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peine de mort

  • Cadeau de Noël pour Mary Jane Veloso

    « Après plus d’une décennie de diplomatie et de consultations avec le gouvernement indonésien, nous avons réussi à retarder son exécution suffisamment longtemps pour parvenir à un accord pour enfin la ramener aux Philippines. » (Bongbong Marcos, le 20 novembre 2024).


     

     
     


    Il est parfois des combats heureux, et je dois dire que lorsque j'avais alerté sur la situation de Mary Jane Veloso, il y a plus de huit années, on pouvait imagier que ce combat serait difficile voire perdu d'avance.

    Lorsque le grand boxeur philippin Manny Pacquiao, « l'un des sportifs les mieux payés du monde » selon Anthony Verdot-Belaval de "Paris Match", avait rencontré Mary Jane Veloso dans sa prison indonésienne, le 10 juillet 2015, il avait déclaré, ému sur le sort de la jeune femme : « Nous espérons pouvoir aider à sauver la vie de Mary Jane. Je pense que Mary Jane est une victime de trafic d'êtres humains. ». Mais pensait-il qu'elle s'en tirerait ? En tout cas, il l'a aidée financièrement pour qu'elle puisse être défendue convenablement avec de vrais avocats.

    En effet, Mary Jane Veloso, qui va avoir 40 ans le 10 janvier prochain, mère de famille venant des Philippines, a été arrêtée à Yogyakarta, en Indonésie, en avril 2010 en train de transporter une valise de 2,6 kilogrammes de drogue. L'Indonésie ne plaisantant pas avec les trafiquants de drogue, Mary Jane Veloso a été condamnée à mort en octobre 2010. Elle a même failli être exécutée en avril 2015 alors que son nom, avec aussi celui du Français Serge Atlaoui, avait été inscrit sur la liste de prochaines exécutions. Heureusement, son nom a été retiré in extremis (comme celui de Serge Atlaoui).

     

     
     


    Il faut dire qu'elle avait du mal à être soutenue par son État d'origine, les Philippines. Le Président philippin de l'époque, Rodrigo Duterte avait annoncé qu'il n'interférerait pas avec la justice indonésienne. Certaines rumeurs avaient même annoncé le 12 septembre 2016 que le Président philippin aurait donné son accord pour l'exécution de sa ressortissante. Il faut dire aussi que depuis le début de la Présidence de Rodrigo Duterte, le 30 juin 2016, jusqu'au début septembre 2016, il y avait déjà eu, dans son pays, 2 000 exécutions de personnes condamnées pour trafic de drogue. Alors, une de plus ou de moins... (Ce chiffre de 2 000 exécutions aux Philippines est à expliquer, car les Philippines ont définitivement aboli la peine de mort le 24 juin 2006 : Rodrigo Duterte, en revanche, qui n'a pas réussi à rétablir la peine de mort, avait encouragé l'élimination physique des trafiquants de drogue, hors justice).

    Heureusement, Mary Jane Veloso a bénéficié d'un fort soutien de la part de sa famille, mais aussi du peuple philippin, des réseaux sociaux,de célébrités régionales. On ne l'a pas oubliée, et c'est heureux, car cela fait plus de quatorze années qu'elle clame son innocence. Innocence ? Oui, parce qu'en tant que migrante (qui n'a pas eu du tout de chance dans la vie), elle a été piégée ; elle a été victime d'une femme chef d'un réseau de trafic d'être humains qui utilisait des pigeons pour le transport de drogue, en guise de travail rémunéré (on les appelle en fait des "mules"). Cette chef de réseau a d'ailleurs été arrêtée et Mary Jane Veloso est intervenue comme témoin dans cette affaire (d'où le sursis à son exécution, ce qui est particulièrement cynique).

     

     
     


    Comme avec Serge Atlaoui, rien n'a véritablement bougé tant que le Président indonésien Joko Widodo restait au pouvoir (il est resté pendant deux mandats). Le 24 novembre 2024, quelques semaines après l'arrivée de son successeur (et héritier politique), Prabowo Subianto, le 20 octobre 2024, ce dernier a annoncé qu'il était temps de renvoyer ces condamnés à mort dans leur pays, sous condition qu'ils terminent leur peine chez eux. La condition était assez hypocrite, surtout pour la France et les Philippines qui ont aboli la peine de mort. Le nouveau Président indonésien a toutefois déclaré que si les pays d'origine amnistiaient ou graciaient leurs ressortissants, ce serait leur problème et il le respecterait. On ne pouvait pas être plus conciliant.

    En fait, c'est le Président philippin Bongbong Marcos qui a fait le premier une annonce optimiste dès le 20 novembre 2024 en affirmant que l'Indonésie était d'accord pour le retour de Mary Jane Veloso : « L’histoire de Mary Jane résonne chez beaucoup, une mère prise au piège de la pauvreté qui a fait un choix désespéré qui a changé le cours de sa vie. Bien qu’elle ait été tenue responsable en vertu de la loi indonésienne, elle reste victime de sa situation. ».
     

     
     


    Edouardo de Vega, sous-secrétaire du Ministère philippin de la Justice, a déclaré de son côté, le même jour, que l'Indonésie n'avait rien demandé aux Philippines en contrepartie : « Quand elle arrivera ici, elle ne sera pas immédiatement libérée. Cela signifie que nous nous engageons à la détenir jusqu’à ce qu’un accord mutuel soit trouvé pour qu’elle soit graciée. Mais, au moins, elle sera ici. ».

    Dans une interview télévisée, Cesar Veloso, le père de Mary Jane, a déclaré le 20 novembre 2024 : « Nous sommes vraiment heureux, toute la famille, en particulier les enfants de Mary Jane, sautaient et disaient : "quelqu’un va prendre soin de nous", c’est ce que disent mes petits-enfants. Nous sommes donc très heureux. ».

    Le 24 novembre 2024, Prabowo Subianto a donc annoncé son accord de principe au souhait formulé par Bongbong Marcos du rapatriement à Manille de Mary Jane Veloso, mais rien n'avait été encore conclu. C'est ce vendredi 6 décembre 2024 à Jakarta que l'accord a eu lieu, entre les deux pays. Il est ainsi question de rapatrier Mary Jane Veloso avant Noël prochain (« si Dieu le veut ! »), probablement le 20 décembre 2024.

    Pour sa famille (chrétienne), c'est une divine surprise et sans doute le meilleur Noël qu'elle va passer. Mary Jane Veloso a passé plus du tiers de sa vie en prison et elle va retrouver ses deux enfants qui auront pris près d'une quinzaine d'années en plus ! Celia Veloso (65 ans), la mère de Mary Jane, s'est déclarée à l'AFP « ravie et surprise » de la nouvelle : « Nous pouvons enfin être ensemble ce Noël ! ».
     

     
     


    L'accord sur les conditions du transfert de la condamnée à mort a été signé entre Yusril Ihza Mahendra, le Ministre indonésien en charge des Affaires juridiques, des droits humains, de l'immigration et des affaires pénitentiaires, et Raul Vasquez, autre sous-secrétaire du Ministère philippin de la Justice.

    Yusril Ihza Mahendra a effectivement annoncé la bonne nouvelle le 6 décembre 2024 : « Nous acceptons de renvoyer la personne concernée aux Philippines (…). Mon objectif est que cela puisse être réalisé avant Noël, peut-être vers le 20 décembre. ». Si Raul Vasquez a exprimé la « sincère gratitude » des autorités philippines pour cette décision indonésienne, il a précisé : « C'est un cadeau approprié qui confirme les bonnes relations entre les deux pays (…). Nous comprenons et respectons la décision du tribunal indonésien concernant la peine. (…) Une fois transférée dans le pays, elle purgera sa peine, comme convenu, conformément aux lois et réglementations philippines en matière pénale. ».
     

     
     


    Une telle décision de clémence devrait aussi être annoncée pour le Français Serge Atlaoui et cinq condamnés australiens (parmi les neuf Australiens qui ont été condamnés, parmi lesquels deux ont été exécutés en 2015, un autre est mort en détention d'un cancer et un quatrième a été libéré en 2018). La chute du gouvernement Barnier risque cependant de faire retarder les négociations entre l'Indonésie et la France, faute pour l'Indonésie d'avoir un interlocuteur.

