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  • Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement

    « Ne sois jamais sectaire ! Le sectarisme est une preuve de faiblesse. Quand on est sectaire, c'est qu'on n'est pas sûr de ses idées. » (Michel Barnier, le 5 septembre 2024 à Matignon).



     

     
     


    Cette parole, elle n'est pas du nouveau chef du gouvernement, mais de sa mère lorsqu'elle a assisté à sa première réunion politique, au tout début des années 1970. Il la garde au fond du cœur comme une sorte de devise personnelle. Ça y est, enfin ! Le Président Emmanuel Macron a nommé Michel Barnier Premier Ministre ce jeudi 5 septembre 2024.

    Au bout de 51 jours de vide gouvernemental, Michel Barnier a été nommé, cumulant 51 années d'expérience politique ! À 73 ans, il entre à Matignon avec le plus grand âge de la Quatrième et de la Cinquième Républiques réunies (le précédent record était 66 ans avec Pierre Bérégovoy). Pas de la Troisième République car on peut "se souvenir" (façon d'écrire !) que Clemenceau est revenu au pouvoir à l'âge de 76 ans. Et Michel Barnier a succédé au plus jeune chef de gouvernement de toutes les républiques, Gabriel Attal (34 ans à sa nomination).

    Je suis ravi de la nomination de Michel Barnier car je crois vraiment que c'est le choix de l'apaisement. Michel Barnier est incontestablement un acteur de "l'ancien monde" dans le sens macronien du terme. Il a commencé son militantisme à l'âge de 15 ans sous les couleurs de l'UJP qui rassemblait les jeunes gaullistes. De la même promotion à Sup de Co Paris que Jean-Pierre Raffarin, il a travaillé très vite pour la politique, membre du cabinet du premier Ministre de l'Environnement Robert Poujade de 1973 à 1974, ce qui pourrait expliquer son attention portée à l'environnement qui fut son premier ministère en 1993. Il a travaillé aussi dans les cabinets des ministres Pierre Mazeaud (Jeunesse et Sports) puis Antoine Rufenacht (Commerce et Artisanat) de 1974 à 1978.

    À 22 ans, en 1973, il a conquis son premier mandat électoral, conseiller général de Bourg-Saint-Maurice, qu'il a conservé jusqu'en 1999. De mars 1982 à septembre 1999, il a présidé le conseil général de Savoie (à partir de 31 ans, plus jeune président du conseil général, département qu'il a repris à la gauche) avec un projet ambitieux, l'organisation des Jeux olympiques d'hiver en 1992 à Albertville, avec Jean-Claude Killy. Auparavant, il s'est fait élire député RPR de Savoie, en mars 1978, il était alors le plus jeune député de France, à 27 ans, après avoir été le plus jeune conseiller général.

    S'il a voté contre la dépénalisation de l'homosexualité (particulièrement anachronique) en décembre 1981 (comme beaucoup de députés de droite), il a voté pour l'abolition de la peine de mort en septembre 1981. La grande réussite des JO d'Albertville l'a propulsé sur la scène nationale. Ou plutôt, l'a conforté sur la scène nationale car dès le printemps 1989, il faisait partie des Douze Rénovateurs de l'opposition, des trentenaires et des quadragénaires voulant prendre le pouvoir sur les plus âgés. L'initiative a foiré, elle n'a duré que quelques mois (un printemps) et n'a pas eu de suite, mais elle a été une bonne école de concertation entre UDF et RPR, avec des personnalités à fort caractère : François Bayrou, Philippe Séguin, Dominique Baudis, Michel Noir, Philippe de Villiers, Charles Millon, Bernard Bosson, François Fillon et quelques autres dont Alain Carignon, le voisin, qui a conquis la mairie de Grenoble et la présidence du conseil général de l'Isère à la gauche (Hubert Dubedout et Louis Mermaz) à la même époque.


    La deuxième cohabitation l'a propulsé au gouvernement. De 1992 à 2021, Michel Barnier a eu une carrière ministérielle un peu en dents de scie, alternant mandats parlementaires (député, sénateur, député européen) et responsabilités ministérielles (Environnement, Affaires européennes, Affaires étrangères, Agriculture et Pêche) et européennes deux fois nommé commissaire européen (politique des régions, puis marché intérieur et services). Pour son second mandat, il avait rang de Vice-Président de la Commission Européenne et a tenté en 2014 et en 2019 de se présenter à la Présidence de la Commission Européenne sous l'étiquette du PPE (démocrate chrétien, parti européen de centre droit dominé par la CDU allemande). Il a eu également pour mission de négocier la sortie du Royaume-Uni de l'Union Européenne après le Brexit, d'octobre 2016 à mars 2021, où il a montré fermeté et souplesse dans les discussions (particulièrement compliquées d'un point de vue juridique).

    Dernière démarche politique de Michel Barnier, c'était sa candidature à la primaire LR de décembre 2021 : candidat le mieux placé dans les sondages, mais piètre débatteur, il s'est retrouvé à la troisième place derrière Valérie Pécresse et Éric Ciotti. C'était l'occasion de montrer sa détermination mais aussi son opposition à Emmanuel Macron à qui il voulait succéder en 2022. Pour cette élection interne, il a fait des propositions très droitières en demandant un moratoire sur l'immigration ainsi qu'un référendum et le désengagement de la France de la Cour de justice de l'Union Européenne (ce qui a beaucoup surpris les pro-Européens).

    Michel Barnier est d'abord un homme d'écoute, de dialogue, de synthèse, mais il peut être parfois dur. Par courtoisie, politesse, respect surtout, il n'a jamais insulté un seul adversaire de toute sa carrière, ce qui fait qu'il a peu d'ennemis personnels malgré sa très grande longévité politique. Il a toujours été fidèle, loyal, fiable, il est toujours resté dans son parti d'origine malgré les très nombreuses évolutions (UDR, RPR, UMP, LR). Il a su garder une neutralité dans les grandes rivalités internes. Il était très proche de Philippe Séguin et de son "gaullisme social", mais s'en est éloigné lors du référendum de Maastricht car il a fait campagne pour le oui.

    Lorsqu'il arrive à Matignon, Michel Barnier n'est pas un débauché du macronisme, comme cela a été le cas d'un autre grand élu local LR, Édouard Philippe. Il est LR et reste LR et tous les dirigeants LR ont salué sa nomination (de Laurent Wauquiez à Xavier Bertrand en passant même par Éric Ciotti). À l'évidence, Michel Barnier ne sera pas un supplétif d'Emmanuel Macron et il le montrera sans doute très rapidement avec la composition de son gouvernement.

     

     
     


    Les discours de passation des pouvoirs à Matignon ont déjà donné un aperçu. Michel Barnier a pris la parole en demandant s'il pouvait dire deux mots après le long discours de politique générale de Gabriel Attal qui voulait prendre date. Michel Barnier a aussi ironisé sur les "conseils" de son prédécesseur (qui pourrait être son fils ; ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire des grimaces, dit le proverbe). Michel Barnier est aimable, courtois, mais n'hésite pas à montrer sa détermination. Il a été un négociateur très rude face aux Britanniques, ce qui a été favorable aux Européens que nous sommes.

    Bien entendu, sa très grande expérience européenne est un atout pour redresser les comptes publics et convaincre la Commission Européenne que la France va se remettre sur les rails du désendettement. Il connaît tous les chefs d'État et de gouvernement. Il n'a pas à se faire connaître, il est immédiatement opérationnel.

    D'ailleurs, il a annoncé qu'il allait recevoir tous les groupes politiques dès ce jeudi soir, y compris le RN et les insoumis. Respecter, cela veut dire pour lui écouter. Cela n'engage à rien, et sans doute que son premier exploit sera de faire un budget qui puisse recueillir une majorité ou, au moins, puisse ne pas recevoir de majorité contre.
     

     
     


    C'est pour Michel Barnier une opération suicide : pour combien de temps sera-t-il à Matignon ? Tout le monde l'ignore. C'est un défi particulièrement motivant. Et puis, il n'a rien à perdre. Il n'envisageait pas de candidature à l'élection présidentielle de 2027 (il aurait 76 ans). Il est complètement libre, et son autorité, il la doit à lui seul, à son expérience, à ses réseaux, à son bilan, à ses réussites.

    Dans les réactions, celles du RN ont été étonnantes. Au début de la matinée, avant la nomination, des députés RN ont particulièrement chargé Michel Barnier (j'y reviendrai peut-être), mais vite stoppés par Marine Le Pen qui a préféré le bénéfice du doute. Sa réaction officielle : « Il semble répondre au premier critère : c'est un homme respectueux des forces politiques. (…) Sur les sujets de fonds, nous attendrons de voir quel est le discours de politique générale de Monsieur Barnier. (…) Nous serons attentifs au projet qu'il portera. (…) Les sujets de fond qui nous intéressent (…) [sont] l'immigration, la sécurité et le pouvoir d'achat des Français. (…) Nous ne participerons pas à un gouvernement de Michel Barnier. ».

    En revanche, son rival d'extrême droite, Éric Zemmour, n'a pas arrêté les hostilités : « Macron vient de remplacer un Macron avec 10 ans de moins par un Macron avec 30 de plus ». Pas très constructif !

    Dans le camp présidentiel, c'est contrasté. Certains ont applaudi rapidement comme Édouard Philippe et Yaël Braun-Pivet qui a demandé l'ouverture d'une session extraordinaire. D'autres sont plus prudents et veulent connaître la feuille de route du nouveau Premier Ministre.

    C'est à gauche que la situation est complètement ubuesque, par les déclarations notamment de Jean-Luc Mélenchon, Marine Tondelier et la palme revient à Olivier Faure. Tous ces irresponsables politiques ont parlé d'un déni démocratique, croyant encore à leur fable qu'à 193 députés sur 577, ils avaient gagné les élections. Une affirmation totalement stupide puisque aujourd'hui a été confirmée une coalition entre le camp présidentiel et LR, ce qui fait 213 députés (sans compter LIOT), confirmés déjà lors du vote pour le perchoir.

    On peut comprendre la déception des électeurs de gauche mais certainement pas les vociférations des mélenchonistes et mélenchonés. Olivier Faure a regretté l'absence d'un Premier Ministre de gauche. Mais il avait pourtant la possibilité avec Bernard Cazeneuve : Emmanuel Macron était prêt à le nommer à Matignon, mais c'est le PS qui a refusé d'apporter un soutien ou même une neutralité bienveillante à son ancien membre (le dernier Premier Ministre socialiste actuellement). C'est donc bien à cause des socialistes qu'Emmanuel Macron a été obligé de se tourner vers sa droite.

