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« Après cinquante ans d'oppression sous le pouvoir du [parti] Baas, et treize années de crimes, de tyrannie et de déplacements, nous annonçons aujourd'hui la fin de cette ère sombre et le début d'une nouvelle ère pour la Syrie. » (déclaration des rebelles syriens, le 8 décembre 2024).
C'est acté ! Après la chute de Ben Ali, la chute de Moubarak, la chute de Kadhafi, voici, avec un long différé du Printemps arabe, la chute de Bachar El-Assad, après plus de vingt-quatre ans d'un pouvoir absolu. La guerre civile avait commencé en juillet 2011 en Syrie. Ce dimanche 8 décembre 2024, les troupes rebelles ont pris la capitale, Damas, et le gouvernement l'a proclamé ville libre. Les effigies du tyran et de son père ont été retirées. Le peuple syrien est en liesse.
Selon Rami Abdel Rahmane, le directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'homme, qui l'a annoncé à l'AFP, « [Bachar] El-Assad a quitté la Syrie via l'aéroport international de Damas avant que les membres des forces armées et de sécurité ne quittent [les lieux]. ». Son sort est maintenant connu, lui et sa famille ont réussi à fuir la Syrie et ont reçu l'asile politique à Moscou, qui n'avait pas pu les protéger.
Chef du parti Baas, Hafez El-Assad (1930-2000), Président de la République syrienne du 14 mars 1971 au 10 juin 2000, a mis en place une dictature alaouite (chiite) implacable. Son fils Bachar El-Assad, médecin, ne devait pas être le successeur de son père. C'était en principe son frère aîné Bassel El-Assad qui devait prendre la relève de la dictature, mais il est mort dans un accident de voiture le 21 janvier 1994. À sa prise de fonction le 17 juillet 2000, Bachar El-Assad, considéré comme "moderne", avait fait naître l'espoir d'un assouplissement du régime. À la fin des années 2000, je me souviens avoir vu sur Arte un documentaire biographique sur lui très élogieux, beaucoup trop élogieux pour que la chaîne franco-allemande ose le rediffuser depuis 2011. Il serait intelligent de le rediffuser pour montrer à quel point l'histoire est changeante et les points de vue peuvent singulièrement s'inverser.
Et pourtant, on savait déjà que le régime de Bachar El-Assad n'avait rien à envier à celui de son père. Membre de l'UDF, je me souviens que, en marge des congrès de l'UDF, en 2003, en 2004, en particulier, des réfugiés syriens expliquaient, témoignaient, alertaient : le régime syrien était une dictature de la pire espèce et son tyran un véritable boucher. À l'époque, ils n'étaient pas vraiment écoutés des gouvernements européens ou américains. La géopolitique l'emportait sur les droits de l'homme.
Ce sont les Printemps arabes qui ont changé un peu les choses avec ce clivage assez fou dans la plupart des pays musulmans : ou une dictature "laïque" (et souvent militaire), ou la charia. Choix cornélien. Bachar El-Assad n'avait pas lésiné sur la répression à partir de 2011 pour éviter d'être déstabilisé, avec l'aide de la Russie et de l'Iran, et on se demande toujours aujourd'hui si c'était mieux ou pas qu'il ne chutât pas à l'époque, car en face, Daech ne présentait pas mieux en termes de paix et de douceur de vivre. Peut-être même bien pire.
L'offensive actuelle des rebelles a été amorcée le 27 novembre 2024. Alep a été prise le 1er décembre 2024, puis Hama, la quatrième ville du pays le 5 décembre 2024, puis Homs le 7 décembre 2024, enfin Damas ce dimanche. Les combats ont fait plusieurs centaines voire milliers de morts (au moins 910), l'Iran et la Russie ont tenté d'aider Bachar El-Assad par des bombardements. Le Hezbollah avait envoyé 2 000 combattants pour aider le dictateur. Près de 400 000 personnes auraient été déplacées à cause des combats. Le renversement du régime a été fulgurant, une dizaine de jours ont suffi aux rebelles pour virer Bachar El-Assad. Les forces russes ont décidé prudemment de se retirer. Donald Trump, présent à Paris samedi, a annoncé qu'il ne serait pas question que les États-Unis interviennent dans cette histoire. Pour l'instant, les forces américaines ont bombardé préventivement 75 bases de Daech à l'est de la Syrie.
La faiblesse de la riposte du régime face au rebelle était étonnante. L'ancien ambassadeur de France en Syrie, Michel Duclos, a analysé sur franceinfo, ce dimanche : « Le fait qu'il n'y ait pas eu de résistance, pour l'instant, signifie que le régime [syrien] était vraiment en bout de course. ». Le régime Baas s'est écroulé comme un château de cartes, à l'instar des dictatures communistes entre 1989 et 1991. Le signal est fort car cela pourrait continuer à bouger dans la région ; après l'effondrement de la Syrie, c'est la République islamique d'Iran qui pourrait aussi être violemment secouée. Le régime des ayatollahs est en effet très fragile et repose actuellement sur un vieillard malade de plus de 85 ans.
Les rebelles syriens sont réunis depuis 2017 au sein de Hayat Tahrir El-Sham (HTS), qui signifie Organisation de libération du Levant. Ce mouvement est dominé par l'ancien branche syrienne d'Al-Qaïda et dirigé par Abou Mohammed Al-Joulani (40 ans). Considéré comme un "terroriste mondial" depuis le 16 mai 2013 par les États-Unis, il a été membre d'Al-Qaïda de 2003 à 2006, de Daech de 2006 à 2011 et fondateur du Front Al-Nosra le 23 janvier 2012. Ce jihadiste a su fédérer les rebelles en Syrie, qui, pour la plupart, seraient soutenus par la Turquie, dont le rôle resterait à préciser à ce jour.
Je ne regretterai pas Bachar El-Assad, ce boucher sanguinaire, et je crois que peu de Syriens vont le regretter. En revanche, se réjouir de la chute d'un dictateur n'empêche pas de s'inquiéter de l'avenir. Il n'existe pas de "jihadiste modéré", pas plus que de "taliban modéré" en Afghanistan. Il faudra donc surveiller de près la suite, sur les libertés, sur les droits de l'homme, sur la considération pour les femmes, sur la démocratie qui n'a jamais été instaurée en Syrie, etc.
Ce renversement important du Proche-Orient a bien eu un détonateur, le massacre du 7 octobre 2024 et la réaction d'Israël contre le Hamas et surtout contre le Hezbollah qui, apparemment, était la principale défense du régime syrien. L'axe Russie-Iran-Syrie est donc mis à mal et Benyamin Netanyahou, le Premier Ministre israélien, en a profité pour annoncer la prise de contrôle du plateau du Golan pour assurer une sécurité préventive de son pays.
