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viol

  • Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille

    « Il ne sait pas que je suis victime et il ne sait pas que je vais témoigner comme victime. Je suis restée trente ans dans le silence. En dehors de ça, pas une allusion, à personne. Mon père, j’ai peut-être voulu le protéger, inconsciemment, je pense, des coups politiques qu’il se prenait localement. » (Hélène Perlant, à propos de son père François Bayrou, le 22 avril 2025 dans "Paris Match").



     

     
     


    On ne redira jamais assez à quel point il est difficile pour des victimes de sortir du silence et de témoigner publiquement. Ce n'est pas nouveau : combien de victimes de viol n'osaient pas déposer plainte il y a quelques décennies ? Victimes de viols, d'agressions sexuelles, de violences physiques ou/et morales... Beaucoup ressentent très injustement un sentiment de honte voire de culpabilité et ne parlent pas, ou, du moins, si elles parlent, c'est très tardivement. C'est le cas avec les victimes de nombreux prêtres (rapport Sauvé). C'est le cas avec les victimes de l'abbé Pierre. C'est aussi le cas avec les victimes de Notre-Dame de Bétharram et, plus généralement, d'institutions catholiques d'enseignement scolaire. Si les victimes parlent aujourd'hui, parfois après cinquante ans de silence, c'est parce qu'elles découvrent qu'elles ne sont pas les seules et qu'elles ont été les victimes de tout un système.

    Pour Notre-Dame de Bétharram, près de Pau, il est question surtout de violences physiques (certaines sexuelles) et toujours d'humiliation. Il y avait des plaintes déposées en 2024, mais la folle course des médias ne s'était pas enclenchée. Il faut dire les choses comme elles sont. Le député FI Paul Vannier a ressorti cette affaire sans vraiment se préoccuper des victimes : son seul objectif, après le vote du budget de l'État, c'était de faire tomber le Premier Ministre François Bayrou. Les choses qu'il lui reproche, ce n'est pas d'avoir violenté des enfants, ce n'est pas d'avoir couvert, c'est juste d'avoir été au courant et de n'avoir rien fait. C'est stupide, et on en saura plus lors de l'audition du Premier Ministre devant la commission d'enquête parlementaire le 14 mai 2025, mais cela a eu un avantage, celui de mettre le scandale de Notre-Dame de Bétharram sous les projecteurs médiatiques.
     

     
     


    Car c'est un véritable scandale, de nombreux enfants ont été violentés, sexuellement ou pas, humiliés, pendant des dizaines d'années dans un établissement scolaire catholique considéré comme strict, voire sévère. On en était resté à la punition de la règle contre les doigts infligée aux écoliers qui n'apprenaient pas leurs leçons, comme si frapper était pédagogique. C'était dans les années 1950, ou avant, et on se disait que les temps étaient révolus. Pourtant, dans cet établissement, on frappait les enfants encore dans les années 2000. Et puis, ce n'est pas pareil, ou ce n'est plus pareil. Avant, on ne constituait pas une commission d'enquête parlementaire pour une seule gifle contre un élève. Aujourd'hui, si, et avec raison. On ne doit pas frapper les enfants.
     

     
     


    Très rapidement, François Bayrou a réagi comme devait réagir un homme politique expérimenté : il est allé rencontrer les victimes de Bétharram à Pau le 15 février 2025 et il en est ressorti bouleversé. Les victimes présentes ont pu l'attester : il avait l'air sincère, il découvrait l'étendue de l'horreur. Et bien sûr, il souhaitait que toute la lumière soit faite sur cet établissement... et sur d'autres, car il y a eu des faits de violence aussi dans d'autres établissements scolaires catholiques. Il a accepté le principe d'une commission d'enquête et celle-ci a rapidement commencé les auditions.

    J'ai eu l'occasion d'écouter la première audition qui a eu lieu le 20 mars 2025 à l'Assemblée Nationale (on peut la revoir en bas de l'article). Ces parlementaires enquêteurs ont souhaité avec raison écouter d'abord les victimes (pas seulement de Bétharram) et seulement ensuite, les représentants des institutions (école, État, Église catholique, justice, forces de l'ordre, etc.).


    C'était particulièrement émouvant et bouleversant. Les victimes racontaient avec leurs mots, parfois revivaient avec une extrême émotion ce qu'elles avaient subi ou vu, et aucune n'avait l'esprit tourné vers une quelconque récupération politique. Elles étaient souvent enfermées dans leur propre traumatisme parfois ancien. La plus émouvante fut sans doute Évelyne, témoin d'une chasse à l'écolier avec des chiens, et elle a raconté que l'un des fugueurs était mort, dévoré par un chien.

    Le témoignage de Bernard fut aussi très poignant. Il insistait pour dire qu'il y avait de la violence (sexuelle ou pas) également dans des établissements non catholiques, par exemple, dans des établissements publics, il y avait commencé sa scolarité. De même, il a expliqué qu'il connaissait plusieurs victimes qui continuaient malgré tout à aller à la messe maintenant. Bref, ces paroles, ces témoignages n'ont généralement aucune vocation ni politique ni philosophique. Il ne s'agissait pas pour les victimes, de s'impliquer dans un combat politique particulièrement puant, ni non plus de s'opposer de front à l'Église catholique. Mais il faut bien aussi que les choses sortent pour faire le deuil, pour passer à autre chose.
     

     
     


    Venons-en à Hélène Perlant. Cette élégante femme de 53 ans a une double particularité : d'une part, elle est la fille aînée du Premier Ministre, et d'autre part, elle a fréquenté le milieu de Notre-Dame de Bétharram dont elle a été élève. Son nom avait été cité par le député insoumis et par d'autres inquisiteurs politiques parce qu'Hélène aurait été la témoin de scènes de violence dans l'institution religieuse, et donc, son père ne pourrait être qu'au courant, selon la logique foireuse de ses accusateurs.

    J'ai encore du mal à comprendre quel est l'intérêt de savoir si François Bayrou savait ou pas, puisque la justice avait été saisie et avait suivi son cours, à part tenter maladroitement un faux scandale politique. Évoquons ici un fait clair : les victimes de Bétharram sont très agacées par cette récupération politicienne car elles ont l'impression qu'on leur vole leurs paroles, leurs témoignages. Elles sentent que ces récupérateurs politiciens se moquent totalement des victimes et veulent juste faire un coup politique.
     

     
     


    Lorsqu'on a évoqué Hélène, François Bayrou a réagi comme un père de famille, en repoussant toute instrumentalisation de ses enfants dans ce scandale, lâchant le 21 février 2025 dans "Sud-Ouest" : « Celui qui me fera mêler mes enfants à tout ça n'est pas né. ». Il n'aurait bien sûr pas fait cette déclaration s'il avait su... Car le témoignage d'Hélène Perlant est capital pour comprendre la sincérité de son père : a-t-elle raconté ce qu'elle a vu des violences dont elle était la témoin ou pas ? Selon le père, non.

    Alors qu'un livre qui recueille les témoignages de victimes de Bétharram était en train d'être rédigé sous la houlette d'un journaliste de "Paris Match", Hélène Perlant a effectivement pris elle-même l'initiative de contacter, le 21 février 2025, Alain Esquerre, le fondateur du collectif de victimes et ancien pensionnaire de Bétharram, pour apporter son propre témoignage dans le livre, et elle a informé son père de sa démarche, sans en raconter le contenu. François Bayrou lui a juste répondu qu'il espérait qu'elle ne le mettrait pas en difficulté politique. C'était "Le Canard enchaîné" qui avait informé François Bayrou de la participation de sa fille au livre collectif, et ce dernier l'a dpnc appelée en lui demandant : « Tu me dénonces ? », puis, en concluant : « Je te fais confiance. Partout où tu iras, j'irai ! ». À ce moment-là, le Premier Ministre n'était pas au courant qu'elle allait témoigner elle-même publiquement comme victime.

    Et puis, ce mardi 22 avril 2025 vers midi, la fille a téléphoné à son père, lui a expliqué qu'une interview d'elle, accordée à Arnaud Bizot, serait publiée dans "Paris Match" dans la soirée, à 18 heures 27, peu avant la publication du livre "Le silence de Bétharram" le jeudi 24 avril 2025 (éd. Michel Lafon), et elle lui a raconté ce qu'elle avait déclaré au journaliste, à savoir son propre cauchemar. Ce fut un choc pour le Premier Ministre, mais d'abord, pour le père.
     

     
     


    Hélène Perlant a ainsi raconté qu'elle avait elle-même été la victime de graves violences physiques lors d'un camp de vacances organisé par Notre-Dame de Bétharram lorsqu'elle avait 14 ans. Elle a été rouée de coups, par le prêtre qui s'était vengé d'elle après un acte antérieur supposé insolent. Elle en a uriné sur elle et elle était restée dans sa saleté pendant toute la nuit. Elle avait tellement honte qu'elle n'en a parlé à personne, ni à ses amies, ni à sa famille. Surtout pas à son père qui, à l'époque, était jeune député des Pyrénées-Atlantique (il venait tout juste d'être élu pour la première fois à l'Assemblée en mars, à l'âge de 34 ans) et simple conseiller général de son département (il allait présider le conseil général six ans plus tard), et elle ne voulait pas compromettre sa carrière politique. Les ressorts du silence : la honte, la culpabilité et le déni.

    Ainsi, Hélène Perlant a raconté dans "Paris Match" l'histoire de la violente gifle dont elle était témoin ainsi que la personne, assise à l'époque à côté d'elle, et qui, aujourd'hui, accuse François Bayrou de non-dénonciation de crime et de délit : « [Cette personne] a vu mon regard sidéré et il a pensé en toute bonne foi que j’allais forcément raconter la scène à mon père. Jamais ! En fait, ce moment-là m’a fait revivre avec effroi mon propre passage à tabac, quatre ans auparavant. L’agression à l’étude, la mienne et tant d’autres ont été vues par nous tous et pourtant personne n’a parlé. Ni les témoins ni les victimes. La vraie question est celle du déni individuel et collectif. Pas du mensonge. Vous imaginez : 80-100 gamins dans une salle, et aucun ne parle ? Lorsque j’ai téléphoné à Alain Esquerre, il a tout de suite compris dans quoi je m’engageais. On ne témoigne pas pour exposer nos stigmates mais pour expliquer le système Bétharram, maintenant que nous, entre anciens élèves, on commence à le comprendre et à se soutenir les uns les autres. On montre comment ces déchaînements de violence publics sont la condition paradoxale pour que personne ne parle jamais. ».

    Le contexte de son passage à tabac, c'était l'année précédente, où Hélène avait perturbée la préparation de la profession de foi supervisée par une religieuse qui s'affichait ostensiblement à son futur tortionnaire, un prêtre qui est mort en 2000 : « Ces deux-là m’avaient à l’œil ! Elle avait quelque chose de sadique, de très malveillant, une vraie méchante, qui a voulu se venger. Lui m’avait déjà lancé : “Toi, la fille Bayrou, insolente comme ton père !”. Dans cette colo, on était une quarantaine, moniteurs inclus. Un soir, alors qu’on déballe nos sacs de couchage, [le prêtre] me saisit tout d’un coup par les cheveux, il me traîne au sol sur plusieurs mètres et me roue de coups de poing, de coups de pied sur tout le corps, surtout dans le ventre. Il pesait environ 120 kilos. Pour parler crûment, je me suis urinée dessus et suis restée toute la nuit, comme ça, humide et prostrée dans mon duvet. Alain le raconte dans son livre avec des mots qui me préservent. ».

    Et de dénoncer tout un système : « Bétharram était organisé comme une secte ou un régime totalitaire exerçant une pression psychologique sur les élèves et les enseignants pour qu’ils se taisent. ». Quant à ce que savait ou pas son père : « Évidemment, on peut penser qu’il a eu toutes les infos. Mais lui, comme les autres parents, était très, très intriqué politiquement, localement. Lui, davantage, mais je le mets au même niveau que tous les parents. Plus on est intriqué, moins on voit, moins on comprend. Et plus il y a de témoins, moins ça parle. ».

    La réaction de François Bayrou dans l'après-midi du 23 avril 2025, lors d'un déplacement à la prison de Saint-Quentin-Fallavier, en Isère, a été la suivante : « En tant que père de famille, ça me poignarde le cœur. En tant que responsable public qui dépasse le père de famille, c'est aux victimes que je pense. Une partie de leur vie a été gâchée si profondément que je ne veux pas les abandonner. ». En tout cas, sa sincérité a été confirmée par sa fille. L'omerta a été généralisée, tant du côté des victimes qui se sont tues que du côté des parents des victimes qui n'ont rien vu, qui n'ont pas imaginé. François Bayrou avait eu connaissance par sa fille qu'une gifle avait été donnée en classe, mais pouvait la prendre comme une sanction méritée, à l'instar des coups de règle sur les doigts, bien qu'anachroniques et inutilement sadiques.
     

     
     


    Encore une fois, le Premier Ministre a eu la bonne réaction : il ne veut pas défocaliser le scandale. L'écho médiatique ne doit pas se faire autour de lui-même, sa défense, sa sincérité, son émotion de père de famille qui n'avait rien vu et ses regrets qu'il aurait pu agir autrement, faire sortir sa fille de cet enfer, éviter d'autres victimes, trop occupé à faire de la politique dans une difficile stratégie de conquête, dans une terre politique qui lui était très hostile (le ministre socialiste André Labarrère était le maire indéboulonnable de Pau de 1971 à sa mort en 2006). Il a refocalisé sur la seule chose qui vaille, l'attention, l'écoute des victimes, des seules victimes. D'autant plus que certaines victimes qui ont participé à la rédaction du livre de témoignages qui sort ce jeudi étaient agacées par la publication, auparavant, de cette interview de la fille de François Bayrou, ce qui a nécessairement entraîné le sujet dans un combat politique qui ne devrait pas avoir lieu (tout le monde est scandalisé et veut que les violences s'arrêtent). Apparemment, Hélène Perlant elle-même ne savait pas que l'interview allait paraître avant le livre, même si cela était prévisible.

    Les opposants politiques de mauvaise foi qui n'ont pas trouvé d'autre moyen de faire chuter un Premier Ministre que de l'impliquer faussement dans un scandale énorme (en l'occurrence, il est réellement impliqué, mais comme père d'une victime), attendent évidemment avec impatience son audition du 14 mai 2025 qui ne devrait pourtant révéler rien de particulier sinon son aveuglément et son impuissance de père de famille qui n'a pas su protéger sa fille aînée. Se refocaliser, c'est avant tout écouter les victimes. Deux cents anciens élèves ont dénoncé depuis lors des agressions physiques et sexuelles. Je vous recommande très vivement d'écouter certaines victimes lors de leur audition du 20 mars 2025 à l'Assemblée Nationale. Leur témoignage fait froid dans le dos.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    La vérité nous rendra libres.
    Abus sexuels : l’Église reconnaît sa responsabilité institutionnelle.
    Legs et indécence.
    Secret de la confession et lois de la République.
    Abus sexuels dans l’Église : honte, effroi et pardon !
    Rapport de Jean-Marc Sauvé remis le 5 octobre 2021 sur la pédocriminalité dans l’Église (à télécharger).
    Présentation du rapport Sauvé le 5 octobre 2021 (vidéo).
    Discours du pape François le 24 février 2019 au Vatican (texte intégral).
    La protection des mineurs dans l’Église.
    Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
    Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
    La faute de Mgr Jacques Gaillot.
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Mgr Barbarin : le vent du boulet.
    Pédophilie dans l’Église catholique : la décision lourde de Lourdes.
    Mgr Barbarin : une condamnation qui remet les pendules à l’heure.
    Pédophilie dans l’Église : le pape François pour la tolérance zéro.
    Le pape François demande pardon pour les abus sexuels dans l’Église.
    Le pape François en lutte contre la culture de l’étiquette et de la médisance.

     

     

     

     

     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250422-betharram.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/betharram-francois-bayrou-260628

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/23/article-sr-20250422-betharram.html


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  • Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !

    « [La Conférence des évêques de France] exprime sa proximité aux personnes victimes et redit sa détermination à agir pour que toute la vérité possible soit faite sur les actes commis par l’abbé Pierre. » (communiqué du 4 février 2025).



     

     
     


    Depuis le 17 juillet 2024, les Français sont orphelins de l'une des personnalités qu'ils ont le plus adorée depuis les cinquante dernières années, à savoir l'abbé Pierre, une véritable institution de la charité, spirituelle mais aussi économique et sociale, qui fait vivre encore aujourd'hui des milliers de personnes qui avaient besoin d'une seconde chance dans tous les établissements Emmaüs (et qui, du reste, aide aussi tous ceux qui ont été amenés à vider une maison familiale et qui ne savaient pas que faire de tous les meubles, objets, etc. accumulés depuis des décennies voire des générations et devenus invendables).

    Les révélations sur l'obsession sexuelle, car c'est bien de cela qu'il s'agit, de l'abbé Pierre arrivent progressivement au grand public par petites grappes d'informations, cela devient même une série à épisodes assez malsaine mais pourtant nécessaire. Rappelons qu'à l'origine, non pas du scandale (seul l'abbé Pierre en est à l'origine), mais de ces révélations, c'est l'enquête interne de la Fondation Abbé Pierre et d'Emmaüs International, saisis par des femmes victimes de l'abbé Pierre, qui ont diligenté une enquête indépendante (oui, même si les enquêteurs sont connus, elle est indépendante) et qui ont remis leur copie à ces organismes qui n'avaient pas beaucoup d'autre choix que de la rendre publique.

    Pour les Français, croyants ou pas croyants, cela fait mal car c'est une sorte de saint qui s'écroule dans la mémoire collective. À ce sujet, il faut rappeler que le nom de l'abbé Pierre avait longtemps circulé pour transférer ses cendres au Panthéon. Heureusement qu'on ait hésité ou attendu et il faut vraiment faire attention à ceux qu'on honore, sous peine de rendre ridicule le principe même d'honorer. Je ne sais pas s'il existe un protocole pour dépanthéoniser, mais tant qu'à faire, autant éviter à devoir l'envisager.

    Deux petites introductions encore avant la révélation des derniers faits.

    La première, courte, est d'insister sur le fait qu'il n'existe pas d'homme providentiel (j'inclus aussi les femmes), quel que soit le domaine dans lequel il exercerait. Pour la raison simple que tout homme est faillible et qu'il faut rester humble. C'est la complexité de l'âme humaine : on peut faire des grandes choses et être un salopard ! On le sait pour les artistes, écrivains géniaux, peintres géniaux, musiciens géniaux (inutile de citer des exemples, on les a en tête), mais c'est vrai que c'est plus difficile lorsqu'il s'agit de personnes religieuses qui, en principe, ont un devoir d'exemplarité plus fort, et l'Église de France a fait ce douloureux travail d'introspection avec le rapport Sauvé, pas encore terminé (l'affaire Bétharram le rappelle), mais indispensable pour repartir sur des bases saines et confiantes. L'homme et la bête. Ange et démon. C'est un classique de la littérature mondiale.

    L'autre introduction préalable, c'est d'évoquer certains commentaires qu'on a pu entendre depuis ce 17 juillet 2024 : en gros, ils disent qu'on n'en finit pas de bafouer l'Église catholique, que l'abbé Pierre est mort depuis dix-huit ans et qu'il faut le laisser en paix, et certains commentaires, tentés par le complotisme, iraient même jusqu'à dire que c'est une opération pour discréditer la religion, le christianisme, le catholicisme, et l'Église catholique, voire la tradition.


    Alors, d'une part, insistons : l'origine médiatique de toute cette affaire provient des institutions catholiques elles-mêmes ulcérées de découvrir qu'en leur sein, parmi les personnes les plus insoupçonnables, et ce sont les plus croyants, les plus pratiquants, ceux pour qui l'Église catholique représente le plus de choses qui sont demandeurs de cette vérité, qui existe. D'autre part, il ne s'agit pas de malmener la mémoire de l'abbé Pierre car, oui, il a fait de belles choses malgré tout, et cette œuvre caritative doit pouvoir se poursuivre, mais sans embellir l'homme. Ceux qui ne sont pas en paix, ce sont ses victimes, très nombreuses, et elles doivent pouvoir se reconstruire, parler, crier même si nécessaire, du moins pour celles qui sont encore vivantes.

