vraie capacité de prospective, j’ai toujours pensé que les acteurs publics tels que les députés ou les membres du gouvernement en avaient besoin, nous fusionnerons France Stratégie avec le Haut-commissariat au plan. Il y a dans les services de l’État de l’intelligence et de l’expertise ; elles peuvent être mieux utilisées, sans avoir recours à des cabinets de conseil privés. ».

    L'action du gouvernement aura cinq grands chantiers : le niveau de vie des Français ; l'accès à des services publics de qualité ; la sécurité au quotidien ; la maîtrise de l'immigration ; plus de fraternité.



    1. Niveau de vie des Français

    Pouvoir d'achat : « Nous avons besoin d’une économie vigoureuse où chacun puisse bien vivre des fruits de son travail. Il y a dans notre pays de nombreuses créations d’emplois et de plus en plus de personnes au travail grâce à l’attractivité de la France pour les investissements internationaux, qui est depuis sept ans une priorité du Président de la République, et grâce à la réussite des entrepreneurs et des entreprises, qu’elles soient grandes, petites ou intermédiaires, des artisans et des commerçants qui travaillent et produisent en France dans de nombreux secteurs, y compris le numérique et l’intelligence artificielle. Notre pays doit et veut amplifier son ambition industrielle. Le gouvernement encouragera une meilleure mobilisation de l’épargne des Français pour soutenir cette dynamique, par exemple à travers un nouveau livret d’épargne dédié à l’industrie. ».

    Renforcer l'emploi : « Nous n’avons pas encore atteint le plein emploi. Le
    RSA ne doit pas être uniquement un filet de sécurité. Nous devons en faire un tremplin vers l’insertion, un nouveau contrat social fait du droit d’être aidé et du devoir de chercher, vraiment, un travail. Cela passe notamment, mais pas seulement, par l’action de France Travail, qui accompagnera désormais progressivement, en lien avec les départements et l’ensemble des acteurs de l’emploi, tous les allocataires du RSA et toutes les entreprises qui ont besoin de recruter. Là où la réforme du RSA a été engagée, ça marche, comme à Marseille où, après six mois d’accompagnement, une personne sur trois est sortie du RSA. Enfin, nous avons de nombreux dispositifs d’insertion par l’activité économique, auxquels je suis attentif, notamment le travail adapté pour les personnes en situation de handicap, ou des expérimentations que je connais assez bien comme Territoires zéro chômeur de longue durée, qui donnent des résultats et doivent être encouragés. ».

    Augmenter le SMIC et autres rémunérations des salariés : « Encore faut-il que le travail paie. Nous revaloriserons le SMIC de 2% dès le 1er novembre 2024, anticipant ainsi l’augmentation prévue le 1er janvier 2025. (…) Nous relancerons la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié, et cela pas seulement dans les grandes entreprises. ».

     

     
     


    Assouplir les contraintes qui affectent le logement : « Nous devons faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation zéro artificialisation nette pour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement. Dans un contexte de crise du secteur de la construction, des mesures rapides sont nécessaires pour relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété, notamment chez les primo-accédants, pour lesquels le gouvernement est favorable à l’extension du prêt à taux zéro, sur tout le territoire. En outre, nous devons simplifier au maximum les normes qui pèsent sur la construction des logements neufs ou la réhabilitation des logements anciens. Quant au logement social, il ne devrait être qu’une étape. Les bailleurs doivent pouvoir réexaminer régulièrement la situation de leurs locataires afin d’adapter les loyers à leurs ressources. C’est aussi une mesure de justice sociale. Pour faciliter l’accession sociale à la propriété, il y a, j’en suis sûr, des mesures innovantes à trouver avec les offices HLM ; nous y sommes prêts. Il faut également donner plus de pouvoir aux maires dans l’attribution et la priorisation des logements sociaux sur leur territoire. Faisons-leur confiance pour permettre une vraie mobilité dans le parc social. ».


    2. Accès aux services publics de qualité

    Un constat : « Les Français sont attachés à leurs services publics dans tous les territoires. Je comprends leur colère et leur désarroi, que vous connaissez vous aussi, quand il faut attendre de longues semaines pour obtenir une pièce d’identité ou quand des professeurs absents ne sont pas remplacés. ». Michel Barnier a évoqué notamment l'école (qui sera sa priorité, comme pour tout gouvernement), l'hôpital, et il a insisté sur la santé mentale.
     

     
     



    3. Sécurité au quotidien

    Michel Barnier a annoncé la création de nouvelles brigades de gendarmerie : « Tous les Français ont besoin d’être rassurés par la présence de nos forces, qui seront encore plus visibles et présentes sur la voie publique, ainsi que dans les villes et les villages de France. ». Rendre plus rapide l'application des peines : « Les Français s’attendent à des sanctions rapides, quand elles sont justifiées. Nous devons nous attaquer de manière volontariste à la réduction des délais de jugement, en particulier pour les mineurs. Nous reprendrons la discussion sur la création d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs délinquants de plus de 16 ans déjà connus de la justice et poursuivis pour des actes graves d’atteinte à l’intégrité physique des personnes. Nous poursuivrons la réflexion sur les atténuations de l’excuse de minorité. Il faut stopper la montée continue de la violence des mineurs, qui rend impossible la vie dans de nombreux quartiers. Enfin, les Français demandent que les peines soient réellement exécutées. Il est nécessaire que les jugements soient respectés et que les peines soient exécutées sans être transformées, au risque, si ce n’est pas le cas, de faire perdre toute crédibilité à la réponse pénale. C’est pourquoi nous proposons des peines de prison courtes et immédiatement exécutées pour certains délits. Il nous faut également réviser les conditions d’octroi du sursis et limiter les possibilités de réduction ou d’aménagement de peine. ».


    Il faut construire de nouvelles prisons : « Pour réaffirmer le rôle dissuasif de la sanction, nous devons construire des places de prison. La France compte actuellement 80 000 détenus pour environ 62 000 places. Ce nombre est très insuffisant. J’ajoute, parce que ce sujet m’intéresse, qu’il nuit à la dignité des conditions de détention. Il est donc urgent de construire de nouvelles places de prison, effort qu’ont déjà engagé les gouvernements précédents. Devant l’ampleur du chantier, il faut aussi diversifier les solutions d’enfermement ou de surveillance effective en fonction du profil de la personne détenue et de la peine prononcée, notamment pour les mineurs délinquants. À ce titre, je suis favorable à la création de nouveaux établissements pour les courtes peines. ».

    État de droit (en réponse à
    Bruno Retailleau) : « D’une manière générale, la fermeté de la politique pénale demandée par les Français est indissociable du respect de l’État de droit et des principes d’indépendance et d’impartialité de la justice, auxquels je suis profondément et définitivement attaché. ».


    4. Maîtrise de l'immigration


    Chantier dont il ne pouvait pas se passer face aux demandes populaires et parlementaires. Mais avec un réel flou car le Premier Ministre veut à la fois plus de fermeté et plus d'humanité : « Il est urgent de sortir l’immigration de l’impasse idéologique où l’ont mise les uns et les autres. Un jour, dans un moment d’utopie, j’ai même imaginé qu’on pouvait en faire un sujet d’intelligence nationale. Ce sujet, qui ne laisse personne indifférent, doit être traité avec dignité et gravité, au lieu d’être instrumentalisé dans des controverses inutiles. Nous devons regarder la question de l’immigration avec lucidité et l’affronter avec pragmatisme. (…) C’est en appliquant ces mesures strictes de maîtrise de l’immigration que nous serons mieux en mesure d’atteindre notre objectif : intégrer dignement celles et ceux que nous choisissons d’accueillir, en leur ouvrant plus rapidement l’accès à un titre de séjour, à l’apprentissage du français, à un logement et à un emploi. ».
     

     
     



    5. « Notre pays a besoin de plus de fraternité. »

    La leçon des
    Jeux olympiques et paralympiques : « La formidable réussite des Jeux olympiques et paralympiques de Paris a encouragé la pratique sportive, qui est une des clés pour soutenir le moral individuel et collectif des Français, l’apprentissage des règles du jeu, l’acceptation de l’autre ainsi que pour améliorer la santé de nos concitoyens. Au-delà des belles cérémonies et des médailles françaises, la plus grande réussite de ces Jeux a été aussi de changer notre regard sur le handicap. Tous ces athlètes paralympiques nous ont rendus fiers. L’une des priorités du gouvernement sera de maintenir cet élan pour résoudre les inégalités qui demeurent, pour renforcer la scolarisation, l’accessibilité des transports et de l’espace public, et combattre les discriminations à l’embauche. La fraternité, c’est renouer avec une politique familiale, soutenir toutes les familles, en particulier les familles monoparentales, combattre aux côtés de tant d’associations, avec la plus grande énergie, la pauvreté qui progresse à nouveau dans nos villes et dans nos campagnes. La fraternité, c’est encourager le bénévolat et la vie associative qui font reculer l’isolement et la solitude, et apportent tant de générosité à notre pays. (…) La fraternité, c’est aussi développer une politique culturelle accessible à tous, notamment aux jeunes, dans tout le territoire : l’accès à la culture est à la fois un facteur essentiel d’ouverture personnelle, une condition pour faire progresser l’égalité des chances et l’un des ciments de notre lien social. (…) La fraternité, c’est aussi tisser davantage de liens entre les générations. La cohabitation intergénérationnelle, qui aide beaucoup de jeunes à se loger tout en aidant les plus âgés à vivre chez eux le plus longtemps possible, doit être développée. ».

    Je n'ai pas tout évoquer, notamment les sujets de politique étrangère et aussi les urgences en outre-mer (notamment en Nouvelle-Calédonie), ni certains sujets politiques et sociaux importants, j'y reviendrai spécifiquement le cas échéant.


    Le mot de la fin de Michel Barnier était le suivant : « Devant l’urgence de la situation, et pour l’avenir, recherchons des chemins communs, dégageons des compromis, relevons la ligne d’horizon. Un dernier mot : prenons soin de la République, elle est fragile. Prenons soin de l’Europe : elle est nécessaire. Prenons soin ensemble de la France et des Français : ils nous demandent, je l’entends tous les jours sur le terrain, de dépasser nos divisions, nos querelles, d’agir dans l’intérêt supérieur du pays. Les Français méritent notre engagement. ».

    À la suite de cette déclaration de politique générale qui était de bonne tenue, au contraire des hurlements de certains députés (à gauche), l'ensemble des groupes politiques se sont exprimés par la voix de leur président. Aucun vote n'a été prévu puisque le gouvernement n'a pas demandé la confiance à l'Assemblée, mais une motion de censure sera prochainement examinée.

    Dans ses réponses aux groupes politiques, je retiens, s'il n'en faut retenir qu'une, son dialogue avec
    Mathilde Panot, avec un petit chuintement grand-bourgeois qui n'est pas sans rappeler Valéry Giscard d'Estaing : « J’ai du mal à comprendre votre ton et votre agressivité. J’ai du mal à comprendre la manière dont vous attaquez personnellement et de manière systématique le chef de l’État. Je vais vous dire une chose, madame la présidente : plus vous serez agressive, plus je serai respectueux. ».
     

     
     


    Michel Barnier restera toujours sur la ligne de crête. En prônant l'écoute permanente de tous les groupes politiques, il se montre humble mais aussi indécis, laissant les groupes lui apporter les idées. Il faut dire qu'il marche sur des œufs. Mais il faudra bien trancher, et donc, faire des mécontents. Le premier exercice, celui de la déclaration de politique générale, a été accompli de manière satisfaisante. Le deuxième sera autrement plus délicat : le mercredi 9 octobre 2024, il présentera le projet de loi de finances pour 2025. Ce sera le premier PLF (projet de loi de finances) qui aura été préparé en si peu de temps (il a été nommé à Matignon le 5 septembre 2024). Ce texte aura de quoi énerver tous les groupes politiques à la fois !

    Son expérience et sa prudence sont ses deux atouts, ceux qui ont fait du négociateur en chef du
    Brexit pour l'Union Européenne un redoutable interlocuteur des Britanniques. Pour l'instant, son gouvernement a la vie sauve. Prochaine séance à l'Assemblée : ce mercredi 2 octobre 2024 pour la première séance des questions au gouvernement (qui promet d'être ardue) et l'examen de la stupide motion de destitution du Président de la République soutenue par les insoumis et acceptée par les socialistes. Haut les cœurs !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (51) : la quadrature du cercle de Michel Barnier.
    Déclaration de politique générale du Premier Ministre Michel Barnier le 1er octobre 2024 au Palais-Bourbon (vidéo et texte intégral).
    Législatives 2024 (50) : les premiers pas du gouvernement Barnier.
    Composition du Gouvernement Michel Barnier I nommé le 21 septembre 2024.
    Législatives 2024 (49) : les socialistes crient au secours la droite revient !
    Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy.
    Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241001-barnier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-51-la-quadrature-257017

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/01/article-sr-20241001-barnier.html



     

  • Jean-Louis Debré, enfant de la République (la Cinquième)

    « Aujourd'hui, à mon âge, être un jeune comédien, c'est fantastique. Apprendre un nouveau métier, voir des nouveaux gens, avoir une nouvelle ambition. C'est ça qui est fantastique dans la vie ! » (Jean-Louis Debré, le 28 janvier 2023 sur France Culture).