    De toute façon, il n'y avait pas trente-six possibilités : trois blocs à peu près égaux. Donc, forcément, dans la coalition, il y a le bloc central. La volonté d'Emmanuel Macron et aussi de Gabriel Attal, était de nommer un Premier Ministre de centre gauche, et Bernard Cazeneuve répondait à toutes les exigences. Il a été hué par son propre camp. Avec l'assurance d'être censuré immédiatement. Comme il n'était pas possible de nommer à Matignon un responsable du camp présidentiel, il ne restait plus qu'un membre de LR. Michel Barnier est un point d'équilibre dans une coalition vers la droite, mais du simple fait stupide de la posture jusqu'au-boutiste des socialistes qui ont refusé de négocier sur le projet de gouvernement (qui devait rester le programme de la nouvelle farce populaire). Marine Tondelier a eu des propos absolument choquants sur LCI, insultant le Président de la République de pervers, refusant de voir la réalité arithmétique de l'Assemblée.

    Michel Barnier ne renoncera cependant pas à trouver un terrain d'entente avec les socialistes sur le budget et sur des textes bien précis, mais cela reste encore dans l'ordre de la mission impossible. La véhémence des réactions de la gauche ultradicaliée est peut-être à la mesure de la croyance qu'elle a apportée à ses propres illusions : non, vous n'avez pas gagné les élections ! Et cette nomination à Matignon sonne la fin de la récréation. Socialistes, si vous êtes dans l'opposition, c'est simplement par votre propre et seule faute !


    Pour Les Républicains, c'est évidemment une renaissance miraculeuse après une élection présidentielle, des élections européennes et des élections législatives désastreuses. La seule différence avec le PS, c'est que les dirigeants de LR ont pris (enfin) leurs responsabilités et ont commencé à agir pour l'intérêt national et pas l'intérêt partisan. Par effet miroir, cela ancre également le parti présidentiel dans le camp de la droite modérée.

    En revanche, les allusions à une sorte de collusion entre le macronisme et le RN sont parfaitement ridicules. Simplement, à quelques semaines d'un procès pas particulièrement flatteurs, les dirigeants du RN préfèrent temporairement fermer cette période de crise et attendre des jours meilleurs avant de précipiter le cas échéant une élection présidentielle.

    L'histoire ne dit pas encore l'avenir du gouvernement Barnier. Mais il est certain déjà que la désignation de Michel Barnier était l'un des meilleurs choix possibles pour sortir de l'impasse politique. Les gens de gauche, méfiez-vous : le peuple pourrait apprécier ! Michel Barnier sera le Premier Ministre de l'apaisement, et après deux campagnes électorales très stressantes, c'était ce que le peuple voulait avec la trêve estivale et olympique. Michel Barnier est en capacité d'apporter cet apaisement... et rien ne dit qu'il ne sera pas populaire dans les prochains jours.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240905-barnier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-45-michel-256643

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/05/article-sr-20240905-barnier.html




     

  • Édouard Philippe massivement candidat à la succession d'Emmanuel Macron !

    « Il ne faut jamais désespérer de notre pays, nous avons des ressources, des talents, des énergies, des compétences ! Je pense sincèrement que si nous cessons de nous bercer d'illusions et si nous nous rassemblons, nous pouvons construire une France plus prospère, plus juste, plus forte et plus libre. » (Édouard Philippe, "Le Point", le 3 septembre 2024).


     

     
     


    L'ancien Premier Ministre Édouard Philippe a annoncé très clairement et très officiellement sa candidature à la prochaine élection présidentielle dans une interview publiée ce mardi 3 septembre 2024 dans la soirée (peu avant 20 heures) dans l'hebdomadaire "Le Point" : « Je serai candidat à la prochaine élection présidentielle. (…) J'ai créé un parti politique, Horizons, pour continuer à être un acteur de la vie politique nationale. (…) On dit souvent que pour une présidentielle il ne faut avoir envie de rien d'autre. J'y souscris. ».

    Il est même allé plus loin, puisqu'à la dernière question des journalistes Mathilde Siraud et Valérie Toranian qui l'ont interviewé, à savoir : « Vous êtes prêt ? Y compris en cas de présidentielle anticipée ? », le maire du Havre a répondu sobrement : « Je vous le confirme ! ».

    Édouard Philippe a une image publique très singulière : barbu avec encore quelques cheveux foncés et sans lunettes à Matignon, le voici, pour cause de maladie, imberbe, quasi-chauve (pas tout à fait, et ce qui reste de cheveux est blanc), presque à la manière d'un Edgar Faure (mais en longiligne), sans sourcils mais lunettes à grosse monture noire qu'il a troquée pour une fine monture, comme l'ont décrit les deux journalistes qui l'ont rencontré à son bureau de la mairie du Havre : « On le retrouve fidèle à lui-même, teint hâlé et fine monture de lunettes, boutons de manchette en forme de sablier, toujours prêt à faire montre de ses épatants talents d'imitateur. ».

    Je dois avouer que j'apprécie beaucoup Édouard Philippe, tant lorsqu'il a été Premier Ministre que comme responsable politique en général, la personnalité comme son positionnement politique, son souci de la rigueur dans l'expression, sa grande intelligence, sa prudence, sa compréhension de la France des territoires que le Président de la République a toujours eu du mal à comprendre, et même son autodérision... mais depuis 2022, je peine à bien comprendre ses initiatives ou non initiatives.


    Qu'il ait fondé son propre parti Horizons pour garder son autonomie politique vis-à-vis du camp présidentiel était tout à fait justifié, et il a fait ce que François Bayrou avait fait bien avant Emmanuel Macron avec le MoDem. En revanche, j'ai été très étonné de la grande passivité d'Édouard Philippe lors de la campagne présidentielle de 2022 car il n'a pris quasiment aucune part active audible dans le soutien à Emmanuel Macron.

    J'ai également été très étonné par son attitude lors de la dissolution du 9 juin 2024. Certes, comme tous les autres responsables de la majorité présidentielle, il a été ulcéré par cette décision troublante, et il a aussi expliqué au début de la campagne des élections législatives anticipées qu'il ne fallait pas disserter sur les raisons de la dissolution mais qu'il fallait aller au combat pour faire gagner son camp, comme il l'a affirmé entre autres le 17 juin 2024 sur BFMTV.





    Mais j'ai été étonné qu'il ne fût pas candidat lui-même aux élections législatives alors que le centre de gravité de la vie politique française allait se situer, au moins pour un an, dans l'hémicycle du Palais-Bourbon, et d'ailleurs, d'autres responsables politiques l'ont bien compris, de Marine Le Pen à Laurent Wauquiez, et évidemment Gabriel Attal, Gérald Darmanin et Élisabeth Borne. Non seulement il n'a pas voulu redevenir député, mais il a parfois présenté des candidats Horizons contre des candidats de la majorité présidentielle à un moment particulier de la vie politique où le RN était en possibilité favorable d'emporter une majorité absolue à l'Assemblée.

    Alors, je m'étonne ce mardi soir de cette annonce de candidature à la prochaine élection présidentielle, alors que le nouveau Premier Ministre n'est toujours pas désigné après presque deux mois du second tour des élections législatives. Nous sommes, qu'on le veuille ou pas, dans une crise politique puisqu'on n'a pas de gouvernement, et Édouard Philippe se permet de penser au temps t+1 voire t+2. Car la situation politique à la prochaine élection présidentielle aura assurément beaucoup évolué depuis cette fin d'été.


    D'ailleurs, des adversaires politiques l'ont bien compris comme cela. Ainsi Olivier Faure, l'insipide premier secrétaire du PS, a considéré que cette annonce montrait à quel point Édouard Philippe ne croyait plus à la seconde moitié du second quinquennat d'Emmanuel Macron puisqu'il souhaite passer tout de suite à la séquence suivante.

    Ce qui est très étrange, c'est qu'Édouard Philippe a fait dans la même interview ce qu'il reprochait tant à Laurent Wauquiez qu'à Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et quelques autres, se préoccuper de la future élection présidentielle et oublier l'intérêt national et le pays qui doit être gouverné d'ici là, en l'exprimant dès le début de l'entretien : « Quand il s'agit de la France, je recommande vivement de n'être ni aveuglé par le passé, ni obsédé par le futur. ».

     

     
     


    Édouard Philippe a démarré l'interview avec une charge singulière contre Emmanuel Macron : « J'ai déjà eu l'occasion de dire tout le mal que je pensais de la façon dont cette décision de dissoudre avait été pensée et exécutée. Mais avant la décision de dissoudre, il y a eu, en janvier, la décision de changer de Premier Ministre. J'avais recommandé au Président de la République de conserver Élisabeth Borne, qui me paraissait accomplir sa mission avec loyauté et abnégation, jusqu'aux européennes. Après le 9 juin, il aurait pu, s'il l'estimait nécessaire, changer de Premier Ministre pour changer de politique. Ce ne fut pas la décision du Président de la République. ».

    Édouard Philippe fait partie des quelques personnalités politiques qui sont aujourd'hui populaires dans les sondages de popularité. Mais il ne l'avait pas été lorsqu'il était à Matignon. Grand connaisseur de notre histoire politique, l'ancien Premier Ministre devrait savoir qu'une forte popularité ne signifie pas forcément, pour ne pas dire jamais, à une élection à la Présidence de la République : avant lui, nombreux candidats l'ont compris à leurs dépens, Raymond Barre en 1988, Édouard Balladur en 1995, Lionel Jospin en 2002, François Bayrou en 2007, Ségolène Royal en 2007, Alain Juppé en 2016, Manuel Valls en 2017, etc. Car souvent, la popularité tient à ce que des sondés du camp adverse trouvent le personnage sympathique mais pour qui, dans l'isoloir, il ne serait pas question de voter.

    Sa lecture des élections législatives est la suivante : « Trois sentiments ont prévalu : la déception des électeurs RN, le soulagement dans le bloc central (…), et l'enthousiasme de la gauche, qui prétend avoir gagné. Pour ma part, j'ai surtout vu le caractère ingouvernable d'une Assemblée sans aucune majorité nette. Le RN est le premier parti, mais le bloc le moins important ; le NFP rassemble 193 députés ; et entre le NFP et le RN, il y a un bloc central de 235 députés en incluant l'ex-majorité, les LIOT et la Droite républicaine, dont 47 députés LR qui affirment ne pas vouloir participer à ce bloc, mais qui votent avec lui… ». Et de le répéter plus tard : « Je redis que le bloc du NFP est plus restreint que le bloc central. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le NFP n'a pas réussi à faire élire monsieur Chassaigne à la Présidence de l'Assemblée. ».


