Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

parlement européen

  • Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups

    « On a vu une véritable machine de guerre pour détourner systématiquement le montant des enveloppes (…). Le Parlement Européen était leur vache à lait. » (Louise Neyton, procureure de la République, le 13 novembre 2024).



     

     
     


    Voilà, c'était à prévoir : la surprise vaguement feinte des journalistes et de la classe politique en général après le réquisitoire très sévère du parquet contre Marine Le Pen dans l'affaire des assistants parlementaires du FN/RN. Il faut dire que le procès a commencé le 30 septembre 2024 et que si les journalistes avaient fait correctement leur boulot, il y aurait eu chaque jour, comme dans chaque affaire judiciaire importante, et celle-ci l'est puisqu'elle concerne une personnalité politique de premier plan, des comptes rendus détaillés des audiences, le témoignage des uns, des autres, etc.

    Au lieu de cela, rien ! Le procès va se terminer dans les jours prochains, le 27 novembre 2024 (le verdict sera probablement prononcé en février ou mars 2025) sans aucune couverture médiatique, sinon ces jérémiades de l'extrême droite qui crie au viol de la démocratie ! Et pourtant, cette sévérité ne vient pas par hasard, ne vient pas de nulle part, ne vient pas du ciel, ne vient pas de la politisation des juges supposés de gauche, ne vient pas du gouvernement qui vient à peine de s'installer et qui peine déjà assez pour faire adopter le projet de loi de finances. Non, les faits sont simples très graves. Les réquisitions des procureurs ont duré plus de huit heures, c'est dire qu'il y avait matière à dire !

    Il s'agit selon le parquet d'un détournement de 4,5 millions d'euros de 2004 à 2016 (fin décembre 2016), un système mis en place par Jean-Marie Le Pen et industrialisé, optimisé par Marine Le Pen lorsqu'elle est arrivée à la présidence du FN en 2011. Il s'agissait d'occuper les assistants parlementaires rémunérés par le Parlement Européen à faire de la politique nationale au sein du parti lepéniste, à tel point qu'un certain assistant (actuellement député, ne citons pas son nom) a envoyé un email à la présidente de l'époque pour lui demander de faire le voyage à Bruxelles afin de connaître quand même le député européen supposé l'employer !

    Au contraire de François Bayrou dont la complicité n'a pas été établie et dont l'existence d'un système n'a pas été démontrée, et son affaire portait sur des montants nettement inférieurs, Marine Le Pen aurait, selon la justice, supervisé ce système de détournement d'argent public, car détourner de l'argent du Parlement Européen, c'est se moquer des contribuables français qui participent au budget européen par leur contributions nationales. Pire, ce sont ceux qui sont les plus anti-européens qui ont le mieux profité de la tirelire européenne, c'est fort de café !

    Toutes ces audiences jamais rendues compte quotidiennement par les médias auraient permis de comprendre (si on en avait parlé) que la sévérité de la procureure avait ses raisons qui n'ont rien à voir avec une quelconque politisation. D'autant plus que contrairement à l'affaire Fillon, nous ne sommes pas en campagne présidentielle (l'élection n'aura lieu que dans deux ans et demi, en avril 2027) et donc, il n'existe aucun candidat ni aucun favori car c'est beaucoup trop tôt (rappelons-nous les projections présidentielles de 2017 publiées en novembre 2014 !).


    C'est vrai que la réquisition du parquet ce mercredi 13 novembre 2024 pour Marine Le Pen était sévère, puisque la peine de cinq ans de prison dont deux ans ferme a été requise, avec 300 000 euros d'amendes et cinq ans d'inéligibilité, peine assortie d'un détail : l'inéligibilité ne sera pas suspensive en cas d'appel, il faudra qu'une cour d'appel supprime cette peine d'inéligibilité pour qu'elle ne court plus.

    Précisons les choses, même s'il faut bien rappeler qu'il s'agit d'une réquisition et pas d'un jugement, le tribunal peut donc proposer un verdict moins sévère, voire plus sévère que celui requis par le parquet. L'inéligibilité, dans ce cas, courrait dès le jour du verdict en début 2025 et durerait cinq ans, donc jusqu'en 2030 (c'est-à-dire au-delà de l'élection présidentielle de 2027). Marine Le Pen, dans ce cas, pourrait rester députée (en revanche, si elle était maire, elle devrait démissionner), rester même présidente du groupe RN, mais ne pourrait pas se représenter en cas de dissolution. D'où sa réticence à provoquer une dissolution par le vote d'une motion de censure. Et pourtant, ses amis sont favorables à faire chuter le gouvernement, imaginant alors la démission du Président Emmanuel Macron et une élection présidentielle anticipée avant le prononcé du verdict (et de l'éventuelle inéligibilité). Sauf que c'est un scénario un peu foireux car Emmanuel Macron ne ferait pas le cadeau au RN de sa démission. Au contraire, de nouvelles élections dans un contexte de procès pour détournement de millions d'euros pourraient faire perdre quelques électeurs...

    C'est la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, qui a rendu semi-automatique une peine d'inéligibilité en cas d'infractions financières, notamment dans son article 19 qui précise : « Par dérogation au 1° du présent article, le prononcé de la peine complémentaire d'inéligibilité mentionnée au 2° de l'article 131-26 et à l'article 131-26-1 est obligatoire à l'encontre de toute personne coupable de l'une des infractions définies à la section 3 du présent chapitre. ».


