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société - Page 2

  • Repose en paix Louise, on ne t'oubliera pas !

    « La haine ? Encore une idée. Ce qui n'est pas une idée, c'est le meurtre. » (Albert Camus, 1949).





     

     
     


    Tristesse infinie depuis la découverte du corps de Louise, une collégienne de 11 ans, qui sortait de sa classe de sixième à 14 heures le vendredi 7 février 2025. Depuis, les bouquets de fleurs et les peluches s'amoncellent près du mur du Collège André-Maurois à Épinay-sur-Orge, dans l'Essonne, avec ce petit mot : « Repose en paix Louise, on ne t'oublieras pas ! ». Louise a été retrouvée dans la nuit du vendredi au samedi, hélas sans vie, plusieurs fois poignardée sauvagement, avec beaucoup de violence. C'est ce qui peut arriver de pire pour des parents.

    L'émotion évidemment a fait que ce meurtre a fait la une des journaux depuis ce week-end. Sur certaines chaînes de télévision, comme CNews, il y avait de quoi avoir la nausée en entendant ces soi-disant experts en tout généraliser à outrance, évoquer de manière très générale (et cela à chaque nouveau drame) à quelle point la société a dégénéré, à quel point la société s'est ensauvagée (ensauvagement, c'est même le mot employé par Bruno Retailleau). Et pourtant, faut-il rappeler qu'assassiner sciemment des petits enfants, ce n'est hélas, trois fois hélas, pas une innovation ? Le Petit Grégory s'en retournerait dans sa tombe en entendant autant d'inepties.

    Et puis la recherche du meurtrier a pris le dessus. Le côté feuilleton policier donne également la nausée. Après la garde-à-vue de plusieurs personnes mises ensuite hors de cause, le meurtrier présumé a été arrêté et interrogé. Il a avoué le meurtre ce vendredi 12 février 2025 après des preuves impossibles à rejeter (et après un long silence). La veille, on pouvait prouver que son ADN a été retrouvé sur les mains de Louise.

     

     
     


    Il y a une sorte de clivage démentiel entre le meurtrier et sa victime. Sur les quelques photographies publiées, la fillette paraît très mûre, à l'aise dans la vie, souriante, intelligente, pleine d'avenir. Ce que dit l'enquête, c'est qu'elle aurait résisté avec acharnement, ce que prouvent des marques sur son corps mais aussi celui de son meurtrier. Elle a fait preuve de courage.

    Quant au meurtrier, son nom a été révélé, que je ne souhaite pas écrire ici pour ne pas lui faire de la publicité, mais, comme pour l'assassinat de Lina, l'auteur présumé a un nom bien français, pas du tout étranger. En ce qui me concerne, je me moque du nom, ce que je préfère savoir, c'est pourquoi, mais pour beaucoup de monde ici, en France, l'origine des meurtriers est importante pour démontrer que l'immigration provoque des crimes. Pour Louise, comme pour Lina, ce n'est pas le cas. Pas de possibilité de récupération politicienne, l'air sera plus respirable sur certains plateaux de télévision.

    Lors de sa première conférence de presse le 12 février 2025, le procureur d'Évry Grégoire Dulin a exposé précisément tout ce qui s'est passé du vendredi au mercredi. Il l'a raconté, en lisant, comme on lit la Passion pendant une messe des Rameaux. Ainsi, l'alerte pour la disparition de Louise a été donnée par ses parents dès 15 heures, parce que le smartphone de l'enfant restait éteint. Très vite, le reste de la fratrie a mis des annonces dans les réseaux sociaux, et la police a commencé aussi à s'activer. Tout est allé très vite... mais cela n'a pas suffi à empêcher l'irréparable.


     

     
     


    La motivation de l'auteur présumé n'est pas encore très clairement comprise. D'un naturel violent et agressif (sa propre sœur refusait de le revoir depuis une agression en 2023 suivie d'une main courante), le jeune homme (étudiant en informatique) serait en pleine addiction aux jeux vidéo et il serait sorti dehors le vendredi après-midi après une dispute avec un autre joueur en ligne. Pour "se détendre", il aurait choisi de voler dans son quartier. Il ne connaîtrait pas sa future victime et l'aurait entraînée dans le bois voisin sous prétexte qu'il avait perdu quelque chose. Et il l'aurait menacée d'un Opinel pour lui dérober ses affaires. La fille aurait crié, il l'aurait frappée violemment à plusieurs reprises et aurait ensuite fui.

    Si ces informations étaient confirmées, cela signifierait que Louise s'est seulement trouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Le 4 février, l'auteur présumé aurait déjà tenté la même chose mais la potentielle victime avait refusé de le suivre dans le bois.

     

     
     


    Pourquoi les détails d'un tel drame sont-ils importants ? Tous les détails d'un crime, par définition, sont sordides. Mais ils sont importants pour une raison simple : était-il possible de l'éviter ? La puissance publique aurait-elle pu l'éviter ? Et que faire, quelles mesures prendre pour réduire le risque d'un nouveau drame comme celui-ci ?

    C'est bien trop tôt pour répondre, d'autant plus que c'est d'abord le temps de l'émotion, celle de la famille, des amis, des camarade de classe, de tout un collège, une ville, voire un pays. Là, il semble que réduire l'immigration n'aurait pas empêché le crime. Le problème semblerait, à mon sens, triple : d'abord, une addiction aux jeux vidéo qui peut devenir problématique ; ensuite, un problème de santé mentale pour le meurtrier présumé qui n'a jamais été traité, et il ne doit pas être seul dans ce cas, il faudrait savoir si l'obsession des jeux vidéo peut entraîner une telle éruption de haine et de violence ; enfin, l'encadrement des enfants qui rentrent de l'école doit sans doute être plus rigoureux, d'autant plus qu'en sixième, les élèves sont plus autonomes, leurs horaires plus variables qu'au primaire.

    On l'a répété au début de la semaine, dans la crainte d'une récidive tant que l'auteur présumé n'était pas sous les verrous : ne jamais rentrer de l'école seul, se méfier de toute personne suspecte, etc. Les caméras de vidéoprotection n'auraient pas suffi à empêcher ce meurtre, mais elles peuvent apporter beaucoup d'indices pour remonter au criminel. C'était le cas ici où l'on voyait un jeune homme qui suivait Louise jusqu'au bois. L'enquête de voisinage a permis d'identifier le suspect. L'analyse ADN, rapide, a permis aussi de conforter les soupçons. Enfin, le smartphone de Louise, retrouvé près d'elle, a donné d'autres éléments précieux dans l'enquête.

    Certains demandent déjà qu'il y ait plus de policiers (en civil) aux abords des écoles pendant l'heure des sorties des classes. Mais c'est comme les caméras. D'une part, il faut pouvoir encore se permettre d'embaucher massivement ces policiers (et donc, il faut bien trouver une solution pour les financer, les payer, soit par les impôts, soit par autre chose). D'autre part, on ne peut pas "fliquer" toute la société partout, mettre des caméras partout, des policiers tous les vingt mètres, car il y aura toujours des "trous dans la raquette" comme on dit, et le potentiel meurtrier saura toujours trouver une faille. On le voit pour les attentats terroristes : la police a pu déjouer des dizaines de tentatives d'attentat depuis quelques années, mais malheureusement, pas toutes les tentatives.

    Il y a bien sûr l'éducation, celle des potentielles victimes de ne pas se laisser faire, ce qui semblerait être le cas de Louise dont les parents, comme d'autres, avaient mis en garde contre le risque avec des inconnus, mais aussi celle des potentiels criminels pour qui la vie semble avoir de moins en moins de valeur. Est-ce un mouvement général de la société provoqué par l'abêtissement généralisé par les smartphones, réseaux sociaux sots, jeux vidéo violents, etc. qui entraînent certains individus à déborder de haine et de violence, n'ayant plus de relations sociales, de contacts humains, et même d'exercice physique ? Ou faut-il ne considérer là, hélas, que comme un cas exceptionnel, une singularité, comme souvent dans chaque meurtre, une concordance de causes, comme dans beaucoup d'accidents, au risque insensé de tomber dans un fatalisme qui serait insupportable pour les proches de Louise ?

     

     
     


    S'il y a des exploiteurs professionnels de crimes, des récupérateurs politiques professionnels de crimes, c'est aussi parce que les gouvernements ont sans doute joué à la fois sur une certaine forme de fatalisme (comment empêcher, dans un État libre, un tel crime ?) et sur une certaine forme de lâcheté, celle d'afficher quelques mesures peut-être visibles mais creuses, sans efficacité, pour faire semblant d'avoir pris les choses en main.

    Personnellement, je n'ai pas de solution immédiate à l'esprit. Plus généralement, l'existence du mal pour le mal me met mal à l'aise car ce meurtre est finalement très stupide, sans intérêt, ni d'amour ni d'argent (même si c'était l'objectif premier). L'auteur présumé paraît aussi déséquilibré que violent, aussi bête qu'agressif. Malheureusement, il doit y en avoir d'autres qui errent dans la société et qui peuvent aussi passer à l'acte. N'oublions jamais : la traduction directe de la haine, c'est le meurtre.

    Les acteurs politiques, qu'ils soient au gouvernement ou au Parlement, qu'ils soient de la majorité ou de l'opposition, doivent réfléchir, hors posture d'affichage, sur les moyens de réduire la probabilité de connaître de nouveaux crimes comme celui-ci. C'est difficile, mais ce serait le meilleur moyen de ne pas oublier Louise. Son sourire figé désormais dans l'intemporalité définitive reste comme une promesse d'un avenir meilleur. À la puissance publique de se mettre au niveau d'une telle ambition.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Repose en paix Louise, on ne t'oubliera pas !
    Gisèle Pélicot, femme de l'année 2024 ?
    5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
    40 ans de confusions dans l'Affaire Grégory.
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.



     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250212-louise.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/repose-en-paix-louise-on-ne-t-259273

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/12/article-sr-20250212-louise.html



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  • Les 20 ans de la loi handicap du 11 février 2005

    « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. L'État est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d'actions. » (Article 2 de la loi handicap).





     

     
     


    La première véritable loi de solidarité avec les personnes en situation de handicap a été promulguée il y a vingt ans. Il s'agit de la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, appelée également "loi handicap".

    Elle a été signée par Jacques Chirac (Président de la République), Jean-Pierre Raffarin (Premier Ministre), et vingt-deux ministres dont Dominique de Villepin (Intérieur), François Fillon (Éducation nationale), Jean-Louis Borloo (Travail et Emploi), Philippe Douste-Blazy (Santé), Dominique Perben (Justice), Hervé Gaymard (Économie et Finances), Gilles de Robien (Équipement et Aménagement du Territoire), Renaud Dutreil (Fonction publique), Dominique Bussereau (Agriculture), Renaud Donnedieu de Vabres (Culture), Christian Jacob (Commerce), Jean-François Copé (Budget), François d'Aubert (Recherche), Gérard Larcher (Travail), Marc-Philippe Daubresse (Logement), Marie-Anne Montchamp (Personnes handicapées), Catherine Vautrin (Personnes âgées), Éric Woerth (Réforme de l'État) et François Goulard (Transports).

    Comme on le voit, cette loi handicap était l'affaire de tout le gouvernement, et c'est normal car il y a des implications dans tous les domaines. Bien que tardive en France, elle est le résultat de la forte volonté politique du Président de la République. En effet, au début de son second mandat, le 14 juillet 2002 à la télévision, Jacques Chirac avait défini quatre priorités consensuelles pour la société française : la sécurité routière, la lutte contre le cancer, la lutte contre les maladies neurodégénératives et la solidarité et l'insertion des personnes en situation de handicap. Ce dernier sujet a préoccupé Jacques Chirac toute sa vie, et notamment au début de sa carrière politique.

    L'article 2 définit d'abord ce qu'est une situation de handicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. » (Article L. 114 du code de l'action sociale et des familles). Il faut noter une grande évolution qui peut avoir des conséquences sur la prise en charge médicale, à savoir la différenciation entre handicap psychique (provenant d'une maladie psychique) et handicap mental (provenant d'une altération des capacités intellectuelles).

     

     
     


    Ce même article proclame ensuite un droit général de solidarité : « Toute personne handicapée a droit à la solidarité de l'ensemble de la collectivité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l'accès aux droits fondamentaux reconnus à tous les citoyens ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. L'État est garant de l'égalité de traitement des personnes handicapées sur l'ensemble du territoire et définit des objectifs pluriannuels d'actions. » (Premier alinéa de l'article L. 114-1).

    Enfin, l'article 2 proclame aussi que les personnes en situation de handicap doivent pouvoir vivre de manière la plus proche d'une personnes qui ne l'est pas : « À cette fin, l’action poursuivie vise à assurer l’accès de l’enfant, de l’adolescent ou de l’adulte handicapé aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et son maintien dans un cadre ordinaire de scolarité, de travail et de vie. Elle garantit l’accompagnement et le soutien des familles et des proches des personnes handicapées. » (Second alinéa de l'article L. 114-1).

