Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

liste

  • Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen

    « Je pense que, effectivement, [la reconduction d'Ursula von der Leyen] est un choix pertinent dans la mesure où on est dans un monde en plein chamboulement. Néanmoins, ce n'est pas un chèque en blanc. C'est-à-dire qu'on a des demandes qui sont fortes (…) : aucun lien de près ou de loin avec l'extrême droite, quelle qu'elle soit. (…) On exige d'Ursula von der Leyen qu'elle ne fasse aucun deal, aucune alliance politique avec eux. Qu'on soit vraiment sur une coalition, une plate-forme de soutien qui soit celle des pro-Européens (…). On lui a fixé nos priorités politiques (…) : pour nous, c'est indispensable qu'on avance sur la protection de l'État de droit, sur les enjeux de compétitivité, de réindustrialisation, de défense et de soutien à l'Ukraine, donc, on lui a demandé des engagements forts (…). Parmi les demandes qu'on lui a faites : ne pas détricoter le Pacte vert et prolonger pour accompagner socialement le Pacte vert. » (Valérie Hayer, le 15 juillet 2024).



     

     
     


    Ce mardi 16 juillet 2024, c'est l'installation des 720 nouveaux députés européens des vingt-sept États membres de l'Union Européenne élus au suffrage universel direct le 9 juin 2024. Le Parlement Européen de Strasbourg devance ainsi de deux jours l'installation de la nouvelle Assemblée Nationale à Paris. Semaine donc très chargée pour la classe politique européenne et encore plus chargée pour la classe politique française.

    Bien sûr, le premier acte de toute nouvelle assemblée, c'est d'élire son président. Pour l'Union Européenne, c'est un peu différent car il est question d'un jeu d'équilibre entre les pays et entre les mouvements politiques. Depuis plusieurs législatures, ce poste important, qui fut occupé pour la première législature par Simone Veil, fait partie des grands postes pour lesquels se met d'accord le Conseil Européen.

    Insistons sur la procédure : dans toutes les démocraties, le chef du gouvernement et ses membres sont nommés par le chef de l'État (c'est encore le cas en France quoi qu'en dise Jean-Luc Mélenchon et ses adeptes), et ceux-ci sont approuvés par les parlementaires du pays, d'une manière ou d'une autre (même en France, la motion de censure est là pour cela). Le gouvernement n'est donc pas élu, c'est-à-dire désigné par le peuple, mais émane de deux instances qui, elles, ont la légitimité populaire, le chef de l'État (c'est un peu différent pour une monarchie) et les parlementaires, tous les deux élus par le peuple.

    L'Union Européenne, c'est pareil. La Commission Européenne n'est effectivement pas élue par le peuple, mais ses membres sont désignés par les chefs d'État et de gouvernement des Vingt-Sept, puis ratifiés par les députés européens. Les chefs d'État et de gouvernement, qui constituent le Conseil Européen, ont chacun une légitimité nationale qui est propre au pays d'où il vient et propre à ses institutions nationales, et les députés européens ont été élus au suffrage universel direct, en l'occurrence ceux-ci le 9 juin 2024. En outre, la Commission n'est pas vraiment le gouvernement européen, c'est une instance exécutive qui répond aux seules consignes du Conseil Européen, l'émanation de la légitimité de chaque nation.

    On pourrait bien sûr imaginer que le Président de la Commission Européenne soit élu directement par les électeurs européens, comme ce fut le cas, pendant peu de temps, en Israël (le Premier Ministre, à un moment donné, était élu en même temps que les députés de la Knesset, et cette disposition novatrice a été supprimée assez rapidement). Mais en fait, c'est un peu le cas depuis 2014, et pour la troisième fois. En effet, chaque grand parti européen a choisi avant les élections européennes "son" (ou "ses") candidat(s) à la Présidence de la Commission. Et ensuite, c'est le jeu des rapports de force au sein du Parlement de Strasbourg.

    Certes, ce n'est pas obligatoirement le candidat choisi par le parti le plus important qui emporte la nomination, parce qu'il faut l'accord du Conseil Européen, à savoir au moins quinze pays représentant au moins 65% de la population des vingt-sept États membres. Ainsi, Jean-Claude Juncker avait été désigné à la tête de la Commission Européenne en 2014 alors qu'il avait été choisi par son parti, le Parti populaire européen (démocrates chrétiens, c'est-à-dire centre droit), et que le PPE avait gagné les élections. En 2019, en revanche, le PPE avait aussi gagné les élections européennes, mais la France (Emmanuel Macron) a mis un veto pour la désignation du candidat choisi avant les élections, l'Allemand Manfred Weber, président du groupe PPE depuis 2014 (reconduit le 19 juin 2024). Le compromis s'est alors porté sur Ursula von der Leyen, la Ministre allemande de la Défense. Comme le PPE est encore cette fois-ci gagnant, Ursula von der Leyen est bien partie pour être reconduite dans un second mandat de cinq ans (la fonction est limitée à deux mandats de cinq ans) : « Je solliciterai l’approbation du Parlement Européen après la présentation de ma feuille de route politique pour les cinq prochaines années. », a-t-elle confirmé le 27 juin 2024.

    C'est ce qui va se passer a priori. Mais revenons d'abord au Parlement Européen issu des élections du 9 juin 2024. Les deux principaux groupes politiques restent toujours les démocrates chrétiens (centre droit) du PPE avec 188 sièges sur 720, et les sociaux-démocrates (gauche gestionnaire) de S&D (socialistes et démocrates) avec 136 sièges (présidés par l'Espagnole Iratxe Garcia Pérez). Pendant longtemps, ces deux groupes politiques faisaient la loi à Strasbourg, se partageant par exemple la Présidence du Parlement Européen (chacun des deux groupes avait la Présidence pendant un demi-mandat de trente mois). Mais depuis deux législatures, ils ne sont plus assez nombreux pour constituer la majorité absolue. En 2024, ils ont, à eux deux, seulement 324 sièges, insuffisant pour atteindre la majorité absolue, à savoir 361 sièges.

    C'est pour cette raison que le groupe centriste, appelé d'abord les libéraux démocrates (sur une appellation de politique allemande), transformé en Renew (Renaissance) depuis l'élection de députés européens macronistes, joue un rôle crucial et central dans le Parlement Européen depuis 2019 : avec 77 sièges, ce groupe complète les deux précédents pour atteindre 401 sièges, soit plus de la majorité absolue. Ce groupe Renew, présidé par la Française Valérie Hayer (qui a été réélue à ce poste), a donc un rôle de pivot. Il était le troisième groupe à Strasbourg entre 2019 et 2024, mais avec la victoire de l'extrême droite et la défaite du parti macroniste, il a été relégué en cinquième position, à un siège près.

    Cela écrit, la majorité reste assez faible pour Ursula von der Leyen, d'autant plus que Renew et les sociaux-démocrates avaient fait campagne pour soutenir d'autres candidats (Renew : Sandro Gozi, et S&D : Nicolas Schmit). L'espoir du Président Emmanuel Macron, avant les élections européennes, était d'imposer Mario Draghi qui aurait été soutenu par Giorgia Meloni. Ursula von der Leyen doit faire campagne auprès des différents groupes car sa reconduction ne serait pas ratifiée par le Parlement de Strasbourg si 10% des membres de chacun des trois groupes s'abstenaient (en 2019, elle a été élue de façon serrée avec seulement 9 voix d'avance).