En tout cas, tortures, massacres, bombardements, emploi du gaz à grande échelle, le bilan écœurant de Bachar El-Assad devra un jour être précisément établi, et même, pourquoi pas, qu'il soit jugé pour tous ses actes. Quant à certains leaders populistes et extrémistes en France, ne soyons pas amnésiques, ne nous laissons pas bercer par leurs réactions d'aujourd'hui, plus hypocrites les unes que les autres, et n'oublions surtout pas que ceux qui étaient (et restent encore) les alliés de Vladimir Poutine l'étaient aussi de Bachar El-Assad, régulièrement reçus par lui aux pires moments de répression (ils avaient leur rond de serviette). Il faudra aussi, sur ce plan-là, rendre des comptes au peuple français.
« Vertige de découvrir que Notre-Dame de Paris pouvait disparaître et que nos cathédrales aussi sont mortelles. Alors, nous avons choisi le sursaut, la volonté, le cap de l'espérance. Nous avons décidé de rebâtir Notre-Dame de Paris, plus belle encore, en cinq années. Le sursaut, la volonté, et pour rendre cela possible, une fraternité inédite. » (Emmanuel Macron, le 7 décembre 2024 à Notre-Dame de Paris).
Le Président de la République de poursuivre : « Fraternité de ceux qui ont donné, de tous les continents, de toutes les religions, de toutes les fortunes, unis par l'espérance et réunis dans ces murs. Fraternité des compagnons, apprentis et de tous les métiers ici réunis sous la conduite du général Georgelin pour qui j'ai ce soir une pensée émue. ». J'aurais pu titrer cet article "Impossible n'est pas français !" et même "Paris vaut bien une messe !".
Le provincial enfant que j'étais avait été étonné en apprenant que dans les calculs de distances kilométriques pour Paris, on prenait comme point de référence Notre-Dame de Paris. Le centre de Paris. Elle est devenue le centre du monde pour quelques heures ce samedi 7 décembre 2024. Si le temps (météo) n'était pas clément, mais le temps (durée), le moment était toutefois absolument exceptionnel.
Encore une fois, la France se retrouve au centre de la culture, de la religion, de la politique, de la diplomatie, de l'économie, autant dire, de la civilisation du monde aujourd'hui. Et précisons qu'il n'existe véritablement qu'une seule civilisation de nos jours, celle qui relie des peuples différents, des cultures distinctes par des moyens technologiques de communication et de transports sans précédent.
L'année 2024 sera doublement étonnante. D'abord, cet été, avec un pays célébré et félicité pour son organisation des Jeux olympiques et paralympiques mémorables alors qu'il n'y avait plus de gouvernement. Et cette fin d'automne qui, là encore, a vu le pays sans gouvernement pour l'une de ses rares cérémonies mondiales, elle aussi mémorable. François Mitterrand avec son Bicentenaire de la Révolution, le 14 juillet 1989, n'a plus qu'à se rhabiller, il a trouvé son maître ès cérémonies, Emmanuel Macron ! Je plaisante, mais c'est un peu vrai. Pas étonnant que le pape François ne soit pas venu, il a adressé un message aux Français à cette occasion, lu dans la soirée, pour les remercier (et demander de ne pas rendre payante l'entrée de la cathédrale), mais il ne souhaitait sans doute pas se mêler aux fastes des invités d'honneur. Lui, c'est l'humilité et on ne le lui reprochera pas.
Une quarantaine de chefs d'État, de gouvernement étaient présents pour fêter, car il s'agit bien de fête ici, de célébrer la réouverture de Notre-Dame de Paris, d'honorer les pompiers et tous les compagnons artisans qui ont rebâti en cinq ans la cathédrale. Ce n'est pas sans précédent de réunir des dizaines de chefs d'État et de gouvernement à Notre-Dame ; depuis l'assassinat de Sadi Carnot, la plupart des Présidents de la République française ont été enterré à Notre-Dame de Paris, en particulier De Gaulle, Georges Pompidou, mais aussi François Mitterrand (le vrai enterrement a eu lieu à Jarnac) et Jacques Chirac (en fait, il aurait dû y être enterré, mais à cause de l'incendie, ce fut à l'église Saint-Sulpice), et de nombreux homologues étrangers, anciens ou en fonction, les ont accompagnés à ces ultimes hommages.
Ce samedi soir, et le lendemain, puisque les personnalités invitées ce soir sont aussi conviées, pour certaines, à participer à la messe du dimanche matin, sur le plan religieux, c'est la fête de l'Immaculée conception, appelée aussi la fête des Lumières à Lyon. La fête de la Vierge Marie, la fête de Notre-Dame. Cette cérémonie a eu de nombreuses facettes nationales et internationales. C'est la fête d'Emmanuel Macron et il ne pourra pas cacher sa satisfaction d'avoir réussi à mettre la France et Paris au centre du monde pendant quelques heures. Mais aussi d'avoir réussi ce pari audacieux, ce défi au temps et aux choses de vouloir reconstruire la cathédrale en cinq ans, un peu comme saint Pierre qui allait bâtir l'Église ! Évangile selon saint Matthieu : « Et moi, je te déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre, je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l'emporetera pas sur elle ! » (chapitre 16, versets 18).
La principale facette, c'est l'aspect diplomatique. Emmanuel Macron n'est pas seul au monde et a gardé un indéniable leadership. La meilleure reconnaissance a été la venue du Président élu Donald Trump, au-delà de Jill Biden, représentant son mari Joe Biden. Donald Trump, bien avant l'incendie, avait visité Notre-Dame de Paris (en tant que Président des États-Unis) et en était ressorti enchanté, comme lorsqu'on visite Disneyland !
Il ne faut pas sous-estimer que Notre-Dame de Paris n'appartient pas qu'aux Parisiens ou qu'aux Français, mais au monde entier : elle est l'emblème international de la France, bien sûr, au même titre que la Tour Eiffel, mais pas seulement. Victor Hugo, par son œuvre littéraire, a non seulement forcé les autorités françaises à se préoccuper de cette cathédrale si haute en patrimoine, mais aussi les citoyens du monde entier. Les enfants américains connaissent tous l'existence de Notre-Dame de Paris et en rêvent comme d'autres rêvent du château de la Belle au bois dormant. Elle fait partie, au monde, de la magie des lieux exceptionnels, comme les pyramides, comme d'autres monuments intemporels. L'émotion le jour de l'incendie a été ressentie bien au-delà des frontières françaises et européennes.
