Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

rassemblement national

  • Le paysage politique français postcensure

    « Ce qui est en jeu, c’est notre capacité à faire des pas les uns vers les autres, à dépasser les tensions et les clivages qui font tant de mal à notre pays, à n’avoir comme boussole que l’intérêt général. Ce qui devrait nous rassembler, c’est la politique, au sens où je l’entends, qui consiste à créer du progrès collectif, parfois de petits progrès, parfois de grands progrès pour les Français, et de la stabilité. Les citoyens, les entreprises, les acteurs sociaux et économiques en ont tant besoin et si forte envie. » (Michel Barnier, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Contrairement à ceux des députés censeurs qui ont tenté de dédramatiser l'adoption de la motion de censure, le 4 décembre 2024 contre le gouvernement Barnier, cette adoption a provoqué un bouleversement politique majeur et beaucoup de choses changent dans la situation politique. C'est ce paysage politique français postcensure qui est assez différent de celui d'avant la censure. Pour autant, ce n'est pas un paysage apocalyptique postnucléarisé.

    Comme je l'indiquais précédemment, cette motion de censure a remis sur le devant de la scène politique le Président de la République Emmanuel Macron, par nécessité puisqu'il doit, constitutionnellement, nommer le nouveau Premier Ministre. C'est paradoxale car la collusion des populistes irresponsables et cyniques, d'extrême droite et d'extrême gauche, avait justement pour but de mettre hors-jeu le Président de la République. C'est raté !

    Au contraire, Emmanuel Macron s'est investi à la tâche. Après avoir rencontré individuellement la plupart des partis politiques, hors extrêmes, ce lundi 9 décembre 2024, c'est au tour, le lendemain à 14 heures à l'Élysée, d'une réunion collective dans un format "Saint-Denis". Les partisans d'un régime exclusivement parlementaire pourraient s'offusquer que cette réunion ait lieu sous l'autorité du Président de la République, mais ces députés pouvaient depuis le 7 juillet 2024 se réunir à l'Assemblée Nationale. Comme ils en étaient incapables par eux-mêmes, il a bien fallu que le Président de la République, à la fois le véritable arbitre des élégances et le de nouveau maître des horloges, s'en occupât lui-même.

     

     
     


    Les journalistes qui, la veille de la censure, avaient cru comprendre d'un conseiller du Palais que le Président de la République nommerait le nouveau Premier Ministre en vingt-quatre heures, ont visiblement été mal informés. Non seulement Emmanuel Macron prend du temps, mais à l'heure actuelle, si le nouveau locataire de Matignon était nommé à la fin de cette semaine, ce serait déjà un bel exploit. On sait qu'Emmanuel Macron a toujours voulu prendre son temps dans les nominations, et en plus, se tromper pourrait ici avoir de graves conséquences institutionnelles.

    De plus, le fait qu'un conseil des ministres a été convoqué pour le 11 décembre 2024, malgré le caractère démissionnaire du gouvernement, pour adopter le projet de loi spéciale qui reconduira pour le 1er janvier 2025 la loi de finances pour 2024, ce qui permettra de continuer à collecter les impôts et à payer les fonctionnaires sans nouveau budget, dans l'attente de celui-ci, laisse ainsi un peu de temps à la nomination du prochain gouvernement, car il n'y aura plus d'urgence budgétaire.

    Du reste, le casting n'est pas la principale tâche du Président de la République. Son objectif est plutôt de conclure un accord de non-censure avec l'ensemble des formations politiques de l'arc de gouvernement, de LR au PCF en passant par EPR (macronistes) et le PS, en sachant qu'à eux deux, le RN et FI ne pourraient pas faire adopter une motion de censure (140 députés RN et alliés et 71 députés insoumis ne font pas 289).

     

     
     


    Au-delà de cette remise à l'avant-scène d'Emmanuel Macron, ce dernier a quand même réussi un double voire triple exploit le samedi 7 décembre 2024 avec la réouverture de Notre-Dame de Paris. D'une part, c'est un exploit diplomatique car il a réussi à convaincre Donald Trump de venir à Paris, et cela a montré à l'évidence que malgré ses déboires intérieurs, Emmanuel Macron n'était pas isolé. C'est d'ailleurs à peu près l'un des rares chefs d'État ou de gouvernement que Donald Trump connaît bien à son retour à la Maison-Blanche, avec Georgia Meloni et Viktor Orban (et Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, bien sûr). D'autre part, le délai respecté de cinq ans pour reconstruire la cathédrale a montré que le volontarisme politique pouvait fonctionner, même avec des défis audacieux, et disons-le, un peu fous, et cela a apporté la confirmation d'une composante jupitérienne au chef de l'État, quoi qu'on en dise. Enfin, ce week-end a été l'occasion pour les Français d'être fiers d'eux-mêmes, d'être à nouveau le centre du monde, et dans ce climat de dénigrement généralisé, c'est toujours bon à prendre, et avec la trêve des confiseurs qui va se profiler rapidement à partir de mi-décembre jusqu'au début de janvier prochain, cela fait repenser à la trêve olympique qui a mis le monde politique en suspension pendant tout l'été.

     

     
     


    En face du Président de la République, il y a eu des évolutions notables dans la classe politique. Si LR a confirmé son esprit de responsabilité déjà démontré avec la nomination de Michel Barnier à Matignon (on aurait aimé que LR l'adoptât dès juin 2022, ce qui aurait évité la dissolution), d'autres partis ont évolué énormément dans leur approche du problème. La fable insoumise d'une victoire de la nouvelle farce populaire (NFP) a été enfin jetée à la poubelle pour prendre en compte la réalité arithmétique de l'Assemblée.

    C'est le parti socialiste qui a bougé le plus ses lignes, en acceptant l'idée d'un accord de non-censure avec le reste de l'arc de gouvernement. Sur son sillon, il a amené également les écologistes et les communistes, ce qui a pour conséquence d'isoler politiquement les insoumis. Jean-Luc Mélenchon enrage actuellement de ne plus rien contrôler du NFP. Il enrage mais il n'est pas non plus si mécontent que cela, car il sait que cela l'aidera à l'élection présidentielle pour convaincre qu'il serait la seule "alternative" possible à gauche, au contraire des "sociaux-traîtres".

     

     
     


    Le premier secrétaire du PS Olivier Faure, pourtant considéré comme ultramélenchonisé, a lui aussi changé de pied : la perspective du prochain congrès socialiste et sa forte impopularité parmi les militants et surtout parmi les grands élus territoriaux (maires de grandes villes et présidents de conseils régionaux) l'ont incité à modifier sa tactique.

    Comme l'a expliqué Carole Delga, la très écoutée présidente du conseil régional d'Occitanie, qui est favorable à un accord de gouvernement, dans "La Tribune Dimanche" le 8 décembre 2024 : « Face à une crise exceptionnelle, et à un haut niveau d'irresponsabilité de beaucoup de politiques (…), nous devons être à la hauteur pour notre pays. Les Français nous en veulent. Ils sont déboussolés, désespérés par le spectacle que donne la classe politique, inquiets de l'avenir sur les plans social, économique et climatique. Loin des jeux d'appareils et des ambitions présidentielles, tout doit être mis en œuvre pour l'adoption du budget de la France dans les prochaines semaines. ».


    La pire irresponsabilité est sans doute la censure d'un ancien Président de la République, d'autant plus que François Hollande aurait même été à mélenchoniser dans une réunion socialiste en expliquant que le Président de la République devrait partir après l'adoption d'une motion de censure (ce sont des propos rapportés et pas confirmés par l'intéressé). L'emmurement (au sens propre) de sa permanence électorale en Corrèze par des agriculteurs en colère l'a un peu refroidi : aujourd'hui, il n'ose plus beaucoup intervenir dans le débat public.

    À l'extrême droite, la situation aussi a évolué. Comme le disait Gabriel Attal, qui vient d'être élu secrétaire général de Renaissance : « Chassez le naturel, il revient au chaos ! ». L'évolution date en fait des réquisitoires très sévères du parquet contre Marine Le Pen et ses sbires dans le procès fleuve des assistants parlementaires du RN. Elle risque l'inéligibilité immédiatement exécutoire. Le vote de la motion de censure des insoumis, qui fustigeait une nouvelle loi Immigration et la remise en cause de l'aide médicale d'État, en évoquant les « plus viles obsessions » du RN, a rendu un peu dubitatifs, sinon dérouté, les militants du RN. Surtout, ceux qui avaient cru que la respectabilité, la tactique de la cravate, devait les mener au pouvoir. Les agriculteurs en colère en veulent aux députés RN d'avoir voté la censure car les mesures qu'ils avaient obtenues ont été éliminées par la censure.


     

     
     


    Pour preuve les résultats de la première élection législative partielle depuis le 7 juillet 2024. C'est intéressant car ce sont des signaux faibles qui ne sont pas sans signification. Actuellement, trois sièges de députés sont vacants et deux autres élections législatives partielles seront organisées au début de 2025 (pour les circonscriptions d'Hugo Prevost à Grenoble et de Stéphane Séjourné à Boulogne-Billancourt). Celle qui a eu lieu les 1er et 8 décembre 2024 concerne la première circonscription des Ardennes, celle de Charleville-Mézières.

    En juin 2022, cette circonscription a été conquise par Lionel Vuibert, candidat macroniste, alors que la députée sortante, qui ne se représentait pas, était LR. Le candidat LR a obtenu près de 300 voix de moins que son concurrent macroniste au premier tour et s'est désisté en sa faveur. Au second tour, Lionel Vuibert a gagné avec 200 voix d'avance sur le candidat RN pour une participation de 45,1%.

    Cet été 2024, Lionel Vuibert a perdu largement le second tour avec plus de 2 500 voix de retard sur son jeune concurrent RN Flavien Termet, avec une participation de 67,5%, alors que le candidat macroniste n'avait plus de candidat LR sérieux au premier tour (la candidate officielle de LR n'a fait que 3,8% au premier tour). Flavien Termet, le benjamin de l'Assemblée que certains députés sectaires de gauche n'ont pas voulu saluer au moment de voter pour l'élection au perchoir, a démissionné le 30 septembre 2024 pour des raisons médicales graves. Il aurait aussi quitté le RN en mauvais termes (selon certains journalistes).

    En décembre 2024, la participation a chuté, comme dans les partielles en général, néanmoins, c'est important de noter le résultat. Le candidat RN a fait mieux au premier tour en pourcentages que Flavien Termet en juin (39,1% au lieu de 38,3%) tandis que Lionel Vuibert a fait un peu moins en pourcentages qu'il y a cinq mois (25,4% au lieu de 26,2%), cette fois-ci, concurrencé par un candidat LR qui a fait 16,0% au premier tour (avec une participation de seulement 30,5%). Au second tour, Lionel Vuibert a réussi néanmoins à reconquérir la circonscription en gagnant face au candidat RN avec près de 400 voix d'avance. Il a bénéficié du soutien de LR au second tour. Certes, la participation au second tour était très faible aussi, 30,9%, mais la différence en nombre de voix est quand même notable puisqu'il a gagné avec plus d'écart en voix en décembre 2024 qu'en juin 2022 avec une participation 50% plus grande.


    On ne peut bien sûr pas généraliser au niveau national, mais cela montre cependant que le RN n'a pas su mobiliser ses propres électeurs pour l'emporter, sans doute en raison d'une censure qui est peu compréhensible : pourquoi avoir joué le jeu de la respectabilité pendant trois mois, puis tout d'un coup, se ranger comme Jean-Luc Mélenchon, c'est-à-dire enrager ? Il faut aussi rappeler que depuis plusieurs années, l'abstention nuit au RN au contraire des décennies précédentes où c'était le contraire.

     

     
     


    Mais retour à la situation du moment. Les noms des possibles successeurs de Michel Barnier à Matignon passent à une vitesse folle : Sébastien Lecornu, François Bayrou, Bruno Retailleau, François Baroin, Catherine Vautrin, Bernard Cazeneuve, Manuel Valls (oui, on a parlé de lui !!), Pierre Moscovici, Didier Migaud, Laurent Berger, Thierry Beaudet, et même... François Villeroy de Galhau, supposé être de gauche et gouverneur de la Banque de France depuis novembre 2015. J'ai l'intuition que si c'est ce dernier, son gouvernement sera très impopulaire...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (10 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241209-paysage-politique-postcensure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-paysage-politique-francais-258081

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/10/article-sr-20241209-paysage-politique-postcensure.html


     

  • La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !

    « Malgré des années d’efforts pour tenter de faire croire aux Français que vous seriez responsables, prêts à gouverner, ce que nous confirme le moment que nous vivons, c’est que tout cela n’était que du vent. Chassez le naturel, il revient au chaos ! » (Gabriel Attal, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    La journée parlementaire du mercredi 4 décembre 2024 a été historique en ce sens qu'elle a conclu par l'adoption d'une motion de censure pour la seconde fois de toute l'histoire de la Cinquième République. Une motion de censure qui a rassemblé les votes à la fois de l'extrême gauche de la nouvelle farce populaire (NFP) et de l'extrême droite qui se voulait pourtant constructive. Revenons à la teneur du débat parlementaire et des discours des principaux orateurs.

    À l'évidence, le président du groupe EPR à l'Assemblée, Gabriel Attal, a été le plus percutant, prenant date pour l'avenir, pour pourfendre à la fois l'hypocrisie de l'extrême droite et le cynisme d'une certaine gauche. Il était l'avant-dernier orateur avant la réponse du Premier Ministre.

    Contre le RN, Gabriel Attal a attaqué très fortement la stratégie du chaos du RN : « Quel Français pourra se dire que grâce à la chute du gouvernement et à l’instabilité que cela provoquera, son quotidien s’améliorera ? Aucun ! La vérité, c’est que l’adoption de cette motion de censure ne ferait que des perdants, au premier rang desquels les plus modestes, les classes moyennes, les travailleurs. Parce que quand la crise frappe, quand l’instabilité s’installe, quand le chaos rôde, ce sont toujours ceux qui triment qui payent les pots cassés. Mais le Rassemblement national s’en moque. (…) Oui, les députés lepénistes mentent quand ils font croire aux Français que c’est pour les défendre, eux, et défendre leur pouvoir d’achat qu’ils votent la motion de censure. Il n’en est rien ! Les députés lepénistes mentent quand ils tentent de faire croire que le chaos qu’ils sèment ne serait pas de leur faute. Je crois que vous le sentez déjà : pour vous faire du bien, vous faites mal au pays et mal aux Français. Je crois que vous êtes déjà en train de sentir que les Français sont inquiets de cette censure annoncée. Vous sentez qu’ils aspirent à la stabilité et à la sérénité. Vous sentez déjà que vous faites une erreur devant l’histoire. Mais vous ne pouvez pas vous en empêcher, c’est plus fort que vous, c’est votre nature. Alors vous cherchez à rejeter sur d’autres la responsabilité que vous prenez, seuls, de faire tomber le gouvernement de la France. Auriez-vous déjà la censure honteuse ? Est-ce pour cela que matin, midi et soir, vous courez les plateaux de télévision pour vous évertuer à faire croire que vous ne seriez pas les responsables et que même si les quatre groupes du socle commun soutiennent le gouvernement, qu’il n’a jamais été question pour aucun d’entre nous d’appuyer sur le bouton de la censure, le coupable serait le socle commun. Pas un Français ne croit à ce mensonge, pas un ! La politique, c’est prendre des décisions et surtout, je crois, les assumer. Alors, mesdames, messieurs les députés lepénistes, assumez votre décision, assumez le désordre, assumez l’alliance avec LFI, assumez l’instabilité, assumez l’affaiblissement de la France, assumez votre irresponsabilité ! Madame Le Pen, je vous ai écoutée attentivement dans votre tentative désespérée de vous exonérer de vos responsabilités. ».


    Gabriel Attal a commencé son intervention par une citation de Tocqueville : « Il y a tant à dire sur l’alliance entre LFI et le RN qui est en train de se nouer, conformément à l’analyse de Tocqueville qui écrivait qu’ "en politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés". Il y a vraiment tant à dire, mais je crois que l’essentiel pourrait tenir en une phrase : nous en sommes au point où les Français n’écoutent plus les politiques. En effet, tout cela tourne désormais à vide, la politique française est malade et nous venons d’avoir la confirmation dans les interventions précédentes que ce n’est ni à l’extrême gauche ni à l’extrême droite que les Français pourront trouver l’antidote. (…) Il semble aujourd’hui que l’extrême droite et l’extrême gauche aient décidé de baisser ensemble le pouce, comme naguère à Rome lorsqu’il fallait condamner un gladiateur après le combat. (…) Dans le camp du désordre, le Rassemblement national n’est pas seul, il le partage avec l’extrême gauche qui y a déjà ses habitudes. Motion de censure après motion de censure, outrance après outrance, hurlement après hurlement, l’alliance de la gauche emmenée par Jean-Luc Mélenchon ne poursuit qu’un seul projet : tout piétiner, tout gâcher et tout taxer. ».

    Et l'ancien Premier Ministre s'est adressé tout particulièrement aux socialistes pour en appeler à leur sens des responsabilités : « Je pense à ceux qui, il y a sept ans à peine, gouvernaient encore la France, ceux qui comptent dans leurs rangs des élus sincères, convaincus que la laïcité n’est pas un gros mot, que la compétitivité est nécessaire et que la stabilité est indispensable, ceux qui, depuis le congrès d’Épinay, unissaient la gauche autour de leurs valeurs et ne se soumettaient pas comme aujourd’hui à celles de l’extrême gauche. À ceux-là, nous disons qu’on peut s’opposer sans tout gâcher, qu’on peut s’opposer sans censurer… Affranchissez-vous ! Nous préférons voir le courage de ces quelques députés de gauche qui ont fait preuve d’indépendance en refusant de signer et d’apporter leurs voix à la motion de censure signée par Jean-Luc Mélenchon. Nous préférons voir qu’au sein de la gauche et des députés indépendants, des voix responsables se sont élevées pour dénoncer la politique du pire (…). Nous préférons porter l’espoir qu’un jour (…), la gauche républicaine, la gauche de gouvernement, celle qui a eu l’honneur par deux fois de donner un Président à la France, se ressaisisse et se mette autour de la table avec nous pour, enfin, agir vraiment pour les Français. ».

    Prenant un exemple parmi d'autres : « Chers collègues socialistes, au début de la séance, M. Mélenchon était dans les tribunes pour assister à nos débats. Il a écouté religieusement l’orateur de la France insoumise et Mme Le Pen, puis il s’est levé et est parti au moment même où Boris Vallaud prenait la parole. Il la respecte plus qu’il ne vous respecte ! Que faites-vous encore avec son parti ? ».