     

     
     


    Enfant de la République. La Cinquième. Pas de Beethoven, mais de De Gaulle, bien sûr. Jean-Louis Debré fête ses 80 ans ce lundi 30 septembre 2024. Il les fête seul, je veux dire, il les fête sans son frère jumeau Bernard Debré qui est parti il y a quatre ans. Cela doit faire quelque chose d'être amputé d'un frère si proche (et en même temps qui était si différent).

    Au regard de sa carrière politique, on peut dire que Jean-Louis Debré a eu une belle trajectoire, il est un baron de la République, il a eu des postes prestigieux, dont trois qui ont dû faire honneur à son père premier Premier Ministre de De Gaulle (qui n'en a vu qu'un de son vivant) : Ministre de l'Intérieur de 1995 à 1997 (prime au fidèle et loyal, mais un ministre peu convaincant), Président de l'Assemblée Nationale de 2002 à 2007 (beaucoup plus convaincant), enfin Président du Conseil Constitutionnel de 2007 à 2016 (très convaincant).

    Il ne faut pas croire que c'était parce qu'il est issu d'une très grande famille républicaine, de médecins et de responsables politiques, qu'il a eu tout tout cuit sur un plateau d'argent. J'ai déjà évoqué longuement sa carrière ici. Né à Toulouse, diplômé de l'IEP Paris, il a fait un doctorat spécialisé en droit constitutionnel (son directeur de thèse était Roger-Gérard Schwartzenberg, à peine plus âgé que lui). Sa future fonction à la tête du Conseil Constitutionnel est donc non seulement la consécration de son engagement politique mais aussi celle de sa carrière de juriste. Après ses études, il fut membre de cabinets ministériels, juge d'instruction, député, maire d'Évreux, etc.

    Sans doute que, plus que son lien de filiation avec Michel Debré, sa relation faite d'amitié et de loyauté absolue envers Jacques Chirac dans une époque de trahisons (balladuriennes) a quelque peu encouragé sa carrière. Amitié avec Jacques Chirac dont il est devenu un confident jusqu'au bout de la nuit, quand tout s'effaçait, tout s'oubliait. Amitié aussi avec Pierre Mazeaud, son prédécesseur immédiat au Conseil Constitutionnel, qui date des années 1960, une amitié familiale surtout.


    Il a commencé à se présenter aux élections en mars 1973, à l'époque, il avait 28 ans. Dans un reportage dans le journal d'Antenne 2 le 11 février 1973, on le voit ainsi faire campagne assez timidement pour les élections législatives, sans succès. L'une de ses paroles, c'était de dire que s'il s'était servi de sa famille, il aurait choisi une circonscription plus facile.





    C'est un peu cela, Jean-Louis Debré, un homme qui, faute de s'être fait un nom (l'ascendance familiale était trop lourde), a su se faire un prénom. Ayant travaillé pour Jacques Chirac dans les années 1970, il lui était resté fidèle malgré les relations parfois orageuses entre le futur Président de la République et son propre père (ils étaient concurrents à l'élection présidentielle de 1981). Cette fidélité s'est renforcée au moment de la grande rivalité avec Édouard Balladur, et il s'est retrouvé dans le camp des vainqueurs en 1995 : peu de leaders du RPR avaient su soutenir Jacques Chirac, les plus ambitieux préféraient le trahir sur l'autel de leur carriérisme.

    À cette époque, j'appréciais peu Jean-Louis Debré : il n'était qu'un second couteau et montrait un aspect très militant et politicien, avec ses éléments de langage, sa langue de bois, sa mauvaise foi. C'est assez commun et on a pu l'observer chez de nombreux dirigeants politiques, au RPR notamment, de Nicolas Sarkozy à Alain Juppé en passant par Jean-François Copé. L'exercice de son ministère Place Beauvau a été un désastre pour la lutte antiterroriste. Il n'était visiblement pas à sa place.

    Heureusement, il a eu une seconde chance ! Il a donné sa mesure personnelle quand il a été élu au perchoir. D'abord, il l'a été sur son propre mérite et avait un adversaire de taille en 2002 : Édouard Balladur, ancien Premier Ministre, et ancien favori d'une élection présidentielle sept ans auparavant. C'est la victoire du passionné sur le plus médaillé, un peu comme la victoire de Gérard Larcher sur Jean-Pierre Raffarin en 2008, au Plateau (Présidence du Sénat).

    Jean-Louis Debré a été effectivement un excellent Président de l'Assemblée Nationale, ouvrant l'institution sur le monde extérieur, modernisant les procédures, etc. Et sa Présidence n'était pas partisane, il défendait désormais les institutions, l'Assemblée Nationale, avant de défendre son camp politique, son parti, surtout lorsque celui-ci est tombé sous la tutelle de Nicolas Sarkozy qu'il n'a jamais apprécié (au point de voter pour François Hollande en 2012 !).

    Au fur et à mesure qu'il est devenu une autorité de référence dans une République en perte de référence, Jean-Louis Debré se permettait de prendre plus de distance. Tant de ses anciens amis gaullistes que des autres. Sa prise de distance n'était pas nouvelle et pas seulement sous Nicolas Sarkozy. Il s'était émancipé de Jacques Chirac dès 1997 lorsqu'il a pris à l'arraché la présidence du groupe RPR à l'Assemblée Nationale, en opposition au gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin, malgré les réticences de Jacques Chirac lui-même, puis le perchoir en 2002 malgré les appétits de deux Premiers Ministres, Alain Juppé et Édouard Balladur (et les mêmes réticences de Jacques Chirac).

     

     
     


    En 2017, il n'hésitait pas à annoncer qu'il voterait Emmanuel Macron aux deux tours de l'élection présidentielle (s'opposant à François Fillon), mais plusieurs années plus tard, il ne s'interdisait pas de critiquer ouvertement le jeune Président de la République, proposant, dans "Le Parisien" du 15 juillet 2023, une dissolution ou un référendum pour rompre avec la crise politique (considérant que les Français se moqueraient d'un changement de gouvernement ou d'un remaniement) : « Vous ne pouvez pas passer des textes aussi importants que la réforme des retraites sans avoir une consultation populaire. (…) Les Français n’ont rien à fiche des changements de ministres. D’ailleurs, on n’en connaît que quatre ou cinq. ».

    Sa Présidence du Conseil Constitutionnel (2007-2016) a été également cruciale pour cette instance suprême car Jean-Louis Debré a dû adapter l'institution à la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui comporte une innovation majeure : le contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori (après leur promulgation et leur application) sur saisine des citoyens eux-mêmes (s'ils sont justiciables). Ce sont les fameuses QPC (questions prioritaires de constitutionnalité) qui ont bouleversé les missions du Conseil Constitutionnel en lui donnant beaucoup plus de travail qu'auparavant (ses missions d'origine étant la constitutionnalité des projets de loi avant promulgation seulement sur saisine des parlementaires et la validation des élections nationales).

    Le 13 novembre 2015, il confiait d'ailleurs à Capucine Coquand pour le journal "Décideurs Magazine" que sans ce défi de la QPC, il aurait quitté ses fonctions car cela l'aurait ennuyé : « Sans cela, je ne serais probablement pas resté Président du Conseil Constitutionnel. C’est une avancée significative pour la Ve République et les justiciables, pour notre État de droit. (…) L’institution n’est plus la même que celle que j’ai trouvée en arrivant avec plus de décisions en cinq ans qu’en quarante-neuf ans, le nombre inchangé de fonctionnaires mais de très grand professionnalisme ou la construction d’une nouvelle salle d’audience qui marque la juridictionnalisation de cette institution, un greffe performant, des audiences publiques, des avocats qui plaident... Jamais la maison n’a été aussi ouverte sur l’extérieur notamment vers les étudiants en droit, concours de plaidoiries, salon du livre juridique… (…) [Les dépenses] ont été réduites de 23% alors que nous travaillons beaucoup plus. ».


    Sa plus grande fierté demeure l'indépendance du Conseil Constitutionnel : « Car nous n’avons pas hésité à annuler les comptes de campagne d’un candidat à la Présidence, là où l’un de mes prédécesseurs avait préféré faire la sourde oreille. Nous ne craignons pas un instant de retoquer une surtaxe de 75%, figurant pourtant parmi les promesses d’un candidat à la présidentielle. C’est ça l’indépendance ! Et elle s’illustre symboliquement. Aujourd’hui, il n’y a plus un seul portrait des anciens Présidents de la République : ils ont tous été remplacés par des Marianne. (…) Mon plus grand souvenir, c’est lorsque nous avons annulé la loi de 1838 sur l’hospitalisation sans consentement. Ce jour-là, j’ai pensé à Camille Claudel hospitalisée contre son gré pendant trente ans. On l’a laissée mourir dans un hospice. C’est aussi ça la QPC : rétablir la justice. ».
     

     
     


    Le 5 juin 2023, répondant à l'invitation de l'Association pour l'histoire des Caisses d'Épargne, Jean-Louis Debré donnait sa définition du vivre ensemble dans la République : « "Un rêve d’un avenir partagé" comme le formulait Ernest Renan. La République n’est pas un modèle figé ; c’est une volonté de vivre ensemble. Aspirer à un destin commun suppose des mutations et des ruptures, des compromis et des anticipations. La société est en perpétuelle évolution, des attentes nouvelles apparaissent. Plus que jamais nous avons besoin d’une République audacieuse. ».

    C'est sans doute cette audace et ce besoin de se renouveler qui l'ont fait changer de vie. Jean-Louis Debré a définitivement quitté la vie politique, il n'est plus acteur mais observateur politique, publiant des livres de souvenirs, de témoignages, d'anecdotes... qui pourraient presque s'apparenter à de l'antiparlementarisme primaire si on ne connaissait pas son auteur ! De la taquinerie faite de tendresse et de passion plus que de la haine du système politique dont il défend les principes essentiels. Et certainement aucune rancœur nostalgique.

    Jugeons-en avec ses paroles du 28 janvier 2023 sur France Culture : « Aujourd'hui, le système politique ne génère plus de grands personnages comme jadis. Et la politique est devenue un métier du spectacle. Et peu importe ce que l'on dit, c'est la manière de le dire. Je suis sidéré de voir comment, comme les concitoyens, nous vivons tous dans l'immédiateté. Comment on peut dire tout et son contraire en quelques jours. (…) Le monde politique d'aujourd'hui n’est plus mon monde. Je ne le comprends pas. Je regarde ça avec un très grand détachement. (…) Quand je regarde les discours aujourd'hui des responsables politiques, il n'y a rien, il n'y a aucune ambition, il n'y a aucune foi et aucune passion. Ce sont des mots que l'on a alignés. On lit une note faite par ses collaborateurs. ». Et de conclure : « Je pense qu'il doit y avoir un Président qui assure l'unité nationale et qui est une personnalité importante. Et face à cela, un Parlement qui discute et qui modifie. ».

    Après les élections législatives anticipées, Jean-Louis Debré n'était guère plus tendre avec la classe politique, disant à Francis Brochet le 24 juillet 2024 pour "Le Dauphiné libéré" : « [Les Français] ressentent de l’angoisse pour l’avenir, de la tristesse pour le présent. Ils ont eu une mobilisation extraordinaire pour les législatives, ils voulaient de la sérénité, qu’on se remette au travail pour régler les problèmes économiques et sociaux et le problème de l’insécurité. Les politiques n’ont rien compris, ils chipotent et se font des croche-pieds. (…) La responsabilité incombe à l'ensemble du personnel politique. ».
     

     
     


    Il n'est plus acteur politique, je dois préciser, mais il est devenu acteur tout court, jeune acteur, jeune comédien. En 2022, il a donc radicalement changé de vie car le voici sur les planches avec sa compagne Valérie Bochenek pour honorer les femmes qui ont fait la France (il s'est même produit au Liban), avec ce titre : "Ces femmes qui ont réveillé la France", titre du livre qu'il avait coécrit avec sa compagne dix ans auparavant. Cela fait deux ans qu'il parcourt la France pour évoquer ces femmes françaises : le voici maintenant octogénaire. Amoureux de la France et des femmes.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 septembre 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Bernard Debré.
    Haut perché.
    Michel Debré.
    Jean-Louis Debré.
    Yaël Braun-Pivet.
    Richard Ferrand.
    Il faut une femme au perchoir !
    François de Rugy.
    Claude Bartolone.
    Patrick Ollier.
    Raymond Forni.
    Laurent Fabius.
    Philippe Séguin.
    Henri Emmanuelli.
    Louis Mermaz.
    Jacques Chaban-Delmas.
    Edgar Faure.
    Édouard Herriot.
    Vincent Auriol.
    Paul Painlevé.
    Léon Gambetta.










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240930-jean-louis-debre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-louis-debre-enfant-de-la-256647

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/28/article-sr-20240930-jean-louis-debre.html




     

  • Chirac a-t-il trahi Giscard en 1981 ?