Mais pour la facette diplomatique, il ne s'agit pas de cette émotion internationale du symbole magique de la France. Il s'agit d'actualité brûlante, avec des événements dramatiques au même moment, la chute de Damas, en Syrie, et la fuite de Bachar El-Assad et de son cruel régime, qui bouleverse complètement le Moyen-Orient, dont les conséquences sont encore très mal analysées, et qui est immanquablement l'une des conséquences du cruel massacre du 7 octobre. Il s'agit aussi de la guerre en Ukraine.
Emmanuel Macron, futur Prix Nobel de la Paix ? En tout cas, il a su réunir le Président américain élu Donald Trump et le Président ukrainien Volodymyr Zelensky à l'Élysée pour une première rencontre diplomatique, et cette rencontre a été improvisée, elle n'était prévue que dans les minutes qui l'ont précédée (le retard de Donald Trump faisait télescoper son rendez-vous avec celui du Président ukrainien). Très émouvant aussi, car spontanément, Volodymyr Zelensky a été applaudi par le peuple de Paris qui était présent, et à l'intérieur de la cathédrale, par les chefs d'État et de gouvernement qui y étaient présents.
La présence même de Donald Trump a été sans doute la plus grande victoire diplomatique d'Emmanuel Macron. Donald Trump a ainsi réservé à la France sa première visite internationale, c'est une belle reconnaissance de l'importance de la France dans le monde. Cela a été aussi l'occasion de rencontrer les futurs homologues de Donald Trump venus à la fête. Comme un parrain, il a salué de nombreux chefs d'État et de gouvernement très flattés de pouvoir faire une première approche avec le futur Président des États-Unis.
La très courageuse Présidente géorgienne Salomé Zourabichvili est venue le saluer pour tenter d'y trouver un allié dans son combat contre Vladimir Poutine. Même le gouvernement français démissionnaire était intimidé, Michel Barnier en premier, qui regardait Donald Trump avec une certaine fascination, celle d'un enfant approchant un animal fantastique.
Ce n'est pas non plus un hasard si Donald Trump est venu avec une cravate jaune sur un costume bleu, les couleurs de l'Ukraine. Elon Musk s'est invité aussi à la cérémonie, au grand dam du protocole.
Il y a eu la facette culturelle, qui est celle que la culture réunit bien au-delà de la religion. La cathédrale est un patrimoine reconnu au-delà des chrétiens, au-delà des Parisiens, au-delà des Français, au-delà du religieux. C'est de l'architecture, c'est de l'histoire (dans son discours, Emmanuel Macron a rappelé l'imbrication de Notre-Dame de Paris avec l'histoire de France, depuis saint Louis jusqu'à De Gaulle), c'est aussi le symbole de l'esprit face au matériel, d'une puissance transcendante face au temporel. C'est la nation française qui transcende au-delà des passions religieuses. Il faut ainsi voir cette fraternité dans la diversité des religions. Notre-Dame de Paris fait nation. Emmanuel Macron, qui ne voulait pas prononcer son discours à l'intérieur de la cathédrale, mais les conditions météorologiques l'ont empêché de s'exprimer à l'extérieur, a réussi à ne pas provoquer de polémique sur la laïcité : la laïcité est la neutralité de l'État, pas l'opposition de l'État aux religions. Les athées, les agnostiques, les musulmans, les autres croyants ont tous communié avec les catholiques et les autres chrétiens pour cette renaissance de Notre-Dame de Paris, c'était donc une cérémonie fédératrice, fédératrice de la nation, fédératrice des religions (œcuménisme), et fédératrice des nations au pluriel. Ce n'est pas si fréquent, c'est pour cela qu'il faut le souligner. Oui, Paris vaut bien une messe !
Et impossible n'est pas français ! Emmanuel Macron a été personnellement responsable de deux choses essentielles pour Notre-Dame de Paris. D'abord, la décision de prendre le risque d'aller sauver les cloches dans une tour. Le risque était grand, il était mortel. La décision n'a pas dû être facile à prendre, soit la vie de dizaines de pompiers, et chaque vie est aussi précieuse qu'un monument historique, soit la préservation, l'existence pure et simple de la cathédrale, car l'effondrement des tours lui aurait été fatal. Le fait qu'il n'y a pas eu de mort, heureusement, ne doit pas faire sous-estimer la folie d'une telle décision.
Dans son petit discours, d'ailleurs, Emmanuel Macron a rappelé cet épisode : « Le 15 avril 2019, la nouvelle de l'incendie a couru de lèvres en lèvres. Les images de flammes dévorant le transept, la fumée noire, la flèche qui vacille puis s'effondre dans un fracas d'ossements, et ces heures de combats face au feu. La décision de lui laisser sa part et ces minutes désespérées où tout pouvait partir, où la pierre, le bois, les vitraux auraient pu disparaître. (…) Il y eut surtout de la bravoure. Celle de ces sapeurs pompiers et de leur chef, envoyés pour une dernière tentative, plus dangereuse encore que les autres, ces hommes, escaladant la façade, plongeant dans le feu afin d'empêcher les seize cloches de tomber, et avec elles, toute la cathédrale. À 22 heures 47, retentit ce message : nous sommes maîtres du feu. Les pompiers reprenaient l'avantage, et il n'y eut, cette nuit, aucun mort. ». Aucun mort, cela a dû être le principal soulagement de tous sa Présidence.
Du reste, avant ce discours et avant l'interprétation des talentueux frères Capuçon d'une œuvre de Haendel, les pompiers ont été vivement honorés en défilant dans l'allée principale de la cathédrale.
Cet épisode a notamment ému Donald Trump car il a dû repenser à l'effondrement des Twin Towers du World Trade Center le 11 septembre 2001 et à la mort des pompiers qui ont tenté de sauver les personnes travaillant à l'intérieur, qui ont représenté 10% des milliers de victimes. L'effondrement de la flèche de Notre-Dame a aussi rappelé chez les Américains cette tragédie.
Le second point, c'est le choix de rebâtir Notre-Dame de Paris à l'identique, c'est-à-dire selon les choix de Viollet-le-Duc. Emmanuel Macron était plutôt favorable à un élément d'architecture moderne (moi aussi, pas forcément pour la flèche), mais il a finalement été convaincu par l'architecte en chef de Notre-Dame, Philippe Villeneuve, que le choix de l'identique semblait plus adéquat. Comme quoi, le Président est aussi capable d'écouter ce qu'on lui dit. Tous ceux, surtout parisiens, qui considéraient Notre-Dame comme faisant partie de leur paysage quotidien depuis leur enfance ou leur jeunesse ont dû le remercier de ce choix.