    Ceux qui émettent ce genre de commentaires choqués qu'on ose remuer la mouise sont plutôt des identitaires, c'est-à-dire, des revendiqués catholiques pour la seule raison de s'opposer à l'islam, se prévaloir d'un ordre ancien, naturel, qui veulent agiter un étendard de valeurs dites chrétiennes mais qui ne le sont pas du tout (par exemple, lorsqu'on commence à regarder leurs positions sur l'immigration, etc.). Cette branche conservatrice de l'extrême droite a, d'habitude, plus de compassion pour les victimes lorsque les délinquants ou criminels portent des prénoms pas très catholiques.

    Revenons alors à l'abbé Pierre.
     

     
     


    Le premier rapport commandé par Emmaüs France, Emmaüs International et la Fondation Abbé Pierre, rédigé par la féministe Caroline de Haas, a été publié le 17 juillet 2024. Il évoque le cas de sept femmes dont une mineure victimes de l'abbé Pierre entre les années 1970 et 2005 : « comportements inadaptés d'ordre personnel », « proposition sexuelle », « propos répétés à connotation sexuelle », « tentatives de contacts physiques non sollicités », « contacts non sollicités sur les seins »... La Conférence des évêques de France a réagi immédiatement en tweetant « sa profonde compassion et sa honte que de tels faits puissent être commis par un prêtre » et « redit sa détermination à se mobiliser pour faire de l'Église une maison sûre ».

    Un nouveau rapport du même prestataire a été publié le 6 septembre 2024 renforçant l'image d'un prêtre libidineux, avec dix-sept témoignages dont douze directs : propos à caractère sexuel, baisers volés, agressions sexuelles sur personne vulnérable dont plusieurs mineures... entre les années 1950 et 2000. Autant le premier rapport pouvait laisser planer un doute, ce deuxième rapport confirme qu'il y a bien un "problème" avec l'abbé Pierre, d'autant plus que les accusations sont même internationales. Le 13 septembre 2024, la Fondation Abbé Pierre, Emmaüs France et Emmaüs International ont annoncé un changement de logo et de nom pour ne plus se référer à la personne de l'abbé Pierre qui, d'attractif, deviendrait répulsif (le 25 janvier 2025, la fondation s'appelle désormais Fondation pour le Logement des Défavorisés). Une commission d'enquête d'historiens indépendants a été mise en place pour faire la lumière sur tous les abus de l'abbé Pierre.


    Quelques jours plus tard, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, a confirmé que « quelques évêques au moins » étaient au courant « dès 1955-1957 » du caractère déviant de l'abbé Pierre « à l'égard des femmes » et a rendu accessibles toutes les archives sur le prêtre. Les 216 pièces confirment le comportement problématique sans préciser la nature exacte des actes mis en cause. En particulier, la lettre d'un prélat, peut-être le secrétaire général de l'épiscopat, datée du 13 novembre 1964, parlait déjà d'un « grand malade mental » qui a perdu « tout contrôle de soi, notamment après des livres à succès » et assurait que « de jeunes filles en ont été marquées pour la vie ».

    Mgr Jean-Marie Villot, évêque auxiliaire de Paris et secrétaire général de l'épiscopat, patron de l'abbé Pierre à l'époque, et futur cardinal et même, futur Secrétaire d'État (numéro deux au Vatican) de 1969 à 1979, a écrit une lettre sans ambiguïté le 10 janvier 1958 au cardinal Pierre Gerlier, archevêque de Lyon : « Il ne faut pas se dissimuler que tout cela pourra un jour ou l’autre être connu et que l’opinion serait bien surprise alors de voir que la hiérarchie catholique a maintenu sa confiance à l’abbé Pierre. Il y a longtemps déjà que le parti communiste a un dossier à son sujet. Toute la psychologie de l'abbé, attachante par l'humilité avec laquelle il parle de ses faiblesses, n'en est pas moins fort inquiétante et trouble par la facilité avec laquelle il les accepte et en minimise la gravité. ». Il ne faut pas oublier que l'abbé Pierre était déjà une personnalité médiatique de grande envergure dans les années 1950, résistant dès 1942, député MRP de Nancy à la Libération de 1945 à 1951, et connu pour son fameux appel à la radio de l'hiver 1954. En décembre 1957, pourtant, l'abbé Pierre avait été discrètement délocalisé et interné dans un hôpital psychiatrique en Suisse, sur consigne de l'évêque de Grenoble.

     

     
     


    Le 13 décembre 2024, le journal "Le Monde" a publié un article faisant état d'une longue lettre de dix-sept pages du jeune abbé Pierre âgé de 19 ans, adressée en 1932 à son maître des novices chez les capucins (conservée dans les archives de l'ordre), qui racontait une tentative d'automutilation de son pénis avec un couteau dès l'âge de 5 ans, ce qui montrait bien que le sexe l'a préoccupé depuis très longtemps, et la lettre racontait aussi des abus sexuels qu'il a subis quand il avait 7 ans par des élèves plus âgés, « sous la menace d'un pistolet ».

    L'abbé Pierre fut jugé inapte à la vie religieuse juste après son ordination sacerdotale, et il fut affecté non pas à Lyon (sa ville natale) mais à Grenoble pour une raison non connue. À La Côte-Saint-André, en 1942, il était l'aumônier de l'orphelinat et a été soupçonné de comportements ambigus avec les jeunes filles qui l'aidaient.

    Un troisième rapport comprenant neuf nouveaux témoignages et une nouvelle synthèse a été publié le 13 janvier 2025, particulièrement accablant pour l'abbé Pierre : il est accusé d'un viol sur un garçon de 9 ans, d'autres agressions sur deux enfants de 8 à 10 ans, une femme de la famille de l'abbé Pierre abusée de manière incestueuse à la fin des années 1990. En tout, les trois rapports font état de trente-trois accusations contre l'abbé Pierre. D'autres sources d'information font état du recensement de cinquante-sept victimes.

    Le parquet de Paris a définitivement exclu le 24 janvier 2025 toute poursuite concernant les violences sexuelles de l'abbé Pierre, en raison de son décès et de la prescription. Aucune enquête judiciaire ne sera donc ouverte, ce qui confirme la nécessité que la lumière se fasse par d'autres voies non judiciaires. Rendue publique le 4 février 2025, la lettre du parquet a précisé à l'Église catholique : « Le parquet de Paris a fait savoir que l’action publique était éteinte par le décès du mis en cause en 2007 en ce qui le concernait personnellement, et prescrite en ce qui aurait éventuellement pu concerner des non-dénonciations de faits. (…) Une enquête judiciaire a pour objectif de rechercher si des faits pénalement répréhensibles peuvent et doivent être jugés. S’il arrive que le parquet ouvre des enquêtes sur la dénonciation de faits manifestement prescrits au préjudice de mineurs, comme il y a par ailleurs incité une circulaire ministérielle, c’est afin de rechercher si d’autres mineurs auraient par la suite été victimes de faits similaires (…). Si ces faits plus récents s’avèrent non prescrits, le parquet peut alors engager des poursuites contre le mis en cause pour l’ensemble des faits. Ce n’est évidemment pas le cas lorsque celui-ci est décédé. ».
     

     
     


    Enfin, le nouveau rebondissement de cette triste histoire a eu lieu le 17 avril 2025 avec la publication du livre d'investigation des journalistes Marie-France Etchegoin, ancienne du "Nouvel Observateur", et Laetitia cherel, de la cellule d'investigation de Radio France, intitulé "L'abbé Pierre, la fabrique d'un saint" (chez Allary Éditions) : « Dès l’automne 1955, non seulement le haut clergé français connaissait la face noire et la dangerosité de l’abbé Pierre mais le Saint-Siège aussi. ». La mise en cause du Vatican n'est pas étonnante étant donné la structure centralisatrice de l'Église catholique. En 1955, l'ancien ambassadeur auprès du Vatican Jacques Maritain a qualifié l'abbé Pierre de « grand malade » peut-être atteint de « schizophrénie ». Le Vatican a adressé le 11 novembre 1955 une lettre à l'évêque de Versailles Mgr Alexandre Renard pour demander l'ouverture d'une « procédure judiciaire » à l'encontre de l'abbé Pierre. Mgr Renard a répondu : « Il semble que les relations “inhonestae” [déshonorantes] de l’abbé ont été moins graves qu’il n’a été dit. », pour refuser de salir « un symbole aux yeux des masses qu’il galvanise à la manière d’un prophète ».

    Au-delà de son comportement sexuel problématique, les deux journalistes d'investigation ont aussi mis le doigt sur d'autres faces très sombres de l'abbé Pierre. Il a prononcé des discours ouvertement pétainistes en 1941, avant d'être résistant, comme celui-ci : « Partout où aujourd'hui la France renaissante de notre grand maréchal agit, soyez présents, soyez au premier rang, soyez des plus grands lutteurs, dans la conscience et l'enthousiasme ! ». Le livre rappelle d'ailleurs le soutien tardif apporté publiquement au négationniste Roger Garaudy, ce qui avait provoqué (déjà) une vive polémique (l'abbé Pierre s'en était tiré en parlant simplement d'un soutien « à titre amical »). Les auteures dépeignent un homme « manipulateur », un « Rastignac » qui « intrigue pour grimper dans la carrière de député » et qui « manipule pour faire taire les gêneurs », en totale contradiction avec son image de modestie et de convivialité.

    Dès le 13 septembre 2024, le pape François lui-même a affirmé que le Vatican était au courant de ces violences sexuelles depuis, au moins, la mort de l'abbé Pierre, en 2007. En revanche, le Vatican n'a pas réagi au livre publié le 17 avril 2025 disant qu'il était informé dès 1955.

    Ce qui est notable, si j'ai bien compris, c'est que le Vatican, conscient du grave problème sexuel de l'abbé Pierre, a demandé aux évêques français d'initier une procédure judiciaire dès 1955. On ne pourrait donc pas reprocher au Vatican de ne rien avoir fait. En revanche, l'épiscopat français de l'époque est fautif d'avoir voulu sinon étouffer l'affaire au moins garder le silence afin de préserver la réputation de l'abbé Pierre et, par la même occasion, la réputation de l'institution religieuse.


    Alors, les accusations portées contre l'abbé Pierre n'ont pas pour but de porter des accusations contre l'Église catholique, même si c'en est la conséquence. Elles sont graves car les victimes sont là, nombreuses, traumatisées. Et par ricochet, l'Église catholique, celle de France, est touchée pour avoir fermé les yeux et laisser un prédateur durablement en capacité de faire de nouvelles victimes, jusqu'à l'âge de 93 ans selon un témoignage ! Lors de la remise du rapport Sauvé, il était question de faire toute la vérité sur les agressions sexuelles au sein de l'Église. Comme pour Notre-Dame de Bétharram, les victimes ont encore du mal à s'exprimer. Il est temps que tout soit révélé, seule la vérité peut sortir l'Église de cette affreuse impasse.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 avril 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    L'appel de l'abbé Pierre.
    Viens m’aider à aider !
    Le départ d'un Juste.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250417-abbe-pierre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/abbe-pierre-le-vatican-savait-des-260551

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/17/article-sr-20250417-abbe-pierre.html


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  • Bétharram : François Bayrou contre-attaque !

    « [Les victimes] ont également déclaré qu'elles détestaient la récupération en cours et qu'elles la trouvaient haïssable, parce qu'elle les privait de leur histoire. » (François Bayrou, le 18 février 2025 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Mon titre est certainement débile, surtout quand on pense à la centaine de victimes d'actes de pédocriminalité qu'elles ont subis entre 1957 et 2014 dans le collège et lycée Notre-Dame de Bétharram, pas très loin de Pau, mais il est à la mesure de la débilité des attaques aussi infondées que stupides des députés gauchistes contre le Premier Ministre François Bayrou (après une première semaine dans les question au gouvernement).

    À la séance des questions au gouvernement de ce mardi 18 février 2025, la situation a changé, car c'est une députée socialiste qui a ouvert le feu contre François Bayrou. C'est vrai que c'était la semaine des socialistes qui exprimaient leur opposition au gouvernement avec une motion de censure examinée le lendemain. Mais quelle erreur les socialistes ont-ils faite en polémiquant sur un tel sujet ! Car ceux qui étaient au pouvoir, localement comme nationalement, c'étaient justement les socialistes ! Qu'ont-ils fait pour prévenir un tel drame ?

    Le grand potentat local du département à Pau, c'était un socialiste, André Labarrère (1928-2006), maire historique de Pau de 1971 à 2006, ministre de 1981 à 1986, député à partir de 1967, sénateur à partir de 2001, président du conseil régional d'Aquitaine, conseiller général à partir de 1967, a dominé politiquement le département des Pyrénées-Atlantiques de son influence de 1967 à 2006, soit à peu près la période des agressions et viols commis à Notre-Dame de Bétharram. Mais François Bayrou s'est bien gardé de tirer sur un disparu qui fut à la fois un redoutable adversaire politique mais aussi une personnalité qu'il estimait et appréciait beaucoup.

    Alors, on peut se demander pourquoi Colette Capdevielle, députée socialiste des Pyrénées-Atlantiques, a voulu se prêter à ce mauvais jeu de rôle imposé par les insoumis. Toujours est-il que François Bayrou, qui s'est révélé à cette occasion comme un habile et, lui aussi, redoutable homme politique, n'a pas hésité à répondre énergiquement afin de clore le débat sur sa supposée implication dans ce scandale (le fait même de l'imaginer est un scandale à l'entendement), d'autant plus que cette attaque stérile contre lui pollue totalement la réalité de l'horreur de ce qui s'est passé et du besoin des victimes à se reconstruire.

    La réponse du Premier Ministre a été très construite.

    Dans un premier temps, il a évoqué sa rencontre le 15 février 2025 avec les victimes de ce scandale, les seules à écouter dans cette histoire : « Comme vous le savez sans doute, j’ai passé la journée de samedi en compagnie du collectif des victimes ; ce furent quatre heures d’une émotion intense. C’était la première fois que quelqu’un recevait les victimes et c’était la première fois qu’elles étaient réunies. Les victimes ont exprimé plusieurs choses, terriblement bouleversantes, qui ne peuvent laisser indifférents face à ce qu’elles ont vécu il y a parfois plusieurs décennies. Mais elles ont également déclaré qu’elles détestaient la récupération politique en cours et qu’elles la trouvaient haïssable, parce qu’elle les privait de leur histoire. ».

    Ensuite, il a répondu précisément aux questions posées.

    La première concernait son éventuelle intervention auprès d'un magistrat : « Suis-je jamais intervenu dans cette affaire comme dans d’autres affaires judiciaires ? La réponse est non, jamais, ni de près, ni de loin, et je vais vous en apporter la preuve. Vous avez cité le nom du juge d’instruction Christian Mirande : c’est mon voisin depuis cinquante ans, dans mon village, dont vous ignorez sans doute où il se situe. Il s’agit d’une amitié de longue date, avant même qu’il ne soit magistrat. Est-ce que nous avons pu parler de cette affaire ? Sans doute, oui. Mais en respectant une limite absolue : un magistrat n’a pas le droit, comme en dispose un article central du code de procédure pénale, sous peine des sanctions disciplinaires les plus sévères et d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison, de communiquer le moindre élément du dossier dont il a la charge, à quelque personne extérieure au dossier que ce soit. Christian Mirande est un juge d’une absolue intégrité et il ne m’a jamais communiqué le moindre élément du dossier : nous avons pu parler de l’ambiance, de l’établissement, jamais du dossier. S’agissant du procureur général, M. Rousseau, que je ne connais pas et qui est mort il y a vingt-trois ans, ce qui rend facile de lui imputer certains propos, la certitude est pour moi la même : ce haut magistrat respectait de la même façon les règles de sa profession, qui est d’ailleurs une vocation, et il n’a eu aucune communication avec qui que ce soit à propos de ce dossier. ».

    L'ancien Ministre de l'Éducation nationale entre mars 1993 et juin 1997 a aussi voulu rappeler quelques éléments : « Mais si je ne savais rien de cette affaire, si je n’y ai été associé en quoi que ce soit, d’autres savaient. J’affirme devant vous, vous le vérifierez, que le procureur général a tenu la Chancellerie informée de cette affaire à quatre reprises dans l’année 1998. Il l’a fait téléphoniquement le jour de l’incarcération du père Carricart, puis il l’a fait à trois reprises par écrit, en signalant la gravité des faits. Qui était alors Ministre de la Justice ? Quel était le gouvernement ? De 1997 à 2002, le gouvernement était socialiste. La Ministre de la Justice était Élisabeth Guigou, et je ne peux imaginer qu’elle n’ait pas tenu compte d’un signalement aussi grave émis par le procureur général. Dans tous les cas, j’affirme que lorsque j’étais au gouvernement, un signalement aussi important ne pouvait être donné sans que le Ministre de l’Éducation nationale en soit averti. Qui était alors le Ministre de l’Éducation nationale ? Claude Allègre. Qui était la Ministre déléguée à l’Enseignement scolaire ? Ségolène Royal. Je ne crois pas qu’on puisse imputer à ces personnalités des manquements aussi graves. Je pose à mon tour la question : qu’est-ce qui a été fait, à la suite des signalements du procureur général, pour que soient entreprises les démarches que vous recommandez ? Lorsque j’ai été saisi de cette affaire en 1996, c’est-à-dire deux ans avant, j’ai demandé une inspection, dont je n’ai aucune trace, mais qui a été publiée dans les journaux et que je vous invite à lire pour vous assurer de la parfaite transparence de ce dossier. ».

    Mettre en cause à la fois Lionel Jospin, Élisabeth Guigou, Claude Allègre (récemment décédé) et Ségolène Royal, c'était assez fort de la part de François Bayrou et il a eu raison. J'ajoute par ailleurs que quelques mois plus tard, de mars 2000 à mai 2002, il y a eu un Ministre délégué à l'Enseignement professionnel qui s'appelait Jean-Luc Mélenchon, ministère spécialement créé pour lui et supprimé après lui.

    L'actuel maire de Pau a aussi répondu à propos du "gendarme" qui le mettrait en cause : « Je ne connais pas ce gendarme, mais il suffit de poser la question au juge Mirande qui répondra sur les propos qu’il a tenus ou qu’on lui prête. Le gendarme dit qu’il a entendu quelqu’un dire que le déferrement de l’accusé avait été retardé de deux heures. Je répète que le procureur général en a rendu compte le jour même à la Chancellerie. ».


    Enfin, car un démocrate chrétien est toujours dans la capacité de voir l'essentiel, François Bayrou a posé la seule question qui vaille pour ce drame humain : « Une question importante demeure : que peut-on faire pour améliorer la prise en charge des victimes ? Nous devons améliorer le repérage précoce et la prévention, comme cela vient d’être annoncé dans le programme que Mme la Ministre d’État, Ministre de l'Éducation nationale a présenté. Enfin, nous devons rassurer les victimes : si les actes qui les ont traumatisées sont prescrits, elles ne sont pas sans droits. Nous allons ainsi approfondir la question de la procédure civile, qui peut permettre de répondre aux traumatismes des victimes. ».

    Cette réponse avait aussi pour but d'avertir que si on cherchait le Premier Ministre, on pourrait le trouver, qu'il rendrait la monnaie de toute attaque contre lui. Les socialistes en ont eu, ce mardi, la très amère expérience.
     

     
     


    Un peu plus tard, une seconde question sur le même sujet a été posée par le député insoumis Paul Vannier, le spécialiste de la désinformation sur cette affaire. Il aurait mieux fait de se taire car sa collègue socialiste avait déjà posé les mêmes questions.

    François Bayrou a laissé e Ministre de la Justice Gérald Darmanin lui répondre : « Le Premier Ministre, il me semble, a répondu à toutes vos questions lorsqu’il a répondu à votre collègue Capdevielle. Je voudrais, comme vous, avoir une pensée pour toutes les victimes qui attendent que justice soit faite. À la demande de monsieur le Premier Ministre, nous avons sollicité le parquet général et le procureur de la République de Pau afin qu’ils nous adressent les demandes de renfort qu’ils jugent nécessaires pour traiter les très nombreuses plaintes, plus d’une centaine, qui ont déjà été déposées. Quatre-vingt-dix auditions ont déjà eu lieu. Comme l’a rappelé monsieur le Premier Ministre, c’est en 2013 que le gouvernement, par le législateur, a modifié les modalités d’intervention de la chancellerie dans ces affaires particulières. Avant cette date, à chaque moment important de cette affaire, entre 1998 et 2000, des échanges ont eu lieu entre le procureur de la République et le procureur général, entre le procureur général et la Chancellerie. Si vous cherchez à établir des responsabilités, ne cherchez pas du côté de ceux qui n’étaient pas au pouvoir à l’époque. Posez plutôt vos questions à ceux qui y étaient, dans le cadre de la législation et des règles de la République. Monsieur le Premier Ministre vous a répondu et ses explications étaient très claires. Ce n’est pas à nous de répondre à propos des relations entre le pouvoir politique et le procureur général de ce temps-là. ».

