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société

  • Mélanie, la douceur incarnée

    « Je sais qu’elle était très très heureuse d’occuper cette profession, d’aider les jeunes, l’ambiance était bon enfant, conviviale, familiale. (…) C’était quelqu’un de très souriante, très gentille, la douceur incarnée. (…) D’une nature bienveillante, elle avait tout pour elle. On est très triste, très touché. » (Une cousine, le 10 juin 2025 à l'AFP).




     

     
     


    Le témoignage d'une cousine sur Mélanie a de quoi être émouvant. Quel contraste entre cette "douceur incarnée" et l'ultraviolence dont elle a été victime. Mélanie, assistante d'éducation (autrement dit, surveillante) de 31 ans, est devenue malgré elle une héroïne victime ; elle a commencé dans ce poste en septembre dernier. Elle se destinait à devenir accompagnatrice d'élèves en situation de handicap (AESH).

    Elle était auparavant une apprentie coiffeuse mais, mère d'un enfant de 4 ans, elle a voulu un peu plus de temps pour son garçon, selon les confidences de son ancienne patronne au "Dauphiné". Un ancien client sur BFMTV : « C’était une femme adorable, vraiment très très gentille, pas un mot au-dessus de l’autre, qui aimait faire profiter de son métier aussi. ». Elle était aussi conseillère municipale de sa petite commune (une centaine d'habitants), Sarcey, à 10 kilomètres de Nogent, en Haute-Marne.


    En allant au boulot ce mardi 10 juin 2025, elle ne pensait pas y perdre sa vie. Vers 8 heures 15, un collégien de 14 ans, apparemment sans histoire, l'a poignardée devant le collège Françoise-Dolto à Nogent. Un contrôle de sacs des élèves était effectué par la gendarmerie nationale à l'entrée du collège. L'adolescent a poursuivi Mélanie avec un couteau et l'a blessée. Hélas, à mort. Il a blessé aussi un gendarme qui l'a arrêté. En urgence absolue, la victime aurait dû être héliportée jusqu'à l'hôpital de Dijon, mais son état s'est dégradé et elle a succombé à ses blessures. Une victime, une nouvelle victime de la violence d'adolescent. Les 324 élèves du collège ont été confinés dans le gymnase puis ont pu quitter l'établissement ramenés par leurs parents. Le procureur de Chaumont a annoncé qu'un dispositif d'accompagnement des élèves et des enseignants a été mis en place.

    La classe politique s'est rapidement emparé de cette tragédie. Parfois pour une sinistre récupération politique, comme Marine Le Pen dans l'hémicycle : « Un nouveau drame vient donc de toucher l’école et, par conséquent, l’ensemble de notre nation. Un drame, pas un fait divers sur lequel on "brainwasherait". Un drame, qui appelle une réponse politique. C’est parce qu’il n’y a jamais eu de réponse politique que notre société a vu la vie être progressivement désacralisée ; c’est parce qu’il n’y a jamais eu de réponse politique que l’ultraviolence s’est banalisée, en particulier chez les mineurs ; c’est parce qu’il n’y a jamais eu de réponse politique que des enfants deviennent orphelins et que des parents sont obligés d’enterrer des enfants victimes de la barbarie. ».

    Le verbe "brainwasher" (faire un lavage de cerveau) avait été utilisé maladroitement par le Président Emmanuel Macron le 8 juin 2025 lors d'une interview dans la presse régionale. Il regrettait alors qu'on ne parlât que de fait-divers sans s'appesantir sur des sujets de fond comme le combat pour le climat (il allait participer au Sommet pour l'océan à Nice) :
    « Certains préfèrent brainwasher sur l’invasion du pays et les derniers faits divers. ». Il s'en prenait ainsi à la suppression des ZFE et à la suspension provisoire de MaPrimeRénov' (dispositif d'aide à la rénovation énergétique en vigueur depuis cinq ans).

     

     
     


    Emmanuel Macron s'est expliqué plus longuement dans une interview ce mardi 10 juin 2025 sur France 2 : « Il y a des moments d’indignation sur l’écologie et ensuite ça sort complètement du débat public. ». S'en prenant à la « tyrannie du fait-divers », il a précisé sa pensée : « Il y a des gens qui regardent la télévision ou les réseaux sociaux, ils sont dans une société de l’information qui passe d’un fait divers à l’autre. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas avoir de la considération pour ces personnes qui vivent [ces drames], accompagner les familles, qu’il ne faut pas réagir de manière intraitable. ».

    Il a dénoncé la surexploitation des faits-divers par des partis démagogiques : « Ils finissent par rendre les gens fous parce que les gens ont le sentiment de passer d’un fait-divers à l’autre, en passant des punaises de lit le matin à un drame qui s’est passé la journée. (…) On ne peut pas avoir un débat politique qui devient du suivisme de l’actualité. ».

    Dans la matinée, Emmanuel Macron avait réagi sur Twitter comme le reste de la classe politique au meurtre de Mélanie : « Alors qu’elle veillait sur nos enfants à Nogent, une assistante d’éducation a perdu la vie, victime d’un déferlement de violence insensé. (…) Tous, nous sommes aux côtés de sa famille, de ses proches, de ses collègues et de l’ensemble de la communauté éducative. (…) La Nation est en deuil et le gouvernement mobilisé pour faire reculer le crime. ».

    Au-delà de Twitter, c'est surtout l'Assemblée Nationale qui a été le lieu des réactions politiques. L'après-midi se déroulait en effet la séance hebdomadaire des questions au gouvernement. La Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a proposé une minute de silence à la mémoire de Mélanie et aussi des deux jeunes pompiers de 22 et 23 ans, Tanguy et Maxime, qui ont perdu la vie le 9 juin 2025 dans la soirée à Laon, piégés par l'effondrement d'un appartement en flammes dont ils tentaient de secourir les habitants : « Face à ces drames effroyables, j’adresse les sincères condoléances de la représentation nationale aux familles et aux proches des victimes. Je veux, en notre nom à tous, dire la reconnaissance de la nation envers nos soldats du feu, qui risquent leur vie pour nous protéger. Je veux aussi dire notre soutien à l’ensemble de la communauté éducative. La violence n’a pas et n’aura jamais sa place dans nos établissements scolaires. En la mémoire de nos trois compatriotes décédés, je vous invite à observer une minute de silence. ».

    Le Premier Ministre François Bayrou est aussi intervenu en début de séance pour exprimer son émotion et présenter quelques mesures :
    « Immense gratitude et mobilisation : c’est ce que nous devons aussi à cette jeune assistante d’éducation (…). D’habitude, ces faits concernent des milieux sociaux profondément fragilisés ; or ce n’est pas le cas ici. Mais une chose est certaine dans ce second drame : c’est que les armes blanches, les couteaux, sont en train de devenir, parmi les jeunes, voire les très jeunes enfants (…), une réalité de tous les jours. (…) Nous ne pouvons pas demeurer indifférents et les bras ballants face à ce qui est en train de se passer, devant cette vague qui progresse. Nous avons des décisions à prendre, certaines de nature législative, d’autres d’ordre réglementaire. Nous avons commencé à les prendre, puisque je rappelle que le drame de ce matin s’est déroulé alors que les gendarmes procédaient à un contrôle des sacs. Ces contrôles, nous les avons multipliés depuis trois mois : plus de 6 000 ont été effectués, qui ont permis de saisir près de 200 couteaux et 200 autres objets dangereux. Nous ne pouvons pas nous contenter de déplorer ce qui s’est passé ; nous sommes obligés, en conscience, de prendre de nouvelles décisions pour que nos enfants et ceux qui travaillent avec eux puissent être, au minimum, en sûreté. C’est une œuvre très difficile, parce que, comme tout le monde le voit bien, il ne s’agit pas d’un fait isolé, mais d’une dérive de la société et des enfants dont nous avons la charge, et que nous n’arrivons pas à mettre à l’abri des drames qu’ils fomentent eux-mêmes. ».

    Quelques minutes plus tard, en réponse à Marine Le Pen :
    « L’ampleur de la vague, nous la connaissons tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons. C’est une décomposition de la société dans laquelle nous vivons et c’est le surgissement de pratiques de vie communes. L’un de mes collègues disait à l’instant tout bas que son petit garçon de 10 ans lui a demandé quand il pourrait avoir un couteau à l’école. Cela concerne tous les milieux et d’abord, naturellement, les plus fragiles. On a deux choses essentielles à faire. La première, c’est de construire des règles et une réponse pénale susceptibles de dissuader ces jeunes, souvent des garçons, de saisir un couteau et de le mettre dans leur sac. Je l’ai rappelé, nous avons publié le 27 mars une circulaire pour que des contrôles de police et de gendarmerie aient lieu à l’entrée des établissements scolaires. Depuis, il y a eu 6 200 contrôles, au cours desquels près de 200 couteaux ont été saisis et 567 conseils de discipline ont été réunis pour lutter contre ce fléau. Nous allons travailler à l’application effective de l’interdiction de port de ce type d’armes. Il va falloir durcir la réglementation, parce qu’un certain nombre de ces couteaux ne sont pas considérés comme des armes, même s’ils sont construits, pour une part d’entre eux, pour figurer des armes très violentes. La deuxième chose que nous devons faire, c’est travailler à la question de la santé mentale des plus jeunes. À la première alerte, il faut qu’il puisse y avoir un examen, un diagnostic et une proposition de traitement, ou en tout cas une reprise de contrôle de ces jeunes. Ces deux missions, nous ne pouvons pas les éluder. Le 29 avril, j’ai demandé à Mme Naïma Moutchou et au préfet François Ravier de coprésider un groupe de travail, dont les conclusions m’ont été rendues le dernier jour du mois de mai. J’ai bien l’intention que les cinquante propositions de ce groupe de travail soient conduites à leur terme et je vais, si elle l’accepte, confier à votre collègue Naïma Moutchou la mission de vérifier leur application effective.Ce n’est pas une baguette magique ; nous n’avons pas la clef de toutes les questions qui se posent, car ces questions, pour l’essentiel, sont dans la société française, dans sa désorganisation, dans ses dérives. En revanche, ce que doit faire la loi, c’est assurer que les principes sont respectés autant que l’on puisse identifier des manquements à ces principes. J’ajoute que, même si les premières expériences n’ont pas été évidentes, nous devons travailler à l’installation de portiques à l’entrée des établissements scolaires ; ceux implantés dans plusieurs régions n’ont pas été maintenus partout, mais je suis persuadé que nous ne pouvons en rester à l’observation des accidents qui se multiplient. Le gouvernement a lui aussi l’intention d’aller dans le sens de cette expérimentation. ».

     

     
     


    La députée Naïma Moutchou (Horizons) a, elle aussi, posé une question sur le meurtre de Mélanie, en rappelant une longue et inquiétante série de meurtres : « La société reste sidérée de ce qui est en train de se passer. Les Français sont sous le choc, en colère : presque chaque jour, l’actualité leur jette à la figure un nouveau drame, de nouvelles violences. Chaque jour ou presque, des adolescents tuent à l’arme blanche, des enfants et leurs surveillants sont poignardés jusque dans l’enceinte des établissements scolaires. Ce matin, Mélanie, assistante d’éducation, a perdu la vie ; hier, c’étaient Elias, Laurène, Thomas, Sékou, Inès, Enzo, Matisse, tant d’autres encore, tous tués à l’arme blanche par des mineurs. Cette liste ne recense pas des faits divers, mais les signes d’un effondrement. Nous voyons l’autorité reculer partout, la violence gagner partout ; nous voyons sombrer une partie de la jeunesse qui bascule dans la brutalité la plus décomplexée, des adolescents qui sortent armés pour commettre le pire. C’est tout sauf une crise passagère, c’est un fléau, l’ennemi public numéro un : voilà la conclusion de la mission que vous m’aviez confiée à ce sujet, ainsi qu’au préfet François Ravier. Notre rapport, que je vous ai remis le 28 mai, ne constitue pas un simple document ; ce doit être un électrochoc, une prise de conscience, et surtout l’occasion d’agir. ».

    Parmi les pistes d'action : « Il est temps, comme nous le préconisons, d’interdire strictement la vente aux mineurs et la détention par ces derniers de tout type d’arme blanche, d’imposer le défèrement systématique des auteurs de tels faits, de prévoir des sanctions pénales bien plus rapides et des peines minimales, de sécuriser nos établissements scolaires, d’améliorer la chaîne de signalement. Il est temps d’investir dans la prévention, dans la santé mentale des jeunes, dans la médecine scolaire, de s’attaquer aux conséquences délétères des réseaux sociaux en interdisant le téléphone portable à l’école. Les mesures sont prêtes, applicables ; nous ne pouvons plus attendre, nous contenter d’hommages, de minutes de silence, encore et encore. ». François Bayrou a exprimé sa volonté de mettre immédiatement en œuvre ces mesures.
     

     
     


    Arrivée sur les lieux du drame, à Nogent, la Ministre d'État, Ministre de l'Éducation nationale Élisabeth Borne a déclaré : « Ses professeurs sont totalement sidérés de ce qui a pu se produire. Il avait fait l'objet en début année de deux exclusions temporaires pour des perturbations de la classe. Mais depuis le mois de novembre, il n'y avait pas du tout de difficultés avec cet élève. (…) On doit agir aussi sur la santé mentale, j'ai demandé aux assises de la santé scolaire qu'il y ait dans chaque établissement un protocole de repérage et de prise en charge pour les élèves qui peuvent avoir des problèmes psychologiques ou psychiatriques. (…) Avec le Ministre de la Santé, on s'est assurés que les jeunes signalés par l'Éducation nationale bénéficient d'une priorité pour la prise en charge dans les centres médicopsychologiques. (…) On doit aussi agir pour prévenir l'usage excessif des écrans et des réseaux sociaux, parce qu'on sait que c'est bien souvent ce qui peut conduire à des comportements violents, un peu déréalisés, de la part de nos jeunes. (…) Je suis très mobilisée pour prévenir de tels drames. (…) On doit travailler avec les familles, pour prévenir de tels drames. (…) On va continuer à chercher toutes les mesures qui peuvent nous permettre d’éviter de tels drames. ».

    Précisant les affirmations du Premier Ministre, Élisabeth Borne a déclaré qu'entre le 26 mars et le 23 mai 2025, il y a eu 6 000 fouilles inopinées menées dans les collèges et les lycées, ce qui a provoqué 567 conseils de discipline pour détention de couteau, la saisie de 186 couteaux et 32 gardes-à-vue.

     
     


    Quant au Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, qui était en déplacement à Laon en hommage aux deux jeunes pompiers décédés, il a fait cette déclaration mesurée : « La réponse ne peut pas être seulement sécuritaire, car il y avait des gendarmes. ». Il a ajouté : « Ou il y a une hypothèse de santé mentale, et il faudra voir s’il y avait eu un signalement, ou alors c’est autre chose, et on tombe dans ce que j’ai appelé la barbarie. ». Il ne croyait pas en l'intérêt des portiques devant les écoles.

    Invité de BFMTV en fin d'après-midi ce mardi, l'ancien Premier Ministre Gabriel Attal a dit ne pas croire non plus aux détecteurs de métaux à l'entrée des établissements qui pourraient accroître les attroupements en période de menace terroriste :
    « On peut regarder le couteau, mais je pense qu'il faut surtout regarder le gamin de 14 ans. (…) Il y a une violence de plus en plus forte, débridée, de plus en plus jeune. ».

    François Bayrou, interrogé ensuite dans le journal de 20 heures sur TF1, a rappelé ses propositions :
    « L'élargissement de la liste des armes blanches, des couteaux, c'est tout de suite que ça entre en vigueur et l'imposition que ce soit une vérification d'âge de celui qui reçoit le colis c'est tout de suite aussi. ».


    Ce fut l'occasion pour certains de se moquer du Premier Ministre en énumérant de nombreux instruments qui pourraient être dangereux (jusqu'à la pince à épiler et à l'épluche-légume). Et ils ont raison : les armes blanches pourront toujours passer d'une manière ou d'une autre dans les établissements scolaires. Les portiques n'ont pas été d'une grande efficacité lors de premières expérimentations.

    L'élément principal est sans doute la détection psychologique, l'évaluation de la santé mental des élèves, comme l'a affirmé le porte-parole de la fédération de parents d'élèves PEEP Laurent Zameczkowski : « Le véritable problème est la santé mentale de nos jeunes. », et c'est évidemment très difficile à appréhender. Ce qui est notable, c'est la position de Bruno Retailleau qui convient que le problème n'est pas seulement sécuritaire. La solution se trouve certainement dans l'éducation qu'apportent les parents à leurs enfants, la transmission des valeurs et en particulier du caractère sacré de la vie.

    Hommage à Mélanie, tombée sur le champ de bataille de l'éducation.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (10 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Mélanie, la douceur incarnée.
    L'Affaire Joël Le Scouarnec.
    L'Affaire Bétharram.
    Agathe Hilairet.
    Pourquoi Aboubakar Cissé a-t-il été assassiné ?
    Le mystère Émile sur le point d'être percé ?
    La profanation du cimetière juif de Carpentras.
    Crash de l'A320 de Germanwings.
    L'accident de Villa Castelli.
    Morts mystérieuses à Santa Fe.
    Repose en paix Louise, on ne t'oubliera pas !
    Gisèle Pélicot, femme de l'année 2024 ?
    5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
    40 ans de confusions dans l'Affaire Grégory.
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    Patricia Bouchon.
    Sémantique de l'horreur.
    La sécurité des personnes face aux dangers.



     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250610-melanie.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/melanie-la-douceur-incarnee-261457

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/10/article-sr-20250610-melanie.html




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  • Sites porno : une très bonne nouvelle !

    « Dès 12 ans, plus de la moitié des garçons se rendent sur des sites adultes en moyenne chaque mois. » (Extrait d'un rapport de l'Arcom de mars 2023 pour des chiffres de 2022).



     

     
     


    S'il y a bien deux mots qui sont très opposés, c'est pornographie et enfance, et pourtant, jamais les enfants, les adolescents, n'ont autant fréquenté des sites pornographiques sur Internet qu'aujourd'hui. Des études sont alarmistes. La moitié des préadolescents de 12-13 ans fréquenteraient ces sites régulièrement (au moins une fois par mois) et un tiers des préadolescentes du même âge. Et c'est deux tiers des garçons de 16-17 ans ! Forte croissance : en 2023, il y a eu 2,3 millions de mineurs qui ont fréquenté chaque mois des sites pour adultes. Plusieurs rapports ont alarmé les pouvoirs publics, dont celui de l'Arcom et celui du Sénat. Les mineurs représentent 12% du marché de ces sites, c'est une part non négligeable.

    Depuis la loi n°2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, c'est l'Arcom (ex-CSA) qui est chargée de veiller à la protection des enfants de contenus en ligne pour adultes.
     

     
     


    Inutile de dire que si ces sites sont réservés pour les adultes, c'est bien parce qu'il faut avoir déjà une petite expérience de la sexualité qui ne soit pas la dégradante exhibition qu'on peut montrer en captant une part non négligeable de l'argent des internautes. Quand on sait qu'en plus, le support le plus utilisé pour la consultation, c'est le smartphone, autant dire que pour les parents, c'est mission quasi-impossible.
     

     
     


    C'est vrai que de mon temps, lorsque j'étais collégien, des revues porno se promenaient sous le manteau, discrètement, pas moins dégradantes que les sites sur Internet, sous une motivation plus de curiosité que de perversion, mais c'était de l'artisanat par rapport aux grosses centrales industrielles que sont les sites sur Internet.

    La France, très engagée pour protéger ses enfants, s'est donc dotée d'une législation relativement contraignante : les sites pour adultes doivent vérifier que leurs utilisateurs sont bien des adultes. Et la simple déclaration de majorité en un seul clic ne suffit plus. Cette obligation est en vigueur depuis le 11 janvier 2025.
     