    Le premier orateur était Éric Coquerel pour défendre la première motion de censure déposée par l'extrême gauche. Il a basé tout son discours sur la supposée « illégitimité » du Premier Ministre, oubliant en cela la Constitution (quand ça l'arrange) et en attaquant sévèrement le gouvernement : « Vous avez montré que les seuls compromis que vous étiez prêt à admettre étaient ceux que vous négociez avec vous-même. Vous n’avez pas esquissé le moindre mouvement en faveur des amendements adoptés dans cette chambre. Vous ne l’avez fait ni pour le budget de la sécurité sociale, alors que nous réglions une grande partie des déficits des comptes sociaux, par exemple en instaurant des cotisations sur les dividendes, ni pour celui de l’État, alors que nous avions trouvé 56 milliards d’euros en revenant sur les cadeaux fiscaux éhontés faits aux ultrariches et aux très grandes entreprises depuis 2017. Or ces recettes supplémentaires permettaient d’éviter d’augmenter les taxes sur l’électricité ou de diminuer le pouvoir d’achat des actifs et des retraités. Elles permettaient aussi de maintenir le déficit sous les 3% du PIB, ce qui laissait une plus grande latitude pour investir dans l’écologie, l’éducation et la santé. ».

    Le plus cocasse, c'était de pourfendre une prétendue collusion avec le RN alors que c'est le NFP lui-même qui allait mêler sa voix avec celle du RN : « Vous avez finalement tenté des compromis, mais avec l’extrême droite. Vous avez privilégié le Rassemblement national en violation du barrage républicain qui a rassemblé une majorité de voix en juillet dernier, alors que vous auriez dû au moins vous en faire le garant. Cette compromission n’empêchera pas votre chute. Vous chuterez de surcroît dans le déshonneur puisque vous étiez prêt à remettre en question l’aide médicale de l’État (AME). Jusqu’au bout, vous ou vos ministres, comme M. Retailleau hier lors de la séance de questions au gouvernement, avez invoqué des valeurs communes avec l’extrême droite afin d’éviter que ses députés ne votent la censure. En aspirant à un front réactionnaire, vous insultez tous les électeurs qui, pour maintenir le barrage, ont permis à vos maigres soutiens de conserver leur siège dans cette chambre. ».

    Le président insoumis de la commission des finances a même proposé sa solution en réclamant la démission du Président de la République, en violation complète avec la Constitution : « Il existe une meilleure solution, qui respecterait le suffrage universel : nommer un gouvernement nouveau front populaire, qui pourrait avantageusement amender le budget de retour le 18 décembre à l’Assemblée. Il pourrait reprendre tous les amendements qui avaient su trouver une majorité ici même ; il lui resterait alors deux semaines pour essayer de faire passer la partie recette avant fin décembre, comme la loi l’y oblige. Mais il semble que le chef de l’État ne veuille toujours pas de cette solution qui contredit les fondements de sa politique au service de la finance. Voilà pourquoi se posera à nouveau et rapidement la question de la sortie de cette impasse. Cette sortie de crise passera par le suffrage populaire. Elle ne pourra attendre juillet et doit concerner le responsable de tout ce chaos, j’ai nommé le Président de la République. Aujourd’hui nous votons la censure de votre gouvernement mais, plus que tout, nous sonnons le glas d’un mandat : celui du Président. Collègues, notre main n’a pas à trembler. Je vous invite à censurer ce gouvernement. En ce jour, ouvrons un avenir, la promesse d’une aube après le crépuscule. ».


    La deuxième oratrice était Marine Le Pen pour défendre sa propre motion de censure (qui n'a finalement pas été mise aux voix, en raison de l'adoption de la première). Les critiques contre le gouvernement ont plu d'une manière tellement excessive que cela en devenait insignifiant : « Monsieur le Premier Ministre, vous avez fait le choix de prolonger l’hiver technocratique dans lequel est plongée la France depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 : déconnexion des attentes démocratiques, verticalité des décisions, refus des consultations et des compromis, non-respect en somme de la volonté du peuple français en matière migratoire, sécuritaire ou fiscale, ou en matière de construction européenne, et cela malgré les résultats sans appel des élections de juin et juillet dernier. ».

    L'ancienne présidente du RN a notamment fustigé les 3 300 milliards d'euros de dette pour charger le Président de la République (sur ce sujet, je reparlerai prochainement de la dette et de son augmentation pas si différente que cela du passé), et en ponctuant : « La facture est invariablement présentée aux Français, sommés d’éponger ces errements. ». Elle a oublié de préciser que si l'État est si endetté, c'est bien parce que l'État dépense beaucoup plus qu'il ne gagne, et à qui cela profite ? À tous les Français. Le vrai scandale, il est générationnel : ce sont les Français du futur qui vont devoir payer le train de vie des Français d'aujourd'hui, mais dès qu'on touche au train de vie d'aujourd'hui, il y a refus et obstruction. Il faudrait être cohérent.


    Pourtant, Marine Le Pen en était consciente : « Depuis cinquante ans, la France a perdu le contrôle de ses finances publiques. Elle s’est rendue prisonnière de ces budgets qui obèrent désormais son avenir, celui de nos enfants et même de nos petits-enfants. Ils n’ont pas seulement découragé le travail mais la création de richesses ; pas seulement la volonté d’entreprendre mais la possibilité de le faire. Ce budget ne s’attaque pas seulement à la France, il prend en otage les Français, singulièrement les plus vulnérables : les retraités modestes, les personnes malades, les travailleurs pauvres, les Français considérés comme "trop riches" pour être aidés, mais pas assez pauvres pour échapper au matraquage fiscal. ».

    Et de poursuivre comme Louis de Funès dans "L'Avare" : « Ces Français qui, tous, se posent une unique question : "Où va l’argent ?" ». Où va l'argent ? Qu'elle était stupide, cette oratrice, de poser cette question alors que les réponses ont fusé dans l'hémicycle. François Cormier-Bouligeon (EPR) : « Et l'argent du Parlement Européen ? ». Erwan Balanant (MoDem) : « Dans les caisses du Rassemblement national ! ». Émilie Bonnivard (LR) : « Aux assistants parlementaires du Rassemblement national ! ». Marie Lebec (EPR) : « Dans vos poches ! ».

    Quant à la démission du Président de la République, l'hypocrisie au comble, Marine Le Pen l'a réclamée sans la réclamer : « Emmanuel Macron s’est attaqué, depuis sept ans, à tous les murs porteurs de l’État et de la nation ; il a terriblement affaibli la fonction présidentielle, clef de voûte de l’édifice institutionnel français. Parce que nos logiques constitutionnelles le commandent, en attendant que le peuple reprenne la parole et la main, c’est au chef de l’État, et à lui seul, qu’il appartiendrait de sortir le pays de cette pathétique ornière. Je le dis ici, j’ai trop de respect pour la fonction suprême, de déférence à l’égard de nos institutions, de révérence vis-à-vis du suffrage universel, pour participer à une quelconque entreprise, même parlementaire, de demande de destitution. Je laisse cela aux "che-guevaristes" de carnaval qui, sans nul doute, se reconnaîtront. C’est à l’intéressé lui-même de conclure, s’il est en mesure de rester ou pas. C’est à sa conscience de lui commander s’il peut sacrifier l’action publique et le sort de la France à son orgueil. C’est à sa raison de déterminer s’il peut ignorer l’évidence d’une défiance populaire massive que je crois définitive. S’il décide de rester, il sera contraint de constater qu’il est le Président d’une République qui n’est plus tout à fait, par sa faute, la Ve. ». C'était n'importe quoi (comme d'habitude) mais il fallait bien parler sur le sujet. Il faudrait juste rappeler à Marine Le Pen qu'elle avait réclamé la dissolution depuis plus d'un an et que c'est ce retour au peuple qui est dans l'essence de la Cinquième République, tandis qu'elle venait d'appeler cela le chaos. Il faudrait savoir.


     

     
     


    Hypocrisie aussi en votant la motion de censure de l'extrême gauche utilisée « comme un simple outil » ! L'ancienne candidat de l'extrême droite a fait aussi un contresens en condamnant le front républicain entre les deux tours des élections législatives : « Contrairement à ce que vous avez fait en juin dernier, nous ne les envisagerons jamais comme des alliés, car les Français n’auront pas oublié pas que, si tant de députés insoumis siègent sur ces bancs, c’est grâce au désistement de candidats macronistes et LR. Les Français n’oublieront pas non plus que, si tant de députés macronistes et DR siègent sur ces bancs, c’est grâce au désistement de candidats insoumis. N’est-ce pas, monsieur Wauquiez ? ». Eh non, les électeurs sont plus futés, et s'ils avaient voulu une majorité RN, ils auraient pu l'élire même avec cette configuration du front républicain. Le seul message clair d'ailleurs des électeurs, donné le 7 juillet 2024, c'était justement qu'il ne voulait pas que le RN gouvernât.

    En outre, cela a sans doute surpris Laurent Wauquiez d'avoir été ainsi interpellé et cela a dû le faire réfléchir sur le fait qu'entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, il n'y avait décidément pas photo pour choisir avec qui LR voudrait gouverner.

    Il s'est ainsi permis de lui répondre. En effet, Laurent Wauquiez, en évoquant la « coalition des contraires, celle de l'extrême gauche et de l'extrême droite » qui a fait tomber le premier gouvernement de Georges Pompidou en 1962, a embrayé sur 2024 : « Je me souviens encore des propos que j’entendais sur les bancs de la gauche lorsque j’évoquais cet événement [1962] il y a deux mois : ses députés assuraient qu’ils ne voteraient jamais avec le Rassemblement national. Je me souviens également des propos qui me parvenaient des rangs de votre groupe, madame Le Pen : vos députés affirmaient qu’ils ne voteraient jamais avec la France insoumise. Eh bien, nous y voilà : vous faites semblant de vous injurier les uns les autres, mais vous vous apprêtez à voter les uns avec les autres. Vous vous apprêtez à voter ensemble, pour faire tomber un gouvernement. Est-ce une surprise ? Je ne le crois pas ! ».

    Et de présenter l'enjeu ainsi : « Le choix que nous devons faire, chers collègues, est donc parfaitement clair. D’ailleurs, il n’y a pas trois options possibles, mais seulement deux : l’intérêt du pays ou l’intérêt des partis. Le choix de la responsabilité ou le choix du chaos, le choix de la solution ou le choix du désordre. (…) Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas ! Vous avez beau éructer, nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience et ce choix, il faudra le défendre face aux Français. ».


    Juste avant Laurent Wauquiez, le président du groupe socialiste a pris la parole. Boris Vallaud n'a pas manqué de culot en crachant ceci : « Monsieur le Premier Ministre, à aucun moment vous ne nous avez laissés améliorer ce projet, injuste et inefficace, qui fait payer les malades, qui appauvrit les retraités, qui fragilise l’hôpital et qui ne prépare pas le pays aux défis de la société du vieillissement. Vous nous avez empêchés d’aller au bout de l’examen du texte et vous êtes demeuré sourd aux modifications proposées en CMP [commission mixte paritaire]. Or nous n’avons jamais été dans le tout ou rien. À aucun moment, vous êtes entré en dialogue avec l’opposition de la gauche et des écologistes. Vous avez donné suite à aucune de nos propositions, que ce soit à l’occasion du débat parlementaire, que vous avez déserté, à la suite des courriers que nous vous avons adressés, ou encore lors de notre récente entrevue à Matignon, à votre initiative pourtant. ».

    Un peu plus tard, Michel Barnier lui a répondu très vertement en évoquant Georges Pompidou : « En 1962, lui aussi tombait, sous le coup d’une motion de censure. En ce qui me concerne, j’ai toujours admiré cet homme d’État, gardant le souvenir de ce qu’il recommandait dans son livre, "Le Nœud gordien" : il faut, en toutes circonstances, chercher à préserver "la morale de l’action", la morale du collectif. Monsieur le président Vallaud, lorsque, arrivant à l’hôtel Matignon, où je vous avais appelé au lendemain de ma nomination il y a moins de trois mois, vous m’indiquiez, avant que j’aie formé le gouvernement ou présenté son programme, avant même que j’aie ouvert la bouche, que vous voteriez la censure, où est la morale ? Où est l’action ? ».

    Soucieux d'être constructif (ce qui est rare dans cette Assemblée), Boris Vallaud a aussi proposé un pacte de non-censure : « Voilà notre accord de non-censure pour gouverner sans 49-3. Tous les présidents de groupe qui ont bénéficié du front républicain pourraient convenir d’un accord de méthode afin d’y parvenir. C’est une construction politique difficile, certes, mais la seule option raisonnable qui s’offre à nous. Le pouvoir n’est plus à l’Élysée. Il n’est plus à Matignon. Il est à l’Assemblée Nationale. À ceux qui, comme moi, croient au Parlement et qui espèrent un réveil démocratique, à ceux qui rêvent d’une VIe République, la voici ! Oui, nous pouvons changer de budget et de Premier Ministre ; oui, nous pouvons changer la vie. Nous pouvons trouver un chemin pour ce faire. Je crois dans le génie de la démocratie mais elle a besoin de démocrates sincères, de républicains ardents et de parlementaires adultes. ».

    Mais en écoutant mieux l'orateur socialiste, il a précisé quand même un préalable, que ce Premier Ministre soit de gauche, ce qui l'a disqualifié dans la recherche sincère d'une coalition : « Tous préfèrent l’action, même imparfaite, au verbe impuissant ; tous espèrent de la gauche un changement dans leurs vies. Un Premier Ministre de gauche, qui conduirait la politique de la nation, selon la volonté de changement des électeurs nous ayant fait confiance et une Assemblée qui chercherait des compromis et des majorités larges autour de quelques priorités répondant aux attentes urgentes des Français. ».

    Paradoxalement, alors qu'il allait mêler sa voix avec celle du RN pour renverser le gouvernement, Boris Vallaud donnait des leçons de morale à ses collègues du socle commun : «  Chers collègues du bloc central qui vociférez, je le dis avec gravité, cette censure est un appel au sursaut moral. La majorité de compromis que vous avez voulue s’est transformée en un sinistre gouvernement de connivence avec l’extrême droite. Vous la subissez et, désormais, elle vous achève. Pour tout républicain authentique, le prix à payer est devenu beaucoup trop élevé. Le choix qui s’offre à vous est simple. Préférez-vous négocier avec une gauche au pouvoir, que certains jugent imparfaite, mais avec laquelle la plupart d’entre vous partagent l’essentiel des combats républicains ou continuer de courber l’échine aux injonctions de Mme Le Pen ? Préférez-vous la laisse et le bâton du Rassemblement national ou la responsabilité républicaine, au prix de négociations parlementaires exigeantes ? ». La réponse est pourtant simple : tant que le PS est associé aux insoumis, aucun compromis ne sera possible puisque les mélenchonistes sont pour le chaos et la destruction de la République.

    Et oubliant qu'il n'était qu'un instrument de l'extrême droite et de l'extrême gauche, le pauvre dirigeant socialiste répétait comme un mantra : « Cette motion de censure n’est pas un outil de déstabilisation ou de chaos institutionnel. ». Un peu aussi comme dans "Mars Attacks !" de Tim Burton (sorti le 13 décembre 1996), quand un envahisseur lâchait comme un robot "nous venons en paix, nous venons en paix..." !

    Dernier orateur à parler, pour répondre aux précédents, le Premier Ministre Michel Barnier, dont c'était la dernière intervention dans l'hémicycle avant la censure. L'occasion de remercier ceux qui l'ont accompagné pendant ces trois mois au pouvoir : « À chacune et à chacun des députés qui viennent de se lever et aux membres du gouvernement, qui sont presque tous présents, je dois dire que je suis très touché par votre attitude et par votre accueil. (…) C’est aussi l’occasion, peut-être la dernière si tel est le choix de la représentation nationale, de vous remercier, madame la Présidente, pour votre attention et la qualité de notre dialogue durant près de trois mois, ainsi que l’ensemble des services de l’Assemblée Nationale. ».

    Michel Barnier a prophétisé la suite, très lucidement : « Chaque année, les Français vont devoir payer 60 milliards d’euros d’intérêts. C’est plus que le budget de la défense ou de l’enseignement supérieur et ce serait encore davantage demain si nous ne faisions rien. Voilà la réalité. Voilà la réalité, quoi qu’on en dise. Cette vérité, j’ai essayé de l’affronter avec l’ensemble du gouvernement, que je remercie. Ce n’est pas un hasard si le budget que j’ai présenté ne contient quasiment que des mesures difficiles : j’aurais préféré distribuer de l’argent, même si nous ne l’avons pas, pour faciliter la discussion ; mais cette réalité demeure et, écoutez-moi bien !, elle ne disparaîtra pas par l’enchantement d’une motion de censure. Écoutez-moi bien et souvenez-vous-en, dans quelque temps : cette réalité se rappellera à tout gouvernement, quel qu’il soit. ».


    Et d'ajouter en aparté une pique à Marine Le Pen : « En effet, madame Le Pen, il s’agit de notre souveraineté, même si la nature de vos propositions, d’hier et d’aujourd’hui, prouve que nous n’avons pas la même idée de la souveraineté, ni du patriotisme. ».

    L'enjeu que le chef du gouvernement a exposé était le suivant : « Ne nous trompons pas d’enjeu : ce qui se décide en cette fin d’après-midi, ce n’est certainement pas l’issue d’un bras de fer entre l’une ou l’autre des formations politiques et le Premier Ministre, pas plus que le sort du Premier Ministre, je n’ai pas peur, rassurez-vous, monsieur Sansu, j’ai rarement eu peur depuis que je suis engagé en politique, ce qui est en jeu, c’est notre capacité à faire des pas les uns vers les autres, à dépasser les tensions et les clivages qui font tant de mal à notre pays, à n’avoir comme boussole que l’intérêt général. Ce qui devrait nous rassembler, c’est la politique, au sens où je l’entends, qui consiste à créer du progrès collectif, parfois de petits progrès, parfois de grands progrès pour les Français, et de la stabilité. Les citoyens, les entreprises, les acteurs sociaux et économiques en ont tant besoin et si forte envie. ».


