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  • Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle

    « Je dis aux Français qui nous regardent ou qui nous écoutent que la censure aurait de lourdes conséquences. (…) Chers collègues du nouveau front populaire et du Rassemblement national, si vous votez la censure, vous aurez fait entre vous un trait d’union qui s’appelle le renoncement national. Vous êtes le renoncement national ! Pour nous, les députés démocrates, lorsque l’essentiel est en jeu, peu importe les manœuvres politiciennes, peu importe les marchés financiers : seul compte l’avenir du pays. » (Philippe Vigier, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    On l'oublie un peu trop vite car les médias se penchent surtout sur les personnes et le "jeu", qui revient un peu trop souvent, de qui sera Premier Ministre, quel sera le nouveau gouvernement. Mais à la différence du 5 octobre 1962, la motion de censure qui a été adoptée le mercredi 4 décembre 2024 par la collusion de l'extrême droite et de l'extrême gauche n'a pas eu seulement pour effet de renverser le gouvernement : c'est la première fois dans l'histoire politique de la France que cette motion de censure faisait suite à l'application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, ce qui signifie aussi le rejet du texte associé, qui, ici, était le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 et, par voie aussi de conséquence, en l'absence de gouvernement, le projet de loi de finances pour 2025. Or, le rejet de ces textes budgétaires est une catastrophe économique et sociale pour les Français.

    Ce qui est rigoureusement stupide, c'est que, aux yeux du RN comme de cette gauche irresponsable et cynique, la loi de finances pour 2024, adoptée l'an dernier sous le gouvernement d'Élisabeth Borne, était beaucoup plus antisociale etc. et pourtant, avec la censure, c'est bien ce budget 2024 qui sera reconduit automatiquement pour l'année 2025 (si la loi spéciale est adoptée avant le 19 décembre 2024). C'est cela qui est absolument grotesque et paradoxal et montre que le RN ainsi que la nouvelle farce populaire (NFP) ne se soucient pas du tout du bien-être des Français, car, je le répète, beaucoup de mesures en faveur des Français étaient consignées dans les projets de lois de finances rejetés.

    Ce rappel préventif, avant le vote de la motion de censure, par certains députés et certains ministres, n'aura pas suffi à faire renoncer à ce chaos voulu par les extrémismes auquel le parti socialiste a accepté en toute conscience (et inconscience de leur rôle de parti gouvernemental) de s'associer.

    D'ailleurs, les premiers concernés par cet impact économique, ce sont les agriculteurs. Ceux-ci ont muré les permanences de certains députés, notamment François Hollande, qui avaient voté ou allaient voter la censure. Bien que fréquemment protestataires, les agriculteurs ont bien compris que l'instabilité gouvernementale ne les aidait pas. Ils ont compris que les mesures dûment négociées avec le gouvernement ne se retrouveraient pas rapidement dans leur concrétisation avec cette motion de censure et que la France serait en situation politiquement si faible qu'elle ne pourrait pas efficacement s'opposer à l'accord commercial entre l'Union Européenne et le Mercosur. Protestataires, mais favorables au maintien du gouvernement, quel qu'il soit ! Car sans gouvernement, aucune avancée possible. Plus généralement, les Français ne sont pas dupes des postures politiciennes motivées par les seuls intérêts partisans, sans s'occuper de la réalité quotidienne des Français.

    Trois interventions en séance publique à l'Assemblée Nationale, entre autres, ont bien énuméré les catastrophes à venir à la suite de l'adoption de la motion de censure. Elles proviennent de la séance du mercredi 4 décembre 2024, l'une est une "question" d'un député du MoDem, la seconde la réponse d'un ministre à cette "question", et enfin, la troisième est l'intervention remarquée d'un chef de groupe au cours de l'examen des motions de censure. Rappelons que cette séance publique est la dernière de l'Assemblée Nationale puisque les travaux en séances publiques dans les deux chambres du Parlement sont interrompus tant qu'un nouveau gouvernement n'est pas nommé. En revanche, les missions et commissions parlementaires continuent leurs travaux.


    Le premier intervenant que je veux évoquer est Philippe Vigier (66 ans), député MoDem, ancien Ministre délégué chargé des Outre-mer du 20 juillet 2023 au 11 janvier 2024 dans le gouvernement d'Élisabeth Borne. Biologiste et docteur en pharmacie, toujours bien réélu député d'Eure-et-Loir (la quatrième circonscription, celle de Châteaudun) depuis juin 2007, il a été président du groupe UDI d'avril 2014 à juin 2017 puis du groupe Libertés et Territoires d'octobre 2018 à septembre 2020, et il a tenté de conquérir la présidence du conseil régional du Centre-Val de Loire en décembre 2015, sans succès à cause d'une triangulaire avec la liste FN.

     
     


    Son intervention dans la petite séance de questions au gouvernement, l'ultime pour Michel Barnier, n'était pas vraiment une question (comme souvent quand les députés font de la politique). Elle avait surtout pour but de lister les conséquences désastreuses d'une censure à court terme sur la vie concrète des Français, et de montrer que la collusion des irresponsables et des cyniques ne se préoccupait pas de leur vie quotidienne.

    Ainsi, Philippe Vigier y est allé clairement : « Voter la censure, c’est renoncer à 7 milliards d’euros supplémentaires pour les hôpitaux et à un meilleur accès aux soins partout. Voter la censure, c’est renoncer à 2 milliards d’euros pour les EHPAD et à la revalorisation des soignants. Voter la censure, c’est renoncer à de nouveaux moyens de lutte contre la fraude sociale. Vous prétendez y être attachés, mais c’est faux. Voter la censure, c’est renoncer à l’accès direct et sans ordonnance au dispositif Mon soutien psy alors que la santé mentale est une priorité. Voter la censure, c’est renoncer à la réforme de la taxe soda, le meilleur outil de prévention du diabète et des maladies cardiovasculaires chez les jeunes. Voter la censure, c’est renoncer au cumul emploi-retraite pour les médecins dont on a tant besoin dans les déserts médicaux. Voter la censure, c’est renoncer à la revalorisation des petites retraites agricoles. Voter la censure, c’est renoncer au déploiement des soins palliatifs dans les départements où il n’y en a pas. ». Évidemment, les députés populistes ont réagi avec leur mauvaise humeur à cette intervention certes polémique mais qui dit pourtant la vérité.

     

     
     


    Pour la forme, il a formulé quand même sa question au Premier Ministre : « Monsieur le Premier Ministre, comment convaincre nos collègues de renoncer à l’irresponsabilité tant qu’il est encore temps ? ».

    Refusant d'intervenir à ce moment des questions, préférant se réserver pour l'examen des motions de censure, Michel Barnier a laissé son Ministre du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin répondre, avec la même tonalité : « Merci pour cette intervention qui liste nombre d’éléments dont nos concitoyens seraient privés si la censure était adoptée dans quelques heures. ».

    Et d'embrayer sur les agriculteurs, puis d'autres catégories de travailleurs actifs : « Qui a dit : "Pour que le monde agricole obtienne les promesses qui lui ont été faites, il a besoin d’un budget" ? Non, c’est le président de la FNSEA ! Qui a dit : "Ce qu’on attend du politique est qu’il réduise l’incertitude. Avec la censure, c’est le noir complet" ? Un représentant de la Confédération des petites et moyennes entreprises. Qui a alerté : "Attention ! 40 000 emplois vont être supprimés avant la fin de l’année" ? Le président de la Fédération française du bâtiment. ».

     
     


    Par ailleurs, en raison de l'inflation et de l'effet des seuils, le projet de loi de finances pour 2025 proposait de relever ceux de 2024 en les indexant à l'inflation. Avec le rejet du texte, ce sont les seuils de 2024 qui sont gardés : « Je vous épargne, mesdames et messieurs les députés du Rassemblement national, le langage fleuri tenu ce matin par un de vos électeurs qui serait pénalisé par votre action. Les impôts augmenteraient si la censure était votée. Cessez de dire que c’est un mensonge ! En cas de censure, vous le savez, 400 000 Français deviendront imposables et 18 millions verront leurs impôts augmenter. Mesdames et messieurs les députés, réfléchissez bien ! Si vous ne le faites pas pour le gouvernement, faites-le pour ceux dont je viens de parler, faites-le pour les représentants des PME, faites-le pour les agriculteurs, faites-le pour les Français ! ». D'après les estimations, ce seraient 3 milliards d'euros supplémentaires qui s'imposeraient aux Français sur leurs revenus.

    Un peu plus tard dans l'après-midi de ce mercredi 4 décembre 2024, pour expliquer pourquoi il ne voterait pas la censure du gouvernement Barnier, le président du groupe LR à l'Assemblée Laurent Wauquiez a rappelé, à sa manière, les conséquences économiques et sociales désastreuses que provoquerait la censure : « Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas ! Vous avez beau éructer, nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience et ce choix, il faudra le défendre face aux Français. Il y a une chose qu’on ne peut pas accepter ici. On ne peut pas accepter que vous expliquiez, comme vous l’avez fait ces derniers jours, que la motion de censure ce n’est pas grave. On ne peut pas expliquer avec la légèreté qui est la vôtre que la censure n’aura pas de conséquences. On ne peut pas mentir aux Français, en disant qu’il n’y aura pas de conséquences. Il y aura des conséquences, qui seront payées par les Français et ceux qui se livrent au jeu minable d’aujourd’hui devront leur rendre des comptes. ».
     

     
     


    Lui aussi avait sa liste des conséquences néfastes, en commençant par les contribuables les plus précaires : « La censure, ce que vous appelez "bullshit", ce sera l’augmentation de l’impôt sur le revenu pour 18 millions de Français. Ils paieront ce prétendu "bullshit" que les députés du RN balaient d’un revers de main ! Ce sont 400 000 travailleurs qui deviendront imposables, mais qui sont le cadet des soucis des députés du groupe Rassemblement national ! Voilà la manière dont ils défendent la France qui travaille ! Une fois encore, madame Le Pen, ce sont les Français qui paieront les conséquences de votre légèreté et de votre irresponsabilité ! ».

    Et de poursuivre : « La censure, c’est la fin des aides d’urgence aux agriculteurs, la fin de tout ce que vous avez cherché à construire ces dernières semaines, madame Genevard, c’est la fin des allègements de charges, la fin des exonérations de taxes et la fin de la revalorisation de leurs retraites, eux qui travaillent dur mais touchent des pensions misérables. Il est facile d’aller sur les ronds-points pour prétendre flatter les agriculteurs, puis de les abandonner une fois dans l’hémicycle ! La censure, c’est la fin du plan d’urgence pour sauver les maisons de retraite de la faillite. La censure, c’est l’abandon du cumul emploi-retraite, qui permettrait de lutter contre la désertification médicale. La censure, et je vois bien que cela vous gêne, c’est renoncer à l’augmentation des effectifs de gendarmes, de policiers et de magistrats, si indispensable quand la sécurité doit être notre priorité. La censure, c’est porter un coup d’arrêt à la loi de programmation militaire, alors même que l’Europe est menacée à ses frontières. La censure, c’est la dette qui va continuer à filer, alors même que la France, avec le désordre que vous avez conjointement créé, est désormais moins crédible que la Grèce sur les marchés financiers. On lui impose 1 point de taux d’intérêt supplémentaire et ce sont les Français qui paieront l’addition. C’est 30 milliards d’euros de dette supplémentaire et d’intérêts dans les années qui viennent, c’est trois fois le budget de la justice ! ».

    Sa liste s'allongeait : « La censure, visiblement ça vous gêne encore, c’est l’aggravation de la crise immobilière. C’est la fin du prêt à taux zéro, au moment même où le marché de l’immobilier s’effondre, ce qui met en péril nos artisans et nos entreprises. La censure, c’est l’incertitude économique pour tous ceux qui prennent des risques. C’est l’incertitude pour les entreprises, c’est l’incertitude pour les PME, c’est l’incertitude pour les commerçants, c’est l’incertitude pour les artisans, c’est l’incertitude pour les professions libérales. Vous n’en avez même pas dit un mot, madame Le Pen ! Cette incertitude, c’est celle des Français qui vont hésiter à consommer demain. Je prends d’ailleurs date aujourd’hui : par votre irresponsabilité, vous enfoncerez la France dans une crise économique et financière et vous en porterez la responsabilité aux yeux des Français, qui se souviendront de ceux qui ont allumé la mèche. Un pays a besoin de stabilité. Il a besoin de stabilité, il a besoin d’un budget, il a besoin d’un gouvernement. ».

    L'intervention de Laurent Wauquiez était d'une certaine hauteur de vue, car il a voulu ramener l'enjeu sur l'intérêt général de la France. Il s'est notamment beaucoup inquiété de la perte de stabilité institutionnelle avec la censure : « Rien n’est pire, pour une économie, que l’incertitude. La censure, et c’est sans doute le plus grave, c’est faire perdre à notre pays son dernier atout. La France pouvait au moins compter sur la stabilité de ses institutions, mais vous vous délectez d’une plongée dans l’instabilité. Voilà l’image que vous donnez. La stabilité de nos institutions, c’est ce qui nous a toujours protégés, si bien que même dans les crises les plus graves, notre pays demeurait gouvernable. Alors que nous dansons au-dessus d’un volcan, vous nous proposez de faire un pas de plus en direction de l’instabilité institutionnelle qui a accéléré l’agonie de la IVe République. Vous vous apprêtez à ouvrir la boîte de Pandore de l’instabilité gouvernementale. Vous réveillez les vieux démons qui viennent de l’extrême gauche de la politique française, ceux de l’impuissance, de l’instabilité ministérielle et de l’incertitude économique. Si encore vous aviez des solutions ! Vous proposez le blocage sans solutions. ».

    Pris au vif par les piques de Marine Le Pen, Laurent Wauquiez n'a pas manqué de condamner la posture de celle-ci : « Que vous le vouliez ou non, il ne peut pas y avoir de nouvelles élections législatives avant l’été : c’est ça, la vérité. Pendant que se jouait cette comédie d’une insoutenable légèreté, qu’avons-nous entendu ? "Vous ne nous avez pas traités avec suffisamment d’égards", voilà ce que nous avons entendu. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que vous vous apprêtez à jouer avec le destin de la France, que vous vous apprêtez à faire tomber un gouvernement parce qu’on ne vous aurait pas traités avec suffisamment d’égards ? Est-ce vraiment cela, être à la hauteur des enjeux ? Est-ce bien l’image que vous voulez offrir ? ».

    Et de tacler tous les démagogues : « Je n’oublie rien de la responsabilité de la France insoumise. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui veulent autoriser l’apologie du terrorisme. Je n’oublie rien du danger que représentent ceux qui entretiennent une complaisance détestable avec l’antisémitisme et je n’oublie rien du danger de ceux qui ont trahi Jaurès et Clemenceau. ».

    La responsabilité du RN a été fermement pointée du doigt (même si, à mon sens, Laurent Wauquiez a oublié la responsabilité du PS dans cette affaire) : « Toutefois, la réalité c’est que sans vos voix, madame Le Pen, la France insoumise ne pourrait rien. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les policiers d’assassins. La réalité, madame Le Pen, c’est que vous vous apprêtez à voter pour ceux qui traitent les terroristes de résistants. Honnêtement, la dignité devrait vous imposer un autre comportement. Quand on lit le texte de la motion de censure, on comprend toute l’hypocrisie de son soutien : il dénonce les plus viles obsessions de l’extrême droite et vous le voteriez ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas revenir sur l’aide médicale d’État ? Voteriez-vous un texte qui explique qu’il ne faut pas de loi plus ferme au sujet de l’immigration ? Voilà, madame Le Pen, ce que vous allez faire, voilà à quelles incohérences en sont réduits, dans cet hémicycle, les semeurs de chaos. ».

     

     
     


    Il faut vraiment noter que toute l'intervention de Laurent Wauquiez relevait d'une certaine déception à l'égard du RN, comme s'il avait pu compter sur ce parti extrémiste pour servir l'intérêt national (à l'instar d'un autre qui s'est complètement fourvoyé, Éric Ciotti) : « Dans un parcours politique, il y a toujours un moment de vérité. Il y a des moments où on ne peut pas duper, esquiver ou feindre. Des moments où il faut choisir entre un intérêt personnel, madame Le Pen, et l’intérêt du pays. Des moments où il faut choisir entre son intérêt partisan et le sens de l’État. Madame Le Pen, je n’ai jamais été de ceux qui vous diabolisaient. Je n’ai jamais été de ceux qui vous donnaient des leçons de morale. Je vous le dis donc avec d’autant plus de force aujourd’hui : les Français jugeront sévèrement le choix que vous vous apprêtez à faire. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendent redresser le pays et choisissent le désordre. Les Français jugeront sévèrement ceux qui voulaient se montrer responsables, mais font finalement le choix de l’irresponsabilité. Les Français jugeront sévèrement ceux qui prétendaient incarner l’ordre et choisissent aujourd’hui le chaos. Emmanuel Macron porte peut-être seul la responsabilité de la dissolution mais vous porterez, avec la France insoumise, la responsabilité de la censure qui plongera le pays dans l’instabilité. Je vous le dis donc une dernière fois : ressaisissez-vous ! Ressaisissez-vous, il en est encore temps ! Ressaisissez-vous et changez votre choix ! Ressaisissez-vous, parce que sinon, nous nous souviendrons longtemps de ce jour désolant. Nous nous souviendrons longtemps, madame Le Pen, qu’une alliance des contraires, portée par le cynisme, a plongé notre pays dans l’instabilité. Ressaisissez-vous, parce qu’il est toujours temps de faire le choix de la France ! ».

