Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !

« J’appelle donc les sensibilités politiques représentées dans cette assemblée à ne pas détourner leur énergie de cette tâche historique, à ne pas dilapider leurs forces dans des tours de passe-passe politiques, dont ce type de motion de censure fournira à la postérité un cas d’école. Non seulement votre motion de censure rate sa cible, mais elle se retournera contre ceux qu’elle prétend défendre. » (François Bayrou, le 19 février 2025 dans l'hémicycle).



 

 
 


Le chef du gouvernement a été écouté : il a survécu à une énième opération de politique politicienne. Reprenons depuis le début.

Alors que le parti socialiste prépare son congrès de juin prochain pour faire réélire triomphalement son leader charismatique Olivier Faure à sa tête (je plaisante), se moquant totalement de la marche du monde et en particulier de l'avenir de l'Ukraine et de l'Europe, les députés socialistes ont déposé le lundi 17 février 2025 une nouvelle motion de censure, la sixième motion de censure en cinq semaines contre le gouvernement Bayrou. Quelle santé !

Ce qui est clair, c'est que si les rares électeurs qui leur restent ont compris la démarche, il faudra les honorer d'une médaille du mérite. En effet, depuis la nomination de François Bayrou à Matignon il y a un peu plus de deux mois, les socialistes avaient adopté une attitude un peu plus ouverte qu'avec Michel Barnier, ce qui a abouti à la non-censure pour les cinq premières motions de censure de l'année 2025.

Et puis, voici que les socialistes décident de déposer et donc de voter une motion de censure. On ne comprend pas très bien s'ils veulent que le gouvernement survive ou s'il faut le renverser, et les électeurs socialistes devront bien choisir et opter pour des candidats un peu plus clairs que ces socialistes en peau de lapin.


Si on lit le texte de la motion de censure, signé, rappelons-le, notamment par François Hollande, ancien Président de la République, c'est la guerre entre François Bayrou et les socialistes. Je cite : « Force est néanmoins de constater l’absence de culture de compromis du gouvernement de François Bayrou, qui n’a que trop partiellement accepté de faire des concessions sur des orientations budgétaires pourtant sanctionnées à plusieurs reprises dans les urnes. S’il fallait un budget pour le pays, ce budget ne répond pas aux attentes des Françaises et des Français, sur la question du pouvoir d’achat notamment, et il n’est pas celui des députées et députés signataires de la présente motion. ». Un laïus très explicite pour dire à Jean-Luc Mélenchon que les socialistes sont bien dans l'opposition, des fois qu'il en douterait (et cela ne l'empêchera pas d'en douter).
 

 
 


Et comme à chaque manipulation, le cri au fascisme, à l'extrême droite. Pour le PS, comme pour la nouvelle farce populaire (NFP), tous ceux qui ne pensent pas comme eux est d'extrême droite. Je continue de citer : « Le gouvernement par la voix de plusieurs de ses ministres a cédé aux passions tristes de l’extrême droite, offrant des victoires culturelles inédites au Rassemblement national qu’il est censé combattre, et sape les fondements de notre pacte social depuis 1945. (…) Le Premier Ministre a repris les mots funestes de Jean-Marie Le Pen, condamné pour rappel à de multiples reprises pour incitation à la haine, en parlant de “submersion migratoire” et en déclarant que “l’immigration était une impasse”. ».

Ce texte est faux car François Bayrou n'a jamais parlé de "submersion migratoire" mais d'un "sentiment de submersion", ce qui est une réalité vécue par des Français qui se sentent, peut-être improprement, "submergés".

Et après une énumération un peu lassante de quelques déclarations de Bruno Retailleau et Gérald Darmanin, le texte se termine ainsi : « Face aux attaques contre notre modèle démocratique, à la remise en cause de notre contrat social, à la dérégulation économique, au saccage de notre planète et au mensonge érigé comme fait alternatif, promus dans notre pays par le Rassemblement national, le gouvernement de la France doit s’ériger comme un rempart. Celui de François Bayrou n’en est pas un. Pire, dans la continuité des gouvernements précédents depuis 2017, il est l’accélérateur de nombreux affaissements politiques et moraux. ».

