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olivier faure

  • Congrès du PS : "l'homme le plus riche du cimetière"

    « La réponse est donc non. Le PS ne fera pas renaître la social-démocratie. À la place, à sa place, Olivier Faure pourra-t-il insuffler une dynamique, d’impulser un projet autonome ? Redonner ses chances à la gauche ? Il peut aussi se contenter d’être l’homme le plus riche du cimetière… » (Patrick Cohen, le 6 juin 2025 sur France Inter).



     

     
     


    Le chroniqueur de France Inter a trouvé la bonne formule : Patrick Cohen parlait en effet ce vendredi 6 juin 2025 dans la matinale de « l'homme le plus riche du cimetière ». En d'autres termes, Olivier Faure, premier secrétaire du PS sortant, a été reconduit à ce poste lors du vote des adhérents du PS le jeudi 5 juin 2025.

    Selon les résultats "officiels", je mets les guillemets car ne sont pas indiqués, à ma connaissance, les nombres de voix exacts, Olivier Faure a gagné le duel avec 50,9% face à son rival Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen, qui n'a eu que 49,1%. Un score très serré mais pourtant, sans surprise sur son issue dans la mesure où Olivier Faure était le grand favori depuis l'annonce du soutien qu'il a reçu de Boris Vallaud, le troisième larron qui n'a pas été qualifié pour la finale.
     

     
     


    Le vrai résultat de cette élection bidonnée, c'est le nombre de votants au premier tour (je n'ai pas celui du second tour), qui est de l'ordre de 24 000 personnes, soit très loin des près de 100 000 pour LR. S'il fallait un mot pour qualifier ce parti, c'est le mot "moribond" qui viendrait immédiatement à l'esprit. Ce parti est moribond et la poursuite dans la continuité avec Olivier Faure, qui a été le fauteur de la catastrophe industrielle de la dernière élection présidentielle (1,7% !), et aussi de la désertification des fédérations (40 fédérations ont moins de 100 adhérents !), en gros, une perte de 50 000 adhérents depuis 2018, ne peut que lui être fatal. Un article du journal "Le Monde", pourtant assez complaisant avec le PS, propose une description apocalyptique de ce parti.
     

     
     


    Ce qui est donc clair, c'est que, d'une part, il reste très peu d'adhérents du PS actifs (c'est-à-dire qui votent), et d'autre part, ce parti moribond est complètement divisé en deux. Si le camp du maire de Rouen a finalement reconnu sa défaite, au contraire d'il y a deux ans en janvier 2023, il avait toutefois publié un communiqué très polémique dans la nuit du 5 au 6 juin 2025 : « Les résultats provisoires du 2e tour du congrès du PS donnent 50/50. Le parti est divisé, la direction sortante est désavouée, nous appelons à la responsabilité et à l'unité. (…) L'écart à ce stade est plus faible encore qu'au précédent congrès (Marseille), où le résultat n'avait finalement pas été validé. (…) On nous disait loin derrière, distancé. Finalement, alors que Boris Vallaud avait indiqué son choix pour Olivier Faure, nous remontons et faisons jeu égal. C'est un vrai désaveu pour la direction sortante, incapable d'avoir une majorité au premier tour le 27 mai dernier, et qui n'obtient pas de majorité claire au second tour. ».

     

     
     


    Si les mayer-rossignolistes (j'ose le terme) ont raison de parler d'un désaveu de la direction sortante par la faible mobilisation des adhérents, ils oublient aussi qu'eux-mêmes participent à ce désastre politique en renforçant les divisions et petitesses politiciennes qui restent illisibles au commun des électeurs. Du reste, en réaction à la publication du communiqué de ce camp sur Twitter, les internautes étaient sans complaisance et mettaient tout le monde dans le même paquet : « Un parti qui fait 2% aux présidentielles et scindé en 2, 2026 est déjà perdu grâce à des "stratèges" sans idées dans votre genre Olivier Faure, Nicolas Mayer-Rossignol, Boris Vallaud ».
     

     
     


    Du côté des fauristes (j'ose encore), l'audace était de mise. Je sais que la politique, c'est l'art de raconter des choses qui n'existent pas, mais là, ils y vont assez faure, comme j'oserais encore l'écrire !
     

     
     


    Pour faire voter Olivier Faure, les caciques et apparatchiks ont apporté quelques arguments sur un plateau (qui n'est plus d'argent). D'une part, en votant Olivier Faure, on voterait : « pour une gauche unie de Ruffin à Glucksmann », « pour vaincre la haine » (le beau programme politique concret et solide mis en priorité !), « pour poursuivre ensemble le redressement du PS » (encore fallait-il qu'il commençât !), « pour taxer les riches » (ça marche toujours à gauche, un argument qui a mené à la faillite des finances publiques), etc. (je n'insiste pas car le flot est illisible et insipide).
     

     
     


    Mais à côté de cette affiche passe-partout, il y a un argument massue donné par les fauristes : « De plus en plus de Françaises et de Français misent sur lui pour l'avenir ! ». Mais qui sont donc ces mystérieux Françaises et Français ? On pourrait croire qu'Olivier Faure égalerait Marine Le Pen et Édouard Philippe dans les sondages et que la présidentielle de 2027 va se jouer dans un mouchoir de poche. Pas du tout, ils nous montrent le Baromètre du Figaro de juin 2025 sur la cote d'avenir des personnalités politiques et confortent l'idée première par le fait « qu'Olivier Faure signe la plus forte progression à gauche ». En lisant la liste, on s'aperçoit que la cote d'Olivier Faure est derrière Raphaël Glucksmann, Robert Ménard, François Ruffin, Éric Ciotti, Fabien Roussel et est équivalente à celle de Laurent Wauquiez ou de Nicolas Dupont-Aignan. Pas de quoi en tirer gloriole !
     

     
     


    Cela dénote au moins l'idée très nette qu'Olivier Faure a l'intention de se présenter à l'élection présidentielle (le ridicule ne tue pas, sinon, ça se saurait), ce qui entre en contradiction avec sa volonté de rassembler (dans un très petit éventail) de François Ruffin à Raphaël Glucksmann, alors que tous les deux sont aussi de potentiels candidats à l'élection présidentielle.
     

     
     


    Politiquement et stratégiquement, la victoire de la ligne Olivier Faure est clairement celle de l'alliance avec Jean-Luc Mélenchon. D'ailleurs, dès ce vendredi matin, la numéro deux du PS et maire de Nantes, Johanna Rolland expliquait doctement sur Public Sénat que le PS ferait des alliances ponctuelles avec les insoumis.

    C'est donc clair que la direction sortante et reconduite n'a rien compris à la signification d'une alliance avec le parti mélenchoniste qui se veut consciemment islamo-gauchiste, mettant en péril les valeurs de la République et la cohésion d'une société déjà très fragilisée par les divisions idéologiques. Cela montre aussi que cette direction n'a pas compris non plus pourquoi elle a été autant désavouée depuis si longtemps (et qu'elle n'a bénéficié que du vide de leadership).

    Les résultats serrés du choix de la tête du PS sont tels qu'ils sont insignifiants. Patrick Cohen l'a noté avec raison le 6 juin 2025 : « Impossible de parler d’une victoire nette, d’un vote qui indique un cap, une perspective, une clarification dans la remise en mouvement de la gauche non-mélenchoniste. Ou même une aspiration au changement plutôt qu’une volonté de continuité. Si le métier du commentateur est bien de donner du sens aux événements, encore faut-il que les événements aient un minimum de talent… On notera aussi que c’est la troisième fois que le parti socialiste se joue à 50-50. La dernière fois, c'était à Marseille il y a deux ans, avec les deux mêmes duellistes, le même vainqueur Olivier Faure, quasiment le même score, mais davantage de contestation. ».
     

     
     


    Ce n'est évidemment pas l'analyse d'Olivier Faure lui-même quand il a appris sa réélection à 3 heures 35 du matin (nuit du 5 au 6 juin 2025). Très content, voire triomphaliste, il a fait croire qu'il était un nouveau François Mitterrand qui, lui, avait bâti réellement un mouvement entre 1971 et 1981 : « Dès demain, nous poursuivrons le travail commencé en 2018 pour amplifier la dynamique, avec un parti socialiste ancré au cœur de la gauche. Il nous reste tant à construire ensemble pour ouvrir le chemin vers de nouvelles victoires. ». L'expression "vers de nouvelles victoires" fleure bon Ségolène Royal qui, dans son enthousiasme de son échec électoral le 6 mai 2007, avait terminé son discours en criant « En avant vers de nouvelles victoires ! ».

    Des internautes médisants ont cependant proposé un autre discours pour Olivier Faure, plus proche de la réalité...

     

     
     


    Certains ont même présenté un nouvel emblème pour le PS, au lieu de sa traditionnelle rose, une brosse des toilettes. Un autre a lâché désabusé : « Olivier Faure fanfaronne car il a été réélu à la tête du PS. Tout ce cinéma après avoir vendu son âme aux crapules de LFI. Tout le cinéma pour faire 2% à l'élection présidentielle. ». Précisons que le 2% est une surestimation de la réalité qui est à 1,7%. Celui qui a le mieux synthétisé la situation a écrit : « Au royaume des serpillières, les torchons sont rois. » !

    Le quart d'heure de gloire était quand même pour Olivier Faure ce 6 juin 2025 : il a été l'invité du prestigieux journal télévisé de 20 heures sur TF1. Il a notamment déclaré : « Il faut que la victoire d'hier qui m'a reconduit à la tête du parti socialiste soit utile aux Française et aux Français. ». Cela va donc être difficile voire mission impossible pour le député de Seine-et-Marne qui n'aurait jamais été réélu dans sa circonscription sans l'aide des mélenchonistes.
     

     
     


    Ce qui frappe le plus lorsqu'on veut écouter la vidéo de cette interview (oui, je me risque à tout), c'est... la durée de celle-ci. En général, lorsqu'on est un personnage qui compte dans la vie politique, on a dix minutes ou un quart d'heure au moins pour s'expliquer. Mais dans le cas d'Olivier Faure, on note qu'il n'a eu droit qu'à 3 minutes 48. Ne croyez pas que c'est un scandale de la chaîne. C'est simplement la réalité électorale de ce micro-parti (je le répète, 1,7% à l'élection présidentielle). C'est même déjà beaucoup comme durée.

    De même, cette vidéo sur Youtube ne sera pas virale (quelques centaines de vues après plusieurs heures). Et quelques commentaires fort peu flatteurs, comme celui-ci : « Le PS coule ! ». Un autre : « Créer une dynamique ? (…) Et pourquoi pas un programme, pendant que vous y êtes ? ».

     
     


    En fait, la réélection d'Olivier Faure satisfait tous ses adversaires politiques. D'abord Jean-Luc Mélenchon qui est heureux de voir confirmer la ligne qui souhaite l'alliance avec ses insoumis. Ensuite, Marine Le Pen se frotte les mains car elle comprend que l'alternance ne se fera pas à gauche tant elle est divisée, et espère bien recueillir les souhaits de renouvellement. Enfin, le Président Emmanuel Macron peut, lui aussi, être satisfait car cela va obliger les sociaux-démocrates du PS à quitter ce parti et rejoindre le bloc central à l'instar de Manuel Valls, François Rebsamen, Juliette Méadel, François Patriat, Jean-Yves Le Drian, Florence Parly, etc. Son objectif de réunir des socialistes aux républicains n'a jamais été aussi près d'être atteint.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Congrès du PS : "l'homme le plus riche du cimetière".
    Congrès du PS : Olivier Faure est-il en difficulté ?
    Congrès du PS : le choc de complexité !
    Robert Badinter.
    Congrès du PS à Rennes : l'explosion de la Mitterrandie.
    La préparation du congrès de Rennes (27 janvier 1990).
    Histoire du PS.
    Manuel Valls.
    Martine Aubry.
    Hubert Védrine.
    Julien Dray.
    Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    Lionel Jospin.
    Claude Allègre.
    François Mitterrand.
    Jacques Delors.
    Mazarine Pingeot.
    Richard Ferrand.
    Didier Guillaume.

    Pierre Joxe.
    André Chandernagor.
    Didier Migaud.
    Pierre Moscovici.

    La bataille de l'école libre en 1984.
    Bernard Kouchner.
    Hubert Curien.
    Alain Bombard.
    Danielle Mitterrand.
    Olivier Faure.
    Lucie Castets.

    Bernard Cazeneuve
    Gabriel Attal.
    Élisabeth Borne.
    Agnès Pannier-Runacher.
    Sacha Houlié.
    Louis Mermaz.
    L'élection du croque-mort.
    La mort du parti socialiste ?
    Le fiasco de la candidate socialiste.
    Le socialisme à Dunkerque.
    Le PS à la Cour des Comptes.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250605-parti-socialiste.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/congres-du-ps-l-homme-le-plus-261390

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/05/article-sr-20250605-parti-socialiste.html


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  • Congrès du PS : Olivier Faure est-il en difficulté ?

    « La ligne d'union de la gauche que je défends l'a emporté. » (Olivier Faure, le 28 mai 2025 dans "Le Parisien").

     

     
     


    Une nouvelle version de la méthode Coué ? Un internaute lui a répondu : « Si vous restez premier secrétaire, LFI dira que le PS est rentré à la maison et c'est insupportable. ». Le 27 mai 2025, de 18 heures à 22 heures a eu lieu un vote au sein du parti socialiste pour son congrès qui aura lieu du 13 au 15 juin 2025 à Nancy.

    Officiellement, les adhérents devaient choisir entre trois "textes d'orientation" mais les socialistes ont des pudeurs de gazelle avec leur ambition personnelle : le premier signataire de chaque texte est en fait candidat au poste de chef, c'est-à-dire premier secrétaire du PS (poste occupé depuis le 17 avril 2018 par le taciturne mélencho-compatible Olivier Faure), et ce vote des "textes d'orientation" est le premier tour de l'élection du premier secrétaire dont le second tour, explicite, aura lieu le 5 juin 2025.

    Tout le monde était donc impatient de connaître les résultats... Et la réponse, prévisible, la réponse aussi à mon titre, c'est que tout le monde s'en moque, du congrès du PS !

    Car l'information principale, celle que je considère comme cruciale pour les observateurs, c'est le nombre réel de votants : pas des inscrits, plus ou moins théoriques, mais bien des votants, ceux qui ont exprimé un choix (en principe libre et sincère).

    Avec le parti socialiste, c'est déjà difficile de connaître exactement les résultats. Au congrès précédent, en janvier 2023, les résultats avaient été serrés et contestés, finalement négociés ! Oui ! Négociés. Apparemment, ici aussi. Lisons précisément le communiqué du 28 mai 2025 : « La commission de récolement, réunie le 28 mai atteste de la validité des résultats ci-après. ».
     

     
     


    Cette fameuse "commission de récolement" doit, en principe, garantir la sincérité du scrutin mais semble surtout établir des négociations pour que chaque candidat admette les résultats officiels qui ont été diffusés. Ceux-ci sont d'ailleurs diffusés avec le deuxième chiffre après la virgule. Cette si grande précision me paraît suspecte si bien que je ne reproduirai ces nombres qu'avec un chiffre après la virgule.

    Et le premier constat, c'est qu'il n'y a pas le nombre exact des suffrages exprimés. En revanche, on a le nombre des inscrits et des votants. Inscrits : 39 815 adhérents. Votants : 24 701, soit seulement 62,0% de participation. C'est faible pour un parti politique de gens en principe convaincus et engagés.
     

     
     


    Pour avoir une idée de l'importance de ces deux nombres (adhérents, votants), il faut prendre la comparaison avec Les Républicains. LR et le PS ont la particularité d'avoir été les deux grands partis gouvernementaux qui se sont opposés de 1971 à 2017, chacun hégémonique dans son camp (droite et gauche), et qui ont été laminés par l'élection du Président Emmanuel Macron. Ils sont encore aujourd'hui hégémoniques dans les collectivités territoriales avec une solide expérience d'élu local, sur le terrain (maires, exécutifs départementaux et régionaux).

    Or, LR aussi avait perdu énormément d'adhérents, mais l'enjeu du duel entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau avait créé un intérêt important. Résultat : 121 617 adhérents LR et 98 110 votants, soit une participation de 80,7% !

    On voit avec cette comparaison que le congrès du PS à venir n'a suscité AUCUN intérêt et les médias n'ont même pas daigné y trouver un intérêt. Il faut dire que ce parti ne représente plus que 1,7% de l'électorat à l'élection présidentielle, ce qui le remet à sa place réelle dans l'échiquier politique.


