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jordan bardella

  • Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups

    « On a vu une véritable machine de guerre pour détourner systématiquement le montant des enveloppes (…). Le Parlement Européen était leur vache à lait. » (Louise Neyton, procureure de la République, le 13 novembre 2024).



     

     
     


    Voilà, c'était à prévoir : la surprise vaguement feinte des journalistes et de la classe politique en général après le réquisitoire très sévère du parquet contre Marine Le Pen dans l'affaire des assistants parlementaires du FN/RN. Il faut dire que le procès a commencé le 30 septembre 2024 et que si les journalistes avaient fait correctement leur boulot, il y aurait eu chaque jour, comme dans chaque affaire judiciaire importante, et celle-ci l'est puisqu'elle concerne une personnalité politique de premier plan, des comptes rendus détaillés des audiences, le témoignage des uns, des autres, etc.

    Au lieu de cela, rien ! Le procès va se terminer dans les jours prochains, le 27 novembre 2024 (le verdict sera probablement prononcé en février ou mars 2025) sans aucune couverture médiatique, sinon ces jérémiades de l'extrême droite qui crie au viol de la démocratie ! Et pourtant, cette sévérité ne vient pas par hasard, ne vient pas de nulle part, ne vient pas du ciel, ne vient pas de la politisation des juges supposés de gauche, ne vient pas du gouvernement qui vient à peine de s'installer et qui peine déjà assez pour faire adopter le projet de loi de finances. Non, les faits sont simples très graves. Les réquisitions des procureurs ont duré plus de huit heures, c'est dire qu'il y avait matière à dire !

    Il s'agit selon le parquet d'un détournement de 4,5 millions d'euros de 2004 à 2016 (fin décembre 2016), un système mis en place par Jean-Marie Le Pen et industrialisé, optimisé par Marine Le Pen lorsqu'elle est arrivée à la présidence du FN en 2011. Il s'agissait d'occuper les assistants parlementaires rémunérés par le Parlement Européen à faire de la politique nationale au sein du parti lepéniste, à tel point qu'un certain assistant (actuellement député, ne citons pas son nom) a envoyé un email à la présidente de l'époque pour lui demander de faire le voyage à Bruxelles afin de connaître quand même le député européen supposé l'employer !

    Au contraire de François Bayrou dont la complicité n'a pas été établie et dont l'existence d'un système n'a pas été démontrée, et son affaire portait sur des montants nettement inférieurs, Marine Le Pen aurait, selon la justice, supervisé ce système de détournement d'argent public, car détourner de l'argent du Parlement Européen, c'est se moquer des contribuables français qui participent au budget européen par leur contributions nationales. Pire, ce sont ceux qui sont les plus anti-européens qui ont le mieux profité de la tirelire européenne, c'est fort de café !

    Toutes ces audiences jamais rendues compte quotidiennement par les médias auraient permis de comprendre (si on en avait parlé) que la sévérité de la procureure avait ses raisons qui n'ont rien à voir avec une quelconque politisation. D'autant plus que contrairement à l'affaire Fillon, nous ne sommes pas en campagne présidentielle (l'élection n'aura lieu que dans deux ans et demi, en avril 2027) et donc, il n'existe aucun candidat ni aucun favori car c'est beaucoup trop tôt (rappelons-nous les projections présidentielles de 2017 publiées en novembre 2014 !).


    C'est vrai que la réquisition du parquet ce mercredi 13 novembre 2024 pour Marine Le Pen était sévère, puisque la peine de cinq ans de prison dont deux ans ferme a été requise, avec 300 000 euros d'amendes et cinq ans d'inéligibilité, peine assortie d'un détail : l'inéligibilité ne sera pas suspensive en cas d'appel, il faudra qu'une cour d'appel supprime cette peine d'inéligibilité pour qu'elle ne court plus.

    Précisons les choses, même s'il faut bien rappeler qu'il s'agit d'une réquisition et pas d'un jugement, le tribunal peut donc proposer un verdict moins sévère, voire plus sévère que celui requis par le parquet. L'inéligibilité, dans ce cas, courrait dès le jour du verdict en début 2025 et durerait cinq ans, donc jusqu'en 2030 (c'est-à-dire au-delà de l'élection présidentielle de 2027). Marine Le Pen, dans ce cas, pourrait rester députée (en revanche, si elle était maire, elle devrait démissionner), rester même présidente du groupe RN, mais ne pourrait pas se représenter en cas de dissolution. D'où sa réticence à provoquer une dissolution par le vote d'une motion de censure. Et pourtant, ses amis sont favorables à faire chuter le gouvernement, imaginant alors la démission du Président Emmanuel Macron et une élection présidentielle anticipée avant le prononcé du verdict (et de l'éventuelle inéligibilité). Sauf que c'est un scénario un peu foireux car Emmanuel Macron ne ferait pas le cadeau au RN de sa démission. Au contraire, de nouvelles élections dans un contexte de procès pour détournement de millions d'euros pourraient faire perdre quelques électeurs...

    C'est la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, qui a rendu semi-automatique une peine d'inéligibilité en cas d'infractions financières, notamment dans son article 19 qui précise : « Par dérogation au 1° du présent article, le prononcé de la peine complémentaire d'inéligibilité mentionnée au 2° de l'article 131-26 et à l'article 131-26-1 est obligatoire à l'encontre de toute personne coupable de l'une des infractions définies à la section 3 du présent chapitre. ».


    Cependant, cette peine est semi-automatique et pas automatique, en raison de la non automaticité de principe, on ne juge que des individus spécifiquement : « Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. ».

    Cet élément est essentiel dans la philosophie politique : Marine Le Pen n'a cessé, depuis des dizaines d'années, de réclamer la sévérité des lois, et l'automaticité des peines afin d'obliger les juges à sévir et ne pas leur laisser la liberté d'être laxistes dans leurs décisions. La loi Sapin II a justement introduit une option d'automaticité avec cette peine complémentaire d'inéligibilité, mais avec la possibilité exceptionnelle de ne pas la prononcer si le juge en donne la raison. Autrement dit, comme le formule un rapport parlementaire de février 2019, ce que la loi Sapin II a introduit est essentiel : « Alors que l’inéligibilité d’un responsable politique fautif était auparavant prononcée par le juge s’il l’estimait pertinente, la loi pose désormais cette sanction pour principe et exige du juge une décision spéciale s’il souhaite l’écarter. ». La réquisition du 13 novembre 2024 était donc tout à fait dans l'esprit de la loi Sapin II voulu par les parlementaires.

    Une proposition de loi déposée par la députée socialiste Fanny Dombre Coste examinée lors de la séance publique du 1er février 2017 visait à « instaurer une obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection ». Cette proposition avait reçu un accueil positif de toute la classe politique (mais n'a pas abouti à cause de la fin de la législature).

    À l'instar du gaulliste Pierre Mazeaud qui déclarait en novembre 1971 : « L’incompatibilité devrait être établie entre le mandat et la malhonnêteté de l’homme, et les électeurs devraient pouvoir choisir des hommes de toutes les professions pourvu qu’ils soient honnêtes. », Fanny Dombre Coste a expliqué ce 1er février 2017 : « L’état actuel du droit exige des infirmières, des policiers, des taxis, des journalistes et de près de 400 autres métiers un casier judiciaire vierge. Comment pouvons-nous justifier auprès des Français que ces professionnels soient soumis à cette condition et que nous-mêmes, élus, n’y soyons pas assujettis ? L’opinion publique s’est largement mobilisée sur cette question. Les propositions de loi bénéficient d’un soutien quasi absolu de la part de nos concitoyens, une pétition recueillant près de 150 000 signatures circule en ce moment sur internet. Ces propositions de loi visent donc à instaurer une nouvelle condition d’éligibilité, liée à la présence ou non de la mention de certaines condamnations sur le bulletin n°2 du casier judiciaire. Cette suggestion, j’en ai conscience, bouleverse les habitudes de pensée. En matière de probité, l’inéligibilité est habituellement conçue comme une peine, prononcée par le juge en répression d’un comportement fautif. Elle est donc tournée vers le passé et doit se conformer aux règles constitutionnelles en matière pénale. Nous proposons ici d’inverser cette logique, en prévoyant non pas une peine d’inéligibilité automatique, qui subirait une censure constitutionnelle, mais bien une nouvelle condition d’éligibilité. L’objectif n’est nullement de sanctionner un coupable : il est de garantir l’éthique des candidats aux fonctions publiques. Cet élément est primordial, puisqu’il signifie que le processus n’est pas direct. La condamnation est inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire, et cette mention fait, ensuite, obstacle à l’éligibilité. Cette inscription n’a aucun caractère punitif et ne soulève d’ailleurs, je souhaite le rappeler, aucune difficulté lorsqu’elle induit l’impossibilité d’accéder à un ensemble de professions, au premier rang desquelles la fonction publique, alors même que la liberté d’y entrer se fonde sur l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le même que celui qui garantit l’éligibilité. ».

    À l'époque, Bruno Le Roux, qui avait cosigné cette proposition de loi, était devenu Ministre de l'Intérieur et avait répondu à son ancienne collègue socialiste ainsi : « Les deux propositions de loi prévoient que les personnes dont le bulletin n°2 du casier judiciaire porte la mention d’une condamnation incompatible avec l’exercice d’un mandat électif ne puissent faire acte de candidature à aucun mandat électif. Ces condamnations concernent les crimes, les délits sexuels, les manquements au devoir de probité, la fraude fiscale, ainsi qu’un certain nombre d’infractions électorales définies par le code électoral. La proposition de loi organique organise ce régime pour l’élection des députés et des sénateurs, ainsi que pour les candidats à l’élection présidentielle. La proposition de loi ordinaire, quant à elle, adapte ce dispositif pour les élections locales. Chacun d’entre nous est conscient que la défiance envers les élus mine le principe même de notre démocratie. Elle jette en effert, et injustement, l’opprobre sur des personnes sincèrement dévouées au service de l’intérêt général, et qui, pour la totalité d’entre elles, exercent leurs mandats avec un engagement et une honnêteté irréprochables. Pour renforcer la confiance, nous devons donc nous doter de règles toujours plus rigoureuses. ». Rappelons pour la petite histoire que Bruno Le Roux a dû démissionner de la Place Beauvau le 21 mars 2017 après avoir été accusé des mêmes « turpitudes » que François Fillon, à savoir le recrutement de ses deux filles comme collaboratrices parlementaires, soupçonnées d'emplois fictifs, alors qu'il avait fustigé lui-même François Fillon sur l'emploi de la femme de celui-ci.

    À la même époque, Marine Le Pen voulait être le meilleur lave-linge qui lavait plus blanc que blanc. Ainsi, le 13 avril 2017 sur France 2, elle disait : « Je ferai appliquer la loi, ce qui n'a pas été fait depuis des années, car la justice a reçu des instructions d'un laxisme absolu. ». En novembre 2024, elle devrait donc être satisfaite : la justice va s'appliquer.

     

     
     


    Car il faut être cohérent avec soi-même. Déjà dans l'émission "Mots croisés", le 9 février 2004 sur France 2, Marine Le Pen, devant Jean-François Copé et Malek Boutih, débordait d'indignation à la suite de la condamnation de l'ancien Premier Ministre Alain Juppé le 30 janvier 2004 à dix-huit mois de prison avec sursis, peine assortie d'une peine d'inéligibilité de dix ans. À l'époque, elle défendait les honnêtes gens et fustigeait les délinquants politiques condamnés et autres repris de justice : « Tout le monde a piqué dans la caisse sauf le Front national. Et on trouve ça normal ? (…) Les Français n'en ont pas marre d'entendre parler des affaires. Ils en ont marre qu'il y ait des affaires. Ils en ont marre de voir des élus, je suis navrée de vous le dire, qui détourne de l'argent, c'est scandaleux ! Parce que je vais vous dire, avec tout cet argent, ce qu'on aurait fait, hein ?, en termes de Restos du cœur, en termes d'opérations Pièces jaunes. C'est combien d'opérations Pièces jaunes, tout l'argent qui a été détourné par les élus ? ».

    On a compris que toute la communication de Marine Le Pen depuis plus de vingt ans n'était que du vent, de l'hypocrisie voire du mensonge ! Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir tenté de reporter sans cesse le procès. En effet, le RN a fait quarante-cinq recours et l'instruction a duré presque dix années. C'est en 2015 que le Président social-démocrate du Parlement Européen de l'époque, l'Allemand Martin Schulz, avait signalé le détournement. Pour la procureure Louise Neyton, c'est bien un système sans précédent de détournement de fonds qui a été mis en place pour récupérer l'argent du Parlement Européen au profit du FN/RN mais aussi de ses dirigeants. Le maire d'une grande ville du Sud est également dans le box des accusés.

    C'est le propre système de défense de Marine Le Pen qui l'a fait couler : en affirmant à la fois qu'elle n'en savait rien (bien qu'à la fois présidente du FN/RN et députée européenne entre 2011 et 2017) mais aussi qu'il n'y avait rien de mal à ce que les assistants parlementaires aient travaillé pour le parti de leur député européen (alors que le Parlement Européen interdit strictement ce genre de pratique), elle a implicitement justifié ce système et donc avoué qu'elle le connaissait et même l'a initié.


    La réaction de l'extrême droite à ces réquisitions était prévisible : ce serait un déni de démocratie ! Petits extraits. Marine Le Pen : « Le parquet essaie de priver les Français de la capacité de voter pour qui ils souhaitent. ». Jordan Bardella : « Le parquet n'est pas dans la justice : il est dans l'acharnement et la vengeance à l'égard de Marine Le Pen. Ses réquisitions scandaleuses visent à priver des millions de Français de leur vote en 2027. C'est une atteinte à la démocratie. ». Éric Zemmour : « Si Marine Le Pen était déclarée inéligible, on atteindrait alors un niveau sans précédent dans le gouvernement des juges. ». Marion Maréchal : « François Fillon hier, Marine Le Pen aujourd'hui (…), un nouveau déni de démocratie. ».

    Plus curieusement, des personnalités d'autres bords politiques ont émis le même genre de réactions. Ainsi, sur des terres nordistes, on peut comprendre l'arrière-pensée électorale de Gérald Darmanin lorsqu'il a dit : « Il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et, ainsi, ne puisse pas se présenter devant le suffrage des Français. (…) Combattre Madame Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs. (…) N'ayons pas peur de la démocratie. ». Son mentor Xavier Bertrand a été plus cohérent et mieux inspiré en estimant que la loi s'appliquait à tous et qu'il n'y avait aucune raison de faire des exceptions.

    Mais que penser du député MoDem Richard Ramos ? du député EPR Karl Olive ? Ou encore de l'ancien député LR Julien Aubert : « La question n'est pas de savoir si Marine Le Pen a détourné oui ou non pour un autre usage que celui prévu les postes d'assistants au Parlement Européen. La vraie question est : est-ce que c'est suffisamment grave pour priver des millions de gens de leur porte-parole ? ». Jean-Luc Mélenchon aussi est venu à la rescousse : « Une peine d'inéligibilité ne doit pas être appliquée avant expiration de tous les recours prévus par la loi. ».

    À tous ceux-là, la procureure Louise Neyton avait répondu par avance : « Oui, la décision judiciaire est légitime à produire ses effets sur la vie démocratique, légitime, car ce rôle lui a été imposé par le législateur. ». C'était en effet de la volonté du législateur que les délinquants politiques soient sévèrement sanctionnés, pour redonner un peu de crédit à une classe politique complètement discréditée par les affaires et l'impuissance (après le scandale de Jérôme Cahuzac).

    Personnellement, je répondrais plus fortement sur le déni de démocratie : la démocratie, c'est d'abord de respecter la loi, de respecter les Français, ceux qui contribuent à l'effort financier de l'Union Européenne, de ne pas profiter de l'argent facile en dehors du cadre de la loi. On ne peut pas prétendre dicter la loi (en tant que parlementaire) et refuser de l'appliquer. De plus, il n'y a aucun risque démocratique de voir l'élection présidentielle sans un représentant du RN, qui est un parti important (le plus important de l'Assemblée) et qui mérite effectivement d'avoir un candidat. Car le RN a déjà un autre candidat tout désigné pour remplacer Marine Le Pen, en la personne de Jordan Bardella qui, à sa façon, sourit de la situation actuelle.


    Même le Premier Ministre hongrois Viktor Orban est venu au secours de Marine Le Pen : « Marine, n'oubliez pas que nous sommes avec vous dans cette bataille ! Être harcelé par la justice a été une étape cruciale de la victoire du Président [Trump]. ». Eh oui, Donald Trump a été condamné et cela ne l'a pas empêché d'être élu, et même largement élu. Parler de trumpisation à la française pour Marine Le Pen serait lui faire trop d'honneur. La réalité, c'est que le favori de l'élection de 2017, François Fillon, a été balayé par son affaire qui représentait un détournement bien plus faible d'argent public (seulement 700 000 euros à comparer à 4,5 millions d'euros), et cela bien avant sa condamnation (définitivement le 24 avril 2024). Les électeurs français seraient-ils peut-être plus exigeants que les électeurs américains ? (question très audacieuse à laquelle je ne répondrai pas, bien sûr !).

    En tout cas, les militants RN convaincus ne changeront pas d'opinion avec une condamnation de leur leader : au contraire, ils seront renforcés dans leur choix de candidate que la justice, le système, prétendument harcèle. Et puis, profiter de l'argent européen quand on est anti-européen, c'est la revanche des frexiters. Sauf que Marine Le Pen souhaitait la normalisation de son parti, sa banalisation pour faire preuve de respectabilité auprès des personnes qui comptent en France et à l'étranger. Ce très long procès (presque deux mois) remet en cause toute cette stratégie amorcée en 2011 : si le tribunal suit les procureurs, les gens pourront se dire que décidément, le RN/FN n'est qu'une association de malfaiteurs. Pour le Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, la situation est critique : lui veut l'application la plus sévère de la loi. Chiche !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
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    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
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    Jordan Bardella.
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    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241113-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/proces-de-marine-le-pen-surprise-257664

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/14/article-sr-20241113-marine-le-pen.html


     

  • Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?

    « Pour donner un gouvernement à la France, il faudra que les forces politiques hier adverses entament des discussions pour former une majorité de projets. Cet objectif implique que chaque force politique pose ses conditions mais aussi accepte celles de ses concurrents. C’est le principe même de la coalition parlementaire et le quotidien de la quasi-totalité des démocraties européennes. Pourtant, depuis dimanche, le nouveau front populaire fonce tête baissée, comme si aucune de ces réalités démocratiques n’existait. Ils veulent appliquer leur programme comme s’ils avaient une majorité pour le faire. Ils prétendent désigner le Premier Ministre, comme si celui-ci avait, de manière automatique, le soutien de la majorité de l’hémicycle sans discussion préalable sur sa feuille de route ou ses priorités. » (Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance, "Le Monde" le 9 juillet 2024).



     

     
     


    La situation politique de la France a de quoi être inquiétante en raison de l'absence de majorité à l'Assemblée Nationale. N'hésitant pas à prendre les Français pour des imbéciles, Jean-Luc Mélenchon a tweeté ce samedi 20 juillet 2024 : « Le nouveau front populaire a la majorité. Maintenant, il faut nommer un Premier Ministre NFP sans tarder. Assez de déni du vote des Français. ». Tel un gâteux, en l'occurrence Jean-Luc Harpagon, qui répéterait en courant : Ma cassette ! Ma cassette !