     
     


    Techniquement, il y a plusieurs pistes : pas envoyer une carte d'identité au site lui-même (ce serait la disparition assurée des clients !), mais au moyen d'un tiers qui vérifie l'âge, l'utilisation d'un code d'entrée, par exemple, ou encore, plus sophistiquée, l'analyse de son visage par un logiciel qui réussirait à associer un âge au visage (attention aux désillusions !). On peut convenir que ce n'est pas le métier a priori d'un fournisseur de contenus pornographiques (je reste dans ce que la loi autorise, car dès lors que le site diffuse du contenu illégal, il se moque bien de l'âge de ses clients, autre aspect de la loi).

    C'est là qu'est venue la riposte des éditeurs de sites pornographiques. Eux, leur objectif, c'est que la loi les déresponsabilise et renvoie l'obligation aux fournisseurs d'accès internet et autres opérateurs de téléphonie mobile, ce qui serait, selon eux, plus efficace. Ainsi, pour protester, l'éditeur Aylo, qui produit YouPorn, PornHub et RedTube, a annoncé ce mardi 3 juin 2025 qu'il arrêterait la diffusion de ses sites en France à partir du lendemain, 4 juin 2025, laissant juste un message de protestation sur l'écran.

    Bien sûr, un blocage sur le territoire français n'est jamais parfait, il est parfois facile de contourner certains blocages. Néanmoins, comme cela s'adresse à des mineurs, ces derniers sont moins enclins à trouver des astuces de navigation pour contourner ces blocages.

    La réaction de la classe politique fut alors unanime, et c'était prévisible (et un bon coup d'épée dans l'eau de cet éditeur) : Tant mieux ! Bon débarras ! Au revoir ! Ont dit en chœur nos ministres et parlementaires sensibles à la protection de l'enfance.

    La ministre en charge de la question, la très politique Aurore Bergé, a ainsi tweeté comme en signe de victoire : « Protéger les mineurs, c'est notre engagement, notre responsabilité. Pornhub, YouPorn et Redtube refusent de se conformer à notre cadre légal et décident de partir. Tant mieux ! Il y aura moins de contenus violents, dégradants, humiliants accessibles aux mineurs en France. Au revoir ! ».

    L'ancienne ministre et actuelle sénatrice socialiste Laurence Rossignol n'a pas dit autre chose sur Public Sénat :
    « Enfin une bonne nouvelle ! Ces sites le font d’eux-mêmes, on ne l’aurait pas mieux fait ! (…) Qu’ils se rebellent sur le fait de couper l’accès aux mineurs, cela montre leur absence d’éthique et d’intérêt pour la santé mentale des plus jeunes. (…) Ils s’imaginent qu’il y aura des manifestations dans les rues contre leur fermeture, mais cela n’aura pas lieu. ».

    De toute façon, par la loi, l'Arcom aura le pouvoir de bloquer en France, à parti du 6 juin 2025, les sites pour adultes qui ne vérifient pas réellement l'âge majeur de ses visiteurs. Et cela sans une décision de justice, juste après une simple mise en demeure.
     

     
     


    Dans un arrêt du 5 janvier 2023, la Cour de Cassation a considéré que la vérification efficace de l'âge de leurs visiteurs était « nécessaire, adaptée et proportionnée à l'objectif de protection des mineurs » et a balayé les deux arguments des sites pornographiques, la violation de la vie privée et la liberté d'expression. On peut imaginer un cadre européen de vérification de l'âge, dans la mesure où l'Union Européenne a été très sensibilisée notamment par la France sur cette question.

    Par un effet très contre-productif, l'initiative de cet éditeur a mis en lumière l'amoralité et surtout, l'irresponsabilité des sites à contenus pornographiques sur la question de la protection de l'enfance. Les responsables politiques sont heureux de l'auto-blocage des trois sites qui empêchera des enfants d'aller les visiter.

    Je ne peux m'empêcher de rappeler une déclaration malheureuse d'un, à l'époque, simple député et ancien ministre. Invité de l'émission "Salut les Terriens" animée par Thierry Ardisson le 7 décembre 2013 sur Canal Plus, l'homme politique, à la question (idiote) : "Vous regardez bien YouPorn quand même ?", a répondu fort démagogiquement : « Comme tout le monde ! ».

    Cet homme assez décevant, c'était Laurent Wauquiez qui a vite rétropédalé le 9 décembre 2013 en tweetant un semblant d'excuse : « Leçon du week-end : quand on fait de l'humour, il faut être certain d'être compris. J'ai voulu traiter par la dérision une question déplacée. Erreur. Sujet clos. Retour aux vrais sujets. ».

    La fin du tweet donnait d'ailleurs l'étendue du problème : si, monsieur Wauquiez, la protection de l'enfance est un vrai sujet, qui, par le choix du gouvernement, sera loin d'être clos. Pour une fois, le retrait d'acteurs économiques de la France est une très bonne nouvelle pour nos familles, pour nos enfants et pour nos futurs adultes !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 juin 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Sites porno : une très bonne nouvelle !

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250603-sites-porno.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/sites-porno-une-tres-bonne-261357

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/06/03/article-sr-20250603-sites-porno.html

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  • ZFE : les députés les suppriment !

    « Personne ne parle jamais du fait que, dans le métro, les émissions de particules fines sont cinq fois supérieures aux normes fixées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). C’est contradictoire : vous ne traitez pas certains sujets de fond tout en vous focalisant sur un totem, les ZFE. Il n’y a aucune raison de sauver le soldat ZFE ! Personne n’en veut plus dans notre société et il existe une majorité parlementaire pour les supprimer. Faisons-le ce soir et passons à autre chose ! » (Pierre Meurin, député RN, le 28 mai 2025 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Au cours de l'examen de la projet de loi de simplification de la vie économique à l'Assemblée en première lecture le mercredi 28 mai 2025 vers 22 heures 40, les députés ont adopté l'article 15 ter qui supprime purement et simplement l'existence des ZFE, des zones à faibles émissions, contre l'avis du gouvernement.

    Il faut dire les choses comme elles le sont : cet article de suppression, déjà adopté en commission, a été adopté en séance publique grâce à la collusion entre le groupe RN et le groupe insoumis... et bien que je m'oppose fermement à ces deux courants populistes (d'extrême droite et d'extrême gauche), j'ai applaudi des deux mains lorsque j'ai appris cette adoption.

    Évoquons rapidement le scrutin puisqu'il a été public (scrutin n°2190). 155 députés ont voté, dont 98 ont voté pour, 51 ont voté contre et 6 se sont abstenus. Même si une grande majorité des députés était absente de cette séance, ce qui est tout à fait ordinaire (un député a trente-six choses à faire et se spécialise), ce résultat est significatif et remarquable. Ceux qui ont voté pour étaient surtout du RN et FI : 56 députés RN, 27 députés insoumis, 6 députés LR (dont Olivier Marleix), 3 députés Renaissance (dont Hervé Berville), 1 député Horizons, 1 député LIOT (Jean-Luc Warsmann) et 4 députés ciottistes ont voté pour la suppression des ZFE. Au contraire, 16 députés Renaissance, 17 députés PS, 14 députés écologistes, 2 députés MoDem (dont Marc Fesneau) et 2 députés Horizons ont voté contre. On pouvait imaginer une mobilisation un peu plus forte des écologistes et des socialistes pour sauver les ZFE. Cela n'a pas été le cas.

    En ce qui me concerne, si j'avais été dans le cas de ces députés, j'aurais voté pour la suppression des ZFE car je suis résolument opposé à ce qu'on appelle communément des zone à forte exclusion.
     

     
     


    Sur le principe, l'idée est évidemment pertinente. Il y a plusieurs milliers de personnes qui meurent chaque année de pollution atmosphérique. Réduire la pollution due aux véhicules thermiques (notamment fines particules) dans les zones d'habitation très dense, en d'autres termes, dans les agglomérations urbaines de plus de 150 000 habitants, paraît un bon objectif, sur le papier.

    Le problème, c'est qu'on s'y est pris doublement comme un balai.

    D'une part, il fallait définir ce qu'était un véhicule polluant ou pas, ou plutôt, une gradation de véhicule plus ou moins polluant : la logique scientifique aurait dû être de mesurer les particules et autres pollutions (à définir) qui s'échappaient réellement (j'insiste !) du véhicule et de mettre des seuils de pollution. Les contrôles techniques obligatoires le font déjà.
     

     
     


    Mais on a préféré faire dans la facilité parfois injuste. On a créé des vignettes Crit'Air qui sont obligatoires dans certaines zones (à acheter pour quelques euros) et qui sont définies en fonction du type de véhicule (diesel, essence, électrique) et de son année d'immatriculation. Certains années correspondent aussi à des normes plus contraignantes sur le plan de la pollution du véhicule.

    Néanmoins, il y a des absurdités monstrueuses : ainsi, on interdira à quelqu'un de rouler avec une vieille diesel qui ne roule que quelques milliers de kilomètres par an alors qu'on autorise au même endroit des SUV très polluants mais qui ont la joie d'être plus récents.

    Donc, sur ce plan-là, la définition de la pollution, c'est déjà douteux.

    D'autre part, les décisions proprement honteuses d'interdiction pure et simple de circulation de véhicules définis comme polluants dans des zones centrales rendent l'objectif complètement irréaliste, d'autant plus que les aménagements régionaux sont généralement en étoile vers la ville centre. Cela signifie une atteinte déraisonnable de la liberté de circulation.

    La mise en œuvre a été d'autant plus folle que très rapide. Ainsi, on interdit chaque niveau supplémentaire en seulement un ou deux ans, avec pour objectif (comme les "bons élèves" ne seront jamais récompensés) l'interdiction de tout véhicule thermique en 2030 (c'est très proche, dans quatre ans et demi, je rappelle que le covid a commencé il y a cinq ans et demi).
     

     
     


    La mise en place des ZFE est une mesure complètement anti-sociale. En outre,je suis convaincu que si le socle commun ne les supprimait pas, il perdrait assurément l'élection présidentielle de 2027.

    Ainsi, au 1er janvier 2025, les villes de Paris, Lyon et Grenoble sont interdites pour les véhicules qui ne sont pas Crit'Air 1 ou 2. Le pire, c'est que ce n'est pas seulement la ville intra muros qui est interdite mais l'agglomération. Or, pour Paris, c'est une partie supérieure à celle englobée par l'A86, si bien que des banlieusards se retrouvent dans l'impossibilité d'effectuer des trajets banlieue vers banlieue qu'ils doivent pourtant faire en automobile faute d'une desserte en transportes en commun. Depuis le début de l'année, près de 2 millions de véhicules sont interdits de circulation en France, véhicules pourtant parfaitement autorisés à rouler selon le contrôle technique.
     

     
     


    Ce n'est plus de l'écologie punitive, c'est pire que cela. C'est la répression des pauvres. Car il ne faut pas se tromper : ceux qui ont des voitures vieilles, ce sont des personnes qui n'ont pas la possibilité de remplacer leur automobile (qu'on vante tant dans les publicités à la télévision). Ce sont des personnes qui en ont énormément besoin, soit pour se rendre à leur lieu de travail, soit même pour vivre, dans des zones rurales où, pour la moindre course, il faut faire plusieurs dizaines de kilomètres.

    La mise en place des ZFE a germé dans des cerveaux de technocrates à hauts revenus capables de remplacer fréquemment leur véhicule, qui, d'ailleurs, n'est pas nécessaire car ils ont des voitures de fonction, voire des chauffeurs, voire, plus simplement, habitent, travaillent et se divertissent dans des villes qui ont un maillage complet de transports en commun qui rend la possession d'un véhicule superflu sinon inutile.

    Il faut être aveugle, sourd, autiste, et je ne pointe personne qui a vraiment l'une de ces pathologies, pour ne pas comprendre la colère que les ZFE a fait naître, du gilet jaune puissance dix !

    Le Ministre chargé de l'Industrie et de l'Énergie Marc Ferracci, au cours du débat parlementaire, rappelait l'intérêt des ZFE : « Je terminerai en évoquant un sujet de fond, la question de l’impact des ZFE, qui a été soulevée par certains. Airparif a publié une étude sur le sujet : elle montre que l’interdiction de circulation des véhicules relevant de la norme Crit’Air 3 s’est traduite par une réduction du nombre de décès. Les auteurs de cette étude, qui n’a pas été commandée par le gouvernement, estiment que le nombre de décès prématurés dus à la pollution de l’air a baissé de 2,2%, quand le nombre de nouveaux cas d’asthme a baissé de 5,2%, pour rappel, chaque année, la pollution de l’air engendre 30 000 nouveaux cas d’asthme. Il a donc été démontré que l’impact des ZFE, mesuré de manière indépendante, est positif pour la santé publique. J’espère que ces éléments, qui sont importants, permettront de nourrir nos échanges. ».

     

     
     


    Le problème, c'est qu'on aurait encore de meilleurs résultats en termes de santé publique si le gouvernement décidait d'interdire toute circulation automobile sur tout le territoire nationale. Cela aurait en plus comme grand avantage la réduction drastique du nombre de tués sur la route. Sauf que la responsabilité d'un État, c'est justement de faire la part équilibrée entre deux injonctions paradoxales : la protection de la santé des personnes, mais aussi leur liberté d'aller et venir sans discrimination sociale selon le niveau de revenus ou de patrimoine. Avec les ZFE, on n'a manifestement pas porté attention à ceux qui, avec des bas revenus, avaient absolument besoin de leur (vieilles) voitures. J'ajoute que la Ministre de la Transition écologique a perdu une occasion de se taire lorsqu'elle a affirmé que les pauvres ne possédaient pas de véhicule.

    Le député RN Pierre Meurin a exprimé ainsi l'importance d'en finir avec les ZFE : « Liberté, Égalité, Fraternité : cette devise devrait nous rassembler en tant que républicains. Liberté. Les ZFE constituent une atteinte majeure à la liberté de circulation de personnes qui détiennent le permis de conduire, qui conduisent un véhicule ayant obtenu un résultat impeccable au contrôle technique et qui disposent d’une assurance en règle. Nous défendons la France qui s’arrête au feu rouge, qui va bosser et qui est bien élevée ! Égalité. Vous voudriez interdire aux Français des zones rurales l’accès aux métropoles, où une politique catastrophique d’aménagement du territoire a concentré tous les services en désertifiant la ruralité. Les ZFE bafouent le principe d’égalité territoriale, qui implique un accès égal aux services. Fraternité. Vous voulez exclure des grandes villes 13 millions de véhicules. Ce sont 13 millions de Français qui ne pourront pas se rendre dans une grande ville pour aller au boulot, pour se soigner, pour emmener leurs enfants à l’école, pour consommer dans les commerces de proximité ou pour accéder aux services publics. Rien ne va dans les ZFE, qui percutent chaque terme de notre devise républicaine. (…) Chers amis du bloc central, je connais vos doutes. Il faut arrêter de s’accrocher à ce totem. Il ne faut pas sauver le soldat ZFE ! ».

    Quelques minutes auparavant, Pierre Meurin estimait que la gauche pourrait l'aider à supprimer les ZFE et même le bloc central dont beaucoup de députés sont dubitatifs voire opposés aux ZFE. Il disait notamment : « Je lance un appel à la mobilisation. C’est un sujet sur lequel je suis fortement impliqué. À Lyon, la gauche manifeste contre les ZFE. J’espère que son contingent sera suffisant sur ses bancs aujourd’hui pour repousser l’amendement du gouvernement qui vise à imposer une ZFE à Lyon, avec instauration de radars de lecture automatique des plaques d’immatriculation dès 2026 et interdiction des véhicules Crit’Air 2 en 2028. Je continue d’en appeler à la conscience de tous nos collègues du bloc central. J’ai échangé avec beaucoup d’entre vous et je connais votre scepticisme, vos interrogations et même, en privé, votre opposition aux ZFE. ».


    Ainsi, la députée Danielle Brulebois (Renaissance) n'est pas loin de penser comme Pierre Meurin en s'interrogeant sur la volonté d'amélioration des ZFE par le gouvernement : « Il faut bien reconnaître que les ZFE ne fonctionnent pas. Elles sont source d’inégalité et suscitent beaucoup de mécontentement. Le gouvernement propose de modifier le dispositif, mais cette initiative appelle plusieurs questions. Dans l’exposé sommaire de l’amendement n°2599 rectifié, il est question de "prévoir des dispositifs concrets d’accompagnement pour les publics concernés". Quels sont-ils et comment seront-ils instaurés ? Comment met-on en œuvre un passe ZFE ? À qui s’adresse-t-il ? Aux ménages modestes, aux artisans, aux très petites entreprises ? Il est également question d’ "une période d’adaptation jusqu’au 31 décembre 2026, permettant aux territoires d’expérimenter, d’informer, de sensibiliser", mais 2026, c’est demain ! Comment les territoires prendront-ils d’ici là les mesures requises ? L’amendement ne contient rien de concret pour améliorer les ZFE. ».

    Le député Ian Boucard (LR), président de la commission spéciale, a rejoint le concert des opposants aux ZFE : « S’il faut tant d’exceptions, c’est le signe que la règle ne marche pas. Si nous sommes tous d’accord pour exempter du dispositif les voitures de collection ou encore des véhicules dans telle ou telle situation, c’est que les ZFE ne fonctionnent pas. Si nous avons ce débat en 2025 alors que la création des zones à faibles émissions a été votée en 2019, c’est parce que le dispositif est un échec. Je ne comprends pas le raisonnement qui vous amène à proposer de supprimer les ZFE à Bordeaux, à Strasbourg ou encore à Toulouse, mais de les laisser en place à Lyon et à Paris. Danielle Brulebois l’a très bien dit, le dispositif part d’un bon sentiment, tout le monde est d’accord pour améliorer la qualité de l’air, et je comprends pourquoi la majorité de l’époque l’a voté. (…) Les ZFE ne fonctionnent pas et suscitent la colère de nos concitoyens car certains parmi les plus précaires ne pourront plus accéder aux plus grandes métropoles. C’est inacceptable ! Cela ne semble poser de problème à personne que des gens qui viennent faire le ménage dans les beaux bureaux parisiens ne puissent pas venir visiter la ville en voiture avec leurs gamins deux fois par an. Je trouve, moi, que cela pose un problème d’égalité. Les ZFE posent un problème de ségrégation sociale. Il y a plein d’autres moyens d’améliorer la qualité de l’air, de s’engager pour le développement durable et pour l’environnement : il n’est pas nécessaire de laisser les citoyens les plus précaires à la périphérie des grandes villes. En plus, le dispositif est dysfonctionnel. Certaines voitures classées Crit’Air 1 sont extrêmement polluantes et lourdes. Ceux qui ont de l’argent et achètent de gros SUV peuvent encore venir dans Paris, contrairement à ceux dont la voiture a le malheur d’avoir vingt ans d’âge car ils n’ont pas les moyens de la remplacer. Les ZFE ne fonctionnent pas ; supprimons-les ! Je suis ravi de voir le gouvernement proposer des aménagements, mais le dispositif existe depuis 2019 ! Si nous n’en avions pas proposé la suppression en commission spéciale, il n’y aurait eu aucune modification. Personne n’a rien proposé depuis six ans ! ».
     

     
     


    Le député RN Christophe Bentz s'est aussi mobilisé pour supprimer les ZFE : « Je m’oppose fermement aux ZFE au nom de la santé des Français. En effet, avec les ZFE, des milliers de Français des zones périurbaines et des zones rurales seront exclus de l’accès aux grandes agglomérations. Depuis des décennies, les Français ruraux voient leurs services publics de proximité délocalisés dans les centres urbains. Les empêcher d’accéder aux services vitaux que les gouvernements successifs ont supprimés, voilà l’injustice sociale et territoriale ! La désertification médicale des zones rurales rend l’accès aux soins toujours plus difficile : l’offre de soins recule et l’accessibilité est de plus en plus réduite. Ces deux problèmes concrets participent au renoncement aux soins de nos compatriotes qui souffrent. En Haute-Marne, dans mon département, les Sud-Marnais dépendent désormais grandement de tous les services de santé de la ZFE de Dijon. Les empêchera-t-on d’accéder à leurs rendez-vous médicaux ? Leur demandera-t-on une dérogation pour aller se soigner parce qu’ils n’ont pas les moyens d’avoir le bon véhicule ? Aggravera-t-on encore leurs difficultés d’accès aux soins ? Nous avons adopté hier une proposition de loi pour développer les soins palliatifs partout et pour tous et nous empêcherions des milliers de Français d’y accéder ? Quel scandale ! Quelle injustice ! Votons pour l’article 15 ter et supprimons les ZFE ! ».