    Alors, y a-t-il quand même un enjeu ? Les résultats étaient à la fois prévisibles et surprenants.
     

     
     


    Prévisibles : le combat entre Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol n'est pas nouveau (déjà le congrès précédent) et on se doutait bien qu'il reviendrait dans l'actualité un jour ou l'autre. Le troisième candidat, Boris Vallaud, un ambitieux un peu esseulé, joue ici le rôle du troisième larron, un peu comme Arnaud Montebourg, une position de perdant (il n'est pas au second tour), mais une position confortable puisque chacun des deux candidats restants lui proposent des ponts d'or pour un débauchage immédiat.
     

     
     


     

     
     



    Surprenants aussi car les scores des deux premiers restent très proches ("officiellement" 42,3% et 40,4%, ce qui fait moins de 500 voix d'écart). Cela n'a pas empêché la direction du PS de crier victoire : « Le texte d'Olivier Faure a réuni la majorité des voix » ! "La majorité des voix" à prendre dans le sens relatif du terme !!
     

     
     


    Dans la même phrase, il est indiqué « 42,21% des voix exprimées, sur un total de 24 701 votants » : pourquoi mélanger des serviettes et des torchons, pour donner un nombre absolu de votants et seulement un pourcentage en voix exprimées ? Simplement parce que ces pourcentages, comme dans tous les congrès socialistes (et en particulier au congrès de Reims en 2008), les pourcentages sont "négociés", c'est plus facile à communiquer (même avec deux chiffres après la virgule) que des nombres précis, exacts, qui seraient peu sincères.
     

     
     


    Il y a pourtant un enjeu, au-delà des ambitions personnelles, un enjeu certes dérisoire si l'on tient compte de l'audience électorale réelle qu'a ce parti au niveau national (c'est-à-dire très faible). C'est le perpétuel débat entre la gauche bourrin et la seconde gauche, ou gauche moderne. Il se caractérise par Olivier Faure qui avait conclu une alliance électorale avec Jean-Luc Mélenchon en 2022 (la Nupes) et en 2024 (la nouvelle farce populaire), et par Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen et, en quelque sorte, représentant de ce socialisme municipal qu'on retrouve dans quelques grandes villes et qui se veut pragmatique et social-démocrate, en d'autres termes, qui se veut réaliste.
     

     
     


    En fait, plusieurs enjeux se greffent sur ce duel : il y a un courant qui veut sortir Olivier Faure qui a transformé le PS, grand parti présidentiel, en un groupuscule confidentiel. Il est aussi représenté par une aile gauche qui a fait alliance avec Nicolas Mayer-Rossignol. Le choix de Boris Vallaud sera intéressant, entre la volonté de changement (et de renouveau éventuel) et le conservatisme d'un socialisme archaïque (qui reste sur ses acquis d'il y a plus de cinquante ans). À l'occasion de certaines interventions du président du groupe PS sur des questions plus de morale que de politique, on peut lui reconnaître une certaine sincérité dans son engagement politique.

    Il y a des chances que les socialistes restent divisés le soir du 5 juin 2025 et qu'une nouvelle "commission de récolement" soit nécessaire pour négocier les futurs résultats (j'adore la démocratie socialiste, c'est bidonnant !). Et en ligne de mire, l'élection présidentielle et la vacuité du parti socialiste, car à l'heure actuelle, personne n'a la stature pour être candidat à l'élection présidentielle. « Plumer la volaille socialiste ne sera qu'un jeu d'enfant ! », selon le grand gourou insoumis. C'est encore une différence avec Les Républicains dont le problème, pour l'élection présidentielle, est justement l'inverse, le trop plein de candidats potentiels.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (29 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


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    Bernard Kouchner.
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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250527-congres-ps.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/congres-du-ps-olivier-faure-est-il-261217

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/28/article-sr-20250527-congres-ps.html


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  • Congrès du PS : le choc de complexité !

    « Nous nous sommes positionnés comme une opposition "utile", visant à arracher aux gouvernements des avancées concrètes pour nos concitoyennes et concitoyens, tout en dénonçant les mesures que nous jugions injustes ou dangereuses, susceptibles de faire le lit de l’extrême droite que nous n’avons jamais cessé de combattre, en France, en Europe et dans le monde. » (Corinne Narassiguin, rapport d'activité du PS 2023-2025).




     

     
     


    Après Les Républicains, le Parti socialiste est en congrès pour ce printemps 2025. Comme pour LR, ce 81e congrès des socialistes est crucial, le dernier avant l'élection présidentielle de 2027. Les deux anciens partis hégémoniques de gouvernement, réduits à la taille de puces, comptent profiter de l'après-Emmanuel Macron pour tenter de redevenir hégémoniques. Il y a entre-temps les élections municipales de mars 2026 pour lesquelles LR et le PS sont actuellement en bonne posture, mais la recomposition du paysage politique en trois grands blocs, le bloc central et réaliste, et deux blocs populistes, un de droite et un de gauche, empêchera sans doute le retour au clivage traditionnel LR vs PS.

    J'avais évoqué il y a deux mois le congrès de Rennes en 1990, mémorable dans les esprits socialistes et considéré comme l'explosion de l'influence de François Mitterrand. Était-ce le congrès socialistes le plus divisé ? Peut-être pas. Le congrès de Reims en 2008 n'était pas mal non plus comme significatif en divisions. Celui de Marseille en 2023 a marqué des divisions profondes. Et peut-être aussi celui-ci, le congrès qui se déroulera à Nancy du 13 au 15 juin 2025. Triste choix alors que, historiquement, Nancy n'a jamais été socialiste, sauf en 2020 à la faveur d'une abstention massive due au covid (les personnes âgées préférant rester chez elles). En tant que Nancéien de naissance, j'espère que ce congrès ne laissera aucun souvenir, aucune postérité, afin de ne pas associer cette extrêmement belle ville à ce piteux parti politique.

    Ce sera probablement le cas, ne serait-ce que lorsqu'on regarde les protagonistes et leur stature. En 1990, on avait des combats d'éléphants de premier choix avec les Michel Rocard, Lionel Jospin, Laurent Fabius, Pierre Mauroy, Jean-Pierre Chevènement, Louis Mermaz, Pierre Joxe, Jacques Delors, Pierre Bérégovoy, Jean Poperen, Jean-Luc Mélenchon (oui oui), etc. En 2008, on avait encore des éléphants de seconde zone : François Hollande, Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Bertrand Delanoë, Ségolène Royal, Benoît Hamon, etc. Aujourd'hui, en 2025, le combat de coqs (plus que d'éléphants) se résumera à une rivalité (déjà ancienne) entre Olivier Faure, l'actuel premier secrétaire du PS, et Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen qui était déjà près de prendre la place du précédent au précédent congrès, celui de Marseille en janvier 2023.

    Si on regarde de près les conditions de ce congrès du PS, on se dit que décidément, il ne faut pas attendre de ce parti un choc de simplification, la fin de l'ultranormisation, ni la fin de l'ultraformalisation de la société. J'en veux pour preuve ce parcours du combattant : le militant de base qui veut voter avec discernement et en toute connaissance de cause devra avant tout se farcir le rapport d'activité du PS pour la période 2023-2025 (soit 54 pages), plus le livret des six "contributions générales" (soit 100 pages), plus le livret des trois "textes d'orientation" (soit 83 pages)... on en est déjà, sur le compteur, à 237 pages, et je n'ai pas compté les "contributions thématiques" (il y en a beaucoup !) qui, insiste beaucoup le site officiel du PS, « n'engagent que leurs auteurs et ne sont pas des positions officielles du parti socialiste » ! Et je n'ai pas précisé que ces textes lourdingues ont été mâtinés d'exécrable écriture inclusive.

     

     
     


    Reprenons d'abord le calendrier, lui-même déjà compliqué.

    D'abord, les "contributions générales" : le 5 avril 2025 a eu lieu le conseil national de dépôt des "contributions générales". Mais on pourrait d'abord se demander : qu'est-ce que c'est, une "contribution générale" ? À cela, je répondrais que c'est une bonne question... et aussi que c'est un texte rempli de blabla (car on blablate beaucoup chez les socialistes) qui est présenté d'abord par un ambitieux et ses copains, l'ambitieux souhaitant être calife à la place du calife (c'est-à-dire être premier secrétaire du PS), à moins qu'il ne soit le calife lui-même, auquel cas il souhaiterait alors le rester (et ses copains aussi).

    En tout, six "contributions générales" ont été déposées. Pour qu'elles soient validées, il faut qu'elles aient obtenu au moins 15 parrainages de membres du conseil national. Pas facile si l'on en juge par les chiffres. J'avais envisagé de nommer les contributions par leur titre déclaré (comme "Le cœur de la gauche" ou "Pour gagner, un grand PS et une nouvelle alliance, Debout les socialistes"... et puis je me suis dit que cela allait compliquer encore les choses (rappelez-vous, pour les assesseurs, l'horrible dépouillement des élections européennes du 9 juin 2024, où il y avait 38 listes, dont le titre n'avait pas grand-chose à voir avec le nom de la tête de liste).

    Ainsi, il y a, dans l'ordre décroissant de parrainages, la contribution d'Olivier Faure (119 parrainages), la contribution de Nicolas Mayer-Rossignol (72), la contribution d'Hélène Geoffroy (42), celle de Boris Vallaud (27), de Philippe Brun et Jérôme Guedj (15 juste) et celle du député socialiste Paul Christophle (15 aussi).

    Ensuite, parlons des "textes d'orientation" : le 26 avril 2025 a eu lieu le "conseil national de synthèse" où sont déposés les "textes d'orientation". Alors, qu'est-ce qu'un "texte d'orientation" ? Bonne question, etc. Un "texte d'orientation", c'est un texte contributif dont le "premier signataire" (c'est une fonction maintenant) est d'office candidat au poste de premier secrétaire du PS. Ou presque ! En gros, vous prenez les "contributions générales", vous les mettez dans un mixeur appelé "synthèse", et il en ressort des "textes d'orientation", et si le mixeur est efficace, il y en a moins que de "contributions générales", c'est-à-dire que plusieurs contributions ont fusionné parfois en un seul texte. Le "premier signataire" est évidemment un ambitieux soutenu par ses copains. Pour que ce soit validé comme un "texte d'orientation", il faut qu'il soit approuvé par au moins 30 parrains.

    De ce "conseil national de synthèse" sont donc ressortis, en tout, trois "textes d'orientation" (on appelait cela "motions" dans les belles heures des congrès du PS) : le texte A d'Olivier Faure (145 parrainages), le texte C de Nicolas Mayer-Rossignol (126 parrainages) et le texte B de Boris Vallaud (30 parrainages).

    D'un point de vue politique, ou plutôt, politicien car j'ai renoncé à tenter d'y voir un sens politique autrement que des copineries d'appareil et de la cuisine électorale interne, Olivier Faure a reçu le soutien de Paul Christophle et Nicolas Mayer-Rossignol ceux d'Hélène Geoffroy (comme au congrès de Marseille en janvier 2023) et de Philippe Brun et Jérôme Guedj.

    Pourquoi ai-je parlé de copineries d'appareil plutôt que de ligne politique claire ? Parce que par exemple, Nicolas Mayer-Rossignol serait plus au centre gauche qu'Olivier Faure, avec Hélène Geoffroy qui se revendique sociale-démocrate, mais Philippe Brun et Jérôme Guedj se revendiquent plutôt de l'aile gauche du PS, plus à gauche qu'Olivier Faure. Pour l'anecdote, Jérôme Guedj, qui a toujours été opposé à l'alliance avec l'insoumis Jean-Luc Mélenchon, était un bébé Mélenchon dans sa circonscription de Massy, dans l'Essonne, fief du grand gourou insoumis à l'époque où il n'était qu'un simple apparatchik du PS.

    Ce qui compte, donc, ce sont les signatures. Pour Boris Vallaud, le président du groupe PS depuis juin 2022, sa position d'outsider est très nette et sa démarche très personnelle. Il est soutenu par sa compagne ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem, Alain Rousset, Alain Vidalies, Christian Eckert, François Lamy, etc.

    Nicolas Mayer-Rossignol, lui, est soutenu par Hélène Geoffroy, Philippe Brun, Jérôme Guedj, Carole Delga, Karim Bouamrane, Lamia El Aaraje, Anne Hidalgo, Stéphane Le Foll, Rachid Temal, Laurence Rossignol, Jean-Christophe Cambadélis, David Assouline, François Bonneau, Philippe Doucet, François Kalfon, Dominique Potier, Colette Capdevielle ("inquisitrice" contre François Bayrou à la commission Bétharram), Marie-Guite Dufay, Mickaël Delafosse, Jean-Marc Germain, Marie-Arlette Carlotti, Patrick Kanner, Valérie Rabault, Rémi Feraud, Marie-Pierre de La Gontrie, etc. Parmi ses 5 000 signataires, on lit des doublons, par exemple, Nicolas Morvan et Angèle Louviers sont cités deux fois dans la liste, je ne sais pas s'ils sont comptés double (j'ai renoncé à aller trop loin, il ne faut pas exagérer !).

    Enfin, le chef actuel des socialistes au charisme fou, Olivier Faure, est soutenu par Martine Aubry, Jean-Marc Ayrault, Johanna Rolland, Guillaume Garot, Emma Rafowicz, Paul Christophle, Laurent Baumel, Luc Carvounas, Chloé Ridel, Ericka Bareigts, etc. Suit une liste de 2 500 noms.

    Il faut noter que les trois grosses têtes du PS actuel, à savoir Olivier Faure (premier secrétaire du PS), Boris Vallaud (président du groupe PS à l'Assemblée) et Patrick Kanner (président du groupe PS au Sénat) sont dans trois listes différentes. Ce qui montre un attelage politique très hétérogène.

     

     
     


    L'échéance suivante a lieu ce mardi 27 mai 2025. À cette date, justement, il y a le vote des adhérents du PS pour l'un des trois "textes d'orientation". On pourrait croire que c'est un vote programmatique, basé sur des lignes de fond, mais non. C'est un vote pour une personnalité, pour le prochain dirigeant du PS. Car la règle veut que les "premiers signataires" des deux "textes d'orientation" qui ont obtenu le plus de votes seront candidats au poste de premier secrétaire du PS.

    À cette occasion, on pourra donc connaître le nombre exact d'adhérents inscrits participant à ce scrutin ainsi que le nombre exact de vrais adhérents qui votent. Le congrès du PS est malencontreusement arrivé après celui de LR, si bien que la barre est haute pour dire que ce serait un succès : chez LR, il y a eu près de 100 000 votants (exactement 98 110), ce qui est très fort pour un parti (il y a un mois, les écologistes n'avaient eu que 6 702 votants !).

    Ce vote, qui aura lieu la semaine prochaine, est donc crucial. Ensuite, le jeudi 5 juin 2025 aura lieu à proprement parler l'élection du premier secrétaire du PS. L'enjeu est important sur l'avenir du gouvernement et surtout, l'avenir de la législature actuelle puisque le Président de la République reprend son droit à dissoudre à partir du 9 juin 2025. Enfin, le congrès aura lieu dix jours plus tard, du 13 au 15 juin 2025 à Nancy. Tout aura été déjà décidé par les adhérents... ou pas, car on a vu des congrès qui n'étaient pas très fixés par le vote des militants (Rennes en 1990, Reims en 2008 et aussi Marseille en 2023 !).

     

     
     


    Un petit mot pour le sortant, Olivier Faure, dont on a reproché la décision de dissoudre le gouvernement de Michel Barnier en mélangeant les voix socialistes avec celles des insoumis et surtout, celles du RN. Ensuite, on lui a reproché exactement le contraire quand il a refusé de censurer le gouvernement de François Bayrou avec l'argument développé par Corinne Narassiguin, la secrétaire nationale chargée de la coordination et des moyens du parti, mis au début de cet article.

    Le poste de premier secrétaire du PS est nationalement important. Si tous les premiers secrétaires n'ont pas été Présidents de la République, les rares Présidents de la République socialistes ont été tous premiers secrétaires, à savoir François Mitterrand et François Hollande (j'aurais pu aussi dire qu'ils avaient ce même prénom François mais on ne m'aurait pas cru !).