    Cependant, cette peine est semi-automatique et pas automatique, en raison de la non automaticité de principe, on ne juge que des individus spécifiquement : « Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. ».

    Cet élément est essentiel dans la philosophie politique : Marine Le Pen n'a cessé, depuis des dizaines d'années, de réclamer la sévérité des lois, et l'automaticité des peines afin d'obliger les juges à sévir et ne pas leur laisser la liberté d'être laxistes dans leurs décisions. La loi Sapin II a justement introduit une option d'automaticité avec cette peine complémentaire d'inéligibilité, mais avec la possibilité exceptionnelle de ne pas la prononcer si le juge en donne la raison. Autrement dit, comme le formule un rapport parlementaire de février 2019, ce que la loi Sapin II a introduit est essentiel : « Alors que l’inéligibilité d’un responsable politique fautif était auparavant prononcée par le juge s’il l’estimait pertinente, la loi pose désormais cette sanction pour principe et exige du juge une décision spéciale s’il souhaite l’écarter. ». La réquisition du 13 novembre 2024 était donc tout à fait dans l'esprit de la loi Sapin II voulu par les parlementaires.

    Une proposition de loi déposée par la députée socialiste Fanny Dombre Coste examinée lors de la séance publique du 1er février 2017 visait à « instaurer une obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection ». Cette proposition avait reçu un accueil positif de toute la classe politique (mais n'a pas abouti à cause de la fin de la législature).

    À l'instar du gaulliste Pierre Mazeaud qui déclarait en novembre 1971 : « L’incompatibilité devrait être établie entre le mandat et la malhonnêteté de l’homme, et les électeurs devraient pouvoir choisir des hommes de toutes les professions pourvu qu’ils soient honnêtes. », Fanny Dombre Coste a expliqué ce 1er février 2017 : « L’état actuel du droit exige des infirmières, des policiers, des taxis, des journalistes et de près de 400 autres métiers un casier judiciaire vierge. Comment pouvons-nous justifier auprès des Français que ces professionnels soient soumis à cette condition et que nous-mêmes, élus, n’y soyons pas assujettis ? L’opinion publique s’est largement mobilisée sur cette question. Les propositions de loi bénéficient d’un soutien quasi absolu de la part de nos concitoyens, une pétition recueillant près de 150 000 signatures circule en ce moment sur internet. Ces propositions de loi visent donc à instaurer une nouvelle condition d’éligibilité, liée à la présence ou non de la mention de certaines condamnations sur le bulletin n°2 du casier judiciaire. Cette suggestion, j’en ai conscience, bouleverse les habitudes de pensée. En matière de probité, l’inéligibilité est habituellement conçue comme une peine, prononcée par le juge en répression d’un comportement fautif. Elle est donc tournée vers le passé et doit se conformer aux règles constitutionnelles en matière pénale. Nous proposons ici d’inverser cette logique, en prévoyant non pas une peine d’inéligibilité automatique, qui subirait une censure constitutionnelle, mais bien une nouvelle condition d’éligibilité. L’objectif n’est nullement de sanctionner un coupable : il est de garantir l’éthique des candidats aux fonctions publiques. Cet élément est primordial, puisqu’il signifie que le processus n’est pas direct. La condamnation est inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire, et cette mention fait, ensuite, obstacle à l’éligibilité. Cette inscription n’a aucun caractère punitif et ne soulève d’ailleurs, je souhaite le rappeler, aucune difficulté lorsqu’elle induit l’impossibilité d’accéder à un ensemble de professions, au premier rang desquelles la fonction publique, alors même que la liberté d’y entrer se fonde sur l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le même que celui qui garantit l’éligibilité. ».

    À l'époque, Bruno Le Roux, qui avait cosigné cette proposition de loi, était devenu Ministre de l'Intérieur et avait répondu à son ancienne collègue socialiste ainsi : « Les deux propositions de loi prévoient que les personnes dont le bulletin n°2 du casier judiciaire porte la mention d’une condamnation incompatible avec l’exercice d’un mandat électif ne puissent faire acte de candidature à aucun mandat électif. Ces condamnations concernent les crimes, les délits sexuels, les manquements au devoir de probité, la fraude fiscale, ainsi qu’un certain nombre d’infractions électorales définies par le code électoral. La proposition de loi organique organise ce régime pour l’élection des députés et des sénateurs, ainsi que pour les candidats à l’élection présidentielle. La proposition de loi ordinaire, quant à elle, adapte ce dispositif pour les élections locales. Chacun d’entre nous est conscient que la défiance envers les élus mine le principe même de notre démocratie. Elle jette en effert, et injustement, l’opprobre sur des personnes sincèrement dévouées au service de l’intérêt général, et qui, pour la totalité d’entre elles, exercent leurs mandats avec un engagement et une honnêteté irréprochables. Pour renforcer la confiance, nous devons donc nous doter de règles toujours plus rigoureuses. ». Rappelons pour la petite histoire que Bruno Le Roux a dû démissionner de la Place Beauvau le 21 mars 2017 après avoir été accusé des mêmes « turpitudes » que François Fillon, à savoir le recrutement de ses deux filles comme collaboratrices parlementaires, soupçonnées d'emplois fictifs, alors qu'il avait fustigé lui-même François Fillon sur l'emploi de la femme de celui-ci.