    En d'autres termes, la loi définit l'idéal, à savoir que les enfants en situation de handicap, par exemple, soient scolarisés dans les mêmes établissements scolaires que les autres. C'est à l'école qu'on se forge le regard sur l'Autre, et si un enfant qui est en fauteuil roulant aide un camarade en mathématiques parce qu'il est plus fort que lui, alors, les inégalités ne seront pas vécues seulement dans un seul sens, un enfant en situation de handicap peut apporter autant voire plus aux autres qu'un enfant dit "normal" (mot très mauvais car il faudrait définir ce qu'est la "normalité" chez un être humain). Je préfère donc le mot "ordinaire" plus consensuel.
     

     
     


    Bien sûr, la différence entre l'idéal et la réalité, c'est souvent des enjeux de moyens, c'est-à-dire, de budget : en l'occurrence, pour permettre d'intégrer beaucoup d'enfants de situation de handicap (pas tous, certaines pathologies sont incompatibles) dans les salles de classe ordinaires, il faut recruter beaucoup d'assistants (et assistantes ici), et que ce soit une filière professionnelle à part entière, avec une carrière et une rémunération en conséquence.

    En clair, la loi handicap a d'abord un double objectif de sensibilisation : le regard de tous les Français sur les personnes handicapées (et l'idée que tout le monde peut être ou devenir, temporairement ou définitivement, une personne en situation de handicap) et le regard des employeurs avec une obligation de recruter des personnes en situation de handicap. Insérer les personnes handicapées dans la société signifie d'abord les insérer dans les structures de formation (école, université, formation continue) et les insérer dans le marché du travail. Comme toujours, il y a le souhaitable, l'idéal, et il y a le possible, la réalité. En fonction du type de handicap, l'insertion se fera plus ou moins facilement. La loi n°85-517 du 10 juillet 1987 imposait déjà aux employeurs une obligation d'emploi de 6% de l'effectif salarié au bénéfice des travailleurs handicapés (remarquons que cette loi a été adoptée alors que Jacques Chirac était Premier Ministre).

    La loi suppose entre autres une accessibilité généralisée dans la société (habitations, bâtiments publics, entreprises, établissements culturels et de loisirs, etc., mais aussi un accès pour utiliser Internet) et un droit à compensation des conséquences du handicap, traduit principalement à l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

     

     
     


    En 2022, la DREES a publié un document qui indiquait qu'il y avait en France, en 2019, selon les modes de calcul, entre 2,8 et 9,0 millions de personnes de 15 ans et plus vivant hors institution, en situation de handicap, plus 140 000 personnes, enfants et adultes, vivant dans un établissement spécialisé. Cela correspond à une part non négligeable de la population française (environ 17% de la population de 15 ans et plus, et 30% pour les 60 ans et plus, ce qui rappelle la nécessité d'une branche Autonomie de la Sécurité sociale).

    C'est dans l'esprit de la loi handicap que le Président Emmanuel Macron a présenté de nouvelles mesures en faveur de l'insertion et de la solidarité à l'occasion de son quinzième anniversaire le 11 février 2020. C'était juste avant la crise pandémique du covid-19. Et maintenant, où en sommes-nous ?


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Les 20 ans de la loi handicap du 11 février 2005.
    Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (version consolidée au 11 février 2025).
    Fac-similé du Journal officiel de la République française du 12 février 2005.
    Un débat électoral où le handicap était prétexte à une colère politicienne.
    Jeux paralympiques de Paris 2024 : sport, spectacle et handicap.
    L’allocation aux adultes handicapés (AAH) et maladresse politique.
    Éric Zemmour et les enfants en situation de handicap.
    Le handicap ? Parlons-en !


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250211-loi-handicap.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/les-20-ans-de-la-loi-handicap-du-259171

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/11/article-sr-20250211-loi-handicap.html






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  • Méfiez-vous du péage par smartphone sur les autoroutes !

    « La modernité se définit comme un progrès décisif de la conscience de soi. » (Étienne Borne, 1988 dans la revue démocrate-chrétienne "France-Forum").


     

     
     


    Le paiement par smartphone (téléphone portable) est de plus en plus répandu, en France notamment : près de 36% des Français l'utilisent, et 48% des Franciliens selon une enquête d'OpinonWay pour Lyf réalisée en février 2024. Cela consiste à payer sans contact avec une application (Google Wallet ou Apple Pay), ce qui a l'avantage de ne plus utiliser de carte bancaire ni d'espèce.

    Mais ce type de paiement a un gros défaut : il peut vous faire verbaliser par les forces de l'ordre si vous payez de cette manière le péage d'une autoroute. C'est en tout cas ce qui est arrivé à un "influenceur", comme on dit, de TikTok, du nom de "s4iintt", qui a raconté le 16 janvier 2025 sa mésaventure dans une vidéo sur ce réseau social qui a été vue par près de 5 millions internautes. Le jeune homme de 21 ans revenait des Pays-Bas et sur un péage de l'autoroute A10, il a eu une surprise : « J’arrive à un péage, c’était 25,90 euros, je sors mon téléphone, je paye en Apple Pay et, et instantanément, gyrophare, moto… ».

    On l'a verbalisé d'une amende de 90 euros (celle de 135 euros forfaitaire) et de trois points du permis de conduire. Il a protesté : « Mais monsieur j’étais à l’arrêt j’ai juste payé avec mon téléphone ! ». Après la polémique qu'il a entraînée dans les réseaux sociaux, des avocats ont été interrogés par la presse et ont tous répondu que la loi verbalisait bien l'utilisation du téléphone portable lorsqu'on est au volant.

    Un autre "influenceur" de TikTok, Masdak, suivi par 3 millions d'abonnés, a repris aussi cette histoire en affirmant : « Au péage, vous êtes sur une voie d'autoroute, votre véhicule est toujours considéré en état de circulation, une amende forfaitaire de 135 euros et un retrait de trois points du permis de conduire. ».

    En effet, l'article R412-6-1 du code de la route précise bien : « L’usage d’un téléphone tenu en main par le conducteur d’un véhicule en circulation est interdit. ». Aux yeux de la loi, un véhicule qui s'est arrêté pour payer à un péage d'autoroute est toujours en circulation : « Je suis en circulation n’étant ni à l’arrêt, ni en stationnement. », a ainsi expliqué maître Rémy Josseaume le 20 janvier 2025 pour "Le Figaro" (il a aussi été interviewé le 21 janvier 2025 par "Le Parisien"). Le conducteur doit rapidement se dégager pour laisser la place à d'autres véhicules. L'avocat a considéré que la verbalisation était juridiquement justifiée et qu'il serait difficile, le cas échéant, de contester la sanction.

    Du reste, selon des internautes, le site Internet de Vinci Autoroutes a discrètement retiré il y a six jours la mention « ou autre objet connecté » dans sa partie sur le paiement sans contact. Effectivement, il était précisé alors : « À l'aide de votre carte bancaire, mais aussi de votre téléphone, de votre montre ou de tout autre objet connecté, payez votre péage de façon simple et sécurisé. ».
     

     
     


    Un automobiliste qui payerait son achat avec son smartphone dans le drive d'un fast-food, au volant de son véhicule avec le moteur en marche, s'exposerait à la même amende, ce qui est logique.

    Le plus étonnant, c'est que le Président de la République a eu vent de la polémique et a réagi le 22 janvier 2025 par une vidéo sur le même réseau, TikTok. Emmanuel Macron a déclaré : « Je crois qu'en 2025, on doit pouvoir payer au péage avec son téléphone. Donc, j'ai passé le dossier au Ministre de l'Intérieur et on va collectivement régler ça ! ». Une affaire rondement menée !

    Faut-il mobiliser le sommet de l'État pour résoudre cette affaire ? Le discernement ne pourrait-il pas simplement suffire aux forces de l'ordre lorsque l'utilisation du téléphone portable pour payer un péage ne mettrait pas en cause la sécurité de la conduite automobile ? Faudra-t-il légiférer pour donner quelques exceptions à cet article du code de la route ?


    C'est évident que la numérisation à outrance de notre vie quotidienne nécessite des aménagements dans notre législation et réglementation. On aurait pu penser que le simple bon sens suffise pour ce genre de chose. Les accros du Macron bashing ne se priveront pas de dénigrer le Président de la République pour avoir voulu s'occuper de ce petit problème posé par un jeune internaute (alors qu'il y a plein d'autres gros problèmes à résoudre). La réalité, c'est que les mêmes le dénigrent parce qu'il n'écouterait pas le peuple. Il faudrait savoir...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Méfiez-vous du péage par smartphone sur les autoroutes !
    5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
    Tristesse.
    Contrôle médical obligatoire pour le permis de conduire : une erreur de vision ?
    Émotion nationale pour Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Claude Got.
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    Le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du lundi 17 juillet 2023.
    Le refus d'obtempérer est un délit routier.
    Faut-il interdire aux insomniaques de conduire ?
    Faut-il en finir avec le permis de conduire à vie ?
    L'avenir du périph' parisien en question.
    Fin du retrait de point pour les "petits" excès de vitesse : est-ce bien raisonnable ?
    Les trottinettes à Paris.
    L'accident de Pierre Palmade.
    La sécurité des personnes.
    Anne Heche.
    Diana Spencer.
    100 ans de code de la route.
    80 km/h : le bilan 2018-2020 très positif.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250122-peage-smartphone.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/mefiez-vous-du-peage-par-258857

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/23/article-sr-20250122-peage-smartphone.html



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  • Méfiez-vous du chat qui dort à Noël !

    « La voix des angoras est douce et petite dans l'ordinaire de la vie, sans préjudice des temps amoureux où ils se changent en démons hurleurs. » (Colette).



     

     
     


    Attention aux chats ! J'adore les chats et je sais "m'en servir", c'est-à-dire que je connais leurs réactions, je connais leur mode de vie, etc., et pourtant, parfois, les chats sont imprévisibles, il faut toujours faire attention à leur caractéristique encore sauvage, même s'ils se sont pleinement humanisés au fil des siècles et des millénaires.

    Dans la rubrique des pas-chiens pas-écrasés, l'édition de Nancy de "L'Est républicain" a publié le mardi 31 décembre 2024 un article de Jean-Christophe Vincent qui fait le bilan des fêtes de Noël 2024 aux urgences. Eh oui ! La période des fêtes, comme la période des sports d'hiver dans les régions de montagne, est une période pendant laquelle les services des urgences des hôpitaux sont plus densément sollicités à cause des accidents domestiques provoqués par le contexte festif et (souvent) alcoolisé.

    Le quotidien nancéien s'est penché sur l'activité du Centre chirurgical Émile-Gallé de la rue Hermite, une antenne du CHRU de Nancy, le soir du 24 décembre 2024 et le jour de Noël. Son service d'urgence SOS Mains a accueilli une quarantaine de patients la veille et une trentaine de patients le jour même de Noël.

    Le chef du service de chirurgie de la main, le professeur François Dap, fort de ses quarante-cinq années d'expérience, en a vu de toutes les couleurs : « L’alcoolisation constitue un des grands dangers des fêtes de fin d’année. ». Ainsi, les accidents sont légions : chute avec un verre à la main qui se casse, ouverture d'huîtres avec couteau mal utilisé, découpage de la dinde aux marrons, voire bagarre. « Il arrive même que nous prenions en charge des patients qui se sont coupés après avoir donné un coup de poing dans une vitre. » a affirmé le médecin au journaliste de "L'Est républicain".

    Pourtant, depuis quelque temps, ces accidents domestiques, ordinaires, ne constituent pas la première cause des passages à SOS Mains : « Un tiers des patients que nous avons pris en charge au service SOS Mains ont été blessés par des griffures ou des morsures de chat. C’est un phénomène qui s’accentue depuis quelques années, alors que les blessures causées par un couteau à huîtres ne cessent de diminuer, au point d’être devenues moins nombreuses que celles engendrées par un félin. ».

    Il y a maintenant une bonne sensibilisation pour faire attention lorsqu'on ouvre des huîtres, avec le couteau à huîtres, les choses à ne pas faire pour éviter de se blesser, il y a même des vidéos pour expliquer comment faire. Les gens font donc plus attention aux huîtres, mais il manque sans doute une sensibilisation aux chats !