    « J’ai appris avec beaucoup d’émotion la nouvelle de la disparition de l’ancien Président de la République Jacques Chirac. J’adresse à son épouse et à ses proches un message de profondes condoléances. » (VGE, le 26 septembre 2019).





     

     
     


    C'est ainsi que Valéry Giscard d'Estaing a réagi il y a exactement cinq ans, le 26 septembre 2019. L'ancien Président de la République Jacques Chirac venait de mourir peu avant l'âge de 87 ans. L'histoire des relations entre les deux hommes remplit une bonne moitié de l'histoire de la Cinquième République, voire beaucoup plus (1962 à 2011). L'histoire retiendra avant tout que le jeune Président élu de 48 ans (Emmanuel Macron n'aura que 47 ans dans trois mois, après plus d'un septennat d'exercice du pouvoir) s'était choisi, au printemps 1974, comme premier Premier Ministre un jeune conquérant gaulliste de 41 ans, après le traumatisme de la mort soudaine de Georges Pompidou.

    Pour empêcher l'accession de Jacques Chaban-Delmas à l'Élysée, Jacques Chirac avait trahi les vieux barons du gaullisme historique pour soutenir la modernité et la jeunesse du jeune candidat libéral (républicain indépendant), allié exigeant du gaullisme (VGE avait le même genre de relations avec De Gaulle que Nicolas Sarkozy avec Jacques Chirac trente à quarante années plus tard).

    Valéry Giscard d'Estaing croyait qu'il pourrait manœuvrer Jacques Chirac facilement, lui qui venait de perdre son mentor Pompidou, et que son engagement au sein de l'UDR était sa pièce parlementaire maîtresse. Pour Jacques Chirac, la question ne se posait pas, Matignon faisait de lui le futur candidat à l'élection présidentielle des gaullistes. La condescendance de Valéry Giscard d'Estaing a rendu le couple au sommet de l'exécutif assez infernal pour Jacques Chirac, le Président ne ratant pas une occasion de l'humilier personnellement.


    Finalement, cette alliance personnelle a fini en eau de boudin, avec un divorce en bonne et due forme l'été 1976 (Jacques Chirac voulait démissionner au début de l'été et le Président lui a demandé d'attendre la fin de l'été, un temps de latence politique qui n'est pas sans rappeler celui de l'été 2024 !). Fait incroyable de toute l'histoire de la Cinquième République : Jacques Chirac a été le seul Premier Ministre qui soit lui-même à l'origine de sa démission et le seul à tenir une conférence de presse militante et antiprésidentielle après l'annonce de la démission par l'Élysée. Paradoxalement, les barons gaullistes allaient passer dans le camp de Valéry Giscard d'Estaing face à un Jacques Chirac qui les a pris de haut en prenant la tête de l'UDR dès décembre 1974.

    Après avoir mené la vie dure à Valéry Giscard d'Estaing et à son successeur à Matignon, Raymond Barre, dans les joutes parlementaires, Jacques Chirac, qui, entre-temps, avait fondé le RPR pour en faire une écurie présidentielle, s'est présenté à l'élection présidentielle de 1981 contre le Président sortant. Ce dernier lui a "balancé" (en les aidant pour trouver les 500 parrainages) deux candidatures gaullistes qui lui ont plombé environ 3% son électorat spécifique, Michel Debré et Marie-France Garaud (disparue récemment).
     

     
     


    Et VGE a toujours assuré que Jacques Chirac, arrivé en troisième position, et appelant « à titre personnel » à voter VGE au second tour, a fait campagne pour François Mitterrand pour le second tour. Il l'a écrit notamment dans son autobiographie "Le Pouvoir et la vie" (éd. Compagnie 12, tome 3 sorti en 2006). Il a même raconté qu'entre les deux tours, il avait personnellement appelé la permanence du RPR pour demander ce qu'il devait faire (en se présentant comme un militant RPR) et on lui avait répondu de soutenir François Mitterrand (est-ce une anecdote réelle ? C'est difficile d'imaginer qu'avec sa voix, il ne fût pas reconnu au téléphone). Valéry Giscard d'Estaing était donc persuadé que Jacques Chirac l'a trahi en 1981, afin de devenir le leader de l'opposition après 1981 et gagner l'élection présidentielle de 1988.

    Que Jacques Chirac fût un traître en politique, tout le monde se l'accorde puisqu'en tant que gaulliste, il a trahi Jacques Chaban-Delmas en 1974, et il a commencé à gagner l'élection présidentielle en 1995 parce qu'il était lui-même la victime d'une trahison, celle de son "ami de trente ans" Édouard Balladur qu'il avait placé à Matignon en 1993.

    Le mieux, pour avoir la version chiraquienne, c'est de relire sa propre autobiographie. Rédigée au soir de sa vie (avec l'aide de Jean-Luc Barré), celle-ci est évidemment la parole officielle de l'ancien Président de la République ("Chaque pas doit être un but", éd. Nil, 2009). C'est amusant d'y lire une certaine dose d'hypocrisie et, par cette hypocrisie, finalement la reconnaissance qu'il y avait bien eu trahison !


    Par exemple, il n'a pas évoqué sa rencontre avec François Mitterrand chez la future Première Ministre Édith Cresson en octobre 1980. Au contraire, il a écrit : « Pour être élu, j'ai conscience de devoir m'imposer comme seule alternative au Président sortant, et donc éliminer François Mitterrand dès le premier tour. (…) Mais pour atteindre cet objectif, encore faudrait-il que toute la famille gaulliste fasse bloc autour de ma candidature. Ce qui n'est pas le cas. ». Il parlait alors de « Michel Debré, que certains "barons" inféodés au gouvernement ont hélas ! encouragé, avec la bénédiction de l'Élysée, à se lancer dans la bataille pour son propre compte ». On sent encore très vive la rage contre VGE.

    À l'issue du premier tour du 26 avril 1981 (28,3% pour VGE, 25,8% pour François Mitterrand, lui seulement en troisième position), il a commenté de manière assez narquoise : « Seul peut lui permettre [à VGE] de l'emporter un ralliement massif de ces électeurs RPR qu'il a cru bon, si longtemps, de mépriser. ». Il y a ce petit goût de revanche : j'ai perdu le premier tour, mais ton second tour va être très difficile sans moi.


    Et l'idée qu'il a voulu, a posteriori, donner pour sa postérité, c'est que ce n'est pas lui, Jacques Chirac, qui a refusé la réélection de Valéry Giscard d'Estaing, mais ses amis du RPR ! Ainsi : « Rares sont ceux, au sein de mon équipe, qui se déclarent prêts à soutenir un Président dont ils n'ont pas apprécié la politique et, encore moins, le comportement à leur égard. ». Et d'expliquer, en gros hypocrite : « Sauf à m'exprimer à titre personnel, ce que je fais, dès le lendemain, en annonçant que je voterai, quant à moi, pour M. Giscard d'Estaing, il ne m'appartient pas d'engager le mouvement sans l'approbation de ses membres. Or, celle-ci est loin d'être acquise, comme le confirme, dans les jours suivants, la décision du comité central de laisser la liberté de vote à nos adhérents. Tandis que quelques personnalités gaullistes comme Philippe Dechartre ou Christian Poncelet n'hésitent pas à se déclarer favorables au candidat de la gauche. ».

    C'est assez amusant de lire que Jacques Chirac était incapable de mener ses troupes là où il le souhaiterait. En décembre 1974, puis en décembre 1976, il avait réussi à organiser (avec l'aide de Charles Pasqua) des congrès gaullistes avec une précision millimétrique pour atteindre ses objectifs politiques, comme prendre d'assaut l'appareil gaulliste sur les vieux barons historiques, et soudain, quelques années plus tard, il n'aurait plus aucun pouvoir pour convaincre ses amis que l'arrivée d'un gouvernement socialo-communiste serait catastrophe économique et financière ?!

    Au contraire, dans sa rédaction, le futur Président insistait sur son impuissance et la fatalité : « Plus que sur un choix politique, cette élection se jouera sur une question de confiance. C'est de la capacité ou non du Président sortant à restaurer son crédit auprès d'une partie des électeurs de sa majorité que dépendra l'issue du scrutin. Au fond de moi, je crains qu'il ne soit déjà trop tard pour que Giscard y parvienne, tant ses mauvaises relations avec le RPR me semblent irrémédiables. Giscard ne fera d'ailleurs aucun effort spectaculaire entre les deux tours pour se rapprocher de ses dirigeants, qu'il ne cherchera pas même à rencontrer, par crainte sans doute de paraître s'abaisser. ». Loin d'un "soutien à titre personnel", Jacques Chirac continuait à le charger !


    Il a même cité un exemple, VGE l'appelant pour sa participation à un grand meeting à la Porte de Pantin : « Je lui réponds que, n'étant pas mandaté par les militants du RPR pour m'exprimer en leur nom, je ne vois pas l'utilité d'y être présent. ». Précisons bien que Jacques Chirac était le président du RPR et avait une conception bonapartiste de son rôle de chef de parti, il est donc assez risible de le voir adopter une attitude très parlementariste et quasi-impuissante du fonctionnement de son propre parti dont il était le chef indiscutable. La venue de Jacques Chirac dans un meeting de second tour de Valéry Giscard d'Estaing aurait convaincu les électeurs de l'UDF et du RPR qu'il y avait unité de la majorité. Cela aurait donné une image prometteuse de la candidature de VGE et mobilisé sa base électorale.

    En somme, Jacques Chirac laissait son ancien Président dans la mouise, comme quelques jours plus tard, avec la proposition giscardienne de rassembler la majorité : « La démarche est à l'évidence trop tardive pour avoir le moindre effet, d'autant qu'elle s'accompagne d'une promesse qui peut prêter à sourire quand on connaît l'historie des dernières années : "C'est pourquoi, annonce Giscard, je chargerai le nouveau Premier Ministre d'organiser, sans délai, les États généraux de la majorité, qui permettront aux diverses familles qui la composent de retrouver leur unité, en tirant ensemble les enseignements de la campagne pour les traduire dans l'action". On ne saurait être moins convaincant. » conclut-il benoîtement !

    Du reste, cela ressemble fortement aux tentatives désespérées de l'actuel Président de la République depuis 2022 à vouloir gouverner autrement, en portant plus d'attention aux partis, au Parlement et aux corps intermédiaires, avec quelques innovations sans lendemain (grands débats, CNR, Rencontres de Saint-Denis, etc.), ce qui a débouché en 2024 à la dissolution et à cette Assemblée impossible.

    Pour se dédouaner de toute attaque ultérieure, Jacques Chirac a bien martelé : « Je ne souhaite pas la victoire de François Mitterrand et le fais savoir on ne peut plus clairement dans un texte que je publie le 6 mai 1981 [le second tour a lieu le 10 mai 1981], appelant à faire barrage au candidat socialiste. Mais je n'ai plus aucun moyen, désormais, d'endiguer le processus, engagé de longue date, qui entraîne une minorité des militants gaullistes à rejeter ouvertement Giscard au profit de son concurrent. ». Impuissance donc, et même si puissance, cela n'aurait pas suffi : « Y serais-je parvenu que cet effort n'eût d'ailleurs pas suffi à inverser le cours des choses, comme le prouveront les résultats du second tour de l'élection présidentielle. ».


    Et suit une autojustification dont la rigueur est presque enfantine (c'est pas moi et je le prouve !) : « Le soir du 10 mai 1981, chacun pourra vérifier, chiffres en main, que le Président a fait le plein des voix de droite, et même gagné trois cent mille voix supplémentaires. Ce n'est donc pas le vote des électeurs RPR qui a creusé l'écart de 1,2 million de voix qui la séparent de son challenger socialiste, mais la mobilisation massive en faveur de François Mitterrand, des abstentionnistes du premier tour. Preuve que l'arithmétique d'une telle élection échappe, en réalité, à la seule logique partisan. ».
     

     
     


    L'analyse de Jacques Chirac est en partie exacte, Jacques Chirac n'est pas la cause de la victoire de François Mitterrand, ni le RPR, elle provient d'un mouvement de fond sociologique très large, amorcé dès mai 1968, qui a mis la gauche au pouvoir après vingt-trois années d'absence (une génération !). D'un point de vue institutionnel, cette alternance était d'ailleurs la bienvenue et a réconcilié la moitié des Français avec la Cinquième République qui, jusque-là, avait préservé une majorité de centre droit.

    Néanmoins, cela n'empêcherait pas l'amertume giscardienne sur le faible soutien de Jacques Chirac au second tour. Lui, capable de déplacer de montagnes par la seule force de son verbe, n'a pas bougé très haut son petit doigt pour l'aider à mobiliser les abstentionnistes. Cela aurait été difficile d'inverser l'élection car il y a eu un gros écart de voix et beaucoup d'espoir exprimé dans l'autre camp, mais ce qu'il a surtout retenu, c'est qu'il ne l'a pas tenté, c'est cela que lui a reproché Valéry Giscard d'Estaing, et même si, dès le début de l'année 1982, il a assuré qu'il avait jeté la rancune à la rivière (lire plus loin), VGE allait lui en vouloir jusqu'à la fin de sa vie.