    À la même époque, Marine Le Pen voulait être le meilleur lave-linge qui lavait plus blanc que blanc. Ainsi, le 13 avril 2017 sur France 2, elle disait : « Je ferai appliquer la loi, ce qui n'a pas été fait depuis des années, car la justice a reçu des instructions d'un laxisme absolu. ». En novembre 2024, elle devrait donc être satisfaite : la justice va s'appliquer.

     

     
     


    Car il faut être cohérent avec soi-même. Déjà dans l'émission "Mots croisés", le 9 février 2004 sur France 2, Marine Le Pen, devant Jean-François Copé et Malek Boutih, débordait d'indignation à la suite de la condamnation de l'ancien Premier Ministre Alain Juppé le 30 janvier 2004 à dix-huit mois de prison avec sursis, peine assortie d'une peine d'inéligibilité de dix ans. À l'époque, elle défendait les honnêtes gens et fustigeait les délinquants politiques condamnés et autres repris de justice : « Tout le monde a piqué dans la caisse sauf le Front national. Et on trouve ça normal ? (…) Les Français n'en ont pas marre d'entendre parler des affaires. Ils en ont marre qu'il y ait des affaires. Ils en ont marre de voir des élus, je suis navrée de vous le dire, qui détourne de l'argent, c'est scandaleux ! Parce que je vais vous dire, avec tout cet argent, ce qu'on aurait fait, hein ?, en termes de Restos du cœur, en termes d'opérations Pièces jaunes. C'est combien d'opérations Pièces jaunes, tout l'argent qui a été détourné par les élus ? ».

    On a compris que toute la communication de Marine Le Pen depuis plus de vingt ans n'était que du vent, de l'hypocrisie voire du mensonge ! Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir tenté de reporter sans cesse le procès. En effet, le RN a fait quarante-cinq recours et l'instruction a duré presque dix années. C'est en 2015 que le Président social-démocrate du Parlement Européen de l'époque, l'Allemand Martin Schulz, avait signalé le détournement. Pour la procureure Louise Neyton, c'est bien un système sans précédent de détournement de fonds qui a été mis en place pour récupérer l'argent du Parlement Européen au profit du FN/RN mais aussi de ses dirigeants. Le maire d'une grande ville du Sud est également dans le box des accusés.

    C'est le propre système de défense de Marine Le Pen qui l'a fait couler : en affirmant à la fois qu'elle n'en savait rien (bien qu'à la fois présidente du FN/RN et députée européenne entre 2011 et 2017) mais aussi qu'il n'y avait rien de mal à ce que les assistants parlementaires aient travaillé pour le parti de leur député européen (alors que le Parlement Européen interdit strictement ce genre de pratique), elle a implicitement justifié ce système et donc avoué qu'elle le connaissait et même l'a initié.


    La réaction de l'extrême droite à ces réquisitions était prévisible : ce serait un déni de démocratie ! Petits extraits. Marine Le Pen : « Le parquet essaie de priver les Français de la capacité de voter pour qui ils souhaitent. ». Jordan Bardella : « Le parquet n'est pas dans la justice : il est dans l'acharnement et la vengeance à l'égard de Marine Le Pen. Ses réquisitions scandaleuses visent à priver des millions de Français de leur vote en 2027. C'est une atteinte à la démocratie. ». Éric Zemmour : « Si Marine Le Pen était déclarée inéligible, on atteindrait alors un niveau sans précédent dans le gouvernement des juges. ». Marion Maréchal : « François Fillon hier, Marine Le Pen aujourd'hui (…), un nouveau déni de démocratie. ».

    Plus curieusement, des personnalités d'autres bords politiques ont émis le même genre de réactions. Ainsi, sur des terres nordistes, on peut comprendre l'arrière-pensée électorale de Gérald Darmanin lorsqu'il a dit : « Il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et, ainsi, ne puisse pas se présenter devant le suffrage des Français. (…) Combattre Madame Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs. (…) N'ayons pas peur de la démocratie. ». Son mentor Xavier Bertrand a été plus cohérent et mieux inspiré en estimant que la loi s'appliquait à tous et qu'il n'y avait aucune raison de faire des exceptions.

    Mais que penser du député MoDem Richard Ramos ? du député EPR Karl Olive ? Ou encore de l'ancien député LR Julien Aubert : « La question n'est pas de savoir si Marine Le Pen a détourné oui ou non pour un autre usage que celui prévu les postes d'assistants au Parlement Européen. La vraie question est : est-ce que c'est suffisamment grave pour priver des millions de gens de leur porte-parole ? ». Jean-Luc Mélenchon aussi est venu à la rescousse : « Une peine d'inéligibilité ne doit pas être appliquée avant expiration de tous les recours prévus par la loi. ».

    À tous ceux-là, la procureure Louise Neyton avait répondu par avance : « Oui, la décision judiciaire est légitime à produire ses effets sur la vie démocratique, légitime, car ce rôle lui a été imposé par le législateur. ». C'était en effet de la volonté du législateur que les délinquants politiques soient sévèrement sanctionnés, pour redonner un peu de crédit à une classe politique complètement discréditée par les affaires et l'impuissance (après le scandale de Jérôme Cahuzac).

