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  • Le pape François, centre du monde !

    « En se tournant vers le sud, vers les plus pauvres, en tournant le dos à l’Europe, pas seulement à la France à qui il reprochait son modèle laïque, et en décembre dernier encore à Ajaccio, en Corse, François a désoccidentalisé l’Église, pendant que l’Occident continuait de se déchristianiser. » (Patrick Cohen, le 22 avril 2025 sur France Inter).




     

     
     


    Il n'a pas fallu attendre longtemps pour entendre dans certains médias français des critiques virulentes contre le pape François qui vient de mourir ce lendemain de Pâques 2025 à l'âge de 88 ans des suites d'un AVC. Certains parlent d'un pape autoritaire, qui n'écoutait personne, pas du tout diplomate.

    La journaliste Catherine Nay l'a rappelé brutalement sur CNews lorsque, dans un avion, le pape disait aux Ukrainiens que ce serait courageux d'arrêter la guerre et de venir avec un drapeau blanc devant l'ennemi. Ce n'était pas très malin car c'est aujourd'hui le discours de Donald Trump qui oublie qu'il y a dans cette histoire un agresseur affamé et que si on lui donne ce qu'il veut aujourd'hui, il en voudra encore plus demain. Malheureusement, les leçons de l'histoire ne sont jamais comprises à temps.

    Mais pour le coup, effectivement, le pape François n'était pas diplomate, ce n'était pas son job. Il devait au contraire être franc face aux puissants, leur rappeler ce que le monde a de misères et qu'il faut le transformer, l'améliorer, ne pas rester insensible à la misère humaine, bannir la froide logique comptable.

     

     
     


    Sur l'accueil des réfugiés, le pape était non seulement dans la tradition de l'Église catholique mais dans les valeurs fondamentales de la foi chrétienne : on doit accueillir toutes les personnes qui sont dans le besoin. François n'était pas un dirigeant politique, il n'était pas un capitaine d'industrie, il était d'abord un humble qui se préoccupait d'autres humains.
     

     
     


    Une petite citation papale permettra de remettre un peu à l'endroit quelques personnalités particulièrement hypocrites qui pleurent officiellement François tout en faisant ou en prônant exactement le contraire : « C'est de l'hypocrisie de se dire chrétien et de chasser un réfugié ou quelqu'un qui cherche de l'aide, quelqu'un qui a faim ou soif, de rejeter quelqu'un qui a besoin de mon aide… Si je dis que je suis chrétien, mais que je fais ces choses, je suis un hypocrite. ». C'est sûr, ce n'était pas diplomate, il n'avait pas des électeurs un peu obtus à convaincre, mais ceux à qui ces paroles s'adressaient l'avaient bien cherché.
     

     
     


    Et puis, il y a les critiques CNews, à l'instar d'un Philippe de Villiers qui considérait le pape comme un défenseur du wokisme. C'est totalement injustifié puisqu'à gauche, au contraire, on a critiqué François d'avoir boudé la France de François Hollande à cause du mariage pour tous (adopté quelques semaines après le début de son pontificat), d'avoir reproché à Emmanuel Macron d'avoir introduit l'IVG dans la Constitution et, plus généralement, comme l'a constaté l'éditorialiste Patrick Cohen le 22 avril 2025 sur France Inter, le pape regrettait le modèle laïque de la France qui, pourtant, me paraît en totale conformité avec la parole du Christ : « Rends donc à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ! », phrase retranscrite par les trois évangélistes Marc, Matthieu et Luc.

    En s'adressant d'abord à l'humanité qui est en nous, le pape François a forcé les doctrines, a forcé les réflexes identitaires, a forcé les vieilles réactions automatiques. Il ne partait ni de la politique comme Jean-Paul II, ni de la théorie, des principes comme Benoît XVI, mais simplement de la réalité humaine tout aussi imparfaite que Dieu est en principe parfait.