Bref, avec autant de haine, si renouvelée depuis 2017, et surtout, en oubliant que l'actuel Président Emmanuel Macron avait été nommé Ministre de l'Économie et des Finances pendant deux ans par François Hollande et que Manuel Valls, le Premier Ministre de François Hollande et l'un des derniers Premiers Ministres socialistes, est aujourd'hui membre du gouvernement Bayrou avec rang de ministre d'État, deuxième dans l'ordre protocolaire derrière Élisabeth Borne, on se demande pourquoi les députés socialistes n'ont pas censuré le gouvernement lors des cinq premières motions de censure, surtout, comme le dit le texte, avec « l’absence de culture de compromis du gouvernement de François Bayrou », alors que les députés socialistes avaient justifié leur non-censure par cette "culture du compromis". Comprenne qui pourra !

Cette motion de censure a donc été examinée dans l'hémicycle le mercredi 19 février 2025 dans l'après-midi. Comme toujours, il y a eu peu de monde présent dans ces lieux. C'est la députée socialiste Ayda Hadizadeh qui a défendu à la tribune cette motion de censure.


 

 
 


Son discours sonnait plein de moraline et cette arrogance intellectuelle qui voudrait que seul son point de vue serait moralement acceptable (sans comprendre pourquoi les Français ont élu quand même 143 députés RN et alliés avec plus de 30% des voix) : « Un poison insidieux s’infiltre dans les veines de nos institutions. Goutte par goutte, il se distille dans les discours, dans les lois, dans les décisions de ce gouvernement. Ce poison, c’est la compromission. Ce sont les préjugés. C’est le mensonge. C’est l’idée que l’on peut s’inspirer des mots hideux de l’extrême droite qui porte la haine en bandoulière. Mais non ! La République ne se vend pas ! Elle ne se vend pas à ceux qui veulent faire de l’étranger un ennemi, à ceux qui disent de l’État de droit qu’il est une faiblesse, à ceux qui veulent transformer la justice en un instrument de vengeance. Elle ne se vend pas, jamais !, aux tribuns de la peur et aux marchands de haine. Il est du devoir de tout républicain d’en devenir le défenseur quand elle vacille et le rempart quand on l’attaque. ». Les socialistes n'ont aucune qualité pour s'ériger, seuls, en juges de la morale républicaine.

Évidemment, l'expression impropre (fausse dans la bouche de François Bayrou) a été répétée : « Nous vous avons entendu vous, monsieur le Premier Ministre, reprendre les mots funestes de "submersion migratoire", au lieu de dénoncer la seule submersion : la submersion nationaliste ! (…) Votre politique stigmatise, exclut et fragilise. Votre dureté de cœur n’épargne pas même les Français. Vous affaiblissez la liberté de l’information, vous attaquez les aides sociales, vous abandonnez ceux qui souffrent. Vous nous aviez promis de gouverner tel Henri IV, ce souverain qui a su ramener la paix dans le cœur d’un peuple qui s’entre-tuait. Mais aujourd’hui, qui singez-vous ? Donald Trump ! (…) Gouverner, ce n’est pas pactiser avec l’ombre, c’est éclairer le chemin. Vous ne construisez pas ; vous détruisez. Chaque jour, vous ouvrez une nouvelle brèche (…). La République n’est pas une muraille que l’on démolit pierre par pierre. La République, c’est une cathédrale qui a traversé les siècles et qui a su résister aux monarchies, aux dictatures, aux tyrannies. Notre pays a apporté les Lumières au monde, mais il a sombré quand il a laissé le poison de la haine envahir son cœur. Les ténèbres, ce sont l’esclavage, l'affaire Dreyfus, la collaboration, la colonisation. La République sait guider le peuple vers la sagesse et la paix, quand elle est fidèle à ses valeurs humanistes, quand elle reste fidèle à sa lumière. ». Plus c'est gros, plus c'est insignifiant.

Mais cela ne s'est pas arrêté là, l'oratrice socialiste y est allée de sa pleine arrogance : « Nous sommes ici pour juger un gouvernement qui a failli, mais nous ne sommes pas seulement les juges du présent ; nous sommes les architectes de l’avenir. ».


