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politique

  • La profanation du cimetière juif de Carpentras, il y a 35 ans

    « 33 tombes, et non pas 2 seulement comme indiqué précédemment, ont été endommagées par des inconnus qui ont ouvert un cercueil et exhumé le défunt, un homme décédé de 81 ans. Le corps, empalé sur un manche de parasol, a été découvert gisant sur la tombe voisine. Cet acte n’a pas été revendiqué. Les enquêteurs ont relevé les empreintes de chaussures de quatre personnes différentes qui, semble-t-il, auraient opéré au cours de la nuit de mercredi à jeudi. » (Dépêche de l'AFP publiée le jeudi 10 mai 1990 à 15 heures 53).



     

     
     


    Il est des villes qui, par l'amer hasard de l'histoire, deviennent synonymes de l'ignominie et de la consternation bien malgré leurs habitants. C'était évidemment le cas pour Vichy et, bien que ville de cure thermale, le régime de Vichy n'était pas un régime minceur mais le régime politique de Pétain. Cela a été aussi le cas pour la ville de Carpentras, dans le Vaucluse, qui s'est retrouvée un beau matin le symbole déplorable de l'antisémitisme le plus abject.

    En effet, il y a trente-cinq ans, le jeudi 10 mai 1990 dans la matinée, deux dames qui se sont rendues au cimetière juif de Carpentras pour se recueillir auprès de leurs disparus ont trouvé trente-quatre tombes détruites, avec des inscriptions antisémites, et surtout, le plus grave, le corps d'une personne, Félix Germon, décédé quinze jours auparavant à 81 ans, dont la tombe n'avait pas être encore ensevelie, a été exhumé. Les autorités ont été alertées par ces deux dames, ont envisagé de ne pas en faire la publicité pour éviter de donner de mauvaises idées à certains, puis ont publié un communiqué de presse à 15 heures 53 à l'AFP. Cette profanation du cimetière juif de Carpentras a provoqué un emballement médiatique et politique particulièrement notable.

    Ce n'était pas, hélas, la première fois qu'un cimetière juif a été profané en France. Plusieurs cas avaient déjà eu lieu depuis l'attentat de la synagogue de la rue Copernic à Paris.


    Il faut remettre la situation dans le contexte politique du moment. Le 10 mai 1990, le Président François Mitterrand s'apprêtait à fêter le neuvième anniversaire de sa première élection du 10 mai 1981, et en bonne route pour atteindre les dix ans voire atteindre le record de longévité de tous les Présidents de la République depuis que la République existe (quatorze ans, ce fut le cas et cela ne se renouvellera pas en raison du quinquennat limité à deux mandats successifs).

    Les socialistes avaient gagné les élections de 1988 : réélection de François Mitterrand en mai puis élections législatives en juin, même si l'absence de majorité absolue rendait les choses un peu plus compliquées qu'en 1981 pour le gouvernement dirigé par Michel Rocard qui pouvait toutefois alterner le soutien du parti communiste français et du groupe centriste UDC (Union du centre issue principalement des rangs du CDS, composante démocrate-chrétienne de l'UDF). Laurent Fabius, qui n'avait pas réussi à s'emparer du premier secrétariat du parti socialiste en 1988 ni au mémorable congrès de Rennes en 1990, a pu obtenir en lot de consolation (pauvres institutions !) le perchoir entre 1988 et 1992.

    Parallèlement, le FN continuait à monter dans l'électorat sous la houlette de Jean-Marie Le Pen. L'extrême droite a fait un excellent score à l'élection présidentielle de 1988, frôlant les 15%. Et au cœur de l'essor du FN, à Dreux, lors d'une élection législative partielle en décembre 1989, la candidate du FN Marie-France Stirbois a été élue, confortant ainsi ce parti dans ses fondements.

    Justement, la veille du 10, le 9 mai 1990 au soir, le président du FN était l'invité de la très importante émission politique "L'heure de vérité" animée par François-Henri de Virieu sur Antenne 2. Signalons en passant que Jean-Marie Le Pen, qui n'avait obtenu que 0,7% à l'élection présidentielle de 1974, a été pistonné par François Mitterrand pour participer régulièrement à cette émission phare à partir de 1984, ce qui lui a assuré une couverture médiatique très forte, dans le but machiavélique de diviser la droite et d'empêcher l'alliance UDF-RPR d'être majoritaire.


    Et justement, le 9 mai 1990, Jean-Marie Le Pen expliquait qu'il y avait trop de Juifs dans la presse : « Que les Juifs aient beaucoup de pouvoir dans la presse, comme les Bretons en ont dans la marine, ou les Corses dans les douanes, ça ne me paraît pas discutable. Comme des gens du Front national se sont aperçus qu'un certain nombre de lobbies juifs, comme celui de M. Kahn, leur ont fait une persécution systématique, ils ont l'impression d'en voir beaucoup, c'est vrai. » [Jean Kahn était le président du CRIF de 1989 à 1995]. Ce n'était pas à sa première provocation à connotation antisémite, c'était après la longue série du "détail" et de "Durafour crématoire", etc. Très vite, certains ont vu dans les propos du leader d'extrême droite une motivation de quelques "bas du front" pour profaner un cimetière juif. C'était le cas par exemple de Serge Klarsfeld, le chasseur de nazis bien connu, qui a déclaré le 10 mai 1990 : « Le Pen a dit hier soir qu'il y avait trop de Juifs dans la presse. Certains à sa droite ont traduit qu'il y a trop de Juifs dans les cimetières. ».
     

     
     


    En fait, la profanation, réelle, a eu lieu dans la nuit du 8 au 9 mai et pas du 9 au 10 mai, car personne n'est venu au cimetière dans la journée du 9 mai, si bien qu'il a fallu attendre le lendemain pour se rendre compte des dégradations. De plus, les informations ont laissé croire que le corps de Félix Germon, exhumé, avait été au centre d'une odieuse mise en scène, en d'autres termes, qu'il avait été empalé, information relayée par les premières déclarations de Laurent Fabius et aussi de Pierre Joxe. La réalité a été que ce n'était pas le cas, l'examen par deux médecins légistes a montré que c'était faux. L'exhumation du corps n'en demeurait pas moins absolument choquante et scandaleuse, un manque de respect aux morts insupportable.

    Le commentaire du journaliste Marcel Trillat, directeur adjoint de l'information, dans le journal télévisé d'Antenne 2, soulignait l'extrême gravité de cette profanation (une dramatisation qui ferait de l'audience, par ailleurs) : « Un crime prémédité (…), la transgression sauvage du tabou le plus antique : le respect des morts. Un véritable défi à la société française, comme pour la prévenir que ses fondements les plus solides étaient en train de s’effriter. ».


    Pour ne prendre qu'un exemple, très représentatif, dans son éditorial du 12 mai 1990, André Fontaine, le directeur de la publication du journal "Le Monde", écrivait : « Il n’est pas trop tôt pour souligner le danger de la banalisation (…) du discours raciste ou révisionniste (…). Le drame de Carpentras devrait en inciter plus d’un, homme public comme citoyen privé, à faire en ce domaine, son examen de conscience. ».
     

     
     


    La machinerie politique a démarré au quart de tour, du moins du côté du parti socialiste et à gauche, mais pas seulement. Le Ministre de l'Intérieur Pierre Joxe, qui se trouvait en déplacement à Nîmes, est allé immédiatement à Carpentras en hélicoptère dans la journée : « Lorsque l’horreur est indicible, on ne doit rien dire, on doit se taire et méditer. C’est ce que nous venons de faire. Mais lorsque les criminels sont connus, on doit les dénoncer. Nous les connaissons ; je dénonce donc le racisme, l’antisémitisme, l’intolérance et je pense que tout le monde en France ressentira, comme nous, chagrin et pitié. ». Un référence qui faisait penser à Auschwitz.

    Après lui, quasiment toute la classe politique a défilé à Carpentras : Raymond Barre (ancien Premier Ministre), Pierre Mauroy (ancien Premier Ministre), Jack Lang (Ministre de la Culture), Lionel Jospin (Ministre de l'Éducation nationale), Jean-Claude Gaudin (président du conseil régional de PACA), Michel Noir (maire de Lyon), Georges Marchais (secrétaire général du PCF), Harlem Désir (président de SOS Racisme), etc. Jacques Chirac (président du RPR et maire de Paris) aussi a réagi publiquement et a exprimé son indignation.

    Du reste, si cet émoi politique a été parfois surjoué par l'Élysée et la gauche en général, il restait salutaire. Le pays n'était pas sans réaction quand des actes abominables ciblant les Juifs était commis, et ce constat, rassurant, était essentiel. Le point d'orgue fut la grande manifestation du dimanche 14 mai 1990 à Paris à l'initiative du CRIF, entre Bastille et République (itinéraire classique des manifestations de gauche, imposé par l'Élysée), à laquelle quasiment toute la classe politique a participé (toute la classe politique sauf le FN). Le présentateur du Soir 3, le journal télévisé sur FR3, déclarait : « Bonsoir, c'est bien tout un peu peuple qui était ce soir dans la rue à Paris, des centaines de milliers de personnes pour une marche silencieuse, une seule banderole, en tête du cortège : "Non au racisme et non à l'antisémitisme". ». Michel Rocard, Pierre Bérégovoy, Pierre Mauroy, mais aussi Jacques Chirac, François Léotard, etc. y ont participé... et également François Mitterrand, le Président de la République, ce qui était sans précédent depuis 1945. La participation d'un Président de la République à une manifestation a été renouvelée une seule fois avec François Hollande le dimanche 11 janvier 2015 après les attentats de "Charlie Hebdo". Le mot de François Léotard à cette manifestation du 14 mai 1990 était d'ailleurs éloquent : « Nous refusons ce que dit monsieur Jean-Marie Le Pen, car ce sont possiblement ces mots-là qui ont poussé à ces actes-là. ».

     

     
     


    Effectivement, dès les premières heures, le FN et Jean-Marie Le Pen étaient montrés du doigt par le reste de la classe politique. Certes, le parti d'extrême droite n'était pas accusé explicitement d'avoir commis lui-même les profanations, mais d'en avoir été la cause morale ou politique par les nombreuses déclarations à connotations racistes et antisémites. Pour riposter aux accusations portées contre lui, Jean-Marie Le Pen a organisé une conférence de presse le 11 mai 1990 au Danemark où il était en déplacement, en criant au complot contre lui, contre le FN, visant à le faire taire : « Oui, il s’agit d’un acte ignoble mais c’est un coup monté qui sert de tremplin à la classe politique pour s’attaquer au FN ! ». TF1 a diffusé aussi le 11 mai 1990 une réaction de Jean-Marie Le Pen au Puy-en-Velay : « L’attitude de certains hommes politiques apparaît comme tellement choquante qu’elle fait immédiatement penser à un montage. D’ailleurs, par beaucoup de côtés, cet événement rappelle quelque chose de récent : c’est l’opération de Timisoara. (…) À qui le crime profite ? Cela devrait en tout cas écarter le FN. ».

    L'attaque étant la meilleure défense, le leader d'extrême droite a imaginé d'autres coupables possibles, « des communistes qui semblent être les maîtres d'œuvre de toute cette opération », ou même « des mouvements subversifs islamiques dont on sait qu'ils ne portent pas spécialement dans leur cœur les Juifs ». Pire ! Dans une sorte de victimisation viscérale, le FN a par la suite accusé des jeunes Maghrébins, puis des agents du Mossad, et enfin François Mitterrand lui-même d'avoir commis ces profanations dans le but d'accuser le FN.

    Selon Yves Bertrand, le futur directeur des renseignements généraux entre 1992 et 2003, François Mitterrand aurait effectivement été à l'origine de la puissance médiatique de ces réactions politiques et des accusations portées contre le FN afin de rendre désormais impossible toute idée d'alliance entre la droite et l'extrême droite. Et c'est pourquoi l'Élysée a demandé à ce que l'enquête policière privilégiât la piste de militants du FN. Mais de là à faire commettre lui-même la profanation, il y a un fossé !

    Concrètement, l'enquête policière s'est longtemps enlisée. Des militants d'extrême droite, du parti PNFE, ont été interpellés puis relâchés sans avoir de lien, semble-t-il, avec les profanations (en fait, si). En novembre 1995, une émission télévisée ("Témoin n°1" sur TF1) de Jacques Pradel a donné un écho médiatique particulier à une nouvelle piste proposée par l'avocat Gilbert Collard, déjà proche du FN, celle de la jeunesse dépravée des notables de Carpentras, profitant des rumeurs existant déjà dans la ville. Était visé notamment le fils de Jean-Claude Andrieu, commerçant et maire UDF de Carpentras depuis octobre 1987 (et conseiller régional à partir de mars 1992), sous prétexte qu'il jouait à des jeux de rôles. Rumeurs de messes noires, de satanisme, voire d'orgies organisées, avec, à la clef, le meurtre d'une jeune femme, Alexandra Berrus, en 1992. Gilbert Collard était l'avocat à la fois de la famille de Félix Germon et de celle d'Alexandra Berrus. À la suite de cette émission qui a provoqué beaucoup d'incompréhension dans la population, la juge d'instruction a été dessaisie de l'affaire et mutée à Marseille. Mais cette piste, comme les autres, n'ont pas plus abouti !

    Ce n'est que le 30 juillet 1996 que le mystère s'est évaporé. L'un des auteurs de la profanation s'est finalement rendu aux autorités et a reconnu les faits en apportant des indications connues des seuls enquêteurs. L'homme était au chômage et psychologiquement à bout. Il a aussi dénoncé ses quatre complices. Quatre des cinq auteurs ont alors été arrêtés. Il s'agissait d'un acte antisémite préparé de longue date, prémédité par des néonazis du PNFE, groupuscule néonazi fondé en 1987. Leur chef, un skinhead membre du PNFE, qui avait été arrêté dès le 11 mai 1990 mais relâché le lendemain, a été tué le 23 décembre 1993 à moto par un véhicule dont le conducteur a été également assassiné, retrouvé dans le Rhône avec deux balles dans le corps et les pieds lestés de lourdes pierres. Les quatre auteurs survivants ont été condamnés le 24 avril 1997 à Marseille à des peines comprises entre vingt et vingt-quatre mois de prison ferme.

    Même s'il y a eu quelques liens entre le FN et le PFNE (le fondateur du PNFE a été membre du FN auparavant), aucun lien n'a été établi entre la profanation du cimetière de Carpentras et le FN et les accusations portées contre Jean-Marie Le Pen ou le FN, même si elles pouvaient se comprendre par le climat d'antisémitisme que le personnage avait installé dans le débat public, se sont donc révélées fausses et injustifiées.

    L'une des conséquences de cette affaire a été l'adoption le 30 juin 1990 et la promulgation de la loi n°90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe, dite loi Gayssot (Jean-Claude Gayssot, député PCF et futur ministre, l'avait proposée), dont la nouveauté (dans son article 9) est qu'elle réprime désormais toute contestation de l'existence des crimes contre l'humanité, et en particulier des chambres à gaz dans les camps d'extermination nazis : « Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l'article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l'article 23, l'existence d'un ou plusieurs crimes contre l'humanité tels qu'ils sont définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale. ». Cette loi n'a pourtant pas empêché la montée de l'antisémitisme en France sur les trois décennies qui l'ont suivie.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La profanation du cimetière juif de Carpentras.
    Auschwitz : soyons la mémoire de leur mémoire !
    Auschwitz aujourd'hui.
    La Nuit de la Shoah.
    Mauschwitz.
    Esther Senot.
    Pogrom à Amsterdam : toujours la même musique...
    Laura Blajman-Kadar.
    Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Elie Wiesel.
    Robert Merle.
    Le calvaire de Simone Veil.
    Anne Frank.
    Le nazisme.
    Mélinée et Missak Manouchian au Panthéon : pluie et émotion !
    Hommage du Président Emmanuel Macron à Missak Manouchian au Panthéon le 21 février 2024 (texte intégral et vidéo).
    Les Manouchian mercredi au Panthéon.
    Loi sur les génocides invalidée : faut-il s'en réjouir ?
    Michel Cherrier.
    Léon Gautier.
    L’émotion des camps de la mort.
    L'attentat de la rue des rosiers.
    Claude Bloch, passeur de mémoire.
    L'horreur humaine absolue.













    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250509-profanation-carpentras.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/la-profanation-du-cimetiere-juif-259866

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/03/article-sr-20250509-profanation-carpentras.html


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  • L'avenir de l'Europe s'ouvre avec Friedrich Merz

    « Tous les signaux que nous recevons en provenance des États-Unis indiquent que l'intérêt pour l'Europe y faiblit de manière significative. » (Friedrich Merz, le 24 février 2025).



     

     
     


    Je comprends que l'élection du nouveau pape et les moindres gestes de Donald Trump, qui peuvent faire basculer la planète, sont des sujets très importants de la politique internationale, mais je m'étonne que la presse française évoquent assez peu la situation politique de l'Allemagne et la future investiture du nouveau Chancelier d'Allemagne fédérale, le chrétien-démocrate Friedrich Merz (69 ans) qui prendra ses fonctions le mardi 6 mai 2025 après son élection attendue au Bundestag. Car tout ce qui concerne notre voisin et partenaire allemand nous concerne, nous la France, et concerne l'Europe.

    Friedrich Merz a franchi le dernier obstacle à sa conquête du pouvoir, l'approbation par 84,6% des adhérents (avec une participation de 56%) du SPD, le parti social-démocrate (celui de son futur prédécesseur Olaf Scholz), le 30 avril 2025 en faveur du contrat de la grande coalition SPD-CDU/CSU construite à l'issue des élections fédérales du 23 février 2025. Deux jours après l'approbation des adhérents de la CDU (le 28 avril 2025 à une « majorité écrasante ») et vingt jours après celle de la CSU bavaroise (le 10 avril 2025 à l'unanimité).

    La configuration parlementaire au Bundestag est telle qu'aucun gouvernement n'aurait pu être nommé sans cette alliance des deux grands partis gouvernementaux, après la bonne performance de l'extrême droite (AfD) qui a dépassé le SPD.


    Les négociations ont donc duré un peu plus de deux mois (à peu près le temps qu'a mis le gouvernement de Michel Barnier pour se mettre en place en automne 2024). Le 8 mars 2025, le principe de la grande coalition avait été acquis et pendant un mois, un texte long de 146 pages, le contrat de coalition, a été négocié durement, à huis clos, par 192 émissaires des deux partis politiques pour aboutir à un véritable contrat de gouvernement le 9 avril 2025, ce qui a conduit Friedrich Merz à dire, à l'instar de Ronald Reagan en 1980 : « L'Allemagne est de retour ! ».

    Et finalement, la France l'attendait depuis vingt ans. La France attendait que l'Allemagne redevienne une puissance politique qui, avec la elle, réussirait à relancer l'Union Européenne. Or, Angela Merkel, malgré ses bonnes paroles, n'a jamais voulu vraiment rendre l'Europe indépendante, autonome, au contraire de la France dont c'est l'ADN depuis la fin de la guerre (et même avant). J'attends toujours l'initiative d'une initiative européenne commune de François Hollande et Angela Merkel annoncée dans les années 2010 ! Quant à Olaf Scholz, son faible leadership et la fragilité confirmée de sa coalition tricolore n'ont jamais permis aucune avancée européenne.

    La prise de contrôle du parti d'opposition, la CDU, ainsi que la victoire électorale de Friedrich Merz auraient pu inquiéter la France. Politique mais aussi homme d'affaires, Friedrich Merz a toujours été considéré comme un très grand atlantiste. Mais la réalité, c'est que les amis des États-Unis ne peuvent plus se fier à leur grand ami et doivent faire avec... ou plutôt, sans. Ce qui a fait dire par le journaliste Emmanuel Grasland le 25 février 2025 dans "Les Échos" : « Atlantiste convaincu, Friedrich Merz juge désormais nécessaire pour l'Europe de développer des capacités de défense propres. ».


    Il faut dire que pendant les négociations du contrat de gouvernement, l'Allemagne, l'Europe et le monde ont été secoué par les stupides décisions de Donald Trump sur les taxes douanières, ses allers et retours, qui ont fait chuter l'économie américaine (et mondiale).