     

     
     


    Pour le spécialiste de la main, qui n'est pas un vétérinaire, cette engorgement des urgences en raison des morsures de chats a en effet une raison simple : il y a de plus en plus de chats domestiques (plus de 10 millions en France), plus que de chiens depuis une bonne décennie, et donc, chez les hôtes qui accueillent les invités pour Noël, il y a de plus en plus la présence de chats. Or, dans un contexte de changement d'habitude, présence des invités, déplacement de tables, chaises, canapés, bruit inhabituel, comportement inapproprié des invités avec eux, les chats peuvent réagir avec beaucoup de stress : « Lorsqu’il y a beaucoup de bruit et de convives, les chats ne sont pas forcément dans les meilleures dispositions pour recevoir des caresses. Ce qui est sûr, c’est qu’une griffure ou une morsure de chat peut avoir de graves conséquences. Si on ne soigne pas tout de suite la plaie causée par ce type de blessure, ça peut s’infecter rapidement et atteindre un tendon. ».

    Une morsure de chat ne doit pas être prise à la légère par la victime. Il y a bien sûr la plaie et les dégâts plus ou moins graves sur la chair voire plus (tendon, nerf, etc.), qui parfois nécessitent une opération chirurgicale, mais il y a aussi des risques de rage (selon la région et selon que l'animal est vacciné ou pas contre la rage, animal car cela concerne aussi bien le chien que le chat), les risques contre le tétanos (si la personne mordue n'est plus à jour de vaccination, il faut consulter un médecin avant quarante-huit heures), et enfin, il y a la possibilité d'une surinfection tant locale (abcès) que générale (fièvre, etc.).

    Le conseil d'Ameli, l'Assurance Maladie, est simple et clair : « Les morsures doivent être soignées immédiatement pour éviter les risques d’infection. Si vous avez été mordu par un chat ou un chien, nettoyez la plaie et selon la gravité de la blessure, consultez un médecin ou appelez les urgences. ».

    En effet, le risque infectieux est très important pour une morsure de chat (on s'en rend compte avec des gonflements, de la fièvre, un état général affaibli, etc. au bout de quelques heures) car il provient de la présence de différentes bactéries dans la salive du chat : le Pasturella, responsable de la pasteurellose qui se présente généralement sous forme d'œdème ; le streptocoque qui peut provoquer fièvre et douleurs musculaires ; le staphylocoque ; enfin, le Bartonella henselae à l'origine de la maladie des griffes du chat. Toutes ces bactéries peuvent être traitées par des antibiotiques prescrits par un médecin, mais il fait agir dans les douze à vingt-quatre heures. Le risque est encore plus grand bien sûr lorsque la victime est immunodéprimée ou a des pathologies particulières comme le diabète, etc.

    Au réveillon du Nouvel an, les passages aux urgences des mains à Nancy ont donc été tout aussi à base de chats que d'alcool et de blessures par couteau, verre, etc., avec une cause supplémentaire, une main blessée par un pétard, heureusement, en nette diminution au fil des années.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Méfiez-vous du chat qui dort à Noël !
    Et Dieu créa les animaux...
    Le Bébé de Stéphanie de Monaco.
    Népal : on abat au cas où.
    Jacques-Yves Cousteau.
    Big Tim et ses défenses géantes : l’extinction des espèces sous nos yeux…
    Rapport de l’ONU (IPBES) sur la biodiversité publié le 6 mai 2019 (à télécharger).
    Le cœlacanthe : un rival pour Darwin ?
    Erectus.
    Demain les chats.
    Les chats à Dutronc.
    La Belle et les Bêtes.
    L'amie des animaux.
    Un panda diplomatique.
    Les animaux ont-ils une âme ?
    La sensibilité des animaux reconnue par le code civil.
    Les chasseurs…
    La vie dans tous ses états.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241231-chats-noel.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/mefiez-vous-du-chat-qui-dort-a-258454

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/01/article-sr-20241231-chats-noel.html


     

  • Philippe Val et la promesse d'autres tragédies

    « Un bon Arabe doit être musulman, sa femme doit être voilée, il doit détester la France et admirer le Hamas et le Hezbollah. Cette assignation des Arabes par les autorités morales est un racisme réel drapé dans un antiracisme autoproclamé. Un tel déni de réalité, dix ans après les attentats de 2015, est la promesse d'autres tragédies. » (Philippe Val, le 6 janvier 2025 sur Europe 1).




     

     
     


    Personnalité du monde médiatique et intellectuel un peu touche-à-tout, Philippe Val (72 ans) est tout à la fois humoriste, journaliste, écrivain, chroniqueur et même patron de presse. Sa consécration a sans doute été sa nomination comme directeur général de l'importante station de radio publique France Inter de 2009 à 2014, mais ses fonctions pendant dix-sept ans à la tête de "Charlie Hebdo" de 1992 à 2009, comme rédacteur en chef puis comme directeur de publication, sont sans doute ce qui a eu le plus d'importance à ses yeux.

    Et il se place bien entendu sur le devant de scène des commémorations des attentats de janvier 2015 pour une raison simple : c'est lui, comme directeur de publication de "Charlie Hebdo", qui a pris la responsabilité (qu'il n'a jamais regretté) de publier les caricatures de Mahomet, celles publiées par le quotidien danois "Jyllands-Posten" le 30 septembre 2005. Leur publication a eu lieu dans le numéro de "Charlie Hebdo" du 3 février 2006, complétées par des caricatures maison. L'hebdomadaire satirique a été quasiment le seul périodique français à avoir eu le courage de les publier (avec "France-Soir" et "Libération") en raison des nombreuses pressions faites sur les rédactions.


     

     
     


    Depuis cette date, Philippe Val est sous protection policière matin midi et soir (et nuit), et vit avec l'angoisse de l'assassinat. On peut dire que son angoisse était justifiée puisque cinq dessinateurs, deux journalistes et deux chroniqueurs (entre autres) ont été assassinés il y a dix ans, le 7 janvier 2015.
     

     
     


    J'apprécie beaucoup Philippe Val car il porte finalement une parole très rare dans le monde médiatique, il veut rappeler sans cesse qu'il faut combattre l'islamisme et, bien que de gauche, il bouscule la pensée prémâchée de l'islamogauchisme. Trouille ou militantisme politique, on ne sait pas trop bien ce qui motive beaucoup de nos intellectuels français en-dessous de tout, et en particulier d'une pensée claire sur la liberté et sur la laïcité. Philippe Val est, avec quelques autres petites lumières médiatiques comme Caroline Fourest, Tristane Banon, Sophia Aram (actuellement salement harcelée par cette gauche extrémiste), l'un des rares "prescripteurs d'opinion" à rappeler toute l'horreur de l'islam politique et la nécessité de s'y opposer fermement, quelle que soit sa foi ou sa non-foi.

    Dans sa chronique du lundi 6 janvier 2025 qu'il a faite sur la station Europe 1, le journaliste est sévère contre ses collègues qui n'ont jamais rappelé que les caricatures qui avaient mis le monde musulman en colère en 2005 et 2006 n'étaient pas celles publiées par le journal danois mais d'autres, falsifiées pour manipulation par un imam qui l'a reconnu par la suite. Comme pour l'assassinat de Samuel Paty, victime lui aussi d'une manipulation mensongère sur les réseaux asociaux, la désinformation a tué beaucoup trop pour ne pas alerter les journalistes pendant qu'il est encore temps.

    Philippe Val a aussi rappelé que l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, qui, à 75 ans, est très malade et n'est toujours pas soigné, alors qu'il a été jeté en prison injustement en Algérie il y a deux mois, est trop peu soutenu par les moralistes professionnels en France et mériterait leur soutien avec un écho médiatique qui puisse faire pression sur le gouvernement algérien.


     

     
     


    Dans cette chronique, Philippe Val a d'abord fustigé ce qu'il a appelé la "bienveillance" de nombreux "intellectuels" envers l'islamisme : « On va parler de ce qui n'a pas changé, voire de ce qui a empiré : la bienveillance d'une partie du monde intellectuel, politique et médiatique français pour les acteurs d'un phénomène religieux, l'islam, dans sa version la plus hostile à notre civilisation, la plus puritaine et la plus dangereuse. On l'a vu lors du stupéfiant soutien au Hamas par La France insoumise et le journal "Le Monde" après le 7 octobre 2023 et par les non-moins stupéfiants ralliements et accords électoraux qui s'ensuivirent de la part de partis comme le parti socialiste ou de personnalités comme François Hollande. ».

    "Le Monde" a contribué à ce climat malsain qui, de fait, promeut l'antisionisme : « Je ne souhaite nullement la disparition du "Monde" dont j'admire et respecte nombre de ses journalistes, mais son statut de journal de référence n'est plus supportable. Ce n'est pas plus une référence que Mediapart ou "Valeurs actuelles". C'est un journal d'opinion et c'est son droit. Mais ce statut ne lui permet d'exercer aucun magistère moral. Qu'il soit lu comme une bible par les enseignants, les intellectuels, les politiques, est une des causes de la maladie de la démocratie française. Au lendemain des attentats, il y a dix ans, "Le Monde" avait déjà choisi de donner une large audience à Emmanuel Todd qui prétendait que les 4 millions de manifestants du 11 janvier n'étaient que des petits bourgeois catholiques qui avaient besoin d'avoir peur de l'islam pour se tenir chaud ensemble. ».

     

     
     


    Le point de référence de l'ancien directeur de "Charlie Hebdo", c'est le massacre antisémite du 7 octobre 2023 dans la continuité des réactions aux caricatures de 2005-2006 : « On l'a vu après le massacre du 7 octobre. Dans les heures qui ont suivi, ce n'est pas l'horreur du massacre qui a été mise en avant, mais le scandale de la réplique israélienne. Il y a une continuité dans la volonté de nier la réalité. Par exemple, en 2006, les caricatures qui ont mis le feu au Moyen-Orient et monde arabe ne sont pas celles qu'ont publiées le "Jyllands-Posten" et "Charlie Hebdo". On sait que ce sont des caricatures détournées et diffusées par un imam danois intégriste. Bien que l'information ait parfaitement circulé dans les rédactions, et que depuis, l'imam repenti ait avoué sa manipulation, l'info n'intéressait pratiquement personne. Il est évident que les caricatures publiées étaient anodines et que leur censure était insupportable dans n'importe quel régime de liberté. Personne n'a voulu retenir cette information pourtant capitale. Eh bien, c'est un cas d'école pour journalistes : une info reste-t-elle vraie quand personne n'a envie d'y croire ? (…) Ce qui démontre aussi que notre métier de journaliste et d'intellectuel est de dire la réalité au plus près. Et que c'est une question de vie ou de mort. La réalité se venge toujours quand elle est repoussée, elle revient sous une forme monstrueuse. En ce qui nous concerne, elle est revenue sous la forme des attentats qui ont endeuillé notre pays. ».

    Si le monde journalistique a compris la nature de l'islamisme, il y a encore beaucoup à faire pour préserver une parole sensée en France : « Il s'est passé quelque chose. La plupart des grands journaux et des chaînes d'info, radios, ont désormais des positions sans ambiguïté sur l'islam politique et l'antisémitisme, et il faut s'en réjouir. Mais une partie du monde intellectuel et journalistique n'a encore rien compris. La campagne de haine que subit aujourd'hui l'humoriste Sophia Aram et l'indifférence méprisante dont Boualem Sansal fait l'objet montrent à quel point leur magistère moral est une imposture. Boualem Sansal et Sophia Aram ont en commun une tare majeure aux yeux de nos moralistes antiracistes : ce sont de mauvais Arabes ! Un bon Arabe doit être musulman, sa femme doit être voilée, il doit détester la France et admirer le Hamas et le Hezbollah. Cette assignation des Arabes par les autorités morales est un racisme réel drapé dans un antiracisme autoproclamé. Un tel déni de réalité, dix ans après les attentats de 2015, est la promesse d'autres tragédies. ».

     

     
     


    Cette chronique du 6 janvier 2025 de Philippe Val est excellente car elle est un condensé d'une parole qui est rare et pourtant essentielle en France, celle d'une gauche républicaine qui est aujourd'hui étouffée par la nouvelle farce populaire (NFP). Cette gauche républicaine (dont je ne suis pas) est aujourd'hui la mieux représentée politiquement par un quasi-homonyme, l'ancien Premier Ministre et l'actuel Ministre d'État Manuel Valls, qui a su exprimer en 2015 et 2016 ce qu'était l'esprit républicain et que je ne me lasserai jamais de répéter : « Être français, ce n’est pas renoncer à ses origines, ce n’est pas renoncer à son identité, c’est les verser au pot commun. C’est une citoyenneté qui n’est pas petite, qui n’est pas réduite à l’origine de chacun, du sang, du sol ou par naturalisation, mais qui est grande, ouverte, fondée sur la volonté de construire l’avenir ensemble ! C’est ce nouveau patriotisme que j’appelle de mes vœux ! ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Philippe Val et la promesse d'autres tragédies.
    7 janvier 2025 : êtes-vous toujours Charlie ?
    L’esprit républicain.
    Fête nationale : cinq ans plus tard…







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250106-philippe-val.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/philippe-val-et-la-promesse-d-258535

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/06/article-sr-20250106-philippe-val.html




     

  • 7 janvier 2025 : êtes-vous toujours Charlie ?