     

     
     


    C'était par exemple très clair pour la bénédiction des couples homosexuels. En quoi cela gêne-t-il quelqu'un dès lors que deux êtres s'aiment par consentement mutuel ? François n'y voit qu'amour quand d'autres y voient l'angoisse de leur manque de confiance en eux. Comme pour les personnes divorcées ou même non mariés, j'ai connu des prêtres qui savaient bénir un couple de personnes qui vivaient, ...dirons-nous, "dans le péché", parce qu'elles s'aimaient, mais pas comme le voudrait l'Église, et cela bien avant l'arrivée de François.
     

     
     


    Le Vatican a publié le testament du pape François, ou plutôt, ses dernières volontés faites d'humilité et de piété. Daté du 29 juin 2022, le texte explique ainsi la préférence du pape : « Le tombeau doit être en terre, simple, sans décoration particulière et avec la seule inscription : Franciscus. ». Ainsi, il ne sera pas mentionné pour la postérité qu'il fût pape ni les dates. Contrairement aux autres papes traditionnellement enterrés à la Basilique Saint-Pierre depuis trois cents ans, François a choisi une église (à peine) plus modeste, la Basilique Sainte-Marie-Majeure.
     

     
     


    Avant le début du conclave qui commencera le 6 mai 2025 et qui sera très important puisque chargé d'élire le nouveau pape, il y a une date très importante, le samedi 26 avril 2025 à Saint-Pierre de Rome. Ce sera en effet le jour des obsèques du pape François.

    Enterrer un pape est relativement peu fréquent. La dernière fois remonte à plus de vingt ans, avec le pape Jean-Paul II dont les funérailles ont eu lieu le 8 avril 2005. Celles-ci ont réuni dans un large hommage de nombreux chefs d'État et de gouvernement du monde entier, en particulier Jacques Chirac (France), Carlo Ciampi (Italie), George W. Bush (États-Unis), Juan Carlos (Espagne), Albert II (Belgique), etc. En tout, 110 avions d'État et 60 avions civils furent accueillis dans trois aéroports romains pour faire venir toutes les délégations du monde entier.
     

     
     


    Pour le pape François, cela promet aussi d'être un grand rassemblement. Sont déjà annoncés Donald Trump, Emmanuel Macron (rentré de La Réunion), Giorgia Meloni, Volodymyr Zelensky, etc. En revanche, Vladimir Poutine, sous le coup d'un mandat international, ne fera pas le déplacement car il a piscine.

    Certes, François n'était pas diplomate, mais peut-être parviendrait-il à aider à la concorde mondiale en réunissant autour de sa dépouille autant de dirigeants politiques. Il pourrait ainsi, après sa mort, contribuer à retrouver la paix dans certaines régions du monde particulièrement touchées par la guerre et la lâcheté.

     

     
     


    Après tout, si Jorge Mario Bergoglio a choisi son nom de pape François, en référence à saint François d'Assise, c'était parce qu'il voulait la paix mondiale : « François est le nom de la paix, et c'est ainsi que ce nom est venu dans mon cœur. ». Ajoutant au moment de son élection : « Je voudrais une Église pauvre, pour les pauvres. ». Espérons que son successeur soit sur la même longueur d'onde. Et tant pis pour Wall Street !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le pape François, centre du monde !
    Émotion mondiale pour la mort du pape François.
    Pâques : Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?
    Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !
    Mgr Jean-Marc Aveline.
    Inquiétudes sur la santé du pape François.
    Le pape François en Corse : la vie en rose !
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    Mgr Jacques Gaillot.
    Mgr Albert Decourtray.

    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250422-pape-francois.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/le-pape-francois-centre-du-monde-260611

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/22/article-sr-20250422-pape-francois.html



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  • Émotion mondiale pour la mort du pape François

    « Chers frères et sœurs, c'est avec une profonde tristesse que je dois vous annoncer la mort de notre Saint Père François. » (Mgr Kevin Farrell, le 21 avril 2025 au Vatican).



     

     
     


    C'est avec ces quelques mots que le cardinal Kevin Farrell, le camerlingue du Vatican, a annoncé ce lundi 21 avril 2025 dans la matinée, à 9 heures 45, la mort du pape François, à l'âge de 88 ans, à 7 heures 35. Il venait de fêter sa douzième année de pontificat il y a quelques semaines.