    Pour Édouard Philippe, la situation est dangereuse car il y a de nombreux dangers dont le premier est le sentiment de s'être fait voler l'élection avec la frustration des électeurs du RN qui n'ont pas gagné ces élections, mais aussi celle des électeurs de gauche qui croient, avec plus ou moins de bonne foi, qu'ils les ont gagnées. L'autre risque est bien sûr ce qu'il a appelé « le péril budgétaire que je crois sous-estimé » avec une absence grandissante de crédibilité de la parole de la France : « Mon sentiment c'est que nous sommes au bord de la falaise. Que l'instabilité politique perdure, ou qu'un gouvernement prenne des mesures directement contraires à nos engagements, et nous risquons l'accident majeur. ». Le troisième danger est l'immobilisme : « On ne parle plus des sujets importants qui ne se régleront pas si nous ne faisons rien : l'Éducation devrait être notre priorité et on n'en parle plus ; l'Écologie devrait nous obnubiler, plus personne n'en parle. C'est désastreux. Nous vivons une crise terrible du logement, qui limite les perspectives d'un grand nombre de nos concitoyens. (…) L'immobilisme a un coût considérable sur ces sujets notamment. ». Enfin, le quatrième danger est l'ordre public, la sécurité et la justice (il est notamment favorable aux peines planchers en matière de récidive).
     

     
     


    Malgré ces quatre dangers, Édouard Philippe reste très optimiste pour l'avenir de la France : « Très souvent, quand je suis à Paris, je m'inquiète. Et quand je suis dans le pays, je me rassure. Je vois partout des initiatives incroyables dans une multitude de domaines. J'ai l'impression que, partout où je vais en France, je suis à 15 kilomètres d'une pépite. ». Sans oublier les Jeux olympiques et paralympiques : « Qu'est-ce qu'on a entendu avant ! La vérité, c'est que les organisateurs ont fait un travail remarquable, que les pouvoirs publics ont été à la hauteur, que les athlètes nous ont fait rêver et que l'ambiance était exceptionnelle. Et je dois dire que dans un pays qui doute, cela a fait du bien ! Qu'en restera-t-il ? J'espère un peu plus d'humilité pour ceux qui critiquent toujours tout avant… ».

    Par ailleurs, le Normand est résolument opposé au scrutin proportionnel : « Je suis très attaché au scrutin majoritaire. Notamment parce qu'il impose un lien entre un député et les électeurs d'un territoire. Je me demande parfois si on ne devrait pas, pour les élections législatives, instituer la même règle que pour l'élection présidentielle, c'est-à-dire qu'au deuxième tour restent seulement les deux premiers. ». Et d'ajouter : « Méfions-nous d'un mode de scrutin qui laisserait la possibilité aux états-majors de partis politiques parisiens de construire des listes de candidats sans aucun lien avec les réalités politiques locales. ».

    Dans les discussions actuelles pour la formation du gouvernement, Édouard Philippe a confirmé son désaccord avec Laurent Wauquiez : « La droite doit s'engager ! En refusant de participer à ce bloc central, elle précipite l'ensemble vers la gauche. J'observe d'ailleurs qu'il y a un certain nombre de gens, au sein de cette Droite républicaine, qui seraient prêts à prendre leurs responsabilités, parce qu'ils pensent que c'est nécessaire pour le pays. J'en connais ! Tous les partis de gouvernement devraient avoir pour objectif principal de favoriser la stabilisation de la vie politique. ».


    D'ailleurs, sa logique actuelle est claire : « Je soutiendrai tout Premier Ministre choisi dans un espace politique qui va de la droite conservatrice à la social-démocratie et qui inscrira son action dans cet espace politique en construisant les compromis pour avancer. ». C'est valable notamment pour Bernard Cazeneuve, autre Normand, auquel il a succédé à Matignon en 2017 : « Entre des maires de grandes villes portuaires normandes, il y a toujours une amitié qui fait fi des logiques partisanes. Et je ne suis pas non plus insensible à son sens de la fidélité, de la nuance et de l'humour, qualités rares par les temps qui courent. ». Et pour Xavier Bertrand : « Nous partageons la même culture d'élu local de territoires populaires et ouvriers, le même engagement contre les extrêmes. ».

    Il n'en reste pas moins que l'esprit d'Édouard Philippe est ailleurs, dans la future campagne présidentielle : « Je me prépare pour proposer des choses aux Français. Ce que je proposerai sera massif. Les Français décideront. ». En quelque sorte, ses déclarations du 3 septembre 2024 sont la déclaration de Rome [17 janvier 1969] de l'ancien Premier Ministre. Mais n'est pas Georges Pompidou forcément qui veut...



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Édouard Philippe massivement candidat à la succession d'Emmanuel Macron !
    Édouard Philippe prêt à décoller.
    De nouveaux Horizons.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240903-edouard-philippe.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/edouard-philippe-massivement-256609

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/03/article-sr-20240903-edouard-philippe.html


     

  • Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !

    « J’étais un homme qui aimait la politique, je suis devenu un homme désormais bien plus attaché au service de l'État. » (Gérald Darmanin, le 12 août 2024 dans "Le Figaro").




     

     
     


    À 41 ans, l'actuel Ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer démissionnaire Gérald Darmanin est depuis plusieurs années un homme qui compte dans le camp présidentiel. Son positionnement à l'issue des élections législatives anticipées du début de cet été peut donc avoir une grande influence. Bien que toujours en poste ("ministre démissionnaire"), il avait déjà averti dès juin 2024 qu'il quitterait le gouvernement si son camp n'obtenait pas la majorité, une déclaration peut-être un peu trop hâtive après réflexion.

    Chouchou à la fois de Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, il a marqué la Place Beauvau qu'il occupe depuis maintenant quatre ans (un petit record depuis mars 1974, il "bat" la longévité de Christian Bonnet ces jours-ci) au point qu'il personnifie, pour le grand public, la fonction de "premier flic de France" comme l'avaient fait avant lui Raymond Marcellin, Michel Poniatowski, Gaston Defferre, Pierre Joxe, Charles Pasqua, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve.

    Le succès de l'accueil des Jeux olympiques qui se sont achevés ce dimanche 11 août 2024, c'est d'abord un succès sportif (la France classée dans le Top 5, mission accomplie), qui est dû exclusivement aux athlètes français et à leurs entraîneurs, mais c'est aussi un succès de sécurité, dont Gérald Darmanin a été le premier responsable, alors que les mauvaises langues prophétisaient des attentats, des désordres, ou d'autres horreurs pour simplement dénigrer la France qu'ils ne doivent vraiment pas aimer. Le ministre l'a d'ailleurs affirmé dans "Le Figaro" le 12 août 2024 : « La victoire des athlètes français, qui est aussi la victoire du Ministère de l’Intérieur puisque 20% des médaillés sont des agents du ministère. Au-delà, ce succès est aussi l’aboutissement de quatre ans d’intenses préparations avec une loi sécurité globale qui modernise la sécurité privée, une loi de programmation budgétaire, une loi renseignement… Depuis quatre ans, j’ai mis en place le décloisonnement du ministère : via la réforme de la police nationale, entre police et gendarmerie, avec la sécurité privée, sans oublier les nouveaux outils numériques. C'est une grande leçon pour nous : quand le ministère fonctionne en cathédrale et non en silo, il fonctionne beaucoup plus mieux. ».

    Gérald Darmanin se paie donc un CV en or dans une vie politique déjà bien remplie avec deux trophées très concrets : aux Finances, comme Ministre de l'Action et des Comptes publics du 17 mai 2017 au 6 juillet 2020, le grand succès de la réforme structurelle de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu ; à l'Intérieur depuis le 6 juillet 2020 (démissionnaire depuis le 16 juillet 2024), l'organisation des JO 2024 à Paris.

    Certaines personnalités politiques commencent leur vie politique à l'extrême gauche (trotskysme) et évoluent vers le centre gauche. Lui, Gérald Darmanin, vient de l'opposé, il a commencé plutôt à la droite dure pour se rapprocher du centre droit. À l'origine, Gérald Darmanin s'est engagé au sein du RPR à l'âge de 16 ans avant même de faire ses études à l'Institut d'études politiques (IEP) de Lille. Collaborateur de l'ancien ministre Jacques Toubon, alors député européen, il s'est rapproché en 2004 du député UMP flirtant avec la droite musclée Christian Vanneste, condamné alors en première instance par la justice pour avoir tenu des propos homophobes (et dont le jugement a été cassé en 2008).

    Son premier mandat électif, Gérald Darmanin l'a obtenu en mars 2008 (à l'âge de 25 ans) comme conseiller municipal d'opposition de Tourcoing sur la liste menée par Christian Vanneste. Très vite, Gérald Darmanin a pris le leadership de l'opposition municipale, tandis que parallèlement, il fut, au sein de l'UMP, le collaborateur de l'ancien ministre Xavier Bertrand, alors secrétaire général de l'UMP, chargé des affaires juridiques, puis, un peu plus tard, chef de cabinet puis directeur de cabinet du ministre David Douillet.

     

     
     


    Conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais puis des Hauts-de-France de mars 2010 (il avait alors 27 ans) à juillet 2020, Gérald Darmanin a retrouvé Xavier Bertrand au conseil régional dont il fut le deuxième vice-président de janvier 2016 à mai 2017. Ces deux collaborations avec Xavier Bertrand (UMP et région) donnent aujourd'hui une tournure particulière sur les relations avec Xavier Bertrand : Gérald Darmanin, considéré comme situé à l'aile très à droite de l'UMP, puis sarkozyste proche de Xavier Bertrand, a succombé au macronisme version 2017 après avoir soutenu François Fillon dans sa lutte fratricide contre Jean-François Copé à la présidence de l'UMP en novembre 2012. Il est donc un liant crucial entre Emmanuel Macron et le parti LR même si Xavier Bertrand est aujourd'hui peu populaire au sein de LR (son échec à la primaire LR de décembre 2021 l'a prouvé).

    Entre-temps, Gérald Darmain est parvenu, en homme pressé, à se poser comme un élu local bien établi : élu député du Nord en juin 2012 (il n'avait que 29 ans), élu dans la dixième circonscription, l'ancienne de Christian Vanneste mais aussi de Maurice Schumann, il a gagné la mairie de Tourcoing en mars 2014 (à 31 ans), devenu un baron local au même titre que son mentor local Xavier Bertrand (Gérald Darmanin fut réélu en mars 2020 mais depuis 2017, il a quitté sa place de maire au profit de sa place au gouvernement). En raison du cumul, il ne s'est pas présenté aux élections législatives de 2017 (il était également le quatrième vice-président de la Métropole européenne de Lille de 2014 à 2018), mais s'est représenté et a été réélu en juin 2022, puis en juillet 2024 (61,4% grâce au front républicain, retrait de la candidate FI, son ancienne rivale du second tour en 2022, pour faire barrage au candidat du RN). Gérald Darmanin a aussi été élu conseiller départemental du Nord de juin 2021 à août 2022.

    Pour résumer donc ses deux premières parties de carrière politique, Gérald Darmanin a donc été d'abord un jeune conquérant de droite plutôt dure qui a su conquérir Tourcoing et sa circonscription à un âge très jeune, puis, avec l'élection d'Emmanuel Macron (son suppléant, qui lui avait succédé à l'Assemblée Nationale dès mars 2016, pour cause de cumul, a été réélu député LR en 2017 contre une candidate LREM), il a accepté, à l'instar d'autres stars de LR (en particulier Édouard Philippe et Bruno Le Maire) de franchir le cap macroniste avec l'onction de Nicolas Sarkozy.