François Bayrou a eu un malin plaisir à répondre à cette "motion de censure de congrès", comme il l'a appelée : « Cette motion de censure, qui est la sixième que nous examinons en cinq semaines, est la plus cousue de fil blanc de toute l’histoire parlementaire. Selon les mots de l’un des membres les mieux informés de cette assemblée, ancien premier secrétaire du Parti socialiste et ancien Président de la République française, "ce n’est pas une motion de censure pour faire tomber le gouvernement, mais pour montrer que nous sommes dans l’opposition". Il s’agit donc d’une motion de censure à faux, à blanc. Après avoir refusé, à juste titre, de voter quatre motions de censure à balles réelles contre le gouvernement, et contre la France , vous nous présentez une motion de censure de congrès. Voilà le parti de Blum, de Jaurès, de François Mitterrand et de Jacques Delors, dont vous devez bien avoir des portraits dans vos locaux, réduit à déposer une motion de censure pour faire semblant. Il y avait une vieille expression dans les vallées pyrénéennes pour se moquer gentiment des villages voisins réputés moins prospères. On disait : "Ce sont des pays où l’hiver les corbeaux volent sur le dos pour ne pas voir la misère". (…) Les portraits des grands ancêtres, il va falloir que vous les retourniez contre le mur pour qu’ils ne voient pas à quels expédients le Parti socialiste en est réduit. ».
 

 
 


Et le Premier Ministre a mis en parallèle les enfantillages des socialistes et la situation internationale très grave, le PS ne vit pas sur la même planète : « Vous en arrivez, au moment où la planète chancelle sur ses bases, où le danger est partout, où la guerre d’agression de Poutine fait rage en Ukraine, où la Chine déploie sa puissance pour nous soumettre économiquement, où le quarante-septième président des États-Unis évoque rien de moins que l’annexion du canal de Panama, de Gaza et du Groenland, où l’Europe que nous avons voulue ensemble et construite ensemble ne parvient pas à s’unir, vous en arrivez à déposer une motion de censure pour faire semblant, de manière à enlever à Jean-Luc Mélenchon un angle de sarcasmes contre vous. Mais vous ne détournerez rien, car vous aurez les sarcasmes, et vous aurez le ridicule. Je dis cela avec tristesse. ».

François Bayrou a énuméré un certain nombre d'arguments, le premier étant qu'il a toujours été pour le pluralisme politique, parfois à ses dépens lorsqu'il a refusé l'UMP en 2002 : « J’expliquerai à la fin de ce propos pourquoi je pense, et ça ne date pas d’aujourd’hui, que la démocratie française a besoin de socialistes libres, comme elle a besoin de gaullistes libres, de démocrates libres, de grands partis réformistes de gouvernement, à côté ou en face des mouvements protestataires, contestataires, plus radicaux, les uns sur la ligne nationaliste, les autres sur la ligne soi-disant révolutionnaire. J’ai plaidé, tout au long de ma vie politique, la même conviction : si nous pensons tous la même chose, alors nous ne pensons plus rien. La démocratie française a besoin de respect mutuel,mais elle a d’abord besoin que chacun se respecte soi-même. Et c’est à cela que manque cette motion de censure pour faire semblant. ».

Un autre argument, d'autorité, c'est qu'il serait difficile de dire qu'il ne respecte pas les valeurs républicaines : « Il n’y a pas un parlementaire, dans cette assemblée, sur quelque banc qu’il siège, même parmi ceux qui nous combattent et nous détestent, qui croie que nous ne respectons pas les valeurs de la République. Beaucoup pensent que nous sommes incapables, beaucoup pensent que nous sommes nuls, à côté de la plaque, loin de ce qu’il conviendrait de faire, agaçants et insupportables, mais il n’en est pas un en vérité pour croire que nous ne respectons pas la République. La République, historiquement, nous l’avons défendue et sauvée, tous les courants qui appartiennent à ce gouvernement et tous les courants de gouvernement, en un temps dont j’ose espérer qu’il n’est pas révolu, pour composer ensemble, quand il le fallait, la Résistance française. Mais on voit bien de quoi il s’agit : habiller des mots les plus grands et les plus grandiloquents possible de médiocres, de médiocrissimes intérêts : minuscules intérêts électoraux, microscopiques intérêts de courants de congrès. Et, ce faisant, je vous le dis comme je le crois : vous vous trompez. ».


Vexés à l'écoute de cette vérité, Olivier Faure et la plupart des députés socialistes ont quitté l'hémicycle, si bien que les lieux étaient quasiment déserts. Étrange pour les promoteurs d'une motion de censure : « J’avoue que c’est la première fois que je vois un parti qui, ayant déposé une motion de censure, quitte l’hémicycle pendant qu’elle est en discussion. Mais l’innovation est la marque des peuples vivants. En habillant de mots grandiloquents des intérêts électoraux de courants de congrès, je crois que vous jouez contre vous-mêmes. ».
 