    Son raisonnement est complètement déficient : il considère que sous prétexte que le bureau de l'Assemblée est majoritairement à gauche (alors que le NFP aurait dû laisser quelques places au groupe RN qui méritait, tout autant que la gauche, d'être représenté au bureau), le NFP est majoritaire. Si le bureau est à gauche, c'est simplement par une magouille politicienne du NFP qui, à trois heures du matin, a profité que quelques députés macronistes étaient partis se coucher, ne résistant pas au sommeil, pour devenir hégémoniques parmi les secrétaires (neuf sur douze, plus deux LIOT élus par la gauche). Seule, une députée Horizons a sauvé son fauteuil de secrétaire parce qu'Alexis Corbière n'était pas assez soutenu par les insoumis (cela donne une idée de la grande tolérance qui règne à gauche). Les résultats de ce vote ne sont donc pas vraiment significatifs de la réalité des rapports de force dans l'hémicycle, même si l'un des impératifs évidents dans ces moments de grands votes, c'est de ne pas aller se coucher !

    Mais Jean-Luc Mélenchon prend les Français pour des imbéciles aussi parce que, même si le NFP avait la majorité absolue (ce qui, je le répète, n'est pas du tout le cas puisqu'il lui manque une centaine de députés pour cela), il demande à Emmanuel Macron (sans le dire explicitement mais c'est bien cela) de nommer un Premier Ministre NFP alors que cela fait quinze jours que le NFP s'étripe pour sortir un nom. Jean-Luc Mélenchon voudrait-il déléguer à Emmanuel Macron le choix du Premier Ministre ?

    Peut-être après tout, et c'est certainement ce que le Président de la République fera, comme le précise l'article 8 de la Constitution : « Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Sur la proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. ». C'est même une compétence exclusive du Président de la République. L'article 8 n'est pas : « Jean-Luc Mélenchon nomme le Premier Ministre. »,heureusement !

    Et il y a une forte probabilité que le Président de la République ne nomme pas un Premier Ministre NFP pour faire le programme du NFP. Pour la raison très simple, avec la démonstration du 18 juillet 2024, celle de l'élection au perchoir : le candidat du NFP André Chassaigne n'a su rassembler sur son nom que 207 députés, tandis que Yaël Braun-Pivet en a rassemblée 220. L'avance est courte, la majorité absolue très loin d'être atteinte, mais à ce petit jeu de celui-qui-a-la-plus-grande (représentation, bien sûr), incontestablement, dans cette Assemblée impossible, c'est le bloc central, à savoir l'ancienne majorité parlementaire ajoutée aux députés LR, qui ont la plus forte représentation parlementaire. Et pas le NFP.

    Qu'on ne me dise pas que LR et les macronistes sont incompatibles : sur le fond, ils sont très peu éloignés, au point que les principaux leaders du macronisme, à l'exception notable de deux Premiers Ministres (Élisabeth Borne et Gabriel Attal), sont tous issus de LR : Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Éric Woerth, Sébastien Lecornu, Catherine Vautrin, Rachida Dati, Christophe Béchu, Franck Riester, Aurore Bergé, etc. De fait, il y a beaucoup plus de proximité idéologique entre LR et le groupe EPR (Ensemble pour la République) qu'entre un député socialiste et un député insoumis, qu'entre Jérôme Guedj et Louis Boyard, qu'entre François Hollande et Jean-Luc Mélenchon.

    L'élection du bureau de l'Assemblée Nationale a d'ailleurs montré que si le NFP était parfaitement solidaire entre ses membres, le bloc présidentiel et LR étaient aussi parfaitement solidaires entre eux. Au détriment du RN, d'ailleurs. Cette solidarité de vote est plutôt rassurante et évoque la fiabilité d'une alliance entre eux.


    Sur le fond et le cheminement, les dirigeants de LR ont pour l'instant joué une partition assez pertinente. Loin de vouloir évoquer les personnes, les fauteuils, au contraire du NFP, les dirigeants de LR ont parlé de fond, de politique gouvernementale, de ce qu'ils voulaient ou pas pour le prochaine gouvernement, sur différents sujets. Les négociations sont en cours pour faire une sorte de contrat de gouvernement. Eux respectent leurs électeurs, car ils répondent à la question : que va faire le prochain gouvernement ? Alors que les dirigeants du NFP ne cherchent qu'à répondre à des questions de carrières et d'ambitions personnelles : qui va gouverner ?

    Évidemment, on pourra toujours dire que pour le NFP, l'idée est d'appliquer le programme du NFP, mais le problème, et tout le monde au NFP le sait, et trompe ainsi les Français et surtout ses électeurs, le programme du NFP n'est pas applicable car il n'est ni cohérent ni sérieux dans l'intérêt de la France. Il n'était qu'un catalogue à la Prévert de mesures totalement démagogiques afin de rapporter le maximum de voix. Et les auteurs de ce programme (entre autre Clémence Guetté, qui a trouvé un beau fauteuil de première vice-présidente, élue grâce aux voix du RN et jamais n'elle aurait ce titre de première vice-présidente sans le RN, il faudra s'en souvenir le cas échéant) n'ont pas hésité à alourdir la barque car ils n'imaginaient pas une seconde qu'ils pourraient être en position de revendiquer le gouvernement, car aussi ils n'imaginaient pas que le bloc central, y compris LR, a joué parfaitement le jeu du front républicain pour empêcher l'arrivée au pouvoir du RN. Rappelons-nous l'argument spécieux de Dominique Strauss-Kahn : préférez un candidat insoumis au candidat RN car, de toute façon, les insoumis n'arriveront jamais au pouvoir et donc, vous ne craignez pas que le mauvais programme du NFP puisse être appliqué.

    Plus concrètement, Laurent Wauquiez, qui a repris la main sur le groupe LR (en changeant d'appellation mais je vais rester avec le nom du parti pour rester clair), a pourtant déclaré dès le 10 juillet 2024 qu'il n'était pas question de "coalition"... mais plus tard, LR a parlé de "pacte législatif"
    qui sera présenté ce lundi 22 juillet 2024. Si on essaie de bien comprendre, cela voudrait dire que LR ne veut pas participer au prochain gouvernement, mais il propose un pacte, c'est-à-dire un contrat sur le fond pour ne pas censurer le futur gouvernement. La différence est assez mince car il faut bien que des personnes appliquent la feuille de route.

    Or, le prochain gouvernement ne peut raisonnablement pas être dirigé par un membre du parti présidentiel. Certes, Gabriel Attal aurait toutes les compétences pour le faire, mais politiquement, cela n'aurait aucun sens, et serait anti-électoral (plus qu'antidémocratique). À mon sens, le chef du prochain gouvernement ne pourrait être que... LR. Mais un LR compatible aussi avec le centre gauche voire la gauche. À ce petit jeu, il n'y en a pas des trente-six. Surtout qui le veuillent bien. Le nom de Xavier Bertrand revient souvent parce qu'il n'y en a pas beaucoup d'autres. Il a l'originalité d'avoir battu deux fois le RN aux élections régionales dans le Nord et Picardie (les Hauts-de-France), en faisant des actions communes LR et PS. C'est d'ailleurs le seul qui a parlé de nommer un gouvernement provisoire de la République française.

    C'est sûr que ce serait casse-cou d'aller à Matignon aujourd'hui, en 2024, lorsqu'on a l'élection présidentielle de 2027 à l'esprit, mais c'est si loin, 2027. Et l'expérience peut aussi réussir : après tout, Édouard Balladur a été très populaire (qui l'aurait parié avant 1993 ?). L'ennui, bien sûr, c'est que cela donnerait un nouveau rival à Laurent Wauquiez qui bénéficie, aujourd'hui, de la vacuité de leadership chez LR.

    Il y a trois énormes différences pour LR entre la situation en 2022 et en 2024 : d'une part, la partie lepéniste de LR du groupe LR est partie avec Éric Ciotti chez Marine Le Pen ; d'autre part, les députés LR de 2024 sont des rescapés du front républicain et n'ont plus été élus contre un candidat macroniste comme en 2022, mais contre un candidat RN et aussi grâce aux électeurs macronistes ; enfin, et c'est peut-être le principal, Emmanuel Macron n'aura pas l'ascendant politique sur le prochain gouvernement qui proviendra principalement de l'Assemblée Nationale. Par conséquent, l'hypothèque Macron est levée, en 2024, d'autant plus facilement que le Président de la République n'a pas le droit de solliciter un troisième mandat, ce qui le place hors-jeu dans tous les cas de figure.

    Ces différences devraient amener Laurent Wauquiez à évoluer sur le "pas de coalition" (c'est-à-dire, pas de ministres LR). Avec la question : comment les électeurs LR pourraient-ils comprendre que les responsables LR attendent tranquillement les mains dans leurs poches dans l'opposition sans travailler pour la France, sans remonter leurs manches, voire en laissant un gouvernement d'ultragauche détruire la France ? L'intérêt national les oblige à ne pas rester inertes et à s'engager activement au gouvernement, comme les y encourage très vivement l'ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin.

    Pour autant, un gouvernement EPR-LR n'aurait qu'un soutien d'environ 220 députés, ceux qui ont réélu Yaël Braun-Pivet au perchoir, loin des 289 de la majorité absolue. Certes, il aurait la bienveillance du groupe RN qui n'a pas la vocation à censurer un gouvernement du centre ou de droite car le RN le préférerait à un gouvernement d'ultragauche avec des ministres insoumis. Mais cela signifie que ce gouvernement aurait une épée de Damoclès et que du chantage politique pourrait avoir lieu régulièrement. Le RN est assez malin pour faire le jeu constructif de réussir à obtenir deux ou trois mesures spécifiques pour négocier leur bienveillance. La question sera : jusqu'à quel point cette bienveillance serait considérée, chez leurs électeurs respectifs, comme une collusion, voire une trahison.


    C'est bien le problème à gauche. La crainte d'être traité de traître. Pourtant, le prochain gouvernement devra forcément bénéficier de la bienveillance, sinon plus, du groupe socialiste. Ils sont 66 députés, avec les 220 du bloc central, cela donnerait 286, soit la majorité absolue (289) car ce qu'il faut au prochain gouvernement, c'est d'éviter d'avoir une majorité absolue contre lui.

    Xavier Bertrand serait, là aussi, le plus apte pour faire ce pacte républicain avec les socialistes sur des sujets très concrets. Il se revendique du gaullisme social (ce qui ne veut pas dire grand-chose, le gaullisme lui-même est d'essence sociale, mais comme les mots font tilter les cœurs, disons-le quand même). Il avait soutenu Philippe Séguin en son temps (lointain) et une alliance plus ou moins assumée entre le bloc central et le PS aurait aussi un sens électoral et politique, celui du front républicain. Xavier Bertrand serait le mieux placé pour diriger ce gouvernement de front républicain.

    Je n'ai pas de sympathie particulière pour Xavier Bertrand et je ne le crois pas capable d'être un bon candidat à la Présidence de la République, mais je considère que dans la situation parlementaire actuelle, il serait le Premier Ministre idéal. Et d'ailleurs, qui d'autres ? Il faut que une personnalité qui soit à la fois dynamique (arrêtons de chercher chez les vieillards de 70 ans !), très expérimenté aussi (pas des p'tits jeunes), qui connaisse excellemment bien le fonctionnement de l'Assemblée Nationale, qui soit positionné plus à droite que le parti présidentiel car les électeurs ont montré qu'ils étaient plus à droite qu'hier, mais qui soit capable aussi de conclure un modus vivendi avec les socialistes. Et en plus, qui soit un politique, déjà connu car il faut que ce soit sa personnalité politique déjà forte qui donne autorité à un gouvernement qui va avoir une assise forcément fragile.


    C'est pour cela il faut du temps pour la construction d'un tel gouvernement. D'abord, amener à convaincre LR que le seul salut, leur seul salut politique et le seul salut national du pays, c'est de participer à un gouvernement d'action. Ensuite, se tourner vers les socialistes, le temps de digérer l'éclatement probable du NFP, sur la base d'un front républicain et d'un esprit de responsabilité.

    Les Français seront très attentifs au comportement des uns et des autres et décideront en 2027 en fonction de cette année cruciale. Tout est inquiétant, dans la situation actuelle, mais tout est aussi enthousiasmant : la situation nouvelle crée de nouvelles opportunités politiques. C'est à ce moment charnière qu'on voit si les acteurs politiques sont à la hauteur de l'enjeu ou pas. C'est le moment de changer les lignes. C'est le temps de l'audace.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240720-coalition-pacte.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-30-coalition-ou-255949

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240720-coalition-pacte.html



     

  • Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale accouché dans la douleur

    « J’invite mes collègues de tous bords, notamment les plus jeunes d’entre nous, bouillants d’une ardeur militante mais aussi peut-être de l’impatience et parfois de l’intransigeance de la jeunesse, à entraîner cette assemblée par le dynamisme positif de leurs idées. Il me semble que personne ne souhaite revivre les débordements malheureux qu’on a pu connaître dans la précédente législature et qui, je le crois, ne renvoient pas une image exemplaire de notre institution. (…) Politesse et politique sont intimement liées. Les joutes verbales, les plus belles, c’est-à-dire les plus élevées, sont généralement les plus courtoises, les plus subtiles et les plus spirituelles. Elles disqualifient les absurdes vociférations et les puériles invectives. » (José Gonzalez, doyen d'âge, le 18 juillet 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Après la brillante réélection de Yaël Braun-Pivet au perchoir le jeudi 18 juillet 2024, les députés de la XVIIe législature se sont concentrés sur la désignation de leur "staff". Un mot peu approprié pour l'Assemblée Nationale de France mais qui signifie, pour moi, les autres responsabilités très importantes pour faire fonctionner l'Assemblée, à savoir le bureau de l'Assemblée Nationale comprenant, en plus de la Présidente, six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires, eux désignés le vendredi 19 juillet 2024, et le lendemain, samedi, les huits présidents des commissions permanentes. Ces derniers appartiennent à la conférence des présidents, ainsi que les présidents des onze groupes politiques constitués, conférence qui se réunit très régulièrement notamment pour fixer l'ordre du jour en association avec un représentant du gouvernement (maintenant qui n'existe plus). Appartenant aussi à la conférence des présidents un responsable essentiel de l'Assemblée, numéro deux en importance après la Présidente, à mon sens, le rapporteur général du budget, fonction essentielle puisque l'une des premières missions du Parlement est de voter chaque année la loi de finance pour l'année suivante, et ce sera pour cette Assemblée sans majorité le principal sujet de préoccupation après les vacances estivales.
     

     
     


    Comme toujours, la désignation des personnes se fait au scrutin à bulletin secret à trois tours, deux tours à la majorité absolue, le troisième tour éventuellement à la majorité relative. Pour chacun des postes, l'ordre protocolaire est l'ordre décroissant du nombre de voix obtenues, et en cas d'égalité, le plus âgé passe devant le plus jeune.

    Dans cette Assemblée, deux, voire trois difficultés existent en dehors de l'ordinaire.

    Certaines fonctions nécessitent de savoir si le député est de l'opposition ou de la majorité : ainsi, la présidence de la commission des finances est réservée à un membre de l'opposition depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy afin de renforcer le contrôle sur le gouvernement (qu'on imagine moins bienveillant avec un membre de l'opposition qu'un membre de la majorité). Or, comme il n'y a plus de gouvernement, les groupes ont du mal à se déterminer sur leur appartenance à la majorité ou à l'opposition. Ce qui a prévalu ici, c'est que les trois groupes de l'ancienne majorité parlementaire le restent (Ensemble, Horizons, MoDem), à titre provisoire, selon le prochain gouvernement, et les huit autres groupes se sont déclarés dans l'opposition, y compris ceux du NFP alors qu'ils revendiquent faire partie de la majorité !

    La deuxième difficulté, c'est la structure tripartite de l'Assemblée qui ne permet pas de majorité claire et nette. Il y a donc eu des surprises dans certaines désignations. Enfin, troisième difficulté, le NFP et le groupe Ensemble ont annoncé qu'ils ne voteraient pour aucun membre du RN dans ces désignations, perpétuant un front républicain au-delà de la sphère électorale, ce qui a fonctionné, mais aussi ce qui a victimisé le groupe RN qui n'a rien eu alors qu'il représente un tiers de l'hémicycle, et surtout 10,6 millions d'électeurs. C'est une grave erreur, à mon sens, d'avoir voulu isoler les députés RN de toute responsabilité dans le fonctionnement interne de l'Assemblée, alors qu'ils ne l'avaient pas été dans la législature précédente (il y avait eu deux vice-présidents, Sébastien Chenu et Hélène Laporte, qui avaient présidé les séances de manière satisfaisante et reconnus de tous).

     

     
     


    D'ordinaire, il n'y a pas de vote pour ces désignations dans la mesure où l'ensemble des présidents de groupe (qui se sont réunis dans la matinée du 19 juillet 2024) se mettent d'accord pour une répartition proportionnée. Cette fois-ci, non, puisqu'il y a plus de candidats que de postes à pourvoir, si bien qu'il a fallu voter et cela a pris énormément de temps (jusqu'à neuf voire dix opérations de vote, en fait moins car le troisième tour n'a pas été nécessaire pour les deux premières désignations, mais le premier scrutin a été annulé). Bref, cela signifie que le bureau de l'Assemblée a été complètement désigné dans la nuit du 19 au 20 juillet 2024 à 4 heures 10 du matin !


    1. Les 6 vice-présidents de l'Assemblée Nationale

    Huit candidatures ont été déclarées : Clémence Guetté et Nadège Abomangoli pour les insoumis ; Sébastien Chenu et Hélène Laporte pour le RN ; Roland Lescure pour Ensemble ; Naïma Moutchou pour Horizons ; Annie Genevard et Xavier Breton pour LR.

    Premier coup de théâtre avant le premier tour. Le groupe RN a annoncé qu'il voterait pour six candidats qu'ils ont estimés représentatifs de l'Assemblée : Sébastien Chenu et Hélène Laporte, bien sûr, mais aussi Clémence Guetté, Nadège Abomangoli, Naïma Moutchou et Xavier Breton. Une position qui n'a pu que mettre mal à l'aise le groupe insoumis puisque, effectivement, ses deux vice-présidentes ont été élus par les voix du RN !
     

     
     


    Mais à l'issue du premier tour, c'était la stupeur et le deuxième coup de théâtre, à 17 heures 25, après près de deux heures trente de travail : le scrutin a été annulé car on a trouvé dix enveloppes de trop par rapport au nombre de votants. Avec une erreur d'une ou deux enveloppes, on peut imaginer une erreur, une négligence, une maladresse. Dix, cela fait beaucoup. Avec la conclusion qui s'est vite imposée dans l'hémicycle : on a cherché à frauder ! Les députés ont donc dû recommencer leur premier tour.

    Après l'élection des six vice-présidents, le député socialiste Jérôme Guedj a voulu s'indigner de cet incident et a craint la montée de l'antiparlementarisme : même les députés bourrent les urnes ! Il a déclaré : « Nous devons mesurer collectivement l’effet dévastateur d’une telle pratique sur nos principes républicains, auxquels nous sommes tous attachés. Pratique délétère qui a pour conséquence la démonétisation et la décrédibilisation du fonctionnement de cette institution et, partant, de l’ensemble de la démocratie française. Je le dis avec beaucoup de colère et même de rage : honte à ceux qui ont pratiqué cette fraude. Honte à eux ! ». Mais à mon sens, l'indignation de Jérôme Guedj est contre-productive. Les gens ne s'intéressent plus à cette désignation, c'est très technique et sans intérêt politique. C'est faire de la publicité pour cet incident qui entraînerait la progression de l'antiparlementarisme. En revanche, il a eu raison de demander une enquête transparente : « Il faut que soit menée, dans la plus grande transparence, une enquête approfondie afin de comprendre ce qui s’est passé. Par ailleurs, pour qu’une telle fraude ait pu avoir lieu, il a fallu, certes, l’intention maligne de ceux qui l’ont commise, mais nous devons aussi étudier les modalités de ces élections afin de les améliorer considérablement et d’abandonner une forme d’à peu près, je ne veux pas parler d’amateurisme, qui n’est pas à la hauteur de la démocratie française. ».