    Olivier Faure est premier secrétaire du PS depuis le 7 avril 2018, soit plus de sept années, ce qui commence à devenir important. Il a été élu le 29 mars 2018, et réélu les 18 septembre 2021 et 19 janvier 2023. Une réélection le 5 juin 2025 le placerait dans les historiques du parti socialiste (chef du PS jusqu'en 2028). Celui qui a été le premier secrétaire le plus long est François Hollande du 27 novembre 1997 au 26 novembre 2008 (11 ans). Il est suivi de François Mitterrand du 16 juin 1971 au 24 janvier 1981 (9 ans et 7 mois) et de Lionel Jospin du 24 janvier 1981 au 14 mai 1988 puis du 14 octobre 1995 au 2 juin 1997 (8 ans et 11 mois). Ces trois socialistes ont été les seuls, je souligne, les seuls dirigeants socialistes français à avoir eu le pouvoir par leur propre conquête électorale, le dernier, Lionel Jospin, en tant que Premier Ministre de cohabitation.

    On mesure ainsi l'importance politique d'Olivier Faure... ou le niveau de décrépitude dans lequel est tombé le parti socialiste ! Il jouit ainsi de ce paradigme du sortant qui lui donne plus de stature nationale que tout autre concurrent actuellement. D'ailleurs, c'est bien dans le texte d'Olivier Faure qu'on y trouve cette lignée en y ajoutant bien sûr Léon Blum, mais en oubliant Guy Mollet, l'indéboulonnable secrétaire général de la SFIO sous la Quatrième République : « Nous devons retrouver celles et ceux pour qui nous nous battons. Celles et ceux qui pâtiront les premiers d'une politique d'extrême droite, enfermée dans une logique nationaliste, individualiste et capitaliste qui n'a jamais nourri que le conflit et la guerre. La gauche est toujours arrivée au pouvoir à la faveur d'une alliance de classes, avec l'émancipation des travailleurs au cœur de son projet. C'était le cas du temps de Léon Blum, comme de François Mitterrand, Lionel Jospin et François Hollande. ».

    Et justement, parlons de ce dernier pour terminer. François Hollande est le seul cité encore en service, élu député en juillet 2024. Et qui soutient-il ? Prudemment, personne. Cet adepte de la synthèse intégrale a préféré voir venir, se disant qu'il est le seul capable de concourir avec le blason socialiste en 2027. Rappelons qu'il aura alors presque 73 ans. Et Olivier Faure presque 59 ans.



    Aussi sur le blog.
    Sylvain Rakotoarison (20 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Congrès du PS : le choc de complexité !
    Robert Badinter.
    Congrès du PS à Rennes : l'explosion de la Mitterrandie.
    La préparation du congrès de Rennes (27 janvier 1990).
    Histoire du PS.
    Manuel Valls.
    Martine Aubry.
    Hubert Védrine.
    Julien Dray.
    Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    Lionel Jospin.
    Claude Allègre.
    François Mitterrand.
    Jacques Delors.
    Mazarine Pingeot.
    Richard Ferrand.
    Didier Guillaume.

    Pierre Joxe.
    André Chandernagor.
    Didier Migaud.
    Pierre Moscovici.

    La bataille de l'école libre en 1984.
    Bernard Kouchner.
    Hubert Curien.
    Alain Bombard.
    Danielle Mitterrand.
    Olivier Faure.
    Lucie Castets.

    Bernard Cazeneuve
    Gabriel Attal.
    Élisabeth Borne.
    Agnès Pannier-Runacher.
    Sacha Houlié.
    Louis Mermaz.
    L'élection du croque-mort.
    La mort du parti socialiste ?
    Le fiasco de la candidate socialiste.
    Le socialisme à Dunkerque.
    Le PS à la Cour des Comptes.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250520-congres-ps.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/congres-du-ps-le-choc-de-260727

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/20/article-sr-20250520-congres-ps.html



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  • Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure

    « Je me sens bien parmi vous. Vous ne m’en voudrez pas de dire quelques mots au député Olivier Faure, que j’ai écouté avec attention, même si ce n’était pas facile jusqu’au bout ! » (Michel Barnier, le 8 octobre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    La journée du mardi 8 octobre 2024 a été pour le gouvernement de Michel Barnier l'épreuve du feu, la double épreuve du feu, et il ne s'en est pas mal tiré. L'épreuve du feu, c'est d'abord l'examen de la première motion de censure de la législature, déposée par les 192 députés de la nouvelle farce populaire (NFP) le 4 octobre 2024. En difficulté avec ses camarades socialistes qui réclament avec bruit et fracas un nouveau congrès du PS pour se désolidariser de Jean-Luc Mélenchon, le premier secrétaire du PS Olivier Faure a obtenu de ses donneurs d'ordre insoumis son quart d'heure de gloire : c'était à lui de défendre cette première motion de censure.

    Malheureusement pour lui, ce quart d'heure, qui, en fait, n'était que de treize minutes, n'aurait dû durer que dix minutes, mais dans son "envolée lyrique", le "leader" socialiste, qui s'était présenté il y a quelques jours comme un social-démocrate mélenchonien pour faire taire toutes les velléités de congrès de ses camarades du PS, n'a pas su terminer en beauté ses tirades, la conclusion flanchant dans la coupure de micro (au grand dam des députés du NFP) parce qu'il était trop long, d'où cette sortie spontanée de la présidente de séance,
    Yaël Braun-Pivet un peu désolée de sa tolérance et de son laxisme, avec un joli tutoiement : « Vous n'avez plus le micro, vous n'avez plus la parole ! Monsieur le député, je vous demande de quitter la tribune, s'il vous plaît... Non, mais tu as débordé de plus de deux minutes, ça va ! ».

    Tutoiement qui n'a pas été retranscrit dans le compte rendu intégral du Journal officiel. Cette coupure de micro lui a valu la petite vacherie du début de la réponse de Michel Barnier qui, décidément, a adopté un style très caustique et britannique : du fiel balancé comme de l'huile bouillante mais avec courtoisie et éducation, ce qui change un peu des insultes et des débordements habituels des députés du NFP/Nupes depuis 2022.


    Il faut dire que l'hémicycle était assez clairsemé. Certes, à gauche, quasiment tous les bancs était occupés, mais à part les orateurs des autres groupes, c'était quasiment vide. Normal pour une motion de censure : soit on la vote, soit on ne vote pas, et dans ce cas-là, pas la peine d'être présent.

    Reconnaissons que le discours d'Olivier Faure était bien tourné sur la forme. Bien sûr, il pêchait sur le fond du péché originel de cette législature en faisant croire que le NFP avait gagné les élections : « Jamais, monsieur le Premier Ministre, vous n’auriez dû vous tenir devant moi et siéger sur ces bancs avec un gouvernement qui, lui non plus, n’aurait jamais dû être nommé. (…) Je vous le demande sans détour, monsieur le Premier Ministre : si nous ne parlions pas de vous et si nous étions dans un autre pays que la France, comment qualifieriez-vous votre propre nomination ? Vous seriez le premier à dénoncer un hold-up électoral et sans doute à décrire un régime illibéral. (…) Vous avez appelé au compromis. Alors chiche ! Vous avez contracté une dette démocratique en acceptant la fonction de Premier Ministre alors que votre parti était arrivé en cinquième position aux législatives. Vous avez un moyen de l’honorer en acceptant d’avancer sur la base de nos amendements. Nous jugerons alors si vous êtes sincère ou si, derrière vos professions de foi, vous entendez vous limiter à tout votre programme, rien que votre programme. ».
     

     
     


    La réponse du Premier Ministre était, une fois pour toutes, la démonstration que non, ce n'était pas parce que Jean-Luc Mélenchon le proclamait que c'était vrai, le NFP n'a pas gagné les élections : « Par cette motion de censure, c’est son premier motif, vous intentez à nouveau une sorte de procès en illégitimité au gouvernement. Vous avez de la suite dans les idées ! Je n’ai pas besoin que l’on rappelle au gouvernement, à présent au travail, qu’il est minoritaire dans cette enceinte. Je le sais. Dans cet hémicycle, il n’existe d’ailleurs de majorité absolue pour personne ! Il se trouve ici 577 députés qui sont tous et chacun élus de la République et méritent à ce titre qu’on les respecte de la même manière. C’est mon cas. Il n’y a de majorité absolue pour personne ; il y a simplement des majorités relatives. C’est le choix du peuple français. Parmi ces majorités, la moins relative est celle qui accompagne le gouvernement. La participation au gouvernement de femmes et d’hommes issus des différents groupes composant cette majorité permet d’en faire le constat. Je ne veux pas perdre de temps dans des polémiques. Vous pouvez dire ce que vous voulez : c’est la réalité ! La majorité relative qui soutient le gouvernement fait preuve à son égard de vigilance. Je sais qu’elle est relative et qu’elle ne se montre pas toujours complaisante ; je ne le lui demande d’ailleurs pas. Elle est en tout état de cause composée de plusieurs groupes et elle est la moins relative, quoi que vous racontiez, monsieur Faure ! C’est la vérité ! ».

    Au-delà de sa motion de censure préventive (elle a été annoncée avant même la nomination de Michel Barnier à Matignon, c'est dire qu'elle était réfléchie !), Olivier Faure a également évoqué d'autres sujets de contrariété, notamment, bien entendu, le projet de loi de finances même si celui-ci n'a pas encore été déposé, donc, là aussi, par procès d'intention : « Au sein de votre attelage baroque, dois-je encore mentionner le musée des horreurs proposé par votre propre parti, qui suggère de faire 50 milliards d’économies directement tirées du vestiaire de l’extrême droite ? Ce serait la fin de l’aide médicale de l’État et des coupes claires dans l’hébergement d’urgence et dans l’aide publique au développement ? Monsieur le Premier Ministre, vous nous avez dit vouloir "faire beaucoup avec peu, en partant de presque rien". Dans les faits, vous voulez faire beaucoup avec les gens de peu et presque rien avec ceux qui ont tout. ». Dans l'assistance, le député LR Pierre Cordier a lancé cette pique vacharde : « Il a passé tout le week-end sur cette [dernière] phrase ! ». Insignifiante car excessive.

    La réponse de Michel Barnier : « La réalité, que nous devons dire aux Français dans toutes les circonscriptions, est que nous dépensons trop, que nous dépensons de l’argent que nous n’avons pas et que nous empruntons à des taux qui s’éloignent désormais de ceux qui s’appliquent à nos voisins européens. De ce fait, les intérêts de la dette s’élèvent chaque année à 55 milliards d’euros, soit 800 euros par Français, qu’il s’agisse d’un bébé d’un mois ou d’une personne âgée de 80 ans. Cela ne peut pas continuer ! Sauf à susciter, tout autour de nous comme sur notre territoire, de la défiance s’agissant de notre capacité à gérer les finances publiques dans le souci des générations futures, au détriment desquelles je crois que nous n’avons pas le droit de signer des chèques en blanc ou en bois. Si cette défiance s’installait, elle nous exposerait tous très gravement, à commencer par les Français les plus modestes et les plus faibles. Pour l’éviter, nous devons redresser nos comptes, réduire les dépenses publiques, dépenser moins et mieux, de manière plus efficace. Nous demanderons, au titre de ce que j’ai appelé la justice fiscale, une contribution exceptionnelle à un nombre limité de grandes entreprises et aux Français les plus fortunés, après avoir consacré l’essentiel de notre effort à la réduction et à la maîtrise de la dépense publique. Dans la discussion qui va s’ouvrir, je compte sur les propositions constructives des uns et des autres afin que, dans le cadre qui nous contraint, nous coconstruisions le budget. Chacun prendra ses responsabilités. Je prendrai les miennes avec la conviction qu’il vaut toujours mieux essayer d’être responsable que de chercher à être populaire. Cette logique de responsabilité vaut également sur la question des retraites, que vous avez mentionnée. Notre système de retraite par répartition est un atout. Nous voulons en préserver dans la durée l’équilibre financier issu de la réforme. Si les partenaires sociaux le souhaitent, nous pouvons toutefois corriger, améliorer la loi du 14 avril 2023, qui présente certaines limites. Je pense aux retraites progressives, à l’usure professionnelle, à l’égalité entre les hommes et les femmes face à la retraite. D’autres champs sont et seront ouverts au dialogue social. Je suis depuis longtemps convaincu que la cohésion sociale au sein des entreprises, quelle que soit leur taille, et dans la société constitue un facteur de compétitivité pour notre pays. (…) Qu’il s’agisse de ces importantes questions environnementales ou de toutes les autres, l’attractivité de la France, le combat pour l’emploi, qui se poursuivra pour continuer de réduire le chômage, dont vous n’avez pratiquement pas parlé, les finances publiques, la sécurité ou l’immigration, je vous demande simplement de juger le gouvernement sur ses actes. ».

    Autre argument fort (et particulièrement stupide), le RN serait l'allié du gouvernement : « En l’absence de vrais compromis avec la gauche, vous ne demeurerez à Matignon que par le consentement de l’extrême droite à laquelle vous devrez donner des gages. Votre ministre de l’intérieur, qui a déjà fait ce choix, multiplie les déclarations pour complaire au RN, passant du front républicain à l’affront républicain. ». Dans l'assistance, le député LR Philippe Gosselin a balancé : « Ce n'est qu'un florilège de formules ! ».

    Et l'orateur socialiste mélenchonisé de poursuivre : « En légitimant chaque jour l’extrême droite, votre gouvernement finira par n’être qu’un simple ascenseur pour l’échafaud. Le front républicain n’est certes pas un programme commun mais il crée, au minimum, pour ceux qui ont la République en héritage, une obligation commune : celle de répondre à ces millions de femmes et d’hommes qui n’ont que leur travail pour vivre et qui en vivent si mal. (…) Ce n’est pas la France qu’il faut rendre aux Français, ils ne l’ont jamais perdue. C’est un avenir qu’il faut leur rendre. (…) Votre gouvernement porte en lui les germes d’une contre-révolution conservatrice. ».

    Il a été ensuite sèchement coupé par la Présidente de l'Assemblée Nationale parce qu'il ne respectait pas la règle du temps de parole. Ce qui fait que son discours aux formules savamment recherchées a fait un peu l'impression d'un bide par manque de conclusion, il ne suffit pas de pondre quelques belles formules, il faut pouvoir les dire dans le temps donné.


    Le Premier Ministre Michel Barnier a esquissé un petit sourire de jubilation lorsqu'il a pris la parole pour répondre à Olivier Faure : « Monsieur Faure, je vous ai écouté présenter cette motion de censure, qui, très franchement, ne constitue pas une surprise. En effet, lors des conversations que nous avons eues au lendemain de ma nomination et qui ne sont pas secrètes, vous m’indiquiez, avant même que j’ouvre la bouche, que je constitue le gouvernement, que je fasse ma déclaration de politique générale, que vous alliez me censurer. C’est en quelque sorte une motion de censure a priori. ».


    Au-delà des réponses du Michel Barnier, cette journée du 8 octobre 2024 était bel et bien une troisième étape pour le Premier Ministre, après la (délicate) désignation du gouvernement et la déclaration de politique générale.

    Le résultat du vote sur la motion de censure a été annoncé par Yaël Braun-Pivet à 19 heures 40 : « Voici le résultat du scrutin. Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée : 289. Pour l’adoption : 197. La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée. ».

    La motion de censure n'a pas été adoptée : pour le coup, cela doit clore définitivement le débat sur
    Lucie Castets à Matignon. Le NFP a été incapable de démontrer qu'il avait gagné dans l'hémicycle puisqu'il n'est même pas capable de renverser un gouvernement. Et il faut aussi en finir sur la supposée alliance avec le RN : Olivier Faure a fait dans sa présentation une faute de logique grave ! En effet, il a renversé la charge de la preuve : ce n'est pas au gouvernement de démontrer qu'il a une majorité, ce qu'il n'a pas et Michel Barnier l'a bien rappelé, d'où l'absence d'un vote de confiance le 1er octobre 2024, qui aurait été probablement négatif, mais c'est au NFP de démontrer que leurs arguments étaient majoritaires. Or, ce mardi soir, clairement, ce n'était pas le cas. Pendant trois mois, la gauche ultradicalisée a pollué le débat politique sur cette réalité alternative d'avoir gagné les élections. Ce soir, cette réalité alternative s'est définitivement heurtée contre le mur de la réalité des chiffres : seulement 197 députés sur 289 ont voté pour cette (première) motion de censure.

    Parmi les 197 députés, il faut compter 4 députés LIOT (dont Olivier Serva) et 1 député non-inscrit. En revanche, parmi les groupes du NFP, il a manqué à l'appel la voix du député communiste Emmanuel Tjibaou (fils de
    Jean-Marie Tjibaou), absent et probablement retenu dans sa circonscription en Nouvelle-Calédonie. Contrairement à ce que certains commentateurs supputaient, aucun député du socle gouvernemental (comme on l'appelle maintenant, à savoir LR, EPR, Horizons et MoDem) n'a voté pour la motion de censure. Ce qui était cohérent.