    Il y a donc un énorme changement, un double changement : celui de l'option européenne et celui de leadership. Friedrich Merz entend bien rendre présente l'Allemagne sur le plan politique, et ce leadership ne peut se concevoir qu'avec un couple franco-allemand enfin efficace après le couple Jacques Chirac/Gerhard Schröder de la fin des années 1990 et début des années 2000.

    Ce nouveau couple Emmanuel Macron/Friedrich Merz aura certainement quelques difficulté car les deux personnalités sont fortes et si c'est un besoin pour l'Europe, cela peut aussi être une concurrence entre les deux hommes d'État sur certains sujets. L'important, c'est que le nouveau chef du gouvernement allemand a considéré le 9 avril 2025 que « l'amitié franco-allemande reste d'une importance capitale pour toute l'Europe ». D'ailleurs, le premier voyage extérieur de Friedrich Merz fut pour rencontrer Emmanuel Macron le mercredi 26 février 2025 à l'Élysée : « Ensemble, nos pays peuvent accomplir de grandes choses pour l'Europe. Merci beaucoup, cher Emmanuel Macron pour ton amitié et la confiance que tu accordes aux relations franco-allemandes. » (sans surprise : il est de tradition que le nouvel élu de l'un des deux pays fasse son premier voyage extérieur chez l'autre).

     

     
     


    L'essentiel, c'est que le principal sujet sera un sujet de concorde encore la France et l'Allemagne, la défense européenne. Emmanuel Macron prône depuis qu'il est Président de la République française la construction d'une véritable défense européenne, solide et sérieuse, qui puisse être une véritable protection autonome de l'Europe. Jusqu'à l'arrivée de Donald Trump II, beaucoup de pays européens, dont l'Allemagne, avaient approuvé poliment cette idée... mais sans rien faire de réellement concret. Désormais, Emmanuel Macron est pris au sérieux dès lors que Donald Trump a fait comprendre que la protection américaine n'était pas certaine en cas d'attaque agressive contre l'Europe. La guerre en Ukraine montre à l'évidence que le besoin d'une défense européenne autonome est d'autant plus indispensable que les États-Unis se désengagent du continent.

    Ainsi, c'est une véritable révolution du paradigme allemand à laquelle on assiste : les Allemands préféraient la garantie américaine qu'ils estimaient solide et sûre (et pas chère !), à une hypothétique défense européenne qui restait encore tout à construire. Friedrich Merz, dans son programme de gouvernement, prévoit ainsi d'investir 500 milliards d'euros dans la défense, ce n'est pas rien. Dès février 2025, le futur Chancelier constatait : « Nous devons nous préparer au fait que Donald Trump ne respectera plus inconditionnellement l’engagement de défense mutuelle de l’OTAN. ».

    Le professeur Sylvain Kahn, agrégé en histoire et docteur en géographie, chercheur au Centre d'histoire de Science Po, a expliqué le 2 mars 2025 sur France Culture que ce changement n'était pas facile et allait provoquer de nombreuses discussions dans la société allemande : « Traditionnellement, depuis 1949, la CDU est très atlantiste. Mais elle est également très européiste. Pendant 80 ans, c'était finalement les deux jambes d'une même politique étrangère allemande. Aujourd'hui, cette alliance atlantique est en train de voler en éclats. Il y a une période de 80 années qui se clôt. Et c'était un peu miraculeux que la plus grande puissance mondiale accepte de garantir la défense du territoire européen. Et ça ne coûtait pas grand-chose aux Européens, finalement. Mais cela s’arrête. Et donc, il faut que les Allemands choisissent entre leur atlantisme, qui de toute façon n'existe plus, ou bien leur politique pro-européenne. Mais, il faut aussi prendre en compte la société allemande. Parce qu'il ne faut pas imaginer qu'au sein de la société allemande, tout le monde va dire "Ah ben oui, c'est formidable, Friedrich Merz a raison, on le suit". Il y a 20% des électeurs qui ont voté pour l'AfD et 9% qui ont voté pour Die Linke, la gauche radicale allemande, qui est traditionnellement pacifiste et qui, je pense, ne va pas du tout être favorable à l'idée d'une Allemagne sous parapluie nucléaire britannico-français. Et il y a une réticence de la société allemande au nucléaire, qui est très très profonde et très ancrée, et pas seulement au nucléaire civil, mais au nucléaire militaire. Donc là aussi, ça va poser des énormes débats. ».

     

     
     


    Par ailleurs, Friedrich Merz a assuré le peuple ukrainien que l'Allemagne poursuivra et renforcera son aide militaire à l'Ukraine contre l'agression de Vladimir Poutine, alors que son prédécesseur réagissait assez mollement dans ce dossier. Il l'a rappelé lors du congrès extraordinaire de la CDU le 28 avril 2025 à Berlin : « Le combat de l'Ukraine contre l'agression de la Russie est aussi un combat pour le maintien de la paix et la liberté dans notre pays. ».

    Autre verrou levé, celui de l'endettement public. L'Europe a décidé que les dépenses de défense ne seront pas comptabilisées dans le taux d'endettement public (Pacte de stabilité). Ce verrou était aussi constitutionnel en Allemagne et il a été déjà levé dès le 25 mars 2025, avant même le changement de gouvernement.


    Car l'autre priorité de Friedrich Merz (il en a trois), c'est le redressement économique de l'Allemagne. Le Ministre de l'Économie et du Climat sortant, l'écologiste Robert Habeck, a revu le 24 avril 2025 les perspectives économiques à la baisse : 0% de croissance pour 2025, et cela après deux années de récession (-0,3% en 2023 et -0,2% en 2024). Une telle dégringolade de l'économie allemande est inédite depuis 1949. Selon une étude de l'agence Creditreform publiée le 24 avril 2025, 20% des PME seraient engagées dans la réduction de leurs effectifs, ce qui n'est jamais arrivé depuis quinze ans.

    Pour la redresser, le nouveau Chancelier entend encourager massivement les investissements pour faire redémarrer le secteur industriel. Cette revue à la baisse provient directement des décisions douanières de Donald Trump et de l'effondrement de l'économie américaine.

    Ainsi, l'impôt sur les sociétés sera réduit par un amortissement annuel de 30% sur les investissements en équipement au cours des trois prochaines années, 2025, 2026 et 2027. Par ailleurs, 1 000 milliards d'euros d'argent public seront injectés par l'Allemagne, 500 milliards pour les infrastructures à moderniser et 500 milliards pour l'effort de défense (ce "paquet" de 1 000 milliards d'euros a déjà été adopté le 18 mars 2025 par le Bundestag). Ces investissements massifs devraient accélérer le redressement du PIB allemand (+1% est prévu pour 2026).

    Enfin, la troisième priorité de Friedrich Merz, qui est important dans le climat politique allemand actuel, où l'AfD capitalise beaucoup sur les peurs, c'est la lutte contre l'immigration illégale. Le SPD a accepté un renforcement de la sévérité avec le refoulement des demandeurs d'asile à la frontière, en concertation avec les voisins européens de l'Allemagne. "Der Spiegel" s'attendait d'ailleurs, le 9 avril 2025, à plus de fermeté : « On s'attendait à ce que la politique migratoire soit plus sévère, mais elle ne le sera pas autant que la CDU/CSU l'a annoncé durant la campagne électorale. ». Quant à l'intégration des étrangers sur le marché du travail, il est prévu la création d'une agence Travail et Séjour pour simplifier les procédures administratives des employeurs et des employés.

    Le 28 avril 2025, Friedrich Merz a dévoilé les noms des ministres CDU/CSU. Il n'a pas participé à l'enterrement du pape pour finaliser la composition de son gouvernement. Les deux poids lourds Jens Spahn et Carsten Linnemann n'en feront pas partie. Parmi les ministres chrétiens-démocrates (CDU/CSU), il y aura Katherina Reiche à l'Économie et à l'Énergie, Alexander Dobrindt (CSU) à l'Intérieur, Johann Wadephul (62 ans), un proche de Friedrich Merz, aux Affaires étrangères, Alois Rainer (CSU) à l'Alimentation, Agriculture et Patrie, Karin Prien à l'Éducation, Famille, Personnes âgées, Femmes et Jeunesse, Nina Warken à la Santé, Patrick Schnieder aux Transports, Dorotee Bär (CSU) à la Recherche, Technologie et Espace et Thorsten Frei directeur de la Chancellerie fédérale. Au final, beaucoup de femmes alors que le futur Chancelier avait exclu la parité à l'origine (probablement que Casten Linnemann, proche de Friedrich Merz et promis à l'Économie, a fait les frais d'une pression médiatique pour plus de représentativité, tant féminine que géographique).

    Toutefois, Friedrich Merz a préféré l'efficacité à la représentativité politique en nommant aux Affaires étrangères un proche et pas ses anciens rivaux Armin Laschet ou Norbert Röttgen (ancien président de la commission des affaires étrangères au Bundestag). C'est la première fois depuis 1966 qu'une personnalité issue du CDU occupe de nouveau ce poste important pour la diplomatie européenne. Alexander Dobrindt, seul ancien ministre fédéral, a été, selon Elsa Conesa, la correspondante du journal "Le Monde" à Berlin le 29 avril 2025, un « facilitateur » dans les négociations avec le SPD et les Verts pour réviser la Loi fondamentale (sur le seuil de l'endettement public possible). Friedrich Merz a concédé à Jens Spahn (44 ans), ancien ministre de la santé d'Angela Merkel, la stratégique présidence du groupe CDU au Bundestag alors qu'il avait provoqué une vive polémique en proposant des relations rapprochées avec l'AfD.

    Quant aux ministres SPD, ils ne sont pas encore connus et devraient être annoncés par le SPD très prochainement. Son coprésident Lars Kingbeil sera Vice-Chancelier et Ministre des Finances et il devra notamment nommer six de ses membres à la Justice, au Travail, à la Défense, à l'Environnement, à la Coopération et au Logement. Boris Pistorius, ardent soutien à l'Ukraine, devrait rester à la Défense.


    Ce qui est clair, c'est que l'exercice du pouvoir ne sera pas de tout repos pour Friedrich Merz : alors que son parti CDU/CSU avait devancé de 8 points l'extrême droite, deux mois plus tard, l'AfD se retrouve avec 26% d'intentions de vote et la CDU/CSU seulement 25%. Donc pas d'état de grâce pour le nouveau gouvernement allemand. Il devra donc aller vite dans ses réformes pour redresser l'économie allemande et convaincre son peuple qu'il va dans la bonne voie. C'est le gouvernement de la dernière chance.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'avenir de l'Europe s'ouvre avec Friedrich Merz.
    Maréchal Paul von Hindenburg.
    Allemagne 2025 : Feu vert pour la grande coalition CDU-SPD.
    Allemagne 2025 : victoire de Friedrich Merz (CDU).
    Marché de Noël de Magdebourg : le retour du risque terroriste.
    L'éclatement de la coalition Rouge Jaune Vert en Allemagne.
    Friedrich Merz, futur Chancelier.
    Olaf Scholz.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Élections européennes 2024 (7) : Ursula von der Leyen et ses trois priorités, la défense, le logement et la compétitivité.
    Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen.
    Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".
    Konrad Adenauer.
    Daniel Cohn-Bendit.
    Volkswagen.
    Hans Modrow.
    Dmitri Vrubel.

    Le mur de Berlin.
    La chute du mur de Berlin.
    La Réunification allemande.
    Berlin 1989 : le 9/11 avant le 11/9.
    Maus.
    Le massacre d'Oradour-sur-Glane.
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    Le testament de Benoît XVI.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !
    Couvrez ces seins que je ne saurais voir !
    Olaf Scholz, l’étincelle du feu tricolore.
    Législatives allemandes 2021 (2) : Olaf Scholz bientôt Chancelier.
    Bonne retraite, Frau Merkel !
    Législatives allemandes 2021 (1) : INCERTITUDE !
    L’Allemagne en pleine fièvre extrémiste ?


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250430-merz.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/l-avenir-de-l-europe-s-ouvre-avec-260804

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/03/article-sr-20250430-merz.html


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  • La liberté de travailler le 1er mai ?

    « Je trouve ça complètement incohérent parce que mes employés et mes apprentis veulent travailler. C'est payé double, c'est rattrapable. C'est un avantage aussi. Et puis, ça reste une fête. On a un métier qui travaille énormément pendant les fêtes, si on nous interdit de travailler pendant les fêtes, on travaille quand et on gagne notre argent quand ? » (Virginie Ménager, le 30 avril 2025 sur France Bleu Normandie).




     

     
     


    Et voici que revient comme un marronnier le sujet de l'ouverture des commerces un premier mai. Le premier mai, jour de la fête du travail, certains disent de la fête des travailleurs, mais lisez les calendriers ! Toujours est-il que le premier mai est le jour le pire des jours fériés et dimanche, celui où travailler devient un exploit juridique.

    À l'heure actuelle, selon l'article L. 3133-6 du code du travail, seules les entreprises ou organismes « qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail » peuvent travailler le premier mai. On imagine bien les professions de santé (hôpital, etc.), de sécurité (forces de l'ordre, armée, pompier, etc.), et quelques autres (taxis, cheminots, contrôleurs aériens, etc.), mais apparemment, produire et vendre une baguette de pain n'est pas dans les indispensables.

    Soyons clairs : pourquoi n'avons-nous pas le droit de manger du pain frais un premier mai alors que ceux qui le produisent et le vendent le voudraient bien et sont prêt à nous le proposer ?


    Pire encore : les fleuristes non plus ne sont pas nécessaires, les fleurs sont encore moins indispensables que le pain, le premier mai... et pourtant, cherchez l'erreur, l'État tolère que n'importe quel particulier, moi, vous, vende dans la rue du muguet cueilli dans la forêt... ou même cultivé en serre. Et cela sans déclaration, sans TVA, sans impôt sur le revenu ou de société. Une exception fiscale (et sociale) française ! Une journée en or pour le parti communiste français pendant de très nombreuses années, car cela lui permettait de réinjecter légalement de fortes sommes en espèces sous la bannière "vente de muguet" le premier mai !

    Virginie Ménager est trentenaire et est fleuriste à Breteuil-sur-Iton, dans l'Eure. Elle ne pouvait pas ouvrir son magasin le premier mai toute seule, sans l'aide de ses employés, mais finalement, elle a pu l'ouvrir avec le concours de son conjoint, qui est autorisé à travailler avec elle car il n'est pas salarié. Elle s'est confié le 30 avril 2025 à Laurent Philippot de France Bleu Normandie (maintenant, on dit ICI Normandie, mais j'aurais du mal à m'y faire), pour exprimer son incompréhension de la loi : ses salariés sont partants pour travailler le premier mai, payés le double, et surtout, ses clients sont là, aimeraient bien profiter de leur jour de congé pour acheter des fleurs, ou du pain... Dans un pays de libertés, c'est inconcevable.

    De telles incohérences se trouvent partout en France. Le député Karl Olive a montré ce 1er mai 2025 une vidéo sur Twitter où une boulangerie de sa circonscription de Poissy était fermée avec un écriteau qui disait en substance : "fermée contre notre volonté", et à deux pas de là, un MacDonald était ouvert !
     

     
     


    Alors, bien sûr, la secrétaire générale de CGT, Sophie Binet, gardienne du temple, a rappelé que le premier mai, ce n'était pas de travail du tout pour les salariés... même s'ils le veulent ! La raison : pour les protéger d'eux-mêmes ! En effet, le volontariat est parfois un peu contraint dans certains entreprises. C'est possible, mais on n'est pas obligé d'autoriser tout le monde à travailler et au contraire, on pourrait en profiter pour interdire l'ouverture des grandes surfaces mais autoriser l'ouverture des petits commerces qui aurait ainsi un peu de répit.

    Le jour de congé sert-il vraiment la cause du salariat ? Si on en juge par les manifestations du premier mai en France, seulement 157 000 personnes ont manifesté dans toute la France selon le Ministère de l'Intérieur dont les statistiques sont désormais fiables. Mais même si on se réfère aux données de la CGT, 300 000, cela fait en gros seulement 1% de la population active. Il faut dire les choses comme elles le sont, les Français se moquent de la défense du travailleur le premier mai et préfèrent profiter du soleil d'un pont élargi du jeudi au dimanche pour avoir un peu de détente (certainement bien méritée). Au même titre que les Français, du moins la plupart d'entre eux, se moquent de la religion, des fêtes religieuses mais restent attachés aux congés acquis par l'Ascension, la Pentecôte, Pâques, Noël, l'Assomption, la Toussaint...

     

     
     


    Dans les années 2010, on a eu le débat sur le travail le dimanche, l'ouverture des magasins, etc. À l'époque, les syndicalistes et l'Église catholique s'étaient réunis dans la cause commune de garder le dimanche journée sans travail. Maintenant, la société a évolué, et beaucoup de consommateurs sont contents de pouvoir utiliser leur dimanche à faire quelques courses, à aller dans une librairie, une jardinerie ou un magasin de bricolage. Qui remettrait en cause cette liberté nouvelle ? A-t-on eu connaissance de salariés harcelés qui ne voulaient pas travailler le dimanche et qui y seraient contraints sous peine de licenciement ? Peut-être quelques cas, mais à ma connaissance, ce n'est pas la majorité des situations.

    C'est du gagnant gagnant gagnant : gagnant pour le consommateur qui gagne une liberté de plus pour consommer (rappelons que sur Internet, le e-commerce, cela fonctionne 24 heures et 24 et 7 jours sur 7, y compris les dimanches, jours fériés et bien sûr premier mai !) ; gagnant pour l'entreprise qui voit son chiffre d'affaires ainsi s'accroître ; enfin, gagnant pour le salarié qui peut travailler plus, gagner deux fois plus pour le même travail. Et j'ajoute que c'est aussi gagnant pour l'État, dont les caisses sont structurellement vides, qui, évidemment, et c'est normal, se sucre à chaque activité commerciale (TVA, impôt sur le revenu, impôt de société, multiples autres taxes selon activités, etc. et aussi charges sociales sur les salaires).


    L'an dernier, le 1er mai 2024, des boulangers sont allés contre la loi en ouvrant et en faisant travailler leurs salariés. Normalement, cette pratique illégale dans les textes était malgré tout tolérée, mais pas cette année-là où des amendes allant jusqu'à 1 500 euros par salarié ont été distribuées. Pourtant, une position ministérielle en 1986 avait officialisé cette tolérance, mais elle a été remise en cause par une décision de la Cour de Cassation de 2006.
     

     
     


    Notez l'incohérence : la convention collective de la boulanger-pâtisserie permet le travail le premier mai, sur la base du volontariat, bien sûr, mais cette autorisation ne repose sur aucune dérogation légale explicite, ce qui renforce l'insécurité juridique de cette profession, comme d'autres professions (les fleuristes notamment).

    Heureusement, la justice est parfois compréhensive. Le 25 avril 2025, le tribunal de police de La Roche-sur-Yon a publié une décision de relaxe de cinq boulangeries vendéennes poursuivies pour avoir fait travailler des salariés le premier mai. Il semble que cette annonce faisait suite à la démarche d'une sénatrice de Vendée, Annick Billon, qui a déposé le 25 avril 2025 une proposition de loi avec de nombreux collègues (dont Hervé Marseille, Mathieu Darnaud, François Patriat, trois présidents de groupe, etc.) pour faire évoluer la loi et l'adapter aux impératifs de la société d'aujourd'hui.
     

     
     


    Ainsi, cette proposition de loi, qui a reçu le "label gouvernemental" de "procédure accélérée" (cela réduit le nombre de navettes entre le Sénat et l'Assemblée), n'introduit qu'une seule transformation, celle d'élargir les situations de dérogation à la règle de la journée non-travaillée : « dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public ». "Besoins du public", en d'autres termes, le souhait des consommateurs à pouvoir acheter du pain ou des fleurs un premier mai comme un autre jour (entre autres). La procédure étant ce qu'elle est, la proposition étant soutenue par le gouvernement, on peut raisonnablement imaginer que la journée du 1er mai 2026 sera ainsi dotée de cette adaptation juridique.
     