    Au final, malgré l'avertissement toutes ces conséquences connues par les censeurs irresponsables et cyniques, sourds à l'intérêt populaire et aux arguments rationnels de leurs collègues, la motion de censure contre le gouvernement de Michel Barnier a été adoptée par une majorité de l'Assemblée, entraînant le rejet des textes budgétaires, la démission du gouvernement, une nouvelle période d'incertitude à la fois institutionnelle, politique, sociale, économique et financière. Les Français, dans leur bon sens, seront très sévères envers ces oiseaux de malheur qui ne cherchent qu'à détruire la France, diviser le peuple et semer la haine et la désolation dans tout le pays.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier.
    Laurent Wauquiez.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-wauquiez.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/09/article-sr-20241204-wauquiez.html



     

  • Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi

    « Israël n’est pas un très grand pays, mais c’est un pays qui regarde beaucoup la France et les Israéliens se demandent aujourd’hui, au plus profond d’eux-mêmes : où est la France ? Est-ce que la France sait encore où elle habite par rapport à nous ? Faites en sorte, monsieur le ministre, que les Israéliens retrouvent l’adresse de la France ! » (Roger Karoutchi, le 9 octobre 2024 au Sénat).


     

     
     


    Je soutiens toujours Emmanuel Macron, mais j'avoue que j'ai été très choqué par sa déclaration du 5 octobre 2024 sur Israël (et je ne suis heureusement pas le seul). Très choqué et même très en colère, car on n'abandonne pas un pays ami lorsqu'il est attaqué de toutes parts par des centaines de missiles.

    Et le fait que ce sont des députés insoumis qui ont applaudi les propos présidentiels (pour une fois) me donne la chair de poule ! Quand Mathilde Panot a fustigé le Premier Ministre israélien Benyamin Netanyahou qui, dans une allocution télévisée dans la soirée, a mal pris les choses (de toute façon, avec ou sans la France, on continue, a-t-il dit en substance), et qu'elle a réclamé un peu de respect pour notre chef de l'État, j'ai même cru rêver alors qu'elle avait déposé une motion de destitution contre le Président de la République, se moquant complètement du respect de l'institution présidentielle !

    On peut avoir l'impression qu'à l'Élysée, deux tendances s'affrontent en permanence, ce qui peut laisser à l'extérieur un arrière-goût de confusion. C'est sans doute le cas pour la position de la France vis-à-vis d'Israël. Depuis des dizaines d'années, le Quai d'Orsay a souvent prôné une politique pro-arabe.

    D'un côté, Emmanuel Macron a régulièrement réaffirmé le soutien indéfectible de la France à la sécurité d'Israël. Lors de l'hommage rendu dans la cour d'honneur des Invalides le 7 février 2024 aux 42 victimes françaises des massacres antisémites du 7 octobre 2023, le Président de la République a été très clair dans son discours : « Leurs destins ne sont pas les seuls que le déchirement du Moyen-Orient continue de broyer dans cette tornade de souffrance qu'est la guerre. Et toutes les vies se valent, inestimables aux yeux de la France. Et les vies que nous honorons aujourd'hui sont tombées, victimes d'un terrorisme que nous combattons sous toutes ses formes et qui nous a frappés en plein cœur. La France, recueillant ses enfants, parmi d'autres de ses enfants, dont elle n'oublie aucun, refusant les séparations, comme les divisions, refusant l'esprit de mort, de chaos et de clivages que nourrissent précisément les terroristes. Jamais en nous, nous ne laisserons prospérer l'esprit de revanche. (…) Ceux qui tuent par haine trouveront toujours face à eux ceux qui sont prêts à mourir par amour. Et toujours, ils verront s'élever contre eux notre pays qui, ce 7 octobre, a été touché dans sa chair. (…) Nous avons, dès lors, à habiter ce deuil, non pas comme une victoire de la mort mais comme une invitation à leur trouver une place dans nos vies. Et ils sont là, chacune et chacun, pour nous rappeler que nos vies, leurs vies, méritent sans relâche de nous battre contre les idées de haine, de ne rien céder à un antisémitisme rampant, désinhibé, ici comme là-bas. Car rien ne le justifie, rien. Car rien ne saurait justifier, ni excuser ce terrorisme, rien. Alors, nous nous tenons là, quatre mois après, devant ces visages et ces chaises vides, bouleversés de tristesse, aux côtés des familles de ceux qui ne sont plus, chargés d'affection aux côtés de ceux qui soignent leurs blessures et ne cédant rien pour ramener ceux qui sont encore là-bas. Sentiments mêlés que nous vivons ensemble, debout. ».

    De l'autre côté, Emmanuel Macron est capable, pour le moins, d'étonner voire de révolter les Israéliens quand, à quelques jours de la commémoration du 7 octobre, il a déclaré qu'il fallait ne plus livrer d'armes à Israël pour Gaza. L'argument apporté, c'est qu'on ne peut pas vouloir un cessez-le-feu et livrer des armes à la fois. Une phrase incompréhensible alors qu'Israël, tous les jours, est victime de centaines de tirs de roquettes de la part de ses trois ennemis, le Hamas depuis Gaza, le Hezbollah depuis le Sud-Liban et la République islamique d'Iran.

    Une telle affirmation, enregistrée le 1er octobre 2024 en ouverture du Sommet de la Francophonie, était peu pertinente et très maladroite, d'autant plus que la France ne livre pas d'armes à Israël (en revanche, elle en livre beaucoup au Qatar). Le principal pourvoyeur d'armes à Israël est les États-Unis, et bien après, l'Allemagne. Il ne faut pas oublier qu'avant la Guerre des Six Jours, c'était la France le principal fournisseur d'armes à Israël, mais le Général De Gaulle a décidé d'un embargo le 2 juin 1967 (la conférence de presse du 27 novembre 1967 a provoqué une vive polémique par l'évocation d'un « peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur ») car la France refusait l'occupation de territoires palestiniens.

    Parmi tous les réactions d'indignation ou d'incompréhension provenant de personnalités françaises à propos de la petite phrase d'Emmanuel Macron, la réaction de Roger Karoutchi m'a paru sans doute la plus emblématique.

     
     


    Agrégé d'histoire, Roger Karoutchi est un vieux routard de la politique française : à 73 ans, il est sénateur des Hauts-de-Seine depuis 1999 (il a remplacé Charles Pasqua élu député européen), sauf pendant ses fonctions gouvernementales, Secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement du 18 mai 2007 au 23 juin 2009, puis Représentant permanent de la France auprès de l'OCDE du 3 juillet 2009 au 24 août 2011.

    Apparatchik dans l'appareil gaulliste, UDR, RPR, UMP puis LR, Roger Karoutchi était un proche de
    Philippe Séguin, soutien de Jacques Chirac en 1995, de Jean-François Copé en 2012, puis de Nicolas Sarkozy en 2016 et de Laurent Wauquiez en 2017. Il a été élu conseiller régional d'Île-de-France de 1992 à 2015 (il s'est présenté à une primaire contre Valérie Pécresse pour prendre d'assaut le conseil régional en 2010) et député européen de 1997 à 1999 (il a succédé à Michel Debatisse décédé), par ailleurs élu municipal à Nanterre, Boulogne-Billancourt, puis Villeneuve-la-Garenne.

    Roger Karoutchi a profité de la séance des questions au gouvernement au Sénat, celle du mercredi 9 octobre 2024, pour exprimer son inquiétude face aux propos présidentiels. Évidemment, il ne s'agissait pas d'interroger directement le Président de la République. Les sénateurs ont maintenant un droit de réplique après la réponse du ministre, s'ils n'ont pas usé de leur temps de parole pour leur question. Roger Karoutchi a eu l'habileté de poser sa question en quelques secondes pour ensuite, en droit de réplique, pouvoir exprimer son opinion sur les propos présidentiels.


    La question du sénateur était simple mais sournoise : « Monsieur le ministre, il y a trois jours, l’Élysée a publié un communiqué réaffirmant l’amitié "indéfectible" de la France à l’égard d’Israël. Pourriez-vous nous décoder cette formule ? ».

    C'est Jean-Noël Barrot, nouveau Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, ancien député du MoDem des Hauts-de-Seine, qui lui a répondu, sans chercher à se faire le porte-parole de l'Élysée : « [Votre question] me permet de rappeler que la France se tient aux côtés d’Israël, pays auquel l’attachent des liens nombreux et anciens, pays dans lequel vivent 180 000 de nos compatriotes. La France est attachée de manière indéfectible à la sécurité d’Israël. Et ce ne sont pas que des mots, ce sont des actes. (…) Lorsque l’Iran prend pour cible Israël ou déclenche contre ce pays une attaque balistique d’ampleur, la France mobilise ses moyens militaires pour lui faire échec. Ce fut le cas en avril comme il y a encore quelques jours. ».

    Mais il a repris l'argument explicité plus haut : « Nous considérons aujourd’hui que la force seule ne peut suffire à garantir la sécurité d’Israël et des Israéliens et que le recours à la force doit désormais céder la place au dialogue et à la diplomatie. C’est pourquoi la France, comme la plupart des pays dans le monde, appelle aujourd’hui au cessez-le-feu, à ce que la force cède la place à la diplomatie et au dialogue, à Gaza comme au Liban. Et lorsque l’on appelle à un cessez-le-feu, on ne peut pas en même temps fournir des armes offensives aux belligérants, quels qu’ils soient. La position de la France est constante sur ce sujet. C’est une question de cohérence. ».
     

     
     


    Le ministre n'a rien apporté de nouveau mais là n'était pas l'essentiel, car l'essentiel, c'était dans la réplique, écrite avant cette réponse, de Roger Karoutchi, loin de vouloir blâmer le nouveau ministre : « Monsieur le ministre, être amis, c’est se dire des vérités, c’est dire comment la France voit l’avenir de Gaza ou du Liban, mais ce n’est sûrement pas dire à Israël, deux jours avant la commémoration du 7 octobre, que le pays ne doit plus recevoir d’armes, surtout quand la France ne lui en livre pas, mais continue à en livrer à certains pays comme le Qatar. ».

    Et d'ajouter : « Vous n’y êtes pour rien, monsieur le ministre, mais que dire quand on demande à Israël de ne pas réagir trop fortement, lorsque deux cents missiles balistiques iraniens sont envoyés contre son territoire, afin de ne pas provoquer d’embrasement régional ? Quel pays au monde accepterait de s’entendre dire "S’il vous plaît, ne réagissez pas !" après avoir reçu deux cents missiles ? Quel pays au monde accepterait cela ? La guerre au Liban est un crève-cœur, en particulier au regard des liens de la France avec ce pays. Mais en même temps, il faut rappeler, vous le faites, monsieur le ministre, ce qui n’est pas le cas de tout le monde…, que, depuis le 8 octobre de l’année dernière, le Hezbollah bombarde tous les jours les villes du nord d’Israël, et cela dans une indifférence quasi générale. C’est inacceptable ! Quel pays au monde accepterait que ses villes soient bombardées tous les jours et qu’on lui dise : "Surtout, ne réagissez pas". ».

    Il faut dire les choses franchement, Israël fait le
    sale boulot pour les autres, et en particulier pour la France qui a été une victime multiple des attentats terroristes du Hezbollah tant au Liban que sur le sol français et aussi victime du pogrom du 7 octobre 2023 en raison des dizaines de Français qui y ont été massacrés ou enlevés. La responsabilité de la France, c'est de limiter l'ardeur belliqueuse d'Israël pour rappeler que les civils n'ont pas à être des victimes collatérales de la guerre justifiée contre les organisations terroristes, qu'elles soient à Gaza ou au Liban. Mais la France ne doit pas donner de leçon à Israël qui, aujourd'hui, lutte courageusement pour sa survie.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    7 octobre 2023 : un an qu'Israël se bat pour sa survie.
    Laura Blajman-Kadar.
    7 octobre 2023 : l'hommage aux victimes françaises.
    Discours du Président Emmanuel Macron en hommage aux victimes du 7 octobre 2023 aux Invalides le 7 février 2024 (texte intégral et vidéo).
    L'avenir de la France se joue aussi à Gaza !
    La naissance de l’État d’Israël.
    David Ben Gourion.
    Eden Golan.
    Walid Daqqa.
    Gaza : quel est l'accord entre Israël et le Hamas ?
    Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
    Conflit israélo-palestinien : la France est-elle concernée ?
    Dominique de Villepin toujours pro-palestinien ?
    Emmanuel Macron participera-t-il à la grande marche contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023 ?
    Gaza, victime avant tout du Hamas ?
    Quel est le bilan de la visite d'Emmanuel Macron au Proche-Orient ?
    Proche-Orient : l'analyse crue de Jean-Louis Bourlanges.
    Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il en Israël ce mardi 24 octobre 2023 ?
    Hôpital à Gaza : la vérité aveuglée par la colère ?
    Hamas : tirs groupés contre les insoumis.
    Horreur en Israël : les points sur les i de Gérard Larcher et Emmanuel Macron.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 12 octobre 2023 (vidéo et texte intégral).
    Allocution du Président du Sénat Gérard Larcher le 11 octobre 2023 (texte intégral).
    Horreur totale en Israël ; émotion et clarification politique en France.
    Israël en guerre contre son agresseur terroriste, le Hamas.
    Les Accords d'Oslo.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241009-karoutchi.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/proche-orient-l-incomprehension-de-257161

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/10/article-sr-20241009-karoutchi.html


     

  • Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...

    « Les Français sont fatigués de la révolution permanente ; ils sont fatigués de la ZAD qui s’est reconstituée hier à l’Assemblée dès l’ouverture de la session ; ils sont fatigués des démagogues qui promettent la lune et sèment la ruine partout où ils sont au pouvoir. Votre programme, avec humilité et responsabilité, en est l’exact contraire. C’est une raison supplémentaire pour que nous le soutenions. » (Claude Malhuret, le 2 octobre 2024 au Sénat).



     

     
     


    ZAD, comprendre zone à délirer ! Voici une petite démonstration de près de dix minutes sur le mythe des élections volées. Comme depuis quelques années c'est la tradition, chaque intervention en séance publique du sénateur Claude Malhuret est un condensé d'humour et de lucidité sur la vie politique. À un moment pressenti par le nouveau Premier Ministre pour faire partie de son gouvernement (il était déjà membre du gouvernement entre 1986 et 1988), le président du groupe Les Indépendants, République et Territoires au Sénat (regroupant les sénateurs Horizons) n'a pas déçu ses collègues lorsqu'il a fallu participer au débat qui a suivi la déclaration de politique générale de Michel Barnier au Sénat le mercredi 2 octobre 2024. Il réagissait surtout aux propos tenus quelques minutes auparavant par son collègue Patrice Kanner, président du groupe socialiste, qui s'enferrait dans la légende urbaine d'une victoire de la nouvelle farce populaire (NFP) aux dernières élections législatives.

    Alors, le sénateur a commencé comme
    Martin Luther King (mais en négatif : ce n'est pas un rêve qu'il a fait) : « Mes chers collègues, en écoutant il y a quelques instants l’analyse de la situation politique par le président du groupe socialiste, j’ai brusquement fait une sorte de cauchemar éveillé. ». Et il a découvert un nouveau gouvernement : « Je me tenais ici, à cette tribune, et en face de moi, à la place où vous vous trouvez, monsieur le Premier Ministre, ce n’était pas vous : c’était Lucie Castets. À ses côtés se tenaient Sandrine Rousseau, ministre des finances et de la décroissance ; Sophia Chikirou, garde des sceaux ; Aymeric Caron, ministre de l’écologie et des insectes ; Sébastien Delogu, ministre de la mémoire et des anciens combattants ; Louis Boyard, ministre du développement durable du cannabis et Jean-Luc Mélenchon, ministre des affaires étrangères et de l’amitié avec la Russie, le Hezbollah et l’Alliance bolivarienne ! ».

    Retour à la réalité et à l'imposture du NFP : « Lorsque j’ai rouvert les yeux, je me suis aperçu que j’étais en train de tomber de mon siège. Les propos du président du groupe socialiste montrent que l’on ne peut aborder ce débat sans faire d’abord table rase de l’invraisemblable campagne qui est menée depuis des semaines par le nouveau front populaire pour convaincre les Français que l’élection leur a été volée, que votre gouvernement est illégitime et que vous êtes l’otage du Rassemblement national. Cette campagne va se poursuivre, plus virulente que jamais, comme le prouve le discours de fureur et de haine que
    Mme Panot a prononcé hier à l’Assemblée Nationale. Le soir des élections, le 7 juillet dernier, à vingt heures zéro une, à la télévision, tous les chefs de partis ont été priés de passer leur tour pour permettre à celui de LFI de prononcer cette phrase : "Nous sommes arrivés les premiers, nous devons former le gouvernement". L’échec huit jours plus tard du candidat du NFP à l’élection pour la Présidence de l’Assemblée Nationale a démontré de manière évidente que cette intox constitutionnelle était une imposture. Mais la vague médiatique et les ragots sociaux se sont transformés en tsunami et le mensonge s’est changé en vérité. Il faut donc le répéter : l’élection n’a été volée à personne ! Et si elle a été volée, c’est aux électeurs de gauche par les dirigeants de l’extrême gauche, qui ont joué une invraisemblable partie de poker menteur avec leurs partenaires. ».
     