    Ses dernières paroles ont été les suivantes : « Mesdames et messieurs les députés, vous voilà rendus à ce moment de vérité. Vous me permettrez, à cet instant, de terminer de façon plus personnelle et de vous dire que je ressens comme un honneur d’avoir été depuis trois mois, et d’être encore, le premier ministre des Français, de tous les Français. Au moment où ma mission prendra fin, peut-être bientôt, je dois dire que cela restera pour moi un honneur d’avoir servi, avec dignité, la France et les Français. ».

    Cela m'a fait évidemment penser à la fin de célèbre tirade de Jean Gabin, lui aussi renversé par une majorité hostile, dans l'excellent film "Le Président" d'Henri Verneuil (sorti le 1er mars 1961). Michel Barnier aura marqué l'histoire... mais certainement pas comme il l'aurait voulu. Par un acte manqué.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.


     

     

     

     

     

     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-assemblee-nationale.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-motion-rnfp-chassez-le-naturel-257977

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/04/article-sr-20241204-assemblee-nationale.html


     

     

     

     

     

     

     

  • L'émotion de censure de Michel Barnier

    « Voter la motion de censure aggraverait la crise démocratique. En effet, que vont penser les Français d’une Assemblée Nationale incapable d’adopter une loi de finances et une loi de financement de la sécurité sociale ? Le rejet de la démocratie parlementaire peut déboucher sur un régime autoritaire. Le dernier sondage Ipsos rappelle que seulement 22% des Français font encore confiance aux députés de la nation, quand 63% considèrent le personnel politique comme corrompu, 78% comme non représentatif et 83% comme agissant pour ses intérêts personnels. C’est une catastrophe démocratique. (…) Seul un large rassemblement de l’arc républicain permettrait de gouverner notre pays en évitant les risques liés à des solutions extrêmes. » (Charles de Courson, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Charles de Courson n'a pas été écouté. Sans surprise. La motion de censure déposée par 185 députés de la nouvelle farce populaire (NFP) le 2 décembre 2024 à la suite de l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution a été adoptée ce mercredi 4 décembre 2024 à 20 heures 26 par 331 députés. Le Premier Ministre Michel Barnier va donc remettre la démission de son gouvernement au Président de la République le 5 décembre 2024 à 10 heures à l'Élysée. Emmanuel Macron s'adressera aux Français le même jour à 20 heures.

    Bien que prévisible depuis trois jours, des députés du socle commun ont tenté d'éviter l'inéluctable en pensant pouvoir faire changer d'avis certains députés socialistes. C'était peine perdue : avec 331 voix, la motion de censure a très largement dépassé le seuil pour être adoptée, à savoir 288 (il y a deux sièges vacants actuellement).


    Non seulement la gauche a suivi les insoumis dans leur excitation politicienne (71 FI sur 71, 65 PS sur 66, 38 EELV sur 38, 16 PCF sur 17), mais le RN et ses alliés ont rejoint l'extrême gauche dans leur désir de désordre institutionnel (123 RN sur 124, 16 ciottistes sur 16) ainsi que 1 député LIOT sur 23 et 1 non-inscrit. Il faut bien intégrer que parmi les votants de cette motion de censure contre Michel Barnier, il y a un ancien ami politique de Michel Barnier, Éric Ciotti, et aussi un ancien Président de la République François Hollande, censé en principe assurer la stabilité des institutions et pour qui les responsabilités sont un trop vieux souvenir.

     

     
     


    Comment en est-on arrivé là ? Simplement par la collusion des irresponsables et une sorte de machiavélique complémentarité du cynisme avec l'irresponsabilité. On n'a que la classe politique qu'on mérite et c'est bien le peuple qui a élu les 577 députés de l'actuelle législature.

    Évidemment, j'éprouve de la tristesse ce soir, non pas pour Michel Barnier qui avait été à Matignon comme une sorte de divine surprise qui a ponctué sa très longue carrière politique qu'il croyait déjà achevée, mais pour la France, et les Français. La France est un merveilleux pays avec des Français capables d'excellence et d'organisation, et on peut le dire très clairement en 2024 avec l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, et aussi la restauration de Notre-Dame de Paris en cinq ans, saluée par une très grande cérémonie ce samedi 7 décembre 2024, et en même temps, capables d'anachronismes idéologiques, d'auto-dénigrement et de manque de confiance en eux ; les Français font tout pour se mettre des bâtons dans les roues... au grand plaisir de tous ceux qui ne nous veulent pas que du bien.


     

     
     


    Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, l'une de façon un peu moins véhémente que l'autre, réclament aujourd'hui la démission d'Emmanuel Macron pourtant élu par le peuple, qu'ils disent tant adorer, pour cinq ans. Depuis juillet 2024, Emmanuel Macron ne s'est pas adressé aux Français et a laissé le gouvernement agir à sa guise, mais ce silence médiatique n'a pas suffi à redorer son blason dans les sondages. Il devra trouver les mots pour convaincre un peuple en déshérence et surtout inquiet, inquiet pour lui mais aussi pour son pays dans un contexte international particulièrement en crise.

     

     
     


    Michel Barnier a vécu sa dernière journée de Premier Ministre avec un certain panache, et il a fait honneur à la France et à son histoire. Hélas pour lui, il n'aura rien marqué dans l'histoire de son pays comme Premier Ministre, sinon d'avoir été le plus bref chef d'un gouvernement de la Cinquième République, avec seulement trois mois d'exercice.

    C'est plutôt le fait d'avoir été renversé par une motion de censure qui est historique. On parle de la seconde motion de censure adoptée sous la Cinquième République, la première ayant été adoptée le 5 octobre 1962 contre le premier gouvernement de Georges Pompidou à la suite de la décision de De Gaulle de proposer aux Français d'élire leur Président de la République au suffrage universel direct. Georges Pompidou a été victime d'une conjonction des non, en clair, du syndicat des anciens de la Quatrième République et des proches de l'OAS.

    À la différence de Michel Barnier, le cas de Georges Pompidou s'est relativement bien passé : De Gaulle a dissous l'Assemblée, les députés gaullistes étaient persuadés avoir perdu la bataille mais une majorité gaulliste (la première en majorité absolue avec les alliés indépendants) a été élue et Georges Pompidou a été confirmé et a été d'ailleurs le Premier Ministre le plus long de l'histoire républicaine (plus de six ans !).

     

     
     


    Ce 4 décembre 2024, la situation est complètement différente : le Président de la République a déjà dissous l'Assemblée le 9 juin 2024 et ne pourra pas dissoudre avant le 9 juin 2025, c'est-à-dire dans au moins six mois. Comme en 1962, il n'y a pas de majorité mais cette non-majorité va perdurer encore au moins six mois (que le Président de la République démissionne ou pas, insistons sur ce point).

    Le cynisme, c'est Marine Le Pen et ses sbires de l'extrême droite qui votent une motion qui dit explicitement : « Alors qu’une large majorité de nos concitoyennes et concitoyens a fait le choix du barrage à l’extrême droite lors des élections législatives, le Premier Ministre a cédé à leurs plus viles obsessions, avec une nouvelle loi immigration, qui poursuivrait la faillite morale et politique de l’année dernière et une remise en cause de l’Aide Médicale d’État, qui apporte humanité et dignité à ceux qui foulent notre sol et est une mesure essentielle pour tous de santé publique. ». Maso les députés RN ? Non, simplement cyniques : ils n'ont jamais voulu le bien commun, ils n'ont jamais voulu l'intérêt général. Quelles que fussent les concessions du gouvernement Barnier, le RN l'aurait censuré parce que c'est le caprice de la diva qui n'a pas trouvé d'autres réactions pour réagir à sa probable condamnation le 31 mars 2025.

    Le cynisme, c'est bien entendu le PS et en premier lieu François Hollande qui a totalement oublié l'intérêt général. J'ai au moins la fierté de n'avoir jamais voté pour cet homme mou et soumis (électoralement) aux insoumis, ce qui me permet de me regarder dans une glace sans jamais avoir honte de mes choix dans l'isoloir. Le cynisme, c'est aussi celui de Boris Vallaud qui a le toupet de dire que le gouvernement Barnier n'a pas tenté de discuter avec le PS alors qu'il avait lui-même refusé toute rencontre et annoncé le dépôt d'une motion de censure avant même que Michel Barnier n'ait ouvert sa bouche et même n'ait nommé son gouvernement !


    Voici ce que disait le sénateur Claude Malhuret, toujours pertinent, heureusement lucide et réaliste, le 3 décembre 2024, à l'approche de l'adoption de la motion de censure : « Après avoir voté pendant un mois, souvent ensemble, des mesures irresponsables qui menaient le pays à un budget de faillite, l'extrême gauche et l'extrême droite ont décidé, en alliant leurs voix sur une motion de censure, d'engager la France dans une aventure sans issue. Ils prétendent que ce vote est une simple péripétie, qu'il n'aura pas de graves conséquences. Ils mentent. Et ils savent qu'ils mentent. Il vont plonger le pays dans l'inconnu, sans budget, sans gouvernement et sans majorité. Les premières victimes seront les classes populaires et les classes moyennes qu'ils prétendent défendre, tout comme les entreprises fragiles, les agriculteurs, les retraités. 400 000 foyers nouveaux paieront l'impôt sur le revenu, 17 millions d'autres verront celui qu'ils paient déjà augmenter. La hausse des taux d'intérêt rendra insoutenable la dette de l'État et plombera tous les acteurs économiques. Les investisseurs qui avaient retrouvé confiance en la France repartiront. De la part de la France insoumise, rien d'étonnant. Leur but depuis toujours est la chute du régime et de la démocratie. Cette motion de censure n'est que la suite logique de la bordélisation de l'Assemblée Nationale et du discrédit du Parlement qu'ils organisent depuis des années. Pour le Rassemblement national, la farce de la dédiabolisation et des députés cravatés vient d'exploser en plein vol. Ils sont prêts à mettre le chaos dans le pays pour détourner l'attention de leurs turpitudes financières pour lesquelles leur patronne est menacée d'inéligibilité devant un tribunal. Il faut qu'ils n'aient aucune dignité pour s'apprêter à voter une motion de censure dont le texte les insulte copieusement. Que les populistes mêlent leurs voix une fois de plus n'est pas une surprise. Ils sont d'accord sur tellement de choses : la haine de l'Europe, de l'OTAN, de la démocratie, l'anti-américanisme, le soutien à tous les dictateurs et, chez nous, l'obsession de saborder la Cinquième République et toutes ses institutions et tous ses dirigeants. La surprise, et même l'effarement, est de voir un parti jusqu'alors respectable qui comptait dans ses rangs un ancien Président de la République se prêter à ce scénario délétère. Depuis 2022, le PS n'est que l'ombre de lui-même. Pour le plat de lentilles de quelques circonscriptions, il a vendu son âme à une secte gauchiste qui a sombré depuis les massacres du 7 octobre dans l'antisémitisme et le soutien aux islamistes. Ses dirigeants s'apprêtent, contre l'avis d'une bonne partie de leurs adhérents, à plonger le pays dans une crise qui fera le malheur de tous les Français et le bonheur de deux factions populistes qui les détestent. Il ne leur reste que quelques heures pour se raviser et ne pas mêler leurs voix à une manœuvre dont les conséquences laisseront une tache sur leur écharpe tricolore. Chacun va devoir prendre ses responsabilités. Pour ma part, ma conviction est claire : dans la période de grande incertitude où nous vivons, entourés de dictateurs dans le monde, de régimes illibéraux en Europe et de l'imprévisibilité de l'Amérique, la France a besoin de stabilité et d'apaisement. La question qui se pose aujourd'hui à l'ensemble des responsables politiques est simple : choisir entre les calculs de boutiquiers et l'intérêt général. ».

     

     
     


    Je reviendrai plus longuement sur cette journée qui restera dans les annales de la République comme une journée noire. Les responsables du socle commun n'ont pas non plus beaucoup soutenu le gouvernement Barnier dans les médias ces derniers jours et c'est aussi ce manque d'enthousiasme et cette focalisation vers la cohésion interne qui ont empêché Michel Barnier de prendre en compte les propositions de l'ensemble des députés.

    Inutile d'énumérer les noms qui circulent pour les potentiels successeurs de Michel Barnier : le choix du Président de la République, qui devra être rapide, sera entre reprendre un socle commun bloc central et LR et aller vers la gauche. Dans le premier cas, le RN resterait toujours en position de maître-chanteur et les mêmes causes faisant les mêmes effets, il y aurait un grand risque qu'une motion de censure soit adoptée dans les semaines qui suivent la nomination du nouveau gouvernement. Dans le second cas, il y aurait quand même un préalable qui paralyse actuellement tout : il faut que le PS ait le courage de quitter cette alliance insensée avec les insoumis qui eux ne veulent pas du tout la responsabilité, mais détruire nos institutions et notre république, au prix d'une paix civil et même civilisationnelle.

    Merci à Michel Barnier, la République vous salue, mais nul n'est tenu à être un super-héros dans ce microcosme de voyous et de menteurs. On parlera de l'expérience Barnier, à défaut d'autre chose. Restera une citation proposée par le Premier Ministre avant de quitter les lieux, elle est de Saint-Exupéry : « Chacun est responsable de tous. Chacun est seul responsable. Chacun est seul responsable de tous. ». À méditer.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-censure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-emotion-de-censure-de-michel-257975

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/04/article-sr-20241204-censure.html





     

  • La collusion des irresponsables

    « Nous avons rectifié un budget qui était sans doute déséquilibré et rigide au départ de manière à en faire un budget de consensus, plus protecteur. (…) La voie du compromis a permis d’obtenir des garanties et des équilibres justes pour les Français. Mais une alliance des extrêmes, à l’idéologie faite de bric et de broc, s’est constituée pour faire voler en éclat l’édifice du Parlement. C’est cette même alliance qui a fait adopter des dizaines de milliards d’impôts et de taxes supplémentaires il y a quelques jours. Il faut dire la vérité aux Français sur le projet de chaos et de discorde du Rassemblement national, poussé par les insoumis. Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est ne laisser à l’URSSAF que quelques semaines de trésorerie pour payer les retraites, rembourser les soins et financer les hôpitaux. Qui veut que les cartes vitales cessent de fonctionner en mars ? (…) J’en appelle donc à la responsabilité du Parlement, en particulier à celle de la coalition entre LFI et le RN. Cette alliance contre-nature est en réalité une alliance contre les Français ! » (Yannick Neuder, le 2 décembre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Le député LR Yannick Neuder avait raison lorsqu'il a s'est exprimé au début de la séance publique de ce lundi 2 décembre 2024 à l'Assemblée Nationale. Il est le rapporteur de la commission mixte paritaire (CMP) pour aborder le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 en seconde lecture. Il exprimait l'idée générale d'une coalition des contraires.

    L'ancien ministre Frédéric Valletoux (Horizons), président de la commission mixte paritaire, qui l'a suivi dans la discussion, a déclaré la même chose : « Je sais la tentation pour le nouveau front populaire et le Rassemblement national de s’unir, de mêler leurs voix pour adopter une motion de censure et renverser le gouvernement. (…) Pour les extrêmes de droite et de gauche, l’heure est à la distraction et à la complaisance, nous l’avons bien compris. Mais la démocratie exige des compromis et le mandat qui est le vôtre impose un texte de responsabilité. C’est le service de la protection sociale, qui protège tous les Français, qui est en jeu. J’ai aussi bien conscience des enjeux de politique calendaire qui sont les vôtres. Mais, avant de penser à 2027 et à la prochaine élection présidentielle, il faut penser au présent en assurant la stabilité fiscale, économique et institutionnelle de notre pays, et en garantissant aux Français le niveau de protection sociale qui leur est dû. ».

     

     
     


    Après une première suspension de séance, le Premier Ministre Michel Barnier a pris la parole avec gravité : «  Dans ma déclaration de politique générale, il y a tout juste deux mois, je vous ai exposé ma méthode, faite d’écoute, de respect et de dialogue, en premier lieu vis-à-vis du Parlement et de tous les groupes politiques qui le constituent. Je vous ai également répété que je tiendrais un langage de vérité sur les très nombreuses contraintes qui pèsent sur notre pays et sur les efforts qu’elles nous imposent. (…) Pour cela, j’ai été au bout du dialogue avec l’ensemble des groupes politiques, en restant toujours ouvert et à l’écoute. Depuis le premier jour de mon engagement politique, je respecte profondément le débat et la culture du compromis ; je les crois indispensables. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale en a d’ailleurs prouvé l’utilité. Les très nombreuses heures de travail parlementaire ont permis d’enrichir le texte du gouvernement et ont conduit à un accord en CMP, pour la première fois depuis quatorze ans. ».

     

     
     


    Et d'annoncer l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 à 15 heures 42 : « Ce texte est là, et il est maintenant temps d’agir pour l’appliquer. Je crois que nous sommes parvenus à un moment de vérité, qui met chacun face à ses responsabilités. C’est maintenant à vous de décider si notre pays se dote de textes financiers responsables, indispensables et utiles à nos concitoyens, ou si nous entrons en territoire inconnu. Je m’adresse à vous avec respect, mais aussi avec une certitude : les Français ne nous pardonneraient pas de préférer les intérêts particuliers à l’avenir de la nation. Je le pense sincèrement. Vous l’entendez dans chacune de vos circonscriptions : les Français attendent de la stabilité et de la visibilité, pour leur vie quotidienne et les entreprises, alors que notre pays a tant à faire pour défendre ses intérêts et son influence en Europe et dans le monde. Je sais de quoi je parle. C’est pourquoi, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’engage la responsabilité du gouvernement, de mon gouvernement sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dans sa version résultant des travaux de la commission mixte paritaire et modifié par les amendements rédactionnels et de coordination déposés. Je le fais en appelant à la responsabilité de chacun des représentants de la nation que vous êtes, quand bien même certains d’entre vous quittent l’hémicycle, persuadé que notre mission commune, au-delà de nos divergences, est de servir la France et les Français. Désormais, chacun doit prendre ses responsabilités. J’ai pris les miennes. ».
     

     
     


    À l'évidence, il était impossible de trouver un compromis tant avec les excités de la nouvelle farce populaire (NFP) qu'avec le RN et ses alliés. Le NFP en est encore aujourd'hui à la fable urbaine de sa victoire le 7 juillet 2024 et de Lucie Castets Première Ministre, alors qu'il a été incapable de faire élire son candidat au perchoir et incapable aussi de faire adopter sa version du projet de loi de finances qui a été rejetée en première lecture. La raison a quitté cet hémicycle depuis longtemps. Les historiens auront fort à faire pour comprendre puis expliquer aux générations futures cette actualité affligeante d'irresponsabilité.