    Juste avant le vote sur l'article 15 ter, à savoir sur la suppression des ZFE, Pierre Meurin continuait à faire campagne : « J’insiste : ce dispositif ne marche pas, ne nous accrochons pas à un totem ! La société civile s’est mobilisée à travers de nombreuses associations. Ce soir, nous ferons un geste d’apaisement en votant la suppression des ZFE. ». Il a donc gagné. Du reste, il y a eu beaucoup d'amendements techniques de cohérence pour retirer la motion des ZFE dans les autres textes législatifs.

    La victoire des députés partisans de la suppression des ZFE est-elle durable ? C'est la question. Le Sénat entérinera certainement cette suppression. Est-ce que le gouvernement l'acceptera en seconde lecture ? Il en aurait en tout cas la possibilité pour montrer sa responsabilité. Il faut parfois renoncer lorsque les moyens vont à l'encontre de l'intérêt général. Mais avec une telle configuration à l'Assemblée, il faut encore s'attendre à toutes les surprises sur ce sujet très sensible.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (30 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Pierre Meurin.
    ZFE : les députés les suppriment !
    Automobilistes franciliens, attention à la voie du covoiturage sur le périph !
    Foire aux questions sur Notre-Dame-des-Landes.
    A69, autoroute erratique !
    Méfiez-vous du péage par smartphone sur les autoroutes !
    5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
    Tristesse.
    Contrôle médical obligatoire pour le permis de conduire : une erreur de vision ?
    Émotion nationale pour Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Claude Got.
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    Le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du lundi 17 juillet 2023.
    Le refus d'obtempérer est un délit routier.
    Faut-il interdire aux insomniaques de conduire ?
    Faut-il en finir avec le permis de conduire à vie ?
    L'avenir du périph' parisien en question.
    Fin du retrait de point pour les "petits" excès de vitesse : est-ce bien raisonnable ?
    Les trottinettes à Paris.
    L'accident de Pierre Palmade.
    La sécurité des personnes.
    Anne Heche.
    Diana Spencer.
    100 ans de code de la route.
    80 km/h : le bilan 2018-2020 très positif.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250528-zfe.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/zfe-les-deputes-les-suppriment-261246

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/28/article-sr-20250528-zfe.html


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  • Euthanasie 2025 (4) : adoption de la proposition de loi relative à "l'aide à mourir"

    « La véritable grandeur d’une société ne se mesure pas à sa capacité à abréger la vie, mais à son engagement à l’accompagner, jusqu’à ses derniers instants, avec humanité, courage et tendresse. » (Patrick Hetzel, le 27 mai 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Ce mardi 27 mai 2025 ont eu lieu dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale deux votes solennels sur deux propositions sur la fin de vie et l'accompagnement des personnes en fin de vie. La première proposition relative aux soins palliatifs a été adoptée à l'unanimité des députés avec 560 voix pour, 3 abstentions (dont 2 députés qui sont trompés et voulaient voter pour) sur 563 votants. La proposition de loi sur l'aide à mourir (proposition Falorni) n'a pas été, en revanche, adoptée à l'unanimité, loin de là. Elle l'a été, vers 18 heures 45, avec 305 voix pour, 199 voix contre, 57 abstentions sur 561 votants, soit une majorité assez large, quand même, de trois cinquièmes.

    Comme je l'ai exprimé précédemment, je regrette cette adoption en première lecture. Le fait de légiférer sur une autorisation à tuer ou à aider à tuer une personne est l'ouverture d'une boîte de Pandore. Des abus viendront obligatoirement pour de nombreuses raisons (coûts financiers de l'assurance maladie, pression des héritiers, tentations d'eugénisme, etc.) avec des assouplissements et élargissements des conditions d'encadrement votées ce 27 mai 2025.

    Dans le précédent article, j'ai précisé justement les conditions d'utilisation de cette aide à mourir (euthanasie et suicide assisté) que les députés avaient définies. Dans cet article, je propose d'indiquer le nom de quelques députés qui ont voté pour ou contre, souvent pour souligner que ce vote de conscience (et pas de confiance) a eu lieu en dehors des clivages politiques ordinaires (la plupart des groupes ont renoncé à une consigne de vote collective). Ensuite, je présenterai quelques extraits intéressants des explications de vote. Le Premier Ministre François Bayrou avait souhaité séparer les deux textes (soins palliatifs et euthanasie) et il a eu raison puisque l'un a été adopté de manière unanime au contraire de l'autre.


    Qui a voté pour ou contre ?


    Parmi les 305 députés qui ont voté pour la proposition Falorni, il y a eu 19 députés RN (dont Guillaume Bigot, Sébastien Chenu, Edwige Diaz, Alexandra Masson, Thomas Ménagé, Jean-Philippe Tanguy), 64 députés Renaissance (dont Pieyre-Alexandre Anglade, Gabriel Attal, Yaël Braun-Pivet, Céline Calvez, Pierre Cazeneuve, Olga Givernet, Guillaume Kasbarian, Roland Lescure, Sylvain Maillard, Franck Riester, Violette Spillebout, Jean Terlier, Prisca Thevenot, Stéphane Travert), 62 députés insoumis (sur 71), 59 députés socialistes (sur 66), 7 députés LR (dont Vincent Jeanbrun), 33 députés écologistes (sur 38), 20 députés MoDem (dont Erwan Balanant, Geneviève Darrieussecq, Olivier Falorni, Bruno Fuchs, Perrine Goulet, Jean-Paul Mattei, Richard Ramos, Nicolas Turquois, Philippe Vigier), 14 députés Horizons (dont Agnès Firmin Le Bodo, Lise Magnier, Isabelle Rauch, Frédéric Valletoux), 11 députés LIOT (dont Yannick Favennec-Bécot, David Habib, Stéphane Lenormand, Paul Molac, Estelle Youssouffa), 12 députés communistes (sur 17) et 4 députés non-inscrits (dont Stella Dupont, Sophie Errante, Sacha Houlié).

    Parmi les 199 députés qui ont voté contre la proposition Falorni, il y a eu 101 députés RN (sur 123, dont Marine Le Pen), 11 députés Renaissance (dont Yannick Chenevard, Anne Genetet, Sébastien Huyghe, Constance Le Grip, Joséphine Missoffe, Karl Olive, Annie Vidal qui a été la rapporteure de la proposition de loi sur les soins intensifs), 1 députée insoumise (Sophia Chikirou qui voulait s'abstenir), 4 députés socialistes (dont Paul Christophle, Dominique Potier), 34 députés LR (sur 49, dont Thibault Bazin, Xavier Breton, Pierre Cordier, Fabien Di Filippo, Nicolas Forissier, Philippe Gosselin, Michel Herbillon, Patrick Hetzel, Philippe Juvin, Olivier Marleix, Michèle Tabarot, Jean-Louis Thiériot, Jean-Pierre Vigier, Laurent Wauquiez), 1 députée écologiste (Lisa Belluco), 9 députés MoDem (dont Blandine Brocard, Cyrille Isaac-Sibille, Emmanuel Mandon, Maud Petit), 13 députés Horizons (dont Thierry Benoit, François Gernigon, Anne Le Hénanff, Naïma Moutchou, Marie-Agnès Poussier-Winsback), 3 députés LIOT (dont Charles de Courson, Jean-Luc Warsmann), 1 député communiste (Stéphane Peu), 16 députés ciottistes (sur 16, dont Éric Ciotti) et 5 députés non-inscrits (dont Aurélien Pradié, Raphaël Schellenberger).

     

     
     


    Enfin, 57 députés se sont abstenus : 3 députés RN (dont Franck Allisio), 14 députés Renaissance (dont David Amiel, Hervé Berville, Maud Bregeon, Olivia Grégoire, Marie Lebec, Mathieu Lefèvre, Éric Woerth), 3 députés insoumis, 2 députés socialistes, 8 députés LR (dont Julien Dive, Virginie Duby-Muller), 1 députée écologiste, 7 députés MoDem (dont Marina Ferrari, Marc Fesneau, Sandrine Josso), 6 députés Horizons (dont Paul Christophe, Nathalie Colin-Oesterlé), 9 députés LIOT (dont Harold Huwart, Christophe Naegelen, Nicolas Sanquer, Olivier Serva), 3 députés communistes (dont Emmanuel Tjibaou) et 1 député non-inscrit.


    Quelques explications de vote


    Dans les extraits que je présente, je précise qu'ils ne sont pas forcément représentatifs de l'Assemblée, mais ils proviennent à la fois de députés qui allaient voter pour et d'autres contre la proposition Falorni. Les groupes du socle commun ont été très partagés d'ailleurs, mais également le groupe RN.

    Le député et ancien ministre Philippe Vigier (MoDem) : « Nous sommes fiers d’être parlementaires. Le débat a été apaisé, argument contre argument. (…) Sur nombre de sujets sociétaux, l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), l’abolition de la peine de mort, l’autorisation de la procréation médicalement assistée (PMA), le mariage pour tous, les échanges dans cet hémicycles furent houleux. Ils n’étaient pas davantage apaisés lors de l’examen de la loi Claeys-Leonetti, j’ai lu les comptes rendus des débats de l’époque. Nous avions un devoir, être collectivement à la hauteur. Nous avons été à la hauteur pour les malades, qui nous écoutent, nous regardent et dont certains, dans l’impasse, attendaient ce nouveau droit. Nous avons été à la hauteur pour les soignants, cette communauté généreuse, professionnelle, que nous avons applaudie pendant l’épidémie de covid (…). Plusieurs textes ont ponctué notre cheminement sur ces questions : la proposition de loi relative au droit de vivre sa mort du sénateur Caillavet, la loi Kouchner, relative aux droits des malades, la loi Leonetti, dont l’adoption, il y a vingt ans déjà, mit un terme à "l’obstination déraisonnable n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie". Le législateur avait déjà envisagé la situation des personnes "en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable" dont on ne peut soulager les souffrances qu’en leur appliquant "un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger [la] vie", autrement dit, de hâter la mort. En 2016, une nouvelle étape a été franchie avec la loi Claeys-Leonetti, votée à l’Assemblée avant d’être totalement démantelée au Sénat ; il a fallu trouver un équilibre lorsqu’elle est revenue dans l’hémicycle. Un droit nouveau a alors été créé, "le droit du malade de dire : lorsque je souffre trop (…), je demande, si je le souhaite, qu’on arrête et qu’on m’endorme pour que la mort survienne dans mon sommeil", je cite Jean Leonetti. Le fait que certains d’entre nous aient voté contre la loi Claeys-Leonetti ne les a pas empêchés de se faire les ambassadeurs du droit à l’aide à mourir ces derniers jours. C’est bien la preuve que chacun peut évoluer au cours de sa vie ! (…) Que permettra cette nouvelle loi ? Elle donnera d’abord à des hommes et à des femmes le droit de bénéficier d’une aide à mourir. Il s’agit d’un droit en plus, pas d’un droit en moins ! Les patients atteints de la maladie de Charcot ne sont pas les seuls concernés, je pense notamment à ceux qui souffrent de cancers à tumeurs multiples, pour lesquels l’impasse thérapeutique est totale. Ce texte est équilibré, solide, il définit cinq critères cumulatifs et s’appuie sur un mot : le discernement. Quiconque a perdu son discernement ne pourra pas accéder à l’aide à mourir, a contrario des dispositions de la loi Claeys-Léonetti, je vous renvoie aux propos de Jean Leonetti qui expliquait qu’un patient ayant perdu son discernement pourrait bénéficier, au travers des soins palliatifs, de la sédation profonde et continue jusqu’à la mort. (…) Je le dis donc avec force : non, les résidents des EHPAD, s’ils ne remplissent pas les cinq conditions, ne pourront pas accéder à l’aide à mourir ; non, les enfants ne sont pas concernés, pas plus que les handicapés, je le dis à Perrine Goulet ; non, les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une affection psychiatrique, dès lors qu’elles ont perdu leur discernement, ne seront pas éligibles ! J’ajoute que les professionnels de santé sont protégés. Geneviève Darrieussecq a beaucoup insisté sur cette question, en particulier sur la clause de conscience. Tous les soignants peuvent la faire jouer. Je sais, chers collègues, que certains parmi vous souhaiteraient insister davantage sur le volontariat. Nous en reparlerons lors de la navette et je suis persuadé que nous trouverons ensemble une voie de passage. Quant aux directives anticipées, elles n’ont pas été intégrées au texte. C’est ce qui lui a permis de garder son équilibre et j’en remercie encore Olivier Falorni ! Nous voulions éviter que l’aide à mourir puisse faire partie d’un projet de vie ; elle ne pourra donc pas être demandée dans des directives anticipées. (…) Je tiens à m’adresser à ceux d’entre vous qui sont opposés à ce texte. Je respecte votre pensée et je sais que cette loi, pour vous, ne sera ni une loi d’humanité ni une loi de fraternité. Chacun son chemin ; chacun jugera en son âme et conscience. (…) Nous avons essayé de légiférer sérieusement (…). C’est avec une immense humilité que nous l’avons fait et nous serons toujours prêts, si jamais des dérives se faisaient jour, à les corriger. ».

    La députée et ancienne ministre Agnès Firmin Le Bodo (Horizons) : « Pour ma part, je voterai en sa faveur [en faveur due la proposition de loi instaurant une aide à mourir]. Je le voterai car il ne sacralise pas une idéologie, n’ouvre pas une liberté sans garde-fous, mais propose un chemin balisé, exigeant, réfléchi. Il ne cède pas à la facilité ; au contraire, il assume l’extrême complexité de certaines situations de fin de vie. Il forme, avec les soins palliatifs et l’accompagnement du malade et de son entourage, le modèle français de la fin de vie. Oui, nous devons entendre la détresse de ceux qui, même entourés, même soignés, ne peuvent plus vivre ce qui n’est plus pour eux qu’une lente agonie. Oui, nous devons affirmer que nul ne peut décider à la place de celui qui souffre. Mais nous devons également protéger ce choix, le borner, en garantir la liberté. (…) L’aide à mourir n’est ni de gauche ni de droite. Sur ce sujet, plus que sur tout autre, nul ne peut s’ériger en détenteur exclusif de la morale ; nul ne peut revendiquer la notion de bon ou de mauvais accompagnement de la fin de vie. Nous sommes tous ici élus du peuple, mais chacun a ses doutes, ses convictions, ses blessures propres. Parce que nous avons accepté cela, parce que nous avons écouté plus que nous n’avons accusé, nous avons pu réaliser ensemble ce que le Parlement peut faire de plus grand : donner à la loi un visage humain. ».


    Le député Laurent Panifous (LIOT) : « Les débats n’ont pas opposé ceux qui avaient raison et ceux qui avaient tort. Les votes et les positions qui s’exprimeront aujourd’hui sont tous respectables et je ne serais pas surpris d’apprendre qu’à quelques minutes d’un vote aussi important, aussi engageant, certains doutent et hésitent encore. Beaucoup ont dit, à raison, être pris d’un vertige à l’idée de légiférer sur la fin de vie. Sans doute n’existe-t-il rien de plus terrifiant, de plus mystérieux, de plus vertigineux que la mort, la nôtre, celle de nos proches, celle de ceux avec qui nous faisons société. Mais ne nous y trompons pas : nous ne légiférons pas sur la mort, pas plus que nous créons un "droit à mourir", comme j’ai pu l’entendre. Nous ne légiférons pas non plus sur le choix de mourir. Nous légiférons sur l’accompagnement que la société est prête à fournir à ceux pour qui la guérison n’est plus possible, sans jamais faiblir dans nos efforts pour les soigner et apaiser leurs souffrances. Il ne s’agit pas de précipiter la mort ni de faire de celle-ci un choix inéluctable ou, pire, forcé. Surtout, il ne s’agit pas de pallier un défaut d’accès aux soins palliatifs. ».

    Le député Yannick Monnet (PCF) : « Dès l’examen en commission, j’ai défendu l’idée que l’aide à mourir devait être non pas un dispositif, mais un droit, strictement encadré et conditionné. En effet, ce qui nous a conduits à légiférer sur l’aide à mourir, c’est la persistance de situations dans lesquelles des personnes atteintes d’une maladie incurable présentent des souffrances qui ne peuvent être soulagées par aucun soin et pour lesquelles la sédation profonde et continue n’est pas accessible. Dans ce contexte, envisager l’aide à mourir comme un droit, c’est garantir dans la loi l’accès à une mesure d’exception, d’ultime recours, protectrice à la fois pour la personne qui demande et pour les soignants qui devront l’accompagner. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, ce droit ne consacre pas la liberté de choisir sa mort. Il garantit à des personnes de pouvoir mettre un terme à des souffrances contre lesquelles la médecine ne peut plus rien ou que la personne, qui a fait le choix, en toute conscience et volontairement, de ne plus suivre de traitement, estime insupportables. C’est sur ce point que, ces dernières semaines, nous avons grandement affiné ce que nous attendions de l’aide à mourir. Après nos débats sur l’horizon temporel du diagnostic vital engagé et sur la notion de stade avancé d’une maladie, à la lumière notamment du dernier avis de la HAS, nous avons arrêté un choix : prendre davantage en considération la qualité de vie de la personne atteinte d’une maladie incurable que le temps qui lui reste à vivre, celui-ci étant, par nature, bien souvent incertain. Ce choix de privilégier la qualité de vie de la personne malade prise au piège de souffrances réfractaires est l’élément fondateur du droit à l’aide à mourir. C’est un choix qui bouscule et même, sans doute, brutalise notre perception de la fin de vie : au fond, nous souhaiterions tous que la médecine puisse tout jusqu’au bout et que la volonté de vivre l’emporte en toute situation. Je considère donc comme tout à fait inopportun de réduire la discussion sur la création de ce droit à une opposition entre les progressistes, qui seraient pour, et les conservateurs, qui seraient contre. Quand l’ordre établi est bousculé, l’instinct commande de le préserver. Quand nous, législateurs, bousculons l’ordre des choses, notre responsabilité nous commande d’agir avec prudence, en entendant les voix qui nous interpellent sur le déséquilibre que notre geste induit nécessairement. (…) Il faut impérativement éviter de jouer avec les ressorts du sensationnel, de la culpabilité et du clivage sans nuances. (…) Je regrette par ailleurs que la question d’un délit d’incitation n’ait pas pu être examinée autrement, avec moins de véhémence et plus de sérieux. Néanmoins, à l’issue de cette première lecture, j’ai le sentiment que nous avons réussi à définir le point d’ancrage du droit à l’aide à mourir et les restrictions qui doivent l’encadrer et le soutenir pour qu’il soit une réponse exceptionnelle à une demande exceptionnelle. ».
     