     
     


    D'où la recherche laborieuse d'un Premier Ministre qui oscillait entre le vaudeville et la tragédie (je ne sais pas trop s'il a été le plus féroce contre Lucie Castets ou contre Ségolène Royal !) : « Pendant les quinze jours qui ont suivi le 7 juillet, le mot d’ordre fut : "Macron doit nommer immédiatement un Premier Ministre du NFP". Question des journalistes : "Qui est votre candidat ?". Réponse : "On ne sait pas, on n’arrive pas à se mettre d’accord". Après deux semaines de bras de fer et de crises de nerfs, une inconnue tombe enfin du ciel : pendant vingt-quatre heures, Huguette Bello devient le nouveau dalaï-lama, jusqu’à ce qu’on découvre qu’elle n’est pas woke, mais alors pas woke du tout : elle est anti-mariage pour tous et tout le tralala. Panique au NFP ; exit Huguette ! Quelqu’un propose alors Laurence Tubiana, organisatrice de la COP21. Horreur, on s’aperçoit que Macron l’a nommée à l’UNESCO. Une macroniste Première Ministre du NFP ? La "fisha" absolue… Exit Laurence ! Au bord du gouffre, alors qu’il n’allait plus rester que Ségolène Royal, on finit par débusquer dans les combles de la mairie de Paris une sémillante fonctionnaire jamais élue nulle part et coanimatrice de l’incroyable dette de 10 milliards d’euros de la capitale. Par miracle, cet Annapurna de la pensée politique, auprès de qui les Bertrand, Cazeneuve ou Barnier ne sont que des billes, accepte de faire bénéficier les Français de son inexpérience. Le NFP tient sa Première Ministre. Du moins, c’est ce que croient les socialistes, les écolos et les communistes. Ce qu’ils n’ont pas compris, et l’on s’étonne d’une telle naïveté, c’est que jamais Mélenchon n’a envisagé un Premier Ministre de gauche. Jamais ! Au moment même où le nom de Lucie Castets est prononcé, une fatwa vient la faucher en quelques mots : "Le programme, rien que le programme, mais tout le programme !". En bon français, cela veut dire que Mme Castets disposerait de 193 voix à l’Assemblée, et pas une de plus ! Exit donc Lucie… En un mot, si vous avez compris le NFP, c’est qu’on vous a mal expliqué ! ». Cette dernière phrase restera sans doute "culte" ! On est en plein dans un film comique avec le regretté Michel Blanc.

    Claude Malhuret a ainsi expliqué l'échec de
    Bernard Cazeneuve : « La gauche responsable, celle qui est largement représentée dans cet hémicycle, du moins c’est ce que je pensais jusqu’à il y a quelques minutes, fait une tentative désespérée en proposant le nom de Bernard Cazeneuve. Cette fois, Mélenchon n’a même pas besoin de lever le petit doigt, Faure le socialiste se charge lui-même du sale boulot en déclarant que nommer un Premier Ministre socialiste serait une "anomalie". Cazeneuve est des nôtres, il sera censuré comme les autres ! Exit Bernard ! Un jour, dans les manuels de sciences politiques, on expliquera dans un long chapitre comment, en 2024, la gauche s’est vendue pour un plat de lentilles à une secte gauchiste en pleine dérive islamiste et antisémite, dirigée par un ancien du lambertisme, que les communistes eux-mêmes qualifiaient il y a quelques années encore d’hitléro-trotskisme ! ».

    Il n'y a pas eu que la gauche islamo-gauchiste à avoir crié au vol des élections,
    l'extrême droite a hurlé pareil : « Quant à l’extrême droite, qui prétend elle aussi qu’on a volé l’élection à ses 11 millions d’électeurs, elle oublie de dire que 20 millions d’autres ont décidé d’associer leurs voix au second tour pour lui faire barrage devant la radicalité de ses positions, un programme économique qui nous mènerait droit vers l’abîme et une flopée de candidats imprésentables, entre les casquettes nazies et les propos antisémites sur les réseaux asociaux. Elle n’est pas plus légitime à gouverner et elle le sait très bien. Elle attend son heure, et si cette heure vient un jour, elle aura été soigneusement préparée par la folie de l’extrême gauche et la capitulation du premier secrétaire du parti socialiste, l’homme-caoutchouc. ».

    Quant à la
    motion de censure, voici pourquoi ses chances de succès sont faibles : « Vient enfin le dernier mensonge, monsieur le Premier Ministre : vous seriez l’otage du Rassemblement national. L’extrême droite compte 142 députés. Ils ne peuvent faire tomber votre gouvernement qu’en bande organisée avec le NFP. J’attends avec impatience qu’ils expliquent cela à leurs électeurs, et surtout qu’ils expliquent comment ils comptent composer, pour vous succéder, un gouvernement lepéno-mélenchoniste. Mélenchon ne veut pas de Premier Ministre de gauche et Le Pen sait que son parti est incapable pour l’heure de gouverner. Ce n’est pas une assurance-vie, mais votre gouvernement est loin d’être condamné d’avance. ».

    D'où le soutien fort du groupe présidé par Claude Malhuret au gouvernement de Michel Barnier : « Vous êtes légitime. Vous n’avez pas de majorité absolue, mais vous rassemblez tous ceux, de la droite républicaine au centre et à la gauche modérée, qui ont fait le choix de la responsabilité. Ils sont le camp de la raison que notre groupe Les Indépendants appelle de ses vœux depuis des mois. Et vous êtes, après deux ans d’Assemblée Nationale transformée en zone à délirer, le Premier Ministre de l’apaisement. Quelles sont les priorités ? Mais il n’y a que des priorités : le budget, le déficit, la dette, la
    Nouvelle-Calédonie, le logement, l’agriculture, l’immigration, la transition écologique, sans oublier l’Ukraine, le Moyen-Orient et toutes les crises dans le monde que la France ne peut ignorer. Ces priorités étaient au cœur de votre discours et de ceux de tous mes collègues ; je n’y reviendrai pas à mon tour. Qu’il me soit seulement permis de dire que nous soutenons votre engagement dans cette démarche difficile et courageuse. Vous disposerez d’une large majorité au Sénat, qui tentera de compenser l’absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale et de combattre les tentatives des populistes pour saper notre démocratie. ».
     

     
     


    Les savoureuses envolées lyriques du sénateur Malhuret apportent toujours un peu de fraîcheur, de légèreté, mais aussi de lucidité à une classe politique tendue et rageuse. Il a le mérite de faire mal car il cible juste. Depuis 2022, il s'inquiète régulièrement de la perspective de l'élection présidentielle de 2027 et de la nécessité de rassembler toutes les forces non-populistes, ce qu'il a appelé ce 2 octobre 2024 les forces raisonnables, le "camp de la raison", du centre droit au centre gauche, "qui ont fait le choix de la responsabilité". Les deux anciens grands partis gouvernementaux, LR et le PS, n'ont pas voulu jouer le jeu en 2022, chacun pris par une surenchère populiste. LR s'est finalement résolu à faire le choix de la raison et de la responsabilité, au contraire du PS qui s'enferme toujours dans un mélencho-islamisme qui l'asphyxiera à court terme. Surtout, Claude Malhuret, continuez à nous délecter ainsi !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Claude Malhuret sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution le 4 mars 2024 à Versailles.
    Claude Malhuret s'en prend à "la pression permanente et déprimante des extrêmes" !
    Claude Malhuret dénonce la "mauvaise république" du guide suprême !
    L'Iran et les femmes : Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Passe vaccinal : Claude Malhuret charge lourdement les antivax.
    Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241002-malhuret.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/claude-malhuret-du-vol-des-257033

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  • Jean-Louis Debré, enfant de la République (la Cinquième)

    « Aujourd'hui, à mon âge, être un jeune comédien, c'est fantastique. Apprendre un nouveau métier, voir des nouveaux gens, avoir une nouvelle ambition. C'est ça qui est fantastique dans la vie ! » (Jean-Louis Debré, le 28 janvier 2023 sur France Culture).



     

     
     


    Enfant de la République. La Cinquième. Pas de Beethoven, mais de De Gaulle, bien sûr. Jean-Louis Debré fête ses 80 ans ce lundi 30 septembre 2024. Il les fête seul, je veux dire, il les fête sans son frère jumeau Bernard Debré qui est parti il y a quatre ans. Cela doit faire quelque chose d'être amputé d'un frère si proche (et en même temps qui était si différent).

    Au regard de sa carrière politique, on peut dire que Jean-Louis Debré a eu une belle trajectoire, il est un baron de la République, il a eu des postes prestigieux, dont trois qui ont dû faire honneur à son père premier Premier Ministre de De Gaulle (qui n'en a vu qu'un de son vivant) : Ministre de l'Intérieur de 1995 à 1997 (prime au fidèle et loyal, mais un ministre peu convaincant), Président de l'Assemblée Nationale de 2002 à 2007 (beaucoup plus convaincant), enfin Président du Conseil Constitutionnel de 2007 à 2016 (très convaincant).

    Il ne faut pas croire que c'était parce qu'il est issu d'une très grande famille républicaine, de médecins et de responsables politiques, qu'il a eu tout tout cuit sur un plateau d'argent. J'ai déjà évoqué longuement sa carrière ici. Né à Toulouse, diplômé de l'IEP Paris, il a fait un doctorat spécialisé en droit constitutionnel (son directeur de thèse était Roger-Gérard Schwartzenberg, à peine plus âgé que lui). Sa future fonction à la tête du Conseil Constitutionnel est donc non seulement la consécration de son engagement politique mais aussi celle de sa carrière de juriste. Après ses études, il fut membre de cabinets ministériels, juge d'instruction, député, maire d'Évreux, etc.

    Sans doute que, plus que son lien de filiation avec Michel Debré, sa relation faite d'amitié et de loyauté absolue envers Jacques Chirac dans une époque de trahisons (balladuriennes) a quelque peu encouragé sa carrière. Amitié avec Jacques Chirac dont il est devenu un confident jusqu'au bout de la nuit, quand tout s'effaçait, tout s'oubliait. Amitié aussi avec Pierre Mazeaud, son prédécesseur immédiat au Conseil Constitutionnel, qui date des années 1960, une amitié familiale surtout.


    Il a commencé à se présenter aux élections en mars 1973, à l'époque, il avait 28 ans. Dans un reportage dans le journal d'Antenne 2 le 11 février 1973, on le voit ainsi faire campagne assez timidement pour les élections législatives, sans succès. L'une de ses paroles, c'était de dire que s'il s'était servi de sa famille, il aurait choisi une circonscription plus facile.





    C'est un peu cela, Jean-Louis Debré, un homme qui, faute de s'être fait un nom (l'ascendance familiale était trop lourde), a su se faire un prénom. Ayant travaillé pour Jacques Chirac dans les années 1970, il lui était resté fidèle malgré les relations parfois orageuses entre le futur Président de la République et son propre père (ils étaient concurrents à l'élection présidentielle de 1981). Cette fidélité s'est renforcée au moment de la grande rivalité avec Édouard Balladur, et il s'est retrouvé dans le camp des vainqueurs en 1995 : peu de leaders du RPR avaient su soutenir Jacques Chirac, les plus ambitieux préféraient le trahir sur l'autel de leur carriérisme.

    À cette époque, j'appréciais peu Jean-Louis Debré : il n'était qu'un second couteau et montrait un aspect très militant et politicien, avec ses éléments de langage, sa langue de bois, sa mauvaise foi. C'est assez commun et on a pu l'observer chez de nombreux dirigeants politiques, au RPR notamment, de Nicolas Sarkozy à Alain Juppé en passant par Jean-François Copé. L'exercice de son ministère Place Beauvau a été un désastre pour la lutte antiterroriste. Il n'était visiblement pas à sa place.

    Heureusement, il a eu une seconde chance ! Il a donné sa mesure personnelle quand il a été élu au perchoir. D'abord, il l'a été sur son propre mérite et avait un adversaire de taille en 2002 : Édouard Balladur, ancien Premier Ministre, et ancien favori d'une élection présidentielle sept ans auparavant. C'est la victoire du passionné sur le plus médaillé, un peu comme la victoire de Gérard Larcher sur Jean-Pierre Raffarin en 2008, au Plateau (Présidence du Sénat).

    Jean-Louis Debré a été effectivement un excellent Président de l'Assemblée Nationale, ouvrant l'institution sur le monde extérieur, modernisant les procédures, etc. Et sa Présidence n'était pas partisane, il défendait désormais les institutions, l'Assemblée Nationale, avant de défendre son camp politique, son parti, surtout lorsque celui-ci est tombé sous la tutelle de Nicolas Sarkozy qu'il n'a jamais apprécié (au point de voter pour François Hollande en 2012 !).

    Au fur et à mesure qu'il est devenu une autorité de référence dans une République en perte de référence, Jean-Louis Debré se permettait de prendre plus de distance. Tant de ses anciens amis gaullistes que des autres. Sa prise de distance n'était pas nouvelle et pas seulement sous Nicolas Sarkozy. Il s'était émancipé de Jacques Chirac dès 1997 lorsqu'il a pris à l'arraché la présidence du groupe RPR à l'Assemblée Nationale, en opposition au gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin, malgré les réticences de Jacques Chirac lui-même, puis le perchoir en 2002 malgré les appétits de deux Premiers Ministres, Alain Juppé et Édouard Balladur (et les mêmes réticences de Jacques Chirac).

     

     
     


    En 2017, il n'hésitait pas à annoncer qu'il voterait Emmanuel Macron aux deux tours de l'élection présidentielle (s'opposant à François Fillon), mais plusieurs années plus tard, il ne s'interdisait pas de critiquer ouvertement le jeune Président de la République, proposant, dans "Le Parisien" du 15 juillet 2023, une dissolution ou un référendum pour rompre avec la crise politique (considérant que les Français se moqueraient d'un changement de gouvernement ou d'un remaniement) : « Vous ne pouvez pas passer des textes aussi importants que la réforme des retraites sans avoir une consultation populaire. (…) Les Français n’ont rien à fiche des changements de ministres. D’ailleurs, on n’en connaît que quatre ou cinq. ».

    Sa Présidence du Conseil Constitutionnel (2007-2016) a été également cruciale pour cette instance suprême car Jean-Louis Debré a dû adapter l'institution à la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui comporte une innovation majeure : le contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori (après leur promulgation et leur application) sur saisine des citoyens eux-mêmes (s'ils sont justiciables). Ce sont les fameuses QPC (questions prioritaires de constitutionnalité) qui ont bouleversé les missions du Conseil Constitutionnel en lui donnant beaucoup plus de travail qu'auparavant (ses missions d'origine étant la constitutionnalité des projets de loi avant promulgation seulement sur saisine des parlementaires et la validation des élections nationales).

    Le 13 novembre 2015, il confiait d'ailleurs à Capucine Coquand pour le journal "Décideurs Magazine" que sans ce défi de la QPC, il aurait quitté ses fonctions car cela l'aurait ennuyé : « Sans cela, je ne serais probablement pas resté Président du Conseil Constitutionnel. C’est une avancée significative pour la Ve République et les justiciables, pour notre État de droit. (…) L’institution n’est plus la même que celle que j’ai trouvée en arrivant avec plus de décisions en cinq ans qu’en quarante-neuf ans, le nombre inchangé de fonctionnaires mais de très grand professionnalisme ou la construction d’une nouvelle salle d’audience qui marque la juridictionnalisation de cette institution, un greffe performant, des audiences publiques, des avocats qui plaident... Jamais la maison n’a été aussi ouverte sur l’extérieur notamment vers les étudiants en droit, concours de plaidoiries, salon du livre juridique… (…) [Les dépenses] ont été réduites de 23% alors que nous travaillons beaucoup plus. ».


    Sa plus grande fierté demeure l'indépendance du Conseil Constitutionnel : « Car nous n’avons pas hésité à annuler les comptes de campagne d’un candidat à la Présidence, là où l’un de mes prédécesseurs avait préféré faire la sourde oreille. Nous ne craignons pas un instant de retoquer une surtaxe de 75%, figurant pourtant parmi les promesses d’un candidat à la présidentielle. C’est ça l’indépendance ! Et elle s’illustre symboliquement. Aujourd’hui, il n’y a plus un seul portrait des anciens Présidents de la République : ils ont tous été remplacés par des Marianne. (…) Mon plus grand souvenir, c’est lorsque nous avons annulé la loi de 1838 sur l’hospitalisation sans consentement. Ce jour-là, j’ai pensé à Camille Claudel hospitalisée contre son gré pendant trente ans. On l’a laissée mourir dans un hospice. C’est aussi ça la QPC : rétablir la justice. ».
     