     

     
     


    Quant au RN, Marine Le Pen a montré qu'elle ne voulait pas conclure. Michel Barnier, dans sa grande bienveillance, avait reculé sur trois des quatre lignes rouges de la probablement future reprise de justice. Si elle voulait négocier, elle aurait, elle aussi, fait un pas vers le gouvernement. Au lieu de quoi, elle préfère mettre à la poubelle le budget 2025, ce qui signifie que plusieurs millions de Français paieront plus cher l'impôt sur le revenu, dont un peu moins de 400 000 qui n'auraient pas dû en payer du tout mais qui en paieront quand même, car le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une indexation des seuils avec l'inflation. Or, l'échec du texte (il y a deux textes : le projet de loi de finances PLF et le projet de loi de financement de la sécurité sociale PLFSS et si le gouvernement tombe par le 49 alinéa 3, les deux projets de loi tombent aussi), c'est reprendre le budget 2024, soit 3 milliards d'euros de plus en impôt sur le revenu rien que par les effets de seuil découplés de l'inflation. De même, l'engagement de l'État à créer de nouvelles brigades de gendarmerie sera annulé par le vote de la motion de censure.

     

     
     


    Certains commentateurs essaient d'imaginer les intérêts ou pas du RN ou de FI pour une telle censure, ces deux partis complètement obsédés par la prochaine élection présidentielle. Mais le simple fait de parler d'intérêts partisans ou personnels est un scandale, un responsable politique, un élu, doit avant tout s'occuper de l'intérêt général et ne pas mettre un pays en crise, en péril pour d'obscurs raisons de rancune ou de susceptibilité personnelle. De toute façon, les Français, qui ont toujours du bon sens, sauront rapidement qui les défend réellement et qui se moque d'eux.
     

     
     


    Quant aux supputations de démission du Président de la République, Emmanuel Macron, en visite d'État en Arabie Saoudite du 2 au 4 décembre 2024, a déclaré bien clairement le 3 décembre à Riyad devant des journalistes français : « Je serai Président jusqu'à la dernière seconde. Si je suis devant vous, c'est parce que j'ai été élu à deux reprises par le peuple français. J’en suis extrêmement fier et j’honorerai cette confiance avec toute l’énergie qui est la mienne jusqu’à la dernière seconde pour être utile au pays. ». Heureusement qu'il est là pour assurer encore une stabilité institutionnelle. Ces populistes extrémistes veulent saccager la France et détruire toutes ses institutions.

    La conférence des présidents de l'Assemblée réunie ce mardi 3 décembre 2024 a décidé que c'est le mercredi 4 décembre 2024 à 16 heures que seront débattues (en même temps) les deux motions de censure déposées le lundi 2 décembre.

     

     
     


    La première (déposée le 2 décembre à 16 heures 35) a été signée par 185 députés du NFP (il en manque 8 à l'appel dont Sophie Pantel, députée PS de Lozère, qui a annoncé : « Je ne voterai pas cette motion de censure ! »), elle sera défendue par Éric Coquerel, et dans sa présentation, elle est particulièrement offensive contre le RN : « Alors qu’une large majorité de nos concitoyennes et concitoyens a fait le choix du barrage à l’extrême droite lors des élections législatives, le Premier Ministre a cédé à leurs plus viles obsessions, avec une nouvelle loi immigration, qui poursuivrait la faillite morale et politique de l’année dernière et une remise en cause de l’Aide Médicale d’État, qui apporte humanité et dignité à ceux qui foulent notre sol et est une mesure essentielle pour tous de santé publique. L’utilisation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution est le résultat du choix d’Emmanuel Macron de désigner un Premier Ministre ne détenant qu’un très faible soutien dans l’hémicycle et dans le pays et qui ne cherche à se maintenir, au-delà de ses divisions, que par la recherche d’un accord désormais clair avec le Rassemblement national. ».

    Malgré ce texte très dur contre le RN, le RN a déjà annoncé qu'il voterait volontiers pour cette motion de censure. Cela ne gêne pas le PS et en particulier François Hollande, l'un des signataires furieux de cette motion, de voter la censure en mélangeant sa voix avec celles du RN. Cela ne gêne pas François Hollande se s'être soumis à son pire adversaire Jean-Luc Mélenchon pour se faire élire dans sa circonscription corrézienne où il n'a même pas obtenu 50% au second tour. Et où se trouve Raphaël Glucksmann, le donneur de leçons de morale, qu'on n'entend pas en cette période de grave crise politique ?

    Sur BFMTV, l'éditorialiste Bruno Jeudy a affirmé : « Il faut le rappeler aux téléspectateurs : si le PS ne votait pas la censure (avec les 60 députés socialistes), eh bien le gouvernement Barnier ne tomberait pas ! ». Pourquoi le PS ne veut-il pas négocier avec le gouvernement en monnayant sa non-censure, sinon par irresponsabilité dans une Assemblée sans majorité ?


    À chacun de prendre ses responsabilités. On savait que les insoumis n'avaient aucune once de responsabilité et que leur but, dans une stratégie du chaos, est de faire une révolution ouverte pour mettre leur guide à vie à la tête d'une république rougeoyante. Mais les socialistes viennent eux d'un parti qui se disait de gouvernement et qui a encore récemment (il y a sept ans et demi) gouverné la France. Comment peuvent-ils faire la politique du pire.
     

     
     


    Pourquoi le RN voterait-il la motion des insoumis (particulièrement anti-RN) alors qu'il a déposé sa propre motion de censure ? En effet, la seconde motion de censure (déposée le 2 décembre à 17 heures 30) a été signée par 140 députés du RN et de ses alliés ciottistes. Dans ce texte, le RN aurait voulu que le gouvernement Barnier appliquât le programme du RN, mais il n'est pas au pouvoir car il n'est pas majoritaire. Le RN a réaffirmé vouloir « dégraisser l'État » et « engager une débureaucratisation massive ».

    Dans ce texte, il y a beaucoup de formules creuses qui ne veulent rien dire concrètement : « rendre du pouvoir d'achat aux Français », « défendre les entrepreneurs et la valeur travail », « lutter contre la fraude », « stopper les dépenses contraires à la volonté populaire », et en même temps, il y a des propositions qui vont totalement à l'encontre de la volonté populaire comme faire un Frexit financier en ne contribuant plus financièrement à l'Union Européenne.


    En fait, lorsqu'on lit attentivement ce texte, on se dit que Michel Barnier a eu bien tort d'essayer de négocier avec le RN : Marine Le Pen avait décidé depuis le début de voter la motion de censure, parce qu'elle se sent cernée avec sa probable future condamnation judiciaire et qu'elle est aux abois. En montrant son pouvoir de dislocation du gouvernement, elle montre ainsi sa capacité à faire pire. Puissance de nuisance à défaut d'être constructif pour le pays.
     

     
     


    C'est un sabordage du RN qui perd définitivement sa crédibilité pour gouverner. Presque quatorze années d'effort réduites à néant par un procès qui va faire exploser l'avenir présidentiel de la fille de Jean-Marie Le Pen. C'est vrai, il y a de quoi enrager, d'autant plus que la relève est déjà assurée par Jordan Bardella qui ne voulait plus de candidat RN aux prochaines élections avec un casier judiciaire non vierge !

    Ajouté à cela, même si c'est très anecdotique, insistons sur le fait que l'ancien président de LR Éric Ciotti fait partie des signataires de cette motion de censure, c'est-à-dire qu'il va censurer Michel Barnier avec qui il était en compétition pour la primaire LR de décembre 2021, il n'y a pas si longtemps (trois ans). En se mettant en une opposition totale contre les députés de son ancien parti LR, Éric Ciotti montre qu'il n'a fait que retourner sa veste, qu'il s'est définitivement vendu au RN, au point de vouloir renverser le gouvernement de la République en mélangeant sa voix avec celle de François Hollande et surtout celles des mélenchonistes et des communistes. À l'évidence, les historiens auront beaucoup de travail dans les années et décennies à venir pour expliquer cette période à leurs étudiants.


     

     
     


    Le pire, dans tout cela, c'est que les députés qui s'apprêtent à voter la censure n'ont aucune solution de rechange à proposer à la France avec la configuration tripartite de l'Assemblée actuelle qui restera encore au moins six mois, quoi qu'il se passe. Cette collusion des contraires ne peut que détruire les projets mais en aucun cas construire une proposition nouvelle, de gouvernement ou même de budget.

     

     
     


    Reprenant la parole ce mardi 3 décembre 2024 à l'occasion d'une question au gouvernement du président du groupe communiste André Chassaigne sur la situation politique, le Premier Ministre a insisté sur la gravité et les conséquences de l'adoption d'une motion de censure : « Sur le fond, tout le monde sait que la situation est difficile. D’abord, elle l’est sur le plan budgétaire, je l’ai dit dès le début en cherchant à montrer la vérité aux Français : la situation est plus grave qu’on ne l’a cru, avec une dette que tout le monde devra payer un jour. Ensuite, elle l’est sur le plan économique et social. Tout à l’heure, l’un de vos collègues parlait de la Chapelle Darblay et d’ArcelorMittal et je m’attendais à une question sur Michelin. Je suis cela très attentivement avec le ministre de l’industrie, le ministre de l’économie et des finances, ainsi que le ministre du travail. Tous les jours, nous veillons à apporter notre soutien aux salariés et aux territoires qui sont touchés. Enfin, la situation est difficile sur le plan financier. Je suis avec une grande vigilance les marchés financiers, que je connais assez bien. ».

    Et il a conclu en guise de prophétie : « Il y a une chose dont je suis sûr, retenez bien ce que je vous dis aujourd’hui : la censure dont il est question pour demain rendra tout plus difficile et plus grave. ». Honte aux députés irresponsables qui vont coûter très cher à la France et aux Français. Ceux-ci se rappelleront le moment venu quelles sont les irresponsables qui auront fait plonger la France dans un cycle économique et financier désastreux avec une surenchère des intérêts de la dette et un hausse des plans sociaux. L'histoire a toujours jugé sévèrement les irresponsables, soit par volonté, soit, comme pour les socialistes, par soumission, mollesse et inconséquence. Dans tous les cas, ce seront les Français qui trinqueront.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241202-motion-de-censure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-collusion-des-irresponsables-257958

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/03/article-sr-20241202-motion-de-censure.html




     

  • Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France

    « J’ai entendu parler d’une épée de Damoclès qui pèserait sur la tête du gouvernement mais la véritable épée de Damoclès, est dès aujourd’hui là sur la tête de la France et des Français et faute d’actions, faute de courage maintenant, je suis sûr d’une chose : elle pèsera beaucoup plus gravement demain sur nos enfants et nos petits-enfants. La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale : 3 228 milliards d’euros. Si l’on n’y prend garde, elle placera notre pays au bord du précipice. (…) Il y a une autre épée de Damoclès, tout aussi redoutable, celle de la dette écologique. Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. » (Michel Barnier, le 1er octobre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Dans une perspective de récession en Allemagne, mais surtout, d'instabilité politique durable en Allemagne (de nouvelles élections législatives sont prévues pour le 23 février 2025), la situation politique française est observée très attentivement par le monde. Cette semaine, et probablement les semaines à venir, vont être cruciales non seulement pour le gouvernement Barnier, mais aussi pour l'avenir économique de la France.

    L'enjeu est très important : serons-nous, Français, dans la situation de la Grèce en 2010 ou en 2015 ? Notre super-endettement sera-t-il encore absorbé par la confiance que les milieux financiers portent à la France ? Pour l'instant, le Premier Ministre Michel Barnier s'est assez bien débrouillé. Il a su convaincre la Commission Européenne, et je pense qu'il était le seul Premier Ministre possible à pouvoir le faire, que la trajectoire budgétaire, même si elle a pris un peu de retard, restait dans la bonne direction et que la France ne sera pas sanctionnée pour manquement à ses engagements (ce n'est pas la dictature de Bruxelles, il s'agit ici de la parole de la France à honorer).


    Petite cerise sur le gâteau, l'agence de notation Standard & Poor's n'a pas abaissé la note de confiance de la France ce vendredi 29 novembre 2024, ce qui montre que la crédibilité financière de la France reste intacte malgré toutes les difficultés. En effet, l'agence a communiqué : « Malgré l'incertitude politique, nous nous attendons à ce que la France se conforme avec un délai au cadre budgétaire européen et consolide progressivement ses finances publiques. ».

    Le renversement du gouvernement Barnier et donc le rejet du projet de loi de finances, c'est-à-dire le vote d'une motion de censure, serait un événement qui mettrait en danger la crédibilité de la France et même de l'Europe alors qu'il n'y existe plus beaucoup de pôle stable. Le scénario catastrophe peut être envisagé mais le pire n'est jamais sûr non plus, et c'est important de résister aux défaitismes ambiants.

    Par exemple, quand les journalistes disent avec une panique surjouée (ça va faire de l'audience) que la France désormais emprunte de l'argent au même taux d'intérêt que la Grèce, à savoir 3%, ils oublient de dire que c'est le taux d'intérêt de 2024, pas celui de 2010 qui devait être (je n'ai pas vérifié) entre 15 et 20% ! Entre-temps, la Grèce a adopté une politique pour le coup qu'on peut appeler d'austérité, qui n'a rien à voir avec le budget à peine rigoureux présenté depuis deux mois par Michel Barnier.


    A priori, le RN a annoncé qu'il voterait une motion de censure. Rien ne dit que c'est la même motion de censure que celle que déposera inévitablement la nouvelle farce populaire (NFP) puisque dans les motions de censure, il y a les motivations qui déterminent la politique que les signataires veulent conduire, or le RN est loin du NFP en termes programmatiques.
     

     
     


    En revanche, on peut se demander quelle est la motivation réelle de Marine Le Pen à vouloir censurer le gouvernement. Jusqu'à maintenant, elle avait adopté une attitude responsable afin de montrer que son parti était en mesure de gouverner bientôt la France. Cela a été un très lent processus, qui a commencé dès son accession à la tête du FN le 16 janvier 2011. En votant une motion de censure alors que le gouvernement a reculé sur le pouvoir d'achat en renonçant à augmenter la taxe sur l'électricité (soit dit en passant, ce n'est pas augmenter, mais c'est supprimer la réduction de la taxe qu'avaient voulue les gouvernements précédents pour faire face à l'inflation), le RN risquerait fort de ne plus être compréhensible. D'ailleurs, Jordan Bardella serait plutôt sur la ligne de responsabilité au contraire de sa mentor.

    On peut imaginer que Marine Le Pen sente sa carrière cramer à court terme avec sa probable condamnation le 31 mars 2025. Alors, elle peut jouer comme Jean-Luc Mélenchon et vouloir la tactique du chaos pour bénéficier d'une élection présidentielle anticipée. Mais il ne faut pas qu'elle se leurre, même en cas de démission du Président de la République (fort peu probable, mais la dissolution était tout aussi improbable), l'élection présidentielle ne serait pas organisée avant avril ou mai 2025, soit après une possible condamnation et inéligibilité exécutoire immédiatement. On peut alors imaginer plutôt une politique de la terre brûlée, ce qui est très étrange pour le RN à qui il manquait encore des électeurs de responsabilité pour atteindre une majorité absolue.

    Je ne suis pas madame Soleil ni madame Irma, et donc, à part dire que le pire n'est jamais certain, je suis bien incapable de prédire l'avenir politique très proche, avec un élément à prendre en compte, du 2 au 4 décembre 2024, le Président de la Républiqe sera absent du territoire français puisqu'en visite d'État en Arabie Saoudite.


    En revanche, je voudrais revenir sur ce qu'on entend depuis une semaine (depuis cinq mois en fait) sur les institutions et sur les critiques contre Emmanuel Macron. Comme 99,999% de la population, je n'ai pas compris la dissolution le 9 juin 2024 et j'ai été particulièrement choqué par celle-ci, sidéré plutôt, mais il ne faut pas exagérer : une dissolution, c'est le retour au peuple, c'est redonner la parole au peuple et s'il n'avait pas dissous, Emmanuel Macron aurait été critiqué de ne pas l'avoir fait, d'autant plus que le RN hurlait à la dissolution depuis une bonne année.

     

     
     


    On a tendance à faire des comparaisons avec De Gaulle. Comparaison n'est jamais raison et puis, De Gaulle était De Gaulle et personne ne l'est dans la classe politique depuis 1970, il ne faut donc pas, là non plus, exagérer : la démission de De Gaulle le 28 avril 1969, c'était aussi la retraite anticipée d'un vieillard de 78 ans (âge qu'aura Jean-Luc Mélenchon au milieu du prochain quinquennat), il s'est sabordé lui-même, car il savait très bien où il allait quand il a annoncé son référendum. Mais surtout, personne ne l'a contraint à démissionner, c'était un choix personnel sans pression extérieure, celui d'un vieux monsieur qui a fait l'histoire et qui ne comprenait plus son pays depuis une année (mai 68).

    De plus, la comparaison avec la pratique institutionnelle de De Gaulle s'arrête généralement à sa démission, mais c'est incomplet, on oublie aussi qu'il a dissous deux fois l'Assemblée, une fois en 1962 à une époque où les députés gaullistes ont considéré que c'était de la folie et anticipaient un désastre électoral majeur (qui n'a heureusement pas eu lieu), et une seconde fois en 1968 à une époque où c'était le "foutoir" de mai 68. Les deux "paris" de De Gaulle ont été gagnés, mais ils auraient pu être perdus, et dans ce cas, la faute n'en aurait pas été imputable à De Gaulle mais au peuple qui a voté.


    D'autres Présidents de la République ont subi de graves revers électoraux, parfois très graves, et j'en citerai deux : François Mitterrand, le 16 mars 1986 et surtout le 28 mars 1993, deux échecs de son parti aux élections législatives, et Jacques Chirac, le 1er juin 1997, échec aux élections législatives (provoquées par une dissolution !) et le 29 mai 20065, échec du référendum sur le TCE. Aucun de ces deux Présidents de la République n'a démissionné et personne, à part quelques excités du bocage, n'a réclamé leur démission.

    En 2024, Emmanuel Macron a fait mieux (et pas pire) que Jacques Chirac en 1997. À l'évidence, il n'a pas réussi puisqu'il a obtenu moins de sièges de sa majorité à la fin qu'au début, comme en 1997, mais au contraire de 1997, aucune opposition n'a réussi à obtenir une majorité absolue pour autant. C'est cette situation de no-man's-land politique qui rend la situation actuelle très incertaine et, répétons-le, elle ne finirait pas avec la démission du Président de la République puisqu'il serait constitutionnellement impossible de dissoudre avant une année (s'il y avait bien une réforme institutionnelle à faire, ce serait de réduire ce délai).