    À 19 heures 10, à l'issue du premier tour renouvelé, quatre vice-présidents ont été élus : Clémence Guetté avec 337 voix (sur 558 votants), qui devient première vice-présidente, Naïma Moutchou avec 338 voix (elle n'est pas première vice-présidente car ce poste est réservé à l'opposition et elle s'est déclarée de la majorité), Nadège Abomangoli avec 327 voix et Xavier Breton avec 325 voix. Les deux candidates insoumis ont été élues par le NFP et le RN, et les deux autres candidats ont été élus par le bloc central et le RN.

    L'élection dès le premier tour des deux candidates insoumises a mis en colère notamment le député LR Ian Boucard en s'adressant au RN : « Le premier tour de cette élection nous dévoile le véritable visage du Rassemblement national de Mme Marine Le Pen. En décidant de faire élire deux vice-présidentes de la France insoumise, vous avez fait le choix du chaos. Après avoir fait campagne en expliquant vouloir empêcher l’accession au pouvoir de l’extrême gauche, vous vous rangez aujourd’hui dans le camp du communautarisme. Vous faites élire ceux qui veulent désarmer la police, ceux qui soutiennent les black blocs à Sainte-Soline. Maintenant les choses sont claires : voter Rassemblement national, c’est voter la France insoumise ! ».

    Gérald Darmanin est également intervenu : « Pour le bon déroulement de nos séances, je propose qu’à l’avenir les députés de la France insoumise serrent la main des députés du Rassemblement national puisqu’ils ont été élus avec leurs voix ! ». Ainsi que Mathilde Panot : « Vous, les macronistes, n’avez aucune leçon à donner à la France insoumise et au Nouveau front populaire. (…) Gardez vos leçons de morale pour vous ! Le problème vient de votre proximité idéologique avec le Rassemblement national, des mots que vous utilisez, de la réhabilitation de Pétain ou de Maurras. ». Marc Fesneau a pris à son tour la parole : « Premièrement, il est assez savoureux de vous entendre donner des leçons alors que vous acceptez les voix du Rassemblement national et sachant que, hier, vous nous auriez fait le même procès si la Présidente Yaël Braun-Pivet avait été élue avec trois voix de plus. Deuxièmement, c’est vous qui avez demandé que soit dressé un cordon sanitaire. Or vous êtes en train de le franchir allègrement et je le regrette. Je vous fais donc une proposition simple : puisque vous êtes capables d’être élus sans les voix du Rassemblement national, démissionnez et allons jusqu’au troisième tour. Nous verrons alors si ce que vous dites est vrai. Vous refusez les mains mais, manifestement, vous ne refusez pas les bulletins. ». Ambiance !

     

     
     


    Alors que le député insoumis David Guiraud a remis en cause la présence des dix-sept ministres démissionnaires élus députés, Yaël Braun-Pivet a rappelé un peu de droit : « Monsieur Guiraud, je rappelle une nouvelle fois que nous appliquons strictement les règles votées par cette assemblée. Comme vous le savez très bien, l’article L.O. 153 du code électoral précise que l’incompatibilité... (…) L’article L.O. 153 du code électoral précise, disais-je, que l’incompatibilité entre le mandat de député et les fonctions de membre du gouvernement "ne prend pas effet si le gouvernement est démissionnaire", ce qui est le cas ici. Nous appliquons donc strictement la loi. Il n’y a pas, ici, de demi-députés qui devraient se faire tout petits. Je vois devant moi 577 députés élus par le peuple français. Je vous invite à respecter chacun d’entre eux. ». Quant au député Ensemble Pierre Cazeneuve : « La loi organique, très claire, ne laisse planer aucune ambiguïté s’agissant du droit, pour les ministres élus députés, de voter comme ils l’ont fait lors du scrutin d’hier. Monsieur Guiraud, vous employez des méthodes de trumpiste. Vous refusez le résultat des urnes, vous alimentez la défiance envers notre démocratie. C’est scandaleux. Au lieu de réaliser des vidéos visant à alimenter l’antisémitisme en France, lisez la Constitution. La France insoumise devrait, elle, se faire vraiment toute petite sachant que ses deux vice-présidentes ont été élues grâce aux voix du Front national. C’est une honte ! ».

    Le lendemain, samedi à 18 heures 25, Mathilde Panot a annoncé sur Twitter que son groupe allait déposer un recours au Conseil Constitutionnel pour contester la présence des dix-sept ministres démissionnaires dans l'hémicycle. L'instance suprême a déjà répondu par ailleurs qu'elle se considérait comme incompétente pour traiter ce recours.

     

     
     


    À 20 heures 30 (vendredi), à l'issue du second tour, les deux derniers vice-présidents ont été élus : Roland Lescure avec 273 voix (sur 467 votants) et Annie Genevard avec 257 voix. Les deux candidats du RN Sébastien Chenu (162 voix) et Hélène Laporte (148 voix) ont été battus alors qu'ils avaient été élus vice-présidents en 2022. L'ostracisme contre le RN (de gauche et d'une partie du bloc central) a favorisé... le groupe LR qui, avec seulement 47 députés, a réussi à faire élire 2 vice-présidents ! Cette absence de RN parmi les vice-présidents (et plus généralement parmi les membres du bureau qui, selon l'article 10 du Règlement intérieur de l'Assemblée, devrait représenter équitablement l'hémicycle) est très regrettable pour la démocratie et victimise inutilement les élus RN. En revanche, il faut se réjouir que parmi les six vice-présidents, une majorité, quatre, sont des femmes, plus la Présidente.
     

     
     



    2. Les 3 questeurs de l'Assemblée Nationale

    Ensuite, les députés ont procédé à la désignation des trois questeurs. La fonction est stratégique et même plus importante que la vice-présidence. Éric Ciotti faisait partie des trois questeurs sortants. Quatre candidatures se sont présentées sur le bureau de la Présidente : Christine Pirès Beaune pour le PS, Brigitte Klinkert (sortante) pour Ensemble, Michèle Tabarot pour LR et Bruno Bilde pour le RN.

    À 22 heures 50, à l'issue du premier tour, deux questeurs ont été élus : Christine Pirès Beaune avec 460 voix (sur 550) et Brigitte Klinkert avec 401 voix. Un second tour était donc nécessaire pour départager les deux autres candidats. Ce qui a été annoncé à 23 heures 55 à l'issue du second tour : sans surprise, Michèle Tabarot a été élue avec 251 voix (sur 438 votants) face à Bruno Bilde qui n'a recueilli que les voix de son groupe et alliés (143 voix). Encore une fois, le RN a été isolé dans ce scrutin, et toujours au bénéfice de LR qui, avec 47 députés, a réussi le tour de force d'avoir deux vice-présidents et une questeure. Et il faut noter l'élection de trois femmes questeures (sur trois), c'est sans précédent, ce qui a été aussi souligné en séance publique par Yaël Braun-Pivet : « Il s’agit de trois femmes : je crois que c’est une première dans l’histoire de notre Assemblée. ».

     

     
     



    3. Les 12 secrétaires de l'Assemblée Nationale

    Pour les douze secrétaires, deux ont été élus au premier tour (à 1 heure 30 du matin) : Stéphane Peu (PCF) avec 217 voix (sur 400 votants) et Sébastien Peytavie (EELV) avec 204 ; six autres ont été élus au deuxième tour (à 3 heures 00) : Laurent Panifous (LIOT) avec 329 voix (sur 386 votants), Christophe Naegelen (LIOT) avec 325 voix, Inaki Echaniz (PS) avec 199 voix, Sabrina Sebaihi (EELV) avec 198 voix, Eva Sas (EELV) avec 197 voix et Gabriel Amard (FI) avec 193 voix ; enfin, les quatre derniers secrétaires ont été élus au troisième tour (à 4 heures 05) : Mereana Reid Arbelot (PCF) avec 175 voix (sur 357 votants), Sophie Pantel (PS) avec 172 voix, Farida Amrani (FI) avec 170 voix, et Lise Magnier (Horizons) avec 168 voix.
     

     
     


    Bien que ce fût en pleine nuit, cela n'a pas empêché un coup de théâtre. La gauche était très présente tandis qu'ailleurs, les députés RN et certains députés macronistes avaient déserté l'Assemblée (et pour ces désignations, un député ne peut pas faire de procuration). Entre le deuxième et le troisième tour, la gauche a voulu capitaliser son avantage de présence physique, se voyant en position de force, et a présenté quatre nouveaux candidats, en plus des huit autres candidats déjà présentés dans la course : Mereana Reid Arbelot, Sophie Pantel, Farida Amrani et Alexis Corbière.

    La gauche a presque réussi son coup, puisque trois des quatre nouveaux candidats ont été finalement élus, seul Alexis Corbière (EELV) n'a pas eu assez de voix (165 voix), probablement en raison de manque parmi ses anciens camarades insoumis. Christophe Blancher (MoDem), avec 156 voix, Philippe Gosselin (LR) avec 160 voix, Bertrand Sorre (Ensemble) avec 155 voix n'ont pas été élus. Les autres candidats, Thibault Bazin (LR), Blandine Brocard (MoDem), Sandrine Josso (MoDem) et Annaïg Le Meur (Ensemble) n'ont recueilli qu'entre 1 et 8 voix.

    En raison de ce troisième tour surprenant, le bureau de l'Assemblée Nationale est passé majoritairement à gauche, douze députés NFP sur 22. Cela aura des incidences pour de nombreuses décisions, en particulier pour décider d'une sanction contre un député qui aurait manqué de respect à l'institution. Ce bureau est élu pour un an et sera renouvelé en octobre 2025, sauf nouvelle dissolution, redevenue alors possible.

    Le RN avait retiré ses candidats aux postes de secrétaire, dégoûté par l'ostracisme dont il a été victime aux précédentes désignations. Le 20 juillet 2024, Marine Le Pen a vaguement confirmé que le groupe LR lui avait proposé un vice-président et deux secrétaires mais elle a rejeté l'offre considérant que LR était trop petit pour pouvoir offrir autant de places ! Il y aura probablement une suite sur la réalité de cette offre (qui constitue en elle-même un autre coup de théâtre !), mais la victimisation du RN pour ces nominations ne devrait pas avoir beaucoup d'effet sur les électeurs car ils sont peu au courant des mœurs-là de l'Assemblée.

    Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a considéré le 20 juillet que la majorité obtenue au sein du bureau de l'Assemblée prouvait que le NFP était majoritaire et qu'il devait gouverner. Il oublie simplement que cette majorité s'est faite au forceps parce que les députés de gauche ont mieux résisté au sommeil à 4 heures du matin que leur collègues du bloc central, et pas parce que le NFP est majoritaire en nombre !

     

     
     



    4. Les 8 présidents des commissions permanentes de l'Assemblée Nationale

    Le samedi 20 juillet 2024 à partir de 10 heures, chaque commission a désigné son président. Cela s'est fait plus rapidement puisque chaque commission a fait le vote parallèlement. La surprise a eu lieu pour la commission des finances : le groupe LR avait voulu que ce fût une des leurs, Véronique Louwagie, pour qui était d'accord le bloc central. Jean-Philippe Tanguy (RN) était également candidat. Toutefois, c'est Éric Coquerel, le président sortant, qui a été (ré)élu. Paradoxe donc : car les insoumis proclament qu'ils doivent former le gouvernement et ils occupent le seul poste attribué à un membre de l'opposition ès qualités.

    Par ailleurs, Charles de Courson, qui avait été également candidat à la présidence de la commission des finances
    (c'est son retrait entre le deuxième et trois tour qui a favorisé l'élection d'Éric Coquerel), a été élu rapporteur général du budget, battant le rapporteur général sortant Jean-René Cazeneuve. Tous les deux ont obtenu 27 voix, ce qui fait que Charles de Courson, soutenu par la gauche, a été élu au bénéfice de l'âge. Or, antimacroniste pur et dur, bien que centriste, Charles de Courson a peu de chance de faire partie de la prochaine majorité. C'est bien la première fois qu'un membre de l'opposition est rapporteur général du budget ! Pour Jean-René Cazeneuve, Charles de Courson « a bafoué l'esprit de nos institutions. Il faut un rapporteur général qui puisse travailler avec l’exécutif. Il va y avoir un dialogue entre les oppositions, et appauvri avec Bercy. ».

    Six des huit commissions ont élu un président membre du bloc central grâce à l'alliance avec LR (ils étaient sept sortants). Il y a seulement deux femmes sur huit présidents de commission.

    Président de la commission des lois : Florent Boudié (Ensemble).
    Président de la commission des affaires étrangères : Jean-Noël Barrot (MoDem).

    Président de la commission des finances : Éric Coquerel (FI).
    Président de la commission des affaires sociales : Paul Christophe (Horizons).
    Président de la commission des affaires économiques : Antoine Armand (Ensemble).
    Présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire : Sandrine Le Feur (Ensemble).
    Président de la commission de la défense nationale et des forces armées : Jean-Michel Jacques (Ensemble).
    Présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation : Fatiha Keloua Hachi (PS).

    Rapporteur général du budget de l'État : Charles de Courson (LIOT).
    Rapporteur général du budget de la sécurité sociale : Yannick Neuder (LR).


    5. Les 11 groupes politiques

    L'ensemble des groupes a fixé l'appartenance politique des 577 députés, dont 8 sont restés non-inscrits (en particulier l'ancien macroniste Sacha Houlié et les anciens LR Aurélien Pradié et Raphaël Schellenberger).

     
     


    1. Groupe RN présidé par Marine Le Pen : 126 députés.
    2. Groupe Ensemble pour la République présidé par Gabriel Attal : 99 députés.
    3. Groupe France insoumise présidé par Mathilde Panot : 72 députés.
    4. Groupe PS présidé par Boris Vallaud : 66 députés.
    5. Groupe LR (appelé Droite républicaine) présidé par Laurent Wauquiez : 47 députés.
    6. Groupe EELV présidé par Cyrielle Chatelain : 38 députés (dont Delphine Batho et Dominique Voynet).
    7. Groupe MoDem (appelé Les Démocrates) présidé par Marc Fesneau (élu face à Jean-Paul Mattei) : 36 députés.
    8. Groupe Horizons présidé par Laurent Marcangeli : 31 députés.
    9. Groupe LIOT présidé par Stéphane Lenormand : 21 députés (dont Valérie Létard et Jean-Luc Warsmann).
    10. Groupe PCF (appelé Gauche démocrate et républicaine) présidé par André Chassaigne : 17 députés.
    11. Groupe À Droite (ciottistes) présidé par Éric Ciotti : 16 députés.

     

     
     



    Épilogue

    Yaël Braun-Pivet a été l'invitée du journal de 20 heures le 20 juillet 2024 sur France 2 à l'issue de ces trois journées d'installation de l'Assemblée Nationale particulièrement mouvementées. Elle a regretté l'absence de députés RN dans le bureau de l'Assemblée Nationale : « Depuis que je préside cette institution, j’ai toujours plaidé pour que toutes les forces politiques soient représentées au bureau (…). Nous avons des règles et avons la possibilité d’avoir un accord des présidents de groupe pour que chacun puisse être représenté à juste proportion au bureau. Les présidents de groupe, notamment ceux du Nouveau front populaire, ont refusé qu’il y ait un accord pour une juste répartition des postes. Et donc, quand il n’y a pas d’accord à l’Assemblée Nationale, il y a un vote. Et là, nous avons vu effectivement un vote absolument stupéfiant, où le Rassemblement national a porté ses voix sur des candidats de la France insoumise, a retiré des candidatures, et donc n’a pas pu être élu à ces fonctions importantes. ».

    Par ailleurs, la Présidente de l'Assemblée Nationale a écarté l'idée d'un gouvernement du NFP : « Il n’est pas majoritaire. Il faut constituer une majorité. Ça se construit, il faut que ce soit l’Assemblée des additions et pas celle des divisions. ». Ça prendra certainement un peu de temps. Les Français partent en vacances, les grosses chaleurs estivales s'installent, les Jeux olympiques et paralympiques vont commencer (le vendredi 26 juillet 2024). Et pour l'instant, aucune perspective concrète de grande coalition, seule capable d'être portée par une majorité à l'Assemblée, ne s'esquisse prochainement.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240720-assemblee-nationale.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-29-le-staff-de-l-255947

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240720-assemblee-nationale.html




     

  • Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon

    « Comprenez que nous avons le droit, de temps à autre, de réagir et de manifester notre, comment dire, agacement. Mais nous sommes dans une discussion. Si je ne devais tenir compte que de ce qui a été dit par les autres, d'abord, je commencerais par dire : pourquoi m'avez-vous éliminé de la candidature au poste de Premier Ministre ? » (Jean-Luc Mélenchon, le 19 juillet 2024 sur BFMTV).



     

     
     


    Voilà, c'est dit ! Jean-Luc Mélenchon l'a toujours en travers de la gorge de s'est fait éliminer du grand jeu de téléréalité NFP Matignon qu'il avait lui-même créé. Quelles ingrates, ces punaises de lit ! Dans cette interview très significative de Jean-Luc Mélenchon, au siège de son parti sectaire des insoumis ce vendredi 19 juillet 2024, le journaliste Anthony Lebbos, un peu étonné de tant de transparence, a fait préciser : « Vous êtes toujours candidat ? ».

    Réponse du grand prêtre : « Non non, je ne suis candidat à rien... », mais la tête montrait justement le contraire, procédé rhétorique bien connu qui veut démentir ce qu'on devrait confirmer. Car pour lui, il n'y a qu'un seul nom pouvant faire le boulot de cette nouvelle farce populaire (NFP), lui-même. Il l'a d'ailleurs dit un peu plus tard, de manière implicite : il n'y a pas besoin de désigner quelqu'un, le Président voit bien qui serait l'homme de la situation, comme dans les autres précédents de cohabitation, en indiquant par exemple que Jacques Chirac n'avait pas été désigné candidat Premier Ministre au bureau politique du RPR en 1986. Mais l'exemple était mal choisi : Jacques Chirac bénéficiait d'une majorité absolue à l'Assemblée Nationale UDF-RPR, certes serrée, mais absolue quand même, ce qui n'est pas du tout le cas du NFP en 2024 (les chiffres sont têtus).

    Tout au long de cette interview de près d'une demi-heure, ont transpiré l'amertume, la colère, l'agacement du grand gourou en chef, au point que le journaliste en a fait les frais (mais il était prévenu, Jean-Luc Mélenchon a toujours malmené les journalistes). Et on ne sait pas trop bien s'il déteste plus Emmanuel Macron ou plus ses supposés propres partenaires, les horribles socialistes qui se sont portant couchés devant lui et qu'il appelle des punaises de lit, par l'intermédiaire de sa compagne députée, conseillère en communication politique (on ne pourra pas dire qu'elle était maladroite), alors qu'il faut rappeler que dans les années 1930, d'autres forces politiques comparaient d'autres catégories de la population, pas avec des punaises, mais avec de la vermine.