     

     
     


    Dès 2020, Gérald Darmanin, fort de son succès de la réforme de l'impôt sur le revenu, était bien entendu, comme tout ministre ambitieux et pressé, candidat à Matignon. Si en 2022, son nom n'était pas évoqué faute d'être une femme, il revenait très sérieusement en lice en juillet 2023 pour remplacer celle qui allait devenir une très brève rivale au sein du camp macroniste, Élisabeth Borne. Peine perdue, il a aussi raté une nouvelle occasion en janvier 2024 avec la nomination de Gabriel Attal à Matignon. Darmanin-Attal, les journalistes seraient tentés d'en faire des rivaux internes préférés, dans la perspective de l'élection présidentielle de 2027, une rivalité qui a failli être confirmée le 13 juillet 2024 lors de la première réunion du groupe Renaissance (devenu Ensemble pour la République, EPR) à l'Assemblée pour la désignation de son président. Découragé par l'Élysée, Gérald Darmanin a cependant laissé le champ libre à Gabriel Attal pour présider le groupe EPR, deuxième groupe de l'Assemblée. Gabriel Attal serait le représentant de l'aile gauche du macronisme et Gérald Darmanin de l'aile droite.

    À l'issue de ses élections anticipées, Gérald Darmanin jouit d'une position personnelle très forte : il a été réélu et est donc présent à l'Assemblée, là où se passera l'essentiel de la vie politique à venir, au contraire d'Édouard Philippe, Bruno Le Maire et quelques autres personnalités tentées, elles aussi, de capter l'héritage politique d'Emmanuel Macron. En revanche, il doit faire face à l'hostilité d'une partie non négligeable du groupe macroniste en raison de la dissolution du 9 juin 2024, ce qui, à court terme, l'empêche de foncer pour prétendre diriger le parti présidentiel.

    Sa position est aujourd'hui très claire. Il faut auparavant préciser qu'il était l'un des rares, du camp présidentiel, à avoir approuvé voire recommandé la dissolution (ce qui était même très rare). Pour lui, le retour au peuple était une nécessité vitale pour la démocratie, et une juste pratique gaullienne des institutions. Malgré ses ambitions, il n'est pas candidat à Matignon, pour une raison très simple : il a bien compris que, parmi les signaux parfois contradictoires émis par le peuple français les 30 juin et 7 juillet 2024, il y a le désaveu du camp macroniste.

    Pas étonnant alors de considérer que le prochain Premier Ministre ne pourrait pas faire partie du camp présidentiel, à moins de faire fi de la volonté populaire. En revanche, il semble évident que le soutien du camp présidentiel au futur gouvernement est une condition absolument nécessaire à son existence parlementaire dans la configuration actuelle (trois tiers inconciliables à l'origine) en raison de sa position centrale.

     

     
     


    Interrogé dans "Le Figaro" de ce lundi 12 août 2024, après l'euphorie des Jeux olympiques, Gérald Darmanin a usé d'un certain euphémisme pour exprimer cette position sans trahir ses amis : « Il y a (…) un fait : nous n'avons pas gagné ces élections législatives. Il n'est pas anormal que quelqu'un qui n'est pas de notre famille politique dirige le gouvernement. ». Il faut ajouter que la nomination d'un Premier Ministre macroniste, quand bien même il résulterait d'une logique d'arithmétique parlementaire, serait très mal comprise des électeurs qui ont voté au début de l'été.

    Quel Premier Ministre ? Son ancien mentor, pardi ! La réponse dans "Le Figaro" était alors évidente : « J'ai dit que Xavier Bertrand avait de grandes qualités. ». Gérald Darmanin semble même impatient de quitter complètement le gouvernement, maintenant que les JO sont passés : « Il est normal d'installer un nouveau gouvernement après des élections. ». Il avait d'ailleurs retiré sa cravate dès la démission acceptée du gouvernement le 16 juillet 2024 pour bien montrer qu'il retrouvait sa liberté personnelle, tout en restant loyal et fidèle à Emmanuel Macron.

    Gérald Darmanin est, ces jours-ci, le sujet de plusieurs analyses politiques dans la presse, en particulier dans un article de Robin D'Angelo paru dans "Le Monde" le mardi 13 août 2024 qui a résumé l'objectif personnel du futur ancien ministre ainsi : « Capitaliser autant que possible sur l’événement [les JO] pour mieux préparer ses arrières dans un contexte politique hautement instable. ».

    Selon "Le Monde", Gérald Darmanin avait envisagé prendre la présidence du groupe Horizons à l'Assemblée en cas de défaite de son président sortant, Laurent Marcangeli, mais ce dernier a été réélu. En outre, les proches de Gabriel Attal insistent beaucoup : « Gabriel a à cœur que Gérald reste dans la famille, car c'est un atout. ».
     

     
     


    Les perspectives de Gérald Darmanin sont analysées ainsi : les conseillers de Gérald Darmanin affirmeraient qu'il ne serait plus opposé à rester au gouvernement si le Président le lui demandait et si les responsabilités proposées lui permettaient de prendre du recul (on penserait Affaires étrangères ou Défense). D'autres évoquent la grande attente des élus locaux de droite et du centre du département du Nord qui restent orphelins d'un grand leader politique pour les représenter, et qui le verraient bien conquérir la Métropole de Lille en 2026.

    Pour l'heure, Gérald Darmanin a prévu de réunir ses fidèles dans un mois, le dimanche 15 septembre 2024 à Tourcoing, pour discuter du pouvoir d'achat. Il souhaiterait avant tout parler aux classes populaires et est partisan de la revalorisation du SMIC. La première réunion des darmanistes avait eu lieu à la rentrée de 2023 sur fond de rivalité avec Élisabeth Borne, reconduite à Matignon, qui avait fait le déplacement et torpillé la journée. Quant à l'actuel locataire de Matignon, démissionnaire, Gabriel Attal a déjà fait savoir qu'il ne se rendrait pas à Tourcoing le 15 septembre 2024 (il aurait déjà un autre engagement !), tandis que des anciens ministres étiquetés plus à gauche, comme Clément Beaune, auraient reçu un carton d'invitation.

    Ce qui est sûr, c'est que le Président de la République veut ménager Gérald Darmanin qui reste un allié indispensable dans la situation politique inextricable actuelle, tant par sa loyauté que par sa connexion avec ses anciens amis de LR. Xavier Bertrand, quant à lui, compte certainement sur son ancien secrétaire général adjoint de l'UMP pour accéder enfin à la reconnaissance nationale : Matignon, en attendant l'Élysée ! Pas sûr que cela plaise beaucoup à un autre acteur LR revenu dans l'arène, Laurent Wauquiez, président du groupe LR.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 août 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Cible des hypocrisies ambiantes.
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




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  • Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !

    « Qui aurait pu imaginer une campagne électorale aussi rocambolesque ? Une majorité présidentielle suppliant le Président de se tenir à l’écart, un Nouveau front populaire terrifié à chaque prise de parole de son dirigeant le plus médiatique, des Républicains en guerre contre leur chef barricadé dans ses locaux après les avoir enfermés dehors… Le spectacle continue. » (Claude Malhuret, le 18 juillet 2024 au Sénat).




     

     
     


    Avec les élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024, une session parlementaire extraordinaire devait se tenir du 18 juillet 2024 au 1er août 2024 pour l'installation des députés, l'élection de leurs responsables internes, etc. Petite incongruité : pour cette raison, le Sénat aussi est en session, mais comme l'ordre du jour était vide, notamment en raison de l'absence du gouvernement, qui est démissionnaire et sans nouveau gouvernement, le Président du Sénat Gérard Larcher a décidé de ne pas tenir d'autre séance publique avant la fin de l'été que celle de ce jeudi 18 juillet 2024 sauf en cas de nécessité.

    Pour ne pas réunir les sénateurs pour rien, la conférence des présidents a décidé de tenir un débat contradictoire sur la situation politique du moment, c'est-à-dire, sur l'après-législatives et le vide politique et gouvernemental qui en résulte. Parmi les orateurs, il y en a un dont ont attend toujours avec impatience les formules chocs, toujours croustillantes, sur la vie nationale. Il s'agit de Claude Malhuret qui, bien évidemment, n'a pas hésité à balancer clairement les choses.

    Le bon docteur Malhuret a brossé une situation politique qui est complètement surréaliste à bien des égards. La gauche irresponsable : « Depuis dix jours, la gauche en principe unie somme le Président de la République de lui livrer séance tenante les clefs de Matignon, sans parvenir à s’accorder pour lui proposer un seul nom. ».

    Et la position de la CGT et de FI, qui fait penser à des épisodes très sombres de notre histoire : « Tout aussi ahurissants, mais plus inquiétants (…), sont les appels de l’extrême gauche à marcher sur Matignon et ceux d’une CGT "LFIsée" à se rassembler devant l’Assemblée Nationale pour "la mettre sous surveillance". Je pose la question avec gravité : que signifie dans une démocratie la mise sous surveillance de l’Assemblée Nationale par une foule attroupée devant ses murs ? La dernière fois que c’est arrivé, en France, c’était le 6 février 1934, et aux États-Unis, le 6 janvier 2021. On connaît le résultat. ».

    La situation institutionnelle n'a cependant pas de quoi rassurer Claude Malhuret qui a décrit une situation inédite sous la Cinquième République : « La Ve République nous a habitués à nommer ses gouvernements en un instant, si bien qu’une situation banale chez nos voisins apparaît chez nous comme angoissante. Ensuite (…), comme ailleurs, cette situation peut durer. Il faut du temps pour se parler et faire des compromis. ». L'angoisse du gouvernement fantôme, ou zombie. Retour à une vieille république.

    Et le président du groupe indépendants au Sénat a mis l'accent sur la difficulté politique des compromis à négocier : « Ces derniers seront qualifiés de compromissions par tous les extrémistes et autres virtuoses des réseaux antisociaux, qui ne manqueront pas de confirmer leur rôle de plaie démocratique auprès d’une population qu’ils ont déjà largement contribué à rendre antiparlementaire et défiante. ».

    Enfin, troisième difficulté : « La perspective de l’élection présidentielle n’incite personne, une fois n’est pas coutume, à rejoindre un gouvernement qui sera fragile à l’Assemblée Nationale et impopulaire du fait des contraintes de la dette et des décisions difficiles que celle-ci impose. ».