    Le seul message clair des électeurs le 7 juillet 2024, c'est qu'ils ne voulaient pas d'un gouvernement dirigé par le RN alors que tous les prescripteurs d'opinion le pronostiquaient. Et c'était donc aux groupes qui ont fait élire leurs députés sous cette bannière du front républicaine de s'entendre pour gouverner. Au lieu de cela, Jean-Luc Mélenchon a pris en otage toute la gauche, et celle-ci, curieusement, s'est laissée faire. Cela coûtera très cher à la France.

    Car le plus sot (on ne prête qu'aux riches), c'est qu'on impute à Emmanuel Macron une responsabilité qu'il n'a pas. Il a eu la responsabilité de dissoudre l'Assemblée mais c'est sa décision souveraine et constitutionnelle et personne n'a à la discuter, éventuellement on peut la commenter, mais c'était son droit souverain et constitutionnel de dissoudre. En revanche, on ne peut pas le rendre responsable du résultat des élections législatives de 2024 : ce sont les Français, souverainement, démocratiquement, par leur vote libre, sincère et secret, qui ont donné à la France cette Assemblée impossible.

    Ce n'est pas Emmanuel Macron qui a mis les institutions en surpression, ce n'est même pas les institutions qui l'ont voulu alors que les constituants de 1958 avaient tenté de chercher toutes les causes d'ingouvernabilité, et ils avaient un bon modèle avec la Quatrième République. Mais ils n'ont pas imaginé la situation de 2024. Ce sont les Français qui l'ont voulu, et eux seuls.


    Alors, dans cette situation, plus qu'Emmanuel Macron seul qui n'a fait qu'amorcer un processus, je vois le peuple principale cause de cette difficulté à gouverner en choisissant trois forces politiques d'égale représentation (au lieu de deux). Ce choix est là, est un fait. On peut le regretter (tout le monde le regrette), mais quoi faire ? Ce n'est pas destituer Emmanuel Macron ou le pousser à la démission qui résoudra quelque chose, ou alors, dans cette logique, il faudrait plutôt destituer le peuple !

     

     
     


    Mais je vois un autre responsable, la classe politique dans sa globalité, ou plutôt, celle représentée à l'Assemblée Nationale, l'ensemble des groupes politiques qui montrent une absence totale de responsabilité face aux grands défis qui attendent la France dans une conjecture internationale particulièrement inquiétante au moment où Vladimir Poutine évoque la possibilité d'envoyer des missiles nucléaires en Europe. Et en France, pour d'obscures ambitions présidentielles des uns et des autres, on ergote sur un budget, on veut encore moins travailler, raser encore plus gratis, etc. Société de paresse alors qu'on devrait plutôt remonter ses manches.

    Assurément, nous ne sommes plus en 1933 avec l'expression enflammée des extrêmes. C'est déjà du passé. Nous sommes maintenant en 1936, avec les grèves, avec les congés payés, avec l'espoir de la belle vie... sans voir un seul moment que se profilait 1939 et 1940. Décidément, j'ai parfois l'impression que l'histoire repasse les plats, mais alors les plus réchauffés...



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.



     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241201-gouvernement-barnier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gouvernement-barnier-les-yeux-du-257923

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/01/article-sr-20241201-gouvernement-barnier.html




     

  • Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !

    « Je ne me suis pas roulé par terre pour être Premier Ministre. J'étais prêt, disponible, mais je n'étais pas demandeur. J'ai accepté en me disant que je pouvais être utile. J'essaie de remettre du calme, du respect partout. » (Michel Barnier, le 15 novembre 2024 dans "Ouest-France").




     

     
     


    Ce lundi 25 novembre 2024 dans la matinée, à son bureau de Matignon, le Premier Ministre Michel Barnier a prévu de recevoir Marine Le Pen, la présidente du groupe RN à l'Assemblée. L'ordre du jour de cette réunion est assez facile à imaginer : le projet de loi de finances pour 2025 et le risque de censure.

    En effet, la version du PLF 2025 (projet de loi de finances) qui reviendra à l'Assemblée en seconde lecture sera la version gouvernementale amendée par le sage Sénat. Autant dire qu'il paraît évident qu'il n'y aura pas de majorité positive pour voter ce PLF à l'Assemblée. Le gouvernement ne peut compter que sur environ 210-220 députés du "socle commun" et sur personne d'autres (et encore, à condition d'une discipline de fer de ce socle). Pas de quoi compenser la conjonction des oppositions qui, pour leur base électorale, seront de toute façon obligées de voter contre.


    La solution, évidemment, c'est d'éviter le vote. Envisagée depuis longtemps, c'est l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Celui-là permet l'adoption d'un texte à condition qu'aucune motion de censure déposée à cette occasion ne soit adoptée. Il y a une grande différence politique, de posture et de responsabilité, entre voter contre le projet de loi de finances (le vote du PLF étant l'appartenance politique par excellence, ou pas, à la majorité gouvernementale) et voter pour une motion de censure dont les conséquences seront politiquement et économiquement grave. En clair, l'article 49 alinéa 3 permet à l'opposition soit de montrer son opposition à bon compte, soit de rester neutre sans qu'on puisse lui reprocher, et permet en même temps à certains groupes de la majorité de ne pas avoir à voter pour le budget.
     

     
     


    Imaginons un instant qu'une motion de censure soit votée à l'issue de ce probable 49 alinéa 3. Il y aurait alors deux conséquences dont les effets à court, moyen et long termes seraient difficiles à évaluer vraiment mais elles seraient graves.

    D'abord, il y aurait le rejet du projet de loi de finances en lui-même, cela signifierait qu'en début décembre 2024, la France n'aurait pas de budget pour 2025. Pas d'inquiétude toutefois, nous ne sommes pas aux États-Unis et il n'y aurait pas de ce qu'on appelle outre-atlantique un shutdown (arrêt des paiements des traitements des fonctionnaires, arrêt de toutes transactions financières de l'État). En effet, à très court terme, le gouvernement pourrait faire passer un douzième du budget de 2024. Ce n'est pas génial pour le déficit, mais cela donnerait du temps pour refaire la procédure budgétaire avant la fin de janvier 2025. Cela écrit, ce serait grave pour les entreprises (les investissements notamment) et pour les ménages (la consommation notamment), avec une grande incertitude qui régnerait encore sur les règles fiscales et sociales qui s'appliqueraient à eux en 2025.

    Ensuite, et ce ne serait pas le moins pire, le gouvernement Barnier serait renversé. Inutile de dire que Michel Barnier n'insisterait pas et jetterait l'éponge après cet échec politique, mais de "son avenir", tout le monde s'en moquerait. Le problème, ce serait de nommer un nouveau gouvernement avec une majorité aussi impossible, et avec cette impossibilité de dissoudre l'Assemblée avant juin 2025. Que faire pendant le premier semestre 2025. Même la démission éventuelle du Président Emmanuel Macron n'empêcherait pas cette impossibilité de dissoudre (les constitutionnalistes sont tous d'accord sur le sujet). Le profil de Michel Barnier paraît aujourd'hui le meilleur possible pour évoluer dans cette zone à pièges !
     

     
     


    Autant dire que l'enjeu du vote du budget n'est donc pas négligeable. Michel Barnier a réussi, pour l'instant, à marcher sur les œufs et aucun n'a explosé. Bientôt, les œufs se transformeront peut-être en mines antipersonnelles.

    Depuis quelques jours, les responsables du RN mettent en garde le gouvernement sur sa volonté de censurer le gouvernement en raison du budget. Ils cherchent à faire monter les enchères. En rappelant que le pouvoir d'achat était l'une de ses lignes rouges, Marine Le Pen donne nettement un argument en faveur du vote d'une motion de censure. Il faut dire que selon un sondage IPSOS publié le 23 novembre 2024 pour "La Tribune Dimanche", 67% des sympathisants du RN sondés seraient favorables au vote de la censure (pour l'ensemble des Français, ce serait 53% des sondés). Un autre sondage publié le 20 novembre 2024 par Elabe pour BFMTV a donné le même genre de résultats : 51% pour l'ensemble des Français, 61% pour les sympathisants du RN souhaiteraient l'adoption d'une motion de censure. La pression du terrain est donc très forte. C'est dire si la base RN pousse pour aller au clash (sans sortie de secours, car quel autre gouvernement serait-il possible avec une telle Assemblée ?).
     

     
     


    Jeu de bluff bien sûr, puisque Marine Le Pen, en plein procès, n'entend pas du tout retourner devant les électeurs à ce moment de son calendrier. Elle sait qu'elle risquerait très gros, et perdre un quart de siècle de carrière politique à cause d'une erreur de jugement pourrait faire réfléchir. En clair, elle serait plutôt du genre à se faire discrète. Le problème, c'est la dignité et la base électorale. Il ne faut donc pas perdre la face. Laurent Wauquiez a eu son trophée (la revalorisation des pensions de retraite, une mesure en fait pas si favorable aux retraités), et Marine Le Pen a donc besoin de son propre trophée pour pouvoir justifier, sans se renier, qu'elle ne voterait pas la censure encore cette fois-ci.
     

     
     


    Il est donc probable que Michel Barnier lui lâchera un morceau, n'importe quoi mais une mesure en faveur du pouvoir d'achat, et tant pis si cela coûtera à l'État, au déficit. Sa survie en dépend. Leur survie en dépend, celle de Michel Barnier mais aussi celle de Marine Le Pen.

    Pour autant, il ne faut pas s'aveugler par ce jeu de rôles. Marine Le Pen et son groupe RN ne peuvent pas renverser le gouvernement, ne peuvent pas faire chuter le gouvernement. Et pour une raison ultra-simple : elle ne dispose que de 126 sièges, 142 si l'on compte également les députés ciottistes, ce qui est loin pour faire face aux 210-220 députés du "socle commun". En d'autres termes, jamais une motion de censure ne pourra être adoptée par le RN seul. C'est une évidence, mais il convient d'insister là-dessus.

     
     


    Car cela arrange les oppositions de faire croire que Marine Le Pen serait l'arbitre des élégances. Cela arrange le RN qui se voit ainsi attribuer un rôle bien plus grand que la réalité. Cela le rend influent, le rend puissant, et laisse entendre qu'il fait la pluie et le beau temps. Cela arrange aussi la nouvelle farce populaire (NFP). Cette gauche-ci trouve très confortable de pointer du doigts une supposée collusion gouvernement/RN alors qu'elle-même pourrait éviter l'adoption d'une motion de censure.

    C'est là l'essentiel : une motion de censure ne pourra être adoptée qu'avec l'apport conjoint des votes du RN et des votes du NFP, c'est-à-dire par la collusion, cette fois-ci effective, entre le RN et le NFP. Et pour faire quoi ? Rien, car l'idée est le chaos. Aucun gouvernement RN-NFP n'est imaginable, le RN avait même considéré que son premier objectif était d'éviter de mettre l'extrême gauche au pouvoir.


    Donc, la gauche ultradicale a un moyen simple d'empêcher l'influence du RN, c'est de ne pas voter une motion de censure sur le budget et de tenter d'influer elle-même sur l'action du gouvernement. Ce serait bien sûr un espoir impossible à envisager tant l'irresponsabilité de tous les députés du NFP, y compris de François Hollande, est grande par rancune contre Emmanuel Macron (qui est pourtant hors-jeu), au prix de mettre la France en péril.

    Cette irresponsabilité est déjà pratiquement acquise puisque, dans une tribune publiée le 21 novembre 2024 dans "Le Monde", les apparatchiks du NFP ont déjà annoncé qu'ils déposeraient une motion de censure : « S’il [le gouvernement] s’entête à vouloir contourner le Parlement et à piétiner le vote du 7 juillet des Françaises et des Français pour imposer son budget par 49 al. 3, nos groupes parlementaires déposeront une motion de censure. ». Pour ces gauchistes, "s'entêter à vouloir piétiner le vote du 7 juillet", c'est continuer à ne toujours pas nommer Lucie Castets à Matignon. Pourtant, la page est tournée, puisqu'elle a été elle-même éjectée du strapontin des insoumis. Très étrange d'ailleurs, car la tribune était signée non seulement de Manuel Bompard (FI), Olivier Faure (PS), Fabien Roussel (PCF) et Marine Tondelier (EELV), mais aussi de... Lucie Castest, officiellement présentée comme "candidate du NFP à Matignon" ! Il est des illusions qui persistent et durent...

    Les dirigeants du NFP seront également reçus par le Premier Ministre en ce début de semaine, mais sans vraiment espérer influencer sur le budget puisque la motion de censure semble déjà acquise. Ils étaient très mécontents du rejet de la version très irresponsable du budget en première lecture où 65 milliards d'euros de nouveaux impôts et taxes avaient été votés au détriment des Français et des entreprises françaises.

     

     
     


    Le budget n'est pas qu'une épreuve pour le gouvernement Barnier ; il est aussi une épreuve pour le NFP dont l'unité se fissure jour après jour. Car en cas d'adoption d'une motion de censure, il risque d'exploser dans ses réactions très divergentes. Le PS souhaiterait alors envisager l'hypothèse d'un gouvernement dirigé par l'un des leurs, Bernard Cazeneuve. Une hypothèse qui paraît aujourd'hui fort improbable : l'histoire ne repasse jamais les plats. L'ancien dernier Premier Ministre socialiste aurait du mal à convaincre le "socle commun" de le rejoindre tout en convainquant la plupart des socialistes. Les dirigeants de LR n'auraient alors aucun scrupule à quitter ce navire en perdition.

    C'est la raison pour laquelle Michel Barnier jouit de circonstances malgré tout favorables : ni le RN ni le NFP n'ont au fond intérêt à ce qu'une motion de censure soit adoptée. Mais ils ne voudraient pas perdre la face. C'est là un axe de négociation majeur pour Michel Barnier qui en a connu d'autre avec les négociations sur le Brexit. Le dénouement dans les prochaines jours...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241123-censure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/risque-de-censure-non-le-rn-n-est-257810

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/24/article-sr-20241123-censure.html



     

  • Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups

    « On a vu une véritable machine de guerre pour détourner systématiquement le montant des enveloppes (…). Le Parlement Européen était leur vache à lait. » (Louise Neyton, procureure de la République, le 13 novembre 2024).



     

     
     


    Voilà, c'était à prévoir : la surprise vaguement feinte des journalistes et de la classe politique en général après le réquisitoire très sévère du parquet contre Marine Le Pen dans l'affaire des assistants parlementaires du FN/RN. Il faut dire que le procès a commencé le 30 septembre 2024 et que si les journalistes avaient fait correctement leur boulot, il y aurait eu chaque jour, comme dans chaque affaire judiciaire importante, et celle-ci l'est puisqu'elle concerne une personnalité politique de premier plan, des comptes rendus détaillés des audiences, le témoignage des uns, des autres, etc.

    Au lieu de cela, rien ! Le procès va se terminer dans les jours prochains, le 27 novembre 2024 (le verdict sera probablement prononcé en février ou mars 2025) sans aucune couverture médiatique, sinon ces jérémiades de l'extrême droite qui crie au viol de la démocratie ! Et pourtant, cette sévérité ne vient pas par hasard, ne vient pas de nulle part, ne vient pas du ciel, ne vient pas de la politisation des juges supposés de gauche, ne vient pas du gouvernement qui vient à peine de s'installer et qui peine déjà assez pour faire adopter le projet de loi de finances. Non, les faits sont simples très graves. Les réquisitions des procureurs ont duré plus de huit heures, c'est dire qu'il y avait matière à dire !

    Il s'agit selon le parquet d'un détournement de 4,5 millions d'euros de 2004 à 2016 (fin décembre 2016), un système mis en place par Jean-Marie Le Pen et industrialisé, optimisé par Marine Le Pen lorsqu'elle est arrivée à la présidence du FN en 2011. Il s'agissait d'occuper les assistants parlementaires rémunérés par le Parlement Européen à faire de la politique nationale au sein du parti lepéniste, à tel point qu'un certain assistant (actuellement député, ne citons pas son nom) a envoyé un email à la présidente de l'époque pour lui demander de faire le voyage à Bruxelles afin de connaître quand même le député européen supposé l'employer !

    Au contraire de François Bayrou dont la complicité n'a pas été établie et dont l'existence d'un système n'a pas été démontrée, et son affaire portait sur des montants nettement inférieurs, Marine Le Pen aurait, selon la justice, supervisé ce système de détournement d'argent public, car détourner de l'argent du Parlement Européen, c'est se moquer des contribuables français qui participent au budget européen par leur contributions nationales. Pire, ce sont ceux qui sont les plus anti-européens qui ont le mieux profité de la tirelire européenne, c'est fort de café !

    Toutes ces audiences jamais rendues compte quotidiennement par les médias auraient permis de comprendre (si on en avait parlé) que la sévérité de la procureure avait ses raisons qui n'ont rien à voir avec une quelconque politisation. D'autant plus que contrairement à l'affaire Fillon, nous ne sommes pas en campagne présidentielle (l'élection n'aura lieu que dans deux ans et demi, en avril 2027) et donc, il n'existe aucun candidat ni aucun favori car c'est beaucoup trop tôt (rappelons-nous les projections présidentielles de 2017 publiées en novembre 2014 !).


    C'est vrai que la réquisition du parquet ce mercredi 13 novembre 2024 pour Marine Le Pen était sévère, puisque la peine de cinq ans de prison dont deux ans ferme a été requise, avec 300 000 euros d'amendes et cinq ans d'inéligibilité, peine assortie d'un détail : l'inéligibilité ne sera pas suspensive en cas d'appel, il faudra qu'une cour d'appel supprime cette peine d'inéligibilité pour qu'elle ne court plus.

    Précisons les choses, même s'il faut bien rappeler qu'il s'agit d'une réquisition et pas d'un jugement, le tribunal peut donc proposer un verdict moins sévère, voire plus sévère que celui requis par le parquet. L'inéligibilité, dans ce cas, courrait dès le jour du verdict en début 2025 et durerait cinq ans, donc jusqu'en 2030 (c'est-à-dire au-delà de l'élection présidentielle de 2027). Marine Le Pen, dans ce cas, pourrait rester députée (en revanche, si elle était maire, elle devrait démissionner), rester même présidente du groupe RN, mais ne pourrait pas se représenter en cas de dissolution. D'où sa réticence à provoquer une dissolution par le vote d'une motion de censure. Et pourtant, ses amis sont favorables à faire chuter le gouvernement, imaginant alors la démission du Président Emmanuel Macron et une élection présidentielle anticipée avant le prononcé du verdict (et de l'éventuelle inéligibilité). Sauf que c'est un scénario un peu foireux car Emmanuel Macron ne ferait pas le cadeau au RN de sa démission. Au contraire, de nouvelles élections dans un contexte de procès pour détournement de millions d'euros pourraient faire perdre quelques électeurs...