     
     


    Le député ciottiste Vincent Trébuchet : « Nous sommes plusieurs à avoir relayé la parole de nombreux philosophes, de juristes, d’économistes : ils nous alertent sur la rupture à tous niveaux que constitue cette proposition de loi et sur les dérives qu’elle contient dans son principe même, lesquelles se manifestent à l’international. Nous avons défendu la parole des soignants engagés dans les soins palliatifs : depuis leur expérience au plus proche de la fin de vie, et non par idéologie, ils nous disent qu’un autre chemin est possible. Nous avons porté la parole des nombreuses personnes malades ou handicapées : demain, elles seront éligibles à ce nouveau droit de demander la mort et elles ont peur. Ces paroles, monsieur le rapporteur général, madame la ministre, vous ne les avez pas véritablement entendues. Vous avez émis un avis défavorable sur la quasi-totalité des amendements que nous avions déposés. Les amendements qui visaient à renforcer la protection des personnes déficientes intellectuelles, des personnes autistes, des personnes sous protection juridique ou incarcérées ? Rejetés. Ceux qui visaient à élargir la clause de conscience aux pharmaciens chargés de préparer la substance létale, aux soignants prenant part indirectement à l’acte, ou aux établissements de soins palliatifs ? Rejetés. Ceux qui tendaient à contrôler la décision en instaurant une collégialité effective, en rendant possible un recours juridique préalable ou en prévoyant une consultation psychologique systématique ? Rejetés. Ceux qui tendaient à interdire explicitement la publicité pour l’euthanasie et sa promotion sur les réseaux sociaux, ou qui visaient à créer un délit d’incitation en miroir du délit d’entrave ? Rejetés. Les amendements, enfin, qui prévoyaient la remise d’un rapport relatif à l’impact financier de la loi sur la sécurité sociale, aux mutuelles et à leurs pratiques commerciales ? Rejetés. Devant cette constance à rejeter tout amendement qui ne viserait pas un élargissement pur et simple du droit au suicide assisté ou à l’euthanasie, on ne peut que s’interroger, quelle que soit sa position. Nous avons été collectivement incapables d’apporter à ce texte des garde-fous de bon sens, peut-être parce que le courant était trop fort. Quand la transgression de l’interdit de tuer est actée, les raisons véritables de ne pas étendre ce droit, d’exception en exception, tombent alors. (…) Avant d’autres, notre pays a conquis, et de belle manière, de nouveaux droits. Mais ce droit-là représenterait-il vraiment une avancée ? Un jeune médecin m’a expliqué : "Il y a quinze ans, au début de mon internat, l’euthanasie était monnaie courante dans certains services d’oncologie, mais l’arrivée de la culture palliative, du soin et de l’accompagnement jusqu’au bout, a rendu ces pratiques complètement caduques, jusqu’à disparaître complètement". Allons-nous revenir en arrière, alors qu’il reste tant à faire ? Les soins palliatifs sont la promesse d’un non-abandon : il est temps d’honorer cette promesse à l’égard de tous les Français qui en sont privés. ».

    Le député Christophe Bentz (RN) : « Aider, accompagner, soigner, soulager, écouter, parler, comprendre, essayer, trouver, considérer, rassurer, partager, profiter, pleurer, cajoler, amuser, rêver, réconforter, toucher, adoucir, atténuer, respecter, espérer, sauver. J’ai une pensée émue pour tous les soignants et aidants de France qui, chaque jour, prennent en charge la douleur et sèchent les larmes de ceux que nous aimons. Nous devons répondre à la souffrance insupportable, être à la hauteur, accompagner et secourir, rendre le plus beau possible ce qui est toujours digne, rendre le plus doux possible ce qui est si précieux, tenir la main jusqu’au bout, être présent, se battre, prendre soin, aimer, faire vivre. L’accompagnement de la personne humaine par le soin jusqu’à sa mort naturelle est un trait essentiel de notre civilisation, le cœur encore battant de notre humanité. Parce qu’on n’a, jusqu’à la fin, qu’une vie et qu’une seule dignité, nous opposons l’ultime secours à votre ultime recours. Le suicide est toujours un drame humain, le choix individuel d’un renoncement, un cri de désespoir, qui doit naturellement être entendu par la société. Mais la responsabilité d’un suicide, aussi assisté ou délégué soit-il, ne peut pas reposer sur la société. Ou alors, la société doit tout entière en prendre la responsabilité, en s’exprimant par référendum. (…) Notre responsabilité est immense : si vous entrouvrez la porte de l’abandon, elle ne se refermera plus jamais. La France est la nation du soin et doit le demeurer. Elle a inventé un modèle unique de soins, et rayonne dans le monde entier grâce à son modèle de santé et de protection de la personne humaine. La vocation sociale de la France consiste précisément à prendre soin des plus faibles, des plus fragiles, des plus vulnérables. Le monde entier admire la France pour sa singularité ; elle montre un chemin différent. Elle doit rester la lumière des nations du monde. ».

    Le député Stéphane Delautrette (PS) : « Il nous faut alors entendre la voix de celles et ceux qui veulent partir sereinement, dignement, selon leur conscience. Il nous faut respecter leur volonté libre et éclairée. Il n’est pas question d’obliger qui que ce soit à recourir à ce nouveau droit, ni d’obliger les professionnels de santé à agir en désaccord avec leur conscience. Il ne s’agit pas non plus de donner un permis de tuer, mais d’accéder à une liberté de choix. ».

    Le député et ancien ministre Patrick Hetzel (LR) : « Trop souvent méconnus, les soins palliatifs ne sont pourtant pas synonymes de renoncement. Ils ne guérissent pas, certes, mais ils soignent : la douleur, l’angoisse, la solitude. Ils donnent du sens aux derniers instants, ils permettent de dire adieu, de se réconcilier, de choisir comment partir. Ils affirment avec force et douceur que chaque vie mérite d’être respectée jusqu’à son terme. Dans un monde qui a parfois peur de la fin de vie, les soins palliatifs osent l’affronter avec une infinie délicatesse. Ils nous parlent de ce que nous avons de plus précieux : notre capacité à prendre soin, à accompagner, à aimer, jusqu’au dernier souffle. (…) Permettez-moi de le dire avec gravité : introduire l’euthanasie dans un système de soins encore insuffisamment formé à la culture palliative ne serait pas seulement une faute morale ; ce serait la marque d’une défaite collective. Les soins palliatifs ne sont pas une solution de repli ; ils sont la promesse d’une humanité partagée jusqu’au bout, dans le respect de la vie et de la personne. ».
     

     
     


    La députée Sandrine Rousseau (EELV) : « Pour nos amours, pour nos amis, pour celles et ceux qui nous sont chers, pour toutes celles et ceux qui n’ont pas eu accès à cette aide, pour toutes celles et ceux que l’on a accompagnés dans toutes les maisons de France, pour celui qui croyait au ciel, pour celui qui n’y croyait pas, pour notre humanité, pour le droit à disposer de nos corps, pour notre liberté si précieuse et si chérie : oui au droit aux soins palliatifs, oui à l’aide à mourir. ».

    La députée Nathalie Colin-Oesterlé (Horizons) : « Je suis cependant convaincue qu’il reste encore beaucoup à faire pour éviter toutes les dérives et protéger les personnes les plus vulnérables. Je regrette que la décision finale reste le fardeau solitaire d’un médecin, tout comme je regrette que la consultation par un second médecin ne soit pas obligatoire, comme elle l’est en Belgique. Je suis également convaincue que le médecin traitant, quand il existe, médecin qui connaît le parcours de soins, les volontés du patient et assure son suivi régulier, devrait obligatoirement être consulté. Le texte, dans sa rédaction actuelle, ne donne aucune priorité aux soins palliatifs. Le patient est simplement informé qu’il y a droit. Les chiffres montrent pourtant que la très grande majorité des patients, quand leur souffrance est apaisée, ne souhaitent plus mourir. Le texte prévoit la création d’un délit d’entrave à l’aide à mourir ; mais l’amendement qui prévoyait la création d’un délit d’incitation à l’aide à mourir a été rejeté. Il est pourtant essentiel de veiller à ce qu’aucune pression, ouverte ou dissimulée, ne soit exercée sur des personnes vulnérables. L’absence d’une telle disposition fait peser un risque éthique important sur l’encadrement de la procédure. ».


    La députée ciottiste Hanane Mansouri : « L’accès à la mort n’a cessé d’être élargi. On ne peut plus parler d’un texte équilibré, qui encadrerait strictement l’euthanasie pour des personnes en fin de vie, condamnées, dénuées de perspectives. Il suffira désormais d’être atteint d’une affection qualifiée d’incurable, sans que cela soit synonyme de mort imminente, loin de là. Voici quelques exemples de maladies chroniques incurables : l’arthrose, l’endométriose ou encore la trisomie. Elles n’empêchent ni d’aimer ni de vivre pendant de nombreuses années. Encore faut-il que nous décidions d’en faire une priorité médicale et humaine. Les promoteurs de ce texte nous expliquent que l’euthanasie n’est pas une obligation, mais un droit. Or ce n’est pas parce qu’on ne contraint pas qu’on n’incite pas. Ce n’est pas parce que c’est un choix qu’il est libre. Ce n’est pas parce qu’on ne dit pas directement à quelqu’un qu’il est un fardeau qu’il ne l’entendra pas ainsi. Qui pourra garantir qu’un entourage fatigué, parfois malveillant, ne posera pas la question à demi-mot, par lassitude ou par intérêt ? (…) Il faut regarder la vérité en face, car elle a déjà un visage et une histoire, ceux d’une femme atteinte de la maladie de Charcot. Elle a cru très tôt qu’il ne lui restait plus qu’une issue : partir avant de souffrir, avant de devenir un poids. Traumatisée par la mort de sa sœur, atteinte de la même maladie, elle a très vite dit qu’elle ne voulait pas vivre la même chose et qu’elle irait en Belgique pour mourir. Tout s’est enchaîné : la douleur, la fatigue des proches, le manque d’informations relatives aux aides disponibles et une société incapable de proposer autre chose que la sortie. Pourtant, cette femme n’était pas à l’article de la mort. Elle était encore capable d’échanges, de joie, de nouer des liens. Elle avait même connu la joie immense de devenir grand-mère. Quand la famille s’est rassemblée autour d’elle, quand ses proches se sont relayés pour les soins, l’atmosphère s’est allégée. Il y avait de la vie, de l’amour, du sens. Mais tout cela est arrivé trop tard : elle ne savait pas que les soins palliatifs pouvaient être proposés à domicile dès le diagnostic car on ne lui avait pas dit. Le centre le plus proche avait refusé de l’admettre, jugeant que son état ne s’était pas encore assez dégradé. Personne ne l’a retenue, personne ne l’a vraiment accompagnée. Elle est partie parce qu’elle pensait que c’était la seule façon de ne pas peser. ».

    Le député Théo Bernhardt (RN), qui allait voter favorablement à la proposition Falorni : « Nous entendons celles et ceux qui craignent, derrière cette liberté, l’avènement d’une société où la vie deviendrait un paramètre comptable, où l’on pousserait subtilement les plus vulnérables vers la sortie. Nous leur répondons que le texte qui nous est soumis ne fait pas l’apologie de la mort : il consacre un droit ultime, encadré, balisé, assorti de garanties. Refuser d’ouvrir cette porte au prétexte qu’elle pourrait être forcée demain, c’est condamner aujourd’hui des femmes et des hommes à une souffrance insupportable, au nom d’un risque incertain. Nous sommes satisfaits des amendements adoptés en séance, qui viennent encadrer ce droit. Nous avons d’abord fait du suicide assisté la règle, pour que l’euthanasie reste l’exception. Ensuite, nous avons précisé que les personnes éligibles à l’aide à mourir devaient être entrées dans un processus irréversible d’aggravation de leur état de santé. Enfin, nous avons supprimé la reconnaissance comme mort naturelle des morts résultant de l’aide à mourir. Ces précisions ne sont pas accessoires, mais essentielles pour prévenir tout abus, toute dérive. Les garde-fous sont indispensables pour protéger les plus vulnérables, et garantir que cette aide à mourir reste une exception rigoureusement encadrée, fondée sur une demande libre, éclairée, et surtout réitérée. (…) Nous regrettons que l’instauration d’un délit d’incitation ait été rejetée, alors qu’elle aurait pu rassurer et garantir l’équilibre du texte. Nous tenons également à rappeler que les soins palliatifs doivent demeurer la réponse prioritaire à la souffrance en fin de vie : il est impératif de garantir un accès équitable à ces soins partout sur le territoire, afin que nul ne soit contraint de choisir l’aide à mourir faute de soins appropriés. Pour ceux d’entre nous qui en feront ainsi, voter ce texte ne signifie pas que nous tournons le dos à la valeur de la vie. Nous souhaitons honorer la parole de ceux qui, dans le silence de leur chambre d’hôpital, demandent qu’on respecte leur ultime liberté. Je l’assure à nos compatriotes inquiets : nous ne transigerons jamais avec la protection des personnes en situation de handicap, des mineurs, des personnes sous emprise ou en détresse psychologique. ».

    Le député Vincent Ledoux (Renaissance) : « "Ce n’est pas la mort que l’on redoute, c’est de mourir sans avoir été compris". Cette phrase de François Cheng exprime avec une justesse bouleversante ce qui habite chacun face à la finitude : le besoin d’être reconnu dans sa singularité, son histoire, dans sa douleur comme dans ses choix. Être compris, c’est être reconnu jusqu’au bout comme une personne, et non uniquement comme un corps. C’est recevoir la main tendue, le cœur ouvert à la souffrance : le fardeau est moins lourd à porter lorsque l’on n’est pas seul. Être compris dans sa vulnérabilité, sa faiblesse, sa dépendance, n’est-ce pas là, au fond, la plus belle promesse de la fraternité républicaine ? Cette compréhension a été rendue possible par les pionniers des soins palliatifs, qui ont permis d’affirmer le refus de l’obstination déraisonnable, la reconnaissance des directives anticipées, et le droit à la sédation profonde. Les Français leur en sont reconnaissants : ils font massivement confiance à cette approche pour soulager les souffrances en fin de vie. ».
     

     
     


    Comme on le voit, au-delà du clivage pour et contre le principe de l'euthanasie, il y a, parmi ceux qui sont pour, deux enjeux importants qui n'ont pas rassuré un certain nombre de députés : d'une part, l'instauration d'un délit d'entrave, calqué sur celui pour l'IVG, risque de mettre à mal la liberté d'expression ; d'autre part, le refus de l'instauration d'un délit d'incitation à l'euthanasie rend la situation déséquilibrée en ce sens qu'une pression pourrait s'exercer sur le patient pour accélérer sa fin de vie sans qu'elle puisse être sanctionnée, alors que la pression inverse serait sanctionnée.

    Désormais approuvée en première lecture par les députés (c'est une première historique), c'est au tour des sénateurs de se prononcer sur ce texte qui sera examiné en automne 2025 au Sénat (malgré un agenda principalement chargé, consacré au budget 2026), et sera probablement amendé, ce qui le ferait sans doute revenir en seconde lecture à l'Assemblée. Certains espèrent une adoption définitive avant la fin du mandat du Président Emmanuel Macron en 2027.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Euthanasie 2025 (4) : adoption de la proposition de loi relative à "l'aide à mourir".
    Olivier Falorni.
    Euthanasie 2025 (3) : l'examen de la proposition Falorni à l'Assemblée.
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250527-euthanasie-2025d.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-4-adoption-de-la-261216

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/27/article-sr-20250527-euthanasie-2025d.html




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  • Pierre Meurin (RN) s'oppose aux ZFE

    « Personne ne parle jamais du fait que, dans le métro, les émissions de particules fines sont cinq fois supérieures aux normes fixées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). C’est contradictoire : vous ne traitez pas certains sujets de fond tout en vous focalisant sur un totem, les ZFE. Il n’y a aucune raison de sauver le soldat ZFE ! Personne n’en veut plus dans notre société et il existe une majorité parlementaire pour les supprimer. Faisons-le ce soir et passons à autre chose ! » (Pierre Meurin, député RN, le 28 mai 2025 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Au cours de l'examen de la projet de loi de simplification de la vie économique à l'Assemblée en première lecture le mercredi 28 mai 2025 vers 22 heures 40, les députés ont adopté l'article 15 ter qui supprime purement et simplement l'existence des ZFE, des zones à faibles émissions, contre l'avis du gouvernement.

    Il faut dire les choses comme elles le sont : cet article de suppression, déjà adopté en commission, a été adopté en séance publique grâce à la collusion entre le groupe RN et le groupe insoumis... et bien que je m'oppose fermement à ces deux courants populistes (d'extrême droite et d'extrême gauche), j'ai applaudi des deux mains lorsque j'ai appris cette adoption.

    Évoquons rapidement le scrutin puisqu'il a été public (scrutin n°2190). 155 députés ont voté, dont 98 ont voté pour, 51 ont voté contre et 6 se sont abstenus. Même si une grande majorité des députés était absente de cette séance, ce qui est tout à fait ordinaire (un député a trente-six choses à faire et se spécialise), ce résultat est significatif et remarquable. Ceux qui ont voté pour étaient surtout du RN et FI : 56 députés RN, 27 députés insoumis, 6 députés LR (dont Olivier Marleix), 3 députés Renaissance (dont Hervé Berville), 1 député Horizons, 1 député LIOT (Jean-Luc Warsmann) et 4 députés ciottistes ont voté pour la suppression des ZFE. Au contraire, 16 députés Renaissance, 17 députés PS, 14 députés écologistes, 2 députés MoDem (dont Marc Fesneau) et 2 députés Horizons ont voté contre. On pouvait imaginer une mobilisation un peu plus forte des écologistes et des socialistes pour sauver les ZFE. Cela n'a pas été le cas.

    En ce qui me concerne, si j'avais été dans le cas de ces députés, j'aurais voté pour la suppression des ZFE car je suis résolument opposé à ce qu'on appelle communément des zone à forte exclusion.
     

     
     


    Sur le principe, l'idée est évidemment pertinente. Il y a plusieurs milliers de personnes qui meurent chaque année de pollution atmosphérique. Réduire la pollution due aux véhicules thermiques (notamment fines particules) dans les zones d'habitation très dense, en d'autres termes, dans les agglomérations urbaines de plus de 150 000 habitants, paraît un bon objectif, sur le papier.

    Le problème, c'est qu'on s'y est pris doublement comme un balai.

    D'une part, il fallait définir ce qu'était un véhicule polluant ou pas, ou plutôt, une gradation de véhicule plus ou moins polluant : la logique scientifique aurait dû être de mesurer les particules et autres pollutions (à définir) qui s'échappaient réellement (j'insiste !) du véhicule et de mettre des seuils de pollution. Les contrôles techniques obligatoires le font déjà.
     

     
     


    Mais on a préféré faire dans la facilité parfois injuste. On a créé des vignettes Crit'Air qui sont obligatoires dans certaines zones (à acheter pour quelques euros) et qui sont définies en fonction du type de véhicule (diesel, essence, électrique) et de son année d'immatriculation. Certains années correspondent aussi à des normes plus contraignantes sur le plan de la pollution du véhicule.

    Néanmoins, il y a des absurdités monstrueuses : ainsi, on interdira à quelqu'un de rouler avec une vieille diesel qui ne roule que quelques milliers de kilomètres par an alors qu'on autorise au même endroit des SUV très polluants mais qui ont la joie d'être plus récents.

    Donc, sur ce plan-là, la définition de la pollution, c'est déjà douteux.

    D'autre part, les décisions proprement honteuses d'interdiction pure et simple de circulation de véhicules définis comme polluants dans des zones centrales rendent l'objectif complètement irréaliste, d'autant plus que les aménagements régionaux sont généralement en étoile vers la ville centre. Cela signifie une atteinte déraisonnable de la liberté de circulation.

    La mise en œuvre a été d'autant plus folle que très rapide. Ainsi, on interdit chaque niveau supplémentaire en seulement un ou deux ans, avec pour objectif (comme les "bons élèves" ne seront jamais récompensés) l'interdiction de tout véhicule thermique en 2030 (c'est très proche, dans quatre ans et demi, je rappelle que le covid a commencé il y a cinq ans et demi).
     

     
     


    La mise en place des ZFE est une mesure complètement anti-sociale. En outre,je suis convaincu que si le socle commun ne les supprimait pas, il perdrait assurément l'élection présidentielle de 2027.

    Ainsi, au 1er janvier 2025, les villes de Paris, Lyon et Grenoble sont interdites pour les véhicules qui ne sont pas Crit'Air 1 ou 2. Le pire, c'est que ce n'est pas seulement la ville intra muros qui est interdite mais l'agglomération. Or, pour Paris, c'est une partie supérieure à celle englobée par l'A86, si bien que des banlieusards se retrouvent dans l'impossibilité d'effectuer des trajets banlieue vers banlieue qu'ils doivent pourtant faire en automobile faute d'une desserte en transportes en commun. Depuis le début de l'année, près de 2 millions de véhicules sont interdits de circulation en France, véhicules pourtant parfaitement autorisés à rouler selon le contrôle technique.
     