    Pour la postérité, Jacques Chirac a rejeté ce sentiment et écrit noir sur blanc : « Je n'ai pas le cœur à me réjouir d'un échec aussi retentissant, qui rejaillit, au-delà du candidat, sur l'ensemble de la majorité. En politique, on ne construit pas une victoire sur la défaite de son propre camp. Mais cette défaite, qui est aussi la mienne, comment ne pas en imputer la responsabilité à celui qui s'en employé, d'un bout à l'autre de son septennat, à diviser sa majorité au lieu de la rassembler, et à gouverner sans tenir le moindre compte de l'opinion de ses alliés ? Giscard préférera en rejeter la faute sur d'autres, c'est-à-dire moi, en parlant de "trahisons prémédités" quand il eût été plus honnête de reconnaître, au moins, des torts partagés. ». On sent l'amertume encore très vivace.

    Et d'ajouter crûment : « [Giscard] n'aura plus de cesse, désormais, que de remâcher ses griefs et de me désigner comme le seul coupable de son renvoi de l'Élysée. Un jour, Giscard assura avoir "jeté la rancune à la rivière". Mais ce jour-là, la rivière devait être à sec, tant cette rancune est demeurée chez lui tenace et comme inépuisable. ». Tout en complétant comme le coup de grâce : « En démocratie, la défaite d'un homme n'est jamais, ou rarement, une perte irréparable. ». Cruel. Réponse anticipée de Giscard (en 2005) : « C'est quelqu'un qui ne m'intéresse pas. (…) Chirac, il n'a jamais occupé mon esprit. Je n'y pense pas. ». Ambiance !

    Jacques Chirac a publié le premier tome de ses mémoires en 2009. Il a encore l'émotion intacte, la rage intacte, tout comme Valéry Giscard d'Estaing. Une telle inimitié politique qui dure aussi longtemps est même assez étonnante. Même François Mitterrand a favorisé Jacques Chirac en 1995 sur Édouard Balladur. Pourtant, le socialiste le haïssait au plus haut point lors de la cohabitation de 1986-1988...

    L'histoire a finalement rendu Jacques Chirac plus "important" que son ancien "tortionnaire" (psychologique) car il a accompli deux mandats présidentiels, pendant douze ans, et s'il a échoué à ses deux premières candidatures présidentielles, il n'a pas terminé par un échec présidentiel, au contraire de Valéry Giscard d'Estaing. Les deux hommes d'État se sont retrouvés dans une instance officielle il y a une quinzaine d'années : entre 2007 et 2011, en effet, les deux anciens Présidents de la République ont siégé au Conseil Constitutionnel, dont ils étaient membres de droit à condition de ne pas exercer d'autres mandats électifs (Valéry Giscard d'Estaing a pris sa retraite "élective" en 2004 et Jacques Chirac en 2007, et ce dernier a arrêté de siéger au Conseil Constitutionnel en 2011 en raison de sa santé et de son affaire judiciaire). Ils étaient placés autour du Président du Conseil Constitutionnel, Jean-Louis Debré, ravi de se retrouver au cœur de l'histoire républicaine.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :

    Jacques Chirac et sa Présidence abracadabrantesque !
    Le testament de Jacques Chirac.
    Bernard Pons, la main de Chirac.
    Jacques Chirac, l'ami de Bill Clinton.
    Quand Jacques Chirac sauva le Tour de France…
    Chirac, l’humanisme sanitaire en pratique.
    HiroChirac mon amour.
    On a tous quelque chose de Chirac.
    Le dernier bain de foule de Jacques Chirac, l’universaliste.
    Chirac au Panthéon ?
    À l’heure où Jacques Chirac entre dans l’Histoire…
    Jacques Chirac a 86 ans : comment va-t-il ?
    Allocution télévisée de Jacques Chirac le 11 mars 2007 (texte intégral).
    Discours de Jacques Chirac le 16 juillet 1995.
    Présidence Chirac (1) : les huit dates heureuses.
    Présidence Chirac (2) : les huit dates malheureuses.
    Jacques Chirac contre toutes les formes d'extrême droite.
    Jacques Chirac et la paix au Proche-Orient.
    Sur les décombres de l'UMP, Jacques Chirac octogénaire.
    Jacques Chirac fut-il un grand Président ?
    Une fondation en guise de retraite.
    L’héritier du gaulllisme.
    …et du pompidolisme.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240926-chirac.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/chirac-a-t-il-trahi-giscard-en-256737

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/22/article-sr-20240926-chirac.html



     

  • Législatives 2024 (50) : les premiers pas du gouvernement Barnier

    « Personne, rigoureusement personne, n’a voté pour avoir Michel Barnier à Matignon. Ni même pour une coalition macroniste et droite LR, qu’aucun leader n’envisageait. Les électeurs RN (…) voulaient Bardella à Matignon : ils n’ont eu que les trois premières lettres ! Ceux du centre votaient pour y garder Gabriel Attal. Ceux de gauche voulaient le virer et voir appliquer le programme du NFP. Ceux de LR disaient "ni Macron, ni Mélenchon, ni Bardella", mais sans espoir d’un retour de la droite. Et au second tour, c’est sans les LR que les électeurs de gauche et du centre ont mêlé leurs voix pour empêcher une majorité RN de gouverner le pays. » (Patrick Cohen, le 24 septembre 2024 sur France Inter).



     

     
     


    Le gouvernement de Michel Barnier s'est réuni en conseil des ministres ce lundi 23 septembre 2024 sous la présidence du Président Emmanuel Macron. Il est, pour nos institutions, un véritable OVNI, une sorte de chose dont on a encore du mal à donner un nom tellement c'est inédit dans notre histoire de la Cinquième République.

    Ce n'est pas un gouvernement ordinaire d'un Président avec sa majorité présidentielle à l'Assemblée, mais ce n'est pas non plus un gouvernement de cohabitation avec l'opposition présidentielle devenue majoritaire. Ce n'est même pas un gouvernement de coalition tel qu'on l'entend dans certaines démocraties parlementaires européennes où des partis parfois opposés se mettent d'accord pour gouverner ensemble faute de majorité pour gouverner tout seul, car le gouvernement Barnier ne jouira que d'un capital d'environ 220 sièges sur les 577 que compte l'Assemblée, soit loin de la majorité absolue (il manque environ 70 députés !). Alors, au début, certains ont appelé cela coalitation, d'autres parlent de coexistence plus ou moins pacifique. Aucun mot ne semble à ce jour satisfaire les commentateurs.

    Ce qui est clair, c'est que la légitimité de Michel Barnier n'émane pas du Président de la République, pas plus de l'Assemblée puisqu'il ne peut pas se reposer sur une majorité absolue, il est issu d'un parti qui n'a obtenu que 47 sièges sur 577, mais sans doute (le sans doute visant à attendre la suite pour s'en convaincre) sa légitimité vient de sa capacité à esquiver (ou pas) toutes les motions de censure qui ne manqueront pas d'être déposées contre lui. Dès lors que l'Assemblée ne le censure pas, il est par définition d'essence démocratique, qu'on le veuille ou pas.

     

     
     


    Certes, la nomination de Michel Barnier à Matignon provient de l'aboutissement (long) d'une analyse du Président de la République, mais il faut noter que Michel Barnier n'était pas son premier choix et si les premiers choix (Bernard Cazeneuve, Xavier Bertrand, Thierry Beaudet) ont été écartés, c'est bien parce qu'il y avait une probabilité de 100% pour qu'une motion de censure soit adoptée à très brève échéance (quelques jours). Dans ce jeu de dupes (tous sont des dupes : le Président, le nouveau gouvernement, mais surtout, tous les groupes et partis représentés à l'Assemblée), le couple de l'exécutif Macron-Barnier est déséquilibré et c'est Michel Barnier qui a aujourd'hui l'ascendant, comme dans les gouvernements de cohabitation. La preuve, c'est que pour finaliser la composition de son gouvernement, Michel Barnier a dû menacer (semble-t-il) de jeter l'éponge et cette démission aurait été catastrophique pour les institutions et le pays.

    Le plus cocasse, et c'est le chance de Michel Barnier, c'est que (presque) tout le monde a intérêt à ce qu'il dure : le Président de la République et les membres du gouvernement, bien sûr, les groupes politiques à l'Assemblée qui le composent, mais aussi le RN qui n'est pas encore prêt au grand remplacement politique (il doit d'abord y avoir la phase du grand déballement, euh, enfin, du grand déballage au tribunal), et gauche est bien rassurée de ne pas avoir à gérer le pays. Seuls les insoumis de Jean-Luc Mélenchon auraient intérêt au blocage complet de nos institutions pour renverser notre République. Je rappelle que démission d'Emmanuel Macron ou pas, destitution d'Emmanuel Macron ou pas, l'Assemblée Nationale ne pourra pas être dissoute avant le 7 juin 2025. Le gouvernement Barnier devra donc tenir ces quelques mois si on veut un pays gouverné.

     

     
     


    Parmi les idées reçues, il y a que c'est un gouvernement de droite ou très à droite. Pauvre Didier Migaud que j'ai connu député de l'Isère pourtant bien à gauche dans les années 1990 (face à Alain Carignon dans l'agglomération grenobloise et en Isère), j'espère que son appétit institutionnel ne prendra pas ombrage de ces procès en trahison que ne manquent pas de lui faire ces potentats de la nouvelle farce populaire (NFP), à commencer par le NFP lui-même. Pour fonder cette idée reçue (gouvernement le plus à droite), on se réfère aux nouveaux ministres LR qui, quand ils étaient parlementaires, n'avaient pas eu l'honneur de voter pour les lois progressistes voire transgressives (pires, ils auraient voter contre). C'est pourtant un mauvais procès puisque la plupart des parlementaires de droite avaient voté contre et on n'a pas dit avant 2012 que c'étaient des gouvernements d'extrême droite. Quant aux intentions, Michel Barnier a déjà confirmé qu'il ne toucherait pas à ces réformes, et de toute façon, ce ne serait pas son intérêt de remettre dans l'actualité des sujets clivants alors qu'il doit d'abord faire adopter les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

    L'idée que ces réformes sociétales risquent d'être abrogées a été véhiculée par l'ancien Premier Ministre Gabriel Attal, qui préside le groupe EPR, qui a besoin de marquer son territoire. Tout le monde, d'ailleurs, à l'intérieur ou à l'extérieur de la majorité gouvernementale, va marquer son territoire. On peut même imaginer un mini-clash entre Michel Barnier et Emmanuel Macron, sans conséquence sinon de mousse médiatique, pour bien montrer que l'un n'est pas l'autre et réciproquement.

    Autre critique et inquiétude dans les milieux sociaux, l'absence supposée de ministère du handicap. D'une part, c'est faux, le ministre chargé du handicap, c'est Paul Christophe, Ministre des Solidarités, de l'Autonomie et de l'Égalité entre les femmes et les hommes, c'est inclus dans l'Autonomie. D'autre part, on critique toujours le trop grand nombre de ministres (ce qui est le cas ici, 39 membres) et on critique l'absence de certains ministères, en créer de nouveaux. Les critiques sont toujours très contradictoires.


    On a dit aussi que les nouveaux ministres étaient des inconnus, mais ceux qui l'ont dit étaient généralement des éditorialistes politiques nationaux arrogants et paresseux qui, au contraire de leurs prédécesseurs, ne travaillent plus leur carte électorale ni leur carte politique. Heureusement, j'en ai entendu au moins un qui a relevé l'honneur de la profession, Patrick Cohen, qui, dans sa chronique à la matinale de France Inter du 23 septembre 2024, insistait sur le fait que tous ces nouveaux ministres étaient d'abord des élus locaux qui sont très connus de leurs administrés et jamais un gouvernement n'a représenté autant et aussi bien les territoires de la France que celui-ci, des ministres profondément ancrés dans leurs territoires, connaissant parfaitement la vie quotidienne des Français.

    C'est le contraire des gouvernements précédents qu'on disait hors sol, pas implantés, technocratiques, parisiens... Un journal (je ne sais plus lequel) a calculé la distance moyenne entre le lieu de naissance des ministres et Paris, dans le gouvernement Barnier, c'est autour de 200 kilomètres quand, pour les précédents gouvernements, c'était de l'ordre de 10 à 20 km (j'aurais préféré le calcul de la distance entre Paris et la collectivité locale dans laquelle étaient implantés les ministres).


    Patrick Cohen dit notamment : « Ces "inconnus" à Paris ne le sont pas à Lorient, à Valence, Châteauroux, Bordeaux, Le Havre, Mont-de-Marsan, Fécamp, Valenciennes, Oullins, Châteaugiron, Zuydcoote, Aubergenville… toutes ces villes où les nouveaux ministres œuvrent ou ont œuvré comme maire, maire-adjoint ou président de métropole. Il y a là un afflux inédit d’élus de terrain, qui répond aux procès en "déconnexion" régulièrement intentés à ceux qui nous gouvernent. ».