    Personnellement, je répondrais plus fortement sur le déni de démocratie : la démocratie, c'est d'abord de respecter la loi, de respecter les Français, ceux qui contribuent à l'effort financier de l'Union Européenne, de ne pas profiter de l'argent facile en dehors du cadre de la loi. On ne peut pas prétendre dicter la loi (en tant que parlementaire) et refuser de l'appliquer. De plus, il n'y a aucun risque démocratique de voir l'élection présidentielle sans un représentant du RN, qui est un parti important (le plus important de l'Assemblée) et qui mérite effectivement d'avoir un candidat. Car le RN a déjà un autre candidat tout désigné pour remplacer Marine Le Pen, en la personne de Jordan Bardella qui, à sa façon, sourit de la situation actuelle.


    Même le Premier Ministre hongrois Viktor Orban est venu au secours de Marine Le Pen : « Marine, n'oubliez pas que nous sommes avec vous dans cette bataille ! Être harcelé par la justice a été une étape cruciale de la victoire du Président [Trump]. ». Eh oui, Donald Trump a été condamné et cela ne l'a pas empêché d'être élu, et même largement élu. Parler de trumpisation à la française pour Marine Le Pen serait lui faire trop d'honneur. La réalité, c'est que le favori de l'élection de 2017, François Fillon, a été balayé par son affaire qui représentait un détournement bien plus faible d'argent public (seulement 700 000 euros à comparer à 4,5 millions d'euros), et cela bien avant sa condamnation (définitivement le 24 avril 2024). Les électeurs français seraient-ils peut-être plus exigeants que les électeurs américains ? (question très audacieuse à laquelle je ne répondrai pas, bien sûr !).

    En tout cas, les militants RN convaincus ne changeront pas d'opinion avec une condamnation de leur leader : au contraire, ils seront renforcés dans leur choix de candidate que la justice, le système, prétendument harcèle. Et puis, profiter de l'argent européen quand on est anti-européen, c'est la revanche des frexiters. Sauf que Marine Le Pen souhaitait la normalisation de son parti, sa banalisation pour faire preuve de respectabilité auprès des personnes qui comptent en France et à l'étranger. Ce très long procès (presque deux mois) remet en cause toute cette stratégie amorcée en 2011 : si le tribunal suit les procureurs, les gens pourront se dire que décidément, le RN/FN n'est qu'une association de malfaiteurs. Pour le Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, la situation est critique : lui veut l'application la plus sévère de la loi. Chiche !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241113-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/proces-de-marine-le-pen-surprise-257664

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/14/article-sr-20241113-marine-le-pen.html


     

  • Élections européennes 2024 (7) : Ursula von der Leyen et ses trois priorités, la défense, le logement et la compétitivité

    « Les cinq dernières années ont montré ce que nous pouvions faire ensemble. Faisons-le à nouveau. Faisons le choix de la force. Faisons le choix du leadership. » (Ursula von der Leyen, le 18 juillet 2024 à Strasbourg).



     

     
     


    La journée du jeudi 18 juillet 2024 a été importante pour l'Union Européenne (et parallèlement, aussi pour la France). Le Parlement Européen s'est réuni à Strasbourg pour une session d'ouverture de sa dixième législature du 16 au 19 juillet 2024. Les députés européens ont réélu le mardi 16 juillet 2024 l'actuelle Présidente du Parlement Européen, la députée européenne maltaire PPE Roberta Metsola pour un nouveau mandat de trente mois (dès le premier tour avec 562 voix). Deux jours plus tard, c'était le vote des députés européens pour valider, ou invalider, le choix du Conseil Européen du 27 juin 2024 de reconduire l'Allemande Ursula von der Leyen à un second mandat de cinq ans de Présidente de la Commission Européenne, conformément au Traité de Lisbonne (article 14 du Traité sur l'Union Européenne).

    Son second mandat a été validé au milieu de l'après-midi par 401 voix pour et 284 voix contre, 15 votes blancs et 7 votes nuls. Il y a actuellement 719 députés européens (en principe, il doit y en avoir 720), ce qui fait que la majorité absolue est de 360. C'est bien mieux que la précédente fois. Choisie par le Conseil Européen le 2 juillet 2019, Ursula von der Leyen avait été à la peine pour convaincre le Parlement Européen. Son premier mandat à la tête de la Commission de Bruxelles avait été en effet approuvé le 16 juillet 2019 par les députés européens avec seulement 383 voix sur 747, alors que sa majorité (groupes PPE, S&D et Renew) comptait 444 membres. Au congrès du Parti populaire européen (PPE), la candidature d'Ursula von der Leyen à un second mandat avait été approuvée le 7 mars 2024 par seulement 401 voix pour, sur 801 délégués, et 89 voix contre (en particulier, la délégation française, le parti LR, s'était opposée à cette reconduction).


    Ursula von der Leyen va donc pouvoir envoyer des lettres officielles aux chefs d'État et de gouvernement des États membres pour leur demander de lui présenter les candidats aux postes de commissaires européens. Le Parlement Européen devra les auditionner et approuver leur candidature, ce qui permettra à Ursula von der Leyen de former la Commission Européenne avec les différentes attributions, et l'ensemble de la Commission sera approuvée par les députés européens avant sa prise de fonction officielle le 1er décembre 2024.