     

     
     


    Mais finalement, peut-être doit-on croire Jean-Luc Mélenchon quand il dit qu'il n'est candidat à rien. Il faut sans doute écouter le cher et sage sénateur Claude Malhuret qui parlait, le 18 juillet 2024 au Sénat, de la « franche la plus radicale, dont le but n'est pas de gouverner mais de rendre le pays ingouvernable ». Car c'est exactement dans cette stratégie du chaos institutionnel que Jean-Luc Mélenchon veut faire plonger la France.

    Le sujet de l'interview est principalement les socialistes et le blocage, non pas à l'Assemblée avec une majorité introuvable, mais chez lui, au NFP, car ils sont incapables de s'entendre depuis deux semaines. Comment pourraient-ils gouverner ensemble ?


    Un peu plus loin, le journaliste a cru entendre que Jean-Luc Mélenchon souhaitait la démission du Président de la République. Il lui a fait donc répéter et il a répondu : « Le sujet, c'est : si monsieur Macron ne permet pas à la démocratie de se concrétiser par un gouvernement, il ne faudra pas s'étonner que, ensuite, le mot d'ordre de tout le pays, avant la fin du mandat, ce soit Macron démission. Et j'ajoute que je l'ai déjà entendu. ». Si ce n'est pas une menace personnelle, alors je suis la reine d'Angleterre.

    Petit arrêt sur la bande son : il faut traduire. "Ne permet pas à la démocratie de se concrétiser par un gouvernement", cela signifie pour l'insoumis : "Ne nomme pas un gouvernement NFP". Or, tout le problème du raisonnement de Jean-Luc Mélenchon, c'est qu'il n'a pas la majorité absolue, et la séance du 18 juillet 2024 où son candidat au perchoir André Chassaigne a échoué a montré qu'il n'était pas la force politique la plus importante. Sinon André Chassaigne aurait gagné. C'est factuel, lui qui aime bien le factuel.

     

     
     


    Déjà, on voit bien qu'il dit n'importe quoi, car je reviens juste après sur ses premières déclarations qu'Anthony Lebbos a voulu faire préciser. Il disait que de toute façon, le gouvernement NFP serait censuré, et qu'il censurerait le suivant. Donc, même si le Président "permet à la démocratie de se concrétiser", ce ne sera pas bon puisqu'à la fin, Jean-Luc Mélenchon réclamerait la démission d'Emmanuel Macron.

    Certes, juste après cette phrase, il a ajouté : « Moi, je ne souhaite pas que les mandats soient abrégés. Ce n'est pas mon souhait. Je viens de vous dire que j'espère le respect des règles. Mais si le Président de la République rend impossible le fonctionnement des règles, alors, oui, il devra s'en aller. Parce que sinon, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ? On ne va pas rester sans gouvernement où toutes les semaines, changer de gouvernement avec un vote de censure, vous comprenez, ce n'est pas possible. ».

    "Moi, je ne souhaite pas la démission"... mais il l'a dit avec une telle force d'envie, de rage, que c'est assez peu crédible. C'est clair, il attend une occasion, et il va réclamer la démission du Président de la République. Auquel cas, il serait un vrai insoumis. La faute à Emmanuel Macron a bon dos : aujourd'hui, c'est la volaille du NFP qui est incapable de s'entendre sur un chef. Et un chef de quoi ? D'aucune majorité !

    Le problème, c'est que dans ses raisonnements, il n'y a que des biais, des oublis historiques, des erreurs, et des mensonges. Le principal mensonge, car il n'est pas idiot, c'est de clamer matin midi et soir, depuis le 7 juillet à 20 heures 02 que le NFP avait gagné les élections, qu'il était majoritaire. La réponse objective est non : à cause de cette situation tripartite, personne, aucun camp n'a gagné, et c'est pour cela qu'il va falloir qu'ils travaillent ensemble pour arriver à un gouvernement commun. Sûrement pas en restant obstinément dans cette position : le programme (très dangereux) du NFP, rien que le programme, tout le programme ! Celui-ci n'est approuvé que par 28% des électeurs et 31% des députés, pas plus ! Et encore, grâce à la mécanique très efficace du front républicain. Le camp macroniste n'a jamais dit qu'il avait gagné, il a reconnu au contraire sa défaite, mais tout le monde a échoué, aucune majorité n'existe dans l'état actuel des forces politiques. C'en est même psychologiquement déstabilisant.
     

     
     


    Et il faut revenir à ce raisonnement de Jean-Luc Mélenchon qui ne veut rien que le programme : « Nous ne combinerons pas. Que monsieur Macron prenne la responsabilité de faire déposer contre notre gouvernement une motion de censure. Et ensuite, il verra, une fois notre gouvernement tombé. À notre tour nous voterons une motion de censure contre la droite. Il ne lui restera plus qu'une issue. S'en aller, lui. Parce qu'il y a toujours une solution... ».

    Voilà la stratégie du chaos institutionnel dit très explicitement par Jean-Luc Mélenchon, comme si les institutions étaient un jeu de société où on a du temps à perdre avec des gouvernements morts-nés. Il n'y a aucune raison que le Président de la République nomme un gouvernement dont la probabilité de censure est proche de 100%. D'ailleurs, c'est ce qu'il a indiqué : il nommera un Premier Ministre qui lui prouvera qu'il pourra gouverner avec cette Assemblée, c'est-à-dire qu'il a assez de soutien pour ne pas être censuré immédiatement.

    Pour Jean-Luc Mélenchon, il faut s'amuser avec des gouvernements et des censures pour arriver enfin à son résultat : la démission d'Emmanuel Macron. Il est exact que le candidat gourou a toujours refusé de reconnaître sa défaite et la victoire présidentielle d'Emmanuel Macron tant en 2022 qu'en 2017. C'est grave quand on veut donner tout le temps des leçons de démocratie. La première leçon, c'est de reconnaître sa défaite, de reconnaître les institutions, de respecter les institutions, et les personnes.

    Mais Jean-Luc Mélenchon a senti que le journaliste n'a pas compris son raisonnement. Alors il a repris l'explication plus précisément. Je la couperai pour en donner quelques biais, car tout pue l'intention de tromper intellectuellement ses interlocuteurs.

    Le supposé ex-futur Premier Ministre a répété comment il voyait l'avenir : « Si nous présentons un gouvernement et qu'il applique sa politique, et qu'il est censuré immédiatement, eh bien, nous respecterons la démocratie, il n'y aura plus de gouvernement. Mais en porteront la responsabilité ceux qui auront censuré. À leur tour, ils présenteront un gouvernement, de la droite et du centre, et nous le censurerons. Donc il tombera aussi. Par conséquent, il ne restera plus qu'une personne, et qui ne pourra pas dissoudre l'Assemblée, car la Constitution le lui interdit. Donc, il ne lui restera plus qu'une possibilité, s'en aller. ».

    Je coupe la tirade à cet instant, mais je la continuerai après. Déjà, cela n'a aucun sens, sinon un jeu de combines politiciennes, de nommer un gouvernement si on est sûr qu'il sera censuré deux jours plus tard. En ce qui concerne un gouvernement incluant des ministres insoumis, l'incertitude est nulle : s'il en était nommé un, le bloc central et le RN le censurerait, ce qui donnerait une majorité absolue.

    Quant à porter la responsabilité d'une censure, je suppose que le centre, la droite et l'extrême droite n'auraient aucune réticence à assumer pleinement et ouvertement le vote d'une mention de censure contre un gouvernement truffé d'insoumis, c'est même le principe d'une motion de censure, exprimer institutionnellement son désaccord ! Seulement, le sieur Mélenchon pense d'abord aux socialistes qui tremblent de peur de se faire traiter de traîtres, de fausse gauche par FI.
     

     
     


    En revanche, en cas d'un gouvernement de centre droit, les insoumis le censureraient probablement, cela ne fait aucun doute. Mais l'idée serait aussi de faire participer les socialistes au nom de l'intérêt de la République et du pays. Et la position du RN est également très claire, rappelée par la députée Edwige Diaz, vice-présidente du RN, qui a affirmé sur LCI le 18 juillet 2024 que le RN n'avait pas vocation à censurer un gouvernement de droite ou du centre.

    Il est apparemment des partis politiques qui savent mieux que Jean-Luc Mélenchon où se place l'intérêt national (et certainement pas dans l'ego d'un gourou vieilli et aigri). J'ajoute d'ailleurs que ce vendredi soir, l'élection, dès le premier tour, des deux vice-présidentes insoumises de l'Assemblée (Clémence Guetté et Nadège Abomangoli), s'est produite grâce aux voix du RN, ce qui ne semble pas trop émouvoir les insoumis ! (d'autant plus que le RN n'a plus de vice-présidence lui-même).

    Le patriarche de la lettre phi a poursuivi sa démonstration : « Ce que je veux vous dire, c'est que nous sommes en train de passer d'une situation de crise démocratique, ça ne collait pas, à une situation de crise de régime, et que l'auteur de cette situation est le Président de la République. Donc, il y a toujours le retour aux urnes. La première fois, c'était en renvoyant chez eux les députés. La prochaine fois si tout est bloqué, c'est qu'il s'en aille lui-même. ». Je coupe ici.
     

     
     


    Là encore, beaucoup d'inepties. C'est Jean-Luc Mélenchon qui parle de crise de régime, et lui seul. Il n'y a pas de crise de régime. Juste des partis politiques incapables de s'entendre. L'élection de la Présidente de l'Assemblée Nationale s'est déroulée calmement, normalement, démocratiquement, quasi-courtoisement (poignées de mains exceptées). Il n'y a pas de crise de régime. La crise de régime, c'est quand il n'y a plus d'institutions. Celles de l'Assemblée Nationale sont bien là, même si, effectivement, la situation est nouvelle, plus compliquée surtout parce que nouvelle, un peu comme lors de la première cohabitation.

    Ensuite, je veux exprimer un élément qui est absolument essentiel, fondamental. C'est faux de dire que « l'auteur de cette situation est le Président de la République ». Oui, bien sûr, Emmanuel Macron a dissous l'Assemblée, et je crois que, encore aujourd'hui, personne (à part lui ?) n'a compris ce geste. En revanche, il avait le droit de dissoudre, le droit d'appliquer cette partie de la Constitution. La situation potentiellement de blocage ne provient pas de la dissolution. Revenir aux urnes est même l'alfa et l'oméga de toute démocratie. Les risques de blocages, la difficulté d'une répartition tripartite de l'Assemblée, ce n'est pas du fait d'Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon oublie simplement qu'il y a eu le peuple, simplement, qui s'est exprimé. Et son expression était partagée, contrastée, compliquée à conclure. En d'autres termes, la dissolution, c'était la prise de température, le thermomètre, pas la maladie. La température, c'est simplement la parole du peuple, parole complexe. C'était au contraire très courageux d'avoir dissous. Le Président de la République l'a d'ailleurs dit : il aurait pu confortablement faire le dos rond et attendre que les choses se passent.

    Dans la suite du raisonnement, Jean-Luc Mélenchon a encore prétendu qu'il ne voulait pas de la démission d'Emmanuel Macron : « Mais ce que je suis en train de dire n'est ni un souhait ni un ordre ni une consigne, c'est un état de fait. Si le Président de la République joue la crise politique avec un gouvernement du nouveau front populaire, à la fin, il ne restera plus qu'une issue, puisqu'il ne peut plus redissoudre l'Assemblée, c'est son propre départ. ».

    Mensonge, ce qu'il a raconté. Car l'impossibilité de la dissolution resterait la même avec la démission du Président de la République. Une nouvelle élection présidentielle avant un an ne débloquerait donc pas la situation à l'Assemblée car le blocage ne proviendrait pas de l'Élysée (il n'en aurait aucun intérêt) mais de l'absence de majorité, même relative. Jean-Luc Mélenchon fait comme s'il avait lui-même une majorité absolue à l'Assemblée. Ce n'est pas le cas. Il faut qu'il se réveille au lieu d'endormir les Français !

     

     
     


    Le raisonnement reste toujours confus : on ne sait jamais s'il reproche à Emmanuel Macron de ne pas avoir nommé de gouvernement NFP dont le Premier Ministre n'a pas encore été identifié ou s'il considère qu'il va encourager les députés à censurer un tel gouvernement. Mais qu'importe, car il faut résumer la pensée mélenchonienne relativement claire : Macron caca, panpan féfesse et ouste, à moi l'Élysée !

    Et puis est arrivée une logorrhée d'histoire vaguement mal digérée : « Entendez-moi bien, on n'est plus dans un jeu de vote, d'astuces, je suis en train de décrire une crise de régime, et le Président de la République conduit le pays à une crise de régime (…). Donc, après un certain moment donné, en quelque sorte pour que la France respire, il faut que lui comprenne que ou il change de pratique, c'est-à-dire ou il se soumet, ou bien il se démet. Cela s'est déjà passé dans l'histoire de France, au moins trois fois, chaque fois que le Président a engagé sa responsabilité en 1924, à la sortie de la Troisième République, ou le Président De Gaulle. Le Président De Gaulle avait engagé sa responsabilité sur le succès d'un référendum. Il l'a perdu, il est parti le lendemain matin. Donc, ce n'est pas nouveau en France et c'est la démocratie. (…) Nous ne participerons pas à un gouvernement qui ne prend pas l'engagement d'appliquer le programme, quelle que soit la forme par laquelle..., on ne nous tordra pas les bras, nous, on restera fidèle à la parole donnée aux électeurs. ». Sauf que les électeurs ont raconté une autre histoire que celle-là. Crise de régime ? À moins que je n'ai pas bien compris qu'il s'agissait de diététique ?

    Je suis même un peu déçu de cette pauvreté intellectuelle de Jean-Luc Mélenchon. Il a parlé de trois références historiques, mais je n'en vois qu'une à peu près pertinente dans ce qu'il a dit : la démission du Président Alexandre Millerand en 1924, car il avait en effet pris parti pendant la campagne des élections législatives en faveur du Bloc national (majorité sortante) et c'est le Cartel des gauches (déjà un cartel électoral !) qui a gagné. Le parti radical majoritaire (Édouard Herriot) a alors fait une grève des Présidents du Conseil, obligeant le Président de la République à démissionner. Mais la situation de 1924 n'a rien à voir avec celle de 2024 : le Cartel des gauches avait la majorité absolue de l'Assemblée et pouvait se permettre de défier le Président de la République.

    Il a évoqué la fin de la Troisième République : quel rapport avec la situation de 2024 ? La Troisième République est tombée en juillet 1940 par le chef du gouvernement lui-même qui a éliminé le Président de la République pour faire sa Révolution nationale (c'était Pétain). Il n'y avait aucune majorité ni aucune Assemblée dans cette affaire, c'était la même Assemblée que celle du Front populaire (le vrai, lui, le seul) élue en 1936 qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain qui était déjà le chef de l'exécutif. Albert Lebrun n'a jamais pris parti à rien (c'est d'ailleurs ce que je pourrais lui reprocher).

    Quant au troisième exemple, complètement différent : l'échec du référendum et la démission de De Gaulle, en 1969, encore une fois, cela n'a rien à voir avec 2024. Les historiens évoquent plutôt un prétexte pour quitter glorieusement le pouvoir alors qu'il n'avait pas terminé de rédiger ses mémoires et sa femme Yvonne aspirait au calme et à la tranquillité. Là encore, le "non" au référendum était majoritaire, d'une majorité absolue, rien à voir avec les 31% de députés de l'Assemblée aujourd'hui pour le NFP. De plus, l'échec au référendum n'a pas, par la suite, entraîné la démission du Président de la République : François Mitterrand l'avait exclu en 1992 en cas d'échec du référendum sur le Traité de Maastricht, et Jacques Chirac n'a pas démissionné après l'échec du référendum sur le TCE en 2005.

    En revanche, Jean-Luc Mélenchon a oublié un épisode de la Troisième République beaucoup plus intéressant, avec la fameuse crise politique du 16 mai 1877 : après la dissolution d'une Assemblée devenant de moins en moins monarchiste et de plus en plus républicaine, le Président monarchiste, le maréchal Patrice de Mac Mahon a été sommé par Léon Gambetta de « se soumettre ou se démettre » (discours du 15 août 1877 à Lille). Finalement, l'histoire a retenu qu'il a fait les deux, laissant gouverner un gouvernement républicain puis, refusant certaines nominations d'officiers (il était maréchal de France), il a démissionné le 30 janvier 1879 (près de deux ans après la crise). Mais là encore, il y avait une majorité absolue favorable aux républicains, rien à voir avec 2024.

     

     
     


    On le voit bien aujourd'hui, Jean-Luc Mélenchon, c'est le naufrage de la vieillesse. Un naufrage politique, mais aussi un naufrage intellectuel. Il croit épater ses adeptes avec des raisonnements trompeurs et biaisés, servis par de fausses références historiques. S'il fallait chercher une comparaison historique, il suffirait simplement de regarder la Quatrième République, entre 1947 et 1958. Pendant onze ans, aucune majorité absolue d'un camp, étriqué entre un RPF très à droite et un PCF très à gauche, tous les deux très puissants. Les forces centrales très différentes (SFIO, radicaux, démocrates chrétiens du MRP, républicains indépendants du CNIP et quelques gaullistes républicains sociaux, plus quelques micro-partis de centre gauche) ont dû négocier en permanence pour former un gouvernement, le renverser ensuite sur un sujet bien particulier, puis en renommer un nouveau, etc. Ils ont cependant réussi à s'entendre et la France des années 1950 a été en pleine croissance, en pleine reconstruction, avec une natalité flamboyante et de nouveaux droits sociaux. Et aucune dette, aucun déficit !

    Aujourd'hui, c'est Jean-Luc Mélenchon qui met en danger la République et la démocratie. C'est son sbire Adrien Quatennens (qui n'est plus député), soufflé par son chef, qui voudrait une marche sur Matignon, comme si la rue allait s'opposer aux urnes. C'est la secrétaire générale d'une CGT complètement mélenchonisée qui voudrait mettre sous surveillance l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire les représentants du peuple, en oubliant que la Constitution interdit absolument qu'un seul député soit sous pression pour exercer son mandat issu du peuple (article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. »). La dernière pression sur les députés, c'était le 6 février 1934.

    Que Jean-Luc Mélenchon souhaite le pire pour la France, souhaite voir encourage le chaos institutionnel pour tenter de prendre le pouvoir par d'autres moyens que démocratiques, cela ne m'étonne pas, il a toujours été un enragé. Ce qui m'inquiète, c'est quel intérêt les socialistes ont-ils à rester ligotés au fond de la soute à bagages, ainsi malmenés par les insoumis ? Est-ce le syndrome de Stockholm ? En tout cas, il est clair que les socialistes doivent sortir de l'emprise sectaire du mélenchonisme populiste. Certains ont déjà parcouru le chemin, comme Jérôme Guedj ou Raphaël Glucksmann, mais ils sont peu nombreux. Il revient à François Hollande d'éclairer ce chemin, lui qui a été insulté encore très récemment, le 15 juillet 2024 (l'effet punaises de lit).

    Pas facile d'être socialiste quand Olivier Faure est à la tête d'un PS mélenchonisé. C'est toujours très difficile psychologiquement de quitter une secte. On le voit aujourd'hui. Mais c'est la seule voie du salut pour ne pas décevoir leurs électeurs qui ne comprennent pas leurs enfantillages actuelles. Ce n'est pas une adversaire mais bien une membre à part entière du NFP qui a dit ceci : « Je suis en colère, écœurée, je suis fatiguée, j'en ai marre, je suis désolée du spectacle qu'on donne aux Français et aux Françaises. ». Marine Tondelier ne doit pas être la seule...



