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olivier falorni

  • Euthanasie 2025 (4) : adoption de la proposition de loi relative à "l'aide à mourir"

    « La véritable grandeur d’une société ne se mesure pas à sa capacité à abréger la vie, mais à son engagement à l’accompagner, jusqu’à ses derniers instants, avec humanité, courage et tendresse. » (Patrick Hetzel, le 27 mai 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Ce mardi 27 mai 2025 ont eu lieu dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale deux votes solennels sur deux propositions sur la fin de vie et l'accompagnement des personnes en fin de vie. La première proposition relative aux soins palliatifs a été adoptée à l'unanimité des députés avec 560 voix pour, 3 abstentions (dont 2 députés qui sont trompés et voulaient voter pour) sur 563 votants. La proposition de loi sur l'aide à mourir (proposition Falorni) n'a pas été, en revanche, adoptée à l'unanimité, loin de là. Elle l'a été, vers 18 heures 45, avec 305 voix pour, 199 voix contre, 57 abstentions sur 561 votants, soit une majorité assez large, quand même, de trois cinquièmes.

    Comme je l'ai exprimé précédemment, je regrette cette adoption en première lecture. Le fait de légiférer sur une autorisation à tuer ou à aider à tuer une personne est l'ouverture d'une boîte de Pandore. Des abus viendront obligatoirement pour de nombreuses raisons (coûts financiers de l'assurance maladie, pression des héritiers, tentations d'eugénisme, etc.) avec des assouplissements et élargissements des conditions d'encadrement votées ce 27 mai 2025.

    Dans le précédent article, j'ai précisé justement les conditions d'utilisation de cette aide à mourir (euthanasie et suicide assisté) que les députés avaient définies. Dans cet article, je propose d'indiquer le nom de quelques députés qui ont voté pour ou contre, souvent pour souligner que ce vote de conscience (et pas de confiance) a eu lieu en dehors des clivages politiques ordinaires (la plupart des groupes ont renoncé à une consigne de vote collective). Ensuite, je présenterai quelques extraits intéressants des explications de vote. Le Premier Ministre François Bayrou avait souhaité séparer les deux textes (soins palliatifs et euthanasie) et il a eu raison puisque l'un a été adopté de manière unanime au contraire de l'autre.


    Qui a voté pour ou contre ?


    Parmi les 305 députés qui ont voté pour la proposition Falorni, il y a eu 19 députés RN (dont Guillaume Bigot, Sébastien Chenu, Edwige Diaz, Alexandra Masson, Thomas Ménagé, Jean-Philippe Tanguy), 64 députés Renaissance (dont Pieyre-Alexandre Anglade, Gabriel Attal, Yaël Braun-Pivet, Céline Calvez, Pierre Cazeneuve, Olga Givernet, Guillaume Kasbarian, Roland Lescure, Sylvain Maillard, Franck Riester, Violette Spillebout, Jean Terlier, Prisca Thevenot, Stéphane Travert), 62 députés insoumis (sur 71), 59 députés socialistes (sur 66), 7 députés LR (dont Vincent Jeanbrun), 33 députés écologistes (sur 38), 20 députés MoDem (dont Erwan Balanant, Geneviève Darrieussecq, Olivier Falorni, Bruno Fuchs, Perrine Goulet, Jean-Paul Mattei, Richard Ramos, Nicolas Turquois, Philippe Vigier), 14 députés Horizons (dont Agnès Firmin Le Bodo, Lise Magnier, Isabelle Rauch, Frédéric Valletoux), 11 députés LIOT (dont Yannick Favennec-Bécot, David Habib, Stéphane Lenormand, Paul Molac, Estelle Youssouffa), 12 députés communistes (sur 17) et 4 députés non-inscrits (dont Stella Dupont, Sophie Errante, Sacha Houlié).

    Parmi les 199 députés qui ont voté contre la proposition Falorni, il y a eu 101 députés RN (sur 123, dont Marine Le Pen), 11 députés Renaissance (dont Yannick Chenevard, Anne Genetet, Sébastien Huyghe, Constance Le Grip, Joséphine Missoffe, Karl Olive, Annie Vidal qui a été la rapporteure de la proposition de loi sur les soins intensifs), 1 députée insoumise (Sophia Chikirou qui voulait s'abstenir), 4 députés socialistes (dont Paul Christophle, Dominique Potier), 34 députés LR (sur 49, dont Thibault Bazin, Xavier Breton, Pierre Cordier, Fabien Di Filippo, Nicolas Forissier, Philippe Gosselin, Michel Herbillon, Patrick Hetzel, Philippe Juvin, Olivier Marleix, Michèle Tabarot, Jean-Louis Thiériot, Jean-Pierre Vigier, Laurent Wauquiez), 1 députée écologiste (Lisa Belluco), 9 députés MoDem (dont Blandine Brocard, Cyrille Isaac-Sibille, Emmanuel Mandon, Maud Petit), 13 députés Horizons (dont Thierry Benoit, François Gernigon, Anne Le Hénanff, Naïma Moutchou, Marie-Agnès Poussier-Winsback), 3 députés LIOT (dont Charles de Courson, Jean-Luc Warsmann), 1 député communiste (Stéphane Peu), 16 députés ciottistes (sur 16, dont Éric Ciotti) et 5 députés non-inscrits (dont Aurélien Pradié, Raphaël Schellenberger).

     

     
     


    Enfin, 57 députés se sont abstenus : 3 députés RN (dont Franck Allisio), 14 députés Renaissance (dont David Amiel, Hervé Berville, Maud Bregeon, Olivia Grégoire, Marie Lebec, Mathieu Lefèvre, Éric Woerth), 3 députés insoumis, 2 députés socialistes, 8 députés LR (dont Julien Dive, Virginie Duby-Muller), 1 députée écologiste, 7 députés MoDem (dont Marina Ferrari, Marc Fesneau, Sandrine Josso), 6 députés Horizons (dont Paul Christophe, Nathalie Colin-Oesterlé), 9 députés LIOT (dont Harold Huwart, Christophe Naegelen, Nicolas Sanquer, Olivier Serva), 3 députés communistes (dont Emmanuel Tjibaou) et 1 député non-inscrit.


    Quelques explications de vote


    Dans les extraits que je présente, je précise qu'ils ne sont pas forcément représentatifs de l'Assemblée, mais ils proviennent à la fois de députés qui allaient voter pour et d'autres contre la proposition Falorni. Les groupes du socle commun ont été très partagés d'ailleurs, mais également le groupe RN.

