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enfance

  • Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...

    « Certains vont essayer de relativiser l’étendue et l’horreur des violences conjugales. Certains auront peut-être l’indécence de temporiser, au lieu d’agir. Ce n’est pas notre intention. Car on ne le répétera jamais assez : l’absolue singularité des violences conjugales, c’est qu’elles se produisent à l’endroit où l’on devrait se sentir le plus en sécurité. » (Édouard Philippe, le 3 septembre 2019).


     

     
     


    Ce que disait Édouard Philippe, alors Premier Ministre, le 3 septembre 2019 au Grenelle contre les violences conjugales, est vrai aussi pour les enfants à l'école : en effet, pour les enfants, l'école, comme la famille, doit être le lieu de la sécurité absolue. Sécurité physique et sécurité affective. Alors, lorsqu'il y a des faits de violence à l'école, c'est un véritable scandale.

    Souvent, il est question de violences entre élèves, de harcèlement scolaire, voire de violences commises par des élèves sur des enseignants. Le fait médiatique du jour, c'est encore pire : la violence vient de l'autorité, vient de l'enseignant, et encore pire que pire, sur une enfant à peine sortie de la petite enfance.

    La vidéo que l'avocate de la famille, Vanessa Edberg, a mise en ligne ce lundi 9 septembre 2024 a provoqué consternation et malaise tant dans la classe politique que dans la communauté éducative. De quoi s'agit-il ? L'unité de lieu : une école maternelle dans le quinzième arrondissement de Paris. L'unité de temps : le jeudi 5 septembre 2024.

    Une fillette de 3 ans qui venait de rentrer pour la première fois à l'école (rappelons-nous que l'école est désormais obligatoire à partir de 3 ans) a été frappée par sa maîtresse et aspergée de liquide. En fait, dès le deuxième jour de la rentrée, la petite fille avait expliqué à sa maman que sa maîtresse lui avait donné des coups. C'est la mère d'une autre camarade de la classe, présente, qui, étonnée puis choquée par le comportement de l'institutrice vis-à-vis de ses écoliers, a filmé la scène (cette mère étant étrangère se demandait si c'était normal en France).

    Dans son message sur Twitter accompagnant la vidéo, l'avocate a écrit : « Une Maîtresse violente une petite fille de petite section et lui asperge un liquide sur la tête dans une école du 15ème arrondissement de Paris. Une plainte a été déposée. En tant qu’avocate je mènerai ce combat main dans la main avec la famille, en tant que maman mon cœur saigne. ». À la fin de la scène filmée de moins d'une minute, on entend l'enseignante dire à la fillette qui pleurait et criait : « Voilà, ça te fait du bien, là ? ».

    Selon la mère de l'enfant (qui a affirmé : « Au départ, je n'y ai pas cru ! »), sa fillette ne fait plus que pleurer à la maison. La famille est sous le choc, et le choc pour l'enfant est énorme car sa première expérience avec l'école, peut-être avec l'extérieur sans sa mère, est de la violence. Elle aura du mal à ne pas avoir peur d'un enseignant dans son avenir proche.

    Le parquet de Nanterre a ouvert le 10 septembre 2024 une enquête préliminaire confiée au commissariat d'Issy-les-Moulineaux à la suite de la plainte déposée le 5 septembre 2024 par la famille, pour des « faits qualifiés à ce stade de violence sur mineur de 15 ans sans incapacité ». Selon certains spécialistes, l'institutrice encourrait sept ans de prison en raison de trois circonstances aggravantes : cela se passe à l'école (lieu sanctuarisé pour l'enfant) ; sur une "mineure de 15 ans" (cela veut dire : enfant de moins de 15 ans) ; par une personne ayant autorité (enseignante). Le parquet de Nanterre devrait être rapidement dessaisi de l'affaire au profit du parquet de Paris où se trouve l'école.