     
     


    Dans l'exposé des motifs, les sénateurs auteurs de cette proposition ont d'ailleurs bien précisé qu'il ne s'agissait pas d'abroger le premier mai : « Il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause le caractère férié et chômé du cette journée, mais de reconnaître la spécificité de certaines activités, à l'instar des boulangeries ou des fleuristes, qui participent pleinement à notre vie quotidienne et à notre patrimoine culturel. ». Et ils ont ajouté : « Ce texte vise donc à rétablir un équilibre entre le respect des droits des salariés et la nécessaire adaptation du droit aux réalités du terrain. Il apporte une réponse pragmatique et attendue à cette situation. ». Et je dirais, une réponse consensuelle... à l'exception des syndicats archaïques qui ne voient pas la société évoluer.

    En d'autres termes, ceux qui se prétendent révolutionnaires sont les plus conservateurs, veulent régir la société comme si on était encore en 1945, alors que la société a complètement changé, sa temporalité, sa diversité, sa liberté, etc. On vit différemment, cela peut être regrettable, mais c'est la réalité. La globalisation et le commerce électronique sont là, de toute façon, pour rappeler que la loi n'empêchera pas l'évolution de nos habitudes de vie, mais ne pas la changer plombera simplement nos entreprises et notre économie, et donc nos acquis sociaux (il en a été de même avec l'interdiction de diffusion d'un film à la télévision le vendredi et le samedi pour soutenir le cinéma : Netflix en a bien profité !).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La liberté de travailler le 1er mai ?
    La baguette magique.
    Le Jour du Seigneur.
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !

    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Le Plan Calcul.
    Les 20 ans de la loi handicap du 11 février 2005.
    Méfiez-vous du chat qui dort à Noël !

    Voie du covoiturage sur le périph !
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    L’aspirine, même destin que les lasagnes ?
    François Guizot à Matignon ?
    Standard & Poor's moins indulgente pour la France que les autres agences de notation.
    Assurance-chômage : durcissement pour plus d'emplois ?
    Les 10 mesures de Gabriel Attal insuffisantes pour éteindre la crise agricole.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Agences de notation Moody's et Fitch : la France n'est pas dégradée !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".
    Comment créer les emplois de demain ?
    Yvon Gattaz.
    Gilberte Beaux.
    Carlos Tavares.
    Carlos Ghosn.
    Bernard Madoff.
    Jacques Séguéla.
    Gustave Eiffel.
    Francis Mer.



     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250425-premier-mai.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-liberte-de-travailler-le-1er-260780

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/01/article-sr-20250425-premier-mai.html

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  • Congrès LR : les jeux sont-ils faits ?

    « Si on n’assiste pas à une bataille de projets, on aura une guerre entre deux hommes. Et ça sera forcément violent. » (un cadre LR rapporté par Quentin Laurent le 14 février 2025 sur France Inter).



     

     
     
     
     


    Jeudi 17 avril 2025 à minuit. C'était la dernière limite pour pouvoir adhérer, ou surtout, réadhérer, au parti Les Républicains pour participer à son prochain congrès qui s'avère crucial. Le vote des adhérents aura lieu les 17 et 18 mai 2025 et devra départager Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez pour la présidence de LR.

    Concrètement, la première bataille est terminée et influera sur le résultat de la vraie bataille, l'élection. La première bataille, dont on ne connaît pas vraiment le résultat si ce n'est de manière géographique (par exemple, en Vendée pour Bruno Retailleau, en Haute-Loire pour Laurent Wauquiez), c'est de pouvoir compter sur une base électorale élargie. On connaît l'histoire des congrès politiques et personne n'est dupe : on inscrit son conjoint, ses enfants, son personnel de maison, son chauffeur, etc., tout est bon pour apporter des voix ponctuellement, cela s'est toujours fait, mais après tout, ce n'est pas forcément une image déformée de la réalité : à l'élection présidentielle, il faudra tout autant mobiliser jusqu'à l'ultime électeur pour aller au bureau de vote.

    Ainsi, la bataille a eu au moins un impact avantageux pour LR, c'est, selon ses dirigeants, d'avoir redépasser le cap des 100 000 adhérents ! Pour comparaison, les écologistes n'arrivent même pas à 14 000 adhérents. Ce ne sont pas les effectifs de la période bénie de Nicolas Sarkozy (plus que 200 000), mais c'est quand même pas mal depuis la marginalisation accélérée de ce parti par les macronistes et les lepénistes amorcée en 2017.

    Certes, le combat des chefs n'a jamais été très favorable à ce parti. Rappelez-vous la quantité de rivalités qui ont ravagé ce parti et les courants dont il est originaire depuis le début de la Cinquième République : Jacques Chaban-Delmas vs Jacques Chirac ; Valéry Giscard d'Estaing vs Jacques Chirac ; Raymond Barre vs Jacques Chirac ; Jacques Chirac vs Édouard Balladur ; Philippe Séguin vs Alain Juppé ; Nicolas Sarkozy vs Dominique de Villepin ; Xavier Bertrand vs Jean-François Copé ; François Fillon vs Jean-François Copé ; Alain Juppé vs Nicolas Sarkozy ; Valérie Pécresse vs Éric Ciotti ; Éric Ciotti vs Bruno Retailleau... et maintenant, voici le match Bruno Retailleau vs Laurent Wauquiez !

     

     
     


    Le parti Les Républicains est en déshérence depuis 2017, mais néanmoins, au contraire du PS qui n'est plus qu'un parti d'élus locaux, LR a réussi à retrouver, depuis l'été 2024, le pouvoir. Et pourtant, la campagne des élections législatives de 2024 a très mal commencé puisque le président de LR a trahi ses membres en rejoignant honteusement Marine Le Pen en pensant sincèrement que le RN serait majoritaire (tant pis pour lui).

    À l'origine, depuis la nouvelle donne politique de 2024, les deux hommes sont "équivalents" : l'un était président du groupe LR au Sénat, très nombreux et très écouté, l'autre a compris, au contraire des Xavier Bertrand, Valérie Pécresse et Jean-François Copé, que l'avenir se jouait dans l'hémicycle et est devenu député ainsi que président du groupe LR à l'Assemblée Nationale (tous les députés LR ne souhaitaient pas vraiment qu'il soit leur président).


    À l'heure de la désignation du gouvernement de Michel Barnier, Bruno Retailleau a gagné le stratégique Ministère de l'Intérieur que convoitait aussi Laurent Wauquiez au point d'aller l'implorer auprès du numéro deux de l'Élysée.

    Soyons clairs : que ce soit Bruno Retailleau ou Laurent Wauquiez, le programme de LR ne changera pas, il restera placé sous l'influence d'une course à l'échalote du plus sécuritaire, course que ne pourra jamais gagner LR face au RN, bien mieux outillé pour dire n'importe quoi.

     

     
     


    Mais il n'y a pas qu'une rivalité de personnes. Il y a aussi une rivalité de stratégies. En juillet 2024, Laurent Wauquiez refusait l'entrée de LR au gouvernement pour ne pas se confondre ni se compromettre avec le Président Emmanuel Macron, ce qui serait, selon lui, suicidaire pour LR lors de l'élection présidentielle 2027. Au contraire, Bruno Retailleau considérait que l'absence de responsabilité gouvernementale, pour un parti de gouvernement, nuisait beaucoup à sa crédibilité, et évidemment, l'histoire a montré qu'il avait raison. Depuis septembre 2024, des ministres LR sont au travail et la visibilité de LR s'est accrue, surtout pour Bruno Retailleau qui, au moins, à l'école du sarkozysme, est sur le front médiatique matin midi et soir.

    Après la censure en décembre 2024, le nouveau Premier Ministre François Bayrou tenait absolument à le garder dans son gouvernement, tandis que Laurent Wauquiez a renoncé à mettre les mains dans le cambouis. Celui-ci aurait dit à ses collègues parlementaires le 21 décembre 2024, avant la formation du gouvernement Bayrou : « La seule configuration possible pour moi, c’était Bercy avec une feuille de route claire, notamment pas d’augmentation d’impôts. Il n’y a pas cette feuille de route. [François Bayrou] m’a proposé autre chose, j’ai décliné. » (selon "Le Figaro").

    Lorsque Bruno Retailleau a déclaré sa candidature à la présidence de LR, le 12 février 2025, Laurent Wauquiez s'est senti trahi, mais trahi par son simple imaginaire. Aucun pacte n'avait été conclu entre les deux hommes, au contraire de ce qu'il a prétendu, à savoir : à moi la présidence du parti, à toi un gros ministère. Non seulement il a été pris de court, mais en déclarant sa propre candidature le lendemain, c'est-à-dire le 13 février 2025, Laurent Wauquiez s'est retrouvé à la fois en position d'outsider mais aussi de diviseur. Il a beau jeu de dénoncer le combat des chefs, il y participe tout autant que son rival.


    Il y a, dans la rivalité, bien sûr, comme dans toute rivalité, une différence de personnalité.

    Bruno Retailleau, numéro deux de Philippe de Villiers en Vendée (au spectacle du Puy-du-Fou puis dauphin à la présidence du conseil général de Vendée), puis numéro deux de François Fillon (dauphin à la présidence du conseil régional des Pays de la Loire, et bras droit lors de la candidature de 2017), est un homme posé, calme, poli, presque intellectuel, et bien évidemment, idéologue, avec des convictions bien ancrées, et surtout une cohérence politique inattaquable, un constance politique (il ne change pas de veste ou d'idée tous les jours). Du reste, il était le plus probable Premier Ministre du seul candidat favori à l'élection présidentielle de 2017... du moins, avant "l'affaire"... Au gouvernement comme Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur, il a montré un courage indéniable, il est présent partout, au risque de dire n'importe quoi (sur l'État de droit), mais cela correspond aussi à des maladresses de débutant ; ministre, ça s'apprend.

    Par exemple, ce dimanche 27 avril 2025, Bruno Retailleau a repris à son compte les valeurs républicains lorsqu'il a condamné (évidemment) l'assassinat d'un jeune musulman dans une mosquée l'avant-veille près d'Alès : « Je suis Français, je suis très attaché à la République française. C'est la République qui nous unit tous. Nous sommes tous des enfants de la République. Être Français, être membre de la communauté nationale, ce n'est pas une question de couleur de peau, ce n'est pas une question de religion, ce n'est pas une question de conditions sociales. On est Français, un point, c'est tout. Et jamais je ne laisserai passer quoi que ce soit qui puisse trier précisément entre nos compatriotes. Je voudrais leur dire vraiment la plus totale solidarité de l'ensemble du gouvernement, du Premier Ministre, du Président de la République, de l'ensemble des ministres. Et nous nous tenons évidemment en cet instant, comme depuis vendredi, à leurs côtés. ».






    Cette déclaration qui pourrait paraître anodine a son importance afin de mettre les points sur les i. Et probablement que le sens des responsabilités l'a emporté sur toute tentation populiste.

    Laurent Wauquiez, quant à lui, est certainement un brillant garçon : normalien, agrégé d'histoire, énarque, auditeur au Conseil d'État, les anciens de la classe politique, et à commencer par l'une des grandes figures du centrisme Jacques Barrot, qui doit se retourner continuellement dans sa tombe à voir et écouter celui qu'il avait pris pour dauphin, ont beaucoup cru en lui avant même qu'il ait fait quelque chose, ce qui peut expliquer une certaine arrogance. En fait, Laurent Wauquiez, c'est l'exemple typique d'une intelligence gâchée. Un intellectuel qui se comporterait comme un voyou. Arrivisme, plus qu'ambition, hypocrisie, matraquage populiste, intimidation... En 2016, son ancien collègue du gouvernement Luc Chatel disait de lui : « Il a zéro conviction mais il bosse énormément, ce qui le rend d'autant plus dangereux ! ».

    Un faussaire qui est capable de teindre ses cheveux en blanc pour avoir l'apparence d'une personne plus âgée et donc plus expérimentée qu'il ne l'est ! Il a commencé à vraiment se faire connaître alors qu'il était Secrétaire d'État à l'Emploi et qu'il a déclaré le 8 mai 2011 sur BFMTV vouloir dénoncer les « dérives de l'assistanat » qui serait « le cancer de la société française ». Le pire a été que les journalistes ont repris sa revendication stupide de représenter une droite dite « sociale » alors qu'elle est avant tout antisociale ! Qu'importe le fond de l'idée, l'opération a fonctionné puisqu'il fallait se faire connaître.

     

     
     


    Dans "Le Parisien" le 14 décembre 2017, il venait d'être élu président de LR, Laurent Wauquiez répondait à cette critique : « Moi, je veux être là pour dire les choses, quitte à secouer. J'ai du tempérament et du dynamisme. Je ne veux pas faire une droite filet d'eau tiède! Alors qu'on me classe à la droite de la droite, ça me fait juste sourire! Sur le plan social par exemple, je ne suis pas à la droite de la droite car la défense des classes moyennes et des familles modestes est l'une de mes obsessions. Moi, je veux juste proposer un autre chemin que celui de Macron et des extrêmes, celui d'une droite républicaine qui défend ses valeurs. ». On notera les "moi, je".

    Sa dernière provocation qui ne valait pas un article d'indignation pour autant, ce fut sa proposition, dite le 8 avril 2025 sur CNews, de mettre toutes les personnes en situation irrégulière qui sont sous OQTF (obligation de quitter le territoire français) dans un centre de rétention administrative situé ...à Saint-Pierre-et-Miquelon (je ne commente pas l'idée, même le RN l'a fustigée !), cela a marché puisqu'on a encore parlé de lui ! Son argument massif, délivré le 9 avril 2025 : « Face à la cohorte de bien-pensants qui trouvent toutes les bonnes raisons pour que rien ne change, je ne me résignerai jamais à l’impuissance. ». Parmi les "bonnes raisons" se trouvent simplement les valeurs républicaines.
     

     
     


    Celui qui a déjà présidé Les Républicains du 10 décembre 2017 au 2 juin 2019 est détesté par tous ses collègues de LR, qui ont été ravis de la candidature de Bruno Retailleau : Jean-François Copé, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, etc., tous soutiennent le Ministre de l'Intérieur contre un autocrate qui n'a jamais montré un sens de l'État très affirmé.

    Qui va gagner ? La question est difficile et les courageux sondeurs se gardent bien de faire un pronostic, car ils sont capables de dire ce que penserait "l'opinion publique", mais pas ce que penseraient les nouveaux adhérents de LR convaincus qu'il faille prendre position dans ce duel.

    Bruno Retailleau est à l'évidence le plus populaire des deux, et devient même, dans les sondages, un présidentiable alors que les intentions de vote en faveur de Laurent Wauquiez plafonnent toujours de 5% à 8% (rappelons que Valérie Pécresse avait 15% des intentions de vote lors de sa désignation). Bruno Retailleau semblerait rencontrer assez peu les militants et serait présent surtout à la télévision, notamment à chaque fait-divers horrible. On a vu en 2006 au PS qu'une candidate populaire et médiatique pouvait gagner une primaire dans un parti qui ne l'appréciait guère (Ségolène Royal face à Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn).
     

     
     


    De son côté, Laurent Wauquiez fait un grand travail de fond en visitant toutes les fédérations départementales LR, pensant que le contact direct lui serait profitable. C'est d'ailleurs son principal argument : lui a le temps d'aller à la rencontre des adhérents et ne leur manque pas de respect. L'autre argument, c'est qu'il serait un président de LR indépendant de François Bayrou et d'Emmanuel Macron, puisqu'il est en dehors du gouvernement. Il oublie de dire qu'il a pleuré devant l'Élysée pour avoir l'Intérieur en septembre 2024 et qu'il voulait l'Économie et les Finances en décembre 2024.

    Bruno Retailleau sait aussi réagir avec vaillance et esprit de répartie. Ainsi, lorsque Laurent Wauquiez a piqué sa colère à la candidature du Ministre de l'Intérieur, ce dernier lui a répondu : « Quand on est de droite, on ne doit pas avoir peur de la compétition. ». C'est vrai que Laurent Wauquiez pensait que redevenir président de LR serait une simple formalité pour lui. Il oublie aussi que celui qui a été élu le 11 décembre 2022 à la présidence de LR contre Bruno Retailleau, c'était Éric Ciotti, qui assurait le soutenir pour l'élection présidentielle de 2027, et qui maintenant bosse manifestement pour Marine Le Pen avec les mêmes réflexes populistes. Laurent Wauquiez ne serait-il qu'un Ciotti bis ?

    Pendant ces deux mois de campagne (celle qui vise à faire adhérer ses sympathisants), les deux candidats ont bombardé d'emails leurs fichiers d'adhérents ou d'anciens adhérents.

    Ainsi, Laurent Wauquiez précisait le 1er mars 2025 : « En juin dernier, je me suis engagé dans la bataille des législatives pour sauver notre mouvement de la disparition. Depuis six mois, une dynamique collective est à l’œuvre. Avec nos adhérents, nos élus locaux, nos parlementaires, nos ministres pleinement engagés au gouvernement et la mission de refondation que je conduis pour notre mouvement. Cette complémentarité fait notre force et je veux la préserver. Après cinq ans de socialisme et bientôt dix ans de macronisme, notre pays a besoin d’un projet de rupture avec l’impuissance. Notre famille politique peut l’incarner. Elle doit l’incarner. C’est ce que je vous propose de bâtir ensemble. C’est pour cela que je suis candidat à la présidence de notre mouvement. Dans le prolongement naturel du travail d’équipe que nous avons engagé, je consacre toute mon énergie à relever la droite, dans une complète indépendance vis-à-vis de François Bayrou et d’Emmanuel Macron. ». Il a même fait valoir sa position de s'opposer à la désignation de Richard Ferrand comme membre du Conseil Constitutionnel, opposition inefficace en raison de l'indifférence des députés RN !

    Faute d'être populaire, et convenant après coup que la candidature de Bruno Retailleau avait toute sa légitimité, il a fait, le 20 mars 2025, dix propositions, dont la première  : « Additionner les talents : je proposerai à Bruno Retailleau d’être le premier vice-président de notre mouvement. ». La deuxième proposition est également politicienne : « Pas de primaires qui ne sont qu’une machine à diviser et à perdre : le mode de désignation de notre candidat à la présidentielle, ce seront aux adhérents de le trancher. ». Et il a terminé ainsi : « Président des Républicains, j'irai surtout à votre rencontre. Je sillonnerai toutes nos fédérations, de la plus petite à la plus grande. Comme je l’ai toujours fait et comme je le fais en ce moment même. ».

     

     
     


    Comme sa campagne ne prenait pas, l'équipe de Laurent Wauquiez en a remis une couche le 4 avril 2025 à coup de dix, cette fois-ci des qualités du candidat. Je les cite : « c'est un fidèle, un gagnant, un visionnaire, un courageux, un leader, un homme libre, un rassembleur, un militant, un audacieux, et un marathonien » ! Un vrai marathonien, ça, c'est de l'argumentation politique, car Laurent Wauquiez allait participer au marathon de Paris le 13 avril 2025 !

    Soutenu par un ancien président de LR Christian Jacob, Laurent Wauquiez a réitéré le 14 avril 2025 sa proposition de partenariat avec son rival : « C’est en rompant avec le macronisme que nous tracerons le chemin du sursaut français. Je vous propose donc un duo avec Bruno Retailleau : lui pleinement engagé au Ministère de l’Intérieur, moi pleinement engagé dans la refondation de notre mouvement. Et dans un an, nous choisirons notre candidat à la présidentielle. ».

    Bruno Retailleau non plus n'a pas été avare en messages aux sympathisants, mais il a préféré surtout publié un livre de ses premiers discours, une sorte de bilan de ses six premiers mois place Beauvau. Le 17 mars 2025, il justifiait ainsi sa prise de responsabilité au gouvernement : « Dès mon entrée au gouvernement, j’ai choisi d’agir vite et nous commençons à obtenir de premiers résultats. (…) Bien sûr ma tâche est difficile, parce qu’il n’existe pas de majorité et qu’il me faut souvent affronter les immobilismes, les conformismes. Mais j’ai choisi d’agir, pas de subir, de m’engager, pas de me protéger. C’est mon tempérament, et c’est aussi mon devoir : compte tenu de l’ampleur des désordres, tout ce qui peut aller dans le sens d’une plus grande fermeté doit être entrepris. Je me suis promis que pour protéger les Français, je tenterai tout et je ne lâcherai rien. C’est ce que je fais. ».