    Mais il ne faut pas se réjouir trop vite : l'Indonésie n'en a pas fini avec la peine de mort. Actuellement, 530 personnes attendent leur exécution dans les couloirs de la mort en Indonésie, dont 96 étrangers (dont deux femmes). Le gouvernement indonésien a même évoqué le 5 décembre 2024 une reprise des exécutions (arrêtées en juillet 2016). Le Ministre indonésien coordonnateur des politiques et de la sécurité Budi Gunawan a en effet déclaré :
    « Le gouvernement va étudier l'accélération de l'exécution de la peine de mort pour les condamnés pour trafic de drogue qui (…) ne disposent plus de recours légaux. ».

    Le combat pour l'abolition universelle de la peine de mort est donc loin d'être achevé. Comme par un écho de coïncidence, le Sénat allait célébrer, au cours d'un colloque présidé par Gérard Larcher le lundi 9 décembre 2024 au Palais du Luxembourg, le ministre et avocat Robert Badinter, celui qui a aboli la peine de mort en France et que la France probablement panthéonisera un jour.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Cadeau de Noël pour Mary Jane Veloso.
    Enfin une bonne nouvelle pour Serge Atlaoui ?
    Varisha Moradi.
    7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
    Une lueur d’espoir pour Serge Atlaoui ?
    Taxe Nutella : Serge Atlaoui, otage de l’huile de palme ?
    Vives inquiétudes pour Mary Jane Veloso.
    Le cauchemar de Serge Atlaoui.
    Peine de mort pour les djihadistes français ?






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241206-mary-jane-veloso.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/cadeau-de-noel-pour-mary-jane-258018

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/06/article-sr-20241206-mary-jane-veloso.html


     

  • Enfin une bonne nouvelle pour Serge Atlaoui ?

    « L’ambassade de France a remis une lettre du Ministre français de la Justice au Ministre indonésien de la Justice, datée du 4 novembre [2024], contenant une demande de transfert du prisonnier français nommé Serge Atlaoui. » (Yusril Ihza Mahendra, le 29 novembre 2024 à l'AFP).



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    Vous vous souvenez de Serge Atlaoui ? Non ? Ce Français, aujourd'hui âgé de 60 ans, croupit dans une prison indonésienne depuis le 11 novembre 2005 et il a été condamné à mort le 29 mai 2007.

    Son tort ? Probablement un manque de discernement. Sur petite annonce, il avait postulé pour un poste de soudeur, son métier, à Jakarta, très bien payé. Il pouvait savoir que c'était louche, c'était forcément du travail au noir, mais il était aussi un peu naïf. Sa mission était de venir réparer, ou entretenir des machines dans une prétendue usine d'acrylique. C'est en tout cas ce qu'il avait cru. Mais la police indonésienne a fait irruption et il a été considéré comme un trafiquant de drogue, un chimiste, car l'atelier servait en fait à transformer des stupéfiants. Les procès n'ont pas eu toutes les garanties pour la défense, ne serait-ce qu'à cause de la langue indonésienne. Depuis dix-sept ans, il clame ainsi son innocence pour la drogue et reconnaît sa culpabilité pour le travail au noir. Il est en prison depuis dix-neuf ans, ce qui, pour du travail au noir, est cher payé. Depuis 2015, il n'a plus aucun recours possible.

    En Indonésie, comme dans d'autres pays voisins, le trafic de drogue est lourdement puni car c'est un véritable fléau social. Le nouveau Président indonésien, Joko Widodo, élu le 9 juillet 2014 et entré en fonction le 20 octobre 2014, partisan de l'ouverture économique de son pays, s'est fait élire sur une sévérité accrue contre les trafiquants de drogue. Ainsi, il a interrompu le moratoire sur les exécutions qui ont repris sous son premier mandat, trois fois, principalement des condamnés étrangers : le 18 janvier 2015, le 29 avril 2015 et le 29 juillet 2016.

    Le 22 avril 2015, le nom de Serge Atlaoui figurait sur la liste des personnes à exécuter le 29. La liste est publiée quelques jours avant l'exécution pour donner le temps aux familles des condamnés de venir les rencontrer une dernière fois. Le 25 avril 2015, in extremis, son nom et celui de Mary Jane Veloso ont été retirés. Les deux ont aussi échappé à la troisième série d'exécutions le 29 juillet 2016.

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    Pour Serge Atlaoui, il y a eu une sorte d'instrumentalisation de l'horreur par les autorités indonésiennes puisque peu auparavant, le 20 juillet 2016, a été définitivement adoptée à l'Assemblée Nationale une loi importante sur la biodiversité, qui aurait dû taxer plus lourdement les produits à base d'huile de palme (loi n°2016-1087 du 8 août 2016), ce qui aurait eu des effets économiques néfastes sur les palmeraies indonésiennes. Dans cet odieux chantage, l'Indonésie a gagné, puisque la taxe n'a finalement pas été votée (on a parlé de pression sur certains parlementaires de la majorité de gauche à l'époque).

    Mary Jane Veloso (aujourd'hui 39 ans) était une jeune mère employée de maison de nationalité philippine venue chercher du travail en Indonésie. Elle a été arrêtée à l'aéroport de Jakarta en avril 2010 en possession de 2,6 kilogrammes d'héroïne. Elle a été piégée naïvement en Malaisie par des recruteurs véreux qui lui avaient donné pour mission de transporter des bagages dont elle ne connaissait pas le contenu. Ce n'était pas la première à avoir été ainsi trompée par des recruteurs qui profitent de la précarité de ces immigrées en leur faisant prendre des risques monstrueux, et étant donné la sévérité de la justice indonésienne, elle a été condamnée à mort en octobre 2010, et faisait partie, comme Serge Atlaoui, de la liste des personnes à exécuter le 29 avril 2015.


    Son nom a toutefois été heureusement retiré in extremis, mais à la différence de Serge Atlaoui, qui a été défendu discrètement et en permanence par la diplomatie française, Mary Jane Veloso n'a pas été protégée par le Président des Philippines, Rodrigo Duterte, élu le 9 mai 2016 et en exercice entre le 30 juin 2016 et le 30 juin 2022. Or Rodrigo Duterte, qui souhaitait aussi lutter efficacement contre les trafiquants de drogue dans son pays, acceptant voir encourageant leurs règlements de compte meurtrier (lutte par délégation !), n'a pas voulu vraiment intervenir sur la justice indonésienne.

    Depuis avril 2015, les deux condamnés à mort, le Français et la Philippine, sans remise de peine, sont encore dans les couloirs de la mort et risquaient jusqu'à la semaine dernière d'être exécutés à tout moment. Mais la situation a bougé très récemment.

    Rodrigo Duterte n'a pas pu se représenter à l'élection présidentielle aux Philippines du 9 mai 2022 parce que la Constitution limite à un seul mandat. Sa Vice-Présidente Leni Robredo s'est présentée à sa place mais Bongbong Marcos, également candidat, l'a battue, très confortablement élu dès le premier tour, avec 58,8% des voix. Son mandat a commencé le 30 juin 2022.

    Et ce Président philippin a annoncé le 24 novembre 2024 qu'un accord avait été trouvé entre l'Indonésie et les Philippines pour un retour d'ici à janvier 2025 de Mary Jane Veloso à Manille. Elle pourra poursuivre sa peine dans son pays, aux Philippines. Une annonce qui a bien sûr soulagé famille et amis de la jeune condamnée à mort car si elle quitte l'Indonésie, elle est sûre qu'elle ne sera pas exécutée.

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    Depuis cinq jours, les interrogations se faisaient donc également sur le sort du Français Serge Atlaoui jusqu'à cette déclaration officielle de Yusril Ihza Mahendra, le Ministre indonésien chargé des Affaires juridiques et des droits humains, ce vendredi 29 novembre 2024 en début de matinée à l'Agence France Presse (AFP). Selon lui, la France, par la voix de son ministre Didier Migaud, aurait officiellement demandé, au début de ce mois, au gouvernement indonésien le rapatriement de Serge Atlaoui. Pour l'instant, le Quai d'Orsay n'a pas confirmé l'information, préférant sans doute la discrétion tant qu'aucun accord n'est conclu.

    Yusril Ihza Mahendra avait expliqué le 28 novembre 2024 que l'Indonésie était en négociations avec trois pays, les Philippines, la France et l'Australie, pour le rapatriement de leurs ressortissants condamnés en Indonésie, et il espérait que ces transferts se fassent d'ici à la fin du mois de décembre 2024, ce qui serait un très heureux cadeau de Noël. Pour l'Australie, cela concernerait cinq Australiens condamnés à de lourdes peines de prison, membres d'un gang et arrêtés en 2005. Ce sujet serait abordé à Jakarta dans quelques jours lors de la visite du Ministre australien de l'Intérieur Tony Burke en Indonésie. Il ne faut pas oublier que parmi les condamnés exécutés le 29 avril 2015 se trouvaient des citoyens australiens.