    Donc, on peut dire que si l'échec de cette motion de censure était prévisible puisque le RN avait déjà annoncé qu'il ne la voterait pas (et pour cause : le RN refusait d'approuver la double idée que le NFP était vainqueur des élections et que le RN était allié au gouvernement !), c'était néanmoins un échec encore plus important que prévu. Car il faut comparer ce score, 197 députés, avec le score du candidat au perchoir André Chassaigne le 18 juillet 2024, qui avait réussi à recueillir 206 voix et pas seulement 197. C'est donc pour la gauche mélenchoniste un désaveu plus important que prévu de la part de l'Assemblée Nationale.

    Ce mardi 8 octobre 2024 fut une journée doublement noire pour le NFP, comme j'ai évoqué au début la double épreuve du gouvernement de cette journée, même si cela ne concerne pas directement le Premier Ministre mais le Président de la République. Tenue dans la matinée à l'Hôtel de Lassay, la conférence des présidents qui rassemble l'ensemble des leaders qui comptent dans l'Assemblée (vice-présidents, présidents de groupe et présidents de commissions permanentes), ayant pour but de fixer les ordres du jour avec la participation du gouvernement, a rejeté l'examen de la stupide
    motion de destitution déposée contre Emmanuel Macron par Mathilde Panot.

    Le compte rendu affirme : « Proposition de résolution visant à réunir le Parlement en Haute Cour : la conférence des présidents a refusé l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution de Mme Mathilde Panot et plusieurs de ses collègues visant à réunir le Parlement en Haute Cour, en vue d’engager la procédure de destitution à l’encontre du Président de la République, prévue à l’article 68 de la Constitution et à la loi organique n° 2014-1392 du 24 novembre 2014 portant application de l’article 68 de la Constitution. ».

    Les socialistes avaient accepté de laisser passer cette motion lors de la réunion du
    bureau de l'Assemblée le 17 septembre 2024, mais elle a été rejetée très largement lors de la réunion de la commission des lois le 2 octobre 2024 dans la matinée par 54 voix contre, 15 voix pour sur 69 présents.

    Il est bon de rappeler les arguments. Lors de cette réunion de la commission présidée par Florent Boudié (EPR), le rapporteur de la motion de destitution Jérémie Iordanoff (EELV) a expliqué : « Que l’on s’attache à la lettre de la Constitution ou à la pratique, au regard des prérogatives du Président de la République, sa fonction doit être protégée, "y compris contre son titulaire", comme l’indiquait la commission Avril. C’est tout le sens de la procédure prévue à l’article 68 de la Constitution. En effet, la protection du Président de la République a des contreparties logiques, notamment la nécessité pour le Président de la République de respecter ses devoirs constitutionnels, ainsi que le vote des électeurs lorsqu’il s’exprime. Le non-respect de ces devoirs doit d’une manière ou d’une autre être sanctionné. (…) Aux termes de la présente proposition de résolution, le manquement de l’actuel Président de la République résulterait de "l’absence de nomination d’un Premier Ministre issu de la force politique arrivé en tête aux élections législatives du 30 juin au 7 juillet 2024, et ce alors que la démission officielle du gouvernement date du 16 juillet 2024". (…) Il est certain que le respect du résultat des élections législatives est un devoir du Président de la République. Pour autant, force est de constater qu’en l’absence de majorité absolue et faute d’avoir pu négocier une coalition plus large atteignant le nombre de 289 députés, aucune force politique n’a remporté les élections. Arriver en tête est une chose, gagner en est une autre. Nous pouvons bien entendu regretter que le chef de l’État n’ait pas choisi de donner sa chance à un membre de la coalition arrivée en tête au second tour des élections législatives. Cependant l’article 8 de la Constitution ne lui imposait pas de nommer une personne issue de cette force politique. Cela ne peut donc raisonnablement être qualifié de manquement. (…) Il importe de rechercher plus généralement si, dans la situation politique et institutionnelle inédite de notre pays, le chef de l’État a manqué à ses devoirs. La dissolution elle-même était incompréhensible et, en réalité, absurde. Alors qu’une dissolution sert normalement à régler des crises, celle-ci en a provoqué une ; c’est une première. Est-ce un manquement ? À tout le moins, c’est une faute politique. Quant au délai de nomination du Premier Ministre, le problème n’est pas en soi qu’il ait été trop long, mais qu’il ait été injustifié. Deux mois ont été perdus. C’est autant de temps en moins pour rechercher une coalition ou diriger l’État. Chacun voit aujourd’hui, avec les retards accumulés dans la préparation du budget, comme ce délai fut inconséquent. Le Premier Ministre a été nommé en contradiction flagrante avec le barrage républicain qui fut pourtant l’événement politique majeur du second tour. Est-ce un manquement ? À tout le moins, c’est une faute politique. (…) À titre personnel, je considère que le doute est permis, que ces fautes politiques, compte tenu de leur accumulation et de leurs répercussions, peuvent constituer un manquement. Mais s’ils en constituent bien un, encore faudrait-il qu’il soit manifeste, c’est-à-dire, comme l’indique le rapport Avril et comme les auditions l’ont confirmé, que sa reconnaissance "transcende les clivages partisans". Or cette condition ne semble pas satisfaite. Un autre mécanisme existe pour placer l’exécutif au sens large devant ses responsabilités : la motion de censure. ».


    Ce double échec parlementaire du NFP a donc été très instructif sur la prétendue "victoire" électorale du NFP : échec dans la procédure stupide de destitution du Président de la République, et échec dans la motion de censure dont le dépôt, en revanche, avait toute sa légitimité institutionnelle puisqu'elle concourt à la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement.


    Heureusement pour les enragés insoumis, ils auront le droit de redéposer une nouvelle motion de censure et une nouvelle motion de destitution. Reste à savoir quelle en sera la fréquence, car les parlementaires ont d'autres choses à faire que s'occuper de ces enfantillages politiciens, par exemple, construire le budget de l'année prochaine et s'occuper des Français.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     

     

  • "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !

    « Chère Madame, à force de vous [être] crue le centre du monde, vous vous êtes rendue inaudible. Votre logiciel n'est plus à jour, déficitaire, à l'image des finances de la ville de Paris, dont vous avez la charge. De grâce, épargnez-nous vos jérémiades ! » (Un internaute, le 6 septembre 2024 sur Youtube).




     

     
     


    Certains l'ont appelée une Élisabeth Borne de gauche, d'autres sont même allés jusqu'à y voir une nouvelle Ségolène Royal. Elle n'était qu'une baudruche manipulée par Jean-Luc Mélenchon.

    Depuis le 5 septembre 2024, Emmanuel Macron a tranché : pas de plan C, juste un plan B. Pas B comme Bernard (Cazeneuve), ni Bertrand, ni Beaudet, mais Barnier. Pas de Lucie Castets qui était supposée ne représenter que 193 députés à l'Assemblée Nationale alors que Michel Barnier représente au moins 213 députés. Pour Lucie Castets, cette fin d'été est assez terrible, il faut l'avouer : fin de l'été, fin des illusions, et même, fin du boulot à la mairie de Paris.

    Pour le boulot à la mairie de Paris (elle était directrice des finances et des achats de la ville hyperendettée de Paris, en CP du 23 juillet au 31 août, c'est sympa de pouvoir se mettre en congé pendant un mois et demi de suite quand on a de telles responsabilités), je ne me fais pas trop d'inquiétude pour elle : elle est énarque et le pire pour elle, c'est d'être haut fonctionnaire sans avoir de poste. Pour les Parisiens, en revanche, hyperimposés par la gestion calamiteuse de la maire PS Anne Hidalgo, c'est sans doute un plus puisque Lucie Castets était conseillère financière de la maire avant d'avoir pris son poste officiel au sein de l'organigramme avec toujours ce principe très cher pour les contribuables français : "pas grave de dépenser l'argent public, ce n'est pas le mien".

    Ce qui est terrible, c'est qu'elle reste toujours dans la réalité alternative alors qu'elle n'a pas vu que sa candeur et sa naïveté ont permis à Jean-Luc Mélenchon et Olivier Faure de la manipuler. Elle ose dire encore publiquement : « Nous censurerons Michel Barnier ! ». Assez de déni, il faut quand même que quelqu'un ose vous le dire, puisque les journalistes ne vous disent rien. Non, madame Castets, vous n'êtes pas Première Ministre de la France, vous n'êtes pas plus députée, vous n'êtes "rien" en politique, personne ne vous connaît, vous n'avez eu aucun mandat électif, aucune responsabilité politique, même François Asselineau a plus de légitimité que vous pour prétendre gouverner la France. Vous avez fait campagne après les élections, et pas avant ! C'est inédit dans l'histoire politique de la France ! Reprenez tout à l'endroit, vous en avez certainement la capacité, présentez-vous aux élections, faites campagne, soyez élue, et vous pourrez prétendre représenter des électeurs, des idées, un parti.

    Interrogée par Apolline de Malherbe à la matinale de BFMTV le jeudi 29 août 2024, alors qu'elle considérait que le meurtre du gendarme Éric Comyn n'était qu'un simple fait-divers, Lucie Castets évoquait la suite de son parcours professionnel dans ces termes : « Je ne démissionne pas de la fonction publique, Je suis extrêmement attachée à la fonction publique, je suis fonctionnaire et j'y accorde une très grande importance, donc je ne démissionne pas de la fonction publique. Je me retire de mon poste et les modalités pratiques sont encore en discussion avec mon employeur, je vous le dirai le moment venu quand ça sera précis, là je ne peux pas encore le dire parce que je ne sais pas exactement quelles sont les modalités, mais oui, j'envisage de me mettre en disponibilité. ».

    Résumons. D'une part, elle ne veut pas quitter la fonction publique, c'est très bien pour elle, mais j'ai connu des responsables politiques qui ont démissionné de la fonction publique pour leur engagement politique (Emmanuel Macron par exemple), elle, elle préfère ne prendre aucun risque et elle a raison, car la politique n'est peut-être pas la voie pour elle. D'autre part, elle propose de nous tenir au courant, de tenir au courant "les gens" de son statut administratif, des conditions de sa mise en disponibilité, mais il faut bien l'avouer, tout le monde s'en moque sauf ses proches. Enfin, je constate que dans l'un des postes les plus importants de la ville de Paris, on peut prendre six semaines de congés payés sans prévenir son employeur puis quitter le poste deux jours avant en principe son retour de congé. Je ne sais pas si c'est ordinaire dans une grande collectivité territoriale, mais je sais que c'est impossible, dans une grande entreprise privée, que des cadres supérieurs puissent avoir autant de flexibilité dans leur parcours de vie professionnelle !






    La question d'Apolline de Malherbe qui a suivi était très pertinente malgré tout, la question qui tue : « Pardon, question très pratique mais puisque vous nous révélez que vous ne retournerez pas effectivement à votre poste lundi, vous allez gagner votre vie comment ? ». Réponse : « C'est encore à déterminer, euh... Je, je... ».
    « Vous allez chercher un autre emploi ? ». Réponse : « Possiblement oui ! ». Ce "possiblement" restera certainement dans les annales du vocabulaire politique dans les prochaines années.
     

     
     


    Les journalistes de l'hebdomadaire "Marianne" ont voulu en savoir plus et leur enquête, publiée le 3 septembre 2024 sous la signature de Maël Jouan et Hadrien Mathoux, avec pour titre "51 000 euros mensuels pour le staff, 9 000 pour elle... le devis de l'équipe de Lucie Castets au NFP", a révélé qu'elle avait réclamé 9 000 euros par mois à la nouvelle farce populaire (NFP) pour ses prestations médiatiques. On comprend un peu mieux qu'elle ait accepté ce rôle de composition, et on comprend un peu moins bien comment des électeurs de gauche puissent avoir été autant abusés par l'hypocrisie vénale d'une telle personne (ou d'une telle secte car il s'agit bien d'une secte, le mélenchonisme au gourou bien connu).

    "Marianne" a ainsi affirmé mardi soir que Lucie Castets avait envoyé pour elle et "son équipe" un budget au NFP, un devis qui fait état d'un salaire de 9 000 euros mensuels pour Lucie Castets et de 51 000 euros mensuels pour le fonctionnement de "son cabinet" comprenant trois (ou quatre) personnes, et les trésoriers des partis du NFP (en particulier d'EELV), l'avaient validé. Néanmoins, l'hebdomadaire a bien précisé que finalement, cela ne s'est pas fait après avoir contacté "l'entourage de Lucie Castets" : « Aujourd’hui, l’entourage de Lucie Castets assure que ses demandes ne sont plus à l'ordre du jour. », terminant ainsi : « Finalement, l’opération a été avortée. ». Dans un communiqué sur Twitter, sans vraiment démentir les informations, Lucie Castets a affirmé qu'elle n'avait touché aucune rémunération du NFP cet été (surtout pour répondre à ses détracteurs qui imaginaient qu'elle était doublement rémunérée, par ses congés payés et par le NFP).


    Car une telle information a évidemment provoqué de nombreuses réactions plutôt hostiles dans les réseaux sociaux, d'opposants au NFP (c'est bien normal), mais aussi d'électeurs du NFP particulièrement déçus par la vénalité de la dame.

    Interrogée par Thomas Sotto dans la matinale de RTL ce vendredi 6 septembre 2024, Lucie Castets a voulu démentir l'article de "Marianne" : « C'est faux. Je suis abasourdie par cet article et du fait qu’il a été relayé tel quel par de nombreux médias (…). Je trouve ça incroyable que l’info ne soit pas vérifiée avant d’être publiée. ».





    Mais la rédaction de "Marianne" a persisté et signé, piquée au vif par ce procès en incompétence, avec un article publié le même jour (6 septembre), avec ces mots assez durs : « La candidate à Matignon du nouveau front populaire débute peut-être en politique mais sait mentir avec autant d'aplomb qu'un vieux routard. ». Et de démontrer alors en quoi ses informations étaient exactes et recoupées par plusieurs sources distinctes.

    Le point de contestation n'était ni les montants en jeu, ni le fait que cela ne s'est pas fait finalement, mais l'origine du devis : qui a demandé à ce que Lucie Castets soit payée 9 000 euros par mois ? Pour "Marianne", c'est Lucie Castets elle-même qui a réclamé cette somme au NFP (après tout, pas très cher comme cachet d'actrice, même de série B, enfin, de série C). Pour Lucie Castets, au contraire, ce sont les dirigeants du NFP qui lui ont proposé une telle rémunération.
     

     
     


    "Marianne" n'en démord pas et précise (et publie même) « l'email écrit par son bras droit Arnaud Bontemps à la trésorière des écologistes, un devis de fonctionnement de l’équipe Castets. En bref : une enveloppe de 51 000 euros pour la rémunération de ses collaborateurs, les déplacements, la location d’un bureau… Et une possible rallonge de 9 000 euros à partir de septembre (date de la fin des congés de Lucie Castets) pour son salaire. Nous maintenons nos informations. Elles ont été scrupuleusement vérifiées et recoupées, notamment auprès des principaux intéressés : Arnaud Bontemps et la trésorière du parti Les Écologistes qui ont tous deux confirmé l’existence de ce mail et n'ont pas démenti les montants. (…) Ce que dit Lucie Castets est donc, pour la paraphraser, faux et nous serions abasourdis que sa parole, sur le sujet, puisse être relayée telle quelle à l'avenir par de nombreux médias. ».

    En clair, dès cet été, Lucie Castets avait demandé une rémunération de 9 000 euros mensuels pour elle à partir du 1er septembre 2024, ce qui confirme tout ce que les observateurs avaient compris depuis le 23 juillet 2024 avec cette insipide imposture : tout le monde, dirigeants du NFP et Lucie Castets, savait qu'elle ne serait jamais nommée Première Ministre, ni cet été, ni après l'été.

    ...Même si l'email publié par "Marianne" donnait quand même l'impression de quelques illusions dans la production de souvenirs communs avec Lucie Castets : « Enfin, plus ponctuellement, nous pourrions avoir besoin d'un appui en matériel ou en compétences (…).... Bref tout ce qui permettra de faire vivre la dynamique autour du nouveau front populaire en attendant que la gauche gouverne le pays : mais évidemment tout cela reste à suivre. » !
     

     
     


    Après ces informations, à mon sens, le plus choquant n'est pas le montant de la rémunération demandée. Il faut déjà rappeler qu'il s'agit d'un budget projeté, 9 000 euros par mois, ce devrait être a priori y compris les charges patronales et salariales, qui sont lourdes. Je n'ai pas le montant exact correspondant au salaire net, mais il doit être équivalent à un salaire de cadre supérieur ou de haute fonctionnaire, d'énarque. Ce qui peut être plus difficile à avaler, c'est lorsqu'on donne des leçons aux supposés riches et qu'on l'est soi-même (comme François Hollande qui considérait qu'on était riche à partir de 4 000 euros par mois).