 
 


Puis, le chef du gouvernement s'est expliqué avec ce mot "submersion" : « Donc vous vous êtes saisis, avec la même grandiloquence, de ce que j’aie employé le mot "submersion" dans une émission de télévision. Je n’ai jamais employé l’expression "submersion migratoire", mais vous vous êtes épandus à loisir sur ce sujet. Je veux rappeler le contexte, puisqu’aujourd’hui il faut se justifier de tout. J’étais dans l’émission de Darius Rochebin et, au bout d’une heure d’émission, ou un peu plus, il m’a posé une question à laquelle je dois avouer, c’est assez rare, que je ne m’attendais pas. Il a dit : "Je suis allé voir les photos de votre enfance, au lycée de Nay, au pied des Pyrénées, et j’ai remarqué quelque chose". J’avoue qu’à cet instant mon esprit battait un peu la campagne, en repensant à ces photos auxquelles sont attachés tant de souvenirs et de tendresse et je ne voyais vraiment pas où il voulait en venir. "J’ai remarqué, dit-il, que dans votre classe, vous êtes tous blancs". Imaginez que dans un pays africain, au Sénégal ou au Congo, on ait interrogé un responsable politique en lui disant : "J’ai regardé vos photos d’enfance et vous êtes tous noirs". Je crois qu’on en parlerait aux quatre coins du continent et que cela aurait dit quelque chose du temps que nous vivons. J’ai été saisi, je dois l’avouer, de ce que ces garçons et ces filles que nous étions ensemble, je n’avais jamais pensé qu’ils étaient blancs. Nous étions quelque 600 élèves et, dans tout le lycée, il y avait un Africain, dont nous étions tous, les garçons, vaguement jaloux parce qu’il était toujours sur le même banc, dans un coin de la cour, avec une très jolie fille, pleine de charme qui se reconnaîtra si elle écoute. (…) Et le journaliste a prolongé sa question : "Vous étiez tous blancs, est-ce que vous pensez qu’il faut métisser la France ?" ».

J'ai été, moi aussi, très choqué par la question de Darius Rochebin qui était une question stupide et qui n'avait rien à faire dans cette interview. J'ai regretté que François Bayrou n'ait pas exprimé aussi clairement son trouble sur le moment, comme il l'a fait excellemment ce mercredi devant la représentation nationale.

C'est-à-dire : « J’ai répondu deux choses. D’abord, que je ne regardais pas la couleur de la peau. Ensuite, qu’il y avait du danger dans une telle affirmation, parce que si nos compatriotes considèrent que la couleur de la peau doit inexorablement changer, qu’ils le veuillent ou non, si c’est une fatalité qu’on leur commande de subir, même contre leur gré, alors ils auront le sentiment de perdre le contrôle. C’est ce que j’ai appelé "submersion". Et je répète que je n’ai jamais dit "migratoire". Et si vous ne vous rendez pas compte de cela, pas compte que les choses qui viennent du fond des âges, même si vous direz qu’elles sont archaïques, font partie de la nature humaine, alors vous passez à côté de choses bien plus profondes que l’addition de Marx, Lénine, Staline et Trotski réunis. Et méfiez-vous : à force de nier l’archaïque, vous ouvrez la voie à tous les Trump, à tous les Vance, à tous les Musk de la création, spécialement à tous les suprématistes et à tous les racistes, spécialement dans les milieux populaires, comme vous dites, chez ceux qui vivent dans les difficultés sociales et culturelles et qui se croient dépossédés de leur destin. Vous les transformez malgré eux en chair à canon de la mondialisation. Vous touchez non pas à ce qu’ils ont, mais à ce qu’ils sont ou croient être. Vous faites, avec la bouche en cul-de-poule, le lit de toutes les instrumentalisations. ».

Mais François Bayrou est allé beaucoup plus loin et a contre-attaqué encore, en rappelant certains discours de socialistes. Par exemple, François Mitterrand : « Les mêmes qui osent déclarer que nous faisons la politique de l’extrême droite, les hypocrites, les hypocritissimes, quand François Mitterrand a dit "le seuil de tolérance est atteint", une phrase qui touche à une conception organique de la société, où celle-ci est décrite comme se défendant contre une agression, qu’ont-ils dit à l’époque ? ».