    De même, le recteur de l'académie de Paris Bernard Beignier a pris immédiatement une mesure de suspension de l'enseignante, dans l'attente des conclusions de l'enquête, visant à mettre en sécurité tant la fillette et les autres écoliers, les collègues de l'institutrice qu'elle-même. : « L’arrêté de suspension de cette enseignante, ce qui n’est pas une sanction mais une mesure de protection et ensuite il y aura à la fois une enquête pénale puisqu’une plainte a été déposée et une enquête administrative qui pourra conduire très certainement à un conseil de discipline, voire des sanctions qui vont du blâme à la révocation. ».

    Le maire du quinzième arrondissement de Paris, Philippe Goujon (ancien député) a réagi sur BFMTV : « C’est tout à fait insoutenable, ce comportement est inqualifiable, venant d’une enseignante confirmée, qui était dans cette école depuis déjà une dizaine d’années. [Elle] connaît bien l’école, les parents, les élèves, et c’est une enseignante qui a une cinquantaine d’années (…), qui [ne] se laisse pas emporter normalement par ses émotions. ». Guislaine David, la secrétaire générale de la FSU-SNUIPP, principal syndicat des enseignants du premier degré, s'est déclarée choquée : « En tant qu’enseignants, nous devons assurer la sécurité physique et affective des élèves. ».

    De son côté, selon son avocat, l'enseignante suspendue a regretté ses gestes dus, selon elle, à un emportement : « L'institutrice est en état de choc. Elle regrette profondément ce qu'il s'est passé. ». On peut imaginer surtout le choc émotionnel sur les médias et les réseaux sociaux d'être montrée du doigt, mais il y a une part d'indécence à exprimer cet état de choc alors qu'elle est l'auteure de cette violence et que c'est sur la victime, la fillette et sa famille, elles aussi en état de choc, qu'il faut se concentrer, que la société doit se concentrer, du moins les pouvoirs publics.

    On pourra s'étonner sans doute de l'explosion médiatique de cette "affaire" alors que l'intérêt de tous les protagonistes (victime, famille, écoliers, établissement) serait plutôt de ne pas enflammer les passions publiques... sauf si c'est pour empêcher d'autres faits de violence à l'avenir, ce qui semblerait être l'objectif de l'avocate. En quelque sorte, le scandale est lui-même très instructif, car cela signifie que la société évolue. Il n'est plus possible de violenter les enfants sans créer un scandale, ce qui est relativement nouveau.

    Il y a cinq ans, les parlementaires avaient adopté la loi n°2019-721 du 10 juillet 2019 relative à l’interdiction des violences éducatives ordinaires. Elle signifiait, surtout aux parents, qu'on n'avait plus le droit de frapper physiquement ses enfants, ni gifles, ni fessées. Pour les "vieux" parmi lesquels je pourrais me compter, on a souvent estimé qu'une bonne claque pouvait être efficace et salutaire, déclencheur d'une maturité qui tardait à venir. La réalité, c'est qu'il y a des nourrissons qui meurent de la violence de leurs parents. Car il y a claque et claque, grosse claque qui blesse profondément le corps et petite tapette qui blesse surtout psychologiquement l'âme. Mais qui est le juge de paix de la pondération des claques ? Interdire sauve des enfants de la maltraitance, d'où cette loi.

    A fortiori, un enseignant a encore moins le droit de frapper un élève que ses parents. Selon certains témoignages, ce n'était pas la première fois que cette enseignante frappait, mais pourquoi est-ce seulement aujourd'hui qu'on le lui reproche ? Sans doute un élément simple : la vidéo. L'image est parlante et remplace tout jugement. Cela fait cinquante ans que nous sommes dans une société de l'image (avec la télévision, puis Internet), mais c'est très récemment (depuis une dizaine d'années) que n'importe qui peut diffuser à grande échelle des images (en l'occurrence, ici, une mère sur la violence d'une enseignante).