    Le 24 mars 2025, alors que le sujet a été mis en avant par les partisans de Laurent Wauquiez, opposés à une primaire ouverte pour la prochaine élection présidentielle, Bruno Retailleau a annoncé qu'il laisserait le choix aux adhérents : « Ce sont les militants qui décideront démocratiquement comment le désigner. Car nous les consulterons. S'ils ne veulent pas de primaire, alors il n'y aura pas de primaire. Dans un parti moderne, il n'est pas question qu'un sujet aussi important soit décidé par quelques élus dans un bureau politique. ».
     

     
     


    Ce qui a trompé Laurent Wauquiez dans son analyse de la situation, c'est que le ministre Bruno Retailleau se déplace beaucoup pour son travail de ministre, certes, mais à chaque déplacement, il fait aussi une rencontre de militants LR, si bien qu'il rencontre lui aussi beaucoup d'adhérents. Il a d'ailleurs déposé 70% des parrainages déposés par l'ensemble des candidats, soit 2 235, ainsi que 92 parrainages de parlementaires (pour Laurent Wauquiez, 997 parrainages et 44 parlementaires). En outre, par une tribune publiée le 22 mars 2025 dans "Valeurs actuelles", qui explique notamment : « Bruno Retailleau incarne une droite fière, enracinée, qui ne transige pas. Ni les vents contraires ni les modes ne l’ont jamais forcé à abdiquer ses convictions et ses engagements : la liberté d’entreprendre, la défense de l’autorité, la promotion du mérite, la préservation de notre identité. Dans un paysage politique marqué par les renoncements et les calculs opportunistes, il a toujours su rester fidèle à ses principes. », il a reçu le soutien de 1 000 jeunes membres de LR, c'est beaucoup.
     

     
     


    Ce qui a conduit Bruno Retailleau à dire le 30 mars 2025 : « Je crois que nous avons suscité une véritable dynamique. Partout où je me rends, les militants sont présents, nombreux, ce qui me touche profondément, car je connais leur courage, eux qui sont restés fidèles à nos convictions, jusqu’au bout. Dans mes réunions publiques, je rencontre aussi beaucoup d’électeurs qui nous ont quittés, mais qui désormais prêtent l’oreille à ce que dit la droite, qui souvent se retrouvent dans la politique de fermeté que je porte. Je suis convaincu que nous avons aujourd’hui une opportunité historique, qu’il ne faut pas rater : refaire un grand mouvement de droite qui rassemble tous ces électeurs aujourd’hui dispersés, mais qui pourtant partagent les mêmes idées d’autorité, de liberté et de fierté française. ».

    Bien entendu, Bruno Retailleau use et abuse des mêmes simplismes que son concurrent et laboure dans le même positionnement idéologique. C'est très clair lorsqu'il a affirmé le 15 avril 2025 : « J’ai fait un choix : me battre. Me battre pour qu’enfin la droite marche la tête haute, sans céder à la pensée unique. Me battre pour qu’enfin la droite parle vrai, sur tous les sujets. La droite fière et sincère : c’est ce que je veux que mon parti incarne, pour renouer avec la confiance des Français qui nous ont quittés. Ma plus grande fierté dans cette campagne interne, c’est d’être parvenu à susciter une espérance parmi tous ces électeurs déçus. ».

    Dès le début de cette campagne interne, Bruno Retailleau avait annoncé qu'il refuserait tout débat contradictoire public avec Laurent Wauquiez. Il a eu raison, car malgré les propositions transgressives de son adversaire, c'est Bruno Retailleau qui a donné les sujets de campagne par sa participation gouvernementale, présent sur tous les fronts et encore ce dimanche 27 avril 2027 à Alès pour évoquer l'assassinat dans une mosquée, l'occasion de ne pas faire simplement une chasse aux islamistes, mais à tous les sauvageons, de quelque bord que ce soit.

    À l'évidence, Bruno Retailleau est le favori, plus par son tempérament cohérent et calme et par le caractère autoritaire de son rival que par le bilan de son action gouvernementale. Somme toute, son vrai bilan, c'est celui du ministère de la parole. Mais de cela, on pouvait l'imaginer dès le début.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Congrès LR : les jeux sont-ils faits ?
    De Gaulle.
    Philippe Bas.
    Xavier Bertrand.
    Bruno Retailleau.
    Nicolas Sarkozy.
    Jean-Louis Debré.
    Claude Malhuret.
    Philippe De Gaulle.
    François-Xavier Ortoli.
    Alain Juppé.

    Jean Tiberi.
    Édouard Philippe.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
    Yvon Bourges.
    Christian Poncelet.
    René Capitant.
    Patrick Devedjian.

     

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250417-congres-lr.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/congres-lr-les-jeux-sont-ils-faits-260550

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/17/article-sr-20250417-congres-lr.html


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  • L'élection du vieux maréchal von Hindenburg

    « Il ne faut pas imaginer qu'un parti me donnera d'une quelconque manière des instructions, même pas ceux qui m'ont aidé dans la compétition électorale. Cependant, je tends la main à l'ancien adversaire qui veut se mettre avec moi au travail. » (Paul von Hindenburg, le 10 mai 1925).





     

     
     


    Il y a 100 ans, le 26 avril 1925, le vieux maréchal Paul von Hindenburg a été élu Président du Reich au second tour par 14,7 millions de citoyens allemands. Il avait alors déjà 77 ans (né le 2 octobre 1847), et toute une réputation prestigieuse de militaire héroïque, ayant servi pour l'Empire allemand de 1866 à 1919. À ce titre, il est l'une des personnalités marquantes de l'histoire (assez courte, depuis 1871) de l'Allemagne.

    Contrairement à la tentation qu'on pourrait avoir, le maréchal von Hindenburg n'était pas à l'Allemagne ce qu'a été le maréchal Pétain à la France. Certes, les deux étaient plutôt conservateurs (quoique Pétain fut beaucoup plus "libéral" dans les mœurs sociales qu'on pourrait l'imaginer), et les deux ont eu des "relations" avec Hitler, mais cela s'arrête là. L'appel d'un homme providentiel, souvent vieux en raison du temps qu'il faut pour être présenté comme providentiel, est une constante dans les sociétés humaines. En France, on en a usé et abusé depuis plus de cent cinquante ans : Thiers en 1871, Clemenceau en 1917, Pétain en 1940 et De Gaulle en 1958. Personnalités très différentes mais qui ont eu cette particularité d'un retour au pouvoir, ou d'une prise de pouvoir (pour la première fois) aidée par une réputation historique exceptionnelle.

    Si toutefois on voulait vraiment faire une analogie avec une personnalité politique française, il faudrait plutôt chercher du côté d'un autre maréchal, Patrice de Mac Mahon, militaire de bonne réputation sous l'Empire malgré la défaite de Sedan en 1870 (battu par les forces prussiennes), qui, bien que monarchiste, fut appelé par la République, alors dominée à la Chambre par des députés monarchistes, pour devenir Président de la République du 24 mai 1873 au 30 janvier 1879, en attendant la fin annoncée des légitimistes et la victoire improbable des orléanistes.


    Hindenburg (je parle ainsi de la personne et pas du dirigeable baptisé de son nom) a été un militaire de toutes les grandes batailles prussiennes et allemandes : guerre austro-prussienne, guerre franco-prussienne qui a abouti à l'Unification de l'Allemagne (sous l'égide de la Prusse, associée à de nombreuses principautés allemandes), et aussi la Première Guerre mondiale, où il fut, de novembre 1916 au 25 juin 1919, le chef du grand état-major allemand de l'Empire allemand, secondé par le général Erich Ludendorff. Comme Pétain, il était à la retraite avant le début de la Première Guerre mondiale mais remobilisé pour l'occasion.

    Le 18 novembre 1919, devant la commission d'enquête parlementaire visant à comprendre la défaite allemande, Hindenburg et Ludendorff, salués avec beaucoup d'honneurs par les parlementaires, ont répandu la (fausse) rumeur du "coup de poignard dans le dos", à savoir qu'à l'arrière garde, des forces anti-allemandes s'étaient activées contre l'armée allemande en Allemagne, mêlant socialistes, communistes et Juifs comme boucs émissaires. Cette thèse fut reprise plus tard par les nazis pour justifier et renforcer le sentiment de vengeance. C'était d'autant plus commode que cela dédouanait l'armée allemande de sa responsabilité dans la défaite.


    L'Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale était dans un piteux état : dans le camp des vaincus, l'empereur Guillaume II s'est exilé, laissant l'empire sans empereur, des mouvements révolutionnaires étaient très actifs aussi en Allemagne (Rosa Luxembourg, etc.), et finalement, le régime a accouché d'une frêle République de Weimar, dominée par les sociaux-démocrates et le Zentrum (centre droit catholique), qui était une sorte d'empire sans empereur, à tel point que le gouvernement était celui du Reich, le Chancelier celui du Reich et le chef de l'État appelé Président du Reich. Ce nouveau régime était pourtant loin d'être fort, englué dans une instabilité politique typique des régimes parlementaires comme la Quatrième République en France. Mais à la différence de cette dernière, le Président avait un certain nombre de pouvoirs pour faire contre-poids, en particulier le droit de dissolution.

    Le premier Président du Reich a été élu par les parlementaires le 11 février 1919 pour un mandat de sept ans, Friedrich Ebert, Chancelier social-démocrate depuis le 9 novembre 1918, mais ce dernier est mort le 28 février 1925 à 54 ans des suites d'une appendicite soignée trop tardivement. Le mode d'élection du Président était différent pour la suite puisqu'il devait être élu au suffrage universel direct pour faire participer l'ensemble du peuple allemand, seul moyen de retrouver une légitimité impériale.


    Le premier tour de l'élection présidentielle a eu lieu le 29 mars 1925. Parmi les sept candidats, deux personnalités se détachaient, susceptibles d'être élues (à l'époque, il n'y avait pas de sondages) : Otto Braun, du SPD (social-démocrate) et Wilhelm Marx, du DZP, le Zentrum (centriste catholique ; rappelons que l'Allemagne est majoritairement protestante). Tous les deux étaient les représentants du nouveau régime politique, parlementaire, assez impuissant, Wilhelm Marx était alors un ancien Chancelier du Reich du 30 novembre 1923 au 15 janvier 1925.

    Face à ces deux représentants du régime, le bloc national avait bien du mal à proposer une candidature de rassemblement. Personnalité très populaire à droite, l'ancien Vice-Chancelier et Ministre de l'Intérieur Karl Jarres, du DVP (parti populaire allemand, national-libéral), avait pris le leadership de la campagne électorale. D'autres petits candidats étaient présents, dont le communiste Ernst Thälmann, et aussi l'ancien général en chef limogé par l'empereur le 26 octobre 1918, Erich Ludendorff, ce qui avait mis en colère Hindenburg qui lui avait demandé dans un courrier de se retirer pour ne pas diviser le camp de la droite : « Retirez votre candidature immédiatement. Au lieu de vous unir (…), vous vous dispersez avec les cercles nationaux en cette heure décisive. Dans ce camp, votre élection est désespérée. Vous vous compromettez ainsi… de votre faute, la patrie est en danger. Acceptez donc cette demande qui pourrait être la dernière de ma vie. ». Il avait raison.

    Les résultats du premier tour furent assez attendus, avec une participation de 68,9% : Karl Jarres a obtenu la première place avec 38,8% des suffrages exprimés, suivi d'Otto Braun 29,0% et Wilhelm Marx 14,5%... et Erich Ludendorff est arrivé septième avec seulement 1,1%, une gifle électorale (un militaire n'est pas forcément un bon politique). La nécessité d'un second tour rendait très incertaine son issue.
     

     
     


    D'un côté, le SPD et le Zentrum se sont mis d'accord avec une seule candidature, celle de Wilhelm Marx, qui devenait donc le favori de l'élection, avec, en contrepartie, Otto Braun (que le Zentrum ne voulait pas soutenir) était destiné à devenir le ministre-président de la Prusse. De l'autre côté, le score de Karl Jarres avait peu de chance de s'améliorer, faute de voix de réserve, et fut remplacé, à la demande d'un certain nombre de dirigeants du DVP, en particulier Gustav Stresemann, ancien Chancelier, mais aussi du camp nationaliste (en particulier le NSDAP, le parti nazi), par le maréchal von Hindenburg (retiré à Hanovre) qui, malgré des réticences initiales, a bien accepté d'être présent au second tour (il n'était pas nécessaire d'être candidat au premier tour, et au second tour, l'élection était acquise à la majorité relative, ce qui nécessitait des alliances entre les forces politiques).

    Finalement, Hindenburg a gagné, mais avec un score serré, avec 900 000 voix d'avance sur son concurrent Wilhelm Marx qui a eu deux handicaps, un religieux (il était catholique et la majorité était protestante) et un politique en raison du maintien du candidat communiste qui lui a privé de 1,9 million de suffrages. Hindenburg a donc été élu Président du Reich avec 48,3% des voix pour une participation encore plus élevée de 77,6%. L'historien britannique Ian Kershaw commentait ainsi ce résultat en 2001 : « La démocratie de Weimar était désormais entre les mains de l'un des piliers de l'ordre ancien. La droite nationale et conservatrice n'était pas la seule à avoir voté pour lui. (…) En 1933, le prix à payer sera lourd. ». Pour les conservateurs, l'élection d'un maréchal voulant un pouvoir fort permettait de contrebalancer le régime d'assemblée instable et de retrouver avec lui l'aura perdue de l'empereur.
     

     
     


    Wikipédia a fait un résumé de la description de l'historien français Johann Chapoutot, spécialiste du nazisme, publiée dans un livre en 2025 chez Gallimard : « [Il] décrit Hindenburg, lors de son élection à la Présidence en 1925, comme une figure profondément conservatrice, attachée aux vertus prussiennes telles que l'honneur, le devoir et le sacrifice. Il souligne son hostilité aux sociaux-démocrates, aux communistes et aux syndicats, ainsi que sa méfiance envers les catholiques du Zentrum, à l'exception de ceux qu'il jugeait suffisamment conservateurs ou ayant un passé militaire. Chapoutot note également l’aversion de Hindenburg pour les évolutions sociales de la République de Weimar et son indifférence aux questions sociales, ou un possible État-providence allemand. ».

    En fait de pouvoir fort, le premier mandat de Hindenburg était caractérisé par la poursuite de l'instabilité gouvernementale, avec cinq gouvernements centristes ou de gauche. Hindenburg a dissous quatre fois l'assemblée. La crise de 1929 a fait monter le nazisme électoralement : le NSDAP est passé de 2,6% en 1928 à 18,3% en 1931. Les nazis n'avaient donc plus besoin de l'aide de Hindenburg pour conquérir le pouvoir, d'autant plus qu'ils avaient une très mauvaise opinion du vieux maréchal. Ainsi, le 19 octobre 1929, Joseph Goebbels le qualifiait dans son Journal de « vieille ruine », ce qui fait penser à ce que disaient les trumpistes de Joe Biden, et en octobre 1931, Hitler le qualifiait de « vieux fou ». C'était d'ailleurs réciproque, car Hindenburg prenait les nazis pour ce qu'ils étaient d'abord, à savoir de dangereux socialistes (nationaux-socialistes) et considérait Hitler comme un « caporal bohémien » qui n'avait pas l'étoffe pour diriger le gouvernement. Le 10 août 1932, Hindenburg se refusait à toute nomination de nazis au gouvernement : « Faire d'un caporal bohémien le Chancelier du Reich, ce serait du propre ! ».

    À l'élection présidentielle de 1932, la situation économique et sociale de l'Allemagne était catastrophique : chômage de masse, inflation en flèche, pouvoir d'achat en berne, hausse des impôts... Le gouvernement centriste de Heinrich Brüning était très impopulaire. Son parti, le DZP, ainsi que l'ensemble du bloc populaire (coalition de Weimar : Zentrum, SPD, etc.) ont voulu que Hindenburg se représentât pour sa succession malgré ses 84 ans ! L'un des dirigeants du DZP, Franz von Papen (qui allait devenir le successeur de Heinrich Brüning le 1er juin 1932) a même souhaité réviser la Constitution pour rendre l'élection présidentielle aux parlementaires sans passer par le peuple, mais, en raison du refus des députés nazis, il ne pouvait pas convaincre une majorité qualifiée.


    Autrement dit, les rivaux de 1925 (gauche et centre droit catholique), qui craignaient une dérive autoritaire du maréchal, sont devenus les principaux soutiens de Hindenburg en 1932, toujours candidat indépendant, face à un autre candidat, celui des nazis, Adolf Hitler, qui avait hésité à s'opposer frontalement au prestigieux maréchal. Ian Kershaw analysait effectivement cette drôle de situation (cité par Wikipédia) : « [Hindenburg] était tributaire du soutien des socialistes et des catholiques, qui avaient été ses principaux opposants au cours des sept années passées et formaient de bien étranges et fâcheux compagnons de route pour le doyen loyalement protestant et ultra-conservateur. ».

    Au premier tour du 13 mars 1932, avec 86,2% de très forte participation, Hindenburg a raté sa réélection dès le premier tour en recueillant plus de 18,6 millions de suffrages, soit 49,5%, face à Hitler 30,1%. Au second tour du 10 avril 1932, avec une participation de 83,5%, Hindenburg a été réélu avec 53,1% des voix, ayant pris une large avance de 7,3 millions de voix sur Hitler, grâce aux milieux économiques qui étaient plutôt rassurés par Franz von Papen (futur Chancelier du 1er juin 1932 au 17 novembre 1932).

    Franz von Papen était préféré par Hindenburg à Kurt von Scleicher (futur Chancelier du 4 décembre 1932 au 28 janvier 1933). André François-Poncet, l'ambassadeur de France à Berlin et père du ministre Jean François-Poncet, expliquait ainsi : « C'est [Papen] le préféré, le favori du maréchal ; il détourne le vieil homme par sa vivacité, son espièglerie ; il le flatte en lui montrant du respect et de la dévotion. Il le séduit par son audace ; il est [aux] yeux [de Hindenburg] l'homme parfait. ».

    Toutefois, Hitler a finalement gagné la partie : le 30 janvier 1933, Hindenburg l'a nommé Chancelier du Reich (et Papen Vice-Chancelier) et dès les premiers mois, le chef des nazis a consolidé, par la force et la propagande, son pouvoir, devenant même le Führer, c'est-à-dire le Guide en allemand. Hindenburg est mort le 2 août 1934 d'un cancer du poumon à l'âge de 86 ans et demi. Par le plébiscite du 19 août 1934, Hitler a plus ou moins supprimé la fonction en devenant à la fois Chancelier, Président du Reich et Führer, bref, le maître absolu d'une Allemagne puissante.

    Plus précisément, Hindenburg est mort le lendemain de la promulgation, le 1er août 1934, de la loi qui précisait deux articles. Article 1er : « La fonction de Président du Reich est réunie à celle du chancelier du Reich. Par conséquent, les pouvoirs exercés jusqu'ici par le Président du Reich passent au Führer et Chancelier du Reich Adolf Hitler. Il désigne son suppléant. ». Article 2 : « Cette loi entrera en vigueur à partir du décès du Président du Reich von Hindenburg. ». C'était très cavalier de la part de Hitler qui considérait que Hindenburg n'allait pas finir son second mandat (en raison de sa grave maladie) et cela montrait aussi que le maréchal n'avait plus aucune influence sur le cours des événements (retiré en Prusse-Orientale depuis avril 1934).


    Pour légitimer cette loi, Hitler l'a fait plébisciter : avec une participation officielle de 95,7%, le oui l'a largement emporté avec, officiellement, 89,9% des votants. Rappelons que les Allemands vivaient alors sous la terreur des nazis, que la Nuit des longs couteaux venait de survenir, du 29 juin 1934 au 2 juillet 1934 (crimes que Hindenburg aurait approuvés voire suggérés à Hitler ; à ce sujet, il faudrait des études complémentaires d'historiens pour avoir une idée précise de la position du maréchal).