    Ce vote concluait un débat avec Ursula von der Leyen et les différents présidents des groupes parlementaires. Dans son discours prononcé le matin, Ursula von der Leyen a présenté ses priorités devant les députés européens : nouveau pacte pour l'industrie propre pour renforcer la décarbonation et la croissance industrielle (le Clean Industrial Deal), création d'un fonds européen pour la compétitivité (pour soutenir l'innovation), doublement des effectifs d'Europol (sécurité), triplement des garde-frontières et garde-côtes pour atteindre 30 000 personnes (immigration), bouclier européen pour se prémunir des désinformations et manipulations de l'information et des ingérences étrangères, plan pour un logement à prix modéré (création d'un commissaire chargé du logement), plan pour aider les agriculteurs dans la transition énergétique, renforcement du programme Erasmus, plan de protection sur le temps passé devant les écrans et sur les pratiques addictives, parité hommes et femmes, conditionnement du respect des droits fondamentaux pour octroyer les subventions européennes, etc.

     
     


    Un de points cruciaux de son mandat sera la défense européenne, avec la création d'un commissaire européen spécialement chargé de ce sujet, avec plusieurs programmes dont le bouclier aérien de l'Union Européenne qui sera un « symbole fort de l'unité européenne en matière de défense » et le soutien militaire indéfectible à l'Ukraine. D'autres commissaires européens seront créés, sur la coopération régionale avec la Méditerranée, sur l'équité intergénérationnelle, etc. Il y aura aussi un Vice-Président chargé de la compétitivité et des PME.

    Dans ce discours, il y en avait pour les trois grands groupes (PPE, S&D et Renew) qui constituent la majorité de soutien de la Commission Européenne. Pour le PPE (centre droit) : compétitivité, lutte contre la bureaucratie, soutien à l'industrie de défense et à l'agriculture. Pour les sociaux-démocrates (centre gauche) : accompagnement de la crise du logement, droits des femmes ; pour Renew (centre) : pas de fonds européens aux États qui ne respectent pas les droits fondamentaux, compétitivité, soutien à l'Ukraine (les engagements de Valérie Hayer, présidente du groupe Renew, pendant la campagne européenne).

     

     
     


    Pour la Présidente de la Commission : « L'Europe ne peut pas arrêter le changement, mais elle peut choisir de l'embrasser en investissant dans une nouvelle ère de prospérité et en améliorant notre qualité de vie. ». Parmi les autres engagements, Ursula von der Leyen souhaiterait refondre le budget de l'Union Européenne et mieux l'adapter aux États membres.

    Elle a aussi condamné très sévèrement la prétendue mission de paix du Premier Ministre hongrois Viktor Orban, devenu Président du Conseil de l'Union pour ce dernier semestre 2024, en constatant : « Deux jours plus tard, les avions de Poutine ont pointé leurs missiles sur un hôpital pour enfants et une maternité à Kyiv (…). Cette frappe n'était pas une erreur. C'était un message. Un message glaçant du Kremlin à chacun d'entre nous. ».

    De même, elle a clarifié sa position sur Gaza : « Je veux être claire : l'effusion de sang à Gaza doit cesser maintenant. Trop d'enfants, de femmes et de civils ont perdu la vie à cause de la réponse d'Israël à la terreur brutale du Hamas. La population de Gaza ne peut en supporter davantage (…). Nous avons besoin d'un cessez-le-feu immédiat et durable. Nous avons besoin de la libération des otages israéliens. Et nous devons préparer le jour suivant. ».



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Élections européennes 2024 (7) : Ursula von der Leyen et ses trois priorités, la défense, le logement et la compétitivité.
    Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen.
    Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
    Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !


     

     


     

     

     

     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240718-ursula-von-der-leyen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/elections-europeennes-2024-7-255915

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/19/article-sr-20240718-ursula-von-der-leyen.html






     

     

     

     

     

     

     

  • Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen

    « Je pense que, effectivement, [la reconduction d'Ursula von der Leyen] est un choix pertinent dans la mesure où on est dans un monde en plein chamboulement. Néanmoins, ce n'est pas un chèque en blanc. C'est-à-dire qu'on a des demandes qui sont fortes (…) : aucun lien de près ou de loin avec l'extrême droite, quelle qu'elle soit. (…) On exige d'Ursula von der Leyen qu'elle ne fasse aucun deal, aucune alliance politique avec eux. Qu'on soit vraiment sur une coalition, une plate-forme de soutien qui soit celle des pro-Européens (…). On lui a fixé nos priorités politiques (…) : pour nous, c'est indispensable qu'on avance sur la protection de l'État de droit, sur les enjeux de compétitivité, de réindustrialisation, de défense et de soutien à l'Ukraine, donc, on lui a demandé des engagements forts (…). Parmi les demandes qu'on lui a faites : ne pas détricoter le Pacte vert et prolonger pour accompagner socialement le Pacte vert. » (Valérie Hayer, le 15 juillet 2024).



     

     
     


    Ce mardi 16 juillet 2024, c'est l'installation des 720 nouveaux députés européens des vingt-sept États membres de l'Union Européenne élus au suffrage universel direct le 9 juin 2024. Le Parlement Européen de Strasbourg devance ainsi de deux jours l'installation de la nouvelle Assemblée Nationale à Paris. Semaine donc très chargée pour la classe politique européenne et encore plus chargée pour la classe politique française.