    Les réactions des internautes de Youtube à la vidéo de cette scène sont, elles aussi, instructives (et je soupçonne que ce sont issues de personnes plutôt âgées, en tout cas, qui ont le temps et l'oisiveté de se consacrer à réagir sur Internet). J'en ai pioché quelques-uns sur deux vidéos données. On voit à quel point le relativisme dénoncé par Édouard Philippe (voir au début de l'article) sévit et reste bien vivace.
     

     
     


    Majoritairement, beaucoup disent qu'il ne faudrait pas exagérer, qu'il n'y a pas mort d'homme, que c'est une petite violence, jusqu'à faire part de leur expérience (j'ai été frappé et tout va bien maintenant, je n'en suis pas mort), voire se retournent contre les parents en demandant ce qu'ils ont fait de leur éducation pour cette pauvre fillette (rappelons-le : c'était sa première rentrée scolaire). Heureusement, d'autres s'insurgent contre cette violence et s'imaginent les parents de cette fillette.
     

     
     


    Je ne doute pas que ces réactions d'hostilités vont perdurer parce qu'il y a toujours un fond de complotisme résiduel sur Internet et le complot, ici, ce serait de dire que la vidéo était un coup monté pour mettre en difficulté l'enseignante. Que celle-ci en soit consciente ou pas, taper des enfants de 3 ans ne sont pas des méthodes pédagogiques et si elle ne s'en sort pas avec ses élèves dans sa classe, il faudra penser sérieusement à évoluer vers un autre métier que l'enseignement. On s'étonnera aussi que personne, au rectorat, n'avait reçu auparavant de signalement sur cette violence dont serait coutumière cette enseignante.
     

     
     


    Mais celle-ci ne doit pas payer non plus pour les autres, pour la violence à l'école en général. Les faits sont tristes pour tout le monde. Je laisse la justice enquêter au-delà des apparences médiatiques et donner ses conclusions. Ce que je retiens, c'est que cette sortie médiatique est une bonne mesure préventive voire dissuasive pour les enseignants susceptibles de violenter leurs élèves, surtout s'ils sont en très bas âge, car finalement, un lynchage médiatique peut faire plus mal qu'une véritable condamnation judiciaire. Alors, restons modérés dans les réactions, c'est plusieurs vies qui sont en jeu dans cette triste affaire, et heureusement, toutes ne sont pas finies.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (10 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    La foi de Sœur Marguerite contre l'exclusion scolaire.
    Il y a 40 ans, l'énorme manifestation pour l'école libre.
    Amélie Oudéa-Castéra.
    Journée de lutte contre le harcèlement scolaire : est-elle utile ?
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    L'assassinat de Dominique Bernard au lycée Gambetta d'Arras.
    G. Bruno.
    Gabriel Attal, nouveau ministre de l'éducation nationale.
    Pap Ndiaye.
    Les vacances scolaires sont-elles trop longues ?
    Nos enseignants sont des héros !
    Prime à l'assiduité : faut-il être choqué ?
    Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
    Transgression à Marseille : recruter des profs plus "librement" ?
    Samuel Paty : faire des républicains.
    Samuel Paty : les enseignants sont nos héros.
    La sécurité des personnes.
    Lycée Toulouse-Lautrec.
    Transgression à Marseille : recruter des profs plus "librement" ?
    L’école publique gratuite de Jules Ferry.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    Genrer la part du Lyon ?
    Daniel Pennac, ministre de l'éducation nationale.
    René Haby.
    Le handicap et l'école.
    La féminisation des noms de métiers et de fonctions.
    Les écoles ne sont pas des casernes.
    La laïcité.
    La réforme du baccalauréat.
    Prime à l’assiduité.
    Notation des ministres.
    Les internats d’excellence.
    L’écriture inclusive.
    La réforme de l’orthographe.
    La dictée à  l’école.
    La réforme du collège.
    Le réforme des programmes scolaires.
    Le français et l’anglais.
    Le patriotisme français.
    Jean-Michel Blanquer.
    Jean Zay.
    Vincent Peillon.
    Alain Devaquet.
    Alain Savary.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240910-violence-scolaire.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/violence-scolaire-quand-une-256724

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/10/article-sr-20240910-violence-scolaire.html



     

  • La foi de Sœur Marguerite, qui déplace des montagnes contre l'exclusion scolaire

    « Elle a le visage d'un ange prêté pour trop peu de temps à la Terre. » (Jacques Séguéla, 2006).