    Ce qui est le plus choquant, c'est surtout qu'elle n'est pas capable d'assumer qu'elle a demandé une rétribution. La plupart des acteurs politiques ont des rémunérations d'une manière ou d'une autre, parce qu'ils sont élus (ministres, parlementaires, élus régionaux, départementaux voire maires lorsque la ville est importante), ou qu'ils sont collaborateurs parlementaires (on va voir le procès du FN à partir du 30 septembre) ou encore des permanents de parti politique (avec parfois certaines rémunérations vraiment élevées et scandaleuses mais rarement rendues publiques).

    Dans cette affaire, Lucie Castets a donc été le dindon de la farce du mélenchonisme : elle a quitté son boulot sans avoir quelque chose à la place. Aucun cadre n'agirait ainsi dans sa vie professionnelle. Elle a été particulièrement imprudente, même si la lumière qu'elle a attirée sur elle semble lui plaire. C'est sûr, elle est comme la grenouille qui voulait être plus grosse que le bœuf. Elle croyait qu'elle pourrait être nommée à Matignon. Enfin, elle y croyait modérément puisqu'elle demandait des garanties salariales à ses amis mélenchonistes après l'été. Aujourd'hui, alors que les élections sont finies, elle se retrouve sans rien. Alors, messieurs et mesdames les parlementaires de la nouvelle farce populaire, soyez utiles, faite une bonne œuvre, recrutez Lucie Castets comme collaboratrice parlementaire. Elle le vaut bien.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Le casse-tête de Lucie Castets.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240906-lucie-castets.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/a-vendre-lucie-castets-9-000-eur-256679

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/05/article-sr-20240906-lucie-castets.html




     

  • Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin

    « On me monte au premier donc, soi-disant pour me sonder. Je me rassure un peu. Je louche. Y avait pas de cercueils au premier. Rien que des lits, entre les paravents. » (Céline, "Guerre", éd. Gallimard, 2022).


     

     
     


    Version célinienne des consultations à Élysée... Déjà un mois et demi sans gouvernement et le nouveau Premier Ministre n'est toujours pas nommé. La faute à qui ? Elle est partagée entre le Président de la République et les partis politiques qui composent l'Assemblée Nationale. Aucune majorité, donc la nécessité d'une grande coalition peut-être pas de soutien mais au moins de non-censure.

    Le campus du PS qui a commencé ce 29 août 2024 à Blois (l'équivalent d'une université d'été) a montré que les socialistes étaient profondément divisés entre le maintien coûte que coûte au sein du NFP avec le mot d'ordre de Jean-Luc Mélenchon du programme NFP, rien que lui, tout lui, prôné par la direction actuelle sous la houlette du premier secrétaire Olivier Faure, et une part de plus en plus grandissante d'une aile réformiste qui constate l'absence de majorité du NFP et la nécessité de dialoguer avec d'autres forces politiques pour constituer le gouvernement. Selon Jean-Christophe Cambadélis, le prédécesseur d'Olivier Faure, seulement 25 députés socialistes (sur les 66) seraient sur la ligne Mélenchon.

    Malgré le NFP, les vocations ne manquent pas pour donner de sa personne au pays (!) : Ségolène Royal, Bernard Cazeneuve, Didier Migaud, Pierre Moscovici se préparent... à tout hasard. Plus le temps passe et plus les noms se multiplient, au point de provoquer quelques éclats de rire sinon des sanglots. L'hilarité du désespéré.

    De l'autre côté, Les Républicains, montrant un courage incroyable, refusent absolument de faire partie d'une coalition gouvernementale, préférant se réserver pour l'élection présidentielle. Cette ligne de Laurent Wauquiez a un opposant important, son ancien mentor Nicolas Sarkozy qui, dans une interview au "Figaro", ce vendredi 30 août 2024, a prôné un Premier Ministre issu de la droite parce que jamais les Français n'ont élu une Assemblée aussi à droite que celle de 2024 (ce qui est vrai). Xavier Bertrand, Christine Lagarde, entre autres, sont les propositions de l'ancien chef de l'État.

    Dans les deux camps, PS et LR, les "coalitionnistes" (si j'ose les appeler ainsi) insistent sur le moment crucial (le Président de la République voudrait nommer le Premier Ministre avant la rentrée scolaire, il ne lui reste que ce week-end), et si les caciques de LR refusaient le pouvoir, Matignon irait à la gauche. Et réciproquement, si les caciques du PS refusaient le pouvoir, Matignon irait à la droite. La vérité, c'est qu'un gouvernement serait stable si et seulement s'il contenait à la fois des caciques du PS et des caciques de LR.

    Les journalistes n'en finissent donc pas de pérorer sur le sujet. Mais cela peut provoquer certaines réactions. Arlette Chabot, éditorialiste politique sur LCI (et ancienne du service public, France 2 et France Inter), s'est cru obligée de mêler ses propres convictions aux contraintes du jeu politique actuel. Elle a dit que la clef pour la participation des socialistes au gouvernement, ce serait l'instauration de la proportionnelle (lorsqu'on en parle, il s'agit bien sûr pour le scrutin des élections législatives).

    Sa raison est la même que celle de François Bayrou : avec la proportionnelle, les socialistes retrouveraient leur liberté et pouraient se désengager des mélenchonistes. Cette raison est à la fois fausse politiquement et honteuse philosophiquement.

    Même avec un scrutin proportionnel, Jean-Luc Mélenchon imposerait une liste unique aux législatives pour avoir le meilleur ratio nombre de sièges sur nombre de voix. Et même si chaque parti du NFP y allait avec sa propre liste, cela ne changerait pas la situation des grandes villes aux élections municipales de 2026 qui serait un désastre pour le PS en cas de liste mélenchoniste contre lui.


    Mais le plus grave est la philosophie de la proposition : on veut bouleverser les institutions pour le simple intérêt d'un parti. Et, comme je viens de l'expliquer, ce n'est même pas l'intérêt du PS, car cela n'empêcherait pas l'emprise de Jean-Luc Mélenchon sur toute la gauche qui provient des acteurs du drame et pas de la règle du jeu. En effet, tant que les socialistes n'ont pas un leader historique valable, du genre de François Mitterrand ou de Lionel Jospin, Jean-Luc Mélenchon (malgré son âge) dominera largement l'espace politique de la gauche, et en particulier lors de l'élection présidentielle qui est une compétition de personnalités plus que de partis politiques.

    Néanmoins, il y a une inquiétude : des journalistes bien informées pensent que le Président Emmanuel Macron serait très ouvert pour instaurer la proportionnelle si cela était nécessaire pour former le gouvernement. C'est cette inquiétude que j'exprime donc ici. J'ai déjà, à de très nombreuses reprises, évoqué le poison institutionnel qu'était le scrutin proportionnel pour les élections législatives.

    Aujourd'hui, la proportionnelle est sans fondement, sans intérêt, puisque les Français ont voté comme si c'était la proportionnelle avec une Assemblée ingouvernable. La preuve n'est pas encore tout à fait établie, mais depuis juillet 2024, voire depuis juin 2022, la France a du mal à être gouvernée par absence de majorité absolue. Le scrutin proportionnel ne résoudrait rien de ce problème important : l'absence de majorité absolue. Au contraire, le scrutin proportionnel empêcherait à l'avenir toute majorité absolue éventuelle. Et ce serait définitif, car qui dit absence de majorité absolue dit absence de majorité pour rechanger le mode de scrutin.


    Il faut être clair : tous les mouvements politiques significatifs du paysage politique sont aujourd'hui bien représentés à l'Assemblée Nationale, il n'y a donc pas de déni démocratique avec le scrutin majoritaire à deux tours. À un seul tour, le 30 juin 2024, il y aurait eu une très large majorité absolue, de l'ordre de 350 à 400 députés pour le RN ! (scrutin britannique). Les deux tours ont permis de corriger le tir, puisque deux tiers des Français ont refusé un gouvernement RN. Les prétentions de la gauche mélenchoniste devraient se rappeler d'où on partait au moment de la dissolution, d'un gouvernement Bardella à 65% des sièges. Cette gauche-là pourrait être plus humble et admettre que cette victoire RN a été évitée grâce à la conjonction du NFP et du camp présidentiel, et sans ce dernier, la majorité serait allée au RN.

    Avec la proportionnelle, tout le monde y perdrait. D'abord, bien sûr, le RN, qui pourtant avait pour tradition historique de réclamer la proportionnelle car le scrutin majoritaire l'empêchait d'avoir des élus. Aujourd'hui, on voit bien qu'il n'y a plus de plafond de verre, et pour pouvoir gouverner seul, le scrutin majoritaire est indispensable au RN.


    Mais ce qui est valable pour le RN est valable pour tous les partis dits de gouvernement, LR évidemment, mais aussi le PS. En voulant la proportionnelle, le PS s'interdirait de gouverner seul, et le pire, c'est que le PS est sans doute le parti qui a le plus profité du scrutin majoritaire, tant en 1981 (s'affranchissant des communistes) qu'en 1997 (tirant son épingle du jeu lors de triangulaires avec le FN).

    La victoire législative du camp macroniste en 2017, un parti politique sans histoire, sans tradition, sans idéologie, venu de nulle part, et la victoire au premier tour du 30 juin 2024 du RN ont montré que le scrutin majoritaire n'empêchait pas à des partis marginaux, centristes ou extrémistes d'atteindre la majorité absolue leur permettant de gouverner seul. La démonstration a été interrompue pour le RN, mais ce parti reste encore le favori des prochains scrutins nationaux, c'est ce que la gauche semble avoir complètement oublié depuis un mois et demi.

    On voit bien qu'aucun parti n'est partant pour faire cette grande coalition qui est nécessaire pour gouverner. La proportionnelle rendrait cette coalition nécessaire à tous les coups. La classe politique, visiblement, n'y est donc pas prête puisque chacun reste sur ses positions de manière obstinée.

    Enfin, avec la proportionnelle, ce serait avant tout le peuple qui serait le grand perdant. Les électeurs qui, de bonne foi, voteraient pour un parti ne sauraient absolument pas ce qu'adviendrait leur vote, ne sauraient pas si ce parti serait dans une coalition ou une autre. C'était le principe du scrutin majoritaire, qui n'a pas fonctionné cette fois-ci, celui de conclure des alliances, des coalitions avant les élections, en toute transparence, et pas après les élections, dans des conciliabules, dans de la cuisine politicienne, hors de tout contrôle des électeurs.

    Au-delà du choix des alliances et des programmes, ce serait bien le choix des personnes qui serait remis en cause par la proportionnelle puisque l'avantage pour les partis, c'est de choisir eux-mêmes ses cadres, et pas leurs électeurs, qui serait ou ne serait pas député, simplement avec l'ordre dans la liste. Tous les apparatchiks seraient alors en tête de liste et seraient élus automatiquement. Pour être sur une place éligible, il ne faudrait plus aller parler aux électeurs et les convaincre, smais simplement se prostituer auprès des chefs du parti.

    L'intérêt national ? Aucun. L'intérêt des appareils de parti serait en revanche énorme puisqu'ils pourraient placer leurs permanents à des places éligibles, ce qui permettrait de les financer (au frais de la République). Quant aux personnalités un peu particulières, originales, hors parti, elles ne pourraient plus être élues faute d'un parti suffisamment fort pour gagner des sièges : exit les Nicolas Dupont-Aignan (certes battu en 2024), Bernard Tapie, Christine Boutin, Jean Lassalle, Philippe de Villiers, et autres électrons libres, qui n'auraient jamais été élus députés sans scrutin majoritaire (protégée de Raymond Barre, Christine Boutin a été élue en 1986 parce qu'elle n'était pas encore Christine Boutin et elle s'est émancipée seulement plus tard). Ces personnalités un peu en dehors de la norme politique, aussi singulières soient-elles, ont beaucoup apporté à la vie politique par leur pluralisme, leur originalité, leur origines diverses. Elles contribuent aussi le renouvellement de la classe politique.

    Enfin, à l'heure où le fossé est grandissant entre la classe politique et le peuple, la proportionnelle accroîtrait encore plus ce fossé en éloignant les députés de leurs électeurs. Attachés à une circonscription, les députés ont un rôle majeur auprès de la population de leur circonscription, on dit souvent qu'ils sont des assistantes sociales, confrontés à des problèmes de recherche d'emploi, de logement, etc. Ce lien avec la réalité populaire, déjà meurtri par l'interdiction du cumul avec un mandat local opérationnel (comme maire), est pourtant essentiel pour la cohésion des institutions. Sans cet attachement à une circonscription, le député deviendrait hors sol, et n'aurait plus les moyens de comprendre sur le terrain les conséquences des lois votées ni d'envisager de les améliorer. Qui connaît le nom de la totalité (les 81) députés européens élus le 9 juin 2024 ? Quel député européen sortant, à la fin de son mandat, a fait un bilan entendu de son mandat, autrement que sur son blog que personne ne lit ?


    La proportionnelle n'est qu'une idée de politiciens pour politiciens. Des journalistes aussi y croient, ainsi que des constitutionnalistes, car cela ferait de nouvelles normes, et toute nouveauté est bonne à prendre, pour les journalistes, cela fait de l'audience, pour les universitaires, cela fait de l'expérimentation en grandeur nature. Mais le peuple n'est pas un jouet.

    Le problème actuel qui se pose depuis le 7 juillet 2024, ce n'est pas du tout le mode de scrutin. En amont, c'est le fait que les électeurs ont envoyé à l'Assemblée une représentation très éclatée de la vie politique. En aval, c'est le fait que les partis politiques ne sont pas (encore) capables d'appréhender cette décision des électeurs et veulent gouverner à 100% ou ne rien faire (aut Ceasar aut nihil).

    L'intérêt national, ce n'est pas modifier la règle du jeu pour que la prochaine fois, ce soit encore pire que cette fois-ci. L'intérêt national, c'est de prendre ses responsabilités avec la situation parlementaire de fait voulue par les électeurs (bien malgré eux), et de travailler ensemble pour le bien commun. Et parmi les sujets les plus chauds, il y en a un qui nécessite un ressaisissement évident, c'est le logement : il faut trouver de nouveaux mécanismes pour favoriser la construction de nouveaux logements. Toute la politique du logement est à revoir, et celle-ci ne se détermine pas par une idéologie quelconque, mais par des propositions concrètes. Il y a ainsi quelques domaines sur lesquels le prochain gouvernement pourrait travailler hors de toutes arrières-pensées politiciennes et électoralistes, hors de toute passion, de toute colère, de toute démagogie, pour le bien commun.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (30 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240830-proportionnelle.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-41-interet-256544

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/30/article-sr-20240830-proportionnelle.html



     

  • Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !

    « Les leaders de gauche dénoncent un coup de force, mais c’est une posture, ils cherchent à mobiliser la rue. Ils ont leur part de responsabilité dans la paralysie actuelle. Et ils savent bien qu’il n’y a pas eu de coup de force, que la Constitution permet d’agir ainsi, que face à une situation inédite, absolument inédite depuis le début de la Cinquième République, il n’y a ni règle, ni jurisprudence. Seul un article 8 : le Président nomme le Premier Ministre. Point final. » (Patrick Cohen, le 28 août 2024 sur France Inter).




     

     
     


    Depuis lundi, le journaliste politique Patrick Cohen a repris ses chroniques politiques matinales sur France Inter. Il est l'un des journalistes emblématiques de France Inter.

    Après des débuts sur RTL, un passage sur France Inter puis sur Europe 1, Patrick Cohen (bientôt 62 ans) a été nommé par le directeur de France Inter Philippe Val aux commandes de la matinale (7h-9h) pour remplacer Nicolas Demorand (parti à Europe 1 puis à "Libération"). Il y a officié de 2010 à 2017, date à laquelle il est retourné à Europe 1 mais jusqu'en 2021, la station privée étant en pleine déconfiture. Depuis lors, et jusqu'à cet été, Patrick Cohen végétait un peu journalistiquement. Certes, depuis 2011, il tient une chronique quotidienne le soir chez Anne-Sophie Lapix sur France 5 ("C à vous") et il se fait plaisir depuis 2018 sur LCP à choisir les rediffusions les plus ringardes (celles qui ont marqué son enfance ?) pour "Rembob'INA" (rediffusant parfois de petites pépites de la télévision française), mais il restait sous-exploité.

