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dette publique

  • Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?

    « La commande publique est un outil de politique économique. Fortement mobilisés autour des problématiques comme le développement durable ou l’accès de toutes les entreprises, dont les PME, à la commande publique, les acheteurs ont pris conscience du poids que représentent les marchés publics (…) et des enjeux autour de leur performance. » (Introduction du "Guide pratique de l'achat public innovant" distribué par le Ministère de l'Économie et des Finances, mai 2019).



     

     
     


    Le nécessaire redressement des finances publiques va obliger l'État à réduire son déficit structurel de 60 milliards d'euros pour l'année 2025, selon l'objectif du gouvernement : 40 milliards de réduction des dépenses publiques et 20 milliards d'augmentation des recettes (à savoir augmentation d'impôts et de taxes). Après une semaine folklorique d'examen en commission (le président de la commission des finances et le rapporteur général du budget sont dans l'opposition), où chaque quart d'heure, de zélés et créatifs députés inventaient une nouvelle taxe ou un nouvel impôt, l'examen en séance publique du projet de loi de finances pour l'année 2025 a démarré ce lundi 21 octobre 2024 dans la soirée avec une forte incertitude sur la capacité du gouvernement à mener à bien la discussion.

    Les solutions pour réduire le déficit peuvent être nombreuses mais elles sont toutes compliquées et, je dirais, inconséquentes. Le défi est de ne pas donner le signal du retour au boulet fiscal pour les entreprises qui quitteraient dans ce cas le territoire national ou qui ne s'y installeraient plus, alors que depuis sept ans, la France est
    devenu le pays européen le plus attractif économiquement avec une croissance supérieure à la moyenne européenne et un taux de chômage enfin durablement en baisse (passant de 10% à 7%).

    Nos parlementaires, qui ne manquent pas de bonne volonté, ont montré, ces derniers jours, une incroyable incapacité à comprendre les leviers de l'économie, de l'innovation et des investissements. Cela s'est particulièrement illustré avec la polémique sur le
    Doliprane, l'État est même sur le point, sottement, d'acquérir 2% du capital d'Opella, la filiale de Sanofi qui produit des médicaments qui sont dans le domaine public et qui n'ont plus de valeur ajoutée, alors que nous sommes déjà endettés à plus de 3 000 milliards d'euros !

    Certains, au contraire, souhaiteraient vendre les participations de l'État. Il est sûr qu'il y a des dizaines voire centaines de milliards d'euros de participation, certaines sont stratégiques, comme dans le capital d'Orange, il est indispensable que l'État puisse avoir le contrôle sur l'un des gros de la télécommunication, en cas de guerre, ce serait un élément crucial, mais en revanche, on peut toujours discuter de l'intérêt de garder des participations dans la Française des jeux, par exemple, ou même dans
    Stellantis.

    Au-delà donc de la question de la pertinence stratégique ou pas de vendre les participations de l'État, on peut tout de suite répondre que si c'était pour réduire le déficit, ce serait une bêtise financière, et j'ajouterais, une bêtise politique, celle de l'avoir proposé. En effet, on confondrait dans ce cas actif et exploitation, investissement et fonctionnement, et l'idée de réduire le déficit n'est pas pour une seule année, mais en progression sur plusieurs années pour atteindre le 3% du PIB en 2029 (5% du PIB en 2025, la première marche est la plus haute et difficile). La vente des participations de l'État n'est qu'un pistolet à un coup, or, l'année suivante, en 2026, il faudra encore réduire le déficit, donc, on n'aura rien résolu si ce n'est attendre ce que tout le monde attend, l'indispensable réforme de l'État.


    À noter aussi que ces participations de l'État, quand les entreprises dans lesquelles il a investi font des bénéfices, assurent à l'État des revenus sous forme de dividendes (le résultat net moins les investissements), et il faudrait préciser les chiffres, mais on serait tenté d'affirmer que les dividendes seraient d'un montant plus élevé que l'équivalent des intérêts que l'État ne payerait plus s'il remboursait la même somme à ses créanciers que ce que l'État lâcherait en participations.