    Le député et ancien ministre Philippe Vigier (MoDem) : « Nous sommes fiers d’être parlementaires. Le débat a été apaisé, argument contre argument. (…) Sur nombre de sujets sociétaux, l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), l’abolition de la peine de mort, l’autorisation de la procréation médicalement assistée (PMA), le mariage pour tous, les échanges dans cet hémicycles furent houleux. Ils n’étaient pas davantage apaisés lors de l’examen de la loi Claeys-Leonetti, j’ai lu les comptes rendus des débats de l’époque. Nous avions un devoir, être collectivement à la hauteur. Nous avons été à la hauteur pour les malades, qui nous écoutent, nous regardent et dont certains, dans l’impasse, attendaient ce nouveau droit. Nous avons été à la hauteur pour les soignants, cette communauté généreuse, professionnelle, que nous avons applaudie pendant l’épidémie de covid (…). Plusieurs textes ont ponctué notre cheminement sur ces questions : la proposition de loi relative au droit de vivre sa mort du sénateur Caillavet, la loi Kouchner, relative aux droits des malades, la loi Leonetti, dont l’adoption, il y a vingt ans déjà, mit un terme à "l’obstination déraisonnable n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie". Le législateur avait déjà envisagé la situation des personnes "en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable" dont on ne peut soulager les souffrances qu’en leur appliquant "un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d’abréger [la] vie", autrement dit, de hâter la mort. En 2016, une nouvelle étape a été franchie avec la loi Claeys-Leonetti, votée à l’Assemblée avant d’être totalement démantelée au Sénat ; il a fallu trouver un équilibre lorsqu’elle est revenue dans l’hémicycle. Un droit nouveau a alors été créé, "le droit du malade de dire : lorsque je souffre trop (…), je demande, si je le souhaite, qu’on arrête et qu’on m’endorme pour que la mort survienne dans mon sommeil", je cite Jean Leonetti. Le fait que certains d’entre nous aient voté contre la loi Claeys-Leonetti ne les a pas empêchés de se faire les ambassadeurs du droit à l’aide à mourir ces derniers jours. C’est bien la preuve que chacun peut évoluer au cours de sa vie ! (…) Que permettra cette nouvelle loi ? Elle donnera d’abord à des hommes et à des femmes le droit de bénéficier d’une aide à mourir. Il s’agit d’un droit en plus, pas d’un droit en moins ! Les patients atteints de la maladie de Charcot ne sont pas les seuls concernés, je pense notamment à ceux qui souffrent de cancers à tumeurs multiples, pour lesquels l’impasse thérapeutique est totale. Ce texte est équilibré, solide, il définit cinq critères cumulatifs et s’appuie sur un mot : le discernement. Quiconque a perdu son discernement ne pourra pas accéder à l’aide à mourir, a contrario des dispositions de la loi Claeys-Léonetti, je vous renvoie aux propos de Jean Leonetti qui expliquait qu’un patient ayant perdu son discernement pourrait bénéficier, au travers des soins palliatifs, de la sédation profonde et continue jusqu’à la mort. (…) Je le dis donc avec force : non, les résidents des EHPAD, s’ils ne remplissent pas les cinq conditions, ne pourront pas accéder à l’aide à mourir ; non, les enfants ne sont pas concernés, pas plus que les handicapés, je le dis à Perrine Goulet ; non, les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une affection psychiatrique, dès lors qu’elles ont perdu leur discernement, ne seront pas éligibles ! J’ajoute que les professionnels de santé sont protégés. Geneviève Darrieussecq a beaucoup insisté sur cette question, en particulier sur la clause de conscience. Tous les soignants peuvent la faire jouer. Je sais, chers collègues, que certains parmi vous souhaiteraient insister davantage sur le volontariat. Nous en reparlerons lors de la navette et je suis persuadé que nous trouverons ensemble une voie de passage. Quant aux directives anticipées, elles n’ont pas été intégrées au texte. C’est ce qui lui a permis de garder son équilibre et j’en remercie encore Olivier Falorni ! Nous voulions éviter que l’aide à mourir puisse faire partie d’un projet de vie ; elle ne pourra donc pas être demandée dans des directives anticipées. (…) Je tiens à m’adresser à ceux d’entre vous qui sont opposés à ce texte. Je respecte votre pensée et je sais que cette loi, pour vous, ne sera ni une loi d’humanité ni une loi de fraternité. Chacun son chemin ; chacun jugera en son âme et conscience. (…) Nous avons essayé de légiférer sérieusement (…). C’est avec une immense humilité que nous l’avons fait et nous serons toujours prêts, si jamais des dérives se faisaient jour, à les corriger. ».

    La députée et ancienne ministre Agnès Firmin Le Bodo (Horizons) : « Pour ma part, je voterai en sa faveur [en faveur due la proposition de loi instaurant une aide à mourir]. Je le voterai car il ne sacralise pas une idéologie, n’ouvre pas une liberté sans garde-fous, mais propose un chemin balisé, exigeant, réfléchi. Il ne cède pas à la facilité ; au contraire, il assume l’extrême complexité de certaines situations de fin de vie. Il forme, avec les soins palliatifs et l’accompagnement du malade et de son entourage, le modèle français de la fin de vie. Oui, nous devons entendre la détresse de ceux qui, même entourés, même soignés, ne peuvent plus vivre ce qui n’est plus pour eux qu’une lente agonie. Oui, nous devons affirmer que nul ne peut décider à la place de celui qui souffre. Mais nous devons également protéger ce choix, le borner, en garantir la liberté. (…) L’aide à mourir n’est ni de gauche ni de droite. Sur ce sujet, plus que sur tout autre, nul ne peut s’ériger en détenteur exclusif de la morale ; nul ne peut revendiquer la notion de bon ou de mauvais accompagnement de la fin de vie. Nous sommes tous ici élus du peuple, mais chacun a ses doutes, ses convictions, ses blessures propres. Parce que nous avons accepté cela, parce que nous avons écouté plus que nous n’avons accusé, nous avons pu réaliser ensemble ce que le Parlement peut faire de plus grand : donner à la loi un visage humain. ».


    Le député Laurent Panifous (LIOT) : « Les débats n’ont pas opposé ceux qui avaient raison et ceux qui avaient tort. Les votes et les positions qui s’exprimeront aujourd’hui sont tous respectables et je ne serais pas surpris d’apprendre qu’à quelques minutes d’un vote aussi important, aussi engageant, certains doutent et hésitent encore. Beaucoup ont dit, à raison, être pris d’un vertige à l’idée de légiférer sur la fin de vie. Sans doute n’existe-t-il rien de plus terrifiant, de plus mystérieux, de plus vertigineux que la mort, la nôtre, celle de nos proches, celle de ceux avec qui nous faisons société. Mais ne nous y trompons pas : nous ne légiférons pas sur la mort, pas plus que nous créons un "droit à mourir", comme j’ai pu l’entendre. Nous ne légiférons pas non plus sur le choix de mourir. Nous légiférons sur l’accompagnement que la société est prête à fournir à ceux pour qui la guérison n’est plus possible, sans jamais faiblir dans nos efforts pour les soigner et apaiser leurs souffrances. Il ne s’agit pas de précipiter la mort ni de faire de celle-ci un choix inéluctable ou, pire, forcé. Surtout, il ne s’agit pas de pallier un défaut d’accès aux soins palliatifs. ».