Et le coup de grâce, c'est une déclaration très douteuse d'Olivier Faure lui-même : « Je regrette qu’Olivier Faure soit parti : peut-être l’a-t-il fait parce qu’il imaginait ce que j’allais dire. Le responsable politique qui est le principal leader du parti qui dépose la motion de censure, M. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, qu’a-t-il dit le 25 octobre 2018 ? Je le cite exactement : "Il existe aujourd’hui des endroits où le fait de ne pas être issu de l’immigration peut poser problème à des gens dans ces quartiers, et qui peuvent se sentir exclus. II y a des endroits où il y a des regroupements qui se sont faits génération après génération et qui donnent le sentiment qu’on est dans une sorte, écoutez bien !, de colonisation à l’envers, ce que m’a dit un jour une de mes concitoyennes. Qui me disait après avoir voté longtemps pour la gauche, qu’elle ne voulait plus voter pour nous parce qu’elle avait le sentiment d’être colonisée. Ce message-là, je l’entends". C’est Olivier Faure qui parle. "Colonisation à l’envers" : ce message-là, M. Faure l’entend. Mais M. Faure sait-il que "colonisation à l’envers", c’est bien plus grave que "seuil de tolérance" ou que "sentiment de submersion", qui n’est que le constat d’une situation subie ? "Colonisation à l’envers", c’est autre chose : c’est un projet politique, un dessein politique, une volonté de conquérir et de soumettre. Et c’est le même responsable politique qui, vêtu de probité candide et de lin blanc, et, j’imagine, d’un peu de fond de teint pour effacer le rouge de la honte, disait hier à la radio que nous sommes connivents avec l’extrême droite et même en fusion idéologique avec elle. Celui qui dit "colonisation à l’envers" (…). Je viens de lire le texte dans son intégralité et il finit par : "Ce message-là, je l’entends". Ce sont ses mots précisément : j’ai donné la date de sa prise de parole, vous pouvez vérifier. ».


Malgré tout, il y a eu parfois des communautés de vue. Ainsi, l'oratrice rappelait son origine de cette manière : « L’immigration ne doit pas être traitée comme un fardeau, mais comme un défi à relever avec humanité et raison. Ce défi, la France le relève tous les jours ! C’est moi qui vous le dis, moi qui suis née en Iran, moi dont la mère a fui l’obscurantisme, moi qui n’ai pas une goutte de sang français, pourtant, c’est toute la France qui coule dans mes veines. La France a fait de moi son enfant. J’ai reçu l’amour de la France sur les bancs de l’école de la République, grâce à ses professeurs. J’ai reçu l’amour des Français, que je remercie encore et toujours, car quand on reçoit de l’amour, on le rend ! ».

François Bayrou lui a répondu ceci : « Pourquoi partaient-ils, nos arrière-grands-parents basques, béarnais, bretons ? Parce que c’était la misère. Ils allaient vers une vie qu’ils croyaient plus facile, et beaucoup y mouraient, je parle de ma propre famille. Ceux qui sont aujourd’hui dans la misère, ils viennent chez nous, ou ils y passent : 300 000 se sont accumulés au fil des années, parce qu’ils veulent passer en Grande-Bretagne. L’immigration, c’est une partie de notre France : 25% des Français, dit-on, descendent d’un parent immigré de la première, deuxième ou troisième génération. C’est votre cas, madame, et vous avez raison de le revendiquer à la tribune. C’est notre réalité, et c’est une réalité d’enrichissement de notre pays. ».

Et d'ajouter, pour enlever toute ambiguïté : « Ceux qui en sont issus [de l'immigration] sont-ils des compatriotes de manière pleine et entière ? Ils le sont. Ont-ils contribué au rayonnement de la France ? Magnifiquement. Nous ne sommes pas une nation fondée sur l’origine ethnique, géographique, la couleur de la peau : nombre de nos compatriotes descendent aux Antilles d’esclaves africains, à La Réunion de familles indiennes, en Nouvelle-Calédonie des peuples autochtones austronésiens, quand ils ne sont pas d’origine wallisienne ou polynésienne. Chez nous, la nation ne se fait pas non plus par la religion. Elle se fait par un ciment. Nous sommes ce que nous croyons : que les êtres humains, femmes et hommes, sont libres, qu’ils sont égaux, qu’ils doivent être fraternels. De ce triptyque républicain, la fraternité constitue la clef de voûte : bien des régimes reposent sur le postulat que la liberté l’emporte sur l’égalité, ou réciproquement, mais on ne peut être fraternel sans concevoir l’autre comme libre et égal à soi. ».