    Réponse inutile puisque Paul Vannier, qui lui restait encore un peu de temps de parole, a fini par une logorrhée pas très réjouissante, tellement excessive et insignifiante qu'il s'est auto-discrédité en direct : « Vos mensonges, relayés par une partie du gouvernement, ont transformé l’une des plus graves affaires pédocriminelles qu’a connue notre pays en un mensonge d’État, en une affaire d’État. Monsieur le Premier Ministre, en mentant à la représentation nationale, aux victimes et aux Français, vous vous êtes disqualifié. Un menteur ne peut pas gouverner la France : démissionnez ! ». Cela aurait plus judicieux pour lui de penser un peu aux victimes, tout de même ! Heureusement que le Premier Ministre a pris le temps de les rencontrer et de les écouter, ce qui n'est pas le cas de tous ces révolutionnaires en peau de lapin.


    On peut espérer que l'attaque est close et que le gouvernement pourra concentrer ses efforts sur les sujets qui préoccupent les Français au lieu de répondre à des attaques manipulatoires de politique politicienne. Il y en a qui pensent à l'intérêt du pays, et d'autres qui ne voient que le nombre de clics sur leur vidéo du jour. Le futur sera très sévère avec cette période.


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    Sylvain Rakotoarison (18 février 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    La vérité nous rendra libres.
    Abus sexuels : l’Église reconnaît sa responsabilité institutionnelle.
    Legs et indécence.
    Secret de la confession et lois de la République.
    Abus sexuels dans l’Église : honte, effroi et pardon !
    Rapport de Jean-Marc Sauvé remis le 5 octobre 2021 sur la pédocriminalité dans l’Église (à télécharger).
    Présentation du rapport Sauvé le 5 octobre 2021 (vidéo).
    Discours du pape François le 24 février 2019 au Vatican (texte intégral).
    La protection des mineurs dans l’Église.
    Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
    Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
    La faute de Mgr Jacques Gaillot.
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Mgr Barbarin : le vent du boulet.
    Pédophilie dans l’Église catholique : la décision lourde de Lourdes.
    Mgr Barbarin : une condamnation qui remet les pendules à l’heure.
    Pédophilie dans l’Église : le pape François pour la tolérance zéro.
    Le pape François demande pardon pour les abus sexuels dans l’Église.
    Le pape François en lutte contre la culture de l’étiquette et de la médisance.

     

     

     
     





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  • Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?

    « Mes premières pensées vont aux garçons qui ont été en souffrance dans ce type d’affaires, et à eux, j’adresse ma sympathie, mais pas à ceux qui exploitent leur souffrance. » (François Bayrou, le 11 février 2025 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Il y a des personnes mal intentionnées (c'est un euphémisme !), pour des motivations diverses (l'une par messianisme anti-système, l'autre par stratégie de chaos), qui profitent de la détresse de victimes d'un véritable scandale pour faire de la polémique à trois balles. La cible, c'est le Premier Ministre François Bayrou et c'est assez stupide d'obliger le chef du gouvernement de se défendre alors que ce seraient les victimes à défendre et protéger.

    J'ai tout de suite compris le niveau de puanteur quand j'ai lu le (premier ?) tweet de Paul Vannier le 5 février 2025. Qui est Paul Vannier ? Non, c'est n'est pas le sculpteur d'une statue à Paris, mais simplement un député insoumis élu du Val-d'Oise depuis 2022 avec son cortège de détritus.

    Il faut regarder la date de ce tweet, le 5 février 2025, c'est-à-dire quand les insoumis étaient certains que les socialistes ne voteraient pas leur motion de censure examinée le jour même contre le gouvernement Bayrou. Alors, après les échecs répétés de leurs motions de censure, l'échec de leur tentative de destitution du Président de la République, les insoumis cherchent d'autres moyens : salir de manière odieuse et indigne le Premier Ministre. En faisant quoi ? En laissant dire qu'il serait mouillé dans une affaire de pédocriminalité. C'est dégueulasse !

    Du reste, pourquoi cette "affaire" sortirait-elle seulement en février 2025 alors qu'elle était déjà connue à cause des plaintes de mars 2024, et même en 1998, pour les premières plaintes. Les députés insoumis et les journalistes guidés par je ne sais quel messianisme se sont réveillés juste la veille d'une des motions de censure des insoumis que ceux-ci savaient perdues d'avance. Comme c'est étrange.


    Ce procédé odieux n'est pas nouveau, car le maire de Toulouse Dominique Baudis avait lui-même été accusé à tort dans une sordide affaire de viol et prostitution, à l'époque avec un écho retentissant dans le journal local, "La Dépêche du midi", dont le propriétaire est la famille Baylet connue pour être les rivaux politiques de Dominique Baudis en Haute-Garonne.

    Que dit le tweet de Paul Vannier ? C'est une vidéo en fait, et le député, à grands moulinets, a dit notamment ceci : « C'est probablement la plus grave affaire de pédophilie que notre pays ait connue et tout indique que le Premier Ministre François Bayrou savait et a couvert. ». Que reproche-t-on à François Bayrou ? D'avoir été complice des pédocriminels d'un établissement scolaire catholique, rien que cela ! Avec des mots comme "probablement" et "tout indique" qui montrent le sérieux et la rigueur des accusations.

     

     
     


    D'ailleurs, beaucoup d'internautes n'étaient pas dupes si l'on en croit les réponses à ce tweet. L'un : « Les hyènes ont trouvé un os à ronger ! ». Un autre : « Et pendant tout ce temps, vous n'avez rien dit ? ». Un troisième : « C'est qui, Paul Vannier ? Il sert à quoi, ce type qui ne cherche que la polémique ? À dégager dès que possible ! ». Un quatrième : « Quand on a rien à béqueter, on fait les poubelles. ». Un cinquième : « Les faits remontent à 1970, Paul Vannier, et ont été dénoncés depuis longtemps ! Qu'est-ce qui vous prend aujourd'hui ? Vous avez l'indignation vachement tardive ! Hier, c'était pas grave ? Vous êtes décidément à vomir ! ». Un autre : « Qu'as-tu dit sur le procès de la pédocriminalité à Angers de 1999 à 2002 ? Pourtant, en 2003, tu étais encore honnête, juste avant ta conversion à la secte d'extrême gauche de Raëlenchon. 62 personnes condamnées pour abus sexuels sur 45 enfants de 6 mois à 12 ans. Ça t'a choqué ? ». Un septième, perspicace, qui a bien compris : « Faire le buzz sans preuves, pour affaiblir un gouvernement le jour d'une motion de censure ; et le faire au nom d'un parti comprenant parmi ses députés plusieurs mis en examen pour des faits réels et non fantasmés ; vous touchez vraiment le fond. ».

    Comme celui-ci : « À quoi fait référence le député Vannier de LFI ? Réponse : à une affaire relayée notamment par BFM RMC en date du 23 avril 2024 (ça ne vient pas de sortir). (…) Pourquoi presque un an plus tard se saisit-il de ce dossier ? Réponse : Ils ont perdu la législative de l'Isère, ils n'ont pas eu la mairie de Villeneuve-Saint-Georges, ils savent que la motion de censure ne va pas passer, ils commencent à voir que la Palestine va devenir un non-sujet depuis l'élection de Trump, donc, il leur faut impérativement trouver de nouvelles cartouches. (…) Peu leur importe les violences qui ont pu exister et les potentielles victimes, peu leur importe d'intervenir dans une affaire en cours d'instruction. ». Encore un autre : « T'as que ça pour taper sur E. Macron et l'école privé ? T'es tombé bien bas. Et comme par hasard, mais vraiment par hasard, le jour d'une motion de censure... Prends-nous pour des lapins de six semaines. ».

    Il y a quand même, parmi les réponses, aussi quelques tweets de soutien, dont un n'hésitait pas à démolir le Premier Ministre ainsi : « L'Affaire pédocriminelle de l'école catholique Bétharram illustre la cruauté de Bayrou. Une carrière bâtie sur la banalisation de la violence des enfants. ». La "cruauté de Bayrou", rien que cela. J'ai été rassuré en regardant d'où ça venait : « Co-animateur insoumis » ! Je comprends mieux : il y a des personnes qui sont payées à mettre ce genre de tweet matin midi et soir. Les réponses précédentes, en revanche, je doute qu'elles aient été monnayées. Même si certaines ont rappelé un titre du journal "Le Figaro" du 2 octobre 2024, qui n'a pas l'air d'émouvoir le député FI : « Viols avec torture d'une fillette handicapée à Nantes : le suspect est un ancien candidat LFI » (une enfant de 4 ans).


    Mais revenons au fond. Il y a effectivement un véritable scandale dans l'institution Notre-Dame de Bétharram, un collège et lycée qui fait aussi pensionnat et qui a accueilli jusqu'à 600 enfants par an. Plus d'une centaine de plaintes ont été déposées en 2024 pour des faits remontant de 1957 à 2010, les victimes ont été des enfants âgés de 8 à 13 ans, victimes de 26 adultes, enseignants, prêtres ou surveillants, de violences sexuelles voire et de viols. Ce scandale est grave, mais faut-il y mettre un superlatif ? Toujours est-il que pour l'instant, la justice a été saisie et que l'instruction suit son cours, et c'est très bien. Mais de quoi est donc accusé François Bayrou ?

    Alors, reprenons le fil. On accuse François Bayrou simplement d'être né dans la commune voisine de celle où se trouve l'établissement scolaire en question. Bordières est, en effet, tout à côté de Lestelle-Bétharram. Alors, François Bayrou aurait dû savoir ce qui s'est passé dans cet établissement parce qu'il a été un élu du coin, aussi un parent d'élève de cet établissement, puisqu'au moins un de ses enfants, peut-être plus, ont été scolarisés dans ce collège. De plus, c'est un établissement privé, catholique, sous contrat (ce qui signifie qu'il respecte scrupuleusement les programmes de l'Éducation nationale).


    On dit ainsi parfois n'importe quoi, en mélangeant tout. Je vais donc reprendre les mandats de François Bayrou, pour que ce soit clair : il a été élu conseiller général des Pyrénées-Atlantiques, sur le canton de Pau-Sud (qui n'inclut pas Lestelle-Bétharram), de mars 1982 à mars 2008, et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques de mars 1992 à mars 2001. Il a été élu député des Pyrénées-Atlantiques de mars 1986 à juin 2012 (où il a été battu), sauf lorsqu'il a été ministre (1993 à 1997) et député européen (1999 à 2002). Entre 1986 et 1988, il n'avait pas de circonscription puisqu'il a été élu à la proportionnelle départementale, mais ensuite, sa circonscription est la deuxième du département et inclut à la fois son canton de Pau-Sud et Lestelle-Bétharram. Il a été élu maire de Pau, mais seulement depuis mars 2014 (c'est très loin des années 1990). Enfin, il a été Ministre de l'Éducation nationale de mars 1993 à juin 1997, puis un mois Ministre de la Justice de mai à juin 2017, et enfin Premier Ministre depuis décembre 2024.

    Les peu-glorieux qui attaquent François Bayrou sur ce scandale multiplient les amalgames et les confusions entre les dates et les faits. Car leur but, c'est de mettre en faute le Premier Ministre, et le premier moyen, c'est de le faire mentir.

    Mais arrêtons-nous sur une série de tweets bien vus du dessinateur Xavier Gorce qui sait aussi bien écrire que dessiner. Il a donné le mode d'emploi de Mediapart : « L'affaire Bayrou ressemble point pour point aux affaires précédentes, orchestrées exactement selon la même stratégie : Mediapart révèle partiellement, le mis en cause réfute en mentant en partie, par légèreté ou surplomb. Et là, le piège se referme, exploité politiquement. ».

    Il a précisé le comment : « Mediapart cible ses attaques sur un maillon faible de l'État : ils ont des dossiers (minces) sur chaque acteur politique et attendent qu'il "monte" à un poste stratégique de pouvoir. Alors, ils sortent les éléments pour ferrer le poisson en flagrant délit de mensonge. ». Le pourquoi : « Le poisson, ils s'en foutent (Edwy s'en fout). La cible, c'est le "système". Voilà ce qu'est l'éthique et la conception du journalisme de Mediapart : un job d'officine idéologique et politique d'agit' prop. ».
     

     
     


    L'offensive réelle, après un bas-bruit d'une semaine, c'était la séance des questions au gouvernement du mardi 11 février 2025 à l'Assemblée. Le même Paul Vannier était tout fier de poser sa question vache (il l'a retransmise sur Twitter) : « Père d’élèves scolarisés dans l’établissement, époux d’une professeure de Bétharram, président du conseil départemental, vingt ans député de la circonscription, ancien ministre de l’éducation nationale, saisi à de multiples reprises de ces violences, vous avez toujours affirmé n’avoir rien su, rien vu, rien entendu. (…) Et alors que vos fonctions successives vous permettaient de protéger ces enfants, vous avez choisi l’omerta pendant trente ans ! (…) Voulez-vous l’impunité de cet établissement financé sur fonds publics s? Les anciens élèves de Notre-Dame de Bétharram, que vous avez jusqu’ici choisi d’ignorer, les millions de victimes d’abus sexuels et tous les parents d’élèves de France attendent votre réponse. ».

    En clair, Super-Bayrou aurait dû venir en aide aux millions de victimes de Notre-Dame de Bétharram. Elles sont plutôt au nombre d'un peu plus d'une centaine, et c'est déjà beaucoup trop. Il y a plein d'allusions. Par exemple, "financé sur fonds publics" est vrai et faux : les enseignants sont payés par l'État parce qu'ils enseignent selon la volonté de l'État, mais les bâtiments sont sur fonds privés. De plus, les scandales de pédocriminalité, s'ils ont touché beaucoup d'établissements scolaires catholiques (c'est l'Église elle-même qui a fait l'état des lieux récemment), ils ont aussi touché des établissements scolaires publics et aussi des établissements sportifs, en fait, hélas, tout endroit où des adultes s'occupent d'enfants. Il y a aussi une critique en évoquant l'épouse de François Bayrou, Élisabeth qui a fait du catéchisme dans cet établissement, le plus près de leur résidence principale.

    On a reproché aussi à son épouse d'avoir assisté à l'enterrement d'un prêtre qui s'est avéré être un prédateur sexuel sur les élèves. Comment pouvait-elle savoir ce qu'il se passait s'il y avait le silence sur ces faits ? À ce compte-là, il faudrait aussi traiter maintenant comme de dangereux criminels tous ceux qui ont assisté aux obsèques de l'abbé Pierre.

    Chacun a le droit de présenter les faits tant qu'il ne tort pas la vérité. Or, ici, il l'a tordue parce qu'il ne comptait que sur la confusion. François Bayrou a répondu simplement et fermement : « J’affirme que je n’ai évidemment jamais, au grand jamais, été informé de quoi que ce soit en matière de violences, a fortiori de violences sexuelles, et j’ai deux preuves à l’appui de mon affirmation. La première, c’est que j’avais déjà quitté le Ministère de l’Éducation nationale depuis des mois, c’est-à-dire en mai 1997, quand les premières plaintes ont été déposées en décembre 1997, puis en 1998. L’autre preuve devrait faire consensus : croyez-vous que nous aurions scolarisé nos enfants dans un établissement dont il aurait été dit qu’il s’y passe des choses de cet ordre ? Je peux vous assurer que tout est faux. Une plainte en diffamation sera évidemment déposée. ».


    Le procureur Mediapart, qui est comme un chien qui ne lâche plus sa proie, a fait un titre particulièrement scandaleux : « De nouvelles archives de l'affaire en 1996 prouvent l'implication de François Bayrou » ! Rien que ça, "l'implication" de François Bayrou ! Parlons-en de 1996. Il y a eu une affaire une plainte en avril 1996 sur un enfant qui a reçu une gifle assez forte (tympan brisé) qui a dû se produire l'année précédente. François Bayrou était Ministre de l'Éducation nationale et comme il est le chef de cette administration, il a demandé à ce qu'il y ait une enquête de l'inspection.
     

     
     


    Invité de "Questions politiques" le dimanche 16 février 2025 sur France Inter, le Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, par ailleurs vice-président du MoDem, a expliqué : « Lorsque François Bayrou était Ministre de l'Éducation nationale, il y a effectivement eu une gifle qui a été signalée en 1996. Ce qui a conduit à ce qu'un rapport de l'inspection soit rédigé qui dit très clairement, je l'ai lu, qui dit très clairement : "Notre-Dame de Bétharram n'est pas un établissement dans lequel les élèves sont brutalisés". ». C'était probablement un tort, mais c'est le rapport d'inspection qui a conclu cela, pas François Bayrou qui, au contraire, a voulu mettre toute la lumière sur ce signalement.

    Quant aux sévices sexuels et viols, les premiers signalements n'ont été faits qu'à la fin de l'année 1997 et 1998. François Bayrou n'était plus ministre. C'était Claude Allègre qui était aux commandes dans le gouvernement de Lionel Jospin et ce qui a été fait ou pas fait ne peut donc pas être reproché à l'actuel Premier Ministre. C'est ce que dit maintenant l'avocat de la première victime de viol qui a déposé plainte en 1998 : « S'il s'agit de dire qu'il avait connaissance du dossier judiciaire, je comprends qu'il n'en connaissait rien puisqu'il n'avait rien à en connaître. Sinon, on aurait évidemment dénoncé une pression du politique sur le judiciaire. En 1998, François Bayrou n'est plus Ministre de l'Éducation nationale, c'est Claude Allègre, c'est un socialiste. Alors, entendre aujourd'hui la gauche vitupérer sur le silence ou l'inaction du Ministère de l'Éducation nationale, c'est franchement hypocrite. ».

    Mediapart a reproduit une lettre recommandée avec accusé réception signé de François Bayrou pour indiquer qu'il savait ! Mais ce courrier date d'avril 2024, d'il n'y a meme pas un an ! Quand François Bayrou dit qu'il ne savait pas, c'était à l'époque, dans les années 1990. Et d'ailleurs, qu'aurait-il fait s'il avait su ? D'abord, retirer son ou ses enfants de cet établissement. Cela aurait été la première chose à faire. Il ne l'a pas fait.


    Ce n'est pas parce que Mediapart a publié des photos du jeune député Bayrou accompagnant Michèle Alliot-Marie, autre élue du coin, en visite dans cet établissement, que ce serait choquant. Les élus visitent généralement beaucoup d'établissements scolaires au cours de leur mandat, et sont même parfois membres du conseil d'administration de l'établissement. C'est donc toujours facile de prendre un établissement où il y a eu ce genre d'affaire et de retrouver des photos d'élus le visitant auparavant. Sans rien connaître du scandale.

    Le député Paul Vannier a persévéré puisque le lendemain, le mercredi 12 février 2025, avant l'examen de la motion de censure de son clan politique, en opération commandée, il a récidivé avec une nouvelle question au gouvernement sur le même sujet, insultant François Bayrou d'être un menteur : « Monsieur le Premier Ministre, vous avez menti aux députés pour dissimuler que vous aviez connaissance de violences sur enfants, violences que vos responsabilités passées vous imposaient de dénoncer. Le mensonge d’un ministre devant la représentation nationale, a fortiori du premier d’entre eux, est d’une immense gravité. Que votre mensonge porte sur une affaire pédocriminelle ajoute à l’inacceptable. Allez-vous en assumer toutes les conséquences et présenter votre démission ? ».

    François Bayrou a laissé son Ministre de la Justice, Gérald Darmanin, répondre à sa place et il l'a fait avec précision en rappelant l'essentiel : « Je veux d’abord, en mon nom et au nom du gouvernement, avoir une pensée pour tous ces enfants, quel que soit leur âge, qui, en tant que victimes, méritent mieux que des jeux politiciens. Si nous nous rejoignons tous dans la lutte contre la pédophilie et les violences insupportables faites à nos enfants, je regrette que certains utilisent honteusement ces faits pour régler des comptes politiques. (…) Je rappellerai simplement pour ma part que la lutte contre les violences faites aux enfants est, ainsi que je l’ai moi-même souligné dans la circulaire de politique pénale que j’ai adressée au procureur de la République, une priorité de ce gouvernement, sous l’autorité de M. le Premier Ministre, qui définit la politique pénale. Quant à vous, je vous encourage à rester digne devant la détresse et la violence des cas que vous évoquez. ».