    Le quatrième groupe est ce qu'on appelle le parti des conservateurs et réformistes européens (CRE), qui regroupe principalement le parti de droite conservatrice italien (les Frères d'Italie) de la Présidente du Conseil italienne Giorgia Meloni. Cette dernière avait souhaité faire partie de la majorité de cette nouvelle législature afin d'avoir une influence sur les décisions européennes en échange de son soutien à la reconduction d'Ursula von der Leyen. Mais Renew a imposé de choisir entre le soutien de Renew ou l'arrangement avec CRE. Fort de 78 sièges, Giorgia Meloni a refusé l'entrée des députés européens du RN qui ne sont pas normalisés sur la scène européenne. Très étrangement, alors que ce groupe veut montrer l'esprit de responsabilité et d'ouverture, et refuse d'être assimilé à l'extrême droite, un membre de Reconquête, le parti de l'ancien candidat Éric Zemmour en était membre jusqu'en 2024. Parmi les autres partenaires du CRE, il y a le PiS, parti ultraconservateur polonais (qui vient de perdre le pouvoir à Varsovie).

    Le troisième groupe à Strasbourg, avec 84 sièges, a été constitué à Bruxelles le 8 juillet 2024, appelé les Patriotes pour l'Europe (ce qui ne veut rien dire !), émanation de l'ancien groupe Identité et démocratie (annoncé à Vienne le 30 juin 2024 par Viktor Orban), et regroupe les élus du parti du Premier Ministre hongrois Viktor Orban, de la Lega de l'Italien Matteo Salvini, du FPÖ autrichien, du PVV néerlandais de Geert Wilders, des indépendantistes flamandes Vlaams Belang, de Vox espagnol, et enfin du Rassemblement national de la Française Marine Le Pen. Ce groupe est présidé par Jordan Bardella, et, fidèle à sa réputation de paresseux, il n'était même pas présent lors de son élection. Enfin, le groupe des Verts (écologistes) réunit 53 élus et le groupe de la gauche unitaire (gauche radicalisée : communiste, insoumis, etc.), coprésidé par Manon Aubry, 46 élus.

    Un troisième groupe d'extrême droite, baptisé l'Europe des nations souveraines, s'est également créé le 10 juillet 2024 avec les députés européens allemands de l'AfD (Alternative pour l'Allemagne), qui siégeaient initialement dans le même groupe que le RN avant d'en être exclus en 2024, et l'unique élue de Reconquête (et six autres très petites formations d'extrême droite de Pologne, Lituanie, Bulgarie, Slovaquie, Tchéquie et Hongrie). Ce groupe rassemble 25 membres, dont 14 de l'AfD. Pour former un groupe, il faut 23 élus provenant de sept États différents.

    La constitution des trois groupes d'extrême droite a été longue car les députés européens français, en particulier le RN, refusaient de s'engager dans l'un ou l'autre groupe tant que les élections législatives n'étaient pas terminées. Et ils ont eu raison puisque la présence du vice-président du groupe présidé par Jordan Bardella, le général italien Roberto Vannacci (Lega), nostalgique de Mussolini et fustigeant le supposé "lobby gay", aurait un peu sali le brevet de respectabilité que le président du RN cherchait à obtenir en France.

    Ces trois groupes d'extrême droite représentent 187 sièges, soit un quart de l'hémicycle européen, à un siège du premier groupe. Mais ils sont profondément divisés, notamment sur le soutien à l'Ukraine. Ainsi, le Premier Ministre tchèque Petr Fiala, dont le parti appartient au CRE, a fustigé le 8 juillet 2024 les Patriotes pour l'Europe : « Appelons un chat un chat. Les Patriotes servent les intérêts de la Russie. Soit consciemment, soit inconsciemment. Et ils menacent ainsi la sécurité et la liberté en Europe. ».

    Maintenant que les différentes forces politiques en présence ont été présentées, revenons à Ursula von der Leyen. Conformément au Traité de Lisbonne qui introduit beaucoup plus de démocratie parlementaire qu'auparavant, chaque membre de la Commission Européenne doit être ratifié par les députés européens. Cela ne se fera pas en même temps car il faut attendre les différentes désignations des États membres. En effet, à part deux ou trois postes, chaque pays a droit à un membre de la Commission Européenne, qu'il doit désigner, et à charge au Président de la Commission de lui donner des attributions pour en faire un ensemble cohérent. Il est évident que la désignation d'un commissaire pourrait être ratifiée pour une attribution donnée et refusée pour une autre, considérant qu'il n'aurait pas la compétence suffisante. En 2019, la candidature de l'ancienne Ministre des Armées Sylvie Goulard, pressentie par la France pour siéger à la Commission Européenne, a été rejetée par le Parlement Européen en raison d'une affaire judiciaire en cours. La Commission Européenne doit prendre ses fonctions le 1er décembre 2024, ce qui laisse un peu de temps en cas de rejet éventuel de certaines candidatures.

    En revanche, la reconduction d'Ursula von der Leyen à la Présidence de la Commission sera mise aux voix au Parlement Européen dès jeudi 18 juillet 2024. Si elle est confirmée, elle pourra ainsi commencer à structurer son équipe avec les personnes proposées par chaque État membre.


    Le Conseil Européen n'a pas pu se mettre d'accord à Bruxelles le 17 juin 2024 et a réussi à trouver un accord à Bruxelles aussi le 27 juin 2024. Ce sommet a été marqué par une perte d'influence de deux poids lourds de l'Europe, en raison de leurs échecs électoraux respectifs, Emmanuel Macron et Olaf Scholz. Emmanuel Macron avait eu beaucoup d'influence au Conseil Européen du 2 juillet 2019, lors du casting de la précédente mandature.

    Que contient l'accord du 27 juin 2024 ? Une juste répartition des rôles entre les trois groupes formant la majorité. L'Allemande Ursula von des Leyen, pour le PPE, à la Présidence de la Commission ; le Portugais Antonio Costa (63 ans dans deux jours), pour S&D, à la Présidence du Conseil Européen (succédant à Charles Michel), c'est l'équivalent d'un grand modérateur de l'Union Européenne (ce serait l'équivalent d'un chef d'État inaugurant les chrysanthèmes) ; enfin, autre poste crucial, celui de José Borrell, actuel Haut représentant de l'Union Européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Un compromis s'est dégagé pour y désigner la très charismatique Première Ministre d'Estonie (depuis le 26 janvier 2021) Kaja Kallas (47 ans), pour le groupe Renew (elle vient de remettre la démission de son gouvernement le 15 juillet 2024). C'est la première fois qu'un si petit pays et qu'un pays de l'Est obtient une si grande responsabilité dans les institutions de l'Union Européenne, et il faut aussi noter qu'elle est considérée comme une ennemie de la Russie par Vladimir Poutine. Autre poste d'envergure, la Présidence du Parlement Européen, et la Maltaise Roberta Metsola devrait être reconduite ce mardi 16 juillet 2024 pour un demi-mandat supplémentaire de deux ans et demi.

    Si Ursula von der Leyen et Kaja Kallas doivent attendre la validation par le Parlement Européen de leur désignation, ce n'est pas le cas d'Antonio Costa qui ne dépend que du Conseil Européen (puisqu'il va le présider pendant cinq ans, et pas seulement deux ans et demi). Antonio Costa était le Premier Ministre du Portugal depuis le 26 novembre 2015 et il a dû démissionner le 2 avril 2024 en raison d'une affaire de corruption qui a été finalement peu étayée.