    L'état des lieux des forces politiques n'est pas plus réjouissant. À l'extrême droite : « Le Rassemblement national, en forte progression, ne peut gouverner faute d’alliés. De toute façon, il ne le souhaite pas : il attend son heure. ». À gauche : « La gauche est piégée par le Nouveau front populaire, qui lui a permis de sauver ses sièges, mais qui l’a livrée à sa frange la plus radicale, dont le but est non pas de gouverner, mais de rendre le pays ingouvernable. La stratégie du chaos à l’Assemblée Nationale comme dans la rue se poursuivra, pour permettre au sous-commandant Marcos de la Canebière, de plus en plus suffisant, mais de moins en moins nécessaire, de figurer au second tour de l’élection présidentielle de 2027. Son objectif immédiat est d’étouffer dans l’œuf toute hypothèse d’un Premier Ministre issu des rangs de ses alliés. Si je puis me permettre un conseil à ces derniers : dans l’intérêt de la France comme dans le vôtre, chers collègues, échappez-vous du syndrome de Stockholm qu’est devenu le NFP ! Vous méritez mieux que d’être traités de "punaises de lit" ! ».
     

     
     


    Pour Claude Malhuret, la seule réponse aux électeurs à l'issue de ces élections législatives, c'est le front républicain : « Pas de front national, pas de front populaire : la seule hypothèse possible est celle du front républicain. Elle suppose, comme chez nos voisins, mais à rebours des traditions françaises, l’alliance de tous les démocrates, depuis la droite républicaine jusqu’à la gauche de gouvernement. ».

    Une telle configuration, qui demanderait de mettre d'accord socialistes, macronistes et républicains, serait difficile à mettre en place, et pourtant, d'un point de vue arithmétique, c'est la seule viable pour l'année sans dissolution qui vient : « Elle sera difficile, lente, incertaine et provisoire. Elle suppose que des gens qui ont l’habitude de se combattre apprennent à se parler, qu’ils résistent dans chaque camp aux extrêmes quand ces derniers crieront à la trahison et qu’ils aient le courage de s’en séparer. Elle suppose, enfin, qu’ils acceptent la tâche ingrate de se contenter de stabiliser un pays pour l’heure sans boussole, autour de mesures qui peuvent rassembler. Contrairement à ce que nous pouvions redouter, l’annonce d’un pacte d’action législative (…) montre que le pire n’est jamais certain et que la sagesse a quelques chances de l’emporter. Cette perspective n’est pour le moment qu’un espoir ténu, une éventualité qui peut s’effondrer à la moindre bourrasque politique. Cependant, c’est la seule qui ait aujourd’hui une chance de se réaliser. Je ne doute pas qu’une majorité de notre assemblée défende le choix de la sagesse dans ce moment difficile. Notre groupe ne ménagera pas ses efforts pour y parvenir. ».

    Pour une fois, Claude Malhuret ne s'est pas contenté que de beaux mots et de tirer comme dans un chamboule-tout, mais aussi d'un espoir, celui de trouver cette majorité impossible, introuvable dans l'état actuel des forces politiques. Cela nécessiterait donc l'éclatement assumé de cette nouvelle farce populaire (NFP) et la reprise de liberté des socialistes actuellement vassalisés par leur seigneur insoumis. Pas sûr que le PS ait ce courage politique et possible qu'ils préfèrent se morfondre à la remarque de groupes plus radicalisés qu'eux. Avant leur patriotisme de gauche qui, dans ces conditions, les mènerait tout droit vers l'inexistence politique à l'élection présidentielle, ils devraient prendre en compte l'intérêt national, c'est le seul qui vaille.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juillet 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Claude Malhuret sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution le 4 mars 2024 à Versailles.
    Claude Malhuret s'en prend à "la pression permanente et déprimante des extrêmes" !
    Claude Malhuret dénonce la "mauvaise république" du guide suprême !
    L'Iran et les femmes : Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Passe vaccinal : Claude Malhuret charge lourdement les antivax.
    Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240718-malhuret.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/claude-malhuret-au-senat-le-255916

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240718-malhuret.html


     

  • Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?

    « Pour donner un gouvernement à la France, il faudra que les forces politiques hier adverses entament des discussions pour former une majorité de projets. Cet objectif implique que chaque force politique pose ses conditions mais aussi accepte celles de ses concurrents. C’est le principe même de la coalition parlementaire et le quotidien de la quasi-totalité des démocraties européennes. Pourtant, depuis dimanche, le nouveau front populaire fonce tête baissée, comme si aucune de ces réalités démocratiques n’existait. Ils veulent appliquer leur programme comme s’ils avaient une majorité pour le faire. Ils prétendent désigner le Premier Ministre, comme si celui-ci avait, de manière automatique, le soutien de la majorité de l’hémicycle sans discussion préalable sur sa feuille de route ou ses priorités. » (Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance, "Le Monde" le 9 juillet 2024).



     

     
     


    La situation politique de la France a de quoi être inquiétante en raison de l'absence de majorité à l'Assemblée Nationale. N'hésitant pas à prendre les Français pour des imbéciles, Jean-Luc Mélenchon a tweeté ce samedi 20 juillet 2024 : « Le nouveau front populaire a la majorité. Maintenant, il faut nommer un Premier Ministre NFP sans tarder. Assez de déni du vote des Français. ». Tel un gâteux, en l'occurrence Jean-Luc Harpagon, qui répéterait en courant : Ma cassette ! Ma cassette !

    Son raisonnement est complètement déficient : il considère que sous prétexte que le bureau de l'Assemblée est majoritairement à gauche (alors que le NFP aurait dû laisser quelques places au groupe RN qui méritait, tout autant que la gauche, d'être représenté au bureau), le NFP est majoritaire. Si le bureau est à gauche, c'est simplement par une magouille politicienne du NFP qui, à trois heures du matin, a profité que quelques députés macronistes étaient partis se coucher, ne résistant pas au sommeil, pour devenir hégémoniques parmi les secrétaires (neuf sur douze, plus deux LIOT élus par la gauche). Seule, une députée Horizons a sauvé son fauteuil de secrétaire parce qu'Alexis Corbière n'était pas assez soutenu par les insoumis (cela donne une idée de la grande tolérance qui règne à gauche). Les résultats de ce vote ne sont donc pas vraiment significatifs de la réalité des rapports de force dans l'hémicycle, même si l'un des impératifs évidents dans ces moments de grands votes, c'est de ne pas aller se coucher !

    Mais Jean-Luc Mélenchon prend les Français pour des imbéciles aussi parce que, même si le NFP avait la majorité absolue (ce qui, je le répète, n'est pas du tout le cas puisqu'il lui manque une centaine de députés pour cela), il demande à Emmanuel Macron (sans le dire explicitement mais c'est bien cela) de nommer un Premier Ministre NFP alors que cela fait quinze jours que le NFP s'étripe pour sortir un nom. Jean-Luc Mélenchon voudrait-il déléguer à Emmanuel Macron le choix du Premier Ministre ?

    Peut-être après tout, et c'est certainement ce que le Président de la République fera, comme le précise l'article 8 de la Constitution : « Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Sur la proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. ». C'est même une compétence exclusive du Président de la République. L'article 8 n'est pas : « Jean-Luc Mélenchon nomme le Premier Ministre. »,heureusement !

    Et il y a une forte probabilité que le Président de la République ne nomme pas un Premier Ministre NFP pour faire le programme du NFP. Pour la raison très simple, avec la démonstration du 18 juillet 2024, celle de l'élection au perchoir : le candidat du NFP André Chassaigne n'a su rassembler sur son nom que 207 députés, tandis que Yaël Braun-Pivet en a rassemblée 220. L'avance est courte, la majorité absolue très loin d'être atteinte, mais à ce petit jeu de celui-qui-a-la-plus-grande (représentation, bien sûr), incontestablement, dans cette Assemblée impossible, c'est le bloc central, à savoir l'ancienne majorité parlementaire ajoutée aux députés LR, qui ont la plus forte représentation parlementaire. Et pas le NFP.

    Qu'on ne me dise pas que LR et les macronistes sont incompatibles : sur le fond, ils sont très peu éloignés, au point que les principaux leaders du macronisme, à l'exception notable de deux Premiers Ministres (Élisabeth Borne et Gabriel Attal), sont tous issus de LR : Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Éric Woerth, Sébastien Lecornu, Catherine Vautrin, Rachida Dati, Christophe Béchu, Franck Riester, Aurore Bergé, etc. De fait, il y a beaucoup plus de proximité idéologique entre LR et le groupe EPR (Ensemble pour la République) qu'entre un député socialiste et un député insoumis, qu'entre Jérôme Guedj et Louis Boyard, qu'entre François Hollande et Jean-Luc Mélenchon.

    L'élection du bureau de l'Assemblée Nationale a d'ailleurs montré que si le NFP était parfaitement solidaire entre ses membres, le bloc présidentiel et LR étaient aussi parfaitement solidaires entre eux. Au détriment du RN, d'ailleurs. Cette solidarité de vote est plutôt rassurante et évoque la fiabilité d'une alliance entre eux.


    Sur le fond et le cheminement, les dirigeants de LR ont pour l'instant joué une partition assez pertinente. Loin de vouloir évoquer les personnes, les fauteuils, au contraire du NFP, les dirigeants de LR ont parlé de fond, de politique gouvernementale, de ce qu'ils voulaient ou pas pour le prochaine gouvernement, sur différents sujets. Les négociations sont en cours pour faire une sorte de contrat de gouvernement. Eux respectent leurs électeurs, car ils répondent à la question : que va faire le prochain gouvernement ? Alors que les dirigeants du NFP ne cherchent qu'à répondre à des questions de carrières et d'ambitions personnelles : qui va gouverner ?

    Évidemment, on pourra toujours dire que pour le NFP, l'idée est d'appliquer le programme du NFP, mais le problème, et tout le monde au NFP le sait, et trompe ainsi les Français et surtout ses électeurs, le programme du NFP n'est pas applicable car il n'est ni cohérent ni sérieux dans l'intérêt de la France. Il n'était qu'un catalogue à la Prévert de mesures totalement démagogiques afin de rapporter le maximum de voix. Et les auteurs de ce programme (entre autre Clémence Guetté, qui a trouvé un beau fauteuil de première vice-présidente, élue grâce aux voix du RN et jamais n'elle aurait ce titre de première vice-présidente sans le RN, il faudra s'en souvenir le cas échéant) n'ont pas hésité à alourdir la barque car ils n'imaginaient pas une seconde qu'ils pourraient être en position de revendiquer le gouvernement, car aussi ils n'imaginaient pas que le bloc central, y compris LR, a joué parfaitement le jeu du front républicain pour empêcher l'arrivée au pouvoir du RN. Rappelons-nous l'argument spécieux de Dominique Strauss-Kahn : préférez un candidat insoumis au candidat RN car, de toute façon, les insoumis n'arriveront jamais au pouvoir et donc, vous ne craignez pas que le mauvais programme du NFP puisse être appliqué.