    Je dois d'ailleurs avouer bien modestement que je n'aurais pas été capable de situer deux des trois dernières communes citées : Châteaugiron près de Rennes (Françoise Gatel en a été la maire de 2001 à 2017) ; Zuydcoote, en revanche, je savais que c'est près de Dunkerque, grâce au film "Week-end à Zuydcoote" d'Henri Verneuil (sorti le 18 décembre 1964) avec Jean-Paul Belmondo et Jean-Pierre Marielle (Paul Christophe en a été le maire de 2008 à 2017) ; Aubergenville, dans les Yvelines, près de Flins-sur-Seine à cheval sur la cité jardin Élisabethville (Sophie Primas en a été la maire de 2014 à 2017).

    Et Patrick Cohen a souligné dans sa chronique que certes, la légitimité démocratique du nouveau gouvernement reste faible, mais aucun autre gouvernement n'aurait toutefois une meilleure légitimité démocratique : « Guère plus faible que celle de la gauche. Qui compte 20 députés de moins que l’alliance du centre et de LR. 193 contre 213. Pour le même nombre de voix au premier tour des législatives. Un peu moins de 9 millions. Et pour mémoire, 9 millions 3 pour le RN. ».


    Le plus fort de café sont ces gens de gauche qui fustigent le caractère droitier du gouvernement. Évidemment ! La gauche a refusé de gouverner. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Michel Barnier a proposé à Stéphane Le Foll, François Rebsamen, Karim Bouamrane, Philippe Brun, Jérôme Guedj, Carole Delga, Bernard Cazeneuve, etc. d'entrer au gouvernement et tous ont refusé, tous sauf Didier Migaud qui ne représente que lui-même, d'ailleurs (on peut prédire pour lui une démission spectaculaire dans quelques mois à la Nicolas Hulot). Forcément, dès lors que la gauche et en particulier le parti socialiste se défile pour prendre ses responsabilités et penser à l'intérêt national, le barycentre, mécaniquement, se déplace vers la droite. Rappelons et insistons, martelons : Emmanuel Macron était prêt à nommer Bernard Cazeneuve à Matignon, le seul accepté de gauche par le bloc central, susceptible de recueillir jusqu'à une majorité absolue, sans "surveillance" des extrêmes (tant du RN que de FI). C'est le PS qui l'a lourdé, comme un malpropre, et aujourd'hui, ses anciens soutiens au sein du PS (33 au bureau national, contre 38), font machine arrière et condamne la droitisation du gouvernement. Ils auraient pu sortir de la nasse de mélenchonisme d'Olivier Faure. Ils ont préféré l'hypocrisie des postures aux actes sincères. Au lieu d'avoir un programme de gauche édulcorée, ils ont un programme de droite droite... de leur fait ! De le volonté de ne pas vouloir l'intérêt des Français mais le leur.
     

     
     


    Amusant d'ailleurs de voir la manifestation révolutionnaire des insoumis contre Emmanuel Macron et Michel Barnier le samedi 21 septembre 2024. Quelques milliers de manifestants sur toute la France, tellement pitoyable qu'il n'y a pas eu de prétentions dans les chiffres des organisateurs ! C'est rassurant : les Français ne sont pas remacronisés ni barniérisés, mais ont le respect des responsables et attendent de juger sur les actes, sur les projets avant de critiquer, avant de lyncher.

    Prenons encore une autre idée reçue : le gouvernement Barnier serait à la merci du RN. En clair, il faut que le gouvernement Barnier obéisse aux injonctions du RN sinon, ce parti le censurerait. C'est encore une idée fausse : le RN n'a que 146 députés et il faut 289 voix pour faire tomber le gouvernement. Il n'est donc pas à la merci du RN ou plutôt, c'est le NFP qui le rend à la merci du RN puisque le NFP a déjà annoncé qu'il voterait systématiquement la censure. Si le PS, par exemple, négociait avec le gouvernement sa non-censure en échange de mesures concrètes, le PS pourrait avoir une influence bien plus grande que le RN. Le gouvernement Barnier est à la merci du RN uniquement parce que c'est la gauche qui le veut bien. C'est donc de l'imposture de le fustiger en même temps. Il est donc faux de dire que le gouvernement est l'otage du RN : il est l'otage du RN et du NFP à la fois.

     

     
     


    L'exemple le plus flagrant, qui montre que cela va être très difficile de gérer tous les ministres, s'est produit le 24 septembre 2024. Le nouveau Ministre de l'Économie et des Finances Antoine Armand a téléphoné à tous les partis sauf le RN. Michel Barnier s'est senti alors obligé d'appeler le RN pour ne pas l'exclure de la concertation. Marine Le Pen en a profité pour déclarer : « Quand j'entends Antoine Armand dire que sa porte est fermée au RN alors que le budget arrive, je pense que le Premier Ministre doit aller expliquer à ses ministres la philosophie de son gouvernement car il semblerait que certains n'aient pas encore totalement compris. ». Là encore, pas de quoi se trouver scandalisé : ceux qui sont choqués sont ceux qui ont mis le gouvernement dans cette situation. S'il donnait sa chance au gouvernement Barnier de trouver des compromis, c'est-à-dire de ne pas le censurer systématiquement, le NFP, surtout le PS, se trouverait en position d'arbitre et de faiseur de roi. Mais l'intérêt national ne les intéresse pas, ce qui rend le dialogue du gouvernement avec le RN crucial pour son existence.

    Je termine sur cet exercice de grand équilibriste que devra faire en ce moment Michel Barnier. Heureusement, il est sportif. Entre le lundi 23 septembre 2024 à 16 heures, fin du premier conseil des ministres à l'Élysée, et le vendredi 27 septembre 2024 à 15 heures, début du premier séminaire gouvernemental à Matignon (donc sans Emmanuel Macron), où le Premier Ministre va se mettre d'accord avec ses ministres sur leur programme gouvernemental, c'est la foire à la saucisse ! Il y a là une fenêtre de tir unique, pour les ministres, de faire avancer les dossiers qui leur tiennent à cœur, car après le discours de politique générale, la feuille de route aura été fixée et le gouvernement la prendra en référence en excluant tout autre projet.


    C'est pourquoi cette semaine, quelques ministres médiatiques annonceront leurs propres souhaits de réforme. Par exemple, Rachida Dati espère presser le pas pour poursuivre sa réforme en profondeur de l'audiovisuel public (par le regroupement de Radio France et France Télévisions, ce qui serait une erreur grave). Alors que le RN veut purement et simplement privatiser l'audiovisuel public et que la gauche veut augmenter les dépenses pour l'audiovisuel et donc, augmenter les impôts, Michel Barnier n'a aucun intérêt à poursuivre cette réforme qui, du reste, n'est pas d'une absolue urgence. Je lui souhaite bien du plaisir à circonscrire les ardeurs réformatrices de ses ministres !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (24 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (50) : les premiers pas du gouvernement Barnier.
    Composition du Gouvernement Michel Barnier I nommé le 21 septembre 2024.
    Législatives 2024 (49) : les socialistes crient au secours la droite revient !
    Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy.
    Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240923-gouvernement-barnier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-50-les-premiers-256921

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/24/article-sr-20240923-gouvernement-barnier.html



     

  • Législatives 2024 (49) : les socialistes crient au secours la droite revient !

    « Une équipe ! Maintenant, au travail ! » (Michel Barnier, le 21 septembre 2024 sur Twitter).



     

     
     


    Le plus important de ce très laconique tweet du Premier Ministre (qui est plutôt un taiseux et peut-être tant mieux), ce sont les deux petits drapeaux en guise de point final : drapeau français et drapeau européen. Certes, chaque ministre, chaque assemblée arbore désormais ce double symbole de la France et de l'Union Européenne, mais cela signifie bien la détermination du chef du gouvernement à ne pas céder à toute sorte de compromission contraire à ses valeurs. Il est un Européen convaincu et il le demeurera, comme il est un amoureux de la France.
     

     
     


    Donc, oui, ça y est !Juste avant le début de l'Automne. Accouchée dans la douleur, la composition du gouvernement Barnier a été annoncée ce samedi 21 septembre 2024 peu avant 19 heures 50 par le Secrétaire Général de l'Élysée Alexis Kohler, comme le veut la tradition républicaine.

    Ce qui n'était pas traditionnel, c'était la gestation de ce gouvernement pour remplacer le gouvernement de Gabriel Attal démissionnaire le 16 juillet 2024. Plus d'un mois et demi pour trouver un Premier Ministre (la balle à l'Élysée), puis seize jours (plus de deux semaines) pour arriver à une liste de ministres (la balle à Matignon). Très atypique, cette annonce un samedi soir, en plein week-end. A fortiori un samedi de la Journée du patrimoine où même le Palais de l'Élysée était envahi de visiteurs jusqu'à 18 heures. Plus logique en revanche de faire l'annonce juste avant le journal de 20 heures, il est encore des grands-messes qui obligent.

    Ce qui est, en revanche, ahurissant, c'est que cette composition a été élaborée à ciel ouvert, comme dans un gigantesque jeu de téléréalité. Au départ, Michel Barnier a fait des consultations en B to B (face-à-face) avec chaque parti prêt à s'engager et à s'investir dans cette aventure gouvernementale. Mais c'est vite devenu intenable, tant les caprices des uns, les calculs des autres, les lignes rouges, les irresponsabilités rendaient impossible toute solution.

     

     
     


    Le Premier Ministre a alors eu un coup de sang et s'est dit prêt à jeter l'éponge, ce qui aurait plongé la France dans une véritable crise politique. Et a décidé de faire comme lors de l'élection du pape par les cardinaux : on se réunit et on libère les participants seulement lorsqu'il y a une fumée blanche. C'était le jeudi 19 septembre 2024. On a pensé que tout était réglé, mais il a encore fallu travailler deux jours. Et pleine transparence, jusqu'aux coups de fil du Premier Ministre au Président de la République, jusqu'aux ministres pressentis qui, finalement, n'en seraient pas (exemples, Violette Spillebout à l'Éducation nationale, ou encore Mathieu Lefèvre, ancien collaborateur de Gilles Carrez et très proche de Gérald Darmanin, au Budget), tandis que Laurent Wauquiez paradait devant les députés LR pour proclamer sa non-participation (il était pressenti à Bercy). Quant à la très conservatrice Laurence Garnier, pressentie à la Famille, elle a été sauvée mais à la Consommation. On imagine le stress dans un tel cas et sans doute fallait-il prier pour que son nom ne soit pas publié trop tôt et lâché aux chiens médiatiques et internautiques.

    En tout cas, Michel Barnier a tenu son objectif de nommer tout son gouvernement avant dimanche soir pour un conseil des ministres le lundi 23 septembre 2024 à 15 heures, après les passations de pouvoir et avant le voyage du Président de la République à l'Assemblée Générale de l'ONU. Le prochain rendez-vous sera pour le 1er octobre 2024, date de rentrée parlementaire et surtout du crucial discours de politique générale (enfin, on va parler du fond après cet été surréaliste).

    À l'issue de la lecture de la liste des ministres, les commentateurs politiques, qu'ils soient journalistes ou responsables politiques, était particulièrement pitoyables et vides (je sais qu'il ne faut pas attendre grand-chose un samedi soir, même si on peut quand même noter la participation exceptionnelle sur BFMTV de l'éditorialiste Alain Duhamel, que j'apprécie). Pourquoi ? Parce que le vide ne vient pas de rien, il vient d'un parisianisme qui ne connaît que les ultracélèbres et qui ignore la réalité territoriale de la (vraie) classe politique. Avant (dans l'ancien monde ?), les journalistes politiques connaissaient exactement la carte électorale, qui était député et maire d'où, et sans s'aider de l'antisèche parfois trompeuse Wikipédia. Maintenant, le creux l'emporte sur le travail : on se repose simplement sur des préjugés, des clichés, des impressions pour faire de commentaires peu pertinents... Exemple frappant : un éditorialiste proche du RN évoquait le choc idéologique entre Bruno Retailleau et Didier Migaud... sans connaître l'idéologie de ce dernier puisque ce dernier, fort discret depuis 2010 sur le plan politique, a quitté l'engagement militant.

    Moi, je dis deux choses à propos de ce nouveau gouvernement. D'une part, et c'est ce qui suit, il y a des noms intéressants, des pépites, des personnalités peu connues qui méritent de l'être, et une construction beaucoup plus subtile et sophistiquée qu'on veuille bien le croire (ce qui justifie ce temps long et confirme que Michel Barnier est un vieux routard de la vie politique). D'autre part, et je pense que cette affirmation peut être partagée par beaucoup de Français, même s'ils ne sont pas de la même opinion politique que la coalition qui va gouverner, il faut que le gouvernement Barnier réussisse, car il faut que la France gagne. L'intérêt national commande la réussite, du moins pour quelques mois, de cette tentative désespérée de sortir de l'impasse. Laissons les ministres, le gouvernement gouverner, donnons-leur au moins la chance de montrer ce qu'ils vont faire, avant tout préjugé. À l'épreuve du pouvoir, les gens peuvent changer. Les Français doivent les juger sur les actes, pas sur les réputations (très faibles ici puisque la plupart des ministres sont inconnus tant du grand public que des journalistes autosatisfaits).