    Paul Vannier s'est permis de rétorquer, puisqu'il avait encore quelques secondes de temps de parole (cela fera des vidéos sur son compte Twitter dont il est si fier), et, non content de réclamer la démission de François Bayrou, il a aussi réclamé la démission du Président Emmanuel Macron : « Monsieur le Premier Ministre, votre silence indique que l’omerta règne au sommet de l’État ! Il engage directement le Président de la République, seul responsable de votre maintien à Matignon. Il donne aux députés une immense responsabilité au moment de voter ou de ne pas voter la censure de votre gouvernement. ». L'excessif est insignifiant... surtout quand ce n'est pas fin et qu'on le voit venir de très loin avec ses gros sabots !

    Opération concertée par les censeurs de l'après-midi, car à la même séance du 12 février 2025, le député écologiste Arnaud Bonnet s'y est mis aussi, en mélangeant tout, comme ceci : « Vous avez été Ministre de l’Éducation nationale, président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, et maire de Pau ; vous disposiez de tous les leviers pour protéger ces enfants et vous auriez choisi de ne pas le faire. ». Le seul levier, on vient de le voir, c'était le ministère, et il n'était plus ministre quand les premières plaintes pour viols et agressions sexuelles ont été déposées. De plus, il n'était pas maire de Pau en même temps que Ministre de l'Éducation nationale ou que président du conseil général. Tout cela est un foutoir de confusion servant simplement à salir à tort une personnalité. Et de poser sa question : « Monsieur le Premier Ministre, vous nous devez des réponses claires. Si vous avez volontairement gardé le silence sur ces agissements, alors vous devrez démissionner. ». Ces gauchistes voudraient une commission d'enquête sur ce que savait ou pas François Bayrou. En revanche, ils se moquent de savoir combien il y a de victimes, combien d'adultes sont-ils (réellement) impliqués, pendant quelle période. S'il y avait une commission d'enquête parlementaire à former, ce serait évidemment sur le scandale de Notre-Dame de Bétharram, où subsistent encore des zones d'ombre. Mais il y a déjà une instruction judiciaire en cours.


    La réponse de François Bayrou est restée factuelle : « Dès lors que ce serait au service de la polémique, on serait autorisé à tout dire et à défendre n’importe quel argument. Je l’ai dit hier, mais à l’époque des faits, je n’ai jamais été averti des agissements qui ont donné lieu aux signalements et aux plaintes. La lettre à laquelle vous faites allusion date d’avril 2024, alors que les faits en question remontent aux années 1990. J’affirme que je n’ai pas eu la moindre information, sinon, comme je l’ai déjà dit, croyez-vous vraiment que nous aurions scolarisé nos enfants dans un établissement sur lequel pesaient de tels soupçons ? Je récuse les polémiques artificielles sur ce sujet. ».

     

     
     


    François Bayrou a finalement réagi de la meilleure manière. Répondre et répondre serait inutile, un peu comme les polémiques dans les réseaux sociaux avec des trolls. Les uns ont tout leur temps pour faire cela, puisqu'ils se moquent de l'intérêt des Français et en particulier des victimes bien réelles de Notre-Dame de Bétharram, et le Premier Ministre, en revanche, ne peut pas passer son temps à polémiquer sur les réseaux sociaux ou dans les chaînes d'information continue parce qu'il a un État à gérer et à réformer.

    Il a donc fait la seule chose qu'il fallait faire et il l'a fait ce samedi 15 février 2025 à la mairie de Pau. Il a fait venir les victimes pour les écouter pendant trois heures. On peut lui reprocher d'avoir attendu quelques jours, mais ceux qui le lui reprochent lui ont aussi collé cinq motions de censure en deux semaines et auraient été les premiers mécontents si le Premier Ministre s'était absenté pour aller à Pau. Il a attendu donc le week-end pour aller à la rencontre des victimes de Notre-Dame de Bétharram, leur apporter tout son soutien et leur assurer que le gouvernement ferait tout ce qu'il a en son pouvoir pour les défendre (par exemple, renforcer le parquet de Pau pour instruire rapidement les 112 dépôts de plaintes).

    Ces témoignages ont manifestement secoué le Premier Ministre : « C'était bouleversant, purement et simplement l'expression de la vérité de vie, dont toutes ont été atteintes, dont certaines sans doute ont été brisées par des actes de violences intolérables, et hélas d'agressions sexuelles abominables. c'est une expérience à laquelle je veux apporter mon soutien, et prendre des décisions qui vont dans ce sens. ». Et toujours devant les victimes : « Est-ce qu'on aurait dû s'en apercevoir à l'époque ? À coup sûr. J'ai dit que je ne savais pas. Je savais pour cette plainte qui avait été posée pour une claque. J'ai demandé une inspection, et je ne savais pas ce qu'il s'était passé. ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (16 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Paul Vannier.
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    La vérité nous rendra libres.
    Abus sexuels : l’Église reconnaît sa responsabilité institutionnelle.
    Legs et indécence.
    Secret de la confession et lois de la République.
    Abus sexuels dans l’Église : honte, effroi et pardon !
    Rapport de Jean-Marc Sauvé remis le 5 octobre 2021 sur la pédocriminalité dans l’Église (à télécharger).
    Présentation du rapport Sauvé le 5 octobre 2021 (vidéo).
    Discours du pape François le 24 février 2019 au Vatican (texte intégral).
    La protection des mineurs dans l’Église.
    Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
    Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
    La faute de Mgr Jacques Gaillot.
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Mgr Barbarin : le vent du boulet.
    Pédophilie dans l’Église catholique : la décision lourde de Lourdes.
    Mgr Barbarin : une condamnation qui remet les pendules à l’heure.
    Pédophilie dans l’Église : le pape François pour la tolérance zéro.
    Le pape François demande pardon pour les abus sexuels dans l’Église.
    Le pape François en lutte contre la culture de l’étiquette et de la médisance.

     



     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250215-betharram.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/betharram-francois-bayrou-coupable-259332

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/15/article-sr-20250215-betharram.html


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  • La croisade nauséabonde de Paul Vannier

    « Mes premières pensées vont aux garçons qui ont été en souffrance dans ce type d’affaires, et à eux, j’adresse ma sympathie, mais pas à ceux qui exploitent leur souffrance. » (François Bayrou, le 11 février 2025 dans l'hémicycle).



     

     
     

    Il y a des personnes mal intentionnées (c'est un euphémisme !), pour des motivations diverses (l'une par messianisme anti-système, l'autre par stratégie de chaos), qui profitent de la détresse de victimes d'un véritable scandale pour faire de la polémique à trois balles. La cible, c'est le Premier Ministre François Bayrou et c'est assez stupide d'obliger le chef du gouvernement de se défendre alors que ce seraient les victimes à défendre et protéger.

    J'ai tout de suite compris le niveau de puanteur quand j'ai lu le (premier ?) tweet de Paul Vannier le 5 février 2025. Qui est Paul Vannier ? Non, c'est n'est pas le sculpteur d'une statue à Paris, mais simplement un député insoumis élu du Val-d'Oise depuis 2022 avec son cortège de détritus.

    Il faut regarder la date de ce tweet, le 5 février 2025, c'est-à-dire quand les insoumis étaient certains que les socialistes ne voteraient pas leur motion de censure examinée le jour même contre le gouvernement Bayrou. Alors, après les échecs répétés de leurs motions de censure, l'échec de leur tentative de destitution du Président de la République, les insoumis cherchent d'autres moyens : salir de manière odieuse et indigne le Premier Ministre. En faisant quoi ? En laissant dire qu'il serait mouillé dans une affaire de pédocriminalité. C'est dégueulasse !

    Du reste, pourquoi cette "affaire" sortirait-elle seulement en février 2025 alors qu'elle était déjà connue à cause des plaintes de mars 2024, et même en 1998, pour les premières plaintes. Les députés insoumis et les journalistes guidés par je ne sais quel messianisme se sont réveillés juste la veille d'une des motions de censure des insoumis que ceux-ci savaient perdues d'avance. Comme c'est étrange.


    Ce procédé odieux n'est pas nouveau, car le maire de Toulouse Dominique Baudis avait lui-même été accusé à tort dans une sordide affaire de viol et prostitution, à l'époque avec un écho retentissant dans le journal local, "La Dépêche du midi", dont le propriétaire est la famille Baylet connue pour être les rivaux politiques de Dominique Baudis en Haute-Garonne.

    Que dit le tweet de Paul Vannier ? C'est une vidéo en fait, et le député, à grands moulinets, a dit notamment ceci : « C'est probablement la plus grave affaire de pédophilie que notre pays ait connue et tout indique que le Premier Ministre François Bayrou savait et a couvert. ». Que reproche-t-on à François Bayrou ? D'avoir été complice des pédocriminels d'un établissement scolaire catholique, rien que cela ! Avec des mots comme "probablement" et "tout indique" qui montrent le sérieux et la rigueur des accusations.

     
     


    D'ailleurs, beaucoup d'internautes n'étaient pas dupes si l'on en croit les réponses à ce tweet. L'un : « Les hyènes ont trouvé un os à ronger ! ». Un autre : « Et pendant tout ce temps, vous n'avez rien dit ? ». Un troisième : « C'est qui, Paul Vannier ? Il sert à quoi, ce type qui ne cherche que la polémique ? À dégager dès que possible ! ». Un quatrième : « Quand on a rien à béqueter, on fait les poubelles. ». Un cinquième : « Les faits remontent à 1970, Paul Vannier, et ont été dénoncés depuis longtemps ! Qu'est-ce qui vous prend aujourd'hui ? Vous avez l'indignation vachement tardive ! Hier, c'était pas grave ? Vous êtes décidément à vomir ! ». Un autre : « Qu'as-tu dit sur le procès de la pédocriminalité à Angers de 1999 à 2002 ? Pourtant, en 2003, tu étais encore honnête, juste avant ta conversion à la secte d'extrême gauche de Raëlenchon. 62 personnes condamnées pour abus sexuels sur 45 enfants de 6 mois à 12 ans. Ça t'a choqué ? ». Un septième, perspicace, qui a bien compris : « Faire le buzz sans preuves, pour affaiblir un gouvernement le jour d'une motion de censure ; et le faire au nom d'un parti comprenant parmi ses députés plusieurs mis en examen pour des faits réels et non fantasmés ; vous touchez vraiment le fond. ».

    Comme celui-ci : « À quoi fait référence le député Vannier de LFI ? Réponse : à une affaire relayée notamment par BFM RMC en date du 23 avril 2024 (ça ne vient pas de sortir). (…) Pourquoi presque un an plus tard se saisit-il de ce dossier ? Réponse : Ils ont perdu la législative de l'Isère, ils n'ont pas eu la mairie de Villeneuve-Saint-Georges, ils savent que la motion de censure ne va pas passer, ils commencent à voir que la Palestine va devenir un non-sujet depuis l'élection de Trump, donc, il leur faut impérativement trouver de nouvelles cartouches. (…) Peu leur importe les violences qui ont pu exister et les potentielles victimes, peu leur importe d'intervenir dans une affaire en cours d'instruction. ». Encore un autre : « T'as que ça pour taper sur E. Macron et l'école privé ? T'es tombé bien bas. Et comme par hasard, mais vraiment par hasard, le jour d'une motion de censure... Prends-nous pour des lapins de six semaines. ».

    Il y a quand même, parmi les réponses, aussi quelques tweets de soutien, dont un n'hésitait pas à démolir le Premier Ministre ainsi : « L'Affaire pédocriminelle de l'école catholique Bétharram illustre la cruauté de Bayrou. Une carrière bâtie sur la banalisation de la violence des enfants. ». La "cruauté de Bayrou", rien que cela. J'ai été rassuré en regardant d'où ça venait : « Co-animateur insoumis » ! Je comprends mieux : il y a des personnes qui sont payées à mettre ce genre de tweet matin midi et soir. Les réponses précédentes, en revanche, je doute qu'elles aient été monnayées. Même si certaines ont rappelé un titre du journal "Le Figaro" du 2 octobre 2024, qui n'a pas l'air d'émouvoir le député FI : « Viols avec torture d'une fillette handicapée à Nantes : le suspect est un ancien candidat LFI » (une enfant de 4 ans).


    Mais revenons au fond. Il y a effectivement un véritable scandale dans l'institution Notre-Dame de Bétharram, un collège et lycée qui fait aussi pensionnat et qui a accueilli jusqu'à 600 enfants par an. Plus d'une centaine de plaintes ont été déposées en 2024 pour des faits remontant de 1957 à 2010, les victimes ont été des enfants âgés de 8 à 13 ans, victimes de 26 adultes, enseignants, prêtres ou surveillants, de violences sexuelles voire et de viols. Ce scandale est grave, mais faut-il y mettre un superlatif ? Toujours est-il que pour l'instant, la justice a été saisie et que l'instruction suit son cours, et c'est très bien. Mais de quoi est donc accusé François Bayrou ?

    Alors, reprenons le fil. On accuse François Bayrou simplement d'être né dans la commune voisine de celle où se trouve l'établissement scolaire en question. Bordières est, en effet, tout à côté de Lestelle-Bétharram. Alors, François Bayrou aurait dû savoir ce qui s'est passé dans cet établissement parce qu'il a été un élu du coin, aussi un parent d'élève de cet établissement, puisqu'au moins un de ses enfants, peut-être plus, ont été scolarisés dans ce collège. De plus, c'est un établissement privé, catholique, sous contrat (ce qui signifie qu'il respecte scrupuleusement les programmes de l'Éducation nationale).


    On dit ainsi parfois n'importe quoi, en mélangeant tout. Je vais donc reprendre les mandats de François Bayrou, pour que ce soit clair : il a été élu conseiller général des Pyrénées-Atlantiques, sur le canton de Pau-Sud (qui n'inclut pas Lestelle-Bétharram), de mars 1982 à mars 2008, et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques de mars 1992 à mars 2001. Il a été élu député des Pyrénées-Atlantiques de mars 1986 à juin 2012 (où il a été battu), sauf lorsqu'il a été ministre (1993 à 1997) et député européen (1999 à 2002). Entre 1986 et 1988, il n'avait pas de circonscription puisqu'il a été élu à la proportionnelle départementale, mais ensuite, sa circonscription est la deuxième du département et inclut à la fois son canton de Pau-Sud et Lestelle-Bétharram. Il a été élu maire de Pau, mais seulement depuis mars 2014 (c'est très loin des années 1990). Enfin, il a été Ministre de l'Éducation nationale de mars 1993 à juin 1997, puis un mois Ministre de la Justice de mai à juin 2017, et enfin Premier Ministre depuis décembre 2024.

    Les peu-glorieux qui attaquent François Bayrou sur ce scandale multiplient les amalgames et les confusions entre les dates et les faits. Car leur but, c'est de mettre en faute le Premier Ministre, et le premier moyen, c'est de le faire mentir.

    Mais arrêtons-nous sur une série de tweets bien vus du dessinateur Xavier Gorce qui sait aussi bien écrire que dessiner. Il a donné le mode d'emploi de Mediapart : « L'affaire Bayrou ressemble point pour point aux affaires précédentes, orchestrées exactement selon la même stratégie : Mediapart révèle partiellement, le mis en cause réfute en mentant en partie, par légèreté ou surplomb. Et là, le piège se referme, exploité politiquement. ».

    Il a précisé le comment : « Mediapart cible ses attaques sur un maillon faible de l'État : ils ont des dossiers (minces) sur chaque acteur politique et attendent qu'il "monte" à un poste stratégique de pouvoir. Alors, ils sortent les éléments pour ferrer le poisson en flagrant délit de mensonge. ». Le pourquoi : « Le poisson, ils s'en foutent (Edwy s'en fout). La cible, c'est le "système". Voilà ce qu'est l'éthique et la conception du journalisme de Mediapart : un job d'officine idéologique et politique d'agit' prop. ».

     
     


    L'offensive réelle, après un bas-bruit d'une semaine, c'était la séance des questions au gouvernement du mardi 11 février 2025 à l'Assemblée. Le même Paul Vannier était tout fier de poser sa question vache (il l'a retransmise sur Twitter) : « Père d’élèves scolarisés dans l’établissement, époux d’une professeure de Bétharram, président du conseil départemental, vingt ans député de la circonscription, ancien ministre de l’éducation nationale, saisi à de multiples reprises de ces violences, vous avez toujours affirmé n’avoir rien su, rien vu, rien entendu. (…) Et alors que vos fonctions successives vous permettaient de protéger ces enfants, vous avez choisi l’omerta pendant trente ans ! (…) Voulez-vous l’impunité de cet établissement financé sur fonds publics s? Les anciens élèves de Notre-Dame de Bétharram, que vous avez jusqu’ici choisi d’ignorer, les millions de victimes d’abus sexuels et tous les parents d’élèves de France attendent votre réponse. ».

    En clair, Super-Bayrou aurait dû venir en aide aux millions de victimes de Notre-Dame de Bétharram. Elles sont plutôt au nombre d'un peu plus d'une centaine, et c'est déjà beaucoup trop. Il y a plein d'allusions. Par exemple, "financé sur fonds publics" est vrai et faux : les enseignants sont payés par l'État parce qu'ils enseignent selon la volonté de l'État, mais les bâtiments sont sur fonds privés. De plus, les scandales de pédocriminalité, s'ils ont touché beaucoup d'établissements scolaires catholiques (c'est l'Église elle-même qui a fait l'état des lieux récemment), ils ont aussi touché des établissements scolaires publics et aussi des établissements sportifs, en fait, hélas, tout endroit où des adultes s'occupent d'enfants. Il y a aussi une critique en évoquant l'épouse de François Bayrou, Élisabeth qui a fait du catéchisme dans cet établissement, le plus près de leur résidence principale.

    On a reproché aussi à son épouse d'avoir assisté à l'enterrement d'un prêtre qui s'est avéré être un prédateur sexuel sur les élèves. Comment pouvait-elle savoir ce qu'il se passait s'il y avait le silence sur ces faits ? À ce compte-là, il faudrait aussi traiter maintenant comme de dangereux criminels tous ceux qui ont assisté aux obsèques de l'abbé Pierre.

    Chacun a le droit de présenter les faits tant qu'il ne tort pas la vérité. Or, ici, il l'a tordue parce qu'il ne comptait que sur la confusion. François Bayrou a répondu simplement et fermement : « J’affirme que je n’ai évidemment jamais, au grand jamais, été informé de quoi que ce soit en matière de violences, a fortiori de violences sexuelles, et j’ai deux preuves à l’appui de mon affirmation. La première, c’est que j’avais déjà quitté le Ministère de l’Éducation nationale depuis des mois, c’est-à-dire en mai 1997, quand les premières plaintes ont été déposées en décembre 1997, puis en 1998. L’autre preuve devrait faire consensus : croyez-vous que nous aurions scolarisé nos enfants dans un établissement dont il aurait été dit qu’il s’y passe des choses de cet ordre ? Je peux vous assurer que tout est faux. Une plainte en diffamation sera évidemment déposée. ».


    Le procureur Mediapart, qui est comme un chien qui ne lâche plus sa proie, a fait un titre particulièrement scandaleux : « De nouvelles archives de l'affaire en 1996 prouvent l'implication de François Bayrou » ! Rien que ça, "l'implication" de François Bayrou ! Parlons-en de 1996. Il y a eu une affaire une plainte en avril 1996 sur un enfant qui a reçu une gifle assez forte (tympan brisé) qui a dû se produire l'année précédente. François Bayrou était Ministre de l'Éducation nationale et comme il est le chef de cette administration, il a demandé à ce qu'il y ait une enquête de l'inspection.
     

     
     


    Invité de "Questions politiques" le dimanche 16 février 2025 sur France Inter, le Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, par ailleurs vice-président du MoDem, a expliqué : « Lorsque François Bayrou était Ministre de l'Éducation nationale, il y a effectivement eu une gifle qui a été signalée en 1996. Ce qui a conduit à ce qu'un rapport de l'inspection soit rédigé qui dit très clairement, je l'ai lu, qui dit très clairement : "Notre-Dame de Bétharram n'est pas un établissement dans lequel les élèves sont brutalisés". ». C'était probablement un tort, mais c'est le rapport d'inspection qui a conclu cela, pas François Bayrou qui, au contraire, a voulu mettre toute la lumière sur ce signalement.