    Au Conseil Européen du 27 juin 2024, mécontente d'avoir été écartée des négociations, Giorgia Meloni s'est abstenue pour le choix d'Ursula von der Leyen et a voté contre Antonio Costa et contre Kaja Kallas. Giorgia Meloni a revendiqué un portefeuille important pour l'Italie dans la prochaine Commission, par exemple l'Économie, avec une Vice-Présidence exécutive de la Commission. Pour Valérie Hayer, c'est clair le 8 juillet 2024 qu'il ne faut laisser aucune responsabilité au sein du Parlement Européen à l'extrême droite : « Notre ligne est extrêmement claire, on ne négocie pas avec l'extrême droite. ».

    Parmi les 720 députés européens élus le 9 juin 2024, on peut citer qu'il y a onze anciens Premiers Ministres (en particulier Elio Di Rupo, Sophie Wilmès, Valdis Dombrovskis, etc.), six anciens présidents d'assemblée nationale de leur État, six membres de la Commission Européenne, anciens ou en exercice, et dix anciens ministres des Affaires étrangères ou des Affaires européennes (dont Nathalie Loiseau, Sophie Wilmès, etc.).

    Signalons par ailleurs que la Française Christine Lagarde reste présidente de la Banque centrale européenne (BCE), sauf si elle est nommée à Matignon, bien sûr, puisqu'elle fait partie des premiers-ministrables français depuis très longtemps (depuis 2010), et que par les hasards de l'ordre alphabétique des présidences tournantes de six mois, Viktor Orban est le Président du Conseil de l'Union du 1er juillet 2024 au 1er janvier 2025. C'est pourtant sans mandat européen et avec un profond agacement de ses partenaires européens qu'il s'est rendu à Kiev rencontrer Volodymyr Zelenski, à Moscou rencontrer Vladimir Poutine, à Pékin rencontrer Xi Jinping et aux États-Unis rencontrer Donald Trump dont il est un fervent soutien.

    Dans le calendrier européen, il faut donc se rappeler que la session constitutive de la dixième législature du Parlement Européen a lieu du 16 au 19 juillet 2024, puis les commissions parlementaires permanentes seront désignées du 22 au 25 juillet 2024. La séance plénière de rentrée aura lieu du 16 au 19 septembre 2024. De septembre à novembre 2024 auront lieu les auditions des commissaires européens désignés par les États membres avant leur entrée en fonction le 1er décentre 2024.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen.
    Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
    Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240715-europeennes.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/elections-europeennes-2024-6-le-255829

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/15/article-sr-20240715-europeennes.html



     

  • Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !

    « Alors que nous faisons face à de nombreux défis semblables aujourd'hui, inspirons-nous [des] convictions [de Jacques Delors]. (…) Quelles que soient nos difficultés, aussi insurmontables puissent-elles paraître, nous devons toujours garder à l'esprit son conseil aux générations futures : "La Grande Europe a son avenir devant elle. N'ayez pas peur, nous y arriverons". » (Ursula von der Leyen, le 31 janvier 2024).



     

     
     


    La dissolution de l'Assemblée Nationale en France et la préparation des élections législatives éclair (dépôt des candidatures le dimanche 16 juin 2024 à 18 heures) ont un peu éclipsé l'événement politique (initial) de ce mois de juin, à savoir les élections européennes, et en particulier, la configuration du nouveau Parlement Européen issue des urnes européennes le 9 juin 2024.

    Or, pendant des mois, les commentateurs européens n'ont cessé d'envisager une prise de contrôle de cette noble (et récente) institution par les groupes d'extrême droite ou de droite musclée.


    La réalité, c'est qu'effectivement, il y a eu un léger déplacement du paysage politique européen vers la droite, mais à peine et cela ne fera pas changer les grands équilibres. Rappelons que pendant très longtemps, deux grands groupes faisaient la météo à Strasbourg, le PPE (Parti populaire européen) auquel est rattaché LR, le centre droit, et S&D (les sociaux-démocrates) auquel est rattaché le PS en France. Mais dans la dernière configuration (en 2019), les deux groupes n'avaient pas la majorité absolue et le jeu à deux est devenu un jeu à trois, en incluant le groupe centriste, anciennement appelé ALDE (libéraux démocrates) et rebaptisé par Emmanuel Macron le groupe Renew (ou Renaissance), troisième groupe en importance numérique.

    Les électeurs français ont plus voté que dans la moyenne européenne, 51,5% au lieu de 51,1%. Mais certains pays font de très fortes participation (comme la Belgique avec 89,8%) mais de manière assez artificielle puisque le vote est obligatoire. Ce qui peut être comparable est la participation en Allemagne (64,8%) et en Italie (48,3%).

     

     
     


    À l'issue de ces élections du 9 juin 2024, cette configuration est restée la même dans les grandes lignes. Le PPE, premier groupe du Parlement Européen depuis des décennies, a obtenu 190 sièges sur 720 (+3), les sociaux-démocrates 136 sièges (-12), Renew Europe (centristes) 80 sièges (-17), les conservateurs et réformistes européens (CRE) 76 sièges (+14), Identité et Démocratie (ID) 58 sièges (-18), les Verts 52 sièges (-15), la Gauche (extrême gauche) 39 sièges (-1). Ces résultats, il faut évidemment les commenter.

    Les deux groupes d'extrême droite sont CRE et ID. CRE a gagné beaucoup de sièges car c'est le groupe de la Présidente du Conseil italienne Giorgia Meloni qui a gagné les élections en Italie, et qui a beaucoup travaillé pour se "dédiaboliser", refusant d'accueillir le RN. ID est le groupe de la Ligue (Lega) de Matteo Salvini et du RN qui, paradoxalement, malgré les bons résultats de la France (30 députés RN entrent au Parlement Européen, ce qui en fait la plus grosse délégation nationale, devant celle de la CDU), a perdu des sièges à cause de l'exclusion de l'AfD (son leader ayant déclaré que les SS n'étaient pas forcément des criminels !). Il faut aussi considérer les non-inscrits (45 députés, soit 17 de plus) et les "autres" (?), ceux qui ne sont ni non-inscrits ni inscrits à un groupe politique déjà existant, au nombre de 44 (soit +44), dont les élus de l'AfD. Ces derniers vont probablement soit créer un nouveau groupe soit s'intégrer dans d'autres groupes, d'ici à l'installation du nouveau Parlement Européen le 16 juillet 2024. Pour rappel, les députés européens peuvent créer un groupe politique s'ils sont au moins 23 issus d'au moins 7 États membres.
     

     
     


    Mais il n'y aura pas de suspense dramatique pour cette nouvelle législature. En effet, avant le scrutin, on savait que Giorgia Meloni tentait de quémander le soutien de son groupe CRE à la reconduction de l'actuelle Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen, en contre-partie de mesures contre l'immigration. Mais cette dernière n'aura pas besoin des voix de l'extrême droite car l'ensemble PPE, S&D et Renew a gardé sa majorité absolue dans l'hémicycle de Strasbourg avec 406 sièges sur 720, soit plus de 56% des sièges du Parlement Européen (la majorité absolue est à 361).