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240719-melenchon.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-28-la-strategie-255934

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/19/article-sr-20240719-melenchon.html




     

  • Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet

    « C’est avec une immense émotion que je prends la parole devant vous. Les dernières semaines ont été particulièrement tendues. Notre pays est inquiet et fracturé. Nous avons une immense responsabilité. (…) Ces voix, ces suffrages, cette mobilisation exceptionnelle et inédite nous confèrent une immense responsabilité. Si nos compatriotes ont été aussi nombreux à se rendre aux urnes, c’est qu’ils ont compris que la démocratie était un bien précieux, que certains enjeux étaient majeurs, que les hommes et les femmes politiques que nous sommes pouvaient avoir un effet direct sur leurs vies, nos décisions et nos actions peuvent changer leurs vies. » (Yaël Braun-Pivet, le 18 juillet 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Veste rouge vs Veste verte. La députée des Yvelines Yaël Braun-Pivet a été réélue Présidente de l'Assemblée Nationale ce jeudi 18 juillet 2024 vers 20 heures 40 à l'issue d'une séance très tendue et d'un scrutin très serré et incertain. C'est avec beaucoup d'émotion qu'elle a accueilli cette nouvelle et dans son bref discours inaugural, sans note, spontané, elle a salué ses concurrents en les faisant ovationner un à un, y compris le candidat du RN mi-amusé.

    Reprenons la journée parlementaire. Les candidatures ont été annoncées par les différents groupes quelques jours voire quelques heures avant le scrutin. En lice : Yaël Braun-Pivet, Présidente de l'Assemblée Nationale sortante, dont les qualités pour présider l'Assemblée ont été reconnues de tous, et André Chassaigne, président du groupe communiste et désigné candidat unique de la nouvelle farce populaire (NFP) qui voyait le perchoir comme son bâton de maréchal pour couronner sa carrière politique, étaient les deux concurrents principaux.


    Sans surprise, comme en 2022, Sébastien Chenu concourrait pour le groupe RN. S'il ne s'attendait pas à se faire élire, ses décisions de se maintenir à chaque tour étaient importantes car selon son comportement, il pouvait être un faiseur de Président. Son objectif est la reconnaissance des députés RN en tant que députés de la nation et à ce titre, capables de prendre des responsabilités dans les différents postes de l'Assemblée. Entre 2022 et 2024, deux députés RN étaient vice-présidents, Hélène Laporte et Sébastien Chenu.

    En revanche, surprise du côté LR puisque la candidature d'Annie Genevard, ancienne vice-présidente de l'Assemblée entre 2017 et 2022, a été éclipsée au profit de Philippe Juvin, le plus Macron-compatible des membres de LR. Attendue mais cela restait quand même étonnant et peu responsable, le groupe Horizons a présenté sa propre candidate Naïma Moutchou, vice-présidente sortante, pour compter ses députés, au prix d'une désunion du bloc présidentiel nécessairement relégué en troisième place. Enfin, représentant du groupe centriste et ultramarin LIOT et absolument opposé à la réélection de Yaël Braun-Pivet, Charles de Courson s'est également présenté, se positionnant comme le candidat qui pourrait réunir une grande partie de l'Assemblée car il ne ferait de l'ombre à personne. Le groupe MoDem (présidé par Marc Fesneau) avait envisagé de présenter un candidat, comme l'a fait le groupe Horizons, puis y a renoncé.

    Comme le 28 juin 2022, la séance a été présidée par le doyen d'âge, le député RN José Gonzalez, inaugurant ainsi la XVII
    e législature de la Cinquième République. Après une courte allocution, le scrutin a pu commencer pour élire le Président de l'Assemblée Nationale pour cinq ans, de 2024 à 2029 (en principe !).

    Les scrutateurs chargés d'organiser le scrutin et de surveiller et porter les deux grosses urnes sont les députés les plus jeunes de l'Assemblée, en particulier deux RN. Lors de cette séance un peu spéciale, les députés sont placés non pas selon leur appartenance à un groupe politique mais par ordre alphabétique, permettant d'étranges proximités politiques, selon le hasard des noms. Pour voter à bulletin secret, sans pression, chaque député se lève et va jusqu'à la tribune pour y placer son bulletin, selon l'ordre alphabétique à partir d'une lettre tirée au sort. Le jeune scrutateur RN tendait la main à tous les députés votants mais les membres insoumis et écologistes, entre autres, au regard fuyant, refusaient obstinément de lui serrer la main en raison de son appartenance au RN (ce qui est absolument stupide et pas très positif pour la propre réputation de ces députés très dogmatiques). Chaque député est député de la nation et représentant du peuple, ils ont les même droits quelles que soient leurs appartenances, et la courtoisie et la politesse sont des questions d'éducation et pas de tendance politique.

     

     
     


    Chaque scrutin a duré environ deux heures : une heure pour voter, une heure pour dépouiller. Aux deux premiers scrutins, il faut la majorité absolue, au troisième et dernier scrutin, la majorité relative suffit. Vu l'émiettement politique de l'Assemblée, inutile de dire que trois tours ont été nécessaires, et heureusement qu'il était prévu la majorité seulement relative au troisième, sinon, il y aurait eu une vingtaine, trentaine de tours.

    Les résultats du premier tour ont été annoncés par José Gonzalez autour de 17 heures 10. 574 députés ont pris part au vote, 4 ont été nuls ou blancs. Il y a donc eu 570 suffrages exprimés, ce qui signifie la majorité absolue à 285. André Chassaigne a fait un très beau score en rassemblant sur son nom 200 voix, soit plus que les seules voix du NFP. Sébastien Chenu a reçu 142 voix, soit l'ensemble des groupes RN et de ses alliés ciottistes. Yaël Braun-Pivet, candidate d'Ensemble, n'a obtenu que 124 voix en raison de la présence, parmi les concurrents, de la députée Horizons Naïma Moutchou 38 voix (ce qui est pas mal). Philippe Juvin a rassemblé 48 voix. Enfin, Charles de Courson a obtenu 18 voix. À ce stade, Naïma Moutchou et Philippe Juvin ont annoncé le retrait de leur candidature pour le deuxième tour, soutenant désormais la candidature de Yaël Braun-Pivet. Quelle faute politique pour Horizons d'avoir présenté une candidate contre Yaël Braun-Pivet, mécaniquement troisième, derrière le RN.

    Vers 19 heures 05, les résultats du deuxième tour ont été proclamés : 574 votants, 5 blancs ou nuls, 569 suffrages exprimés (majorité absolue 285). Yaël Braun-Pivet a bondi de la troisième à la première place avec 210 voix, soit exactement le total au premier d'elle et de deux candidats qui se sont retirés. André Chassaigne a recueilli 202 voix, soit encore 2 de plus qu'au premier tour. Sébastien Chenu aussi a amélioré son score avec 143. Charles de Courson, en revanche, a chuté de 18 à 12. Enfin, 2 députés ont voté pour des personnes qui n'étaient pas candidates.

    Donc, les 6 voix manquantes de Charles de Courson se sont réparties ainsi : 1 blanc, 2 voix pour un autre candidat non déclaré, 1 pour Sébastien Chenu, 2 pour André Chassaigne. Charles de Courson s'est alors retiré à l'issue du deuxième tour, en sachant qu'au troisième tour, le vote a lieu à la majorité relative.
     

     
     


    Restaient donc en lice au troisième tour les trois principaux candidats. Trois, car Sébastien Chenu a annoncé se maintenir au troisième tour. Cette configuration, plus dangereuse pour elle, est aussi la plus payante politiquement : Yaël Braun-Pivet n'allait pas dépendre des voix ou de l'abstention du RN pour sa réélection. Tout le monde a cependant dit que ce serait très serré car où iraient les 12 voix de Charles de Courson, alors que l'écart entre André Chassaigne et la Présidente sortante n'était que de 8.

    Petit arrêt sur l'hypothèse où André Chassaigne aurait été élu, ce qui n'a pas été le cas, ouf ! D'abord, quel anachronisme cela aurait été : l'Assemblée Nationale de la France, ce pays moderne, présidée par un communiste, un vrai communiste qui se revendique d'un parti communiste sans jamais s'être réformé ! Au-delà du signal terrible d'archaïsme (aurait-on imaginé André Lajoinie présider l'Assemblée dans les années 1980 ?), de paléontologie politique française, comment imaginer qu'un parti qui ne représente que 2% de l'électorat (son score aux élections européennes du 9 juin 2024) puisse présider la Représentation nationale ? Enfin, le signal lourd qu'une majorité à la gauche radicalisée était possible au gouvernement.

    Le suspense dramatique a pris fin un peu au-delà de 20 heures 35, quand José Gonzalez a proclamé Yaël Braun-Pivet vainqueure de cette élection avec 220 voix contre 207 à André Chassaigne et 141 à Sébastien Chenu. 1 voix s'est portée sur un autre candidat non présenté. 572 votants, 3 blancs ou nuls, 569 suffrages exprimés. Bien entendu, l'émotion a conquis l'hémicycle, et bien au-delà des rangs macronistes. Elle a même eu droit à une ovation, ce qui est la tradition.


    La première satisfaction, c'est qu'une femme continue encore à présider l'Assemblée, et quand on voit les autres candidats, ce n'était pas sûr du tout. La deuxième satisfaction est de démontrer que la gauche radicalisée n'est pas majoritaire, cela remet un peu les points sur les i sur la nature du message des électeurs. Cette Assemblée est en effet confuse, mais la première chose qu'il en sort, après dix jours de confusion totale, c'est Yaël Braun-Pivet réélue au perchoir, et bien réélue, avec 13 voix d'écart, c'était serré mais clair. Et réélue dans les meilleures conditions politiques, meilleures qu'en juin 2022 où le RN s'était retiré dès le second tour. En 2024, on peut affirmer (contrairement à ce qu'a prétendu l'aboyeuse professionnelle Mathilde Panot) qu'aucune voix du RN n'est allée sur Yaël Braun-Pivet. Des 142 voix du premier tour pour Sébastien Chenu, il en a perdu une seule, qui a dû se porter vers un candidat non déclaré. En revanche, le groupe LIOT est bien un OVNI de la vie politique et on aimerait que ce groupe puisse perdurer au fil des législatures tant son identité particulière (liberté de vote) est troublante : certains ont voté pour André Chassaigne, d'autres pour Yaël Braun-Pivet, et même 1 pour Sébastien Chenu au deuxième tour.

    Quelques minutes avant l'annonce des résultats, quelques députés insoumis allaient donner le ton de leur réaction après l'annonce. Ils ont remis en doute la légalité des 17 ministres démissionnaires qui ont voté à ce scrutin. Pourquoi le leur reprocher quand les résultats leur seraient défavorables et pas dès le premier tour ? Mystère ! Sur ce point très particulier, la plupart des constitutionnalistes ont expliqué que c'était légal. Du reste, le ministre démissionnaire élu député, pourquoi ne pas prendre en compte les électeurs de leur circonscription ? Il faut rappeler aussi qu'un suppléant ne peut prendre ses fonctions qu'un mois après la nomination d'un député au gouvernement. Dans des scrutins serrés, chaque voix compte et surtout, chaque électeur compte ! Refuser ce droit de vote serait plutôt là comme déni de démocratie. Par ailleurs, il y aurait eu au moins six précédents sous la Cinquième République. J'en connais au moins deux, en mars 1986 (majorité très serrée) et aussi en 1988 (absence de majorité absolue), où les ministres démissionnaires du premier gouvernement de Michel Rocard élus députés ont siégé pour élire le Président de l'Assemblée Nationale (à l'époque, le PS était ultradivisé et chaque voix comptait aussi).

    Autre critique stérile relayée tant à l'extrême droite qu'à l'extrême gauche : la réélection de Yaël Braun-Pivet serait un déni de démocratie. Pour les députés NFP, rappelant qu'ils étaient arrivés en tête au premier tour, ils ont dénoncé (comme le RN) les combinaisons et les accords opaques avec le groupe LR. C'est très fort d'hypocrisie ! D'une part, aucune opacité puisque cet accord a été commenté en long et en large pendant près d'une journée. D'autre part, le résultat de la candidature unique d'André Chassaigne a résulté aussi d'un accord, d'une combinaison entre les quatre partis du NFP, pas plus transparente que du côté de LR.


    Enfin, si André Chassaigne, Mathilde Panot mais aussi Boris Vallaud et Cyrielle Chatelain, les quatre présidents de groupe du NFP, ont tant hurlé et aboyé contre la réélection de Yaël Braun-Pivet (on leur aurait volé l'élection, quels démagogues vraiment petits !), prouvant qu'ils étaient mauvais joueurs et qu'ils remettaient en cause la sérénité des institutions, de véritables garnements qui nieraient des faits évidents, c'est tout simplement parce qu'avec l'échec de la candidature d'André Chassaigne (qu'ils ont appelée succès parce que c'était un succès d'avoir réussi à trouver un candidat commun au perchoir !), s'est éloignée évidemment (et heureusement) la perspective d'un gouvernement du NFP (toutefois fantôme puisqu'ils étaient incapables d'en nommer un seul membre). Et c'est tant mieux ! Je n'ose pas imaginer le cas où ces fous enragés auraient conquis le perchoir, sur la manière très partisane de diriger les débats parlementaires.

    La réaction du RN et de Sébastien Chenu à la réélection de Yaël Braun-Pivet était un peu plus subtile : les députés RN ont fustigé le maintien de Yaël Braun-Pivet alors que les électeurs auraient réclamé du changement, mais cette contestation fait finalement le jeu de la Présidente réélue car au moins, on ne pourra pas dire qu'elle a été réélue grâce au RN. L'autre critique beaucoup plus forte du RN, c'est l'accord en bonne et due forme du groupe LR en faveur des macronistes, l'objectif du RN étant de reprendre la place laissée vacante par LR.

    Pourtant, entre André Chassaigne et Yaël Braun-Pivet, il n'y avait pas photo pour le RN : son intérêt était effectivement pour la réélection de Yaël Braun-Pivet qui souhaite la représentation de tous les groupes, y compris extrémistes, dans le bureau (qui sera désigné le lendemain), alors que la gauche veut ostraciser le RN des instances décisionnelles de l'Assemblée (ce qui serait une erreur, et serait illégal, en contradiction avec une loi organique appelée Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale).
     

     
     


    L'émotion énorme et très visible de Yaël Braun-Pivet semble enfin clore une séquence ultrastressante qui va du dimanche 9 juin 2024 à ce jeudi 18 juillet 2024 : un tremblement de terre électoral aux élections européennes, pas assez commenté car tout de suite suivi de la dissolution, d'une campagne difficile et courte, d'une perspective devenue quasi-réalité au premier tour du 30 juin 2024 d'une majorité absolue de députés RN, puis d'un front républicain très efficace contre le RN au second tour du 7 juillet 2024. Le retour de Yaël Braun-Pivet à l'Hôtel de Lassay est aussi une manière de dire que la raison, l'ordre et la stabilité l'ont emporté sur les hurlements ou les aboiements d'une gauche radicalisée qui a soumis la gauche molle (PS), tétanisée de la crainte d'être considérée comme des traîtres à la gauche : il fallait voir la tête dépitée de François Hollande et Olivier Faure à l'annonce des résultats.

    Au même moment, à Strasbourg, Ursula von der Leyen était réélue Présidente de la Commission Européenne par les députés européens qui lui ont accordé un second mandat de cinq ans. On a pu voir une grande embrassade entre elle et ...Manon Aubry, séquence vidéo qu'a immédiatement retransmise Marine Le Pen dans les réseaux sociaux en disant : sans commentaire.

    Au programme du vendredi 19 juillet 2024, l'élection des autres membres du bureau de l'Assemblée (6 vice-présidents, 3 questeurs, 12 secrétaires). Celui du samedi 20 juillet 2024 : la constitution des différentes commissions permanentes. Et cette difficulté : qui se déclare de la majorité, qui se déclare de l'opposition ?



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     







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  • Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier

    « Je suis en colère, écœurée, je suis fatiguée, j'en ai marre, je suis désolée du spectacle qu'on donne aux Français et aux Françaises. » (Marine Tondelier, le 17 juillet 2024 sur France 2).



     

     
     


    Ce mercredi 17 juillet 2024, dans la matinale de France 2, Marine Tondelier, la secrétaire nationale des écologistes d'EELV, était à la fois triste et en colère. Elle s'est bien rendue compte que décidément, l'union de la gauche n'est pas une affaire facile. C'est même une affaire impossible. Si dans la journée, la nouvelle farce populaire (NFP) a finalement réussi à se mettre d'accord sur un seul candidat au perchoir, ce n'est pas le cas pour un possible Premier Ministre. Le vieux communiste André Chassaigne, sympathique président du groupe communiste apprécié humainement de tout l'hémicycle, candidat au perchoir, aura quand même du mal à réunir sur son nom des voix au-delà du NFP en raison de son positionnement politique.

    Marine Tondelier est désespérée sur l'incapacité du NFP à sortir de son chapeau un nom de Premier Ministre. Évidemment ! Il aurait fallu le trouver et l'annoncer avant les élections, s'ils avaient un peu de respect pour leurs électeurs, mais c'était trop compliqué. Le NFP était une sorte d'artifice vite fait, bâclé, pour faire face à la fois au macronisme et au RN. Ils ne pensaient pas qu'ils auraient l'audace de prétendre à gouverner la France à l'issue du second tour.

    De toute cette séquence particulièrement éprouvante, une sorte de trajet du train fantôme dans une maison hantée, celle de la campagne des élections législatives où était martelée l'inéluctable victoire du RN, une personnalité s'est dégagée, inconnue jusqu'alors de Français, Marine Tondelier. À presque 38 ans, le mois prochain, secrétaire nationale d'EELV depuis le 10 décembre 2022, Marine Veste Verte a multiplié ses interventions médiatiques depuis la dissolution de l'Assemblée : dès le 10 juin 2024, elle est allée sonner à la porte de ses partenaires de la Nupes, les insoumis, les communistes et les socialistes, pour dire qu'il fallait s'unir aux élections sinon ils seraient laminés par la vague RN. En quelque sorte, l'union de la gauche en 2024 lui doit beaucoup. Son échec aussi.

    Car Marine Tondelier n'est pas une déesse, ni une sainte, elle ne fait pas de miracle, et ne sait pas déplacer les montagnes. Surtout quand l'une s'appelle Jean-Luc Mélenchon ! Comme chez tout écologiste, il y a toujours une part de naïveté et de candeur chez Marine Tondelier. C'est ce qui les fait apprécier de ceux qui préfèrent s'occuper de l'environnement à magouiller dans de la cuisine politicienne.

    Pas facile de porter le même prénom que la leader de l'extrême droite, ou alors, c'est justement c'est le challenge de changer de Marine. Pas facile non plus son implantation électorale, dans le Pas-de-Calais, il faut dire qu'elle n'a pas beaucoup de chance ; depuis 2014, elle est conseillère municipale dans le cœur de la MarineLePénie : Hénin-Beaumont, dont le maire, Steeve Brivois et la députée, Marine Le Pen, ont durablement conquis les terres électorales initialement de gauche. Elle a été candidate dans cette onzième circonscription du Pas-de-Calais en 2012 (avec Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en concurrents, le député sortant PS Philippe Kemel a encore gagné, pour la dernière fois), en 2017 et en 2022 (unique candidate de la gauche), mais a laissé son tour en 2024, dans un bastion désormais imprenable (sortante depuis 2017, Marine Le Pen y a été réélue dès le premier tour avec 58,0% !).

    Pourtant, l'échec du NFP de proposer un nom de Premier Ministre, il est en partie de sa propre responsabilité. En effet, ce sont les quatre chefs de parti du NFP qui négocient depuis le 7 juillet 2024 pour ne pas trouver de nom. Elle est aussi responsable que Manuel Bompard, Fabien Roussel ou Olivier Faure.