    Selon l'association de défense des droits Kontras, il y aurait dans les prisons indonésiennes 530 personnes condamnées à mort qui attendent d'être exécutées, dont 88 étrangers. Un autre Français Félix Dorfin avait été arrêté à Lombrok et condamné à mort en 2019 pour trafic de drogue, et la peine a été commuée en une peine de dix-neuf ans de prison (Félix Dorfin a lui aussi toujours nié sa culpabilité).

    À l'évidence, si les choses bougent, c'est parce qu'il y a eu un changement à la tête de l'Indonésie. En effet, le nouveau Président de la République d'Indonésie Prabowo Subianto, élu le 14 février 2024, a pris ses fonctions il y a un mois, le 20 octobre 2024. Il était l'adversaire de son prédécesseur aux deux précédentes élections présidentielles. Joko Widodo a été réélu Président de la République d'Indonésie le 17 avril 2019, mais son adversaire a contesté les résultats. Toutefois, dans un retournement de l'histoire, Prabowo Subianto s'est finalement rapproché de Joko Widodo et a été nommé Ministre de la Défense le 23 octobre 2019. Un rapprochement à tel point que Joko Widodo, qui ne pouvait pas solliciter de troisième mandat (c'est limité à deux mandats), a soutenu à l'élection du 14 février 2024 son ancien rival Prabowo Subianto contre Ganjar Pranowo, le candidat de son propre parti ! En échange, Prabowo Subianto a pris sur sa liste, comme candidat à la Vice-Présidence, Gibran Rakabuming Raka, le propre fils de Joko Widodo. Prabowo Subianto a été élu dès le premier tour avec 58,6% des voix.

    Ce qui est étrange, c'est le parallèle présidentiel entre l'Indonésie et les Philippines. Les deux nouveaux Présidents ont été élus dès le premier tour avec à peu près le même score, 58% des voix. De plus, les deux ont une particularité commune, bien qu'élus démocratiquement. Bongbong Marcos est le fils du dictateur philippin Ferdinand Marcos, au pouvoir du 30 décembre 1965 au 25 février 1986, et Prabowo Subianto est le gendre du dictateur indonésien Suharto, au pouvoir du 12 mars 1967 au 21 mai 1998.

    Peut-être faut-il voir aussi le déblocage en Indonésie par le fait que ce pays commence à avoir des relations commerciales un peu plus importantes avec la France ? En particulier sur les armes ? Effectivement, alors Ministre de la Défense, Prabowo Subianto a été reçu à Paris en grandes pompes le 13 janvier 2020 par son homologue française Florence Parly. Deux ans plus tard, l'Indonésie a acheté à la France 42 Rafales pour un montant de 5,7 milliards d'euros, première tranche d'un programme plus vaste de 108 milliards d'euros prévu entre 2021 et 2024.

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    Qu'importe les raisons : Serge Atlaoui, comme Mary Jane Veloso, n'avait aucune raison de rester dans une prison indonésienne. Sur ce qu'il a vraiment commis comme délit, il l'a largement payé avec près de vingt ans de prison, ce qui est très lourd en France (c'est la peine demandée le 25 novembre 2024 par le parquet d'Avignon pour Dominique Pélicot dans le procès des 51 violeurs de Mazan). J'espère donc que Serge Atlaoui pourra passer les fêtes de fin d'année auprès des siens dans son pays. Sans être trop optimiste, cela paraît sérieusement probable.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (29 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Enfin une bonne nouvelle pour Serge Atlaoui ?
    Varisha Moradi.
    7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
    Une lueur d’espoir pour Serge Atlaoui ?
    Taxe Nutella : Serge Atlaoui, otage de l’huile de palme ?
    Vives inquiétudes pour Mary Jane Veloso.
    Le cauchemar de Serge Atlaoui.
    Peine de mort pour les djihadistes français ?

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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241129-serge-atlaoui.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/enfin-une-bonne-nouvelle-pour-257890

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/27/article-sr-20241129-serge-atlaoui.html








  • Il faut sauver la soldate Varisha Moradi !

    « Regardez son regard. Celui d’une femme iranienne, forte, courageuse, défiant la tyrannie là où le monde a détourné les yeux. Un regard que le régime de Téhéran a décidé d’éteindre, un matin, à l’heure de leur prière. Ils vont l’exécuter. (…) Sous la terreur, une autre voix s’éteint. Une autre flamme s’évanouit. Réveille-toi, monde. Ne laisse pas la bravoure mourir en silence. » (Maneli Mikhan, le 10 novembre 2024 sur Twitter).


     

     
     


    C'est avec stupeur mais sans illusion que ce dimanche 10 novembre 2024, les avocats et la famille de Varisha Moradi ont appris qu'elle a été condamnée à la peine de mort par la quinzième chambre du tribunal islamique révolutionnaire de Téhéran et qu'un ordre d'exécution a été donné.

    Le verdict a conclu un simulacre de procès qui s'est tenu en deux audiences le 16 juin 2024 et le 5 octobre 2024, au cours desquelles Varisha Moradi n'a pas pu exercer son droit à se défendre, ni ses avocats qui n'ont eu accès au dossier qu'à l'issue de la seconde audience pendant seulement quelques heures.

    Opposante déterminée de la dictature des mollahs, Varisha Moradi, qui est par ailleurs une prisonnière politique kurde (les Kurdes iraniens sont pourchassés dans leur pays), a été condamnée à mort officiellement pour "insurrection armée" (ou "rébellion armée") [baghi]. Elle est membre de la Société des femmes libres du Kurdistan oriental (KJAR). Elle avait été arrêtée le 1er août 2023 à Sanandaj, la capitale la province iranienne du Kurdistan (qui compte 850 000 habitants), par les agents du Ministère du Renseignement.

    Ce pseudo-procès a été mené par le président (depuis 2009) de cette chambre spéciale qui juge les affaires politiques les plus importantes, à savoir le tristement célèbre Abolqasem Salavati, connu pour utiliser la torture dans les instructions judiciaires afin d'obtenir les aveux des accusés, et pour les condamner à mort par dizaines (34 selon l'ONG "United for Iran"). Il a notamment condamné à mort et fait exécuter par pendaison Mohsen Shekari, une jeune personne de 23 ans qui aurait blessé un milicien en 2022 (le corps de Mohsen n'a jamais été rendu à la famille), il a aussi fait exécuter le 14 janvier 2023 le citoyen irano-britannique
    Alireza Akhbari malgré l'indignation de la communauté internationale.

    Selon des juristes, la condamnation à mort de Varisha est en contradiction avec l'acte d'accusation qui a fait référence à l'article 288 du code pénal islamique, qui prévoit une peine maximale de quinze d'emprisonnement. Mais Abolgasem Salavati a justifié la condamnation à mort par l'article 287 qui prévoit la peine de mort aux personnes convaincues de résistance armée contre la République islamique. Ces arguties juridiques paraissent bien anecdotiques lorsque le pouvoir en place veut éliminer ses opposants. En Iran, l'État de droit n'est qu'une vue très théorique de l'esprit, voire très théocratique.

     

     
     


    Enfermée à la prison d'Evin à Téhéran depuis le 14 août 2023, Varisha n'a plus le droit de revoir sa famille depuis le 6 mai 2024. Elle a fait une grève de la faim du 10 au 30 octobre 2024 pour protester contre la condamnation à mort et l'exécution d'autres prisonniers politiques en Iran et plus généralement dans le monde. En raison de son état de santé, elle a dû être hospitalisée une nuit à l'extérieur de la prison puis est retournée dans sa cellule au quartier d'isolement. Le 4 août 2024, Varisha avait déjà refusé de se présenter à l'audience de son procès pour protester contre la condamnation à mort prononcée contre Pakhshan Azizi et contre Sharifeh Mohammadi.

    En octobre 2024, Varisha a réussi à faire parvenir un message à la Radio Zamaneh (station privée qui émet en persan pour l'Iran depuis Amsterdam) : « Ne laissez pas les guerres extérieures éclipser la répression interne. Ma grève de la faim s’inscrit dans cet effort. Nous ne permettrons à aucun prix que les voix des combattants intérieurs qui se sont courageusement levés soient noyées par le bruit des guerres et des aventures vaines. ».

    Le Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI) a fermement condamné la condamnation à mort de Varisha Moradi et a appelé à une réaction majeure de la communauté internationale pour réclamer vivement sa libération.