     

     
     


    Ce dimanche 8 septembre 2024, je voudrais rendre hommage à une femme superbe, Sœur Marguerite, qui fête son 98e anniversaire. Tant d'années et autant de foi dans la vie, dans l'espérance d'un avenir meilleur, cela réconforte quand on lit tellement de mauvaises nouvelles, tellement de déclinisme, de pessimisme. Et puis, il est quand même quelques personnes charitables qui se sont engagées auprès de Dieu qui ne devraient pas décevoir, même après leur mort.

    Dans le petit monde des religieuses, il y a beaucoup de sœurs Marguerite. La Sœur Marguerite que je veux honorer ici s'appelle pour l'état-civil Marguerite Tiberghien, née le 8 septembre 1926 à Roubaix, dans le Nord. Elle s'est engagée en 1948 dans les ordres chez les Filles de la charité de saint Vincent de Paul. Après avoir enseigné dans l'agglomération de Lille, Sœur Marguerite est partie en 1972 au Congo-Brazzaville pour enseigner également (le régime de ce pays africain était communiste de 1969 à 1992). Elle avait alors 46 ans.

    Sa grande réalisation, ce fut d'avoir fondé l'École spéciale de Brazzaville en octobre 1975 qui permet de scolariser gratuitement les exclus, des enfants très pauvres ou en situation de handicap, des enfants déscolarisés, des adultes illettrés, etc. sur le programme de l'enseignement primaire en langue française. Elle y a enseigné la lecture et l'écriture pendant près de trente années, jusqu'en septembre 2004 où elle a pris sa retraite et est retournée vivre à Paris comme l'y conviait sa congrégation (elle avait 78 ans !). Cette école a essaimé et a fait des petites. En tout, 30 000 Congolais ont bénéficié de cette école très singulière et ont échappé à l'illettrisme. Sœur Marguerite a su trouver des financements tout au long de ces années, soit des pouvoirs publics (notamment congolais et français) soit d'origine privée (donateurs, etc.).

    Au-delà de l'enseignement primaire, cette école assure aussi une formation professionnelle (menuiserie, jardinage, couture) et des activités d'éveil pour les élèves (enfants et adultes) atteints d'un handicap mental. Ces derniers restent à la charge de leur famille mais avec cette formation, ils ont progressé dans leur ouverture au monde, ce qui a renforcé leur intégration sociale. Les effectifs de l'école sont passés de 80 en 1975 à 2 500 en 2011. À partir du début des années 2000, en effet, c'est tout un réseau d'écoles qui a été mis en place pour instruire les exclus.

    Toutes ces structures se basent sur les quatre principes suivants : accueil des exclus de l'école primaire, coexistence des trois sections pédagogiques (A : adultes de plus de 20 ans pour alphabétisation et préparation au CEP ; J pour enfants de moins de 14 ans pour atteindre le niveau CM2 ; T pour enfants de plus de 14 ans pour alphabétisation et préparation au CEP) et des ateliers professionnels ; gratuité avec participation financière libre des familles ; gestion d'un comité d'entraide.

    Le 6 octobre 2021 (dans un entretien accordé à Marie Alfred Ngoma pour l'Agence d'information d'Afrique centrale), Sœur Marguerite a raconté ses débuts : « Nous avons commencé dans une salle qui n’était pas une classe. (…) Notre travail était d’assurer l’apprentissage de la lecture par la méthode syllabique mimée avec des gestes. Nous avions, pour chaque lettre de l’alphabet, une histoire accolée. Par exemple, celle de la lettre A, c’est l’histoire d’une jeune fille qui s’appelle Anne qui s’émerveille et exprime sa joie avec un énorme sourire devant la robe achetée par sa mère. La classe s’interroge : pourquoi Anne est contente ? Elle est contente parce que sa mère lui a acheté une belle robe. S’en suit l’exclamation Ah ! ».