    Cette nouvelle m'a ému comme beaucoup de chrétiens (et aussi non chrétiens) dans le monde tant la figure du pape François avait une importance qui s'étendait bien au-delà de l'Église catholique. Ému par la nouvelle, aussi surpris et presque interrogatif car j'avais cru, dans ma naïveté, que le pape avait récupéré de sa longue hospitalisation pour bronchite. Il ne lui a pas survécu car l'effort pour la surmonter était sans doute trop épuisant. Mourir à Pâques, son prédécesseur Jean-Paul II aussi l'avait fait.

    C'est comme si François avait absolument voulu aller au bout de la Semaine Sainte, passer les fêtes de Pâques et qu'il pouvait enfin se reposer. Ce dimanche 20 avril 2025, pour Pâques, le peuple de Rome a pu le voir au balcon du Vatican pour la traditionnelle bénédiction urbi et orbi, et aussi, plus tard, dans un bain de foule dans sa papamobile. On n'imaginait pas à quel point cet effort devait être terrible.

     

     
     


    Malgré son épuisement, depuis la loggia de la Basilique Saint-Pierre de Rome, le pape François ne pensait pas à lui mais au monde.

    Ainsi, il a pensé à la guerre civile en Libye, où les combats font rage à Tripoli : « Que les armes cessent d’ensanglanter la Libye où, de nouveau, des personnes sans défense meurent ces dernières semaines et où de nombreuses familles sont contraintes à quitter leur propre maison ! J’exhorte les parties concernées à choisir le dialogue plutôt que l’oppression, en évitant que s’ouvrent à nouveau les blessures d’une décennie de conflits et d’instabilité politique. ».

    Aussi au retour des réfugiés en Syrie : « C’est plutôt le moment de renouveler l’engagement pour une solution politique qui réponde aux justes aspirations de liberté, de paix et de justice, qui affronte la crise humanitaire et favorise le retour en sécurité des personnes déplacées et de celles qui se sont réfugiées dans les pays limitrophes, surtout au Liban et en Jordanie. ».

    À la réconciliation au Soudan du Sud : « Puisse s’ouvrir une nouvelle page de l’histoire du pays, dans laquelle toutes les composantes politiques, sociales et religieuses s’engagent activement pour le bien-être commun et la réconciliation de la nation. ».


    Le souverain pontife a eu aussi une pensée aux victimes des attentats contre des églises et des hôtels de luxe au Sri Lanka qui avaient eu lieu quelques heures auparavant : « J’ai appris avec tristesse la nouvelle des graves attentats, qui précisément aujourd’hui, jour de Pâques, ont porté deuil et douleur dans plusieurs églises et autres lieux de réunion au Sri Lanka. Je désire exprimer ma proximité affectueuse à la communauté chrétienne, touchée pendant qu’elle était recueillie et en prière, et à toutes les victimes d’une si cruelle violence. Je confie au Seigneur ceux qui ont tragiquement disparu et je prie pour les blessés et tous ceux qui souffrent à cause de cet événement dramatique. ».
     

     
     


    Les trois derniers papes, très différents les uns des autres, Jean-Paul II, Benoît XVI et François, ont été exceptionnels dans l'histoire de l'Église catholique, par leur grand engagement dans la société humaine. Le pape François a marqué par sa volonté d'humilité et d'attention aux plus pauvres, aux plus démunis. Il a aussi insisté auprès de toute l'institution catholique pour délaisser les honneurs, les protocoles et ne garder que l'attention aux plus humbles.

    Invitée par une télévision ce matin, la directrice de KTo, la chaîne de l'Église de France, expliquait que s'il fallait garder une image de François, c'était celle du jésuite, pas l'idée d'un manipulateur (fausse image des jésuites), ni forcément l'idée d'un moderniste (vraie image des jésuites), mais surtout celui de conseiller spirituel, celui qui ne lâche pas les puissants et qui leur rappelle toute la misère du monde pour transformer le monde, pour ne pas se satisfaire du monde actuel. Pape révolutionnaire ? Certainement, même s'il était aussi l'homme de sa génération.