     
     


    Ce n'est plus de l'écologie punitive, c'est pire que cela. C'est la répression des pauvres. Car il ne faut pas se tromper : ceux qui ont des voitures vieilles, ce sont des personnes qui n'ont pas la possibilité de remplacer leur automobile (qu'on vante tant dans les publicités à la télévision). Ce sont des personnes qui en ont énormément besoin, soit pour se rendre à leur lieu de travail, soit même pour vivre, dans des zones rurales où, pour la moindre course, il faut faire plusieurs dizaines de kilomètres.

    La mise en place des ZFE a germé dans des cerveaux de technocrates à hauts revenus capables de remplacer fréquemment leur véhicule, qui, d'ailleurs, n'est pas nécessaire car ils ont des voitures de fonction, voire des chauffeurs, voire, plus simplement, habitent, travaillent et se divertissent dans des villes qui ont un maillage complet de transports en commun qui rend la possession d'un véhicule superflu sinon inutile.

    Il faut être aveugle, sourd, autiste, et je ne pointe personne qui a vraiment l'une de ces pathologies, pour ne pas comprendre la colère que les ZFE a fait naître, du gilet jaune puissance dix !

    Le Ministre chargé de l'Industrie et de l'Énergie Marc Ferracci, au cours du débat parlementaire, rappelait l'intérêt des ZFE : « Je terminerai en évoquant un sujet de fond, la question de l’impact des ZFE, qui a été soulevée par certains. Airparif a publié une étude sur le sujet : elle montre que l’interdiction de circulation des véhicules relevant de la norme Crit’Air 3 s’est traduite par une réduction du nombre de décès. Les auteurs de cette étude, qui n’a pas été commandée par le gouvernement, estiment que le nombre de décès prématurés dus à la pollution de l’air a baissé de 2,2%, quand le nombre de nouveaux cas d’asthme a baissé de 5,2%, pour rappel, chaque année, la pollution de l’air engendre 30 000 nouveaux cas d’asthme. Il a donc été démontré que l’impact des ZFE, mesuré de manière indépendante, est positif pour la santé publique. J’espère que ces éléments, qui sont importants, permettront de nourrir nos échanges. ».

     

     
     


    Le problème, c'est qu'on aurait encore de meilleurs résultats en termes de santé publique si le gouvernement décidait d'interdire toute circulation automobile sur tout le territoire nationale. Cela aurait en plus comme grand avantage la réduction drastique du nombre de tués sur la route. Sauf que la responsabilité d'un État, c'est justement de faire la part équilibrée entre deux injonctions paradoxales : la protection de la santé des personnes, mais aussi leur liberté d'aller et venir sans discrimination sociale selon le niveau de revenus ou de patrimoine. Avec les ZFE, on n'a manifestement pas porté attention à ceux qui, avec des bas revenus, avaient absolument besoin de leur (vieilles) voitures. J'ajoute que la Ministre de la Transition écologique a perdu une occasion de se taire lorsqu'elle a affirmé que les pauvres ne possédaient pas de véhicule.

    Le député RN Pierre Meurin a exprimé ainsi l'importance d'en finir avec les ZFE : « Liberté, Égalité, Fraternité : cette devise devrait nous rassembler en tant que républicains. Liberté. Les ZFE constituent une atteinte majeure à la liberté de circulation de personnes qui détiennent le permis de conduire, qui conduisent un véhicule ayant obtenu un résultat impeccable au contrôle technique et qui disposent d’une assurance en règle. Nous défendons la France qui s’arrête au feu rouge, qui va bosser et qui est bien élevée ! Égalité. Vous voudriez interdire aux Français des zones rurales l’accès aux métropoles, où une politique catastrophique d’aménagement du territoire a concentré tous les services en désertifiant la ruralité. Les ZFE bafouent le principe d’égalité territoriale, qui implique un accès égal aux services. Fraternité. Vous voulez exclure des grandes villes 13 millions de véhicules. Ce sont 13 millions de Français qui ne pourront pas se rendre dans une grande ville pour aller au boulot, pour se soigner, pour emmener leurs enfants à l’école, pour consommer dans les commerces de proximité ou pour accéder aux services publics. Rien ne va dans les ZFE, qui percutent chaque terme de notre devise républicaine. (…) Chers amis du bloc central, je connais vos doutes. Il faut arrêter de s’accrocher à ce totem. Il ne faut pas sauver le soldat ZFE ! ».

    Quelques minutes auparavant, Pierre Meurin estimait que la gauche pourrait l'aider à supprimer les ZFE et même le bloc central dont beaucoup de députés sont dubitatifs voire opposés aux ZFE. Il disait notamment : « Je lance un appel à la mobilisation. C’est un sujet sur lequel je suis fortement impliqué. À Lyon, la gauche manifeste contre les ZFE. J’espère que son contingent sera suffisant sur ses bancs aujourd’hui pour repousser l’amendement du gouvernement qui vise à imposer une ZFE à Lyon, avec instauration de radars de lecture automatique des plaques d’immatriculation dès 2026 et interdiction des véhicules Crit’Air 2 en 2028. Je continue d’en appeler à la conscience de tous nos collègues du bloc central. J’ai échangé avec beaucoup d’entre vous et je connais votre scepticisme, vos interrogations et même, en privé, votre opposition aux ZFE. ».


    Ainsi, la députée Danielle Brulebois (Renaissance) n'est pas loin de penser comme Pierre Meurin en s'interrogeant sur la volonté d'amélioration des ZFE par le gouvernement : « Il faut bien reconnaître que les ZFE ne fonctionnent pas. Elles sont source d’inégalité et suscitent beaucoup de mécontentement. Le gouvernement propose de modifier le dispositif, mais cette initiative appelle plusieurs questions. Dans l’exposé sommaire de l’amendement n°2599 rectifié, il est question de "prévoir des dispositifs concrets d’accompagnement pour les publics concernés". Quels sont-ils et comment seront-ils instaurés ? Comment met-on en œuvre un passe ZFE ? À qui s’adresse-t-il ? Aux ménages modestes, aux artisans, aux très petites entreprises ? Il est également question d’ "une période d’adaptation jusqu’au 31 décembre 2026, permettant aux territoires d’expérimenter, d’informer, de sensibiliser", mais 2026, c’est demain ! Comment les territoires prendront-ils d’ici là les mesures requises ? L’amendement ne contient rien de concret pour améliorer les ZFE. ».

    Le député Ian Boucard (LR), président de la commission spéciale, a rejoint le concert des opposants aux ZFE : « S’il faut tant d’exceptions, c’est le signe que la règle ne marche pas. Si nous sommes tous d’accord pour exempter du dispositif les voitures de collection ou encore des véhicules dans telle ou telle situation, c’est que les ZFE ne fonctionnent pas. Si nous avons ce débat en 2025 alors que la création des zones à faibles émissions a été votée en 2019, c’est parce que le dispositif est un échec. Je ne comprends pas le raisonnement qui vous amène à proposer de supprimer les ZFE à Bordeaux, à Strasbourg ou encore à Toulouse, mais de les laisser en place à Lyon et à Paris. Danielle Brulebois l’a très bien dit, le dispositif part d’un bon sentiment, tout le monde est d’accord pour améliorer la qualité de l’air, et je comprends pourquoi la majorité de l’époque l’a voté. (…) Les ZFE ne fonctionnent pas et suscitent la colère de nos concitoyens car certains parmi les plus précaires ne pourront plus accéder aux plus grandes métropoles. C’est inacceptable ! Cela ne semble poser de problème à personne que des gens qui viennent faire le ménage dans les beaux bureaux parisiens ne puissent pas venir visiter la ville en voiture avec leurs gamins deux fois par an. Je trouve, moi, que cela pose un problème d’égalité. Les ZFE posent un problème de ségrégation sociale. Il y a plein d’autres moyens d’améliorer la qualité de l’air, de s’engager pour le développement durable et pour l’environnement : il n’est pas nécessaire de laisser les citoyens les plus précaires à la périphérie des grandes villes. En plus, le dispositif est dysfonctionnel. Certaines voitures classées Crit’Air 1 sont extrêmement polluantes et lourdes. Ceux qui ont de l’argent et achètent de gros SUV peuvent encore venir dans Paris, contrairement à ceux dont la voiture a le malheur d’avoir vingt ans d’âge car ils n’ont pas les moyens de la remplacer. Les ZFE ne fonctionnent pas ; supprimons-les ! Je suis ravi de voir le gouvernement proposer des aménagements, mais le dispositif existe depuis 2019 ! Si nous n’en avions pas proposé la suppression en commission spéciale, il n’y aurait eu aucune modification. Personne n’a rien proposé depuis six ans ! ».
     

     
     


    Le député RN Christophe Bentz s'est aussi mobilisé pour supprimer les ZFE : « Je m’oppose fermement aux ZFE au nom de la santé des Français. En effet, avec les ZFE, des milliers de Français des zones périurbaines et des zones rurales seront exclus de l’accès aux grandes agglomérations. Depuis des décennies, les Français ruraux voient leurs services publics de proximité délocalisés dans les centres urbains. Les empêcher d’accéder aux services vitaux que les gouvernements successifs ont supprimés, voilà l’injustice sociale et territoriale ! La désertification médicale des zones rurales rend l’accès aux soins toujours plus difficile : l’offre de soins recule et l’accessibilité est de plus en plus réduite. Ces deux problèmes concrets participent au renoncement aux soins de nos compatriotes qui souffrent. En Haute-Marne, dans mon département, les Sud-Marnais dépendent désormais grandement de tous les services de santé de la ZFE de Dijon. Les empêchera-t-on d’accéder à leurs rendez-vous médicaux ? Leur demandera-t-on une dérogation pour aller se soigner parce qu’ils n’ont pas les moyens d’avoir le bon véhicule ? Aggravera-t-on encore leurs difficultés d’accès aux soins ? Nous avons adopté hier une proposition de loi pour développer les soins palliatifs partout et pour tous et nous empêcherions des milliers de Français d’y accéder ? Quel scandale ! Quelle injustice ! Votons pour l’article 15 ter et supprimons les ZFE ! ».

    Juste avant le vote sur l'article 15 ter, à savoir sur la suppression des ZFE, Pierre Meurin continuait à faire campagne : « J’insiste : ce dispositif ne marche pas, ne nous accrochons pas à un totem ! La société civile s’est mobilisée à travers de nombreuses associations. Ce soir, nous ferons un geste d’apaisement en votant la suppression des ZFE. ». Il a donc gagné. Du reste, il y a eu beaucoup d'amendements techniques de cohérence pour retirer la motion des ZFE dans les autres textes législatifs.

    La victoire des députés partisans de la suppression des ZFE est-elle durable ? C'est la question. Le Sénat entérinera certainement cette suppression. Est-ce que le gouvernement l'acceptera en seconde lecture ? Il en aurait en tout cas la possibilité pour montrer sa responsabilité. Il faut parfois renoncer lorsque les moyens vont à l'encontre de l'intérêt général. Mais avec une telle configuration à l'Assemblée, il faut encore s'attendre à toutes les surprises sur ce sujet très sensible.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (30 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Pierre Meurin.
    ZFE : les députés les suppriment !
    Automobilistes franciliens, attention à la voie du covoiturage sur le périph !
    Foire aux questions sur Notre-Dame-des-Landes.
    A69, autoroute erratique !
    Méfiez-vous du péage par smartphone sur les autoroutes !
    5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
    Tristesse.
    Contrôle médical obligatoire pour le permis de conduire : une erreur de vision ?
    Émotion nationale pour Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Claude Got.
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    Le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du lundi 17 juillet 2023.
    Le refus d'obtempérer est un délit routier.
    Faut-il interdire aux insomniaques de conduire ?
    Faut-il en finir avec le permis de conduire à vie ?
    L'avenir du périph' parisien en question.
    Fin du retrait de point pour les "petits" excès de vitesse : est-ce bien raisonnable ?
    Les trottinettes à Paris.
    L'accident de Pierre Palmade.
    La sécurité des personnes.
    Anne Heche.
    Diana Spencer.
    100 ans de code de la route.
    80 km/h : le bilan 2018-2020 très positif.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250528-pierre-meurin.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/30/article-sr-20250528-pierre-meurin.html

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  • L'horrible Joël Le Scouarnec, pervers prédateur assumé et multirécidiviste

    « Je revois la scène, je suis dans la salle de réveil et il retire la couverture qui me couvrait. Il est au-dessus de moi, je le vois comme un géant. » (Une victime, 9 ans au moment des faits).




     

     
     


    Il est des affaires judiciaires plus sordides et glauques que d'autres. Jugé depuis le 24 février 2025 par la cour criminelle du Morbihan à Vannes, le docteur Joël Le Scouarnec a été condamné ce mercredi 28 mai 2025 en début d'après-midi à vingt ans de réclusion criminelle dont les deux tiers sont en peine de sûreté. Il est en outre condamné à une mesure de suivi socio-judiciaire pendant quinze ans, accompagnée des obligations suivantes : établir un lieu de résidence déterminé, obligation de soins pendant sept ans, avec une peine de prison encourue si l'injonction de soins n'est pas respectée, interdiction définitive d'exercer toute activité médicale ou en lien avec des enfants, interdiction de détenir un animal à titre définitif, inscription au fichier des auteurs de crimes sexuels.

    Si le verdict paraît sévère (« La peine encourue, en l'état de notre droit, est fixée à vingt ans de prison maximum », selon la présidente de la cour), il aurait pu l'être plus si les juges avaient suivi la réquisition du procureur qui demandait, à l'instar de nombreuses victimes, en plus des vingts de prison, une mesure de rétention de sûreté à l'issue de la peine de prison, pour empêcher tout risque de récidive. D'autant plus que cette peine de vingt ans se confond avec la peine de quinze ans de prison qu'il avait eue d'un premier procès.


    Il est difficile de parler du docteur Le Scouarnec en pleine sérénité ; la nausée prend souvent. Parlons rapidement de lui (j'ai volontairement évité de proposer des images de lui). C'est un chirurgien spécialisé dans l'appareil digestif qui va avoir 75 ans dans six mois, il a pris sa retraite en 2014 (à ma connaissance). Dès l'âge de 25 ans, le personnage a découvert ses tendances pédophiles. Opérant notamment les appendicites à l'hôpital, il a été très souvent au contact avec des mineurs.

    Il a d'abord eu une condamnation de quatre mois de prison avec sursis pour détention d'images à caractère pédopornographique jugé par le tribunal correctionnel de Vannes en octobre 2005 à la suite d'une opération du FBI de 2004. Mais cette condamnation n'a pas servi comme avertissement pour l'avenir, c'est cela qui est étrange.

    Il y a eu ensuite son premier procès. S'installant à Jonzac en 2008, pour exercer puis prendre sa retraite, il a été dénoncé en 2017 par une petite fille de 6 ans, celle des voisins, qu'il avait violée. Il a été alors arrêté et on s'est aperçu qu'il avait aussi violé une de ses nièces et agressé sexuellement une autre de ses nièces. En tout, quatre mineures ont déclaré qu'elles étaient ses victimes. Un premier procès a eu lieu à la cour d'assises de Charente-Maritime, à Saintes, du 13 au 17 mars 2020. Il a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle le 4 décembre 2020.

    Les investigations lors de l'instruction de ce premier procès ont révélé de nombreux viols et agressions sexuelles sur 312 victimes principalement des enfants (la moyenne d'âge de 11 ans). L'élément essentiel fut les carnets intimes de Joël Le Scouarnec qui écrivait tous ses faits de 1990 à 2017 en y indiquant le nom de ses jeunes victimes, et diverses réflexions ou descriptions. Non seulement à caractère pédocriminel mais aussi scatologique, zoophile (d'où l'interdiction de posséder des animaux de compagnie), etc. particulièrement dégueulasses. Cela se passait dans les hôpitaux où le pervers chirurgien opérait entre 1986 et 2014, à savoir Loches, Quimperlé, Morlaix, Lorient, Saint-Brieuc, Malestroit, Ancenis, les Sables-d'Olonne, Flers, Le Bailleul, Jonzac, etc.

    Ce journal intime était donc crucial. On y lit par exemple : « Il n'y a rien de plus beau au monde que le corps d'une petite fille. ». Plus généralement, Joël Le Scouarnec revendiquait la pédophilie et voulait même sa légalisation. Ainsi, en 2004, il écrivait : « Je suis à la fois exhibitionniste, voyeur, scatophile, fétichiste (…) et pédophile et j'en suis très heureux. ». Un débat a eu lieu au procès sur son ex-épouse, qui était au courant ou pas de sa perversité.

    Il avait de nombreuses formes de perversité. Le premier procès ne prenait pas en compte des victimes à l'hôpital. Un second procès était donc instruit parallèlement au premier pour prendre le temps de contacter les victimes. Ce procès à Vannes a pris en compte les déclarations de 299 victimes, la plupart du temps à l'hôpital, des patients qu'il venait d'opérer et sur lesquels il pouvait avoir des attouchements voire les violer. La plupart n'était pas au courant de ces violences car elles étaient sous anesthésie ou alors le temps a effacé ces faits tout en les traumatisant dans leur inconscient : ainsi, de nombreuses victimes ont eu un avenir difficile, et un jeune homme, victime du chirurgien à l'âge de 10 ans, s'est même suicidé à 24 ans après être plongé dans la drogue et l'alcool. Beaucoup ont des séquelles psychologiques, des phobies des hôpitaux, des piqûres, des problèmes de sexualité, etc.
     

     
     


    Confronté à ses victimes, après avoir mollement hésité à rejeter les accusations, Joël Le Scouarnec a accepté de reconnaître les faits le 20 mars 2025, de présenter ses regrets et demander pardon (c'est sans doute cela qui lui a épargné le mesure de rétention de sûreté après sa peine). À la fin du procès, le 26 mai 2025, le prévenu s'est adressé « à la cour, je ne sollicite aucune mansuétude. Accordez-moi simplement le droit de devenir meilleur et de reconquérir cette part d'humanité qui m'a tellement fait défaut. ». Bien que son comportement sexuel soit particulièrement maladif (perversion, obsession, attirance pour de la violence extrême, etc.), il n'a jamais été considéré par l'expertise psychiatrique comme irresponsable, d'autant plus qu'il a revendiqué les faits dans son journal intime (plusieurs milliers de feuillets).

    Le procès a été naturellement très éprouvant pour les victimes. Le prédateur leur a notamment déclaré très sincèrement, le 10 mars 2025, ne plus se souvenir d'elles : « Ces petits patients n’existaient pas en tant qu’enfants, c’étaient des objets sexuels. ». Franchise ? Cynisme ? Regret sincère ? Difficile d'analyser le très clinique docteur Perversion.

    Il y a un parallèle nécessaire à faire avec l'Affaire Pélicot : ces deux affaires ont pu mettre à jour les nombreux viols et agressions sexuelles grâce à un registre tenu par les coupables. Dans les deux cas, les victimes n'ont parfois pas su qu'elles étaient victimes et l'ont appris très tardivement par un gendarme après l'arrestation du prédateur. En revanche, la grande différence, c'est que, dans un cas, Gisèle Pélicot était la seule victime (ou quasiment, ce n'est pas totalement vrai) et a eu des dizaines voire centaines de prédateurs, tandis que dans l'Affaire Le Scouarnec, il n'y a qu'un prédateur (encore que, dans certains établissements, deux autres médecins ont été identifiés comme ayant eu des comportements douteux avec les mineurs) et des centaines de victimes. Dans ces deux cas, c'est le hasard, un événement déclencheur fortuit, qui a permis de les arrêter et de les juger.

    Mais au-delà de la responsabilité de Joël Le Scouarnec, seule et entière pour tant de crimes sur mineurs, on reste plongé dans la perplexité : comment un médecin a-t-il pu sévir dans de nombreux hôpitaux sur d'autant de jeunes victimes depuis des décennies (trente ou quarante ans) sans qu'on ait pu l'arrêter ou le découvrir au moins ?


    À l'occasion du premier procès, Laetitia Cherel et Margaux Stive, de la cellule investigation de Radio France, l'ont exprimé le 6 mars 2020 sur France Culture, très simplement : « Difficile d’imaginer, si ces écrits sont avérés [ils le sont], que ce chirurgien ait pu agir si longtemps sans jamais avoir été démasqué. ».