    On aurait donc tort de comparer Hindenburg à Pétain. Au contraire, il était dès le début un opposant au nazisme qu'il considérait comme dangereux. Il a présidé la République de Weimar fidèlement avec le sens de l'État et surtout de l'intérêt général. Et dès lors que Hitler bénéficiait d'une majorité à l'assemblée, il ne pouvait que l'appeler à la Chancellerie. Du moins, c'est ce qu'on pourrait penser, mais ce n'est pas l'avis de l'historien Ian Kershaw en 1999 : « Hindenburg lui-même et ceux qui étaient en position de l'influencer étaient si occupés à chercher une solution à droite qu'ils ne prirent pas la peine d'envisager une issue parlementaire. (…) L’accession d’Hitler au pouvoir n’était aucunement inéluctable. Hindenburg eût-il concédé à Schleicher la dissolution qu’il avait si volontiers accordée à Papen et décidé une prorogation au-delà des soixante jours prévus par la Constitution, que la nomination de Hitler à la Chancellerie aurait sans doute pu être évitée. (…) Hindenburg se laissa persuader d'accorder à Hitler ce qu'il avait refusé à Schleicher à peine quatre jours plus tôt : la dissolution du Reichstag. ». L'historien français Gilbert Badia, en 1975, n'était pas plus tendre : « Il a suffi d'un exposé dramatique de Hitler (…) pour que le vieillard réactionnaire confie les pleins pouvoirs au "caporal autrichien" naguère méprisé. ».

    Trop âgé, trop malade, le maréchal n'a pas pu vraiment s'opposer avec toutes les armes que la Constitution lui donnait contre un Hitler qui le trouvait encombrant mais également nécessaire, profitant de son prestige militaire pour sa propre entreprise. Quant à Erich Ludendorff, qui allait mourir le 20 décembre 1937, il a refusé de participer aux grandes funérailles de son vieux chef de Hindenburg le 7 août 1934 pour ne pas s'afficher à côté de Hitler. Certains glorieux militaires avaient tout de même conservé le sens de la dignité, même dans ces temps troublés.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (26 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Maréchal Paul von Hindenburg.
    Allemagne 2025 : Feu vert pour la grande coalition CDU-SPD.
    Allemagne 2025 : victoire de Friedrich Merz (CDU).
    Marché de Noël de Magdebourg : le retour du risque terroriste.
    L'éclatement de la coalition Rouge Jaune Vert en Allemagne.
    Friedrich Merz.
    Olaf Scholz.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Élections européennes 2024 (7) : Ursula von der Leyen et ses trois priorités, la défense, le logement et la compétitivité.
    Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen.
    Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".
    Konrad Adenauer.
    Daniel Cohn-Bendit.
    Volkswagen.
    Hans Modrow.
    Dmitri Vrubel.

    Le mur de Berlin.
    La chute du mur de Berlin.
    La Réunification allemande.
    Berlin 1989 : le 9/11 avant le 11/9.
    Maus.
    Le massacre d'Oradour-sur-Glane.
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    Le testament de Benoît XVI.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !
    Couvrez ces seins que je ne saurais voir !
    Olaf Scholz, l’étincelle du feu tricolore.
    Législatives allemandes 2021 (2) : Olaf Scholz bientôt Chancelier.
    Bonne retraite, Frau Merkel !
    Législatives allemandes 2021 (1) : INCERTITUDE !
    L’Allemagne en pleine fièvre extrémiste ?


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250426-hindenburg.html

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  • Les écolos, trait de division de la société française

    « Sans cesse questionnée sur son positionnement entre PS et LFI, elle ne dit rien de définitif, ménage les deux camps. Et voilà sa force. Voilà aussi pourquoi elle sera réélue. Et pourquoi ce congrès ne sert à rien (d’ailleurs, l’abstention est forte). Les militants écolos auraient pu acter une stratégie claire en vue des municipales et de la présidentielle. Mais, non, ils resteront au milieu. Marine Tondelier parle d’un parti "trait d’union". » (Maxence Lambrecq, le 17 avril 2025 sur France Inter).



     

     
     


    Plutôt que le trait d'union proposé par un éditorialiste de France Inter, j'oserais plutôt parler d'un trait de division de la société française. "Les Écologistes", nouvelle appellation du parti Europe Écologie-Les Verts (EELV) depuis le 14 octobre 2023 (mais je garderai le nom de EELV car je trouve que les appellations, nombreuses aujourd'hui, "Les quelque chose", comme "Les Républicains", "Les Centristes", "Les Patriotes", sont peu adaptées à la syntaxe française, donc EELV se réunit en congrès fédéral ce samedi 26 avril 2025 à Pantin, suivi d'une "Grande Convention" des investiture les 26 et 27 avril 2025 au même endroit.

    Pas de suspense puisque le vote des adhérents a eu lieu du 16 au 18 avril 2025, et le résultat a été communiqué le 19 avril 2025, veille de Pâques, avec une très large et attendue victoire de la secrétaire nationale sortante, Marine Tondelier.

    On devrait même dire "sectaire nationale" si on lit l'article d'Anne-Sophie Mercier publié le 9 mars 2025 dans "Le Canard enchaîné" : « Elle est pétillante, mais elle sait aussi asphyxier ceux qui, chez les Verts, sont susceptibles de lui faire de l’ombre. Et ce n'est pas Julien Bayou qui dira le contraire. Aujourd'hui, Yannick Jadot, Sandrine Rousseau ou Éric Piolle essaient de se faire entendre (…). "On n’a plus rien à envier à La France insou­mise". C’est la phrase qu’on entend beaucoup, ces temps-ci, dans la bouche des opposants écolos à Marine Tondelier. (…) Ils découvrent le vrai visage de leur secrétaire générale, sacrément douée pour causer démocratie et transparence, avec son sourire télégénique, son aisance à l’oral et son inamovible veste verte, tout en verrouillant le parti, changeant les règles quand ça lui chante et éliminant les adversaires avec méthode et détermination. (…) "C’est drôle, cette bronca des opposants. Tondelier a été formée à la maîtrise de l’appareil par Duflot et Placé, qui n’étaient pas manchots. Elle a été la patronne des jeunes écolos et déléguée aux journées d’été, des postes extrêmement politiques. Ils espéraient quoi à la place ?" s’amuse un pilier du parti. ».


    L'un des exemples du verrouillage, c'est d'avoir sorti de la boucle de son courant Éric Piolle, le maire de Grenoble, qui a pourtant été l'un de ses soutiens les plus actifs, car ce dernier voudrait devenir porte-parole du mouvement écologiste mais Marine Tondelier préférerait y placer le Normand Guillaume Hédouin (les deux candidats seront départagés au cours d'un ultime second tour).
     

     
     


    Les résultats sont sans équivoque en faveur de la non-ligne de Marine Tondelier, mais il n'y a pas de quoi pavoiser. D'abord, il n'y a que 13 725 adhérents inscrits, ce qui est faible pour un parti d'envergure nationale. Ensuite, il y a eu un très fort taux d'abstention, 51,2%. Enfin, le score de Marine Tondelier, 4 795 voix, soit 72,6% des suffrages exprimés, ne représente que 34,9% du total des adhérents, soit un peu plus d'un tiers. Ce n'est donc pas un vote de large adhésion.
     

     
     


    Trois autres candidats ont participé à cette compétition, dont Karima Delli (12,8%) et aussi Harmonie Lecerf Meunier, qui a pour caractéristique de représenter le courant "Radicalement vôtre", le courant extrémiste de Sandrine Rousseau, arrivée dernière avec seulement 422 voix, soit 6,4% des suffrages exprimés, mais aussi 3,1% de l'ensemble des adhérents ! Étant donné que les écologistes ne représentent que 5,5% du paysage électoral français (score de la liste menée par Marie Toussaint aux élections européennes du 9 juin 2024), ce courant ne représente finalement que 0,17% de l'électorat français. On peut ainsi trouver que la présence hégémonique de Sandrine Rousseau dans les médias ne représente pas vraiment son audience électorale réelle, ce qui a fait dire à quelqu'un, sur Twitter : « Ça fait de Sandrine Rousseau la seule politique qui totalise plus de passages médias que de voix au congrès de son parti. ».
     

     
     


    Marine Tondelier a réussi l'OPA le 10 décembre 2022, par sa capacité à être présente dans les médias et à s'exprimer auprès des militants, à marginaliser les deux courants opposés lors de la primaire de 2021 qui avait abouti au second tour à un duel entre Yannick Jadot, représentant de l'aile réformiste et raisonnable, et Sandrine Rousseau, représentante de l'aile extrémiste, wokiste, décroissant. Marine Tondelier, elle, se moque de savoir quelle aile choisir.

    On le voit notamment à la lecture du texte qui a été également proposé au vote à l'occasion de ce congrès. Le flou habite ce texte supposé d'orientation politique. Sa rédaction bourrée d'écriture inclusive est illisible pour cette raison. Il suffit de lire la conclusion pour comprendre que cette rhétorique de bisounours où rien n'est proposé, ni méthode ni programme concret, n'a d'autre raison d'être que de servir de support à l'inconsistance d'une future candidature présidentielle de Marine Tondelier : « Ce mandat sera celui du renforcement de notre parti, un parti démocratique, accueillant et émancipateur, afin que l'écologie politique gagne du terrain dans tous les territoires, dans les institutions et dans toutes les couches de la société. À l’heure de la montée des régimes autoritaires dans nombre de pays du monde, nous devons appliquer des pratiques conformes à la vision de la société démocratique que nous désirons. ».

    Rien que la lecture des titres suffit à comprendre que ce parti est incapable de réponde aux enjeux actuels, faire face à des dirigeants comme Vladimir Poutine et Donald Trump : « Ancrer la diplomatie dans le multilatéralisme, la justice et l'écologie » ; « Construire une Europe de la paix, solidaire, souveraine et écologique » ; « Lutter contre les nouvelles tentatives de déstabilisation »... Ce serait fédérateur si ces titres n'étaient pas des slogans creux, des incantations sans mode d'emploi, sans proposition efficace.et surtout, c'est à mon sens le plus grave, sans idée originale. La plus marquante est cette phrase sans précision et totalement vide, incantatoire : « La guerre en Ukraine souligne l'urgence d'une diplomatie efficace et d'une défense commune européenne. ». Oui ? Et alors ? Concrètement, cela signifie quoi ?

     

     
     


    Pire, on retrouve les vieilles rengaines anachroniques et dogmatiques qui ont fait élire Donald Trump aux États-Unis et pourraient faire gagner le RN en France : « Il est urgent de mettre fin au capitalisme débridé qui pille les ressources, perpétue souvent des rapports de domination postcoloniaux et accroît les inégalités. ». Ou encore : « La coopération avec les Suds [au pluriel, oui ! contre la langue française] doit être co-construite avec les populations et se diriger vers des projets féministes, écologistes, équitables et garants de la souveraineté alimentaire. ».

    Ou encore, on le ressent aussi dans le chapitre sur le fonction interne : « Un parti qui réaffirme son engagement écoféministe et antiraciste. Il devra affronter l'offensive du masculinisme et des réactionnaires, qui peut se déployer même dans nos rangs. ». Voilà une vision bien peu bienveillante (adjectif mis pourtant à l'affiche) des rapports entre les hommes et les femmes. C'est d'autant plus inconsistant que Marine Tondelier a pris la direction de EELV en évinçant Julien Bayou accusé d'agressions sexuelles par Sandrine Rousseau, mais lorsqu'il a été totalement blanchi par la justice du pays, il n'a pas été réintégré, ni réhabilité dans son honneur au sein de son parti et il reste toujours persona non grata.
     

     
     


    Ce texte présenté le 9 avril 2025 est nul pour laisser une grande liberté à Marine Tondelier dans ses ambitions présidentielles. Comme des dizaines d'autres responsables politiques, depuis qu'elle a gagné en notoriété avec la campagne des élections législatives, et surtout, postlégislatives (elle se déplaçait avec une technocrate de la mairie de Paris, vous savez, celle qui devait être Première Ministre, Lucie Castets), elle a senti ses ailes pousser, celles d'un parfum présidentiel, en tablant sur les divisions du PS et leur incapacité, depuis 2011, à présenter un véritable leader (au point de faire élire un homme aussi limité que François Hollande), et sur la vieillesse et les excès verbaux et idéologiques de Jean-Luc Mélenchon.

    Seulement4 232 adhérents ont approuvé ce texte dit d'orientation, peut-être 85,0% des suffrages exprimés (le choix était pour ou contre ; il n'y avait pas d'autres textes !), mais avec une très forte abstention (je-m'en-foutisme), 58,7%, cela ne représente que 30,8% des adhérents, soit moins que le score de Marine Tondelier elle-même.

     

     
     


    Jean-Vincent Placé avait d'ailleurs trouvé lui-même la bonne formule dès le 28 août 2015 pour décrire son parti : « |Il] est un astre mort, une structure morte qui donne aujourd'hui une vision caricaturale et politicienne de l'écologie. ». Cette appréciation demeure d'actualité, avec d'autres acteurs.
     

     
     


    Ce qui est remarquable, comme Jean-Luc Mélenchon, Marine Tondelier veut changer de Constitution alors qu'elle a adopté, comme Jean-Luc Mélenchon aussi, précisément ce qui la caractérise le plus, à savoir l'obsession présidentielle. Mais, on peut raisonnablement rester optimiste pour l'avenir. Jamais un dirigeant écologiste n'a duré plus de quelques années, son quart d'heure de célébrité : Dominique Voynet, Noël Mamère, Nicolas Hulot, Eva Joly, Cécile Duflot, Jean-Vincent Placé, Yannick Jadot, Julien Bayou, etc. ne sont jamais restés très longtemps sur le devant de la scène et sont retombés rapidement dans l'anonymat vide de leur inconsistance politique. L'avenir tout tracé de Marine Tondelier.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Les écolos, trait de division de la société française.
    Dominique Voynet.
    Laurence Vichnievsky.
    Marine Tondelier.
    François Ruffin.
    Clémentine Autain.
    Julien Bayou.
    Élysée 2022 (49) : vers une quatrième cohabitation ?
    Élysée 2022 (44) : la consécration du mélenchonisme électoral.
    Élysée 2022 (43) : le sursaut républicain !
    Yannick Jadot.
    Sandrine Rousseau.
    Élysée 2022 (5) : profondes divisions chez les écologistes.
    Grégory Doucet.
    René Dumont.


     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250419-ecolos.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-ecolos-trait-de-division-de-la-260554

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/24/article-sr-20250419-ecolos.html



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  • Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille

    « Il ne sait pas que je suis victime et il ne sait pas que je vais témoigner comme victime. Je suis restée trente ans dans le silence. En dehors de ça, pas une allusion, à personne. Mon père, j’ai peut-être voulu le protéger, inconsciemment, je pense, des coups politiques qu’il se prenait localement. » (Hélène Perlant, à propos de son père François Bayrou, le 22 avril 2025 dans "Paris Match").



     

     
     


    On ne redira jamais assez à quel point il est difficile pour des victimes de sortir du silence et de témoigner publiquement. Ce n'est pas nouveau : combien de victimes de viol n'osaient pas déposer plainte il y a quelques décennies ? Victimes de viols, d'agressions sexuelles, de violences physiques ou/et morales... Beaucoup ressentent très injustement un sentiment de honte voire de culpabilité et ne parlent pas, ou, du moins, si elles parlent, c'est très tardivement. C'est le cas avec les victimes de nombreux prêtres (rapport Sauvé). C'est le cas avec les victimes de l'abbé Pierre. C'est aussi le cas avec les victimes de Notre-Dame de Bétharram et, plus généralement, d'institutions catholiques d'enseignement scolaire. Si les victimes parlent aujourd'hui, parfois après cinquante ans de silence, c'est parce qu'elles découvrent qu'elles ne sont pas les seules et qu'elles ont été les victimes de tout un système.

    Pour Notre-Dame de Bétharram, près de Pau, il est question surtout de violences physiques (certaines sexuelles) et toujours d'humiliation. Il y avait des plaintes déposées en 2024, mais la folle course des médias ne s'était pas enclenchée. Il faut dire les choses comme elles sont. Le député FI Paul Vannier a ressorti cette affaire sans vraiment se préoccuper des victimes : son seul objectif, après le vote du budget de l'État, c'était de faire tomber le Premier Ministre François Bayrou. Les choses qu'il lui reproche, ce n'est pas d'avoir violenté des enfants, ce n'est pas d'avoir couvert, c'est juste d'avoir été au courant et de n'avoir rien fait. C'est stupide, et on en saura plus lors de l'audition du Premier Ministre devant la commission d'enquête parlementaire le 14 mai 2025, mais cela a eu un avantage, celui de mettre le scandale de Notre-Dame de Bétharram sous les projecteurs médiatiques.
     

     
     


    Car c'est un véritable scandale, de nombreux enfants ont été violentés, sexuellement ou pas, humiliés, pendant des dizaines d'années dans un établissement scolaire catholique considéré comme strict, voire sévère. On en était resté à la punition de la règle contre les doigts infligée aux écoliers qui n'apprenaient pas leurs leçons, comme si frapper était pédagogique. C'était dans les années 1950, ou avant, et on se disait que les temps étaient révolus. Pourtant, dans cet établissement, on frappait les enfants encore dans les années 2000. Et puis, ce n'est pas pareil, ou ce n'est plus pareil. Avant, on ne constituait pas une commission d'enquête parlementaire pour une seule gifle contre un élève. Aujourd'hui, si, et avec raison. On ne doit pas frapper les enfants.
     

     
     


    Très rapidement, François Bayrou a réagi comme devait réagir un homme politique expérimenté : il est allé rencontrer les victimes de Bétharram à Pau le 15 février 2025 et il en est ressorti bouleversé. Les victimes présentes ont pu l'attester : il avait l'air sincère, il découvrait l'étendue de l'horreur. Et bien sûr, il souhaitait que toute la lumière soit faite sur cet établissement... et sur d'autres, car il y a eu des faits de violence aussi dans d'autres établissements scolaires catholiques. Il a accepté le principe d'une commission d'enquête et celle-ci a rapidement commencé les auditions.

    J'ai eu l'occasion d'écouter la première audition qui a eu lieu le 20 mars 2025 à l'Assemblée Nationale (on peut la revoir en bas de l'article). Ces parlementaires enquêteurs ont souhaité avec raison écouter d'abord les victimes (pas seulement de Bétharram) et seulement ensuite, les représentants des institutions (école, État, Église catholique, justice, forces de l'ordre, etc.).


    C'était particulièrement émouvant et bouleversant. Les victimes racontaient avec leurs mots, parfois revivaient avec une extrême émotion ce qu'elles avaient subi ou vu, et aucune n'avait l'esprit tourné vers une quelconque récupération politique. Elles étaient souvent enfermées dans leur propre traumatisme parfois ancien. La plus émouvante fut sans doute Évelyne, témoin d'une chasse à l'écolier avec des chiens, et elle a raconté que l'un des fugueurs était mort, dévoré par un chien.

    Le témoignage de Bernard fut aussi très poignant. Il insistait pour dire qu'il y avait de la violence (sexuelle ou pas) également dans des établissements non catholiques, par exemple, dans des établissements publics, il y avait commencé sa scolarité. De même, il a expliqué qu'il connaissait plusieurs victimes qui continuaient malgré tout à aller à la messe maintenant. Bref, ces paroles, ces témoignages n'ont généralement aucune vocation ni politique ni philosophique. Il ne s'agissait pas pour les victimes, de s'impliquer dans un combat politique particulièrement puant, ni non plus de s'opposer de front à l'Église catholique. Mais il faut bien aussi que les choses sortent pour faire le deuil, pour passer à autre chose.
     

     
     


    Venons-en à Hélène Perlant. Cette élégante femme de 53 ans a une double particularité : d'une part, elle est la fille aînée du Premier Ministre, et d'autre part, elle a fréquenté le milieu de Notre-Dame de Bétharram dont elle a été élève. Son nom avait été cité par le député insoumis et par d'autres inquisiteurs politiques parce qu'Hélène aurait été la témoin de scènes de violence dans l'institution religieuse, et donc, son père ne pourrait être qu'au courant, selon la logique foireuse de ses accusateurs.

    J'ai encore du mal à comprendre quel est l'intérêt de savoir si François Bayrou savait ou pas, puisque la justice avait été saisie et avait suivi son cours, à part tenter maladroitement un faux scandale politique. Évoquons ici un fait clair : les victimes de Bétharram sont très agacées par cette récupération politicienne car elles ont l'impression qu'on leur vole leurs paroles, leurs témoignages. Elles sentent que ces récupérateurs politiciens se moquent totalement des victimes et veulent juste faire un coup politique.
     