    L'émotion se couple à l'inquiétude pour l'avenir. Qui dirigera l'Église catholique dans quelques semaines ? Personne n'a vraiment d'idée précise, mais il devra être le successeur de ces trois grands papes, le premier politique, le deuxième intellectuel et le troisième social. François a été un grand pape et son pontificat marquera durablement la communauté chrétienne par son humanisme.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Émotion mondiale pour la mort du pape François.
    Pâques : Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ?
    Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !
    Mgr Jean-Marc Aveline.
    Inquiétudes sur la santé du pape François.

    Le pape François en Corse : la vie en rose !
    Le voyage du pape François en Corse (Ajaccio) en direct live ce dimanche 15 décembre 2024 (vidéo).
    Autonomie de la Corse : y a-t-il un risque de séparatisme ?
    Notre-Dame de Paris, capitale du monde !
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    Les 98 ans de Sœur Marguerite.
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
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    Le pape François à Marseille (1) : ne pas légiférer sur l'euthanasie.
    Le voyage du pape François à Marseille (22 et 23 septembre 2023).
    Mgr Jacques Gaillot.
    Mgr Albert Decourtray.

    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250421-pape-francois.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/emotion-mondiale-pour-la-mort-du-260586

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/21/article-sr-20250421-pape-francois.html


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  • Gilberte Beaux, une grande dame qui sort des schémas classiques

    « Il faut aimer la vie. J'aime la vie (…). Quand on aime (…), on arrive toujours à faire des choses merveilleuses. La vie est fantastique ! » (Gilberte Beaux, le 26 juillet 2017).



     

     
     


    Gilberte Beaux fête son 95e anniversaire ce vendredi 12 juillet 2024. Il est très difficile de définir en deux mots qui est Gilberte Beaux. En ce qui me concerne, je la connaissais car elle était la "trésorière" de Raymond Barre, je ne sais pas trop sa fonction, peut-être conseillère économique aussi (les deux probablement) pendant sa campagne présidentielle de 1988.

    Si Gilberte Beaux n'est pas très connue du grand public, c'est parce qu'elle a tout fait pour être discrète, éloignée des médias. Son monde, ce n'était pas celui de la politique où, au contraire, il faut se faire connaître, il faut se promouvoir, il faut faire parler de soi, parfois lourdement, la notoriété étant un élément important dans une victoire électorale (c'est le chat qui se mord la queue : on est connu aussi parce qu'on est élu). Son monde, c'est celui de l'économie, celui de la gestion d'entreprises,celui des discussions feutrées, des négociations secrètes.

    Alors, on pourrait qualifier Gilberte Beaux de femme d'affaires, mais cela risque de faire oxymore, une femme peut être une bonne affaire, mais fait-elle de bonnes affaires ? Arg ! Stop ! J'arrête mon sexisme et si je suis un peu provocateur par le plaisir du jeu, c'est parce que Gilberte Beaux se sent (encore aujourd'hui) une femme libre, mais une femme libre parce qu'une femme forte, et à ce titre, elle s'inscrit dans la tradition des femmes fortes de sa génération, en particulier Simone Veil, mais aussi Marie-France Garaud (grande amie de Simone Veil).

    Encore un petit détour avec Marie-France Garaud (qui est morte récemment). Gilberte Beaux a eu, donc, sa période barriste, en gros toute la décennie des années 1980. Dès 1981, Raymond Barre a vu sa cote de popularité grimper en flèche au fur et à mesure que le gouvernement socialo-communiste vidait toutes les caisses de l'État. Les Français aiment bien les hommes d'État (et femmes d'État) mais seulement lorsqu'ils ne sont plus au pouvoir.

     

     
     


    L'un des préceptes du barrisme institutionnel, c'était sa conception très gaullienne de la Constitution, et à ce titre, Raymond Barre avait repris le flambeau de De Gaulle délaissé par Jacques Chirac prêt à foncer à Matignon (à l'époque, on faisait moins de chichi !) pour faire la première cohabitation. Raymond Barre, fidèle au dogme de la légitimité populaire sacrée par l'onction des urnes, considérait que le Président de la République devait démissionner s'il avait perdu les élections législatives. Au contraire, le président du RPR et futur candidat à l'élection présidentielle refusait d'exclure de gouverner et refusait d'engager un bras de fer avec François Mitterrand visant à le faire démissionner. À l'époque, j'étais à fond dans cette interprétation barriste, mais c'est l'interprétation pragmatique qui a finalement gagné (trois fois) en faisant même de la cohabitation un régime plutôt apprécié des Français car rétablissant une certain équilibre des institutions au sein de l'exécutif.