    Quant aux sévices sexuels et viols, les premiers signalements n'ont été faits qu'à la fin de l'année 1997 et 1998. François Bayrou n'était plus ministre. C'était Claude Allègre qui était aux commandes dans le gouvernement de Lionel Jospin et ce qui a été fait ou pas fait ne peut donc pas être reproché à l'actuel Premier Ministre. C'est ce que dit maintenant l'avocat de la première victime de viol qui a déposé plainte en 1998 : « S'il s'agit de dire qu'il avait connaissance du dossier judiciaire, je comprends qu'il n'en connaissait rien puisqu'il n'avait rien à en connaître. Sinon, on aurait évidemment dénoncé une pression du politique sur le judiciaire. En 1998, François Bayrou n'est plus Ministre de l'Éducation nationale, c'est Claude Allègre, c'est un socialiste. Alors, entendre aujourd'hui la gauche vitupérer sur le silence ou l'inaction du Ministère de l'Éducation nationale, c'est franchement hypocrite. ».

    Mediapart a reproduit une lettre recommandée avec accusé réception signé de François Bayrou pour indiquer qu'il savait ! Mais ce courrier date d'avril 2024, d'il n'y a meme pas un an ! Quand François Bayrou dit qu'il ne savait pas, c'était à l'époque, dans les années 1990. Et d'ailleurs, qu'aurait-il fait s'il avait su ? D'abord, retirer son ou ses enfants de cet établissement. Cela aurait été la première chose à faire. Il ne l'a pas fait.


    Ce n'est pas parce que Mediapart a publié des photos du jeune député Bayrou accompagnant Michèle Alliot-Marie, autre élue du coin, en visite dans cet établissement, que ce serait choquant. Les élus visitent généralement beaucoup d'établissements scolaires au cours de leur mandat, et sont même parfois membres du conseil d'administration de l'établissement. C'est donc toujours facile de prendre un établissement où il y a eu ce genre d'affaire et de retrouver des photos d'élus le visitant auparavant. Sans rien connaître du scandale.

    Le député Paul Vannier a persévéré puisque le lendemain, le mercredi 12 février 2025, avant l'examen de la motion de censure de son clan politique, en opération commandée, il a récidivé avec une nouvelle question au gouvernement sur le même sujet, insultant François Bayrou d'être un menteur : « Monsieur le Premier Ministre, vous avez menti aux députés pour dissimuler que vous aviez connaissance de violences sur enfants, violences que vos responsabilités passées vous imposaient de dénoncer. Le mensonge d’un ministre devant la représentation nationale, a fortiori du premier d’entre eux, est d’une immense gravité. Que votre mensonge porte sur une affaire pédocriminelle ajoute à l’inacceptable. Allez-vous en assumer toutes les conséquences et présenter votre démission ? ».

    François Bayrou a laissé son Ministre de la Justice, Gérald Darmanin, répondre à sa place et il l'a fait avec précision en rappelant l'essentiel : « Je veux d’abord, en mon nom et au nom du gouvernement, avoir une pensée pour tous ces enfants, quel que soit leur âge, qui, en tant que victimes, méritent mieux que des jeux politiciens. Si nous nous rejoignons tous dans la lutte contre la pédophilie et les violences insupportables faites à nos enfants, je regrette que certains utilisent honteusement ces faits pour régler des comptes politiques. (…) Je rappellerai simplement pour ma part que la lutte contre les violences faites aux enfants est, ainsi que je l’ai moi-même souligné dans la circulaire de politique pénale que j’ai adressée au procureur de la République, une priorité de ce gouvernement, sous l’autorité de M. le Premier Ministre, qui définit la politique pénale. Quant à vous, je vous encourage à rester digne devant la détresse et la violence des cas que vous évoquez. ».

    Paul Vannier s'est permis de rétorquer, puisqu'il avait encore quelques secondes de temps de parole (cela fera des vidéos sur son compte Twitter dont il est si fier), et, non content de réclamer la démission de François Bayrou, il a aussi réclamé la démission du Président Emmanuel Macron : « Monsieur le Premier Ministre, votre silence indique que l’omerta règne au sommet de l’État ! Il engage directement le Président de la République, seul responsable de votre maintien à Matignon. Il donne aux députés une immense responsabilité au moment de voter ou de ne pas voter la censure de votre gouvernement. ». L'excessif est insignifiant... surtout quand ce n'est pas fin et qu'on le voit venir de très loin avec ses gros sabots !

    Opération concertée par les censeurs de l'après-midi, car à la même séance du 12 février 2025, le député écologiste Arnaud Bonnet s'y est mis aussi, en mélangeant tout, comme ceci : « Vous avez été Ministre de l’Éducation nationale, président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, et maire de Pau ; vous disposiez de tous les leviers pour protéger ces enfants et vous auriez choisi de ne pas le faire. ». Le seul levier, on vient de le voir, c'était le ministère, et il n'était plus ministre quand les premières plaintes pour viols et agressions sexuelles ont été déposées. De plus, il n'était pas maire de Pau en même temps que Ministre de l'Éducation nationale ou que président du conseil général. Tout cela est un foutoir de confusion servant simplement à salir à tort une personnalité. Et de poser sa question : « Monsieur le Premier Ministre, vous nous devez des réponses claires. Si vous avez volontairement gardé le silence sur ces agissements, alors vous devrez démissionner. ». Ces gauchistes voudraient une commission d'enquête sur ce que savait ou pas François Bayrou. En revanche, ils se moquent de savoir combien il y a de victimes, combien d'adultes sont-ils (réellement) impliqués, pendant quelle période. S'il y avait une commission d'enquête parlementaire à former, ce serait évidemment sur le scandale de Notre-Dame de Bétharram, où subsistent encore des zones d'ombre. Mais il y a déjà une instruction judiciaire en cours.


    La réponse de François Bayrou est restée factuelle : « Dès lors que ce serait au service de la polémique, on serait autorisé à tout dire et à défendre n’importe quel argument. Je l’ai dit hier, mais à l’époque des faits, je n’ai jamais été averti des agissements qui ont donné lieu aux signalements et aux plaintes. La lettre à laquelle vous faites allusion date d’avril 2024, alors que les faits en question remontent aux années 1990. J’affirme que je n’ai pas eu la moindre information, sinon, comme je l’ai déjà dit, croyez-vous vraiment que nous aurions scolarisé nos enfants dans un établissement sur lequel pesaient de tels soupçons ? Je récuse les polémiques artificielles sur ce sujet. ».

     

     
     


    François Bayrou a finalement réagi de la meilleure manière. Répondre et répondre serait inutile, un peu comme les polémiques dans les réseaux sociaux avec des trolls. Les uns ont tout leur temps pour faire cela, puisqu'ils se moquent de l'intérêt des Français et en particulier des victimes bien réelles de Notre-Dame de Bétharram, et le Premier Ministre, en revanche, ne peut pas passer son temps à polémiquer sur les réseaux sociaux ou dans les chaînes d'information continue parce qu'il a un État à gérer et à réformer.

    Il a donc fait la seule chose qu'il fallait faire et il l'a fait ce samedi 15 février 2025 à la mairie de Pau. Il a fait venir les victimes pour les écouter pendant trois heures. On peut lui reprocher d'avoir attendu quelques jours, mais ceux qui le lui reprochent lui ont aussi collé cinq motions de censure en deux semaines et auraient été les premiers mécontents si le Premier Ministre s'était absenté pour aller à Pau. Il a attendu donc le week-end pour aller à la rencontre des victimes de Notre-Dame de Bétharram, leur apporter tout son soutien et leur assurer que le gouvernement ferait tout ce qu'il a en son pouvoir pour les défendre (par exemple, renforcer le parquet de Pau pour instruire rapidement les 112 dépôts de plaintes).

    Ces témoignages ont manifestement secoué le Premier Ministre : « C'était bouleversant, purement et simplement l'expression de la vérité de vie, dont toutes ont été atteintes, dont certaines sans doute ont été brisées par des actes de violences intolérables, et hélas d'agressions sexuelles abominables. c'est une expérience à laquelle je veux apporter mon soutien, et prendre des décisions qui vont dans ce sens. ». Et toujours devant les victimes : « Est-ce qu'on aurait dû s'en apercevoir à l'époque ? À coup sûr. J'ai dit que je ne savais pas. Je savais pour cette plainte qui avait été posée pour une claque. J'ai demandé une inspection, et je ne savais pas ce qu'il s'était passé. ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (16 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Paul Vannier.
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    La vérité nous rendra libres.
    Abus sexuels : l’Église reconnaît sa responsabilité institutionnelle.
    Legs et indécence.
    Secret de la confession et lois de la République.
    Abus sexuels dans l’Église : honte, effroi et pardon !
    Rapport de Jean-Marc Sauvé remis le 5 octobre 2021 sur la pédocriminalité dans l’Église (à télécharger).
    Présentation du rapport Sauvé le 5 octobre 2021 (vidéo).
    Discours du pape François le 24 février 2019 au Vatican (texte intégral).
    La protection des mineurs dans l’Église.
    Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
    Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
    La faute de Mgr Jacques Gaillot.
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Mgr Barbarin : le vent du boulet.
    Pédophilie dans l’Église catholique : la décision lourde de Lourdes.
    Mgr Barbarin : une condamnation qui remet les pendules à l’heure.
    Pédophilie dans l’Église : le pape François pour la tolérance zéro.
    Le pape François demande pardon pour les abus sexuels dans l’Église.
    Le pape François en lutte contre la culture de l’étiquette et de la médisance.

     



     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250205-paul-vannier.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/17/article-sr-20250205-paul-vannier.html


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  • Gisèle Pélicot, femme de l'année 2024 ?

    « Monsieur veut suivre ses passions ! C'est un déchaîné (…) ! Et la pire espèce de sale voyou ! On peut le retenir par nulle part ! Ni dignité ! Ni raison ! Ni amour-propre ! Ni gentillesse !... Rien !... L'homme qui m'a bafouée, bernée, infecté toute mon existence !... Ah ! il est propre ! Il est mimi ! Ah ! oui alors, je peux le dire ! J'ai été cent mille fois bien trop bonne !... J'ai été poire ! » (Céline dans "Mort à crédit", 1936).

     

     
     


    La première fois que j'ai été anesthésié (je sortais de l'adolescence), avec mon caractère de cochon, je me disais qu'on ne m'endormirait pas comme ça, aussi facilement. Alors, quand l'anesthésiste a transpercé mon bras pour faire sa piqûre et injecter son produit, j'ai regardé fixement la seringue, sûr de mon état de conscience... et quelques secondes plus tard, un coup de téléphone m'a brutalement surpris, j'étais dans le lit de ma chambre d'hôpital, l'opération était déjà finie depuis longtemps et ma mère venait aux nouvelles. J'ai compris qu'avec un produit chimique, on pouvait être à la merci de n'importe qui, et si possible, de ceux qu'on veut, les chirurgiens par exemple. À ce réveil brutal, ma sensation a été qu'on m'avait volé mon temps !

    Une autre petite réflexion anecdotique et pourtant pas si évidente pour qui dormait avec son frère (ou sa sœur) dans une chambre commune étant enfant. Dormir avec quelqu'un pour diverses raisons (à plusieurs dans une tente, dans un dortoir, en colonie de vacances, à l'armée, etc. et bien sûr, en couple dans une chambre conjugale plus ou moins officiellement), est une preuve exceptionnelle de confiance en l'autre. La preuve, pour ceux qui ont fait des exercices de l'armée, quand on bivouaque la nuit, il y a toujours l'un des gars qui ne dort pas pour surveiller (ce qui, en temps de paix dans un terrain militaire, peut être très ennuyeux). Le plus instructif est de dormir avec l'être aimé : n'avez-vous jamais été fasciné par le sommeil de l'autre ? Et pourtant, l'autre est à votre merci, il vous fait une totale confiance, il vous a confié les clefs de son destin. C'est bien sûr réciproque.

    Pour Gisèle Pélicot, cette confiance a été totalement trahie. Son mari la droguait et la malmenait, la faisait violer par tout un hall de gare. Cela a duré des années et c'est seulement par hasard, le 12 septembre 2020, par un geste de voyeur qui n'avait rien à voir, que la police a détricoté ce qu'on pourrait appeler un véritable système Dominique Pélicot, le recrutement de violeurs de sa femme par Internet avec un mode d'emploi très précis. Il faut imaginer le choc de cette femme à qui les gendarmes ont annoncé le 2 novembre 2020 que son mari la faisait violer depuis une dizaine d'années. Elle a compris d'où venaient ces douleurs diffuses au bas du ventre qu'elle ne comprenait pas ; on la "tringlait" des heures chaque nuit (92 faits de viol ont été recensés).

    Cent quatre-vingts journalistes ont été accrédités, dont quatre-vingts étrangers, pour assister à cette audience historique qui a commencé avec un peu de retard ce jeudi 19 décembre 2024 de 9 heures 45 à 10 heures 50, en présence de Gisèle Pélicot ovationnée par la foule postée à l'entrée et encadrée par cent cinquante policiers.

    Le long procès des viols de Mazan qui s'est ouvert le 2 septembre 2024 à la cour criminelle du Vaucluse à Avignon se referme sur le verdict avec une dernière audience le vendredi 20 décembre 2024. Cinquante et une personnes étaient jugées pour viol. La victime, Gisèle Pélicot, se faisait régulièrement violer alors qu'elle était sous sédatif. Le principal bourreau, son mari Dominique Pélicot a organisé lui-même un réseau de personnes pour violer sa femme entre le 23 juillet 2011 et le 23 octobre 2020. À de nombreux titres, ce procès, long, est exceptionnel et promet d'être historique, c'est-à-dire de rester dans les mémoires de la justice.

     

     
     


    Les cinquante et un prévenus ont été tous reconnus coupables et tous ont été condamnés à des peines de prison, souvent en-dessous des réquisitions (à l'exception d'un accusé). Dominique Pélicot a été condamné à vingt ans de prison et les autres co-accusés entre trois et treize ans de prison (au lieu de huit à dix-huit ans dans les réquisitions). Il n'y a pas une peine identique. Beaucoup contestent la faiblesse des peines.

     

     
     


    Le pire pour les prévenus qui parfois ont refusé d'admettre les viols qu'ils ont commis, c'est qu'il existe des preuves filmées de ces viols, et ces films ont même été diffusés à l'audience. Gisèle Pélicot, la victime, a refusé le huis-clos et a voulu que tout le monde puisse regarder ces scènes de viol malgré le caractère très "cru" des images. C'est exceptionnel : en général, non seulement le viol n'est pas filmé, mais il est difficilement prouvable, difficilement établi. L'avocat de la victime justifiait ainsi sa demande le 20 septembre 2024 : « Il faut qu’on ait le courage de se confronter à ce qu’est véritablement le viol, dans un dossier, justement, où il est exceptionnel d’avoir la représentation précise et réelle de ce qu’est un viol, et pas simplement une description sur un procès-verbal. ».

    C'est pour cela que Gisèle Pélicot, applaudie à la dernière audience avant la délibération, est une femme exceptionnellement courageuse. Elle a préféré s'effacer, effacer presque sa dignité pour un combat qui la transcende contre le viol en général. Officiellement divorcée le 22 août 2024, donc quelques jours seulement avant le début du procès, elle a de quoi en vouloir à son ex-mari : les viols, bien sûr, mais aussi la trahison de son extrême confiance, celle de pouvoir dormir en toute sécurité, une extrême trahison, et aussi ce que j'appellerai un viol de destin en se faisant droguer pour obtenir une perte de conscience, ce qui est particulièrement sournois. La sensation de Gisèle Pélicot a dû être franchement déplaisant de comprendre qu'on lui a volé son temps, qu'on lui a volé ses nuits, qu'elle ne contrôlait plus rien de sa vie, et le pire, c'est qu'elle ne s'en apercevait même pas.
     

     
     


    Un ex-mari qui ment, qui n'est pas fiable, qui ne laisse rien apparaître, obsédé, calculateur, cynique, lâche... dont la fille ne sait toujours pas si le père a abusé d'elle, directement ou par l'intermédiaire des violeurs recrutés, si elle a été violée aussi comme sa mère ou pas, et comme seuls les viols filmés et prouvés ont été reconnus, sans doute que beaucoup d'autres faits manquent à l'appel dans le jugement. En tout cas, Dominique Pélicot a été reconnu coupable d'avoir filmé sa fille et ses deux belles-filles dans un état d'inconscience.
     

     
     


    Si la presse française a beaucoup couvert ce procès fleuve, la classe politique française l'a très peu commenté alors qu'elle est pourtant prête à s'emparer du moindre fait-divers de délinquance ou de criminalité. Patrice Spinosi, par ailleurs avocat de Nicolas Sarkozy, a donné une tentative d'explication à ce silence politique, le 11 octobre 2024 dans "La Semaine juridique" : « L'instrumentalisation quotidienne par certains responsables politiques du sentiment d'insécurité tend surtout à stigmatiser le laxisme de l'État à l'égard de populations qu'ils jugent anxiogènes (délinquants récidivistes, étrangers sans-papiers...). Mais le profil des accusés de Mazan ne correspond nullement à celui du criminel type des chantres de la répression. Dans le box, il n'y a que des hommes, tous blancs, sans antécédents judiciaires et socialement intégrés. La gêne des politiques n'en est que plus grande. Quelques rares voix, essentiellement féminines, se sont néanmoins fait entendre pour dénoncer un procès du "patriarcat" ou de la "masculinité toxique" et demander l'insertion de la notion de consentement dans la définition légale du viol. Peut-être comprend-on mieux le manque d'indignation du monde politique au regard de l'extrême tolérance dont notre droit a longtemps fait preuve envers le viol entre époux. ». Il expliquait qu'il a fallu attendre 2010 pour notre droit supprime toute "présomption de consentement" entre époux.

     
     


    Pour autant, insérer le notion de consentement dans la définition légale du viol peut poser beaucoup plus de problèmes juridiques qu'en résoudre, et en particulier en retournant la charge de la preuve contre la victime dont on fouillerait la vie privée alors que le procès devrait mettre en lumière la personnalité et les actes des seuls prévenus, pas des victimes.

    La réflexion de Patrice Spinosi avait commencé par un constat inquiétant : « Le fait que des gens parfaitement ordinaires aient pu penser pouvoir avoir des relations sexuelles avec une femme manifestement endormie, à la seule invitation de son mari, laisse stupéfait sur l'état de notre société. ». D'où sa conclusion : « Espérons que cette affaire édifiante participe, par la crudité de son éclairage, à la dénonciation de l'emprise inacceptable que certains hommes continuent prétendre avoir sur leur femme. ».

    La presse internationale était également nombreuse à suivre le procès, fascinée tant par la particularité des faits que par le courage de la victime. "Der Spiegel" (l'hebdomadaire allemand), par exemple, a refusé au début du procès d'appeler les violeurs "des monstres" car cela réduirait la portée de ce procès : « Il [est] bien plus inquiétant de devoir admettre que les violeurs sont tous ancrés dans un tissu social continu de misogynie banalisée. ».

    Quant à la BBC, elle a nommé le 3 décembre 2024 Gisèle Pélicot "survivante de viols", parmi les 100 femmes importantes de 2024 ("100 Women" 2024), aux côtés de femmes comme Sharon Stone, Nadia Murad Basee Taha (Prix Nobel de la Paix 2018) ou encore Katalin Kariko (Prix Nobel de Médecine 2023). Elle a souligné le grand courage de la victime qui pouvait revendiquer l'anonymat et qui s'est ainsi exposée afin de faire évoluer les mentalités et changer la honte de camp.

     

     
     


    Parmi les conséquences secondaires de tous les viols dont elle a été victime, Gisèle Pélicot n'a pas été contaminée par le VIH alors que l'un de ses violeurs était séropositif et l'a violée plusieurs fois (six fois) sans préservatif. Elle a donc eu de la "chance", si l'on peut dire, pour le sida, mais elle a été toutefois infectée de quatre maladies sexuellement transmissibles dont une infection au papillomavirus, elle était proche du coma parfois dans sa vie quotidienne à cause de la drogue absorbée, ce qui aurait pu provoquer des situations très graves, et une fois les viols révélés, elle a eu un terrible choc psychologique.