    Car il y a eu pourtant des alertes. Le premier lanceur d'alerte est un psychiatre, médecin à l'hôpital de Quimperlé. Le docteur Thierry Bonvalot, président de la commission médicale de l'hôpital, a alerté le directeur de l'hôpital le 14 juin 2006 que le chirurgien en question avait fait l'objet d'une première condamnation en 2005 et qu'à ce titre, il faudrait s'en méfier.
     

     
     


    Le directeur de l'hôpital (aujourd'hui décédé) a adressé un courrier à la DDASS (devenue ARS) où il défendait Joël Le Scouarnec avec des mots élogieux : « Je considère le docteur Le Scouarnec comme un praticien sérieux et compétent. Il est disponible pour travailler dans l'intérêt de l'établissement (…), il est affable et entretient d'excellentes relations tant avec les patients et leur famille qu’avec le personnel. ».

    L'alerte de Thierry Bonvalot n'a donc pas été prise en compte. Le psychiatre a pourtant aussi alerté un anesthésiste de l'hôpital qui se trouvait être en même temps le maire de Quimperlé, mais cette alerte a été démentie par ce dernier : « Avant [2017], je n’en avais pas du tout entendu parler. Si j’avais eu cette information, j’aurais fait part aux infirmiers qui m’entouraient de la gravité qu’il pouvait représenter, je leur aurais demandé de le surveiller. ».
     

     
     


    Établissements hospitaliers, collègues médecins ou autres personnels soignants (dont infirmières), mais aussi familles, celles de victimes mais aussi celles du prédateur... personne n'a vu ou n'a voulu voir tous ces crimes. On retrouve un peu le même scénario que dans l'Affaire Bétharram où beaucoup de choses se savaient mais ne se disaient pas.

    Plus généralement, on peut proposer trois explications qui ont rendu aveugles ou sourds pendant plusieurs décennies une société moins exigeante.


    La première, c'est le classique "pas de vague" dans l'intérêt de l'établissement (hôpital, école) ou de l'institution (l'Église catholique). Si une affaire de pédocriminalité éclate dans un hôpital, cela lui donne une extrêmement mauvaise réputation. De plus, refuser le travail d'un chirurgien peut réduire les capacités d'un hôpital.

    La deuxième explication est l'incrédulité. Ce n'est pas imaginable, tout simplement. C'était le problème des rescapés des camps d'extermination : s'ils en parlaient, on ne voudraient pas les croire, ils exagéreraient. Il a fallu attendre une cinquantaine d'années pour que les témoignages remontent en surface avec une écoute bienveillante. C'est le cas aussi dans beaucoup d'affaires de violences sexuelles, où la honte et la stupéfaction se sont entremêlées.

    Enfin, la troisième explication (l'une n'exclut pas les autres), c'est justement la loi du silence, souvent guidée par une sorte de honte mais aussi de malaise inconscient (car les victimes n'avaient pas toutes pris conscience qu'elles étaient des victimes).


    Certains éléments peuvent s'expliquer, des négligences ou des imprudences. Ainsi, les examens du chirurgien se passaient généralement seul alors qu'en général, il aurait dû être accompagné d'une infirmière. Le témoignage d'une infirmière qui a travaillé quatre ans avec Joël Le Scouarnec, a témoigné : « Pour nous, c’était plus simple, on gagnait du temps. Personne n’a jamais trouvé surprenant qu’il agisse comme cela. ».

    Au même titre que le procès des viols de Mazan, ce procès de Joël Le Scouarnec restera dans l'histoire comme l'une des affaires les plus importantes de pédocriminalité. Ne plus avoir honte et ne plus laisser impunis des crimes odieux.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'Affaire Joël Le Scouarnec.
    L'Affaire Bétharram.
    Agathe Hilairet.
    Pourquoi Aboubakar Cissé a-t-il été assassiné ?
    Le mystère Émile sur le point d'être percé ?
    La profanation du cimetière juif de Carpentras.
    Crash de l'A320 de Germanwings.
    L'accident de Villa Castelli.
    Morts mystérieuses à Santa Fe.
    Repose en paix Louise, on ne t'oubliera pas !
    Gisèle Pélicot, femme de l'année 2024 ?
    5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
    40 ans de confusions dans l'Affaire Grégory.
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    Patricia Bouchon.
    Sémantique de l'horreur.
    La sécurité des personnes face aux dangers.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250528-joel-le-scouarnec.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/l-horrible-joel-le-scouarnec-261245

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/24/article-sr-20250528-joel-le-scouarnec.html



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  • Euthanasie 2025 (3) : l'examen de la proposition Falorni à l'Assemblée

    « Je remercie également le président Frédéric Valletoux. J’ai passé à côté de lui, non seulement physiquement mais aussi intellectuellement, quarante-deux heures en commission et soixante-huit heures en séance. Au-delà de ce temps passé ensemble, je dois dire, et mon expérience me permet d’avouer que ce n’est pas toujours le cas, que j’ai particulièrement apprécié, monsieur le président, votre sens de la modération, votre conception de la présidence de commission qui a toujours favorisé le sérieux et le respect dans les débats, et enfin votre écoute. Il est important qu’un président de commission sache écouter. Nous avons d’ailleurs bien travaillé entre la commission et la séance pour aboutir à un texte qui, à mon sens, s’est nettement amélioré. Merci, monsieur le président Valletoux ! Un dernier mot pour vous, madame la ministre Vautrin. La vie politique, parfois décevante, nous offre aussi parfois des moments heureux. Nous avons avancé ensemble sur ce chemin et j’en ai été très heureux. Je salue la force de vos convictions et la qualité de votre travail. Il n’est pas si fréquent de voir un ministre qui maîtrise autant son sujet du début à la fin. » (Olivier Falorni, le 24 mai 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Le député MoDem de La Rochelle, Olivier Falorni, disait ainsi, ce samedi 24 mai 2025 peu avant 13 heures, sa joie de voir s'achever avec succès l'examen en première lecture à l'Assemblée Nationale de sa proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir, déposée le 11 mars 2025, dont il est le rapporteur général.

    Pour Olivier Falorni (53 ans), député depuis juin 2012, à l'époque maire de La Rochelle et membre du PS dont il était le secrétaire fédéral, candidat dissident contre Ségolène Royal qui voulait retrouver une circonscription et même candidate (un peu trop hâtivement) au perchoir (candidate qu'il a donc battue), c'est une grande victoire personnelle, plus personnelle que politique. L'euthanasie a toujours été l'un de ses dadas à l'Assemblée et il est aujourd'hui en capacité de la rendre effective.

     

     
     


    Reprenons l'historique rapidement. Une proposition avait été déposée et commencée à être examinée au printemps 2024 mais la dissolution a interrompu la procédure. Le Président Emmanuel Macron voulait l'adoption de cette proposition de loi mais de manière douce, il ne voulait pas, par exemple, instituer un « droit à l'aide à mourir » mais seulement une nouvelle possibilité. L'arrivée d'une Assemblée sans majorité a rendu les choses inextricables. La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet tenait à ce qu'une proposition de loi fût à l'ordre du jour en début de l'année 2025. Après la censure du gouvernement de Michel Barnier et son arrivée à Matignon, François Bayrou a souhaité dissocier la proposition de loi en deux textes différents, l'un sur les soins palliatifs qui ne fait pas vraiment débat (tout le monde est pour l'augmentation des fonds consacrés aux soins palliatifs) et l'autre sur l'aide à mourir, plus clivante et politiquement plus incertaine.

    La proposition sur les soins palliatifs a été examinée en séance publique du 12 au 16 mai 2025. La proposition sur l'aide à mourir, la seule que j'évoquerai dans cet article, a été examinée du 16 au 24 mai 2025. Le mardi 27 mai 2025 auront lieu deux votes solennels, pour chacune de ces deux propositions de loi, et ces votes ont été prévus de longue date. Les députés craignaient de passer trop de temps sur la loi sur l'aide à mourir et de devoir faire des séance de nuit sur le sujet. Finalement, ils auront eu leur dimanche 25 mai 2025 de libre puisque la discussion de la proposition Falorni s'est achevée ce samedi 24 mai 2025 vers 13 heures. Il est en tout cas remarquable que les débats se soient faits de manière sereine et sans obstruction et c'est bien ce qu'a décrit Olivier Falorni : parfois, l'Assemblée est capable d'une grande maturité.


    Néanmoins, je regrette que cette maturité se soit illustrée pour instituer une euthanasie qui va dénaturer les valeurs fondamentales de notre République. Il est question ici d'évoquer le texte amendé après 42 heures de discussion en commission des affaires sociales (du 18 mars 2025 au 2 mai 2025) et 68 heures de discussion en séance publique (du 16 au 24 mai 2025) et qui va probablement être adopté en première lecture le 27 mai 2025. Je le présente tel qu'il est.
     

     
     


    Le texte amendé comporte vingt articles, dont certains sont très techniques et peu politiques.

    L'article 2 instaure ce nouveau "droit" intégré dans le code de la santé publique : « Le droit à l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues (…), afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier. ».
     

     
     


    L'article 4, le plus crucial, donne les cinq conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier de ce nouveau droit (pour « accéder à l'aide à mourir »). Premièrement, être âgé d'au moins 18 ans. Deuxièmement, être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière (sans indication de durée). Les trois autres conditions pour la personne sont les plus importantes.

    La troisième condition : « Être atteinte d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou en phase terminale ».

    La quatrième condition : « Présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle-ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir. ». Cette dernière phrase rajoutée au cours de la discussion en séance publique est un heureux garde-fou contre tous les abus possibles, il a été proposé à la suite de certains constats connus à l'étranger.

    La cinquième condition : « Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Il aurait été pertinent d'insister sur une manifestation répétée et constante de cette volonté.


    Ces cinq conditions sont, on le comprend, très exigeantes et contraignantes. Elles permettent à une large majorité des députés de s'y retrouver. Elles ne permettent pas, par exemple, l'euthanasie des personnes qui sont dans l'incapacité de manifester clairement et sans pression leur volonté d'en finir.

    Malheureusement, les partisans avant-gardistes de l'euthanasie ont accepté ces barrières à l'entrée car leur but est sur le principe anthropologique, mettre dans la loi (tant dans le code de la santé publique que dans le code pénal) l'idée qu'on peut faire mourir un malade. Ils sont persuadés que ce n'est qu'une étape et que d'autres lois élargiront les possibilités de cette loi-ci, c'est-à-dire assoupliront les conditions, comme cela a été les cas dans d'autres pays, par exemple, la Belgique où des enfants, sans indication d'âge, ou des personnes en "simple" dépression nerveuse ou atteintes de schizophrénie peuvent être euthanasiées sans que leur volonté fût clairement exprimée.

    L'article 5 précise la procédure pour manifester sa volonté d'euthanasie. La personne doit en faire « la demande écrite ou part tout autre mode d'expression adapté à ses capacités à un médecin en activité qui n'est ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni le partenaire auquel elle est liée un pacte civil de solidarité, ni son ayant droit ». En outre, une téléconsultation ne serait pas valable, il faudrait alors que le médecin se déplace pour recueillir sa demande, en cas d'empêchement de se déplacer du demandeur.

    Le médecin qui reçoit la demande d'euthanasie a alors cinq obligations : une obligation d'informer la personne « sur son état de santé, sur les perspectives d'évolution de celui-ci ainsi que sur les traitements et les dispositifs d'accompagnement disponibles » ; une obligation d'informer la personne « qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs (…) et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; une obligation de proposer « à la personne et à ses proches de les orienter vers un psychologue ou un psychiatre et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; enfin, une obligation d'indiquer à la personne « qu’elle peut renoncer, à tout moment, à sa demande ». Ces quatre obligations concourent au caractère éclairé de la demande de la personne qui doit prendre sa décision en toute connaissance de cause. La cinquième obligation est d'expliquer à la personne « les conditions d'accès à l'aide à mourir et sa mise en œuvre ».

    Dans l'article 6, un certain nombre de garde-fou ont été mis dans la procédure. Par exemple : « La personne dont le discernement est gravement altéré par une maladie lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peut pas être reconnue comme manifestant une volonté libre et éclairée. ». De même, pour vérifier les trois dernières conditions à remplir pour demander l'aide à mourir, « le médecin met en place une procédure collégiale ». Le médecin a quinze jours pour notifier à la personne, « oralement et par écrit, sa décision motivée » sur sa demande d'euthanasie (acceptation ou rejet).

    Une autre assertion est très importante dans le même article 6, rajoutée au cours de la discussion en séance publique : « Lorsque la personne malade est atteinte d’une maladie neurodégénérative, l’évaluation de sa capacité de discernement doit tenir compte de son mode de communication et des dispositifs adaptés utilisés et ne peut se fonder exclusivement sur des tests cognitifs sensibles à la fatigue, à l’anxiété ou aux troubles moteurs. ».

    Dans le quatrième aliéna de l'article 6, le texte précise le délai de réflexion : « Après un délai de réflexion d’au moins deux jours à compter de la notification de la décision [par le médecin], la personne confirme au médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale. ». Deux jours paraissent très court pour une décision d'une telle importance. Et encore, les députés en séance publique ont supprimé du texte cette phrase : « Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit. ». Non seulement, cela aurait réduit encore plus le délai, mais l'insertion du mot "dignité" aurait été philosophiquement scandaleux, chaque être humain, quel que soit son état, préserve intrinsèquement sa dignité et dire le contraire, surtout dans un texte de loi, aurait suggéré que des personnes ne devraient plus être en état de vivre parce qu'elles seraient "indignes". Heureusement, donc, cette phrase a été supprimée.
     

     
     


    En revanche, si la confirmation de la demande intervient plus de trois mois après la notification du médecin, alors « le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté en mettant en œuvre, si besoin, la procédure » initiale.

    Dans un tel cas de confirmation de la demande d'euthanasie, alors le médecin « détermine, en accord avec la personne, les modalités d’administration de la substance létale et le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour cette administration » (cinquième alinéa de l'article 6).

    L'article 7 prévoit la date et le lieu de l'euthanasie. La date : « Avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner (…), la personne convient de la date à laquelle elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale. ». Le lieu : « Dans des conditions convenues avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, l’administration de la substance létale peut être effectuée, à la demande de la personne, en dehors de son domicile, à l’exception des voies et espaces publics. ». De plus : « La personne peut être entourée par les personnes de son choix pendant l’administration de la substance létale. Le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne informe les proches et les oriente, si nécessaire, vers les dispositifs d’accompagnement psychologique existants. ».

    Un nouveau garde-fou a été inséré en séance publique dans l'article 9 du texte : « Le jour de l’administration de la substance létale, le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne vérifie que la personne confirme qu’elle veut procéder ou, si elle n’est pas en capacité physique de le faire elle-même, faire procéder à l’administration et veille à ce qu’elle ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou renoncer à l’administration. (…) Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report de l’administration de la substance létale, le professionnel de santé suspend la procédure et, à la demande du patient, convient d’une nouvelle date (…). ». Cela signifie que jusqu'au dernier moment, une personne demandeuse de l'aide à mourir peut interrompre le processus, et cela sans qu'aucune pression ne puisse avoir lieu.

    Le troisième alinéa de l'article 9 précise : « Une fois la substance létale administrée, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est plus obligatoire. Il est toutefois suffisamment près et en vision directe de la personne pour pouvoir intervenir en cas de difficulté (…). ».

    En revanche, les députés en séance publique ont supprimé la disposition suivante : « Le certificat attestant le décès est établi dans les conditions prévues à l’article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales. Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir. ».

    Des dispositions sont indiquées à la fin de l'article 9 pour détruire les restes de la préparation létale qui n'ont pas été utilisés (afin d'éviter un trafic ou une utilisation hors de contrôle, qui serait donc criminelle).

    D'autres dispositions poursuivent l'encadrement de cet acte très particulier. Ainsi, l'article 12 est ainsi rédigé : « La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ainsi que la décision de mettre fin à la procédure (…) ne peuvent être contestées que par la personne ayant formé cette demande, devant la juridiction administrative, selon les dispositions de droit commun. ».

    Ce qui a été complété par la disposition suivante : « Par dérogation au premier alinéa du présent article, la décision du médecin autorisant une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne à accéder à l’aide à mourir peut être contestée, dans un délai de deux jours à compter de sa notification, par la personne chargée de la mesure de protection, devant le juge des contentieux de la protection, en cas de doute sur l’aptitude de la personne ayant formé la demande d’aide à mourir à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. La saisine du juge des contentieux de la protection suspend la procédure prévue à la présente sous-section. Le juge des contentieux de la protection statue dans un délai de deux jours. ».

    Une clause de conscience pour le professionnel de santé a été prévue et définie dans l'article 14 : « Le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer à ces procédures doit, sans délai, informer la personne ou le professionnel le sollicitant de son refus et leur communiquer le nom de professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de celles-ci. ».

    L'article 17 est particulièrement sévère pour les "empêcheurs d'euthanasier en rond" : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir : 1° Soit en perturbant l’accès aux établissements où est pratiquée l’aide à mourir ou à tout lieu où elle peut régulièrement être pratiquée, en entravant la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces lieux ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ou en perturbant le lieu choisi par une personne pour l’administration de la substance létale ; 2° Soit en exerçant des pressions morales ou psychologiques, en formulant des menaces ou en se livrant à tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur l’aide à mourir, des personnels participant à la mise en œuvre de l’aide à mourir, des patients souhaitant recourir à l’aide à mourir ou de l’entourage de ces derniers ou des professionnels de santé volontaires (…). ». De plus, son deuxième alinéa permet à des associations déclarées depuis au moins cinq ans d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues précédemment. On imagine vite quelles associations pourraient profiter de cette disposition.

    Le troisième aliéna de l'article 18 a pour but d'éviter une marchandisation de l'euthanasie, à savoir, la création d'un business de la mort qui irait à l'encontre de la décision libre et éclairée de la personne : « À l’exception des prix de cession et des honoraires mentionnés au II du présent article [préparations létales et rémunérations des professionnels de santé pour cette mission], aucune rémunération ou gratification en espèces ou en nature, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée en échange d’un service dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir. ».

    L'article 19 intervient pour les assurances décès : « L’assurance en cas de décès doit couvrir le décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir (…). ». Ainsi, il n'est pas dit que la personne qui a appliqué l'aide à mourir est morte de mort naturelle, mais son décès reste couvert comme un décès naturel pour les assurances et mutuelles (au contraire du suicide).

    Enfin, je n'ai pas indiqué la traçabilité des procédures d'aide à mourir, son analyse statistique, son contrôle de légalité avec une commission spéciale, des rapports réguliers, etc. On a vu en Belgique que toute cette partie était folklorique et n'a pas montré une efficacité très élevée pour éviter des abus. De toute façon, tout contrôle a posteriori est trop tard pour ce genre de chose, évidemment.


    En conclusion

    Il faut être clair. Je suis absolument opposé au principe général d'inscrire l'aide à mourir (suicide assisté ou euthanasie) dans la loi parce que je sais que cela ouvre une boîte de Pandore qu'on ne refermera pas de sitôt. Je n'ai jamais été opposé au principe singulier et exceptionnel d'une aide à mourir dans le secret des consciences, celles des médecins et des patients. Mais la loi se fait dans un cadre général, et c'est cela qui est effrayant.

    Mais je dois aussi reconnaître que les conditions de la procédure d'aide à mourir telles qu'elles ont été définies par les députés sont convaincantes en ce sens que de nombreux garde-fou ont été institués pour éviter des erreurs de discernement et des abus. Je les ai indiqués plus haut et il faut s'en féliciter.