    C'est la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, qui a rendu semi-automatique une peine d'inéligibilité en cas d'infractions financières, notamment dans son article 19 qui précise : « Par dérogation au 1° du présent article, le prononcé de la peine complémentaire d'inéligibilité mentionnée au 2° de l'article 131-26 et à l'article 131-26-1 est obligatoire à l'encontre de toute personne coupable de l'une des infractions définies à la section 3 du présent chapitre. ».


    Cependant, cette peine est semi-automatique et pas automatique, en raison de la non automaticité de principe, on ne juge que des individus spécifiquement : « Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. ».

    Cet élément est essentiel dans la philosophie politique : Marine Le Pen n'a cessé, depuis des dizaines d'années, de réclamer la sévérité des lois, et l'automaticité des peines afin d'obliger les juges à sévir et ne pas leur laisser la liberté d'être laxistes dans leurs décisions. La loi Sapin II a justement introduit une option d'automaticité avec cette peine complémentaire d'inéligibilité, mais avec la possibilité exceptionnelle de ne pas la prononcer si le juge en donne la raison. Autrement dit, comme le formule un rapport parlementaire de février 2019, ce que la loi Sapin II a introduit est essentiel : « Alors que l’inéligibilité d’un responsable politique fautif était auparavant prononcée par le juge s’il l’estimait pertinente, la loi pose désormais cette sanction pour principe et exige du juge une décision spéciale s’il souhaite l’écarter. ». La réquisition du 13 novembre 2024 était donc tout à fait dans l'esprit de la loi Sapin II voulu par les parlementaires.

    Une proposition de loi déposée par la députée socialiste Fanny Dombre Coste examinée lors de la séance publique du 1er février 2017 visait à « instaurer une obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection ». Cette proposition avait reçu un accueil positif de toute la classe politique (mais n'a pas abouti à cause de la fin de la législature).

    À l'instar du gaulliste Pierre Mazeaud qui déclarait en novembre 1971 : « L’incompatibilité devrait être établie entre le mandat et la malhonnêteté de l’homme, et les électeurs devraient pouvoir choisir des hommes de toutes les professions pourvu qu’ils soient honnêtes. », Fanny Dombre Coste a expliqué ce 1er février 2017 : « L’état actuel du droit exige des infirmières, des policiers, des taxis, des journalistes et de près de 400 autres métiers un casier judiciaire vierge. Comment pouvons-nous justifier auprès des Français que ces professionnels soient soumis à cette condition et que nous-mêmes, élus, n’y soyons pas assujettis ? L’opinion publique s’est largement mobilisée sur cette question. Les propositions de loi bénéficient d’un soutien quasi absolu de la part de nos concitoyens, une pétition recueillant près de 150 000 signatures circule en ce moment sur internet. Ces propositions de loi visent donc à instaurer une nouvelle condition d’éligibilité, liée à la présence ou non de la mention de certaines condamnations sur le bulletin n°2 du casier judiciaire. Cette suggestion, j’en ai conscience, bouleverse les habitudes de pensée. En matière de probité, l’inéligibilité est habituellement conçue comme une peine, prononcée par le juge en répression d’un comportement fautif. Elle est donc tournée vers le passé et doit se conformer aux règles constitutionnelles en matière pénale. Nous proposons ici d’inverser cette logique, en prévoyant non pas une peine d’inéligibilité automatique, qui subirait une censure constitutionnelle, mais bien une nouvelle condition d’éligibilité. L’objectif n’est nullement de sanctionner un coupable : il est de garantir l’éthique des candidats aux fonctions publiques. Cet élément est primordial, puisqu’il signifie que le processus n’est pas direct. La condamnation est inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire, et cette mention fait, ensuite, obstacle à l’éligibilité. Cette inscription n’a aucun caractère punitif et ne soulève d’ailleurs, je souhaite le rappeler, aucune difficulté lorsqu’elle induit l’impossibilité d’accéder à un ensemble de professions, au premier rang desquelles la fonction publique, alors même que la liberté d’y entrer se fonde sur l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le même que celui qui garantit l’éligibilité. ».

    À l'époque, Bruno Le Roux, qui avait cosigné cette proposition de loi, était devenu Ministre de l'Intérieur et avait répondu à son ancienne collègue socialiste ainsi : « Les deux propositions de loi prévoient que les personnes dont le bulletin n°2 du casier judiciaire porte la mention d’une condamnation incompatible avec l’exercice d’un mandat électif ne puissent faire acte de candidature à aucun mandat électif. Ces condamnations concernent les crimes, les délits sexuels, les manquements au devoir de probité, la fraude fiscale, ainsi qu’un certain nombre d’infractions électorales définies par le code électoral. La proposition de loi organique organise ce régime pour l’élection des députés et des sénateurs, ainsi que pour les candidats à l’élection présidentielle. La proposition de loi ordinaire, quant à elle, adapte ce dispositif pour les élections locales. Chacun d’entre nous est conscient que la défiance envers les élus mine le principe même de notre démocratie. Elle jette en effert, et injustement, l’opprobre sur des personnes sincèrement dévouées au service de l’intérêt général, et qui, pour la totalité d’entre elles, exercent leurs mandats avec un engagement et une honnêteté irréprochables. Pour renforcer la confiance, nous devons donc nous doter de règles toujours plus rigoureuses. ». Rappelons pour la petite histoire que Bruno Le Roux a dû démissionner de la Place Beauvau le 21 mars 2017 après avoir été accusé des mêmes « turpitudes » que François Fillon, à savoir le recrutement de ses deux filles comme collaboratrices parlementaires, soupçonnées d'emplois fictifs, alors qu'il avait fustigé lui-même François Fillon sur l'emploi de la femme de celui-ci.

    À la même époque, Marine Le Pen voulait être le meilleur lave-linge qui lavait plus blanc que blanc. Ainsi, le 13 avril 2017 sur France 2, elle disait : « Je ferai appliquer la loi, ce qui n'a pas été fait depuis des années, car la justice a reçu des instructions d'un laxisme absolu. ». En novembre 2024, elle devrait donc être satisfaite : la justice va s'appliquer.

     

     
     


    Car il faut être cohérent avec soi-même. Déjà dans l'émission "Mots croisés", le 9 février 2004 sur France 2, Marine Le Pen, devant Jean-François Copé et Malek Boutih, débordait d'indignation à la suite de la condamnation de l'ancien Premier Ministre Alain Juppé le 30 janvier 2004 à dix-huit mois de prison avec sursis, peine assortie d'une peine d'inéligibilité de dix ans. À l'époque, elle défendait les honnêtes gens et fustigeait les délinquants politiques condamnés et autres repris de justice : « Tout le monde a piqué dans la caisse sauf le Front national. Et on trouve ça normal ? (…) Les Français n'en ont pas marre d'entendre parler des affaires. Ils en ont marre qu'il y ait des affaires. Ils en ont marre de voir des élus, je suis navrée de vous le dire, qui détourne de l'argent, c'est scandaleux ! Parce que je vais vous dire, avec tout cet argent, ce qu'on aurait fait, hein ?, en termes de Restos du cœur, en termes d'opérations Pièces jaunes. C'est combien d'opérations Pièces jaunes, tout l'argent qui a été détourné par les élus ? ».

    On a compris que toute la communication de Marine Le Pen depuis plus de vingt ans n'était que du vent, de l'hypocrisie voire du mensonge ! Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir tenté de reporter sans cesse le procès. En effet, le RN a fait quarante-cinq recours et l'instruction a duré presque dix années. C'est en 2015 que le Président social-démocrate du Parlement Européen de l'époque, l'Allemand Martin Schulz, avait signalé le détournement. Pour la procureure Louise Neyton, c'est bien un système sans précédent de détournement de fonds qui a été mis en place pour récupérer l'argent du Parlement Européen au profit du FN/RN mais aussi de ses dirigeants. Le maire d'une grande ville du Sud est également dans le box des accusés.

    C'est le propre système de défense de Marine Le Pen qui l'a fait couler : en affirmant à la fois qu'elle n'en savait rien (bien qu'à la fois présidente du FN/RN et députée européenne entre 2011 et 2017) mais aussi qu'il n'y avait rien de mal à ce que les assistants parlementaires aient travaillé pour le parti de leur député européen (alors que le Parlement Européen interdit strictement ce genre de pratique), elle a implicitement justifié ce système et donc avoué qu'elle le connaissait et même l'a initié.


    La réaction de l'extrême droite à ces réquisitions était prévisible : ce serait un déni de démocratie ! Petits extraits. Marine Le Pen : « Le parquet essaie de priver les Français de la capacité de voter pour qui ils souhaitent. ». Jordan Bardella : « Le parquet n'est pas dans la justice : il est dans l'acharnement et la vengeance à l'égard de Marine Le Pen. Ses réquisitions scandaleuses visent à priver des millions de Français de leur vote en 2027. C'est une atteinte à la démocratie. ». Éric Zemmour : « Si Marine Le Pen était déclarée inéligible, on atteindrait alors un niveau sans précédent dans le gouvernement des juges. ». Marion Maréchal : « François Fillon hier, Marine Le Pen aujourd'hui (…), un nouveau déni de démocratie. ».

    Plus curieusement, des personnalités d'autres bords politiques ont émis le même genre de réactions. Ainsi, sur des terres nordistes, on peut comprendre l'arrière-pensée électorale de Gérald Darmanin lorsqu'il a dit : « Il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et, ainsi, ne puisse pas se présenter devant le suffrage des Français. (…) Combattre Madame Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs. (…) N'ayons pas peur de la démocratie. ». Son mentor Xavier Bertrand a été plus cohérent et mieux inspiré en estimant que la loi s'appliquait à tous et qu'il n'y avait aucune raison de faire des exceptions.

    Mais que penser du député MoDem Richard Ramos ? du député EPR Karl Olive ? Ou encore de l'ancien député LR Julien Aubert : « La question n'est pas de savoir si Marine Le Pen a détourné oui ou non pour un autre usage que celui prévu les postes d'assistants au Parlement Européen. La vraie question est : est-ce que c'est suffisamment grave pour priver des millions de gens de leur porte-parole ? ». Jean-Luc Mélenchon aussi est venu à la rescousse : « Une peine d'inéligibilité ne doit pas être appliquée avant expiration de tous les recours prévus par la loi. ».

    À tous ceux-là, la procureure Louise Neyton avait répondu par avance : « Oui, la décision judiciaire est légitime à produire ses effets sur la vie démocratique, légitime, car ce rôle lui a été imposé par le législateur. ». C'était en effet de la volonté du législateur que les délinquants politiques soient sévèrement sanctionnés, pour redonner un peu de crédit à une classe politique complètement discréditée par les affaires et l'impuissance (après le scandale de Jérôme Cahuzac).

    Personnellement, je répondrais plus fortement sur le déni de démocratie : la démocratie, c'est d'abord de respecter la loi, de respecter les Français, ceux qui contribuent à l'effort financier de l'Union Européenne, de ne pas profiter de l'argent facile en dehors du cadre de la loi. On ne peut pas prétendre dicter la loi (en tant que parlementaire) et refuser de l'appliquer. De plus, il n'y a aucun risque démocratique de voir l'élection présidentielle sans un représentant du RN, qui est un parti important (le plus important de l'Assemblée) et qui mérite effectivement d'avoir un candidat. Car le RN a déjà un autre candidat tout désigné pour remplacer Marine Le Pen, en la personne de Jordan Bardella qui, à sa façon, sourit de la situation actuelle.


    Même le Premier Ministre hongrois Viktor Orban est venu au secours de Marine Le Pen : « Marine, n'oubliez pas que nous sommes avec vous dans cette bataille ! Être harcelé par la justice a été une étape cruciale de la victoire du Président [Trump]. ». Eh oui, Donald Trump a été condamné et cela ne l'a pas empêché d'être élu, et même largement élu. Parler de trumpisation à la française pour Marine Le Pen serait lui faire trop d'honneur. La réalité, c'est que le favori de l'élection de 2017, François Fillon, a été balayé par son affaire qui représentait un détournement bien plus faible d'argent public (seulement 700 000 euros à comparer à 4,5 millions d'euros), et cela bien avant sa condamnation (définitivement le 24 avril 2024). Les électeurs français seraient-ils peut-être plus exigeants que les électeurs américains ? (question très audacieuse à laquelle je ne répondrai pas, bien sûr !).

    En tout cas, les militants RN convaincus ne changeront pas d'opinion avec une condamnation de leur leader : au contraire, ils seront renforcés dans leur choix de candidate que la justice, le système, prétendument harcèle. Et puis, profiter de l'argent européen quand on est anti-européen, c'est la revanche des frexiters. Sauf que Marine Le Pen souhaitait la normalisation de son parti, sa banalisation pour faire preuve de respectabilité auprès des personnes qui comptent en France et à l'étranger. Ce très long procès (presque deux mois) remet en cause toute cette stratégie amorcée en 2011 : si le tribunal suit les procureurs, les gens pourront se dire que décidément, le RN/FN n'est qu'une association de malfaiteurs. Pour le Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, la situation est critique : lui veut l'application la plus sévère de la loi. Chiche !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241113-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/proces-de-marine-le-pen-surprise-257664

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/14/article-sr-20241113-marine-le-pen.html


     

  • Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier

    « Par patriotisme, par égard pour nos compatriotes qui souffrent, par respect envers nos institutions, et compte tenu de la tâche ingrate qui vous incombe en ces circonstances, ramasser l’action publique que certains ont laissé choir, je vous le dis, monsieur le Premier Ministre : le mouvement national n’entend pas entraîner le pays vers le chaos, vers cette politique du pire qui est la pire des politiques. Voilà pourquoi le Rassemblement national a fait un choix responsable : refuser de censurer a priori votre gouvernement pour lui donner une chance, si infime soit-elle, d’engager enfin les mesures de redressement nécessaires. » (Marine Le Pen, le 1er octobre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Contrairement à la rumeur publique, Michel Barnier et ses ministres ne sont pas les otages de Marine Le Pen et de son groupe RN à l'Assemblée Nationale. Le groupe RN et ses alliés ne comptent que 142 députés sur 577 et pour faire adopter une motion de censure, il en faut au moins le double, 289. Illustration par l'absurde : les premiers à tirer, c'est la gauche.

    En effet, les 192 membres des partis de la
    nouvelle farce populaire (NFP) ont déposé ce vendredi 4 octobre 2024 une motion de censure contre le gouvernement. Sa rédaction semble quasiment sortie d'une école primaire, sur le fond et même sur la forme, puisqu'on y relève quelques fautes d'orthographe (c'est vrai que, dans une sorte de comble de l'idéologie gauchiste, certains de ces députés considèrent que la connaissance de la langue française dépendrait du niveau de son compte en banque ; cela pourrait bien s'appliquer au gourou Jean-Luc Mélenchon).

    Les motivations de cette motion de censure reprennent la fable urbaine selon laquelle le NFP aurait gagné les élections : eh bien, non, 192 députés ne constituent pas une majorité, pas même relative. Si cela avait été le cas, le candidat du NFP André Chassaigne aurait été élu au perchoir puisqu'il suffisait, au troisième tour, de n'avoir qu'une majorité relative. Si
    Yaël Braun-Pivet a été brillamment réélue, c'est parce qu'une autre coalition, plus importante que le NFP, soutient aujourd'hui le gouvernement, avec une majorité relative très faible, certes, de 213 députés, mais supérieure aux troupes du NFP.

    On n'insistera pas sur les nombreux exemples de mauvaise foi politicienne dont est truffé le texte de cette motion de censure, comme le fait que le Président de la République
    Emmanuel Macron n'a pas voulu nommer l'inconnue de la dette abyssale de la ville de Paris Lucie Castets à Matignon : « Le Président de la République aurait dû nommer à Matignon la personnalité proposée par le nouveau front populaire. ». Truffé aussi de procès d'intention comme celui-ci : « Michel Barnier semble se contenter de vaines paroles sur la défense de l’environnement et du climat. Ainsi, le ministère de la Transition écologique a par exemple hérité d’un périmètre d’action fortement rogné. ». Ce qui est très maigre pour donner une raison de tuer le gouvernement.

    Sur le sujet environnemental, Michel Barnier a déjà répondu à Cyrielle Chatalain, la présidente du groupe écologiste à l'Assemblée : « Madame la présidente Chatelain, vous avez parlé d’effets de manche mais je ne vois pas où vous en avez trouvé dans mon discours. Je n’en ai pas fait et je n’en ferai pas, on dit d’ailleurs souvent de moi, je le sais bien, que je suis trop sérieux et pas marrant. Je me suis exprimé sincèrement et sobrement et je continuerai ainsi. Je suis attentif, vous le savez, à la transition écologique. J’étais même engagé avant vous sur ces questions. (…) Je rappellerai ici que j’ai la fierté d’avoir créé, il y a trente ans, le fonds Barnier, dont il est beaucoup question. Je continue à suivre son développement et je vais avec la ministre compétente augmenter les moyens dont il est doté. J’estime en effet que la prévention coûte toujours moins cher que la réparation et qu’une réparation anticipée et organisée est plus efficace et moins coûteuse qu’une réparation improvisée. ».

    Ce qui est désolant avec cette motion de censure, c'est que ceux des députés socialistes supposés s'être opposés à la mainmise des insoumis sur la gauche ont finalement tous signé ce texte de censure, en particulier Jérôme Guedj, Aurélien Rousseau, ancien ministre d'
    Élisabeth Borne, et même François Hollande, ancien Président de la République, qui n'a vraiment pas peur de l'humiliation publique. Tous ceux-là viennent de montrer, en s'associant aux délires mélenchonesques, qu'ils ne souhaitent plus gouverner la France, ils ne souhaitent plus être responsables ni crédibles.

    Incontestablement, ceux qui risquent de faire sauter le gouvernement Barnier ne sont pas d'extrême droite mais de la gauche ultradicalisée. Si cette gauche ne voulait pas censurer le gouvernement, le RN n'aurait aucun poids politique, ne pourrait rien exiger, puisqu'il serait dans l'incapacité de réunir 289 voix pour faire adopter une motion de censure.