    « Cette France qui s’est retrouvée dans l’épreuve, ce moment où le monde entier est venu à elle, car le monde sait lui aussi la grandeur de la France et ce qu’elle incarne d’universel. La France, c’est l’esprit des Lumières. La France, c’est l’élément démocratique. La France, c’est la République chevillée au corps. La France, c’est une liberté farouche. La France, c’est la conquête de l’égalité. La France, c’est la soif de fraternité. Et la France, c’est aussi ce mélange si singulier de dignité, d’insolence, et d’élégance. » (Manuel Valls, le 13 janvier 2015 dans l'hémicycle).




     

     
     


    J'ai eu une "chance", il y a dix ans. Je n'étais pas chez moi mais en déplacement. Cela signifie : pas de journal, pas de télévision, pas de radio. J'ai évité (involontairement) d'être submergé par le flot des informations continues d'urgence. Mais j'avais quand même Internet et c'est ainsi que j'ai appris la mort de l'innocent, du tendre Cabu par balles ! Voir plus bas. Difficile de comprendre le monde contemporain. Pour la (très) petite histoire, je n'étais pas à Paris il y a dix ans, mais j'étais à Nice où le soleil brillait à 20°C...

    Sinistre commémoration, donc. Mardi, le dixième anniversaire de l'attentat de "Charlie Hebdo" qui s'est déroulé le mercredi 7 janvier 2015 sera l'occasion, pour la France, de faire un petit retour sur son passé récent. Toute la semaine sera commémorative, car le 8 janvier 2015 et le 9 janvier 2015, d'autres victimes ont péri dans cette série d'attentats de début 2015. On peut comprendre pourquoi François Bayrou n'a pas voulu faire sa déclaration de politique générale cette semaine et attendre la semaine suivante.

    Il y a eu une sorte de sidération, et malheureusement, on allait être presque habitués par cette sidération, tant les attentats islamistes se sont succédé en France, le 13 novembre 2015, le 14 juillet 2016, etc. Si l'attentat de La Nouvelle-Orléans a autant ému les Français, c'est parce que, en plus d'avoir touché le quartier français de cette ville américaine, il y avait deux faits qui, inévitablement, refaisaient penser aux attentats en France : l'attaque à la voiture-bélier, comme à Nice, et l'attaque contre un mode de vie, contre des personnes réunies pour s'amuser, pour faire la fête, Nouvel an comme bientôt carnaval, comme le 13 novembre 2015, contre de malheureux clients qui discutaient sur les douces terrasses de cafés parisiens un vendredi soir.

    Il y a eu deux incompréhensions dans l'état de sidération dans lequel nous nous trouvions. La première, c'était de croire que ces terroristes islamiques en voulaient à notre liberté d'expression et de dessin. En fait, c'est beaucoup plus vaste, contre notre mode de vie, contre notre existence : liberté d'expression, mais aussi liberté de célébration, liberté d'enseignement, liberté d'amusement, de distraction, d'écouter un concert, d'assister à une messe, etc. Bref, il n'y avait plus à donner des arguments, la cause est entendue, c'est celle des guerres : les terroristes sont nos ennemis et c'est eux ou nous. La seconde incompréhension, c'était de croire que cela avait commencé avec "Charlie Hebdo" en janvier 2015. En fait, cela avait commencé dès mars 2012 à Montauban et à Toulouse, avec les abominables assassinats de Merah, dont de trois enfants en bas âge dans une école juive. C'est là que tout a commencé, mais c'était difficile de comprendre sans le recul nécessaire.

    Cette violence est d'autant plus sidérante qu'elle s'est appliquée à des êtres par définition doux, des tendres, des non-violents, des intellectuels, des écrivains, des économistes, des psychiatres, des dessinateurs... Pas des miliciens, pas des légionnaires, pas des activistes.


    Le bilan humain est encore aujourd'hui très émouvant car certains étaient très connus et appréciés. Cela reste encore aujourd'hui incompréhensible. On a tiré à la kalachnikov sur la rédaction de "Charlie Hebdo". Douze sont morts le 7 janvier 2015 : cinq dessinateurs "historiques" du journal, Cabu (76 ans), Wolinski (80 ans), Charb (47 ans), Tignous (57 ans) et Honoré (73 ans), l’économiste Bernard Maris (68 ans), la psychiatre Elsa Cayat (54 ans), les journalistes Michel Renaud (69 ans) et Mustapha Ourrad (60 ans), les policiers Ahmed Merabet (42 ans) et Franck Brinsolaro (49 ans), qui assurait la protection de Charb, et l’agent de maintenance Frédéric Boisseau (42 ans).

    Charb, du haut des cieux, rappelle désormais aux passants, devant les lieux de la tragédie, ce qu'il écrivait en 2012 et qui est désormais inscrit en bas de la grande fresque de la rue Nicolas-Appert, "inventeur de la conserve alimentaire" (voir illustration) : « Je n'ai pas peur des représailles, je n'ai pas de gosses, pas de femme, pas de voiture, pas de crédit. C'est peut-être pompeux ce qui je vais dire, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux. ».

     

     
     


    Il faut absolument en rajouter un treizième, que les autorités ne compteront jamais parmi les victimes, mais c'en est une : Simon Fieschi, le webmaster du journal. Il a été gravement blessé, touché à la colonne vertébrale, entraînant des handicaps à vie (hospitalisé neuf mois, perdant l'usage de ses jambes et de ses bras mais réussissant finalement à marcher). On l'a retrouvé mort dans une chambre d'hôtel à Paris le 17 octobre 2024, quelques jours avant son 41e anniversaire. Il s'est probablement suicidé, traumatisé à la suite de cet attentat.

    D'autres victimes présentes sur place ont survécu, traumatisées à vie et parfois, blessées à vie. Onze personnes ont été blessées dont quatre grièvement. Outre Simon Fieschi, deux journalistes ont été très gravement touchés, Philippe Lançon (qui a raconté son après-attentat dans un livre au titre emblématique, "Le Lambeau", éd. Gallimard en avril 2018) et Fabrice Nicolino, déjà victime d'un premier attentat en 1985 (j'ai cité ce journaliste pour évoquer Claude Allègre). Le dessinateur et directeur de la rédaction Riss a été touché à l'épaule, et un second agent de maintenance aussi.

    Il y a eu les rescapés qui miraculeusement n'ont pas été touchés, présents pendant le carnage : la dessinatrice Coco, les journalistes Sigolène Vinson, Luce Lapin et Laurent Léger, aussi Gérard Gaillard qui accompagnait Michel Renaud, invité exceptionnel de la rédaction, le directeur financier Éric Portheault. Sigolène Vinson a été visée par l'un des terroristes qui l'a finalement épargnée : « Je ne te tuerai pas. Tu es une femme. On ne tue pas les femmes. Mais réfléchis à ce que tu fais. Ce que tu fais est mal. Je t’épargne, et puisque je t’épargne, tu liras le Coran. (…) On ne tue pas les femmes ! On ne tue pas les femmes ! On ne tue pas les femmes ! »... après avoir pourtant assassiné Elsa Cayat, chargée d'une chronique dans l'hebdomadaire.


    Et puis, il y a eu ceux qui auraient dû ou pu se trouver dans la salle de rédaction pendant l'attentat et qui ne s'y trouvaient pas pour une raison ou une autre, en particulier l'urgentiste Patrick Pelloux, les dessinateurs Catherine Meurisse, Luz et Willem, le critique cinéma Jean-Baptiste Thoret, le rédacteur en chef (en vacances à Londres) Gérard Biard, les journalistes Zineb El Rhazoui (elle en vacances au Maroc) et Antonio Fischetti, et l'humoriste Mathieu Madénian.

    On imagine l'effroyable traumatisme à vie de ces rescapés, blessés, intacts et absents, qui ont vu la mort de leurs amis de très près. Certains n'ont pas renoncé leur expression corrosive, prêts à critiquer la réaction des autorités. Ainsi, Zineb El Rhazoui : « J'aurais aimé que ceux qui sont morts bénéficient d'un tel soutien de leur vivant. Et ce n'était pas du tout le cas. "Charlie Hebdo" est un journal qui a été conspué par tout le monde. ». Puis : « Nos collègues ont réussi à faire marcher Abbas et Netanyahou. On aurait voulu que les nôtres, qui sont morts, puissent voir tous ces gens. ». Gérard Biard : « Ils ont fait sonner les cloches de Notre-Dame pour Charlie, non mais on rêve ! ». Willem (qui n'a pas participé à la grande marche du 11 janvier) : « Nous avons beaucoup de nouveaux amis, comme le pape, la reine Élisabeth ou Poutine : ça me fait bien rire ! ». Luz : « On parle de la mémoire de Charb, Tignous, Cabu, Honoré, Wolinski : ils auraient conchié ce genre d'attitude. (…) Au final, la charge symbolique actuelle est tout ce contre quoi Charlie a toujours travaillé : détruire les symboles, faire tomber les tabous, mettre à plat les fantasmes. Le symbolisme au sens large, tout le monde peut en faire n’importe quoi. Même Poutine pourrait être d’accord avec une colombe de la paix ! ».

    La fuite des deux assaillants ainsi que d'un troisième terroriste (j'éviterai de dire leur nom) a été une course folle durant trois jours qui a fait encore beaucoup de dégâts humains. Le 8 janvier 2015 au matin, à Montrouge, une jeune stagiaire de la police municipale Clarissa Jean-Philippe (26 ans) est morte dans une fusillade, près d'une école juive. Quatre autres personnes ont été assassinées le 9 janvier 2015 dans l'après-midi, prises en otages puis tuées dans l'épicerie Hyper Casher de la Porte de Vincennes : Yohan Cohen (20 ans), Yoav Hattab (21 ans), Philippe Braham (45 ans) et François-Michel Saada (63 ans). Les trois terroristes ont été tués dans des fusillades, les deux auteurs de la tuerie à "Charlie Hebdo" dans une imprimerie où ils s'étaient réfugiés, le troisième preneur d'otages à l'Hyper Casher. Il faut souligner l'acte de bravoure de Yoav Hattab qui s'est emparé d'une arme du terroriste, ce qui lui a valu la mort.

     

     
     


    Tous les Français ont été choqués, ou du moins, quasiment tous (il y a eu malheureusement quelques cris de joie dans certains endroits de France), et parmi eux, l'un particulièrement choqué parce qu'il a perdu un ami cher le 7 janvier 2015, en la personne de Bernard Maris, c'était en même temps la date de sortie de son roman "Soumission", un roman de fiction politique qui imaginait la victoire des "musulmans modérés" en 2022 avec la nomination de François Bayrou à Matignon (toute ressemblance avec des faits réels n'est que pure coïncidence !). Je parle bien sûr de Michel Houellebecq qui, traumatisé par les attentats, a lâché le 13 janvier 2015 : « Rien ne sera plus comme avant (…). Oui [j’ai peur], même si c’est difficile de se rendre complètement compte de la situation. (…) Moi, je me sens toujours irresponsable et je le revendique, sinon je ne pourrais pas continuer à écrire. Mon rôle n’est pas d’aider à la cohésion sociale. Je ne suis ni instrumentalisable, ni responsable. ».

    Le week-end qui a suivi ces attentats, les 10 et 11 janvier 2015, les Français ont manifesté leur émotion et leur indignation très largement, rejoints par des dizaines de chefs d'État et de gouvernement qui ont exprimé leur solidarité avec le peuple français. Émotion mondiale.


    Ce qui est inquiétant, c'est que, depuis dix ans, les attentats ont continué, de nombreux ont heureusement échoué grâce au travail minutieux des forces de l'ordre, mais certains terroristes sont quand même passés à l'acte en particulier le 13 novembre 2015 et le 14 juillet 2016. L'inquiétant, c'est que rien n'indique que ce cauchemar ne se renouvellera pas à courte échéance et l'attentat de La Nouvelle-Orléans le montre bien.

    Je voudrais profiter de cet hommage aux disparus par es déclarations de deux hommes. Je terminerai par Cabu qui nous manque beaucoup. Mais avant lui, je voudrais reparler du Premier Ministre de l'époque, Manuel Valls, qui, de retour au gouvernement ces derniers jours, essuie injustement des insultes dans les réseaux sociaux. Car si Manuel Valls doit être considéré comme un homme d'État, qu'on l'aime ou qu'on le déteste, c'est bien par son comportement exemplaire lors des attentats de 2015 : Manuel Valls a incarné les valeurs républicaines au moment où la France en avait le plus besoin, merci à lui.