    Et de résumer l'essentiel pour les enfants congolais : « Tout comme les cinq doigts de la main : en premier, disposer d’un bon professeur ; ensuite, avoir le courage de travailler ; entretenir l’amitié dans la classe, éviter les moqueries ; veiller à la propreté dans l’école et enfin, lutter pour la vérité, admettre ses faiblesses au lieu de les cacher, pas d’évolution si on ne sait pas lire. (…) Plus, il y aura de femmes et d’hommes conscients de la richesse de la lecture, mieux ça ira ! C’est par l’apprentissage de la lecture pour tous que le Congo rendra la fierté aux populations, ôtant, au passage, le mépris de l’autre. ».

    Malgré la guerre civile qui a sévi au Congo-Brazzaville entre le 10 mai et le 25 octobre 1997 et qui a fini par le retour au pouvoir de l'ancien autocrate communiste Dens Sassou-Nguesso (toujours au pouvoir aujourd'hui), la religieuse a préféré restait courageusement sur place, malgré les dangers, pour continuer à mener sa lutte contre l'illettrisme, car ses élèves avaient besoin d'elle.

    En avril 2006, Sœur Marguerite a fait la connaissance du publicitaire Jacques Séguéla et ce fut le coup de foudre pour l'homme de communication qui l'a appelée Sœur Courage. Ce dernier lui a consacré un livre-interview où elle a nappé sa vie auprès des exclus. Un livre, publié en octobre 2006, dont les droits d'auteur ont été versés à l'Association des amis de l'École spéciale de Brazzaville.
     

     
     


    La notoriété de l'ancien conseiller en communication politique de François Mitterrand lui a permis également de créer, avec l'aide notamment du père Alain de La Morandais (qui avait fait connaître Sœur Marguerite à Jacques Séguéla), le Fonds de dotation Sœur Marguerite le 20 août 2010 pour financer toutes les initiatives locales visant à concrétiser la gratuité et l'universalité de l'enseignement primaire en langue française (apprendre à lire, écrire et compter). Ce fonds a été reconnu à l'UNESCO au cours d'une journée sous le haut patronage de Carla Bruni, épouse du Président de la République, le 12 avril 2011.

    Pierre Chausse, président de ce fonds, a expliqué : « [Ce fonds] a pour objet de pérenniser et de développer le modèle des Écoles Spéciales (qui combine enseignement primaire francophone pour tous et formations professionnelles) ainsi que de développer un réseau d’écoles dans le monde entier. En une décennie, l’action de soutien du Fonds de dotation en faveur de projets éducatifs s’est étendue auprès de nombreuses communautés francophones, qu’elles soient congolaises, indiennes ou libanaises. Aujourd’hui via ses partenariats avec d’autres ONG, les équipes enseignantes sur place et des acteurs locaux partageant ces mêmes valeurs d’universalité de l’éducation. Le Fonds de dotation réfléchit à différents projets d’infrastructures, notamment en faveur des personnes handicapées. ».