    Bien sûr, le premier acte de toute nouvelle assemblée, c'est d'élire son président. Pour l'Union Européenne, c'est un peu différent car il est question d'un jeu d'équilibre entre les pays et entre les mouvements politiques. Depuis plusieurs législatures, ce poste important, qui fut occupé pour la première législature par Simone Veil, fait partie des grands postes pour lesquels se met d'accord le Conseil Européen.

    Insistons sur la procédure : dans toutes les démocraties, le chef du gouvernement et ses membres sont nommés par le chef de l'État (c'est encore le cas en France quoi qu'en dise Jean-Luc Mélenchon et ses adeptes), et ceux-ci sont approuvés par les parlementaires du pays, d'une manière ou d'une autre (même en France, la motion de censure est là pour cela). Le gouvernement n'est donc pas élu, c'est-à-dire désigné par le peuple, mais émane de deux instances qui, elles, ont la légitimité populaire, le chef de l'État (c'est un peu différent pour une monarchie) et les parlementaires, tous les deux élus par le peuple.

    L'Union Européenne, c'est pareil. La Commission Européenne n'est effectivement pas élue par le peuple, mais ses membres sont désignés par les chefs d'État et de gouvernement des Vingt-Sept, puis ratifiés par les députés européens. Les chefs d'État et de gouvernement, qui constituent le Conseil Européen, ont chacun une légitimité nationale qui est propre au pays d'où il vient et propre à ses institutions nationales, et les députés européens ont été élus au suffrage universel direct, en l'occurrence ceux-ci le 9 juin 2024. En outre, la Commission n'est pas vraiment le gouvernement européen, c'est une instance exécutive qui répond aux seules consignes du Conseil Européen, l'émanation de la légitimité de chaque nation.

    On pourrait bien sûr imaginer que le Président de la Commission Européenne soit élu directement par les électeurs européens, comme ce fut le cas, pendant peu de temps, en Israël (le Premier Ministre, à un moment donné, était élu en même temps que les députés de la Knesset, et cette disposition novatrice a été supprimée assez rapidement). Mais en fait, c'est un peu le cas depuis 2014, et pour la troisième fois. En effet, chaque grand parti européen a choisi avant les élections européennes "son" (ou "ses") candidat(s) à la Présidence de la Commission. Et ensuite, c'est le jeu des rapports de force au sein du Parlement de Strasbourg.

    Certes, ce n'est pas obligatoirement le candidat choisi par le parti le plus important qui emporte la nomination, parce qu'il faut l'accord du Conseil Européen, à savoir au moins quinze pays représentant au moins 65% de la population des vingt-sept États membres. Ainsi, Jean-Claude Juncker avait été désigné à la tête de la Commission Européenne en 2014 alors qu'il avait été choisi par son parti, le Parti populaire européen (démocrates chrétiens, c'est-à-dire centre droit), et que le PPE avait gagné les élections. En 2019, en revanche, le PPE avait aussi gagné les élections européennes, mais la France (Emmanuel Macron) a mis un veto pour la désignation du candidat choisi avant les élections, l'Allemand Manfred Weber, président du groupe PPE depuis 2014 (reconduit le 19 juin 2024). Le compromis s'est alors porté sur Ursula von der Leyen, la Ministre allemande de la Défense. Comme le PPE est encore cette fois-ci gagnant, Ursula von der Leyen est bien partie pour être reconduite dans un second mandat de cinq ans (la fonction est limitée à deux mandats de cinq ans) : « Je solliciterai l’approbation du Parlement Européen après la présentation de ma feuille de route politique pour les cinq prochaines années. », a-t-elle confirmé le 27 juin 2024.

    C'est ce qui va se passer a priori. Mais revenons d'abord au Parlement Européen issu des élections du 9 juin 2024. Les deux principaux groupes politiques restent toujours les démocrates chrétiens (centre droit) du PPE avec 188 sièges sur 720, et les sociaux-démocrates (gauche gestionnaire) de S&D (socialistes et démocrates) avec 136 sièges (présidés par l'Espagnole Iratxe Garcia Pérez). Pendant longtemps, ces deux groupes politiques faisaient la loi à Strasbourg, se partageant par exemple la Présidence du Parlement Européen (chacun des deux groupes avait la Présidence pendant un demi-mandat de trente mois). Mais depuis deux législatures, ils ne sont plus assez nombreux pour constituer la majorité absolue. En 2024, ils ont, à eux deux, seulement 324 sièges, insuffisant pour atteindre la majorité absolue, à savoir 361 sièges.

    C'est pour cette raison que le groupe centriste, appelé d'abord les libéraux démocrates (sur une appellation de politique allemande), transformé en Renew (Renaissance) depuis l'élection de députés européens macronistes, joue un rôle crucial et central dans le Parlement Européen depuis 2019 : avec 77 sièges, ce groupe complète les deux précédents pour atteindre 401 sièges, soit plus de la majorité absolue. Ce groupe Renew, présidé par la Française Valérie Hayer (qui a été réélue à ce poste), a donc un rôle de pivot. Il était le troisième groupe à Strasbourg entre 2019 et 2024, mais avec la victoire de l'extrême droite et la défaite du parti macroniste, il a été relégué en cinquième position, à un siège près.