    Oui, il faut sauver la soldate Varisha ! On peut croire que l'agitation médiatique est vaine face aux rouleaux-compresseurs des révolutionnaires islamiques, mais parfois, cela peut infléchir leurs décisions. Ainsi, après une vive protestation de la communauté internationale contre la condamnation à mort du chanteur populaire
    Toomaj Salehi le 24 avril 2024 pour "corruption sur Terre", le chanteur a vu sa peine annulée par la Cour suprême iranienne le 22 juin 2024 en attendant la révision de son procès. Cela signifie très clairement que la mobilisation internationale (notamment à Paris, Sidney, Toronto) a porté ses fruits et fait basculer certains juges dans le doute. Mobilisons-nous aussi pour sauver Varisha Moradi ! Elle est simplement accusée d'être Kurde et de vouloir être une femme libre. Toute action de soutien est donc la bienvenue et peut faire infléchir ces barbus misogynes.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (10 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Varisha Moradi.
    Aïnaz Karimi.
    Arezou Khavari.
    Ahou Daryaei.
    Ebrahim Raïssi.
    Khosro Besharat.
    Mobilisons-nous pour Toomaj Salehi !
    Fatwa de mort contre Salman Rushdie.
    Alireza Akbari.
    Mehran Karimi Nasseri.
    Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Mahsa Amini, les femmes iraniennes, leur liberté et Claude Malhuret.
    Révolution : du rêve républicain à l’enfer théocratique de Bani Sadr.
    L'Iran de Bani Sadr.
    De quoi fouetter un Shah (18 février 2009).
    N’oubliez pas le Guide (20 février 2009).
    Incompréhensions américaines (1) et (2).
    Émission de France 3 "L’Iran et l’Occident" (17-18 février 2009).
    Session de septembre 2006 à l’ONU : Bush, Ahmadinejad, Chirac.
    Dennis Ross et les Iraniens.
    Un émissaire français à Téhéran.
    Gérard Araud.
    Stanislas de Laboulaye.
    Des opposants exécutés par pendaison en Iran.
    Expulsion de Vakili Rad, assassin de Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, par Brice Hortefeux à la suite du retour de l'étudiante Clotilde Reiss.
    Mort de l'ancien Premier Ministre iranien Mohammad Reza Mahdavi-Kani à 83 ans le 21 octobre 2014.
     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241110-varisha-moradi.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/il-faut-sauver-la-soldate-varisha-257637

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/12/article-sr-20241110-varisha-moradi.html




     

  • La France criminelle ?

    « La France a tué mon mari ! » (la veuve du gendarme Éric Comyn tué par un chauffard multirécidiviste, le 28 août 2024 à Mandelieu).



     

     
     


    Le lundi 26 août 2024 vers 20 heures 30, l'adjudant Éric Comyn a été mortellement blessé par un chauffard au cours d'un contrôle routier à Mougins, dans les Alpes-Maritimes, sur une bretelle de sortie de l'autoroute A8.

    Tristesse. C'est d'abord un immense drame humain. Le gendarme avait 54 ans, allait prendre sa retraite l'année prochaine, et laisse sur le carreau une famille effondrée, sa femme Harmonie et ses deux enfants, 17 ans et 12 ans. Colère. C'est ensuite une interrogation très lourde : l'auteur de l'homicide (du meurtre) était un chauffard multirécidiviste bien connu des services de la police. La justice avait fait son travail, le chauffard avait été condamné et avait fait ses peines.

    Malheureusement, ce genre de drame n'est pas le premier et on craint qu'il ne soit pas le dernier. Les refus d'obtempérer sont nombreux sur les routes de France (plusieurs dizaines de milliers par an) et l'issue reste souvent soit l'impunité, soit la victoire de la loi, mais parfois, il y a des drames, soit un membre des forces de l'ordre qui tire sur le fugitif, soit, au contraire, le délinquant qui fonce sur le membre des forces de l'ordre. L'un pouvant provoquer l'autre, d'ailleurs.

     

     
     


    Comme souvent, certains mouvements politiques tentent d'exploiter ce genre de drame humain et le font plus ou moins subtilement. En revanche, ce qui s'est passé deux jours plus tard, le mercredi 28 août 2024, à l'occasion d'un hommage rendu à Éric Comyn à Mandelieu, était assez exceptionnel. En effet, la veuve du gendarme, Harmonie Comyn a pris la parole en public, au cours ce cette cérémonie, et a chargé lourdement la France, la politique française depuis plus d'une quarantaine d'années, en fustigeant le laxisme des lois et des juges.

    Ses mots étaient très durs. Elle a répété cinq fois : « La France a tué mon mari ! », pour, chaque fois, évoquer une raison de son affirmation. Par exemple : « La France a tué mon mari par son insuffisance, son laxisme et son excès de tolérance. ». Les mots durs étaient très politiques mais apparemment pas téléphonés, pas manipulés, pas soufflés par des politiques. Elle a remis en cause la politique des socialistes des années 1980 : « 1981 n'aurait jamais dû exister. » a-t-il proclamé en pensant à l'abolition de la peine de mort. Dans la même journée, le maire de Cannes David Lisnard, potentiel candidat LR à Matignon, a également prononcé un discours assez dur et sécuritaire lors d'un autre hommage au gendarme devant la mairie de Cannes. Un hommage national lui sera aussi rendu lundi 2 septembre 2024 à Nice présidé par le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer démissionnaire Gérald Darmanin.

    Comment réagir face à un tel discours de la veuve d'une victime terrible du refus d'obtempérer ? Les partis d'extrême droite et de droite dure n'ont pas hésité : ils se sont engouffrés dans la brèche ouverte par cette femme en y allant avec leur populisme sécuritaire habituel dont c'est le fonds de commerce habituel. C'était prévisible et ils n'avaient du reste pas besoin de ce discours pour instrumentaliser cette tragédie comme tant d'autres (et c'est aussi l'effet de cumul qui donne aussi à penser qu'ils auraient raison alors que rien n'est simple).


    À gauche, ce n'est guère mieux, et j'aurais envie de penser que c'est même pire. Dans les réseaux sociaux, Harmonie a été insultée par de nombreux internautes de gauche ultra qui n'ont aucun respect pour la peine infinie qu'on lui a déjà infligée par ce deuil. On ménage les personnes endeuillées, en général. La palme du plus odieux doit sans doute être attribuée au journal communiste "L'Humanité" qui a eu l'horreur de titrer : « 203e morts au travail en France depuis le 1er janvier ». Quel cynisme de la rédaction communiste ! Il ne s'agit pas d'un accident du travail, il s'agit d'un crime commis en toute conscience par un chauffard de 39 ans condamné déjà dix fois !

     
     


    Ce dernier a été arrêté le soir même devant le commissariat de Cannes, testé positif pour son alcoolémie, et a prétendu qu'il avait fui par panique, qu'il n'avait pas vu le gendarme quand il l'a renversé, mais des vidéos montreraient le contraire. La justice devra dire si cet homicide a été commis délibérément, auquel cas il s'agit d'un véritable meurtre, ou si, effectivement, il n'avait pas aperçu le gendarme et qu'il l'a malheureusement heurté. Dans tous les cas, ce n'est pas un accident du travail, dû à pas d'chance ou à de mauvaises protections, mais bien d'un meurtre plus ou moins conscient par son auteur présumé.

    Le journaliste Patrick Cohen, dans sa chronique politique du 29 août 2024, s'est posé la question que je me suis aussi posée en écoutant le discours véhément d'Harmonie Comyn : que peut-on faire d'un tel discours ? Moi, j'aurais modestement tendance à dire : pas l'opposer à des arguments, mais prendre en compte sa a rage, comprendre sa rage. Ce discours ne doit pas être blâmé. Parce qu'il a été prononcé par une femme qui a perdu à la fois son compagnon et le père de ses enfants. On doit la respecter. Elle a exprimé sa colère en même temps que sa tristesse. Elle reste dans l'émotionnel et ils sont rares, les proches des victimes, capables de s'exprimer publiquement. Je le dis suffisamment à l'aise que moi-même qui voulais prononcer quelques mots à l'enterrement de mon père, j'en ai été incapable sur le moment, la voix m'avait manqué. Il faut du courage et de la force pour prononcer un discours lorsqu'on est si endeuillé.

    Ce qu'a convenu en tout cas l'éditorialiste de France Inter, c'est que toute réponse rationnelle est inutile. Inutile pour la personne qui a prononcé ces mots à la fois durs et injustes. Inutile car aucune réponse n'est audible quand on est dans un tel chagrin, meurtri par l'effondrement d'une vie commune qui a duré une trentaine d'années.