    Le député Yannick Monnet (PCF) : « Dès l’examen en commission, j’ai défendu l’idée que l’aide à mourir devait être non pas un dispositif, mais un droit, strictement encadré et conditionné. En effet, ce qui nous a conduits à légiférer sur l’aide à mourir, c’est la persistance de situations dans lesquelles des personnes atteintes d’une maladie incurable présentent des souffrances qui ne peuvent être soulagées par aucun soin et pour lesquelles la sédation profonde et continue n’est pas accessible. Dans ce contexte, envisager l’aide à mourir comme un droit, c’est garantir dans la loi l’accès à une mesure d’exception, d’ultime recours, protectrice à la fois pour la personne qui demande et pour les soignants qui devront l’accompagner. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, ce droit ne consacre pas la liberté de choisir sa mort. Il garantit à des personnes de pouvoir mettre un terme à des souffrances contre lesquelles la médecine ne peut plus rien ou que la personne, qui a fait le choix, en toute conscience et volontairement, de ne plus suivre de traitement, estime insupportables. C’est sur ce point que, ces dernières semaines, nous avons grandement affiné ce que nous attendions de l’aide à mourir. Après nos débats sur l’horizon temporel du diagnostic vital engagé et sur la notion de stade avancé d’une maladie, à la lumière notamment du dernier avis de la HAS, nous avons arrêté un choix : prendre davantage en considération la qualité de vie de la personne atteinte d’une maladie incurable que le temps qui lui reste à vivre, celui-ci étant, par nature, bien souvent incertain. Ce choix de privilégier la qualité de vie de la personne malade prise au piège de souffrances réfractaires est l’élément fondateur du droit à l’aide à mourir. C’est un choix qui bouscule et même, sans doute, brutalise notre perception de la fin de vie : au fond, nous souhaiterions tous que la médecine puisse tout jusqu’au bout et que la volonté de vivre l’emporte en toute situation. Je considère donc comme tout à fait inopportun de réduire la discussion sur la création de ce droit à une opposition entre les progressistes, qui seraient pour, et les conservateurs, qui seraient contre. Quand l’ordre établi est bousculé, l’instinct commande de le préserver. Quand nous, législateurs, bousculons l’ordre des choses, notre responsabilité nous commande d’agir avec prudence, en entendant les voix qui nous interpellent sur le déséquilibre que notre geste induit nécessairement. (…) Il faut impérativement éviter de jouer avec les ressorts du sensationnel, de la culpabilité et du clivage sans nuances. (…) Je regrette par ailleurs que la question d’un délit d’incitation n’ait pas pu être examinée autrement, avec moins de véhémence et plus de sérieux. Néanmoins, à l’issue de cette première lecture, j’ai le sentiment que nous avons réussi à définir le point d’ancrage du droit à l’aide à mourir et les restrictions qui doivent l’encadrer et le soutenir pour qu’il soit une réponse exceptionnelle à une demande exceptionnelle. ».
     

     
     


    Le député ciottiste Vincent Trébuchet : « Nous sommes plusieurs à avoir relayé la parole de nombreux philosophes, de juristes, d’économistes : ils nous alertent sur la rupture à tous niveaux que constitue cette proposition de loi et sur les dérives qu’elle contient dans son principe même, lesquelles se manifestent à l’international. Nous avons défendu la parole des soignants engagés dans les soins palliatifs : depuis leur expérience au plus proche de la fin de vie, et non par idéologie, ils nous disent qu’un autre chemin est possible. Nous avons porté la parole des nombreuses personnes malades ou handicapées : demain, elles seront éligibles à ce nouveau droit de demander la mort et elles ont peur. Ces paroles, monsieur le rapporteur général, madame la ministre, vous ne les avez pas véritablement entendues. Vous avez émis un avis défavorable sur la quasi-totalité des amendements que nous avions déposés. Les amendements qui visaient à renforcer la protection des personnes déficientes intellectuelles, des personnes autistes, des personnes sous protection juridique ou incarcérées ? Rejetés. Ceux qui visaient à élargir la clause de conscience aux pharmaciens chargés de préparer la substance létale, aux soignants prenant part indirectement à l’acte, ou aux établissements de soins palliatifs ? Rejetés. Ceux qui tendaient à contrôler la décision en instaurant une collégialité effective, en rendant possible un recours juridique préalable ou en prévoyant une consultation psychologique systématique ? Rejetés. Ceux qui tendaient à interdire explicitement la publicité pour l’euthanasie et sa promotion sur les réseaux sociaux, ou qui visaient à créer un délit d’incitation en miroir du délit d’entrave ? Rejetés. Les amendements, enfin, qui prévoyaient la remise d’un rapport relatif à l’impact financier de la loi sur la sécurité sociale, aux mutuelles et à leurs pratiques commerciales ? Rejetés. Devant cette constance à rejeter tout amendement qui ne viserait pas un élargissement pur et simple du droit au suicide assisté ou à l’euthanasie, on ne peut que s’interroger, quelle que soit sa position. Nous avons été collectivement incapables d’apporter à ce texte des garde-fous de bon sens, peut-être parce que le courant était trop fort. Quand la transgression de l’interdit de tuer est actée, les raisons véritables de ne pas étendre ce droit, d’exception en exception, tombent alors. (…) Avant d’autres, notre pays a conquis, et de belle manière, de nouveaux droits. Mais ce droit-là représenterait-il vraiment une avancée ? Un jeune médecin m’a expliqué : "Il y a quinze ans, au début de mon internat, l’euthanasie était monnaie courante dans certains services d’oncologie, mais l’arrivée de la culture palliative, du soin et de l’accompagnement jusqu’au bout, a rendu ces pratiques complètement caduques, jusqu’à disparaître complètement". Allons-nous revenir en arrière, alors qu’il reste tant à faire ? Les soins palliatifs sont la promesse d’un non-abandon : il est temps d’honorer cette promesse à l’égard de tous les Français qui en sont privés. ».

    Le député Christophe Bentz (RN) : « Aider, accompagner, soigner, soulager, écouter, parler, comprendre, essayer, trouver, considérer, rassurer, partager, profiter, pleurer, cajoler, amuser, rêver, réconforter, toucher, adoucir, atténuer, respecter, espérer, sauver. J’ai une pensée émue pour tous les soignants et aidants de France qui, chaque jour, prennent en charge la douleur et sèchent les larmes de ceux que nous aimons. Nous devons répondre à la souffrance insupportable, être à la hauteur, accompagner et secourir, rendre le plus beau possible ce qui est toujours digne, rendre le plus doux possible ce qui est si précieux, tenir la main jusqu’au bout, être présent, se battre, prendre soin, aimer, faire vivre. L’accompagnement de la personne humaine par le soin jusqu’à sa mort naturelle est un trait essentiel de notre civilisation, le cœur encore battant de notre humanité. Parce qu’on n’a, jusqu’à la fin, qu’une vie et qu’une seule dignité, nous opposons l’ultime secours à votre ultime recours. Le suicide est toujours un drame humain, le choix individuel d’un renoncement, un cri de désespoir, qui doit naturellement être entendu par la société. Mais la responsabilité d’un suicide, aussi assisté ou délégué soit-il, ne peut pas reposer sur la société. Ou alors, la société doit tout entière en prendre la responsabilité, en s’exprimant par référendum. (…) Notre responsabilité est immense : si vous entrouvrez la porte de l’abandon, elle ne se refermera plus jamais. La France est la nation du soin et doit le demeurer. Elle a inventé un modèle unique de soins, et rayonne dans le monde entier grâce à son modèle de santé et de protection de la personne humaine. La vocation sociale de la France consiste précisément à prendre soin des plus faibles, des plus fragiles, des plus vulnérables. Le monde entier admire la France pour sa singularité ; elle montre un chemin différent. Elle doit rester la lumière des nations du monde. ».