    D'ailleurs, il était très instructif (et risible) de voir Manuel Bompard, le représentant des insoumis, sur France 2 le soir du 3 octobre 2024, faire la danse du ventre devant la représentante du RN, la suppliant de voter pour sa motion de censure, alors qu'il se prétend la locomotive du combat contre le RN (sauf quand il a besoin de lui). La réponse a été très claire. Laure Lavalette, députée RN, a rejeté les appels du pied des insoumis : « Je pense que la situation est suffisamment grave pour ne pas censurer en amont déjà ce gouvernement. On va, j'allais dire, donner la chance au produit (…). On ne peut pas ajouter du chaos comme vous le faites. ». Le RN en situation d'être responsable alors que François Hollande joue au pyromane de la République : postures improbables.

    Cette motion de censure sera examinée en séance publique l'après-midi du mardi 8 octobre 2024, après l'hommage solennel à
    Louis Mermaz, ancien Président de l'Assemblée Nationale, et les questions au gouvernement. Son issue prévisible est le rejet, faute d'avoir convaincu les députés RN de se joindre à la gauche (pour une collusion des non, mais certainement pas pour un gouvernement commun).
     

     
     


    Mais revenons sur la position du RN qui peut étonner. Marine Le Pen, dans un discours très grandiloquent, écrit avant d'avoir écouté la déclaration de politique générale de Michel Barnier, en a donné quelques éléments de compréhension le 1er octobre 2024.

    La chose principale, qui ne coûte pas un rond, c'est d'avoir de la considération : représentante de millions d'électeurs, Marine Le Pen veut que les 142 députés RN et alliés soient reconnus comme tels, comme des élus de la République et soient ainsi respectés comme tels, puissent participer aux concertation, puissent aussi participer à la gestion de l'Assemblée (le 19 juillet 2024, ils ont été exclu du
    bureau de l'Assemblée au contraire de la législature précédente qui comptait deux vice-présidents RN de l'Assemblée). Sa revendication a été ainsi formulée : « Je le dis ici de manière solennelle, à l’intention de chacun des ministres, de tout détenteur de l’autorité publique issue de ce gouvernement : nous entendons que les 11 millions de patriotes qui ont voté pour notre coalition d’union nationale soient respectés, que cessent ces attaques inutiles et injustes qui procèdent tant du mépris de classe que de l’intolérance caractéristique des totalitarismes. Ces attitudes n’honorent ni surtout ne servent le pays, son unité, son modèle démocratique. ». Devant les députés, Michel Barnier n'a pas arrêté d'annoncer qu'il écouterait tous les groupes, qu'il n'exclurait aucun groupe politique. Il a donc tout bon !

    Sans s'empêcher de fustiger le Président de la République à de nombreuses reprises, Marine Le Pen a voulu se montrer responsable et annoncé qu'elle ne s'opposerait pas pour s'opposer. C'est vrai qu'en procès depuis le 30 septembre 2024, avec vingt-six autres dirigeants du RN, sur une suspicion de fraude de 7 millions d'euros, pour une durée très longue de deux mois, la potentielle candidate du RN préférerait attendre que cette affaire soit oubliée avant un prochain scrutin.

    Elle a ainsi interpellé Michel Barnier : « Ma première demande, monsieur le Premier Ministre, est simple : faites preuve de volontarisme dans tous les domaines, et pas seulement dans celui des finances. Il ne s’agit pas de vous concilier votre "aile gauche", votre "aile droite" ou vos "partenaires exigeants", bref, toutes ces périphrases qui vous permettraient de justifier votre inaction par le respect de médiocres équilibres partisans : il s’agit de produire un impact rapidement perceptible par tous les Français. Or, en vous écoutant, j’entends des constats, mais tout de même bien peu de solutions. ».

    Voulant montrer sa bonne volonté, Marine Le Pen a encouragé le gouvernement à faire preuve de courage : « Vous avez sur ce point, monsieur le Premier Ministre, une possibilité considérable : sans mandat électif à défendre aujourd’hui ou demain, vous pouvez faire preuve de courage en réalisant les économies dont le gisement a été identifié depuis des années, dans les observations de la Cour des Comptes comme dans d’autres rapports publics portant sur le sujet. Une étude américaine publiée fin 2023 évalue à quatre points de PIB les pertes causées en France par la suradministration. ». Il faudra donc rappeler à ses éventuels électeurs venant de la gauche que le RN est pour restreindre l'intervention de l'État, comme le souhaite également son allié ultralibéral
    Éric Ciotti. Ce qui est tout à fait dans la tradition du FN dont le fondateur, son père Jean-Marie Le Pen, voulait supprimer l'impôt sur le revenu.

    Elle a même proposé à Michel Barnier les clefs de sa popularité : « Vous le savez, nous avons trois priorités, au sujet desquelles notre vigilance s’exercera de manière accrue : le pouvoir d’achat, l’immigration et la sécurité. Ce faisant, nous vous rendrons service, puisqu’elles correspondent aux exigences des Français et que vos mesures en la matière, peut-être, vous rendront populaire ; la France aussi y trouvera son intérêt, puisque ces urgences, trop longtemps négligées, ne peuvent plus l’être davantage. ».

    La dirigeante du RN a donc donné sa règle du jeu très clairement, les trois « lignes rouges sur lesquelles notre groupe pourrait, demain, fonder un vote de censure ». C'est habile : elle n'a réduit sa "surveillance" que sur trois sujets et pas plus, parce qu'elle veut obtenir des avancées concrètes sur les mesures que proposera le gouvernement. En cela, elle joue le jeu de l'écoute et de la coconstruction de la loi quand la gauche joue l'opposition systématique et l'obstruction (jusqu'à vouloir
    destituer le Président de la République pour des raisons de cour de récréation).


    La première ligne rouge : baisser la pression fiscale


    Le choix des priorités du RN est intéressant : « La première d’entre elles réside dans l’évolution de la pression fiscale, déjà insupportable, qui s’exerce sur les Français, en particulier sur les classes populaires et moyennes. Toute hausse d’impôt touchant les plus fortunés, entreprises ou ménages, devra être compensée par du pouvoir d’achat rendu à nos concitoyens modestes, qui travaillent et ont vu leur reste à vivre fondre depuis trois ans. ».

    Le meilleur moyen de réduire le déficit, pour le RN, est donc de s'attaquer aux dépenses publiques, ce qui, pour de nombreux membre de la majorité, est du bon sens (mais n'est pas facile à pratiquer). Elle a même apporté son soutien à venir pour toutes les décisions courageuses de réduction des dépenses : « Soyez-en sûr : dans cette mission, nos députés ne vous seront pas des obstacles, mais des soutiens, si vous savez faire preuve de courage. ». Le gouvernement n'en demandait pas tant !


    La deuxième ligne rouge : baisser la pression migratoire

    Sans surprise, après le pouvoir d'achat, l'immigration est le thème par excellence du RN pour racoler des électeurs (et il y parvient !) : « Notre deuxième ligne rouge serait l’absence du sursaut migratoire, sécuritaire et pénal qu’attendent des millions de Français. Nous vous demandons, à vous qui teniez il y a quelques années un discours si ferme à ce sujet, de remettre à votre agenda, dès le premier trimestre de 2025, un projet de loi "immigration" restrictif, reprenant au minimum les
    dispositions censurées en janvier par le Conseil Constitutionnel. De plus, puisqu’une tragique actualité a encore une fois mis en lumière la question des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et des laisser-passer consulaires, je vous suggère une règle simple : en l’absence de laissez-passer, zéro visa. ».
     

     
     


    Notons quand même que cette dernière règle n'aura aucune efficacité, et l'ancien Ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est bien placé pour le savoir car il avait essayé et il se trouve que les ressortissants des pays en question, faute de visa français, demandent un visa espagnol et avec Schengen, peuvent arriver en France en toute légalité. En clair, ces pays se moquent bien d'une politique de zéro visa. Il faut trouver autre chose pour être efficace.

    Comme on le dit généralement, les solutions les plus simplistes sont les moins efficaces (sinon, on les aurait mises à l'œuvre depuis longtemps). Les responsables politiques ont toujours cette tentation prétentieux qu'avant eux, la lumière était éteinte et qu'avec eux, tout va réussir, alors que, ici, les idées du RN ne sont pas vraiment innovantes, c'est le moins qu'on puisse dire.


    Marine Le Pen a réclamé d'autres mesures sur le plan sécuritaire et pénal, qui semblent recevoir un écho favorable pour la majorité des députés (et ne devraient donc pas être la cause d'un renversement possible du gouvernement).


    La troisième ligne rouge : le scrutin proportionnel

    Je cite cette troisième et dernière condition pour ne pas censurer le gouvernement Barnier, qui est le
    mode de scrutin. J'y reviendrai très prochainement plus en détails.

    Quand on analyse les deux premières conditions, elles ne sont pas insurmontables. En quelque sorte, Marine Le Pen a choisi d'emballer convenablement son choix de ne pas censurer le gouvernement et de tenter d'y donner son influence. Tout ce tralala pour garder la face. C'est sans doute une stratégie payante à moyen terme, sauf si le gouvernement réussit trop bien.


    Ainsi, Marine Le Pen s'est positionnée totalement à l'opposé de l'affrontement permanent voulu par la gauche : « Si je prends l’engagement aujourd’hui de ne jamais céder, un seul instant, aux médiocres sirènes de la comédie des menaces de censure qui seraient fondées sur autre chose que l’observation impartiale de vos actes, c’est parce que c’est à vous, et à vous seul, qu’il appartient, par la juste prise en considération des mesures que je viens d’évoquer, de faire de cette période, autant que possible, un temps de construction et de service de l’intérêt général. Cet esprit d’ouverture ne doit pas être interprété comme un blanc-seing, pas plus que notre esprit républicain ne doit être assimilé à de la faiblesse, de l’irrésolution, voire une forme d’allégeance à un gouvernement que nous considérons davantage de circonstances que de convenance. ».

    Elle a même donné un argument patriotique à sa non-censure : « L’absence de direction gouvernementale signifierait mécaniquement, pour notre pays et pour les Français, une double servitude technocratique, française et surtout bruxelloise. Or le pays a besoin de décisions politiques, parfois fortes et exigeantes, qui ne peuvent émaner que de politiques et non d’administratifs, aussi dévoués soient-ils, ni, encore moins, d’instances supranationales, acquises à d’autres intérêts. ».

    À la fin de son discours, Marine Le Pen a été ovationnée, tous les membres de son groupe et de celui d'Éric Ciotti se sont levés, montrant aussi une manifestation de force dans l'hémicycle face à un Premier Ministre qui, à la fin de sa déclaration de politique générale, n'a eu que les membres du groupe LR (Droite républicaine) pour se lever et le saluer, les membres de l'ancienne majorité macroniste étant restés ostensiblement assis (ce qui, à mon sens, n'est politiquement pas très malin).

    Comme celui qui tombait du haut d'un immeuble, dans le film "La Haine" (de Mathieu Kassovitz, sorti le 31 mai 1995), Michel Barnier peut se dire à la veille du délicat débat budgétaire : "Jusqu'ici, tout va bien !". Mais, ne soyons pas trop rapide, regardons d'abord précisément qui votera (ou ne votera) pas la motion de censure ce mardi 8 octobre 2024. La première motion de censure, évidemment, car la gauche n'hésitera pas à en déposer régulièrement.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241001-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-3-lignes-rouges-de-marine-le-257018

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/02/article-sr-20241001-marine-le-pen.html



     

  • Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin

    « On me monte au premier donc, soi-disant pour me sonder. Je me rassure un peu. Je louche. Y avait pas de cercueils au premier. Rien que des lits, entre les paravents. » (Céline, "Guerre", éd. Gallimard, 2022).


     

     
     


    Version célinienne des consultations à Élysée... Déjà un mois et demi sans gouvernement et le nouveau Premier Ministre n'est toujours pas nommé. La faute à qui ? Elle est partagée entre le Président de la République et les partis politiques qui composent l'Assemblée Nationale. Aucune majorité, donc la nécessité d'une grande coalition peut-être pas de soutien mais au moins de non-censure.

    Le campus du PS qui a commencé ce 29 août 2024 à Blois (l'équivalent d'une université d'été) a montré que les socialistes étaient profondément divisés entre le maintien coûte que coûte au sein du NFP avec le mot d'ordre de Jean-Luc Mélenchon du programme NFP, rien que lui, tout lui, prôné par la direction actuelle sous la houlette du premier secrétaire Olivier Faure, et une part de plus en plus grandissante d'une aile réformiste qui constate l'absence de majorité du NFP et la nécessité de dialoguer avec d'autres forces politiques pour constituer le gouvernement. Selon Jean-Christophe Cambadélis, le prédécesseur d'Olivier Faure, seulement 25 députés socialistes (sur les 66) seraient sur la ligne Mélenchon.

    Malgré le NFP, les vocations ne manquent pas pour donner de sa personne au pays (!) : Ségolène Royal, Bernard Cazeneuve, Didier Migaud, Pierre Moscovici se préparent... à tout hasard. Plus le temps passe et plus les noms se multiplient, au point de provoquer quelques éclats de rire sinon des sanglots. L'hilarité du désespéré.

    De l'autre côté, Les Républicains, montrant un courage incroyable, refusent absolument de faire partie d'une coalition gouvernementale, préférant se réserver pour l'élection présidentielle. Cette ligne de Laurent Wauquiez a un opposant important, son ancien mentor Nicolas Sarkozy qui, dans une interview au "Figaro", ce vendredi 30 août 2024, a prôné un Premier Ministre issu de la droite parce que jamais les Français n'ont élu une Assemblée aussi à droite que celle de 2024 (ce qui est vrai). Xavier Bertrand, Christine Lagarde, entre autres, sont les propositions de l'ancien chef de l'État.

    Dans les deux camps, PS et LR, les "coalitionnistes" (si j'ose les appeler ainsi) insistent sur le moment crucial (le Président de la République voudrait nommer le Premier Ministre avant la rentrée scolaire, il ne lui reste que ce week-end), et si les caciques de LR refusaient le pouvoir, Matignon irait à la gauche. Et réciproquement, si les caciques du PS refusaient le pouvoir, Matignon irait à la droite. La vérité, c'est qu'un gouvernement serait stable si et seulement s'il contenait à la fois des caciques du PS et des caciques de LR.

    Les journalistes n'en finissent donc pas de pérorer sur le sujet. Mais cela peut provoquer certaines réactions. Arlette Chabot, éditorialiste politique sur LCI (et ancienne du service public, France 2 et France Inter), s'est cru obligée de mêler ses propres convictions aux contraintes du jeu politique actuel. Elle a dit que la clef pour la participation des socialistes au gouvernement, ce serait l'instauration de la proportionnelle (lorsqu'on en parle, il s'agit bien sûr pour le scrutin des élections législatives).

    Sa raison est la même que celle de François Bayrou : avec la proportionnelle, les socialistes retrouveraient leur liberté et pouraient se désengager des mélenchonistes. Cette raison est à la fois fausse politiquement et honteuse philosophiquement.

    Même avec un scrutin proportionnel, Jean-Luc Mélenchon imposerait une liste unique aux législatives pour avoir le meilleur ratio nombre de sièges sur nombre de voix. Et même si chaque parti du NFP y allait avec sa propre liste, cela ne changerait pas la situation des grandes villes aux élections municipales de 2026 qui serait un désastre pour le PS en cas de liste mélenchoniste contre lui.


    Mais le plus grave est la philosophie de la proposition : on veut bouleverser les institutions pour le simple intérêt d'un parti. Et, comme je viens de l'expliquer, ce n'est même pas l'intérêt du PS, car cela n'empêcherait pas l'emprise de Jean-Luc Mélenchon sur toute la gauche qui provient des acteurs du drame et pas de la règle du jeu. En effet, tant que les socialistes n'ont pas un leader historique valable, du genre de François Mitterrand ou de Lionel Jospin, Jean-Luc Mélenchon (malgré son âge) dominera largement l'espace politique de la gauche, et en particulier lors de l'élection présidentielle qui est une compétition de personnalités plus que de partis politiques.

    Néanmoins, il y a une inquiétude : des journalistes bien informées pensent que le Président Emmanuel Macron serait très ouvert pour instaurer la proportionnelle si cela était nécessaire pour former le gouvernement. C'est cette inquiétude que j'exprime donc ici. J'ai déjà, à de très nombreuses reprises, évoqué le poison institutionnel qu'était le scrutin proportionnel pour les élections législatives.

    Aujourd'hui, la proportionnelle est sans fondement, sans intérêt, puisque les Français ont voté comme si c'était la proportionnelle avec une Assemblée ingouvernable. La preuve n'est pas encore tout à fait établie, mais depuis juillet 2024, voire depuis juin 2022, la France a du mal à être gouvernée par absence de majorité absolue. Le scrutin proportionnel ne résoudrait rien de ce problème important : l'absence de majorité absolue. Au contraire, le scrutin proportionnel empêcherait à l'avenir toute majorité absolue éventuelle. Et ce serait définitif, car qui dit absence de majorité absolue dit absence de majorité pour rechanger le mode de scrutin.


    Il faut être clair : tous les mouvements politiques significatifs du paysage politique sont aujourd'hui bien représentés à l'Assemblée Nationale, il n'y a donc pas de déni démocratique avec le scrutin majoritaire à deux tours. À un seul tour, le 30 juin 2024, il y aurait eu une très large majorité absolue, de l'ordre de 350 à 400 députés pour le RN ! (scrutin britannique). Les deux tours ont permis de corriger le tir, puisque deux tiers des Français ont refusé un gouvernement RN. Les prétentions de la gauche mélenchoniste devraient se rappeler d'où on partait au moment de la dissolution, d'un gouvernement Bardella à 65% des sièges. Cette gauche-là pourrait être plus humble et admettre que cette victoire RN a été évitée grâce à la conjonction du NFP et du camp présidentiel, et sans ce dernier, la majorité serait allée au RN.

    Avec la proportionnelle, tout le monde y perdrait. D'abord, bien sûr, le RN, qui pourtant avait pour tradition historique de réclamer la proportionnelle car le scrutin majoritaire l'empêchait d'avoir des élus. Aujourd'hui, on voit bien qu'il n'y a plus de plafond de verre, et pour pouvoir gouverner seul, le scrutin majoritaire est indispensable au RN.


