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  • Le 8 mai ou le 9 mai ?

    « La première victoire qui soit commune, c’est la victoire de l’Europe sur elle-même. (…) L’Europe, nous la faisons, nous aimons nos patries. Restons fidèles à nous-mêmes. Relions le passé et le futur et nous pourrons passer, l’esprit en paix, le témoin à ceux qui vont nous suivre. » (François Mitterrand, le 8 mai 1995 à Berlin).




     

     
     


    Ce jeudi 8 mai 2025, des milliers de communes, grandes mais aussi petites, des villages, des hameaux, vont organiser des rassemblements pour commémorer la victoire du 8 mai 1945. Se recueillir devant nos morts pour la France. Cette année est un peu particulière puisque c'est le 80e anniversaire de la Victoire, et c'est aussi l'une des dernières années où l'on pourra encore écouter des témoins directs de la Seconde Guerre mondiale, des anciens combattants, des anciens résistants, des anciens déportés, des survivants de ce passé si trouble, aux destinées très différentes selon la vie de chacun.

    C'est François Mitterrand qui a rétabli le jour férié au 8 mai. Auparavant, on avait estimé que le 11 novembre pouvait rassembler les deux fins de guerre, 1918 et 1945, afin de réduire les journées chômées. Mais les deux guerres étaient très différentes et ce n'est pas inutile que chaque année, les citoyens se penchent de façon distincte sur ces deux guerres.

    Cette année, le 8 mai, comme le 1er mai, tombe un jeudi, ce qui pourrait faire deux ponts prolongés avec seulement deux jours de congé (huit jours au total, deux fois jeudi à dimanche). Après tout, c'est mieux en mai ensoleillé qu'en novembre embrumé. Mais l'idée n'était pas de faire un pont ni de se prélasser au soleil. L'idée était de commémorer ces fins de guerre.

    Une polémique s'est instaurée à l'aide des désinformateurs professionnels soumis à Vladimir Poutine, selon laquelle il faudrait choisir entre le 8 mai et le 9 mai. Factuellement, c'est la capitulation allemande a eu lieu le 8 mai 1945 à 23 heures 01, et la reddition de l'armée du Reich fut signée le 7 mai 1945 à Reims. Mais Staline, en apprenant cela, a été rage de colère car il voulait une signature à Berlin que l'Armée rouge avait conquis. Une nouvelle signature a donc eu lieu à Berlin le 8 mai 1945 à 23 heures 16, heure de Berlin, un peu en différé puisque l'arrêt des combats avait eu lieu le 8 mai 1945 à 23 heures 01, heure de Berlin. Or, à cette heure-là, il était 1 heure 01 du matin du 9 mai 1945 à Moscou, d'où la date du 9 mai retenue par la Russie. Toutefois, Staline n'en a pas fait une journée nationale particulièrement festive, car la date rappelait trop les lourdes pertes humaines soviétiques dans cette guerre.

     

     
     


    Cette année, Vladimir Poutine a voulu en faire un enjeu d'influence internationale, notamment en invitant Lula, Xi Jinping, Sissi, et quelques autres. Il voudrait jouer à celui qui urine le plus loin, dans une sorte de surenchère de roi Ubu. Volodymyr Zelensky a prévenu qu'il ne garantissait pas la sécurité de Moscou pendant le 9 mai parce qu'il craignait une manipulation de Vladimir Poutine (en d'autres termes, un faux attentat à Moscou). Depuis plus de trois ans, l'Ukraine est agressée par la Russie de Vladimir Poutine et donc, par la faute de ce dernier, les deux pays sont en guerre.

    La fête organisée par Vladimir Poutine est un non sens historique. On devrait commémorer la fin de la guerre pour promouvoir la paix dans le monde. Mais dans ce cas-là, le Président de la Fédération de Russie voudrait montrer sa force militaire pour impressionner ses supposés ennemis dans un but guerrier et pas pacifique.


    Toutefois, je n'ai jamais été contre l'idée de faire une commémoration le 9 mai. Pour moi, c'est même une date plus importante que le 8 mai. Le 8 mai, c'est la sortie d'un enfer. Je conçois le 9 mai comme plutôt l'entrée dans un paradis. Paradis est un bien trop grand mot et il est un horizon inatteignable ; pour y aller, il y a d'abord un labyrinthe qui, parfois, nous faire revenir au point de départ, mais le chemin est là, le port est là, celui de la paix.

    Car le 9 mai, c'est avant tout le 9 mai 1950, les soixante-quinze ans maintenant de la célèbre déclaration de Robert Schuman qui a mis en place toutes les conditions pour la fondation de l'Europe dans le but, pas unique mais principal, d'être en paix. Et il faut dire qu'il a eu raison : les pays de l'Europe organisée, comme je l'appellerais, qui sont maintenant vingt-sept, six au départ (France, Allemagne, Italie et Bénélux), on peut rajouter le Royaume-Uni au fil des années, ont vécu en paix entre eux depuis quatre-vingt ans, et cela est inédit dans l'histoire des deux millénaires de notre vieux continent !

    En 2025, la situation est complètement différente de 1950 : aujourd'hui, on semble retourner dans une période d'avant-guerre, dans les années 1930, avec Vladimir Poutine dans le rôle de Hitler, Xi Jinping dans celui de Mussolini, Donald Trump dans celui de Chamberlain (lors des Accords de Munich). L'Ukraine devenant la nouvelle Tchécoslovaquie (le Donbass et la Crimée dans le rôle des Sudètes). En France, on n'est pas loin de 1936, les manifestations contre la réforme des retraites en 2023 faisant penser aux revendications du Front populaire. Ces Français qui ont manifesté sont, en grand partie, complètement déconnectés de la situation internationale actuelle très tendue (en Ukraine, à Gaza, en Syrie, au Cachemire, entre autres).

     

     
     


    Dans sa déclaration, Robert Schuman a énoncé le principe porteur d'une union de nations démocratiques et libres dans un cadre novateur institutionnellement très novateur et original : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. ». Et le meilleur concret, à l'époque, c'était l'énergie et l'industrie, c'est-à-dire, le charbon et l'acier : « La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l’Allemagne devient non seulement impensable, mais matériellement impossible. ». Ces prémices d'Europe allaient devenir la CECA, puis la CEE, enfin l'Union Européenne.

    Ce premier coup de génie était en fait inspiré de la réflexion de Jean Monnet. Le second coup de génie, c'était que l'union de l'Europe passait nécessairement par l'union entre la France et l'Allemagne : « Le rassemblement des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée. L’action entreprise doit toucher au premier chef la France et l’Allemagne. ».
     

     
     


    Justement, ce mercredi 7 mai 2025, Friedrich Merz, qui a été élu, la veille, Chancelier de l'Allemagne fédérale (seulement au second tour), a été reçu par le Président de la République française Emmanuel Macron à l'Élysée pour une première prise de contact officielle. Les deux hommes ont confirmé leur attention de relancer l'Europe par le renforcement politique du couple franco-allemand : « Nous voulons rendre notre partenariat plus stratégique, plus opérationnel, afin d’obtenir des résultats concrets pour nos concitoyens et pour l’Union. Nous exploiterons au maximum la coordination et le réflexe franco-allemands pour rendre l’Europe plus souveraine, en mettant l’accent sur la sécurité, la compétitivité et la convergence. La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a fait voler en éclats l’illusion selon laquelle la paix et la sécurité étaient garanties en Europe. Nous avons d’ores et déjà commencé à assumer une plus grande responsabilité pour notre propre sécurité, et nous allons en faire encore davantage. (…) Nous avons besoin de réformes pour garantir la stabilité de l’Europe. Au niveau interne, pour promouvoir la démocratie, l’état de droit et la capacité d’action de l’Union Européenne. Au niveau externe, pour nous préparer à l’élargissement et pour relever les défis géopolitiques, en nous appuyant également sur la Communauté Politique Européenne. 75 ans après la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950, nous sommes fiers de ce que les Européens ont accompli. Nous servirons, chaque jour, l’objectif de ces "réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait", et nous le ferons ensemble, la France et l’Allemagne, pour une Union Européenne plus souveraine et promouvant ses intérêts. ».

    Cette relance de la relation franco-allemand est donc une excellente nouvelle pour la défense de nos valeurs, notre sécurité et la paix en Europe. Cela annonce un véritable renouveau européen. À nous d'y prendre part.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le 8 mai ou le 9 mai ?
    La Victoire sur le nazisme.
    La Fête de l'Europe.
    Philippe De Gaulle.
    Auschwitz : soyons la mémoire de leur mémoire !
    Auschwitz aujourd'hui.
    La Nuit de la Shoah.
    Mauschwitz.
    Esther Senot.
    Pogrom à Amsterdam : toujours la même musique...
    Laura Blajman-Kadar.
    Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Elie Wiesel.
    Robert Merle.
    Le calvaire de Simone Veil.
    Anne Frank.
    Le nazisme.
    Mélinée et Missak Manouchian au Panthéon : pluie et émotion !
    Hommage du Président Emmanuel Macron à Missak Manouchian au Panthéon le 21 février 2024 (texte intégral et vidéo).
    Les Manouchian mercredi au Panthéon.
    Loi sur les génocides invalidée : faut-il s'en réjouir ?
    Michel Cherrier.
    Léon Gautier.
    Claude Bloch, passeur de mémoire.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250508-huit-mai.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/le-8-mai-ou-le-9-mai-260493

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/07/article-sr-20250508-huit-mai.html

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  • Saint Esprit et conclave

    « Notre foi est une chose vivante parce qu’elle marche main dans la main avec le doute. S’il n’y avait que la certitude, et que le doute n’existait pas, il n’y aurait pas de mystère, et donc la foi ne serait pas nécessaire. » (Robert Harris, le 1er juin 2017).


     

     
     


    À la suite de la mort du pape François le 21 avril 2025, les cardinaux sont appelés à élire leur nouveau pape. Cela va se passer au cours du conclave qui commencera ce mercredi 7 mai 2025 à 16 heures 30 dans la Chapelle Sixtine au Vatican.

    L'élection d'un pape est toujours un événement mondial et peut influer sur le cours des événements internationaux. Si le pape n'a plus aucun pouvoir temporel, et c'est heureux, il garde, même au-delà des croyants, une influence morale très forte. Les conclaves sont assez rares et souvent surprenants. Ainsi, l'élection de Jean XXIII, de Jean-Paul I
    er, de Jean-Paul II et celle du pape François ont été des surprises de taille. Celle de Benoît XVI l'était moins dans la mesure où succéder à Jean-Paul II nécessitait beaucoup d'assurance et d'expérience et peu de cardinaux s'en sont sentis capables.

    Je reviens très rapidement sur la désinformation totalement irréelle d'une supposée volonté du Président de la République française Emmanuel Macron d'influer sur l'issue du conclave, ce qui est assez stupide quand on connaît l'organisation du conclave. Et cela uniquement en surinterprétant deux repas diplomatiques complètement ordinaires pris à Rome lors des funérailles du pape François. L'Élysée a d'ailleurs démenti fermement en parlant de fausse information et en rappelant simplement le 2 mai 2025 sur Twitter :
    « En déjeunant avec les cardinaux français, le Président de la République s’est conformé aux usages républicains en vigueur et respectés par ses prédécesseurs après les funérailles d’un pape. Ces manipulations de l’information ne sont pas dignes. ».

    D'ailleurs, l'un des convives du déjeuner, le cardinal François-Xavier Bustillo, évêque d'Ajaccio, a pris la défense du chef de l'État le 2 mai 2025 sur la chaîne catholique KTO :
    « Nous sommes dans une démarche d'amitié et de respect, nous sommes dans le pays de la fraternité ; il n'y a donc aucun conditionnement. Je ne comprends donc pas pourquoi il y a des polémiques. Le Président de la République n'a pas dit aux cardinaux français ce qu'ils doivent faire, et comment et qui doivent-ils voter. Nous sommes libres et responsables, du côté du Président et du côté des cardinaux. ». Un autre cardinal convive a confirmé : « La France est un État laïc. Nous avons été invités. C’est tout à fait normal. Les manœuvres en vue du conclave n’ont pas été abordées. ». Et même Guillaume Tabard, éditorialiste au journal "Le Figaro" et peu suspect de macronisme, a pu témoigner sur place : « Emmanuel Macron n’a tenu aucun propos visant à exprimer sa volonté de voir triompher une ligne plutôt qu’une autre. ». Mais ce qu'on reproche à Emmanuel Macron de manière fausse et mensongère, on ne le reprocherait pas au roi du populisme outre-Atlantique...
     

     
     


    En effet, depuis le 21 avril 2025, ce qu'on a appelé en France l'Internationale des réactionnaires cherche à militer pour l'élection d'un pape dit conservateur. Donald Trump lui-même, le Président des États-Unis, n'a pas hésité à donner son grain de sel auprès de journalistes qui lui posaient la question, et il leur a répondu le 29 avril 2025 : « J'aimerais être pape. Ce serait mon premier choix ! ». Puis, plus sérieusement : « Je ne sais pas. Je n’ai pas de préférence. Je dois dire que nous avons un cardinal qui se trouve être à un endroit appelé New York, qui est très bon. Nous verrons ce qui se passera. ». Mgr Timothy M. Dolan (75 ans), ami de Donald Trump, est l'archevêque de New York depuis le 23 février 2009.
     

     
     


    Audace, humour, provocation ...ou vulgarité, Donald Trump s'est même mis à la place du souverain pontife en diffusant le 2 mai 2025 sur son compte officiel des réseaux sociaux l'image que j'ai mise en début d'article, générée par intelligence artificielle. Beaucoup de catholiques ont été choqués par ce narcissisme irrespectueux du pape disparu, notamment en Italie (et le cardinal Dolan n'a pas apprécié l'image), mais le plus choquant est que Donald Trump souhaiterait vraiment influer sur le conclave, il ne s'en est pas caché, mais n'en a pas vraiment les moyens. S'il avait été catholique, il aurait pu imaginer se faire élire pape puisqu'en principe, n'importe quel catholique, y compris un non-religieux, peut se faire élire, même si depuis 1389, les papes élus le sont parmi les cardinaux électeurs. J. D. Vance a donc ses chances.