     

     
     


    Et rappelons l'origine de l'impasse. L'impasse, ce n'est pas la dissolution par Emmanuel Macron. Certes, à sa place, je n'aurais jamais pris cette décision téméraire à ce moment précis de notre vie démocratique, mais c'est son choix, souverain, constitutionnel, et il n'y a pas à épiloguer sur le sujet. Du reste, le RN avait réclamé cette dissolution depuis plusieurs mois et on ne peut pas critiquer la dissolution et en même temps traiter Emmanuel Macron d'autocrate voire de dictateur. Il a fait appel au peuple français. Personne ne peut le lui reprocher !

    L'impasse, elle ne vient pas de là. De cette dissolution, comme la précédente, en 1997, aurait pu survenir une majorité absolue claire, d'un camp ou d'un autre, on aurait été alors joyeux dans le camp des vainqueurs ou déçus dans le camp des vaincus, mais il y aurait des gagnants et des perdants et il y aurait un gouvernement stable pour appliquer une politique donnée. Si ces élections législatives anticipées n'ont pas abouti à cela, ce n'est pas la faute d'Emmanuel Macron, c'est celle du peuple ! Ce sont les électeurs qui ont choisi trois blocs, ou plutôt, qui ont choisi de manière à rejeter les deux autres blocs, si bien que l'Assemblée s'est retrouvée divisée en trois et pas en deux. C'est ce vote, pas collectivement conscient de la difficulté, mais résultat d'un véritable état de l'opinion, divisée en trois, qui a fait toute la difficulté et je trouve qu'Emmanuel Macron a réussi à trouver le bon Premier Ministre au bon moment. Il s'en sort bien.

    De quoi est donc la cause de ce gouvernement ? D'une réflexion menée simplement : pas de majorité pour la nouvelle farce populaire (NFP), qui n'a que 193 députés sur 289, loin donc d'une majorité absolue ; pas de majorité pour le RN, mais avec 146 députés, ceux-là le reconnaissent bien volontiers et on peut louer leur lucidité. Le bloc central qui cumule le camp présidentiel et Les Républicains totalisent autour de 220 députés (soit plus que le NFP, d'où la victoire de Yaël Braun-Pivet sur André Chassaigne au perchoir). C'est nettement insuffisant pour une majorité absolue, mais mieux que le NFP. Faute d'un compromis à gauche, le compromis s'est déplacé à droite et à l'extrême droite. En gros, le RN a accepté l'idée de ne pas immédiatement censurer le nouveau gouvernement si on l'écoutait sur les noms à ne pas prendre (en l'occurrence Xavier Bertrand, Éric Dupond-Moretti et Gérald Darmanin).

    Pour avoir le détail des noms et des postes, on pourra lire la totalité de cette composition ici. La première chose qui frappe est le nombre pléthorique de ministres : contrairement à d'habitude, il n'y a pas eu l'affichage hypocrite d'une volonté d'un gouvernement resserré. Ce n'est même pas préférable (parmi les premières critiques, celle qu'il n'y a pas de ministère pour les personnes en situation de handicap alors que pourtant, il y a un ministère pour l'autonomie qui inclut bien sûr le handicap : c'est la schizophrénie française, on critique l'endettement et on veut toujours dépenser plus ; on veut un gouvernement resserré mais on voudrait avoir mille ministères de tout et de rien). Celui de Michel Barnier est très clairement pléthorique car il était impossible de faire autrement pour satisfaire tous les partis de la coalition. 40 membres si l'on compte le Premier Ministre (qui reste chargé de la Planification écologique comme ses deux prédécesseurs), 19 ministres pleins, 15 ministres délégués et 5 secrétaires d'État. Parité parfaite : 20 femmes, 20 hommes.

     

     
     


    La première remarque évidente, c'est qu'il n'y a que des politiques, quasiment que des politiques, pour 39 sur 40 : d'après ma comptabilité (je ne tiens pas compte qu'une nouvelle ministre a quitté LR le 11 juin 2024 à cause de l'alliance d'Éric Ciotti), il y a 15 LR (dont 2 proches de Valérie Pécresse et 1 proche de Xavier Bertrand), 12 EPR (Renaissance), 3 UDI, 3 MoDem, 2 Horizons, 2 ex-LR, 1 radical, 1 ex-PS et 1 sans étiquette (Clara Chappaz, directrice de la French Tech de 2021 à 2024 nommée Secrétaire d'État chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique).

    Seulement six ministres sortants sont reconduits, dont deux (voire trois) gardent leur ministère : Sébastien Lecornu aux Armées (on lui a rajouté les Anciens combattants), Rachida Dati à la Culture (on lui a rajouté le Patrimoine), éventuellement Agnès Pannier-Runacher qui hérite du grand Ministère de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques (elle était déjà dans ce ministère dans certains précédents gouvernement). Trois autres changent d'attributions : Catherine Vautrin (Territoires et Décentralisation), Jean-Noël Barrot (Quai d'Orsay) et Guillaume Kasbarian (Fonction publique entre autres). On pourrait rajouter une septième ministre sortante, mais sortie dès juillet 2023 : Geneviève Darrieussecq, qui devient Ministre de la Santé (elle est médecin). Enfin, deux autres ont été déjà ministres avant 2017 : Valérie Létard et Michel Barnier (sous Nicolas Sarkozy). En tout, donc, 9 ministres expérimentés sur 40, ou, à l'envers, 31 nouveaux ministres, noms nouveaux, sur 40.

    Cette dernière remarque signifie qu'il y a un grand renouvellement des personnes. Mais le poids politique aussi est important. Les poids lourds actuels de cette coalition sont à l'extérieur du gouvernement : Gabriel Attal, Édouard Philippe, Gérald Darmanin, François Bayrou, Élisabeth Borne, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Bruno Le Maire sont à l'extérieur. Si on veut donner le qualificatif de poids lourd au-delà de Michel Barnier, ce sera sans doute à Bruno Retailleau, très influent président du groupe LR au Sénat, qui aurait sans doute été le Premier Ministre de François Fillon en cas d'élection de ce dernier. Bruno Retailleau est nommé Ministre de l'Intérieur. Ce choix est crucial. L'opposition de gauche l'accuse déjà d'être "inhumain" (ce qui est un sacré argument politique !). Notons d'ailleurs (je ne suis pas le seul à faire ce constat) qu'Éric Ciotti, qui rêve d'être Ministre de l'Intérieur, aurait certainement été nommé dans ce gouvernement à ce poste s'il ne s'était pas jeté, trop confiant dans les sondages, dans les bras incertains de Marine Le Pen.

    Autre remarque, les noms de ministères et leur architecture. Beaucoup de nouvelles appellations, parfois assez longues. Sur la structure, il faut noter l'indépendance du logement (une réelle politique du logement est nécessaire), mais aussi des transports par rapport à la transition écologique. C'est très intelligent de faire dépendre les transports des territoires. Le Ministère de l'Europe dépend à la fois du Quai d'Orsay (domaine du Président) et de Matignon (domaine du Premier Ministre). Les Outre-mer dépendent directement de Matignon et pas de l'Intérieur comme à l'époque de Gérald Darmanin (une des revendications des indépendantistes en Nouvelle-Calédonie). Au-delà d'une Ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement et d'une porte-parole du gouvernement, il y a aussi une Ministre déléguée chargée de la "Coordination gouvernementale". Enfin, on peut aussi s'étonner que le Ministère du Budget et des Comptes publics soit rattaché à Matignon et pas à Bercy.

    Comme dans chaque gouvernement, beaucoup de personnalités sont de grande valeur, énarques, normaliens, ESSEC, IEP, etc. (de formation), avec une trajectoire personnelles très intéressante et diversifiée. On peut citer deux présidents de commission bombardés ministres : le président de la commission des affaires économiques Antoine Armand (EPR) nommé à 33 ans (il les a eus il y a onze jours) Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie ; celui de la commission des affaires sociales Paul Christophe (Horizons) nommé Ministre des Solidarités, de l'Autonomie et de l'Égalité entre les femmes et les hommes (amusant de voir dans la défense des femmes... un homme).

     

     
     


    Dernière remarque, anecdotique celle-ci : certains sont nommés alors qu'ils ont échoué aux élections législatives, c'est le cas notamment de François Durovray et Laurent Saint-Martin.

    Trois critiques reviennent généralement dans les réactions à ce nouveau gouvernement, issues des extrêmes.

    La première, c'est de dire, de croire, de faire croire que ce gouvernement est la suite du macronisme (elle provient de l'extrême gauche et de l'extrême droite). C'est ne rien comprendre à Michel Barnier de dire cela. C'est surtout factuellement faux. On reprochait à Emmanuel Macron de faire ses gouvernements (sauf le dernier) en se basant sur des non-personnalités politiques, sur des personnes dites de la "société civile", en somme, sur des ministres hors sol. Celui de Michel Barnier est exactement l'inverse. Comme je l'ai écrit, il est ultrapolitisé (chaque ministre a eu un engagement politique, une histoire politique parfois très ancienne, cinquante-deux ans pour le premier d'entre eux). Il est au contraire très axé sur les territoires : beaucoup de sénateurs (en particulier LR), et les sénateurs sont sur le terrain, connaissent parfaitement les communes, les départements, il y a aussi beaucoup de maires ou de présidents d'exécutif, comme Gil Avérous (maire de Châteauroux), Fabrice Loher (maire de Lorient), Nicolas Daragon (maire de Valence), François Durovray (président du conseil départemental de l'Essonne), etc. Si on prend les parlementaires qui ont dû quitter leur mandat exécutif mais qui y sont restés très attachés (comme Bruno Retailleau pour la Vendée et les Pays de la Loire, Valérie Létard pour le Nord et Valenciennes, Marie-Agnès Poussier-Winsback pour Fécamp, Alexandre Portier pour Villefranche-sur-Saône, Geneviève Darrieussecq pour Mont-de-Marsan, Sébastien Lecornu pour l'Eure et Vernon, François-Noël Buffet pour Lyon, Othman Nasrou pour Trappes, etc.), alors on a une France des territoires très diversifiée et aussi très connue localement.

    Les Français ont voulu un réel changement dans leur gouvernance, et il l'ont obtenu avec le gouvernement Barnier. Les principaux ténors du gouvernement précédent sont hors des ministères, même certains, comme Gérald Darmanin, qui auraient bien voulu rester.

    La deuxième critique, provenant exclusivement des insoumis, est de dire que ce gouvernement est vendu à l'extrême droite, ce qui est d'autant plus excessif et stupide qu'il suffit d'écouter l'opinion des députés RN sur ce gouvernement. Le RN n'a pas intérêt à un clash alors qu'à la veille de la rentrée parlement s'ouvre le procès du RN, mais la nature revient toujours au galop et on peut lire ici ou là l'absence d'approbation d'une telle composition (ce qui ne veut pas dire la censure).
     

     
     


    Enfin, celle relayée le plus dans les médias, la troisième critique, provenant surtout des socialistes, qui condamnent ce gouvernement de droite ! Ce PS mélenchonisé définitivement n'est vraiment plus récupérable ! Ce sont les socialistes eux-mêmes qui ont refusé d'entrer au gouvernement, et après, ils critiquent le gouvernement qui n'a rien à gauche. C'est dément comme argumentation et les Français aiment bien un peu de logique dans les postures politiques. Emmanuel Macron avait pressenti Bernard Cazeneuve à Matignon, mais le PS l'a flingué en direct à Blois. Le plus hypocrite est François Hollande qui critique la nomination de Michel Barnier mais qui n'a pas levé son petit doigt pour aider son ancien Premier Ministre, de peur de contrarier le gourou des insoumis. Mais même après le choix du Premier Ministre, tout restait possible. Michel Barnier a proposé à de nombreux hiérarques socialistes d'entrer au gouvernement, notamment à Bernard Cazeneuve, Stéphane Le Foll, Jérôme Guedj, Karim Bouamrane, François Rebsamen, Carole Delga, Philippe Brun... Le PS a refusé de gouverner et ensuite, il critique le choix d'un gouvernement "de droite", quelle hypocrisie et quelle contradiction !

    On a reproché à Michel Barnier de faire du casting avant de définir le fond de son programme. En termes de programme, son gouvernement sera certainement bien humble : s'il arrive à faire adopter les deux lois de finances avant le 31 décembre 2024, il sera bien content. Selon Matignon, Michel Barnier souhaiterait coconstruire son plan d'action avec les ministres. Si les socialistes avaient accepté d'être présents, ils auraient pu infléchir la politique de la nation à gauche. Ils ont préféré servir de serviles faire-valoir à Jean-Luc Mélenchon. Ils n'auront plus aucune influence, à l'image du 1,7% de leur score à la présidentielle.