    Harmonie Comyn a formulé deux demandes au cours de son discours : que les médias ne se méprennent pas de ce qu'elle a déclaré, par exemple, elle a fustigé les récidivistes, pas les étrangers. La seconde demande, c'est qu'elle ne soit pas récupérée par les politiques (mais là, c'était déjà trop tard, l'extrême droite et les médias qui l'entourent n'ont pas hésité une seconde pour matraquer, c'était de toute façon couru d'avance).

    Patrick Cohen le dit clairement : « En pleurant son mari mort par la France, par la faute selon elle d’une société pas assez répressive, Harmonie Comyn nous interpelle, décideurs et citoyens, et nous force à réfléchir. Il ne faut ni silence, ni démagogie. ». Il croit alors utile de répondre par un discours rationnel, qui ne sera pas audible par la famille, mais par ceux qui ont entendu le discours injuste et excessif de cette veuve et mère de famille désespérée.
     

     
     


    Ainsi, le rétablissement de la peine de mort n'aurait pas empêché concrètement la mort du gendarme, car le chauffard, aussi délinquant fût-il, n'avait pas de quoi être condamné à mort même dans une société ultrapunitive, ultrarépressive. De plus, la peine de mort n'a jamais empêché les crimes d'être commis car les criminels sont dans un état second (une courte folie ?) qui les inhibe complètement de ces préventions sociales.

    La vengeance et la peine de mort n'ont jamais eu de valeur dissuasive. Patrick Cohen s'est souvenu d'une lecture qui l'avait marqué : « Arthur Koestler racontait comment, dans l’Angleterre du XVIIIe siècle qui condamnait à mort les voleurs de biens de plus de 40 shillings, les badauds qui assistaient aux pendaisons de pickpockets, se faisaient détrousser. Par d’autres pickpockets. ». C'est la même histoire cyclique que le bourreau qui se fait exécuter (selon Franquin).

    La meilleure réponse à apporter est peut-être celle d'une victime d'un délit routier qui est membre de l'association Victimes Solidaires et qui veut sensibiliser les gens sur les risques qu'ils encourent à conduire n'importe comment (par exemple, en téléphonant, en étant imbibé d'alcool ou d'autres substances, etc.). Il réclame le droit d'assister voire de proposer des exposés aux stagiaires de la formation pour la récupération de points du permis de conduire. Ce qu'il constate, c'est que souvent, les présumés chauffards ne savaient pas qu'ils se mettaient autant en danger et qu'ils mettaient les autres usagers de la route autant en danger.


    Ce militant associatif parlait sur LCI du scandale des accidents de la route qui tuent encore environ 10 personnes par jour en France. Éric Comyn, gendarme, ne faisait que vouloir faire appliquer le code de la route. Il en est mort par un fou furieux de chauffard. J'espère que les juges seront sévères avec celui-ci, mais dans le cadre de nos lois et notre État de droit (le chauffard a le droit à une défense). Pas dans le cadre d'une justice expéditive proposée par feu Alain Delon.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (31 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240828-comyn.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/la-france-criminelle-256542

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/30/article-sr-20240828-comyn.html


     

  • La mort d'Ebrahim Raïssi, le boucher de Téhéran, confirmée

    « Il sera difficile de trouver pire qu'Ebrahim Raïssi. » (Tamir Hayman, le 20 mai 2024, "Jerusalem Post").



     

     
     


    Il n'y a pas de justice dans l'histoire du monde et la succession plus ou moins chaotique des événements. Pour autant, la mort confirmée ce lundi 20 mai 2024 du Président de la République islamique d'Iran Ebrahim Raïssi (63 ans), considéré comme un ultra-dur du régime théocratique et surnommé le boucher de Téhéran, ne fera pas pleurer tous ceux qui, en Iran, ont été ses victimes depuis plus de trente-cinq ans.

    Donné comme le successeur potentiel de l'ayatollah Ali Khamenei (qui vient d'avoir 85 ans le 19 avril dernier), Guide Suprême de la Révolution islamique depuis le 4 mai 1989 (succédant à Rouhollah Khomeini) et à ce titre, le véritable maître de l'Iran, Ebrahim Raïssi, Président de la République depuis le 3 août 2021, avait été l'un des juges les plus cruels à partir de 1985 comme procureur adjoint de Téhéran, condamnant à mort à tour de bras les opposants au régime en 1988. Depuis son arrivée au pouvoir, le régime s'était durci, multipliant condamnations à mort et exécutions, renforçant la chasse aux femmes refusant de se voiler en intensifiant l'action de la police des mœurs, et menant aussi un programme d'enrichissement de l'uranium qui a de quoi inquiéter l'ensemble de la planète.

    L'annonce de la mort d'Ebrahim Raïssi s'est faite en deux temps. Le 19 mai 2024, on a annoncé la disparition de l'hélicoptère présidentiel en raison d'un « incident d'atterrissage brutal ». Les conditions météorologiques auraient empêché de localiser rapidement l'appareil (la zone est une forêt sous pluie et brouillard). Le 20 mai 2024, l'épave de l'hélicoptère a été identifiée et la mort d'Ebrahim Raïssi confirmée. Il était accompagné dans son infortune fatale de huit autres personnes dont Hossein Amir Adbollahian (60 ans), le Ministre iranien des Affaires étrangères, Malek Rahmati (42 ans), le nouveau gouverneur de la province de l'Azerbaïdjan oriental (en Iran), Mohammad Ali Ale-Hashem, le représentant du guide suprême dans cette province, ainsi que deux gardes du corps et trois membres d'équipages, qui, eux non plus, n'ont pas survécu à l'accident (certains corps, toutefois, brûlés, n'ont pas pu être identifiés).

     

     
     


    Ebrahim Raïssi venait de quitter son homologue Ilham Aliyev, Président de la République d'Azerbaïdjan depuis le 31 octobre 2003, rencontré le 19 mai 2024 à la frontière entre les deux pays, près de Djolfa. Peu avant, les deux chefs d'État avaient inauguré le nouveau barrage hydroélectrique de Qiz Qalasi, en Azerbaïdjan. L'hélicoptère présidentiel devait se rendre à Tabriz, la capitale de la province iranienne d'Azerbaïdjan oriental. Il se serait écrasé près de la mine de cuivre de Sungun ou dans la forêt de Dizmar, entre Ozi et Khoineroud.

    Alors que, dans la nuit du 19 au 20 mai 2024, le guide suprême a recommandé au peuple de prier pour la santé d'Ebrahim Raïssi, ce furent souvent, au contraire, des explosions de joie qui ont accueilli l'annonce de l'accident et de la mort probable de ce Président sanguinaire. En particulier, des feux d'artifice ont été lancés pour se réjouir de cette information à Saqqez, la ville de la jeune étudiante d'origine kurde Jina Mahsa Amini, tuée à près de 22 ans le 16 septembre 2022 par la police des mœurs alors qu'elle avait été arrêtée pour « port de vêtements inappropriés ». Le Président Emmanuel Macron a d'ailleurs rencontré Ebrahim Raïssi le 20 septembre 2022, en marge de l'Assemblée Générale de l'ONU, pour déplorer cette mort et évoquer le programme nucléaire iranien.

     

     
     


    Considéré comme le dauphin d'Ali Khamenei, Ebrahim Raïssi a été élu Président de la République islamique d'Iran le 18 juin 2021 pour succéder à Hassan Rohani, qui ne pouvait plus se représenter. Aucun candidat réformiste n'ayant été autorisé à se présenter (pour éviter l'échec de l'élection précédente), Ebrahim Raïssi, sans surprise, a été élu dès le premier tour avec 72,4% des voix, mais avec une très faible participation (seulement 48,8% des inscrits). Ebrahim Raïssi avait effectivement déjà présenté sa candidature à l'élection présidentielle du 19 mai 2017, mais il avait été battu avec 38,3% des voix dès le premier tour par le Président sortant Hassan Rohani 57,1% (avec 73,3% de participation).

    Lors de l'élection en 2021, Amnesty International avait réclamé une enquête sur Ebrahim Raïssi pour crimes contre l'humanité pour avoir pris part à l'exécution massive et à la disparition de plusieurs milliers d'opposants en 1988, parfois hors de toute procédure judiciaire.