    Je propose ainsi de citer les extraits de ses deux discours majeurs (historiques, on peut dire) à la suite des attentats de 2015, celui du 13 janvier 2015 et celui du 9 janvier 2016. Peut-être parce qu'il est le seul Premier Ministre français à ne pas être né français, son appartenance à la France s'est incarnée avec plus de conscience et plus de détermination qu'un Français de naissance. Il reste que la République française ne fait justement pas de différence entre les Français, quelle que soit la manière d'être ou de devenir Français.


    Le 13 janvier 2015 : « La République et ses valeurs. (…) La laïcité, elle s’apprend bien sûr à l’école, qui en est un des bastions. C’est là, peu importe les croyances, les origines, que tous les enfants de la République ont accès à l’éducation, au savoir, à la connaissance. (…) La République n’est pas possible sans école, et l’école n’est pas possible sans République. Et on a laissé passer trop de choses (…) dans l’école. La laïcité, oui la laïcité, la possibilité de croire, de ne pas croire. L’éducation a des valeurs fondamentales, doit plus que jamais (…) être le combat de la France face à l’attaque que nous avons connue. Et arborons fièrement ce principe puisqu’on nous attaque à cause de la laïcité, à cause des lois que nous avons votées ici interdisant les signes religieux à l’école, prohibant le voile intégral, revendiquons-les, parce que c’est ça qui doit nous aider à être encore davantage forts. ».

    Et le message adressé tant aux Juifs qu'aux musulmans en France : « La France est en guerre contre le jihadisme, contre l’islamisme radical. Mais elle n’est pas en guerre contre une religion. Pas en guerre contre l’islam et les musulmans. (…) L’islam a toute sa place en France. (…) Je ne veux pas qu’en France des juifs aient peur. Et je ne veux pas que des musulmans aient honte. ».

    Le 9 janvier 2016, un an plus tard : « Le symbole d’un pays qui ne se perd pas dans la haine de l’autre, mais qui trouve en lui la force d’être ce peuple fier de ce qu’il est, qui dit non au racisme, non à l’antisémitisme, non au rejet et au repli. Être français, ce n’est pas renoncer à ses origines, ce n’est pas renoncer à son identité, c’est les verser au pot commun. C’est une citoyenneté qui n’est pas petite, qui n’est pas réduite à l’origine de chacun, du sang, du sol ou par naturalisation, mais qui est grande, ouverte, fondée sur la volonté de construire l’avenir ensemble ! C’est ce nouveau patriotisme que j’appelle de mes vœux ! ».

    L'éditorialiste politique Patrick Cohen se demandait d'ailleurs le 3 janvier 2025 sur France Inter les raisons de l'impopularité actuelle de Manuel Valls (« dont on a oublié qu’il fut un Premier Ministre populaire, près de 60% de bonnes opinions début 2015 ») : « On aimerait être certain que ces torrents de haine ne sont dus qu’à la loi travail, puis à son ralliement à Emmanuel Macron en 2017 -trahison de sa parole socialiste. Qu’à son opportunisme, son escapade espagnole, son retour piteux de Barcelone, et autres zigzags ou dérapages. On aimerait. Mais il est plus que probable que cette détestation trouve aussi racine dans ses combats contre Dieudonné et Tariq Ramadan, contre l’antisémitisme. Dans sa défense de la laïcité sans adjectif. Dans sa façon de rompre avec le mythe unitaire de la gauche, en faisant le constat de "deux gauches irréconciliables". ».

     

     
     


    Terminons par Cabu. Je n'ai pas retrouvé la date exacte de l'interview sur Europe 1 de l'ami Cabu qui passe en boucle dans les réseaux sociaux, je pense qu'elle doit dater de 2008. Cabu ne comprenait pas qu'on puisse imaginer tuer quelqu'un pour ses dessins, il trouvait cela stupide ! Et pourtant, quelle émotion de l'écouter ! S'il avait su la suite...

    Quelle émotion d'entendre cet éclat de rire : « Au moment du procès des caricatures danoises, vous savez, qu'on a publiées, j'étais protégé par la police. [Éclat de rire] Oui, ça fait rire, oui... (…) Ça a duré trois semaines seulement. Mais actuellement, je peux vous dire que Riss, Charb et Luz sont toujours protégés par deux policiers chacun. Il y a toujours des menaces de mort pour un dessin, vous vous rendez compte ? (…) Ce n'est pas signé, mais on sait d'où ça vient quand même. (…) On n'a aucune nouvelle de l'enquête. On sait seulement qu'il y a toujours des menaces. Pourquoi les policiers sont chargés de la protection des trois dessinateurs de Charlie ? C'est quand même triste, quoi ! (…) C'est notre boulot, quand même, de maintenir une charge contre toutes les idéologies, parce qu'on prend ces religions comme des idéologies. On doit pouvoir critiquer toutes les idéologies. Donc, je pense qu'on continue à le faire, évidemment, mais on ne va pas se prendre pour des héros non plus. On essaie de faire rire, d'abord, voilà. On est toujours étonnés parce qu'on veut faire rire et on nous menace de mort. C'est quand même incroyable ! (…) Je pense qu'en France, on peut encore rire de tout. On n'es pas en Iran, on n'est pas en Corée du Nord, vous voyez, il faut maintenir ce niveau d'esprit critique. ».

     




    J'ai encore du mal à imaginer que Cabu a été assassiné à la kalachnikov (et pas tout seul) et que dix ans plus tard, la gauche actuelle s'enfonce dans le "oui mais", hésitant entre Cabu et ses assassins, voulant ménager la chèvre et le chou. Aujourd'hui, c'est Sophia Aram qui se fait harceler par les islamogauchistes parce qu'elle est libre d'exprimer ce qu'elle veut. Répétons avec Cabu : il faut maintenir ce niveau d'esprit critique !

    Alors, êtes-vous toujours Charlie ? Moi, oui, plus que jamais ! Plus que jamais je suis français, plus que jamais je suis patriote, plus que jamais les valeurs républicaines sont notre ciment le plus efficace, plus que jamais je sais que le peuple français triomphera des fanatismes et des populismes car nous sommes, dans l'adversité, toujours unis. Râleurs, mais unis !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    50 ans après Charlie Hebdo.
    Manuel Valls et l’esprit républicain.
    7 janvier 2025 : êtes-vous toujours Charlie ?
    Attentat à La Nouvelle-Orléans le 1er janvier 2025.
    Marché de Noël de Magdebourg : l'attentat du 20 décembre 2024.
    Pogrom à Amsterdam du 7 novembre 2024 : toujours la même musique...
    7 octobre 2023 : un an qu'Israël se bat pour sa survie.
    7 octobre 2023 : l'hommage aux victimes françaises.
    L'avenir de la France se joue aussi à Gaza !
    Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
    L'attentat islamiste du Crocus City Hall de Moscou (22 mars 2024).
    Conflit israélo-palestinien : la France est-elle concernée ?
    Attentats d'Arras et de Bruxelles : tirs groupés contre les insoumis.
    L'assassinat de Dominique Bernard au lycée Gambetta d'Arras.
    Soutien total à Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-les-Roses.
    Agression à Bordeaux : attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
    Les attentats de Merah.
    L'attentat contre Salman Rushdie.
    L’attentat de la basilique Notre-Dame de Nice le 29 octobre 2020.
    Samuel Paty : faire des républicains.
    Les attentats du 11 septembre 2001 et la naissance du complotisme 2.0.
    Les attentats du 11 septembre 2001.
    Complot vs chaos : vers une nouvelle religion ?
    Nouveau monde.
    Qu’aviez-vous fait le 11 septembre 2001 ?
    11 septembre, complot ?
    Les théories du complot décortiquées sur Internet.
    Ben Laden, DSK, même complot ?
    L'attentat de Kaboul du 26 août 2021.
    Jacques Hamel, martyr de la République autant que de l’Église.
    Fête nationale : cinq ans plus tard…

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250107-attentat-charlie-hebdo.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/7-janvier-2025-etes-vous-toujours-258429

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/04/article-sr-20250107-attentat-charlie-hebdo.html


     

  • Attentat à La Nouvelle-Orléans : les États-Unis durement endeuillés

    « Rien ne justifie la violence, quelle qu'elle soit, et nous ne tolérerons aucune attaque contre l'une des communautés de notre pays. » (Joe Biden, le 1er janvier 2025).


     

     
     


    Triste Nouvel an. Émotion, consternation et solidarité avec le peuple américain. Les États-Unis ont été endeuillés en ce jour du nouvel an, mercredi 1er janvier 2025, vers 3 heures 15 du matin (heure locale ; 10 heures 15, heure de Paris) par un attentat à la voiture-bélier au Vieux Carré français, le quartier historique de La Nouvelle-Orléans en Louisiane. En effet, un pick-up a foncé dans la foule nombreuse venue fêter le changement d'année et a tenté de faire le plus de morts possible. Actuellement, on compte malheureusement au moins 15 morts et 36 blessés, pour la plupart fauchés par le véhicule. Selon la directrice du New Orleans Police Department (NOPD), Anne Kirkpatrick, l'assaillant « était farouchement déterminé à provoquer un carnage ».

    Le conducteur du pick-up a été tué par les forces de l'ordre. Le véhicule, un Ford F-150 Lightning, aurait été loué et l'auteur de cette attaque meurtrière était muni d'un fusil d'assaut qu'il a utilisé après avoir heurté une grue et être sorti de son pick-up (deux policiers ont été tués par balle). A priori, il ne devait pas être seul pour cet attentat car on a retrouvé des engins explosifs dans le même quartier où a eu lieu cette attaque à la voiture-bélier.

     

     
     


    Il faut toujours être très prudent sur la motivation de l'auteur ou des auteurs d'un attentat, car les évidences sont parfois trompeuses. On s'en est rendu compte lors de l'attentat au marché de Noël de Magdebourg, en Allemagne, le 20 décembre 2024. En France, les dirigeants du RN, Jordan Bardella et Marine Le Pen, dans une volonté de récupération politicienne de la tragédie, avaient fustigé immédiatement les islamistes en faisant l'amalgame avec l'immigration, alors qu'on a su dès le début de l'enquête que l'auteur de l'attentat de Magdebourg était au contraire un sympathisant de l'AfD, parti d'extrême droite partenaire du RN au Parlement Européen. Parfois, le silence est préférable.

    Il faut être encore plus prudent pour des attentats aux États-Unis car il est hélas très fréquent que des forcenés, ce qu'on pourrait appeler des déséquilibrés, provoquent des tueries collectives, souvent par fusillade, dans des écoles ou des supermarchés, sans qu'il n'y ait de lien direct ou indirect avec des motivations purement politiques ou fanatiques.


    Selon les premiers éléments de l'enquête confiée au FBI pour attentat terroriste, le conducteur du pick-up (dont je ne veux pas écrire ici le nom pour ne pas lui faire de la publicité posthume, ce que recherchent les terroristes en général), est un citoyen américain de 42 ans, né et habitant au Texas, vétéran de l'armée américaine (il a servi l'armée de terre de 2007 à 2015), apparemment fasciné par le jihadisme. De plus, depuis 2022, il aurait travaillé dans un cabinet d'audit très célèbre, Deloitte.

    On a retrouvé dans le pick-up des armes, un drapeau de Daech, et des explosifs artisanaux. La police reste très inquiète car il est probable que le terroriste ait des complices et rien n'affirme que d'autres attaques ne suivront pas.

    Parmi les 15 victimes, on compte notamment un étudiant de l'Université d'Alabama, Kareem Badawi, selon un communiqué du président de cette université Stuart R. Bell sur Facebook. Tiger Bech, un joueur de football américain de 28 ans fait également partie des malheureuses victimes.

     

     
     


    Interrogé par le "New York Times", le frère de l'assaillant à la voiture-bélier a raconté que le terroriste était « un amour, un gars sympa, un ami, très intelligent, attentionné », ajoutant que son frère, inspiré par Daech (il a posté des vidéos islamistes avant de passer à l'acte), s'était converti à l'islam à un jeune âge mais que « ce qu'il a fait ne représente pas l'islam. Il s'agit plutôt d'une forme de radicalisation. ».

    Le gouverneur de la Louisiane, Jeff Landry, qui avait troublé ses interlocuteurs en encourageant les Américains à continuer à aller dans les restaurants et les bistrots la nuit même de l'attentat, montrant qu'il attacherait plus d'importance à l'aspect économique qu'à l'aspect sécuritaire de son État, a précisé sur Twitter quelques heures plus tard : « La sécurité est notre priorité absolue et nous voulons que nos clients et le monde sachent que la Louisiane ne cède pas aux terroristes islamistes radicaux. Nos restaurants et tout ce que La Nouvelle-Orléans a à offrir restent ouverts ! ».