    Car l'un des enjeux importants de ces élections européennes, qui est passé largement au-dessus des têtes en France (entre autres), c'est le choix (démocratique !) du futur Président de la Commission Européen. Je rappelle comment il est désigné : il est choisi par le Conseil Européen, c'est-à-dire les chefs d'État et de gouvernement des vingt-sept États membres, tous légitimes et choisis démocratiquement dans leur pays (il faut le rappeler une fois pour toutes !), parmi le groupe qui est le plus nombreux (donc ici le PPE), et le choix de cette personnalité doit être ratifié par une majorité au Parlement Européen (du reste, les autres commissaires européens aussi).

     

     
     


    Au cours de la campagne des européennes, il y a donc eu des candidats à cette fonction (on les appelle en allemand : "Spitzenkandidaten"), en particulier les deux principaux : la sortante Ursula von der Leyen pour le PPE (choisie par le PPE le 7 mars 2024 à son congrès à Bucarest par 400 voix sur 7437 contre 89 voix, notamment celles des Français et des Slovènes), et le Luxembourgeois Nicolas Schmit, commissaire européen sortant, pour S&D (choisi le 2 mars 2024).

    Pour le groupe Renew, c'est un peu plus compliqué car il y a deux candidats : celui des libéraux démocrates de l'ALDE est l'Allemande Marie-Agnes Strack-Zimmermann désignée le 20 mars 2024 (pressentis, Kaja Kallas, la Première Ministre estonienne, puis Xavier Bettel, l'ancien Premier Ministre luxembourgeois, ont refusé de l'être) et celui du PDE (Parti démocrate européen) dont fait partie le MoDem par exemple, l'Italien Sandro Gozi (élu sur la liste de Valérie Hayer en France), désigné le 8 mars 2024 à Florence.

    Les deux groupes d'extrême droite CRE et ID n'ont pas désigné de candidat, ce qui est logique puisqu'ils sont contre le principe de l'Union Européenne (rappelons-le). Les Verts ont désigné quatre candidats, ce qui est assez confus (il y a deux partis et chacun a désigné un homme et une femme). Le parti La Gauche (extrême gauche) a désigné le communiste autrichien Walter Baier le 25 février 2024 à Ljubljana (en Slovénie).

     

     
     


    Pendant la campagne, il y a eu au moins trois débats organisés avec ces candidats à la Présidence de la Commission Européenne, tous en anglais (avec traduction), dont le dernier au moins a été retransmis en direct sur la chaîne franceinfo (canal 27) le 23 mai 2024 dans l'après-midi. Je ne la connais pas mais j'imagine que son audience fut lilliputienne ! Avant le scrutin, on envisageait aussi une candidature de compromis (avec les groupes d'extrême droite) avec Mario Draghi, ancien Président du Conseil italien et ancien président de la BCE, qui aujourd'hui conseille Giorgia Meloni pour ne pas perdre les subventions européennes.

    Sauf coup de théâtre, la reconduction d'Ursula von der Leyen paraît donc très probable, vu les résultats de ces élections européennes. Le vent de l'extrême droite n'a finalement pas soufflé très fort en Europe, contrairement à ce que l'on craignait, sauf évidemment en France mais celui-ci n'a pas pu être vraiment ressenti puisqu'il a été "soufflé" par un vent encore plus fort (un vent de tempête ?) nommé... dissolution !

    Deux ou trois autres personnalités devront être par ailleurs nommés dans les institutions européennes d'ici à juillet 2024 par le Conseil Européen : le Président du Conseil Européen (actuellement Charles Michel qui, a priori, ne sera pas reconduit car c'était son second mandat de deux ans et demi), le Président du Parlement Européen (actuellement la conservatrice maltaise Roberta Metsola) et le président de la Banque centrale européenne (BCE), actuellement Christine Lagarde. Et il y a aussi, en tant que Vice-Président de la Commission, le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, actuellement le socialiste espagnol Josep Borrell (77 ans), sûrement pas reconduit en raison de son âge. Inutile de dire que tous les pays européens vont négocier ferme leur bout de gras jusqu'au bout... mais peut-être pas la France occupée à des élections législatives anticipées d'une importance déterminante.



    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (15 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
    Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240615-europeennes.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/elections-europeennes-2024-5-la-255227

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/11/article-sr-20240615-europeennes.html



     

  • Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !

    « Oui, 2024 sera vous l’avez compris un millésime français. Parce que c’est une fois par décennie que l’on commémore avec cette ampleur notre Libération. C’est une fois par siècle que l’on accueille les Jeux Olympiques et Paralympiques. Et c’est une fois par millénaire que l’on rebâtit une cathédrale. C’est une fois par génération que le destin de la suivante se joue comme sans doute il se joue maintenant. (…) Oui, cette année, beaucoup de notre avenir se détermine. Alors, à nous de faire ensemble. À nous de choisir plutôt que de subir, à nous de tracer la route plutôt que de suivre. » (Emmanuel Macron, allocution télévisée du 31 décembre 2023).




     

     
     


    Je reviens sur les résultats des élections européennes de ce dimanche 9 juin 2024 en France (j'évoquerai le reste de l'Union Européenne dans un article ultérieur). Il est des moments de l'histoire qui s'accélèrent à vitesse folle, et c'est le cas de ces semaines actuelles. Je me dépêche donc d'évoquer ces élections européennes qu'on a complètement oubliées en France après l'allocution présidentielle (il y a de quoi s'étonner qu'un Président aussi pro-européen efface aussi vite l'écho médiatique des européennes pour plonger la France dans la politique politicienne pendant un mois).

    Les résultats officiels (mais non définitifs) peuvent être lus à ce lien. Le premier enseignement est que, pour des élections européennes, la participation est à la hausse (légère hausse) par rapport à mai 2019, elles mêmes en hausse par rapport à 2014. C'est clair que lorsqu'il y a un enjeu, il y a une mobilisation. Néanmoins, avec 51,5% des inscrits, elle reste encore très faible et insuffisante : un électeur sur deux n'a pas pris part au vote. Dans le bureau de vote que je tenais, il y avait parfois la queue (une dizaine de personnes), mais aussi des moments de solitude (pas seul, je rassure, une urne ne doit jamais être sans la surveillance d'au moins deux personnes).

    Le dépouillement aurait pu être rapide mais avec le nombre de listes très élevé (trente-huit) et leur dénomination qui souvent ne fait intervenir ni le nom de la tête de liste ni le numéro d'ordre, c'est parfois difficile de ne pas se tromper de case. Ainsi, à une table de dépouillement, le bulletin de l'écologiste Jean-Marc Governatori a été confondu avec celui de l'écologiste Marie Toussaint. Combien d'électeurs ont-il peu se perdre dans la confusion ? Je l'ignore, mais c'est en tout cas astucieux de la part de Jean-Marc Governatori qui avait été candidat à la primaire des écologistes en 2021.

    Passons aux résultats en eux-mêmes et à leurs enseignements. Il n'y a pas eu de surprise puisque, pour les grandes listes, cela correspond à peu près aux derniers sondages, avec un resserrement entre Valérie Hayer et Raphaël Glucksmann, mais les courbes sans se croiser, une remontée de Manon Aubry et deux listes qui ont failli passer sous la barre de 5%.