    À cette rentrée, il reprend donc du service chez France Inter, dans la matinale dirigée par... Nicolas Demorand revenu au bercail depuis 2017 (à la rentrée 2023, il avait été question que Patrick Cohen reprît la matinale de France Culture, mais cela aurait été une concurrence déloyale pour l'autre chaîne de Radio France, France Inter avec Nicolas Demorand). Non sans polémiques puisqu'il remplace Yaël Goosz qui reste toutefois sur France Inter pour la chronique politique du soir (et qui officie aussi sur LCI), ce qui a fait adopter une motion de défiance des journalistes le 11 juillet 2024 contre l'actuelle directrice de France Inter.


    Dans sa chronique de rentrée, le lundi 26 août 2024, Patrick Cohen remarquait une différence dans la situation politique entre le début de l'été, après les élections et cette fin de l'été : « Il n'y a toujours pas de gouvernement issu des élections du 7 juillet. La France fait sa rentrée dans le même état d’incertitude politique qu’il y a un mois et demi… Dans le même état ? Pas tout à fait. Il y eut entre-temps ce moment collectif exceptionnel, ces Jeux du dépassement, du rassemblement et de la fierté, ce rayonnement français venu démentir l’idée d’un pays en crise, en déclin, en repli et en morceaux qui ne se parle plus et ne se reconnaît plus. Soit la sombre vision portée par le Rassemblement national et ses 10 millions d’électeurs. L’autodénigrement a été balayé par les éloges étrangers, les passions tristes par des joies partagées. Le parti à la flamme, par la flamme olympique. (…) Alors aujourd’hui, dans ce flux médiatique et numérique ininterrompu qui charrie une masse toujours changeante d’émotions sans lendemain, faisons le pari d’une exception olympique, d’un événement qui change nos regards citoyens, qui redonne confiance et nous transcende. Et d’une France moins crispée, moins archipellisée qu’il n’y paraît. ».

    Malgré cela, l'éditorialiste admettait que la situation est très difficile. Il reprochait à l'ensemble de la classe politique de ne pas y mettre du sien. Et d'abord la gauche qui revendique la victoire : « [Elle] aurait pu, [elle] aurait dû se mettre en quête de la centaine de députés qui lui font défaut à l’Assemblée pour nouer une majorité. Ou au moins pour ne pas être censurée. La tâche eût été difficile mais les leaders du front populaire n’ont même pas essayé. Ce que Jean-Luc Mélenchon a écarté dès le soir du second tour, le 7 juillet à 20h05, refusant, je le cite, tout "subterfuge, arrangement, combinaison" et toute négociation sur le programme du NFP. Position qui n’a pas bougé, malgré la levée du verrou des ministres LFI ce week-end. ».

    Mais tous les partis sont responsables de l'actuelle impasse : « Chacun campe dans son couloir. Travailler ensemble, c’est trahir. Passer des compromis, c’est se compromettre. Partager le pouvoir, c’est renoncer à incarner l’alternance pour la prochaine présidentielle. ».

    Dans sa chronique du mardi 27 août 2024, Patrick Cohen est revenu sur le communiqué de l'Élysée de lundi soir selon lequel Emmanuel Macron renonçait à nommer Lucie Castets à Matignon et tout gouvernement de la nouvelle farce populaire (NFP) au nom de la « stabilité institutionnelle ». Les consultations des 23 et 26 août ont en effet montré qu'au moins 350 députés seraient prêts à voter la censure immédiatement en cas de nomination d'un gouvernement purement NFP (avec ou sans ministres insoumis). Le journaliste y a vu une nouvelle version du fameux sketch du rond-point de Raymond Devos : « J’appelle un agent, il me dit : je sais, c'est une erreur. Et les gens tournent depuis combien de temps ? Depuis plus d’un mois. Voilà, nous y sommes ! Quarante-deux jours à tourner en rond, à tenter de trouver la sortie d’une équation insoluble, d’une Assemblée composée de minorités, chacune à la merci de toutes les autres. ».

    Alors, Patrick Cohen a essayé de faire des constats « factuellement incontestables ». Il a rappelé le premier vote de la nouvelle Assemblée : « La gauche, on l’oublie, a déjà été battue dans cette nouvelle Assemblée, avec le communiste André Chassaigne, coiffé par la Présidente réélue Yaël Braun-Pivet. Fallait-il se donner la peine de vérifier l’hostilité de près des deux tiers des députés ? » [en cas de nomination de Lucie Castets]. Pour gouverner, le RN était préféré à la gauche au premier tour : « 25% des voix seulement au premier tour, 33 pour le RN. Ils n’ont pas non plus choisi Lucie Castets, qui n’était ni dans les urnes, ni dans le débat. ».

    Le deuxième constat, c'est la défaite du camp présidentiel. Mais Patrick Cohen a mis en garde contre des interprétations oiseuses du genre : "Les Français ont voulu ça, etc." : « [L'ex-majorité affirme] que les Français ont voté pour une grande coalition, ce qui est absurde. Est-ce que vous connaissez un seul électeur qui vote Tartempion plutôt que Macheprot, en espérant que Tartempion n’aura pas trop de voix pour gouverner tout seul et qu’il sera obligé de partager le pouvoir avec Macheprot ? Cela n’a pas de sens : chacun n’est comptable et stratège que de son propre vote. La nécessité d’une coalition obéit à une logique politique et parlementaire, pas à une volonté électorale. On fait semblant de croire que la composition d’une Assemblée est le produit d’une savante délibération collective, mais ça n’est qu’un agrégat de votes et d’opinions individuelles qui forment parfois des majorités. Et parfois pas. ».

    Troisième et dernier constat : « Il n’y a eu qu’une expression clairement majoritaire, le 7 juillet : le refus d’un gouvernement Rassemblement national, puisque toute la campagne de second tour, et toute l’offre électorale, avec les désistements du front républicain, ont tourné autour de cette question : voulez-vous, ou non, que Jordan Bardella gouverne le pays ? La réponse a été non à 63%, 17 millions 200 000 électeurs, mêlant leurs voix, gauche, droite, centre, pour faire barrage. C’est le seul message réellement majoritaire qui a conduit à cette Assemblée morcelée. ».

    Dans la chronique de ce mercredi 28 août 2024, Patrick Cohen a peut-être répondu à la chronique de son confrère Daniel Schneidermann, complètement mélenchonisé depuis les massacres du Hamas du 7 octobre 2023, qui était de mauvaise foi contre lui le 27 août 2024 : « Heureusement, dans la débâcle de la Macronie, il a encore des porte-parole : Patrick Cohen est revenu à France Inter. L'ancien présentateur s'est refait une virginité dans un lieu moins exposé, l'avant-soirée de France 5, où il a signé des éditos-enquêtes souvent factuellement bien charpentés. Il est temps pour lui de revenir dilapider ce capital de crédibilité dans l'exercice de l'avocat officieux du pouvoir. ».

    Après avoir repris tous les points de la chronique du 27 août 2024 de Patrick Cohen, Daniel Schneidermann s'est posé la question : « Comment incarner ce refus du RN, autrement que par une ""grande coalition" ? Patrick Cohen nous le dira demain. ».


    D'où la mise au point le lendemain de l'éditorialiste de France Inter : « On le répète : l’expression d’une aspiration au changement a été massive. Et le fait que rien n’ait encore changé depuis un mois et demi est logiquement regardé comme une anomalie démocratique. ». Mais ce n'est pas pour autant un coup d'État d'Emmanuel Macron comme le répètent les adorateurs du gourou des insoumis Jean-Luc Mélenchon : « Les leaders de gauche dénoncent un coup de force, mais c’est une posture, ils cherchent à mobiliser la rue. Ils ont leur part de responsabilité dans la paralysie actuelle. Et ils savent bien qu’il n’y a pas eu de coup de force, que la Constitution permet d’agir ainsi, que face à une situation inédite, absolument inédite depuis le début de la Cinquième République, il n’y a ni règle, ni jurisprudence. Seul un article 8 : le Président nomme le Premier Ministre. Point final. ».

    Patrick Cohen a toutefois voulu faire la différence entre la légalité qui provient de l'arithmétique parlementaire et la légitimité politique : selon lui, le Président de la République devrait expliquer aux Français pourquoi il n'a pas nommé Lucie Castets à Matignon afin de faire partager sa réflexion en toute transparence : « Emmanuel Macron a encore une fois oublié de faire de la politique, c’est-à-dire accompagner l’opinion, anticiper ses réactions, expliquer ce qu’on fait et pourquoi on le fait, manifester de la compréhension à l’égard des Français qui attendent que leur vote soit pris en compte. Cesser d’apparaître comme le démiurge dont tout procède dans le secret de l’Élysée. Bref d’une façon ou d’une autre, rendre le pouvoir aux électeurs. ».


    Et il est allé plus loin dans son raisonnement : « Faire de la politique en l’occurrence, aurait conduit à nommer Lucie Castets. En posant une condition : qu’elle demande une session extraordinaire du Parlement, puisque c’est une prérogative du Premier Ministre. Pour y engager sans délai la responsabilité de son gouvernement, et ne rien entreprendre sans se soumettre au vote des députés. Tout le monde alors aurait été fixé. Et un échec à l’Assemblée aurait libéré une partie des forces de gauche aujourd’hui sous tutelle du NFP, pour aller tenter autre chose. ».

    Le problème, c'est que Lucie Castets elle-même avait clairement annoncé qu'elle voulait appliquer tout le programme du NFP, rien que le programme du NFP. Pour elle, il n'y avait donc aucune matière à négocier avec d'autres groupes et c'est pour cette raison qu'elle n'est pas aujourd'hui à Matignon. C'est normal, car elle est prisonnière des insoumis qui lui ont eux-mêmes donné ce mandat impératif. Il reste que les socialistes sont très divisés sur la stratégie à tenir et les deux concurrents du premier secrétaire Olivier Faure au dernier congrès du PS, à savoir le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol et Hélène Geoffroy, ont clairement souhaité la formation d'une large coalition d'union nationale et que le PS s'affranchisse de la tutelle de Jean-Luc Mélenchon.

    Contrairement à ce que Daniel Schneidermann, Patrick Cohen est loin d'être un soutien des macronistes (on le saurait à France Inter !). Mais il est capable d'objectivité et de lucidité sur la situation actuelle qui ne satisfait personne et dont l'issue ne satisfera certainement pas au moins la majorité des Français. Simplement, dans une classe politique hystérisée par la rage mélenchonique, tout député prêt au dialogue est devenu un traître au regard des siens, ce qui est absurde. Avant de regarder l'intérêt de leur parti, les responsables politiques doivent d'abord promouvoir l'intérêt national, et celui-ci impose qu'ils prennent leurs responsabilités pour (enfin) gouverner la France. Ensemble, faute de majorité absolue d'un des trois blocs.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
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    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240828-patrick-cohen.html

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  • Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !

    « Pour l’immense majorité des parlementaires qui se sont exprimés, un gouvernement avec le programme du NFP, c’est-à-dire de LFI, et des ministres de LFI, c’est impossible. » (François Bayrou, le 24 août 2024).



     

     
     


    Ce vendredi 23 août 2024 a marqué un jour important pour le processus de nomination du futur gouvernement : le Président Emmanuel Macron a décidé de consulter tous les groupes et partis politiques représentés au Parlement. C'est le temps nouveau des consultations présidentielles, inédit sous la Cinquième République.

    Beaucoup de désinformations ont accompagné ces rendez-vous pourtant cruciaux. La première, c'était de dire que ces consultations seraient inutiles et que ce ne serait que des jeux de rôle ; mais si Emmanuel Macron n'avait pas pris l'initiative de ces consultations, on le lui aurait aussi reproché. La deuxième, c'est aussi de dire qu'Emmanuel Macron voudrait faire durer les choses, ne serait pas très rapide. C'est une indiscrétion du "Canard enchaîné" qui a révélé que si la date de ces consultations étaient si tardives, ce n'était pas à cause de l'Élysée mais bien à cause des représentants de la gauche ultradicalisée : le Président de la République leur avait proposé de venir le 19 ou le 20 août 2024 mais ces messieurs dames de gauche étaient encore en vacances et ne voulaient pas raccourcir leurs vacances. On voit à quel point le climat est malsain où n'importe quoi est dit sur n'importe qui, sans vérification, sans source, sans autre boussole que la détestation, l'humeur et la rumeur.

    Alors, venons-en au fait, et le fait, c'est que l'Assemblée Nationale est divisée en trois voire quatre blocs qui sont à la fois insuffisants tout seuls pour gouverner mais incompatibles entre eux. Et j'en viens à la troisième désinformation pourtant évidente : non ! Emmanuel Macron n'est pas responsable de cet état de fait. Le Président de la République est bien entendu responsable de la dissolution de l'Assemblée, mais il n'est pas responsable des résultats très contrastés de ces élections législatives anticipées qui se résument finalement à trois rejets des Français : rejet du gouvernement actuel des macronistes, mais aussi rejet d'un gouvernement RN et rejet d'un gouvernement NFP ou FI. Ce triple rejet, ce sont les électeurs qui l'ont exprimé collectivement sans formuler d'adhésion précise à l'un des trois blocs.

    Rappelons à tous ces beaux parleurs qui crient à la démocratie bafouée en n'hésitant pas à vouloir destituer le Président de la République (et qui soutiennent par ailleurs des dictateurs notoires comme Maduro qui ont trahi la volonté des électeurs), qu'Emmanuel Macron n'était pas obligé de dissoudre et de redonner la parole au peuple, que de nombreux groupes politiques avaient réclamé cette dissolution et ce retour au peuple avant les élections européennes, et que si Emmanuel Macron ne l'avait pas fait, on l'aurait critiqué pour ne pas avoir voulu entendre le peuple aux élections européennes ni vouloir lui donner la parole pour les législatives. Bref, quoi qu'il fasse depuis toujours, tout ce que dit, fait, ou ne dit pas, ne fait pas Emmanuel Macron est mauvais : tant de mauvaise foi est telle que les oppositions sont inaudibles dans leur rationalité et leur éventuelle bonne foi, quand elle en a.

     

     
     


    Les faits, ce sont donc les entretiens à l'Élysée. La journée du 23 août 2024 fut très chargée pour le Président de la République. Cela a commencé avec les représentants de la nouvelle farce populaire (NFP) venus ensemble au rendez-vous, menés par Lucie Castets avec sa belle tête de champion (voir "Le Dîner de..."), encadrée par Manuel Bompard, Marine Tondelier, Fabien Roussel, avec aussi Olivier Faure, Mathilde Panot, Cyrielle Chatelain, Boris Vallaud et Stéphane Peu. Tous étaient presque endimanchés, avec cravate pour les hommes (sauf Olivier Faure), et Marine Tondelier a même délaissé sa veste verte qui a tant fait pour sa notoriété (quelle ingratitude !).

    Le rendez-vous suivant était la rencontre avec le camp présidentiel, arrivé en ordre dispersé. Il y avait Gabriel Attal, puis Édouard Philippe, Laurent Marcangeli et Claude Malhuret, puis Laurent Hénart, Stéphane Séjourné et Marc Fesneau, puis François Patriat, puis François Bayrou.

     

     
     


    Les représentants de LR ont aussi été reçus, avec Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et Annie Genevard. Enfin, ceux de LIOT également n'ont pas été oubliés (ainsi que le président du groupe centriste au Sénat et président de l'UDI Hervé Marseille). Il ne reste plus que les représentants du bloc RN, à savoir Marine Le Pen, Jordan Bardella et Éric Ciotti, qui viendront ce lundi 26 août 2024 (ils ne pouvaient pas vendredi, ils avaient piscine). L'Élysée a aussi communiqué sur une rencontre avec Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, les Présidents des deux assemblées parlementaires.

    En somme, toute l'Assemblée Nationale a défilé à l'Élysée. Pour quel résultat ? On précise à l'Élysée que la nomination du Premier Ministre sera rapide, prévue peut-être pour le 27 août 2024 (avant la cérémonie d'ouverture des Jeux paralympiques le 28 août 2024). On peut douter de cet agenda car Emmanuel Macron a toujours été lent dans ses nominations gouvernementales, même lorsqu'il avait une majorité absolue. Ce qui est sûr, c'est que, d'une part, aucun changement notable de position n'a été enregistré à cette occasion, mais d'autre part, ces positions ont été officiellement exprimées, actées en quelque sorte devant les institutions.

    Quelles sont ces positions ?