    Le député Stéphane Delautrette (PS) : « Il nous faut alors entendre la voix de celles et ceux qui veulent partir sereinement, dignement, selon leur conscience. Il nous faut respecter leur volonté libre et éclairée. Il n’est pas question d’obliger qui que ce soit à recourir à ce nouveau droit, ni d’obliger les professionnels de santé à agir en désaccord avec leur conscience. Il ne s’agit pas non plus de donner un permis de tuer, mais d’accéder à une liberté de choix. ».

    Le député et ancien ministre Patrick Hetzel (LR) : « Trop souvent méconnus, les soins palliatifs ne sont pourtant pas synonymes de renoncement. Ils ne guérissent pas, certes, mais ils soignent : la douleur, l’angoisse, la solitude. Ils donnent du sens aux derniers instants, ils permettent de dire adieu, de se réconcilier, de choisir comment partir. Ils affirment avec force et douceur que chaque vie mérite d’être respectée jusqu’à son terme. Dans un monde qui a parfois peur de la fin de vie, les soins palliatifs osent l’affronter avec une infinie délicatesse. Ils nous parlent de ce que nous avons de plus précieux : notre capacité à prendre soin, à accompagner, à aimer, jusqu’au dernier souffle. (…) Permettez-moi de le dire avec gravité : introduire l’euthanasie dans un système de soins encore insuffisamment formé à la culture palliative ne serait pas seulement une faute morale ; ce serait la marque d’une défaite collective. Les soins palliatifs ne sont pas une solution de repli ; ils sont la promesse d’une humanité partagée jusqu’au bout, dans le respect de la vie et de la personne. ».
     

     
     


    La députée Sandrine Rousseau (EELV) : « Pour nos amours, pour nos amis, pour celles et ceux qui nous sont chers, pour toutes celles et ceux qui n’ont pas eu accès à cette aide, pour toutes celles et ceux que l’on a accompagnés dans toutes les maisons de France, pour celui qui croyait au ciel, pour celui qui n’y croyait pas, pour notre humanité, pour le droit à disposer de nos corps, pour notre liberté si précieuse et si chérie : oui au droit aux soins palliatifs, oui à l’aide à mourir. ».

    La députée Nathalie Colin-Oesterlé (Horizons) : « Je suis cependant convaincue qu’il reste encore beaucoup à faire pour éviter toutes les dérives et protéger les personnes les plus vulnérables. Je regrette que la décision finale reste le fardeau solitaire d’un médecin, tout comme je regrette que la consultation par un second médecin ne soit pas obligatoire, comme elle l’est en Belgique. Je suis également convaincue que le médecin traitant, quand il existe, médecin qui connaît le parcours de soins, les volontés du patient et assure son suivi régulier, devrait obligatoirement être consulté. Le texte, dans sa rédaction actuelle, ne donne aucune priorité aux soins palliatifs. Le patient est simplement informé qu’il y a droit. Les chiffres montrent pourtant que la très grande majorité des patients, quand leur souffrance est apaisée, ne souhaitent plus mourir. Le texte prévoit la création d’un délit d’entrave à l’aide à mourir ; mais l’amendement qui prévoyait la création d’un délit d’incitation à l’aide à mourir a été rejeté. Il est pourtant essentiel de veiller à ce qu’aucune pression, ouverte ou dissimulée, ne soit exercée sur des personnes vulnérables. L’absence d’une telle disposition fait peser un risque éthique important sur l’encadrement de la procédure. ».


    La députée ciottiste Hanane Mansouri : « L’accès à la mort n’a cessé d’être élargi. On ne peut plus parler d’un texte équilibré, qui encadrerait strictement l’euthanasie pour des personnes en fin de vie, condamnées, dénuées de perspectives. Il suffira désormais d’être atteint d’une affection qualifiée d’incurable, sans que cela soit synonyme de mort imminente, loin de là. Voici quelques exemples de maladies chroniques incurables : l’arthrose, l’endométriose ou encore la trisomie. Elles n’empêchent ni d’aimer ni de vivre pendant de nombreuses années. Encore faut-il que nous décidions d’en faire une priorité médicale et humaine. Les promoteurs de ce texte nous expliquent que l’euthanasie n’est pas une obligation, mais un droit. Or ce n’est pas parce qu’on ne contraint pas qu’on n’incite pas. Ce n’est pas parce que c’est un choix qu’il est libre. Ce n’est pas parce qu’on ne dit pas directement à quelqu’un qu’il est un fardeau qu’il ne l’entendra pas ainsi. Qui pourra garantir qu’un entourage fatigué, parfois malveillant, ne posera pas la question à demi-mot, par lassitude ou par intérêt ? (…) Il faut regarder la vérité en face, car elle a déjà un visage et une histoire, ceux d’une femme atteinte de la maladie de Charcot. Elle a cru très tôt qu’il ne lui restait plus qu’une issue : partir avant de souffrir, avant de devenir un poids. Traumatisée par la mort de sa sœur, atteinte de la même maladie, elle a très vite dit qu’elle ne voulait pas vivre la même chose et qu’elle irait en Belgique pour mourir. Tout s’est enchaîné : la douleur, la fatigue des proches, le manque d’informations relatives aux aides disponibles et une société incapable de proposer autre chose que la sortie. Pourtant, cette femme n’était pas à l’article de la mort. Elle était encore capable d’échanges, de joie, de nouer des liens. Elle avait même connu la joie immense de devenir grand-mère. Quand la famille s’est rassemblée autour d’elle, quand ses proches se sont relayés pour les soins, l’atmosphère s’est allégée. Il y avait de la vie, de l’amour, du sens. Mais tout cela est arrivé trop tard : elle ne savait pas que les soins palliatifs pouvaient être proposés à domicile dès le diagnostic car on ne lui avait pas dit. Le centre le plus proche avait refusé de l’admettre, jugeant que son état ne s’était pas encore assez dégradé. Personne ne l’a retenue, personne ne l’a vraiment accompagnée. Elle est partie parce qu’elle pensait que c’était la seule façon de ne pas peser. ».