     
     


    Lorsqu'on a évoqué Hélène, François Bayrou a réagi comme un père de famille, en repoussant toute instrumentalisation de ses enfants dans ce scandale, lâchant le 21 février 2025 dans "Sud-Ouest" : « Celui qui me fera mêler mes enfants à tout ça n'est pas né. ». Il n'aurait bien sûr pas fait cette déclaration s'il avait su... Car le témoignage d'Hélène Perlant est capital pour comprendre la sincérité de son père : a-t-elle raconté ce qu'elle a vu des violences dont elle était la témoin ou pas ? Selon le père, non.

    Alors qu'un livre qui recueille les témoignages de victimes de Bétharram était en train d'être rédigé sous la houlette d'un journaliste de "Paris Match", Hélène Perlant a effectivement pris elle-même l'initiative de contacter, le 21 février 2025, Alain Esquerre, le fondateur du collectif de victimes et ancien pensionnaire de Bétharram, pour apporter son propre témoignage dans le livre, et elle a informé son père de sa démarche, sans en raconter le contenu. François Bayrou lui a juste répondu qu'il espérait qu'elle ne le mettrait pas en difficulté politique. C'était "Le Canard enchaîné" qui avait informé François Bayrou de la participation de sa fille au livre collectif, et ce dernier l'a dpnc appelée en lui demandant : « Tu me dénonces ? », puis, en concluant : « Je te fais confiance. Partout où tu iras, j'irai ! ». À ce moment-là, le Premier Ministre n'était pas au courant qu'elle allait témoigner elle-même publiquement comme victime.

    Et puis, ce mardi 22 avril 2025 vers midi, la fille a téléphoné à son père, lui a expliqué qu'une interview d'elle, accordée à Arnaud Bizot, serait publiée dans "Paris Match" dans la soirée, à 18 heures 27, peu avant la publication du livre "Le silence de Bétharram" le jeudi 24 avril 2025 (éd. Michel Lafon), et elle lui a raconté ce qu'elle avait déclaré au journaliste, à savoir son propre cauchemar. Ce fut un choc pour le Premier Ministre, mais d'abord, pour le père.
     

     
     


    Hélène Perlant a ainsi raconté qu'elle avait elle-même été la victime de graves violences physiques lors d'un camp de vacances organisé par Notre-Dame de Bétharram lorsqu'elle avait 14 ans. Elle a été rouée de coups, par le prêtre qui s'était vengé d'elle après un acte antérieur supposé insolent. Elle en a uriné sur elle et elle était restée dans sa saleté pendant toute la nuit. Elle avait tellement honte qu'elle n'en a parlé à personne, ni à ses amies, ni à sa famille. Surtout pas à son père qui, à l'époque, était jeune député des Pyrénées-Atlantique (il venait tout juste d'être élu pour la première fois à l'Assemblée en mars, à l'âge de 34 ans) et simple conseiller général de son département (il allait présider le conseil général six ans plus tard), et elle ne voulait pas compromettre sa carrière politique. Les ressorts du silence : la honte, la culpabilité et le déni.

    Ainsi, Hélène Perlant a raconté dans "Paris Match" l'histoire de la violente gifle dont elle était témoin ainsi que la personne, assise à l'époque à côté d'elle, et qui, aujourd'hui, accuse François Bayrou de non-dénonciation de crime et de délit : « [Cette personne] a vu mon regard sidéré et il a pensé en toute bonne foi que j’allais forcément raconter la scène à mon père. Jamais ! En fait, ce moment-là m’a fait revivre avec effroi mon propre passage à tabac, quatre ans auparavant. L’agression à l’étude, la mienne et tant d’autres ont été vues par nous tous et pourtant personne n’a parlé. Ni les témoins ni les victimes. La vraie question est celle du déni individuel et collectif. Pas du mensonge. Vous imaginez : 80-100 gamins dans une salle, et aucun ne parle ? Lorsque j’ai téléphoné à Alain Esquerre, il a tout de suite compris dans quoi je m’engageais. On ne témoigne pas pour exposer nos stigmates mais pour expliquer le système Bétharram, maintenant que nous, entre anciens élèves, on commence à le comprendre et à se soutenir les uns les autres. On montre comment ces déchaînements de violence publics sont la condition paradoxale pour que personne ne parle jamais. ».

    Le contexte de son passage à tabac, c'était l'année précédente, où Hélène avait perturbée la préparation de la profession de foi supervisée par une religieuse qui s'affichait ostensiblement à son futur tortionnaire, un prêtre qui est mort en 2000 : « Ces deux-là m’avaient à l’œil ! Elle avait quelque chose de sadique, de très malveillant, une vraie méchante, qui a voulu se venger. Lui m’avait déjà lancé : “Toi, la fille Bayrou, insolente comme ton père !”. Dans cette colo, on était une quarantaine, moniteurs inclus. Un soir, alors qu’on déballe nos sacs de couchage, [le prêtre] me saisit tout d’un coup par les cheveux, il me traîne au sol sur plusieurs mètres et me roue de coups de poing, de coups de pied sur tout le corps, surtout dans le ventre. Il pesait environ 120 kilos. Pour parler crûment, je me suis urinée dessus et suis restée toute la nuit, comme ça, humide et prostrée dans mon duvet. Alain le raconte dans son livre avec des mots qui me préservent. ».

    Et de dénoncer tout un système : « Bétharram était organisé comme une secte ou un régime totalitaire exerçant une pression psychologique sur les élèves et les enseignants pour qu’ils se taisent. ». Quant à ce que savait ou pas son père : « Évidemment, on peut penser qu’il a eu toutes les infos. Mais lui, comme les autres parents, était très, très intriqué politiquement, localement. Lui, davantage, mais je le mets au même niveau que tous les parents. Plus on est intriqué, moins on voit, moins on comprend. Et plus il y a de témoins, moins ça parle. ».

    La réaction de François Bayrou dans l'après-midi du 23 avril 2025, lors d'un déplacement à la prison de Saint-Quentin-Fallavier, en Isère, a été la suivante : « En tant que père de famille, ça me poignarde le cœur. En tant que responsable public qui dépasse le père de famille, c'est aux victimes que je pense. Une partie de leur vie a été gâchée si profondément que je ne veux pas les abandonner. ». En tout cas, sa sincérité a été confirmée par sa fille. L'omerta a été généralisée, tant du côté des victimes qui se sont tues que du côté des parents des victimes qui n'ont rien vu, qui n'ont pas imaginé. François Bayrou avait eu connaissance par sa fille qu'une gifle avait été donnée en classe, mais pouvait la prendre comme une sanction méritée, à l'instar des coups de règle sur les doigts, bien qu'anachroniques et inutilement sadiques.
     

     
     


    Encore une fois, le Premier Ministre a eu la bonne réaction : il ne veut pas défocaliser le scandale. L'écho médiatique ne doit pas se faire autour de lui-même, sa défense, sa sincérité, son émotion de père de famille qui n'avait rien vu et ses regrets qu'il aurait pu agir autrement, faire sortir sa fille de cet enfer, éviter d'autres victimes, trop occupé à faire de la politique dans une difficile stratégie de conquête, dans une terre politique qui lui était très hostile (le ministre socialiste André Labarrère était le maire indéboulonnable de Pau de 1971 à sa mort en 2006). Il a refocalisé sur la seule chose qui vaille, l'attention, l'écoute des victimes, des seules victimes. D'autant plus que certaines victimes qui ont participé à la rédaction du livre de témoignages qui sort ce jeudi étaient agacées par la publication, auparavant, de cette interview de la fille de François Bayrou, ce qui a nécessairement entraîné le sujet dans un combat politique qui ne devrait pas avoir lieu (tout le monde est scandalisé et veut que les violences s'arrêtent). Apparemment, Hélène Perlant elle-même ne savait pas que l'interview allait paraître avant le livre, même si cela était prévisible.

    Les opposants politiques de mauvaise foi qui n'ont pas trouvé d'autre moyen de faire chuter un Premier Ministre que de l'impliquer faussement dans un scandale énorme (en l'occurrence, il est réellement impliqué, mais comme père d'une victime), attendent évidemment avec impatience son audition du 14 mai 2025 qui ne devrait pourtant révéler rien de particulier sinon son aveuglément et son impuissance de père de famille qui n'a pas su protéger sa fille aînée. Se refocaliser, c'est avant tout écouter les victimes. Deux cents anciens élèves ont dénoncé depuis lors des agressions physiques et sexuelles. Je vous recommande très vivement d'écouter certaines victimes lors de leur audition du 20 mars 2025 à l'Assemblée Nationale. Leur témoignage fait froid dans le dos.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    La vérité nous rendra libres.
    Abus sexuels : l’Église reconnaît sa responsabilité institutionnelle.
    Legs et indécence.
    Secret de la confession et lois de la République.
    Abus sexuels dans l’Église : honte, effroi et pardon !
    Rapport de Jean-Marc Sauvé remis le 5 octobre 2021 sur la pédocriminalité dans l’Église (à télécharger).
    Présentation du rapport Sauvé le 5 octobre 2021 (vidéo).
    Discours du pape François le 24 février 2019 au Vatican (texte intégral).
    La protection des mineurs dans l’Église.
    Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
    Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
    La faute de Mgr Jacques Gaillot.
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Mgr Barbarin : le vent du boulet.
    Pédophilie dans l’Église catholique : la décision lourde de Lourdes.
    Mgr Barbarin : une condamnation qui remet les pendules à l’heure.
    Pédophilie dans l’Église : le pape François pour la tolérance zéro.
    Le pape François demande pardon pour les abus sexuels dans l’Église.
    Le pape François en lutte contre la culture de l’étiquette et de la médisance.

     

     

     

     

     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250422-betharram.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/betharram-francois-bayrou-260628

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/23/article-sr-20250422-betharram.html


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  • André Siegfried, père de la sociologie électorale et de la science politique française

    « Malgré son aspect paradoxal, cette observation simpliste, mais décisive s’impose : tout ce qui est sur le calcaire appartient à la gauche, tout ce qui est sur le granit, à la droite. » (André Siegfried, "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République", 1913, éd. Armand Colin).




     

     
     


    Ces quelques lignes ont fait date dans l'analyse politique des terres politiques des différentes partis politiques, et sa formulation lapidaire a valu à son auteur de se faire reprendre par un autre sociologue de la vie politique, Raymond Aron qui ironisait en 1955 : « On trouve l’hétérogénéité géographique quand on la cherche, on trouve les deux blocs quand on les organise. ». Mais il n'en demeure pas moins que le politologue André Siegfried, qui est né il y a juste 150 ans le 21 avril 1875 au Havre, donc en plein début de la Troisième République, reste encore aujourd'hui perçu comme le père de la géographie électorale et même de la science politique qu'il a enseignée mais aussi organisée, institutionnalisée après la dernière guerre.

    C'est pourquoi André Siegfried est une référence fondamentale pour la science politique en France, un fondateur d'une nouvelle discipline dans laquelle se sont engouffrés tous les politologues, éditorialistes politiques depuis la fin de la guerre. André Siegfried a connu et analysé la vie politique de deux républiques, la Troisième et la Quatrième Républiques, il n'a pas eu le temps d'appréhender vraiment la Cinquième République même s'il a eu de quoi sortir, à la fin de sa vie : "De la IVe à la Ve République au jour le jour" en 1958 chez Grasset (il avait déjà publié "De la IIIe à la IVe République" en 1956 chez Grasset). En effet, il est mort le 28 mars 1959 à Paris, peu avant ses 84 ans.

    Auteur prolifique d'études politiques et électorales, universitaire et académicien, André Siegfried a marqué l'histoire intellectuelle de la France du XXe siècle. Ses parents étaient très engagés dans la vie publique et intellectuelle. Son père entrepreneur Jules Siegfried (1837-1922), dont il a fait une biographie en 1946, était une personnalité politique importante de la Troisième République, maire du Havre de 1878 à 1886, député puis sénateur de la Seine-Inférieure, conseiller général, et ministre du commerce des gouvernements d'Alexandre Ribot (1892-1893). Quant à sa mère Julie Puaux-Siegfried (1848-1922), elle était une féministe et a présidé le Conseil national des femmes françaises pendant dix ans, de 1912 à 1922, une instance créée en 1901 que Louise Weiss avait intégrée et qui existe encore aujourd'hui.


    Issu d'un milieu protestant de bourgeoisie provinciale (il avait un oncle maternel pasteur et président de la Société de l'histoire du protestantisme français), d'une famille alsacienne qui a émigré en Normandie après la perte de l'Alsace-Moselle (à l'origine, l'entreprise familiale était située à Mulhouse), André Siegfried a étudié à Paris les lettres et le droit jusqu'à obtenir un doctorat en histoire (thèse sur la démocratie en Nouvelle-Zélande soutenue en 1904) et un doctorat en droit. Ses disciplines furent nombreuses et voisine : il fut économiste, historien, géographe, sociologue, politologue... et il fut bien sûr, écrivain, surtout essayiste.

    Intellectuel et homme de terrain, comme le précise l'Académie, il a fait dans sa jeunesse en 1900-1901 un "vaste tour du monde" qui lui a permis de visiter de nombreux pays du Globe : États-Unis, Mexique, Australie, Japon, Chine, Indes, etc., à l'instar de son père et de son oncle Jacques Siegfried qui ont fait également un tour du monde.

    Baigné dans la vie politique, André Siegfried était d'abord un déçu des élections. En effet, sur les traces paternelles, il a tenté à plusieurs reprises de se faire élire avec l'étiquette de l'Alliance démocratique (formation laïque de centre droit), mais sans succès : quatre candidatures à des élections législatives (en 1902, puis, après invalidation, en 1903, puis en 1906 et en 1910) et aussi à des élections cantonales (en 1909). À la mort de son père, en 1922, sa candidature était envisagée pour la succession, mais finalement, ce fut René Coty qui fut choisi.

    Dès lors, puisque le suffrage universel lui barrait la route, il renonça à une carrière politique et il s'attacha à comprendre les raisons de ses échecs, c'est-à-dire à comprendre le comportement de l'électorat en fonction du territoire, ce qui l'a conduit à publier en 1913 son fameux "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République" aux éditions Armand Colin. Ce livre l'a rendu rapidement célèbre dans les milieux de la recherche en sciences humaines, en jetant les bases d'une science politique moderne attachée à comprendre le comportement des électeurs.


    À partir de 1910, il enseigna à l'École libre des sciences politiques (futur IEP Paris à partir de 1945 après sa nationalisation), et cela jusqu'en 1955, et a suivi une carrière universitaire et académique prestigieuse : il fut élu en 1933 professeur au Collège de France à la chaire à la chaire de géographie économique et politique, qu'il conserva jusqu'en 1945 (il avait alors 70 ans). André Siegfried enseigna également à l'étranger (il faisait de nombreux voyages autour du monde qui lui permirent de publier des analyses sur de nombreux pays étrangers), en particulier il fut professeur associé à l'Université Harvard en 1955. Figure dominante de Science Po Paris (dont il a refusé la direction), il fut en 1945 le premier président de la Fondation nationale des sciences politiques (on peut citer ses successeurs : 1959 Pierre Renouvin, 1971 François Goguel, 1981 René Rémond, 2007 Jean-Claude Casanova, 2016 Olivier Duhamel, jusqu'à sa démission en 2021).
     

     
     


    Lors de ses cours dans les années 1920, selon Gérard Noiriel, il émettait des analyses racistes assez à l'emporte-pièce, comme le présente aujourd'hui Wikipédia : « "Il y a des races qui s'assimilent vite, d'autres plus lentement, d'autres enfin, pas du tout", en France, "les Chinois demeurent toujours des étrangers", "la race noire reste inférieure", "le Juif est un résidu non fusible dans le creuset". ». Cette "géographie des races" a été fortement dénoncé en 1993 par l'historien Pierre Birnbaum, spécialiste de l'antisémitisme en France et aux États-Unis. Dans la revue "Sociétés et Représentations" n°20 d'octobre 2005, l'historienne Carole Reynaud-Paligot, professeure à l'IEP de Paris et spécialiste de l'histoire des intellectuels, en parlait ainsi, pour remettre le contexte : « Le fondateur de la sociologie électorale française n’a pas échappé aux critiques et certains aspects de sa pensée ont été jugés discutables : l’utilisation du concept de race, le recours aux mystères des personnalités ethniques, la présence de stéréotypes et de préjugés de son temps, etc. Il nous apparaît intéressant de poursuivre l’étude en analysant plus particulièrement dans quelle mesure Siegfried est un héritier de la pensée raciale fin de siècle. Cette pensée raciale, qui a largement imprégné la culture française des dernières décennies du XIXe siècle, a construit une représentation de la différence en termes raciaux et produit une vision inégalitaire du genre humain. La communauté savante, le monde colonial, la presse, les manuels scolaires ont largement diffusé cette vision raciale du monde qui s’organise autour de quelques idées force : chaque race possède des caractères physiques, intellectuels et moraux spécifiques qui se transmettent de génération en génération ; l’inégalité raciale s’inscrit dans le processus héréditaire et certaines races sont jugées plus aptes à bénéficier de la civilisation. (…) L’analyse des écrits d’André Siegfried, de ses articles, ouvrages et de ses cours, nous permet de cerner la postérité de cette pensée raciale dans le premier Vingtième Siècle. Dans quelle mesure les axiomes de la raciologie fin de siècle sont-ils restés partie intégrante de la culture du premier vingtième siècle ? De quelles manières les enjeux propres à l’entre-deux-guerres ont-ils modifié ces représentations de l’altérité ? (…) Raciste Siegfried ? Pas dans le sens de l’époque : il juge la thèse "nordique" qui prétend que "tout ce qui est bon dans la région méditerranéenne provient du Nord" ridicule… tout en lui concédant une part de vérité. Après la Seconde Guerre mondiale, Siegfried affirme que les Français "ne sont pas des racistes de doctrine" et ce n’est pas être raciste que d’admettre que les deux notions de civilisation occidentale et de race blanche se recouvrent. Il y a un racisme "parfaitement acceptable" qui est de reconnaître "qu’il y a des races, et que quand vous êtes en présence d’une race, vous êtes en présence d’une réalité". La ségrégation raciale, "dans l’égalité et la dignité", bien que n’étant plus possible dans les sociétés modernes, lui paraît le meilleur moyen de protéger la race blanche des races de couleur. Il lui est difficile d’admettre une égalité totale entre les races : en 1948, il juge que les États-Unis ont "montré quelque légèreté en instituant une ONU dans laquelle les votes relevant de la race blanche, de la civilisation occidentale (…) ne sont probablement pas la majorité". Du début du siècle jusqu’à ses derniers écrits, l’œuvre de Siegfried se fait ainsi encore largement l’écho des thématiques traditionnelles de la pensée raciale fin de siècle : psychologie des peuples, hérédité raciale, idée de hiérarchie et d’inégalité des races, scepticisme face à l’éducation des races de couleur, lenteur de l’évolution intellectuelle des races. À cette culture, issue de la raciologie de la fin du siècle précédent, s’ajoutent des thématiques plus spécifiques à l’entre-deux guerres. Le thème du déclin de la civilisation occidentale et de la race blanche face au "flot montant des races de couleur", qui apparaît au lendemain de la Grande Guerre et qui connaît un succès notable durant l’entre-deux-guerres, est omniprésent dans les écrits de Siegfried, et ce jusque dans les années Cinquante. De même, la question des politiques d’immigration et l’idée de sélection en fonction de la capacité d’assimilation des peuples prennent, dans l’entre-deux-guerres, une grande place aux États-Unis, comme en Europe. Siegfried, on l’a vu, n’y échappe pas. Cette question de l’assimilation demeure encore fortement liée à une vision raciale de l’altérité : l’hérédité raciale facilite ou entrave l’assimilation des races. Si Siegfried entend se rattacher à la tradition humaniste de la France, il rappelle qu’on ne peut oublier "que l’assimilation à ses lois et qu’on ne peut en brûler les étapes". ». On voit que le mythe du supposé "grand remplacement" n'est vraiment pas nouveau ni le thème politique de l'immigration utilisé à des fins électorales !