    Celle du NFP, c'est de dire (avec un problème de calcul) : le NFP est arrivé en tête et c'est donc au NFP de gouverner. Raisonnement doublement foireux car il n'est pas arrivé en tête, sinon, André Chassaigne aurait été élu Président de l'Assemblée Nationale, ce qui n'est pas le cas. Cela signifie qu'une majorité relative plus importante existe avec le bloc central et LR. De plus, même s'il était arrivé en tête, l'important est d'être capable de rassembler une majorité à l'Assemblée, ce qui n'est pas le cas pour le NFP.

    Rappelons simplement qu'en Espagne, aux élections législatives du 23 juillet 2023 ont placé au premier rang le Parti populaire (PP), de droite, avec 33,1% des voix et 137 sièges sur 350, ce qui faisait un gain de 49 sièges par rapport aux sortants (et une progression de 12 points en pourcentages des suffrages exprimés). Mais le PP est resté dans l'opposition, car le Parti socialiste (PSOE) du Premier Ministre Pedro Sanchez, qui n'a obtenu que 31,7% des voix et 121 sièges, a pu rassembler les indépendantistes catalans (et autres régionalistes) et former une majorité, ce qui a permis aux socialistes espagnols de continuer à gouverner malgré l'avance du PP. À ma connaissance, je ne connais aucun dirigeant actuel du NFP qui aurait contesté la légitimité du gouvernement socialiste de Pedro Sanchez depuis un an.


    Le premier secrétaire du PS Olivier Faure s'est répandu dans les médias, en cette fin de semaine, avec une critique complètement stupide : en raison du front républicain contre le RN, les partis du camp présidentiel sont priés de ne pas censurer un gouvernement qui appliquerait la programme du NFP ! Et il pense que ce n'est pas démocratique de vouloir censurer un gouvernement qui agirait dans la direction complètement contraire aux convictions des députés du camp présidentiel !
     

     
     


    Eh bien, il faut rappeler à Olivier Faure que les électeurs des députés du camp présidentiel n'ont pas voulu le NFP et parfois, on leur a même dit, pour faire barrage au RN, qu'ils pouvaient voter pour un candidat NFP voire insoumis, car le programme du NFP ne serait jamais appliqué ! Comment voulez-vous que le peuple ne se rebelle pas quand il a montré qu'il était très globalement à droite, et même très à droite, et qu'un gouvernement minoritaire irait très à gauche, parmi les éléments les plus radicalisés de la gauche ?

    Invité de TF1 le 24 août 2024 après son discours à Châteauneuf-sur-Isère de la veille où il n'a fait que de l'antimacronisme primaire (très stérile, mais ça plaît terriblement aux militants !), Jean-Luc Mélenchon a fait encore mieux qu'Olivier Faure dans les déclarations délirantes : il a proposé que les insoumis ne soient pas membres du futur gouvernement de Lucie Castets et a demandé au bloc central ce qu'il ferait dans ce cas. Il n'a décidément rien compris, mais comme il est intelligent, il le fait exprès : l'important, ce ne sont pas les hommes (et les femmes) qui seront au gouvernement, l'important, c'est la politique qu'il mènera pour la France. Tant que Lucie Castets s'acharne à ne vouloir faire qu'appliquer le programme du NFP et rien que lui, elle n'a aucune chance de ne pas récolter la censure à la première seconde où elle sera nommée à Matignon le cas échéant. Ce n'est pas la faute à pas d'chance, c'est le résultat des élections, c'est-à-dire de la volonté populaire : il n'existe aucune majorité NFP à l'Assemblée Nationale !

    Le seul salut pour un gouvernement stable, c'est un gouvernement qui affiche une feuille de route très légère, sur quelques points très spécifiques (et en particulier sur le logement qui ne devrait pas susciter de clivages politiques insensés) sur lesquels se mettrait d'accord une majorité d'action. Mais pour cela, encore faut-il parler de la politique gouvernementale (comme l'a fait du reste LR) et pas exclusivement des personnes éventuellement chargées de l'appliquer.

     

     
     


    Ce qui est clair en tout cas, c'est que les députés du bloc central et les députés LR (et les députés RN) voteraient la censure si un gouvernement était nommé pour appliquer le programme du NFP, c'est-à-dire le programme de Jean-Luc Mélenchon que ne veut absolument pas une majorité du peuple français. C'est ça, la démocratie, comprendre qu'il y a une majorité absolue contre soi.

    Dans les noms qui auraient été cités par Emmanuel Macron à différents interlocuteurs, il y aurait : Valérie Pécresse (présidente du conseil régional d'Île-de-France), Xavier Bertrand (président du conseil régional des Hauts-de-France), David Lisnard (maire de Cannes), Jean-Louis Borloo (ancien maire de Valenciennes et ancien ministre), Bernard Cazeneuve (ancien maire de Cherbourg et ancien Premier Ministre). On pourrait en ajouter plein d'autres, comme Charles de Courson (qui a toujours été dans l'opposition à Emmanuel Macron) ou encore Karim Bouamrane (maire de Saint-Ouen).

     

     
     


    La position de LR est beaucoup plus ambiguë. Elle est de dire : LR ne censurerait pas un gouvernement qui n'appliquerait pas le programme du NFP et qui n'aurait pas de ministre insoumis, mais LR ne participerait dans tous les cas à aucun gouvernement, même si celui-ci appliquait la politique proposée dans le pacte présenté par LR le 22 juillet 2024. Avec l'élection de Yaël Braun-Pivet au perchoir, on a pu comprendre que les députés LR faisaient front commun avec les députés du bloc présidentiel, mais on pourrait aussi analyser la situation comme une faute complète de stratégie de LR depuis deux ans.

    En effet, entre 2022 et 2024, Emmanuel Macron a multiplié les occasions pour faire une véritable alliance de gouvernement entre les macronistes et LR, notamment sur la réforme des retraites et sur la loi Immigration (une telle alliance aurait eu la majorité absolue). Or, pour se distinguer des macronistes, les députés LR ont refusé toute cause commune, même lorsque les textes avaient obtenu l'accord du groupe pléthorique LR au Sénat. Dans l'explication présidentielle, cela a motivé la dissolution en raison d'une situation de confusion au sein de l'Assemblée.

     

     
     


    La dissolution avait donc pour réel objectif une clarification de la situation confuse de la précédente législature. La réalité, c'est que la situation est devenue encore moins claire à cause du groupe pléthorique du RN, le premier groupe à l'Assemblée. Résultat pour LR : au-delà de sa très profonde scission entre l'aile Wauquiez et l'aile Ciotti (pourtant, Éric Ciotti avait été élu président de LR pour soutenir Laurent Wauquiez à l'élection présidentielle de 2027), LR a perdu des sièges et se retrouve obligé, pour cause d'esprit de responsabilité, de finalement faire une alliance plus ou moins assumée avec les macronistes, et celle-ci ne suffit encore pas pour atteindre la majorité absolue, il manquerait encore une cinquantaine de sièges provenant des bancs socialistes.

    Par conséquent, le Premier Ministre devra être soit une personnalité de LR qui a des capacités de relations de travail avec le PS, soit une personnalité du PS qui a des capacités de relations de travail avec LR. De plus, il aura dû être en opposition frontale avec Emmanuel Macron, pour ne pas être accusé d'être simplement un fondé de pouvoir du Président et pour démontrer que la politique du gouvernement émanera bien de Matignon et pas de l'Élysée comme dans n'importe quelle cohabitation. Enfin, il devra avoir autorité et expérience sur les procédures législatives car ni l'extrême gauche ni l'extrême droite ne le rateront. Équation complexe, celle des mains tendues !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (24 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240823-consultations.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-39-consultations-256471

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/24/article-sr-20240823-consultations.html



     

  • Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre

    « Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Sur la proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. » (Article 8 de la Constitution du 4 octobre 1958).




     

     
     


    La fin de l'été arrive et se précise le choix (périlleux) du prochain Premier Ministre. Faut-il rappeler les deux principales leçons des élections législatives anticipées ? La première, c'est que le camp présidentiel a perdu ces élections. Tout le monde en convient, l'opposition la première, bien sûr. La seconde, c'est que personne n'a gagné ces élections. Et là, il manque aux mélenchonistes et affiliés cette lucidité arithmétique : leur nouvelle farce populaire (NFP) ne dispose que de 193 députés, soit bien moins que les 289 de la majorité absolue. De plus, l'élection au perchoir a montré le 18 juillet 2024 très clairement que les partis constituants le NFP ne constituaient pas une majorité relative puisque leur candidat André Chassaigne a perdu à la majorité relative face à Yaël Braun-Pivet.

    Rappelons aussi que si Emmanuel Macron est responsable (à 100%) de la dissolution de l'Assemblée Nationale, il n'est pas le responsable du résultat des élections législatives ; ce sont les Français qui en sont responsables, et eux seuls. Et maintenant, il faut faire avec. Le Président comme la classe politique en général, doivent faire avec ce résultat assez baroque et étonnant de ces élections.

    L'article 8 de la Constitution est assez clair sur la totale liberté du Président de la République à nommer le Premier Ministre (les ministres du gouvernement, en revanche, doivent être nommés sur proposition du Premier Ministre). Cette liberté doit aller avec la responsabilité du gouvernement devant le Parlement et en particulier avec l'article 49 aliéna 2 de la Constitution : « L'Assemblée Nationale met en cause la responsabilité du gouvernement par le vote d'une motion de censure. Une telle motion n'est recevable que si elle est signée par un dixième au moins des membres de l'Assemblée Nationale. Le vote ne peut avoir lieu que quarante-huit heures après son dépôt. Seuls sont recensés les votes favorables à la motion de censure qui ne peut être adoptée qu'à la majorité des membres composant l'Assemblée. Sauf dans le cas prévu à l'alinéa ci-dessous, un député ne peut être signataire de plus de trois motions de censure au cours d'une même session ordinaire et de plus d'une au cours d'une même session extraordinaire. » ("l'aliéna ci-dessous", c'est l'article 49 alinéa 3, celui où le gouvernement engage sa responsabilité pour l'adoption d'un texte, initiative qui émane bien sûr du gouvernement et qui peut provoquer le dépôt voire l'adoption d'une motion de censure).

    Lorsque le camp présidentiel dispose de la majorité absolue voire relative à quelques sièges près à l'Assemblée Nationale, le Président de la République a une liberté entière et tous les Présidents depuis 1959 ne s'en sont pas privés, parfois avec quelques surprises (Georges Pompidou, Raymond Barre, Jean Castex).

    Lorsque le camp opposé au camp présidentiel dispose d'une majorité absolue (ou relative dans le sens ci-dessus), alors le Président de la République n'a plus aucune liberté de nomination et doit se conformer au choix du nouveau camp majoritaire à l'Assemblée. Cela s'est passé trois fois avec les cohabitations : Jacques Chirac en 1986, Édouard Balladur en 1993 et Lionel Jospin en 1997. Le Président de la République peut juste chipoter sur la méthode du camp majoritaire (légiférer par ordonnances par exemple) et garder tête haute lors des rencontres internationales.

    Lorsque, comme en 2024, aucune majorité ne se dégage, mais vraiment aucune, car l'Assemblée est divisée en trois blocs de force plus ou moins équivalente, alors le flou redonne de la liberté et du pouvoir au Président de la République. Pas pour n'en faire qu'à sa tête, car, comme je viens de l'écrire, le camp présidentiel n'a pas gagné et gare au Président qui n'a pas su décrypter la volonté des électeurs. Mais pour proposer la méthode pour former un gouvernement viable (notion nouvelle, donc), et donc, en choisissant lui-même la majorité plurielle qui le soutiendrait (ou, du moins, qui ne le censurerait pas).

     

     
     


    Le choix du Premier Ministre est donc une liberté présidentielle surveillée de près par le Parlement. À moins de faire perdre du temps à la France, le Président de la République ne nommera pas de Premier Ministre s'il sait qu'il subira inéluctablement l'adoption d'une motion de de censure. C'est la raison pour laquelle il n'a pas nommé le mois dernier Lucie Castets, vouée à être censurée par l'Assemblée Nationale. Prendre le temps de former un gouvernement dans les conditions, c'est gagner du temps pour éviter des initiatives douteuses qui rendraient instable le gouvernement de la France et multiplieraient les crises politiques.

    C'est la raison pour laquelle l'Élysée a proposé cette réunion de consultations des présidents de groupe et de parti le vendredi 23 août 2024. L'objectif du Président de la République serait de connaître les positions des uns et des autres, mais surtout, de les convaincre de faire des compromis pour que les voisins puissent accepter l'autre. Méthode très périlleuse du vivre ensemble version parlementaire !

     

     
     


    En gros, Emmanuel Macron devra convaincre les chefs de partis de ne pas vouloir rester sur leurs positions d'origine de revendiquer l'opposition en attendant l'élection présidentielle (dans trois ans, un siècle !) et surtout, de prendre leurs responsabilités, de gouverner la France, de manière difficile car sans direction clairement définie par les électeurs, dans le seul souci de l'intérêt général. Les Français seront très exigeants et très sensibles au choix, à cet instant précis de leur histoire politique, des responsables politiques, choix entre l'intérêt personnel ou partisan (je ne gouverne pas maintenant et je veux être Président et gouverner tout seul dans trois ans) et l'intérêt national (je gouverne dès maintenant, avec d'autres, je co-gouverne, même si c'est très difficile et casse-cou, même si je m'en prends plein dans les dents, même si cela me brûle définitivement à la prochaine élection présidentielle, mais je suis avant tout au service des Français, comme le devrait être tout responsable politique).

    L'analyse d'Emmanuel Macron, du moins son postulat de départ, c'est que, d'une part, les Français ont rejeté clairement l'idée d'un gouvernement RN malgré le fort attrait électoral dont a su profiter ce parti, ce qui exclut le RN, et d'autre part, les Français aspirent à un gouvernement qui joue l'apaisement des conflits politiques, ce qui exclut FI qui ne cherche qu'à attiser la fureur et le conflit (du reste, en demandant la destitution du Président de la République, les responsables insoumis ont renoncé définitivement à gouverner, après pourtant avoir fait appel à voter pour des candidats du camp présidentiel pour faire barrage au RN !). Son idée est donc de former un gouvernement qui soit acceptable, c'est-à-dire qui ne soit pas censuré par un large ensemble de députés qui va des élus PS aux élus LR en passant par le camp présidentiel (potentiellement, par 363 députés sur 577).

    Sur le plan programmatique, deux injonctions paradoxales semblent avoir été exprimées par les électeurs français : dépenser plus d'argent public sur le plan social et renforcer la sécurité dans le pays. J'évoque ces deux injonctions paradoxales car l'une serait plutôt de gauche et l'autre de droite, ce qui ajoute à la difficulté originelle.

     

     
     


    Une autre analyse pourrait donner le RN comme le groupe pivot à l'Assemblée : il pourrait s'allier tantôt avec le bloc de gauche, tantôt avec le bloc central, selon les dossiers qui leur seraient soumis. Les élus RN pourraient donc être des faiseurs de roi, ce que ne voudrait absolument pas Emmanuel Macron.

    L'analyse d'Emmanuel Macron peut avoir des ratés et les deux difficultés sont les suivantes : d'une part, que les députés LR dépassent leur haine d'Emmanuel Macron (cela semble se produire) ; d'autre part, que les députés PS se désolidarisent des insoumis (ils ont eu mille occasions pour le faire) et ne se fassent pas traiter de traîtres à la gauche (l'injure suprême), ce qui nécessiterait qu'ils aillent à la soupe avec un solide argument social (une mesure sociale qu'ils pourraient agiter face aux insoumis pour leur dire que non, ils sont bien de gauche, mais aussi pour l'intérêt national). Sur ce deuxième point, on en est encore loin.

    L'argument des insoumis pour imposer Lucie Castets à Matignon est que le NFP est le groupe le plus important dans l'Assemblée (193 députés en tout). Dans ce cas, la logique voudrait que Matignon revienne au RN qui est le groupe le plus important de l'Assemblée (126 députés, 142 avec les députés ciottistes). S'il s'agit d'alliance entre groupes, rien n'empêcherait donc que des groupes du bloc central fassent alliance avec le groupe LR, ce qui ferait une coalition de 213 députés (166 du bloc central et 47 LR), supérieur aux 193 députés NFP. Restent ensuite 22 députés du groupe LIOT et 7 députés non-inscrits, et ces 29 députés auront, eux aussi, un rôle pivot dans les semaines à venir.