    Revenons aux cardinaux. Chaque jour depuis la mort du pape, les cardinaux présents à Rome se sont réunis en congrégations générales, de plus en plus remplies au fur et à mesure que les cardinaux sont arrivés au Vatican. Tous les cardinaux, y compris les cardinaux non électeurs, ont pu participer à ces temps de prières et de réflexions.
     

     
     


    Qui va voter au conclave ? Depuis la décision de Paul VI du 1er octobre 1975, seuls les cardinaux âgés de moins de 80 ans peuvent être électeurs du pape et en principe, il ne peut y avoir plus de 120 cardinaux électeurs. Le Collège des cardinaux, qui s'appelait le Sacré Collège avant le 27 novembre 1983, regroupe l'ensemble des cardinaux. Ils sont au total 252, mais seulement 135 cardinaux ont moins de 80 ans au 21 avril 2025. Malgré la règle édictée en 1975, chaque nouveau consistoire (création de nouveaux cardinaux) engendre un nombre supérieur à 120 de cardinaux électeurs. Ainsi, au dernier consistoire le 7 décembre 2024, il y a eu 140 cardinaux électeurs et il aurait fallu attendre le 21 avril 2026, sans nouveau consistoire, pour que le nombre retombât à 120. Toutefois, malgré le surnombre, l'ensemble des cardinaux électeurs voteront. C'est nouveau car à l'élection des deux précédents papes, la limite avait été respectée.

    Le plus jeune est le cardinal australien Mykola Bytchok, qui a 45 ans. Les deux plus âgés ont donc un peu moins de 80 ans : le cardinal guinéen Robert Sarah est né le 15 juin 1945 et va avoir 80 ans dans un mois ; le cardinal Carlos Osoro Sierra, archevêque de Madrid, va avoir 80 ans le 15 mai 2025, soit 80 ans dans quelques jours (mais il restera électeur jusqu'à la fin du conclave, d'une part parce qu'il n'a pas le droit d'en sortir avant l'élection du pape, d'autre part c'est l'âge à la mort du précédent pape qui est pris en compte).
     

     
     


    Des 135 cardinaux électeurs, selon 133 cardinaux vont voter au conclave (les deux autres seront absents). Sur ces 133 cardinaux, une très grande majorité (les quatre cinquièmes), à savoir 108, ont été créés par le pape François ; 5 par Jean-Paul II et 20 par Benoît XVI. À noter que le cardinal lyonnais Philippe Barbarin est donc l'un des rares à avoir été créés par Jean-Paul II (le 21 octobre 2003).

    C'est donc un électorat de cardinaux principalement façonné par le pape François. Mais cela ne veut pas dire qu'ils aient la même option... "politique" (?), à savoir, progressiste ou conservatrice (voir plus loin). Le pape François ne cherchait pas forcément à nommer des cardinaux qui pensaient comme lui (humilité, simplicité, douceur) mais a surtout voulu représenter l'ensemble du monde en rééquilibrant l'origine géographique des cardinaux électeurs. Ainsi, sur les 133 électeurs, il y a 52 cardinaux en Europe dont 17 en Italie et 5 en France ; 23 en Asie dont 4 en Inde, 3 aux Philippines, 2 au Japon et 1 en Chine ; 16 en Amérique du Nord dont 10 aux États-Unis ; 4 en Amérique centrale ; 17 en Amérique du Sud dont 7 au Brésil et 4 en Argentine ; 17 en Afrique et 4 en Océanie.

     

     
     


    Comme indiqué précédemment, deux cardinaux électeurs ne seront pas présents au conclave : Mgr Antonio Canizares Llovera, ancien archevêque de Valence (en Espagne), qui est malade et Mgr John Njue, ancien archevêque de Nairobi, dont j'ignore encore la raison. En effet, au-delà d'un changement de date de naissance officielle (l'état-civil des pays africains est parfois peu rigoureux), ce cardinal a été déclaré absent car malade, mais dans une interview datée du 6 mai 2025, Mgr John Njue a déclaré dans un journal kényan "Daily Nation" : « Honnêtement, je ne sais pas pourquoi j'ai été exclu du conclave, je ne comprends pas la raison. (…) Ceux qui se rendent là pour l'élection reçoivent généralement des invitations officielles et cela n'a pas été le cas pour moi. (…) Ce n'est pas pour des raisons de santé, vraiment, c'est difficile à commenter. ». Il lui a été répondu qu'il n'avait pas besoin d'invitation pour se rendre au conclave dont il est membre de droit, mais qu'il ne s'y rendrait pas pour raison de santé (ce que le cardinal a pourtant démenti).

    Un 136e cardinal aurait pu être électeur en raison de son âge (76 ans), Mgr Giovanni Angelo Becciu, mais à cause d'un scandale financier qui l'a condamné à cinq ans et demi de prison pour détournement et mauvaise gestion de fonds (il a fait perdre au Vatican autour de 150 millions d'euros en tant que substitut pour les affaires générales), Mgr Giovanni Angelo Becciu a été déchu de son droit d'électeur par le pape François, et après une velléité de participer quand même au conclave, le cardinal y a renoncé le 28 avril 2025 après la publication de lettres du pape François l'excluant.
     

     
     


    A priori, un cardinal n'a pas le droit de voter pour lui-même. Un premier vote aura lieu le 7 mai 2025, puis, chaque jour, il peut y avoir jusqu'à quatre votes. Pour que l'élection soit acquise, il faut une majorité des deux tiers, ce qui est beaucoup. Au bout du treizième tour, si aucun pape n'a été encore élu, la majorité absolue suffit. Les bulletins d'un scrutin sont brûlés, la fumée qui s'échappe est noire jusqu'à l'élection d'un pape, avec la fumée blanche. C'est le protodiacre, à savoir le cardinal français Dominique Mamberti qui annoncera l'élection du pape par le célèbre Habemus Papam ! Notons qu'à l'élection du pape François, ce fut aussi un cardinal français, Mgr Jean-Louis Tauran (1943-2018) qui a proclamé les résultats.

    Dès l'annonce de la mort du pape François, les spéculations ont prospéré sur l'identité du futur pape et la principale réflexion s'est portée sur : le futur pape sera-t-il un continuateur du pape François comme pape d'ouverture, ou sera-t-il, au contraire, replié sur l'Église, un pape dit conservateur, gardien du temple dogmatique ?

    Mais on voit bien que cette question, qui est importante pour l'avenir de l'Église catholique, n'est cependant pas la plus cruciale. En élisant un pape, les cardinaux élisent d'abord un homme, une personne, avec ses qualités, et ses défauts. Ainsi, il faut d'abord comprendre que tous ces cardinaux se connaissent très peu, à part les Italiens ou, plus généralement, les Européens qui sont nombreux et proches géographiquement.
     

     
     


    Ensuite, il faut imaginer qu'au fil de leurs réunions à huis clos, les cardinaux vont définir, esquisser la figure du futur pape. Quels devront être ses caractéristiques ? Par exemple, au lieu d'être un "conservateur" (évalué à 30% du collège électeur) ou un "progressiste" (évalué à 25%), le futur pape devra surtout être un rassembleur capable de maintenir dans une Église unifiée l'ensemble des progressistes et des conservateurs, ce qui demande un certain don pour la diplomatie.
     

     
     


    Les cardinaux peuvent aussi souhaiter que le futur pape soit élu pour des missions particulières : par exemple, si l'objectif est de renouer avec l'Église orthodoxe (et laquelle ? celle de Moscou ?), ce n'est pas la même chose que de raffermir les liens avec l'islam. Ainsi, l'un des cardinaux les plus aptes à entretenir des relations avec les musulmans serait un cardinal à la fois algérien et français, Mgr Jean-Paul Vesco (63 ans), archevêque d'Alger, qui ne fait pourtant pas partie de la (longue) liste des papabili (papes possibles). Remarquons que ce cardinal ne fait pas partie des cinq cardinaux français.

    L'ouverture sur le monde moderne est aussi un enjeu majeur du prochain pontificat, même si le pape François avait déjà commencé. Cela peut aussi signifier la poursuite d'une opération vérité sur les abus sexuels trop longtemps soumis au silence dans les Églises nationales (le travail a été entrepris en France, aussi dans quelques autres pays, mais dans pas assez de pays).
     

     
     


    Le choix de l'origine géographique peut aussi être un élément majeur de l'élection. Ainsi, on peut imaginer le premier pape d'Afrique subsaharienne, ou le premier pape asiatique (chinois, pourquoi pas ?), etc. Ou au contraire, un retour à un pape italien pour s'occuper des affaires romaines et réformer la Curie, comme Mgr Mateo Maria Zuppi, l'archevêque de Bologne et président de la Conférence des évêques d'Italie.

    Cette liste des papabili est officieuse et ne repose que sur des ressentis de journalistes, un peu comme la liste des futurs ministres lors d'un changement de gouvernement ! Elle donne néanmoins une petit indication sur les enjeux. Celui qui a le plus de probabilité d'être élu serait Mgr Pietro Parolin, Secrétaire d'État du Vatican (l'équivalent de Premier Ministre), un très proche du pape François, le numéro un des cardinaux dans l'ordre protocolaire ; il jouerait le rôle d'une continuité rassurante comme l'a fait Benoît XVI pour succéder à Jean-Paul II.

    Il y a aussi des papabili considérés comme "conservateurs", tels que Mgr Robert Sarah (de Guinée), Mgr Peter Turkson (du Ghana) et Mgr Peter Erdo (de Hongrie). Ou encore des papabili d'Asie : Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille (Philippines), très proche aussi du pape François, ou Charles Maung Bo, archevêque de Rangoun (Birmanie).

    Enfin, terminons sur un papabile français, Mgr Jean-Marc Aveline, l'archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêque des France. Sa montée dans l'Église a été très rapide, aidée du pape François. Marseillais, d'un naturel très chaleureux, Mgr Jean-Marc Aveline avait eu l'honneur d'accueillir le pape François il y a un an et demi (en septembre 2023).
     

     
     


    Mais la plus grande surprise serait surtout qu'il n'y ait pas de surprise et que le pape soit choisi parmi ceux dont la liste de papabili vient d'être proposée. Les débats au sein du conclave sont secrets et le mystère devra rester ce qu'il est. De l'extérieur, on ne pourra pas donc suivre le cheminement qui aura abouti au choix d'un candidat précis, sur lequel une majorité de cardinaux se sera mis d'accord. L'élection improbable de René Coty à la Présidence de la République française, élu au treizième tour le 23 décembre 1953, montre à quel point chaque tour de scrutin peut complètement changer la situation.

    La tâche de choisir le nouveau pape est ardue, compliquée, angoissante. C'est pourquoi on dit généralement que les cardinaux électeurs vont s'imprégner, se laisser guider par le Saint Esprit. Pour le meilleur ...et le meilleur.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Saint Esprit et conclave.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Le pape François, centre du monde !
    Émotion mondiale pour la mort du pape François.
    Pâques : Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !
    Mgr Jean-Marc Aveline.
    Inquiétudes sur la santé du pape François.
    Le pape François en Corse : la vie en rose !
    Le voyage du pape François en Corse (Ajaccio) en direct live ce dimanche 15 décembre 2024 (vidéo).
    Autonomie de la Corse : y a-t-il un risque de séparatisme ?
    Notre-Dame de Paris, capitale du monde !
    Pourquoi a-t-on assassiné le père Popieluszko ?
    Les 98 ans de Sœur Marguerite.
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    Assomption : pourquoi le 15 août est-il férié ?
    Le pape François à Marseille (1) : ne pas légiférer sur l'euthanasie.
    Le voyage du pape François à Marseille (22 et 23 septembre 2023).
    Mgr Jacques Gaillot.
    Mgr Albert Decourtray.

    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250504-conclave.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/saint-esprit-et-conclave-260828

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/04/article-sr-20250504-conclave.html


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  • Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?

    « Durant tout son pontificat, [le pape François] a été aux côtés des plus vulnérables et des plus fragiles, avec beaucoup d'humilité. Et un sens tout particulier de l'autre, en ces temps de guerres et de brutalités. » (Emmanuel Macron, le 21 avril 2025).





     

     
     


    Décidément, on ne prête qu'aux riches ! On prête de l'influence aux gens qui sont réellement influents dans la scène internationale. Pas étonnant alors que des rumeurs provenant de l'extrême droite italienne font état de la volonté du Président Emmanuel Macron d'avoir une part d'influence sur le déroulement du conclave qui va commencer le 7 mai 2025 pour désigner le successeur du pape François.

    Il faut dire que le contexte était favorable aux rumeurs. Le conclave lui-même, assemblée opaque dont il ne doit rien sortir, aucune indiscrétion, aucune fuite, les cardinaux sont mis d'ailleurs à rude épreuve de nos jours, isolés de leur smartphone et du monde extérieur. Le Vatican aussi, cité secrète, mystérieuse, où se noueraient et dénoueraient pas mal de choses en sous-main.


    Ensuite, la politique. Jamais sans doute l'élection d'un pape n'a eu une connotation aussi politique que cette fois-ci. On a reproché au pape François d'avoir simplement prêché l'Évangile en exhortant les gouvernements d'accueillir les réfugiés étrangers qui ont quitté, parfois au risque de leur propre vie, leur pays en proie à la guerre, à la répression ou à la misère économique.

    C'était pourtant son rôle, le rôle d'un chrétien de rappeler où est l'important, où est l'essentiel. Il faut dire que le pape n'est pas dépendant d'une stratégie électoraliste, il n'a pas à se faire élire, à séduire ceux qui seraient angoissés, inquiets de toute immigration par manque de confiance en eux, par difficulté de connaître leur propre identité. Là où certains, parmi les politiques, s'adressent aux sentiments de peur et de haine, le pape, simplement, s'adresse au cœur.