    Les gardiens du dogme gaullien étaient rares dans la classe politique, notamment parmi les gaullistes, mais on pouvait compter sur Michel Debré (le père de la Constitution, évidemment) et aussi sur Marie-France Garaud, conseillère spéciale de Georges Pompidou à l'Élysée et conservatrice réactionnaire, en quelque sorte (avant-c'était-mieux). Les deux avaient eu le courage de se présenter à l'élection présidentielle de 1981, probablement aidés dans leurs parrainages par les giscardiens pour disperser l'électorat de Jacques Chirac (à charge de revanche, ce dernier, lui, a encouragé ses militants à voter contre VGE au second tour !).

    Malgré son envie de discrétion, Gilberte Beaux s'est quand même engagée dans la bataille électorale... aux côtés de Marie-France Garaud puisqu'elles ont constitué une liste (Marie-France Garaud tête de liste) à Paris aux élections législatives du 16 mars 1986 qui étaient au scrutin proportionnel à l'échelle départementale. Sans investiture de grands partis politiques, cette liste était discrètement soutenue par... Raymond Barre qui cherchait à multiplier les députés purement barristes dans l'Assemblée de 1986 pour empêcher la cohabitation (la majorité très serrée a fait que les députés barristes, y compris le député de Lyon Raymond Barre, se sont finalement ralliés au gouvernement de Jacques Chirac pour ne pas être accusés d'être des diviseurs).

    En 1986, leur liste n'a pas obtenu de siège, mais elle a fait mieux que les écologistes, Lutte ouvrière, le MPPT, ou encore qu'une liste menée par Albert Jacquard. Bref, avec 23 701 voix, soit 2,6% des suffrages exprimés, la liste Garaud-Beaux s'est classée en sixième place sur seize listes, juste après les listes des partis bien établis : la liste RPR menée par Jacques Toubon, la liste PS menée par Lionel Jospin, la liste UDF menée par Jacques Dominati, la liste Rassemblement national (oui oui, pas FN mais RN = FN + CNI) menée par Jean-Marie Le Pen (et le député des concierges Édouard Frédéric-Dupont) et la liste PCF menée par Gisèle Moreau (qui n'a pas obtenu non plus de siège, au contraire des quatre premières). Malgré son concurrent Jacques Dominati, la liste Garaud bénéficiait du soutien des Corses de Paris, car Gilberte Beaux est d'origine corse (son nom de jeune fille est Gilberte Lovisi).
     

     
     


    Mais je m'égare dans cette voie politique qui n'était pas la sienne et sans doute cette candidature en 1986 a été téléguidée par Raymond Barre et elle ne pouvait pas la lui refuser. Revenons surtout à son parcours professionnel qui est loin d'être ordinaire. S'il fallait le résumer avec des noms, on pourrait le résumer étrangement avec deux noms : Jimmy Goldsmith et Bernard Tapie !

    L'encyclopédie en ligne Wikipédia la considère comme « une personnalité du monde des affaires en France, des années 1960 aux années 1990, et une dirigeante d'entreprise » et ajoute : « Elle a été l'associée discrète de deux personnalités flamboyantes du milieu financier et entrepreneurial de ces décennies, Jimmy Goldsmith puis Bernard Tapie, chargée par eux de la bonne gestion des sociétés dont ils s'emparaient. Elle incarne aussi une époque de l'histoire du capitalisme, et du management en entreprise, où il était encore possible à une personne entrant comme dactylo de gravir tous les échelons et de devenir le dirigeant d’un groupe international. ».