     
     


    Le 5 juin 2023, répondant à l'invitation de l'Association pour l'histoire des Caisses d'Épargne, Jean-Louis Debré donnait sa définition du vivre ensemble dans la République : « "Un rêve d’un avenir partagé" comme le formulait Ernest Renan. La République n’est pas un modèle figé ; c’est une volonté de vivre ensemble. Aspirer à un destin commun suppose des mutations et des ruptures, des compromis et des anticipations. La société est en perpétuelle évolution, des attentes nouvelles apparaissent. Plus que jamais nous avons besoin d’une République audacieuse. ».

    C'est sans doute cette audace et ce besoin de se renouveler qui l'ont fait changer de vie. Jean-Louis Debré a définitivement quitté la vie politique, il n'est plus acteur mais observateur politique, publiant des livres de souvenirs, de témoignages, d'anecdotes... qui pourraient presque s'apparenter à de l'antiparlementarisme primaire si on ne connaissait pas son auteur ! De la taquinerie faite de tendresse et de passion plus que de la haine du système politique dont il défend les principes essentiels. Et certainement aucune rancœur nostalgique.

    Jugeons-en avec ses paroles du 28 janvier 2023 sur France Culture : « Aujourd'hui, le système politique ne génère plus de grands personnages comme jadis. Et la politique est devenue un métier du spectacle. Et peu importe ce que l'on dit, c'est la manière de le dire. Je suis sidéré de voir comment, comme les concitoyens, nous vivons tous dans l'immédiateté. Comment on peut dire tout et son contraire en quelques jours. (…) Le monde politique d'aujourd'hui n’est plus mon monde. Je ne le comprends pas. Je regarde ça avec un très grand détachement. (…) Quand je regarde les discours aujourd'hui des responsables politiques, il n'y a rien, il n'y a aucune ambition, il n'y a aucune foi et aucune passion. Ce sont des mots que l'on a alignés. On lit une note faite par ses collaborateurs. ». Et de conclure : « Je pense qu'il doit y avoir un Président qui assure l'unité nationale et qui est une personnalité importante. Et face à cela, un Parlement qui discute et qui modifie. ».

    Après les élections législatives anticipées, Jean-Louis Debré n'était guère plus tendre avec la classe politique, disant à Francis Brochet le 24 juillet 2024 pour "Le Dauphiné libéré" : « [Les Français] ressentent de l’angoisse pour l’avenir, de la tristesse pour le présent. Ils ont eu une mobilisation extraordinaire pour les législatives, ils voulaient de la sérénité, qu’on se remette au travail pour régler les problèmes économiques et sociaux et le problème de l’insécurité. Les politiques n’ont rien compris, ils chipotent et se font des croche-pieds. (…) La responsabilité incombe à l'ensemble du personnel politique. ».
     

     
     


    Il n'est plus acteur politique, je dois préciser, mais il est devenu acteur tout court, jeune acteur, jeune comédien. En 2022, il a donc radicalement changé de vie car le voici sur les planches avec sa compagne Valérie Bochenek pour honorer les femmes qui ont fait la France (il s'est même produit au Liban), avec ce titre : "Ces femmes qui ont réveillé la France", titre du livre qu'il avait coécrit avec sa compagne dix ans auparavant. Cela fait deux ans qu'il parcourt la France pour évoquer ces femmes françaises : le voici maintenant octogénaire. Amoureux de la France et des femmes.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bernard Debré.
    Haut perché.
    Michel Debré.
    Jean-Louis Debré.
    Yaël Braun-Pivet.
    Richard Ferrand.
    Il faut une femme au perchoir !
    François de Rugy.
    Claude Bartolone.
    Patrick Ollier.
    Raymond Forni.
    Laurent Fabius.
    Philippe Séguin.
    Henri Emmanuelli.
    Louis Mermaz.
    Jacques Chaban-Delmas.
    Edgar Faure.
    Édouard Herriot.
    Vincent Auriol.
    Paul Painlevé.
    Léon Gambetta.










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240930-jean-louis-debre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-louis-debre-enfant-de-la-256647

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/28/article-sr-20240930-jean-louis-debre.html




     

  • Chirac a-t-il trahi Giscard en 1981 ?

    « J’ai appris avec beaucoup d’émotion la nouvelle de la disparition de l’ancien Président de la République Jacques Chirac. J’adresse à son épouse et à ses proches un message de profondes condoléances. » (VGE, le 26 septembre 2019).





     

     
     


    C'est ainsi que Valéry Giscard d'Estaing a réagi il y a exactement cinq ans, le 26 septembre 2019. L'ancien Président de la République Jacques Chirac venait de mourir peu avant l'âge de 87 ans. L'histoire des relations entre les deux hommes remplit une bonne moitié de l'histoire de la Cinquième République, voire beaucoup plus (1962 à 2011). L'histoire retiendra avant tout que le jeune Président élu de 48 ans (Emmanuel Macron n'aura que 47 ans dans trois mois, après plus d'un septennat d'exercice du pouvoir) s'était choisi, au printemps 1974, comme premier Premier Ministre un jeune conquérant gaulliste de 41 ans, après le traumatisme de la mort soudaine de Georges Pompidou.

    Pour empêcher l'accession de Jacques Chaban-Delmas à l'Élysée, Jacques Chirac avait trahi les vieux barons du gaullisme historique pour soutenir la modernité et la jeunesse du jeune candidat libéral (républicain indépendant), allié exigeant du gaullisme (VGE avait le même genre de relations avec De Gaulle que Nicolas Sarkozy avec Jacques Chirac trente à quarante années plus tard).

    Valéry Giscard d'Estaing croyait qu'il pourrait manœuvrer Jacques Chirac facilement, lui qui venait de perdre son mentor Pompidou, et que son engagement au sein de l'UDR était sa pièce parlementaire maîtresse. Pour Jacques Chirac, la question ne se posait pas, Matignon faisait de lui le futur candidat à l'élection présidentielle des gaullistes. La condescendance de Valéry Giscard d'Estaing a rendu le couple au sommet de l'exécutif assez infernal pour Jacques Chirac, le Président ne ratant pas une occasion de l'humilier personnellement.


    Finalement, cette alliance personnelle a fini en eau de boudin, avec un divorce en bonne et due forme l'été 1976 (Jacques Chirac voulait démissionner au début de l'été et le Président lui a demandé d'attendre la fin de l'été, un temps de latence politique qui n'est pas sans rappeler celui de l'été 2024 !). Fait incroyable de toute l'histoire de la Cinquième République : Jacques Chirac a été le seul Premier Ministre qui soit lui-même à l'origine de sa démission et le seul à tenir une conférence de presse militante et antiprésidentielle après l'annonce de la démission par l'Élysée. Paradoxalement, les barons gaullistes allaient passer dans le camp de Valéry Giscard d'Estaing face à un Jacques Chirac qui les a pris de haut en prenant la tête de l'UDR dès décembre 1974.

    Après avoir mené la vie dure à Valéry Giscard d'Estaing et à son successeur à Matignon, Raymond Barre, dans les joutes parlementaires, Jacques Chirac, qui, entre-temps, avait fondé le RPR pour en faire une écurie présidentielle, s'est présenté à l'élection présidentielle de 1981 contre le Président sortant. Ce dernier lui a "balancé" (en les aidant pour trouver les 500 parrainages) deux candidatures gaullistes qui lui ont plombé environ 3% son électorat spécifique, Michel Debré et Marie-France Garaud (disparue récemment).
     

     
     


    Et VGE a toujours assuré que Jacques Chirac, arrivé en troisième position, et appelant « à titre personnel » à voter VGE au second tour, a fait campagne pour François Mitterrand pour le second tour. Il l'a écrit notamment dans son autobiographie "Le Pouvoir et la vie" (éd. Compagnie 12, tome 3 sorti en 2006). Il a même raconté qu'entre les deux tours, il avait personnellement appelé la permanence du RPR pour demander ce qu'il devait faire (en se présentant comme un militant RPR) et on lui avait répondu de soutenir François Mitterrand (est-ce une anecdote réelle ? C'est difficile d'imaginer qu'avec sa voix, il ne fût pas reconnu au téléphone). Valéry Giscard d'Estaing était donc persuadé que Jacques Chirac l'a trahi en 1981, afin de devenir le leader de l'opposition après 1981 et gagner l'élection présidentielle de 1988.

    Que Jacques Chirac fût un traître en politique, tout le monde se l'accorde puisqu'en tant que gaulliste, il a trahi Jacques Chaban-Delmas en 1974, et il a commencé à gagner l'élection présidentielle en 1995 parce qu'il était lui-même la victime d'une trahison, celle de son "ami de trente ans" Édouard Balladur qu'il avait placé à Matignon en 1993.

    Le mieux, pour avoir la version chiraquienne, c'est de relire sa propre autobiographie. Rédigée au soir de sa vie (avec l'aide de Jean-Luc Barré), celle-ci est évidemment la parole officielle de l'ancien Président de la République ("Chaque pas doit être un but", éd. Nil, 2009). C'est amusant d'y lire une certaine dose d'hypocrisie et, par cette hypocrisie, finalement la reconnaissance qu'il y avait bien eu trahison !


    Par exemple, il n'a pas évoqué sa rencontre avec François Mitterrand chez la future Première Ministre Édith Cresson en octobre 1980. Au contraire, il a écrit : « Pour être élu, j'ai conscience de devoir m'imposer comme seule alternative au Président sortant, et donc éliminer François Mitterrand dès le premier tour. (…) Mais pour atteindre cet objectif, encore faudrait-il que toute la famille gaulliste fasse bloc autour de ma candidature. Ce qui n'est pas le cas. ». Il parlait alors de « Michel Debré, que certains "barons" inféodés au gouvernement ont hélas ! encouragé, avec la bénédiction de l'Élysée, à se lancer dans la bataille pour son propre compte ». On sent encore très vive la rage contre VGE.

    À l'issue du premier tour du 26 avril 1981 (28,3% pour VGE, 25,8% pour François Mitterrand, lui seulement en troisième position), il a commenté de manière assez narquoise : « Seul peut lui permettre [à VGE] de l'emporter un ralliement massif de ces électeurs RPR qu'il a cru bon, si longtemps, de mépriser. ». Il y a ce petit goût de revanche : j'ai perdu le premier tour, mais ton second tour va être très difficile sans moi.


    Et l'idée qu'il a voulu, a posteriori, donner pour sa postérité, c'est que ce n'est pas lui, Jacques Chirac, qui a refusé la réélection de Valéry Giscard d'Estaing, mais ses amis du RPR ! Ainsi : « Rares sont ceux, au sein de mon équipe, qui se déclarent prêts à soutenir un Président dont ils n'ont pas apprécié la politique et, encore moins, le comportement à leur égard. ». Et d'expliquer, en gros hypocrite : « Sauf à m'exprimer à titre personnel, ce que je fais, dès le lendemain, en annonçant que je voterai, quant à moi, pour M. Giscard d'Estaing, il ne m'appartient pas d'engager le mouvement sans l'approbation de ses membres. Or, celle-ci est loin d'être acquise, comme le confirme, dans les jours suivants, la décision du comité central de laisser la liberté de vote à nos adhérents. Tandis que quelques personnalités gaullistes comme Philippe Dechartre ou Christian Poncelet n'hésitent pas à se déclarer favorables au candidat de la gauche. ».

    C'est assez amusant de lire que Jacques Chirac était incapable de mener ses troupes là où il le souhaiterait. En décembre 1974, puis en décembre 1976, il avait réussi à organiser (avec l'aide de Charles Pasqua) des congrès gaullistes avec une précision millimétrique pour atteindre ses objectifs politiques, comme prendre d'assaut l'appareil gaulliste sur les vieux barons historiques, et soudain, quelques années plus tard, il n'aurait plus aucun pouvoir pour convaincre ses amis que l'arrivée d'un gouvernement socialo-communiste serait catastrophe économique et financière ?!

    Au contraire, dans sa rédaction, le futur Président insistait sur son impuissance et la fatalité : « Plus que sur un choix politique, cette élection se jouera sur une question de confiance. C'est de la capacité ou non du Président sortant à restaurer son crédit auprès d'une partie des électeurs de sa majorité que dépendra l'issue du scrutin. Au fond de moi, je crains qu'il ne soit déjà trop tard pour que Giscard y parvienne, tant ses mauvaises relations avec le RPR me semblent irrémédiables. Giscard ne fera d'ailleurs aucun effort spectaculaire entre les deux tours pour se rapprocher de ses dirigeants, qu'il ne cherchera pas même à rencontrer, par crainte sans doute de paraître s'abaisser. ». Loin d'un "soutien à titre personnel", Jacques Chirac continuait à le charger !


    Il a même cité un exemple, VGE l'appelant pour sa participation à un grand meeting à la Porte de Pantin : « Je lui réponds que, n'étant pas mandaté par les militants du RPR pour m'exprimer en leur nom, je ne vois pas l'utilité d'y être présent. ». Précisons bien que Jacques Chirac était le président du RPR et avait une conception bonapartiste de son rôle de chef de parti, il est donc assez risible de le voir adopter une attitude très parlementariste et quasi-impuissante du fonctionnement de son propre parti dont il était le chef indiscutable. La venue de Jacques Chirac dans un meeting de second tour de Valéry Giscard d'Estaing aurait convaincu les électeurs de l'UDF et du RPR qu'il y avait unité de la majorité. Cela aurait donné une image prometteuse de la candidature de VGE et mobilisé sa base électorale.

    En somme, Jacques Chirac laissait son ancien Président dans la mouise, comme quelques jours plus tard, avec la proposition giscardienne de rassembler la majorité : « La démarche est à l'évidence trop tardive pour avoir le moindre effet, d'autant qu'elle s'accompagne d'une promesse qui peut prêter à sourire quand on connaît l'historie des dernières années : "C'est pourquoi, annonce Giscard, je chargerai le nouveau Premier Ministre d'organiser, sans délai, les États généraux de la majorité, qui permettront aux diverses familles qui la composent de retrouver leur unité, en tirant ensemble les enseignements de la campagne pour les traduire dans l'action". On ne saurait être moins convaincant. » conclut-il benoîtement !

    Du reste, cela ressemble fortement aux tentatives désespérées de l'actuel Président de la République depuis 2022 à vouloir gouverner autrement, en portant plus d'attention aux partis, au Parlement et aux corps intermédiaires, avec quelques innovations sans lendemain (grands débats, CNR, Rencontres de Saint-Denis, etc.), ce qui a débouché en 2024 à la dissolution et à cette Assemblée impossible.

    Pour se dédouaner de toute attaque ultérieure, Jacques Chirac a bien martelé : « Je ne souhaite pas la victoire de François Mitterrand et le fais savoir on ne peut plus clairement dans un texte que je publie le 6 mai 1981 [le second tour a lieu le 10 mai 1981], appelant à faire barrage au candidat socialiste. Mais je n'ai plus aucun moyen, désormais, d'endiguer le processus, engagé de longue date, qui entraîne une minorité des militants gaullistes à rejeter ouvertement Giscard au profit de son concurrent. ». Impuissance donc, et même si puissance, cela n'aurait pas suffi : « Y serais-je parvenu que cet effort n'eût d'ailleurs pas suffi à inverser le cours des choses, comme le prouveront les résultats du second tour de l'élection présidentielle. ».


    Et suit une autojustification dont la rigueur est presque enfantine (c'est pas moi et je le prouve !) : « Le soir du 10 mai 1981, chacun pourra vérifier, chiffres en main, que le Président a fait le plein des voix de droite, et même gagné trois cent mille voix supplémentaires. Ce n'est donc pas le vote des électeurs RPR qui a creusé l'écart de 1,2 million de voix qui la séparent de son challenger socialiste, mais la mobilisation massive en faveur de François Mitterrand, des abstentionnistes du premier tour. Preuve que l'arithmétique d'une telle élection échappe, en réalité, à la seule logique partisan. ».
     

     
     


    L'analyse de Jacques Chirac est en partie exacte, Jacques Chirac n'est pas la cause de la victoire de François Mitterrand, ni le RPR, elle provient d'un mouvement de fond sociologique très large, amorcé dès mai 1968, qui a mis la gauche au pouvoir après vingt-trois années d'absence (une génération !). D'un point de vue institutionnel, cette alternance était d'ailleurs la bienvenue et a réconcilié la moitié des Français avec la Cinquième République qui, jusque-là, avait préservé une majorité de centre droit.

    Néanmoins, cela n'empêcherait pas l'amertume giscardienne sur le faible soutien de Jacques Chirac au second tour. Lui, capable de déplacer de montagnes par la seule force de son verbe, n'a pas bougé très haut son petit doigt pour l'aider à mobiliser les abstentionnistes. Cela aurait été difficile d'inverser l'élection car il y a eu un gros écart de voix et beaucoup d'espoir exprimé dans l'autre camp, mais ce qu'il a surtout retenu, c'est qu'il ne l'a pas tenté, c'est cela que lui a reproché Valéry Giscard d'Estaing, et même si, dès le début de l'année 1982, il a assuré qu'il avait jeté la rancune à la rivière (lire plus loin), VGE allait lui en vouloir jusqu'à la fin de sa vie.