    Pendant l'instruction et le procès, Gisèle Pélicot a pu profiter du soutien de ses trois enfants, dont une fille se demande toujours si elle a été ou pas la victime de son père (elle a sorti un livre le 6 avril 2022 chez Jean-Claude Lattès). Cela l'a confortée dans son choix de ne pas rester anonyme et d'être transparente afin de montrer toute la crudité criminelle de ses violeurs. On remarquera d'ailleurs que dans l'actualité judiciaire récente se sont entrechoquées deux affaires liées à la soumission chimique (l'autre concerne un humoriste bien connu).

    Incontestablement, si une femme a fait avancer, en 2024, la cause non seulement des femmes mais des êtres humains dans leur ensemble, c'est bien Gisèle Pélicot. Au fond, son combat est pour le respect des personnes, leur consentement, leur confiance, leur intégrité physique et morale. C'est pour cela qu'il faut bien préciser, et tant pis pour certaines militantes féministes, que Gisèle Pélicot doit être remerciée de son courage non pas par les femmes, mais par tout le monde, les humains en général. La dignité humaine n'a pas de genre.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Gisèle Pélicot, femme de l'année 2024 ?
    5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
    40 ans de confusions dans l'Affaire Grégory.
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241219-pelicot.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/gisele-pelicot-femme-de-l-annee-258232

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/19/article-sr-20241219-pelicot.html



     

  • Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?

    « Soyez donc les bienvenus vous tous, chrétiens ou non, habitués ou moins habitués des églises, qui venez entourer la famille de Philippine, manifester votre amitié et prier pour elle. Vous pressentez que c’est important d’être là, tels que vous êtes. Merci d’être venus, parfois de loin. » (Père Pierre-Hervé Grosjean, le 27 septembre 2024 à Versailles).



     

     
     


    À la découverte à la fois du corps inerte de Philippine Le Noir de Carlan et du profil de son meurtrier présumé deux jours plus tard, l'extrême droite a profité de l'occasion pour faire de la récupération politique. Oui, c'est sans doute vrai, mais l'émotion ne signifie pas toujours la récupération et c'était une grande émotion nationale qu'ont ressenti ce vendredi 27 septembre 2024 les près de 3 000 participants aux obsèques de Philippine à la cathédrale Saint-Louis de Versailles, dont 1 000 restés dehors, sur le parvis, faute de place, sous une pluie battante.

    Rappelons d'abord les faits : Philippine Le Noir de Carlan, jeune étudiante de l'Université Paris-Dauphine qui allait fêter son 20e anniversaire le 10 octobre prochain, a été déclarée disparue le vendredi 20 septembre 2024 dans la soirée. Sa dernière apparition remontait à 14 heures le même jour, à l'issue de son déjeuner. Elle devait retrouver ses parents dans les Yvelines pour le week-end. Hélas, très rapidement, on en est venu à chercher du côté du bois de Boulogne (proche de la Porte Dauphine), et le soir du samedi 21 septembre 2024, on a retrouvé son corps, enseveli sauf un bras. Une vague d'émotion a alors envahi le pays. Pourquoi ? Parce que, comme toujours avec ce genre de tragédie, on peut s'identifier à la victime. Une jeune étudiante, symbole de toutes les étudiantes, mais aussi les parents de jeunes filles peuvent s'identifier aussi (même la dernière fille du nouveau garde des sceaux a l'âge de Philippine).

    De nombreux étudiants, même ceux qui ne connaissaient pas Philippine, sont venus se recueillir le lundi 23 septembre 2024 dans le hall de l'Université Paris-Dauphine pour lui rendre hommage et honorer sa mémoire. Ce qui est arrivé à Philippine aurait pu arriver à n'importe quelle étudiante de cette université et sans doute n'a-t-elle a eu de chance d'avoir croisé son meurtrier.
     

     
     


    Beaucoup de détails peuvent contribuer à s'identifier à la victime. Ainsi, les lieux. Il y a une vingtaine d'années, je me rendais de temps en temps à cette université Paris-Dauphine parce que j'avais un groupe de travail avec des étudiants de cette université. Parfois, les réunions pouvaient finir tardivement dans la soirée ou en hiver, vers les 19-20 heures, il faisait nuit, et je me faisais la réflexion, lorsque je revenais seul reprendre mon véhicule stationné dans le bois de Boulogne, peu éclairé, que ce serait peut-être dangereux si j'avais été une jeune fille (j'avoue que je n'ai jamais eu peur personnellement d'être agressé, mais à tort, surtout par imprudence car nul n'est épargné ; la témérité était ma seule réponse à une impuissante fatalité). Je connais aussi bien Versailles, et Montigny-le-Bretonneux où Philippine vient d'être inhumée, ce qui renforce l'identification. J'imagine parfaitement son milieu.

    L'émotion suscitée par ce drame infini s'est renforcée par la colère. En effet, l'auteur présumé du meurtre a été arrêté à Genève le mardi 24 septembre 2024 (bravo la police !). Il s'agirait d'un Marocain de 22 ans venu illégalement en France en 2019, qui aurait commis un viol alors qu'il n'était pas encore majeur, aurait été condamné à sept ans de prison mais libéré au bout de cinq ans, en juin 2024. Il était condamné aussi à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) d'une durée de dix ans. Il a été placé dans un centre de rétention administrative pendant un peu plus deux mois mais relâché quinze jours avant la tragédie.

    On le comprend, le sujet est ultrasensible : meurtre d'une jeune fille, fille croyante et pratiquante, immigration illégale, OQTF non exécutée, récidive. Chaque terme susciterait en lui-même des montagnes de récupérations politiques de l'extrême droite. Insistons sur le fait que si le RN avait été au pouvoir (il n'en était pas très loin au début de l'été), le meurtre aurait hélas été sans doute aussi commis.

    Restons encore brièvement dans la récupération politique... mais de l'extrême gauche, pas plus décente à cet égard pour la mémoire de Philippine, et même, pire. Ainsi, on peut lire dans les réseaux sociaux des messages franchement dégueulasses de personnes qui refusent la compassion pour Philippine sous prétexte qu'elle serait catholique pratiquante et que l'extrême droite aurait récupéré son assassinat. Du reste, des militantes d'extrême gauche ont arraché à Science Po les affiches rendant hommage à Philippine. On ne sait plus très bien si les plus dégénérés sont les meurtriers du type de celui de Philippine ou tous ces tordus qui ne voient plus l'humain au travers de leur prisme idéologique et de leurs puanteurs militantes.
     

     
     


    Le grand nombre de participants à l'enterrement à Versailles montre qu'on n'était pas obligé de connaître Philippine pour être touché dans ses tripes par son meurtre. Des gens qui ne se connaissaient se sont d'ailleurs serrés dans les bras pour exprimer cette émotion et se consoler. Elle ne vient pas de nulle part, elle rassure même, car tout drame mérite respect, émotion et réflexion. Cela s'est passé aussi pour d'autres drames, précédemment, trop nombreux hélas pour les énumérer simplement ici.

    Pour autant, la réflexion doit s'amorcer avec cette idée : le meurtre de Philippine pouvait-il être évité ? Et aussi : comment l'éviter dans l'avenir ? Car la première réflexion, logique, c'est de se dire : jamais Philippine n'aurait dû croiser sur son chemin ce jeune criminel marocain qui aurait dû être expulsé depuis plusieurs semaines. Et vient donc la question en d'autres termes : y a-t-il eu des dysfonctionnements dans l'État, c'est-à-dire, des décisions humaines qui, mal inspirées, ont engendré un tel crime ?
     

     
     


    Pour ma part, sans ôter la moindre responsabilité au moindre responsable, l'entière responsabilité du meurtre provient du meurtrier et de lui seul. Personne ne l'a forcé à tuer Philippine. Il est 100% responsable de son acte odieux.

    Il y a d'abord des amalgames à éviter, et à éviter des deux extrêmes. Extrême droite : les immigrés clandestins ne sont pas tous des tueurs. Heureusement. Réduire le meurtre de Philippine à des OQTF mal exécutées est, à mon sens, une erreur de raisonnement. Extrême gauche (chez certains écologistes) : on réfute l'idée que le tueur soit immigré pour qu'il tue, en disant qu'il a tué parce qu'il était un homme ! Là aussi, c'est tout aussi stupide intellectuellement. Dieu merci, les hommes ne sont pas tous des tueurs de jeunes filles (sinon, j'en viendrais à être honteux d'être ce que je suis, un homme).

    Premiers éléments de réflexion pour répondre à la question principale (le meurtre aurait-il pu être évité ?). D'après les informations dont je dispose, et donc, sous réserve qu'elles soient exactes et confirmées, j'ai compris que la remise de peine de deux ans est plutôt sévère pour une peine de sept ans. Rappelons aussi que le juge évite le plus possible la prison en temps long en raison des places qui manquent. Donc, le jeune Marocain est relâché et immédiatement placé en centre de rétention administrative pour rendre exécutable son OQTF.

    Qu'est-ce qu'on attendait ? Comme le futur expulsé n'a pas de passeport, il lui faut un sauf-conduit (je n'ai pas le terme exact) consulaire délivré par le pays qui l'accueille, à savoir ici le Maroc. Le problème, c'est que les pays de retour sont peu enthousiastes pour délivrer ce genre de papiers officiels. Il y aura bien un rapport de force diplomatique à mener entre les deux pays, mais c'est du long terme et très aléatoire, car concrètement, si le pays de retour ne fait rien, la France est bien ennuyée. Le pire, c'était que des candidats à l'expulsion pouvaient rester des mois voire des années dans des centres de rétention, qui n'est pas autre chose qu'une prison alors qu'on n'est pas condamné (je rappelle : les expulsés n'ont commis que la faute d'être entrés en France illégalement, mais n'ont pas forcément commis des crimes ou autres délits). Une loi a donc établi une durée maximale durant laquelle on pouvait être retenu dans un centre de rétention : 90 jours. Avec une décision de maintien du juge tous les quinze jours. Sur quoi se base le juge ? Sur la probabilité que le pays de retour délivre les documents consulaires avant les 90 jours de durée maximale.

    Pour le cas du meurtrier présumé de Philippine, la justice française avait abandonné tout espoir raisonnable que le Maroc fournisse ce document dans les temps, si bien qu'elle a considéré que le retenir plus longtemps n'avait aucune sorte d'utilité (au bout de 90 jours, il serait de toute façon relâché). Donc, à mon sens, blâmer le juge qui a signé sa sortie du centre de rétention est stupide car il n'a fait que son travail selon les critères que la loi lui a imposés. En revanche, l'auteur présumé aurait dû signaler régulièrement sa présence, ce qu'il n'a pas fait. Pourquoi n'a-t-on pas réagi ? (Là encore, regardons l'unité de temps : quinze jours, semble-t-il, entre sa sortie du centre de rétention et le meurtre ; la police n'allait pas réagir plus vite de toute façon).
     

     
     


    Pour autant, peut-on considérer que c'est satisfaisant ? Certainement pas. Absolument pas. Des vies humaines ont été perdues à cause d'un manque de réflexion. Il ne faut pas idéologiser l'immigration, mais réfléchir de manière pragmatique sur les raisons de non exécution des OQTF. La principale, c'est la mauvaise volonté des pays du retour. Quand la justice française connaît le pays du retour, car ce n'est pas toujours le cas.

    Je n'ai pas "la" solution, sinon, elle aurait déjà été trouvée et appliquée depuis longtemps, mais des pistes sur ce cas précis. Deux modestes pistes.

    La première est que la condamnation du jeune violeur était de la détention assortie d'une OQTF. On aurait donc pu rechercher les documents consulaires avant sa libération de prison, en vue de son expulsion immédiate dès sa sortie de prison. Après tout, condamné à sept ans de prison, cela laissait deux ans à l'administration française pour obtenir le papier consulaire auprès des autorités marocaines. Mieux que 90 jours. L'obtention de ce papier consulaire devrait même être une condition nécessaire à toute libération anticipée d'un condamné faisant l'objet d'une procédure d'expulsion.

    La seconde piste, c'est de différencier les candidats à l'expulsion, car il y en a de deux sortes : il y a la grande majorité d'étrangers clandestins qui doivent retourner chez eux et qui n'ont rien fait d'illégal autre que cette entrée du territoire français ; et puis il y a des gens comme ce violeur condamné qui est un criminel (rappelons que le viol est un crime) et on doit focaliser la surveillance des autorités françaises sur ces personnes sous OQTF tant qu'elles ne sont pas effectivement expulsées car elles sont susceptibles d'être (encore) des dangers pour la société (même si on ne peut pas préjugé d'un crime ou délit futur, "Minority report" n'est qu'une fiction, heureusement). Ou même permettre exceptionnellement le placement en centre de rétention le temps de pouvoir les expulser selon les règles.

    Invité de la matinale de France Inter ce vendredi 27 novembre 2024, le nouveau Ministre de la Justice Didier Migaud a manqué manifestement de dose de persuasion pour exprimer pourtant une évidence : « des situations tout à fait objectives, comme sur l'exécution des peines, qui a beaucoup progressé, comme le nombre de personnes qui aujourd'hui sont détenues en prison. Mais je sais que c'est inentendable pour le citoyen ! (…) Je souhaite convaincre les citoyens qu'il faut faire confiance à la justice. Et comme garde des sceaux, ce sera à moi de veiller à ce que la justice puisse avoir les moyens de fonctionner. Je serai toujours le défenseur de l'État de droit, toujours le défenseur de la justice, toujours le défenseur des magistrats, sans être complaisant vis-à-vis de manquements qui peuvent effectivement intervenir. ».
     

     
     


    Et de répondre aux critiques parce qu'il n'avait pas réagi au meurtre de Philippine : « Vous savez que le garde des sceaux ne peut pas intervenir dans le cadre d'une procédure individuelle. Ça ne m'empêche pas de ressentir aussi fortement que les citoyens l'émotion devant une telle situation. C'est une tragédie. Ma dernière fille, elle a l'âge de la victime ! Donc vous vous rendez compte que je peux imaginer le drame que ça peut représenter pour la famille, et je lui exprime bien évidemment toute ma sympathie. ». Sa mission : « Essayer de travailler pour voir si la réglementation, si la législation est adaptée en toutes circonstances, pour faire en sorte d'éviter ce type de situation et ce type de drame. Et là, je dois travailler avec le Ministre de l'Intérieur : c'est ce que nous efforçons de faire, d'ailleurs, depuis quelques jours pour faire face à cette situation. Mais je comprends que l'émotion est telle qu'elle submerge tous les discours objectifs. ».

    La cérémonie religieuse a eu lieu à la cathédrale Saint-Louis de Versailles (où Philippine a fait sa confirmation) parce que l'église de sa paroisse, à Montigny, n'aurait pas été assez grande pour accueillir ces milliers de personnes venues communier à la mémoire de Philippine. La présidente du conseil régional d'Île-de-France Valérie Pécresse était présente, le président de l'Université Paris-Dauphine également. Beaucoup d'élus étaient présents. Une cagnotte mise en ligne pour soutenir financièrement la famille a déjà recueilli les dons de 3 500 généreuses personnes.

    Dans son homélie, le curé de la paroisse de Montigny-Voisins-le-Bretonneux, le Père Pierre-Hervé Grosjean, a évoqué trois temps : celui de la tristesse, celui de l'espérance, et celui de l'action.

    L'émotion : « Devant le mystère du mal, devant l’injustice insupportable et la violence qui s’est déchaînée, nous sommes sidérés, comme écrasés. Bien sûr, la justice des hommes sera nécessaire. Son temps viendra. Mais aujourd’hui, nous avons besoin de pleurer, de partager et de déposer ensemble notre douleur, notre colère, notre incompréhension. ».
     

     
     


    L'espérance : « Nous voulons nous accrocher à cette espérance que nous donne Jésus, comme on s’accroche à une ancre pour ne pas couler ou dériver. Oui, en priant pour toi, en te portant devant Dieu, Philippine, nous espérons et nous croyons que le Seigneur t’accueille dans sa paix, dans la joie du Ciel, qu’auprès de Lui tu ne souffres plus, et que tu connais ce bonheur parfait pour lequel nous avons été créés, ce bonheur qu’aucun mal ne pourra plus désormais atteindre ou abîmer, cette joie éternelle dont nous avons tous soif, dont tu avais soif et que les joies de ta vie annonçaient. Nous sommes là, nous accrochant à cette espérance qui nous promet aussi qu’il y aura un jour des retrouvailles. Nous te reverrons Philippine. Cette espérance n’empêche pas nos larmes, mais elle les éclaire. ».

    L'action : « Nous avons nous aussi en effet chacun une mission. Nous ne voulons pas que le mal ait le dernier mot. Nous voulons croire que Jésus a vaincu la mort, pour que ceux qui accueillent cet Amour victorieux puissent recevoir la vie éternelle. Mais dès maintenant, nous pouvons répondre à ce mal en le retournant contre lui-même. Comment ? En faisant de ce drame, de cette épreuve terrible, l’occasion d’un sursaut, l’occasion de grandir résolument, généreusement et courageusement dans notre vie, dans la façon de la vivre pleinement, de la donner, dans notre désir de servir et d’aimer. Nous voulons opposer au Mal, à sa violence et à sa laideur, la force de notre amour, de notre espérance, de notre foi, et la beauté de notre unité. Nous voulons répondre à l’horreur du mal par la force plus grande encore du bien, le bien que nous pouvons faire en nous engageant, chacun à notre façon, chacun selon notre vocation, pour servir. ».

    Et il a terminé en s'adressant directement à Philippine à propos de sa famille et de ses amis : « Tu es désormais leur grande sœur du Ciel. Encourage-les dans leurs joies, leurs peines et leurs combats. Donne à chacun de pouvoir servir, croire et aimer à son tour avec toute la générosité dont il ou elle est capable. Aide tous ces jeunes à découvrir combien ils sont aimés de Dieu, de façon inconditionnelle, quelle que soit leur histoire ou leurs fragilités. Parce que c’est quand on se sait aimé qu’on devient capable du meilleur ! ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240927-philippine.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/philippine-emotion-nationale-256968

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/27/article-sr-20240927-philippine.html



     

  • Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...

    « Depuis que je suis arrivée dans cette salle d'audience, je me sens humiliée. On me traite d'alcoolique. Je serais la complice de M. Pélicot. Il faut avoir un degré de patience pour supporter ce que j'ai pu entendre ! » (Gisèle Pélicot, le 17 septembre 2024 à Avignon).



     

     
     


    Ce qu'on appelle parfois l'affaire Pélicot mais que je préfère appeler l'affaire des viols de Mazan (car Pélicot est soit une victime soit un criminel, selon le prénom utilisé), est passée au-delà du simple fait-divers, c'est désormais un fait de société, tellement il peut donner un exemple éloquent et glauque de l'existence sociale et de l'organisation systémique de la violence conjugale. Depuis le 2 septembre 2024 devant la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon, se déroute un long procès qui devrait s'achever le 20 décembre 2024.

    Je rappelle rapidement l'objet du procès : Dominique Pélicot, un homme de 71 ans, a non seulement violé sa femme Gisèle mais l'a fait violer par des dizaines voire des centaines d'hommes. 92 faits de viol ont été répertoriés par la justice, qui ont été commis entre le 23 juillet 2011 et le 23 octobre 2020, principalement à Mazan, dans le Vaucluse, au domicile du couple, dans la chambre conjugale. 83 violeurs potentiels ont été comptés, dont seulement 54 hommes identifiés, 51 (dont le mari) sont jugés au cours de ce procès, un est décédé et deux autres ont été relaxés faute de preuve.

    Jusqu'à cette affaire judiciaire, Gisèle trouvait son mari formidable, « bienveillant et attentionné », « un super mec ». Elle a dit à l'audience : « J'aurais mis mes deux mains à couper que je vivais avec un homme extraordinaire. La première trompée dans ce dossier, c'est moi et mes enfants. ».

    Le procédé était particulièrement odieux : le mari recrutait les violeurs sur un site Internet de rencontres à l'occasion d'échanges dans un forum privé (le forum s'intitulait "À son insu" laissant peu de doute sur la réalité des viols) avec un protocole bien précis et rigoureux (éviter d'être parfumé, rester silencieux, etc. pour ne pas réveiller l'épouse ni éveiller ses soupçons) car les viols étaient commis sans le consentement mais aussi sans la conscience de la victime qui était droguée préalablement au Temesta (un anxiolytique). Pendant tous ces viols, Gisèle Pélicot ne savait pas qu'elle était violée, mais elle souffrait de douleurs génitales, de pertes de mémoire pendant la journée, de grosse fatigue, etc. dont elle ne connaissait pas la cause (et elle a même chopé le papillomavirus ; heureusement, pas le sida alors qu'un des violeurs récidiviste était séropositif).