    Ce dimanche, le maître mot sera donc : PASSATION !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Composition du Gouvernement Michel Barnier I nommé le 21 septembre 2024.
    Législatives 2024 (49) : les socialistes crient au secours la droite revient !
    Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy.
    Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240921-gouvernement-barnier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-49-les-256891

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/21/article-sr-20240921-gouvernement-barnier.html







     

  • Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy

    « Comme dirait Michel Sardou, je vous aime, mais je pars. (…) Je pars avec le sentiment profond que ces sept années ont été utiles pour la France. Cela aura été un honneur dans ma vie politique d'occuper les fonctions de Ministre de l'Économie et des Finances pendant plus de sept ans. Je veux donc marquer ma reconnaissance sincère et profonde au Président de la République. » (Bruno Le Maire, le 12 septembre 2024 à Bercy).




     

     
     


    Étrange coïncidence du destin, celui qu'on pourrait considérer comme le premier Ministre de l'Économie et des Finances de la France, le Surintendant des Finances de François Ier, à savoir Jacques de Beaune, baron de Semblançay, a quitté ses fonctions il y a 500 ans, en 1524. La petite différence, c'est qu'il a commencé en 1518 et pas 1517. Un demi-millénaire plus tard, Bruno Le Maire, Ministre de l'Économie et des Finances depuis le 17 mai 2017, s'apprête à quitter Bercy dans quelques jours, quelques heures, le temps que le gouvernement de Michel Barnier soit définitivement nommé. Contrairement aux premières esquisses de composition, son successeur ne sera pas Laurent Wauquiez avec qui il siégeait déjà au gouvernement sous la Présidence de Nicolas Sarkozy (ce qui fait au total un peu moins de onze ans au gouvernement ; plus de dix ans, c'est rare dans la vie politique).

    Plus de sept ans sans discontinuité aux Finances, c'est un record sous les républiques. Sous cinq gouvernements et quatre Premiers Ministres. Seul Valéry Giscard d'Estaing est resté plus longtemps à ce poste, mais en discontinuité, près de neuf ans : du 18 janvier 1962 au 8 janvier 1966 puis du 20 juin 1969 au 27 mai 1974, jusqu'à son élection pour accomplir un septennat. Le précédent record (sans discontinuité) remonte à Napoléon Ier, avec son Ministre du Trésor public Nicolas François Mollien, du 27 janvier 1806 au 1er avril 1814.

    Contrairement à ce que raconte Michel Houellebecq dans l'un de ses derniers romans d'anticipation politique, Bruno Le Maire (qu'il a rencontré et apprécié pour rédiger son livre) n'aura pas été l'unique Ministre de l'Économie et des Finances des deux quinquennats du Président Emmanuel Macron, et il n'aura pas été en position d'être candidat à la prochaine élection présidentielle, après les dix années (dans le roman non plus, car finalement, "le Président" choisit un animateur humoriste populaire pour le remplacer temporairement ; serait-ce Volodymyr Zelensky ?). Il y a beaucoup trop de concurrence pour être "l'héritier" : Édouard Philippe, Gabriel Attal, Gérald Darmanin, et pourquoi pas, Élisabeth Borne et toujours François Bayrou...

    Il vient de recevoir l'autorisation d'enseigner en Suisse et il va donc profiter du début de l'année scolaire pour être professeur d'économie et de géopolitique à Lausanne. Un exil pédagogique autant que politique volontaire qui fait penser à ceux de Philippe Séguin et Alain Juppé au Québec. À 55 ans, il pourrait toujours compter sur un retour et jouer le rôle de l'homme providentiel, mais ce n'est pas sûr qu'il puisse se relever de son impopularité acquise à Bercy.

    Une impopularité acquise surtout depuis quelques mois, depuis environ mars 2024, quand il avait averti que le déficit public de 2023 allait dépasser largement les prévisions, à 5,6% du PIB. Au risque d'être anti-électoral (à l'approche des élections européennes), Bruno Le Maire avait brandi une réduction des dépenses de 10 à 15 milliards d'euros pour 2024 (le gouvernement n'est pas obligé de dépenser la totalité des montants votés par les parlementaires dans la loi de finances ; il ne peut pas dépenser plus mais il peut dépenser moins).

    C'était une initiative politiquement et électoralement casse-cou. Sa réaction à la dissolution l'avait d'ailleurs complètement disqualifié aux yeux de l'Élysée : « Vous savez, les parquets des ministères et des palais de la République sont pleins de cloportes. Il y a toujours eu des cloportes, cela fait partie de la vie politique française. Ils sont dans les parquets, dans les rainures des parquets, c'est très difficile de s'en débarrasser. Le mieux, c'est de ne pas les écouter, et de rester à sa place, qu'on soit Président de la République, Premier Ministre, ministre, et prendre ses décisions en conscience. » (il parlait ainsi de la dictature des conseillers occultes le 20 juin 2024 sur TV5-Monde avec un mot très violent).





    Pour marquer le coup, au-delà de ses obligations ministérielles (comme son audition à la commission des finances de l'Assemblée Nationale le 9 septembre 2024), Bruno Le Maire a voulu faire un discours d'adieu avant de partir. Pour ne pas refaire comme Gabriel Attal lors de sa passation des pouvoirs à Michel Barnier à Matignon, il a préféré séparer le discours d'adieu et le discours assez formel de passation des pouvoirs avec son successeur (très bientôt).

    Il a ouvert son discours sur un remerciement à Emmanuel Macron à qui, en quelque sorte, il a succédé à Bercy (pas tout à fait directement). Pour Emmanuel Macron, le secteur de l'économie est important pour redresser la France, sa grandeur, et le choix de Bruno Le Maire, qui plus est unique jusqu'à la dissolution, montre la grande confiance du Président de la République. Rappelons que Bruno Le Maire avait été pressenti pour succéder à Christine Lagarde en juin 2011 lorsqu'elle avait été nommée directrice générale du FMI, mais finalement, François Baroin avait arraché sa nomination à Bercy par Nicolas Sarkozy (dans le troisième gouvernement de François Fillon).

    Tout le problème du "bilan" de Bruno Le Maire est dans cette contradiction qui va bien au-delà de la Présidence d'Emmanuel Macron : économiquement, la France va beaucoup mieux, le chômage a baissé durablement, les emplois industriels sont recréés, l'innovation frôle l'excellence, la France est le pays européen le plus attractif des investisseurs étrangers, et l'inflation est revenue à un taux assez faible ; mais parallèlement, jamais le sentiment de précarité, de salaire trop bas, de pouvoir d'achat insuffisant, d'insécurité financière autant que physique n'a été ressenti aussi fortement par les Français que pendant cette période, en particulier en raison des crises nombreuses (gilets jaunes, covid-19, guerre en Ukraine, énergie, etc.), mais aussi en raison d'une transformation en profondeur, autant sociologique que technologique, de la société française. Ce n'est pas nouveau qu'on manque de repères, qu'on regrette les temps anciens (quand on était jeunes), mais cette perte d'identité est nettement plus fortement ressentie dans une nation qui n'est plus isolée, qui est dans une monde global où les échanges de biens et de personnes sont possibles avec la planète entière. Sentiment amplifié par les nouveaux modes de communication, chaînes d'information continue pour les surréactions, réseaux sociaux pour les grains de sel souvent négatifs et destructeurs, déclinistes et pessimistes, dans tous les cas dénigreurs. Je précise bien sûr qu'il ne s'agit pas que d'un sentiment de déclassement, c'est aussi la réalité de plusieurs millions de Français, et si ce n'est pas une réalité, c'est une angoisse qu'elle le devienne, ce qui, psychologiquement, est à peine mieux. La société est de plus en plus à deux vitesses, ceux qui sont prêts à assumer le choc de la compétitivité avec le monde entier, et ceux qui ne s'en sentent pas capables.

     

     
     


    Malgré les difficultés, malgré le problème d'endettement durable et de déficit momentané (le maintien de la croissance permet d'être optimiste à moyen terme), Bruno Le Maire a brossé un bilan évidemment positif de son action : « En me nommant [il s'adressait alors au Président de la République], vous m'aviez fixé une mission : transformer l'économie française. Année après année, obstinément, laborieusement, consciencieusement, nous avons engagé cette grande transformation économique de la France. Contre la valse des impôts, nous avons fait le choix de la stabilité fiscale, contre le déclassement des classes moyennes, nous avons revalorisé le travail, contre les délocalisations de masse, nous avons engagé la réindustrialisation des territoires, contre le French bashing, nous avons fait de la France la nation la plus attractive en Europe. (…) Cette grande transformation économique ne doit pas être une parenthèse dans la vie de notre nation. Elle doit être le socle de nos ambitions économiques nationales futures. Car cette grande transformation nous a fait réussir parmi les autres nations en Europe. Depuis sept ans, la croissance cumulée de la France est supérieure à celle de la Grande-Bretagne, de l'Italie ou de l'Allemagne. Depuis sept ans, le chômage baisse, des usines vertes ouvrent, les investisseurs viennent, l'inflation est repassée sous les 2%. Depuis sept ans, la France enregistre des résultats économiques que nous devons confirmer dans les années à venir. ».

    Le ministre démissionnaire a en particulier évoqué l'une des raisons de ses succès, sa stabilité : « Le Président de la République, les Premiers Ministres successifs (…) m'ont donné ce qui est la condition nécessaire de tout succès en politique : le temps. Le temps long est une force et une vertu. Le temps long de la politique économique rassure les entrepreneurs, qui ont besoin de stabilité. Le temps long de la politique fiscale donne la visibilité nécessaire pour investir, consommer, par conséquent soutenir la croissance. Le temps long évite les embardée, les humeurs, les modes, les querelles, les polémiques, les changements de pied incessants qui sont trop souvent le lot de notre vie politique nationale. ».

    Bruno Le Maire a présenté les trois phases des finances publiques pendant lesquelles il était responsable : 2017-2019 : phase de rétablissement des comptes publics avec déficit inférieur à 3% du PIB ; 2020-2022 : phase de protection face aux crises « qui a entraîné des dépenses nouvelles, massives et nécessaires face à un effondrement de notre production économique et à la flambée des prix » ; depuis 2023 : phase de retour à la normale. En expliquant (extrait qui allait être abondamment repris par les journalistes) : « Dans notre histoire financière, le virage du retour à la normale est toujours le plus difficile à négocier. Tout le monde réclame de l'ordre dans les comptes, personne ne propose des économies. Tout le monde veut le désendettement, personne ne soutient nos réductions de dépenses. C'est l'hypocrisie française : on veut de la dette en moins et des dépenses en plus. Pourtant, ce sont des somnambules, ceux qui proposent de dépenser toujours plus d'argent public. Ce sont des somnambules, ceux qui promettent de revenir sur la réforme des retraites sans toucher à la feuille de paye ni aux pensions et en promettant plus de pouvoir d'achat. Ce sont des somnambules, ceux qui dénoncent l'austérité dans une France qui redistribue sa richesse plus largement que n'importe quelle autre nation. Le réveil sera douloureux. Pas pour les somnambules, mais pour la France. Car le sommeil conduit toujours à la servitude. ».

    Le Ministre des Finances a embrayé sur l'importance de ne pas renforcer la pression fiscale, malgré les grandes tentations politiques de le faire : « La France ne doit pas revenir en arrière non plus sur les impôts. Malgré nos 55 milliards d'euros de baisses d'impôts depuis 2017, sur les ménages comme sur les entreprises, la France garde un niveau de pression fiscale parmi les plus élevés au monde. Pourtant, à écouter les commentaires, les recommandations des spécialistes, les avis des conseilleurs qui ne sont jamais les payeurs, la plus grande pente reste toujours de relever les impôts. Ne cédons pas à cette facilité. Si nous voulons livrer un combat fiscal, livrons-le au niveau international : taxons à un juste niveau les plus grandes fortunes de la planète. Nous avons mené avec succès deux combats majeurs sur la fiscalité internationale : la taxation des géants du numérique et la taxation minimale des multinationales. Battons-nous pour gagner ce troisième combat : voilà une défi à la hauteur de la France ! ».

    Et d'ajouter un peu plus tard : « Peu à peu, la France renoue avec sa vocation de grande nation manufacturière, innovante, audacieuse : une grande nation de production. Nous devons faire passer de 10 à 15% la part de l'industrie manufacturière dans notre richesse nationale. Pour cela, gardons un cadre fiscal attractif pour les entreprises. (…) Plutôt que défaire, regardons par conséquent ce que nous pouvons faire mieux. ».

    Trois pistes pour faire mieux, selon l'ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin à Matignon :

    Les salaires : « Redonner un espoir salarial à toutes celles et tous ceux qui travaillent, voilà le défi français. Cet espoir salarial, il se construira dans la réduction des écarts entre salaire brut et salaire net, dans une refonte en profondeur de nos allègements de charges, par une remise à plat de notre modèle social. Notre modèle social ne peut plus être financé à titre principal par les contributions sur le travail. Sans quoi le travail ne sera plus une liberté, mais une contrainte ; plus la clef des rêves, mais une source de découragement. (…) Pour augmenter durablement les salaires, il faut augmenter fortement la productivité du travail. ».