    Soutien indéfectible de Vladimir Poutine dans sa tentative d'invasion contre l'Ukraine, Ebrahim Raïssi a attaqué directement l'État d'Israël par l'envoi de plus de 330 drones et missiles dans la nuit du 13 au 14 avril 2024, en riposte au bombardement du consulat iranien à Damas par Israël qui a tué le général iranien Mohammad Reza Zahedi, l'un des principaux organisateurs du massacre du 7 octobre 2023 par les terroristes du Hamas. Le Président iranien a également intensifié son soutien au Hamas, au Hezbollah au Liban ainsi qu'au mouvement Houthi au Yémen.

    Le Premier Vice-Président Mohammad Mokhber (68 ans) succède donc à Ebrahim Raïssi pour assurer l'intérim et organiser dans les cinquante jours une nouvelle élection présidentielle. Avec cette mort, les conservateurs sont en crise, et "The Economist" voit dans celle-ci l'occasion pour Ali Khamenei de désigner son propre fils Mojtaba Khamenei comme successeur. Le prochain guide suprême devrait être formellement désigné par les 88 membres de l'Assemblée des experts élus en mars 2024 (ou leurs successeurs).


    Le "Jerusalem Post" a cité, le 20 mai 2024, l'ancien chef du renseignement de Tsahal, Tamir Hayman, pour qui « il sera difficile de trouver pire qu'Ebrahim Raïssi » pour lui succéder. Sa mort n'est donc pas sans importance politique en Iran puisqu'il devait aussi succéder au guide suprême. C'est donc pour le peuple iranien un véritable soulagement et il n'a pas hésité à exprimer sa joie. Les bourreaux n'ont jamais bonne presse... même à titre posthume.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Ebrahim Raïssi.
    Khosro Besharat.
    Mobilisons-nous pour Toomaj Salehi !
    Fatwa de mort contre Salman Rushdie.
    Alireza Akbari.
    Mehran Karimi Nasseri.
    Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Mahsa Amini, les femmes iraniennes, leur liberté et Claude Malhuret.
    Révolution : du rêve républicain à l’enfer théocratique de Bani Sadr.
    L'Iran de Bani Sadr.
    De quoi fouetter un Shah (18 février 2009).
    N’oubliez pas le Guide (20 février 2009).
    Incompréhensions américaines (1) et (2).
    Émission de France 3 "L’Iran et l’Occident" (17-18 février 2009).
    Session de septembre 2006 à l’ONU : Bush, Ahmadinejad, Chirac.
    Dennis Ross et les Iraniens.
    Un émissaire français à Téhéran.
    Gérard Araud.
    Stanislas de Laboulaye.
    Des opposants exécutés par pendaison en Iran.
    Expulsion de Vakili Rad, assassin de Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, par Brice Hortefeux à la suite du retour de l'étudiante Clotilde Reiss.
    Mort de l'ancien Premier Ministre iranien Mohammad Reza Mahdavi-Kani à 83 ans le 21 octobre 2014.

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240520-ebrahim-raissi.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/la-mort-d-ebrahim-raissi-le-254757

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/20/article-sr-20240520-ebrahim-raissi.html



     

  • Kohsro Besharat pendu pour corruption sur terre ce mercredi 15 mai 2024

    « Il est (…) temps pour les États de lancer des procédures pénales, en vertu du principe de compétence universelle, à l’encontre de toutes les personnes soupçonnées de responsabilité pénale pour des crimes relevant du droit international, même s’il s’agit de hauts responsables iraniens. » (Diana Eltahawy, le 24 janvier 2024).



     

     
     


    Ce matin, je me suis réveillé avec la nausée. J'ai appris que Khosro Besharat (39 ans) venait d'être exécuté par pendaison ce mercredi 15 mai 2024 dans la prison de Ghezel Hesar à Karadj, dans la province d'Alborz, en Iran. De quoi avoir envie de vomir toute la journée. Je n'ai pas entendu ceux qui, à l'indignation facile, occupaient l'IEP de Paris pour s'indigner de ce qui se passe à Gaza en fermant systématiquement les yeux sur ce qui se passe dans les régimes islamiques, en particulier en Iran, pays qui condamne à mort et exécute à tour de bras, le champion du monde de l'exécution, avec au moins 853 exécutions en 2023.

    La mère de cette énième victime des mollahs, Khadijeh Azar-Pouya avait adressé une lettre au rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran, Javaid Rehman, en février 2020 pour lui demander de prendre des mesures juridiques afin d'arrêter et révoquer l'ordre d'exécution de son fils. Elle a accusé le Ministère iranien du Renseignement d'avoir orchestré un complot à Mahabad et Orumiyeh pour condamner son fils et les six autres co-accusés : « Mon fils n'avait que 24 ans quand il a été arrêté (…). Il a passé la fleur de sa jeunesse en détention sans avoir commis aucun crime. Je suis complètement brisée et vieillie, et les mots rire et joie n'ont plus de sens pour moi. (…) Ce qui est (…) douloureux et frustrant, c'est qu'après plus de dix ans d'attente pour l'acquittement et la libération de mon fils, uniquement en raison de l'absence de toute preuve ou fondement pour prouver sa culpabilité, la 41e chambre de la Cour suprême a malheureusement confirmé la condamnation à mort (…). Comment est-il possible que [cette chambre] de la Cour suprême puisse annuler la première condamnation à mort (…) sur la base de preuves et d'aveux insuffisants, mais que la deuxième fois, sans aucun changement dans l'affaire, elle confirme ce verdict ? ».

    Khosro Besharat était un Kurde sunnite et il ne faisait pas bon de vivre au pays des mollahs (chiites). Il avait 24 ans quand il a été arrêté en janvier 2010 à Mahabad, dans la province de l'Azerbaïdjan occidental, comme prisonnier politique de la minorité kurde.

    Dans une lettre écrite en 2021, Khosro Besharat a raconté son calvaire pendant sa détention (citée par le site Kurdistan Human Rights Network) : « C’était en janvier 2010 lorsque j’ai été arrêté par les forces de renseignement à Mahabad et immédiatement transféré au Ministère du Renseignement à Orumiyeh. Ils m’ont soumis à diverses formes de torture pendant un mois complet en cellule d'isolement. Souvent, de minuit au matin, des bruits terrifiants, des cris et des hurlements de quelqu’un en train d’être torturé remplissaient l’air, instillant la peur et le tremblement dans tout mon corps. Je n’ai pas pu dormir jusqu’au matin à cause de la peur, et cela m’a beaucoup affligé et torturé mentalement. Ils m’attaquaient souvent les mains par derrière, me faisant gémir de douleur. Plusieurs fois, ils m’ont suspendu au plafond pendant des heures avec des menottes, et à d’autres moments, ils m’ont retenu sur un lit, frappant violemment la plante de mes pieds avec des câbles électriques, faisant presque sortir mon cerveau de ma bouche, et mon mes yeux se détachaient de leurs orbites, tandis que mon cœur avait l’impression qu’il était sur le point d’éclater. (…) Ces tortures ont continué pendant trois semaines, après quoi ils ont menacé d’arrêter les membres de ma famille. Durant ces tortures et menaces, l’interrogateur a noté les charges retenues contre moi et, dans cet état, j’ai été obligé de signer et de laisser mes empreintes digitales sur le même papier. À ce moment-là, j’avais l’impression de ne pas exister dans ce monde et je ne savais pas que je signais. ».
     

     
     


    En mars 2016, un procès bâclé et très inéquitable l'a condamné, ainsi que six autres co-accusés, pour « action contre la sécurité nationale », « propagande contre le régime », « appartenance à des groupes salafistes » et « propagation de corruption sur terre ». Khosro Besharat et ses tristes compagnons d'infortune n'avaient pas pu se défendre de ces accusations fallacieuses. Jugés par la 28e chambre du célèbre et cruel tribunal révolutionnaire islamique de Téhéran, présidée par le juge Moghiseh, les prévenus ont été informés le 25 mai 2016 de leur condamnation à mort.

    Après un recours, l'affaire a été renvoyée devant la 41e chambre de la Cour suprême présidée par le juge Razini qui a annulé le verdict en 2017 et a renvoyé l'affaire à la 15e chambre du tribunal révolutionnaire islamique de Téhéran, présidée par le juge Abolghasem Salavati. Cette dernière a confirmé les sept condamnations à mort en juin 2018. Après un nouveau recours devant la 41e chambre de la Cour suprême, cette dernière a validé le verdict le 3 février 2020 sous la pression du Ministère du Renseignement. En septembre 2020, la 38e chambre de la Cour suprême a rejeté un nouveau recours pour obtenir un nouveau procès.