    Tout dans cette affaire est instructif, autant instructif que glauque, mais aussi tout ce qu'il y a autour. Avant tout, je souhaite saluer le courage, car c'est bien du courage, de la victime Gisèle Pélicot. Courage pour avoir enduré ce qu'elle a subi, mais aussi courage pour l'extérioriser, courage de s'afficher publiquement, sans anonymat, pour faire éclater la vérité (avec l'accord de sa fille Caroline) et aussi pour faire en sorte que cela ne puisse plus se reproduire. Créer un choc social, un avant et un après ce procès. Chaque fois qu'elle rentre au palais de justice, Gisèle est entourée d'une haie d'honneur qui l'encourage. Des manifestations ont eu lieu pour la soutenir, notamment le samedi 14 novembre 2024, pour soutenir aussi toutes les victimes de viol. Aux milliers de manifestants, Gisèle Pélicot a affirmé : « Grâce à vous, j'ai la force de poursuivre le combat jusqu’au bout. ». Le mérite de la victime, ce n'est pas d'avoir été une victime, d'avoir subi, mais d'avoir voulu médiatiser tout le système dont elle était la victime ignorante pour un combat plus général contre le viol et contre les violeurs.


    L'avocat général avait proposé un procès à huis-clos mais la victime a refusé et voulu faire de la publicité à cette affaire judiciaire : « Je n'ai pas à avoir honte ! ». La diffusion d'images pornographiques (scènes de viol, etc.) a cependant été faite dans le cadre d'un huis-clos partiel, le président de la cour ayant faire évacuer la salle de son public (y compris la presse). En raison de la publicité sur les coaccusés, certaines de leurs familles ont été menacées et ont déposé elles-mêmes plainte pour menaces.
     

     
     


    Il est difficile de savoir exactement quel est le sujet, si c'est le viol collectif, le viol sous soumission chimique, le viol conjugal (le mari peut être considéré comme avoir violé sa femme si les rapports ont lieu sans consentement), le recrutement des violeurs sur Internet, le principe même du procès, son déroulement qui peut aussi provoquer la douleur, la réalité des prédateurs sexuels qui sont souvent très subtils et manipulateurs (loin des dragueurs lourdingues qu'on voit venir à des kilomètres à la ronde), capables de se faire passer pour victimes au lieu de bourreaux, etc. Sans doute tous ces sujets à la fois.

    L'origine de l'affaire est aussi assez troublante car c'est par hasard qu'on a découvert ce système dégueulasse. Le mari a été pris le 12 septembre 2020 par un agent de sécurité d'un supermarché de Carpetras en train de filmer sous la jupe de plusieurs clientes du magasin. L'analyse de son ordinateur a montré des dizaines de vidéos et photos de viols de sa femme, ce qui a permis de remonter les dates et les violeurs. Du reste, Dominique Pélicot a avoué le 2 novembre 2020, laissant croire qu'il regrettait les faits. Son épouse a appris l'existence de ces viols le même jour, ce qui a dû provoquer en elle un choc psychologique monstrueux (comment n'ai-je pas pu ressentir de telles atteintes à mon corps pendant si longtemps ?). Elle a immédiatement demandé le divorce et l'a obtenu heureusement avant le début du procès, le 22 août 2024. Les 51 prévenus sont donc jugés pour viols avec circonstances aggravantes.

    La lecture des profils de ces 50 coaccusés auteurs de viols avec la complicité du mari semble montrer qu'ils seraient des hommes ordinaires de 26 à 73 ans, de grande diversité de profession, âge, etc. Mais étaient-ce des messieurs toutlemonde ? Pas forcément car certains avaient été déjà condamnés pour viols ou violence conjugale. Les féministes qui voudraient faire l'amalgame entre ces coaccusés et les hommes en général ne vont certainement pas faire avancer efficacement la cause de femmes : non ! tous les hommes ne sont pas comme ça, tous ne sont pas forcément des prédateurs sexuels, tous n'ont pas besoin de contraindre pour aimer, et même, ce qu'il y a de plus beau dans l'amour, c'est justement le consentement libre et réciproque, le sentiment d'être sur la même longueur d'onde.

    Après des reports d'audience en raison de l'état de santé du principal prévenu, Dominique Pélicot, hospitalisé pour une infection rénale, ce dernier a pris la parole au procès pour la première fois le 17 septembre 2024 pour reconnaître les faits mais aussi accuser ses complices : « Aujourd'hui, je maintiens : je suis un violeur comme tous ceux qui sont concernés dans cette salle. Ils savaient tous, ils ne peuvent pas dire le contraire. Elle ne méritait pas ça, je le reconnais. (…) Je regrette ce que j'ai fait, je demande pardon même si ce n'est pas pardonnable. ».

    Lui-même aurait été une victime de viols pendant son enfance, mais les analyses ADN ont révélé qu'il pourrait être coupable du meurtre ou du viol de Sophie Narme, une jeune fille de 23 ans en stage dans une agence immobilière, tuée en décembre 1991 à Paris. Il a été mis en examen le 14 octobre 2022 pour cette affaire parce que le schéma d'agression serait le même qu'une autre agression sexuelle sur une jeune agente immobilière de 19 ans le 11 mai 1999 à Villeparisis pour laquelle il a avoué après avoir nié (en raison de l'ADN retrouvée).

    Dominique Pélicot a été confronté le 18 septembre 2024 à des images de sa fille nue endormie, mais il a nié avoir violé sa fille et même avoir pris ces clichés. Certains des coaccusés ont rejeté la réalité du viol dont ils sont accusés, si bien que le tribunal a fait diffuser dans une salle sans public et avec l'accord de la victime, la vidéo qui les incriminent le cas échéant dans toute leur crudité. Pour sa part, Gisèle Pélicot est pour l'étalement médiatique le plus large, selon son avocat : « Il faut qu’on ait le courage de se confronter à ce qu’est véritablement le viol, dans un dossier, justement, où il est exceptionnel d’avoir la représentation précise et réelle de ce qu’est un viol, et pas simplement une description sur un procès-verbal. ».

    On voit bien que cette affaire est très compliquée car il faut pouvoir décortiquer la responsabilité des uns et des autres et tous n'ont pas le même intérêt. Ainsi, en faisant embarquer tous les coaccusés dans une responsabilité collective, Dominique Pélicot est autant un accusé qu'un accusateur.

    Mais la stratégie de défense de certains des coaccusés est plutôt révoltante. Ainsi, ont été diffusées des images de Gisèle Pélicot dénudée avant ces viols (et même d'autres personnes qui n'ont rien à voir) en renversant le procès comme si c'était le procès de la victime ! Comme si le fait de faire du naturisme ou d'être plus ou moins audacieuse sur le plan moral justifierait le fait d'être violée ! Ce type de dénigrement de la victime est absolument abject et dans tous les cas, un viol reste un viol, quelle que soit la victime, quels que fussent ses faits et gestes avant, pendant, après le viol.

    De quoi mettre en colère la victime qui a protesté : « Les 50 [accusés] derrière ne se sont pas posés la question [du consentement]. C'est quoi, ces hommes, c'est des dégénérés ou quoi ? Pas à un moment ils se sont posé la question ! ». Le pire, c'est que la version de certains coaccusés ne serait peut-être pas incompatible avec la vérité, ce sera aux jurés d'en déterminer les exactes limites. En effet, certains coaccusés ont prétendu ne pas savoir qu'il n'y avait pas consentement de la part de Gisèle. Le mari leur aurait fourni le scénario précis de ces "jeux sexuels" et ils devaient trouver Gisèle endormie, comme si elle simulait un endormissement. Toutefois, comme ils ne se connaissaient pas, c'est difficile d'admettre que ces "libertins" n'ont pas cherché à savoir si madame Pélicot était réellement consentante, quels que soient les manipulations ou mensonges de son mari.

    Cette réécriture de l'histoire, ce relativisme d'oser dire qu'il y avait « viol et viol », sous prétexte que le violeur n'aurait pas eu conscience de violer, a profondément heurté Gisèle Pélicot : « Quand on voit une femme endormie sur leur lit, il n'y a pas un moment où on s'interroge ? Il n'y a pas quelque chose qui cloche ? (…) Un viol est un viol. Que ça soit trois minutes ou une heure. C'est absolument abject ! ».

    Un des coaccusés n'aurait pas violé Gisèle mais aurait obtenu de son mari le médicament incriminé pour endormir sa propre femme et la violer plusieurs fois. Son avocat a déclaré : « Mon client est le produit de la perversion de Pélicot. Je suis intimement persuadé que si X ne rencontre pas Pélicot, il ne se passe rien. ». On voit le niveau de glauque et de dégueulasserie qui va faire surface, avec plusieurs victimes qui ne se savaient pas victimes.

    Jouer au faux candide d'un côté, attaquer la victime de l'autre. Ce genre de défense risque fortement d'agacer les jurés qui devront pourtant tenter la neutralité, évacuer toute pression médiatique ou populaire, pour juger en leur âme et conscience sur les faits établis, les seuls faits établis. Mais sans préjuger du niveau de culpabilité, du niveau d'ignorance ou de connaissance, de complicité avec le mari, on peut quand même dire que tous ces coaccusés étaient avant tout de gros dégueulasses. Cela n'en fait pas une raison seule de les condamner, mais le contexte donne une tournure particulièrement grave de leurs dégueulasseries.

    Ce procès ne doit donc pas éveiller le combat des féministes contre les méchants hommes. Il est avant tout le combat de toute l'humanité contre les violences faites aux femmes, parmi lesquelles la manipulation et le mensonge sont des moteurs particulièrement efficaces.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240921-pelicot.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/viols-de-mazan-quelques-reflexions-256863

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/22/article-sr-20240921-pelicot.html




     

  • Édouard Baer mis en accusation dans un rôle non voulu

    « Vous vous rendez compte qu'il y a douze sujets en un là, il y a douze prises de parole différentes, il y a des scandales. Tout est différent. Il y a des saloperies, il y a des malentendus… Je pense que c'est les médias qui réunissent tout ça dans une grande cause d'époque. » (Édouard Baer, le 12 mai 2024 sur France 2).



     

     
     


    Très déstabilisé, Édouard Baer répondait le dimanche 12 mai 2024 à cette question de Laurent Delahousse dans le journal de 20 heures de France 2 : « Est-ce que vous considérez que les hommes ne parlent pas assez, ne défendent pas assez ou n'expriment pas une sorte de mea culpa ? ». L'invité, venu pour promouvoir son nouveau spectacle "Ma candidature", n'était pas n'importe qui.

    En effet, Édouard Baer, à 57 ans, est l'un des acteurs les plus "bankables" de France, comme on dit. Acteur, réalisateur de cinéma, metteur en scène de théâtre, animateur et producteur de télévision et de radio, on le voit et l'entend partout. Initié à la comédie par la savoureuse Isabelle Nanty, sa prof d'art dramatique au cours Florent, il a eu un parcours artistique très flatteur, couronné déjà par un Molière en 2001 (et deux nominations) et par trois nominations aux Césars.

    Pourquoi l'acteur était-il si gêné de parler de MeToo à la veille du Festival de Cannes ? Peut-être parce qu'il avait été mis au courant qu'un article incendiaire allait être publié par Mediapart ce jeudi 23 mai 2024. L'article d'Amine Abdelli et Julia Tissier commence d'ailleurs par ce malaise au 20 heures : « Confus et visiblement mal à l’aise, le comédien fronce les sourcils, bafouille et s’embourbe. Lui, le pro de l’impro, apparaît soudainement déstabilisé. ».

    Pas étonnant de bafouiller autant quand on sait qu'il va être mis sur le grill de la vindicte populaire par six femmes qui ont été contactées depuis plusieurs mois par Mediapart et qui, dans cet article, accusent Édouard Baer de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles. L'article précise : « Elles livrent le récit de faits de harcèlement et d’agressions sexuelles sur une période s’étalant de 2013 à 2021 (…), majoritairement dans des contextes professionnels », à savoir son bureau parisien, quand il est au théâtre, ou dans les stations de radio, quand il est animateur, c'est-à-dire à Radio Nova puis à France Inter.
     

     
     


    Le journal "Le Monde", qui en rend compte avec l'AFP, explique : « Selon l’une de ces femmes, Édouard Baer aurait pris son "sein gauche avec sa main" dans un ascenseur. Une autre l’accuse de lui avoir touché "les seins à plusieurs reprises", de l’avoir "prise par la taille" et d’avoir "posé sa main sur [s]es fesses". "Il essaie de m’embrasser dans le cou et sur la bouche. Je le repousse", selon les propos rapportés d’une autre. Certaines évoquent des sollicitations répétées, des compliments insistants sur leur physique. L’une explique ne pas avoir porté plainte car elle a pensé que ce serait "sa parole contre la [s]ienne". ».

    Aucune de ces six femmes, âgées d'une vingtaine d'années au moment des faits et qui ont voulu rester anonymes dans leur témoignage, n'a déposé plainte (à ce jour). J'ajoute que dans l'entourage d'une des radios, l'information n'était pas connue même sous forme de rumeur et certains ont été étonnés de l'apprendre.

    Comme est étonné Édouard Baer lui-même qui a rapidement publié, en réponse à l'article, un communiqué d'incompréhension mais aussi d'excuses : « C’est avec stupeur et une grande tristesse que je découvre les témoignages que vous me rapportez. Je ne me reconnais pas dans les mots ou les gestes qui me sont attribués, mais je ne peux qu’exprimer mes regrets que mon comportement ait mis mal à l’aise ou blessé ces femmes. Je n’ai pas eu l’intelligence de le percevoir. J’en suis profondément désolé. Je n’ai jamais cherché à les heurter intentionnellement. Je leur présente toutes mes excuses. ».

    Si on résume grossièrement le message, c'est ceci : j'ai été assez lourd dans mon approche, aucune ne m'a dit que j'allais trop loin et je m'en veux de ne pas l'avoir vu moi-même, désolé. Dans ce genre d'affaire, on peut supposer que les deux parties, les six femmes, d'un côté, et l'acteur, de l'autre côté, sont complètement sincères. Il faut aussi comprendre qu'Édouard Baer est une grande star qui a fasciné ces six femmes qui ont à peine commencé leur vie active. On peut imaginer qu'il leur était difficile, sans être dotée une personnalité très forte, de rejeter les éventuels gestes déplacés.

    La réponse rapide et finalement assez humble (présentant ses excuses) d'Édouard Baer plaide plutôt en sa faveur, ou du moins, pour sa sincérité. Il ne nie pas les éventuels faits sans les reconnaître précisément car il y a plusieurs faits, et la réponse reste assez floue. Ce n'est pas comme Gérard Depardieu ou même comme Patrick Poivre d'Arvor qui, à ma connaissance (sous réserve que je ne me trompe pas, je ne suis peut-être pas en possession d'informations plus récentes), ne reconnaissaient pas les faits et surtout, ne présentaient pas leurs excuses à leurs (nombreuses) accusatrices.

    Évidemment, un vieil article de la journaliste Josyane Savigneau publié le 5 novembre 2016 dans "Le Monde" revient en pleine figure d'Édouard Baer. À l'origine, la journaliste voulait faire la promotion de l'acteur redevenu animateur à Radio Nova, responsable de la matinale depuis le 10 octobre 2016. Mais elle s'est sentie très mal accueillie à son arrivée à 6 heures 45 un jour d'octobre 2016, « victime des humeurs du présentateur vedette », si bien qu'elle a exprimé sa colère : « D’emblée il est odieux. Furieux qu’on ait osé désobéir, il aurait exigé qu’on ne vienne qu’à 7h30, il insiste haut et fort : il n’a rien demandé, on a omis de le prévenir, on lui pourrit la vie, on va lui faire rater son émission, qu’on dégage. Avec plaisir. Dans une vie de journaliste, il arrive parfois que l’on rencontre, c’est fatal, des gens désagréables. À ce point d’arrogance et de mépris, c’est plus que rare. Morale de l’histoire : quand on remplace les journalistes par des stars, on s’expose à ce genre de caprices. ».

     

     
     


    Ce qui n'a pas empêché la journaliste d'en dire aussi du bien (il faut dire que Matthieu Pigasse, actionnaire du "Monde", venait de racheter Radio Nova) : « On retrouve avec plaisir la voix de Baer, son ton décalé, ses improvisations bienvenues, son accueil chaleureux des participants. ». Et de terminer sur l'avis du nouveau patron : « Matthieu Pigasse se félicite de la réussite de la matinale et de l’idée de Bernard Zekri de faire appel à Édouard Baer, "tant Nova et Édouard se correspondent : les 3 C, Culture, Curiosité d’esprit, Carrefour d’échanges". "Elle incarne ce que nous voulons être et faire, précise-t-il : refuser le repli sur soi, être ouverts à tous, donner du sens et s’engager par la culture". ». Édouard Baer a quitté Radio Nova pour France Inter en 2018 (jusqu'en 2022, il me semble).

    Pour l'heure, Édouard Baer, qui avait un spectacle à Romans-sur-Isère le vendredi 24 mai 2024 à 20 heures (au théâtre des Cordeliers), l'a maintenu. Le problème qu'il n'y ait pas de dépôt de plainte, c'est de transférer cette affaire du tribunal correctionnel au tribunal médiatique, avec tous les excès que cela peut entraîner, notamment dans les réseaux (a)sociaux. Comme je ne sais que penser des accusatrices sincères et d'un supposé prédateur sexuel qui s'ignorerait et qui affirme que ce n'est pas du tout lui, et n'étant pas juge, je ne peux faire aucun commentaire de soutien aux unes ou à l'autre.

    En revanche, ce problème récurrent depuis quelques années (MeToo date de 2018) où des femmes (en général) accusent (parfois plusieurs décennies après les faits) une personnalité (généralement très connue) dans des milieux bien définis (cinéma, sports, médias audiovisuels, etc.) de divers faits allant du simple geste déplacé (voire maladroit) jusqu'au crime (le viol), en passant par des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel (qui sont des délits), est souvent insoluble quand il n'y a aucune preuve (car il faut que la victime prouve l'absence de consentement, ce qui est très difficile). Alors, c'est parole contre parole, et un juge, si cela arrive à la suite du dépôt d'une plainte, ne pourra pas condamner si le doute persiste (principe général du droit). D'un côté, il faut écouter les victimes, les femmes, ou du moins qu'elles soient écoutées, de l'autre, il ne faut pas détruire la réputation d'une personne qui serait injustement accusée (dans l'affaire d'Outreau, une personne injustement accusée s'est même suicidée). C'est du tout ou rien. Ou salaud, ou salopes, en quelque sorte.

    Un livre explique très bien ce problème. Il s'agit d'un roman d'une ancienne procureure américaine qui a fait non seulement des études de droit mais avant, des études de psychologie et qui s'est recyclée dans l'écriture de romans à succès. Alafair Burke a en effet publié en 2018 un très bon roman "Un Couple irréprochable" (en anglais "The Wife"), dont le sujet principal est cette accusation contre une personnalité médiatique.

     

     
     


    L'histoire est celle-ci, et racontée selon le point de vue de l'épouse (mère au foyer) d'un économiste qui, au-delà de donner des cours d'économie à l'université, a écrit un livre devenu best-seller, ce qui lui a donné gloire, fortune et notoriété (il a créé un cabinet de conseil en entreprises et il est invité très fréquemment à la télévision pour donner son avis). Et son expertise, c'est l'éthique dans les entreprises, et sa parole est d'or car il fait et défait des réputations d'entreprises auprès de leurs investisseurs. (L'homme accusé est un parangon de l'éthique, comme Édouard Baer considéré ouvert, sympa).

    Et puis soudain, une stagiaire l'accuse de gestes déplacés en déposant plainte. Plus tard, une autre femme avec qui il est en contact sur le plan professionnel l'accuse carrément de viol. L'affaire est suivie par une inspectrice de police spécialisée dans ce domaine (l'Unité spéciale des victimes). Il y a aussi la réaction du procureur adjoint qui ne veut poursuivre que lorsqu'il y a de fortes suspicions de culpabilité, d'autant plus que ce prévenu serait une personnalité célèbre. Comme l'auteure du roman est une spécialiste du droit, cela permet aussi de voir comment fonctionne la justice et la police (ici américaines) dans les coulisses face à une telle affaire. Interviennent aussi dans l'histoire une animatrice de télévision féministe (et amie de l'accusé), une avocate exigeante, etc.