     

     
     


    Un article d'Allan Kaval, le correspondant du journal "Le Monde" à Rome, publié ce jeudi 1er mai 2025, résume ainsi la rumeur venant d'une « partie de la presse italienne », devenue ensuite plus clairement « la presse italienne de droite » : « De labyrinthiques intrigues françaises seraient en train de parasiter le processus de désignation du futur pape. Depuis la mort de François, le 21 avril, des titres proches du gouvernement de Giorgia Meloni spéculent ainsi sur les desseins d’Emmanuel Macron, accusé de mettre en œuvre une stratégie visant à pousser ses candidats sur le trône de saint Pierre. ».

    Ainsi, le journaliste a cité quelques titres ou expressions de cette presse proche de la Présidente du Conseil italienne Giorgia Meloni : « Macron veut même choisir le pape » ("La Verità") ; « Macron s'incruste même dans le conclave » ("Libero") ; « l'interventionnisme digne d'un roi Soleil » ("Il Tempo"), etc.

    La chef du gouvernement italien, qui a mis beaucoup d'eau (bénite ?) dans son vin (de messe ?), était en différend idéologique avec le pape sur la manière d'appréhender le problème des réfugiés arrivant en Europe (et principalement en Italie) par la Méditerranée. On se souvient d'ailleurs que c'était le premier voyage extérieur du pape François après son élection, Lampedusa, et il a n'a jamais cessé de rappeler la nécessité d'accueillir les réfugiés, encore notamment à Marseille et même à Ajaccio, lors de ses deux (derniers) voyages en France.

    Comme il faut quand même quelques arguments pour étayer ces affirmations péremptoires, quels sont-ils ? Seulement deux faits qui sont particulièrement faibles et sans vraiment de conséquence, pour expliquer des telles rumeurs sinon par haine politique du Président français. Ainsi, il s'agit simplement de deux repas auquel Emmanuel Macron a participé lors de sa venue à Rome pour l'enterrement du pape François. Des repas qui sont d'ailleurs très ordinaires dans un agenda présidentiel qui s'attache, à l'étranger, à rencontrer à la fois ses hôtes mais aussi ses compatriotes.

     

     
     


    Un premier déjeuner a eu lieu à l'ambassade de France au Vatican le 26 avril 2025, juste après les obsèques papales, au cours duquel le chef de l'État français a réuni quatre des cinq cardinaux français en capacité de voter au conclave, à savoir Mgr Jean-Marc Aveline (l'archevêque de Marseille et nouveau président de la Conférence des évêques de France), Mgr Philippe Barbarin (ancien archevêque de Lyon), Mgr Christophe Pierre (nonce apostolique aux États-Unis ; un nonce, c'est un ambassadeur du Vatican), et Mgr François Bustillo (évêque d'Ajaccio).

    Le second repas, c'est le dîner qui a eu lieu le 25 avril 2025 avant l'enterrement du pape, au restaurant très réputé Dal Bolognese de la piazza del Popolo, qui a réuni Emmanuel Macron et l'historien italien Andrea Riccardi, dont il est proche. Ancien ministre de la Coopération internationale et de l'Intégration de novembre 2011 à mars 2013 (et lauréat du Prix Charlemagne en 2009), Andrea Riccardi a fait partie des candidats possibles à la Présidence de la République italienne en janvier 2022, mais il a été surtout le cofondateur (très jeune) de la Communauté de Sant'Egidio, un mouvement catholique très proche du pape François, regroupant 70 000 membres laïques dans 74 pays. Ce mouvement a été créé le 7 février 1968 dans la suite du concile Vatican II pour lutter contre la pauvreté et promouvoir la paix dans le monde, et a deux branches, une activité caritative (aide aux plus démunis), et une activité diplomatique (médiation dans des conflits internationaux, particulièrement présent en Afrique).

    L'un des membres de ce mouvement n'est autre que le cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et président de la Conférence des évêques d'Italie (en quelque sorte, l'alter ego de Mgr Jean-Marc Aveline), qui est aujourd'hui parmi les prélats susceptibles d'être élus pape, proche du pape François. Il a pris des positions publiques en faveur des réfugiés mais aussi contre les projets de révision de la Constitution du gouvernement Meloni, ce qui a bien sûr agacé les dirigeants italiens actuels.


    Du reste, le mouvement de Sant'Egidio a réagi à ces rumeurs italiennes en expliquant qu'elles étaient infondées et que le Président français cherchait juste à « comprendre le processus, pas à l'influencer ».

    Ce qui est d'ailleurs révélateur, c'est que les journalistes italiens médisants ne sont pas parvenus à apporter une certaine cohérence à leurs rumeurs, puisque pour les uns, Emmanuel Macron comploterait en faveur de Mgr Jean-Marc Aveline, cardinal français plein d'avenir, et pour les autres, en faveur de Mgr Matteo Zuppi. Il faudrait d'abord se mettre d'accord avant d'attaquer stupidement le Président de la République française.
     

     
     


    Ce dont je suis sûr, en revanche, c'est que tous les cardinaux électeurs qui participeront au conclave, et qui, pour la plupart, vont découvrir autant que les non cardinaux ce processus particulièrement intense de désignation du nouveau pape, sont tous porteurs à la fois d'une certaine gravité (angoisse de choisir le bon cardinal) et d'une certaine détermination qui suppose qu'ils ne se laisseront évidemment pas influencer par des personnalités extérieures, quelles qu'elles soient.

    Quant aux risques de divisions des cardinaux durant le conclave, entre supposés conservateurs et supposés progressistes, je pense que c'est imaginer et projeter un filtre politique qui n'existe pas forcément au sein de l'Église catholique qui a elle-même d'autres enjeux. Mais j'en reparlerai certainement.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Le pape François, centre du monde !
    Émotion mondiale pour la mort du pape François.
    Pâques : Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !
    Mgr Jean-Marc Aveline.
    Inquiétudes sur la santé du pape François.
    Le pape François en Corse : la vie en rose !
    Le voyage du pape François en Corse (Ajaccio) en direct live ce dimanche 15 décembre 2024 (vidéo).
    Autonomie de la Corse : y a-t-il un risque de séparatisme ?
    Notre-Dame de Paris, capitale du monde !
    Pourquoi a-t-on assassiné le père Popieluszko ?
    Les 98 ans de Sœur Marguerite.
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
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    Assomption : pourquoi le 15 août est-il férié ?
    Le pape François à Marseille (1) : ne pas légiférer sur l'euthanasie.
    Le voyage du pape François à Marseille (22 et 23 septembre 2023).
    Mgr Jacques Gaillot.
    Mgr Albert Decourtray.

    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.


     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250501-macron-vatican.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/emmanuel-macron-veut-il-influencer-260781

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/01/article-sr-20250501-macron-vatican.html


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  • Le pape François, centre du monde !

    « En se tournant vers le sud, vers les plus pauvres, en tournant le dos à l’Europe, pas seulement à la France à qui il reprochait son modèle laïque, et en décembre dernier encore à Ajaccio, en Corse, François a désoccidentalisé l’Église, pendant que l’Occident continuait de se déchristianiser. » (Patrick Cohen, le 22 avril 2025 sur France Inter).




     

     
     


    Il n'a pas fallu attendre longtemps pour entendre dans certains médias français des critiques virulentes contre le pape François qui vient de mourir ce lendemain de Pâques 2025 à l'âge de 88 ans des suites d'un AVC. Certains parlent d'un pape autoritaire, qui n'écoutait personne, pas du tout diplomate.

    La journaliste Catherine Nay l'a rappelé brutalement sur CNews lorsque, dans un avion, le pape disait aux Ukrainiens que ce serait courageux d'arrêter la guerre et de venir avec un drapeau blanc devant l'ennemi. Ce n'était pas très malin car c'est aujourd'hui le discours de Donald Trump qui oublie qu'il y a dans cette histoire un agresseur affamé et que si on lui donne ce qu'il veut aujourd'hui, il en voudra encore plus demain. Malheureusement, les leçons de l'histoire ne sont jamais comprises à temps.

    Mais pour le coup, effectivement, le pape François n'était pas diplomate, ce n'était pas son job. Il devait au contraire être franc face aux puissants, leur rappeler ce que le monde a de misères et qu'il faut le transformer, l'améliorer, ne pas rester insensible à la misère humaine, bannir la froide logique comptable.

     

     
     


    Sur l'accueil des réfugiés, le pape était non seulement dans la tradition de l'Église catholique mais dans les valeurs fondamentales de la foi chrétienne : on doit accueillir toutes les personnes qui sont dans le besoin. François n'était pas un dirigeant politique, il n'était pas un capitaine d'industrie, il était d'abord un humble qui se préoccupait d'autres humains.
     

     
     


    Une petite citation papale permettra de remettre un peu à l'endroit quelques personnalités particulièrement hypocrites qui pleurent officiellement François tout en faisant ou en prônant exactement le contraire : « C'est de l'hypocrisie de se dire chrétien et de chasser un réfugié ou quelqu'un qui cherche de l'aide, quelqu'un qui a faim ou soif, de rejeter quelqu'un qui a besoin de mon aide… Si je dis que je suis chrétien, mais que je fais ces choses, je suis un hypocrite. ». C'est sûr, ce n'était pas diplomate, il n'avait pas des électeurs un peu obtus à convaincre, mais ceux à qui ces paroles s'adressaient l'avaient bien cherché.
     

     
     


    Et puis, il y a les critiques CNews, à l'instar d'un Philippe de Villiers qui considérait le pape comme un défenseur du wokisme. C'est totalement injustifié puisqu'à gauche, au contraire, on a critiqué François d'avoir boudé la France de François Hollande à cause du mariage pour tous (adopté quelques semaines après le début de son pontificat), d'avoir reproché à Emmanuel Macron d'avoir introduit l'IVG dans la Constitution et, plus généralement, comme l'a constaté l'éditorialiste Patrick Cohen le 22 avril 2025 sur France Inter, le pape regrettait le modèle laïque de la France qui, pourtant, me paraît en totale conformité avec la parole du Christ : « Rends donc à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ! », phrase retranscrite par les trois évangélistes Marc, Matthieu et Luc.

    En s'adressant d'abord à l'humanité qui est en nous, le pape François a forcé les doctrines, a forcé les réflexes identitaires, a forcé les vieilles réactions automatiques. Il ne partait ni de la politique comme Jean-Paul II, ni de la théorie, des principes comme Benoît XVI, mais simplement de la réalité humaine tout aussi imparfaite que Dieu est en principe parfait.

     

     
     


    C'était par exemple très clair pour la bénédiction des couples homosexuels. En quoi cela gêne-t-il quelqu'un dès lors que deux êtres s'aiment par consentement mutuel ? François n'y voit qu'amour quand d'autres y voient l'angoisse de leur manque de confiance en eux. Comme pour les personnes divorcées ou même non mariés, j'ai connu des prêtres qui savaient bénir un couple de personnes qui vivaient, ...dirons-nous, "dans le péché", parce qu'elles s'aimaient, mais pas comme le voudrait l'Église, et cela bien avant l'arrivée de François.
     

     
     


    Le Vatican a publié le testament du pape François, ou plutôt, ses dernières volontés faites d'humilité et de piété. Daté du 29 juin 2022, le texte explique ainsi la préférence du pape : « Le tombeau doit être en terre, simple, sans décoration particulière et avec la seule inscription : Franciscus. ». Ainsi, il ne sera pas mentionné pour la postérité qu'il fût pape ni les dates. Contrairement aux autres papes traditionnellement enterrés à la Basilique Saint-Pierre depuis trois cents ans, François a choisi une église (à peine) plus modeste, la Basilique Sainte-Marie-Majeure.
     

     
     


    Avant le début du conclave qui commencera le 6 mai 2025 et qui sera très important puisque chargé d'élire le nouveau pape, il y a une date très importante, le samedi 26 avril 2025 à Saint-Pierre de Rome. Ce sera en effet le jour des obsèques du pape François.

    Enterrer un pape est relativement peu fréquent. La dernière fois remonte à plus de vingt ans, avec le pape Jean-Paul II dont les funérailles ont eu lieu le 8 avril 2005. Celles-ci ont réuni dans un large hommage de nombreux chefs d'État et de gouvernement du monde entier, en particulier Jacques Chirac (France), Carlo Ciampi (Italie), George W. Bush (États-Unis), Juan Carlos (Espagne), Albert II (Belgique), etc. En tout, 110 avions d'État et 60 avions civils furent accueillis dans trois aéroports romains pour faire venir toutes les délégations du monde entier.
     

     
     


    Pour le pape François, cela promet aussi d'être un grand rassemblement. Sont déjà annoncés Donald Trump, Emmanuel Macron (rentré de La Réunion), Giorgia Meloni, Volodymyr Zelensky, etc. En revanche, Vladimir Poutine, sous le coup d'un mandat international, ne fera pas le déplacement car il a piscine.

    Certes, François n'était pas diplomate, mais peut-être parviendrait-il à aider à la concorde mondiale en réunissant autour de sa dépouille autant de dirigeants politiques. Il pourrait ainsi, après sa mort, contribuer à retrouver la paix dans certaines régions du monde particulièrement touchées par la guerre et la lâcheté.

     

     
     


    Après tout, si Jorge Mario Bergoglio a choisi son nom de pape François, en référence à saint François d'Assise, c'était parce qu'il voulait la paix mondiale : « François est le nom de la paix, et c'est ainsi que ce nom est venu dans mon cœur. ». Ajoutant au moment de son élection : « Je voudrais une Église pauvre, pour les pauvres. ». Espérons que son successeur soit sur la même longueur d'onde. Et tant pis pour Wall Street !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le pape François, centre du monde !
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    Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !
    Mgr Jean-Marc Aveline.
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    Assomption : pourquoi le 15 août est-il férié ?
    Le pape François à Marseille (1) : ne pas légiférer sur l'euthanasie.
    Le voyage du pape François à Marseille (22 et 23 septembre 2023).
    Mgr Jacques Gaillot.
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    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250422-pape-francois.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/le-pape-francois-centre-du-monde-260611

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  • Emmanuel Macron sur le front du commerce international

    « Je vais être clair, on ne peut pas demander à nos industriels de faire des transitions, ce que vous faites toutes et tous, et ne pas les protéger et en quelque sorte laisser de la concurrence déloyale s'installer. » (Emmanuel Macron, le 3 avril 2025 à l'Élysée).