    À partir de 1934, André Siegfried a collaboré régulièrement au quotidien "Le Figaro" et, entre 1953 et 1956, à la revue d'art et d'histoire, mensuelle, "L'Échauguette", où il écrivait aux côtés de Paul Morand, André Maurois, Henri Mondor, sous la direction de Paul Claudel. Il fut l'auteur d'une œuvre composée de près de 90 ouvrages principalement des essais et des analyses diverses et variées.

    La consécration professionnelle et littéraire a eu lieu d'abord en 1932 avec son élection à l'Académie des sciences morales et politiques, au fauteuil numéro 4 (celui de Paul Deschanel) de la section II (Morale et Sociologie), puis le 12 octobre 1944 à l'Académie française (élu en même temps que deux autres nouveaux membres, dont le grand physicien Louis de Broglie), au fauteuil numéro 29, celui de Claude Bernard, Ernest Renan, et ses successeurs furent, à partir de 1960, Henry de Montherlant, Claude Lévi-Strauss et aujourd'hui (depuis 2011) Amin Maalouf.

    Il fut reçu sous la Coupole le 21 juin 1945 par le duc Auguste-Armand de La Force, un historien. Ce dernier en prit l'occasion pour citer quelques descriptions savoureuses d'acteurs politiques par le nouvel académicien : « De l’appartement de votre père, vous pouviez, le jour de l’an, apercevoir le défilé des landaus, qui, débouchant du cours la Reine, chacun avec son huissier à chaîne sur le siège, traversaient le rond-point pour se rendre de la Chambre à l’Élysée. J’ai croisé plus d’une fois ces voitures misérablement attelées, dont la mauvaise tenue indignait Anatole France. Votre père recevait les sommités de la Troisième République. Vous figuriez parmi les convives et les propos que vous entendiez vous surprenaient quelque peu. Vous nous dites, dans les pages où vous faites revivre votre père et qui sont les Mémoires charmants de votre jeunesse : "Quand il parlait d’intérêt général, de dévouement à la chose publique, mon père se faisait journellement traiter de naïf par ses invités". Comment ne pas vous croire, Monsieur, puisque vous êtes la conscience même et que, d’ailleurs, la vérité sort de la bouche des enfants ? En 1895, jeune homme de vingt ans, vous assistez, 226, boulevard Saint-Germain, dans le nouvel appartement de vos parents, à de grands dîners de parlementaires. Votre mère préside la table, seule femme au milieu de tant d’hommes. Députés et sénateurs étaient sensibles à sa bonne grâce. Son esprit animait et entraînait la conversation. Sa gaieté méridionale parvenait à dérider l’austère Brisson toujours sinistre et vêtu de noir. Quant à vous, Monsieur, vous écoutiez et vous observiez et, bien des années plus tard, vous avez crayonné, pour notre plus grand plaisir, "le petit père Goblet, râblé et rageur", avec ses favoris de neige "l’air d’un amiral sur sa dunette" ; Freycinet "menu et fluet", "immatériel et diaphane comme un saint", mais "l’œil clair et terriblement averti", "vraie souris blanche", prête à se tirer "des situations les plus inextricables" ; "Floquet, portant haut une grosse tête noble, le regard dirigé à quarante-cinq degrés vers le ciel comme un canon de soixante-quinze, toujours rasé de frais, très gentleman, très bien habillé, ressemblant à un Danton soigné". Puis ce fut un nouveau personnel gouvernemental. Vous n’avez pas manqué de l’ajouter à votre galerie de portraits. Voici Paul Deschanel "sentencieux" et d’une si impeccable tenue "que l’on disait : S’il forme un cabinet, ce sera un cabinet de toilette". Plus loin, "André Lebon avec sa barbe de fleuve", "semblant quelque Neptune échappé dans la politique" ; Poincaré "physiquement mesquin et comme étriqué, donnant une froide impression de correction et de compétence" ; Ribot "parlant, avec un léger tremblement dans la voix, des nécessités de l’ordre, des fondements de la société qui étaient ébranlés". Delcassé, d’ordinaire, venait déjeuner seul et proclamait fougueusement : "Si je parviens au pouvoir, soyez sûr que je ne me reposerai pas : la politique se fait en cherchant, non en évitant les affaires". Et vous n’avez portraituré ni les Doumer ni les Doumergue ni les Klotz ni les Leygues ni les Charles Benoist ni les Briand, qui ont passé sous vos yeux à la table de vos parents. Quel regret pour nous, Monsieur ! Votre esprit curieux s’intéressait à leurs débats. Peu d’importantes séances de la Chambre que vous ayez manquées. Je doute, cependant, que telle Mlle Hélène Vacaresco, l’illustre déléguée à la Société des Nations qui porta si haut le drapeau de la Roumanie et soutint de sa belle éloquence l’amitié française, vous ayez subi vingt-sept mille discours. ».

     

     
     


    Pour comprendre un peu mieux André Siegfried, François Goguel lui a rendu hommage, à l'annonce de sa disparition, dans "La Revue Française de Science Politique" que l'immortel avait lancée en 1951 et dirigée jusqu'à sa mort : « Dans un texte daté du 3 mars 1946, André Siegfried écrivait : "Trois maîtres ont exercé sur ma formation une influence décisive : Izoulet, mon professeur de philosophie, m'a donné le goût des idées générales ; Seignobos m'a enseigné le réalisme psychologique politique ; Vidal de La Blache m'a fait comprendre, du moins je l'espère, l'esprit profond de la géographie". Il y a dans cette triple référence une indication profondément significative : dès l'origine, André Siegfried s'est voulu étranger aux cloisonnements traditionnels entre disciplines prétendument distinctes : il se sentait la fois philosophe, historien et géographe. Fort important est également le fait que son éducation ait été très loin d'être purement livresque ou théorique. C'est à son père (…) qu'il dut certainement le goût du concret, la soif de l'observation qui caractérisent sa méthode intellectuelle. ».

    Et François Goguel de citer à nouveau André Siegfried dans son "Tableau des partis en France" publié en 1930 (éd. Grasset) : « Pour recueillir les faits, comment procéder ? J'ai pratiqué toute ma vie une règle dont je ne saurais jamais me départir : aller voir sur place, c'est-à-dire voyager. Tout m'est apparu toujours comme un voyage. Je crois effectivement que le voyage n'est autre chose un état esprit à base de curiosité. J'ai impression d'être en voyage à un kilomètre de chez moi aussi bien qu'à dix mille, dans le XIIIe arrondissement aussi bien qu'à New York, à Samoa ou au Pérou. Je n'aime en somme parler que de ce que j'ai vu. L'atmosphère se respire et cela est irremplaçable. Une escale de deux heures dans un port m'en apprend davantage que de longues lectures. C'est peut-être un peu mélancolique pour quelqu'un qui a écrit beaucoup de livres sur les pays étrangers... Faut-il partir dans un état ignorance ou bien ne s'embarquer après s'être fortement documenté sur les pays qu'on va visiter ?... Le système que je propose consiste à connaître les faits essentiels, ou peut-être même à faire une hypothèse. Mais attention : à condition d'être toujours prêt à l'abandonner comme un échafaudage qu'on abat après avoir construit la maison. Est-il permis d'avoir de la passion ? Elle est nécessaire à la compréhension car elle est la vie même. Ce n'est pourtant qu'une première étape, car l'intelligence ensuite doit débrayer, continuer seule, libérée de toute participation et de toute violence... Les faits sont si nombreux qu'il n'est pas question de les connaître tous. Les plus simples seront ceux sur lesquels on pourra le mieux raisonner. ».

    Du reste, Christophe Le Digol, maître de conférences en science politique à l'Université Paris-Nanterre, expliquait aussi le 9 février 2016 dans "Le Figaro" : « André Siegfried était convaincu que “même l'enfer a ses lois”. Et s'appuie sur l'hypothèse qu'il existe des lois générales qui dominent le désordre des faits particuliers et qu'elles se différencient des explications habituellement proposées par les hommes politiques ou les commentateurs les plus avertis. ».

    Dans son livre "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République" (1913), André Siegfried s'était en particulier intéressé à la Vendée : « L’attachement du peuple à son clergé demeure entier  ; l’effort de la noblesse pour conserver sa suprématie reste couronné de succès. Pour provoquer une transformation de ce milieu, il y faudrait une destruction complète de la grande propriété en même temps qu’une révolte générale contre le pouvoir électoral du prêtre. La Vendée reste donc en marge de la France politique moderne, dont, à la lettre, elle n’est pas contemporaine. Le régime moderne a pu y établir des fonctionnaires, y imposer des lois, y tracer des routes pour y introduire, comme en pays étranger, ses conceptions officielles de la société et du gouvernement. Mais les routes morales qui mènent de France en Vendée sont désertes comme les routes militaires de Napoléon ; plusieurs lois restent lettre morte dans un milieu qui les repousse ; et les fonctionnaires, isolés dans leurs postes ainsi qu’un corps d’occupation, y restent socialement des étrangers. Entre la France démocratique du Centre ou du Sud-Ouest et cette première marche de l’Ouest, il y a tout au plus contact, il n’y a pas pénétration. ».

    À l'occasion du centenaire de la naissance d'André Siegfried, l'historien Jacques Chastenet lui a rendu hommage le 26 mai 1975, sous la Coupole, en commençant par cette description physique : « La taille élevée, les épaules larges, point de ventre, les cheveux blond cendré, une courte moustache surmontant une bouche bien dessinée, l’œil clair, la physionomie habituellement souriante, parfois narquoise, le geste rare, la démarche souple : tel, presque jusqu’au terme de sa vie, apparaissait André Siegfried. ».

    Et il terminait sa biographie verbale ainsi : « Certains problèmes d’ordre métaphysique, problèmes dont il s’était jusqu’ici peu occupé, commencent à se poser à lui. Croyant sincère, très lié avec d’éminents pasteurs, il n’était guère pratiquant et la religion n’occupait dans son œuvre qu’une place secondaire. Pourtant, dès 1951, il collabora à une importante publication : "Les Forces religieuses et la Vie politique". En 1958, il donne un ouvrage : "Les Voies d’Israël, Essai d’interprétation de la Religion juive", qui témoigne de préoccupations nouvelles. Son dernier livre toutefois, qui ne paraîtra qu’après sa mort, reste dans sa ligne habituelle. Il est intitulé : "Itinéraire de contagions, Épidémies et Idéologies". En 1958, Siegfried va encore nager au voisinage du Cap d’Antibes. En 1959, un mal incurable s’installe soudain dans son organisme. Bientôt il se voit condamné à l’immobilité, son cerveau demeurant entièrement lucide. La tendresse de sa femme et celle de sa fille adoucissent son glissement vers la mort. Elle survient au bout de quatre mois. Il a quatre-vingt-quatre ans. Je ne suis pas certain que notre époque violente et tourmentée favorise l’éclosion d’un autre Siegfried, savant objectif, impartial, irradiant la clarté en même temps passionné par les formes, les sons et les couleurs. Il était le très haut représentant d’un monde menacé d’effondrement. Inspirons-nous cependant de sa lucide fermeté pour ne pas désespérer et disons-nous, après Claudel, que "le pire n’est pas toujours le plus sûr". ».

    Le 25 octobre 1945, André Siegfried a prononcé un discours à l'Académie française sur la continuité de la langue et de la civilisation françaises : « Je me suis souvent demandé ce dont, dans la contribution de la France à la civilisation, je suis le plus fier, et, dans ma réponse, je n’hésite pas : je placerais tout au centre la confiance magnifique du Français dans l’intelligence humaine. Nous croyons, spontanément et de toute notre force, qu’il y a une vérité humaine, la même pour tous les hommes, appartenant donc à tous les hommes, et que, cette vérité, l’intelligence peut la comprendre, la parole l’exprimer. À nos yeux, une pensée n’existe que si elle peut être exprimée ; jusque-là elle n’est que virtuelle. Pour lui donner la forme qui sera la condition nécessaire de son être, nous faisons confiance, confiance entière à notre langue. Ainsi le Français ne respecte intellectuellement que ce qui est clair, libéré du chaos. Là réside sans doute la différence profonde, essentielle, qui sépare la pensée française de la pensée allemande et même, plus généralement, de la pensée nordique ou anglo-saxonne. L’Allemand s’estime profond quand il eut obscur, il se plaît même à opposer cette obscurité à notre clarté. ».


    D'autres échantillons de la pensée d'André Siegfried sont notamment dans son livre "L'Âme des peuples" publié en 1950 (chez Hachette), où l'on comprend son positionnement politique et sociologique. Ainsi : « Ce Français, qui vote en doctrinaire intransigeant de la gauche, c'est souvent le même qui, dans la défense de ses intérêts, glisse à l'égoïsme le plus absolu, et le fait que cet égoïsme est familial n'en change pas au fond le caractère. Ce communiste propriétaire, et combien n'en connaissons-nous pas, est prêt à défendre âprement sa propriété : il trouverait scandaleux qu'on lui imposât le régime du kolkhoze ! Et tous ces gens qui votent, avec conviction, avec passion, pour les nationalisations, nous voyons bien qu'ils se méfient de l'État et que, quand il s'agit de choses qu'ils estiment sérieuses, c'est sur eux-mêmes qu'ils comptent en somme. ».

    La dépense publique sans fond, André Siegfried a bien compris le talon d'Achille de toute politique publique : « Ainsi donc le Français, quand il recourt à la puissance publique, se trouve-t-il tenté de la considérer, non comme une entreprise dont il est l'associé solidaire, mais comme une vache à lait dont il faut tirer pour lui le maximum. (...) Le rentier social croit encore que la caisse de l'État est sans fond, que l'industrie nationalisée peut sans inconvénient tourner indéfiniment à perte. Il lui faudra une difficile éducation pour comprendre qu'en l'espèce il n'est pas en somme, comme il le croit, un obligataire, mais l'actionnaire d'une grande société qui est la France elle-même. En attendant, avec des dons merveilleux, avec une dépense étonnante de talent, et du reste aussi de dévouement, ce qui nous frappe surtout en France, c'est l'inefficacité de la vie publique faisant contraste avec l'efficacité de l'individu. ».

    L'âme française : « Tout le bien et tout le mal, toute la grandeur et toute la faiblesse de la France viennent de sa conception de l'individu : conception splendide, éventuellement aussi pathologique. Il s'agit d'abord d'une revendication d'indépendance, essentiellement d'une revendication d'indépendance intellectuelle. Le Français prétend penser et juger par lui-même, il ne s'incline devant aucun mandarinat et par là il est profondément non conformiste, anti-totalitaire. S'il lui arrive de suivre fanatiquement, aveuglément une consigne, en sacrifiant délibérément tout esprit critique, c'est par dévouement fanatique à un principe, à un système, à une politique, mais ce n'est pas, comme chez l'Allemand, par tempérament d'obéissance. En Amérique on obtient tout de l'individu au nom de l'efficacité, c'est au nom d'un principe qu'on peut tout demander au Français. À cet égard, la pensée française, que ce soit sous l'angle de la critique ou sous l'angle du fanatisme idéologique, peut apparaître, à juste titre, non seulement comme un instrument de libération, mais comme un ferment dangereux, éventuellement révolutionnaire. ».


    L'individualisme : « Dans l'association, le Français a toujours le sentiment qu'il apporte plus qu'il ne reçoit, et c'est un mauvais associé, mais l'Allemand reçoit et a conscience de recevoir du groupe plus qu'il ne lui donne. ».

    On s'étonnera des préjugés, clichés et surtout, généralités qu'André Siegfried a pu commettre dans toute son œuvre. Comme l'expliquait Carole Reynaud-Paligot (plus haut), cette œuvre est imprégnée de stéréotypes de la fin du XIXe siècle, en particulier racistes (ne serait-ce que parce qu'il n'y a, biologiquement et génétiquement, pas de races humaines), et qu'en ce sens, elle est très datée. Il n'en demeure pas moins qu'il reste une référence à tous les politologues d'aujourd'hui et aussi, à tous les experts en sondage qui peuplent aujourd'hui les plateaux de télévision.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    André Siegfried.
    Boualem Sansal.
    Robert Badinter.
    De Gaulle.

    Natacha Polony.
    Alain Finkielkraut.
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    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250421-andre-siegfried.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/andre-siegfried-pere-de-la-259608

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/19/article-sr-20250421-andre-siegfried.html


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  • Soumy : grâce musicale versus vulgarité brutale

    « La version russe du cessez-le-feu se résume à un dimanche sanglant. Il faut aider l’armée ukrainienne. » (Donald Tusk, Premier Ministre polonais, le 13 avril 2025).




     

     
     


    Quel scandale ! On mesure, à quel point, en France et ailleurs, certaines officines ont été complètement dévoyées sur le sens des mots (ce n'est pas nouveau et il y a eu d'admirables auteurs pour décrire ce phénomène particulièrement éloquent).

    Les deux bombardements meurtriers qui ont été décidés par l'armée russe de Vladimir Poutine a touché la population civile ukrainienne dans la matinée du dimanche 13 avril 2025, en pleine cérémonie des Rameaux, fête chrétienne, à Soumy (Sumy).

    Ces deux missiles balistiques visaient la population civile et a atteint son objectif puisque 35 personnes ont été massacrées, dont deux enfants, et 117 personnes blessées. Selon la CNN, c'est l'attaque la plus meurtrière d'une zone civile depuis le début de l'année.


    La ville de Soumy est une ville d'environ 260 000 habitants située au nord-est de l'Ukraine, à 30 kilomètres de la frontière russe, à 140 kilomètres de Kharkiv et à 130 kilomètres de Koursk (du côté russe).

    Des images d'apocalypse ont marqué la population, comme ce bus rouge en plein centre-ville, frappé par un missile et complètement calciné (aucun passager n'a survécu), ou ces habitants qui circulaient nombreux dans les rues du centre-ville.
     

     
     


    À écouter ces poutinolâtres adorateurs du massacre des peuples, ce nouveau massacre serait la faute de Volodymyr Zelensky, le Président ukrainien. On marche véritablement sur la tête, dans des inversions accusatoires complètement absurdes, surtout depuis que Donald Trump a retrouvé la Maison-Blanche. Rappelons que d'un côté, il y a un peuple, ukrainien, qui n'aspire qu'à la paix, qui n'a jamais eu de velléités agressives vis-à-vis de son voisin russe, dont on dit que les habitants sont leurs frères, et de l'autre, un autocrate (je ne confond bien sûr pas le peuple russe des oligarques russes), assoiffé de sang, et affamé de nouvelles conquêtes territoriales pour faire sa Grande Russie et surtout, maintenir le pouvoir de sa clique de voyous.
     

     
     


    L'explication foireuse de Moscou, officiellement, c'était qu'une réunion de militaires aurait été visée, mais ces deux missiles balistiques, peut-être équipés de sous-munitions (destinées à faire le plus de morts possible) comme c'était le cas dans d'autres bombardements, visaient pourtant bien des civils et à ce jour, aucune des victimes ne semblait porter l'uniforme militaire. Et si c'était vrai, l'armée russe aurait pu avoir la décence de présenter ses excuses pour tant de civils massacrés. Bien sûr, les deux gamins qui sont morts étaient des militaires dangereux pour l'armée russe...
     

     
     


    Trois jours de deuil ont été décrétés en Ukraine pour rendre hommage aux victimes. Elles méritent toutes notre compassion pour cette guerre folle issue d'une folie guerrière propre au siècle dernier (on connaît tellement bien la leçon). Plus les États-Unis se montrent mous voire lèche-derrière (je réemploie le vocabulaire de leur Président) vis-à-vis de Vladimir Poutine, plus l'autocrate du Kremlin se montre cruel et gourmand au dépens des Ukrainiens.

    Le procureur général de Soumy a annoncé que parmi les victimes se trouvaient un garçon de 11 ans et un jeune homme de 17 ans qui ne demandaient qu'à vivre. Maryna Choudessa aussi est morte, avec sa mère : elle était institutrice et ses petits écoliers sont aujourd'hui traumatisés par sa disparition. Lioudmyla a, de son côté, déploré la mort de sa mère, Tetiana Kvacha, qui avait décidé de prendre le bus qui a été touché, ce qu'elle faisait pourtant rarement. Mauvais destin. Voulu par Vladimir Poutine et ses sbires (y compris ceux de la désinformation).
     