    Certains journalistes disent même qu'elle est plus responsable de l'échec que d'autres. Pourquoi ? Parce qu'elle aurait systématiquement émis la neutralité des écologistes entre les deux camps très clivés, les insoumis et les socialistes. Refusant de prendre partie pour ne froisser ni les uns ni les autres, elle empêcherait de faire pencher la balance d'un côté et pas de l'autre et d'aboutir à une conclusion, à une décision.


    Il faudrait reprendre exactement l'historique de la proposition de la présidente du conseil régional de La Réunion Huguette Bello à Matignon. Selon la version officielle (je pense qu'il s'agit en réalité d'une manœuvre de Jean-Luc Mélenchon), c'est Fabien Roussel qui l'a proposée le vendredi matin (12 juillet 2024). Il a lâché son nom en public afin de faire avancer les choses. Dans la journée, les insoumis se sont ralliés à ce nom.
     

     
     


    Le samedi (13 juillet 2024), dans l'après-midi, Olivier Faure a convoqué le conseil national du PS pour approuver ou rejeter le nom d'Huguette Bello. A priori, elle est trop marquée à gauche, Olivier Faure n'en voulait donc pas mais voudrait auparavant connaître la position des écologistes. En effet, si EELV annonçait aussi son accord pour Huguette Bello, le PS serait obligé de s'y rallier, sinon il serait responsable du blocage et de la division, chose que ne veut absolument pas endosser Olivier Faure. Selon Mediapart, il aurait lâché : « Si on est seuls contre trois, on va devoir céder ! ».

    À ce moment de l'histoire, assez confuse il faut bien le dire, il faut lire la chronique du journaliste Daniel Schneidermann mise en ligne ce mercredi 17 juillet 2024, qui n'a toujours pas compris pourquoi ni comment la candidature d'Huguette Bello a capoté. Il a contacté tous les acteurs de cette tragi-comédie pour tenter de démêler mauvaise foi et vérité.

    Selon lui, Olivier Faure aurait interrompu le conseil national du PS pour contacter Marine Tondelier qui lui aurai dit : « Les Verts, c'est ni oui ni non ! ». Forts de cette indécision, les socialistes ont alors officialisé leur refus. La version de Marine Tondelier, c'est qu'elle n'aurait pas été contactée elle-même samedi après-midi, mais un « membre de son entourage » qui, aujourd'hui, tient fermement à rester anonyme. Elle-même était favorable à la candidature d'Huguette Bello qu'elle connaissait déjà mais elle l'avait appelée au téléphone et voulait qu'elle se présentât devant la direction des écologistes pour exposer son projet politique (Huguette Bello était en vacances et devait rentrer en début de semaine).


    Lorsqu'elle est partie pour la matinale de France Inter le dimanche 14 juillet 2024, Marine Tondelier voulait annoncer son soutien « avec beaucoup de bienveillance et d'enthousiasme » à Huguette Bello... mais c'était trop tard, cette dernière venait de décliner l'offre en raison du refus des socialistes. Marine Tondelier n'a pu que regretter cette décision. Caramba ! Encore raté !

    Dans sa petite investigation personnelle, Daniel Schneidermann s'est un peu désespéré : « Tondelier : "Faure a peut-être entendu ce qu'il voulait entendre". "Franchement, c'est un beau symbole mais elle n'était pas du tout prête à assumer Matignon" confirme Faure (par SMS). Ils me répondent, mais je les sens désarçonnés par mes questions factuelles (qui a dit quoi ? À quelle heure ? Qui a répondu quoi exactement ?). Manifestement, ils n'ont pas l'habitude. Et puis, dans ce harcèlement de textos, d'appels, de sommations, allez vous souvenir des détails ! ».

    Donc, si la candidature d'Huguette Bello a échoué, c'est en partie à cause de Marine Tondelier elle-même qui, à force de ménager la chèvre et le chou, est incapable de prendre des décisions claires et surtout connues de ses partenaires. En fait, les écologistes seront toujours d'accord. Ainsi, Marine Tondelier a aussi avalisé l'hypothèse de Laurence Tubiana, rejetée absolument par les insoumis. Retour à la case départ. Ne croyez pas que le Président de la République se frotte les mains aujourd'hui. C'est plutôt Marine Le Pen qui se frotte les mains. Elle attend plein d'espoir son heure l'année 2025...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (17 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240717-tondelier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-26-les-larmes-de-255887

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/17/article-sr-20240717-tondelier.html



     

  • Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?

    « L'élection des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s'efforçant de reproduire au sein du bureau la configuration politique de l'Assemblée et de respecter la parité entre les femmes et les hommes. » (Article 10 alinéa 2 du Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale).


     

     
     


    Tout s'accélère cette semaine dans la perspective de l'ouverture de la XVIIe législature de la Cinquième République ce jeudi 18 juillet 2024. La nouvelle farce populaire (NFP) est en phase de décomposition avancée, prêt à imploser devant l'étendue des désaccords : ils ne sont pas capables de s'entendre pour la première décision à prendre, comment pourraient-ils se mettre d'accord sur la politique à mener, par exemple, sur le nucléaire ?

    Après le rejet des socialistes de la proposition d'Huguette Bello, à Matignon, le PS a proposé d'autres noms dont Cécile Duflot (!!!!!) (les bras m'en sont tombés !), Esther Duflo (l'économiste qui n'a pas vraiment validé le programme économique du NFP), et enfin, Laurence Tubiana. Le PCF et EELV se sont ralliés à cette idée, mais les insoumis l'ont rejetée catégoriquement, demandant un peu de sérieux. Laurence Tubiana, en particulier, avait fait partie des personnalités pressenties pour Matignon en 2020 puis 2022. De là à instruire son procès pour macronisme aggravé, il n'y a qu'un pas mais justement, c'est parce qu'elle est macron-compatible qu'elle conviendrait pour élargir la majorité à Ensemble. Fin de non recevoir de Jean-Luc Mélenchon, et même pire, rupture des négociations au NFP. C'est bien joli, ces petites guéguerres, mais ils ne se mettent même pas d'accord alors qu'il leur manque 100 députés et qu'ils devraient nécessairement aller les chercher ailleurs que chez eux. En fait, comme il est très intelligent, le gourou des insoumis prouve qu'il ne veut pas gouverner et préfère la position confortable de l'opposant jusqu'en 2027.

    C'est un spectacle pitoyable qui montre à l'évidence que le Président Emmanuel Macron avait raison : ni le RN ni le NFP ne sont capables de gouverner et ils n'ont d'ailleurs pas de projet de gouvernement, ils ne sont pas prêts ni sur le plan des personnalités à nommer, ni sur le plan du contenu. Toutefois, cela ne fait pas les affaires de la France et les entreprises sont dans une grande expectative.

    Ce mardi 16 juillet 2024 a eu lieu un ultime conseil des ministres du gouvernement dirigé par Gabriel Attal. La démission du gouvernement est devenue officielle vers 18 heures 30 et en attendant le prochain gouvernement, le démissionnaire gérera les affaires courantes (et les ministres qui ne sont plus ministres pourront siéger à l'Assemblée s'ils ont été élus ou réélus). Certains évoquent que cette période pourrait durer jusqu'au 1er octobre 2024, date de l'ouverture de la session ordinaire.

    Emmanuel Macron a encouragé les députés Ensemble à travailler sur une coalition avec les élus LR et centristes ainsi qu'avec le centre gauche pour former un gouvernement viable que ne peut manifestement pas concevoir le NFP, faute de majorité. De son côté, le groupe LR a travaillé son pacte législatif à partir duquel il proposera une dizaine de textes législatifs sur lesquels ils seront vigilants, en compensation d'une bienveillance parlementaire (pas de vote de motion de censure). Emmanuel Macron, en tout cas, a exclu la nomination d'une gouvernement 100% NFP avant le mois d'octobre, car sans session parlementaire, aucune motion de censure ne pourra être déposée, et pendant ces semaines au pouvoir, ce gouvernement pourrait faire de graves dégâts économiques par voie de décrets.

     

     
     


    L'enjeu se déplace de quelques rues, de Matignon au Palais-Bourbon, et l'importance de l'élection du prochain Président de l'Assemblée Nationale jeudi est grande car elle pourrait préfigurer la capacité ou non de gouverner, de trouver des majorités de circonstance. Je rappelle que dans ce scrutin, il faut la majorité absolue aux deux premiers tours, et la majorité relative suffit au troisième tour. De nouveaux candidats peuvent le cas échéant se présenter entre deux tours.

    Le NFP a assuré qu'ils se sont mis d'accord pour ne présenter qu'une seule candidature, espérant l'emporter à la majorité relative au dernier tour. Beaucoup sont candidats mais certains pourraient s'effacer : Éric Coquerel pour FI, Cyrielle Chatelain (qui vient d'être réélue présidente du groupe EELV à l'unanimité), André Chassaigne pour le PCF et Boris Vallaud pour le PS. Apparemment, Cyrielle Chatelain auraient les faveurs du NFP (à confirmer). D'autres candidats dans les autres groupes (en tout, il y aurait treize groupes) : Charles de Courson pour les centristes (ils ne représentent que quelques sièges), Annie Genevard pour LR, probablement Sébastien Chenu pour le RN (à confirmer).

    La Présidente de l'Assemblée Nationale sortante Yaël Braun-Pivet a également annoncé sa candidature ce mardi, mais rien n'indique qu'il n'y aurait pas, non plus, un candidat du groupe Horizons, et même un autre du MoDem. Peu appréciée du Président de la République, Yaël Braun-Pivet veut réunir une large majorité des députés sur son nom. Certes, sa réélection pourrait mettre un doute sur le besoin de changement et la réalité des élections législatives, mais en fait, la question ne se pose pas vraiment en ces termes : si elle est réélue jeudi, cela signifie que la configuration de l'Assemblée lui a apporté une majorité (même relative), et c'est donc bien la volonté populaire puisque cette configuration a été voulue par les électeurs (plus ou moins consciemment).

    Mais derrière l'enjeu du perchoir, il y a deux autres enjeux : le premier, déjà évoqué, de la capacité à recueillir une majorité relative dans cette Assemblée impossible ; le second, c'est qu'il y a d'autres postes de gestion de l'Assemblée, le fameux bureau de l'Assemblée Nationale, à désigner, et aussi les commissions et ses présidents.

     

     
     


    Là, formellement, on tombe sur un os institutionnel. Pourquoi ? Parce que selon le Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale, dans sa dernière version du 24 novembre 2014 (loi organique n°2014-1392 du 24 novembre 2014), chaque groupe doit indiquer, au moment de sa formation (ils ont jusqu'au 20 juillet 2024 pour achever leur constitution), à côté de sa profession de foi, son appartenance (très binaire) à la majorité ou à l'opposition. Sur les treize groupes actuellement formés, seul le RN aurait indiqué opposition, et il revendique déjà la présidence de la commission des finances (réservée traditionnellement, depuis 2007, à un membre de l'opposition). Quant au groupe insoumis, il aurait indiqué qu'il appartenait à la majorité, puisqu'il est dans le trip de la formation d'un gouvernement 100% NFP.

    Comme aucun nouveau gouvernement n'est encore nommé, ni aucune coalition n'a démontré qu'elle pouvait gouverner, se dire de la majorité ou de l'opposition relève de procédés divinatoires ! Et être de l'opposition, cela signifie quelle opposition, puisque le problème s'était déjà posé en 2022 où FI et le RN avaient revendiqué la même présidence de la commission des finances, le premier car faisant partie de la Nupes, plus nombreuse que le RN, pourtant le groupe d'opposition le plus nombreux. Ce qui était déjà difficile en 2022 devient une véritable épreuve de force pour faire le casting de 2024.

    Dans le bureau, en plus du Président, il y a six vice-présidents (trois sortantes ont été battues aux dernières législatives : Valérie Rabault, Élodie Jacquier-Laforge et Caroline Fiat), trois questeurs (les sortants étaient Éric Woerth, Éric Ciotti et Brigitte Klinkert), et douze secrétaires.

     

     
     


    À chaque nouvelle session, ces désignations sont renouvelées, et ce sont tous les groupes qui se mettent d'accord sans faire de vote formel (en fait, si, mais pour donner l'ordre dans le protocole). Dans tous les cas, l'alinéa 2 de l'article 10 du Règlement intérieur de l'Assemblée est assez clair : « L'élection des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires a lieu en s'efforçant de reproduire au sein du bureau la configuration politique de l'Assemblée et de respecter la parité entre les femmes et les hommes. ».

    Pourquoi citer cet article ? Parce qu'il y a une double petite musique qui pourrait mettre en question la quiétude des institutions et leur caractère démocratique. L'Assemblée Nationale est en effet comme une grande maison nationale, appartenant aux Français, à tous les Français, et à leurs représentants, à tous leurs représentants, que sont les députés. Or le NFP s'est mis d'accord pour refuser toute désignation d'un membre du RN dans le bureau de l'Assemblée. Le groupe Ensemble pour la République (macroniste) a également émis le vœu de refuser tout député RN mais aussi FI au sein des instances décisionnelles de l'Assemblée.

    Ce serait un déni de démocratie, et une incohérence avec ce qui s'est passé dans la précédente législature en 2022 puisque le RN, beaucoup moins nombreux, avait obtenu deux vice-présidences (Sébastien Chenu et Hélène Laporte). De son côté, FI avait obtenu une vice-présidence (Caroline Fiat) et une secrétaire (Danièle Obono).

     

     
     
     
     


    La position de Yaël Braun-Pivet n'est pas du tout celle de son groupe. Elle considère que tous les groupes doivent participer à la direction de l'Assemblée où il doit régner une certaine concorde. Rejeter des groupes, c'est rejeter leurs électeurs (10 millions pour le RN). De là à imaginer des choses... "Le Figaro" a un peu vite conclu que Yaël Braun-Pivet aurait scellé un accord avec le RN pour la laisser au perchoir en échange de vice-présidences. Pas du tout, a riposté la députée des Yvelines, qui rappelle qu'elle pourrait être réélue à la majorité relative sans le RN si elle rassemble l'ensemble du bloc central, Ensemble et LR.

    Lors de sa première élection au perchoir, le 28 juin 2022, Yaël Braun-Pivet avait recueilli 238 voix sur 562 votants (42,4%) au premier tour, et 242 voix sur 474 votants (52,4%) au second tour (les % sont par rapport aux suffrages exprimés et pas votants). Un troisième tour n'avait pas été nécessaire grâce au désistement, après le premier tour, du candidat RN Sébastien Chenu et à l'abstention de son groupe pour le second tour.

    Vu le comportement plutôt responsable des députés RN en 2022, il est fort probable qu'ils renouvelleront ce comportement en 2024 dans une situation plus délicate pour eux puisqu'il est question de leur priver de responsabilités internes. L'objectif du RN serait donc d'empêcher à tout prix l'élection du candidat provenant du NFP qui refuserait toute cogestion de l'Assemblée avec le RN. Le retrait du candidat du RN et l'abstention du RN feraient que la majorité absolue pourrait être atteinte avec 226 voix, soit à peu près l'ensemble du pôle macroniste et de LR. Certains estiment que le retrait des autres candidats du bloc central (candidate LR et Charles de Courson, antimacroniste notoire) après le premier ou second tour ne pourrait se faire qu'avec une nouvelle candidature, par exemple celle de la centriste Valérie Létard (UDI) : ancienne ministre, sénatrice du Nord, elle s'est présentée à la vingt et unième circonscription du Nord et a été élue de justesse face au RN après le désistement du candidat NFP.

    Avant l'installation de la nouvelle Assemblée, j'indique ici les principaux résultats de certaines personnalités politiques lors de ces élections législatives anticipées (c'est très loin d'être exhaustif).

    Ne se sont pas présentés : François Bayrou, Édouard Philippe, Bruno Le Maire, Valérie Pécresse, Jordan Bardella, Raphaël Glucksmann, Jean-Luc Mélenchon, Manon Aubry, Valérie Hayer, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, Louis Aliot, François-Xavier Bellamy, Xavier Bertrand, Christian Estosi, Renaud Muzelier, Olivier Dussopt, Éric Dupond-Moretti, Jean-François Copé, Marion Maréchal, Éric Zemmour, Amélie de Montchalin, Rachida Dati, etc.

    Ne se sont pas représentés : Adrien Quatennens, Jean-Louis Bourlanges, Bruno Millienne, etc.

    Battus dès le premier tour : Laurence Sailliet, Jean Messiha, Fabien Roussel, Clément Beaune, Jérôme Cahuzac, Arnaud Dassier, Rachel-Flore Pardo, Pierre-Louis Giscard d'Estaing, Yann Wehrling, Pierre-Yves Bournazel, Damine Abad, etc.

    Élus dès le premier tour : Mathilde Panot, Éric Coquerel, Aymeric Caron, Julien Oudol, Sandrine Rousseau, Edwige Diaz, Sébastien Chenu, Philippe Ballard, Marine Le Pen, Bruno Bilde, Laure Lavalette, Manuel Bompard, Sébastien Delogu, François Piquemal, Sophia Chikirou, Danièle Obono, Aurélien Saintoul, Éric Coquerel, Sarah Legrain, Aurélie Trouvé, Bastien Lachaud, Clémence Guetté, Emmanuel Grégoire, Olivier Faure, Clémentine Autain, Carlos Martens Bilongo, Marie-Charlotte Garin, Pouria Amirshahi, Éva Sas, Rodrigo Arenas, Elsa Faucillon, Stéphane Peu, Sophie Taillé-Polian, Philippe Juvin, etc.

    Se sont désistés au second tour : Gilles Le Gendre, Marie Guénévoux, Dominique Faure, Raquel Garrido, Élodie Jacquier-Laforge, Sabrina Agresti-Roubache, etc.


    Battus au second tour : Aude Luquet, Stanislas Guérini, Jean Lassalle, Valérie Rabault, Nicolas Dupont-Aignan, François Durovray, Robin Reda, Laurence Maillart-Méhaignerie, Stéphane Beaudet, Aude Lagarde, Sébastien Jumel, Olivier Véran, Philippe Poutou, Sarah El Haïry, Maud Gatel, Victor Habert-Dassault, Bertrand Pancher, Caroline Fiat, Jérôme Sainte-Marie, Meyer Habib (battu par Caroline Yadan), Rachel Keke, Pierre Larrouturou, Sabrina Ali-Benali, Emmanuelle Ménard, Grégoire de Fournas, Gilles Bourdouleix (sa manipulation grossière n'a fait perdre à son adversaire que 82 voix sur 80 125), etc.