     

     
     


    L'un des principaux arguments de campagne du Président de la République Emmanuel Macron pour sa réélection en 2022 fut qu'il était le Président des crises et qu'il était le mieux à même de réagir face à des crises majeures. L'argument était valable pour son premier quinquennat avec la crise des gilets jaunes, la crise du covid-19, la crise énergétique et inflationniste provoquée notamment par la guerre en Ukraine.

    Pour son second quinquennat, on avait déjà quelques échantillons de gestion de crise dont le principal est la crise de la défense européenne, une défense européenne mise à mal d'abord par l'agression de Vladimir Poutine en Ukraine puis par l'abandon de la protection américaine par Donald Trump.

    Et décidément, Donald Trump, en moins de trois mois de mandat, a profondément modifié l'image des États-Unis dans le monde en devenant un État voyou, incapable de respecter ses engagements, jouant sur l'intimidation, les rapports de force et même la force pour arriver à ses fins. On pensait que l'humiliation de Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche le 28 février 2025 avait été le sommet du n'importe-quoïsme trumpien, mais c'était oublier son obsession pour les taxes douanières.

    En annonçant la fermeture des frontières commerciales le 2 avril 2025, Donald Trump a fait fort en provoquant un krach boursier (durable ou pas ?) et des perspectives économiques mondiales particulièrement pessimistes, certains allant jusqu'à envisager, avec la réduction des échanges commerciaux mondiaux, une baisse du PIB mondial de 7 points ! Inflation, chômage, perte de marché... Donald Trump tire le monde vers son désastre, ce qui donne un peu plus de pertinence à la voix de la France depuis toujours qui répète qu'il faut une alliance avec les États-Unis, mais aussi une grande liberté vis-à-vis de ce grand pays dont l'Europe ne doit plus dépendre, et même le monde en général.


    Les dix derniers jours (2 au 11 avril 2025) ont été particulièrement chaotiques et révèlent un véritable problème de santé mentale de la part du Président des États-Unis, puisqu'il a joué au yoyo avec les taxes douanières (sauf pour la Chine), rendant la parole de l'Amérique absolument plus fiable tant sur le plan économique que sur le plan diplomatique. Ce mélange de narcissisme, de vulgarité, de brutalité, d'intimidation, de vénalité, aussi de naïveté, rend le monde moins sûr, plus incertain, plus inquiétant. Sans oublier les soupçons de délit d'initié pour profiter de l'effondrement des bourses mondiales.
     

     
     


    Face à ce monde en profonds bouleversements, profonds et chaotiques, heureusement que le peuple français peut compter sur son Président Emmanuel Macron. Dès le lendemain du fameux jour du 2 avril 2025, en moins de vingt-quatre heures, le chef de l'État a su réunir l'ensemble des industriels français fortement impactés par les mesures de Donald Trump afin de définir une stratégie française et également européenne. Ce volontarisme politique, économique et diplomatique d'Emmanuel Macron est salutaire pour la France, sa grandeur, sa fierté. Un peu plus tard, en se rendant en Égypte, le Président français a aussi tenté d'influer sur le cours des événements au Proche-Orient en n'hésitant pas à annoncer sa volonté d'accélérer la création de l'État palestinien.

    Mais je veux surtout revenir sur cette réunion du jeudi 3 avril 2025 au Palais de l'Élysée, à l'initiative d'Emmanuel Macron et avec la participation notamment du Premier Ministre François Bayrou et du Ministre de l'Économie et des Finances Éric Lombard. Emmanuel Macron a fait une courte intervention à l'intention des acteurs économiques français.
     

     
     


    Qu'a-t-il dit ? Il a présenté la situation économique mondiale actuelle (qui est en ce moment très mouvante, susceptible de changer radicalement de direction d'une journée à une autre) : « Il était important que nous puissions nous retrouver le plus rapidement possible après les annonces de la nuit dernière du Président Trump qui sont un choc pour le commerce international, pas simplement pour l'Union Européenne, la France, mais pour le bon fonctionnement du commerce. Ceci implique évidemment une mobilisation française et européenne. (…) En tout cas, je veux ici dire très clairement pour les entrepreneurs et l'ensemble des salariés de ces secteurs que nous serons à leurs côtés pour apporter des réponses concrètes. ».

    L'objectif de cette première rencontre entre l'Exécutif et les entreprises exportatrices vers les États-Unis, c'est de commencer à déterminer les conséquences réelles dans chaque secteur et à discuter sur la réorganisation à opérer et sur la riposte européenne. En particulier, il s'agirait de mieux taxer les services numériques (en clair, les GAFAM), provenant surtout des États-Unis, mais sans handicaper des entreprises françaises ou européennes.

    Emmanuel Macron a voulu commenter la décision américaine du 2 avril 2025. Son premier argument est qu'elle est en théorie insensée : « En tout cas, je veux ici dire très clairement pour les entrepreneurs et l'ensemble des salariés de ces secteurs que nous serons à leurs côtés pour apporter des réponses concrètes. ». Le second argument, c'est que cette décision est « brutale » et d'une « ampleur qui est en tout cas inédite ».

    L'enjeu de l'Europe porte sur un montant énorme de nos exportations vers les États-Unis : « Sur les 500 milliards que les Européens exportent vers les États-Unis d'Amérique, à date, nous avons une visibilité sur plus de 70% qui seront touchés par les tarifs, mais ceci, c'est en attente de ce qui est à confirmer, puisqu’on va avoir 20% de tarifs pour tous les secteurs, sauf l’aluminium, l’acier, l’automobile, qui sont déjà à 25%, la pharmacie, le bois et les semi-conducteurs sur lesquels les annonces vont suivre, mais qui seront vraisemblablement au moins à 25%. Donc, on le voit bien, c'est un impact massif qui va toucher tous les secteurs de l'économie et de l'export européen, avec un enjeu pour la France qui est plus limité que pour certains autres pays, bien qu’il soit là et qui, pour certaines filières, va être massif. ». Emmanuel Macron parlait de "tarifs" en reprenant le mot américain pour "droits" de douane ou "taxes" de douane.

    Le Président de la République a précisé l'impact économique sur la France, moins touchée que ses partenaires européens : « Pour nous, c'est 1,5% de notre PIB qui représente les exportations vers les États-Unis. Pour l'Italie, c'est plus de 3% de son PIB. L'Allemagne, 4%, l'Irlande, 10%. Donc il y a des pays qui sont encore plus exposés que nous, mais ce n'est pas peu de choses. Surtout, nous aurons à prendre en compte, évidemment, les conséquences indirectes de ces mouvements. Parce que les tarifs sont massifs sur la Chine, l'Inde et plus généralement l'Asie du Sud-Est. Ce qui va créer des risques de potentiel déport de certains de ces produits et biens, qui va impacter très clairement nos économies et l'équilibre de certaines filières et de nos marchés. ».

    La catastrophe est d'abord pour les États-Unis : « Le caractère négatif est avant tout pour l'économie américaine. Et une chose est sûre, avec les décisions de cette nuit, l'économie américaine et les Américains, qu'il s'agisse des entreprises ou des citoyens, sortiront plus faibles qu'hier et plus pauvres. Et je pense qu'il faut le marteler. Et nous, il faut tenir (…) parce que ces décisions, elles ne sont pas soutenables pour l'économie américaine elle-même. L'impact sur l'économie américaine est immédiat, là où il va mettre plusieurs années à être tangible dans les économies européennes. Mais surtout, il est bien plus massif sur les premières analyses, autour de deux points de PIB. ».

    En d'autres termes, Emmanuel Macron a proposé que l'Europe s'organise autrement pour ne pas être trop impactée par ces mesures douanières. Il faut donc « nous organiser, c'est-à-dire être à la fois réactifs, unis et organisés. C'est au fond cela dont il s'agit. La réponse doit venir de l'Europe. ».
     

     
     


    Ainsi, l'hôte de l'Élysée a envisagé la riposte européenne qui a été réfléchie (donc pas immédiate) et mesurée (toute surenchère se ferait sur le dos des consommateurs européens) : « En termes de méthode, la riposte européenne se fera en deux étapes, parce que riposte, il y aura, de manière claire. Je le dis pour que ce soit clair pour tout le monde. La première riposte aura lieu mi-avril. Elle portera sur les taxes déjà décidées, en particulier sur acier et aluminium. Et les difficultés qui avaient pu apparaître sur des premières listes ont pu être corrigées. Les réponses qui arriveront dans les jours qui viennent seront des réponses qui sont sur le premier paquet : acier, aluminium. La deuxième réponse, plus massive, celle aux tarifs annoncés hier, se fera à la fin du mois, après une étude précise, secteur par secteur, et un travail avec l'ensemble des États membres et, évidemment, des filières économiques. ». C'est ce qui s'est passé lorsque la riposte européenne a été annoncée le 9 avril 2025 (quelques heures avant la vote-face de Donald Trump).

    D'où la demande du chef de l'État aux chefs d'entreprise d'agir en Européens : « Je vous demande aussi de bien vouloir vous coordonner avec vos homologues européens pour faire remonter un travail unifié, fort et résolument européen. Et je pense qu'il est très important d'être très clair, nous, filière par filière, mais de tout de suite essayer de jouer européen pour pas qu'il y ait, si je puis dire, d'échappée solitaire. Au fond, nous avons besoin, dans cette phase, de rester unis et d'être déterminés. Et je le dis aussi parce que je sais ce qui va se passer, les plus gros auront tendance à jouer solo. Et ce n'est pas une bonne idée. Si la réponse aux tarifs qui viennent d'être remis par l'administration américaine, c'est de faire des concessions immédiates ou d'annoncer des investissements pour pouvoir négocier des exemptions, c'est une très mauvaise idée. Parce que nous avons une force. C'est un marché de 450 millions d'habitants. C'est ça, l'Europe. L'Union Européenne, c'est 450 millions de consommateurs. C'est plus que le marché américain. Et donc si les Européens jouent groupés, c'est-à-dire préparent la réponse, qu'elle est unifiée, qu'elle est proportionnée, mais qu'elle est réelle, et que derrière, toutes les filières jouent de manière cohérente avec une vraie solidarité de filières, à ce moment-là, nous saurons avoir ce qui doit être notre objectif, qui est le démantèlement des tarifs. L'objectif, c'est évidemment qu'on apporte une réponse mais avec un terme à tout cela. Nous devons montrer que c’est par la négociation qu’on arrivera évidemment à démonter les tarifs qui ont été annoncés ces dernières semaines et en particulier ces dernières heures, et que nous, on démonte les nôtres. ».

    Le chemin est étroit pour l'Europe. Sa réaction doit être mesurée, mais elle ne doit pas être naïve : « Nous sommes dans la vertu du commerce. Mais simplement, on n'est pas naïfs, donc on va se protéger. Mais j'insiste sur l'importance de la réactivité, de bien préparer la réponse filière par filière et d'être unis, et surtout qu'il y ait une solidarité dans chaque filière. Donc je pense que ce qui est important, et c'est tout le travail qu'il faut faire par filière, c’est que les investissements à venir ou que les investissements annoncés ces dernières semaines, soient un temps, suspendus, tant qu'on n'a pas clarifié les choses avec les États-Unis d'Amérique. Parce que quel serait le message d'avoir des grands acteurs européens qui se mettent à investir des milliards d'euros dans l'économie américaine au moment où ils sont en train de nous taper. Donc il faut qu'on ait de la solidarité collective. ».
     

     
     


    En substance, avec la décision de Donald Trump, Emmanuel Macron a repris une formule qu'avait employée très longtemps auparavant Laurent Fabius pour évoquer le FN : un parti qui pose de bonnes questions mais qui ne donne pas les bonnes réponses. Ici, dans la mondialisation, le problème est réel mais les solutions à apporter inappropriées : « Il y a trop de désindustrialisations en Occident. La réponse, ce n'est pas de mettre des tarifs et de casser le commerce international, c'est d'être plus productifs en Occident. Et donc, nous devons travailler dans le même temps au niveau français et européen à accélérer nos programmes d'investissement, de réindustrialisation, nos simplifications, que beaucoup d'entre vous portent, française et européenne, et au fond, un agenda de simplification, de compétitivité, de réindustrialisation. Cette réponse, elle est essentielle dans la période, il faut l'accélérer. ».

    Autre point, l'indépendance économique passe aussi par la décarbonation de l'économie française et européenne : « Je rappelle que quand on regarde notre commerce extérieur, son déficit, ses déséquilibres, il est aux deux tiers conduit par notre dépendance à des hydrocarbures et du fossile que nous ne produisons pas, mais que nous consommons. Donc tout l'agenda de décarbonation qu'on a enclenché, sur lequel on investit, est bon parce qu'il réduit la facture et la dépendance. ».


    Il faut aussi préserver des barrières commerciales pour les véhicules électriques : « On l'a commencé sur les véhicules électriques chinois, et on assume. On en paye d'ailleurs les conséquences, nous, Français, parce que parfois on avait été identifiés comme les plus cohérents, donc ceux qui étions les plus vocaux. Mais je vais être clair, on ne peut pas demander à nos industriels de faire des transitions, ce que vous faites toutes et tous, et ne pas les protéger et en quelque sorte laisser de la concurrence déloyale s'installer. ».

    Les taux élevés des taxes douanières américaines pour l'Asie auront aussi des conséquences secondaires importantes sur l'Europe : « Sur beaucoup de secteurs, on va être confrontés, je le disais il y a un instant, à des surcapacités sud-asiatiques qui, au fond, voyant enfermer le marché américain, en tout cas en prenant pour certains 30 à 40 % de tarifs, vont rediriger leur flux vers l'Europe. Ce n'est pas forcément quelque chose qu'on voit tout de suite sur lequel on est en train de se préparer, mais enfin, ce sont des mécanismes qui vont avoir sur certaines de nos filières, dans l'agroalimentaire, dans les services, des conséquences qui peuvent être massives. ».
     