    L'inspectrice, parce qu'elle est féministe, veut aller au plus profond des détails pour pincer l'éventuel auteur d'agressions sexuelles voire de viols. Elle admet d'ailleurs que pour la victime, il vaut mieux être violée de façon violente en pleine rue que subir des attouchements sexuels par des personnes familières dans un lieu privé, parce que ce sera beaucoup plus facile à prouver.

    La première des réactions, dans ce genre d'affaire (agression sexuelle voire viol), c'est de se focaliser sur la victime et pas sur le prédateur présumé. Et de trouver des éléments chez la victime que son infortune était la conséquence de sa vie et cela, pour se dire qu'on n'est pas comme la victime et donc, que ça ne peut pas arriver à soi : « N'est-ce pas dans la nature humaine que de toujours rejeter la faute sur la victime ? ».

    Et pourtant, parfois, les victimes ne disent pas exactement la vérité : « Impossible pour [les policiers] d'affirmer que les victimes ne racontent jamais toute la vérité, parce que cela reviendrait à les traiter de menteuses. Or, elles ne mentent pas, elles tentent de se protéger. Se préparent à affronter le scepticisme. Anticipent déjà toutes les attaques à venir, se forgent un bouclier. ».

    L'animatrice de télévision donne aussi les différentes étapes dans ce genre d'affaire : « La première réaction de l'opinion publique, c'est toujours de jeter le discrédit sur la femme, parce que la société ne veut pas admettre que de telles horreurs se produisent. Alors, en réaction, les féministes convaincues ont décrété qu'il fallait croire toutes les femmes, chaque fois. ».

    Féministe, l'animatrice est d'accord avec cette réaction : « C'est vrai, a-t-elle admis, je suis toujours la première à défendre les femmes dans les cas d'agression sexuelle où tout repose sur la parole de l'un contre celle de l'autre. Parce que, dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, elles disent la vérité, et que c'est une terrible épreuve pour elles d'en parler. Elles se retrouvent jugées, stigmatisées, blâmées, critiquées. ».

    Et dans une affaire de viol, cela retombe toujours sur la même question : « Quelles que soient les allégations de cette fille, ce sera sa parole contre celle de [l'accusé]. Or l'accusation a besoin d'éléments concrets. Et même s'il peut s'appuyer sur l'ADN, le procureur doit démontrer que la relation n'était pas consentie. ».

    Mais justement, des petits détails peuvent faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre pour la police. Ainsi, dans ce roman, la policière va voir de façon informelle l'accusé qui ne sait pas encore qu'il est aussi accusé de viol par une seconde femme (il est juste accusé de harcèlement sexuel par une première femme). La policière lui demande alors s'il a eu des relations sexuelles avec cette seconde femme et ce dernier, au lieu de refuser de répondre sans son avocat, fait l'erreur de dire qu'il n'a pas eu de relations sexuelles, sans savoir que la seconde femme avait gardé intacte sa robe avec des traces de lui. Avoir des relations sexuelles ne confirme pas forcément le viol, car ces relations peuvent être consenties, mais mentir sur la réalité des rapports sexuels (même pour éviter d'en informer son épouse), c'est jeter un discrédit sur tout ce qu'il va affirmer.

    A contrario, la policière garde aussi des détails sur l'accusatrice qui lui demande une heure avant de passer chez elle, le temps de faire un peu de ménage : « [La policière] venait déjà de découvrir quelque chose à propos de [l'accusatrice] : c'était le genre de personne qui pensait à remettre de l'ordre chez elle avant de recevoir un policier pour dénoncer des actes de harcèlement sexuel. En soi, ça ne signifiait rien, pourtant [l'inspectrice] remisa soigneusement ce détail dans un coin de sa tête, parce qu'elle aimait à penser que rien ne lui échappait. ».

    Bref, ce roman est très intéressant pour comprendre la mécanique des accusations, des défenses et des jugements. Plus rien de mal ne doit rester impuni. Mais reste à se mettre d'accord sur ce qui est mal, sur ce qui est un mauvais comportement, un comportement inapproprié. L'homme est décidément détrôné, dans cette société qui se transforme à vive allure.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    "Un Couple irréprochable" (2018) d'Alafair Burke.
    Édouard Baer.
    Lucien Neuwirth.
    Le vote des femmes en France.
    Femmes, je vous aime !
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
    L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
    Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
    L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
    L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
    La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
    L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
    Simone Veil, l’avortement, hier et aujourd’hui…
    L’avortement et Simone Veil.
    Le fœtus est-il une personne à part entière ?
    Le mariage pour tous, 10 ans plus tard.
    Rapport 2023 de SOS Homophobie (à télécharger).
    Six ans plus tard.
    Mariage lesbien à Nancy.
    Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
    Mariage annulé : le scandaleux jugement en faveur de la virginité des jeunes mariées.
    Ciel gris sur les mariages.

    Les 20 ans du PACS.
    Ces gens-là.
    L’homosexualité, une maladie occidentale ?
    Le coming out d’une star de la culture.
    Transgenres adolescentes en Suède : la génération sacrifiée.
    PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
    La PMA pour toutes les femmes.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240523-edouard-baer.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/edouard-baer-mis-en-accusation-254809

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/26/article-sr-20240523-edouard-baer.html


     

  • "Un Couple irréprochable" d'Alafair Burke

    « Vous vous rendez compte qu'il y a douze sujets en un là, il y a douze prises de parole différentes, il y a des scandales. Tout est différent. Il y a des saloperies, il y a des malentendus… Je pense que c'est les médias qui réunissent tout ça dans une grande cause d'époque. » (Édouard Baer, le 12 mai 2024 sur France 2).


     

     
     


    Très déstabilisé, Édouard Baer répondait le dimanche 12 mai 2024 à cette question de Laurent Delahousse dans le journal de 20 heures de France 2 : « Est-ce que vous considérez que les hommes ne parlent pas assez, ne défendent pas assez ou n'expriment pas une sorte de mea culpa ? ». L'invité, venu pour promouvoir son nouveau spectacle "Ma candidature", n'était pas n'importe qui.

    En effet, Édouard Baer, à 57 ans, est l'un des acteurs les plus "bankables" de France, comme on dit. Acteur, réalisateur de cinéma, metteur en scène de théâtre, animateur et producteur de télévision et de radio, on le voit et l'entend partout. Initié à la comédie par la savoureuse Isabelle Nanty, sa prof d'art dramatique au cours Florent, il a eu un parcours artistique très flatteur, couronné déjà par un Molière en 2001 (et deux nominations) et par trois nominations aux Césars.

    Pourquoi l'acteur était-il si gêné de parler de MeToo à la veille du Festival de Cannes ? Peut-être parce qu'il avait été mis au courant qu'un article incendiaire allait être publié par Mediapart ce jeudi 23 mai 2024. L'article d'Amine Abdelli et Julia Tissier commence d'ailleurs par ce malaise au 20 heures : « Confus et visiblement mal à l’aise, le comédien fronce les sourcils, bafouille et s’embourbe. Lui, le pro de l’impro, apparaît soudainement déstabilisé. ».

    Pas étonnant de bafouiller autant quand on sait qu'il va être mis sur le grill de la vindicte populaire par six femmes qui ont été contactées depuis plusieurs mois par Mediapart et qui, dans cet article, accusent Édouard Baer de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles. L'article précise : « Elles livrent le récit de faits de harcèlement et d’agressions sexuelles sur une période s’étalant de 2013 à 2021 (…), majoritairement dans des contextes professionnels », à savoir son bureau parisien, quand il est au théâtre, ou dans les stations de radio, quand il est animateur, c'est-à-dire à Radio Nova puis à France Inter.
     

     
     


    Le journal "Le Monde", qui en rend compte avec l'AFP, explique : « Selon l’une de ces femmes, Édouard Baer aurait pris son "sein gauche avec sa main" dans un ascenseur. Une autre l’accuse de lui avoir touché "les seins à plusieurs reprises", de l’avoir "prise par la taille" et d’avoir "posé sa main sur [s]es fesses". "Il essaie de m’embrasser dans le cou et sur la bouche. Je le repousse", selon les propos rapportés d’une autre. Certaines évoquent des sollicitations répétées, des compliments insistants sur leur physique. L’une explique ne pas avoir porté plainte car elle a pensé que ce serait "sa parole contre la [s]ienne". ».

    Aucune de ces six femmes, âgées d'une vingtaine d'années au moment des faits et qui ont voulu rester anonymes dans leur témoignage, n'a déposé plainte (à ce jour). J'ajoute que dans l'entourage d'une des radios, l'information n'était pas connue même sous forme de rumeur et certains ont été étonnés de l'apprendre.

    Comme est étonné Édouard Baer lui-même qui a rapidement publié, en réponse à l'article, un communiqué d'incompréhension mais aussi d'excuses : « C’est avec stupeur et une grande tristesse que je découvre les témoignages que vous me rapportez. Je ne me reconnais pas dans les mots ou les gestes qui me sont attribués, mais je ne peux qu’exprimer mes regrets que mon comportement ait mis mal à l’aise ou blessé ces femmes. Je n’ai pas eu l’intelligence de le percevoir. J’en suis profondément désolé. Je n’ai jamais cherché à les heurter intentionnellement. Je leur présente toutes mes excuses. ».

    Si on résume grossièrement le message, c'est ceci : j'ai été assez lourd dans mon approche, aucune ne m'a dit que j'allais trop loin et je m'en veux de ne pas l'avoir vu moi-même, désolé. Dans ce genre d'affaire, on peut supposer que les deux parties, les six femmes, d'un côté, et l'acteur, de l'autre côté, sont complètement sincères. Il faut aussi comprendre qu'Édouard Baer est une grande star qui a fasciné ces six femmes qui ont à peine commencé leur vie active. On peut imaginer qu'il leur était difficile, sans être dotée une personnalité très forte, de rejeter les éventuels gestes déplacés.

    La réponse rapide et finalement assez humble (présentant ses excuses) d'Édouard Baer plaide plutôt en sa faveur, ou du moins, pour sa sincérité. Il ne nie pas les éventuels faits sans les reconnaître précisément car il y a plusieurs faits, et la réponse reste assez floue. Ce n'est pas comme Gérard Depardieu ou même comme Patrick Poivre d'Arvor qui, à ma connaissance (sous réserve que je ne me trompe pas, je ne suis peut-être pas en possession d'informations plus récentes), ne reconnaissaient pas les faits et surtout, ne présentaient pas leurs excuses à leurs (nombreuses) accusatrices.

    Évidemment, un vieil article de la journaliste Josyane Savigneau publié le 5 novembre 2016 dans "Le Monde" revient en pleine figure d'Édouard Baer. À l'origine, la journaliste voulait faire la promotion de l'acteur redevenu animateur à Radio Nova, responsable de la matinale depuis le 10 octobre 2016. Mais elle s'est sentie très mal accueillie à son arrivée à 6 heures 45 un jour d'octobre 2016, « victime des humeurs du présentateur vedette », si bien qu'elle a exprimé sa colère : « D’emblée il est odieux. Furieux qu’on ait osé désobéir, il aurait exigé qu’on ne vienne qu’à 7h30, il insiste haut et fort : il n’a rien demandé, on a omis de le prévenir, on lui pourrit la vie, on va lui faire rater son émission, qu’on dégage. Avec plaisir. Dans une vie de journaliste, il arrive parfois que l’on rencontre, c’est fatal, des gens désagréables. À ce point d’arrogance et de mépris, c’est plus que rare. Morale de l’histoire : quand on remplace les journalistes par des stars, on s’expose à ce genre de caprices. ».

     

     
     


    Ce qui n'a pas empêché la journaliste d'en dire aussi du bien (il faut dire que Matthieu Pigasse, actionnaire du "Monde", venait de racheter Radio Nova) : « On retrouve avec plaisir la voix de Baer, son ton décalé, ses improvisations bienvenues, son accueil chaleureux des participants. ». Et de terminer sur l'avis du nouveau patron : « Matthieu Pigasse se félicite de la réussite de la matinale et de l’idée de Bernard Zekri de faire appel à Édouard Baer, "tant Nova et Édouard se correspondent : les 3 C, Culture, Curiosité d’esprit, Carrefour d’échanges". "Elle incarne ce que nous voulons être et faire, précise-t-il : refuser le repli sur soi, être ouverts à tous, donner du sens et s’engager par la culture". ». Édouard Baer a quitté Radio Nova pour France Inter en 2018 (jusqu'en 2022, il me semble).

    Pour l'heure, Édouard Baer, qui avait un spectacle à Romans-sur-Isère le vendredi 24 mai 2024 à 20 heures (au théâtre des Cordeliers), l'a maintenu. Le problème qu'il n'y ait pas de dépôt de plainte, c'est de transférer cette affaire du tribunal correctionnel au tribunal médiatique, avec tous les excès que cela peut entraîner, notamment dans les réseaux (a)sociaux. Comme je ne sais que penser des accusatrices sincères et d'un supposé prédateur sexuel qui s'ignorerait et qui affirme que ce n'est pas du tout lui, et n'étant pas juge, je ne peux faire aucun commentaire de soutien aux unes ou à l'autre.
     

     
     


    En revanche, ce problème récurrent depuis quelques années (MeToo date de 2018) où des femmes (en général) accusent (parfois plusieurs décennies après les faits) une personnalité (généralement très connue) dans des milieux bien définis (cinéma, sports, médias audiovisuels, etc.) de divers faits allant du simple geste déplacé (voire maladroit) jusqu'au crime (le viol), en passant par des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel (qui sont des délits), est souvent insoluble quand il n'y a aucune preuve (car il faut que la victime prouve l'absence de consentement, ce qui est très difficile). Alors, c'est parole contre parole, et un juge, si cela arrive à la suite du dépôt d'une plainte, ne pourra pas condamner si le doute persiste (principe général du droit). D'un côté, il faut écouter les victimes, les femmes, ou du moins qu'elles soient écoutées, de l'autre, il ne faut pas détruire la réputation d'une personne qui serait injustement accusée (dans l'affaire d'Outreau, une personne injustement accusée s'est même suicidée). C'est du tout ou rien. Ou salaud, ou salopes, en quelque sorte.

    Un livre explique très bien ce problème. Il s'agit d'un roman d'une ancienne procureure américaine qui a fait non seulement des études de droit mais avant, des études de psychologie et qui s'est recyclée dans l'écriture de romans à succès. Alafair Burke a en effet publié en 2018 un très bon roman "Un Couple irréprochable" (en anglais "The Wife"), dont le sujet principal est cette accusation contre une personnalité médiatique.


    L'histoire est celle-ci, et racontée selon le point de vue de l'épouse (mère au foyer) d'un économiste qui, au-delà de donner des cours d'économie à l'université, a écrit un livre devenu best-seller, ce qui lui a donné gloire, fortune et notoriété (il a créé un cabinet de conseil en entreprises et il est invité très fréquemment à la télévision pour donner son avis). Et son expertise, c'est l'éthique dans les entreprises, et sa parole est d'or car il fait et défait des réputations d'entreprises auprès de leurs investisseurs. (L'homme accusé est un parangon de l'éthique, comme Édouard Baer considéré ouvert, sympa).

    Et puis soudain, une stagiaire l'accuse de gestes déplacés en déposant plainte. Plus tard, une autre femme avec qui il est en contact sur le plan professionnel l'accuse carrément de viol. L'affaire est suivie par une inspectrice de police spécialisée dans ce domaine (l'Unité spéciale des victimes). Il y a aussi la réaction du procureur adjoint qui ne veut poursuivre que lorsqu'il y a de fortes suspicions de culpabilité, d'autant plus que ce prévenu serait une personnalité célèbre. Comme l'auteure du roman est une spécialiste du droit, cela permet aussi de voir comment fonctionne la justice et la police (ici américaines) dans les coulisses face à une telle affaire. Interviennent aussi dans l'histoire une animatrice de télévision féministe (et amie de l'accusé), une avocate exigeante, etc.

    L'inspectrice, parce qu'elle est féministe, veut aller au plus profond des détails pour pincer l'éventuel auteur d'agressions sexuelles voire de viols. Elle admet d'ailleurs que pour la victime, il vaut mieux être violée de façon violente en pleine rue que subir des attouchements sexuels par des personnes familières dans un lieu privé, parce que ce sera beaucoup plus facile à prouver.

    La première des réactions, dans ce genre d'affaire (agression sexuelle voire viol), c'est de se focaliser sur la victime et pas sur le prédateur présumé. Et de trouver des éléments chez la victime que son infortune était la conséquence de sa vie et cela, pour se dire qu'on n'est pas comme la victime et donc, que ça ne peut pas arriver à soi : « N'est-ce pas dans la nature humaine que de toujours rejeter la faute sur la victime ? ».

    Et pourtant, parfois, les victimes ne disent pas exactement la vérité : « Impossible pour [les policiers] d'affirmer que les victimes ne racontent jamais toute la vérité, parce que cela reviendrait à les traiter de menteuses. Or, elles ne mentent pas, elles tentent de se protéger. Se préparent à affronter le scepticisme. Anticipent déjà toutes les attaques à venir, se forgent un bouclier. ».

    L'animatrice de télévision donne aussi les différentes étapes dans ce genre d'affaire : « La première réaction de l'opinion publique, c'est toujours de jeter le discrédit sur la femme, parce que la société ne veut pas admettre que de telles horreurs se produisent. Alors, en réaction, les féministes convaincues ont décrété qu'il fallait croire toutes les femmes, chaque fois. ».

    Féministe, l'animatrice est d'accord avec cette réaction : « C'est vrai, a-t-elle admis, je suis toujours la première à défendre les femmes dans les cas d'agression sexuelle où tout repose sur la parole de l'un contre celle de l'autre. Parce que, dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, elles disent la vérité, et que c'est une terrible épreuve pour elles d'en parler. Elles se retrouvent jugées, stigmatisées, blâmées, critiquées. ».

    Et dans une affaire de viol, cela retombe toujours sur la même question : « Quelles que soient les allégations de cette fille, ce sera sa parole contre celle de [l'accusé]. Or l'accusation a besoin d'éléments concrets. Et même s'il peut s'appuyer sur l'ADN, le procureur doit démontrer que la relation n'était pas consentie. ».

    Mais justement, des petits détails peuvent faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre pour la police. Ainsi, dans ce roman, la policière va voir de façon informelle l'accusé qui ne sait pas encore qu'il est aussi accusé de viol par une seconde femme (il est juste accusé de harcèlement sexuel par une première femme). La policière lui demande alors s'il a eu des relations sexuelles avec cette seconde femme et ce dernier, au lieu de refuser de répondre sans son avocat, fait l'erreur de dire qu'il n'a pas eu de relations sexuelles, sans savoir que la seconde femme avait gardé intacte sa robe avec des traces de lui. Avoir des relations sexuelles ne confirme pas forcément le viol, car ces relations peuvent être consenties, mais mentir sur la réalité des rapports sexuels (même pour éviter d'en informer son épouse), c'est jeter un discrédit sur tout ce qu'il va affirmer.

    A contrario, la policière garde aussi des détails sur l'accusatrice qui lui demande une heure avant de passer chez elle, le temps de faire un peu de ménage : « [La policière] venait déjà de découvrir quelque chose à propos de [l'accusatrice] : c'était le genre de personne qui pensait à remettre de l'ordre chez elle avant de recevoir un policier pour dénoncer des actes de harcèlement sexuel. En soi, ça ne signifiait rien, pourtant [l'inspectrice] remisa soigneusement ce détail dans un coin de sa tête, parce qu'elle aimait à penser que rien ne lui échappait. ».

    Bref, ce roman est très intéressant pour comprendre la mécanique des accusations, des défenses et des jugements. Plus rien de mal ne doit rester impuni. Mais reste à se mettre d'accord sur ce qui est mal, sur ce qui est un mauvais comportement, un comportement inapproprié. L'homme est décidément détrôné, dans cette société qui se transforme à vive allure.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    "Un Couple irréprochable" (2018) d'Alafair Burke.
    Édouard Baer.
    Lucien Neuwirth.
    Le vote des femmes en France.
    Femmes, je vous aime !
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
    L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
    Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
    L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
    L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
    La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
    L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
    Simone Veil, l’avortement, hier et aujourd’hui…
    L’avortement et Simone Veil.
    Le fœtus est-il une personne à part entière ?
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    Six ans plus tard.
    Mariage lesbien à Nancy.
    Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
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    Les 20 ans du PACS.
    Ces gens-là.
    L’homosexualité, une maladie occidentale ?
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    PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
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