    Plus concrètement, Laurent Wauquiez, qui a repris la main sur le groupe LR (en changeant d'appellation mais je vais rester avec le nom du parti pour rester clair), a pourtant déclaré dès le 10 juillet 2024 qu'il n'était pas question de "coalition"... mais plus tard, LR a parlé de "pacte législatif"
    qui sera présenté ce lundi 22 juillet 2024. Si on essaie de bien comprendre, cela voudrait dire que LR ne veut pas participer au prochain gouvernement, mais il propose un pacte, c'est-à-dire un contrat sur le fond pour ne pas censurer le futur gouvernement. La différence est assez mince car il faut bien que des personnes appliquent la feuille de route.

    Or, le prochain gouvernement ne peut raisonnablement pas être dirigé par un membre du parti présidentiel. Certes, Gabriel Attal aurait toutes les compétences pour le faire, mais politiquement, cela n'aurait aucun sens, et serait anti-électoral (plus qu'antidémocratique). À mon sens, le chef du prochain gouvernement ne pourrait être que... LR. Mais un LR compatible aussi avec le centre gauche voire la gauche. À ce petit jeu, il n'y en a pas des trente-six. Surtout qui le veuillent bien. Le nom de Xavier Bertrand revient souvent parce qu'il n'y en a pas beaucoup d'autres. Il a l'originalité d'avoir battu deux fois le RN aux élections régionales dans le Nord et Picardie (les Hauts-de-France), en faisant des actions communes LR et PS. C'est d'ailleurs le seul qui a parlé de nommer un gouvernement provisoire de la République française.

    C'est sûr que ce serait casse-cou d'aller à Matignon aujourd'hui, en 2024, lorsqu'on a l'élection présidentielle de 2027 à l'esprit, mais c'est si loin, 2027. Et l'expérience peut aussi réussir : après tout, Édouard Balladur a été très populaire (qui l'aurait parié avant 1993 ?). L'ennui, bien sûr, c'est que cela donnerait un nouveau rival à Laurent Wauquiez qui bénéficie, aujourd'hui, de la vacuité de leadership chez LR.

    Il y a trois énormes différences pour LR entre la situation en 2022 et en 2024 : d'une part, la partie lepéniste de LR du groupe LR est partie avec Éric Ciotti chez Marine Le Pen ; d'autre part, les députés LR de 2024 sont des rescapés du front républicain et n'ont plus été élus contre un candidat macroniste comme en 2022, mais contre un candidat RN et aussi grâce aux électeurs macronistes ; enfin, et c'est peut-être le principal, Emmanuel Macron n'aura pas l'ascendant politique sur le prochain gouvernement qui proviendra principalement de l'Assemblée Nationale. Par conséquent, l'hypothèque Macron est levée, en 2024, d'autant plus facilement que le Président de la République n'a pas le droit de solliciter un troisième mandat, ce qui le place hors-jeu dans tous les cas de figure.

    Ces différences devraient amener Laurent Wauquiez à évoluer sur le "pas de coalition" (c'est-à-dire, pas de ministres LR). Avec la question : comment les électeurs LR pourraient-ils comprendre que les responsables LR attendent tranquillement les mains dans leurs poches dans l'opposition sans travailler pour la France, sans remonter leurs manches, voire en laissant un gouvernement d'ultragauche détruire la France ? L'intérêt national les oblige à ne pas rester inertes et à s'engager activement au gouvernement, comme les y encourage très vivement l'ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin.

    Pour autant, un gouvernement EPR-LR n'aurait qu'un soutien d'environ 220 députés, ceux qui ont réélu Yaël Braun-Pivet au perchoir, loin des 289 de la majorité absolue. Certes, il aurait la bienveillance du groupe RN qui n'a pas la vocation à censurer un gouvernement du centre ou de droite car le RN le préférerait à un gouvernement d'ultragauche avec des ministres insoumis. Mais cela signifie que ce gouvernement aurait une épée de Damoclès et que du chantage politique pourrait avoir lieu régulièrement. Le RN est assez malin pour faire le jeu constructif de réussir à obtenir deux ou trois mesures spécifiques pour négocier leur bienveillance. La question sera : jusqu'à quel point cette bienveillance serait considérée, chez leurs électeurs respectifs, comme une collusion, voire une trahison.


    C'est bien le problème à gauche. La crainte d'être traité de traître. Pourtant, le prochain gouvernement devra forcément bénéficier de la bienveillance, sinon plus, du groupe socialiste. Ils sont 66 députés, avec les 220 du bloc central, cela donnerait 286, soit la majorité absolue (289) car ce qu'il faut au prochain gouvernement, c'est d'éviter d'avoir une majorité absolue contre lui.

    Xavier Bertrand serait, là aussi, le plus apte pour faire ce pacte républicain avec les socialistes sur des sujets très concrets. Il se revendique du gaullisme social (ce qui ne veut pas dire grand-chose, le gaullisme lui-même est d'essence sociale, mais comme les mots font tilter les cœurs, disons-le quand même). Il avait soutenu Philippe Séguin en son temps (lointain) et une alliance plus ou moins assumée entre le bloc central et le PS aurait aussi un sens électoral et politique, celui du front républicain. Xavier Bertrand serait le mieux placé pour diriger ce gouvernement de front républicain.

    Je n'ai pas de sympathie particulière pour Xavier Bertrand et je ne le crois pas capable d'être un bon candidat à la Présidence de la République, mais je considère que dans la situation parlementaire actuelle, il serait le Premier Ministre idéal. Et d'ailleurs, qui d'autres ? Il faut que une personnalité qui soit à la fois dynamique (arrêtons de chercher chez les vieillards de 70 ans !), très expérimenté aussi (pas des p'tits jeunes), qui connaisse excellemment bien le fonctionnement de l'Assemblée Nationale, qui soit positionné plus à droite que le parti présidentiel car les électeurs ont montré qu'ils étaient plus à droite qu'hier, mais qui soit capable aussi de conclure un modus vivendi avec les socialistes. Et en plus, qui soit un politique, déjà connu car il faut que ce soit sa personnalité politique déjà forte qui donne autorité à un gouvernement qui va avoir une assise forcément fragile.


    C'est pour cela il faut du temps pour la construction d'un tel gouvernement. D'abord, amener à convaincre LR que le seul salut, leur seul salut politique et le seul salut national du pays, c'est de participer à un gouvernement d'action. Ensuite, se tourner vers les socialistes, le temps de digérer l'éclatement probable du NFP, sur la base d'un front républicain et d'un esprit de responsabilité.

    Les Français seront très attentifs au comportement des uns et des autres et décideront en 2027 en fonction de cette année cruciale. Tout est inquiétant, dans la situation actuelle, mais tout est aussi enthousiasmant : la situation nouvelle crée de nouvelles opportunités politiques. C'est à ce moment charnière qu'on voit si les acteurs politiques sont à la hauteur de l'enjeu ou pas. C'est le moment de changer les lignes. C'est le temps de l'audace.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240720-coalition-pacte.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-30-coalition-ou-255949

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240720-coalition-pacte.html



     

  • Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !

    « Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





     

     
     


    J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

    Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

     

     
     


    Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
     

     
     


    Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

    Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


    D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

    L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

     

     
     


    Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

    Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


    En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

    Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

    Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

    Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

     

     
     


    Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

    Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

    Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

     

     
     


    Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

    Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

    Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.
     

     
     


    La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

    Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Nicolas Sarkozy.
    François Fillon.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240618-sarkozy-fillon.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-6-nicolas-255311

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/20/article-sr-20240618-sarkozy-fillon.html


     

  • François Fillon réagit à la dissolution dans "Le Figaro" (18 juin 2024)

    « Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





     

     
     

    J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

    Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

     
     


    Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
     

     
     


    Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

    Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


    D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

    L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

     

     
     


    Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

    Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


    En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

    Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

    Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

    Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

     

     
     


    Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

    Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

    Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

     

     
     


    Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

    Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

    Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.

     
     


    La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

    Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Nicolas Sarkozy.
    François Fillon.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240618-fillon.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/19/article-sr-20240618-fillon.html





     

  • Nicolas Sarkozy réagit à la dissolution dans le JDD (15 juin 2024)

    « Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





     

     
     

    J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

    Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

     
     


    Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
     

     
     


    Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

    Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


    D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

    L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

     

     
     


    Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

    Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


    En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

    Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

    Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

    Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

     
     


    Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

    Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

    Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

     

     
     


    Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

    Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

    Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.
     

     
     


    La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

    Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Nicolas Sarkozy.
    François Fillon.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240615-sarkozy.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/16/article-sr-20240615-sarkozy.html




     

  • Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains

    « Quand on lève la garde pour se protéger le visage, on expose son cœur. Et inversement. » (Jo Nesbo, 2021).



     

     
     


    Ce qui se passe chez Les Républicains depuis les élections européennes pourraient faire rigoler à grands éclats. En effet, la journée du mercredi 12 juin 2024 restera certainement dans toutes les mémoires tant dans la rubrique humour que dans la rubrique politique.

    L'épisode (j'y reviendrai juste après) d'un président de parti enfermé dans son bureau et empêchant ses collègues de s'introduire dans le bâtiment, un peu comme les gosses le feraient dans une cour de récréation, me faisait penser à cette excellente bande dessinée de Christian Binet, l'auteur de la série des Bidochons, intitulée "Monsieur le Ministre" (en deux tomes). À un moment, les jeunes du parti veulent prendre le pouvoir en interne, alors ils se rebellent contre les vieux (les caciques qui dirigent le parti) et s'enferment dans les toilettes. Suit alors une négociation pour qu'ils rouvrent la porte des toilettes, etc. Le très observateur Binet faisait référence à la séquence des Rénovateurs de l'opposition, entre avril et juin 1989, où les jeunes loups quadragénaires de l'UDF et du RPR (dont Dominique Baudis, Michel Noir, François Bayrou et Philippe Séguin) voulaient mettre dehors Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing.

    D'autres mettent un parallèle avec la guéguerre entre Jean-François Copé et François Fillon pour s'emparer de la présidence de l'UMP en 2012-2013. Mais je pense que c'est beaucoup plus grave que cela. Ici, il ne s'agit pas de la tambouille interne d'un parti politique, mais de candidatures pour les élections législatives et donc, à terme, pour un futur gouvernement. Cela ne concerne donc pas seulement les adhérents (raréfiés) d'un (désormais petit) parti politique, mais l'ensemble des Français.

    J'écris "vaudeville", j'écris "rigoler", et on a raison de rire, un rire nerveux, car peut-être que les temps vont être durs, mais en fait, ce n'est pas drôle du tout, c'est même très grave et j'aurais même tendance à penser que ce qui se passe aux LR est une déflagration encore plus grave que celle provoquée par la dissolution.