     
     


    En conclusion, Emmanuel Macron a résumé l'objectif et la méthode de la riposte européenne : « Rien n'est exclu. Et donc tous les instruments sont sur la table : des réponses tarifaires pour faire face, l'activation de mécanismes qui sont à notre main, comme le mécanisme anti-coercition, la possibilité d'avoir des réponses sur les services numériques, où les États-Unis sont extrêmement bénéficiaires sur l'Europe, la possibilité de regarder aussi les mécanismes de financement de l'économie américaine. Il ne faut rien exclure à court terme, il faut faire ce qui est le plus efficace, le plus proportionné, mais qui en tout cas marque très clairement que nous sommes décidés à ne pas laisser faire, à ne pas avoir des filières qui sont victimes de ces tarifs et donc, à nous défendre et nous protéger. ».

    Cette étape a été en partie réussie puisque, après l'annonce de la riposte européenne, Donald Trump a finalement repoussé de 90 jours la mise en application de ses tarifs douaniers, en estimant que la réaction européenne a été intelligente (ce qui, de la bouche de Donald Trump, n'est peut-être pas fait pour rassurer). Fermeté et subtilité, les Européens ont marché sur des œufs, car l'idée est aussi de ne pas plomber les Européens eux-mêmes. Dans ce dossier, Emmanuel Macron a eu une part d'initiative non négligeable, ce qui fait honneur à la France. Ce n'est peut-être pas un hasard si sa cote de popularité remonte progressivement. Le bon travail est toujours reconnu un jour ou l'autre.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur les taxes douanières américaines le 3 avril 2025 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Elon Musk.
    La révolution économique de Donald Trump ?
    Donald Trump, gros pêcheur devant l'Éternel !
    Grippe aviaire : désastre sanitaire mondial en perspective ?
    Gene Hackman.
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    Trump II : de justiciable à justicier !
    Canada, Groenland, Panama : Donald Trump est-il fou ou cynique ?
    Attentat à La Nouvelle-Orléans : les États-Unis durement endeuillés.
    Jimmy Carter, patriarche de l'humanitaire.
    Shirley Chisholm.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250403-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/emmanuel-macron-sur-le-front-du-260304

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/04/article-sr-20250403-macron.html





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  • La révolution économique de Donald Trump ?

    « Les annonces de la nuit dernière du Président Trump (…) sont un choc pour le commerce international, pas simplement pour l'Union Européenne, la France, mais pour le bon fonctionnement du commerce. Ceci implique évidemment une mobilisation française et européenne. » (Emmanuel Macron, le 3 avril 2025 à l'Élysée).




     

     
     


    Non, ce n'est pas un poisson d'avril. Deux sentiments vertigineux m'ont habité quand j'ai écouté le Président des États-Unis Donald Trump faire sa conférence de presse le mercredi 2 avril 2025 à 22 heures (heure de Paris) dans le jardin de la Maison-Blanche, à Washington.

    Prévue depuis quelques jours, sa déclaration avait pour but d'annoncer les nouvelles surtaxes douanières que le gouvernement américain entendait imposer aux pays étrangers, près de 200 pays étrangers ou territoires étrangers, jusque dans les Îles Heard-et-MacDonald, taxées à 10%, où il ne doit y avoir que des manchots (depuis lors, un message circule sur Twitter montrant une colonie de manchots sur la banquise avec cette légende : « Énorme vague de protestation depuis ce matin sur les Îles Heard-et-MacDonald » !). Même Saint-Pierre-et-Miquelon est impacté.


    Le premier sentiment, c'est la folie. La folie de l'obsession trumpienne. C'est de prendre des décisions complètement folles, loufoques, démentes, inappropriées, fantasques... On se rappelle la réaction stupide de Donald Trump lorsqu'il s'est aperçu que le Président russe Vladimir Poutine se moquait de lui en prétendant vouloir la paix en Ukraine tout en continuant à bombarder massivement le peuple ukrainien. Sa réaction, ce n'était pas augmenter par exemple l'aide militaire américaine aux Ukrainiens, mais... de dégainer son revoler commercial et d'augmenter des droits de douanes à la Russie, comme si cette mesure allait dissuader l'autocrate du Kremlin dans ses basses besognes !
     

     
     


    Donald Trump ne jure que par les droits de douane, et on ne pourra pas lui reprocher une certaine constance qui s'apparente même à de l'obsession. Déjà dans les années 1980, il payait des encarts dans les quotidiens américains les plus lus pour faire sa publicité et protester contre les économies étrangères qui envahissaient le marché américain.

    La folie est à tous les étages : sur le principe même, mais aussi sur les applications. Ainsi, l'Union Européenne se voit affecter de 20% de surtaxes douanières (taxes, tarifs, droits de douane, on choisira le mot qu'on voudra, en français ou en english, ou entre les deux, mais taxes me paraît le plus approprié car il s'agit bien d'un impôt).

    Pourquoi 20% ? Parce que Donald Trump a calculé que les tarifs douaniers européens pour les produits américains importés en Europe seraient de... 39% ! Ne cherchez surtout pas à connaître la méthode de calcul, elle risquerait de faire mal à votre santé cardiaque ! (ou mentale !). C'est une sorte de mélange douteux (d'amalgame, pour parler comme un dentiste) prenant en compte la TVA (!!!!!!), les frais de propriétés intellectuelles, etc. qui n'ont aucun rapport les uns avec les autres. Cela ressemble au sorcier Gargamel qui tente de faire sa potion magique avec de la graine de salsepareille et de la bave de crapaud. Pourquoi 34% pour la Chine ? Parce que le rapport entre les exportations chinoises sur les importations chinoises, cela donne un rapport 0,67 et Donald Trump, comme pour les Européens, est généreux et magnanime et a mis une décote de 50%, d'où les 34%.

    Les pays asiatiques sont très durement touchés, en particulier le Japon, et les pays du Sud-Est asiatique, mais aussi d'autres pays, dont certains parmi les plus pauvres, comme Madagascar, très taxé simplement parce qu'il exporte sa vanille (ce qui montre à quel point la méthode de calcul est stupide).

    Cette folie est palpable au cœur du système américain depuis trois mois. Il suffit de voir la manière dont Elon Musk a fait un meeting à Green Bay, dans le Wisconsin. Il avait un chapeau-gruyère sur la tête (ne me demandez pas pourquoi), il l'a retiré à son arrivée sur l'estrade, l'a dédicacé et envoyé en l'air comme le bouquet de la mariée pour un bienheureux qui pourra commencer sa collection de fétichisme muskien.
     

     
     


    Du reste, ce meeting, c'était un soutien pour l'élection d'un juge à la cour suprême de l'État du Wisconsin, pour lequel il a dépensé 25 millions de dollars (et donné deux ou trois chèques de 1 million de dollars à des heureux militants républicains). Cela n'a pas fonctionné puisque c'est la candidate démocrate Susan Crawford qui a été élue, pétillante de joie, et élue haut la main puisqu'elle a eu le 3 avril 2025 une avance de 10 points sur son concurrent républicano-muskien manifestement incompétent si l'on en juge par ses déclarations de campagne. L'État du Wisconsin est crucial puisqu'il fait partie des "String States" qui peuvent faire basculer les résultats des élections présidentielles.

    Cette folie, c'est que c'est une véritable révolution économique mondiale que vient de provoquer Donald Trump dans sa mégalomanie monomaniaque. Assurément, même s'il négociait et revenait plus tard sur certains taux, la date du 2 avril 2025 resterait dans les livres d'histoire dans les décennies prochaines comme une décision singulière, historique, tant sur l'économie mondiale que sur l'histoire politique des États-Unis. Un jour noir pour l'économie mondiale, comme le 24 octobre 1929 ou le 15 septembre 2008.

    Et c'est là que j'ai ce second sentiment, celui du crash de la Germanwings, celui de voir un pilote (et pas copilote) de l'avion USA qui est en train de mener son avion au crash avec tout le peuple américain dans l'habitacle à cause de ses lubies suicidaires de Donald Trump. Et bien plus que le peuple américain, d'ailleurs.

     

     
     


    Car il s'agit d'un véritable suicide des États-Unis. Le secrétaire au commerce fanfaronnait à la suite des déclarations de Donald Trump en disant que l'État américain pourrait recouvrer 600 milliards de dollars avec ces surtaxes douanières, mais il oublie de dire que ces taxes seront payées par les consommateurs américains et les entreprises américaines. Ces 600 milliards seront donc une saignée terrible dans l'économie américaine, en plus d'être une saignée dans l'économie mondiale (par la perte de certains marchés). Pour des doctrinaires qui ne supportent pas les impôts, ce sera ici une imposition massive. Ils ne sont pas à une contradiction près !

    Suicide et révolution. J'ai toujours pensé que les révolutions étaient intrinsèquement suicidaires car c'est toujours trop brutal pour des évolutions de société qui sont fragile et ont besoin de douceur pour se transformer.

    Donald Trump est fort en ce sens qu'il revient à ...avant 1776, c'est-à-dire, avant la publication du fameux essai d'économie du Britannique Adam Smith "Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations". Et l'une des brillantes démonstrations avait trait au fait que c'est dans les échanges économiques entre les nations que celles-ci s'enrichissaient. Ce principe de mondialisation des échanges est l'un des points essentiels du libéralisme économique. Cela a permis à l'Europe une relative prospérité depuis 1945 (je dis bien relative car tout n'est pas parfait, mais il suffit de comparer avec d'autres régions du monde). L'idée générale est que les nations doivent produire leurs spécialités, ce pour quoi elles sont les meilleures, et acheter chez les autres les autres produits.

    Ce principe de mondialisation a eu bien sûr des côtés pervers, comme les délocalisations massives des lieux de production au point de s'apercevoir un peu tardivement que les souverainetés pourraient être bafouées (alimentaire, médicale, militaire, énergétique, etc.).
     

     
     


    Pourquoi Donald Trump a-t-il pris une telle décision ? Il pense que s'il y a trop de taxe, les produits importés ne se vendront pas et cela favorisera l'industrie américaine. Il peut en partie réussir puisqu'il négocie actuellement l'accueil aux États-Unis d'entreprises étrangères (qui ne se verront ainsi pas taxées). Mais c'est oublier de comprendre que certains produits importés ne sont de toute façon pas produits aux États-Unis et que cela va désorganiser complètement les filières industrielles.

    L'exemple de l'industrie automobile est éloquent. En Europe, personne ne veut des grosses bagnoles américaines qui consomment beaucoup et les Américains ne sont pas en capacité de produire des petites automobiles économiques. Les surtaxes changeront donc peu ces enjeux qui sont des enjeux industriels et pas des enjeux fiscaux. De plus, l'industrie automobile américaine en particulier, mais elle n'est pas la seule, a besoin de composants qu'elle importe, si bien que mêmes les produits américains vont être durement impactés par cette décision protectionniste. Une fois la globalisation économique en progression, tout retour en arrière semble économiquement suicidaire.
     

     
     


    Un retour au XVIIIe siècle, ou simplement au début du XXe siècle, car Donald Trump ne raisonne qu'avec l'ancienne économie, en ne prenant pas (volontairement) en compte la nouvelle économie. Ainsi, grosso modo, la balance commerciale des États-Unis est en effet déficitaire, mais pas autant que veut le faire croire Donald Trump. Sur les biens manufacturés, il y a en effet autour de 200 milliards de dollars de déficit, mais sur les services, au contraire, il y a autour de 150 milliards de dollars d'excédent, et on sait bien sûr que l'économie numérique y a une place privilégiée, ce ne sont pas les GAFAM qui diront le contraire.

    La réaction des autres pays sera essentielle. Si l'on croit qu'il suffit de montrer un rapport de force pour négocier et réduire les taxes voulues par Donald Trump, c'est une erreur. En jouant la surenchère, on accélère le crash mondial. Ce n'est l'intérêt de personne. Donald Trump en est bien conscient et, en bon joueur de poker, a dit aux autres pays qu'ils devraient se soumettre, accepter de payer ces taxes sans mesure de rétorsion car sinon, il pourrait encore augmenter les taxes (rappelons encore une fois que ce n'est pas le pays exportateur qui paie les taxes douanières mais les consommateurs du pays importateur !).
     

     
     


    Dans l'Union Européenne, la France sera bien sûr impactée, notamment dans le secteur aéronautique, mais beaucoup moins que d'autres, moins que les Allemands dont l'industrie automobile était dans le collimateur de Donald Trump depuis longtemps. Les Européens ne souhaitent pas faire payer les consommateurs européens des frasques trumpiennes. Ainsi, ils cherchent des mesures qui permettraient l'efficacité sans une politique de la terre brûlée. C'est pourquoi l'idée de surtaxer les GAFAM et autres entreprises de service numérique revient à l'ordre du jour des Européens. Le coup de pied trumpien dans le commerce international est une occasion supplémentaire de renforcer les coopérations européennes.

    Le Président français Emmanuel Macron a réagi rapidement en réunissant, ce jeudi 3 avril 2025 à l'Élysée, les filières impactées par les annonces de Donald Trump et en déclarant : « Pour nous [Français], c'est 1,5% de notre PIB qui représente les exportations vers les États-Unis. Pour l'Italie, c'est plus de 3% de son PIB. L'Allemagne, 4%, l'Irlande, 10%. Donc il y a des pays qui sont encore plus exposés que nous, mais ce n'est pas peu de choses. Surtout, nous aurons à prendre en compte, évidemment, les conséquences indirectes de ces mouvements. Parce que les tarifs sont massifs sur la Chine, l'Inde et plus généralement l'Asie du Sud-Est. Ce qui va créer des risques de potentiel déport de certains de ces produits et biens, qui va impacter très clairement nos économies et l'équilibre de certaines filières et de nos marchés. Donc, au total, on le voit bien, c'est une ampleur qui est en tout cas inédite. Mais ce sur quoi je veux insister au début de cette réunion, c'est que l'ampleur, et le caractère négatif est avant tout pour l'économie américaine. Et une chose est sûre, avec les décisions de cette nuit, l'économie américaine et les Américains, qu'il s'agisse des entreprises ou des citoyens, sortiront plus faibles qu'hier et plus pauvres. Et je pense qu'il faut le marteler. Et nous, il faut tenir, je vais y revenir, parce que ces décisions, elles ne sont pas soutenables pour l'économie américaine elle-même. ».
     