    Quant à la religieuse, voici ce qu'elle disait, le 13 février 2011 sur RFI, à la journaliste Geneviève Delrue (vice-présidente de l'Association des journalistes d'information religieuse) : « Cela me donne un grand bonheur, parce que je suis de plus en plus persuadée que les questions de sous-développement de pays en retard, c'est avant tout une question d'instruction. Alors, maintenant, il y a l'École spéciale à soutenir, mais il y aurait aussi l'ensemble des jeunes mal instruits ou pas scolarisés du tout. Mon idée-là, toujours dans la tête : pas savoir lire à 80 ans, ce n'est pas grave, parce qu'on a encore toute l'oralité avec les contes, les proverbes, enfin, toute la belle poésie de cette oralité. Pas savoir lire à 50 ans, ce n'est pas grave, il y a des écoles qui sont prévues pour ça. Mais pas savoir lire à 15 ans, c'est inacceptable ! Surtout à notre époque. Parce que les analphabètes qui n'ont que la force de leurs bras, et qui, ayant grandi dans des villes immenses, n'ont pas bénéficié de la culture orale de leurs ancêtres, on est devant un orphelinat mental. (…) Maintenant, avec les avancées techniques et les robots, les analphabètes qui n'ont que la force de leurs mains, petit à petit, on n'en a pas besoin, c'est grave ! Voyez les chantiers de construction, et j'ai vu de grandes grues, des grosses pelleteuses, mais il y a deux trois ouvriers, pas plus, ce n'est pas la peine, la machine est là. C'est vrai, il faut savoir la diriger la machine, donc, il faut avoir fait des études ».

    Effectivement, Sœur Marguerite a souvent parlé du « miracle de l'amitié » qui a sorti tant de ses élèves, enfants congolais, de « l'orphelinat mental ». Elle leur a souhaité joyeux Noël 2021 avec ces mots : « Qu’ils soient dans la posture où, avec peu, se multiplient les bonheurs à partager (…). [Je leur souhaite] d’avoir souvent l’occasion de dire, d’entendre : c’est bien, c’est bon, c’est beau ! ».
     

     
     


    Elle a décrit la honte de l'exclusion scolaire : « Le premier point commun, c'est une espèce de honte. L'analphabète de 15 ans a honte de ne pas savoir lire. Et l'écriture pour lui, c'est des dessins. (…) Ils savent qu'ils n'ont pas d'avenir. Alors, vous les retrouvez où ? Vous les retrouvez dans les bandes armées, soit simplement des bandits, soit des bandes armées des milices dont s'entoure chaque personnage important. ».

    Jusqu'au bout, jusqu'à son dernier souffle, Sœur Marguerite se consacrera donc à l'éducation, après avoir vu les massacres de la guerre civile en 1997 : « Au moins l'éducation primaire. D'abord, c'est marqué dans la Déclaration des droits de l'homme, article 26 : l'homme a droit à l'éducation gratuite, au moins la primaire. On ne peut pas se contenter de nourrir. On ne peut pas se contenter de vacciner. Ça va vite, un vaccin ; une minute, l'enfant est vacciné. Mais après ? Moi, je disais à un papa qui est tout fier d'aller annoncer à la mairie que sa femme lui a fait cadeau du plus beau bébé du monde, est-ce qu'il a pensé qu'il en avait jusqu'en 2030 à suivre la scolarité de son fils ? Maintenant, il faut compter vingt ans. Et là-bas, on trouve normal de les laisser comme ça parce que, c'est vrai, il y a un effort à faire. Quand je vois les belles écoles en France, et qu'on n'est pas contents, on a encore trop d'enfants qui arrivent en Sixième en ânonnant la lecture, bon, mais là-bas, chaque fois, je suis triste, je suis contente parce qu'on reçoit de bonnes aides des écoles françaises, ces jeunes sont généreux, les professeurs aussi, les directeurs sont très accueillants, mais chaque fois, quand je vois la différence avec les écoles du Congo que je connais (…), je dis : non, ça ne va pas, ils ne vont pas se rattraper. Et je supplie de tout mon cœur les chefs d'État de prendre ça en main. » (13 février 2011).