    Je reste inquiet car si cette loi venait à être adoptée (cela semble à peu près sûr à l'Assemblée Nationale, dès ce mardi 27 mai 2025 ; c'est moins sûr au Sénat), sa stabilité serait mise à rude épreuve. Rappelons-nous que la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 qui réglait plus de 99% des problèmes d'une anticipation de la mort n'a pas encore dix ans (on ne lui a pas donné sa chance) et va devenir obsolète (elle ne sera pas abrogée, ce qui est très rassurant ; ainsi, la sédation profonde et continue restera donc encore une possibilité même après l'adoption de la loi sur l'aide à mourir). Toute révision ultérieure de la certainement loi sur l'aide à mourir me donnera hélas raison en ce sens que les conditions seront simplement assouplies, la pratique élargie, et les abus seront alors possibles.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Olivier Falorni.
    Euthanasie 2025 (3) : l'examen de la proposition Falorni à l'Assemblée.
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

     

     

     

     
     

     

     

     

     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250525-euthanasie-2025c.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-3-l-examen-de-la-261183

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/26/article-sr-20250525-euthanasie-2025c.html


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  • Olivier Falorni, l'auteur du texte sur l'euthanasie à la française

    « Je remercie également le président Frédéric Valletoux. J’ai passé à côté de lui, non seulement physiquement mais aussi intellectuellement, quarante-deux heures en commission et soixante-huit heures en séance. Au-delà de ce temps passé ensemble, je dois dire, et mon expérience me permet d’avouer que ce n’est pas toujours le cas, que j’ai particulièrement apprécié, monsieur le président, votre sens de la modération, votre conception de la présidence de commission qui a toujours favorisé le sérieux et le respect dans les débats, et enfin votre écoute. Il est important qu’un président de commission sache écouter. Nous avons d’ailleurs bien travaillé entre la commission et la séance pour aboutir à un texte qui, à mon sens, s’est nettement amélioré. Merci, monsieur le président Valletoux ! Un dernier mot pour vous, madame la ministre Vautrin. La vie politique, parfois décevante, nous offre aussi parfois des moments heureux. Nous avons avancé ensemble sur ce chemin et j’en ai été très heureux. Je salue la force de vos convictions et la qualité de votre travail. Il n’est pas si fréquent de voir un ministre qui maîtrise autant son sujet du début à la fin. » (Olivier Falorni, le 24 mai 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Le député MoDem de La Rochelle, Olivier Falorni, disait ainsi, ce samedi 24 mai 2025 peu avant 13 heures, sa joie de voir s'achever avec succès l'examen en première lecture à l'Assemblée Nationale de sa proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir, déposée le 11 mars 2025, dont il est le rapporteur général.

    Pour Olivier Falorni (53 ans), député depuis juin 2012, à l'époque maire de La Rochelle et membre du PS dont il était le secrétaire fédéral, candidat dissident contre Ségolène Royal qui voulait retrouver une circonscription et même candidate (un peu trop hâtivement) au perchoir (candidate qu'il a donc battue), c'est une grande victoire personnelle, plus personnelle que politique. L'euthanasie a toujours été l'un de ses dadas à l'Assemblée et il est aujourd'hui en capacité de la rendre effective.


    Reprenons l'historique rapidement. Une proposition avait été déposée et commencée à être examinée au printemps 2024 mais la dissolution a interrompu la procédure. Le Président Emmanuel Macron voulait l'adoption de cette proposition de loi mais de manière douce, il ne voulait pas, par exemple, instituer un « droit à l'aide à mourir » mais seulement une nouvelle possibilité. L'arrivée d'une Assemblée sans majorité a rendu les choses inextricables. La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet tenait à ce qu'une proposition de loi fût à l'ordre du jour en début de l'année 2025. Après la censure du gouvernement de Michel Barnier et son arrivée à Matignon, François Bayrou a souhaité dissocier la proposition de loi en deux textes différents, l'un sur les soins palliatifs qui ne fait pas vraiment débat (tout le monde est pour l'augmentation des fonds consacrés aux soins palliatifs) et l'autre sur l'aide à mourir, plus clivante et politiquement plus incertaine.

    La proposition sur les soins palliatifs a été examinée en séance publique du 12 au 16 mai 2025. La proposition sur l'aide à mourir, la seule que j'évoquerai dans cet article, a été examinée du 16 au 24 mai 2025. Le mardi 27 mai 2025 auront lieu deux votes solennels, pour chacune de ces deux propositions de loi, et ces votes ont été prévus de longue date. Les députés craignaient de passer trop de temps sur la loi sur l'aide à mourir et de devoir faire des séance de nuit sur le sujet. Finalement, ils auront eu leur dimanche 25 mai 2025 de libre puisque la discussion de la proposition Falorni s'est achevée ce samedi 24 mai 2025 vers 13 heures. Il est en tout cas remarquable que les débats se soient faits de manière sereine et sans obstruction et c'est bien ce qu'a décrit Olivier Falorni : parfois, l'Assemblée est capable d'une grande maturité.


    Néanmoins, je regrette que cette maturité se soit illustrée pour instituer une euthanasie qui va dénaturer les valeurs fondamentales de notre République. Il est question ici d'évoquer le texte amendé après 42 heures de discussion en commission des affaires sociales (du 18 mars 2025 au 2 mai 2025) et 68 heures de discussion en séance publique (du 16 au 24 mai 2025) et qui va probablement être adopté en première lecture le 27 mai 2025. Je le présente tel qu'il est.

     
     


    Le texte amendé comporte vingt articles, dont certains sont très techniques et peu politiques.

    L'article 2 instaure ce nouveau "droit" intégré dans le code de la santé publique : « Le droit à l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues (…), afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier. ».
     

     
     


    L'article 4, le plus crucial, donne les cinq conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier de ce nouveau droit (pour « accéder à l'aide à mourir »). Premièrement, être âgé d'au moins 18 ans. Deuxièmement, être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière (sans indication de durée). Les trois autres conditions pour la personne sont les plus importantes.

    La troisième condition : « Être atteinte d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou en phase terminale ».

    La quatrième condition : « Présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle-ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir. ». Cette dernière phrase rajoutée au cours de la discussion en séance publique est un heureux garde-fou contre tous les abus possibles, il a été proposé à la suite de certains constats connus à l'étranger.

    La cinquième condition : « Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Il aurait été pertinent d'insister sur une manifestation répétée et constante de cette volonté.


    Ces cinq conditions sont, on le comprend, très exigeantes et contraignantes. Elles permettent à une large majorité des députés de s'y retrouver. Elles ne permettent pas, par exemple, l'euthanasie des personnes qui sont dans l'incapacité de manifester clairement et sans pression leur volonté d'en finir.

    Malheureusement, les partisans avant-gardistes de l'euthanasie ont accepté ces barrières à l'entrée car leur but est sur le principe anthropologique, mettre dans la loi (tant dans le code de la santé publique que dans le code pénal) l'idée qu'on peut faire mourir un malade. Ils sont persuadés que ce n'est qu'une étape et que d'autres lois élargiront les possibilités de cette loi-ci, c'est-à-dire assoupliront les conditions, comme cela a été les cas dans d'autres pays, par exemple, la Belgique où des enfants, sans indication d'âge, ou des personnes en "simple" dépression nerveuse ou atteintes de schizophrénie peuvent être euthanasiées sans que leur volonté fût clairement exprimée.

    L'article 5 précise la procédure pour manifester sa volonté d'euthanasie. La personne doit en faire « la demande écrite ou part tout autre mode d'expression adapté à ses capacités à un médecin en activité qui n'est ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni le partenaire auquel elle est liée un pacte civil de solidarité, ni son ayant droit ». En outre, une téléconsultation ne serait pas valable, il faudrait alors que le médecin se déplace pour recueillir sa demande, en cas d'empêchement de se déplacer du demandeur.
     

     
     


    Le médecin qui reçoit la demande d'euthanasie a alors cinq obligations : une obligation d'informer la personne « sur son état de santé, sur les perspectives d'évolution de celui-ci ainsi que sur les traitements et les dispositifs d'accompagnement disponibles » ; une obligation d'informer la personne « qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs (…) et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; une obligation de proposer « à la personne et à ses proches de les orienter vers un psychologue ou un psychiatre et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; enfin, une obligation d'indiquer à la personne « qu’elle peut renoncer, à tout moment, à sa demande ». Ces quatre obligations concourent au caractère éclairé de la demande de la personne qui doit prendre sa décision en toute connaissance de cause. La cinquième obligation est d'expliquer à la personne « les conditions d'accès à l'aide à mourir et sa mise en œuvre ».

    Dans l'article 6, un certain nombre de garde-fou ont été mis dans la procédure. Par exemple : « La personne dont le discernement est gravement altéré par une maladie lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peut pas être reconnue comme manifestant une volonté libre et éclairée. ». De même, pour vérifier les trois dernières conditions à remplir pour demander l'aide à mourir, « le médecin met en place une procédure collégiale ». Le médecin a quinze jours pour notifier à la personne, « oralement et par écrit, sa décision motivée » sur sa demande d'euthanasie (acceptation ou rejet).

    Une autre assertion est très importante dans le même article 6, rajoutée au cours de la discussion en séance publique : « Lorsque la personne malade est atteinte d’une maladie neurodégénérative, l’évaluation de sa capacité de discernement doit tenir compte de son mode de communication et des dispositifs adaptés utilisés et ne peut se fonder exclusivement sur des tests cognitifs sensibles à la fatigue, à l’anxiété ou aux troubles moteurs. ».

    Dans le quatrième aliéna de l'article 6, le texte précise le délai de réflexion : « Après un délai de réflexion d’au moins deux jours à compter de la notification de la décision [par le médecin], la personne confirme au médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale. ». Deux jours paraissent très court pour une décision d'une telle importance. Et encore, les députés en séance publique ont supprimé du texte cette phrase : « Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit. ». Non seulement, cela aurait réduit encore plus le délai, mais l'insertion du mot "dignité" aurait été philosophiquement scandaleux, chaque être humain, quel que soit son état, préserve intrinsèquement sa dignité et dire le contraire, surtout dans un texte de loi, aurait suggéré que des personnes ne devraient plus être en état de vivre parce qu'elles seraient "indignes". Heureusement, donc, cette phrase a été supprimée.

     
     


    En revanche, si la confirmation de la demande intervient plus de trois mois après la notification du médecin, alors « le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté en mettant en œuvre, si besoin, la procédure » initiale.

    Dans un tel cas de confirmation de la demande d'euthanasie, alors le médecin « détermine, en accord avec la personne, les modalités d’administration de la substance létale et le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour cette administration » (cinquième alinéa de l'article 6).

    L'article 7 prévoit la date et le lieu de l'euthanasie. La date : « Avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner (…), la personne convient de la date à laquelle elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale. ». Le lieu : « Dans des conditions convenues avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, l’administration de la substance létale peut être effectuée, à la demande de la personne, en dehors de son domicile, à l’exception des voies et espaces publics. ». De plus : « La personne peut être entourée par les personnes de son choix pendant l’administration de la substance létale. Le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne informe les proches et les oriente, si nécessaire, vers les dispositifs d’accompagnement psychologique existants. ».

    Un nouveau garde-fou a été inséré en séance publique dans l'article 9 du texte : « Le jour de l’administration de la substance létale, le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne vérifie que la personne confirme qu’elle veut procéder ou, si elle n’est pas en capacité physique de le faire elle-même, faire procéder à l’administration et veille à ce qu’elle ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou renoncer à l’administration. (…) Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report de l’administration de la substance létale, le professionnel de santé suspend la procédure et, à la demande du patient, convient d’une nouvelle date (…). ». Cela signifie que jusqu'au dernier moment, une personne demandeuse de l'aide à mourir peut interrompre le processus, et cela sans qu'aucune pression ne puisse avoir lieu.

    Le troisième alinéa de l'article 9 précise : « Une fois la substance létale administrée, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est plus obligatoire. Il est toutefois suffisamment près et en vision directe de la personne pour pouvoir intervenir en cas de difficulté (…). ».

    En revanche, les députés en séance publique ont supprimé la disposition suivante : « Le certificat attestant le décès est établi dans les conditions prévues à l’article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales. Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir. ».

    Des dispositions sont indiquées à la fin de l'article 9 pour détruire les restes de la préparation létale qui n'ont pas été utilisés (afin d'éviter un trafic ou une utilisation hors de contrôle, qui serait donc criminelle).

    D'autres dispositions poursuivent l'encadrement de cet acte très particulier. Ainsi, l'article 12 est ainsi rédigé : « La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ainsi que la décision de mettre fin à la procédure (…) ne peuvent être contestées que par la personne ayant formé cette demande, devant la juridiction administrative, selon les dispositions de droit commun. ».

    Ce qui a été complété par la disposition suivante : « Par dérogation au premier alinéa du présent article, la décision du médecin autorisant une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne à accéder à l’aide à mourir peut être contestée, dans un délai de deux jours à compter de sa notification, par la personne chargée de la mesure de protection, devant le juge des contentieux de la protection, en cas de doute sur l’aptitude de la personne ayant formé la demande d’aide à mourir à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. La saisine du juge des contentieux de la protection suspend la procédure prévue à la présente sous-section. Le juge des contentieux de la protection statue dans un délai de deux jours. ».

    Une clause de conscience pour le professionnel de santé a été prévue et définie dans l'article 14 : « Le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer à ces procédures doit, sans délai, informer la personne ou le professionnel le sollicitant de son refus et leur communiquer le nom de professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de celles-ci. ».

    L'article 17 est particulièrement sévère pour les "empêcheurs d'euthanasier en rond" : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir : 1° Soit en perturbant l’accès aux établissements où est pratiquée l’aide à mourir ou à tout lieu où elle peut régulièrement être pratiquée, en entravant la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces lieux ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ou en perturbant le lieu choisi par une personne pour l’administration de la substance létale ; 2° Soit en exerçant des pressions morales ou psychologiques, en formulant des menaces ou en se livrant à tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur l’aide à mourir, des personnels participant à la mise en œuvre de l’aide à mourir, des patients souhaitant recourir à l’aide à mourir ou de l’entourage de ces derniers ou des professionnels de santé volontaires (…). ». De plus, son deuxième alinéa permet à des associations déclarées depuis au moins cinq ans d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues précédemment. On imagine vite quelles associations pourraient profiter de cette disposition.

    Le troisième aliéna de l'article 18 a pour but d'éviter une marchandisation de l'euthanasie, à savoir, la création d'un business de la mort qui irait à l'encontre de la décision libre et éclairée de la personne : « À l’exception des prix de cession et des honoraires mentionnés au II du présent article [préparations létales et rémunérations des professionnels de santé pour cette mission], aucune rémunération ou gratification en espèces ou en nature, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée en échange d’un service dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir. ».

    L'article 19 intervient pour les assurances décès : « L’assurance en cas de décès doit couvrir le décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir (…). ». Ainsi, il n'est pas dit que la personne qui a appliqué l'aide à mourir est morte de mort naturelle, mais son décès reste couvert comme un décès naturel pour les assurances et mutuelles (au contraire du suicide).

    Enfin, je n'ai pas indiqué la traçabilité des procédures d'aide à mourir, son analyse statistique, son contrôle de légalité avec une commission spéciale, des rapports réguliers, etc. On a vu en Belgique que toute cette partie était folklorique et n'a pas montré une efficacité très élevée pour éviter des abus. De toute façon, tout contrôle a posteriori est trop tard pour ce genre de chose, évidemment.


    En conclusion

    Il faut être clair. Je suis absolument opposé au principe général d'inscrire l'aide à mourir (suicide assisté ou euthanasie) dans la loi parce que je sais que cela ouvre une boîte de Pandore qu'on ne refermera pas de sitôt. Je n'ai jamais été opposé au principe singulier et exceptionnel d'une aide à mourir dans le secret des consciences, celles des médecins et des patients. Mais la loi se fait dans un cadre général, et c'est cela qui est effrayant.

    Mais je dois aussi reconnaître que les conditions de la procédure d'aide à mourir telles qu'elles ont été définies par les députés sont convaincantes en ce sens que de nombreux garde-fou ont été institués pour éviter des erreurs de discernement et des abus. Je les ai indiqués plus haut et il faut s'en féliciter.

    Je reste inquiet car si cette loi venait à être adoptée (cela semble à peu près sûr à l'Assemblée Nationale, dès ce mardi 27 mai 2025 ; c'est moins sûr au Sénat), sa stabilité serait mise à rude épreuve. Rappelons-nous que la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 qui réglait plus de 99% des problèmes d'une anticipation de la mort n'a pas encore dix ans (on ne lui a pas donné sa chance) et va devenir obsolète (elle ne sera pas abrogée, ce qui est très rassurant ; ainsi, la sédation profonde et continue restera donc encore une possibilité même après l'adoption de la loi sur l'aide à mourir). Toute révision ultérieure de la certainement loi sur l'aide à mourir me donnera hélas raison en ce sens que les conditions seront simplement assouplies, la pratique élargie, et les abus seront alors possibles.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Olivier Falorni.
    Euthanasie 2025 (3) : l'examen de la proposition Falorni à l'Assemblée.
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

     

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250524-falorni.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/26/article-sr-20250524-falorni.html


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  • Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions

    « Derrière une apparente volonté de compassion et d’encadrement, ce texte opère un basculement radical : il introduit légalement la possibilité d’administrer la mort, par suicide assisté ou euthanasie, en bouleversant profondément les fondements de l’éthique médicale et sociale. » (la CRCF, le 15 mai 2025).



     

     
     


    Dans mon précédent article sur l'euthanasie, j'expliquais que l'argumentation devait éviter de se référer à une religion, en ce sens que la République doit pouvoir légiférer sans influence d'une religion, et c'est le principe de laïcité qui est traditionnel en France. Sans ce principe, la loi sur l'IVG, par exemple, n'aurait jamais pu être adoptée.

    Toutefois, cela ne signifie pas que les religions n'ont pas leur mot à dire. Au même titre que n'importe quel citoyen français, les religions basées en France ont le droit d'avoir réfléchi et de s'exprimer sur ce sujet très important, d'autant plus qu'elles sont bien placées pour en parler car c'est l'objet, pour elles, de nombreux sujets d'étude, la mort, l'accompagnement des personnes mourantes, l'accompagnement des personnes en souffrance, en situation de handicap, etc.


    Or, il y a eu un petit événement qui est, semble-t-il, passé complètement inaperçu dans les médias, c'est que l'ensemble des grandes religions présentes en France s'est réuni et a fait un communiqué commun, a pris une position commune sur la proposition de loi en cours d'examen à l'Assemblée Nationale. Et le message, c'est une forte inquiétude pour l'avenir.

    Il s'agit de la CRCF qui est la Conférence des responsables de culte en France, fondée le 23 novembre 2010. Elle rassemble les représentants des religions catholique, protestante, orthodoxe, juive, musulmane et bouddhiste. Elle a pour objectif de favoriser le dialogue interreligieux et le dialogue avec les pouvoirs publics dans le respect de la laïcité française. Elle souhaite contribuer ensemble à la cohésion de la société français dans le respect des autres courants de pensée et par la reconnaissance de la laïcité comme fondement de la République. Un tel unanimisme sur l'euthanasie est notable et rare, tant certaines de ces religions ont guerroyé entre elles, ou parfois guerroient encore aujourd'hui.

    Un communiqué commun a été signé le jeudi 15 mai 2025 par six représentants religieux : Mgr Éric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France (qui va bientôt céder la place à Mgr Jean-Marc Aveline, le 1er juillet 2025), Pasteur Christian Krieger, le président de la Fédération protestante, Mgr Dimitrios Ploumis, le métropolite de France et président de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France, Haïm Korsia, le grand-rabbin de France, Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la grande mosquée de Paris, et Antony Boussemart, le coprésident de l'Union bouddhiste de France.
     

     
     


    Les religions ont voulu alerter solennellement sur « les graves dérives » qu'introduirait la proposition de loi sur "l'aide à mourir". Cinq inquiétudes ont été exprimées à cette occasion.

    La première inquiétude est de ne pas vouloir nommer clairement la chose, à savoir l'euthanasie et le suicide assisté qui pourraient s'appliquer. Cette terminologie d'aide à mourir « vise à anesthésier les consciences et affaiblir le débat public ». Cette expression d'aide à mourir réduit la portée très grave de cet acte.

    La deuxième inquiétude est la contradiction de fond avec le serment d'Hippocrate dont le principe fondamental est de « soulager sans jamais tuer ». Cette loi serait ainsi ressentie par de nombreux soignants comme « une transgression radicale de leur mission ». Des manifestants ont déjà fait des démonstrations pour lancer cet appel : soigner et pas tuer.