     
     


    Parmi les victimes, il y avait aussi la musicienne Olena Kohut, organiste soliste à l'Orchestre philharmonique de Soumy et membre de l'Orchestre du Théâtre national de Soumy, également universitaire, enseignant dans une école d'art. Elle était reconnue pour sa maîtrise musicale (piano et orgue) et son dévouement au développement des jeunes talents.

    En tant qu'organiste soliste, elle interprétait des mélodies qui captivaient le public et ses prestations avaient une immense portée culturelle. Olena Kohut a aussi interprété l'hymne ukrainien dans plusieurs églises à travers l'Europe pour promouvoir la culture ukrainienne.


    Ses collègues du Théâtre national de Soumy ont exprimé sur Facebook leur grande affliction : « Le 13 avril 2025, à la suite d’une frappe de missile russe, notre famille du théâtre a subi une douleur indescriptible. Les blessures infligées ont tué notre collègue, artiste du théâtre orchestral, Olena Kohut. Olena était une personne extrêmement brillante, une véritable professionnelle, une collègue sympathique et une amie fiable. Sa musique, son sourire, sa gentillesse resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Nous adressons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à ses amis. Nous partageons votre douleur et votre chagrin. Souvenirs joyeux et respect éternel. ».

    « Une perte irréparable pour notre collectif, pour toute la communauté musicale, pour tous ceux qui ont connu et apprécié Olena en tant qu’artiste et personne », pour ses amis de l'Orchestre philharmonique de Soumy.

    Les auteurs d'autres condoléances ont rappelé : « Camarades et élèves se souviennent d'Olena comme d'une personne qui transmettait non seulement ses connaissances, mais aussi son humanité, sa gentillesse et son optimisme. Elle savait libérer le potentiel de chaque élève et apportait un soutien sincère à ses élèves. ».
     

     
     


    Il ne faut pas l'oublier, il ne faut pas les oublier, toutes ces victimes ukrainiennes meurtries dans leur chair et leur territoire. Le criminel de guerre sera jugé. Il payera. Rien ne sera oublié. C'est le destin de tous les auteurs du terrorisme, fût-il terrorisme d'État. Et honte à tous ceux qui justifient ces morts !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Soumy : grâce musicale versus vulgarité brutale.
    Moonraker.
    Olena Kohut.
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    3 ans de guerre en Ukraine.
    Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !
    L'aide de la France à l'Ukraine le 6 juin 2024.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Débat parlementaire sur l'Ukraine : les masques tombent en France !
    Ukraine : Sophia Aram traite à la sulfateuse les néopacifistes à la notoriété déclinante !
    L'Europe face à Poutine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    Jean-Pierre Chevènement et ses relations avec la Russie.
    François Fillon et ses relations avec la Russie.
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
    2 ans de guerre en Ukraine : Poutine zéro en histoire !
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Lee Marvin, les Douze Salopards et la Russie.
    La France Unie soutient l'Ukraine !
    Condoléances cyniques.
    Mort d'Evgueni Prigojine.

    Sergueï Kirienko.
    Victoria Amelina.

    L'effondrement du pouvoir de Poutine.
    Putsch en Russie : faut-il sauver le soldat Poutine ?
    Poutine en état d'arrestation !
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    Kherson libéré, mais menace nucléaire ?

    Volodymyr Zelensky demande l'adhésion accélérée de l'Ukraine à l'OTAN.
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Les massacres de Boutcha.
    Le naufrage du croiseur russe Moskva.
    L’assassinat de Daria Douguina.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    L'avis de François Hollande.
    Les valeurs valent mieux que les bénéfices !
    Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine.
    Ukraine en guerre : coming out de la Grande Russie.
    Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
    Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250413-soumy.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/soumy-grace-musicale-versus-260468

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/14/article-sr-20250413-soumy.html


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  • Jean-Louis Debré : République, fidélité, humour et amour de la France

    « Mon engagement politique fut au service de la République. La République qui est dans le sang de mes ancêtres. (…) La République qui est notre ambition, notre idéal, notre bien commun, celle d’une aspiration profonde à la liberté. (…) Il faut l’aimer. » (Jean-Louis Debré cité par Yaël Braun-Pivet le 4 mars 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    L'ancien Président de l'Assemblée Nationale Jean-Louis Debré a été enterré ce lundi 10 mars 2025 dans la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides à Paris et a été inhumé au cimetière du Montparnasse. Il est mort le 4 mars 2025 à l'âge de 80 ans.

    Beaucoup de monde était présent aux funérailles présidées par Mgr Antoine de Romanet, l'évêque aux armées, mais la famille avait refusé les places réservées, ce qui a fait une absence de protocole, dans un joli désordre tout jean-louis-debrésien, si j'ose écrire ainsi. Parmi les présents, beaucoup de gaullistes et d'ancien UMP, mais aussi des centristes, des socialistes, etc. Notamment : le Premier Ministre François Bayrou, son prédécesseur Michel Barnier, l'ancien Président de la République François Hollande, Claude Chirac (la fille de l'ancien Président), François Baroin, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Jean-Pierre Raffarin, Michèle Alliot-Marie, Roselyne Bachelot, Alain Juppé, Jacques Toubon, Frédéric de Saint-Sernin, Henri Guaino, etc. En revanche, Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron étaient absents.

    Dans un article publié le 11 mars 2025 dans "Le Monde", la journaliste Solenn de Royer constatait, avec cet enterrement, que c'était « la fin d'un monde ». Il suffisait de voir tous ceux qui assistaient à cet office. Henri Guaino, qui donna le ton à la campagne de Jacques Chirac en 1995, celui de la « fracture sociale », a parlé d'un « monde qui disparaît », celui qui fait la politique à l'ancienne, sans réseaux sociaux, sans chaîne d'information continue, avec des partis, avec des programmes, avec des courriers aux militants, avec des déclarations à l'Assemblée.

    On a l'habitude de dire que la mort d'une personne, c'est une bibliothèque qui brûle. Avec Jean-Louis Debré, c'est carrément une institution qui disparaît.


    Comment ne pas associer en effet Jean-Louis Debré à la Constitution de la Cinquième République qui était, en quelque sorte, sa sœur puisque lui et elle ont eu le même père, Michel Debré (c'est ce qu'il s'amusait à dire). Mais ce n'est pas seulement le lien filial qui a fait que Jean-Louis Debré était lui-même toute une institution, c'était aussi son parcours, Ministre de l'Intérieur pendant deux ans, Président de l'Assemblée pendant cinq ans et Président du Conseil Constitutionnel pendant neuf ans. C'étaient aussi ses fidélités, De Gaulle et Jacques Chirac. C'était aussi sa personnalité, très indépendante, chaleureuse mais n'hésitant pas à dire ce qu'il pensait de ses contemporains (il a beaucoup critiqué Emmanuel Macron ; est-ce la raison pour laquelle le chef de l'État n'était pas présent à ses obsèques ?), et dotée d'un grand sens de l'humour.

     

     
     


    Lorsqu'il présidait le Conseil Constitutionnel, il a eu à "gérer" la présence, à ses côtés, de deux anciens Présidents de la République, Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing, et il aimait raconter, tout amusé, la mesquinerie que ces deux vieillards de la République avaient l'un pour l'autre, en imitant leur voix bien entendu !
     

     
     


    Un amusement confirmé par Alain Juppé dans une interview par "Le Monde" le 7 mars 2025 : « Et un homme plein de vie et d’humour. Ses imitations de Chirac et de Giscard, du temps où les anciens Présidents venaient au Conseil Constitutionnel, étaient hilarantes ! ».





    L'homme aimait la vie, aimait fumer des cigares, s'était réinventé à l'âge de 76 ans en devenant jeune comédien sur les planches d'un théâtre, et surtout, avait l'obsession de « ne pas devenir vieux » !

    Au cours de la cérémonie, Guillaume Debré, le fils aîné de Jean-Louis, qui avait 19 ans en 1995, se demandait pourquoi son père n'avait pas lâché Jacques Chirac, très bas dans les sondages, pour Édouard Balladur. Réponse de l'intéressé : « Ceux qui l’ont trahi sont tellement mal à l’aise. Moi, je sais qui je suis. Et quand je me regarde dans la glace, je me sens bien. ». C'était cela, l'indépendance d'esprit, une liberté, des convictions. Sa fidélité permanente à Jacques Chirac depuis 1973 ne l'a d'ailleurs pas empêché de soutenir Jacques Chaban-Delmas en 1974 alors que son mentor avait tout fait pour le faire battre. Fidélité et convictions, qui, parfois, peuvent s'opposer.

    Je propose ici quelques hommages qui ont été exprimés lors de l'annonce de la disparition de Jean-Louis Debré.


    Le Président de la République Emmanuel Macron, dans un communiqué publié le 4 mars 2025, a réagi ainsi : « Il incarnait pour les Français le sens de l'État, un humanisme intransigeant, la fidélité aussi au Président Jacques Chirac. (…) Jean-Louis Debré avait avec vaillance poursuivi l’héritage de son père, Premier Ministre, pour défendre une espérance française, dans la force de son droit, dans son exigence de générosité envers tous. (…) Longtemps, le jeune homme chercha sa voie, et son père dépêcha Pierre Mazeaud pour le conduire vers des études de droit. (…) Docteur en droit public trois ans plus tôt, il devint [en 1976] magistrat, chargé des affaires de terrorisme. Dans ses fonctions, il apporta à la justice son tempérament, mélange d’humanité et de fermeté, de mesure et d’intransigeance. ».

     

     
     


    Le chef de l'État a souligna l'importance de Jean-Louis Debré à la tête du Conseil Constitutionnel avec l'arrivée des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) : « Pendant neuf ans, Jean-Louis Debré présida une institution qui vécut des transformations profondes, avec l’arrivée de la question prioritaire de constitutionnalité, son plus grand accès à tous les justiciables, son rôle accru dans la vie de la Nation. Avec une liberté de ton, la profondeur de son expérience, l’exigence de sa sagesse, il fut le visage de cette institution imaginée un demi-siècle plus tôt par son père. ». Et il a conclu ainsi : « Les Français le suivaient ainsi tel qu’il était, avec son art du récit, sa gourmandise de mots, sa bonhomie. ».

    Au début de la séance publique du mardi 4 mars 2025 à 15 heures, la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a rendu hommage à Jean-Louis Debré et proposé une minute de silence : « La Ve République a perdu ce matin l’un de ses plus grands défenseurs et serviteurs. Issu d’une famille illustre, député, ministre, Président de l’Assemblée Nationale, Président du Conseil Constitutionnel : sa carrière fut en tout point exceptionnelle. C’est d’abord vers les prétoires qu’elle se tourna. Après une capacité puis une thèse en droit, Jean-Louis Debré devint, en 1971, assistant à la faculté de droit de Paris, puis magistrat et juge d’instruction. Chargé des affaires de grand banditisme, il tirera de ces années une source d’inspiration inépuisable pour les polars qu’il écrira ensuite. Mais revenons en arrière, en 1967. Alors que Jean-Louis Debré a 23 ans, une rencontre va changer sa vie : il fait alors la connaissance de Jacques Chirac, "mon Chirac", comme il l’appelait affectueusement. Ainsi naquit une amitié personnelle marquée par une fidélité politique indéfectible. Du ministère de l’agriculture, en 1973, au soir de la vie du président Chirac, lorsque Jean-Louis Debré lui remontait le moral dans les bars du 6e arrondissement, les deux hommes furent toujours liés, toujours alliés. C’est donc par Jacques Chirac que Jean-Louis Debré entre en politique. ».


     

     
     


    Son lieu privilégié était le Palais-Bourbon : « C’est cependant à l’Assemblée, ici même, depuis ce même perchoir, que Jean-Louis Debré aura connu, selon ses mots, "cinq ans de bonheur absolu". Président malicieux, Jean-Louis Debré était surtout un Président rigoureux, amoureux de cette institution dont il fut l’élève et l’architecte. Cette histoire d’amour commence tôt, lorsqu’enfant, il accompagnait son père au Palais-Bourbon. Il en profitait alors pour faire du patin à roulettes dans les couloirs, à la grande frayeur des huissiers. Président de l’Assemblée Nationale, il en connaissait tous les rouages, tous les passages, tous les secrets. Mais surtout, il connaissait l’essence de sa fonction de Président : être impartial pour, selon ses mots, "incarner l’Assemblée dans toutes ses composantes, et être le protecteur des droits de l’opposition". Estimé et respecté bien au-delà de son propre camp, il fut ainsi reconnu pour ce qu’il était : un homme droit, intègre, attaché au pluralisme républicain. Il était aussi et surtout un politique qui aimait les gens et qui s’intéressait à eux. Un homme simple, un homme bien, qui avait l’art du lien. Je peux en témoigner, puisqu’il fut toujours avec moi d’une grande bienveillance et d’un soutien indéfectible. Comme nombre d’entre vous, je le croisais souvent ici, à l’Assemblée, lorsqu’il arpentait les couloirs en guide passionné, se faisant auprès du jeune public autant conteur que passeur. Jean-Louis Debré, c’était donc un homme de cœur, mais c’était aussi un homme d’esprit et d’humour. À l’Assemblée même, il se permit quelques facéties. À la boutique, dont il eut l’idée, il avait même dessiné et conçu des peignoirs floqués du slogan "Mouillez-vous avec les politiques" ou des tabliers estampillés "Cuisine électorale". ».

    Au Conseil Constitutionnel : « Il fut le président de la QPC, question prioritaire de constitutionnalité, fit grandir cette réforme, ouvrit les portes du Conseil Constitutionnel aux avocats et aux justiciables. Sous sa Présidence, le Conseil devint pleinement, selon ses mots, "le bouclier qui préserve de toute atteinte à des droits et libertés". ».

    Et de conclure de cette façon : « Jean-Louis Debré était un amoureux de la République. Un amoureux d’une République qu’il voulait libre et laïque, qu’il voulait ardente, vibrante, vivante. Un amoureux de ces Mariannes auxquelles il était si attaché, c’est lui qui créa à l’Assemblée le salon des Mariannes et qui fit placer dans une niche du salon Delacroix le buste de Marianne à la place du trône de Louis-Philippe. En évoquant Marianne, la République, le Président Jean-Louis Debré paraphrasait souvent Ernest Renan : la République, disait-il, est "un rêve d’avenir partagé". Mais ces derniers temps, il ajoutait un avertissement inquiet : "Il faut faire en sorte que la République ne meure pas". ». Il avait d'ailleurs une grande collection de bustes de Marianne.
     

     
     


    Le Premier Ministre François Bayrou a répondu à Yaël Braun-Pivet par cet autre hommage dans l'hémicycle, le 4 mars 2025 : « Le premier mot qui me vient à l’esprit, au nom du gouvernement, est celui de reconnaissance, reconnaissance pour la personnalité qu’il était, pour le parcours exceptionnel qui fut le sien. S’il fallait trouver un adjectif pour qualifier le chemin de Jean-Louis Debré, ce serait sans aucun doute "républicain". Il était profondément attaché aux principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, qu’il a servis et honorés durant toute sa carrière, toute sa vie. Un autre mot qui le définit est celui de fidélité, cette fidélité dont il a fait preuve dans tous ses engagements, politiques comme personnels, notamment, vous l’avez rappelé, auprès de Jacques Chirac. Tout au long de sa vie, il a servi une certaine idée, une idée, si je puis dire, presque chevaleresque, de ce qu’étaient l’engagement et la responsabilité politiques, qu’il ne séparait pas de l’engagement personnel et affectif ; une certaine idée de la République, mais aussi de la vie : une vie dans laquelle on ne s’abaisse pas, surtout pas à trahir ceux qu’on aime et avec qui on se bat. Le troisième et dernier mot qui me vient à l’esprit est celui d’amour : l’amour de la France, qu’il ne dissociait jamais de l’amour de la République. Il voyait dans le long chemin des institutions qu’il a servies, non seulement depuis votre fauteuil, Madame la Présidente, mais aussi depuis la Présidence du Conseil Constitutionnel, un parallèle avec l’aventure nationale à laquelle il avait dédié toute sa vie. Enfin, vous l’avez souligné, c’était un homme qui, tout engagé qu’il fut, ne se départait jamais d’un certain humour, d’une pointe d’ironie dans les yeux. Moi qui ai siégé à ses côtés au conseil des ministres pendant des années, je garde le souvenir précis de l’esprit qu’il déployait au service de ses collègues et de ses contemporains, parfois en les égratignant quelque peu. Cette manière de voir le monde, où l’on pouvait être fidèle en tout sans être dupe de rien, était une marque de fabrique de sa personnalité. Cet homme nous manquera. Sa fidélité restera un modèle et son humour sera pour nous une leçon de vie. ».

    Le même jour, 4 mars 2025, au début de la séance publique de 16 heures 30, le Président du Sénat Gérard Larcher a également proposé une minute de silence pour Jean-Louis Debré : « Évoquer Jean-Louis Debré, c’est honorer la mémoire d’un grand serviteur de la Ve République. Son père, Michel Debré, Premier Ministre du Général De Gaulle, père de la Constitution, lui transmit les valeurs du gaullisme, auxquelles il restera attaché toute sa vie et qu’il défendra aux côtés de Jacques Chirac. (…) Le fils de celui qui fut le père de la Constitution veillera à ce qu’elle soit appliquée avec la plus grande rigueur. Présidant le Conseil Constitutionnel de 2007 à 2016, Jean-Louis Debré s’est attaché à ce que puisse être adoptée et que se déploie la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité. Il fut vigilant quant à la protection des droits et libertés. Il fut aussi un auteur : comment ne pas évoquer son "Dictionnaire amoureux de la République" ? Il fut un passionné de théâtre. ».





    François Bayrou y a aussi apporté son hommage au Sénat, un second, donc, qui a changé un petit peu de celui, quelques minutes auparavant, rendu à l'Assemblée : « Ceux qui le connaissaient bien, j’en suis, ayant siégé à ses côtés au gouvernement pendant deux années, savent quelle personnalité attachante était la sienne. Le premier mot qui vient à l’esprit, lorsqu’on pense à lui, est celui de républicain. Il avait des formules assez drôles. Ainsi, lui qui était le fils de Michel Debré disait régulièrement qu’il était le frère de la Constitution de la Ve République, puisque Michel Debré était le père de celle-ci. Évidemment, la proximité entre cette œuvre majeure et la personnalité de Michel Debré était profondément marquante. Le deuxième mot est celui de fidèle. Qui a rencontré Jean-Louis Debré dans sa vie partagée avec Jacques Chirac sait que, au-delà des positions politiques qu’ils avaient en commun, il y avait de la part du premier à l’égard du second une fidélité joviale, amicale, chaleureuse et, à bien des moments, drôle. En effet, le troisième mot auquel on pense pour évoquer la personnalité de Jean-Louis Debré, c’est celui d’humour, dont il était profondément pétri. Il portait sur le monde, et notamment sur le monde politique, un regard amusé, ironique, informé. Il n’était guère de secret qu’il ne connût, mais cela n’empêchait pas l’indulgence qu’il avait non seulement envers ses collègues engagés en politique, mais aussi à l’égard, au fond, de la nature humaine. Cette manière, chaleureuse, de regarder le monde, était aussi remarquable au travers des œuvres littéraires qu’il produisait. De son passé de juge d’instruction, il avait retenu bien des intrigues et bien des tics de personnalité, dont il faisait la matière de ses romans policiers. Il était un homme attachant et respecté. ».


    Enfin, je termine sur le témoignage d'un autre chiraquien historique, Alain Juppé, dans un entretien accordé à Frédéric Lemaître et Solenn de Royer publié le 7 mars 2025 dans "Le Monde". Jean-Louis Debré était secrétaire général adjoint du RPR lorsqu'Alain Juppé était secrétaire général : « C’est brutal [sa disparition]. (…) Jean-Louis Debré est un ami politique, un ami tout court. (…) Nous avons cheminé ensemble. C’était un homme de convictions, gaulliste, chiraquien, d’une fidélité absolue à Chirac. C’était aussi un Président de l’Assemblée Nationale infiniment respectueux des droits de l’opposition. ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jean-Louis Debré.
    L'un des derniers gardiens du Temple.
    Enfant de la République (la Cinquième).
    Haut perché.
    Bernard Debré.
    Michel Debré.





     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250310-jean-louis-debre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-louis-debre-republique-259807

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/12/article-sr-20250310-jean-louis-debre.html


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