En fait, Emmanuel Macron est le responsable de trois et pas de deux éléments majeurs dans la reconstruction, la premier, c'est évidemment d'avoir fixé le délai de cinq ans pour terminer les travaux, là où dix ou vingt auraient dû être nécessaires selon les plus connaisseurs. C'est cette folie des objectifs qui a permis de faire des miracles. La première chose qu'il faut rappeler, une règle managériale, c'est que même si on ne connaît pas le temps pour un projet, il faut se donner un agenda, des repères, des objectifs de calendrier, quitte à les repousser ensuite, mais il faut se fixer des objectifs. La seconde chose, c'est que le volontarisme fait des miracles, en organisant tout un mouvement pour aller jusqu'au bout de l'action.
D'ailleurs, au-delà de la volonté politique, il y a bien sûr l'aspect financier dans une époque budgétaire pourtant désastreuse, mais même cette considération a été au-delà des espérances : 340 000 donateurs venus du monde entier, et, certes, quelques grosses fortunes ont contribué massivement, ce qui a apporté 800 millions d'euros très rapidement... un budget en bénéfices qui pourra aussi servir aux rénovations prévues avant l'incendie de Notre-Dame. C'est probablement l'une des raisons de la réussite sur le délai : il n'y avait pas de limite financière au projet. Dans la vie réelle (par exemple, dans les gros chantiers publics, comme le désamiantage de Jussieu), il y a toujours une sous-évaluation du coût du gros chantier public (pour une raison simple : l'État est surendetté et ne prend la décision que si le coût est "raisonnable").
Dans la facette culturelle, il faut aussi souligner l'extraordinaire choix du couturier Jean-Charles de Castelbajac d'avoir choisi de concevoir de très belles chasubles avec des couleurs vives, ce qui a donné des allures de joie et de modernité à une liturgie qui aurait pu sembler vieillotte et ennuyeuse (d'autant plus que l'archevêque de Paris Mgr Laurent Ulrich, qui a ouvert la grande porte de Notre-Dame, n'est pas ce qu'on appelle un homme très charismatique).
Bien sûr, il y a eu aussi la facette économique du génie français, de l'excellence française, reconnue par le monde entier. Encore une nouvelle fois, après les JOP. C'est la grande fierté d'Emmanuel Macron, celle d'avoir su atteindre son objectif ô combien ambitieux et périlleux. Le volontarisme fait des miracles. Emmanuel Macron s'est hissé au rang de De Gaulle en termes de volontarisme. Il y a aussi un autre Président qui a cultivé le volontarisme, Nicolas Sarkozy, mais sans doute son volontarisme tournait à vide, par manque de culture, manque d'horizons.
Emmanuel Macron a su mener à merveilles ce projet de reconstruction de la cathédrale, en particulier en nommant Jean-Louis Georgelin dont la mémoire a été honorée au cours de la cérémonie (il est mort dans une randonnée en montagne en 2023 ; il expliquait qu'il était un militaire, qu'il obéissait et quand on lui a dit cinq ans, il a agi pour atteindre ces cinq ans). C'est la démonstration de l'excellence française, de la capacité des Français à s'unir, à remonter leurs manches et à faire excellent, reconnus par tous dans le monde. Avec cette reconstruction, il y a de quoi être fier d'être Français.
Incontestablement, il y a bien deux France. La France de l'excellence, du rayonnement culturel, du phare intellectuel, qui éblouit toutes les nations, et, en même temps, cette classe politique pourrie par la haine et l'arrivisme, par l'irresponsabilité et le cynisme, par le populisme et la démagogie, qui a adopté une motion de censure pour d'obscures raisons d'intérêts particuliers en oubliant l'objectif principal d'un engagement politique, servir les Français, servir la Nation. En clair, être patriote ! Heureusement, Emmanuel Macron est là et résistera à ces forces du déclin et de la division. Nos amis étrangers ont, eux aussi, déjà choisi. Et les Français lui en rendront crédit.
« Il y a un vrai problème avec les balcons en Russie. Ce danseur était opposé à la guerre... mais c’est juste un hasard. Sans doute a-t-il perdu l’équilibre en essayant de s’étirer sur son balcon... » (Samantha de Bendern, le 19 novembre 2024 sur Twitter).
Le monde de la culture et des arts est en deuil en apprenant la mort du célèbre danseur étoile russe Vladimir Shklyarov à Saint-Pétersbourg ce samedi 16 novembre 2024 à l'âge de 39 ans (il est né à Saint-Pétersbourg, à l'époque encore Leningrad, le 9 février 1985 ; on peut aussi écrire son nom en français Chkliarov).
Selon les journaux locaux, Vladimir Shklyarov est mort après être tombé du balcon de son appartement, au cinquième étage d'un immeuble de Saint-Pétersbourg (il a fait une chute fatale de 18 mètres). Il aurait pris des analgésiques dans la perspective d'une opération chirurgicale qui avait été programmée. Selon sa collègue danseuse Irina Baranovskaya, il serait sorti dans son balcon pour aller fumer et aurait perdu l'équilibre. Sa mort est considérée comme accidentelle mais, selon RIA Novosti, une enquête a été malgré tout ouverte.
Comme l'a insinué assez malicieusement la politologue Samantha de Bendern, également chroniqueuse sur LCI, dans son tweet, il y a une véritable malédiction des balcons en Russie, vu le nombre très important de personnes en bonne santé qui chutent d'un balcon et en meurent malencontreusement. Elles avaient toutes pour point commun d'avoir émis des doutes voire des critiques sur la manière dont Vladimir Poutine conduit la Russie.
Et en effet, Vladimir Shklyarov s'était permis, le 7 mars 2022, quelques jours après le début de la tentative d'invasion de l'Ukraine par la Russie, d'exprimer dans les réseaux sociaux son profond dégoût en écrivant son envie de paix : « Je suis contre toutes les guerres !... Je ne veux ni guerre ni frontières ! », en ajoutant : « Les responsables politiques devraient pouvoir négocier sans tirer ni tuer des civils. Pour cela, on leur a donné une langue et une tête ! ». Mais il a ensuite prudemment supprimé ces messages et n'a plus commenté ultérieurement la guerre en Ukraine dans les réseaux sociaux.
On pourrait en effet plonger dans une sorte de complotisme mais les statistiques sont éloquentes : il y a beaucoup plus de morts par balcon que dans d'autres pays. Quant aux empoisonnements, il en a beaucoup aussi sur des citoyens russes, mais cette fois-ci, plutôt à l'étranger, très étrangement ! Par exemple, c'était le sixième étage pour l'oligarque Ravil Maganov le 1er septembre 2022 (pas de balcon, juste une fenêtre).
Ce qui est bien surprenant, c'est que, comme danseur, Vladimir Shklyarov était un grand sportif et avait donc un grand contrôle de son corps, au contraire des maladroits qui, eux, ne sont jamais en représentation artistique. La philosophe Valérie Kokoszka a conclu le 17 novembre 2024 sur Twitter : « La Russie de Poutine efface toute beauté et toute grâce. ». C'est peut-être un peu trop rapide en réflexion. On ne saura jamais mais le doute subsistera toujours.