Le Premier Ministre a évoqué le quatrième principe républicain après la liberté, l'égalité et la fraternité, à savoir, la laïcité : « À cela, nous ajoutons une conquête récente, la laïcité. Laos, en grec, c’est le peuple ; laïkos, ce qui fait ce peuple, ce qui, encore une fois, le cimente. Nous avons mis quatre siècles à la construire, à compter de l’apparition, au XVIe siècle, après presque un siècle de guerres, de la notion de tolérance. Jusque-là, il n’y avait qu’un roi, une loi, une foi ; une religion nouvelle, le protestantisme, est venue tout chambouler. Généralement, la laïcité est présentée comme une séparation, celle de l’Église et de l’État ou, comme je l’ai souvent énoncé, celle de la foi et de la loi : la loi protège la foi, la foi ne fait pas la loi. Or, si l’on y réfléchit, c’est bien davantage. La laïcité va plus loin que la tolérance. Elle ne se contente pas d’établir que l’on peut être différents et cependant concitoyens, elle affirme que nous sommes concitoyens parce que nous acceptons nos différences et, plus encore, parce que nous les voulons ; que le lien qui nous unit en tant que Français est assez fort pour cela, qu’il nous permet d’apporter nos différences dans un espace commun de reconnaissance, de dialogue et d’enrichissement mutuel. La laïcité, c’est l’amour de cet espace, contre les communautarismes. En matière religieuse, philosophique, elle s’est imposée au terme d’une histoire dont on connaît les heurts, les violences, les effusions de sang. Nous avons mis des siècles, je le répète, à parvenir à ce respect mutuel entre croyants et non-croyants. Les tenants d’une foi donnée ne préconisent heureusement plus l’extinction des autres. Chrétiens et Juifs ne souhaitent pas la disparition dans notre pays de la religion musulmane, pas plus que les athées celle des croyances religieuses. Nous avons construit un espace commun où tous ont droit de cité. (…) Vous n’aviez qu’à ne pas déposer de motion de censure car il devient alors très difficile de se soustraire à l’obligation d’écouter ceux que vous voulez censurer ! Il nous reste à tirer les ultimes conséquences de ce principe et à l’appliquer, nous en sommes loin, comme on le voit, mais je suis persuadé qu’il faut le faire, à la sphère politique. Ce concept nouveau de laïcité politique invite à mettre un terme aux conflits absurdes, descendants des guerres de religion, aux "mon parti, mon programme et rien d’autre" dans lesquels la France épuise son crédit depuis si longtemps. ».
 

 
 