    Bref, on voit bien que beaucoup de responsables politiques, sans doute parce qu'ils pensent s'adresser à des électeurs qui sont aussi compétents qu'eux en économie, prennent surtout des positions idéologiques et des postures démagogiques, ce qui est regrettable pour le bien commun.

    Comme
    Michel Barnier est avide d'idées nouvelles, je me permets de lui soumettre une petite piste qui a le mérite de ne pas faire augmenter d'impôt ni de taxe ni de cotisation ni de toutes sortes de redevances, etc. Il s'agit des achats dans la fonction publique, y compris dans les collectivités territoriales (on parle d'achats publics, de commandes publiques).
     

     
     


    Le 17 octobre 2024, un internaute a lâché sur Twitter une petite bombe, par agacement. Si j'ai bien compris, il doit être un enseignant en science de la vie et il avait besoin d'une lampe pour accélérer la photosynthèse d'une plante en travaux pratiques. Il a regardé les offres dans les catalogues des entreprises référencées dans l'Éducation nationale (« par lesquelles je suis obligé de passer ») et il a été ulcéré par les prix. Une petite lampe de chevet orientable à 80,00 euros... vendue sans l'ampoule qui, elle, est proposée à 48,60 euros (4W culot E27) ! Honnête, cet enseignant a précisé que s'il avait acheté cette lampe, il aurait automatiquement une ristourne de 12% (entre 10 et 15% de la commande), mais on est loin du compte quand on peut s'équiper exactement avec le même type de produit dans une grande surface ou sur un e-marchand.

    En quelques jours, le tweet a été lu par presque 9 millions de personnes ! et a reçu plus de 2 000 réponses ou commentaires. Certains montrent des pages de catalogue d'entreprises grand public qui vendent la même lampe ou même type de lampe entre 10 et 20 euros, et l'ampoule dans les 2 à 5 euros. Quand on regarde le catalogue du même fournisseur, les prix vont bien plus loin pour n tableau magnétique, un four micro-ondes, un lave-verres, etc.


    Beaucoup de fonctionnaires ont réagi au tweet en disant qu'ils ont le même problème, à l'Éducation nationale, mais aussi à l'hôpital, dans diverses administrations, etc. Il semblerait qu'il peut y avoir de la réticence humaine : les catalogues d'entreprises déjà référencées permettent de faire moins de travail qu'une entreprise non référencée, et dans le système scolaire, ce serait la bonne volonté de l'intendant qui serait en cause. Dans certains établissements, certains enseignants pourraient commander sur Amazon ou acheter dans le supermarché du coin, mais ce serait plus compliqué à gérer. Comme c'est de l'argent public, utilisateurs ou acheteurs semblent souvent se moquer du prix, puisque le budget est là. J'ajoute, pour l'Éducation nationale, et c'est la même chose que dans les grandes entreprises, les fournitures papier sont souvent dévalisées pour des intérêts particuliers, curieusement au moment des rentrées scolaires...

    Le fournisseur référencé en question (qu'il n'est pas utile de citer, selon moi, car c'est un parmi d'autres qui ont les même prix surévalués) a été créé en 1987 par un enseignant-chercheur au CNRS qui a inventé « un concept inédit en France : le kit de travaux pratiques de biologie destiné aux enseignants de Sciences et Vie et de la Terre. (…) Ce kit a dès la première année de commercialisation séduit plus de 85% des lycées français. ». Depuis ce temps, l'entreprise « s'est développée et propose plus de 6 500 produits aux enseignants de sciences des lycées, collèges et universités français ». Ces produits sélectionnés sont « des produits de qualités, adaptés aux besoins et problématiques des enseignants et à un tarif compétitif ».

    Le "tarif compétitif" est donc à sens inverse ! Ce n'est pas le seul fournisseur et il faudrait quand même comprendre comment de telles sociétés peuvent s'engraisser (il n'y pas d'autre verbe) avec des commandes publiques si ce n'est pas la mauvaise gestion du responsable des achats, à quelle qu'échelle que ce soit.

    Il faut admettre qu'il peut y avoir des frais à être fournisseur de l'État. En effet, l'État est un mauvais payeur mais il paie toujours. Mauvais payeur, c'est-à-dire avec beaucoup de retard. Cela peut couler des fournisseurs s'ils n'ont pas la trésorerie en conséquence. Cela fait donc des frais, bien sûr, que le particulier n'impose pas aux grandes surfaces (là, c'est le contraire, c'est la grande surface qui devient une banque, avec des avances de trésorerie sur le dos de ses propres fournisseurs).