    Il faut donc dire ce qui est, le défaite annoncée est bien là : pour la liste conduite par Valérie Hayer pour le compte de la majorité présidentielle, que j'ai soutenue, c'est une énorme défaite avec seulement 14,6% des voix, elle fait nettement moins que la liste macroniste de 2019 et ne fait rentrer au Parlement de Strasbourg que 13 élus, ce qui est faible pour peser sur un groupe, toujours le troisième, Renew, qui devrait peser 79 sièges sur 720. L'honneur est sauf de devancer la liste socialiste, mais il n'y a pas de quoi être fier avec seulement moins de 200 000 voix d'avance (0,8%). Selon certaines sources, l'Élysée était persuadé, même à la fin de la campagne, que Valérie Hayer remonterait à 20% des voix.

    Inversement, la liste de Jordan Bardella a obtenu une très belle victoire avec 31,4% des voix et 30 sièges. D'un point de vue historique, c'est le deuxième meilleur score pour des élections européennes depuis 1979, le premier étant les 43,0% de la liste menée par Simone Veil en juin 1984. Localement, c'est aussi la Bérézina partout : plus de 97% des communes de France ont placé la liste RN en première position, et à l'exception de deux départements, quasiment tous les départements, et toutes les régions ont placé la liste RN en première position. C'est donc un mouvement de fond et général sur tout le territoire. Se placer systématiquement en première position partout, cela signifie que dans quasiment toutes les 577 circonscriptions, le RN est assuré d'être présent au second tour si son candidat n'est pas élu dès le premier tour. C'est donc impressionnant et très rare dans l'histoire électorale de la France.

    Mettons cependant un petit bémol dans cette victoire du RN. Incontestablement, c'est la plus belle de ce parti depuis cinquante-deux ans, c'est vrai, et à ce titre, elle restera dans les livres d'histoire. Mais tentons de relativiser pour se donner la perspective des élections législatives anticipées qui arrivent. Il est parfois très instructif de prendre les résultats brut, c'est-à-dire, le nombre de voix, c'est-à-dire, derrière les chiffres, les personnes. Jordan Bardella a rassemblé près de 7,8 millions de voix, c'est beaucoup, mais un peu moins que Marine Le Pen au premier tour de l'élection présidentielle d'avril 2022 : 8,1 millions de voix. Comme il y a moins de participation, les pourcentages sont très différents entre 2024 et 2022, mais on peut imaginer que le RN a réussi à mobiliser quasiment tous ses primoélecteurs de 2022 (et cela, c'est un bel exploit). Inversement, Valérie Hayer n'a recueilli que 3,6 millions d'électeurs, tandis que candidat Emmanuel Macron avait obtenu au premier tour de l'élection présidentielle d'avril 2022 près de 9,8 millions d'électeurs. Où sont donc passés les 6,2 millions d'électeurs qui ont manqué à la liste de la majorité présidentielle ? J'insiste : c'était au premier tour (pas second), et Emmanuel Macron avait déjà exercé son premier mandat (ils le connaissaient donc). Certains de ses primoélecteurs de 2022 ont pu être déçus, évidemment, et l'abandonner en cours de route, mais les deux principales réformes clivantes qui ont été adoptées en deux ans, réforme des retraites et loi Immigration, avaient été annoncées pendant la campagne présidentielle, il n'a pas eu de surprise à ce sujet. Valérie Hayer n'a donc su mobiliser qu'un tiers de l'électorat macroniste. Elle est là, la réserve de voix de la Macronie pour les élections législatives anticipées. L'enjeu pour la majorité présidentielle, c'est de mobiliser son propre électorat !

    La bonne performance de la liste de Raphaël Glucksmann (13,8% des voix et 13 sièges aussi, François Kalfon élu in extremis) n'a rien à voir avec le PS, très peu visible et audible dans cette campagne. Son éloignement du PS dès ce lundi 10 juin 2024, puisqu'il refuse absolument toute alliance avec FI, montre que ses électeurs se sont fait duper : voter pour Raphaël Gluckmann était voter pour Jean-Luc Mélenchon, même s'il refusait de le reconnaître (et malgré lui !). En clair, la majorité présidentielle peut avoir une réserve de voix dans l'électorat de Raphaël Glucksmann (pas la totalité mais une bonne partie). La rapidité à se mettre ensemble des partis de la Nupes, même le PCF, montre qu'ils restent les mêmes, sous allégeance des insoumis qui, par ailleurs, ont fait plutôt bonne performance en frôlant les 10% (9,9% des voix et 9 sièges).

    La liste LR, si elle fait mieux que Valérie Pécresse en 2022, reste à plafonner comme en 2019, avec 7,3% des voix, soit 6 sièges, empêchant la réélection de Brice Hortefeux (pas celle de Nadine Morano qui a failli y passer). Cela confirme une nouvelle fois, depuis 2019, que le parti Les Républicains est devenu une petite formation politique, avec ce grand écart entre la tentation Le Pen et la tentation Macron (la campagne des législatives risque d'y apporter un point final).

    Les deux dernières "grandes" listes ont failli n'avoir aucun siège. Les écologistes de Marie Toussaint n'ont obtenu que 5,5% des voix (5 sièges), soit moins de la moitié de la liste de Yannick Jadot en 2019. Il est clair que les électeurs ont exprimé un ras-le-bol des contraintes voulues par la transition écologique, dont a été aussi victime la liste de la majorité présidentielle. En revanche, nouvelle formation dans le paysage politique, Reconquête, le parti d'Éric Zemmour, s'y ancre avec 5,5% aussi (moins de 9 000 voix d'écart avec les écologistes), envoyant cinq élus à Strasbourg : Marion Maréchal, Guillaume Peltier, tous les deux anciens députés, Sarah Knafo, très proche d'Éric Zemmour, Nicolas Bay, député européen sortant ex-RN, ainsi que Laurence Trochu, président ex-LR de Sens commun. En comptant cette liste, le niveau électoral de l'extrême droite est donc très élevé en France puisqu'il correspond à environ 37% de l'électorat. C'est énorme !

     

     
     


    Passons aux "petites" listes. Celle de Léon Deffontaines, du PCF, bénéficiant pourtant des plateaux de télévision comme les "grandes", n'a pas réussi à gagner de siège (le député européen sortant Emmanuel Maurel est donc battu). C'était sans surprise, et son score de 2,4% correspond aussi aux estimations des sondages. De tous les candidats qui n'ont pas bénéficié de cette devanture médiatique, la liste de Jean Lassalle est la première, avec 2,4% aussi, elle ne fait que 1 000 électeurs de moins que les communistes et pourtant, elle a été complètement négligée par le paysage audiovisuel français. C'était pourtant prévisible, en 2022, Jean Lassalle avait récolté sur son nom 3% des voix.

    Ensuite, arrive Hélène Thouy, du Parti animaliste, qui, comme en 2019, sans beaucoup de publicité, a fait encore une bonne performance, 2,0% des voix (près de 500 000 voix), ce qui n'est pas rien. En 2019, elle s'affichait avec un chien. L'affiche avait alors été décisive pour des électeurs hésitant encore devant leur bureau de vote avant d'aller voter. Cette année, l'affiche est encore plus attractive puisqu'il s'agit d'un chat sur une épaule humaine, et aujourd'hui en France, il y a plus de possesseurs de chats que de chiens.


    La onzième liste (sur trente-huit) est celle de l'écologiste centriste Jean-Marc Governatori, avec 1,3% des voix, la bouille plutôt sympa et bénéficiant peut-être d'une proximité graphique du bulletin de la liste EELV. Les deux suivants sont les frères ennemis du Frexit qui, décidément, n'est pas voulu par les Français (tant mieux !), avec l'ennuyeux François Asselineau 1,02% des voix et l'excité Florian Philippot 0,93%, seulement 23 000 voix les séparent.