Vladimir Shklyarov était un grand danseur depuis 2003, l'un des danseurs principaux du Ballet Mariinsky, la compagnie du Théâtre Mariinsky à Saint-Pétersbourg. Il était également danseur invité au Ballet de Bavière à Munich, au Royal Ballet de Londres ainsi qu'à l'American Ballet Theater. Il s'est marié en 2013 avec Maria Shirinkina, première soliste au Mariinsky, et ils ont eu deux enfants.
Pour lui rendre hommage, voici quelques représentations trouvées sur Internet de sa vingtaine d'années de belle carrière. Les funérailles auront lieu ce jeudi 21 novembre 2024. Condoléances à la famille.
1.XIII International Ballet Festival Mariinsky (le 10 mars 2013)
2. Don Quichotte (le 10 mai 2014 avec Viktoria Tereshina)
3. Roméo et Juliette (en 2013 avec Diana Vishneva)
« Je dirais que le peuple ukrainien m'a bien traité. Je me rappelle avec enthousiasme les années que j'y ai passé. Il s'agissait d'une période pleine de responsabilités mais plaisante car elle m'apportait de la satisfaction... Mais loin de moi l'idée d'accroître mon importance. L'ensemble du peuple ukrainien a réalisé de grands efforts. J'attribue le succès de l'Ukraine au peuple ukrainien dans son ensemble. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce thème, mais en principe, il est très facile à démontrer. Je suis moi-même Russe et je ne veux pas offenser les Russes. » (Khrouchtchev, dans ses Mémoires publiées en 1970).
Il y a exactement soixante ans, le 14 octobre 1964, le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev a été limogé de ses postes par une nouvelle troïka. Leonid Brejnev a pris la relève à la tête de la dictature communiste appelée URSS (Union des Républiques Socialistes Soviétiques plus simplement appelée Union Soviétique). Pour la première fois, une purge politique n'était plus associée à une élimination physique. Au contraire, pour sa retraite, on lui a attribué un appartement à Moscou et une datcha à la campagne. Il a sombré dans une grande dépression et il est mort à l'âge de 77 ans, d'une crise cardiaque le 11 septembre 1971 à Moscou, après avoir réussi à faire publier ses Mémoires en Occident en 1970.
L'appréciation historique de Nikita Khrouchtchev est paradoxale. Il est avant tout connu pour cette journée du 25 février 1956, en séance extraordinaire du XXe congrès du PCUS (parti communiste d'Union Soviétique). Hors programme, le dirigeant soviétique a pris l'initiative de lire un long rapport aux cadres communistes en leur demandant de garder les informations confidentielles et de ne pas en débattre. Un rapport accablant sur la gestion du pays par Staline : « C'est ici que Staline a montré à de nombreuses reprises son intolérance, sa brutalité et son abus de pouvoir (…). Il a souvent choisi le chemin de la répression et de la destruction physique, pas seulement contre ses véritables ennemis mais aussi contre des individus qui n'avaient commis aucun crime contre le parti ou le gouvernement soviétique. ».
C'était le début de la déstalinisation. Mikhaïl Gorbatchev, d'une autre génération, a étudié l'expérience de Khrouchtchev pour réformer lui-même l'URSS après le glacis gérontologique formé par Leonid Brejnev, Youri Andropov et Konstantin Tchernenko. Mais les réformes n'ont pas plus fonctionné. Wiliam Tompson, le biographe de Khrouchtchev, a rappelé en 1995 : « Tout au long des années Brejnev et durant le long interrègne qui suivit, la génération qui a atteint la majorité durant le “premier printemps russe” des années 1950 attendit son tour. Alors que Brejnev et ses collègues décédaient ou se retiraient, ils furent remplacés par des hommes et des femmes pour qui le discours secret [le rapport du 25 février 1956] et la première vague de déstalinisation avaient été une expérience formatrice et ces enfants du XXe Congrès prirent les rênes du pouvoir sous la direction de Mikhaïl Gorbatchev et de ses collègues. L'ère Khrouchtchev fournit à cette seconde génération de réformateurs une inspiration et une morale. ».
Dans ses Mémoires non plus, Khrouchtchev n'était pas tendre avec Staline : « Staline appelait tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec lui des "ennemis du peuple". Il disait qu'ils voulaient restaurer l'ordre ancien et que pour y parvenir, les "ennemis du peuple" s'étaient liés aux forces réactionnaires internationales. Par conséquent, plusieurs centaines de milliers de personnes honnêtes ont péri. Tout le monde vivait dans la peur. Tout le monde s'attendait à tout moment à être réveillé au milieu de la nuit par des coups à leur porte et à ce que cet événement leur soit fatal... Les personnes qui n'étaient pas du goût de Staline étaient supprimées, des membres honnêtes du parti, des personnes irréprochables, loyales et travaillant de tout leur cœur pour notre cause qui avaient suivi l'école de la lutte révolutionnaire sous la direction de Lénine. C'était l'arbitraire total et complet. Et maintenant, tout cela doit être oublié et pardonné ? Jamais ! ».
Mais le déstalinisateur en chef n'était pas forcément celui qu'on pourrait croire. Il était avant tout un fidèle disciple de Staline, pas moins cruel que lui ! Khrouchtchev est né le 15 avril 1894 dans la région (oblast) de Koursk. Il a eu un rôle important auprès de Staline. Dès 1932, Khrouchtchev était un familier de Staline qui l'appréciait bien. Khrouchtchev a soutenu les grandes purges d'avant-guerre (des documents attestent de son implication dans les purges). En 1936, il déclara même : « Tous ceux qui se réjouissent des succès de notre pays, des victoires de notre parti mené par le grand Staline, ne trouveront qu'un seul mot convenable pour les mercenaires, les chiens fascistes du gang zinovievo-trotskyste. Ce mot est exécution. » (cité par William Taubman en 2003).
En 1939, Staline l'a nommé chef du PCUS en Ukraine (c'est d'ailleurs en raison de son expérience en Ukraine et de son épouse ukrainienne qu'il aurait "donné", plus tard, la Crimée à l'Ukraine dans les contours des républiques à l'intérieur de l'URSS, une modification seulement symbolique, en principe, puisque le pays qui comptait, c'était l'URSS). Pendant la guerre, Khrouchtchev fut un commissaire politique de Staline, avec rang de général, et était chargé de la liaison entre ce dernier et les (vrais) généraux. Il a fait partie de la Bataille de Stalingrad et de Bataille de Koursk, et après la guerre, il a rejoint Staline à Moscou pour le conseiller.