    Quand on sait que, d'après l'Observatoire économique de la commande publique (OECP, un organisme ministériel), les marchés publics ont représenté 89,3 milliards d'euros HT pour 163 519 contrats recensés en 2017 par l'OECP, il y a sept ans donc, on peut aisément dire que les achats publics représentent aujourd'hui au moins 100 milliards d'euros par an en France. Si tous les prix sont aussi fous que celui de la lampe, on pourrait certainement faire des économies, mais auparavant, au moins faire une enquête approfondie (et exhaustive, ce que je ne fais pas ici) sur les différents enjeux de la commande publique.

     
     


    Car les enjeux sont nombreux : il y a la performance, le moins disant en prix, mais aussi d'autres paramètres comme le critère national (favoriser les PME françaises et européennes, mais la loi sur la concurrence est en contradiction avec le patriotisme économique), et le dernier critère, double critère, est de favoriser les entreprises qui font attention à leur politique sociale et surtout à leur politique environnementale.

    On pourrait penser que les centrales d'achat permettraient au contraire de réduire considérablement les prix. Dans une collectivité comme une commune, même pour payer un plombier, si, sur une année, le marché dépasse un seuil légal, il faut faire un appel d'offre qui coûte très cher à tout le monde : à celui qui le publie, selon une procédure très réglementée et le moindre vice de forme peut faire tout annuler, et faire rallonger des délais, mais aussi aux fournisseurs ou prestataires qui doivent passer beaucoup de temps à répondre aux appels d'offre sans être assurés d'être retenus.

    S'il y a à débureaucratiser le pays, c'est bien sur cet aspect des choses que la débureaucratisation serait intéressante et libérerait beaucoup d'argent et beaucoup de temps d'agents publics.

    Oui ! Je sais l'origine de cette réglementation pointilleuse. Avant, il y a trente ans, on pouvait tout faire avec l'argent public, on pouvait faire n'importe quoi et on a fait n'importe quoi. Les procédures de la commande publique permettent de réduire énormément les risques de corruption, mais aujourd'hui, elles pèsent tellement lourdement qu'on se demande si c'est vraiment financièrement pertinent, même si cela restera toujours moralement pertinent.
     

     
     


    Et puis, on ne s'improvise pas acheteur. Dans les grandes entreprises, c'est un métier à part entière, très important, qui peut faire gagner beaucoup d'argent à une entreprise qui, si elle parie sur l'avenir, fera attention aussi à ne pas étouffer ses fournisseurs pour qu'ils puissent vivre aussi longtemps qu'elle. C'est donc un savant équilibre, et les lois contre la corruption, selon les directives européennes, rendent beaucoup plus difficiles les "cadeaux" aux acheteurs ; même une caisse de champagne doit maintenant être déclarée dans sa déclaration de revenus !

    Je ne dis pas que cela résoudrait le problème du déficit, bien sûr, car la solution ne peut être que plurielle, mais gagner 10 à 20% sur l'ensemble des achats publics, avec une meilleure organisation, des procédures plus rationnelles qui font dépenser l'argent public comme si c'était son propre argent, pourrait à mon avis être envisageable. Et surtout, cela n'empêcherait nullement d'être équipé selon les besoins, simplement, pour la même qualité mais à moindre prix, parce que l'argent public, ce n'est pas celui de personne, c'est celui de tout le monde, et tout le monde en veut pour son argent.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    (Illustrations sur Internet proposées par Google Images).

    Pour aller plus loin :
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    L’aspirine, même destin que les lasagnes ?
    François Guizot à Matignon ?
    Gilberte Beaux.
    Standard & Poor's moins indulgente pour la France que les autres agences de notation.
    Assurance-chômage : durcissement pour plus d'emplois ?
    Les 10 mesures de Gabriel Attal insuffisantes pour éteindre la crise agricole.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Agences de notation Moody's et Fitch : la France n'est pas dégradée !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241020-achats-fonction-publique.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/achats-dans-la-fonction-publique-257317

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/20/article-sr-20241020-achats-fonction-publique.html




     

  • Standard & Poor's moins indulgente pour la France que les autres agences de notation

    « Nous avons sauvé l'économie française ! » (Bruno Le Maire, le 31 mai 2024).