     
     


    Enfin, il y a un autre élément à prendre en considération : Donald Trump n'a pas le droit de décider seul des taxes douanières. En effet, Donald Trump s’appuie sur une loi de 1977, l’IEEPA (International Emergency Economic Powers Act), qui accorde des pouvoirs élargis au Président pour réglementer le commerce en cas de situation d’urgence nationale. Sauf à prouver que les États-Unis sont en situation d’urgence, c’est le Congrès qui devrait être compétent dans ce domaine, et ce n'est pas sûr que, même républicains, les parlementaires le suivent. La déclaration du 2 avril 2025, c'est aussi le dépouillement démocratique de l'une des plus grandes démocraties du monde.

    La conclusion ? Il n'y en a pas. Du moins, pas encore. Est-ce seulement du bluff et reviendra-t-il sur ces décisions ? C'est peu probable. Car ce serait deux centaines de négociations qu'il faudrait mener. Les États-Unis se sont simplement ultra-isolés. Les bourses se sont effondrées à cette annonce du 2 avril 2025. Il va falloir attendre que les économistes aient (pour une fois) raison. Ce sera peut-être la plus éclatante leçon d'économie que nous aurons à recevoir dans les mois et les années à venir. Mais certainement à notre détriment : récession, chômage, endettement, appauvrissement généralisé... Le choc économique sera dur, et en particulier pour le peuple américain. Personne n'a jamais osé faire de démonstration par l'absurde que le protectionnisme nuisait nécessairement à la prospérité des pays. Nous y sommes. Et à l'échelle mondiale.


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    Sylvain Rakotoarison (03 avril 2025)
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    Pour aller plus loin :
    La révolution économique de Donald Trump ?
    Donald Trump, gros pêcheur devant l'Éternel !
    Grippe aviaire : désastre sanitaire mondial en perspective ?
    Gene Hackman.
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    Trump II : de justiciable à justicier !
    Canada, Groenland, Panama : Donald Trump est-il fou ou cynique ?
    Attentat à La Nouvelle-Orléans : les États-Unis durement endeuillés.
    Jimmy Carter, patriarche de l'humanitaire.
    Shirley Chisholm.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.











     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250402-trump.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/la-revolution-economique-de-donald-260303

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  • Donald Trump, gros pêcheur devant l'Éternel !

    « Washington est devenue la cour de Néron : un empereur incendiaire, des courtisans soumis et un bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique. » (Claude Malhuret, le 4 mars 2025 au Sénat français).




     

     
     


    Tu vois, le premier avril, en général, c'est le jour des petits amateurs (ou armateurs). De la pêche au petit. T'en as plein comme ça, des petits, ils te concoctent un mets appétissant, ils te le cuisinent aux petits oignons, c'est du travail d'artisan, c'est vrai, parfois, c'est même du travail d'artiste, et il y a la fraîcheur, la production du travail bien fait, bien adapté, pensé à la cible, subtil parfois (même s'il ne faut pas trop en demander !). Les poissons, ça file, c'est glissant, c'est furtif, on croire l'attraper et il se faufile parfois comme des anguilles. Quand tu le retrouves dans ton assiette, prêt à consommer, tu peux faire la fine bouche bien sûr, mais tu en profites, tu savoures, tu enlèves aussi quelques arêtes (s'il n'y en a pas, méfiance), il y a parfois un arrière-goût, c'est parfois décevant, mais tu t'en satisfait. C'est toujours ça de pris pour ta panse.

    Mais depuis The Trump Time, il n'y a plus rien qui vaille. Maintenant, c'est une fabrication industrielle. Pas de jour dédié, c'est tous les jours Noël. Tu as intérêt à avoir faim, sinon, risque rapide d'indigestion. Tu dois être énorme, tu veux être énorme. Tous les jours, peut-être même plusieurs fois par jour, tu as l'embarras du choix, ton ventre n'arrive pas à suivre les cadences infernales, tu ne deviens qu'un simple tube digestif, ce qui est la base même de la vie originelle. De là à dire que ce n'est que de la mouise, j'en laisse la responsabilité à tes intestins !

     

     
     


    Depuis deux mois et mois, deux mois et demi seulement ! et il y en aura encore pour au moins quarante-cinq mois !, la production n'en finit plus, une production, dis-je, industrielle, avec des usines à poissons d'avril qui tournent à un rythme effréné, matin midi et soir, tous les jours, tous les mois, toutes les saisons.

    Chaque poisson devrait être géré individuellement, préparé, assaisonné spécifiquement pour qu'il passe bien, pour être digéré, mais les cadences sont folles, les écailles s'encanaillent, la boulimie du cuistot est la norme, c'est comme une attaque incessante de missiles poissons, il y a des poissons volants, des poissons chats, des poissons enclumes (les préférés du cuistot), et tu pourrais même en recevoir certains très avariés, avec une sauce piquante tellement dégoulinante, tellement immangeable, tellement artificielle, tellement grosse-ficèle, tellement vulgaire, que tu te demandes comment il peut se trouver encore des assiettes qui les accueillent.
     

     
     


    Tu crois que tu comprends, tu te dis même que c'est très fin, très sophistiquée, qu'il y a de la recherche, de la réflexion, du billard à soixante-sept bandes, et puis, tu t'aperçois que non, c'est plutôt grossier, c'est pas fini, ça manque d'affinage. Tu te prends en pleine figure ton complexe de supériorité. Imaginer un condensé d'autant de bêtise, de vulgarité, d'ignorance, de mensonges, de mauvaise foi, de vanité, d'égoïsme, de vénalité, de mégalomanie, d'éléphants-dans-un-magasin-de-porcelaines... ce n'est pas accessible à tous les esprits.
     

     
     


    Il y a bien sûr à boire et à manger, mais surtout, à t'étouffer ! Par exemple, le poisson pingouin : invasion du Groenland par les GI, si nécessaire ! Non, tu ne rêves pas ! Il aurait pu avoir tous les contrats miniers possibles sur le Groenland, mais il ne connaît que la force brut. Tu rajoutes le poisson de Panama (à emballer, c'est pour offrir), et tu mets le poisson du Canada dans la marmite (pour l'instant, il vire au rouge, le poisson, au Rouget de Lisle même).

    Le mec, il ne connaît que le langage du commerce, c'est un fana du deal ! Un peu comme au poker, mais lorsque la vanité nourrit la naïveté et réciproquement, alors, c'est sûr, il va trouver plus fort que lui, comme le poisson du Kremlin. Poutine bombarde le peuple ukrainien ? Hou, le vilain, je vais lui coller une taxe douanière !! Ce n'est plus de la coercition, c'est carrément de la folie. Une folie douce. Ne pas comprendre que l'argent ne motive pas tous les dictateurs sanguinaires ! Qu'on n'achète pas qu'avec de l'argent. Et puis, il va lutter contre l'inflation en augmentant les taxes ? Drôle de logique, du Shadok à l'état pur.

     

     
     


    Il supprime le Ministère de l'Éducation, il licencie la moitié des chercheurs, il interdit la vaccination contre la rougeole provoquant une angoissante augmentation de l'épidémie, il imagine ne rien faire contre la grippe aviaire, actuellement 40% létale, au risque de provoquer une mutation avec le virus de la grippe (humaine), il fait comme Poutine en s'ingérant dans les politiques intérieures de pays étrangers (où sont les souverainistes supposés jaloux de leur indépendance ?!), il demande poliment aux mollahs iraniens d'arrêter d'être méchants et ne comprend pas pourquoi ils refusent (il va leur augmenter les taxes douanières), etc.

    Les pères fondateurs des États-Unis auraient-il pu anticiper l'arrivée d'un tel lascar, du plus grand des poissons volants ? Mystère. Ils n'imaginaient certainement pas un phénomène aussi caricatural, aussi grotesque, mais également aussi obsédé par l'argent que Trump. Oui, il pourra faire une troisième mandat, rien ne l'empêche puisque depuis Roosevelt, ce qui est interdit, c'est plus de deux mandats successifs, mais il aurait alors 86 ans et demi !

     

     
     


    Plus rien n'est fiable, tout est friable. Trump est le poisson le plus opportuniste de tout l'Univers. Il est capable de dire le contraire de la veille tout en se contredisant l'heure suivante, et ainsi de suite. Il n'y a plus de parole de l'État, il n'y a plus d'État de droit (les méchants juges qui empêchent de faire la démocratie, qui empêchent de détourner tranquillement des fonds publics), il n'y a plus d'engagement d'une Nation, il n'y a plus rien qui vaille, même le peuple ne vaut rien, ce ne sont que des téléspectateurs et consommateurs.
     

     
     


    Alors, oui, ce jour béni de l'humour, tu peux faire de l'humour noir, répertorier tous les poissons ricains que tu as attrapés, que tu as aperçus, que tu as entendus, que tu as sentis, que tu as subodorés, et te dire que ce ne sera jamais exhaustif, que tu en as forcément oublié un dans un recoin de réseau social ou de chaîne de télévision.

    Ou tu peux aussi écouter les discours du début. Celui du 19 janvier 2025 d'une longue logorrhée sans queue ni tête, sans fil conducteur, passant du coq à l'âne républicain, et néanmoins très instructif, ou encore le discours du 20 janvier 2025, celui de l'investiture, l'officiel, celui que tu seras obligé d'admettre un peu plus intellectuel, en comparaison (qui n'est jamais raison), et alors, oui, tu comprends que tu es entré dans une nouvelle ère, dans une nouvelle époque, et que, malgré toute ta bonne volonté, tout ton optimisme, toute ta joie de vivre, tous tes projets qui fleurissent comme le printemps, tu te dis que tu n'aurais peut-être jamais voulu vivre jusque-là...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    (Les deux illustrations sans indication sont publiées sur stablediffusionweb.com).


    Pour aller plus loin :
    Déjà en 2024...
    Donald Trump, gros pêcheur devant l'Éternel !
    Grippe aviaire : désastre sanitaire mondial en perspective ?
    Gene Hackman.
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    Trump II : de justiciable à justicier !
    Canada, Groenland, Panama : Donald Trump est-il fou ou cynique ?
    Attentat à La Nouvelle-Orléans : les États-Unis durement endeuillés.
    Jimmy Carter, patriarche de l'humanitaire.
    Shirley Chisholm.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250401-trump.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/donald-trump-gros-pecheur-devant-l-260219

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/01/article-sr-20250401-trump.html


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  • Syrie : peut-on encore massacrer en paix ?

    « Le pouvoir syrien a du mal à contrôler ses propres troupes et sa population. (…) Il y a des unités avec des combattants étrangers, comme des Ouzbeks, mais aussi des civils, qui se vengent d’événements qui ont pu se produire il y a dix ou quinze ans. (…) La majorité de la population dans les régions alaouites ne voulait pas repartir dans un cycle de guerre et de représailles. Si elle est confrontée à des actions de grande ampleur et des massacres, cela pourrait fournir aux insurgés le soutien populaire dont ils manquaient jusqu’à présent. » (Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie au CNRS, le 8 mars 2025 sur RFI).




     

     
     


    Il est aujourd'hui des questions stupides qu'on se pose en écoutant l'actualité. Comme : peut-on encore massacrer en paix ? Le mot "paix" est à prendre dans ses deux sens. Le sens propre, à savoir la paix, contraire de la guerre où l'on massacre allègrement (c'est même la définition de la guerre, si possible des combattants et pas des civils), et puis le sens figuré, peut-on massacrer tranquillement ? Sans médias, sans manifestations, discrètement, dans l'entre-soi secret, sans conséquences diplomatiques, bref, en toute impunité ?

    Il faut dire que Donald Trump vient de retirer son pays de la commission d'enquête visant à faire toute la lumière sur les massacres de Boutcha et d'autres lieux d'Ukraine par les forces poutiennes.

    On peut aussi se poser d'autres questions stupides comme celle-ci aussi : le port de la cravate rend-il plus civilisé ? Non, je ne parle pas des députés RN (encore que), mais du nouveau Président de la République arabe syrienne de transition, proclamé le 29 janvier 2025 mais en exercice réellement depuis le 8 décembre 2024. Je ne sais même pas comment l'appeler : son nom de cravaté, Ahmed Al-Charaa ? Ou son nom de chef de guerre, de chef terroriste, chef de clan, chef d'Al Qaida
    , chef de Daech, fondateur du Front Al-Nosra, à savoir Abou Mohammed Al-Jalouni ?

    On le savait pourtant bien que les "islamistes modérés" n'existaient pas, pas plus que des "talibans modérés" en Afghanistan. La chute de Bachar El-Assad et sa fuite de Damas, le 8 décembre 2024, étaient attendues depuis cinquante-trois ans et la fin de la dictature de la dynastie des Assad a été un grand soulagement pour les Syriens. Mais on savait que ce soulagement serait de courte durée et que si on guérit d'une grave maladie, il ne faut pas non plus choper une autre grave maladie.


     

     
     


    La raison de cette petite réflexion ? Le massacre des innocents, du 6 au 10 mars 2025 dans l'ancien bastion de la famille Assad. Au moins 1 383 civils, principalement des alaouites, ont été massacrés dans une cinquantaine de massacres selon un communiqué publié le 12 mars 2025 par l'Observateur syrien des droits de l'homme (OSDH, une ONG syrienne créée en 2006). L'OSDH a expliqué que c'étaient des « exécutions sur des bases confessionnelles » par les forces de sécurité syriennes et des groupes alliés.

    En gros, dans quatre régions (gouvernorats), à Lattaquié, Tartous, Hama et Homs, les forces alaouites de l'ancien dictateur Bachar El-Assad se sont insurgés le 6 mars 2025 contre les forces dites gouvernementales. Cette rébellion a été étouffée le 10 mars 2025 par les forces gouvernementales après des combats sanglants. Plusieurs centaines de morts sont à déplorer des deux côtés.