    Cela écrit, la majorité reste assez faible pour Ursula von der Leyen, d'autant plus que Renew et les sociaux-démocrates avaient fait campagne pour soutenir d'autres candidats (Renew : Sandro Gozi, et S&D : Nicolas Schmit). L'espoir du Président Emmanuel Macron, avant les élections européennes, était d'imposer Mario Draghi qui aurait été soutenu par Giorgia Meloni. Ursula von der Leyen doit faire campagne auprès des différents groupes car sa reconduction ne serait pas ratifiée par le Parlement de Strasbourg si 10% des membres de chacun des trois groupes s'abstenaient (en 2019, elle a été élue de façon serrée avec seulement 9 voix d'avance).

    Le quatrième groupe est ce qu'on appelle le parti des conservateurs et réformistes européens (CRE), qui regroupe principalement le parti de droite conservatrice italien (les Frères d'Italie) de la Présidente du Conseil italienne Giorgia Meloni. Cette dernière avait souhaité faire partie de la majorité de cette nouvelle législature afin d'avoir une influence sur les décisions européennes en échange de son soutien à la reconduction d'Ursula von der Leyen. Mais Renew a imposé de choisir entre le soutien de Renew ou l'arrangement avec CRE. Fort de 78 sièges, Giorgia Meloni a refusé l'entrée des députés européens du RN qui ne sont pas normalisés sur la scène européenne. Très étrangement, alors que ce groupe veut montrer l'esprit de responsabilité et d'ouverture, et refuse d'être assimilé à l'extrême droite, un membre de Reconquête, le parti de l'ancien candidat Éric Zemmour en était membre jusqu'en 2024. Parmi les autres partenaires du CRE, il y a le PiS, parti ultraconservateur polonais (qui vient de perdre le pouvoir à Varsovie).

    Le troisième groupe à Strasbourg, avec 84 sièges, a été constitué à Bruxelles le 8 juillet 2024, appelé les Patriotes pour l'Europe (ce qui ne veut rien dire !), émanation de l'ancien groupe Identité et démocratie (annoncé à Vienne le 30 juin 2024 par Viktor Orban), et regroupe les élus du parti du Premier Ministre hongrois Viktor Orban, de la Lega de l'Italien Matteo Salvini, du FPÖ autrichien, du PVV néerlandais de Geert Wilders, des indépendantistes flamandes Vlaams Belang, de Vox espagnol, et enfin du Rassemblement national de la Française Marine Le Pen. Ce groupe est présidé par Jordan Bardella, et, fidèle à sa réputation de paresseux, il n'était même pas présent lors de son élection. Enfin, le groupe des Verts (écologistes) réunit 53 élus et le groupe de la gauche unitaire (gauche radicalisée : communiste, insoumis, etc.), coprésidé par Manon Aubry, 46 élus.

    Un troisième groupe d'extrême droite, baptisé l'Europe des nations souveraines, s'est également créé le 10 juillet 2024 avec les députés européens allemands de l'AfD (Alternative pour l'Allemagne), qui siégeaient initialement dans le même groupe que le RN avant d'en être exclus en 2024, et l'unique élue de Reconquête (et six autres très petites formations d'extrême droite de Pologne, Lituanie, Bulgarie, Slovaquie, Tchéquie et Hongrie). Ce groupe rassemble 25 membres, dont 14 de l'AfD. Pour former un groupe, il faut 23 élus provenant de sept États différents.

    La constitution des trois groupes d'extrême droite a été longue car les députés européens français, en particulier le RN, refusaient de s'engager dans l'un ou l'autre groupe tant que les élections législatives n'étaient pas terminées. Et ils ont eu raison puisque la présence du vice-président du groupe présidé par Jordan Bardella, le général italien Roberto Vannacci (Lega), nostalgique de Mussolini et fustigeant le supposé "lobby gay", aurait un peu sali le brevet de respectabilité que le président du RN cherchait à obtenir en France.

    Ces trois groupes d'extrême droite représentent 187 sièges, soit un quart de l'hémicycle européen, à un siège du premier groupe. Mais ils sont profondément divisés, notamment sur le soutien à l'Ukraine. Ainsi, le Premier Ministre tchèque Petr Fiala, dont le parti appartient au CRE, a fustigé le 8 juillet 2024 les Patriotes pour l'Europe : « Appelons un chat un chat. Les Patriotes servent les intérêts de la Russie. Soit consciemment, soit inconsciemment. Et ils menacent ainsi la sécurité et la liberté en Europe. ».

    Maintenant que les différentes forces politiques en présence ont été présentées, revenons à Ursula von der Leyen. Conformément au Traité de Lisbonne qui introduit beaucoup plus de démocratie parlementaire qu'auparavant, chaque membre de la Commission Européenne doit être ratifié par les députés européens. Cela ne se fera pas en même temps car il faut attendre les différentes désignations des États membres. En effet, à part deux ou trois postes, chaque pays a droit à un membre de la Commission Européenne, qu'il doit désigner, et à charge au Président de la Commission de lui donner des attributions pour en faire un ensemble cohérent. Il est évident que la désignation d'un commissaire pourrait être ratifiée pour une attribution donnée et refusée pour une autre, considérant qu'il n'aurait pas la compétence suffisante. En 2019, la candidature de l'ancienne Ministre des Armées Sylvie Goulard, pressentie par la France pour siéger à la Commission Européenne, a été rejetée par le Parlement Européen en raison d'une affaire judiciaire en cours. La Commission Européenne doit prendre ses fonctions le 1er décembre 2024, ce qui laisse un peu de temps en cas de rejet éventuel de certaines candidatures.