    Le climat : « Tout notre outil de production, toute notre innovation, notre recherche, nos grands acteurs bancaires et assurantiels, nos champions du bâtiment, de la construction, du transports, du traitement des eaux, de l'énergie, doivent se mettre au service de cette immense révolution de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Ils le font déjà. Nous devons les accompagner pour faire davantage encore. Avec un objectif collectif : être la première économie 0 émission en Europe en 2040. Objectif ambitieux ? Mais les grandes ambitions n'ont jamais fait peur à la France. Au contraire : nous sommes un peuple pionnier. Nous aimons l'aventure et la grandeur. ».

    Le financement de notre économie : « Nous manquons de financements privés en Europe pour faire face à la double révolution technologique et climatique. (…) Nous devons améliorer le financement de notre économie et le diversifier. Nous devons alléger les contraintes réglementaires qui pèsent sur les banques et les assurances. Nous devons sans délai mettre en place l'union des marchés de capitaux, trouver les financements nécessaires pour nos pépites technologiques, améliorer notre productivité. Notre productivité européenne chute depuis vingt ans quand la productivité américaine flambe. Plus d'innovation, plus de formation, un meilleur niveau éducatif, ce sont les conditions du rétablissement de notre prospérité collective. Nous ne pouvons pas lambiner quand les autres puissances galopent. ».

    Inutile de préciser que, même si le ministre quitte (momentanément ?) la vie politique, cet exposé des choses à faire ressemble furieusement à un programme électoral et aussi à une vison à long terme de l'économie française.
     

     
     


    Bruno Le Maire espère aussi la reprise rapide du projet de loi sur la simplification qu'il n'a pas pu achever. Il a par ailleurs salué et remercié toutes les personnes qui l'ont accompagné pendant ces sept années, des ministres délégués, des hauts fonctionnaires, collaborateurs, membres de cabinet, directeurs d'administration, parlementaires, maires et élus locaux qui sont venus l'écouter, etc. (plus de 1 200 personnes sont venues l'écouter). Il a aussi remercié les 130 000 agents du ministère « techniciens, contrôleurs, douaniers, statisticiens, juristes, informaticiens, économistes, qui font la force de cette maison ».

    Et quel a été son moment le plus intense ? « Je pourrais répondre : le jour où le Premier Ministre israélien s’est retrouvé coincé dans un des ascenseurs de Bercy, le jour où le chat Olive est mort, le jour où Ascoval a été définitivement sauvé, le jour où nous avons remplacé le gravier de cette cour par des arbres, le jour où Olaf Scholz après une nuit de négociation sur la dette en commun a lâché "deal", le jour où nous avons vu Notre-Dame brûler, le jour où Vincent Lindon a tourné au PMF, le jour où les prix du gaz ont flambé. Je répondrais : le covid. Face à la crise économique la plus grave que le monde ait eu à affronter depuis 1929, nous avons fait face. Le covid aurait pu conduire au pire : récession, crise sociale, désordres politiques. Il a au contraire montré le meilleur de notre société : héroïsme sans faille des soignants et du monde hospitalier ; présence à leurs postes des salariés dans les commerces essentiels, dans le nettoyage, dans la grande distribution, dans les exploitations agricoles ; mobilisation permanente de tous les agents du ministère pour élaborer les aides d’urgence, mettre en place le fonds de solidarité pour les TPE et les PME, distribuer le PGE, verser le chômage partiel. Partout, une vraie et profonde générosité de cœur. À nouveau je dis : merci. Nous avons dépensé beaucoup ? Oui, mais pour le bien de tous. Qui oserait dire sincèrement que ces dépenses de protection dont certains nous font le reproche maintenant, après nous avoir supplié de dépenser plus hier, ne répondaient pas à un cas économique de force majeur ? Qui ne voit pas que ces dépenses nous ont permis de sauver nos entreprises, nos commerces, nos emplois, nos compétences ? Il est trop facile de réécrire l’histoire : nous n’avons pas dilapidé l’argent public, nous avons protégé les Français et nous devons en être fiers ensemble. La France est grande quand elle se rassemble, puissante quand elle agit de concert, invincible quand elle sert une cause qui la dépasse. ».

    Le testament de celui qui considère que lorsqu'on s'engage en politique, on doit démissionner de la fonction publique lorsqu'on est fonctionnaire et prendre son risque (ce qui a été son cas, aussi celui d'Emmanuel Macron, et ce qui est une pique à une autre énarque, Lucie Castets), c'est : « L'autorité et l'amour sont les deux valeurs qui nous permettront de desserrer la pression des extrêmes, qui sont en train de prendre en étau notre nation. La radicalisation politique de plus en plus forte est devenue la règle dans les grandes démocraties. La France doit rester une exception. L'exception politique française, ce sont la mesure et la raison. ».

    De l'émotion, certes, mais de l'émotion rationnelle, préparée, calculée, pour ce départ en fanfare et dans les acclamations de son public trié sur le volet. Au regard de l'histoire politique de la France, Bruno Le Maire aura au moins marqué le Ministère de l'Économie et des Finances, à défaut d'aller plus loin, le cas échéant.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bercy : les grands argentiers de France (22 juin 2007).
    Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy.
    Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240912-bruno-le-maire.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-48-les-adieux-de-256754

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/12/article-sr-20240912-bruno-le-maire.html




     

  • Gérard Larcher, protecteur des institutions

    « Vous me connaissez : vous savez que j’ai la République chevillée au corps. Tranquillement, sereinement, et avec détermination, je resterai fidèle à ce que je suis : attaché aux institutions, au rôle du Parlement, à la séparation des pouvoirs, à l’indispensable bicamérisme. Sur chacun de ces points, je ne serai pas simplement intransigeant : je serai extrêmement exigeant ; attaché, aussi, aux valeurs qui ont motivé mon engagement politique et mon engagement social. » (Gérard Larcher, le 1er octobre 2020 au Sénat).




     

     
     


    Le Président du Sénat Gérard Larcher fête son 75e anniversaire ce samedi 14 septembre 2024. Élu pour la première fois à la Présidence du Sénat le 1er octobre 2008, et après une interruption entre octobre 2011 et octobre 2014 où il a dû céder la place au socialiste Jean-Pierre Bel (le Sénat était alors de gauche), il entame depuis sa réélection d'octobre 2023 son cinquième mandat de trois ans. À ce titre, il commence à faire partie des Présidents du Sénat les plus longs tant de la Cinquième République que de toutes les républiques, même s'il a encore de la marge pour atteindre les premiers deux records.

    Le premier, c'est celui du centriste Alain Poher au Plateau pendant vingt-quatre ans (huit mandats entre octobre 1968 et octobre 1992), et le deuxième, mais enjambant les deux dernières républiques, le radical Gaston Monnerville, vingt et un ans (entre mars 1947 et octobre 1968). Cette fonction correspondant au deuxième personnage de l'État, devant le Premier Ministre et le Président de l'Assemblée Nationale (en l'occurrence, depuis 2022, la Présidente de l'Assemblée), et a en quelque sorte le rôle du Vice-Président puisqu'il assure l'intérim présidentiel en cas de vacance de la Présidence de la République (cela s'est produit deux fois, en 1969 et en 1974, et a failli se produire une fois encore en 1994). C'est aussi le modèle américain, mais à l'envers, le Vice-Président est élu en même temps que le Président et a pour rôle de présider le Sénat. De Gaulle l'avait regretté lorsqu'on a rédigé la Constitution de la Cinquième République et voulait donner au Premier Ministre cette charge d'assurer l'intérim présidentiel, ce qui lui fut refusé car le Premier Ministre n'était "que" nommé par le Président et n'avait pas de légitimité personnelle directe dans notre démocratie représentative.

    Gaston Monnerville et Alain Poher face à De Gaulle, Alain Poher face à François Mitterrand, Gérard Larcher face à Emmanuel Macron... les Présidents du Sénat ont souvent été des opposants institutionnels au pouvoir exécutif, mais des opposants courtois, polis, posés, qui n'ont rien à voir avec des opposants débraillés, criards et vulgaires comme on a pu en voir depuis 2017 parmi les députés. Il ne faut pas d'ailleurs que le Président du Sénat soit un représentant trop partisan ni un présidentiable car sa personnalité pourrait effacer celle du Sénat. C'est d'ailleurs pour cette raison qui l'a emporté, à sa première élection, sur un ancien Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin. C'est aussi pour cette raison qu'il a toujours refusé Matignon sous Emmanuel Macron.

    La personnalité de Gérard Larcher se prête aux comportements consensuels et au fil de ses réélections, il a réussi à élargir sa base électorale, des sénateurs d'autres groupes que la majorité sénatoriale n'hésitant pas à voter pour lui car il représente bien les sénateurs. Quand j'écris qu'il représente bien les sénateurs, il ne faut pas croire que c'est par sa corpulence, au point même qu'il peut être victime de grossophobie parmi des enragés d'un antiparlementarisme anachronique et populiste. Il représente bien les sénateurs car il a réussi à incarner le Sénat dans sa diversité mais aussi dans son importance institutionnelle : au contraire de l'Assemblée tributaire des modes, des polémiques, des colères des électeurs, les sénateurs peuvent se permettre de prendre le temps de la réflexion, d'étudier beaucoup plus profondément des sujets alors que les députés seraient tentés de raisonner par idéologie ou consigne de partis. Des lois comme les premières lois de bioéthique ont été concoctées par des sénateurs, pas par des députés.

     

     
     


    Il ne faut pas s'y tromper : la bonhomie n'exclut pas la détermination et la fermeté. Gérard Larcher a pris tout son rôle depuis 2022 et l'absence de majorité à l'Assemblée, encore plus depuis 2024, pour faire le lien entre les acteurs et éviter les crises éventuelles (politiques ou institutionnelles). Il s'amuse à dire que les sénateurs ne disent jamais oui par consigne de parti ni non par idéologie. Ce qui les rend plus indépendants et libres que les députés. Il a du reste noué des liens solides avec la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet.

    Gérard Larcher a su formuler assez précisément sa doctrine sur le rôle du Sénat le 2 octobre 2017 lorsqu'il a été réélu pour la deuxième fois, contre-pouvoir mais pas anti-pouvoir, pas sans un coup de griffe à Emmanuel Macron qui venait d'être élu : « Le Sénat est, à mes yeux, le stabilisateur institutionnel indispensable à une démocratie apaisée. Il protège les citoyens des lois de pulsion votées dans la précipitation, sous la pression populaire ou médiatique du moment, des excès éventuels de l’exécutif influencé par la proximité d’élections nationales ou par sa chute dans des enquêtes d’opinion. C’est ce contre-pouvoir qu’incarne le Sénat. Un contre-pouvoir exigeant, qui n’est jamais un anti-pouvoir et qui sait s’opposer avec discernement, sans les excès des postures partisanes, qui n’ont jamais été dans sa nature. Notre ambition, ce doit être l’intérêt de la France. La force du Sénat est aussi de savoir résister aux artifices temporaires de communication ou aux effets de mode qui parfois caricaturent le passé, idéalisent le présent et feraient croire qu’on passe soit de "l’ombre à la lumière", soit de "l’ancien monde au nouveau monde" ! ».

     

     
     


    Jeudi 12 septembre 2024, c'était donc tout naturellement que Gérard Larcher a accueilli, aux côtés de Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, et Laurent Wauquiez, président du groupe LR à l'Assemblée ("Droite républicaine"), le nouveau Premier Ministre Michel Barnier (issu du même parti), invité au dernier moment aux Journées parlementaires LR à Annecy. Cela semblait d'ailleurs être la foire aux ministères, laissant croire que LR avait gagné les élections législatives voire avait même obtenu la majorité absolue. Gérard Larcher, ancien Ministre du Travail sous Jacques Chirac, n'a jamais voulu diriger de gouvernement. Son truc, c'est le contre-poids du Sénat. Il est souvent présent dans les médias pour exprimer avec force le point de vue des sénateurs, dont le rôle essentiel est le lien des territoires avec les citoyens et le pouvoir central.

    Comme Michel Barnier, Gérard Larcher a de l'ancienneté dans la vie politique. Vétérinaire spécialiste des chevaux, il a eu son premier mandat en 1979. Maire de Rambouillet, sénateur depuis 1986, il n'hésite pas à chercher de nouveaux talents pour les encourager dans leurs engagements politiques. Sans nul doute que dans le moment trouble que nous connaissons depuis ces derniers mois, sa figure de stabilité et de référence comptera dans les prochaines semaines pour éviter la crise et le blocage. À 75 ans, il est encore aussi enthousiaste que lorsqu'il était le benjamin de la haute assemblée (à l'âge de 37 ans). Il aura du mal à s'y faire : dans deux ans, ce vieillard n'aura même plus le droit de lire Tintin !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Gérard Larcher réélu en 2023.
    Gérard Larcher réélu en 2020.
    Gérard Larcher réélu en 2017.
    René Monory.
    Christian Poncelet.
    Jean-Pierre Bel.
    Alain Poher.
    Élections municipales de 2020.
    Élections sénatoriales du 24 septembre 2023.
    Élections sénatoriales du 27 septembre 2020.
    Élections sénatoriales du 24 septembre 2017.
    Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240914-gerard-larcher.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gerard-larcher-protecteur-des-256622

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/12/article-sr-20240914-gerard-larcher.html