À la mort de Staline, ce fut une véritable lutte interne du pouvoir pour s'octroyer la succession. Très vite, Gueorgui Malenkov fut rétrogradé par ses collègues au profit de Khrouchtchev, mais les deux se sont ligués pour faire échouer les premières réformes de Lavrenti Beria après Staline (plus d'un million de prisonniers politiques furent amnistiés). Tous les dirigeants craignaient un coup d'État de Beria qui avait sous ses ordres 1,2 million d'agents.
Le passé très stalinien de Khrouchtchev ne le présentait donc pas en 1953 comme le futur déstalinisateur. Melenkov cherchait à mettre le pouvoir dans l'appareil de l'État car il contrôlait le gouvernement, tandis que Khrouchtchev voulait maintenir le pouvoir au sein du parti qu'il contrôlait. Finalement, Khrouchtchev a gagné la lutte interne contre Beria rapidement éliminé. Soyons clairs : Beria a été éliminé le 26 juin 1953 probablement sur ordre de Khrouchtchev. Beria fut le dernier dirigeant soviétique éliminé autant physiquement que politiquement (les conditions de sa mort reste encore un mystère).
La prise de pouvoir de Khrouchtchev a eu lieu en deux temps. Le 14 septembre 1953, il a été désigné Premier Secrétaire du comité central du PCUS, en d'autres termes, la réalité du pouvoir en URSS (comme en Chine, le contrôle du parti engendre le contrôle de l'État). À ses côtés, les deux autres de sa troïka : Nicolaï Boulganine, Président du Conseil des ministres (et avant lui, Gueorgui Malenkov) et Anastase Mikoyan, Vice-Président du Conseil des ministres (et avant lui, Lazare Kaganovitch qui l'a introduit au Politburo dans les années 1930). À partir du 27 mars 1958, comme Staline lui-même, Khrouchtchev a pris aussi la tête du gouvernement soviétique (Présidence du Conseil des ministres).
La réussite du programme spatial est l'une des rares réussites de Khrouchtchev. En particulier, le premier lancement d'un satellite, celui de Spoutnik-1 le 4 octobre 1957, et le premier vol habité dans l'Espace, avec Youri Gagarine pilotant la mission Vostok-1 le 12 avril 1961, ont mis l'URSS largement devant les États-Unis dans la conquête spatiale (jusqu'à la réussite de la mission Apollo-11 le 21 juillet 1969 et le lancement des navettes spatiales dans les années 1980 qui ont redonné une avance technologique majeure aux États-Unis).
Mais, à part cette réussite spatiale, la réputation de réformateur du système soviétique et d'ouverture politique ne convient pas non plus à la réalité de son bilan à la tête de l'URSS entre 1953 et 1964. En effet, si Khrouchtchev a tenu à nouer des relations diplomatiques avec l'Occident, en particulier avec les États-Unis (rencontre en septembre 1959 avec Dwight Eisenhower et Richard Nixon puis en juin 1961 avec John Kennedy) et avec la France (rencontre en mars 1960 avec De Gaulle), ce fut sous sa responsabilité qu'il y a eu les pires crises de la guerre en froide.
En particulier, trois. La crise de Berlin avec la construction du mur de Berlin, la crise hongroise et la crise des missiles à Cuba. Cette dernière crise était particulièrement grave puisque le monde était à deux doigts d'être plongé dans une guerre thermonucléaire ! Le caractère de Khrouchtchev était très vif, si bien qu'ulcéré par des propos du délégué philippin qu'il entendait le 12 octobre 1960 à l'Assemblée Générales des Nations Unis (le Philippin fustigeait l'hypocrisie anticolonialiste de l'URSS qui avait elle-même colonisé l'Europe centrale et orientale), il a pris sa chaussure dans la main pour protester énergiquement (après avoir cassé sa montre à force de taper sur la table avec son poignet). William Tompson l'a décrit ainsi : « Il pouvait être charmant ou vulgaire, exubérant ou renfrogné ; il exposait sa rage (souvent forcée) en public avec des hyperboles explosives dans sa rhétorique. Mais quelles que soient ses actions, il était plus humain que son prédécesseur ou même que la plupart de ses homologues étrangers et pour une grande partie des gens, cela suffisait à rendre l'URSS moins mystérieuse ou dangereuse. ».
La crise de Berlin. L'ancienne capitale du Reich était divisé en quatre zones : soviétique, américaine, britannique et française, mais concrètement, en deux zones, soviétique (RDA) et occidentale (RFA). De nombreux Allemands de l'Est ont fui la RDA vers l'Allemagne de l'Ouest par Berlin (située au centre de la RDA). Un pont aérien permettait l'acheminement des réfugiés de l'Est à l'Ouest. Avec l'autorisation de Khrouchtchev, Walter Ulbricht, Président du Conseil d'État (chef d'État) de la RDA et Premier Secrétaire du parti communiste d'Allemagne de l'Est, a fait ériger le mur de Berlin dans la nuit du 12 au 13 août 1961 dans le plus grand des secrets. Ce mur pollua les relations Est-Ouest pendant trente ans (jusqu'à la Réunification).
La crise hongroise. L'année 1956 a mal commencé pour l'URSS. La Pologne, qui venait de perdre soudainement son dirigeant communiste Boreslaw Bierut (le16 mars 1956), a basculé dans des grèves avec des répressions. Mais finalement, le pouvoir communiste polonais a fait beaucoup concessions aux ouvriers (à cause du sentiment antisoviétique des Polonais) et le vent de libéralisation s'est étendu à la Hongrie avec une insurrection populaire le 23 octobre 1956 à cause de la répression d'une manifestation d'étudiants à Budapest. Pour apaiser la situation, le pouvoir communiste hongrois a installé au pouvoir le Premier Ministre réformateur Imre Nagy le 24 octobre 1956. Ce dernier a annoncé des élections libres et le retrait de la Hongrie du Pacte de Varsovie, ce qui a déclenché l'intervention militaire directe des troupes soviétiques à Budapest le 4 novembre 1956. La répression a été terrible, plusieurs milliers de personnes ont péri, les chars soviétiques dans les rues de Budapest ont donné une image très négative de l'URSS (malgré l'attention déportée vers la crise de Suez). Imre Nagy a été arrêté et a été exécuté le 16 juin 1958. Khrouchtchev s'est montré menaçant le 18 novembre 1956 lors d'une réception des diplomates occidentaux à l'ambassade de Pologne à Moscou avec son discours : « Que vous le vouliez ou non, l'histoire de notre côté. Nous vous enterrerons ! ».