    Élus au second tour : Xavier Breton, Julien Dive, Éric Ciotti, Michèle Tabarot, Hervé Saulignac, Pierre Cordier, Jean-Luc Warsmann, Hendrik Davi, José Gonzalez, Élisabeth Borne, Gabriel Attal, Laurent Wauquiez, Gérald Darmanin, Marc Fesneau, Olivier Falorni, François Hollande, Hervé Berville, Dominique Voynet, Annie Genevard, Guillaume Kasbarian, Olivier Marleix, Philippe Vigier, Erwan Balanant, Laurent Marcangeli, Jean-René Cazeneuve, Thomas Cazenave, Thierry Benoit, Laurent Baumel, Cyrielle Chatelain, Geneviève Darrieussecq, Roger Chudeau, Boris Vallaud, Emmanuel Mandon, Sandrine Josso, Thomas Ménagé, Richard Ramos, Aurélien Pradié, Hélène Laporte, Stéphane Travert, Stella Dupont, Philippe Gosselin, Jérôme Guedj, Charles de Courson, Guillaume Garot, Christophe Bentz, Yannick Favennec, Stéphane Hablot, Thibault Bazin, Dominique Potier, Nathalie Colin-Oesterlé, Fabien Di Filippo, Laurent Jacobelli, Ugo Bernalicis, Sébastien Huyghe, David Guiraud, Violette Spillebout, Roland Lescure, Valérie Létard, Éric Woerth, Agnès Pannier-Runacher, André Chassaigne, Jean-Paul Matteï, David Habib, Sandra Regol, Patrice Hetzel, Brigitte Klinkert, Raphaël Schellenberger, Olivier Becht, Bruno Fuchs, Blandine Brocard, Cyrille Isaac-Sibille, Marina Ferrari, Sylvain Maillard, Céline Hervieu, Olivia Grégoire, David Amiel, Benjamin Haddad, Danielle Simonnet, Agnès Firmin Le Bodo, Frédéric Valletoux, Arnaud Saint-Martin, Aurélien Rousseau, Franck Riester, Ersilia Soudais, Jean-Noël Barrot, Marie Lebec, Yaël Braun-Pivet, Benjamin Lucas, Aurore Bergé, Karl Olive, Delphine Batho, François Ruffin, Jean-Philippe Tanguy, Yannick Chenevard, Raphaël Arnault, Sacha Houlié, Nicolas Turquois, Paul Midy, Antoine Léaument, Céline Calvez, Constance Le Grip, Prisca Thevenot, Stéphane Séjourné, Maud Bregeon, Thomas Portes, Alexis Corbière, Aly Diouara, Louis Boyard, Vincent Jeanbrun, Michel Herbillon, Emmanuel Maurel, Aurélien Taché, Olivier Serva, Emmanuel Tjibaou, Caroline Yadan, Anne Genetet, etc.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (16 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
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    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240716-assemblee-nationale.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-25-faut-il-255871

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/16/article-sr-20240716-assemblee-nationale.html





     

  • Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen

    « Je pense que, effectivement, [la reconduction d'Ursula von der Leyen] est un choix pertinent dans la mesure où on est dans un monde en plein chamboulement. Néanmoins, ce n'est pas un chèque en blanc. C'est-à-dire qu'on a des demandes qui sont fortes (…) : aucun lien de près ou de loin avec l'extrême droite, quelle qu'elle soit. (…) On exige d'Ursula von der Leyen qu'elle ne fasse aucun deal, aucune alliance politique avec eux. Qu'on soit vraiment sur une coalition, une plate-forme de soutien qui soit celle des pro-Européens (…). On lui a fixé nos priorités politiques (…) : pour nous, c'est indispensable qu'on avance sur la protection de l'État de droit, sur les enjeux de compétitivité, de réindustrialisation, de défense et de soutien à l'Ukraine, donc, on lui a demandé des engagements forts (…). Parmi les demandes qu'on lui a faites : ne pas détricoter le Pacte vert et prolonger pour accompagner socialement le Pacte vert. » (Valérie Hayer, le 15 juillet 2024).



     

     
     


    Ce mardi 16 juillet 2024, c'est l'installation des 720 nouveaux députés européens des vingt-sept États membres de l'Union Européenne élus au suffrage universel direct le 9 juin 2024. Le Parlement Européen de Strasbourg devance ainsi de deux jours l'installation de la nouvelle Assemblée Nationale à Paris. Semaine donc très chargée pour la classe politique européenne et encore plus chargée pour la classe politique française.

    Bien sûr, le premier acte de toute nouvelle assemblée, c'est d'élire son président. Pour l'Union Européenne, c'est un peu différent car il est question d'un jeu d'équilibre entre les pays et entre les mouvements politiques. Depuis plusieurs législatures, ce poste important, qui fut occupé pour la première législature par Simone Veil, fait partie des grands postes pour lesquels se met d'accord le Conseil Européen.

    Insistons sur la procédure : dans toutes les démocraties, le chef du gouvernement et ses membres sont nommés par le chef de l'État (c'est encore le cas en France quoi qu'en dise Jean-Luc Mélenchon et ses adeptes), et ceux-ci sont approuvés par les parlementaires du pays, d'une manière ou d'une autre (même en France, la motion de censure est là pour cela). Le gouvernement n'est donc pas élu, c'est-à-dire désigné par le peuple, mais émane de deux instances qui, elles, ont la légitimité populaire, le chef de l'État (c'est un peu différent pour une monarchie) et les parlementaires, tous les deux élus par le peuple.

    L'Union Européenne, c'est pareil. La Commission Européenne n'est effectivement pas élue par le peuple, mais ses membres sont désignés par les chefs d'État et de gouvernement des Vingt-Sept, puis ratifiés par les députés européens. Les chefs d'État et de gouvernement, qui constituent le Conseil Européen, ont chacun une légitimité nationale qui est propre au pays d'où il vient et propre à ses institutions nationales, et les députés européens ont été élus au suffrage universel direct, en l'occurrence ceux-ci le 9 juin 2024. En outre, la Commission n'est pas vraiment le gouvernement européen, c'est une instance exécutive qui répond aux seules consignes du Conseil Européen, l'émanation de la légitimité de chaque nation.

    On pourrait bien sûr imaginer que le Président de la Commission Européenne soit élu directement par les électeurs européens, comme ce fut le cas, pendant peu de temps, en Israël (le Premier Ministre, à un moment donné, était élu en même temps que les députés de la Knesset, et cette disposition novatrice a été supprimée assez rapidement). Mais en fait, c'est un peu le cas depuis 2014, et pour la troisième fois. En effet, chaque grand parti européen a choisi avant les élections européennes "son" (ou "ses") candidat(s) à la Présidence de la Commission. Et ensuite, c'est le jeu des rapports de force au sein du Parlement de Strasbourg.

    Certes, ce n'est pas obligatoirement le candidat choisi par le parti le plus important qui emporte la nomination, parce qu'il faut l'accord du Conseil Européen, à savoir au moins quinze pays représentant au moins 65% de la population des vingt-sept États membres. Ainsi, Jean-Claude Juncker avait été désigné à la tête de la Commission Européenne en 2014 alors qu'il avait été choisi par son parti, le Parti populaire européen (démocrates chrétiens, c'est-à-dire centre droit), et que le PPE avait gagné les élections. En 2019, en revanche, le PPE avait aussi gagné les élections européennes, mais la France (Emmanuel Macron) a mis un veto pour la désignation du candidat choisi avant les élections, l'Allemand Manfred Weber, président du groupe PPE depuis 2014 (reconduit le 19 juin 2024). Le compromis s'est alors porté sur Ursula von der Leyen, la Ministre allemande de la Défense. Comme le PPE est encore cette fois-ci gagnant, Ursula von der Leyen est bien partie pour être reconduite dans un second mandat de cinq ans (la fonction est limitée à deux mandats de cinq ans) : « Je solliciterai l’approbation du Parlement Européen après la présentation de ma feuille de route politique pour les cinq prochaines années. », a-t-elle confirmé le 27 juin 2024.

    C'est ce qui va se passer a priori. Mais revenons d'abord au Parlement Européen issu des élections du 9 juin 2024. Les deux principaux groupes politiques restent toujours les démocrates chrétiens (centre droit) du PPE avec 188 sièges sur 720, et les sociaux-démocrates (gauche gestionnaire) de S&D (socialistes et démocrates) avec 136 sièges (présidés par l'Espagnole Iratxe Garcia Pérez). Pendant longtemps, ces deux groupes politiques faisaient la loi à Strasbourg, se partageant par exemple la Présidence du Parlement Européen (chacun des deux groupes avait la Présidence pendant un demi-mandat de trente mois). Mais depuis deux législatures, ils ne sont plus assez nombreux pour constituer la majorité absolue. En 2024, ils ont, à eux deux, seulement 324 sièges, insuffisant pour atteindre la majorité absolue, à savoir 361 sièges.

    C'est pour cette raison que le groupe centriste, appelé d'abord les libéraux démocrates (sur une appellation de politique allemande), transformé en Renew (Renaissance) depuis l'élection de députés européens macronistes, joue un rôle crucial et central dans le Parlement Européen depuis 2019 : avec 77 sièges, ce groupe complète les deux précédents pour atteindre 401 sièges, soit plus de la majorité absolue. Ce groupe Renew, présidé par la Française Valérie Hayer (qui a été réélue à ce poste), a donc un rôle de pivot. Il était le troisième groupe à Strasbourg entre 2019 et 2024, mais avec la victoire de l'extrême droite et la défaite du parti macroniste, il a été relégué en cinquième position, à un siège près.

    Cela écrit, la majorité reste assez faible pour Ursula von der Leyen, d'autant plus que Renew et les sociaux-démocrates avaient fait campagne pour soutenir d'autres candidats (Renew : Sandro Gozi, et S&D : Nicolas Schmit). L'espoir du Président Emmanuel Macron, avant les élections européennes, était d'imposer Mario Draghi qui aurait été soutenu par Giorgia Meloni. Ursula von der Leyen doit faire campagne auprès des différents groupes car sa reconduction ne serait pas ratifiée par le Parlement de Strasbourg si 10% des membres de chacun des trois groupes s'abstenaient (en 2019, elle a été élue de façon serrée avec seulement 9 voix d'avance).

    Le quatrième groupe est ce qu'on appelle le parti des conservateurs et réformistes européens (CRE), qui regroupe principalement le parti de droite conservatrice italien (les Frères d'Italie) de la Présidente du Conseil italienne Giorgia Meloni. Cette dernière avait souhaité faire partie de la majorité de cette nouvelle législature afin d'avoir une influence sur les décisions européennes en échange de son soutien à la reconduction d'Ursula von der Leyen. Mais Renew a imposé de choisir entre le soutien de Renew ou l'arrangement avec CRE. Fort de 78 sièges, Giorgia Meloni a refusé l'entrée des députés européens du RN qui ne sont pas normalisés sur la scène européenne. Très étrangement, alors que ce groupe veut montrer l'esprit de responsabilité et d'ouverture, et refuse d'être assimilé à l'extrême droite, un membre de Reconquête, le parti de l'ancien candidat Éric Zemmour en était membre jusqu'en 2024. Parmi les autres partenaires du CRE, il y a le PiS, parti ultraconservateur polonais (qui vient de perdre le pouvoir à Varsovie).

    Le troisième groupe à Strasbourg, avec 84 sièges, a été constitué à Bruxelles le 8 juillet 2024, appelé les Patriotes pour l'Europe (ce qui ne veut rien dire !), émanation de l'ancien groupe Identité et démocratie (annoncé à Vienne le 30 juin 2024 par Viktor Orban), et regroupe les élus du parti du Premier Ministre hongrois Viktor Orban, de la Lega de l'Italien Matteo Salvini, du FPÖ autrichien, du PVV néerlandais de Geert Wilders, des indépendantistes flamandes Vlaams Belang, de Vox espagnol, et enfin du Rassemblement national de la Française Marine Le Pen. Ce groupe est présidé par Jordan Bardella, et, fidèle à sa réputation de paresseux, il n'était même pas présent lors de son élection. Enfin, le groupe des Verts (écologistes) réunit 53 élus et le groupe de la gauche unitaire (gauche radicalisée : communiste, insoumis, etc.), coprésidé par Manon Aubry, 46 élus.

    Un troisième groupe d'extrême droite, baptisé l'Europe des nations souveraines, s'est également créé le 10 juillet 2024 avec les députés européens allemands de l'AfD (Alternative pour l'Allemagne), qui siégeaient initialement dans le même groupe que le RN avant d'en être exclus en 2024, et l'unique élue de Reconquête (et six autres très petites formations d'extrême droite de Pologne, Lituanie, Bulgarie, Slovaquie, Tchéquie et Hongrie). Ce groupe rassemble 25 membres, dont 14 de l'AfD. Pour former un groupe, il faut 23 élus provenant de sept États différents.

    La constitution des trois groupes d'extrême droite a été longue car les députés européens français, en particulier le RN, refusaient de s'engager dans l'un ou l'autre groupe tant que les élections législatives n'étaient pas terminées. Et ils ont eu raison puisque la présence du vice-président du groupe présidé par Jordan Bardella, le général italien Roberto Vannacci (Lega), nostalgique de Mussolini et fustigeant le supposé "lobby gay", aurait un peu sali le brevet de respectabilité que le président du RN cherchait à obtenir en France.

    Ces trois groupes d'extrême droite représentent 187 sièges, soit un quart de l'hémicycle européen, à un siège du premier groupe. Mais ils sont profondément divisés, notamment sur le soutien à l'Ukraine. Ainsi, le Premier Ministre tchèque Petr Fiala, dont le parti appartient au CRE, a fustigé le 8 juillet 2024 les Patriotes pour l'Europe : « Appelons un chat un chat. Les Patriotes servent les intérêts de la Russie. Soit consciemment, soit inconsciemment. Et ils menacent ainsi la sécurité et la liberté en Europe. ».

    Maintenant que les différentes forces politiques en présence ont été présentées, revenons à Ursula von der Leyen. Conformément au Traité de Lisbonne qui introduit beaucoup plus de démocratie parlementaire qu'auparavant, chaque membre de la Commission Européenne doit être ratifié par les députés européens. Cela ne se fera pas en même temps car il faut attendre les différentes désignations des États membres. En effet, à part deux ou trois postes, chaque pays a droit à un membre de la Commission Européenne, qu'il doit désigner, et à charge au Président de la Commission de lui donner des attributions pour en faire un ensemble cohérent. Il est évident que la désignation d'un commissaire pourrait être ratifiée pour une attribution donnée et refusée pour une autre, considérant qu'il n'aurait pas la compétence suffisante. En 2019, la candidature de l'ancienne Ministre des Armées Sylvie Goulard, pressentie par la France pour siéger à la Commission Européenne, a été rejetée par le Parlement Européen en raison d'une affaire judiciaire en cours. La Commission Européenne doit prendre ses fonctions le 1er décembre 2024, ce qui laisse un peu de temps en cas de rejet éventuel de certaines candidatures.

    En revanche, la reconduction d'Ursula von der Leyen à la Présidence de la Commission sera mise aux voix au Parlement Européen dès jeudi 18 juillet 2024. Si elle est confirmée, elle pourra ainsi commencer à structurer son équipe avec les personnes proposées par chaque État membre.


    Le Conseil Européen n'a pas pu se mettre d'accord à Bruxelles le 17 juin 2024 et a réussi à trouver un accord à Bruxelles aussi le 27 juin 2024. Ce sommet a été marqué par une perte d'influence de deux poids lourds de l'Europe, en raison de leurs échecs électoraux respectifs, Emmanuel Macron et Olaf Scholz. Emmanuel Macron avait eu beaucoup d'influence au Conseil Européen du 2 juillet 2019, lors du casting de la précédente mandature.

    Que contient l'accord du 27 juin 2024 ? Une juste répartition des rôles entre les trois groupes formant la majorité. L'Allemande Ursula von des Leyen, pour le PPE, à la Présidence de la Commission ; le Portugais Antonio Costa (63 ans dans deux jours), pour S&D, à la Présidence du Conseil Européen (succédant à Charles Michel), c'est l'équivalent d'un grand modérateur de l'Union Européenne (ce serait l'équivalent d'un chef d'État inaugurant les chrysanthèmes) ; enfin, autre poste crucial, celui de José Borrell, actuel Haut représentant de l'Union Européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité. Un compromis s'est dégagé pour y désigner la très charismatique Première Ministre d'Estonie (depuis le 26 janvier 2021) Kaja Kallas (47 ans), pour le groupe Renew (elle vient de remettre la démission de son gouvernement le 15 juillet 2024). C'est la première fois qu'un si petit pays et qu'un pays de l'Est obtient une si grande responsabilité dans les institutions de l'Union Européenne, et il faut aussi noter qu'elle est considérée comme une ennemie de la Russie par Vladimir Poutine. Autre poste d'envergure, la Présidence du Parlement Européen, et la Maltaise Roberta Metsola devrait être reconduite ce mardi 16 juillet 2024 pour un demi-mandat supplémentaire de deux ans et demi.

    Si Ursula von der Leyen et Kaja Kallas doivent attendre la validation par le Parlement Européen de leur désignation, ce n'est pas le cas d'Antonio Costa qui ne dépend que du Conseil Européen (puisqu'il va le présider pendant cinq ans, et pas seulement deux ans et demi). Antonio Costa était le Premier Ministre du Portugal depuis le 26 novembre 2015 et il a dû démissionner le 2 avril 2024 en raison d'une affaire de corruption qui a été finalement peu étayée.

    Au Conseil Européen du 27 juin 2024, mécontente d'avoir été écartée des négociations, Giorgia Meloni s'est abstenue pour le choix d'Ursula von der Leyen et a voté contre Antonio Costa et contre Kaja Kallas. Giorgia Meloni a revendiqué un portefeuille important pour l'Italie dans la prochaine Commission, par exemple l'Économie, avec une Vice-Présidence exécutive de la Commission. Pour Valérie Hayer, c'est clair le 8 juillet 2024 qu'il ne faut laisser aucune responsabilité au sein du Parlement Européen à l'extrême droite : « Notre ligne est extrêmement claire, on ne négocie pas avec l'extrême droite. ».

    Parmi les 720 députés européens élus le 9 juin 2024, on peut citer qu'il y a onze anciens Premiers Ministres (en particulier Elio Di Rupo, Sophie Wilmès, Valdis Dombrovskis, etc.), six anciens présidents d'assemblée nationale de leur État, six membres de la Commission Européenne, anciens ou en exercice, et dix anciens ministres des Affaires étrangères ou des Affaires européennes (dont Nathalie Loiseau, Sophie Wilmès, etc.).

    Signalons par ailleurs que la Française Christine Lagarde reste présidente de la Banque centrale européenne (BCE), sauf si elle est nommée à Matignon, bien sûr, puisqu'elle fait partie des premiers-ministrables français depuis très longtemps (depuis 2010), et que par les hasards de l'ordre alphabétique des présidences tournantes de six mois, Viktor Orban est le Président du Conseil de l'Union du 1er juillet 2024 au 1er janvier 2025. C'est pourtant sans mandat européen et avec un profond agacement de ses partenaires européens qu'il s'est rendu à Kiev rencontrer Volodymyr Zelenski, à Moscou rencontrer Vladimir Poutine, à Pékin rencontrer Xi Jinping et aux États-Unis rencontrer Donald Trump dont il est un fervent soutien.

    Dans le calendrier européen, il faut donc se rappeler que la session constitutive de la dixième législature du Parlement Européen a lieu du 16 au 19 juillet 2024, puis les commissions parlementaires permanentes seront désignées du 22 au 25 juillet 2024. La séance plénière de rentrée aura lieu du 16 au 19 septembre 2024. De septembre à novembre 2024 auront lieu les auditions des commissaires européens désignés par les États membres avant leur entrée en fonction le 1er décentre 2024.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen.
    Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
    Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240715-europeennes.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/elections-europeennes-2024-6-le-255829

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/15/article-sr-20240715-europeennes.html



     

  • Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin

    « Dans ces conditions et soucieuse d'un accord rapide au sein du NFP, j'ai décidé de décliner sans plus attendre l'offre qui m'a été faite. » (Huguette Bello, communiqué du 14 juillet 2024).



     

     
     


    Non, vous avez bien lu : "on" aurait proposé l'offre de devenir Premier Ministre à Huguette Bello (presque 74 ans), présidente du conseil régional de La Réunion depuis 2021, mais elle a décliné l'offre ce dimanche 14 juillet 2024 à 10 heures 45, pas par modestie ou humilité, mais parce que le parti socialiste avait bien vu la manœuvre et a refusé cette idée la veille, le 13 juillet 2024.