    Quand on regarde son origine familiale, un père qui a eu une faillite, on peut y voir un point commun avec Raymond Barre dont le père aussi a été socialement humilié par la faillite de son entreprise. Juste après la guerre qu'elle a passée adolescente avec sa famille à Marseille, la future Gilberte Beaux (elle s'est mariée en 1951 avec Édouard Beaux et est devenue veuve en 1995) a appris la sténodactylographie et a commencé à travailler très jeune dans une banque au plus bas des échelons afin de payer les études de son frère. Au bout de dix ans, par une volonté de fer (et un management particulièrement à l'écoute), elle a grimpé tous les échelons de la banque jusqu'à en devenir une fondée de pouvoir ! Une évolution aujourd'hui quasiment impossible à imaginer où les diplômes et recommandations sont bien plus nécessaires qu'à la sortie de la guerre où beaucoup d'emplois manquaient de titulaires.

    Fort de cette expérience déjà exceptionnelle au milieu des années 1950, Gilberte Beaux a poursuivi dans d'autres entreprises, le groupe automobile Simca, dont elle a géré la trésorerie par l'intermédiaire d'une autre entreprise, la Compagnie financière de Paris. Elle gérait des grands comptes, des investissements, des crédits, etc., réputée au point d'être nommée à la tête de l'Union financière de Paris et de la Société de gestion industrielle et financière.

    Et puis, ce furent ses rencontres dans la vie des affaires qui ont consolidé sa carrière financière. La première fut avec Jimmy Goldsmith dont elle est devenue le bras droit pendant une vingtaine d'années, entre 1967 et 1987. Elle a pris la tête de la Générale Occidentale, société holding du magma de la finance, qui a investi dans le secteur agro-alimentaire, en particulier en rachetant la Générale Alimentaire (marques Amora, Poulain, Maille, etc.). C'est elle qui négociait les prises de participation, les achats, les reventes et surtout la diversification économique du groupe.

    Fine négociatrice, elle a revendu tous les activités du secteur alimentaire au groupe BSN afin d'investir dans les médias et l'audiovisuel au milieu des années 1970 et début des années 1980 : si les tentatives de rachat dans la télévision se sont avérées décevantes (et ratées), la Générale Occidentale a réussi à racheter l'hebdomadaire "L'Express" en 1977 à son fondateur JJSS (qui avait besoin d'argent pour investir dans ses campagnes électorales très coûteuses et assez vaines), ainsi que les Presses de la Cité. Jean-François Revel a été alors nommé directeur de "L'Express" avec, pour rédacteur en chef, Olivier Todd (qui lui aussi vient d'avoir 95 ans, le 19 juin dernier), proche du PSU, et accueillant les réflexions écrites de Raymond Aron. Après le renvoi d'Olivier Todd et la démission, par solidarité, de Jean-François Revel en 1981, l'hebdomadaire a évolué vers la droite (historiquement, il était de centre gauche et mendésiste) pour combattre le gouvernement socialo-communiste après l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand.


    En 1987, ce fut la fin de l'idylle entre Jimmy Goldsmith et Gilberte Beaux, non qu'il y ait eu une mésentente professionnelle, mais parce que Jimmy Goldsmith a voulu vivre et se recentrer aux États-Unis et revendre toutes ses entreprises d'Europe. Gilberte Beaux a négocié alors le rachat de la Générale Occidentale par la CGE (Compagnie générale d'électricité), devenue ainsi propriétaire de "L'Express" (voir la première vidéo ci-dessous).

    À cette époque (lire plus haut), Gilberte Beaux était surtout occupée par son engagement politique derrière Raymond Barre, tout en présidant Basic, une société pétrolière au Guatemala, résidu de ses investissements antérieurs. Elle aurait pu dire qu'elle attendait ainsi une retraite déjà bien méritée, mais atteignant ses 60 ans, elle a relevé un nouveau challenge : Bernard Tapie est venu lui demander en 1990 de prendre la direction du groupe Adidas qu'il venait d'acquérir. Elle connaissait depuis une dizaine d'années Bernard Tapie pour avoir tenté de faire des affaires avec lui, mais sans résultat concret (Bernard Tapie était spécialiste des reprises d'entreprise en liquidation et de la valorisation et revente de leur actif).
     