    Je termine avec trois listes encore : celle de Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) qui a fait 0,5% des voix (on est loin de hauts scores d'Arlette Laguiller en juin 1999 : 5,2% des voix !), et deux listes écologistes périphériques, celle de Yann Wehrling (ex-EELV, ex-MoDem) à 0,4%, et Équinoxe de la souriante Marine Cholley à 0,3%. Je renonce à évoquer les 22 autres listes qui ont rassemblé chacune moins de 65 000 électeurs et moins de 0,26% des voix, sinon pour évoquer le sort du député européen sortant Pierre Larrouturou, élu sur la liste socialiste en 2019 et tête de liste de son nanoparti Nouvelle donne, qui n'a fait que 0,05% des voix (on est à la deuxième décimale, en général, je l'évite !) et 13 068 électeurs (à confirmer avec les résultats définitifs). Les élections sont souvent rudes pour l'ego des candidats. Et évoquer aussi le sort de la liste commune de Francis Lalanne et Dieudonné : 5 474 voix (sous réserve des résultats définitifs), soit 0,02% (ayé, on a levé l'hypothèque Lalanne !!).


    Ah si, j'en évoque pour l'anecdote une dernière, la toute dernière liste du tableau, c'est la liste Démocratie représentative menée par le militant communautariste Hadama Traoré, et il a rassemblé officiellement (sous réserve des résultats définitifs) ...749 voix ! (même pas 8 voix par département !), soit 0,003% (on est à la troisième décimale !).

    Je proposerai un article sur ce que cela va signifier sur le plan européen (où, finalement, il y aura peu de changements dans l'ensemble), mais la signification politique franco-française, elle est déjà largement dépassée avec la décision du Président de la République qui a immédiatement fait table rase.

    Emmanuel Macron aurait pu tendre le dos et attendre que cela se passe. Par exemple, l'échec de la majorité est moins cuisant que celui de François Hollande et Manuel Valls en mai 2014 (mais ce n'est pas un modèle), où les listes PS (de la majorité présidentielle) n'avait fait que 13,98% des voix face aux listes du RN 25,0% et celles de l'UMP 20,8%. Si la liste Hayer a fait moins de la moitié de la seule liste au-dessus d'elle, ce n'est pas un tiers ni placée en troisième position. La venue des Jeux olympiques et paralympiques auraient rapidement fait oublier la cuisante défaite, et la rentrée 2024 aurait été dans un autre contexte. Mais le Président de la République a préféré un coup de poker en usant de son outil de la dissolution. On verra donc ce qui surnagera dans quelques semaines, mais ça promet quelques remous et des lignes qui bougent voire des partis qui explosent en plein vol (à suivre !).


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (10 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
    Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     
     
     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240609-europeennes.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/elections-europeennes-2024-4-la-255131

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/10/article-sr-20240609-europeennes.html




     

  • Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?

    « Il est donc certain que le Parlement européen n’est pas une institution de la République et qu’il ne participe pas de l’expression de la souveraineté nationale. Pour autant, son élection est déterminante pour les institutions républicaines, le peuple français ayant bien l’intention d’y faire entendre sa voix souveraine. » (Jean-Philippe Derosier, le 3 juin 2024 dans "Le Nouvel Obs").




     

     
     


    Le dernier débat télévisé de la campagne des élections européennes a eu lieu le soir du mardi 4 juin 2024, animé en direct sur France 2 par Caroline Roux. Un double débat puisque, pour faire bonne mesure, France 2 a organisé à la suite de ce débat un autre débat mêlant huit autres têtes de liste (mais quid des vingt-deux autres, alors ?) en invitant les "petits candidats" avec Nathalie Arthaud (LO), Hélène Thouy (Parti animaliste), Jean-Marc Governatori (écologie centriste), Guillaume Lacroix (radical de gauche), Jean Lassalle (Alliance rurale), Florian Philippot (extrême droite), Pierre Larrouturou (Nouvelle donne) et François Asselineau (extrême droite).

    Jean Lassalle, passablement de mauvaise humeur de passer à minuit quand les téléspectateurs ont déjà déserté leur écran, a maugréé avec sa voix rocailleuse, proposant comme « une mesure pour faire changer la vie quotidienne des gens » de condamner les instituts de sondage (et la journaliste qui animait par la même occasion !) en rappelant qu'il avait fait en 2022 le double de voix du parti socialiste (ce qui est à peu près vrai) et qu'il n'y avait pas de raison d'être considéré comme un petit candidat. Il est vrai que ces huit outsiders paraissaient un peu une équipe de bras cassés, où profond ennui (bis), simplisme à outrance, difficulté à s'exprimer (bis), fantaisie joyeuse, obsession complotiste, extrémisme revendicatif étaient monnaies courantes (saurez-vous associer chacun de ces traits à une tête de liste ?). Et pourquoi d'autres candidats n'ont-ils pas été invités, comme Yann Wehrling, Marine Cholley, Francis Lalanne ou encore Caroline Zorn (du Parti pirate) ?

    Le premier débat faisait intervenir les huit têtes de liste habituelles de cette campagne, à savoir : Jordan Bardella (RN), Valérie Hayer (Renaissance), Raphaël Glucksmann (PS), François-Xavier Bellamy (LR), Manon Aubry (FI), Marion Maréchal (Reconquête), Marie Toussaint (EELV) et Léon Deffontaines (PCF). À cette occasion, le téléspectateur a été content d'entendre des échanges francs et directs, au prix de bousculer la règle de l'égalité des temps de parole, rendant le dernier débat plus vivant et plus théâtral, même si, globalement, cela n'aura pas fait changer les lignes.

    Je note cependant deux grossières erreurs (au moins) plus ou moins voulues qui n'ont pas été corrigées par la modératrice. Sur l'énergie, Jordan Bardella a prétendu que la France produisait de l'énergie nucléaire depuis De Gaulle, ce qui est bien évidemment faux, le programme nucléaire civil a démarré en 1973 et c'est sous Valéry Giscard d'Estaing que les premières centrales nucléaires ont fonctionné. En revanche, comme De Gaulle avait voulu l'indépendance pour l'énergie, la France s'est dotée de plusieurs raffineries qui permettaient de produire les carburants directement en France, ce qui assurait une certaine indépendance (pas totale puisqu'il fallait quand même importer le pétrole d'origine).

     

     
     


    L'autre erreur grossière et volontaire, c'est François-Xavier Bellamy qui n'a cessé de la répéter durant l'émission en disant que le groupe PPE (dans lequel LR siège) allait devenir le premier groupe du Parlement Européen en 2024, ce qui est complètement faux : le PPE est le premier groupe depuis 1999 ! et toutes les majorités (sur les votes) ont pour noyau dur le PPE, alors que la tête de liste LR laissait entendre que jusqu'à maintenant, les décisions du Parlement Européen étaient prises avec une majorité de gauche (sociaux-démocrates, macronistes et extrême gauche), ce qui est complètement faux, la preuve, c'est que la Présidente de la Commission Européenne est Ursula von der Leyen qui émane précisément du PPE.

    Quant à Valérie Hayer, il faut noter son annonce intéressante selon laquelle la Commission Européenne allait verser à la France, dès le lendemain 5 juin 2024, une somme de 7,5 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance de 2020, qui servira notamment à la rénovation de 500 petites lignes ferroviaires et à multiplier les bornes électriques partout dans le territoire, histoire de montrer que l'Europe, c'est aussi l'investissement dans des projets concrets dans l'intérêt des Français.