    Le journaliste Pierre Haski a pu résumer les événements le 10 mars 2025 sur France Inter ainsi : « Tout dans cette tragédie était prévisible : des soldats de l’ancien régime ayant refusé de se rendre se sont livrés depuis jeudi soir à des opérations de guérilla coordonnées dans le pays Alaouite, la minorité dont était issu le clan Assad. En représailles, une vague de violence aveugle a visé aussi bien les partisans armés d’Assad, que les civils alaouites victimes de vengeances de masse pour les morts des derniers jours, mais aussi pour les décennies de dictature. Tout le monde redoutait ce scénario depuis trois mois. ».

    Ce qui est scandaleux, c'est qu'en plus de ces morts par combat, les forces gouvernementales, sunnites, ont massacré par la même occasion de nombreux civils parmi la population civile alaouite (chiite).

    Le chef de la Syrie actuelle, en plein transition, Ahmed Al-Charaa, dans son beau costume de ville, s'est déclaré lui aussi scandalisé, considérant qu'il était responsable également de la sécurité de la population alaouite (« Il est de notre devoir de les protéger et de les sauver du joug des gangs du régime déchu. »), appelant ses troupes le 7 mars 2025 à « éviter toute exaction ou débordement » (c'est raté).

    Le 9 mars 2025, Ahmed Al-Charaa a annoncé qu'il allait désigner une « commission indépendante » pour enquêter sur ces massacres : « Nous demanderons des comptes fermement et sans indulgence, à quiconque a été impliqué dans l’effusion de sang de civils ou la violence contre notre peuple qui outrepasse l’autorité de l’État. ». Il a déclaré également : « Ces défis étaient prévisibles. (…) Nous devons préserver l'unité nationale, la paix civile autant que possible, et, si Dieu le veut, nous serons capables de vivre ensemble dans ce pays autant que possible. ».
     

     
     


    L'insurrection des factions pro-Assad a été condamnée par la Turquie, l'Arabie Saoudite et la Jordanie sans pour autant condamner les massacres des alaouites qui ont eu lieu en réaction. Seul l'Iran semble assez sincère dans sa condamnation des massacres (ce qui est logique) et les Force démocratiques syriennes qui contrôlent le Nord et l'Est de la Syrie (kurdes) ont appelé au calme pour « s'engager dans un dialogue national » et construire « une solution politique globale ».

    Les pays européens ont aussi appelé au calme et ont condamné fermement ces massacres des innocents, en particulier la France qui a « condamné dans les termes les plus forts les atrocités commises contre des civils sur la base de motifs religieux et contre des prisonniers ». Stefan Schneck, l'envoyé spécial de l'Allemagne en Syrie, a déclaré sur Twitter : « Je suis profondément choqué par les nombreuses victimes dans l’ouest de la Syrie et j’appelle tout le monde à rechercher des solutions pacifiques, l’unité nationale, un dialogue politique inclusif et une justice transitionnelle. Nous devons sortir du cycle de la violence et de la haine. L’Allemagne est prête à aider partout où elle le peut. ».

    Mais l'indignation internationale a semblé toutefois assez molle. Pourquoi ? Sans doute pour deux raisons. La première, ce que les populations victimes de ces massacres (principalement alaouites) étaient, bien que civiles, les représentants des bourreaux d'hier et la rancœur contre les exactions d'hier a certainement aidé à réagir très mollement. En outre, les massacres entre sunnites et chiites sont très fréquents depuis des dizaines d'années et pourraient résumer presque à eux seuls l'histoire du Proche- et Moyen-Orient actuel.
     

     
     


    La deuxième raison est plus politique. Il ne faut pas décourager les "islamistes modérés" d'être "modérés". En fermant légèrement les yeux devant ces massacres scandaleux mais considérés alors comme de simples "bavures" des forces gouvernementales, on ne réduirait pas à néant toutes les tentatives du pouvoir en place, et en particulier d'Ahmed Al-Charaa, de gagner en respectabilité et crédit international pour normaliser la Syrie.

    C'est de plus une véritable première épreuve politique pour Ahmed Al-Charaa : dans les faits (pas dans les intentions et encore moins dans les déclarations, mais dans les faits), Ahmed Al-Charaa donnera-t-il raison à ses partisans un peu trop "emportés" contre les alaouites ou les condamnera-t-il (vraiment) avec une justice sévère afin de réprimer toute envie ultérieure de commettre ce genre de massacres ?

    Pour l'heure, les supputations politiques n'ont pas lieu d'être. C'est l'émotion qui devrait dominer les esprits avec plus d'un millier de personnes innocentes qui ont été massacrées. Je pense à elles car à travers elle, c'est toute l'humanité qui est atteinte, comme dans chaque massacre, quel qu'il soit. La nature revient souvent très rapidement au galop. Mais comment changer sa nature ? C'est tout l'art difficile de la civilisation.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (17 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Syrie : peut-on encore massacrer en paix ?
    Syrie : la chute historique de Bachar El-Assad.
    Fadwa Suleiman.
    Daech : toujours la guerre.
    Le massacre d’Alep.
    Daech en Syrie : guerre et peine.
    Flou blues.
    BHL et la Syrie.
    Vade-mecum des révolutions arabes.



     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250317-massacre-syrie.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/syrie-peut-on-encore-massacrer-en-259974

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/17/article-sr-20250317-massacre-syrie.html


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  • Trump II : de justiciable à justicier !

    « En quelques mois, Donald Trump est passé de justiciable à justicier, et depuis son élection le 5 novembre dernier, le milliardaire vit une sorte d'état de grâce, adoubé et craint, avant même d'avoir réellement repris le pouvoir. » (Nicolas Teillard le 17 janvier 2025 sur France Info).



     

     
     


    Le 47e Président des États-Unis Donald Trump s'apprête à prêter serment sur la Bible ce lundi 20 janvier 2025 à Washington. Il succède à celui qui lui a succédé, Joe Biden. Donald Trump a prévu des festivités à la hauteur de l'événement historique et de la valeur pécuniaire de l'action Trump II, à savoir plusieurs centaines de millions d'euros provenant de ses nombreux admirateurs... ou copains milliardaires intéressés. Village People sera au rendez-vous. L'Amérique va sacrer Trump comme Napoléon Ier s'est sacré lui-même empereur. Pour les caricaturistes, c'est génial puisque Donald Trump est désormais pire que ses caricatures.

    Pour mon titre, j'ai honteusement copié un sous-titre de France Info qui rappelait le 17 janvier 2025 que le nouveau Président américain était quand même poursuivi par la justice américaine pour avoir refusé le verdict électoral du 2 novembre 2020, fait pression sur des responsables électoraux pour manipuler les résultats (en particulier en Géorgie), et surtout, pour avoir encouragé la véritable tentative de putsch au Capitole le 6 janvier 2021.

    Il ne serait que trop long d'énumérer la liste des poursuites judiciaires dont il a fait l'objet (viol, coup d'État, etc.) avec probablement un sommet avec son incarcération très courte le 24 août 2023 par l'État de Géorgie pour trafic d'influence sur les dépouillements des élections du 2 novembre 2020.


     

     
     


    Aujourd'hui, la situation est complètement changée et les opportunistes se tournent vers le nouveau maître des États-Unis, un maître qui va avoir une toute puissance politique très rare historiquement car le 5 novembre 2024, non seulement il a été très largement (ré)élu, face à Kamala Harris, mais il a conquis le Sénat et gardé la Chambre des Représentants.

     

     
     


    Le jeudi 16 janvier 2025, le futur Président a publié son portrait officiel qui est très différent de la photographie souriante de 2016 (la dernière image de cet article). Elle représente un Donald Trump défiant, frimant, intimidant (ci-après), qui fait inévitablement penser à sa trombine lorsqu'il a été incarcéré en été 2023 (la première photographie de l'article).
     

     
     


    Depuis le 5 novembre 2024, la résistance anti-trumpienne s'est effondrée et tout le monde a retourné sa veste s'il ne l'avait pas fait auparavant comme Elon Musk. L'hebdomadaire très réputé "Time" a fait sa une du 30 décembre 2024 avec Donald Trump sacré l'homme de l'année 2024 alors qu'il n'a encore rien fait au pouvoir. Je rappelle qu'il avait failli perdre la vie le 13 juillet 2024 lors d'une tentative d'assassinat (qui a coûté la vie d'un sympathisant de 50 ans).

     

     
     


    Au moment où les Français rendait hommage aux victimes de l'attentat de "Charlie Hebdo" tués il y a dix ans, la dessinatrice de presse Ann Telnaes a été victime d'une véritable censure de la part de son employeur, le "Washington Post" (originellement pro-démocrate), auquel elle collaborait depuis 2008 sans aucune restriction de sa liberté d'expression. Le dessin en cause, qu'elle a publié sur son blog le 4 janvier 2025, représente Mark Zuckerberg (FaceBook), Sam Altman (OpenAI), Patrick Soon-Shiong ("Los AngelesTimes"), Walt Disney Company et Jeff Bezos (Amazon), qui est le propriétaire du "Washington Post", se prosternant devant le nouveau grand maître Trump.

     

     
     


    Membre du conseil consultatif de la Freedom Cartoonists Foundation (basée à Genève) et ancien membre du conseil d'administration de Cartoonistes Rights, Ann Telnaes constatait : « Au fil des ans, j’ai vu mes collègues étrangers risquer leur gagne-pain et parfois même leur vie pour dénoncer les injustices et demander des comptes aux dirigeants de leur pays. ». Désormais, son pays serait aussi à inscrire sur la longue liste des pays qui prennent des libertés avec la liberté d'expression (contrairement à ce que prône Elon Musk).

    En effet, dans son blog, elle a expliqué : « En tant que dessinatrice éditorialiste, mon travail consiste à demander des comptes aux personnes et aux institutions puissantes. Pour la première fois, mon rédacteur-en-chef m’a empêché de faire ce travail essentiel. J’ai donc décidé de quitter le Post. Je doute que ma décision fasse beaucoup de bruit et qu’elle soit rejetée parce que je ne suis qu’une dessinatrice. Mais je ne cesserai pas de faire connaître la vérité au pouvoir par mes dessins, car comme on dit, "la démocratie meurt dans l’obscurité". ».

    La période de transition de deux mois et demi, toujours un peu exceptionnelle, a été particulièrement mise à profit par Donald Trump : en s'octroyant l'allégeance de tous les géants de la technologie, habituellement démocrates, et en faisant preuve de son imprévisibilité désormais prévisible. Ainsi, sa position sur l'Ukraine est loin d'être molle face à Vladimir Poutine et la paix en 24 heures qu'il avait promise pendant sa campagne présidentielle est maintenant oubliée (on parle aujourd'hui de six mois).

     

     
     


    Les déclarations déconcertantes et agressives sur les menaces d'annexion armée du Groenland, du canal de Panama, voire du Canada ont montré surtout un égoïsme probablement majoritaire au sein du peuple américain, prêt à perdre des alliés sûrs pour leurs affaires économiques. Car l'objectif de Donald Trump, d'abord un homme d'affaires milliardaire, c'est de faire des affaires et l'augmentation probable et énorme des taxes douanières risquent de coûter très cher à l'Europe.

     

     
     


    De même, la paix à Gaza a franchi une étape décisive ce samedi 18 janvier 2025 avec l'accord de Benyamin Netanyahou, un accord proposé par le Président Joe Biden depuis le printemps 2024 qui impose un cessez-le-feu à Gaza en contre-partie de la libération des otages israéliens (on parle des deux otages franco-isréaliens dans la liste) et de libération de prisonniers palestiniens (certains condamnés pour des actes criminels). Même si Donald Trump a été impliqué dans cet accord, il intervient avant la prise de fonction, ce qui sauve l'honneur de Joe Biden qui n'aura pas à supporter un Donald Trump annonçant la paix à Gaza le jour même de son investiture.

     

     
     


    Son investiture fait elle-même l'objet de toutes les convoitises. Les places d'invitation sont rares et chères. On y côtoiera les chefs d'État et de gouvernement populistes et, pour certains, illibéraux, comme Javier Milei, Giorgia Meloni, Viktor Orban, etc. Pour la France, Éric Zemmour, sa compagne (élue députée européenne) et Marion Maréchal ont été invités, en revanche, pas Marine Le Pen ni Jordan Bardella qui, pourtant, en mouraient d'envie et qui se sont vus ainsi méprisés par le futur Président des États-Unis (je persiste à croire que ce serait plutôt un avantage électoral en France puisqu'on soupçonne justement le RN d'être trumpiste). Aucune délégation russe ne serait présente, tandis que la Chine communiste serait représentée par son Vice-Président.

     

     
     


    Donald Trump a annoncé l'arrestation massive de migrants illégaux dès le lendemain de son investiture. On imagine aussi l'accélération des exécutions, comme il l'avait fait lors des six derniers mois de son premier mandat où treize personnes condamnées à mort par l'État fédéral ont été exécutées alors qu'ils étaient en tout seize depuis cinquante ans...
     

     
     


    Au-delà des Européens, des citoyens américains auront des raisons de s'inquiéter du retour de Donald Trump dont la politique est tournée vers ceux qui veulent faire des affaires. Il y aura beaucoup de laissés-pour-compte. Ils pourront dire à leurs petits-enfants, plus tard, à l'instar de Céline dans "Mort à crédit" : « C'était encore lui le plus vicelard !... On était dans de jolis draps !... Je ressentais toute la mouscaille, toute l'avalanche des machetagouines qui me rafluaient sur mes talons... C'était mochement compromis l'avenir et nos jolis rêves !... Y avait plus beaucoup d'illusions !... ». Rideau !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Trump II : de justiciable à justicier !
    Canada, Groenland, Panama : Donald Trump est-il fou ou cynique ?
    Attentat à La Nouvelle-Orléans : les États-Unis durement endeuillés.
    Jimmy Carter, patriarche de l'humanitaire.
    Shirley Chisholm.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.
     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250118-trump.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/trump-ii-de-justiciable-a-258670

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/18/article-sr-20250118-trump.html




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  • Les 20 ans de Mahmoud Abbas

    « Je suis obligé de poursuivre la politique de Yasser Arafat. Je suis lié au dernier discours d’Arafat devant le Conseil constitutif du 18 août 2004. S’il s’agit d’un discours extrémiste, comme certains le prétendent, je suis également extrémiste, mais en fait je ne le suis pas. Je l’ai relu et je peux vous confirmer que les propos d’Arafat sont logiques et pragmatiques et que j’y adhère complètement. » (Mahmoud Abbas, le 8 novembre 2004).