     

     
     


    Si on restait dans une logique camp contre camp. Le premier camp serait donc le NFP avec Lucie Castets (après Jean-Luc Mélenchon, Manuel Bompard, Huguette Bello, Laurence Tubiana, Clémence Guetté, Clémentine Autain, Mathilde Panot, François Ruffin, etc.). Puis le camp présidentiel avec Gabriel Attal, dont le leadership est incontestable chez les macronistes. Enfin le troisième camp, le RN, serait avec Jordan Bardella. Mais cette logique est à rejeter puisque aucun camp n'a obtenu de majorité. Dans la formation d'un futur gouvernement, il faudra donc que justement, aucune de ces têtes de liste, ni Lucie Castets, ni Gabriel Attal, ni Jordan Bardella ne soit nommée Premier Ministre pour pouvoir faire un gouvernement partagé et accepté.

    Plus généralement, aucun élu RN à Matignon puisque le RN s'est placé délibérément dans l'opposition dès lors qu'il n'a pas obtenu de majorité absolu. C'est peut-être le groupe le plus lucide sur ses capacités.

    Mais également, aucun macroniste à Matignon pour répondre à l'une des leçons des élections, l'échec des macronistes. Cela signifie qu'aucun macroniste ne pourrait être nommé : Gabriel Attal, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Catherine Vautrin, Bruno Le Maire, Édouard Philippe, Jean Castex, etc. Avec peut-être une petite inconnue pour François Bayrou car lui est le rare macroniste qui existait politiquement déjà bien avant Emmanuel Macron, et à ce titre, a gardé son indépendance d'esprit (et rappelons-nous qu'il a refusé d'entrer au gouvernement en février dernier).

    Alors bien sûr, beaucoup d'hypothèses ont été exprimées par différentes personnes depuis le 7 juillet 2024 sur le nom du prochain Premier Ministre. Je vais essayer de les énumérer en espérant ne pas en avoir oublié et en pensant que le véritable "nominé" serait probablement un autre.

     

     
     


    D'origine PS : Bernard Cazeneuve, Karim Bouamrane, Pierre Moscovici, François Hollande, Olivier Faure, Ségolène Royal, Boris Vallaud, Jérôme Guedj, Julien Dray, Anne Hidalgo, Raphaël Glucksmann, Jean-Christophe Cambadélis, Stéphane Le Foll, Martine Aubry, Bertrand Delanoë, Guillaume Garot, Patrice Kanner, Emmanuel Grégoire, Christiane Taubira, Aurélien Rousseau, Carole Delga, Johanna Rolland.

    D'origine écologiste (je la cite même si cela me paraît complètement déraisonnable) :Cécile Duflot.

    D'origine macroniste (malgré ce que je viens d'écrire !) : Gérald Darmanin, Jean-Yves Le Drian.

    D'origine centriste : Jean-Louis Borloo, Charles de Courson, Hervé Morin, Valérie Létard.

    D'origine LR : Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez, Philippe Juvin, Michel Barnier, Nicolas Sarkozy, Valérie Pécresse, Jean-Pierre Raffarin, Gérard Larcher, Aurélien Pradié, Olivier Marleix, Bruno Retailleau, Christine Lagarde, Nathalie Kosciosko-Morizet, François Baroin, Jean-François Copé.

    Acteurs économiques : Louis Gallois, Laurence Tubiana, Laurence Parisot, Alexandre Bompard, Jean-Claude Trichet, Thierry Breton, Michel Camdessus, François Villeroy de Galhau, Jean Peyrelevade, etc.

    Option olympique : Tony Estanguet, Léon Marchand, Teddy Riner, etc.

    En fait, la plupart de ces noms sont peu pertinents, soit parce que les personnes sont un peu trop âgées, soit parce que les Français ont tourné la page (François Hollande, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy, etc.).

    Dans le profil du Premier Ministre, cela paraîtrait pertinent qu'il ait eu une expérience parlementaire assez convaincante à l'Assemblée pour en connaître tous les arcanes (et son précieux règlement intérieur). Et qu'il soit LR PS-compatible ou PS LR-compatible. Xavier Bertrand s'était présenté très tôt après les élections pour dire qu'il était prêt à Matignon mais est-il bien raisonnable que le Premier Ministre fasse partie d'une formation politique qui ne représente que 8% des sièges ? Bernard Cazeneuve, dont le sens de l'État est reconnu de tous, est en revanche de plus en plus cité comme possible Premier Ministre, une fonction qu'il connaît puisqu'il l'a exercée pendant quelques mois.

     

     
     


    Vous l'avez compris, la perle rare n'est peut-être pas encore née à ce jour... mais il faudra quand même bien avoir un Premier Ministre de la France dans quelques jours !

    L'historien Jean Garrigues a évoqué sur France 5 le 19 août 2024 l'expérience du quatrième gouvernement de Raymond Poincaré nommé le 23 juillet 1926 pour faire face à la crise financière. C'était un gouvernement de combat et d'union nationale qui disposait de l'appui de 422 députés sur 581, Raymond Poincaré (rappelé) étant le chef des républicains modérés (Bloc national) aux Finances et son numéro deux aux Affaires étrangères, Aristide Briand, un socialiste indépendant, Édouard Herriot, président du parti radical, le chef de la gauche de l'époque (chef du Cartel des gauches) à l'Instruction publique. À droite, il y avait Louis Barthou (Justice), Georges Leygues (Marine), André Tardieu (Travaux publics), Louis Marin (Pensions), etc., et à gauche, Paul Painlevé (Guerre), Albert Sarraut (Intérieur), Henri Queuille (Agriculture), etc. Ce gouvernement, qui a redressé le franc, a mené une politique de rigueur budgétaire, est devenu très populaire par sa réussite financière, a gagné les élections législatives des 22 et 29 avril 1928 et a été reconduit au pouvoir jusqu'à la démission de Raymond Poincaré, malade et épuisé, le 26 juillet 1929.

    Il y a eu aussi, avant celle-ci, l'expérience du gouvernement de Pierre Waldeck-Rousseau du 22 juin 1899 au 2 juin 1902. La France très inventive a toujours su trouver des solutions à ses crises politiques. Aux acteurs d'aujourd'hui d'imaginer celle d'aujourd'hui !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.



     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240820-premier-ministre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-38-la-256415

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/20/article-sr-20240820-premier-ministre.html


     

  • Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !

    « Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. » (Article 68 de la Constitution du 4 octobre 1958).



     

     
     


    Ils étaient contents, ce samedi soir. La bombe allait être lâchée. Précisément, le samedi 17 août 2024 à 23 heures 25, le papier était en ligne. Le papier ? Une tribune, un torchon plutôt, publié par "La Tribune Dimanche" qui remplace le JDD dans les communications politiques du week-end. Les auteurs, Jean-Luc Mélenchon (73 ans ce lundi) et ses sbires s'en prenaient à la fonction du Président de la République et par là même, se mettaient en retrait de la nouvelle farce populaire (NFP).

    Ils espéraient créer la polémique toute la journée du dimanche, réactions, contre-réactions, surréactions, les rédactions n'ayant plus grand-chose à dire après les Jeux olympiques, et avec un peu de chance, la mousse médiatique de leur énième provocation institutionnelle s'étendrait jusqu'au début de la semaine, une bonne entrée en matière avant la rencontre à l'Élysée des chefs des groupes parlementaires fixée au vendredi 23 août 2024.

    Et là, pas de chance ! Ils vont vraiment finir par haïr Alain Delon ! Le grand acteur est mort dans la nuit du samedi au dimanche, vers 3 heures du matin. Toutes les chaînes de télévision et les stations de radio occupèrent alors leur journée du dimanche à rendre des hommages appuyés et quasi-unanimes (quasi, car il ne faut pas rêver !) à Alain Delon, monument national de la culture française. L'idée de la destitution du Président de la République est passée à la trappe médiatique ! Caramba, encore raté !

    Pourtant, l'initiative mériterait d'être connue de tous les Français pour bien faire comprendre en quoi le groupement politique appelé France insoumise est anti-républicain, anti-institutionnel et dangereux pour la cohésion institutionnelle. On le savait déjà mais maintenant, c'est tellement clair que Jean-Luc Mélenchon ne prend plus de gants, il imite le piètre François Asselineau dans la relecture (erronée) de la Constitution (qu'il déteste pourtant : pour lui, aucune constitution n'est digne de lui, juste lui est capable de dire le bien, les règles, Lui, le seul, le garant, le gourou !).

    Dans sa une, "La Tribune Dimanche" a tenté d'en faire son gras avec deux photographies, mettant en opposition Jean-Luc Mélenchon, candidat perdant trois fois la qualification au second tour, et Emmanuel Macron, élu deux fois Président de la République, à 66% puis à 59%. Comme on le voit, il est factuellement erronée de mettre sur le même plan les deux personnalités, un qui est sans arrêt rejeté par les Français (selon un sondage, 71% des sondés considéreraient que le gourou insoumis est un danger pour la République) et un qui a été plébiscité par le peuple français lors d'élections présidentielles libres, sincères et démocratiques, deux fois, avec des scores très élevés dans l'histoire de la Cinquième République (et la deuxième fois, après la crise des gilets jaunes et la pandémie de covid-19, entre autres crises).

    De quoi s'agit-il ? De réclamer la destitution du Président de la République. Comment ? En faisant jouer l'article 68 de la Constitution. Petit rappel historique : pendant trois républiques, on a laissé la possibilité très floue d'évincer (de destituer) le Président de la République si une haute cour (le Parlement) le jugeait coupable de haute trahison. Sans définir juridiquement ce qu'est la haute trahison. On pensait à l'époque à de l'espionnage (vendu à l'ennemi) et l'expérience de Pétain entre 1940 et 1944 a conforté les constituants successifs à laisser cette disposition. C'est Nicolas Sarkozy qui a réformé cette possibilité beaucoup trop floue et grave en évoquant, à la place de la haute trahison, le cas de « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat ».

     

     
     


    Il faut se rappeler les conditions du début du quinquennat de Nicolas Sarkozy : il a succédé à Jacques Chirac après douze années de Présidence, malade pendant les deux dernières années, et à François Mitterrand après quatorze années de Présidence, gravement malade pendant quasiment la totalité de ses deux mandats. Dans les mémoires aussi, la maladie du Président Georges Pompidou, mort en cours de mandat (un cas d'empêchement manifeste !). L'idée était de permettre l'éviction constitutionnelle d'un Président de la République qui n'aurait plus la lucidité de quitter lui-même le pouvoir pour des raisons de santé mentale (on peut parler d'atteinte de la maladie d'Alzheimer ou d'autres pathologies). Après tout, cela s'est déjà produit avec Paul Deschanel, Président de la République en 1920, qui a lui-même eu quelques déficiences mentales mais il a eu la lucidité et la bonne idée de démissionner. Nicolas Sarkozy voulait qu'en cas de défaut de lucidité, les parlementaires puissent l'évincer, étant entendu qu'il ne s'agissait pas d'un acte politique (comme une motion de censure) mais d'un acte institutionnel pour résoudre un problème due au comportement inapproprié du Président de la République ou à son état de santé.

    Dès lors, la menace d'initier une procédure de destitution du Président de la République sous prétexte que ce dernier refuse de se soumettre au caprice d'une très faible proportion de l'électorat (28%), à savoir nommer Lucie Castets à Matignon, est doublement stupide. D'une part, comme je viens de le préciser, la procédure constitutionnelle n'a rien de politicienne comme c'est le cas de la démarche des insoumis qui assument bien leur appellation. D'autre part, la raison invoquée est pour le coup anticonstitutionnelle puisque le Président de la République peut nommer tout Premier Ministre comme il l'entend, sans contre-seing, et remettre en cause cette compétence présidentielle, c'est s'opposer à l'article 8 de la Constitution que j'avais déjà cité : « Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Sur la proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. ». Dans ce texte, aucune notion de délai ni de pression sur le Président de la République ne sont de mise. Bien entendu, toute la Constitution s'applique et les députés peuvent toujours déposer une motion de censure pour renverser un gouvernement qui ne leur plairait pas.


    C'est justement pour éviter qu'une motion de censure soit inéluctablement adoptée dès son éventuelle nomination que le Président Emmanuel Macron n'a pas voulu nommer Lucie Castets qui n'aurait eu le soutien que de 193 députés sur 577, soit très loin de la majorité. Si Jean-Luc Mélenchon a raison de rappeler que les macronistes ont perdu les élections législatives de cet été (Emmanuel Macron l'a reconnu lui-même), en revanche, il a tort quand il dit que le NFP les a gagnées. Le problème d'aujourd'hui, c'est justement que personne n'a gagné et qu'il faudra faire des compromis pour que le futur gouvernement soit viable. Rappelons enfin que l'histoire de la majorité relative ne tient pas puisque ce n'est pas le candidat du NFP, à savoir le communiste André Chassaigne, mais Yaël Braun-Pivet qui a été élue Présidente de l'Assemblée Nationale le 18 juillet 2024 (il y a un mois), au troisième tour à la majorité relative, sans voix du NFP, évidemment, mais aussi sans aucune voix du RN (c'est important de le préciser).
     

     
     


    Je viens d'évoquer le fond de la destitution, mais avec la forme, c'est encore plus facile à montrer que l'initiative, vouée à l'échec, n'a pour seul objectif que médiatique, faire du bruit, faire du conflit, faire des polémiques, de manière complètement stérile, ce qui conforte l'idée que Jean-Luc Mélenchon n'a aucune envie de gouverner et veut empêcher toute tentative de gouverner. Ce qui, du coup, conforte le Président de la République dans l'idée de refuser toute solution politique où des insoumis seraient au gouvernement (on imagine mal le Président de la République nommer des ministres qui auraient signé quelques jours auparavant un tribune enragée pour réclamer sa destitution !).

    La forme, c'est la capacité d'aller au bout de la procédure selon la Constitution et la loi organique. Il faut d'abord que la proposition passe le stade du bureau de l'Assemblée, et Jean-Luc Mélenchon a rappelé que 12 membres du bureau sont NFP sur les 22 au total (NFP et pas FI). Une fois à l'ordre du jour, il faut que 385 députés au moins votent la destitution (les deux tiers), sans quoi la proposition ne franchira pas le Palais-Bourbon pour aller rue de Vaugirard au Sénat où 232 sénateurs seront également nécessaires pour poursuivre la procédure (deux tiers). Enfin, le Parlement réuni en Congrès, institué en Haute Cour, présidée par la Présidente de l'Assemblée Nationale, devra ratifier la proposition de destitution à la majorité des deux tiers toujours. Autant dire que, pour le cas qui nous occupe, une raison purement politicienne, cette proposition n'a aucune chance d'aboutir. Mais elle dit beaucoup de ses auteurs.

     
     


    Du reste, le parti socialiste, qui semble avoir gardé un minimum de raison, a annoncé le 18 août 2024, entre deux hommages à Alain Delon, qu'il n'était pas question pour le PS d'être associé à l'initiative mélenchonesque, ce qui montre que le NFP n'a jamais été une union pour gouverner puisqu'ils ne sont même pas capables de se mettre d'accord avec le cadre institutionnel pour gouverner. Ils ne représentent que 72 députés et ils veulent renverser le Président de la République ! Le RN et LR sont aussi peu disposé à jouer le jeu de la destitution qui affaiblirait durablement la fonction présidentielle (en mélangeant les enjeux institutionnels) et tout parti qui a pour ambition de conquérir l'Élysée devrait, en principe, s'opposer à cette stupide démarche pour éviter, le cas échéant, d'être confronté à une telle opération à son encontre dans un avenir plus ou moins proche.

    Toute cette agitation médiatique est très grave et pas du tout anodine, elle hystérise les clivages partisans et concourt à la trumpisation de la vie politique et on peut s'inquiéter de ce conflit permanent que veut imposer Jean-Luc Mélenchon aux Français. Avec cette initiative, il n'a pas franchi la ligne rouge car il l'avait déjà franchie depuis bien longtemps, mais il renforce l'idée que décidément, les insoumis refusent le cadre institutionnel de notre République et ont renoncé depuis longtemps à conquérir le pouvoir par l'État de droit. Leur modèle, bien sûr, c'est Maduro qui, lui, n'aurait pas à être destitué malgré les nombreuses fraudes électorales.
     

     
     


    C'est la raison pour laquelle dans les réseaux sociaux, en particulier sur Twitter, certains internautes éclairés commencent à réclamer, au lieu de la destitution stupide du Président de la République, la dissolution des insoumis qui mettent en péril non seulement la République mais aussi la cohésion du peuple français par leur rage et leur excitation pas du tout constructive. Les Français n'aspirent qu'au calme et qu'à la fin des hostilités politiques et on verra bien dans les sondages quels responsables politiques les Français sanctionneront sévèrement par leur comportement ...inapproprié.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     






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