    Le député Théo Bernhardt (RN), qui allait voter favorablement à la proposition Falorni : « Nous entendons celles et ceux qui craignent, derrière cette liberté, l’avènement d’une société où la vie deviendrait un paramètre comptable, où l’on pousserait subtilement les plus vulnérables vers la sortie. Nous leur répondons que le texte qui nous est soumis ne fait pas l’apologie de la mort : il consacre un droit ultime, encadré, balisé, assorti de garanties. Refuser d’ouvrir cette porte au prétexte qu’elle pourrait être forcée demain, c’est condamner aujourd’hui des femmes et des hommes à une souffrance insupportable, au nom d’un risque incertain. Nous sommes satisfaits des amendements adoptés en séance, qui viennent encadrer ce droit. Nous avons d’abord fait du suicide assisté la règle, pour que l’euthanasie reste l’exception. Ensuite, nous avons précisé que les personnes éligibles à l’aide à mourir devaient être entrées dans un processus irréversible d’aggravation de leur état de santé. Enfin, nous avons supprimé la reconnaissance comme mort naturelle des morts résultant de l’aide à mourir. Ces précisions ne sont pas accessoires, mais essentielles pour prévenir tout abus, toute dérive. Les garde-fous sont indispensables pour protéger les plus vulnérables, et garantir que cette aide à mourir reste une exception rigoureusement encadrée, fondée sur une demande libre, éclairée, et surtout réitérée. (…) Nous regrettons que l’instauration d’un délit d’incitation ait été rejetée, alors qu’elle aurait pu rassurer et garantir l’équilibre du texte. Nous tenons également à rappeler que les soins palliatifs doivent demeurer la réponse prioritaire à la souffrance en fin de vie : il est impératif de garantir un accès équitable à ces soins partout sur le territoire, afin que nul ne soit contraint de choisir l’aide à mourir faute de soins appropriés. Pour ceux d’entre nous qui en feront ainsi, voter ce texte ne signifie pas que nous tournons le dos à la valeur de la vie. Nous souhaitons honorer la parole de ceux qui, dans le silence de leur chambre d’hôpital, demandent qu’on respecte leur ultime liberté. Je l’assure à nos compatriotes inquiets : nous ne transigerons jamais avec la protection des personnes en situation de handicap, des mineurs, des personnes sous emprise ou en détresse psychologique. ».

    Le député Vincent Ledoux (Renaissance) : « "Ce n’est pas la mort que l’on redoute, c’est de mourir sans avoir été compris". Cette phrase de François Cheng exprime avec une justesse bouleversante ce qui habite chacun face à la finitude : le besoin d’être reconnu dans sa singularité, son histoire, dans sa douleur comme dans ses choix. Être compris, c’est être reconnu jusqu’au bout comme une personne, et non uniquement comme un corps. C’est recevoir la main tendue, le cœur ouvert à la souffrance : le fardeau est moins lourd à porter lorsque l’on n’est pas seul. Être compris dans sa vulnérabilité, sa faiblesse, sa dépendance, n’est-ce pas là, au fond, la plus belle promesse de la fraternité républicaine ? Cette compréhension a été rendue possible par les pionniers des soins palliatifs, qui ont permis d’affirmer le refus de l’obstination déraisonnable, la reconnaissance des directives anticipées, et le droit à la sédation profonde. Les Français leur en sont reconnaissants : ils font massivement confiance à cette approche pour soulager les souffrances en fin de vie. ».
     

     
     


    Comme on le voit, au-delà du clivage pour et contre le principe de l'euthanasie, il y a, parmi ceux qui sont pour, deux enjeux importants qui n'ont pas rassuré un certain nombre de députés : d'une part, l'instauration d'un délit d'entrave, calqué sur celui pour l'IVG, risque de mettre à mal la liberté d'expression ; d'autre part, le refus de l'instauration d'un délit d'incitation à l'euthanasie rend la situation déséquilibrée en ce sens qu'une pression pourrait s'exercer sur le patient pour accélérer sa fin de vie sans qu'elle puisse être sanctionnée, alors que la pression inverse serait sanctionnée.

    Désormais approuvée en première lecture par les députés (c'est une première historique), c'est au tour des sénateurs de se prononcer sur ce texte qui sera examiné en automne 2025 au Sénat (malgré un agenda principalement chargé, consacré au budget 2026), et sera probablement amendé, ce qui le ferait sans doute revenir en seconde lecture à l'Assemblée. Certains espèrent une adoption définitive avant la fin du mandat du Président Emmanuel Macron en 2027.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Euthanasie 2025 (4) : adoption de la proposition de loi relative à "l'aide à mourir".
    Olivier Falorni.
    Euthanasie 2025 (3) : l'examen de la proposition Falorni à l'Assemblée.
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250527-euthanasie-2025d.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-4-adoption-de-la-261216

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/27/article-sr-20250527-euthanasie-2025d.html




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  • Euthanasie 2025 (3) : l'examen de la proposition Falorni à l'Assemblée

    « Je remercie également le président Frédéric Valletoux. J’ai passé à côté de lui, non seulement physiquement mais aussi intellectuellement, quarante-deux heures en commission et soixante-huit heures en séance. Au-delà de ce temps passé ensemble, je dois dire, et mon expérience me permet d’avouer que ce n’est pas toujours le cas, que j’ai particulièrement apprécié, monsieur le président, votre sens de la modération, votre conception de la présidence de commission qui a toujours favorisé le sérieux et le respect dans les débats, et enfin votre écoute. Il est important qu’un président de commission sache écouter. Nous avons d’ailleurs bien travaillé entre la commission et la séance pour aboutir à un texte qui, à mon sens, s’est nettement amélioré. Merci, monsieur le président Valletoux ! Un dernier mot pour vous, madame la ministre Vautrin. La vie politique, parfois décevante, nous offre aussi parfois des moments heureux. Nous avons avancé ensemble sur ce chemin et j’en ai été très heureux. Je salue la force de vos convictions et la qualité de votre travail. Il n’est pas si fréquent de voir un ministre qui maîtrise autant son sujet du début à la fin. » (Olivier Falorni, le 24 mai 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Le député MoDem de La Rochelle, Olivier Falorni, disait ainsi, ce samedi 24 mai 2025 peu avant 13 heures, sa joie de voir s'achever avec succès l'examen en première lecture à l'Assemblée Nationale de sa proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir, déposée le 11 mars 2025, dont il est le rapporteur général.

    Pour Olivier Falorni (53 ans), député depuis juin 2012, à l'époque maire de La Rochelle et membre du PS dont il était le secrétaire fédéral, candidat dissident contre Ségolène Royal qui voulait retrouver une circonscription et même candidate (un peu trop hâtivement) au perchoir (candidate qu'il a donc battue), c'est une grande victoire personnelle, plus personnelle que politique. L'euthanasie a toujours été l'un de ses dadas à l'Assemblée et il est aujourd'hui en capacité de la rendre effective.