     
     


    La campagne de la liste FI menée principalement par Jean-Luc Mélenchon et la candidate Rima Hassan s'est basés presque exclusivement sur des positions pro-palestiniennes et anti-israéliennes, et cela semble avoir aidé la liste de Manon Aubry à surnager au-dessus du seuil de 5% des intentions de vote (la liste aurait récupéré une grande partie du "vote des banlieues"). Ce qu'en dit l'humoriste Sophie Aram dans sa chronique publiée le 2 juin 2024 dans "Le Parisien" résume assez bien la situation : « Jusqu'au bout de l'ignoble. Nul doute que cette poignée d'élus insoumis continuera certainement d'alimenter la haine jusqu'au 9 juin, date à laquelle la liste du Rassemblement national menée par "Jordan TikTok Barre de lol" devrait atteindre des sommets dont aucun Le Pen n'avait osé rêver. Puisque, visiblement, dans le chaos dans lequel l'extrême gauche plonge le débat public, une majorité d'électeurs semblent préférer un ectoplasme gominé vendu à Poutine à toute autre proposition politique. On peut le regretter mais vu la concomitance du vacarme de la fanfare insoumise et de la progression sondagière d'un invertébré en costume cravate, on ne peut ignorer cette hypothèse. (…) Jamais la cause palestinienne n'aura donc été à ce point détournée par des islamistes, en Palestine, et utilisée par des militants d'extrême gauche, en Occident, pour alimenter leurs propres intérêts (…). Le plus surprenant pour moi étant de constater que cela ne les empêche visiblement pas de danser, de danser sur le chaos. ».
     

     
     


    Par ailleurs, à deux reprises, cette semaine (le 4 juin 2024) et la semaine dernière (le 28 mai 2024), un député FI a brandi le drapeau palestinien dans l'hémicycle, perturbant durablement deux séances de questions au gouvernement. Contrairement à ce que Raphaël Glucksmann laisse entendre, à savoir que le PS ne serait plus l'allié de FI, la solidarité dans la Nupes existe toujours à plein puisque le PS a soutenu les insoumis dans ces troubles parlementaires au nom de la reconnaissance d'un État palestinien, et le soutien du PS le 3 juin 2024 à la motion de censure déposée par les insoumis prouve bien que le PS reste complètement dépendant de Jean-Luc Mélenchon. Raphaël Glucksmann ne cesse de se référer à l'héritage de Jacques Delors, mais c'est abuser de sa mémoire car jamais Jacques Delors n'aurait accepté une telle compromission avec les idées de Jean-Luc Mélenchon pour un plat de lentilles.

    De son côté, Jordan Bardella n'a aucun respect ni pour les Français et ses lois, ni pour le directeur général de la gendarmerie nationale qui a signalé une affiche absolument abjecte du RN : « Je suis gendarme, je vote Bardella ». Pour se rendre compte de l'ineptie, prenez votre profession et imaginez une affiche qui vous associerait à un vote donné : « Je suis xxx (mettez votre profession) et je vote machin ». Sur le principe générique et généraliste, c'est déjà stupide et démagogique, mais concernant les forces de l'ordre, c'est abject puisqu'elles sont au service de la nation et qu'elles doivent la neutralité totale pour remplir ses missions, sinon, elles n'auraient plus d'autorité. Le pire, c'est que Jordan Bardella, 28 ans, même pas de service militaire, a donné des leçons à ce haut fonctionnaire qui a consacré toute sa carrière à la sécurité et à la protection des Français. Pour un politicard censé soutenir le parti de l'ordre, cela fait un peu trop rebelle et c'est une vraie boulette, car avec l'extrême droite, le naturel revient toujours au galop après la façade lisse d'une respectabilité creuse.

     

     
     


    Le président du RN et ses colistiers pourraient d'ailleurs être appelés des "députés européens de papier", pour reprendre une expression qui leur est commune, en ce sens qu'effectivement, ceux qui sont élus sont bien sur le papier (et sur leur compte en banque) des députés européens, mais ils ne font rien au Parlement Européen, ils ne travaillent pas activement pour l'intérêt des Français. Pour preuve, ce bilan particulièrement nul de Jordan Bardella dit Coquille creuse qui, en cinq ans de mandats, n'a pondu aucun rapport, n'a déposé que 21 amendements (4 par an !) alors que d'autres en ont déposé des milliers, il n'est intervenu que 52 fois en séance plénière (une fois toutes les cinq semaines !) et il a l'un des taux d'absentéisme record avec 70% depuis 2019. L'épouse de François Fillon a été épinglée par la justice pour n'avoir pas su démontrer qu'elle travaillait en rapport avec son salaire. Si on prenait ce principe en général, Jordan Bardella devrait être renvoyé ! Les Français veulent élire des députés européens qui fassent au moins leur boulot, pas des fainéants, ne serait-ce qu'être présents à Strasbourg ou Bruxelles.

    Chez Les Républicains, on s'inquiète d'une rumeur persistante en ce début de semaine : après le désastre électoral de la Macronie, Emmanuel Macron proposerait un gouvernement de coalition avec LR en nommant Gérard Larcher Premier Ministre. Le Président du Sénat a donc dû rapidement désamorcer la rumeur qui pourrait coûter de nombreuses voix à LR, lors de la réunion du groupe LR au Sénat le 4 juin 2024, en affirmant fermement qu'il n'était pas question qu'il accepte d'être le Premier Ministre d'Emmanuel Macron. Une dénégation qui n'aura certainement pas beaucoup d'effet sur les suspicions de ralliement à la Macronie, tant il y en a eu chez LR depuis 2017 (Jean-Paul Delevoye, Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Franck Riester, Jean Castex, Roselyne Bachelot, Damien Abad, Christophe Béchu, Catherine Vautrin, Rachida Dati, etc.).

    Une campagne sert en général à faire bouger les lignes. Or, si l'on en croit les sondages d'intentions de vote, ces lignes ont peu bougé. Certes, il y a eu des évolutions, le RN à la hausse (en un an, passage de 24 à 30%), parallèlement à une baisse pour la liste Hayer (20 à 16%) et d'une hausse de Glucksmann (8 à 13%). Mais dans l'ensemble, il n'y a pas eu de fait singulier cassant des dynamiques "entropiques naturelles" comme j'oserais (mal) écrire, c'est-à-dire que si aucun n'avait fait campagne, on pourrait se retrouver avec les mêmes résultats.

    Y aura-t-il des surprises ? C'est probable. Il y a toujours des surprises dans chaque scrutin, ce qui laisse la liberté de choix plus ouverte que les sondages ne laissent apparaître. Selon ces enquêtes, un tiers des électeurs hésitent encore, c'est beaucoup. En 2019, il y a eu au dernier moment un regain de participation. Ainsi, l'effondrement du PS et celui de LR en 2019 n'étaient pas du tout prévus quelques jours avant le scrutin, tout comme la montée de la liste écologiste. De même, la forte audience des écologistes faisant jeu égal avec le PS en 2009 n'était pas prévue.