    Le profil du conducteur de la voiture-bélier montre une fois encore que tout est compliqué dans les attentats terroristes. Il est citoyen américain et né aux États-Unis, il semblait être bien intégré socialement puisqu'il jouissait apparemment d'un emploi intéressant. La première réaction du Président élu Donald Trump paraît une fois encore très hors-sol, bien que prévisible, puisqu'il a condamné l'immigration illégale qui serait à l'origine de cet attentat, ce qui ne semble ici absolument pas le cas puisque le terroriste est un Américain. On retrouve ce genre de réflexe politicien chez les populistes et l'extrême droite en Europe et plus particulièrement en France.

    Cela ne présage pas de développements favorables avec le retour à la Maison-Blanche de Donald Trump qui, s'il ne comprend pas l'origine du mal, aura du mal à l'éradiquer avec efficacité. Quant au Président sortant Joe Biden, il risque de quitter la Maison-Blanche, dans une petite vingtaine de jours, avec une humiliation politique similaire à celle de son lointain prédécesseur Jimmy Carter qui vient de s'éteindre, ce qui serait injuste car le gouvernement Biden aura été prévoyant et pertinent en ce qui concerne les risques de guerre en Europe.

    Il faut comprendre l'islamisme comme une sorte de cancer qui atteint les cellules vivantes du corps dans lequel il s'est introduit, ici, le corps est un pays et les cellules ses citoyens. C'est par une sorte d'adhésion fanatisée de type sectaire que les propres ressortissants des pays victimes commettent leur attentat, on l'a bien vu à plusieurs reprises en France.


    Beaucoup de nations étrangères ont exprimé leur sympathie et empathie au peuple américain, et l'une des premières pourrait étonner puisqu'il s'agit de la Chine communiste. Mao Ning, la porte-parole du Ministère chinois des Affaires étrangères, a déclaré au cours d'une conférence de presse : « Nous sommes choqués par cet incident violent, nous rendons hommage aux victimes et adressons nos pensées aux familles des victimes ainsi qu'aux blessés. ».

    Également le Président ukrainien Volodymyr Zelensky sur Twitter : « Horrifié par l'attentat perpétré à La Nouvelle-Orléans, aux États-Unis, qui a coûté la vie à des innocents et fait de nombreux blessés (…). Nous sommes convaincus que les responsables de cet acte terrible seront traduits en justice. La violence, le terrorisme et toute menace contre la vie humaine n'ont pas leur place dans notre monde et ne doivent pas être tolérés (…). Nous présentons nos plus sincères condoléances aux familles des victimes et souhaitons un prompt rétablissement à tous les blessés. L'Ukraine se tient aux côtés du peuple américain et dénonce la violence. ».

    La Représentante de la politique extérieure de l'Union Européenne Kaja Kallas, « profondément attristée », a voulu réaffirmer sur Twitter la volonté commune de fermeté pour combattre le terrorisme : « Il n'y a pas d'excuse pour une telle violence. Alors que les autorités poursuivent leur enquête, nous exprimons notre solidarité totale avec les victimes et leurs familles en cette période tragique. ».


     

     
     


    La France aussi a exprimé sa compassion et son indignation, d'autant plus que cet attentat nous rappelle de sinistres souvenirs. Le Premier Ministre français François Bayrou a ainsi exprimé l'émotion de la France : « Le terrorisme qui a frappé à La Nouvelle-Orléans vise à détruire ce que nous avons de plus cher, des citoyens innocents, des familles, et les valeurs qui nous font vivre ensemble. Nous savons tous que là est l’ennemi ! Nous ne pourrons le combattre qu’ensemble. ». Peu avant ce tweet, le Président de la République française Emmanuel Macron avait réagi sur Twitter ainsi : « La Nouvelle-Orléans, si chère au cœur des Français, est frappée par le terrorisme. Nos pensées vont aux familles des victimes et aux blessés, ainsi qu’au peuple américain dont nous partageons la peine. ».

     

     
     


    Ce nouvel attentat montre une fois encore la grande vulnérabilité de nos sociétés et qu'en France aussi, nous devons, nous citoyens, tous redoubler de vigilance car nous ne sommes pas immunisés de ce genre de drame qui peut resurgir à tout moment.

    (Note du 2 janvier 2025 : le nouveau bilan est de 14 morts).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Attentat à La Nouvelle-Orléans : les États-Unis durement endeuillés.
    Jimmy Carter, patriarche de l'humanitaire.
    Shirley Chisholm.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.
     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250101-attentat-nouvelle-orleans.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/attentat-a-la-nouvelle-orleans-les-258453

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/02/article-sr-20250101-attentat-nouvelle-orleans.html




     

  • Une triste pensée pour Aïnaz Karimi

    « Moralement, nous n'étions pas à notre aise. Trop de fantômes, par-ci, par-là. » (Céline, 1932).


     

     
     


    Le vendredi 8 novembre 2024, j'ai appris une nouvelle tragédie en République islamique d'Iran. Encore une fois, une jeune adolescente de 17 ans a perdu la vie pour des stupidités de mœurs supposées islamiques.

    Aïnaz Karimi était une lycéenne près de Kazeroun, en Iran (entre Chiraz et Bouchehr). Elle a été harcelée pendant plusieurs semaines par les autorités de son lycée en raison de son habillement et de son comportement. Selon le proviseur de son lycée, « elle ne respectait pas les codes islamiques et mettait du vernis à ongles ».

    À bout de souffle, Aïnaz s'est suicidée. Elle fait partie des nombreuses victimes femmes de la dictature des mollahs qui veut empaqueter les femmes, les mettre dans de vilains sacs à patate noirs car sans cela, si on suivait cette logique, ces hommes seraient incapables de résister à leur sex-appeal.

    Quatre jours auparavant, c'était
    Arezou Khavari qui a sauté du haut d'un immeuble de six étages près de Téhéran après avoir été menacée d'exclusion parce qu'elle avait simplement dansé dans un bus en jeans sans avoir porté de hijab lors d'une sortie scolaire.

    Ce pays, l'Iran, est devenu complètement délirant. Une loi anti-femmes qui menace et tue les femmes qui n'auraient pas choisi l'épouvantable uniforme. Ce régime ne vaut pas mieux que le régime nazi qui imposait aux Juifs de coudre une étoile de David sur leurs vêtements. C'est tellement délirant qu'une étudiante en doctorat,
    Ahou Daryaei, s'est déshabillée après avoir été harcelée sur sa tenue (elle portait mal son hijab, je reparlerai d'elle qui a eu les faveurs d'un buzz mondial).

    Rappelons aussi les dernières statistiques, et elles ne tiennent pas compte de ces terribles suicides : au mois d'octobre 2024, 166 personnes ont été pendues par la justice expéditive des mollahs. C'est un record. Jamais dans ce pays on a autant tué, et tué pour des raisons rétrogrades, des raisons absurdes.

     

     
     


    Dans les années 1970, l'Iran était un pays moderne, riche, ouvert, au tourisme fleurissant. Les jeunes femmes étaient libres de porter les vêtements qu'elles voulaient, à la mode ou pas, jusqu'aux jupes courtes comme c'était à la mode à l'époque. Ce qu'on imagine mal, c'est que l'éloignement dans le passé ou l'éloignement géographique de ces absurdités n'empêchent pas forcément qu'un jour, en France, en Europe, en supposé Occident à la définition très ambiguë, on puisse vivre ou revivre ce genre d'enfer. Les jeunes femmes qui vivaient en Iran dans les années 1970 n'auraient jamais imaginé ce que leur pays deviendrait cinquante années plus tard, aux mains d'une bande de fanatiques machistes et cruels.

    Au moment où toutes les communes de France commémorent
    l'Armistice du 11 novembre 1918, dans chaque ville et village de France, où les enfants du pays ont donné leur vie, on retrouve à deux heures d'avion, en Ukraine, le même enfer du front que dans la Marne pendant la Première Guerre mondiale. Ce qui se passe en Ukraine nous concerne, tout comme ce qui se passe en Iran nous concerne. Rien ne nous protège d'un enfer qu'il faut pourtant absolument éviter, sinon prendre conscience des dangers qui guettent l'humanité dans son universalisme et avoir l'impérieuse nécessité d'être en capacité de nous défendre, le cas échéant. Que cet énième drame iranien, avec Aïnaz Karimi, puisse nous faire prendre conscience, nous, bien confortablement en paix, que celle-ci est très précaire et qu'il y a un devoir de solidarité envers les peuples qui en ont besoin, ceux qui sont opprimés pour des raisons de secte.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Varisha Moradi.
    Aïnaz Karimi.
    Arezou Khavari.
    Ahou Daryaei.
    Ebrahim Raïssi.
    Khosro Besharat.
    Mobilisons-nous pour Toomaj Salehi !
    Fatwa de mort contre Salman Rushdie.
    Alireza Akbari.
    Mehran Karimi Nasseri.
    Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Mahsa Amini, les femmes iraniennes, leur liberté et Claude Malhuret.
    Révolution : du rêve républicain à l’enfer théocratique de Bani Sadr.
    L'Iran de Bani Sadr.
    De quoi fouetter un Shah (18 février 2009).
    N’oubliez pas le Guide (20 février 2009).
    Incompréhensions américaines (1) et (2).
    Émission de France 3 "L’Iran et l’Occident" (17-18 février 2009).
    Session de septembre 2006 à l’ONU : Bush, Ahmadinejad, Chirac.
    Dennis Ross et les Iraniens.
    Un émissaire français à Téhéran.
    Gérard Araud.
    Stanislas de Laboulaye.
    Des opposants exécutés par pendaison en Iran.
    Expulsion de Vakili Rad, assassin de Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, par Brice Hortefeux à la suite du retour de l'étudiante Clotilde Reiss.
    Mort de l'ancien Premier Ministre iranien Mohammad Reza Mahdavi-Kani à 83 ans le 21 octobre 2014.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241108-ainaz-karimi.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/une-triste-pensee-pour-ainaz-257602

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/10/article-sr-20241108-ainaz-karimi.html


     

  • Gisèle Pélicot, femme de l'année 2024 ?

    « Monsieur veut suivre ses passions ! C'est un déchaîné (…) ! Et la pire espèce de sale voyou ! On peut le retenir par nulle part ! Ni dignité ! Ni raison ! Ni amour-propre ! Ni gentillesse !... Rien !... L'homme qui m'a bafouée, bernée, infecté toute mon existence !... Ah ! il est propre ! Il est mimi ! Ah ! oui alors, je peux le dire ! J'ai été cent mille fois bien trop bonne !... J'ai été poire ! » (Céline dans "Mort à crédit", 1936).

     

     
     


    La première fois que j'ai été anesthésié (je sortais de l'adolescence), avec mon caractère de cochon, je me disais qu'on ne m'endormirait pas comme ça, aussi facilement. Alors, quand l'anesthésiste a transpercé mon bras pour faire sa piqûre et injecter son produit, j'ai regardé fixement la seringue, sûr de mon état de conscience... et quelques secondes plus tard, un coup de téléphone m'a brutalement surpris, j'étais dans le lit de ma chambre d'hôpital, l'opération était déjà finie depuis longtemps et ma mère venait aux nouvelles. J'ai compris qu'avec un produit chimique, on pouvait être à la merci de n'importe qui, et si possible, de ceux qu'on veut, les chirurgiens par exemple. À ce réveil brutal, ma sensation a été qu'on m'avait volé mon temps !

    Une autre petite réflexion anecdotique et pourtant pas si évidente pour qui dormait avec son frère (ou sa sœur) dans une chambre commune étant enfant. Dormir avec quelqu'un pour diverses raisons (à plusieurs dans une tente, dans un dortoir, en colonie de vacances, à l'armée, etc. et bien sûr, en couple dans une chambre conjugale plus ou moins officiellement), est une preuve exceptionnelle de confiance en l'autre. La preuve, pour ceux qui ont fait des exercices de l'armée, quand on bivouaque la nuit, il y a toujours l'un des gars qui ne dort pas pour surveiller (ce qui, en temps de paix dans un terrain militaire, peut être très ennuyeux). Le plus instructif est de dormir avec l'être aimé : n'avez-vous jamais été fasciné par le sommeil de l'autre ? Et pourtant, l'autre est à votre merci, il vous fait une totale confiance, il vous a confié les clefs de son destin. C'est bien sûr réciproque.

    Pour Gisèle Pélicot, cette confiance a été totalement trahie. Son mari la droguait et la malmenait, la faisait violer par tout un hall de gare. Cela a duré des années et c'est seulement par hasard, le 12 septembre 2020, par un geste de voyeur qui n'avait rien à voir, que la police a détricoté ce qu'on pourrait appeler un véritable système Dominique Pélicot, le recrutement de violeurs de sa femme par Internet avec un mode d'emploi très précis. Il faut imaginer le choc de cette femme à qui les gendarmes ont annoncé le 2 novembre 2020 que son mari la faisait violer depuis une dizaine d'années. Elle a compris d'où venaient ces douleurs diffuses au bas du ventre qu'elle ne comprenait pas ; on la "tringlait" des heures chaque nuit (92 faits de viol ont été recensés).