La crise des missiles à Cuba. Probablement la plus grave crise internationale. L'URSS venait d'installer des missiles nucléaire à moyenne portée à Cuba, dirigé par Fidel Castro, à moins de 140 kilomètres des côtes de Floride. Ce qui était inacceptable pour les États-Unis qui ont découvert des rampes de lancement le 16 octobre 1962. John Kennedy a prononcé une allocution télévisée le 22 octobre 1962 pour annoncer au peuple américain l'existence de cette menace et la réaction des États-Unis, un blocus contre Cuba. Khrouchtchev craignait alors une invasion de Cuba par les Américains. Les tensions diplomatiques furent extrêmes. Finalement, le 25 octobre 1962, Khrouchtchev renonça à ces missiles, les a fait démanteler, en échange d'une non invasion de Cuba par les États-Unis (et aussi d'un retrait des missiles américains de la Turquie, proche de l'URSS, ce qui n'a pas été communiqué ni réalisé, d'où la crise s'est soldée par ce qui a été considéré comme une défaite soviétique).
Sur le plan intérieur, Khrouchtchev a effectivement fait des réformes d'ouverture politique. Il a ainsi supprimé les tribunaux spéciaux de Staline, même si, selon Roy Medvedev, « la terreur politique comme méthode journalière de gouvernement fut remplacée sous Khrouchtchev par des moyens de répression administratifs » (1978). Il voulait aussi le remplacement d'au moins un tiers de toutes les assemblées, y compris le comité central du PCUS, lors de leur renouvellement (cette mesure a été rapidement supprimée par Brejnev en 1964). Il a rendu publiques les séances du comité central, ce qui avait pour effet d'obliger les éventuels dissidents à s'expliquer publiquement, ce qui n'encourageait pas la dissidence.
L'un des échecs des réformes sur le plan intérieur a été la politique agricole. Khrouchtchev a promu depuis longtemps la culture du maïs, mais ce fut un échec (on appelait Khrouchtchev "Mister K" mais aussi "Kukuruznik", Monsieur Maïs). Par ailleurs, il se faisait conseiller par l'imposteur agronome en chef, Trofim Lyssenko ! qui prétendait pouvoir augmenter les rendements agricoles (échec complet qui a fait énormément retarder le développement de la recherche génétique en URSS). En 1957, Khrouchtchev voulait pourtant supplanter les États-Unis pour la production de viande, de lait et de beurre. En 1962, le prix de ces produits en URSS ont augmenté de 30%, ce qui a engendré des révoltes et des grèves, vite réprimées dans le sang par l'armée. La sécheresse de 1963 ne l'aida pas non plus, avec une production de seulement 80% de celle de 1958 (l'URSS a dû importer des produits agricoles pour éviter la famine).
Ces échecs répétés, tant sur le plan intérieur (politique agricole) que sur le plan international (l'humiliation de la fin de la crise de Cuba) ont convaincu certains dirigeants soviétiques qu'il fallait évincer Khrouchtchev du pouvoir. Le complot a été préparé dès le début de l'année 1964 sous la direction de Leonid Brejnev, Président du Praesidium du Soviet Suprême de l'URSS du 7 mai 1960 au 15 juillet 1964. Khrouchtchev, toujours en voyage à l'étranger, était peu souvent présent au Kremlin cette année, ce qui a aidé le complot. Khrouchtchev était en vacances dans sa datcha le 12 octobre 1964 lorsque Brejnev lui a informé d'une réunion du Praesidium le surlendemain. Khrouchtchev s'y est rendu en se doutant du piège. Mis en accusation, il ne s'est pas défendu, aurait pleuré selon des témoins et a donné sa démission.
Selon William Taubman, le dirigeant démissionnaire-destitué aurait dit à son dernier fidèle Anastase Mikoyan, devenu le 15 juillet 1964 Président du Praesidium du Soviet Suprême (jusqu'au 9 décembre 1965), au téléphone : « Je suis vieux et fatigué. Laissons-les faire face à eux-mêmes. J'ai fait le principal. Quelqu'un aurait-il pu rêver de pouvoir dire à Staline qu'il ne nous convenait plus et lui proposer de prendre sa retraite ? Pas même une tache humide ne serait restée là où nous nous serions tenus. Aujourd'hui, tout est différent. La peur a disparu et nous pouvons parler d'égal à égal. C'est ma contribution. Je ne me battrai pas. ».
Une nouvelle troïka lui a succédé : Leonid Brejnev, Premier Secrétaire du PCUS le 14 octobre 1964 (jusqu'à sa mort), Alexeï Kossyguine, Président du Conseil des ministres du 14 octobre 1964 au 23 octobre 1980, et Nikolaï Podgorny, Président du Praesidium du Soviet Suprême du 9 décembre 1965 au 16 juin 1977. Une dictature communiste de dix-huit ans a succédé à une dictature communiste de onze ans...
« Une partie de la population estime que l'ANC n'a pas tenu ses promesses, à savoir le développement économique, l'accès aux services de base comme l'électricité et l'eau, et la lutte contre la pauvreté, la corruption et le chômage, dont le taux est, officiellement, de 34%. (…) La corruption est un autre facteur du désamour des électeurs pour l’ANC. » (RFI le 02 juin 2024).
Près de 28 millions d'électeurs sud-africains ont été convoqués ce mercredi 29 mai 2024 pour deux élections. En effet, à cette date se sont déroulées des élections législatives pour élire l'Assemblée Nationale (la Chambre basse) et des élections provinciales pour élire les membres des assemblées provinciales des neuf régions d'Afrique du Sud.
Pour les élections nationales, les 400 députés sud-africains sont élus pour un mandat de cinq ans au scrutin proportionnel, 200 sur une seule circonscription nationale, et 200 autres répartis dans les neuf provinces. Sy Mamabolo, le directeur des élections de la Commission électorale s'est exprimé le 1er juin 2024 au Results Operation Centre, à Johannesburg, avant la cérémonie de l'annonce des résultats qui a dû avoir lieu ce dimanche 2 juin 2024 à 18 heures, heure de Paris. Peu après les élections législatives, les députés devront élire le Président de la République pour cinq ans.
Le premier enseignement de ces élections est la descente continue de l'ANC, le Congrès national africain, historiquement, le parti de Nelson Mandela, qui, pour la première fois, a perdu la majorité absolue des sièges, ainsi que des suffrages exprimées. En cela, ce sont des élections historiques.
En effet, depuis la fin de l'apartheid (depuis trente ans), l'ANC a toujours été hégémonique sur le plan électoral, obtenant systématiquement la majorité absolue des sièges. Parti fondé le 8 janvier 1912 qui avait été interdit à l'époque de l'apartheid, son arrivée au pouvoir était attendue au début des années 1990 pour défendre les populations les moins favorisées. Il fait office presque d'un parti unique, ce qu'il n'a jamais été en droit puisque depuis 1994, la République d'Afrique du Sud est une démocratie et donc, un régime où règne bien entendu le pluralisme des partis politiques. Mais dans les faits, l'ANC était le maître de l'Afrique du Sud pendant trois décennies, et son président était systématiquement élu Président de la République. Même le parti de l'ancien Président Frederik De Klerk avait rejoint l'ANC.