     

     
     


    Reprenons l'historique rapidement. Une proposition avait été déposée et commencée à être examinée au printemps 2024 mais la dissolution a interrompu la procédure. Le Président Emmanuel Macron voulait l'adoption de cette proposition de loi mais de manière douce, il ne voulait pas, par exemple, instituer un « droit à l'aide à mourir » mais seulement une nouvelle possibilité. L'arrivée d'une Assemblée sans majorité a rendu les choses inextricables. La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet tenait à ce qu'une proposition de loi fût à l'ordre du jour en début de l'année 2025. Après la censure du gouvernement de Michel Barnier et son arrivée à Matignon, François Bayrou a souhaité dissocier la proposition de loi en deux textes différents, l'un sur les soins palliatifs qui ne fait pas vraiment débat (tout le monde est pour l'augmentation des fonds consacrés aux soins palliatifs) et l'autre sur l'aide à mourir, plus clivante et politiquement plus incertaine.

    La proposition sur les soins palliatifs a été examinée en séance publique du 12 au 16 mai 2025. La proposition sur l'aide à mourir, la seule que j'évoquerai dans cet article, a été examinée du 16 au 24 mai 2025. Le mardi 27 mai 2025 auront lieu deux votes solennels, pour chacune de ces deux propositions de loi, et ces votes ont été prévus de longue date. Les députés craignaient de passer trop de temps sur la loi sur l'aide à mourir et de devoir faire des séance de nuit sur le sujet. Finalement, ils auront eu leur dimanche 25 mai 2025 de libre puisque la discussion de la proposition Falorni s'est achevée ce samedi 24 mai 2025 vers 13 heures. Il est en tout cas remarquable que les débats se soient faits de manière sereine et sans obstruction et c'est bien ce qu'a décrit Olivier Falorni : parfois, l'Assemblée est capable d'une grande maturité.


    Néanmoins, je regrette que cette maturité se soit illustrée pour instituer une euthanasie qui va dénaturer les valeurs fondamentales de notre République. Il est question ici d'évoquer le texte amendé après 42 heures de discussion en commission des affaires sociales (du 18 mars 2025 au 2 mai 2025) et 68 heures de discussion en séance publique (du 16 au 24 mai 2025) et qui va probablement être adopté en première lecture le 27 mai 2025. Je le présente tel qu'il est.
     

     
     


    Le texte amendé comporte vingt articles, dont certains sont très techniques et peu politiques.

    L'article 2 instaure ce nouveau "droit" intégré dans le code de la santé publique : « Le droit à l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues (…), afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier. ».
     

     
     


    L'article 4, le plus crucial, donne les cinq conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier de ce nouveau droit (pour « accéder à l'aide à mourir »). Premièrement, être âgé d'au moins 18 ans. Deuxièmement, être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière (sans indication de durée). Les trois autres conditions pour la personne sont les plus importantes.

    La troisième condition : « Être atteinte d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou en phase terminale ».

    La quatrième condition : « Présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle-ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir. ». Cette dernière phrase rajoutée au cours de la discussion en séance publique est un heureux garde-fou contre tous les abus possibles, il a été proposé à la suite de certains constats connus à l'étranger.

    La cinquième condition : « Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Il aurait été pertinent d'insister sur une manifestation répétée et constante de cette volonté.


    Ces cinq conditions sont, on le comprend, très exigeantes et contraignantes. Elles permettent à une large majorité des députés de s'y retrouver. Elles ne permettent pas, par exemple, l'euthanasie des personnes qui sont dans l'incapacité de manifester clairement et sans pression leur volonté d'en finir.

    Malheureusement, les partisans avant-gardistes de l'euthanasie ont accepté ces barrières à l'entrée car leur but est sur le principe anthropologique, mettre dans la loi (tant dans le code de la santé publique que dans le code pénal) l'idée qu'on peut faire mourir un malade. Ils sont persuadés que ce n'est qu'une étape et que d'autres lois élargiront les possibilités de cette loi-ci, c'est-à-dire assoupliront les conditions, comme cela a été les cas dans d'autres pays, par exemple, la Belgique où des enfants, sans indication d'âge, ou des personnes en "simple" dépression nerveuse ou atteintes de schizophrénie peuvent être euthanasiées sans que leur volonté fût clairement exprimée.

    L'article 5 précise la procédure pour manifester sa volonté d'euthanasie. La personne doit en faire « la demande écrite ou part tout autre mode d'expression adapté à ses capacités à un médecin en activité qui n'est ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni le partenaire auquel elle est liée un pacte civil de solidarité, ni son ayant droit ». En outre, une téléconsultation ne serait pas valable, il faudrait alors que le médecin se déplace pour recueillir sa demande, en cas d'empêchement de se déplacer du demandeur.

    Le médecin qui reçoit la demande d'euthanasie a alors cinq obligations : une obligation d'informer la personne « sur son état de santé, sur les perspectives d'évolution de celui-ci ainsi que sur les traitements et les dispositifs d'accompagnement disponibles » ; une obligation d'informer la personne « qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs (…) et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; une obligation de proposer « à la personne et à ses proches de les orienter vers un psychologue ou un psychiatre et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; enfin, une obligation d'indiquer à la personne « qu’elle peut renoncer, à tout moment, à sa demande ». Ces quatre obligations concourent au caractère éclairé de la demande de la personne qui doit prendre sa décision en toute connaissance de cause. La cinquième obligation est d'expliquer à la personne « les conditions d'accès à l'aide à mourir et sa mise en œuvre ».

    Dans l'article 6, un certain nombre de garde-fou ont été mis dans la procédure. Par exemple : « La personne dont le discernement est gravement altéré par une maladie lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peut pas être reconnue comme manifestant une volonté libre et éclairée. ». De même, pour vérifier les trois dernières conditions à remplir pour demander l'aide à mourir, « le médecin met en place une procédure collégiale ». Le médecin a quinze jours pour notifier à la personne, « oralement et par écrit, sa décision motivée » sur sa demande d'euthanasie (acceptation ou rejet).

    Une autre assertion est très importante dans le même article 6, rajoutée au cours de la discussion en séance publique : « Lorsque la personne malade est atteinte d’une maladie neurodégénérative, l’évaluation de sa capacité de discernement doit tenir compte de son mode de communication et des dispositifs adaptés utilisés et ne peut se fonder exclusivement sur des tests cognitifs sensibles à la fatigue, à l’anxiété ou aux troubles moteurs. ».

    Dans le quatrième aliéna de l'article 6, le texte précise le délai de réflexion : « Après un délai de réflexion d’au moins deux jours à compter de la notification de la décision [par le médecin], la personne confirme au médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale. ». Deux jours paraissent très court pour une décision d'une telle importance. Et encore, les députés en séance publique ont supprimé du texte cette phrase : « Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit. ». Non seulement, cela aurait réduit encore plus le délai, mais l'insertion du mot "dignité" aurait été philosophiquement scandaleux, chaque être humain, quel que soit son état, préserve intrinsèquement sa dignité et dire le contraire, surtout dans un texte de loi, aurait suggéré que des personnes ne devraient plus être en état de vivre parce qu'elles seraient "indignes". Heureusement, donc, cette phrase a été supprimée.
     