     

     
     


    C'est avec cette petite phrase que le Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a accueilli la décision très attendue (et redoutée) dans la soirée de ce vendredi 31 mai 2024 de l'agence de notation Standard & Poor's de dégrader la note de la France de AA à AA–. « Nous avons dépensé pour bien protéger. Ces dépenses indispensables ont évidemment augmenté la dette. », mais la dette française trouve « facilement preneur sur les marchés », a-t-il ajouté.

    Pour Bruno Le Maire, en effet, la politique très dépensière du quoi-qu'il-en-coûte a permis de sauver des centaines de milliers d'emplois et des milliers d'entreprises de la faillite lors de la crise sanitaire du covid-19. Il a réaffirmé son objectif très ambitieux de réduire le déficit budgétaire en-dessous de 3% du PIB en 2027.

    Alors que Moody's et Fitch avaient maintenu la note de la France le 26 avril 2024, Standard & Poor's, qui est sans doute l'agence de notation des dettes souveraines les plus écoutées des marchés, a été un peu plus sévère qu'elles pour sanctionner le déficit de 2023 beaucoup plus élevé que prévu. Il faut cependant rappeler que si elle avait maintenu sa note, cette note pour Fitch était déjà à AA– (avec un système de notation comparable). Malgré cette dégradation, la note signifie que le pays reste encore un pays de haute qualité pour ses obligations.

    Cette dégradation de la note pourrait, si elle se répétait, avoir des effets dévastateurs si les taux d'intérêts devaient monter pour que la France puisse emprunter dans les marchés mondiaux. Elle sanctionne non seulement le déficit de 2023 mais finalement l'ensemble des budgets déficitaires depuis le début de la Présidence de François Mitterrand. Globalement, cela fait plus d'une génération que nous vivons au-dessus de nos moyens et que nous reportons l'addition aux générations suivantes. Les augmentations de taux pourraient amorcer un cercle vicieux, une spirale où les intérêts de la dette seraient tellement importants qu'il faudrait emprunter et emprunter.

    Heureusement, la France n'en est pas là et a des fondamentaux sains puisque malgré le freinage de la croissance, le nombre de création d'emplois ne descend pas. Certes, la dégradation envoie un signal négatif, mais il y a d'autres signaux positifs pour les investisseurs étrangers et la France reste toujours le pays européen le plus attractif pour les investisseurs.

    La dégradation de la note de la France doit donc être comprise comme un avertissement pour bien suivre la trajectoire annoncée du gouvernement de baisse à 2,9% du PIB de déficit dans trois ans. La crédibilité du gouvernement est cependant mise en cause par l'expérience du passé.

    Inévitablement, les opposants de toute sorte à Emmanuel Macron vont bien sûr fustiger cette dégradation sans voir d'ailleurs une contradiction avec leur opposition aux réformes des retraites, de l'assurance-chômage, etc. qui contribuent pourtant à réduire les dépenses de l'État. On se plaint des carences dans l'éducation, la santé, la justice, la police, etc. et si on suivait la plupart des programmes des partis d'opposition, le déficit budgétaire bondirait de 100 milliards d'euros supplémentaires !

    L'agence S&P, qui analyse la situation financière des États, prévoie que la dette de la France, qui est à 109% du PIB en 2023, atteindra 112% en 2027. Dans un communiqué, l'agence ajoute de manière assez pessimiste : « Même si nous pensons que la reprise de la croissance économique et les réformes économiques et budgétaires récemment mises en œuvre permettront à la France de réduire son déficit budgétaire, nous prévoyons maintenant qu'il restera supérieur à 3% du PIB en 2027. ».