    Venons-en aux faits. Après l'allocution du Président Emmanuel Macron, le président de LR, Éric Ciotti, conformément à la doctrine de ce parti depuis 2017, a annoncé dès le soir du 9 juin 2024 qu'il n'était pas question de faire alliance avec la majorité présidentielle. Pas de surprise, mais surtout, pas de réaction hostile de la part des hiérarques de LR. Et puis, est venue cette (malheureuse ?) déclaration d'Éric Ciotti interrogé au journal de 13 heures le mardi 11 juin 2024 sur TF1. Il a annoncé vouloir faire une alliance entre LR et le RN, afin de présenter des candidatures uniques dans toutes les circonscriptions : « Nous avons besoin d'une alliance. Il faut une alliance avec le RN, ses candidats. Je souhaite que ma famille aille dans ce sens. ».

    En quelque sorte, voyant le vent favorable au RN, il voudrait que les favoris lui fassent une place. Allez, Françoise Hardy manque, petit intermède (il y en aura deux autres dans cet article qui poursuit l'hommage à la chanteuse).

    « Fais-moi une place

    Dans ton avenir
    Pour que j'ressasse

    Moins mes souvenirs »





    Le raisonnement d'Éric Ciotti est cynique mais réaliste : face à trois blocs importants, le RN, la majorité présidentielle et la gauche qui s'est unifiée comme par magie (j'y reviendrai dans un autre article), Les Républicains ne peuvent pas rester seuls dans cette aventure électorale et risquent de tout perdre, de n'avoir plus aucun député. Dans la tradition de la Cinquième République, il leur faut donc faire alliance. Ce raisonnement est à mon avis tout à fait pertinent et valable, mais c'est la conclusion qui devient complètement débile.

    Car pour lui, LR doit donc s'allier au RN. Pas de candidature opposée à l'un ou à l'autre dans les circonscriptions. Marine Le Pen, qui s'est réjouie de cette prise de position, a tout de suite dit ok et, du coup, a jeté à la poubelle ses débuts de négociation avec Reconquête commencées lundi. Pour Éric Ciotti, dont la circonscription niçoise doit être très RN au lendemain des européennes, c'est la consécration.

    Pourtant, politiquement, c'est débile parce que le programme économique d'Éric Ciotti est diamétralement opposé aux vagues déclarations faites sur le sujet par le RN : il souhaite instaurer l'ultralibéralisme, supprimer quasiment tous les impôts mais aussi les dépenses publiques.

    Les réactions ne se sont pas fait attendre ! Tous les autres responsables LR ont condamné sans appel cette prise de position. Tous, sans exception, en particulier, bien sûr, Valérie Pécresse, Michel Barnier et Xavier Bertrand, ainsi que Gérard Larcher, ce qui était prévisible, mais aussi Laurent Wauquiez (qu'on n'entendait plus), Bruno Retailleau, Geoffroy Didier, même Nadine Morano, Brice Hortefeux, encore François-Xavier Bellamy et Cécile Imart, les acteurs LR des européennes. Tous ont condamné mais on ne sait pas toujours pour quelle raison, car il y a deux motifs à condamnation.

    Le premier est à la fois moral et politique : il n'est pas question que Les Républicains fassent alliance avec le parti de Jean-Marie Le Pen, fondé par des anciens de l'OAS qui voulaient la peau de De Gaulle. Le second est moins clair, surtout procédural, certains s'indignent qu'Éric Ciotti prenne une décision si lourde de sens sans concertation, sans consulter le bureau politique, sans consulter les adhérents, bref, comme un autocrate, comme l'a très bien décrit sur tous les plateaux de télévision la maire de Taverny Florence Portelli, vice-présidente de LR. D'un côté le fond, de l'autre la forme, mais les deux se rejoignent.

    Le problème de LR, c'est qu'Éric Ciotti est le président élu par les adhérents et que rien ne l'empêche de le rester. Problème juridique fort comme c'était le cas pour François Fillon désigné candidat à l'élection présidentielle par la primaire et rien juridiquement ne permettait de l'évincer. L'épreuve de force a donc eu lieu.


    Le lendemain, mercredi 12 juin 2024, c'était la guerre des tranchées. En prévision du grabuge, Éric Ciotti a fait évacuer le siège de LR de tous ses permanents censés désormais travailler en télétravail. À midi, les portes du bâtiment se sont fermées, place du Palais-Bourbon. L'idée était motivée par la réunion prochaine d'un bureau politique contre lui. Qu'importe, les membres du bureau politique se sont installés pas très loin, rue Las-Cases, au Musée Social (cela ne s'invente pas, même dans les plus mauvais romans d'anticipation politique).

    Résultat : la réunion du bureau politique de LR a été tenue, sans Éric Ciotti, et l'a exclu de LR pour avoir pris la décision de s'allier au RN. Ces membres du bureau politique ont d'ailleurs rappelé la célérité avec laquelle Éric Ciotti avait voulu exclure les membres de LR qui avaient rejoint Emmanuel Macron entre 2017 et 2022. Pendant ce temps, Éric Ciotti était dans son bureau au siège de LR et y est resté, bunkérisé ! Les responsables LR lui ont retiré les codes des comptes Twitter et de la boîte email de LR, ont retiré le chauffeur, si bien que pour retourner à Nice, Éric Ciotti devra prendre un taxi jusqu'à l'aéroport (quelle horreur !), etc. On retrouve ici les petites misères et humiliations que l'on peut trouver dans les affaires de harcèlement dans les entreprises.
     

     
     


    Éric Ciotti a refusé ce verdict et a rappelé qu'il a été élu président de LR par les adhérents et que beaucoup d'adhérents lui ont apporté leur soutien, ce qui est plausible d'ailleurs. J'y suis, j'y reste ! Il y a désormais un choc de deux légitimités. Ah, la nostalgie d'une équipe soudée (comment, il n'y en a jamais eu ?). Qu'importe, deuxième intermède avec toujours Françoise Hardy.

    « C'est le temps de l'amour
    Le temps des copains
    Et de l'aventure
    Quand le temps va et vient
    On ne pense à rien
    Malgré ses blessures »






    La situation est donc très grave car dans ce choc de légitimité politique, il y a des investitures qui doivent être données de manière urgente (le dépôt des candidatures se termine le 16 juin 2024). Ainsi, il y a une commission des investitures LR qui provient du bureau politique et refuse tout candidat LR voulant faire alliance avec le RN, tandis qu'Éric Ciotti lui-même délivre des investitures à "ses" candidats LR sur le terrain. De quoi rendre confus les choses non seulement auprès des électeurs, les leurs, mais aussi auprès des cadres locaux de LR. Quel pourrait être l'argumentaire de campagne avec des positions si différentes ?

    En gros, on a un Éric Ciotti qui est exclu de LR mais tout en restant président de LR. Le bureau politique a pourtant annoncé qu'une présidence collégiale était mise en place (ce n'est pas la première fois !) avec la députée Annie Genevard, secrétaire générale de LR, et François-Xavier Bellamy, l'ancienne tête de liste LR aux européennes.

    Cela me fait penser à 2015 quand Marine Le Pen avait fait adopter par le bureau politique du FN l'exclusion de son père, Jean-Marie Le Pen, mais juridiquement, ce dernier restait tout de même le président d'honneur du FN car c'était inscrit dans les statuts du FN (les statuts, c'est l'équivalent d'une constitution pour un parti politique, c'est difficile de les modifier, il faut l'accord des adhérents au cours d'une assemblée générale ou congrès).
     

     
     


    Ces événements sont graves pour Les Républicains car ils remettent en cause leur propre existence. Petite séquence nostalgie : dire que LR était ce gros mastodonte UMP qui était hégémonique dans les institutions avec 358 députés sur 577 ! Tout cela est bien fini, depuis 2017, la fleur a fané vite, et 2024 pourrait en être le point final. Comme pour l'amie la rose. Troisième et dernier intermède avec hardyesse.

    « Je me suis épanouie
    Heureuse et amoureuse
    Aux rayons du soleil
    Me suis fermée la nuit
    Me suis réveillée vieille
    Pourtant j'étais très belle
    Oui, j'étais la plus belle
    Des fleurs de ton jardin
    On est bien peu de chose
    Et mon amie la rose
    Me l'a dit ce matin
    Vois le dieu qui m'a faite
    Me fait courber la tête
    Et je sens que je tombe »






    Ce vaudeville n'est pas prêt d'être terminé. Cela va se jouer à coups de constat d'huissiers, voire de plaintes devant les tribunaux, sans aucun respect ni pour les électeurs ni pour leurs sympathisants. L'aspect administratif et juridique risque de mettre au second plan l'aspect politique qui est pourtant la seule chose qui compte dans une élection : que proposeront les candidats LR comme programme et avec qui comptent-ils gouverner.

    En ce qui me concerne, je me réjouis que la digue anti-RN soit maintenue chez les dirigeants de LR, hors Éric Ciotti dont on connaissait déjà l'architecture cérébrale ultradroitisée. En particulier, la réaction de Laurent Wauquiez, Nadine Morano, Brice Hortefeux, entre autres, montre que l'indignation est quasi-unanime vis-à-vis de leur président pourtant effectivement légitime.

    En revanche, je suis inquiet voire en colère contre les dirigeants LR supposés "modérés", en particulier Gérard Larcher : il condamne effectivement les propos d'Éric Ciotti, parce qu'il ne veut pas un gouvernement RN, mais il continue à dénigrer systématiquement Emmanuel Macron au lieu, au contraire, de chercher un terrain d'entente avec lui. En continuant à s'opposer de manière totalement stérile à Emmanuel Macron, Gérard Larcher et quelques autres font finalement le jeu du RN. Après tout, avec ses hypothèses, Éric Ciotti gagnerait dans ce jeu de dupes son Ministère de l'Intérieur et le reste de LR aurait tout perdu.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (12 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240612-les-republicains.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-1-vaudeville-255197

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/13/article-sr-20240612-les-republicains.html





     

  • L'émergence du ciottisme

    « Quand on lève la garde pour se protéger le visage, on expose son cœur. Et inversement. » (Jo Nesbo, 2021).



     

     
     


    Ce qui se passe chez Les Républicains depuis les élections européennes pourraient faire rigoler à grands éclats. En effet, la journée du mercredi 12 juin 2024 restera certainement dans toutes les mémoires tant dans la rubrique humour que dans la rubrique politique.

    L'épisode (j'y reviendrai juste après) d'un président de parti enfermé dans son bureau et empêchant ses collègues de s'introduire dans le bâtiment, un peu comme les gosses le feraient dans une cour de récréation, me faisait penser à cette excellente bande dessinée de Christian Binet, l'auteur de la série des Bidochons, intitulée "Monsieur le Ministre" (en deux tomes). À un moment, les jeunes du parti veulent prendre le pouvoir en interne, alors ils se rebellent contre les vieux (les caciques qui dirigent le parti) et s'enferment dans les toilettes. Suit alors une négociation pour qu'ils rouvrent la porte des toilettes, etc. Le très observateur Binet faisait référence à la séquence des Rénovateurs de l'opposition, entre avril et juin 1989, où les jeunes loups quadragénaires de l'UDF et du RPR (dont Dominique Baudis, Michel Noir, François Bayrou et Philippe Séguin) voulaient mettre dehors Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing.