     
     


    En revanche, si la confirmation de la demande intervient plus de trois mois après la notification du médecin, alors « le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté en mettant en œuvre, si besoin, la procédure » initiale.

    Dans un tel cas de confirmation de la demande d'euthanasie, alors le médecin « détermine, en accord avec la personne, les modalités d’administration de la substance létale et le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour cette administration » (cinquième alinéa de l'article 6).

    L'article 7 prévoit la date et le lieu de l'euthanasie. La date : « Avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner (…), la personne convient de la date à laquelle elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale. ». Le lieu : « Dans des conditions convenues avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, l’administration de la substance létale peut être effectuée, à la demande de la personne, en dehors de son domicile, à l’exception des voies et espaces publics. ». De plus : « La personne peut être entourée par les personnes de son choix pendant l’administration de la substance létale. Le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne informe les proches et les oriente, si nécessaire, vers les dispositifs d’accompagnement psychologique existants. ».

    Un nouveau garde-fou a été inséré en séance publique dans l'article 9 du texte : « Le jour de l’administration de la substance létale, le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne vérifie que la personne confirme qu’elle veut procéder ou, si elle n’est pas en capacité physique de le faire elle-même, faire procéder à l’administration et veille à ce qu’elle ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou renoncer à l’administration. (…) Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report de l’administration de la substance létale, le professionnel de santé suspend la procédure et, à la demande du patient, convient d’une nouvelle date (…). ». Cela signifie que jusqu'au dernier moment, une personne demandeuse de l'aide à mourir peut interrompre le processus, et cela sans qu'aucune pression ne puisse avoir lieu.

    Le troisième alinéa de l'article 9 précise : « Une fois la substance létale administrée, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est plus obligatoire. Il est toutefois suffisamment près et en vision directe de la personne pour pouvoir intervenir en cas de difficulté (…). ».

    En revanche, les députés en séance publique ont supprimé la disposition suivante : « Le certificat attestant le décès est établi dans les conditions prévues à l’article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales. Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir. ».

    Des dispositions sont indiquées à la fin de l'article 9 pour détruire les restes de la préparation létale qui n'ont pas été utilisés (afin d'éviter un trafic ou une utilisation hors de contrôle, qui serait donc criminelle).

    D'autres dispositions poursuivent l'encadrement de cet acte très particulier. Ainsi, l'article 12 est ainsi rédigé : « La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ainsi que la décision de mettre fin à la procédure (…) ne peuvent être contestées que par la personne ayant formé cette demande, devant la juridiction administrative, selon les dispositions de droit commun. ».

    Ce qui a été complété par la disposition suivante : « Par dérogation au premier alinéa du présent article, la décision du médecin autorisant une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne à accéder à l’aide à mourir peut être contestée, dans un délai de deux jours à compter de sa notification, par la personne chargée de la mesure de protection, devant le juge des contentieux de la protection, en cas de doute sur l’aptitude de la personne ayant formé la demande d’aide à mourir à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. La saisine du juge des contentieux de la protection suspend la procédure prévue à la présente sous-section. Le juge des contentieux de la protection statue dans un délai de deux jours. ».

    Une clause de conscience pour le professionnel de santé a été prévue et définie dans l'article 14 : « Le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer à ces procédures doit, sans délai, informer la personne ou le professionnel le sollicitant de son refus et leur communiquer le nom de professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de celles-ci. ».

    L'article 17 est particulièrement sévère pour les "empêcheurs d'euthanasier en rond" : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir : 1° Soit en perturbant l’accès aux établissements où est pratiquée l’aide à mourir ou à tout lieu où elle peut régulièrement être pratiquée, en entravant la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces lieux ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ou en perturbant le lieu choisi par une personne pour l’administration de la substance létale ; 2° Soit en exerçant des pressions morales ou psychologiques, en formulant des menaces ou en se livrant à tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur l’aide à mourir, des personnels participant à la mise en œuvre de l’aide à mourir, des patients souhaitant recourir à l’aide à mourir ou de l’entourage de ces derniers ou des professionnels de santé volontaires (…). ». De plus, son deuxième alinéa permet à des associations déclarées depuis au moins cinq ans d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues précédemment. On imagine vite quelles associations pourraient profiter de cette disposition.

    Le troisième aliéna de l'article 18 a pour but d'éviter une marchandisation de l'euthanasie, à savoir, la création d'un business de la mort qui irait à l'encontre de la décision libre et éclairée de la personne : « À l’exception des prix de cession et des honoraires mentionnés au II du présent article [préparations létales et rémunérations des professionnels de santé pour cette mission], aucune rémunération ou gratification en espèces ou en nature, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée en échange d’un service dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir. ».

    L'article 19 intervient pour les assurances décès : « L’assurance en cas de décès doit couvrir le décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir (…). ». Ainsi, il n'est pas dit que la personne qui a appliqué l'aide à mourir est morte de mort naturelle, mais son décès reste couvert comme un décès naturel pour les assurances et mutuelles (au contraire du suicide).

    Enfin, je n'ai pas indiqué la traçabilité des procédures d'aide à mourir, son analyse statistique, son contrôle de légalité avec une commission spéciale, des rapports réguliers, etc. On a vu en Belgique que toute cette partie était folklorique et n'a pas montré une efficacité très élevée pour éviter des abus. De toute façon, tout contrôle a posteriori est trop tard pour ce genre de chose, évidemment.


    En conclusion

    Il faut être clair. Je suis absolument opposé au principe général d'inscrire l'aide à mourir (suicide assisté ou euthanasie) dans la loi parce que je sais que cela ouvre une boîte de Pandore qu'on ne refermera pas de sitôt. Je n'ai jamais été opposé au principe singulier et exceptionnel d'une aide à mourir dans le secret des consciences, celles des médecins et des patients. Mais la loi se fait dans un cadre général, et c'est cela qui est effrayant.

    Mais je dois aussi reconnaître que les conditions de la procédure d'aide à mourir telles qu'elles ont été définies par les députés sont convaincantes en ce sens que de nombreux garde-fou ont été institués pour éviter des erreurs de discernement et des abus. Je les ai indiqués plus haut et il faut s'en féliciter.