    En revanche, la reconduction d'Ursula von der Leyen à la Présidence de la Commission sera mise aux voix au Parlement Européen dès jeudi 18 juillet 2024. Si elle est confirmée, elle pourra ainsi commencer à structurer son équipe avec les personnes proposées par chaque État membre.


    Le Conseil Européen n'a pas pu se mettre d'accord à Bruxelles le 17 juin 2024 et a réussi à trouver un accord à Bruxelles aussi le 27 juin 2024. Ce sommet a été marqué par une perte d'influence de deux poids lourds de l'Europe, en raison de leurs échecs électoraux respectifs, Emmanuel Macron et Olaf Scholz. Emmanuel Macron avait eu beaucoup d'influence au Conseil Européen du 2 juillet 2019, lors du casting de la précédente mandature.

    Que contient l'accord du 27 juin 2024 ? Une juste répartition des rôles entre les trois groupes formant la majorité. L'Allemande Ursula von des Leyen, pour le PPE, à la Présidence de la Commission ; le Portugais Antonio Costa (63 ans dans deux jours), pour S&D, à la Présidence du Conseil Européen (succédant à Charles Michel), c'est l'équivalent d'un grand modérateur de l'Union Européenne (ce serait l'équivalent d'un chef d'État inaugurant les chrysanthèmes) ; enfin, autre poste crucial, celui de José Borrell, actuel Haut représentant de l'Union Européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Un compromis s'est dégagé pour y désigner la très charismatique Première Ministre d'Estonie (depuis le 26 janvier 2021) Kaja Kallas (47 ans), pour le groupe Renew (elle vient de remettre la démission de son gouvernement le 15 juillet 2024). C'est la première fois qu'un si petit pays et qu'un pays de l'Est obtient une si grande responsabilité dans les institutions de l'Union Européenne, et il faut aussi noter qu'elle est considérée comme une ennemie de la Russie par Vladimir Poutine. Autre poste d'envergure, la Présidence du Parlement Européen, et la Maltaise Roberta Metsola devrait être reconduite ce mardi 16 juillet 2024 pour un demi-mandat supplémentaire de deux ans et demi.

    Si Ursula von der Leyen et Kaja Kallas doivent attendre la validation par le Parlement Européen de leur désignation, ce n'est pas le cas d'Antonio Costa qui ne dépend que du Conseil Européen (puisqu'il va le présider pendant cinq ans, et pas seulement deux ans et demi). Antonio Costa était le Premier Ministre du Portugal depuis le 26 novembre 2015 et il a dû démissionner le 2 avril 2024 en raison d'une affaire de corruption qui a été finalement peu étayée.

    Au Conseil Européen du 27 juin 2024, mécontente d'avoir été écartée des négociations, Giorgia Meloni s'est abstenue pour le choix d'Ursula von der Leyen et a voté contre Antonio Costa et contre Kaja Kallas. Giorgia Meloni a revendiqué un portefeuille important pour l'Italie dans la prochaine Commission, par exemple l'Économie, avec une Vice-Présidence exécutive de la Commission. Pour Valérie Hayer, c'est clair le 8 juillet 2024 qu'il ne faut laisser aucune responsabilité au sein du Parlement Européen à l'extrême droite : « Notre ligne est extrêmement claire, on ne négocie pas avec l'extrême droite. ».

    Parmi les 720 députés européens élus le 9 juin 2024, on peut citer qu'il y a onze anciens Premiers Ministres (en particulier Elio Di Rupo, Sophie Wilmès, Valdis Dombrovskis, etc.), six anciens présidents d'assemblée nationale de leur État, six membres de la Commission Européenne, anciens ou en exercice, et dix anciens ministres des Affaires étrangères ou des Affaires européennes (dont Nathalie Loiseau, Sophie Wilmès, etc.).

    Signalons par ailleurs que la Française Christine Lagarde reste présidente de la Banque centrale européenne (BCE), sauf si elle est nommée à Matignon, bien sûr, puisqu'elle fait partie des premiers-ministrables français depuis très longtemps (depuis 2010), et que par les hasards de l'ordre alphabétique des présidences tournantes de six mois, Viktor Orban est le Président du Conseil de l'Union du 1er juillet 2024 au 1er janvier 2025. C'est pourtant sans mandat européen et avec un profond agacement de ses partenaires européens qu'il s'est rendu à Kiev rencontrer Volodymyr Zelenski, à Moscou rencontrer Vladimir Poutine, à Pékin rencontrer Xi Jinping et aux États-Unis rencontrer Donald Trump dont il est un fervent soutien.

    Dans le calendrier européen, il faut donc se rappeler que la session constitutive de la dixième législature du Parlement Européen a lieu du 16 au 19 juillet 2024, puis les commissions parlementaires permanentes seront désignées du 22 au 25 juillet 2024. La séance plénière de rentrée aura lieu du 16 au 19 septembre 2024. De septembre à novembre 2024 auront lieu les auditions des commissaires européens désignés par les États membres avant leur entrée en fonction le 1er décentre 2024.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen.
    Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
    Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240715-europeennes.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/elections-europeennes-2024-6-le-255829

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/15/article-sr-20240715-europeennes.html