    Cent quatre-vingts journalistes ont été accrédités, dont quatre-vingts étrangers, pour assister à cette audience historique qui a commencé avec un peu de retard ce jeudi 19 décembre 2024 de 9 heures 45 à 10 heures 50, en présence de Gisèle Pélicot ovationnée par la foule postée à l'entrée et encadrée par cent cinquante policiers.

    Le long procès des viols de Mazan qui s'est ouvert le 2 septembre 2024 à la cour criminelle du Vaucluse à Avignon se referme sur le verdict avec une dernière audience le vendredi 20 décembre 2024. Cinquante et une personnes étaient jugées pour viol. La victime, Gisèle Pélicot, se faisait régulièrement violer alors qu'elle était sous sédatif. Le principal bourreau, son mari Dominique Pélicot a organisé lui-même un réseau de personnes pour violer sa femme entre le 23 juillet 2011 et le 23 octobre 2020. À de nombreux titres, ce procès, long, est exceptionnel et promet d'être historique, c'est-à-dire de rester dans les mémoires de la justice.

     

     
     


    Les cinquante et un prévenus ont été tous reconnus coupables et tous ont été condamnés à des peines de prison, souvent en-dessous des réquisitions (à l'exception d'un accusé). Dominique Pélicot a été condamné à vingt ans de prison et les autres co-accusés entre trois et treize ans de prison (au lieu de huit à dix-huit ans dans les réquisitions). Il n'y a pas une peine identique. Beaucoup contestent la faiblesse des peines.

     

     
     


    Le pire pour les prévenus qui parfois ont refusé d'admettre les viols qu'ils ont commis, c'est qu'il existe des preuves filmées de ces viols, et ces films ont même été diffusés à l'audience. Gisèle Pélicot, la victime, a refusé le huis-clos et a voulu que tout le monde puisse regarder ces scènes de viol malgré le caractère très "cru" des images. C'est exceptionnel : en général, non seulement le viol n'est pas filmé, mais il est difficilement prouvable, difficilement établi. L'avocat de la victime justifiait ainsi sa demande le 20 septembre 2024 : « Il faut qu’on ait le courage de se confronter à ce qu’est véritablement le viol, dans un dossier, justement, où il est exceptionnel d’avoir la représentation précise et réelle de ce qu’est un viol, et pas simplement une description sur un procès-verbal. ».

    C'est pour cela que Gisèle Pélicot, applaudie à la dernière audience avant la délibération, est une femme exceptionnellement courageuse. Elle a préféré s'effacer, effacer presque sa dignité pour un combat qui la transcende contre le viol en général. Officiellement divorcée le 22 août 2024, donc quelques jours seulement avant le début du procès, elle a de quoi en vouloir à son ex-mari : les viols, bien sûr, mais aussi la trahison de son extrême confiance, celle de pouvoir dormir en toute sécurité, une extrême trahison, et aussi ce que j'appellerai un viol de destin en se faisant droguer pour obtenir une perte de conscience, ce qui est particulièrement sournois. La sensation de Gisèle Pélicot a dû être franchement déplaisant de comprendre qu'on lui a volé son temps, qu'on lui a volé ses nuits, qu'elle ne contrôlait plus rien de sa vie, et le pire, c'est qu'elle ne s'en apercevait même pas.
     

     
     


    Un ex-mari qui ment, qui n'est pas fiable, qui ne laisse rien apparaître, obsédé, calculateur, cynique, lâche... dont la fille ne sait toujours pas si le père a abusé d'elle, directement ou par l'intermédiaire des violeurs recrutés, si elle a été violée aussi comme sa mère ou pas, et comme seuls les viols filmés et prouvés ont été reconnus, sans doute que beaucoup d'autres faits manquent à l'appel dans le jugement. En tout cas, Dominique Pélicot a été reconnu coupable d'avoir filmé sa fille et ses deux belles-filles dans un état d'inconscience.
     

     
     


    Si la presse française a beaucoup couvert ce procès fleuve, la classe politique française l'a très peu commenté alors qu'elle est pourtant prête à s'emparer du moindre fait-divers de délinquance ou de criminalité. Patrice Spinosi, par ailleurs avocat de Nicolas Sarkozy, a donné une tentative d'explication à ce silence politique, le 11 octobre 2024 dans "La Semaine juridique" : « L'instrumentalisation quotidienne par certains responsables politiques du sentiment d'insécurité tend surtout à stigmatiser le laxisme de l'État à l'égard de populations qu'ils jugent anxiogènes (délinquants récidivistes, étrangers sans-papiers...). Mais le profil des accusés de Mazan ne correspond nullement à celui du criminel type des chantres de la répression. Dans le box, il n'y a que des hommes, tous blancs, sans antécédents judiciaires et socialement intégrés. La gêne des politiques n'en est que plus grande. Quelques rares voix, essentiellement féminines, se sont néanmoins fait entendre pour dénoncer un procès du "patriarcat" ou de la "masculinité toxique" et demander l'insertion de la notion de consentement dans la définition légale du viol. Peut-être comprend-on mieux le manque d'indignation du monde politique au regard de l'extrême tolérance dont notre droit a longtemps fait preuve envers le viol entre époux. ». Il expliquait qu'il a fallu attendre 2010 pour notre droit supprime toute "présomption de consentement" entre époux.

     
     


    Pour autant, insérer le notion de consentement dans la définition légale du viol peut poser beaucoup plus de problèmes juridiques qu'en résoudre, et en particulier en retournant la charge de la preuve contre la victime dont on fouillerait la vie privée alors que le procès devrait mettre en lumière la personnalité et les actes des seuls prévenus, pas des victimes.

    La réflexion de Patrice Spinosi avait commencé par un constat inquiétant : « Le fait que des gens parfaitement ordinaires aient pu penser pouvoir avoir des relations sexuelles avec une femme manifestement endormie, à la seule invitation de son mari, laisse stupéfait sur l'état de notre société. ». D'où sa conclusion : « Espérons que cette affaire édifiante participe, par la crudité de son éclairage, à la dénonciation de l'emprise inacceptable que certains hommes continuent prétendre avoir sur leur femme. ».

    La presse internationale était également nombreuse à suivre le procès, fascinée tant par la particularité des faits que par le courage de la victime. "Der Spiegel" (l'hebdomadaire allemand), par exemple, a refusé au début du procès d'appeler les violeurs "des monstres" car cela réduirait la portée de ce procès : « Il [est] bien plus inquiétant de devoir admettre que les violeurs sont tous ancrés dans un tissu social continu de misogynie banalisée. ».

    Quant à la BBC, elle a nommé le 3 décembre 2024 Gisèle Pélicot "survivante de viols", parmi les 100 femmes importantes de 2024 ("100 Women" 2024), aux côtés de femmes comme Sharon Stone, Nadia Murad Basee Taha (Prix Nobel de la Paix 2018) ou encore Katalin Kariko (Prix Nobel de Médecine 2023). Elle a souligné le grand courage de la victime qui pouvait revendiquer l'anonymat et qui s'est ainsi exposée afin de faire évoluer les mentalités et changer la honte de camp.

     

     
     


    Parmi les conséquences secondaires de tous les viols dont elle a été victime, Gisèle Pélicot n'a pas été contaminée par le VIH alors que l'un de ses violeurs était séropositif et l'a violée plusieurs fois (six fois) sans préservatif. Elle a donc eu de la "chance", si l'on peut dire, pour le sida, mais elle a été toutefois infectée de quatre maladies sexuellement transmissibles dont une infection au papillomavirus, elle était proche du coma parfois dans sa vie quotidienne à cause de la drogue absorbée, ce qui aurait pu provoquer des situations très graves, et une fois les viols révélés, elle a eu un terrible choc psychologique.

    Pendant l'instruction et le procès, Gisèle Pélicot a pu profiter du soutien de ses trois enfants, dont une fille se demande toujours si elle a été ou pas la victime de son père (elle a sorti un livre le 6 avril 2022 chez Jean-Claude Lattès). Cela l'a confortée dans son choix de ne pas rester anonyme et d'être transparente afin de montrer toute la crudité criminelle de ses violeurs. On remarquera d'ailleurs que dans l'actualité judiciaire récente se sont entrechoquées deux affaires liées à la soumission chimique (l'autre concerne un humoriste bien connu).

    Incontestablement, si une femme a fait avancer, en 2024, la cause non seulement des femmes mais des êtres humains dans leur ensemble, c'est bien Gisèle Pélicot. Au fond, son combat est pour le respect des personnes, leur consentement, leur confiance, leur intégrité physique et morale. C'est pour cela qu'il faut bien préciser, et tant pis pour certaines militantes féministes, que Gisèle Pélicot doit être remerciée de son courage non pas par les femmes, mais par tout le monde, les humains en général. La dignité humaine n'a pas de genre.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Gisèle Pélicot, femme de l'année 2024 ?
    5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
    40 ans de confusions dans l'Affaire Grégory.
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241219-pelicot.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/gisele-pelicot-femme-de-l-annee-258232

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/19/article-sr-20241219-pelicot.html



     

  • IVG : l'adoption de la loi Veil il y a 50 ans

    « C'est aussi avec la plus grande conviction que je défendrai un projet longuement réfléchi et délibéré par l'ensemble du gouvernement, un projet qui, selon les termes mêmes du Président de la République, a pour objet de "mettre fin à une situation de désordre et d'injustice et d'apporter une solution mesurée et humaine à un des problèmes les plus difficiles de notre temps". » (Simone Veil, le 26 novembre 1974 dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale).


     

     
     


    C'est il y a cinquante ans, le 26 novembre 1974, que l'examen du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse (dite loi Veil) a commencé en séance publique à l'Assemblée Nationale, dans un climat particulièrement houleux et difficile. Le projet de loi a été déposé le 15 novembre 1974 et il a fallu trois jours très intensifs de débat pour aboutir à son adoption en première lecture par les députés.

    Il faut rappeler deux contextes : le contexte politique et le contexte social.

    Le contexte politique, d'abord. La mort soudaine du Président Georges Pompidou le 2 avril 1974 a traumatisé les responsables UDR (gaullistes), traumatisme renforcé par la division au sein de leur parti pour l'élection présidentielle et la perte de l'Élysée après quinze années. Valéry Giscard d'Estaing, jeune fringant et moderne, a été élu et a promis une libéralisation de la société. Parmi ses engagements, la dépénalisation de l'avortement. Soit dit en passant : VGE a toujours été meurtri, jusqu'à la fin de sa vie, qu'on ne parle pas de loi VGE pour la loi sur l'IVG car il a pris seul l'initiative politique de ce texte.

    Comme pour la majorité à 18 ans, Valéry Giscard d'Estaing entendait aller très vite avec l'IVG, considérant que les grandes réformes, surtout si elles sont très sensibles (comme l'IVG), doivent être réalisées au début d'un mandat présidentiel, en bénéficiant politiquement encore de l'état de grâce de l'élection. En principe, un sujet comme l'IVG, principalement juridique, devait être défendu par le Ministre de la Justice. En l'occurrence, Jean Lecanuet, président du Centre démocrate (CD), le parti des démocrates chrétiens, ne souhaitait pas défendre une telle loi en raison de ses convictions religieuses, même s'il en voyait la nécessité. C'est donc Simone Veil, magistrate peu politisée (c'était son mari Antoine Veil le politique !) bombardée Ministre de la Santé par la volonté de donner plus de responsabilité aux femmes, choisie par le nouveau Premier Ministre Jacques Chirac, par l'entremise d'une grande amie commune, Marie-France Garaud. Lorsqu'elle a accepté sa mission d'entrer au gouvernement, d'une part, elle ne connaissait pas beaucoup de choses dans le domaine de la santé (elle était juge et pas médecin), et d'autre part, on ne lui avait pas dit à sa nomination qu'elle serait sur le front de l'IVG. Peut-être que ses bonnes connaissances juridiques ont aidé, mais je crois avant tout que c'était la femme et c'était la santé publique à assurer qui ont été ses deux moteurs.

    Le contexte social ensuite. S'il y avait un responsable politique qui était très conscient de l'importance vitale de faire une loi sur l'IVG, c'était le nouveau Ministre de l'Intérieur, prince des giscardiens, à savoir Michel Poniatowski qui était, juste avant l'élection présidentielle, Ministre de la Santé (le prédécesseur direct de Simone Veil) et qui a bien compris l'horreur sanitaire en cours mais aussi judiciaire. Trop de femmes avortaient clandestinement pour que l'État puisse concrètement toutes less sanctionner pénalement comme le voulait la loi encore en vigueur. La loi d'amnistie du 10 juillet 1974 portait très explicitement sur les faits d'avortement et, dans sa conférence de presse du 25 juillet 1974, VGE a annoncé l'absence de poursuite pour avortement jusqu'à l'adoption d'une loi sur l'IVG. Mais surtout, trop de femmes mouraient au cours d'un avortement clandestin. Il y avait environ 1 000 avortements clandestins par jour en France et un de ces mille entraînait la mort de la femme (en raison des conditions précaires, manque de stérilisation, absence de médecin, etc.).
     