    Mais ce qui est valable pour le RN est valable pour tous les partis dits de gouvernement, LR évidemment, mais aussi le PS. En voulant la proportionnelle, le PS s'interdirait de gouverner seul, et le pire, c'est que le PS est sans doute le parti qui a le plus profité du scrutin majoritaire, tant en 1981 (s'affranchissant des communistes) qu'en 1997 (tirant son épingle du jeu lors de triangulaires avec le FN).

    La victoire législative du camp macroniste en 2017, un parti politique sans histoire, sans tradition, sans idéologie, venu de nulle part, et la victoire au premier tour du 30 juin 2024 du RN ont montré que le scrutin majoritaire n'empêchait pas à des partis marginaux, centristes ou extrémistes d'atteindre la majorité absolue leur permettant de gouverner seul. La démonstration a été interrompue pour le RN, mais ce parti reste encore le favori des prochains scrutins nationaux, c'est ce que la gauche semble avoir complètement oublié depuis un mois et demi.

    On voit bien qu'aucun parti n'est partant pour faire cette grande coalition qui est nécessaire pour gouverner. La proportionnelle rendrait cette coalition nécessaire à tous les coups. La classe politique, visiblement, n'y est donc pas prête puisque chacun reste sur ses positions de manière obstinée.

    Enfin, avec la proportionnelle, ce serait avant tout le peuple qui serait le grand perdant. Les électeurs qui, de bonne foi, voteraient pour un parti ne sauraient absolument pas ce qu'adviendrait leur vote, ne sauraient pas si ce parti serait dans une coalition ou une autre. C'était le principe du scrutin majoritaire, qui n'a pas fonctionné cette fois-ci, celui de conclure des alliances, des coalitions avant les élections, en toute transparence, et pas après les élections, dans des conciliabules, dans de la cuisine politicienne, hors de tout contrôle des électeurs.

    Au-delà du choix des alliances et des programmes, ce serait bien le choix des personnes qui serait remis en cause par la proportionnelle puisque l'avantage pour les partis, c'est de choisir eux-mêmes ses cadres, et pas leurs électeurs, qui serait ou ne serait pas député, simplement avec l'ordre dans la liste. Tous les apparatchiks seraient alors en tête de liste et seraient élus automatiquement. Pour être sur une place éligible, il ne faudrait plus aller parler aux électeurs et les convaincre, smais simplement se prostituer auprès des chefs du parti.

    L'intérêt national ? Aucun. L'intérêt des appareils de parti serait en revanche énorme puisqu'ils pourraient placer leurs permanents à des places éligibles, ce qui permettrait de les financer (au frais de la République). Quant aux personnalités un peu particulières, originales, hors parti, elles ne pourraient plus être élues faute d'un parti suffisamment fort pour gagner des sièges : exit les Nicolas Dupont-Aignan (certes battu en 2024), Bernard Tapie, Christine Boutin, Jean Lassalle, Philippe de Villiers, et autres électrons libres, qui n'auraient jamais été élus députés sans scrutin majoritaire (protégée de Raymond Barre, Christine Boutin a été élue en 1986 parce qu'elle n'était pas encore Christine Boutin et elle s'est émancipée seulement plus tard). Ces personnalités un peu en dehors de la norme politique, aussi singulières soient-elles, ont beaucoup apporté à la vie politique par leur pluralisme, leur originalité, leur origines diverses. Elles contribuent aussi le renouvellement de la classe politique.

    Enfin, à l'heure où le fossé est grandissant entre la classe politique et le peuple, la proportionnelle accroîtrait encore plus ce fossé en éloignant les députés de leurs électeurs. Attachés à une circonscription, les députés ont un rôle majeur auprès de la population de leur circonscription, on dit souvent qu'ils sont des assistantes sociales, confrontés à des problèmes de recherche d'emploi, de logement, etc. Ce lien avec la réalité populaire, déjà meurtri par l'interdiction du cumul avec un mandat local opérationnel (comme maire), est pourtant essentiel pour la cohésion des institutions. Sans cet attachement à une circonscription, le député deviendrait hors sol, et n'aurait plus les moyens de comprendre sur le terrain les conséquences des lois votées ni d'envisager de les améliorer. Qui connaît le nom de la totalité (les 81) députés européens élus le 9 juin 2024 ? Quel député européen sortant, à la fin de son mandat, a fait un bilan entendu de son mandat, autrement que sur son blog que personne ne lit ?


    La proportionnelle n'est qu'une idée de politiciens pour politiciens. Des journalistes aussi y croient, ainsi que des constitutionnalistes, car cela ferait de nouvelles normes, et toute nouveauté est bonne à prendre, pour les journalistes, cela fait de l'audience, pour les universitaires, cela fait de l'expérimentation en grandeur nature. Mais le peuple n'est pas un jouet.

    Le problème actuel qui se pose depuis le 7 juillet 2024, ce n'est pas du tout le mode de scrutin. En amont, c'est le fait que les électeurs ont envoyé à l'Assemblée une représentation très éclatée de la vie politique. En aval, c'est le fait que les partis politiques ne sont pas (encore) capables d'appréhender cette décision des électeurs et veulent gouverner à 100% ou ne rien faire (aut Ceasar aut nihil).

    L'intérêt national, ce n'est pas modifier la règle du jeu pour que la prochaine fois, ce soit encore pire que cette fois-ci. L'intérêt national, c'est de prendre ses responsabilités avec la situation parlementaire de fait voulue par les électeurs (bien malgré eux), et de travailler ensemble pour le bien commun. Et parmi les sujets les plus chauds, il y en a un qui nécessite un ressaisissement évident, c'est le logement : il faut trouver de nouveaux mécanismes pour favoriser la construction de nouveaux logements. Toute la politique du logement est à revoir, et celle-ci ne se détermine pas par une idéologie quelconque, mais par des propositions concrètes. Il y a ainsi quelques domaines sur lesquels le prochain gouvernement pourrait travailler hors de toutes arrières-pensées politiciennes et électoralistes, hors de toute passion, de toute colère, de toute démagogie, pour le bien commun.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (30 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240830-proportionnelle.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-41-interet-256544

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/30/article-sr-20240830-proportionnelle.html



     

  • Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !

    « Les leaders de gauche dénoncent un coup de force, mais c’est une posture, ils cherchent à mobiliser la rue. Ils ont leur part de responsabilité dans la paralysie actuelle. Et ils savent bien qu’il n’y a pas eu de coup de force, que la Constitution permet d’agir ainsi, que face à une situation inédite, absolument inédite depuis le début de la Cinquième République, il n’y a ni règle, ni jurisprudence. Seul un article 8 : le Président nomme le Premier Ministre. Point final. » (Patrick Cohen, le 28 août 2024 sur France Inter).




     

     
     


    Depuis lundi, le journaliste politique Patrick Cohen a repris ses chroniques politiques matinales sur France Inter. Il est l'un des journalistes emblématiques de France Inter.

    Après des débuts sur RTL, un passage sur France Inter puis sur Europe 1, Patrick Cohen (bientôt 62 ans) a été nommé par le directeur de France Inter Philippe Val aux commandes de la matinale (7h-9h) pour remplacer Nicolas Demorand (parti à Europe 1 puis à "Libération"). Il y a officié de 2010 à 2017, date à laquelle il est retourné à Europe 1 mais jusqu'en 2021, la station privée étant en pleine déconfiture. Depuis lors, et jusqu'à cet été, Patrick Cohen végétait un peu journalistiquement. Certes, depuis 2011, il tient une chronique quotidienne le soir chez Anne-Sophie Lapix sur France 5 ("C à vous") et il se fait plaisir depuis 2018 sur LCP à choisir les rediffusions les plus ringardes (celles qui ont marqué son enfance ?) pour "Rembob'INA" (rediffusant parfois de petites pépites de la télévision française), mais il restait sous-exploité.

    À cette rentrée, il reprend donc du service chez France Inter, dans la matinale dirigée par... Nicolas Demorand revenu au bercail depuis 2017 (à la rentrée 2023, il avait été question que Patrick Cohen reprît la matinale de France Culture, mais cela aurait été une concurrence déloyale pour l'autre chaîne de Radio France, France Inter avec Nicolas Demorand). Non sans polémiques puisqu'il remplace Yaël Goosz qui reste toutefois sur France Inter pour la chronique politique du soir (et qui officie aussi sur LCI), ce qui a fait adopter une motion de défiance des journalistes le 11 juillet 2024 contre l'actuelle directrice de France Inter.


    Dans sa chronique de rentrée, le lundi 26 août 2024, Patrick Cohen remarquait une différence dans la situation politique entre le début de l'été, après les élections et cette fin de l'été : « Il n'y a toujours pas de gouvernement issu des élections du 7 juillet. La France fait sa rentrée dans le même état d’incertitude politique qu’il y a un mois et demi… Dans le même état ? Pas tout à fait. Il y eut entre-temps ce moment collectif exceptionnel, ces Jeux du dépassement, du rassemblement et de la fierté, ce rayonnement français venu démentir l’idée d’un pays en crise, en déclin, en repli et en morceaux qui ne se parle plus et ne se reconnaît plus. Soit la sombre vision portée par le Rassemblement national et ses 10 millions d’électeurs. L’autodénigrement a été balayé par les éloges étrangers, les passions tristes par des joies partagées. Le parti à la flamme, par la flamme olympique. (…) Alors aujourd’hui, dans ce flux médiatique et numérique ininterrompu qui charrie une masse toujours changeante d’émotions sans lendemain, faisons le pari d’une exception olympique, d’un événement qui change nos regards citoyens, qui redonne confiance et nous transcende. Et d’une France moins crispée, moins archipellisée qu’il n’y paraît. ».

    Malgré cela, l'éditorialiste admettait que la situation est très difficile. Il reprochait à l'ensemble de la classe politique de ne pas y mettre du sien. Et d'abord la gauche qui revendique la victoire : « [Elle] aurait pu, [elle] aurait dû se mettre en quête de la centaine de députés qui lui font défaut à l’Assemblée pour nouer une majorité. Ou au moins pour ne pas être censurée. La tâche eût été difficile mais les leaders du front populaire n’ont même pas essayé. Ce que Jean-Luc Mélenchon a écarté dès le soir du second tour, le 7 juillet à 20h05, refusant, je le cite, tout "subterfuge, arrangement, combinaison" et toute négociation sur le programme du NFP. Position qui n’a pas bougé, malgré la levée du verrou des ministres LFI ce week-end. ».

    Mais tous les partis sont responsables de l'actuelle impasse : « Chacun campe dans son couloir. Travailler ensemble, c’est trahir. Passer des compromis, c’est se compromettre. Partager le pouvoir, c’est renoncer à incarner l’alternance pour la prochaine présidentielle. ».

    Dans sa chronique du mardi 27 août 2024, Patrick Cohen est revenu sur le communiqué de l'Élysée de lundi soir selon lequel Emmanuel Macron renonçait à nommer Lucie Castets à Matignon et tout gouvernement de la nouvelle farce populaire (NFP) au nom de la « stabilité institutionnelle ». Les consultations des 23 et 26 août ont en effet montré qu'au moins 350 députés seraient prêts à voter la censure immédiatement en cas de nomination d'un gouvernement purement NFP (avec ou sans ministres insoumis). Le journaliste y a vu une nouvelle version du fameux sketch du rond-point de Raymond Devos : « J’appelle un agent, il me dit : je sais, c'est une erreur. Et les gens tournent depuis combien de temps ? Depuis plus d’un mois. Voilà, nous y sommes ! Quarante-deux jours à tourner en rond, à tenter de trouver la sortie d’une équation insoluble, d’une Assemblée composée de minorités, chacune à la merci de toutes les autres. ».

    Alors, Patrick Cohen a essayé de faire des constats « factuellement incontestables ». Il a rappelé le premier vote de la nouvelle Assemblée : « La gauche, on l’oublie, a déjà été battue dans cette nouvelle Assemblée, avec le communiste André Chassaigne, coiffé par la Présidente réélue Yaël Braun-Pivet. Fallait-il se donner la peine de vérifier l’hostilité de près des deux tiers des députés ? » [en cas de nomination de Lucie Castets]. Pour gouverner, le RN était préféré à la gauche au premier tour : « 25% des voix seulement au premier tour, 33 pour le RN. Ils n’ont pas non plus choisi Lucie Castets, qui n’était ni dans les urnes, ni dans le débat. ».

    Le deuxième constat, c'est la défaite du camp présidentiel. Mais Patrick Cohen a mis en garde contre des interprétations oiseuses du genre : "Les Français ont voulu ça, etc." : « [L'ex-majorité affirme] que les Français ont voté pour une grande coalition, ce qui est absurde. Est-ce que vous connaissez un seul électeur qui vote Tartempion plutôt que Macheprot, en espérant que Tartempion n’aura pas trop de voix pour gouverner tout seul et qu’il sera obligé de partager le pouvoir avec Macheprot ? Cela n’a pas de sens : chacun n’est comptable et stratège que de son propre vote. La nécessité d’une coalition obéit à une logique politique et parlementaire, pas à une volonté électorale. On fait semblant de croire que la composition d’une Assemblée est le produit d’une savante délibération collective, mais ça n’est qu’un agrégat de votes et d’opinions individuelles qui forment parfois des majorités. Et parfois pas. ».

    Troisième et dernier constat : « Il n’y a eu qu’une expression clairement majoritaire, le 7 juillet : le refus d’un gouvernement Rassemblement national, puisque toute la campagne de second tour, et toute l’offre électorale, avec les désistements du front républicain, ont tourné autour de cette question : voulez-vous, ou non, que Jordan Bardella gouverne le pays ? La réponse a été non à 63%, 17 millions 200 000 électeurs, mêlant leurs voix, gauche, droite, centre, pour faire barrage. C’est le seul message réellement majoritaire qui a conduit à cette Assemblée morcelée. ».

    Dans la chronique de ce mercredi 28 août 2024, Patrick Cohen a peut-être répondu à la chronique de son confrère Daniel Schneidermann, complètement mélenchonisé depuis les massacres du Hamas du 7 octobre 2023, qui était de mauvaise foi contre lui le 27 août 2024 : « Heureusement, dans la débâcle de la Macronie, il a encore des porte-parole : Patrick Cohen est revenu à France Inter. L'ancien présentateur s'est refait une virginité dans un lieu moins exposé, l'avant-soirée de France 5, où il a signé des éditos-enquêtes souvent factuellement bien charpentés. Il est temps pour lui de revenir dilapider ce capital de crédibilité dans l'exercice de l'avocat officieux du pouvoir. ».

    Après avoir repris tous les points de la chronique du 27 août 2024 de Patrick Cohen, Daniel Schneidermann s'est posé la question : « Comment incarner ce refus du RN, autrement que par une ""grande coalition" ? Patrick Cohen nous le dira demain. ».


    D'où la mise au point le lendemain de l'éditorialiste de France Inter : « On le répète : l’expression d’une aspiration au changement a été massive. Et le fait que rien n’ait encore changé depuis un mois et demi est logiquement regardé comme une anomalie démocratique. ». Mais ce n'est pas pour autant un coup d'État d'Emmanuel Macron comme le répètent les adorateurs du gourou des insoumis Jean-Luc Mélenchon : « Les leaders de gauche dénoncent un coup de force, mais c’est une posture, ils cherchent à mobiliser la rue. Ils ont leur part de responsabilité dans la paralysie actuelle. Et ils savent bien qu’il n’y a pas eu de coup de force, que la Constitution permet d’agir ainsi, que face à une situation inédite, absolument inédite depuis le début de la Cinquième République, il n’y a ni règle, ni jurisprudence. Seul un article 8 : le Président nomme le Premier Ministre. Point final. ».

    Patrick Cohen a toutefois voulu faire la différence entre la légalité qui provient de l'arithmétique parlementaire et la légitimité politique : selon lui, le Président de la République devrait expliquer aux Français pourquoi il n'a pas nommé Lucie Castets à Matignon afin de faire partager sa réflexion en toute transparence : « Emmanuel Macron a encore une fois oublié de faire de la politique, c’est-à-dire accompagner l’opinion, anticiper ses réactions, expliquer ce qu’on fait et pourquoi on le fait, manifester de la compréhension à l’égard des Français qui attendent que leur vote soit pris en compte. Cesser d’apparaître comme le démiurge dont tout procède dans le secret de l’Élysée. Bref d’une façon ou d’une autre, rendre le pouvoir aux électeurs. ».


    Et il est allé plus loin dans son raisonnement : « Faire de la politique en l’occurrence, aurait conduit à nommer Lucie Castets. En posant une condition : qu’elle demande une session extraordinaire du Parlement, puisque c’est une prérogative du Premier Ministre. Pour y engager sans délai la responsabilité de son gouvernement, et ne rien entreprendre sans se soumettre au vote des députés. Tout le monde alors aurait été fixé. Et un échec à l’Assemblée aurait libéré une partie des forces de gauche aujourd’hui sous tutelle du NFP, pour aller tenter autre chose. ».

    Le problème, c'est que Lucie Castets elle-même avait clairement annoncé qu'elle voulait appliquer tout le programme du NFP, rien que le programme du NFP. Pour elle, il n'y avait donc aucune matière à négocier avec d'autres groupes et c'est pour cette raison qu'elle n'est pas aujourd'hui à Matignon. C'est normal, car elle est prisonnière des insoumis qui lui ont eux-mêmes donné ce mandat impératif. Il reste que les socialistes sont très divisés sur la stratégie à tenir et les deux concurrents du premier secrétaire Olivier Faure au dernier congrès du PS, à savoir le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol et Hélène Geoffroy, ont clairement souhaité la formation d'une large coalition d'union nationale et que le PS s'affranchisse de la tutelle de Jean-Luc Mélenchon.

    Contrairement à ce que Daniel Schneidermann, Patrick Cohen est loin d'être un soutien des macronistes (on le saurait à France Inter !). Mais il est capable d'objectivité et de lucidité sur la situation actuelle qui ne satisfait personne et dont l'issue ne satisfera certainement pas au moins la majorité des Français. Simplement, dans une classe politique hystérisée par la rage mélenchonique, tout député prêt au dialogue est devenu un traître au regard des siens, ce qui est absurde. Avant de regarder l'intérêt de leur parti, les responsables politiques doivent d'abord promouvoir l'intérêt national, et celui-ci impose qu'ils prennent leurs responsabilités pour (enfin) gouverner la France. Ensemble, faute de majorité absolue d'un des trois blocs.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240828-patrick-cohen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-40-patrick-cohen-256510

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/28/article-sr-20240828-patrick-cohen.html