    Pour la postérité, Jacques Chirac a rejeté ce sentiment et écrit noir sur blanc : « Je n'ai pas le cœur à me réjouir d'un échec aussi retentissant, qui rejaillit, au-delà du candidat, sur l'ensemble de la majorité. En politique, on ne construit pas une victoire sur la défaite de son propre camp. Mais cette défaite, qui est aussi la mienne, comment ne pas en imputer la responsabilité à celui qui s'en employé, d'un bout à l'autre de son septennat, à diviser sa majorité au lieu de la rassembler, et à gouverner sans tenir le moindre compte de l'opinion de ses alliés ? Giscard préférera en rejeter la faute sur d'autres, c'est-à-dire moi, en parlant de "trahisons prémédités" quand il eût été plus honnête de reconnaître, au moins, des torts partagés. ». On sent l'amertume encore très vivace.

    Et d'ajouter crûment : « [Giscard] n'aura plus de cesse, désormais, que de remâcher ses griefs et de me désigner comme le seul coupable de son renvoi de l'Élysée. Un jour, Giscard assura avoir "jeté la rancune à la rivière". Mais ce jour-là, la rivière devait être à sec, tant cette rancune est demeurée chez lui tenace et comme inépuisable. ». Tout en complétant comme le coup de grâce : « En démocratie, la défaite d'un homme n'est jamais, ou rarement, une perte irréparable. ». Cruel. Réponse anticipée de Giscard (en 2005) : « C'est quelqu'un qui ne m'intéresse pas. (…) Chirac, il n'a jamais occupé mon esprit. Je n'y pense pas. ». Ambiance !

    Jacques Chirac a publié le premier tome de ses mémoires en 2009. Il a encore l'émotion intacte, la rage intacte, tout comme Valéry Giscard d'Estaing. Une telle inimitié politique qui dure aussi longtemps est même assez étonnante. Même François Mitterrand a favorisé Jacques Chirac en 1995 sur Édouard Balladur. Pourtant, le socialiste le haïssait au plus haut point lors de la cohabitation de 1986-1988...

    L'histoire a finalement rendu Jacques Chirac plus "important" que son ancien "tortionnaire" (psychologique) car il a accompli deux mandats présidentiels, pendant douze ans, et s'il a échoué à ses deux premières candidatures présidentielles, il n'a pas terminé par un échec présidentiel, au contraire de Valéry Giscard d'Estaing. Les deux hommes d'État se sont retrouvés dans une instance officielle il y a une quinzaine d'années : entre 2007 et 2011, en effet, les deux anciens Présidents de la République ont siégé au Conseil Constitutionnel, dont ils étaient membres de droit à condition de ne pas exercer d'autres mandats électifs (Valéry Giscard d'Estaing a pris sa retraite "élective" en 2004 et Jacques Chirac en 2007, et ce dernier a arrêté de siéger au Conseil Constitutionnel en 2011 en raison de sa santé et de son affaire judiciaire). Ils étaient placés autour du Président du Conseil Constitutionnel, Jean-Louis Debré, ravi de se retrouver au cœur de l'histoire républicaine.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :

    Jacques Chirac et sa Présidence abracadabrantesque !
    Le testament de Jacques Chirac.
    Bernard Pons, la main de Chirac.
    Jacques Chirac, l'ami de Bill Clinton.
    Quand Jacques Chirac sauva le Tour de France…
    Chirac, l’humanisme sanitaire en pratique.
    HiroChirac mon amour.
    On a tous quelque chose de Chirac.
    Le dernier bain de foule de Jacques Chirac, l’universaliste.
    Chirac au Panthéon ?
    À l’heure où Jacques Chirac entre dans l’Histoire…
    Jacques Chirac a 86 ans : comment va-t-il ?
    Allocution télévisée de Jacques Chirac le 11 mars 2007 (texte intégral).
    Discours de Jacques Chirac le 16 juillet 1995.
    Présidence Chirac (1) : les huit dates heureuses.
    Présidence Chirac (2) : les huit dates malheureuses.
    Jacques Chirac contre toutes les formes d'extrême droite.
    Jacques Chirac et la paix au Proche-Orient.
    Sur les décombres de l'UMP, Jacques Chirac octogénaire.
    Jacques Chirac fut-il un grand Président ?
    Une fondation en guise de retraite.
    L’héritier du gaulllisme.
    …et du pompidolisme.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240926-chirac.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/chirac-a-t-il-trahi-giscard-en-256737

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/22/article-sr-20240926-chirac.html



     

  • Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy

    « Comme dirait Michel Sardou, je vous aime, mais je pars. (…) Je pars avec le sentiment profond que ces sept années ont été utiles pour la France. Cela aura été un honneur dans ma vie politique d'occuper les fonctions de Ministre de l'Économie et des Finances pendant plus de sept ans. Je veux donc marquer ma reconnaissance sincère et profonde au Président de la République. » (Bruno Le Maire, le 12 septembre 2024 à Bercy).




     

     
     


    Étrange coïncidence du destin, celui qu'on pourrait considérer comme le premier Ministre de l'Économie et des Finances de la France, le Surintendant des Finances de François Ier, à savoir Jacques de Beaune, baron de Semblançay, a quitté ses fonctions il y a 500 ans, en 1524. La petite différence, c'est qu'il a commencé en 1518 et pas 1517. Un demi-millénaire plus tard, Bruno Le Maire, Ministre de l'Économie et des Finances depuis le 17 mai 2017, s'apprête à quitter Bercy dans quelques jours, quelques heures, le temps que le gouvernement de Michel Barnier soit définitivement nommé. Contrairement aux premières esquisses de composition, son successeur ne sera pas Laurent Wauquiez avec qui il siégeait déjà au gouvernement sous la Présidence de Nicolas Sarkozy (ce qui fait au total un peu moins de onze ans au gouvernement ; plus de dix ans, c'est rare dans la vie politique).

    Plus de sept ans sans discontinuité aux Finances, c'est un record sous les républiques. Sous cinq gouvernements et quatre Premiers Ministres. Seul Valéry Giscard d'Estaing est resté plus longtemps à ce poste, mais en discontinuité, près de neuf ans : du 18 janvier 1962 au 8 janvier 1966 puis du 20 juin 1969 au 27 mai 1974, jusqu'à son élection pour accomplir un septennat. Le précédent record (sans discontinuité) remonte à Napoléon Ier, avec son Ministre du Trésor public Nicolas François Mollien, du 27 janvier 1806 au 1er avril 1814.

    Contrairement à ce que raconte Michel Houellebecq dans l'un de ses derniers romans d'anticipation politique, Bruno Le Maire (qu'il a rencontré et apprécié pour rédiger son livre) n'aura pas été l'unique Ministre de l'Économie et des Finances des deux quinquennats du Président Emmanuel Macron, et il n'aura pas été en position d'être candidat à la prochaine élection présidentielle, après les dix années (dans le roman non plus, car finalement, "le Président" choisit un animateur humoriste populaire pour le remplacer temporairement ; serait-ce Volodymyr Zelensky ?). Il y a beaucoup trop de concurrence pour être "l'héritier" : Édouard Philippe, Gabriel Attal, Gérald Darmanin, et pourquoi pas, Élisabeth Borne et toujours François Bayrou...

    Il vient de recevoir l'autorisation d'enseigner en Suisse et il va donc profiter du début de l'année scolaire pour être professeur d'économie et de géopolitique à Lausanne. Un exil pédagogique autant que politique volontaire qui fait penser à ceux de Philippe Séguin et Alain Juppé au Québec. À 55 ans, il pourrait toujours compter sur un retour et jouer le rôle de l'homme providentiel, mais ce n'est pas sûr qu'il puisse se relever de son impopularité acquise à Bercy.

    Une impopularité acquise surtout depuis quelques mois, depuis environ mars 2024, quand il avait averti que le déficit public de 2023 allait dépasser largement les prévisions, à 5,6% du PIB. Au risque d'être anti-électoral (à l'approche des élections européennes), Bruno Le Maire avait brandi une réduction des dépenses de 10 à 15 milliards d'euros pour 2024 (le gouvernement n'est pas obligé de dépenser la totalité des montants votés par les parlementaires dans la loi de finances ; il ne peut pas dépenser plus mais il peut dépenser moins).

    C'était une initiative politiquement et électoralement casse-cou. Sa réaction à la dissolution l'avait d'ailleurs complètement disqualifié aux yeux de l'Élysée : « Vous savez, les parquets des ministères et des palais de la République sont pleins de cloportes. Il y a toujours eu des cloportes, cela fait partie de la vie politique française. Ils sont dans les parquets, dans les rainures des parquets, c'est très difficile de s'en débarrasser. Le mieux, c'est de ne pas les écouter, et de rester à sa place, qu'on soit Président de la République, Premier Ministre, ministre, et prendre ses décisions en conscience. » (il parlait ainsi de la dictature des conseillers occultes le 20 juin 2024 sur TV5-Monde avec un mot très violent).





    Pour marquer le coup, au-delà de ses obligations ministérielles (comme son audition à la commission des finances de l'Assemblée Nationale le 9 septembre 2024), Bruno Le Maire a voulu faire un discours d'adieu avant de partir. Pour ne pas refaire comme Gabriel Attal lors de sa passation des pouvoirs à Michel Barnier à Matignon, il a préféré séparer le discours d'adieu et le discours assez formel de passation des pouvoirs avec son successeur (très bientôt).

    Il a ouvert son discours sur un remerciement à Emmanuel Macron à qui, en quelque sorte, il a succédé à Bercy (pas tout à fait directement). Pour Emmanuel Macron, le secteur de l'économie est important pour redresser la France, sa grandeur, et le choix de Bruno Le Maire, qui plus est unique jusqu'à la dissolution, montre la grande confiance du Président de la République. Rappelons que Bruno Le Maire avait été pressenti pour succéder à Christine Lagarde en juin 2011 lorsqu'elle avait été nommée directrice générale du FMI, mais finalement, François Baroin avait arraché sa nomination à Bercy par Nicolas Sarkozy (dans le troisième gouvernement de François Fillon).

    Tout le problème du "bilan" de Bruno Le Maire est dans cette contradiction qui va bien au-delà de la Présidence d'Emmanuel Macron : économiquement, la France va beaucoup mieux, le chômage a baissé durablement, les emplois industriels sont recréés, l'innovation frôle l'excellence, la France est le pays européen le plus attractif des investisseurs étrangers, et l'inflation est revenue à un taux assez faible ; mais parallèlement, jamais le sentiment de précarité, de salaire trop bas, de pouvoir d'achat insuffisant, d'insécurité financière autant que physique n'a été ressenti aussi fortement par les Français que pendant cette période, en particulier en raison des crises nombreuses (gilets jaunes, covid-19, guerre en Ukraine, énergie, etc.), mais aussi en raison d'une transformation en profondeur, autant sociologique que technologique, de la société française. Ce n'est pas nouveau qu'on manque de repères, qu'on regrette les temps anciens (quand on était jeunes), mais cette perte d'identité est nettement plus fortement ressentie dans une nation qui n'est plus isolée, qui est dans une monde global où les échanges de biens et de personnes sont possibles avec la planète entière. Sentiment amplifié par les nouveaux modes de communication, chaînes d'information continue pour les surréactions, réseaux sociaux pour les grains de sel souvent négatifs et destructeurs, déclinistes et pessimistes, dans tous les cas dénigreurs. Je précise bien sûr qu'il ne s'agit pas que d'un sentiment de déclassement, c'est aussi la réalité de plusieurs millions de Français, et si ce n'est pas une réalité, c'est une angoisse qu'elle le devienne, ce qui, psychologiquement, est à peine mieux. La société est de plus en plus à deux vitesses, ceux qui sont prêts à assumer le choc de la compétitivité avec le monde entier, et ceux qui ne s'en sentent pas capables.

     

     
     


    Malgré les difficultés, malgré le problème d'endettement durable et de déficit momentané (le maintien de la croissance permet d'être optimiste à moyen terme), Bruno Le Maire a brossé un bilan évidemment positif de son action : « En me nommant [il s'adressait alors au Président de la République], vous m'aviez fixé une mission : transformer l'économie française. Année après année, obstinément, laborieusement, consciencieusement, nous avons engagé cette grande transformation économique de la France. Contre la valse des impôts, nous avons fait le choix de la stabilité fiscale, contre le déclassement des classes moyennes, nous avons revalorisé le travail, contre les délocalisations de masse, nous avons engagé la réindustrialisation des territoires, contre le French bashing, nous avons fait de la France la nation la plus attractive en Europe. (…) Cette grande transformation économique ne doit pas être une parenthèse dans la vie de notre nation. Elle doit être le socle de nos ambitions économiques nationales futures. Car cette grande transformation nous a fait réussir parmi les autres nations en Europe. Depuis sept ans, la croissance cumulée de la France est supérieure à celle de la Grande-Bretagne, de l'Italie ou de l'Allemagne. Depuis sept ans, le chômage baisse, des usines vertes ouvrent, les investisseurs viennent, l'inflation est repassée sous les 2%. Depuis sept ans, la France enregistre des résultats économiques que nous devons confirmer dans les années à venir. ».

    Le ministre démissionnaire a en particulier évoqué l'une des raisons de ses succès, sa stabilité : « Le Président de la République, les Premiers Ministres successifs (…) m'ont donné ce qui est la condition nécessaire de tout succès en politique : le temps. Le temps long est une force et une vertu. Le temps long de la politique économique rassure les entrepreneurs, qui ont besoin de stabilité. Le temps long de la politique fiscale donne la visibilité nécessaire pour investir, consommer, par conséquent soutenir la croissance. Le temps long évite les embardée, les humeurs, les modes, les querelles, les polémiques, les changements de pied incessants qui sont trop souvent le lot de notre vie politique nationale. ».

    Bruno Le Maire a présenté les trois phases des finances publiques pendant lesquelles il était responsable : 2017-2019 : phase de rétablissement des comptes publics avec déficit inférieur à 3% du PIB ; 2020-2022 : phase de protection face aux crises « qui a entraîné des dépenses nouvelles, massives et nécessaires face à un effondrement de notre production économique et à la flambée des prix » ; depuis 2023 : phase de retour à la normale. En expliquant (extrait qui allait être abondamment repris par les journalistes) : « Dans notre histoire financière, le virage du retour à la normale est toujours le plus difficile à négocier. Tout le monde réclame de l'ordre dans les comptes, personne ne propose des économies. Tout le monde veut le désendettement, personne ne soutient nos réductions de dépenses. C'est l'hypocrisie française : on veut de la dette en moins et des dépenses en plus. Pourtant, ce sont des somnambules, ceux qui proposent de dépenser toujours plus d'argent public. Ce sont des somnambules, ceux qui promettent de revenir sur la réforme des retraites sans toucher à la feuille de paye ni aux pensions et en promettant plus de pouvoir d'achat. Ce sont des somnambules, ceux qui dénoncent l'austérité dans une France qui redistribue sa richesse plus largement que n'importe quelle autre nation. Le réveil sera douloureux. Pas pour les somnambules, mais pour la France. Car le sommeil conduit toujours à la servitude. ».

    Le Ministre des Finances a embrayé sur l'importance de ne pas renforcer la pression fiscale, malgré les grandes tentations politiques de le faire : « La France ne doit pas revenir en arrière non plus sur les impôts. Malgré nos 55 milliards d'euros de baisses d'impôts depuis 2017, sur les ménages comme sur les entreprises, la France garde un niveau de pression fiscale parmi les plus élevés au monde. Pourtant, à écouter les commentaires, les recommandations des spécialistes, les avis des conseilleurs qui ne sont jamais les payeurs, la plus grande pente reste toujours de relever les impôts. Ne cédons pas à cette facilité. Si nous voulons livrer un combat fiscal, livrons-le au niveau international : taxons à un juste niveau les plus grandes fortunes de la planète. Nous avons mené avec succès deux combats majeurs sur la fiscalité internationale : la taxation des géants du numérique et la taxation minimale des multinationales. Battons-nous pour gagner ce troisième combat : voilà une défi à la hauteur de la France ! ».

    Et d'ajouter un peu plus tard : « Peu à peu, la France renoue avec sa vocation de grande nation manufacturière, innovante, audacieuse : une grande nation de production. Nous devons faire passer de 10 à 15% la part de l'industrie manufacturière dans notre richesse nationale. Pour cela, gardons un cadre fiscal attractif pour les entreprises. (…) Plutôt que défaire, regardons par conséquent ce que nous pouvons faire mieux. ».

    Trois pistes pour faire mieux, selon l'ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin à Matignon :

    Les salaires : « Redonner un espoir salarial à toutes celles et tous ceux qui travaillent, voilà le défi français. Cet espoir salarial, il se construira dans la réduction des écarts entre salaire brut et salaire net, dans une refonte en profondeur de nos allègements de charges, par une remise à plat de notre modèle social. Notre modèle social ne peut plus être financé à titre principal par les contributions sur le travail. Sans quoi le travail ne sera plus une liberté, mais une contrainte ; plus la clef des rêves, mais une source de découragement. (…) Pour augmenter durablement les salaires, il faut augmenter fortement la productivité du travail. ».


    Le climat : « Tout notre outil de production, toute notre innovation, notre recherche, nos grands acteurs bancaires et assurantiels, nos champions du bâtiment, de la construction, du transports, du traitement des eaux, de l'énergie, doivent se mettre au service de cette immense révolution de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Ils le font déjà. Nous devons les accompagner pour faire davantage encore. Avec un objectif collectif : être la première économie 0 émission en Europe en 2040. Objectif ambitieux ? Mais les grandes ambitions n'ont jamais fait peur à la France. Au contraire : nous sommes un peuple pionnier. Nous aimons l'aventure et la grandeur. ».