     

     
     


    Si on prend le concept de troisième homme (que connaît bien François Bayrou), en pensant à Raphaël Glucksmann qui meurt d'envie de dépasser la liste Hayer (le croisement tant pronostiqué n'a pour l'instant jamais eu lieu), on peut aussi rappeler opportunément qu'à l'élection présidentielle de 2002, le troisième homme dans les sondages était Jean-Pierre Chevènement avec une dynamique qui l'a poussé jusqu'à 15% des intentions de vote, et finalement, il n'a eu que 5,3%, classé sixième derrière Arlette Laguiller ! Il est des dynamiques déçues (ou décevantes) et généralement, les élections sont plus un cimetière des ambitions déçues que de victoires attendues.

    L'enjeu national est évidemment dans la mise à jour des rapports de force. Si l'on en croit les sondages, l'extrême droite aurait 40% des suffrages. Les écologistes "risquent" (pour ma part, je m'en réjouirais !) de ne pas avoir d'élus (car en dessous de 5%), le PS revaudrait le double de FI (mais les socialistes ont déjà refait allégeance à Jean-Luc Mélenchon pour 2027), et LR se maintiendrait (qu'il faudra comparer avec le score de Reconquête qui ont un électorat commun).

    Bien entendu, tout le monde scrutera avec attention (et médisance pour certains) le score de la liste Hayer, qui donnera une idée de l'audience du gouvernement et de la majorité présidentielle dans le pays, et dans tous les cas, même à 20%, ce sera très faible. Mais là encore, il faut se rappeler que ce sont des élections européennes et pas des élections législatives, elles n'auront aucun impact institutionnel en principe, et ce n'est pas parce qu'un jeune écervelé propre sur lui réclamera avec fracas la dissolution qu'il faudra dissoudre. Regardons encore le passé : en juin 1984, le PS au pouvoir n'a eu que 20,8% (face aux 43,0% de l'union UDF-RPR) et si le gouvernement de Pierre Mauroy a démissionné en juillet 1984, ce n'était pas à cause des élections européennes mais de la grave crise provoquée par le projet de loi contre l'enseignement libre qui a mis 2 millions de Français dans la rue. En 1989, le gouvernement de Michel Rocard n'a pas démissionné malgré les seulement 23,6% de la liste PS (face aux 28,9% de la liste de Valéry Giscard d'Estaing), ni le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin (reconduit en mars 2004 après les régionales) n'a démissionné en juin 2004 malgré les seulement 16,6% des listes de l'UMP (face aux 28,9% des listes socialistes), ni encore le gouvernement de Manuel Valls (nommé en avril 2014) n'a démissionné en mai 2014 malgré les seulement 14,0% des listes socialistes (face aux 24,9% du FN et aux 20,8% de l'UMP).

    C'est d'ailleurs ce dernier cas (en 2014) qui serait le plus proche de celui du gouvernement de Gabriel Attal, nommé en janvier 2024 et qui n'a que quelques mois d'existence, et on n'a jamais reproché à François Hollande, pourtant beaucoup plus impopulaire à l'époque qu'Emmanuel Macron aujourd'hui, de passer par pertes et profits ces élections européennes désastreuses pour son parti. Du reste, après les élections européennes, les médias seront très occupés par les Jeux olympiques et paralympiques pendant deux mois si bien que le désastre électoral, si désastre devait avoir lieu, sera vite oublié dans la mémoire collective.

    Il faut aussi se rappeler, puisqu'on l'évoque, que le RN est en tête de toutes les listes aux élections européennes depuis 2014 : en 2014, en 2019, et probablement en 2024 vu les sondages qui lui donneraient plus de 10 points d'avoir sur les autres listes. Mais depuis dix ans, qu'a fait le FN/RN de ses victoires aux européennes ? Rien, puisque ses élus ne participent pas aux débats, ne déposent pas d'amendement, ne rédigent aucun rapport pour améliorer la situation des Français et des Européens. Pour le RN, le Parlement Européen n'est qu'une banque, une sorte de tirelire partisane d'ailleurs un peu trop utilisée puisque Marine Le Pen et ses sbires vont être en procès en septembre procès pour cette raison.

    Pour finir sur les considérations de politique intérieure franco-française, il faut aussi affirmer que l'abstention, aujourd'hui (et depuis une dizaine d'années), joue en défaveur du RN et pas en sa faveur. En effet, le RN est devenu un parti attrape-tout, le premier en France, donc le parti du système, il devient ainsi le parti référence pour beaucoup de courants de pensée. S'il y a une augmentation du désir de participation à la fin de la semaine, elle ne se fera donc pas nécessairement contre le RN malgré son déjà très haut niveau dans les sondages.

    Je veux également évoquer les considérations européennes, car après tout, les élections européennes servent d'abord à désigner un nouveau Parlement Européen. 81 députés européens français sur 720 députés européens en tout des vingt-sept États. Pour la première fois, il n'y a plus de députés européens britanniques (Brexit effectif en 2020). Il y aura manifestation un véritable vague à droite, à savoir notamment de droite extrême, à l'instar du RN en France (mais probablement de moindre ampleur dans les autres pays). On regardera avec attention la situation notamment des Pays-Bas (où un parti centriste a fait alliance avec les populistes), de la Hongrie (où un parti dissident de Viktor Orban est en train de gagner des voix), de la Belgique (qui joue aussi son avenir national avec des élections législatives), de la Slovénie (où il y a aussi des référendums) et de l'Italie. Plus l'Allemagne avec une coalition du Chancelier Olaf Scholz qui est bien chancelante.

     

     
     


    En Italie, la situation est intéressante car la Première Ministre Giorgia Meloni a pris la tête de la liste de son parti, les Frères d'Italie, qui aujourd'hui est en tête des intentions de vote dans les sondages (autour de 25%, nettement devant ses deux partenaires de coalition, la Lega et Forza Italia, tous les deux autour de 8%). Le parti de Giorgia Meloni est dans le groupe des conservateurs et des réformistes européens (CRE), groupe opposé à l'autre groupe d'extrême droite où siègent les élus RN et de l'AfD. Giorgia Meloni refuse de voir les élus RN la rejoindre car elle veut conclure un accord avec Ursula von der Leyen, lui proposant son soutien pour sa reconduction en échange de concessions par la suite sur la politique migratoire. Dans cette configuration, les écologistes européens vont perdre beaucoup de plumes, mais Renew pourrait rester le troisième groupe du Parlement Européen devant les populistes et les trois premiers groupes (avec le PPE et S&D) pourraient donc continuer à régner (dans les projections, ils totaliseraient 404 sièges sur 720). Toutefois, 75 députés européens seraient non-inscrits, ou plutôt, n'auraient pas de groupe politique identifié à ce jour et pourraient créer quelques surprises.

    En Europe, nous avons la chance de pouvoir nous exprimer par un vote libre, secret et sincère. En France, près de 50 millions d'électeurs sont convoqués, dont près de 270 000 de ressortissants d'autres pays européens habitant en France (sur une liste électorale séparée). Le scrutin sera clos en France à 20 heures ce dimanche 9 juin 2024, l'heure des victoires et des déceptions. Que le meilleur gagne !



    1. Débat du 14 mars 2024 sur Public Sénat






    2. Débat du 5 mai 2024 sur LCP et M6






    3. Débat du 27 mai 2024 sur BFMTV







    4. Débat du 30 mai 2024 sur CNews






    5. Débats du 4 juin 2024 sur France 2












    6. Débats du 5 juin 2024 sur Mediapart





     

    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (05 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240604-europeennes.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/elections-europeennes-2024-3-y-255024

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/04/article-sr-20240604-europeennes.html