    D'autres mettent un parallèle avec la guéguerre entre Jean-François Copé et François Fillon pour s'emparer de la présidence de l'UMP en 2012-2013. Mais je pense que c'est beaucoup plus grave que cela. Ici, il ne s'agit pas de la tambouille interne d'un parti politique, mais de candidatures pour les élections législatives et donc, à terme, pour un futur gouvernement. Cela ne concerne donc pas seulement les adhérents (raréfiés) d'un (désormais petit) parti politique, mais l'ensemble des Français.

    J'écris "vaudeville", j'écris "rigoler", et on a raison de rire, un rire nerveux, car peut-être que les temps vont être durs, mais en fait, ce n'est pas drôle du tout, c'est même très grave et j'aurais même tendance à penser que ce qui se passe aux LR est une déflagration encore plus grave que celle provoquée par la dissolution.

    Venons-en aux faits. Après l'allocution du Président Emmanuel Macron, le président de LR, Éric Ciotti, conformément à la doctrine de ce parti depuis 2017, a annoncé dès le soir du 9 juin 2024 qu'il n'était pas question de faire alliance avec la majorité présidentielle. Pas de surprise, mais surtout, pas de réaction hostile de la part des hiérarques de LR. Et puis, est venue cette (malheureuse ?) déclaration d'Éric Ciotti interrogé au journal de 13 heures le mardi 11 juin 2024 sur TF1. Il a annoncé vouloir faire une alliance entre LR et le RN, afin de présenter des candidatures uniques dans toutes les circonscriptions : « Nous avons besoin d'une alliance. Il faut une alliance avec le RN, ses candidats. Je souhaite que ma famille aille dans ce sens. ».

    En quelque sorte, voyant le vent favorable au RN, il voudrait que les favoris lui fassent une place. Allez, Françoise Hardy manque, petit intermède (il y en aura deux autres dans cet article qui poursuit l'hommage à la chanteuse).

    « Fais-moi une place

    Dans ton avenir
    Pour que j'ressasse

    Moins mes souvenirs »





    Le raisonnement d'Éric Ciotti est cynique mais réaliste : face à trois blocs importants, le RN, la majorité présidentielle et la gauche qui s'est unifiée comme par magie (j'y reviendrai dans un autre article), Les Républicains ne peuvent pas rester seuls dans cette aventure électorale et risquent de tout perdre, de n'avoir plus aucun député. Dans la tradition de la Cinquième République, il leur faut donc faire alliance. Ce raisonnement est à mon avis tout à fait pertinent et valable, mais c'est la conclusion qui devient complètement débile.

    Car pour lui, LR doit donc s'allier au RN. Pas de candidature opposée à l'un ou à l'autre dans les circonscriptions. Marine Le Pen, qui s'est réjouie de cette prise de position, a tout de suite dit ok et, du coup, a jeté à la poubelle ses débuts de négociation avec Reconquête commencées lundi. Pour Éric Ciotti, dont la circonscription niçoise doit être très RN au lendemain des européennes, c'est la consécration.

    Pourtant, politiquement, c'est débile parce que le programme économique d'Éric Ciotti est diamétralement opposé aux vagues déclarations faites sur le sujet par le RN : il souhaite instaurer l'ultralibéralisme, supprimer quasiment tous les impôts mais aussi les dépenses publiques.

    Les réactions ne se sont pas fait attendre ! Tous les autres responsables LR ont condamné sans appel cette prise de position. Tous, sans exception, en particulier, bien sûr, Valérie Pécresse, Michel Barnier et Xavier Bertrand, ainsi que Gérard Larcher, ce qui était prévisible, mais aussi Laurent Wauquiez (qu'on n'entendait plus), Bruno Retailleau, Geoffroy Didier, même Nadine Morano, Brice Hortefeux, encore François-Xavier Bellamy et Cécile Imart, les acteurs LR des européennes. Tous ont condamné mais on ne sait pas toujours pour quelle raison, car il y a deux motifs à condamnation.

    Le premier est à la fois moral et politique : il n'est pas question que Les Républicains fassent alliance avec le parti de Jean-Marie Le Pen, fondé par des anciens de l'OAS qui voulaient la peau de De Gaulle. Le second est moins clair, surtout procédural, certains s'indignent qu'Éric Ciotti prenne une décision si lourde de sens sans concertation, sans consulter le bureau politique, sans consulter les adhérents, bref, comme un autocrate, comme l'a très bien décrit sur tous les plateaux de télévision la maire de Taverny Florence Portelli, vice-présidente de LR. D'un côté le fond, de l'autre la forme, mais les deux se rejoignent.

    Le problème de LR, c'est qu'Éric Ciotti est le président élu par les adhérents et que rien ne l'empêche de le rester. Problème juridique fort comme c'était le cas pour François Fillon désigné candidat à l'élection présidentielle par la primaire et rien juridiquement ne permettait de l'évincer. L'épreuve de force a donc eu lieu.


    Le lendemain, mercredi 12 juin 2024, c'était la guerre des tranchées. En prévision du grabuge, Éric Ciotti a fait évacuer le siège de LR de tous ses permanents censés désormais travailler en télétravail. À midi, les portes du bâtiment se sont fermées, place du Palais-Bourbon. L'idée était motivée par la réunion prochaine d'un bureau politique contre lui. Qu'importe, les membres du bureau politique se sont installés pas très loin, rue Las-Cases, au Musée Social (cela ne s'invente pas, même dans les plus mauvais romans d'anticipation politique).

    Résultat : la réunion du bureau politique de LR a été tenue, sans Éric Ciotti, et l'a exclu de LR pour avoir pris la décision de s'allier au RN. Ces membres du bureau politique ont d'ailleurs rappelé la célérité avec laquelle Éric Ciotti avait voulu exclure les membres de LR qui avaient rejoint Emmanuel Macron entre 2017 et 2022. Pendant ce temps, Éric Ciotti était dans son bureau au siège de LR et y est resté, bunkérisé ! Les responsables LR lui ont retiré les codes des comptes Twitter et de la boîte email de LR, ont retiré le chauffeur, si bien que pour retourner à Nice, Éric Ciotti devra prendre un taxi jusqu'à l'aéroport (quelle horreur !), etc. On retrouve ici les petites misères et humiliations que l'on peut trouver dans les affaires de harcèlement dans les entreprises.

     
     


    Éric Ciotti a refusé ce verdict et a rappelé qu'il a été élu président de LR par les adhérents et que beaucoup d'adhérents lui ont apporté leur soutien, ce qui est plausible d'ailleurs. J'y suis, j'y reste ! Il y a désormais un choc de deux légitimités. Ah, la nostalgie d'une équipe soudée (comment, il n'y en a jamais eu ?). Qu'importe, deuxième intermède avec toujours Françoise Hardy.

    « C'est le temps de l'amour
    Le temps des copains
    Et de l'aventure
    Quand le temps va et vient
    On ne pense à rien
    Malgré ses blessures »






    La situation est donc très grave car dans ce choc de légitimité politique, il y a des investitures qui doivent être données de manière urgente (le dépôt des candidatures se termine le 16 juin 2024). Ainsi, il y a une commission des investitures LR qui provient du bureau politique et refuse tout candidat LR voulant faire alliance avec le RN, tandis qu'Éric Ciotti lui-même délivre des investitures à "ses" candidats LR sur le terrain. De quoi rendre confus les choses non seulement auprès des électeurs, les leurs, mais aussi auprès des cadres locaux de LR. Quel pourrait être l'argumentaire de campagne avec des positions si différentes ?

    En gros, on a un Éric Ciotti qui est exclu de LR mais tout en restant président de LR. Le bureau politique a pourtant annoncé qu'une présidence collégiale était mise en place (ce n'est pas la première fois !) avec la députée Annie Genevard, secrétaire générale de LR, et François-Xavier Bellamy, l'ancienne tête de liste LR aux européennes.

    Cela me fait penser à 2015 quand Marine Le Pen avait fait adopter par le bureau politique du FN l'exclusion de son père, Jean-Marie Le Pen, mais juridiquement, ce dernier restait tout de même le président d'honneur du FN car c'était inscrit dans les statuts du FN (les statuts, c'est l'équivalent d'une constitution pour un parti politique, c'est difficile de les modifier, il faut l'accord des adhérents au cours d'une assemblée générale ou congrès).
     

     
     


    Ces événements sont graves pour Les Républicains car ils remettent en cause leur propre existence. Petite séquence nostalgie : dire que LR était ce gros mastodonte UMP qui était hégémonique dans les institutions avec 358 députés sur 577 ! Tout cela est bien fini, depuis 2017, la fleur a fané vite, et 2024 pourrait en être le point final. Comme pour l'amie la rose. Troisième et dernier intermède avec hardyesse.

    « Je me suis épanouie
    Heureuse et amoureuse
    Aux rayons du soleil
    Me suis fermée la nuit
    Me suis réveillée vieille
    Pourtant j'étais très belle
    Oui, j'étais la plus belle
    Des fleurs de ton jardin
    On est bien peu de chose
    Et mon amie la rose
    Me l'a dit ce matin
    Vois le dieu qui m'a faite
    Me fait courber la tête
    Et je sens que je tombe »






    Ce vaudeville n'est pas prêt d'être terminé. Cela va se jouer à coups de constat d'huissiers, voire de plaintes devant les tribunaux, sans aucun respect ni pour les électeurs ni pour leurs sympathisants. L'aspect administratif et juridique risque de mettre au second plan l'aspect politique qui est pourtant la seule chose qui compte dans une élection : que proposeront les candidats LR comme programme et avec qui comptent-ils gouverner.

    En ce qui me concerne, je me réjouis que la digue anti-RN soit maintenue chez les dirigeants de LR, hors Éric Ciotti dont on connaissait déjà l'architecture cérébrale ultradroitisée. En particulier, la réaction de Laurent Wauquiez, Nadine Morano, Brice Hortefeux, entre autres, montre que l'indignation est quasi-unanime vis-à-vis de leur président pourtant effectivement légitime.

    En revanche, je suis inquiet voire en colère contre les dirigeants LR supposés "modérés", en particulier Gérard Larcher : il condamne effectivement les propos d'Éric Ciotti, parce qu'il ne veut pas un gouvernement RN, mais il continue à dénigrer systématiquement Emmanuel Macron au lieu, au contraire, de chercher un terrain d'entente avec lui. En continuant à s'opposer de manière totalement stérile à Emmanuel Macron, Gérard Larcher et quelques autres font finalement le jeu du RN. Après tout, avec ses hypothèses, Éric Ciotti gagnerait dans ce jeu de dupes son Ministère de l'Intérieur et le reste de LR aurait tout perdu.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (12 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
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    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240612-ciotti.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/21/article-sr-20240612-ciotti.html