    Par ailleurs, Khosro Besharat et ses autres compagnons d'infortune ont été condamnés le 30 juin 2018 à dix ans de prison par la 12e chambre de la cour d'appel d'Orumiyeh, accusés dans une autre affaire d'un « implication dans un meurtre » par une collision avec une automobile (qu'ils ont nié farouchement ; on notera cependant qu'en Iran, il est moins dangereux d'être l'auteur d'un meurtre que d'une "corruption sur terre").

    Au contraire d'un semblant de procédure (avec appel, recours, etc.), ces procès étaient truqués, les juges ont abouti à leur verdict en quelques minutes seulement sur la seule base des aveux exprimés sous la torture.

    Khosro Besharat a été mis en isolement dans sa prison le 1er mai 2024, juste après l'exécution d'un de ses co-accusés, Anvar Khezri. Cela pressentait hélas une exécution imminente. Anvar Khezri avait lui-même été mis à l'isolement la veille de son exécution, le 30 avril 2024 et sa famille n'a pas été avertie pour un ultime adieu. Khosro Besharat, lui, a quand même pu revoir sa famille le 5 mai 2024, seulement vingt minutes, pour lui dire adieu. Quatre autres co-accusés ont été exécutés avant eux : Ghasem Abasteh le 5 novembre 2023 (torturé peu avant son exécution), Ayoub Karimi le 29 novembre 2023, Davoud Abdollahi le 2 janvier 2024 et Farhad Salimi le 23 janvier 2024.

     
     


    Le 24 janvier 2024, à la suite de cette troisième exécution, la directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International Diana Eltahawy, avait vivement réagi : « L’exécution arbitraire de Farhad Salimi met en évidence une tendance alarmante des autorités iraniennes à recourir de manière disproportionnée à la peine de mort contre des membres de minorités ethniques opprimées d’Iran. L’exécution arbitraire de Mohammad Ghobadlou a sidéré ses proches et son avocat, qui attendaient qu’il soit rejugé, sans savoir que les autorités judiciaires au plus haut niveau contournaient secrètement les procédures et bafouaient de manière flagrante les principes fondamentaux de l’humanité et de l'État de droit. ». Mohammad Ghobadlou avait été exécuté le même jour que Farhard Salimi, et était un manifestant de 23 ans souffrant d'un handicap mental accusé d'avoir renversé un fonctionnaire pendant une manifestation (son procès avait pourtant été annulé le 25 juillet 2023 mais le nouveau procès n'a jamais eu lieu).

    Et Diana Eltahawy de poursuivre : « L’implacable frénésie meurtrière des autorités iraniennes à la suite du soulèvement ”Femme. Vie. Liberté“, qui a conduit à l’exécution arbitraire de centaines de personnes à l’issue de procès manifestement inéquitables au cours de l’année écoulée, souligne la nécessité de renouveler et d’étendre respectivement les mandats du rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Iran et de la mission d’établissement des faits des Nations Unies, lors de la prochaine session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Il est également temps pour les États de lancer des procédures pénales, en vertu du principe de compétence universelle, à l’encontre de toutes les personnes soupçonnées de responsabilité pénale pour des crimes relevant du droit international, même s’il s’agit de hauts responsables iraniens. ».

    À la mort de leur co-accusés, en janvier 2024, Anvar Khezri, Khosro Besharat et Kamran Sheikheh avaient observé une grève de la faim pour protester contre leur procès inique. Sans effet sur les autorités iraniennes, froides et cyniques.


    Le septième co-accusé de cette imposture de procès est Kamran Sheikheh, lui aussi sous isolement depuis quinze jours, et tout indique qu'il sera hélas très prochainement exécuté. Honte à ce régime assassin, alors que dans les années 1970, l'Iran était un pays moderne avec les femmes capables de faire autant que les hommes, sans soumission de genre. Depuis 1979, la potence est devenue le seul outil pour se faire respecter. Que les victimes de ce régime abominable reposent en paix. Et que les tortionnaires s'inquiètent à jamais.


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    Sylvain Rakotoarison (15 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Khosro Besharat.
    Mobilisons-nous pour Toomaj Salehi !
    Fatwa de mort contre Salman Rushdie.
    Alireza Akbari.
    Mehran Karimi Nasseri.
    Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Masha Amini, les femmes iraniennes, leur liberté et Claude Malhuret.
    Révolution : du rêve républicain à l’enfer théocratique de Bani Sadr.
    L'Iran de Bani Sadr.
    De quoi fouetter un Shah (18 février 2009).
    N’oubliez pas le Guide (20 février 2009).
    Incompréhensions américaines (1) et (2).
    Émission de France 3 "L’Iran et l’Occident" (17-18 février 2009).
    Session de septembre 2006 à l’ONU : Bush, Ahmadinejad, Chirac.
    Dennis Ross et les Iraniens.
    Un émissaire français à Téhéran.
    Gérard Araud.
    Stanislas de Laboulaye.
    Des opposants exécutés par pendaison en Iran.
    Expulsion de Vakili Rad, assassin de Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, par Brice Hortefeux à la suite du retour de l'étudiante Clotilde Reiss.
    Mort de l'ancien Premier Ministre iranien Mohammad Reza Mahdavi-Kani à 83 ans le 21 octobre 2014.
     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240515-khosro-besharat.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/kohsro-besharat-pendu-pour-254693

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/15/article-sr-20240515-khosro-besharat.html





     

  • Mobilisons-nous pour soutenir Toomaj Salehi !

    « La vraie mort, c'est se résigner au désespoir. Si nous sommes désespérés, nous ne bougeons plus, nous devenons passifs. Nous allons alors rater toutes les occasions que nous avons, qu'elles soient grandes ou petites. Nous les transformons en zéros, comme si, avec nos propres mains, nous abattons notre victoire. C'est pour ça qu'ils coupent l'Internet. C'est pour ça que des journalistes, des reporters, des blogueurs, des artistes et des athlètes sont arrêtés, pour qu'on ne sache pas ce qui se passe autour de nous. S'il y a un jour le silence autour de nous, qu'on pense que le silence s'est imposé partout, que tout le monde a abandonné, qu'on pense que c'est fini, qu'on a perdu, qu'on accepte la défaite, ils vont faire de leur mieux pour nous imposer la défaite. » (Toomaj Salehi, 2024).



     

     
     


    Le rappeur iranien Toomaj Salehi vient d'être condamné à mort le mercredi 24 avril 2024 par la tribunal révolutionnaire d'Ispahan. Il risque l'exécution par pendaison parce qu'il a été déclaré coupable d'incitation à la sédition, de rassemblement, de conspiration, de propagande contre le système, d'appel aux émeutes, de corruption sur terre, de guerre contre Dieu. Il avait été auparavant plusieurs fois condamné à des peines de prison.

    À 33 ans, Toomaj Salehi est un chanteur populaire très connu en Iran, notamment parmi la jeunesse. Il chante depuis 2016 sur les problèmes des jeunes et des femmes (aussi des animaux) dans la société iranienne et a participé aux mobilisations contre le régime islamique. Il a été arrêté le 12 septembre 2021 puis relâché le 21 septembre 2021. Il s'est engagé dans la contestation de la république islamique après l'assassinat de Masha Amini (le 16 septembre 2022), arrêtée par la police des mœurs pour ne pas avoir porté le voile. Il est devenu une figure populaire et courageuse de la contestation iranienne. Il a alors été arrêté de nouveau le 30 octobre 2022, a subi des tortures, a été incarcéré en isolement pendant près d'un an, puis a été relâché le 19 novembre 2023. Mais il a été encore arrêté le 30 novembre 2023 après avoir publié des chansons qui dénonçaient les tortures dont il a été victime.

    Et aussi après avoir témoigné dans les réseaux sociaux la vérité : « J'ai été beaucoup torturé lors de mon arrestation. Ils m'ont cassé les bras et les jambes. Ils frappaient beaucoup mon visage et ma tête. Je tentais d'éviter les coups avec les mains. Ils m'ont cassé les doigts. Ce n'est pas très racontable. Ça a duré très longtemps. Un détenu politique m'a dit : ce qu'ils t'ont injecté dans le cou, c'était probablement de l'adrénaline pour que tu ne t'évanouisse pas, pour que tu sois éveillé pendant la torture et que tu sentes la douleur jusqu'à son apogée. J'ai porté plainte pour les tortures. L'une des raisons de ma plainte est de prouver la véracité de mon récit, qu'ils ne disent pas que je mente. Car si je mens, ils pourraient me poursuivre à nouveau pour diffamation. J'ai fait ça aussi pour d'autres raisons. J'ai aussi porté plainte contre leurs médias pour diffamation. Ils ont dit : Toomaj était condamné à mort, son verdict a été cassé parce qu'il a coopéré efficacement. Pourquoi condamnation à mort ? Qu'ai-je fait pour être condamné à mort ? (…) Nous ne nous sommes mis en face de personne. Qui a torturé des gens ? (…) Ils n'auraient jamais dû m'arrêter. Ils n'avaient pas le droit de m'arrêter. Au lieu de ça, ils m'ont mis en cellule d'isolement pendant neuf mois me faire subir la torture. » (novembre 2023). Sa condamnation à mort a pour objectif de faire régner le silence sur les exactions du régime théocratique et donner une nouvel exemple pour dissuader de faire dissidence.