    Le 28 mars 2013, Sœur Marguerite a suggéré pour l'hebdomadaire chrétien "La Vie" que Dieu avait laissé quatre graines dans le cœur des humains, et des seuls humains, la bonté qu'il faut cultiver, la science et l'intelligence, la beauté, et ce grand appel de l'infini : « Qu'est-ce qu'il y aura après la mort ? L'éternité qui nous attend, c'est la grande question qui se pose. ». Et de conclure : « Dieu, on l'a vu. C'était un homme ! ». Très bon anniversaire, ma sœur !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jacques Séguéla.
    Les 98 ans de Sœur Marguerite.
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    Assomption : pourquoi le 15 août est-il férié ?
    Le pape François à Marseille (1) : ne pas légiférer sur l'euthanasie.
    Le voyage du pape François à Marseille (22 et 23 septembre 2023).
    Mgr Jacques Gaillot.
    Mgr Albert Decourtray.

    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240908-soeur-marguerite.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/la-foi-de-soeur-marguerite-qui-256608

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/08/article-sr-20240908-soeur-marguerite.html




     

  • Yves Duteil, passeur de mots

    « Et si parfois je te montre les rails, c'est pour que tu y ajoutes l'aiguillage à ton idée. » (Yves Duteil, 2006).



     

     
     


    Le chanteur (auteur-compositeur-interprète) Yves Duteil fête son 75e anniversaire ce mercredi 24 juillet 2024. Cela fait plus de cinquante ans qu'il existe de la paysage de la chanson française (son premier disque date de 1972) et il se caractérise par l'amour des mots, de la langue française. Il a été plusieurs fois récompensé pour les paroles et la musique de ses chansons (par la Sacem, par l'Académie française, par l'Académie Charles-Cros, etc.). Il a fait un concert il y a encore quelques mois, le 2 novembre 2023, aux Folies Bergère à Paris.

    Soixante-quinze ans déjà, est-on tenté de dire et d'y aller sur le temps qui passe. Il était très connu dans les années 1970 avec deux ou trois chansons très bucoliques, pleines de tendresse des êtres et des mots, en particulier cette chanson "Prendre un enfant par la main" qui a été sacrée meilleure chanson française du XXe siècle par le magazine "Le Temps" en 1987.

    « Prendre un enfant par la main
    Pour l'emmener vers demain,
    (…)
    Prendre un enfant par la main
    En regardant tout au bout du chemin,

    Prendre un enfant pour le sien. »

    Dans le même album sorti en 1977, deux autres chansons ont eu aussi une destinée retentissante, "Tarentelle" et "Le petit pont de bois" (et j'ajouterais aussi "La puce et le pianiste"). Une vingtaine d'albums, près de quatre centaines de chansons, aussi beaucoup d'ouvrages écrits, une quinzaine (Yves Duteil est un écrivain, voir ci-après).

    Yves Duteil était l'ami des enfants, du moins ceux qui étaient enfants dans les années 1970 ! Ce n'est pas anodin qu'il existe une trentaine d'établissements scolaires qui sont baptisés à son nom en France, ce qui est très rare pour une personnalité encore vivante.

    Il est un star atypique (il n'est pas le seul comme cela, heureusement). Loin des paillettes, connu avec une image d'amoureux de la nature, une guitare à la main et de longs cheveux très à la mode de l'époque, Yves Duteil semble être quelqu'un de très stable, qui a traversé sans encombres des décennies très marquées : il s'est marié en juin 1975 et vit toujours avec sa femme, ils ont une fille et un petit-fils, et comme tout le monde, des pépins de santé, etc. qu'il a racontés dans son autobiographie "Chemins de liberté" sorti le 6 mai 2021 (éd. de L'Archipel).

    Les chansons ne reflètent pas seulement des mots d'amoureux, mais aussi de militant, celui d'un engagement calme et respectueux néanmoins profond. Yves Duteil a soutenu ainsi une jeune Tibétaine condamnée à la prison. Yves Duteil a aussi évoqué l'assassinat du Premier Ministre israélien Yitzhak Rabin en 1997.