    Deux motions de censure pour contester la gestion des finances publiques ont été déposées et seront débattues lundi 3 juin 2024, une du RN et une de la Nupes. Le parti Les Républicains, en principe, ne devrait pas les voter, même si son président Éric Ciotti est très critique sur la politique du gouvernement en matière budgétaire. Dans "Le Parisien", Bruno Le Maire a affirmé : « Il n'y aura pas d'impact sur le quotidien des Français (…). Je prends note de cette décision. Elle ne change rien à ma détermination à rétablir les finances publiques. Nous avons commencé à le faire, nous continuons. ».

    Malgré ces propos visant à dédramatiser, la dégradation de la note française ne va toutefois pas contribuer à renforcer la liste de la majorité présidentielle menée par Valérie Hayer aux élections européennes dans maintenant une semaine.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Standard & Poor's moins indulgente pour la France que les autres agences de notation.
    Assurance-chômage : durcissement pour plus d'emplois ?
    Les 10 mesures de Gabriel Attal insuffisantes pour éteindre la crise agricole.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Agences de notation Moody's et Fitch : la France n'est pas dégradée !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240531-standard-and-poor-s.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/standard-poor-s-moins-indulgente-254947

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/31/article-sr-20240531-standard-and-poor-s.html



     

  • Agences de notation Moody's et Fitch : la France n'est pas dégradée !

    « Cette décision doit nous inviter à redoubler de détermination pour rétablir nos finances publiques et tenir l’objectif fixé par le Président de la République : être sous les 3 % de déficit en 2027. » (communiqué de Bruno Le Maire, le 27 avril 2024).


     

     
     


    Ce vendredi 26 avril 2024, dans la soirée, le gouvernement français attendait avec une certaine anxiété la décision des deux agences de notation américaine Moody's et Fitch sur leur appréciation de la dette française.

    Les notations de ces agences sont d'une grande importance financière pour la France et pour tous les États endettés (donc quasiment tous), dans la mesure où une dégradation de la note signifierait un risque considéré comme plus élevé de prêter à l'État en question, et donc, par effet mécanique, cela augmenterait les taux d'intérêt (le risque est toujours récompensé par le retour sur investissement).

    Tout ce qu'un État paie pour la charge de sa dette est de l'argent que les contribuables n'utilisent pas pour leurs propres objectifs. En France, elle est le premier poste budgétaire, avec l'éducation, bien avant la défense. En 2023, on estime qu'au final, la charge de la dette publique de la France (les seuls intérêts) sera de 55,5 milliards d'euros (au lieu des 51,7 milliards d'euros prévus dans la loi de finances pour 2023). La loi de finances pour 2024 la prévoit à 52,2 milliards d'euros.

    Il y a une certaine contradiction chez certains qui veulent dénigrer le gouvernement quand la note est dégradée, tout en voulant faire table rase de la dette. En dénigrant un pays dégradé, on accepte le principe de l'économie mondialisée qui veut que l'on ne prête pas gratuitement et que les prêteurs puissent rentabiliser leur financement. Si la charge de la dette est si lourde dans certains États, en particulier en France, ce n'est pas en raison d'une quelconque méchante finance internationale (dont nous sommes bien contents qu'elle soit là pour financer nos besoins de fonctionnement, c'est-à-dire nos retraités, nos personnels soignants, nos enseignants, nos policiers, etc.), c'est surtout que nous avons vécu au-dessus de nos capacités financières depuis plus d'une quarantaine d'années et que nous avons reporté l'addition (très salée) aux générations futures (merci à elles).

    C'est pour cela que la meilleure souveraineté, la meilleure indépendance nationale, c'est encore de ne pas avoir à emprunter sur les marchés financiers internationaux, en d'autres termes, soit d'autofinancer soi-même ses emprunts (comme le fait le Japon), soit ne plus avoir de budget en déficit et rembourser définitivement sa dette (c'est plus sain). Ce serait plus sain mais cela signifierait ne plus faire de clientélisme, ne plus distribuer de l'argent à chaque catégorie qui revendique son bout de gras, et surtout, réduire la redistribution actuelle (bref, faire 144,5 milliards d'euros d'économies, le montant du déficit public prévu par la loi de finances pour 2024).