    La troisième alerte est le cœur du débat parlementaire puisqu'il consiste à définir les garanties éthiques et procédurales. La CRCF a souligné l'absence d'une procédure collégiale (un seul médecin pourrait autoriser "l'aide à mourir"). De plus, le délai de réflexion serait seulement de 48 heures et mériterait d'être très remonté : « Cette précipitation est indigne d'une décision irréversible et de la gravité de l'enjeu ». D'autres garanties sont en cours de discussion dans l'hémicycle, tout aussi inquiétantes. Ainsi lorsqu'il s'agit de considérer la souffrance psychologique comme pouvant bénéficier de cette "aide à mourir".

    La quatrième inquiétude est, à mon avis, la plus grave et la plus irréversible : « L’instauration de ce "droit" risque d’exercer une pression sourde mais réelle sur les personnes âgées, malades ou en situation de handicap. La seule existence d’une telle option peut induire chez des patients une culpabilité toxique, celle d’ "être un fardeau". ». La CRCF a constaté que « dans les pays où l’euthanasie a été légalisée, les demandes ne cessent d’augmenter, et on observe une baisse inquiétante de l’investissement dans les soins palliatifs ». Ainsi, elle a remarqué : « La promesse d’un accompagnement digne tend à s’effacer derrière une option terminale présentée comme solution. ».

    Enfin, la cinquième crainte serait « une atteinte à l'équilibre entre autonomie et solidarité ». La proposition de loi « érige l'autodétermination individuelle en absolu ». Ce qui signifierait que « ce choix solitaire risque fort d’occasionner des traumatismes et de blessures durables, notamment dans le cas d’une découverte a posteriori du décès d’un proche aidé au suicide ou euthanasié ». Toutefois, je considère que cette crainte ne doit pas être prise en compte car la loi doit se focaliser avant tout sur le patient lui-même et son intérêt, son bien, et pas sur le ressenti de ses proches qu'il faudrait ménager.
     

     
     


    Et le communiqué commun de conclure ainsi : « Il faut choisir l’investissement dans les soins palliatifs, la formation à l’écoute, l’accompagnement global des personnes jusqu’à la fin de leur vie. Ce choix est celui de l’humanité contre l’abandon, de la relation contre la solitude, du soin contre la résignation. ».

    Cette réflexion, qui va au-delà des religions et qui respecte avant tout une éthique de la société, l'aide aux plus vulnérables, ce qui est le devoir d'un État responsable, a exprimé ces inquiétudes dans un contexte d'une évidence surjouée par les médias. Ce qui est inquiétant, c'est que le débat parlementaire est surtout focalisé sur les seuils des curseurs (des conditions d'application, des garanties d'encadrement) alors que l'enjeu est le principe même de cette autorisation de tuer, de cette transgression. Dans un prochain article, j'évoquerai le débat parlementaire en cours.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?



     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250522-euthanasie-2025b.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-2-l-inquietude-des-260829

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/22/article-sr-20250522-euthanasie-2025b.html


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  • Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

    « Le fait de provoquer au suicide d'autrui est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d'une tentative de suicide. » (Article 223-13 du code pénal).




     

     
     


    Depuis le lundi 12 mai 2025, les députés examinent la proposition de loi déposée par Olivier Falorni (député MoDem, ex-PS, de La Rochelle) sur "l'aide à mourir". C'était une initiative de l'année dernière qui a été interrompue par la dissolution et le Président de la République Emmanuel Macron souhaite absolument "aboutir", au point qu'il a menacé le 13 mai 2025 sur TF1 de recourir au référendum si cela s'enlisait au Parlement (ce serait une décision complètement déraisonnable et une telle pression sur les parlementaires me paraît du reste peu démocratique). Le Premier Ministre François Bayrou a toutefois voulu séparer les deux parties de la proposition en deux textes séparés, l'un sur les soins palliatifs et l'autre sur "l'aide à mourir", ce qui était très sage.

    Avant toute chose, définissons mieux le sujet. "L'aide à mourir" (ou "l'aide active à mourir") n'est qu'une expression qui n'ose pas dire "euthanasie" et "suicide assisté". Malheureusement, aucun humain n'a besoin d'aide pour mourir, il meurt tout seul et bien trop vite. S'il a besoin d'aide, c'est pour vivre, c'est pour vivre bien ce qui lui reste à vivre, mais certainement pas pour mourir, et contrairement au vrai mot, on ne meurt jamais "bien", il n'y a pas de "bonne" mort, c'est toujours un mauvais moment à passer, dont certains voudraient ne pas avoir conscience.


    Je vais redéfinir les termes, mais avant, comme ce sujet m'est important, comme il devrait l'être à tout humain, et que je me suis déjà très longuement exprimé sur les sujets depuis des années, et le fait même de préciser "euthanasie" me place dans un "camp", disons-le très net, je suis absolument opposé à toute législation sur l'euthanasie et le suicide assisté. Notez bien que je n'ai pas dit que j'étais forcément opposé à l'euthanasie et au suicide assisté, mais je suis résolument opposé à toute inscription de ces actes dans la loi qui est une généralité alors que ces actes sont exceptionnels et toujours singuliers. Hypocritement, d'ailleurs, les partisans de l'euthanasie disent qu'une loi permettrait de mieux l'encadrer, mais ce n'est pas une loi qui peut encadrer autant de cas exceptionnels que d'humains en partance. Celui qui, aujourd'hui, encadre ces actes qui ont lieu malgré la non-législation, c'est le juge, et le juge, par définition, est sage car il repose son jugement sur, d'une part, la loi, effectivement, mais aussi sur la situation particulière, donnée, singulière, qui est en cause.

    Je vais donc employer le mot "euthanasie" pour évoquer deux stades : le "suicide assisté" et "l'euthanasie active". Certes, ce sont deux actes très différents, mais en réalité, la conclusion est la même et les acteurs presque les mêmes. Dans le premier cas, un tiers (a priori qui s'y connaît en substance létale) fournit au dit patient une substance létale et c'est le patient qui se l'injecte, et dans le second cas, un autre (ou le même) l'injecte à la place du patient, parce qu'il ne peut pas le faire lui-même.

    Je pourrais reprendre le cadre de la psychanalyste Feroudja Hocini sur "l'aide à mourir". Il y a cinq stades bien définis, en "crescendo" : le premier, c'est de soigner la pathologie insoignable jusqu'à la fin ; le deuxième est l'arrêt de soins car c'est insoignable ; le troisième est l'injection d'une substance qui permette de réduire voire supprimer la douleur, avec la possibilité que cette substance précipite la mort sans intention de la donner ; le quatrième est le suicide assisté ; le cinquième est l'euthanasie active.
     

     
     


    Il y a une rupture anthropologique entre le troisième et le quatrième stade, car dans les deux derniers stades, il y a clairement intention de donner la mort, ce qui est la transgression d'un principe absolu. Dans le troisième stade, qui est l'application de la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, le patient en fin de vie peut demander une sédation profonde et continue jusqu'au décès. Cette sédation a pour but de réduire les souffrances, pas de donner la mort. L'intentionnalité est un élément majeur dans un jugement, c'est notamment le cas pour séparer l'homicide involontaire par négligence (accident avec responsabilité), par exemple, de l'assassinat où le fait de tuer était volontaire et préparé d'avance (prémédité).

    Dans la sédation profonde et continue, le fait de ne plus se nourrir ou de ne plus s'hydrater n'a pas beaucoup d'importance puisque le patient ne souffre pas (insistons sur cela). Parler alors d'hypocrisie pour exiger l'euthanasie active est une véritable escroquerie intellectuelle car l'hypocrisie, c'est surtout de ne pas distinguer l'intention de tuer et l'intention de soulager la douleur. Quant à la famille qui voit son proche mourir, que ce soit avec ou sans aide médicale (avec ou sans sédation), ce sera toujours un calvaire psychologique (bien sûr). Que la loi se garde bien d'être rédigée pour les proches, c'est pour le patient qu'elle doit l'être. Il y a des proches qui peuvent avoir quelques intérêts particuliers à voir "accélérer" les procédures, la loi ne doit donc pas être basée sur eux mais sur le seul intérêt du patient.


    Donc, dans ce qui suit, et, dans cet article, sans reprendre le texte de la proposition de loi (ce sera l'objet d'un article ultérieur), je parlerai d'euthanasie pour évoquer l'ensemble suicide assisté et euthanasie active.

    C'est un sujet qui peut cliver car il prend les personnes en pleine conscience de leur conception de la vie, de la mort et aussi, on oublie un peu trop vite, de la société des hommes. L'euthanasie est revendiquée en tant qu'un droit, ou une liberté. C'est par excellence le triomphe de l'individu sur le collectif. En quelque sorte, c'est le triomphe de l'ultralibéralisme extrême qui fait passer exclusivement la liberté d'une personne sur les conséquences collectives que cela peut entraîner.

    Un sujet clivant mais qui peut rassembler tout de même autour de quelques principes.

    Le premier principe est le refus de la souffrance. Tout doit être fait pour soulager la douleur du patient. Ce principe est déjà dans la loi, chacun a le droit de voir sa souffrance soulager. La loi du 4 mars 2002 permet le refus de soins selon la volonté du patient. Dès lors, il n'y a plus de possibilité d'acharnement thérapeutique dans la loi. Dans la pratique, cela peut évidemment être différent. Mais l'argument de l'acharnement thérapeutique n'est plus valable depuis une vingtaine d'années. Et c'est heureux : l'idée n'est pas de poursuivre coûte que coûte de prolonger la vie, comme, à mon sens, l'idée n'est pas d'abréger la vie, mais l'idée, l'obsession même, c'est de lutter contre la douleur, contre les souffrances. Je reste dans le général car dans le détail, il faut bien sûr définir exactement chaque terme.
     

     
     


    Le deuxième principe qu'on peut se donner dans un débat sur la question, c'est de ne pas mettre en avant, pour approuver ou s'opposer, ses convictions religieuses. Certes, les convictions religieuses ou leur absence peuvent être des éléments importants d'appréhension d'une question, mais ici, le débat est encore plus universel que la religion (même si certaines se prétendent à juste titre universelles). Il s'agit avant tout d'avoir le regard d'un être humain. Et l'éthique, comme la morale, est civile, elle peut avoir été façonnée par la religion, mais elle est acceptée, elle doit être acceptée bien au-delà du cadre religieux. Ainsi, le code pénal s'est inspiré du Dix Commandements. L'absolu "tu ne tueras point" est l'une des bases de toute société.

    Le troisième principe, toujours sur le débat, c'est le respect de toutes les opinions, car un sujet comme la fin de vie n'a pas une solution vraie et des solutions fausses. Le débat doit donc être serein, sans anathème, de part et d'autres. Il me semble qu'à ce stade, à l'Assemblée, c'est le cas.

    Toutefois, je trouve que le sujet a été très mal amené par les médias, les politiques, la société en général. Déjà par le vocabulaire. Il y a deux choses qui me désolent beaucoup dans ce débat public.

    Le premier point concerne la dignité. Une association qui milite pour l'euthanasie en a même fait son nom de baptême : elle réclame le droit de mourir dans la dignité. Pour moi, c'est une horreur, cela signifierait que des personnes auraient perdu leur dignité du fait de leur état de santé, de leur situation de handicap, de faiblesse. Non ! La dignité est intrinsèque à l'humain. Nous tous, aussi diminués que nous soyons, restons dignes, dignes de vivre comme dignes de mourir, ou plutôt, dignes de mourir avec dignité. La dignité ne se perd pas avec son état de santé.

    Le second point est le supposé progrès sociétal, la supposée avancée sociétale que constituerait l'euthanasie. Eh bien non, je ne considère pas que tout ce qui est nouveau soit une avancée. C'est parfois une régression. Transgresser l'interdiction de tuer est pour moi un retour en arrière monstrueux. Mais cependant, je peux l'entendre et comprendre que sincèrement, certains croient à un tel progrès, parce qu'ils auraient gagné une liberté en plus, un droit en plus, de manière strictement individuelle (qui ne devrait pas gêner les autres, c'est ce côté-là qui me gêne, car c'est une erreur de dire cela, j'y reviendrai plus loin). Il faut même l'entendre comme une stratégie mûrement réfléchie des promoteurs de l'euthanasie. Que disent-ils aujourd'hui ? Ils souhaitent que la loi définisse le plus de restrictions possible, dans les conditions d'application, etc. car leur objectif est qu'une loi sur l'euthanasie soit adoptée, quelle qu'elle soit. Car ils savent bien que dans un deuxième temps, une fois le pied dans la porte, on pourra toujours réviser la loi et assouplir ces conditions. Cela s'est passé dans tous les pays qui ont légiféré et par conséquent, l'argument selon lequel l'euthanasie sera appliquée dans un cadre très strict et rigoureux est purement du pipeau. Ce sera assoupli dès la prochaine occasion.

    J'en viens aux arguments, maintenant.

    La question est de lutter contre la souffrance, pas en tuant celui qui souffre mais en tuant la souffrance. Pour 99% des cas, la médecine est capable de le faire. Il faut donc s'appesantir à généraliser les soins palliatifs, qui sont un droit de chaque patient. Pour le 1% restant (je donne une proportion estimée seulement), le patient peut être réfractaire aux traitements de la souffrance. Il se peut qu'il souhaite tout arrêter. La sédation profonde et continue peut alors être la solution. Elle est possible, mais il faut appliquer la loi déjà existante. Et ce n'est pas une hypocrisie, je le répète. Cette loi était consensuelle, c'est-à-dire qu'elle a su rassembler la quasi-totalité de la classe politique en 2016, parce qu'elle a été rédigée avec une extrême prudence dans un climat constructif et serein.

    En quoi le principe de l'euthanasie serait une catastrophe collective ?

    Comme je l'ai signalé plus haut, les conditions d'application d'une telle loi évolueraient vers un assouplissement continu et ferait passer d'une exception vers une généralisation, vers un élargissement des possibilités d'application. L'une des meilleures preuves est l'extension en Belgique de son application : aux enfants (sans condition d'âge) et à ceux qui souffrent de pathologies psychologiques ou mentales. En d'autre terme, on a déjà euthanasié en Belgique des personnes en dépression. Or, la dépression conduit le patient à des envies suicidaires. La loi doit au contraire prévenir ces suicides et pas les encourager.
     

     
     


    Plus généralement, les conditions de la volonté d'euthanasie seraient mises à rude épreuve et la protection des plus faibles, des plus vulnérables serait mise à mal par une telle loi. Comment empêcherait-on alors des héritiers d'accélérer le processus ? Ou même comment empêcher la pression sociale qui deviendrait de plus en plus forte sur une personne âgée qui se sentirait de plus en plus inutile et qui se verrait un poids pour ses enfants alors qu'elle mérite toute sa place dans la société et que personne n'y est inutile ? Et les personnes vulnérables sont nombreuses : les personnes malades, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, et on pourrait même poursuivre la liste selon une supposée utilité sociale, dans un cadre tout à fait naturel mais odieux d'eugénisme.

    Reparlons de dignité. Si la solution à une pathologie, à une situation extrême, devenait l'euthanasie, comme pourraient réagir tous les aidants, les proches, les soignants (ils sont plusieurs millions) qui se battent chaque jour, parfois chaque minute à accompagner une personne en perte d'autonomie ? Cela réduirait le sens même de leur action, cela pourrait les décourager alors que ce qui compte, avant tout, c'est cet accompagnement humain.
     

     
     


    Et puis, il y a aussi l'intérêt économique de la société. J'ai lu que les coûts les plus élevés de la sécurité sociale, sont dépensés les six derniers mois d'une vie. Il suffirait d'euthanasier une personne six mois avant sa mort naturelle pour réduire drastiquement les dépenses sociales. Bien sûr, ne connaissant pas la date de la mort naturelle, on se garderait bien de défier ainsi la mort, mais il ne faut pas nier la pression qui serait de plus en plus forte pour réduire les dépenses de santé en encourageant l'euthanasie. Aujourd'hui, on dit à grands cris qu'il n'en est pas question : dans cinq ans, dans dix ans, qu'en sera-t-il ? "Soleil vert", pour les amateurs de vieux films (qui a assez mal vieilli).

    Enfin, il y aurait une conséquence collective très importante si l'euthanasie devenait une pratique comme une autre. J'évoquais le faux argument du progrès social. Ce serait même le contraire : dans ce cas, il n'y aurait plus de progrès médical. Car si les patients étaient euthanasiés avant même qu'on tente de les guérir, il n'y aurait plus de progrès médical possible. Car une pathologie inguérissable se définit dans le temps et lorsqu'on voit les progrès de la médecine depuis les vingt dernières années, on a de quoi être optimiste. On a augmenté le pourcentage de guérison de plusieurs cancers qui ne sont plus systématiquement des synonymes de mort assurée comme auparavant (hélas, ce n'est pas le cas pour tous les cancers). La mort prématurée des patients empêcheraient toute possibilité d'innovation dans leurs traitements médicaux.


    Donc, je résume ma réflexion générale ainsi. Premièrement, tout doit être focalisé sur le traitement de la souffrance, par quelque moyen que ce soit. Deuxièmement, il existe une solution ultime pour tous les réfractaires à la douleur, l'application de la loi Claeys-Leonetti. Troisièmement, un droit individuel pourrait avoir des répercussions désastreuses, à moyen terme, sur les personnes les plus vulnérables. Quatrièmement, loin d'être une avancée sociétale, ce serait une régression dans la recherche de nouveaux traitements. Parce que ce serait beaucoup moins cher d'encourager l'euthanasie que de poursuivre des recherches médicales très poussées et donc très coûteuses. Enfin, cinquièmement, la transgression inscrite dans la loi de l'interdiction de tuer aurait nécessairement des conséquences graves et irréversibles, de type eugénique, dans une société de plus en plus individualiste.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?
    Euthanasie 2024 (3) : les ultras dicteront-ils leur loi au gouvernement ?
    Euthanasie : Robert Badinter, Ana Estrada et l'exemple péruvien ?
    Euthanasie 2024 (2) : le projet Vautrin adopté au conseil des ministres du 10 avril 2024.
    Euthanasie 2024 (1) : l'agenda désolant du Président Macron.
    Robert Badinter sur l'euthanasie.
    Le pape François sur l'euthanasie.
    Fin de vie 2023 (4) : la mystification d'un supposé "modèle français" de la fin de vie.
    Discours du Président Emmanuel Macron recevant la Convention citoyenne sur la fin de vie le 3 avril 2023 à l'Élysée (texte intégral).
    Communiqué de l'Ordre des médecins sur la fin de vie publié le 1er avril 2023 (texte intégral).
    Avis n°139 du CCNE sur les questions éthiques relatives aux situations de fin de vie publié le 13 septembre 2022 (à télécharger).
    Rapport n°1021 de la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti publié par l'Assemblée Nationale le 29 mars 2023 (à télécharger).
    Rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie publié le 2 avril 2023 (à télécharger).
    Fin de vie 2023 (3) : conclusions sans surprise de la Convention citoyenne.
    Fin de vie 2023 (2) : méthodologie douteuse.
    Fin de vie 2023 (1) : attention danger !
    Le drame de la famille Adams.
    Prémonitions (Solace).
    Vincent Lambert.
    Axel Kahn : chronique d’une mort annoncée.
    Euthanasie : soigner ou achever ?
    Le réveil de conscience est possible !
    Soins palliatifs.
    Le congé de proche aidant.
    Stephen Hawking et la dépendance.
    La dignité et le handicap.
    Euthanasie ou sédation ?
    La leçon du procès Bonnemaison.
    Les sondages sur la fin de vie.
    Les expériences de l’étranger.
    La politisation du CCNE (16 décembre 2013).
    Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Figaro" du 5 avril 2021.
    Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Monde" du 12 juillet 2019.
    Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
    Réglementation sur la procédure collégiale (décret n°2016-1066 du 3 août 2016).
    La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
    La loi Leonetti du 22 avril 2005.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250520-euthanasie-2025a.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-1-quelle-societe-260439

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/20/article-sr-20250520-euthanasie-2025a.html


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