     
     


    Pour Adidas, dont elle a présidé le directoire puis le conseil de surveillance jusqu'à sa revente (qu'elle a négociée) en 1994 au milliardaire Roger Louis-Dreyfus. Pour redresser financièrement Adidas (au bord de la faillite), Gilberte Beaux a revendu d'autres entreprises du groupe Tapie comme La Vie claire avec de fortes plus-values, puis a accompagné la revente d'Adidas, remis à flots en deux ans (revendu parce que son propriétaire a été nommé ministre) dont fut chargé le Crédit lyonnais (ce qui allait aboutir à une très longue affaire financière et judiciaire car le Crédit lyonnais a fait de très substantiels gains en cachant la valeur réelle d'Adidas).

    Cette revente a coïncidé à peu près avec la mort de son mari en 1995. Édouard Beaux avait acheté un ranch en Argentine et s'y était installé. Veuve, elle a découvert que la vie là-bas y était agréable et s'y est définitivement installée, commençant à près de 70 ans une nouvelle vie de paysanne argentine, du reste très appréciée localement pour avoir soutenu des opérations d'archéologie dans le coin. Ce qui est amusant, c'est que Marie-France Garaud et son collègue politique Pierre Juillet étaient eux aussi, à leurs heures perdues, des éleveurs de moutons dans la campagne profonde !

    Elle qui a passé une trentaine d'années à voyager dans le monde pour les affaires, se rendant sur tous les continents, Europe, Amérique, Asie, reconnaît cependant un trou dans sa raquette, elle ne connaît pas l'Australie ! Elle a été aussi nommée membre du Conseil Économie et Social (devenu CESE, avec Environnemental), pour lequel elle est partie au Japon pour une mission d'étude, qui a abouti à un rapport publié au Journal officiel : "Pour une politique européenne et française face au Japon" (popularisée par un ouvrage grand public : "La Leçon japonaise", ed. Plon). Elle a aussi publié son autobiographie "Une Femme libre" en 2006 (éd. Fayard).
     

     
     


    Gilberte Beaux est une personne qui est bien placée pour dire qu'elle s'est faite toute seule. Elle proclame à qui veut l'entendre que la personnalité et le caractère sont bien plus importants que l'intelligence pour réussir, en particulier, il faut prendre des décisions rapidement, quitte à prendre de mauvaises décisions, mais c'est toujours moins pire que ne pas décider du tout.

    Femme ayant particulièrement réussi sa vie professionnelle, Gilberte Beaux est sans doute une meilleure féministe au sens de la promotion sociale des femmes que bien des militantes féministes stériles qui pinaillent sur des aspects dérisoires de la vie sociale ou prêtes à s'enflammer pour l'écriture inclusive. Elle a donné trois conseils aux femmes qui souhaitent réussir : la liberté, la flexibilité et la confiance en soi. Et pour elle, c'est essentiel : si vous ne vous sentez pas à l'aise dans vos fonctions, dans votre milieu professionnel, n'hésitez pas à en changer et à vivre autre chose. Sinon, votre créativité et votre vitalité risquent de se nécroser.

    Et Gilberte Beaux est bien placée pour le dire parce qu'elle a eu plusieurs vies économiques, passant allègrement d'un secteur à l'autre pour diversifier ses expériences personelles : secteur de la banque, secteur de l'automobile, secteur de l'agro-alimentaire, secteur des médias et de la presse, secteur du pétrole, secteur du sport. Sans compter son incursion politique. Et désormais, secteur agricole avec son exploitation en Argentine. Elle a toujours été discrète et s'est peu souvent exposée auprès du grand public (selon ses activités économiques), mais elle mériterait d'être plus connue, car elle peut être un bon modèle de femmes cultivée et cultivatrice ! Bon anniversaire !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bernard Tapie.
    Marie-France Garaud.
    Raymond Barre.
    Gilberte Beaux.
    Carlos Tavares.
    Carlos Ghosn.
    Bernard Madoff.
    Jacques Séguéla.
    Gustave Eiffel.
    Francis Mer.
     

     

     







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240712-gilberte-beaux.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/gilberte-beaux-une-grande-dame-qui-255755

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/12/article-sr-20240712-gilberte-beaux.html