    On est en plein surréalisme. D'un côté, un groupe ultraminoritaire (74 sièges) fait le forcing pour appliquer son programme populiste avec ses militants ; de l'autre, un Président de la République qui, ma foi, est très patient en ne faisant rien, parce qu'il aurait pu prendre une initiative pour tenter un pacte de législature entre Ensemble et LR, et de ce fait, prendre la nouvelle farce populaire (NFP) de court.

     

     
     


    Il faut que la gauche plus ou moins extrémiste se rende compte d'une chose : la temporisation du Président Emmanuel Macron leur profite, au contraire de tout ce qu'ils disent. Parce qu'ils ne sont pas capables de sortir un nom de leur chapeau depuis une semaine. Il faut dire qu'ils n'envisageaient pas être en position de gagner, et il a fallu l'habileté de Jean-Luc Mélenchon pour dire à ses partisans qu'ils avaient gagné (sinon, personne ne l'aurait su). Les médias ont fait le reste, pour amplifier l'interprétation pourtant erronée des résultats des élections législatives alors qu'aucun groupement n'a la capacité de former un gouvernement viable, c'est cela la vérité première.

    Le surréalisme, c'est d'imaginer que Jean-Luc Mélenchon serait le Président autoproclamé (le vote serait alors inutile, ici) d'une supposée sixième (selon ses rêves les plus fous) mais plutôt quatrième République et que du haut de son Olympe, sans aucun mandat du peuple, il intrigue et manœuvre, dans la plus belle tradition des poisons et délices de la Quatrième République (dans laquelle son mentor François Mitterrand nageait comme un poisson dans l'eau). Il faut bien reconnaître que l'opération Bello était bien ficelée.

    À l'origine, en effet, c'est Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, qui a proposé son nom vendredi 12 juillet 2024. Comme je l'ai écrit précédemment, je n'avais pas tout de suite compris. Certes, Fabien Roussel, qui a subi de lourdes pertes électorales aux élections législatives (lui-même a été battu dès le premier tour par un candidat RN), va avoir du mal à maintenir un groupe communiste à l'Assemblée Nationale (il faut 15 députés, il n'en aurait que 9), alors, comme c'est souvent habituel, le PCF tente d'attirer quelques députés ultramarins aux partis de gauche au positionnement pas très compréhensible en métropole. Huguette Bosso, qui est chef de son parti qu'elle a fondé en 2012, est "originaire" du parti communiste à La Réunion. C'était donc cohérent.

     

     
     


    Ce qui était en revanche moins cohérent, c'était que le chef battu de la plus petite composante du NFP (2,4% aux dernières élections européennes) a proposé à toute sa coalition le nom d'un Premier Ministre. J'ai vite compris quand j'ai entendu Manuel Bompard le soir du même jour, sur BFMTV, annoncer qu'il ne s'opposerait pas au choix de Huguette Bello : « une proposition qui peut faire consensus » ! Le lendemain, pluie de soutiens chez les insoumis, notamment Clémence Guetté et, bien sûr, le vieux gourou Jean-Luc Mélenchon.

    En fait, Huguette Bello est avant tout une insoumise. Elle a le droit, mais autant être claire. Elle est insoumise, et pas n'importe laquelle puisque Jean-Luc Mélenchon, qui était le numéro 80 (sur 81) sur la liste des insoumis de Manon Aubry aux élections européennes de juin 2024, l'avait installée à la place numéro 81, c'est-à-dire la plus grande place d'honneur. Si elle avait été si communiste que ça, elle aurait été candidate sur la liste communiste, puisqu'il y en avait aussi une. Huguette Bello est une amie de Jean-Luc Mélenchon, qui ont, à un an près, le même âge (très avancé). La manipulation était finalement un peu grossière, quoique bien ficelée.

     

     
     


    Trêve de plaisanterie : c'était donc évidemment une manœuvre des insoumis pour imposer leur candidate aux socialistes. Très subtile puisque les insoumis ont feint que l'idée ne vienne pas d'eux. Ainsi, FI, PCF et EELV seraient favorables à Huguette Bello, et il ne restait que les socialistes pour faire les difficiles. Malgré les pressions, les socialistes n'en démordaient pas le 13 juillet 2024 en rejetant fermement la proposition d'Huguette Bello : pour eux, le Premier Ministre doit provenir du PS, et cela ne peut être que son chef au charisme d'huître et à l'autorité de moineau, Olivier Faure.

    La parenthèse Bello s'est refermée discrètement dès le 14 juillet 2024 et Fabien Roussel, désespéré, dans une sorte de sursaut d'honneur, en est venu alors à proposer le nom de sa prédécesseure au PCF, Marie-George Buffet (ancienne ministre de Lionel Jospin). Certains commencent à se dire qu'il faudrait arrêter de lire à voix haute les annuaires, et d'autant plus qu'on n'en est encore qu'à la lettre B !

     

     
     


    Je reviens sur le profil tout à fait estimable d'Huguette Bello. À part l'âge (car l'âge compte : 28 ans, 35 ans, 46 ans, ce sont des âges de grand dynamisme pour l'Élysée et Matignon ; 74 ans, un peu moins), Huguette Bello cochait beaucoup de cases et la principale, c'est une insoumise ! Femme (ça compte), issue d'une minorité (à définir ce que c'est ; en fait, à La Réunion, elle est issue de la majorité, d'où sa présidence de région), elle a été sept ans maire de Saint-Paul, trois ans présidente du conseil régional de La Réunion, et vingt-trois ans députée de La Réunion, cette expérience à la fois de parlementaire et de chef d'un exécutif important lui donnait quelques atouts pour diriger un gouvernement, en tout cas, beaucoup plus d'atouts qu'un Jordan Bardella (ou qu'un Olivier Faure). Quant à La Réunion, elle n'aurait pas été le seul Premier Ministre à y avoir vécu, Raymond Barre aussi y est né et y a grandi.
     

     
     


    Mais, dès que son nom a été jeté en pâture, très vite, on a rappelé que la députée Huguette Bello était absente de l'hémicycle lors du vote de la loi sur le mariage pour tous, qu'elle cite volontiers le Coran dans certains de ses tweets tandis que des internautes auraient préféré qu'elle cite Victor Hugo. En face, on insiste sur l'admiration qu'ont eue pour elle Emmanuel Macron et Gabriel Attal. Un argument à double tranchant car les plus ultras considèrent qu'elle est macronisée. En tout cas, le chef de l'État aurait du mal à affirmer qu'elle ne serait pas dans l'arc républicain alors qu'elle le recevait avec honneurs et compliments à La Réunion.

    Revenons à cette farce mélenchonesque : jusqu'à nouvel ordre, et révision de la Constitution qui risque d'être délicate à mener à bien alors qu'il faut une majorité des trois cinquièmes du Congrès et qu'aucune majorité n'existe à l'Assemblée, ce n'est pas au gourou des insoumis de nommer le Premier Ministre mais au Président de la République élu démocratiquement par tous les Français, et en l'occurrence, à celui qui a été réélu à 58,6% le 24 avril 2022.


    Sa vision des choses, exprimée dans sa lettre aux Français, demeure la même. Il reste ouvert à toutes les solutions, dès lors que celles-ci permettent la formation d'un gouvernement qui ne serait pas censuré deux jours après sa nomination : « C’est à ce titre que je demande à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’État de droit, le parlementarisme, une orientation européenne et la défense de l’indépendance française, d’engager un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays. Les idées et les programmes avant les postes et les personnalités : ce rassemblement devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible et prendre en compte les préoccupations que vous avez exprimées au moment des élections. Elle devra garantir la plus grande stabilité institutionnelle possible. Elle rassemblera des femmes et des hommes qui, dans la tradition de la Ve République, placent leur pays au-dessus de leur parti, la Nation au-dessus de leur ambition. Ce que les Français ont choisi par les urnes, le front républicain, les forces politiques doivent le concrétiser par leurs actes. ».

    C'est exactement ceci : le gagnant de ces élections législatives, contre toute prévision des journalistes et des sondeurs, c'est le front républicain. À lui, donc, d'assumer la mise en place du gouvernement. Jean-Luc Mélenchon et ses sbires insoumis, qui voudraient préempter l'ensemble du NFP, voudraient aussi préempter l'ensemble du front républicain. Mais il n'a pas assez de sièges pour cela.


    La solution devient de plus en plus évidente pour les socialistes, et j'ai toujours pensé que la clef de cette période post-électorale se trouvait au PS : les socialistes devraient se désengager de leur lien de vassalité avec les insoumis pour reprendre leur indépendance et mener ce front républicain. Sans cela, il est assez probable qu'une personnalité venant de LR prenne le relais. Gérard Larcher a proposé une trêve politique jusqu'à début septembre, le temps des Jeux olympiques et paralympiques. Cela donnerait un peu de temps à Olivier Faure pour se rendre compte que décidément, celui dont il croyait être le dauphin a des visées hégémoniques peu compatibles avec sa propre ambition personnelle. Plus le NFP peine à se structurer, plus la perspective d'un gouvernement NFP s'éloigne, et c'est tant mieux, car leur majorité est en peau de lapin.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240714-huguette-bello.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-24-huguette-255842

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/13/article-sr-20240714-huguette-bello.html




     

  • Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement

    « Le Président a le devoir d’appeler le nouveau front populaire à gouverner (…). Le nouveau front populaire appliquera son programme, rien que son programme, mais tout son programme. » (Jean-Luc Mélenchon, à Paris le dimanche 7 juillet 2024 à 20 heures 02).




     

     
     


    Eh voilà ! La réécriture de l'histoire s'est installée avec les médias complaisants dès la deuxième minute de la clôture des bureaux de vote pour le second tour des élections législatives. Habile manœuvrier, le gourou des insoumis a bien compris qu'il y avait le vote et il y avait "l'opinion publique". Or, ce que le vote n'a pas permis, il pouvait se le permettre avec "l'opinion publique" en hurlant la victoire de la nouvelle farce populaire (NFP) malgré le faible nombre de sièges gagnés, 182, insuffisant pour atteindre la majorité absolue, 289. C'est la magie de Jean-Luc Mélenchon : transformer tout ce qu'il touche en mouise.

    À l'évidence, ce postulat de départ, repris ad nauseam par de nombreux journalistes eux-mêmes rêvant d'un nouveau grand soir, a fait perdre à la France une bonne semaine. Le pire, c'est que malgré cela, le NFP a été incapable, en une semaine, de proposer un nom de Premier Ministre. Alors, il est un peu risible d'entendre chaque jour des députés NFP répéter avec la méthode Coué que le Président de la République n'a pas proposé Matignon au NFP : le voudrait-il qu'il serait incapable de savoir à qui il devrait s'adresser.

    L'objectif du che mélenvera, c'est aussi de cibler tous les membres téméraires du NFP qui tenterait de négocier un projet de gouvernement avec d'autres forces politiques afin de rechercher une majorité à l'Assemblée, ou, du moins, une indulgente neutralité, en les traitant de traîtres vis-à-vis de leurs électeurs. C'est un argument très efficace à gauche dont les marquages et les postures sont plus importants que les actes (pour eux, le pire est d'être considérés comme de la fausse gauche). Cela interdit alors tout compromis.

     

     
     


    Pour ajouter à la tension politique, l'irresponsable secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a appelé le 11 juillet 2024 à mettre l'Assemblée « sous surveillance » (on croit rêver : bravo le respect de la démocratie et des institutions !) et voudrait une grève et une manifestation devant l'Assemblée à l'ouverture de la législature, le 18 juillet 2024. Mettre la pression sur des représentants du peuple, cela s'appelle coup d'État.

    Ce vendredi 12 juillet 2024, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel, battu dès le premier tour dans sa circonscription (la vingtième circonscription du Nord) par un candidat FN, non content du climat de confusion qui règne déjà, a proposé un nouveau nom de Premier Ministre, en l'occurrence de Première Ministre, Huguette Bello, 74 ans le mois prochain, présidente du conseil régional de La Réunion depuis 2021, ancienne députée-maire PCF de Saint-Paul, qui a bondi en notoriété nationale ces dernières heures.

    Il faut dire que cette femme politique réunionnaise très expérimentée et très estimable (à part l'âge, elle cocherait toutes les cases du cahier des charges) a apporté son parrainage présidentiel à Jean-Luc Mélenchon en 2022, qu'elle était candidate aux élections européennes de 2024 en dernière place (juste derrière Jean-Luc Mélenchon) sur la liste insoumise de Manon Aubry et qu'elle est nécessairement mélencho-compatible (Manuel Bompard a déjà annoncé sur BFMTV vendredi soir que si cette candidature s'imposait, il la soutiendrait). L'initiative de Fabien Roussel paraît donc n'être qu'une manœuvre téléguidée par les insoumis.

     

     
     


    Mais en vérité, il n'y a pas de fumée blanche dans les conclaves du NFP depuis une semaine parce qu'ils ne sont d'accord sur rien. Personne de ses créateurs, avant le second tour, n'imaginait pouvoir revendiquer la victoire, ils avaient concocté une alliance électorale commode et efficace pour ne pas s'effondrer et combattre les macronistes et l'extrême droite, ils l'avaient agrémenté d'un programme démagogique, sorte de liste à la Prévert attrape-tout qui n'avait pas d'autre finalité que la campagne électorale. Voici les réalistes du NFP dans de beaux draps, piégés par eux-mêmes et leur électoralisme populiste !
     

     
     


    Le problème est insoluble : Jean-Luc Mélenchon veut Matignon et tout le programme du NFP, il veut Matignon selon la règle que les insoumis sont les plus nombreux du NFP, la coalition la plus nombreuse de l'Assemblée, mais ne représentant que 32% des sièges. Pas de quoi être capable de gouverner. Surtout que les insoums, c'est 73 sièges, soit même pas 13% des sièges, quel esprit démocratique ! C'est la démocratie dans le sens "démocratie populaire" ("populaire" dont est fagoté le NFP).

    Pourtant, les insoumis (pour brûler tout sur leur passage et hurler à la dictature), mais aussi les écologistes et les socialistes, pour d'autres raisons (naïveté ?) se comportent comme s'ils avaient obtenu 350 sièges au lieu des 182 ! Arrogance, mépris, menaces... les députés insoumis et même écologistes multiplient les invectives directes contre le Président de la République (qui, je l'espère, en gardera mémoire), avec des mots dénués de toute signification malgré leurs connotations historiques évidentes, comme cet Aurélien Saintoul qui a répété au moins cinq fois le mot "forfaiture". Comment ces gens-là comptent-ils se convaincre que le Président les nommera ministres alors qu'ils ne respectent même pas les institutions et encore moins la personne du Président de la République qui présidera les conseils des ministres ?
     

     
     


    Alors, bien sûr, les journalistes et probablement à leur suite, la plupart des députés NFP vont devoir remiser leurs rêves éveillés dans le tiroir de leur table de nuit. 182 ne fera jamais 289. Arithmétique simple (pas besoin de calculatrice) pour comprendre que vous ne gouvernez pas avec les deux tiers de l'Assemblée qui sont contre vous.

    Car c'est cela, la prise de conscience : les autres groupes qui pensaient qu'il n'y avait pas à argumenter sur la non-victoire du NFP ont dû expliciter lourdement. Emmanuel Macron l'avait déjà écrit aux Français le 10 juillet 2024 : « Personne ne l’a emporté. Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires. ». Et en écrivant cela, il a reconnu la défaite de son camp (contrairement à ce qui est habituellement commenté), défaite qu'il a confirmée à la suite en insistant sur « ces élections marquées par une demande claire de changement ».

    C'est ainsi qu'il a fallu aux autres groupes mettre les points sur les i. Cette clarification était nécessaire même si elle était pourtant évidente. Laurent Wauquiez, président du groupe des députés LR, a commencé le 10 juillet 2024 en proclamant qu'il déposerait et voterait immédiatement une motion de censure en cas de nomination d'un gouvernement comportant ne serait-ce qu'un seul ministre insoumis. Le 11 juillet 2024, le Président du Sénat Gérard Larcher a élargi la fatwa en disant que LR voterait une motion de censure si le gouvernement émanait du NFP. Le même jour, Marine Le Pen, réélue présidente du groupe RN, a confirmé que son groupe voterait la censure contre un gouvernement ayant des ministres insoumis ...ou écologiste. Le lendemain, le Premier Ministre Gabriel Attal, futur président du groupe Renaissance (le deuxième de l'Assemblée), mais aussi la ministre Aurore Bergé, ancienne présidente du groupe Renaissance, ont affirmé que les macronistes voteraient aussi la censure d'un gouvernement comportant des ministres insoumis, et Gérald Darmanin a même évoqué la censure s'il y a aussi des ministres écologistes.
     

     
     


    Bref, pour ceux qui n'auraient pas compris, 61+143+168 égalent 372, soit largement au-dessus des 289 nécessaires à l'adoption d'une motion de censure. En résumé, un gouvernement NFP pour faire un programme NFP n'aura pas trois jours de durée de vie (il faut quarante-huit heures entre le dépôt et l'examen d'une motion de censure).

    Certains, au NFP, voudraient que le Président de la République nomme celui qui sera nommé par le NFP (grand mystère car ça négocie sec) et que l'heureux nommé se fasse bananer trois jours plus tard. À part enrichir furtivement sa carte de visite (et son CV), je ne vois pas l'intérêt dans l'affaire, du moins l'intérêt national, bien sûr.

    La clef est sans doute dans ce qu'a proposé Laurent Wauquiez : aucune participation mais un pacte de non-censure (en quelque sorte) afin de proposer des textes qui auraient l'accord (implicite) d'une grande partie de l'Assemblée. C'est là le paradoxe : peuple comme députés sont majoritairement... à droite ! Donc, pour éviter à tout prix un gouvernement 100% NFP (d'ultragauche), LR et sans doute aussi le RN (à voir) sont prêts à ne pas censurer un gouvernement qui ne serait pas l'émanation directe du NFP et qui penserait un peu aux préoccupations des gens, comme la sécurité.
     

     
     


    Pour l'heure, Emmanuel Macron semble décidé, ce vendredi, à faire démissionner le gouvernement Attal le mardi 16 juillet 2024, à l'issue d'un ultime conseil des ministres : pas le mercredi car le Président est en visite en Grande-Bretagne les 17 et 18 juillet 2024. Il y a urgence que le gouvernement démissionne pour une raison simple : un ministre élu (ou réélu) député ne peut siéger le 18 juillet 2024 s'il reste ministre. En tant que démissionnaire, il n'est plus ministre de droit et peut donc participer aux scrutins dans l'hémicycle où chaque voix va compter, notamment pour l'élection du prochain Président de l'Assemblée Nationale.

    Et puis, indépendamment de l'esprit démocratique, il y a aussi un intérêt à ce que le gouvernement soit démissionnaire : l'opposition ne pourra pas voter une motion de censure, puisqu'on ne peut pas tuer un mort ! Le gouvernement gérera alors les affaires courantes jusqu'à la survenue, probablement après un long temps de maturation, d'une solution viable d'un gouvernement qui ne sera pas censuré dès ses premiers jours d'exercice. Pour cela, il faudra d'abord lever une fois pour tout l'hypothèque NFP.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    (Illustrations : Astérix de Goscinny et Uderzo chez Dargaud, Les Schtroumpfs de Peyo chez Dupuis, Xavier Gorce dans "Le Point" et Kak dans "L'Opinion").


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
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    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
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    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
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    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.
     

     
     




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