    Il a condamné aussi l'antisémitisme en se replongeant dans l'histoire de l'Affaire Dreyfus, c'est-à-dire, dans sa propre histoire car le capitaine Alfred Dreyfus, injustement condamné parce qu'il était Juif, n'était autre que son grand-oncle (son grand-père a fait changer son nom Deutsch en Duteil) : « Je suis né dans une famille juive qui m’a baptisé. Je n’ai pas reçu d’éducation religieuse, mais ce baptême de complaisance a laissé une empreinte. ».

    « Et je retrouve en moi

    Ta foi dans la justice
    Et ta force au combat.
    Dans ton honneur déchu,
    Malgré ta peine immense,
    Tu n'as jamais perdu

    Ton amour pour la France. »

    Parmi d'autres engagements qui ont marqué sa vie, Yves Duteil s'est fait élire et réélire, de 1989 à 2014, maire de Précy-sur-Marne, un village de moins de 1 000 habitants dans le nord-ouest de la Seine-et-Marne (avec une étiquette centriste). Les Guignols de l'Info l'ont même caricaturé parce qu'il a soutenu Jacques Chirac en 1995. Il s'engagea aussi dans les Jeux olympiques d'hiver à Albertville en 1992 où il donna une chanson retenue par le comité olympique ("La Fleur de l'impossible").

    Avant de proposer quelques chansons disponibles sur Internet (une quinzaine), je propose quelques belles phrases issues de deux de ses livres.


    L'amour : « La plus belle définition que j'en connaisse [de l'amour] : "Quelqu'un qui vous aime, c'est quelqu'un qui vous a à sa merci mais qui n'en profite pas". » (2014). L'exemple le plus simple de cette définition, c'est de dormir ensemble, ce qui revient à s'abandonner à l'autre.

    Toujours l'amour : « Tu dis les mots justes et souvent tes phrases commencent par "oui..", même pour conduire doucement vers le contraire en ouvrant la porte de la tolérance. » (2006).

    Soif de connaissances : « La première condition pour apprendre est d'accepter d'ignorer. » (2006). Une reformulation du fameux "gnothi séauton" de Socrate.

    Vaine démagogie : « En attendant, on confie notre destin à la démocratie. Celui qui fait le mieux semblant de tout savoir est élu pour demander ensuite à ceux qui ont le plus de diplômes de lui dire ce qu'il faut faire devant l'inconnu... Et, sitôt qu'il est élu, on ne songe qu'à le remplacer par un autre qui a l'air de mieux savoir demander aux mêmes... » (2006).


    1. "J'ai caché ton mouchoir" (1974)






    2. "Tarentelle" (1977)






    3. "Prendre un enfant" (1977)






    4. "Le petit pont de bois" (1977)






    5. "La puce et le pianiste" (1977)






    6. "Les p'tites casquettes" (1977)






    7. "J'ai la guitare qui me démange" (1979)






    8."La maman d'Amandine" (1979)






    9. "Mélancolie" (1979)






    10. "La langue de chez nous" (1985)






    11. "Les petits hommes verts" (1987)






    12. "La Fleur de l'impossible" (J.O. 1992)






    13. "Dreyfus : je suis son neveu" (1997)






    14. "La Tibétaine" (1997)






    15. "Grand-père Yitzhak" (1997)






    16. Ses plus belles chansons des années 1970







    17. Émission "C à vous" le 5 mai 2021 sur France






    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Yves Duteil.
    Pierre Perret.
    Michel Polnareff.
    Françoise Hardy.
    Charles Aznavour.
    Alain Souchon.
    Patrick Bruel.
    Eden Golan.
    ABBA.
    Toomaj Salehi.
    Sophia Aram.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Micheline Presle.
    Plastic Bertrand.
    Jacques Dutronc.

    Guy Marchand.
    Maria Callas.
    Catherine Deneuve.
    Gérard Depardieu.
    Stéphanie de Monaco.
    Jane Birkin.
    Fernand Raynaud.
    Marcel Zanini.
    Patricia Kaas.
    Kim Wilde.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240724-yves-duteil.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/yves-duteil-passeur-de-mots-255817

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240724-yves-duteil.html