    En raison d'une croissance plus faible que celle prévue dans la loi de finance pour 2023, la situation budgétaire de la France n'est pas très bonne, du moins, si on regarde les chiffres brut. Le déficit public de la France a dérapé en 2023, se hissant à 5,5% du PIB au lieu des 4,9% prévus. La dette atteint un niveau énorme, 110,6% du PIB, soit 3 000 milliards d'euros, soit environ 45 000 euros par Français, bébés compris ! C'est énorme mais elle s'explique aussi par les crises multiples que la France a traversé depuis six ans : crise des gilets jaunes, la crise du covid-19, le quoi-qu'il-en-coûte et le plan de relance, enfin, par le crise inflationniste consécutive à la montée du prix de l'énergie et aux pénuries provenant de la guerre en Ukraine. 110,6%, c'est 22 points du PIB en plus de la moyenne de la dette publique des pays de la zone euro (selon la dernière note des économistes de l'agence Rebond).

    Pour autant, la situation de la France est loin d'être médiocre. Au contraire, depuis plusieurs années, la France est le pays le plus attractif économiquement de l'Europe, attirant vers elle de nombreux investisseurs étrangers. Depuis plusieurs années, on a plus d'entreprises industrielles qui se créent que d'entreprises industrielles qui ferment, avec un nombre de créations d'emplois industriels inédit depuis des décennies. Le chômage, s'il n'est pas jugulé (loin de là !), est maintenant à un taux assez faible (entre 7% et 8%), ce qui est nettement moins que du temps de François Hollande dont on évitera les analyses économiques actuelles qui sont particulièrement amnésiques en ce qui concerne sa gestion déplorable des finances publiques (avec une hausse de 70 milliards d'euros de prélèvements obligatoires !). De plus, les dépenses publiques continuent malgré tout à baisser par rapport au PIB : 59,6% du PIB en 2021 ; 58,8% du PIB en 2022 ; 57,3% du PIB en 2023. Le problème actuel provient d'une baisse de 21 milliards d'euros de recettes par rapport à ce qui avait été prévu dans la loi de finances pour 2023, en raison d'une baisse de la croissance.

    Donc, malgré ce passage un peu difficile pour les finances publiques (qui va avoir pour conséquence des coups de rabot de 10 à 20 milliards d'euros, encore en débat pour la loi de finances de 2025, ce qui n'est pas rien), l'économie de la France d'Emmanuel Macron reste saine, le pays est attractif et c'est la raison pour laquelle le Président de la République ne voudrait surtout pas retourner aux mauvais réflexes de ses prédécesseurs en taxant encore plus l'activité économique, car cela viendrait gâcher tous ses efforts de redressement économique depuis 2017.

    Cette analyse, que je fais, que certains font, que le "Spiegel" n'a pas hésité à faire en automne dernier en considérant la France en meilleure santé économique que l'Allemagne, elle est confirmée ce vendredi par les deux agences de notation Moody's et Fitch. On peut penser raisonnablement que leur appréciation se fait en dehors de tout esprit politicien ou de toute arrière-pensée électorale, puisque ces agences doivent préserver leur grande réputation dans les milieux financiers.

    En effet, quelles sont ces appréciations annoncées ce 26 avril 2024 ? L'agence de notation Moody's a maintenu la note actuelle de la France, à savoir AA2, avec une perspective stable, jugeant que le risque de défaut de paiement de la dette était très faible et improbable. Quant à l'agence de notation Fitch, moins attendue car elle l'avait déjà annoncé implicitement au début du mois, elle a maintenu également sa note actuelle, à savoir AA–, avec une perspective stable, prenant le même chemin que Moddy's. Les deux confirment que prêter à la France est un bon placement, sans risque de déroute financière, car la France a de solides atouts économiques.


    Loin de fanfaronner, le Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a profité de cs annonces, qui ont eu de quoi soulager le gouvernement français, pour rappeler les objectifs financiers des prochaines années, à savoir le 3% du PIB de déficit public en 2027. Il a raison de montrer sa volonté de sérieux budgétaire, car il manque encore l'appréciation de la troisième grande agence de notation S&P qui donnera sa note de la France le 31 mai 2024, soit quelques jours avant les élections européennes...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 avril 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Agences de notation Moody's et Fitch : la France n'est pas dégradée !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240426-moody-fitch.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/agences-de-notation-moody-s-et-254384

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/27/article-sr-20240426-moody-fitch.html