Du reste, son président actuel, depuis le 18 décembre 2017, Cyril Ramaphosa (71 ans) est le Président de la République depuis 14 février 2018, élu une première fois le 15 février 2018 (il était le Vice-Président de la République et a succédé provisoirement à Jacob Zuma après sa démission), réélu le 22 mai 2019 et la prochaine élection présidentielle dans quelques jours va sans doute conduire à beaucoup de négociations avec les autres partis. L'ANC va devoir composer, et c'est très nouveau dans le jeu politique sud-africain.
Depuis 2009, l'ANC n'a en effet jamais cessé de décroître aux élections, mais avait jusqu'à maintenant toujours réussi à maintenir sa majorité absolue. Aujourd'hui, l'ANC reste encore le premier parti d'Afrique du Sud, mais il va devoir composer avec d'autres partis. C'est aussi la confirmation que l'ANC n'a plus le monopole du cœur des électeurs, ce qui a été déjà pressenti lors des élections locales de novembre 2021.
La principale raison est le désenchantement croissant du peuple vis-à-vis d'un parti, l'ANC, de plus en plus hors sol. La correspondante de RFI à Johannesburg, Claire Bargelès, a interrogé notamment un septuagénaire en colère : « Je veux changer le gouvernement, car ils ne font rien pour nous. Cela va du fait que beaucoup de jeunes sont sans emploi aux fuites d’eaux dans les rues. Ils ne font rien et ne sont pas bons pour nous. ». De son côté, journaliste du service Afrique à RFI, Alexandra Brangeon a interrogé Anele Hammond, considérée comme une intellectuelle sud-africaine : « L’ANC a déçu absolument tout le monde et je ne parle même pas que d’un point de vue économique. Ils se font passer pour un mouvement révolutionnaire qui aide les plus pauvres, mais ce n’est pas le cas. Ce que je déteste le plus, et que j’observe depuis trente ans, c’est comment à chaque élection, ils dupent les plus pauvres, en leur rappelant les souffrances du passé, sous l’apartheid. Et une semaine après, ils nous ont oubliés. ». Une électrice de 50 ans a témoigné aussi sa colère contre l'ANC : « Ils détruisent tout au sein de notre pays, et ne réalisent jamais les promesses qu’ils font auprès de nous, au sein des communautés. ».
On rappelle aussi que les "Born free", ceux qui sont nés libres parce que nés après la fin de l'apartheid, n'ont aucune loyauté envers l'ANC qu'ils n'ont jamais connu comme mouvement de résistance de Nelson Mandela. Ils sont donc dans le jeu classique des partis politiques et ont préféré l'opposition en raison d'un bilan peu flatteur de l'ANC depuis trente ans, en particulier sur la situation économique (plus de 45% des jeunes sont au chômage !) et aussi la corruption, surtout sous la Présidence de Jacob Zuma, plombé par de nombreux scandales politico-financiers.
Maître de conférence à l'Université de Wits, Hlengiwe Ndhlovu a confirmé l'analyse : « Je pense que l'ANC a fini par perdre le contact avec la population. Le charisme des anciens cadres a disparu et une nouvelle génération de cadres se montre arrogante. ». Et l'enseignante d'expliquer : « On est arrivé à ces élections avec des Sud-Africains qui se sont dit : "je me fiche de savoir si ton parti a deux ou six mois, comme le MK qui n'a ni programme ni structure, n'a pas fait ses preuves et ne promet rien. N'importe qui, mais pas l'ANC". ». RFI a ainsi cité l'exemple de cadres de l'ANC qui faisaient campagne dans les quartiers pauvres ...en roulant dans des Mercedes blindées ! En gros, les électeurs ont réagi en se disant : tout mais pas l'ANC !
Pour les résultats, on connaît déjà la participation, officiellement de 58,6% des électeurs inscrits, à comparer aux précédentes élections législatives du 8 mai 2019 où la participation était de 66,0%.
Quant aux partis, l'ANC reste donc le premier parti d'Afrique du Sud mais a perdu 3,5 millions d'électeurs avec seulement (au dernier décompte) 6 459 683 voix, soit 40,2% des suffrages exprimés (en 2019, 57,5% des voix), ce qui devrait faire que l'ANC n'obtiendrait que 159 sièges sur 400 au total, au lieu des 230 obtenus en 2019 (la majorité absolue est à 201 sièges).
Deux grands partis d'opposition continuent à faire beaucoup de voix mais restent stables, l'Alliance démocratique (DA), menée par John Steenhuisen, en deuxième place, qui a eu 21,8% des voix et probablement 87 sièges (en 2019, 20,8% des voix et 84 sièges), ainsi que les Combattants pour la liberté économique (EFF), menés par Julius Malema, en quatrième place avec 9,5% des voix et probablement 39 sièges (en 2019, 10,8% des voix et 44 sièges).
Ce qui a particulièrement handicapé électoralement l'ANC (avec une perte de 71 sièges), c'est la survenue étonnante, dans le paysage électoral, d'un nouveau parti, le parti uMkhonto we Sizwe (MK), un parti populiste d'extrême gauche fondé très récemment, en décembre 2023, issu d'une scission de l'ANC et émanant de l'ancien Président Jacob Zuma qui, à plus de 82 ans, n'était pas lui-même candidat à ces élections. On parle d'ailleurs du phénomène MK à ces élections car il a su convaincre malgré son inexpérience, en se hissant à la troisième place avec 14,6% des voix (plus de 2,3 millions d'électeurs) et probablement 58 sièges. Cela n'explique pas à lui seul l'érosion de l'ANC à qui manque encore un million d'électeurs. Le reste des sièges (57 sièges restants) est a priori à partager aux autres formations politiques qui ont obtenu moins de 5% des voix (avec peut-être quelques unités de différence dans les résultats pour les grands partis à la fin des calculs que ceux annoncés ici ; a priori ces résultats seraient définitifs).
Le dépouillement de ces élections a été très observé et de nombreux partis ont demandé un recomptage des bulletins. La prochaine étape, c'est l'élection présidentielle avec la nécessité pour Cyril Ramaphosa de trouver une majorité. Une nouvelle situation que oblige l'Afrique du Sud à rechercher le moyen de construire une coalition de plusieurs partis, cohérente et efficace, durable aussi, comme c'est le cas de tous les pays qui utilisent le scrutin proportionnel. L'enjeu pour l'Afrique du Sud est donc très élevé puisqu'il s'agit de la stabilité politique du pays le plus important du continent africain.