Voici la définition de la démocratie pour François Bayrou : « Pendant longtemps, j’ai cru comme tout le monde que le but des affrontements politiques consistait à faire triompher ses idées, à vaincre les autres, c’est-à-dire au bout du compte, si l’on y réfléchit un peu, à obtenir tous les pouvoirs, à imposer un absolutisme politique comme on voulait autrefois un absolutisme religieux. J’ai été un très bon militant de partis qui n’étaient pas des plus faciles à défendre ; j’y ai consacré beaucoup de temps et des quelques capacités que je possédais à l’époque. Désormais, je ne crois plus que la démocratie signifie l’écrasement des uns par les autres. Je défends le contraire. Dans cet hémicycle et ailleurs, je suis en accord avec certains courants politiques, j’en considère d’autres avec des nuances, avec certains je suis en désaccord, avec d’autres enfin en opposition franche ; mais je crois en la démocratie comme en un espace où les sensibilités doivent coexister et, autant que possible, s’enrichir. Que ce soit en matière philosophique, religieuse ou politique, la laïcité ne saurait tendre à la tolérance molle, que je n’aime pas, encore moins au relativisme, que j’abhorre, mais à la fermeté des convictions et à la compréhension mutuelle. Dans le débat, voire le combat, on n’a pas envie de mous, d’insipides, de "tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil". Georges Bernanos l’a écrit dans l’un de ses plus grands romans : "petits cœurs, petites bouches, ceci n’est point pour vous". On a besoin de raison, vous l’avez dit ; besoin de flamme, de cœur, de culture, d’intelligence, d’histoire et d’art, pour avec cette raison, cette foi, cette vertu d’engagement, arriver à comprendre l’autre, même l’adversaire, comme l’on comprendrait un frère ! Beaucoup hausseront les épaules en taxant d’idéalisme une telle manière de voir les choses. J’accepte le reproche ; je le revendique même. Ce n’était pas un tiède que Pascal, pas un tiède que Voltaire. Regardons-nous : nous sommes le peuple qui fait vivre ensemble Voltaire et Pascal, qui vit de Voltaire autant que de Pascal, sans arrondir les angles de leur pensée. Que l’on enlève l’un ou que l’on supprime l’autre, la France ne serait plus la France. Je vois d’ici les regards amusés : quel est ce type qui, à propos des valeurs de la République, vient vous parler de Voltaire et de Pascal, au temps des réseaux sociaux ? Pardonnez-moi, mais de toute ma conviction, de toute ma folie peut-être, je crois que c’est parce que l’on ne parle plus d’eux que les réseaux sociaux sont devenus si pauvres. Voltaire et Pascal, je vous assure, ne sont pas moins modernes qu’Elon Musk et Sam Altman. En tout cas, c’est là qu’est la France ! C’est parce que nous partageons ces principes que nous formons un peuple : Ernest Renan le proclamait déjà il y a 150 ans. Il y a là un cas de figure unique au monde : nous ne nous définissons pas par la pureté du sang de nos ancêtres, par la supériorité d’un dieu sur les autres, mais en tant que porteurs de quelque chose d’infiniment plus précieux, un projet commun de liberté, d’égalité et de fraternité, celle-ci, je le répète, constituant la clef de voûte. ».

Après ces propos liminaires, François Bayrou a longuement parlé de l'immigration et de la politique qu'il poursuivait. Il a notamment rappelé les principes pour régulariser les personnes en situation irrégulière : « D’où l’importance, enfin, d’une conception nette, et elle aussi respectée, des devoirs qui incombent aux personnes accueillies en France. Ces obligations, qui ouvrent la voie à la régularité du séjour, d’abord, à l’intégration, ensuite, à l’assimilation, enfin, au terme de ce parcours d’étapes, sont au moins au nombre de trois : l’obligation de travailler, c’est-à-dire de contribuer au modèle économique et social ; l’obligation de parler notre langue, qui est le fondement du lien social ; et l’obligation d’adhérer à nos principes de vie en commun. Cette conviction est, je crois, partagée par la plupart de ceux qui siègent sur ces bancs. Alors, quels sont les sujets qui font débat ? ».

 

 
 


C'est la députée insoumise Clémence Guetté, vice-présidente de l'Assemblée, qui a présidé la séance et annoncé le rejet de la motion de censure ce mercredi 19 février 2025 à 20 heures 25. Seulement 181 députés ont voté pour la censure, il en fallait 289.

L'analyse du scrutin n°842 montre que parmi les 181 censeurs, la puissance de feu de la gauche, il y avait 68 insoumis sur 71, 64 socialistes sur 66 (dont Jérôme Guedj et François Hollande, insistons !), 37 écologistes sur 38 et 12 communistes sur 17. Il a manqué 11 députés à l'appel. Quant au RN, il n'a pas participé au vote, comme les députés soutenant le gouvernement.

Rescapé de six motions de censure en cinq semaines, François Bayrou est ce qu'on peut dire insubmersible dans un tel environnement parlementaire hostile. Sa désignation se justifiait car il était le plus apte à trouver les moyens d'une stabilité gouvernementale, et d'abord, d'une adoption des budgets publics. Les socialistes vont cependant avoir du mal à recoller les morceaux pour poursuivre leur politique de non-censure (cinq fois), censure (une fois), non-censure (cinq fois), censure (une fois), et ainsi de suite.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (19 février 2025)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
4 motions de censure et pas d'enterrement !
Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
François Bayrou, le début du commencement.
La quadrature du cercle de Michel Barnier.

 

 

 
 





https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250219-motion-de-censure.html

http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/17/article-sr-20250219-motion-de-censure.html

.

Écrire un commentaire

Optionnel