     
     


    Cette considération sanitaire avait déjà conduit le Premier Ministre précédent Pierre Messmer à déposer un projet de loi sur l'IVG dès le 7 juin 1973, mais lors du début de son examen en séance publique à l'Assemblée, le 14 décembre 1973, le projet a été renvoyé en commission pour pouvoir créer un consensus parlementaire sur le sujet. La mort de Président de la République a fait abandonner ce texte.

    Un nouveau texte a donc été adopté au conseil des ministres et déposé à l'Assemblée le 15 novembre 1974. L'examen à l'Assemblée en première lecture a eu lieu au cours de huit séances publiques du 26 novembre 1974 à la nuit du 28 au 29 novembre 1974. Le discours introductif de Simone Veil le 26 novembre 1974 est resté dans les annales de l'histoire. Elle a commencé ainsi : « Si j'interviens aujourd'hui à cette tribune, ministre de la santé, femme et non-parlementaire, pour proposer aux élus de la nation une profonde modification de la législation sur l'avortement, croyez bien que c'est avec un profond sentiment d'humilité devant la difficulté du problème, comme devant l'ampleur des résonances qu'il suscite au plus intime de chacun des Français et des Françaises, et en pleine conscience de la gravité des responsabilités que nous allons assumer ensemble. ».

    Reprenant tous les raisons de ne pas légiférer, la ministre a ensuite posé les termes de l'enjeu : « Nous sommes arrivés à un point où, en ce domaine, les pouvoirs publics ne peuvent plus éluder leurs responsabilités. Tout le démontre : les études et les travaux menés depuis plusieurs années, les auditions de votre commission, l'expérience des autres pays européens. Et la plupart d'entre vous le sentent, qui savent qu'on ne peut empêcher les avortements clandestins et qu'on ne peut non plus appliquer la loi pénale à toutes les femmes qui seraient passibles de ses rigueurs. Pourquoi donc ne pas continuer à fermer les yeux ? Parce que la situation actuelle est mauvaise. Je dirai même qu'elle est déplorable et dramatique. ».

    Peu après, le passage le plus important : « Je le dis avec toute ma conviction : l'avortement doit rester l'exception, l'ultime recours pour des situations sans issue. Mais comment le tolérer sans qu'il perde ce caractère d'exception, sans que la société paraisse l'encourager ? Je voudrais tout d'abord vous faire partager une conviction de femme, je m'excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d'hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement. Il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame et cela restera toujours un drame. C'est pourquoi, si le projet qui vous est présenté tient compte de la situation de fait existante, s'il admet la possibilité d'une interruption de grossesse, c'est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme. Nous pensons ainsi répondre au désir conscient ou inconscient de toutes les femmes qui se trouvent dans cette situation d'angoisse (…). Actuellement, celles qui se trouvent dans cette situation de détresse, qui s'en préoccupe ? La loi les rejette non seulement dans l'opprobre, la honte et la solitude, mais aussi dans l'anonymat et l'angoisse des poursuites. Contraintes de cacher leur état, trop souvent elles ne trouvent personnes pour les écouter, les éclairer et leur apporter un appui et une protection. Parmi ceux qui combattent aujourd'hui une éventuelle modification de la loi répressive, combien sont-ils ceux qui se sont préoccupés d'aider ces femmes dans leur détresse ? Combien sont-ils ceux qui, au-delà de ce qu'ils jugent comme une faute, ont su manifester aux jeunes mères célibataires la compréhension et l'appui moral dont elles avaient grand besoin ? ».
     

     
     


    Rien n'était acquis et Simone Veil a plus tard raconté qu'elle n'imaginait pas le flot de haine de la part de certains parlementaires. La palme du plus odieux doit être sans doute attribuer au député centriste Jean-Marie Daillet, élu de la Manche, qui a comparé le 27 novembre 1974 l'avortement aux assassinats de bébés dans les fours crématoires à Auschwitz : « On est allé, quelle audace incroyable, jusqu'à déclarer tout bonnement qu'un embryon humain était un agresseur. Eh bien ! ces agresseurs, vous accepterez, madame, de les voir, comme cela se passe ailleurs, jetés au four crématoire ou remplir des poubelles ! ». Adressé à une ancien déportée qui a perdu une partie de sa famille dans les camps de la mort, c'était particulièrement maladroit et malvenu, et disons-le, totalement dégueulasse. Jean-Marie Daillet s'est d'ailleurs rendu compte de ce qu'il avait dit dans la colère de sa passion et est venu présenter ses excuses à Simone Veil. Un soir, à la demande de l'Élysée, Jacques Chirac est venu en renfort dans la discussion pour aider sa ministre, mais elle se sentait particulièrement seule avec son texte.

    La situation parlementaire était compliquée parce que, menés par l'ancien Premier Ministre Michel Debré, nataliste réputé, les députés gaullistes étaient prêts à voter contre ou à s'abstenir. C'était sûr que Simone Veil ne pouvait pas ne compter que sur les députés de la majorité. Elle devait aussi négocier avec les socialistes, qui étaient favorables, menés par le président de leur groupe Gaston Defferre (maire de Marseille). Le point crucial était la position des centristes du Centre démocrate, dont les convictions religieuses mettaient en porte-à-faux la morale et la nécessité publique.

    Le mari de Simone Veil, Antoine Veil, très introduit dans les cercles centristes, avaient l'habitude de rencontrer les responsables centristes chez lui, à son domicile, au sein du Club Vauban (nom du lieu où les Veil habitaient). Son entremise a été capitale pour convaincre notamment l'ancien résistant et ancien ministre Eugène Claudius-Petit qui avait un grand pouvoir d'influence sur ses collègues centristes. Pour obtenir finalement son soutien, Simone Veil a modifié le texte en retirant l'obligation des médecins à faire une IVG avec une clause de conscience et en supprimant le remboursement de l'IVG par la sécurité sociale, mettant la gauche dans l'embarras mais permettant aux députés centristes de ne pas voter une loi qui encouragerait l'avortement. L'article 1er du texte réaffirme par ailleurs le respect du droit à la vie comme principe intangible.

    La conclusion a été souriante pour Simone Veil puisque dans la nuit du 28 au 29 novembre 1974, à 3 heures 40 du matin, le projet de loi a été adopté en première lecture par 284 voix pour et 189 contre, sur 479 votants avec 6 abstentions (scrutin n°120).

    Parmi les pour : Paul Alduy, Pierre Bernard-Reymond, André Bettencourt, Jean-Jacques Beucler, Jean de Broglie, Aimé Césaire, Jacques Chaban-Delmas, André Chandernagor, Jean-Pierre Chevènement, Roger Chinaud, Eugène Claudius-Petit, Jean-Pierre Cot, Michel Crépeau, Gaston Defferre, André Delelis, Hubert Dubedout, Jacques Duhamel, André Duroméa, Robert Fabre, André Fanton, Maurice Faure, Georges Fillioud, Henri Fiszbin, Raymond Forni, Joseph Franceschi, Jean-Claude Gaudin, Yves Guéna, Robert Hersant, Pierre Joxe, Didier Julia, Pierre Juquin, André Labarrère, Paul Laurent, Jacques Legendre, Max Lejeune, Louis Le Pensec, Roland Leroy, Charles-Émile Loo, Philippe Madrelle, Georges Marchais, Jacques Marette, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Georges Mesmin, Louis Mexandeau, Hélène Missoffe, François Mitterrand, Guy Mollet, Lucien Neuwirth, Arthur Notebart, Bernard Pons, Jean Poperen, Jack Ralite, Marcel Rigout, Alain Savary, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Jacques Soustelle, Pierre Sudreau, Alain Terrenoire, Alain Vivien, Robert-André Vivien et Adrien Zeller.
     

     
     


    Parmi les contre : Pierre Bas, Pierre Baudis, Jacques Baumel, Pierre de Bénouville, Jacques Blanc, Robert Boulin, Loïc Bouvard, Claude Coulais, Jean-Marie Daillet, Marcel Dassault, Michel Debré, Jean Foyer, Emmanuel Hamel, Louis Joxe, Jean Kiffer, Claude Labbé, Joël Le Theule, Maurice Ligot, Christian de La Malène, Alain Mayoud, Jacques Médecin, Pierre Méhaignerie, Pierre Messmer, Maurice Papon, Jean Seitlinger et Jean Tiberi, etc. Se sont abstenus notamment Roland Nungesser et Gabriel Kaspereit.

    Le Sénat a examiné alors le projet de loi en première lecture les 13 et 14 décembre 1974, l'a adopté le 14 décembre 1974 avec des modifications, ce qui a rendu nécessaire une seconde lecture, puis une commission mixte paritaire le 19 décembre 1974 (portant sur le remboursement de l'IVG). L'Assemblée et le Sénat ont adopté le texte définitif le 20 décembre 1974 (pour l'Assemblée, par 277 voix pour et 192 voix contre sur 480 votants avec 11 abstentions). Valéry Giscard d'Estaing a ensuite, le 17 janvier 1975, promulgué la loi n°75-18 du 17 janvier 1975, qui, à l'origine, prévoyait une dépénalisation expérimentale pendant cinq ans. Une deuxième loi a été ultérieurement votée pour rendre permanente la dépénalisation (loi n°79-1204 du 31 décembre 1979).

     
     


    Après plusieurs autres modifications du texte, le droit à l'IVG est entré dans la Constitution le 8 mars 2024 au cours d'une cérémonie Place Vendôme, devant le Ministère de la Justice, présidée par Emmanuel Macron. Les études montrent que la loi Veil n'a pas fait augmenter le nombre d'avortements en France qui reste stable, autour de 200 000 par an.
     

     
     


    Ce vendredi 29 novembre 2024 à 22 heures, la chaîne parlementaire LCP fête ce cinquantenaire en rediffusant le téléfilm de Christian Faure intitulé "La Loi, le combat d'une femme pour toutes les femmes" diffusé pour la première fois le 26 novembre 2014 sur France 2 (pour le quarantième anniversaire). Autant le dire tout de suite, faire un film avec des personnages de la classe politique contemporaine est toujours casse-cou car toujours très différent de la réalité et la fiction peut aussi n'être qu'une pâle imitation des personnages réels.

    Néanmoins, on saluera quand même la prestation de l'actrice Emmanuelle Devos dans le rôle principal, celui de Simone Veil, et on regardera avec curiosité Antoine Veil (joué par Lionel Abelanski, dont le rôle dans le scénario est toutefois très insuffisant par rapport à la réalité), Dominique Le Vert, le dircab de Simone Veil (joué par Lorant Deutsch), et j'avoue que j'ai eu du mal à croire aux autres personnages : Gaston Defferre (joué par Michel Jonasz), Michel Debré (Éric Naggar), Jean Lecanuet (Olivier Pagès), Jacques Chirac (Michaël Cohen), Eugène Claudius-Petit (Bernard Menez), et je ne croyais pas du tout en Charles Pasqua (Philippe Uchan), Jean-Marie Daillet (Patrick Haudecœur), Edgar Faure (Laurent Claret) qui présidait ces séances historiques... avec juste une exception, Marie-France Garaud (jouée par Émilie Caen).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    IVG : l'adoption de la loi Veil il y a 50 ans.
    Le droit de vote à 18 ans, c'était il y a 50 ans grâce à Giscard !
    Lucien Neuwirth  et la contraception.
    Le vote des femmes en France.
    Femmes, je vous aime !
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
    L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
    Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
    L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
    L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
    La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
    L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
    Simone Veil, l’avortement, hier et aujourd’hui…
    L’avortement et Simone Veil.
    Le fœtus est-il une personne à part entière ?
    Le mariage pour tous, 10 ans plus tard.
    Rapport 2023 de SOS Homophobie (à télécharger).
    Six ans plus tard.
    Mariage lesbien à Nancy.
    Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
    Mariage annulé : le scandaleux jugement en faveur de la virginité des jeunes mariées.
    Ciel gris sur les mariages.

    Les 20 ans du PACS.
    Ces gens-là.
    L’homosexualité, une maladie occidentale ?
    Le coming out d’une star de la culture.
    Transgenres adolescentes en Suède : la génération sacrifiée.
    PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
    La PMA pour toutes les femmes.
     

     
     




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    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/ivg-l-adoption-de-la-loi-veil-il-y-257490

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