    Le financement de notre économie : « Nous manquons de financements privés en Europe pour faire face à la double révolution technologique et climatique. (…) Nous devons améliorer le financement de notre économie et le diversifier. Nous devons alléger les contraintes réglementaires qui pèsent sur les banques et les assurances. Nous devons sans délai mettre en place l'union des marchés de capitaux, trouver les financements nécessaires pour nos pépites technologiques, améliorer notre productivité. Notre productivité européenne chute depuis vingt ans quand la productivité américaine flambe. Plus d'innovation, plus de formation, un meilleur niveau éducatif, ce sont les conditions du rétablissement de notre prospérité collective. Nous ne pouvons pas lambiner quand les autres puissances galopent. ».

    Inutile de préciser que, même si le ministre quitte (momentanément ?) la vie politique, cet exposé des choses à faire ressemble furieusement à un programme électoral et aussi à une vison à long terme de l'économie française.
     

     
     


    Bruno Le Maire espère aussi la reprise rapide du projet de loi sur la simplification qu'il n'a pas pu achever. Il a par ailleurs salué et remercié toutes les personnes qui l'ont accompagné pendant ces sept années, des ministres délégués, des hauts fonctionnaires, collaborateurs, membres de cabinet, directeurs d'administration, parlementaires, maires et élus locaux qui sont venus l'écouter, etc. (plus de 1 200 personnes sont venues l'écouter). Il a aussi remercié les 130 000 agents du ministère « techniciens, contrôleurs, douaniers, statisticiens, juristes, informaticiens, économistes, qui font la force de cette maison ».

    Et quel a été son moment le plus intense ? « Je pourrais répondre : le jour où le Premier Ministre israélien s’est retrouvé coincé dans un des ascenseurs de Bercy, le jour où le chat Olive est mort, le jour où Ascoval a été définitivement sauvé, le jour où nous avons remplacé le gravier de cette cour par des arbres, le jour où Olaf Scholz après une nuit de négociation sur la dette en commun a lâché "deal", le jour où nous avons vu Notre-Dame brûler, le jour où Vincent Lindon a tourné au PMF, le jour où les prix du gaz ont flambé. Je répondrais : le covid. Face à la crise économique la plus grave que le monde ait eu à affronter depuis 1929, nous avons fait face. Le covid aurait pu conduire au pire : récession, crise sociale, désordres politiques. Il a au contraire montré le meilleur de notre société : héroïsme sans faille des soignants et du monde hospitalier ; présence à leurs postes des salariés dans les commerces essentiels, dans le nettoyage, dans la grande distribution, dans les exploitations agricoles ; mobilisation permanente de tous les agents du ministère pour élaborer les aides d’urgence, mettre en place le fonds de solidarité pour les TPE et les PME, distribuer le PGE, verser le chômage partiel. Partout, une vraie et profonde générosité de cœur. À nouveau je dis : merci. Nous avons dépensé beaucoup ? Oui, mais pour le bien de tous. Qui oserait dire sincèrement que ces dépenses de protection dont certains nous font le reproche maintenant, après nous avoir supplié de dépenser plus hier, ne répondaient pas à un cas économique de force majeur ? Qui ne voit pas que ces dépenses nous ont permis de sauver nos entreprises, nos commerces, nos emplois, nos compétences ? Il est trop facile de réécrire l’histoire : nous n’avons pas dilapidé l’argent public, nous avons protégé les Français et nous devons en être fiers ensemble. La France est grande quand elle se rassemble, puissante quand elle agit de concert, invincible quand elle sert une cause qui la dépasse. ».

    Le testament de celui qui considère que lorsqu'on s'engage en politique, on doit démissionner de la fonction publique lorsqu'on est fonctionnaire et prendre son risque (ce qui a été son cas, aussi celui d'Emmanuel Macron, et ce qui est une pique à une autre énarque, Lucie Castets), c'est : « L'autorité et l'amour sont les deux valeurs qui nous permettront de desserrer la pression des extrêmes, qui sont en train de prendre en étau notre nation. La radicalisation politique de plus en plus forte est devenue la règle dans les grandes démocraties. La France doit rester une exception. L'exception politique française, ce sont la mesure et la raison. ».

    De l'émotion, certes, mais de l'émotion rationnelle, préparée, calculée, pour ce départ en fanfare et dans les acclamations de son public trié sur le volet. Au regard de l'histoire politique de la France, Bruno Le Maire aura au moins marqué le Ministère de l'Économie et des Finances, à défaut d'aller plus loin, le cas échéant.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bercy : les grands argentiers de France (22 juin 2007).
    Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy.
    Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240912-bruno-le-maire.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-48-les-adieux-de-256754

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  • Gérard Larcher, protecteur des institutions

    « Vous me connaissez : vous savez que j’ai la République chevillée au corps. Tranquillement, sereinement, et avec détermination, je resterai fidèle à ce que je suis : attaché aux institutions, au rôle du Parlement, à la séparation des pouvoirs, à l’indispensable bicamérisme. Sur chacun de ces points, je ne serai pas simplement intransigeant : je serai extrêmement exigeant ; attaché, aussi, aux valeurs qui ont motivé mon engagement politique et mon engagement social. » (Gérard Larcher, le 1er octobre 2020 au Sénat).




     

     
     


    Le Président du Sénat Gérard Larcher fête son 75e anniversaire ce samedi 14 septembre 2024. Élu pour la première fois à la Présidence du Sénat le 1er octobre 2008, et après une interruption entre octobre 2011 et octobre 2014 où il a dû céder la place au socialiste Jean-Pierre Bel (le Sénat était alors de gauche), il entame depuis sa réélection d'octobre 2023 son cinquième mandat de trois ans. À ce titre, il commence à faire partie des Présidents du Sénat les plus longs tant de la Cinquième République que de toutes les républiques, même s'il a encore de la marge pour atteindre les premiers deux records.

    Le premier, c'est celui du centriste Alain Poher au Plateau pendant vingt-quatre ans (huit mandats entre octobre 1968 et octobre 1992), et le deuxième, mais enjambant les deux dernières républiques, le radical Gaston Monnerville, vingt et un ans (entre mars 1947 et octobre 1968). Cette fonction correspondant au deuxième personnage de l'État, devant le Premier Ministre et le Président de l'Assemblée Nationale (en l'occurrence, depuis 2022, la Présidente de l'Assemblée), et a en quelque sorte le rôle du Vice-Président puisqu'il assure l'intérim présidentiel en cas de vacance de la Présidence de la République (cela s'est produit deux fois, en 1969 et en 1974, et a failli se produire une fois encore en 1994). C'est aussi le modèle américain, mais à l'envers, le Vice-Président est élu en même temps que le Président et a pour rôle de présider le Sénat. De Gaulle l'avait regretté lorsqu'on a rédigé la Constitution de la Cinquième République et voulait donner au Premier Ministre cette charge d'assurer l'intérim présidentiel, ce qui lui fut refusé car le Premier Ministre n'était "que" nommé par le Président et n'avait pas de légitimité personnelle directe dans notre démocratie représentative.

    Gaston Monnerville et Alain Poher face à De Gaulle, Alain Poher face à François Mitterrand, Gérard Larcher face à Emmanuel Macron... les Présidents du Sénat ont souvent été des opposants institutionnels au pouvoir exécutif, mais des opposants courtois, polis, posés, qui n'ont rien à voir avec des opposants débraillés, criards et vulgaires comme on a pu en voir depuis 2017 parmi les députés. Il ne faut pas d'ailleurs que le Président du Sénat soit un représentant trop partisan ni un présidentiable car sa personnalité pourrait effacer celle du Sénat. C'est d'ailleurs pour cette raison qui l'a emporté, à sa première élection, sur un ancien Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin. C'est aussi pour cette raison qu'il a toujours refusé Matignon sous Emmanuel Macron.

    La personnalité de Gérard Larcher se prête aux comportements consensuels et au fil de ses réélections, il a réussi à élargir sa base électorale, des sénateurs d'autres groupes que la majorité sénatoriale n'hésitant pas à voter pour lui car il représente bien les sénateurs. Quand j'écris qu'il représente bien les sénateurs, il ne faut pas croire que c'est par sa corpulence, au point même qu'il peut être victime de grossophobie parmi des enragés d'un antiparlementarisme anachronique et populiste. Il représente bien les sénateurs car il a réussi à incarner le Sénat dans sa diversité mais aussi dans son importance institutionnelle : au contraire de l'Assemblée tributaire des modes, des polémiques, des colères des électeurs, les sénateurs peuvent se permettre de prendre le temps de la réflexion, d'étudier beaucoup plus profondément des sujets alors que les députés seraient tentés de raisonner par idéologie ou consigne de partis. Des lois comme les premières lois de bioéthique ont été concoctées par des sénateurs, pas par des députés.

     

     
     


    Il ne faut pas s'y tromper : la bonhomie n'exclut pas la détermination et la fermeté. Gérard Larcher a pris tout son rôle depuis 2022 et l'absence de majorité à l'Assemblée, encore plus depuis 2024, pour faire le lien entre les acteurs et éviter les crises éventuelles (politiques ou institutionnelles). Il s'amuse à dire que les sénateurs ne disent jamais oui par consigne de parti ni non par idéologie. Ce qui les rend plus indépendants et libres que les députés. Il a du reste noué des liens solides avec la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet.

    Gérard Larcher a su formuler assez précisément sa doctrine sur le rôle du Sénat le 2 octobre 2017 lorsqu'il a été réélu pour la deuxième fois, contre-pouvoir mais pas anti-pouvoir, pas sans un coup de griffe à Emmanuel Macron qui venait d'être élu : « Le Sénat est, à mes yeux, le stabilisateur institutionnel indispensable à une démocratie apaisée. Il protège les citoyens des lois de pulsion votées dans la précipitation, sous la pression populaire ou médiatique du moment, des excès éventuels de l’exécutif influencé par la proximité d’élections nationales ou par sa chute dans des enquêtes d’opinion. C’est ce contre-pouvoir qu’incarne le Sénat. Un contre-pouvoir exigeant, qui n’est jamais un anti-pouvoir et qui sait s’opposer avec discernement, sans les excès des postures partisanes, qui n’ont jamais été dans sa nature. Notre ambition, ce doit être l’intérêt de la France. La force du Sénat est aussi de savoir résister aux artifices temporaires de communication ou aux effets de mode qui parfois caricaturent le passé, idéalisent le présent et feraient croire qu’on passe soit de "l’ombre à la lumière", soit de "l’ancien monde au nouveau monde" ! ».

     

     
     


    Jeudi 12 septembre 2024, c'était donc tout naturellement que Gérard Larcher a accueilli, aux côtés de Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, et Laurent Wauquiez, président du groupe LR à l'Assemblée ("Droite républicaine"), le nouveau Premier Ministre Michel Barnier (issu du même parti), invité au dernier moment aux Journées parlementaires LR à Annecy. Cela semblait d'ailleurs être la foire aux ministères, laissant croire que LR avait gagné les élections législatives voire avait même obtenu la majorité absolue. Gérard Larcher, ancien Ministre du Travail sous Jacques Chirac, n'a jamais voulu diriger de gouvernement. Son truc, c'est le contre-poids du Sénat. Il est souvent présent dans les médias pour exprimer avec force le point de vue des sénateurs, dont le rôle essentiel est le lien des territoires avec les citoyens et le pouvoir central.

    Comme Michel Barnier, Gérard Larcher a de l'ancienneté dans la vie politique. Vétérinaire spécialiste des chevaux, il a eu son premier mandat en 1979. Maire de Rambouillet, sénateur depuis 1986, il n'hésite pas à chercher de nouveaux talents pour les encourager dans leurs engagements politiques. Sans nul doute que dans le moment trouble que nous connaissons depuis ces derniers mois, sa figure de stabilité et de référence comptera dans les prochaines semaines pour éviter la crise et le blocage. À 75 ans, il est encore aussi enthousiaste que lorsqu'il était le benjamin de la haute assemblée (à l'âge de 37 ans). Il aura du mal à s'y faire : dans deux ans, ce vieillard n'aura même plus le droit de lire Tintin !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Gérard Larcher réélu en 2023.
    Gérard Larcher réélu en 2020.
    Gérard Larcher réélu en 2017.
    René Monory.
    Christian Poncelet.
    Jean-Pierre Bel.
    Alain Poher.
    Élections municipales de 2020.
    Élections sénatoriales du 24 septembre 2023.
    Élections sénatoriales du 27 septembre 2020.
    Élections sénatoriales du 24 septembre 2017.
    Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240914-gerard-larcher.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gerard-larcher-protecteur-des-256622

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/12/article-sr-20240914-gerard-larcher.html


     

  • Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement

    « Ne sois jamais sectaire ! Le sectarisme est une preuve de faiblesse. Quand on est sectaire, c'est qu'on n'est pas sûr de ses idées. » (Michel Barnier, le 5 septembre 2024 à Matignon).



     

     
     


    Cette parole, elle n'est pas du nouveau chef du gouvernement, mais de sa mère lorsqu'elle a assisté à sa première réunion politique, au tout début des années 1970. Il la garde au fond du cœur comme une sorte de devise personnelle. Ça y est, enfin ! Le Président Emmanuel Macron a nommé Michel Barnier Premier Ministre ce jeudi 5 septembre 2024.

    Au bout de 51 jours de vide gouvernemental, Michel Barnier a été nommé, cumulant 51 années d'expérience politique ! À 73 ans, il entre à Matignon avec le plus grand âge de la Quatrième et de la Cinquième Républiques réunies (le précédent record était 66 ans avec Pierre Bérégovoy). Pas de la Troisième République car on peut "se souvenir" (façon d'écrire !) que Clemenceau est revenu au pouvoir à l'âge de 76 ans. Et Michel Barnier a succédé au plus jeune chef de gouvernement de toutes les républiques, Gabriel Attal (34 ans à sa nomination).

    Je suis ravi de la nomination de Michel Barnier car je crois vraiment que c'est le choix de l'apaisement. Michel Barnier est incontestablement un acteur de "l'ancien monde" dans le sens macronien du terme. Il a commencé son militantisme à l'âge de 15 ans sous les couleurs de l'UJP qui rassemblait les jeunes gaullistes. De la même promotion à Sup de Co Paris que Jean-Pierre Raffarin, il a travaillé très vite pour la politique, membre du cabinet du premier Ministre de l'Environnement Robert Poujade de 1973 à 1974, ce qui pourrait expliquer son attention portée à l'environnement qui fut son premier ministère en 1993. Il a travaillé aussi dans les cabinets des ministres Pierre Mazeaud (Jeunesse et Sports) puis Antoine Rufenacht (Commerce et Artisanat) de 1974 à 1978.

    À 22 ans, en 1973, il a conquis son premier mandat électoral, conseiller général de Bourg-Saint-Maurice, qu'il a conservé jusqu'en 1999. De mars 1982 à septembre 1999, il a présidé le conseil général de Savoie (à partir de 31 ans, plus jeune président du conseil général, département qu'il a repris à la gauche) avec un projet ambitieux, l'organisation des Jeux olympiques d'hiver en 1992 à Albertville, avec Jean-Claude Killy. Auparavant, il s'est fait élire député RPR de Savoie, en mars 1978, il était alors le plus jeune député de France, à 27 ans, après avoir été le plus jeune conseiller général.

    S'il a voté contre la dépénalisation de l'homosexualité (particulièrement anachronique) en décembre 1981 (comme beaucoup de députés de droite), il a voté pour l'abolition de la peine de mort en septembre 1981. La grande réussite des JO d'Albertville l'a propulsé sur la scène nationale. Ou plutôt, l'a conforté sur la scène nationale car dès le printemps 1989, il faisait partie des Douze Rénovateurs de l'opposition, des trentenaires et des quadragénaires voulant prendre le pouvoir sur les plus âgés. L'initiative a foiré, elle n'a duré que quelques mois (un printemps) et n'a pas eu de suite, mais elle a été une bonne école de concertation entre UDF et RPR, avec des personnalités à fort caractère : François Bayrou, Philippe Séguin, Dominique Baudis, Michel Noir, Philippe de Villiers, Charles Millon, Bernard Bosson, François Fillon et quelques autres dont Alain Carignon, le voisin, qui a conquis la mairie de Grenoble et la présidence du conseil général de l'Isère à la gauche (Hubert Dubedout et Louis Mermaz) à la même époque.


    La deuxième cohabitation l'a propulsé au gouvernement. De 1992 à 2021, Michel Barnier a eu une carrière ministérielle un peu en dents de scie, alternant mandats parlementaires (député, sénateur, député européen) et responsabilités ministérielles (Environnement, Affaires européennes, Affaires étrangères, Agriculture et Pêche) et européennes deux fois nommé commissaire européen (politique des régions, puis marché intérieur et services). Pour son second mandat, il avait rang de Vice-Président de la Commission Européenne et a tenté en 2014 et en 2019 de se présenter à la Présidence de la Commission Européenne sous l'étiquette du PPE (démocrate chrétien, parti européen de centre droit dominé par la CDU allemande). Il a eu également pour mission de négocier la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne après le Brexit, d'octobre 2016 à mars 2021, où il a montré fermeté et souplesse dans les discussions (particulièrement compliquées d'un point de vue juridique).