     

     
     


    Selon Amnesty International dans un communiqué du 4 avril 2024, il y a eu 853 exécutions en 2023, en nette augmentation (chiffre le plus élevé depuis huit ans, +48% par rapport à 2022 et +171% par rapport à 2021), et déjà 95 exécutions du 1er janvier 2024 au 20 mars 2024 : « L’année dernière a également été marquée par une vague d’exécutions visant des manifestants, des utilisateurs de médias sociaux et d’autres opposants réels ou supposés pour des actes protégés par le droit international relatif aux droits humains, qui ont donné lieu à des inculpations pour "insulte au prophète" et "apostasie", ainsi qu’à de vagues accusations d’ "inimitié à l’égard de Dieu" (moharebeh) et/ou de "corruption sur terre" (efsad-e fel arz). ».

    Le régime iranien se croit en position de force après son agression militaire contre Israël (en lançant 300 missiles et drones contre l'État d'Israël) sans qu'il n'y ait eu de grandes conséquences en riposte. Le régime islamique en a profité pour accroître la répression, renforcer la police des mœurs qui devait pourtant être dissoute après l'assassinat de Masha Amini. Cette condamnation à mort, alors que le rappeur n'est coupable que de s'être exprimé et de protester contre la torture du régime, montre une nouvelle fois la volonté des mollahs de dissuader toute nouvelle tentative d'opposition et de soulèvement.

    Ce qui est révoltant, c'est que cette condamnation à mort ne semble pas émouvoir les professionnels de l'indignation dans nos contrées. Je repense alors aux propos du sénateur Claude Malhuret le 5 octobre 2022 après l'assassinat de Masha Amini : « Depuis le début de la révolte en Iran, et jusqu'à la manifestation de dimanche dernier à Paris, ces professionnels de l'indignation, ceux qui battent le pavé chaque semaine pour crier que la police tue ou dénoncer le racisme systémique en France, avaient disparu. Où étaient-ils lors des deux premiers rassemblements en soutien des femmes iraniennes ? En week-end sans doute, comme lors des manifestations pour l'Ukraine ! Leurs comptes Twitter, qui dénoncent chaque jour le patriarcat et l'islamophobie, sont devenus muets : pas un mot de soutien, pas un appel contre la mollarchie et sa police des mœurs ! Pendant qu'à Téhéran, les femmes meurent sous les coups et les balles, ils préfèrent dénoncer le virilisme du barbecue, faire l'éloge d'un gifleur ou juger les harceleurs dans des "comités de transparence", qui sont l'oxymore le plus grotesque inventé depuis la dictature du prolétariat. ».

    Et en effet, on s'étonne qu'il n'y ait pas beaucoup de mobilisation pour soutenir Toomaj Salehi. Les ayatollahs iraniens profitent de notre indifférence pour renforcer leur dictature des mœurs. Plus nous sommes indifférents, plus ils iront dans la répression contre le peuple iranien et sa jeunesse. Toomaj Salehi s'est engagé auprès du mouvement "Femme, Vie, Liberté" (le nom du soulèvement entre septembre et décembre 2022 pour réagir après l'assassinat de Masha Amini) où il défendait la condition des femmes, des jeunes et même des animaux. Il en est devenu le porte-voix parce qu'il a un écho important auprès des jeunes.


    Le jeudi 25 avril 2024, le Parlement Européen a voté la résolution C9-0235/2024 condamnant le régime iranien par 357 voix pour, 20 voix contre et 58 abstentions. Parmi les députés européens français, 3 députées européennes FI (dont Leïla Chaibi et Manon Aubry), 7 députés européens EELV (dont Marie Toussaint et David Cormand), 1 députée européenne LR (Nadine Morano) et 1 député européen RN (Jérôme Rivière) n'ont pas voulu voter cette résolution qui, entre autres, « condamne avec la plus grande fermeté l'attaque de drones et de missiles sans précédent perpétrée par l'Iran contre Israël dans la nuit du 13 au 14 avril 2024, ainsi que la grave escalade et la menace que cela représente pour la sécurité régionale », qui « se félicite de la décision de l'Union [Européenne] d'étendre et d'élargir le régime de sanction actuel, mis en place en juillet 2023, notamment en sanctionnant la production par l'Iran de drones et de missiles », et qui « exprime son soutien et sa solidarité sans réserve à l'égard de la société civile et des forces démocratiques en Iran ».
     

     
     


    Pendant que beaucoup de populistes en France, prompts à s'indigner sur la situation à Gaza, refusent de condamner l'Iran dans son attaque contre Israël voire soutiennent l'Iran et même le Hamas au nom de leur combat contre les "valeurs occidentales" (qui sont démocratie, laïcité, liberté, égalité, fraternité, diversité, État de droit, protection des minorités, etc., rappelons-le !), l'Iran condamne à mort un de ses enfants pour simplement son engagement dans ses chansons. Comme l'expliquait cette internaute sur Twitter avec une certaine colère : « L’Iran. Ce pays merveilleux où le Prix Nobel de la Paix est en prison. Où un artiste résistant attend d’être pendu. Ça devrait inspirer nos belles âmes défilantes et pétitionnaires. Mais non. Comme les dames patronnesses d’autrefois avaient "leurs pauvres", elles ont "leurs causes". ».

    Beaucoup de monde dans les réseaux sociaux a dénoncé cette indifférence dans les milieux artistiques (comme Sophie Aram) et certains ont même fustigé la soirée de remise de récompenses des rappeurs, le Flammes Awards 2024 qui s'est tenu au Théâtre du Châtelet à Paris le 25 avril 2024, car aucun artiste dans la salle n'a évoqué ni soutenu Tommaj Salehi, pas un mot, rien, la lâcheté et la honte.

     

     
     


    En revanche, l'ancien ministre de la culture, et actuel président de l'Institut du monde arabe Jack Lang a apporté rapidement un vif soutien au rappeur dès le 24 avril 2024 : « Ne laissons pas la république islamique le tuer ! ».

    Il faut se mobiliser, plus grande sera la mobilisation internationale, plus fortes seront les pressions sur le régime des mollahs. Un grand rassemblement à Paris, place de la Bastille, aura lieu ce dimanche 28 avril 2024 à 15 heures pour soutenir ce gardien courageux de la liberté. D'autres rassemblements ont lieu dans d'autres villes et pays du monde, en particulier à Los Angeles (au Federal Building) à la même date et même heure, et à Grenoble (place Félix-Poulat) le samedi 27 avril 2024 à 15 heures. Soutenons Toomaj Salehi, son courage, sa persévérance, sa détermination.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 avril 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Mobilisons-nous pour Toomaj Salehi !
    Fatwa de mort contre Salman Rushdie.
    Alireza Akbari.
    Mehran Karimi Nasseri.
    Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Masha Amini, les femmes iraniennes, leur liberté et Claude Malhuret.
    Révolution : du rêve républicain à l’enfer théocratique de Bani Sadr.
    L'Iran de Bani Sadr.
    De quoi fouetter un Shah (18 février 2009).
    N’oubliez pas le Guide (20 février 2009).
    Incompréhensions américaines (1) et (2).
    Émission de France 3 "L’Iran et l’Occident" (17-18 février 2009).
    Session de septembre 2006 à l’ONU : Bush, Ahmadinejad, Chirac.
    Dennis Ross et les Iraniens.
    Un émissaire français à Téhéran.
    Gérard Araud.
    Stanislas de Laboulaye.
    Des opposants exécutés par pendaison en Iran.
    Expulsion de Vakili Rad, assassin de Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, par Brice Hortefeux à la suite du retour de l'étudiante Clotilde Reiss.
    Mort de l'ancien Premier Ministre iranien Mohammad Reza Mahdavi-Kani à 83 ans le 21 octobre 2014.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240424-toomaj-salehi.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/mobilisons-nous-pour-soutenir-254348

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/26/article-sr-20240424-toomaj-salehi.html