     

     
     


    Le général Joseph Aoun (61 ans) a été élu Président de la République libanaise ce jeudi 9 janvier 2025 au quatorzième tour par 99 voix sur 128 au total avec 27 votes blancs ou nuls. Soutenu par le maronite Samir Geagea, le Qatar et les États-Unis, Joseph Aoun était commandant en chef des forces armées libanaises depuis le 8 mars 2017. Après une vacance présidentielle de plus de deux ans et deux mois, il succède à Michel Aoun (sans lien de parenté), Président de la République libanaise du 31 octobre 2016 au 31 octobre 2022, ce dernier lui-même élu à l'âge de 83 ans, après une vacance présidentielle de plus de deux ans et cinq mois, au quarante-septième tour par 83 voix sur 127 au total avec 43 votes blancs ou nuls, avec l'appui du Hezbollah. Les élections présidentielles libanaises sont laborieuses à cause du quorum nécessaire à l'élection (il faut au moins 86 députés présents sur 128) et du boycott d'un parti ou d'un autre qui fait annuler les scrutins.

    Les Libanais ont du mal à avoir un Président mais au moins, il est élu. Pour l'Autorité palestinienne, la situation est encore plus difficile. C'est maintenant il y a vingt ans, le 15 janvier 2005, que Mahmoud Abbas est devenu le Président de l'Autorité palestinienne. Représentant le Fatah, il a été élu le 9 janvier 2005 en Cisjordanie et à Gaza dès le premier tour par 62,5% des voix (soit un petit peu plus qu'un demi-million de suffrages) face à six autres candidats (dont le principal était Mustafa Barghouti, indépendant, à 19,5%), pour une participation de 72,1% (mais environ 30% des citoyens palestiniens n'étaient pas enregistrés sur les listes électorales). Le 3 janvier 2013, Mahmoud Abbas, qui siège à Ramallah (en Cisjordanie), s'est autoproclamé Président de l'État de Palestine au lieu de Président de l'Autorité palestinienne.

    Cette élection du 9 janvier 2005 avait pour but de trouver un successeur à Yasser Arafat, élu Président de l'Autorité palestinienne le 20 janvier 1996 (conformément aux Accords d'Oslo) et mort le 11 novembre 2004. L'élection de Mahmoud Abbas n'était pas évidente car il avait un sérieux concurrent au sein du Fatah en la personne de Marwan Barghouti, incarcéré et impliqué dans les deux Intifada (les sondages les mettaient au coude à coude mais il s'est désisté au nom de l'unité des Palestiniens et sur pression du Fatah qui soutenait officiellement Mahmoud Abbas).

    Mahmoud Abbas avait été le (premier) Premier Ministre de Yasser Arafat du 19 mars 2003 au 6 septembre 2003 dans un poste créé spécialement par le leader historique de l'OLP, sous la pression des États-Unis, pour mettre fin au désordre qui régnait dans les territoires palestiniens et permettre aux États-Unis d'avoir un interlocuteur moins sulfureux que Yasser Arafat qui, par cette occasion, a dû céder une partie de ses pouvoirs. Sa démission quelques mois plus tard aurait été motivée par la peur de voir son intégrité corporelle menacée par un certain nombre de groupes violents. Ses oppositions étaient nombreuses, en particulier le Hamas et le Jihad islamique à Gaza, les Américains et les Israéliens qui ne l'aidaient pas à asseoir son autorité et même Yasser Arafat qui voulait continuer à gouverner.


     

     
     


    Les élections législatives palestiniennes du 25 janvier 2006 ont été largement remportées par le Hamas avec 74 sièges sur 132, battant le Fatah avec 45 sièges. C'étaient les premières élections depuis le 20 janvier 1996... et les dernières à ce jour. Considérant qu'il avait perdu les élections, Mahmoud Abbas a appelé le 29 mars 2006 Ismaël Haniyeh, le dirigeant historique du Hamas (qui allait être tué le 31 juillet 2024 à Téhéran), à former un "gouvernement de cohabitation". Il a été renvoyé par Mahmoud Abbas le 15 juin 2007 à cause des violences de son mouvement, mais le leader du Hamas s'est accroché jusqu'au 2 juin 2014 (parallèlement à Salam Fayyad nommé Premier Ministre). Concrètement, il y avait deux directions, une en Cisjordanie et une autre à Gaza. Le 2 juin 2014, un gouvernement de rassemblement (Hamas-Fatah) a été formé sous la direction de Rami Hamdallah (nommé Premier Ministre le 6 juin 2013, jusqu'au 14 avril 2019).

    Pour de multiples raisons matérielles et politiques (et une volonté très affirmée de garder le pouvoir), que ce fût Yasser Arafat ou Mahmoud Abbas, ils sont restés Présidents aussi longtemps que possible, sans avoir été réélus, alors que le mandat présidentiel de l'Autorité est de quatre ans. Il a été "pseudo-réélu" le 23 novembre 2008 et le 4 mai 2018, mais pas dans des élections populaires. Le Conseil national palestinien, émanation non élue de l'OLP, a en outre proclamé le 16 décembre 2009 le mandat présidentiel prolongé jusqu'aux prochaines élections qui n'ont encore jamais eu lieu.


    Mahmoud Abbas semble être un Président tout à fait hors-sol ayant un ministère de la parole. Il va avoir 90 ans le 16 mars prochain, mais il compte encore avoir l'énergie de mener le peuple palestinien vers ce qu'il entend être un véritable État palestinien comportant la Cisjordanlie, le bande de Gaza (dirigée par le Hamas) et Jérusalem-Est. Autant dire qu'il croit au Père Noël.

    Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche faisait d'ailleurs partie de ses pires cauchemars. En effet, le Président milliardaire, lors de son premier mandat, le 6 décembre 2017, avait reconnu Jérusalem comme la capitale de l'État d'Israël au lieu de Tel-Aviv, déclaration qui fut condamnée le 21 décembre 2017 par 128 des 193 États-membres de l'ONU lors de son Assemblée Générale.

     

     
     


    Si le successeur de Yasser Arafat a démissionné de la présidence du comité exécutif de l'OLP le 22 août 2015 (il l'était depuis la mort de Yasser Arafat), il compte absolument s'accrocher au pouvoir à la tête de l'Autorité palestinienne qui n'a d'autorité que le nom.

    Accusé dans plusieurs affaires de corruption, également de soutien à des activités terroristes depuis une cinquantaine d'années, Mahmoud Abbas s'est distingué par des propos ouvertement antisémites ou relativisant la Shoah et réécrivant l'histoire, à de nombreuses occasions internationales (au point que la Ville de Paris lui a retiré la médaille de Vermeil le 8 septembre 2023 pour un énième dérapage antisémite et négationniste). Déjà le 4 mai 2018, après des propos inacceptables (adressés aux Palestiniens le 30 avril 2018 qui ont provoqué une vague d'indignation internationale), il avait présenté des excuses à la communauté internationale, excuses qui ne devaient pas être très sincères vu ses récidives ultérieures (en 2022 et 2023, entre autres) : « Si mes propos devant le Conseil national palestinien ont offensé des gens, en particulier des gens de confession juive, je leur présente mes excuses. Je voudrais assurer à tous que telle n’était pas mon intention [de les offenser] et réaffirmer mon respect total pour la religion juive, ainsi que pour toutes les religions monothéistes. Je voudrais renouveler notre condamnation de longue date de l’Holocauste, le crime le plus odieux de l’histoire, et exprimer notre compassion envers ses victimes. Nous condamnons l’antisémitisme sous toutes ses formes et confirmons notre engagement pour une solution à deux États, et à vivre côte à côte dans la paix et la sécurité. ».

     

     
     


    En Cisjordanie, Mahmoud Abbas est devenu très impopulaire depuis le massacre du 7 octobre 2023 et la riposte israélienne. On lui reproche l'impuissance et l'inaction. La colère des Palestiniens se retourne contre lui. Avant la guerre de Gaza, il était déjà très impopulaire puisque les trois quarts de la population étaient favorables à sa démission. Selon Hugh Lovatt, chercheur au Conseil européen des relations internationales : « Coincée entre l'opinion publique et les attentes américaines, l'Autorité palestinienne a jusqu'à présent évité de prendre une position claire, ce qui ne l'a pas aidée non plus. Il se trouve donc dans une position perdant-perdant. » (le 22 octobre 2023 sur France 24).

    Du reste, Ghaith Al-Omari, l'ancien négociateur palestinien (en 2000 et 2001), expliquait à Marc Daou le 23 mars 2023 sur France 24 : « La vie politique palestinienne n'a jamais été démocratique, mais elle était vivante et active. Aujourd'hui, tout cela n'existe plus : cet espace politique s'est fermé et le Président Abbas et son entourage ont systématiquement veillé à saper l’image et l’autorité de chaque dirigeant qui commençait à devenir populaire. Tout au long du mandat de Yasser Arafat, il y a toujours eu deux ou trois candidats potentiels à sa succession, dont Mahmoud Abbas. Mais aujourd'hui, il est impossible de désigner un favori parce que le Président a œuvré pour affaiblir tous les candidats potentiels à sa succession. En somme, tous ceux qui sont en désaccord avec lui finissent par être écartés (…). Il y a actuellement au moins dix personnalités qui aspirent à la Présidence, mais aucune d'entre elles n'est assez forte politiquement ou n'a suffisamment de popularité ou de soutien pour se détacher. En l’absence de candidats forts ou légitimes, la compétition entre eux peut mal tourner. Nous savons qu'il y a beaucoup d'armes qui circulent en Cisjordanie occupée et qu’un certain nombre de successeurs potentiels recrutent des partisans, ce qui rend crédible la perspective d’un processus long et violent. ».


    Et l'ancien conseiller de Mahmoud Abbas d'affirmer : « Lorsqu'il est devenu Président, il est resté engagé, et il l'est toujours aujourd'hui, dans la voie de la non-violence et de la diplomatie. Mais nous avons réalisé qu'il n'était pas un réformateur ni en faveur des réformes. Mahmoud Abbas a aussi fermé les yeux sur la corruption qui, encore aujourd’hui, gangrène l’Autorité palestinienne. ». Mahmoud Abbas est, il est vrai, considéré comme l'architecte des Accords d'Oslo, parmi les premiers Palestiniens à vouloir régler le conflit par voie diplomatique.

    Bien avant, Tobias Buck, du "Financial Times", en octobre 2011, avait compris la personnalité du chef palestinien : « Dans l’univers perfide de la politique palestinienne, on dit qu’Abbas place au-dessus de tout la loyauté de son entourage proche. Ses assistants le conseillent, préparent ses discours et agissent comme ses émissaires. Au cours d’une réunion récente, Saeb Erekat, le négociateur en chef, lui chuchotait ses recommandations et se tenait également prêt à lui allumer cigarette sur cigarette. (…) Abbas déclare qu’il ne souhaite pas rester au pouvoir, ce que beaucoup sont disposés à croire. (…) Pourtant, une retraite paisible ne semble pas imminente. Selon certains diplomates, il apprécie davantage le décorum du pouvoir et les privilèges de ses fonctions que ne le suggère son attitude modeste. ».

    Le correspondant de "Marianne" en Israël, Julien Lacorie, écrivait le 11 février 2023 : « La fin de règne du chef de l’Autorité palestinienne s’annonce des plus sombres. Tout semble s’écrouler autour de lui alors qu’un embrasement des violences menace de toute part. Les trois quarts des Palestiniens souhaitent que Mahmoud Abbas, accusé de corruption et de népotisme depuis une dizaine d’années, prenne sa retraite. ».
     

     
     


    Vingt ans ! Mahmoud Abbas aura connu (au moins) quatre Présidents de la République française : Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron. « Malgré son impopularité, son inefficacité et sa santé fragile », dixit Olivier Poujade le 24 novembre 2023 sur France Info, Mahmoud Abbas « reste pourtant le seul interlocuteur officiel à l'international » des Palestiniens. Quand Emmanuel Macron s'est rendu au Proche-Orient après le massacre du 7 octobre, c'est au Président de l'Autorité palestinienne qu'il est allé rendre visite pour négocier la libération des otages du Hamas, alors que cela se "joue" en fait avec le Qatar et le Hamas.

    Le problème du représentant palestinien, c'est que l'officiel est Mahmoud Abbas dont le mandat s'est terminé le 15 janvier 2009, et pour désigner un successeur, il faut organiser des élections au cours desquelles les Palestiniens plébisciteront probablement à 75% le candidat du Hamas, ce que ne veulent absolument pas les Israéliens. On ne peut tout de même pas tabler sur l'immortalité d'un Mahmoud Abbas, qui plus est nonagénaire dans quelques semaines.


    La solution viendrait d'un prisonnier d'une prison israélienne depuis 2002, considéré comme un terroriste et déjà évoqué pour la succession de Yasser Arafat : Marwan Barghouti, appelé par certain le Nelson Mandela de la Palestine, a déjà fait des appels à la paix. En 2006, il disait à une télévision américaine : « Je pense que mon peuple serait prêt à envisager la paix avec le peuple israélien. ». Mais pour cela, le gouvernement israélien devra faire un geste emblématique : le libérer après vingt-deux années d'incarcération.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Mahmoud Abbas.
    Yasser Arafat.
    Les Accords d'Oslo.
    Shimon Peres.

    Yitzhak Rabin.
    L'horreur du Hamas.
    L'avenir de la France se joue aussi à Gaza !
    Massacre à Gaza.
    La chute de Bachar El-Assad.
    Michel Aoun.


     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250115-mahmoud-abbas.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-20-ans-de-mahmoud-abbas-258455

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/10/article-sr-20250115-mahmoud-abbas.html