    Dernière démarche politique de Michel Barnier, c'était sa candidature à la primaire LR de décembre 2021 : candidat le mieux placé dans les sondages, mais piètre débatteur, il s'est retrouvé à la troisième place derrière Valérie Pécresse et Éric Ciotti. C'était l'occasion de montrer sa détermination mais aussi son opposition à Emmanuel Macron à qui il voulait succéder en 2022. Pour cette élection interne, il a fait des propositions très droitières en demandant un moratoire sur l'immigration ainsi qu'un référendum et le désengagement de la France de la Cour de justice de l'Union Européenne (ce qui a beaucoup surpris les pro-Européens).

    Michel Barnier est d'abord un homme d'écoute, de dialogue, de synthèse, mais il peut être parfois dur. Par courtoisie, politesse, respect surtout, il n'a jamais insulté un seul adversaire de toute sa carrière, ce qui fait qu'il a peu d'ennemis personnels malgré sa très grande longévité politique. Il a toujours été fidèle, loyal, fiable, il est toujours resté dans son parti d'origine malgré les très nombreuses évolutions (UDR, RPR, UMP, LR). Il a su garder une neutralité dans les grandes rivalités internes. Il était très proche de Philippe Séguin et de son "gaullisme social", mais s'en est éloigné lors du référendum de Maastricht car il a fait campagne pour le oui.

    Lorsqu'il arrive à Matignon, Michel Barnier n'est pas un débauché du macronisme, comme cela a été le cas d'un autre grand élu local LR, Édouard Philippe. Il est LR et reste LR et tous les dirigeants LR ont salué sa nomination (de Laurent Wauquiez à Xavier Bertrand en passant même par Éric Ciotti). À l'évidence, Michel Barnier ne sera pas un supplétif d'Emmanuel Macron et il le montrera sans doute très rapidement avec la composition de son gouvernement.

     

     
     


    Les discours de passation des pouvoirs à Matignon ont déjà donné un aperçu. Michel Barnier a pris la parole en demandant s'il pouvait dire deux mots après le long discours de politique générale de Gabriel Attal qui voulait prendre date. Michel Barnier a aussi ironisé sur les "conseils" de son prédécesseur (qui pourrait être son fils ; ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces, dit le proverbe). Michel Barnier est aimable, courtois, mais n'hésite pas à montrer sa détermination. Il a été un négociateur très rude face aux Britanniques, ce qui a été favorable aux Européens que nous sommes.

    Bien entendu, sa très grande expérience européenne est un atout pour redresser les comptes publics et convaincre la Commission Européenne que la France va se remettre sur les rails du désendettement. Il connaît tous les chefs d'État et de gouvernement. Il n'a pas à se faire connaître, il est immédiatement opérationnel.

    D'ailleurs, il a annoncé qu'il allait recevoir tous les groupes politiques dès ce jeudi soir, y compris le RN et les insoumis. Respecter, cela veut dire pour lui écouter. Cela n'engage à rien, et sans doute que son premier exploit sera de faire un budget qui puisse recueillir une majorité ou, au moins, puisse ne pas recevoir de majorité contre.
     

     
     


    C'est pour Michel Barnier une opération suicide : pour combien de temps sera-t-il à Matignon ? Tout le monde l'ignore. C'est un défi particulièrement motivant. Et puis, il n'a rien à perdre. Il n'envisageait pas de candidature à l'élection présidentielle de 2027 (il aurait 76 ans). Il est complètement libre, et son autorité, il la doit à lui seul, à son expérience, à ses réseaux, à son bilan, à ses réussites.

    Dans les réactions, celles du RN ont été étonnantes. Au début de la matinée, avant la nomination, des députés RN ont particulièrement chargé Michel Barnier (j'y reviendrai peut-être), mais vite stoppés par Marine Le Pen qui a préféré le bénéfice du doute. Sa réaction officielle : « Il semble répondre au premier critère : c'est un homme respectueux des forces politiques. (…) Sur les sujets de fonds, nous attendrons de voir quel est le discours de politique générale de Monsieur Barnier. (…) Nous serons attentifs au projet qu'il portera. (…) Les sujets de fond qui nous intéressent (…) [sont] l'immigration, la sécurité et le pouvoir d'achat des Français. (…) Nous ne participerons pas à un gouvernement de Michel Barnier. ».

    En revanche, son rival d'extrême droite, Éric Zemmour, n'a pas arrêté les hostilités : « Macron vient de remplacer un Macron avec 10 ans de moins par un Macron avec 30 de plus ». Pas très constructif !

    Dans le camp présidentiel, c'est contrasté. Certains ont applaudi rapidement comme Édouard Philippe et Yaël Braun-Pivet qui a demandé l'ouverture d'une session extraordinaire. D'autres sont plus prudents et veulent connaître la feuille de route du nouveau Premier Ministre.

    C'est à gauche que la situation est complètement ubuesque, par les déclarations notamment de Jean-Luc Mélenchon, Marine Tondelier et la palme revient à Olivier Faure. Tous ces irresponsables politiques ont parlé d'un déni démocratique, croyant encore à leur fable qu'à 193 députés sur 577, ils avaient gagné les élections. Une affirmation totalement stupide puisque aujourd'hui a été confirmée une coalition entre le camp présidentiel et LR, ce qui fait 213 députés (sans compter LIOT), confirmés déjà lors du vote pour le perchoir.

    On peut comprendre la déception des électeurs de gauche mais certainement pas les vociférations des mélenchonistes et mélenchonés. Olivier Faure a regretté l'absence d'un Premier Ministre de gauche. Mais il avait pourtant la possibilité avec Bernard Cazeneuve : Emmanuel Macron était prêt à le nommer à Matignon, mais c'est le PS qui a refusé d'apporter un soutien ou même une neutralité bienveillante à son ancien membre (le dernier Premier Ministre socialiste actuellement). C'est donc bien à cause des socialistes qu'Emmanuel Macron a été obligé de se tourner vers sa droite.

    De toute façon, il n'y avait pas trente-six possibilités : trois blocs à peu près égaux. Donc, forcément, dans la coalition, il y a le bloc central. La volonté d'Emmanuel Macron et aussi de Gabriel Attal, était de nommer un Premier Ministre de centre gauche, et Bernard Cazeneuve répondait à toutes les exigences. Il a été hué par son propre camp. Avec l'assurance d'être censuré immédiatement. Comme il n'était pas possible de nommer à Matignon un responsable du camp présidentiel, il ne restait plus qu'un membre de LR. Michel Barnier est un point d'équilibre dans une coalition vers la droite, mais du simple fait stupide de la posture jusqu'au-boutiste des socialistes qui ont refusé de négocier sur le projet de gouvernement (qui devait rester le programme de la nouvelle farce populaire). Marine Tondelier a eu des propos absolument choquants sur LCI, insultant le Président de la République de pervers, refusant de voir la réalité arithmétique de l'Assemblée.

    Michel Barnier ne renoncera cependant pas à trouver un terrain d'entente avec les socialistes sur le budget et sur des textes bien précis, mais cela reste encore dans l'ordre de la mission impossible. La véhémence des réactions de la gauche ultradicaliée est peut-être à la mesure de la croyance qu'elle a apportée à ses propres illusions : non, vous n'avez pas gagné les élections ! Et cette nomination à Matignon sonne la fin de la récréation. Socialistes, si vous êtes dans l'opposition, c'est simplement par votre propre et seule faute !


    Pour Les Républicains, c'est évidemment une renaissance miraculeuse après une élection présidentielle, des élections européennes et des élections législatives désastreuses. La seule différence avec le PS, c'est que les dirigeants de LR ont pris (enfin) leurs responsabilités et ont commencé à agir pour l'intérêt national et pas l'intérêt partisan. Par effet miroir, cela ancre également le parti présidentiel dans le camp de la droite modérée.

    En revanche, les allusions à une sorte de collusion entre le macronisme et le RN sont parfaitement ridicules. Simplement, à quelques semaines d'un procès pas particulièrement flatteurs, les dirigeants du RN préfèrent temporairement fermer cette période de crise et attendre des jours meilleurs avant de précipiter le cas échéant une élection présidentielle.

    L'histoire ne dit pas encore l'avenir du gouvernement Barnier. Mais il est certain déjà que la désignation de Michel Barnier était l'un des meilleurs choix possibles pour sortir de l'impasse politique. Les gens de gauche, méfiez-vous : le peuple pourrait apprécier ! Michel Barnier sera le Premier Ministre de l'apaisement, et après deux campagnes électorales très stressantes, c'était ce que le peuple voulait avec la trêve estivale et olympique. Michel Barnier est en capacité d'apporter cet apaisement... et rien ne dit qu'il ne sera pas populaire dans les prochains jours.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240905-barnier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-45-michel-256643

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/05/article-sr-20240905-barnier.html




     

  • Édouard Philippe massivement candidat à la succession d'Emmanuel Macron !

    « Il ne faut jamais désespérer de notre pays, nous avons des ressources, des talents, des énergies, des compétences ! Je pense sincèrement que si nous cessons de nous bercer d'illusions et si nous nous rassemblons, nous pouvons construire une France plus prospère, plus juste, plus forte et plus libre. » (Édouard Philippe, "Le Point", le 3 septembre 2024).


     

     
     


    L'ancien Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé très clairement et très officiellement sa candidature à la prochaine élection présidentielle dans une interview publiée ce mardi 3 septembre 2024 dans la soirée (peu avant 20 heures) dans l'hebdomadaire "Le Point" : « Je serai candidat à la prochaine élection présidentielle. (…) J'ai créé un parti politique, Horizons, pour continuer à être un acteur de la vie politique nationale. (…) On dit souvent que pour une présidentielle il ne faut avoir envie de rien d'autre. J'y souscris. ».

    Il est même allé plus loin, puisqu'à la dernière question des journalistes Mathilde Siraud et Valérie Toranian qui l'ont interviewé, à savoir : « Vous êtes prêt ? Y compris en cas de présidentielle anticipée ? », le maire du Havre a répondu sobrement : « Je vous le confirme ! ».

    Édouard Philippe a une image publique très singulière : barbu avec encore quelques cheveux foncés et sans lunettes à Matignon, le voici, pour cause de maladie, imberbe, quasi-chauve (pas tout à fait, et ce qui reste de cheveux est blanc), presque à la manière d'un Edgar Faure (mais en longiligne), sans sourcils mais lunettes à grosse monture noire qu'il a troquée pour une fine monture, comme l'ont décrit les deux journalistes qui l'ont rencontré à son bureau de la mairie du Havre : « On le retrouve fidèle à lui-même, teint hâlé et fine monture de lunettes, boutons de manchette en forme de sablier, toujours prêt à faire montre de ses épatants talents d'imitateur. ».

    Je dois avouer que j'apprécie beaucoup Édouard Philippe, tant lorsqu'il a été Premier Ministre que comme responsable politique en général, la personnalité comme son positionnement politique, son souci de la rigueur dans l'expression, sa grande intelligence, sa prudence, sa compréhension de la France des territoires que le Président de la République a toujours eu du mal à comprendre, et même son autodérision... mais depuis 2022, je peine à bien comprendre ses initiatives ou non initiatives.


    Qu'il ait fondé son propre parti Horizons pour garder son autonomie politique vis-à-vis du camp présidentiel était tout à fait justifié, et il a fait ce que François Bayrou avait fait bien avant Emmanuel Macron avec le MoDem. En revanche, j'ai été très étonné de la grande passivité d'Édouard Philippe lors de la campagne présidentielle de 2022 car il n'a pris quasiment aucune part active audible dans le soutien à Emmanuel Macron.

    J'ai également été très étonné par son attitude lors de la dissolution du 9 juin 2024. Certes, comme tous les autres responsables de la majorité présidentielle, il a été ulcéré par cette décision troublante, et il a aussi expliqué au début de la campagne des élections législatives anticipées qu'il ne fallait pas disserter sur les raisons de la dissolution mais qu'il fallait aller au combat pour faire gagner son camp, comme il l'a affirmé entre autres le 17 juin 2024 sur BFMTV.





    Mais j'ai été étonné qu'il ne fût pas candidat lui-même aux élections législatives alors que le centre de gravité de la vie politique française allait se situer, au moins pour un an, dans l'hémicycle du Palais-Bourbon, et d'ailleurs, d'autres responsables politiques l'ont bien compris, de Marine Le Pen à Laurent Wauquiez, et évidemment Gabriel Attal, Gérald Darmanin et Élisabeth Borne. Non seulement il n'a pas voulu redevenir député, mais il a parfois présenté des candidats Horizons contre des candidats de la majorité présidentielle à un moment particulier de la vie politique où le RN était en possibilité favorable d'emporter une majorité absolue à l'Assemblée.

    Alors, je m'étonne ce mardi soir de cette annonce de candidature à la prochaine élection présidentielle, alors que le nouveau Premier Ministre n'est toujours pas désigné après presque deux mois du second tour des élections législatives. Nous sommes, qu'on le veuille ou pas, dans une crise politique puisqu'on n'a pas de gouvernement, et Édouard Philippe se permet de penser au temps t+1 voire t+2. Car la situation politique à la prochaine élection présidentielle aura assurément beaucoup évolué depuis cette fin d'été.


    D'ailleurs, des adversaires politiques l'ont bien compris comme cela. Ainsi Olivier Faure, l'insipide premier secrétaire du PS, a considéré que cette annonce montrait à quel point Édouard Philippe ne croyait plus à la seconde moitié du second quinquennat d'Emmanuel Macron puisqu'il souhaite passer tout de suite à la séquence suivante.

    Ce qui est très étrange, c'est qu'Édouard Philippe a fait dans la même interview ce qu'il reprochait tant à Laurent Wauquiez qu'à Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et quelques autres, se préoccuper de la future élection présidentielle et oublier l'intérêt national et le pays qui doit être gouverné d'ici là, en l'exprimant dès le début de l'entretien : « Quand il s'agit de la France, je recommande vivement de n'être ni aveuglé par le passé, ni obsédé par le futur. ».

     

     
     


    Édouard Philippe a démarré l'interview avec une charge singulière contre Emmanuel Macron : « J'ai déjà eu l'occasion de dire tout le mal que je pensais de la façon dont cette décision de dissoudre avait été pensée et exécutée. Mais avant la décision de dissoudre, il y a eu, en janvier, la décision de changer de Premier Ministre. J'avais recommandé au Président de la République de conserver Élisabeth Borne, qui me paraissait accomplir sa mission avec loyauté et abnégation, jusqu'aux européennes. Après le 9 juin, il aurait pu, s'il l'estimait nécessaire, changer de Premier Ministre pour changer de politique. Ce ne fut pas la décision du Président de la République. ».

    Édouard Philippe fait partie des quelques personnalités politiques qui sont aujourd'hui populaires dans les sondages de popularité. Mais il ne l'avait pas été lorsqu'il était à Matignon. Grand connaisseur de notre histoire politique, l'ancien Premier Ministre devrait savoir qu'une forte popularité ne signifie pas forcément, pour ne pas dire jamais, à une élection à la Présidence de la République : avant lui, nombreux candidats l'ont compris à leurs dépens, Raymond Barre en 1988, Édouard Balladur en 1995, Lionel Jospin en 2002, François Bayrou en 2007, Ségolène Royal en 2007, Alain Juppé en 2016, Manuel Valls en 2017, etc. Car souvent, la popularité tient à ce que des sondés du camp adverse trouvent le personnage sympathique mais pour qui, dans l'isoloir, il ne serait pas question de voter.

    Sa lecture des élections législatives est la suivante : « Trois sentiments ont prévalu : la déception des électeurs RN, le soulagement dans le bloc central (…), et l'enthousiasme de la gauche, qui prétend avoir gagné. Pour ma part, j'ai surtout vu le caractère ingouvernable d'une Assemblée sans aucune majorité nette. Le RN est le premier parti, mais le bloc le moins important ; le NFP rassemble 193 députés ; et entre le NFP et le RN, il y a un bloc central de 235 députés en incluant l'ex-majorité, les LIOT et la Droite républicaine, dont 47 députés LR qui affirment ne pas vouloir participer à ce bloc, mais qui votent avec lui… ». Et de le répéter plus tard : « Je redis que le bloc du NFP est plus restreint que le bloc central. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le NFP n'a pas réussi à faire élire monsieur Chassaigne à la Présidence de l'Assemblée. ».


    Pour Édouard Philippe, la situation est dangereuse car il y a de nombreux dangers dont le premier est le sentiment de s'être fait voler l'élection avec la frustration des électeurs du RN qui n'ont pas gagné ces élections, mais aussi celle des électeurs de gauche qui croient, avec plus ou moins de bonne foi, qu'ils les ont gagnées. L'autre risque est bien sûr ce qu'il a appelé « le péril budgétaire que je crois sous-estimé » avec une absence grandissante de crédibilité de la parole de la France : « Mon sentiment c'est que nous sommes au bord de la falaise. Que l'instabilité politique perdure, ou qu'un gouvernement prenne des mesures directement contraires à nos engagements, et nous risquons l'accident majeur. ». Le troisième danger est l'immobilisme : « On ne parle plus des sujets importants qui ne se régleront pas si nous ne faisons rien : l'Éducation devrait être notre priorité et on n'en parle plus ; l'Écologie devrait nous obnubiler, plus personne n'en parle. C'est désastreux. Nous vivons une crise terrible du logement, qui limite les perspectives d'un grand nombre de nos concitoyens. (…) L'immobilisme a un coût considérable sur ces sujets notamment. ». Enfin, le quatrième danger est l'ordre public, la sécurité et la justice (il est notamment favorable aux peines planchers en matière de récidive).
     

     
     


    Malgré ces quatre dangers, Édouard Philippe reste très optimiste pour l'avenir de la France : « Très souvent, quand je suis à Paris, je m'inquiète. Et quand je suis dans le pays, je me rassure. Je vois partout des initiatives incroyables dans une multitude de domaines. J'ai l'impression que, partout où je vais en France, je suis à 15 kilomètres d'une pépite. ». Sans oublier les Jeux olympiques et paralympiques : « Qu'est-ce qu'on a entendu avant ! La vérité, c'est que les organisateurs ont fait un travail remarquable, que les pouvoirs publics ont été à la hauteur, que les athlètes nous ont fait rêver et que l'ambiance était exceptionnelle. Et je dois dire que dans un pays qui doute, cela a fait du bien ! Qu'en restera-t-il ? J'espère un peu plus d'humilité pour ceux qui critiquent toujours tout avant… ».

    Par ailleurs, le Normand est résolument opposé au scrutin proportionnel : « Je suis très attaché au scrutin majoritaire. Notamment parce qu'il impose un lien entre un député et les électeurs d'un territoire. Je me demande parfois si on ne devrait pas, pour les élections législatives, instituer la même règle que pour l'élection présidentielle, c'est-à-dire qu'au deuxième tour restent seulement les deux premiers. ». Et d'ajouter : « Méfions-nous d'un mode de scrutin qui laisserait la possibilité aux états-majors de partis politiques parisiens de construire des listes de candidats sans aucun lien avec les réalités politiques locales. ».

    Dans les discussions actuelles pour la formation du gouvernement, Édouard Philippe a confirmé son désaccord avec Laurent Wauquiez : « La droite doit s'engager ! En refusant de participer à ce bloc central, elle précipite l'ensemble vers la gauche. J'observe d'ailleurs qu'il y a un certain nombre de gens, au sein de cette Droite républicaine, qui seraient prêts à prendre leurs responsabilités, parce qu'ils pensent que c'est nécessaire pour le pays. J'en connais ! Tous les partis de gouvernement devraient avoir pour objectif principal de favoriser la stabilisation de la vie politique. ».


    D'ailleurs, sa logique actuelle est claire : « Je soutiendrai tout Premier Ministre choisi dans un espace politique qui va de la droite conservatrice à la social-démocratie et qui inscrira son action dans cet espace politique en construisant les compromis pour avancer. ». C'est valable notamment pour Bernard Cazeneuve, autre Normand, auquel il a succédé à Matignon en 2017 : « Entre des maires de grandes villes portuaires normandes, il y a toujours une amitié qui fait fi des logiques partisanes. Et je ne suis pas non plus insensible à son sens de la fidélité, de la nuance et de l'humour, qualités rares par les temps qui courent. ». Et pour Xavier Bertrand : « Nous partageons la même culture d'élu local de territoires populaires et ouvriers, le même engagement contre les extrêmes. ».

    Il n'en reste pas moins que l'esprit d'Édouard Philippe est ailleurs, dans la future campagne présidentielle : « Je me prépare pour proposer des choses aux Français. Ce que je proposerai sera massif. Les Français décideront. ». En quelque sorte, ses déclarations du 3 septembre 2024 sont la déclaration de Rome [17 janvier 1969] de l'ancien Premier Ministre. Mais n'est pas Georges Pompidou forcément qui veut...



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Édouard Philippe massivement candidat à la succession d'Emmanuel Macron !
    Édouard Philippe prêt à décoller.
    De nouveaux Horizons.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240903-edouard-philippe.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/edouard-philippe-massivement-256609

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/03/article-sr-20240903-edouard-philippe.html


     

  • Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !

    « J’étais un homme qui aimait la politique, je suis devenu un homme désormais bien plus attaché au service de l'État. » (Gérald Darmanin, le 12 août 2024 dans "Le Figaro").




     

     
     


    À 41 ans, l'actuel Ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer démissionnaire Gérald Darmanin est depuis plusieurs années un homme qui compte dans le camp présidentiel. Son positionnement à l'issue des élections législatives anticipées du début de cet été peut donc avoir une grande influence. Bien que toujours en poste ("ministre démissionnaire"), il avait déjà averti dès juin 2024 qu'il quitterait le gouvernement si son camp n'obtenait pas la majorité, une déclaration peut-être un peu trop hâtive après réflexion.

    Chouchou à la fois de Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, il a marqué la Place Beauvau qu'il occupe depuis maintenant quatre ans (un petit record depuis mars 1974, il "bat" la longévité de Christian Bonnet ces jours-ci) au point qu'il personnifie, pour le grand public, la fonction de "premier flic de France" comme l'avaient fait avant lui Raymond Marcellin, Michel Poniatowski, Gaston Defferre, Pierre Joxe, Charles Pasqua, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve.

    Le succès de l'accueil des Jeux olympiques qui se sont achevés ce dimanche 11 août 2024, c'est d'abord un succès sportif (la France classée dans le Top 5, mission accomplie), qui est dû exclusivement aux athlètes français et à leurs entraîneurs, mais c'est aussi un succès de sécurité, dont Gérald Darmanin a été le premier responsable, alors que les mauvaises langues prophétisaient des attentats, des désordres, ou d'autres horreurs pour simplement dénigrer la France qu'ils ne doivent vraiment pas aimer. Le ministre l'a d'ailleurs affirmé dans "Le Figaro" le 12 août 2024 : « La victoire des athlètes français, qui est aussi la victoire du Ministère de l’Intérieur puisque 20% des médaillés sont des agents du ministère. Au-delà, ce succès est aussi l’aboutissement de quatre ans d’intenses préparations avec une loi sécurité globale qui modernise la sécurité privée, une loi de programmation budgétaire, une loi renseignement… Depuis quatre ans, j’ai mis en place le décloisonnement du ministère : via la réforme de la police nationale, entre police et gendarmerie, avec la sécurité privée, sans oublier les nouveaux outils numériques. C'est une grande leçon pour nous : quand le ministère fonctionne en cathédrale et non en silo, il fonctionne beaucoup plus mieux. ».

    Gérald Darmanin se paie donc un CV en or dans une vie politique déjà bien remplie avec deux trophées très concrets : aux Finances, comme Ministre de l'Action et des Comptes publics du 17 mai 2017 au 6 juillet 2020, le grand succès de la réforme structurelle de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu ; à l'Intérieur depuis le 6 juillet 2020 (démissionnaire depuis le 16 juillet 2024), l'organisation des JO 2024 à Paris.

    Certaines personnalités politiques commencent leur vie politique à l'extrême gauche (trotskysme) et évoluent vers le centre gauche. Lui, Gérald Darmanin, vient de l'opposé, il a commencé plutôt à la droite dure pour se rapprocher du centre droit. À l'origine, Gérald Darmanin s'est engagé au sein du RPR à l'âge de 16 ans avant même de faire ses études à l'Institut d'études politiques (IEP) de Lille. Collaborateur de l'ancien ministre Jacques Toubon, alors député européen, il s'est rapproché en 2004 du député UMP flirtant avec la droite musclée Christian Vanneste, condamné alors en première instance par la justice pour avoir tenu des propos homophobes (et dont le jugement a été cassé en 2008).

    Son premier mandat électif, Gérald Darmanin l'a obtenu en mars 2008 (à l'âge de 25 ans) comme conseiller municipal d'opposition de Tourcoing sur la liste menée par Christian Vanneste. Très vite, Gérald Darmanin a pris le leadership de l'opposition municipale, tandis que parallèlement, il fut, au sein de l'UMP, le collaborateur de l'ancien ministre Xavier Bertrand, alors secrétaire général de l'UMP, chargé des affaires juridiques, puis, un peu plus tard, chef de cabinet puis directeur de cabinet du ministre David Douillet.

     

     
     


    Conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais puis des Hauts-de-France de mars 2010 (il avait alors 27 ans) à juillet 2020, Gérald Darmanin a retrouvé Xavier Bertrand au conseil régional dont il fut le deuxième vice-président de janvier 2016 à mai 2017. Ces deux collaborations avec Xavier Bertrand (UMP et région) donnent aujourd'hui une tournure particulière sur les relations avec Xavier Bertrand : Gérald Darmanin, considéré comme situé à l'aile très à droite de l'UMP, puis sarkozyste proche de Xavier Bertrand, a succombé au macronisme version 2017 après avoir soutenu François Fillon dans sa lutte fratricide contre Jean-François Copé à la présidence de l'UMP en novembre 2012. Il est donc un liant crucial entre Emmanuel Macron et le parti LR même si Xavier Bertrand est aujourd'hui peu populaire au sein de LR (son échec à la primaire LR de décembre 2021 l'a prouvé).

    Entre-temps, Gérald Darmain est parvenu, en homme pressé, à se poser comme un élu local bien établi : élu député du Nord en juin 2012 (il n'avait que 29 ans), élu dans la dixième circonscription, l'ancienne de Christian Vanneste mais aussi de Maurice Schumann, il a gagné la mairie de Tourcoing en mars 2014 (à 31 ans), devenu un baron local au même titre que son mentor local Xavier Bertrand (Gérald Darmanin fut réélu en mars 2020 mais depuis 2017, il a quitté sa place de maire au profit de sa place au gouvernement). En raison du cumul, il ne s'est pas présenté aux élections législatives de 2017 (il était également le quatrième vice-président de la Métropole européenne de Lille de 2014 à 2018), mais s'est représenté et a été réélu en juin 2022, puis en juillet 2024 (61,4% grâce au front républicain, retrait de la candidate FI, son ancienne rivale du second tour en 2022, pour faire barrage au candidat du RN). Gérald Darmanin a aussi été élu conseiller départemental du Nord de juin 2021 à août 2022.

    Pour résumer donc ses deux premières parties de carrière politique, Gérald Darmanin a donc été d'abord un jeune conquérant de droite plutôt dure qui a su conquérir Tourcoing et sa circonscription à un âge très jeune, puis, avec l'élection d'Emmanuel Macron (son suppléant, qui lui avait succédé à l'Assemblée Nationale dès mars 2016, pour cause de cumul, a été réélu député LR en 2017 contre une candidate LREM), il a accepté, à l'instar d'autres stars de LR (en particulier Édouard Philippe et Bruno Le Maire) de franchir le cap macroniste avec l'onction de Nicolas Sarkozy.

     

     
     


    Dès 2020, Gérald Darmanin, fort de son succès de la réforme de l'impôt sur le revenu, était bien entendu, comme tout ministre ambitieux et pressé, candidat à Matignon. Si en 2022, son nom n'était pas évoqué faute d'être une femme, il revenait très sérieusement en lice en juillet 2023 pour remplacer celle qui allait devenir une très brève rivale au sein du camp macroniste, Élisabeth Borne. Peine perdue, il a aussi raté une nouvelle occasion en janvier 2024 avec la nomination de Gabriel Attal à Matignon. Darmanin-Attal, les journalistes seraient tentés d'en faire des rivaux internes préférés, dans la perspective de l'élection présidentielle de 2027, une rivalité qui a failli être confirmée le 13 juillet 2024 lors de la première réunion du groupe Renaissance (devenu Ensemble pour la République, EPR) à l'Assemblée pour la désignation de son président. Découragé par l'Élysée, Gérald Darmanin a cependant laissé le champ libre à Gabriel Attal pour présider le groupe EPR, deuxième groupe de l'Assemblée. Gabriel Attal serait le représentant de l'aile gauche du macronisme et Gérald Darmanin de l'aile droite.

    À l'issue de ses élections anticipées, Gérald Darmanin jouit d'une position personnelle très forte : il a été réélu et est donc présent à l'Assemblée, là où se passera l'essentiel de la vie politique à venir, au contraire d'Édouard Philippe, Bruno Le Maire et quelques autres personnalités tentées, elles aussi, de capter l'héritage politique d'Emmanuel Macron. En revanche, il doit faire face à l'hostilité d'une partie non négligeable du groupe macroniste en raison de la dissolution du 9 juin 2024, ce qui, à court terme, l'empêche de foncer pour prétendre diriger le parti présidentiel.

    Sa position est aujourd'hui très claire. Il faut auparavant préciser qu'il était l'un des rares, du camp présidentiel, à avoir approuvé voire recommandé la dissolution (ce qui était même très rare). Pour lui, le retour au peuple était une nécessité vitale pour la démocratie, et une juste pratique gaullienne des institutions. Malgré ses ambitions, il n'est pas candidat à Matignon, pour une raison très simple : il a bien compris que, parmi les signaux parfois contradictoires émis par le peuple français les 30 juin et 7 juillet 2024, il y a le désaveu du camp macroniste.

    Pas étonnant alors de considérer que le prochain Premier Ministre ne pourrait pas faire partie du camp présidentiel, à moins de faire fi de la volonté populaire. En revanche, il semble évident que le soutien du camp présidentiel au futur gouvernement est une condition absolument nécessaire à son existence parlementaire dans la configuration actuelle (trois tiers inconciliables à l'origine) en raison de sa position centrale.

     

     
     


    Interrogé dans "Le Figaro" de ce lundi 12 août 2024, après l'euphorie des Jeux olympiques, Gérald Darmanin a usé d'un certain euphémisme pour exprimer cette position sans trahir ses amis : « Il y a (…) un fait : nous n'avons pas gagné ces élections législatives. Il n'est pas anormal que quelqu'un qui n'est pas de notre famille politique dirige le gouvernement. ». Il faut ajouter que la nomination d'un Premier Ministre macroniste, quand bien même il résulterait d'une logique d'arithmétique parlementaire, serait très mal comprise des électeurs qui ont voté au début de l'été.

    Quel Premier Ministre ? Son ancien mentor, pardi ! La réponse dans "Le Figaro" était alors évidente : « J'ai dit que Xavier Bertrand avait de grandes qualités. ». Gérald Darmanin semble même impatient de quitter complètement le gouvernement, maintenant que les JO sont passés : « Il est normal d'installer un nouveau gouvernement après des élections. ». Il avait d'ailleurs retiré sa cravate dès la démission acceptée du gouvernement le 16 juillet 2024 pour bien montrer qu'il retrouvait sa liberté personnelle, tout en restant loyal et fidèle à Emmanuel Macron.

    Gérald Darmanin est, ces jours-ci, le sujet de plusieurs analyses politiques dans la presse, en particulier dans un article de Robin D'Angelo paru dans "Le Monde" le mardi 13 août 2024 qui a résumé l'objectif personnel du futur ancien ministre ainsi : « Capitaliser autant que possible sur l’événement [les JO] pour mieux préparer ses arrières dans un contexte politique hautement instable. ».

    Selon "Le Monde", Gérald Darmanin avait envisagé prendre la présidence du groupe Horizons à l'Assemblée en cas de défaite de son président sortant, Laurent Marcangeli, mais ce dernier a été réélu. En outre, les proches de Gabriel Attal insistent beaucoup : « Gabriel a à cœur que Gérald reste dans la famille, car c'est un atout. ».
     

     
     


    Les perspectives de Gérald Darmanin sont analysées ainsi : les conseillers de Gérald Darmanin affirmeraient qu'il ne serait plus opposé à rester au gouvernement si le Président le lui demandait et si les responsabilités proposées lui permettaient de prendre du recul (on penserait Affaires étrangères ou Défense). D'autres évoquent la grande attente des élus locaux de droite et du centre du département du Nord qui restent orphelins d'un grand leader politique pour les représenter, et qui le verraient bien conquérir la Métropole de Lille en 2026.

    Pour l'heure, Gérald Darmanin a prévu de réunir ses fidèles dans un mois, le dimanche 15 septembre 2024 à Tourcoing, pour discuter du pouvoir d'achat. Il souhaiterait avant tout parler aux classes populaires et est partisan de la revalorisation du SMIC. La première réunion des darmanistes avait eu lieu à la rentrée de 2023 sur fond de rivalité avec Élisabeth Borne, reconduite à Matignon, qui avait fait le déplacement et torpillé la journée. Quant à l'actuel locataire de Matignon, démissionnaire, Gabriel Attal a déjà fait savoir qu'il ne se rendrait pas à Tourcoing le 15 septembre 2024 (il aurait déjà un autre engagement !), tandis que des anciens ministres étiquetés plus à gauche, comme Clément Beaune, auraient reçu un carton d'invitation.

    Ce qui est sûr, c'est que le Président de la République veut ménager Gérald Darmanin qui reste un allié indispensable dans la situation politique inextricable actuelle, tant par sa loyauté que par sa connexion avec ses anciens amis de LR. Xavier Bertrand, quant à lui, compte certainement sur son ancien secrétaire général adjoint de l'UMP pour accéder enfin à la reconnaissance nationale : Matignon, en attendant l'Élysée ! Pas sûr que cela plaise beaucoup à un autre acteur LR revenu dans l'arène, Laurent Wauquiez, président du groupe LR.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Cible des hypocrisies ambiantes.
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




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