    Je reste inquiet car si cette loi venait à être adoptée (cela semble à peu près sûr à l'Assemblée Nationale, dès ce mardi 27 mai 2025 ; c'est moins sûr au Sénat), sa stabilité serait mise à rude épreuve. Rappelons-nous que la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 qui réglait plus de 99% des problèmes d'une anticipation de la mort n'a pas encore dix ans (on ne lui a pas donné sa chance) et va devenir obsolète (elle ne sera pas abrogée, ce qui est très rassurant ; ainsi, la sédation profonde et continue restera donc encore une possibilité même après l'adoption de la loi sur l'aide à mourir). Toute révision ultérieure de la certainement loi sur l'aide à mourir me donnera hélas raison en ce sens que les conditions seront simplement assouplies, la pratique élargie, et les abus seront alors possibles.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Olivier Falorni.
    Euthanasie 2025 (3) : l'examen de la proposition Falorni à l'Assemblée.
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

     

     

     

     
     

     

     

     

     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250525-euthanasie-2025c.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-3-l-examen-de-la-261183

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/26/article-sr-20250525-euthanasie-2025c.html


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  • Olivier Falorni, l'auteur du texte sur l'euthanasie à la française

    « Je remercie également le président Frédéric Valletoux. J’ai passé à côté de lui, non seulement physiquement mais aussi intellectuellement, quarante-deux heures en commission et soixante-huit heures en séance. Au-delà de ce temps passé ensemble, je dois dire, et mon expérience me permet d’avouer que ce n’est pas toujours le cas, que j’ai particulièrement apprécié, monsieur le président, votre sens de la modération, votre conception de la présidence de commission qui a toujours favorisé le sérieux et le respect dans les débats, et enfin votre écoute. Il est important qu’un président de commission sache écouter. Nous avons d’ailleurs bien travaillé entre la commission et la séance pour aboutir à un texte qui, à mon sens, s’est nettement amélioré. Merci, monsieur le président Valletoux ! Un dernier mot pour vous, madame la ministre Vautrin. La vie politique, parfois décevante, nous offre aussi parfois des moments heureux. Nous avons avancé ensemble sur ce chemin et j’en ai été très heureux. Je salue la force de vos convictions et la qualité de votre travail. Il n’est pas si fréquent de voir un ministre qui maîtrise autant son sujet du début à la fin. » (Olivier Falorni, le 24 mai 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Le député MoDem de La Rochelle, Olivier Falorni, disait ainsi, ce samedi 24 mai 2025 peu avant 13 heures, sa joie de voir s'achever avec succès l'examen en première lecture à l'Assemblée Nationale de sa proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir, déposée le 11 mars 2025, dont il est le rapporteur général.

    Pour Olivier Falorni (53 ans), député depuis juin 2012, à l'époque maire de La Rochelle et membre du PS dont il était le secrétaire fédéral, candidat dissident contre Ségolène Royal qui voulait retrouver une circonscription et même candidate (un peu trop hâtivement) au perchoir (candidate qu'il a donc battue), c'est une grande victoire personnelle, plus personnelle que politique. L'euthanasie a toujours été l'un de ses dadas à l'Assemblée et il est aujourd'hui en capacité de la rendre effective.


    Reprenons l'historique rapidement. Une proposition avait été déposée et commencée à être examinée au printemps 2024 mais la dissolution a interrompu la procédure. Le Président Emmanuel Macron voulait l'adoption de cette proposition de loi mais de manière douce, il ne voulait pas, par exemple, instituer un « droit à l'aide à mourir » mais seulement une nouvelle possibilité. L'arrivée d'une Assemblée sans majorité a rendu les choses inextricables. La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet tenait à ce qu'une proposition de loi fût à l'ordre du jour en début de l'année 2025. Après la censure du gouvernement de Michel Barnier et son arrivée à Matignon, François Bayrou a souhaité dissocier la proposition de loi en deux textes différents, l'un sur les soins palliatifs qui ne fait pas vraiment débat (tout le monde est pour l'augmentation des fonds consacrés aux soins palliatifs) et l'autre sur l'aide à mourir, plus clivante et politiquement plus incertaine.

    La proposition sur les soins palliatifs a été examinée en séance publique du 12 au 16 mai 2025. La proposition sur l'aide à mourir, la seule que j'évoquerai dans cet article, a été examinée du 16 au 24 mai 2025. Le mardi 27 mai 2025 auront lieu deux votes solennels, pour chacune de ces deux propositions de loi, et ces votes ont été prévus de longue date. Les députés craignaient de passer trop de temps sur la loi sur l'aide à mourir et de devoir faire des séance de nuit sur le sujet. Finalement, ils auront eu leur dimanche 25 mai 2025 de libre puisque la discussion de la proposition Falorni s'est achevée ce samedi 24 mai 2025 vers 13 heures. Il est en tout cas remarquable que les débats se soient faits de manière sereine et sans obstruction et c'est bien ce qu'a décrit Olivier Falorni : parfois, l'Assemblée est capable d'une grande maturité.


    Néanmoins, je regrette que cette maturité se soit illustrée pour instituer une euthanasie qui va dénaturer les valeurs fondamentales de notre République. Il est question ici d'évoquer le texte amendé après 42 heures de discussion en commission des affaires sociales (du 18 mars 2025 au 2 mai 2025) et 68 heures de discussion en séance publique (du 16 au 24 mai 2025) et qui va probablement être adopté en première lecture le 27 mai 2025. Je le présente tel qu'il est.

     
     


    Le texte amendé comporte vingt articles, dont certains sont très techniques et peu politiques.

    L'article 2 instaure ce nouveau "droit" intégré dans le code de la santé publique : « Le droit à l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues (…), afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier. ».
     

     
     


    L'article 4, le plus crucial, donne les cinq conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier de ce nouveau droit (pour « accéder à l'aide à mourir »). Premièrement, être âgé d'au moins 18 ans. Deuxièmement, être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière (sans indication de durée). Les trois autres conditions pour la personne sont les plus importantes.

    La troisième condition : « Être atteinte d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou en phase terminale ».

    La quatrième condition : « Présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle-ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir. ». Cette dernière phrase rajoutée au cours de la discussion en séance publique est un heureux garde-fou contre tous les abus possibles, il a été proposé à la suite de certains constats connus à l'étranger.

    La cinquième condition : « Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Il aurait été pertinent d'insister sur une manifestation répétée et constante de cette volonté.


    Ces cinq conditions sont, on le comprend, très exigeantes et contraignantes. Elles permettent à une large majorité des députés de s'y retrouver. Elles ne permettent pas, par exemple, l'euthanasie des personnes qui sont dans l'incapacité de manifester clairement et sans pression leur volonté d'en finir.

    Malheureusement, les partisans avant-gardistes de l'euthanasie ont accepté ces barrières à l'entrée car leur but est sur le principe anthropologique, mettre dans la loi (tant dans le code de la santé publique que dans le code pénal) l'idée qu'on peut faire mourir un malade. Ils sont persuadés que ce n'est qu'une étape et que d'autres lois élargiront les possibilités de cette loi-ci, c'est-à-dire assoupliront les conditions, comme cela a été les cas dans d'autres pays, par exemple, la Belgique où des enfants, sans indication d'âge, ou des personnes en "simple" dépression nerveuse ou atteintes de schizophrénie peuvent être euthanasiées sans que leur volonté fût clairement exprimée.

    L'article 5 précise la procédure pour manifester sa volonté d'euthanasie. La personne doit en faire « la demande écrite ou part tout autre mode d'expression adapté à ses capacités à un médecin en activité qui n'est ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni le partenaire auquel elle est liée un pacte civil de solidarité, ni son ayant droit ». En outre, une téléconsultation ne serait pas valable, il faudrait alors que le médecin se déplace pour recueillir sa demande, en cas d'empêchement de se déplacer du demandeur.
     

     
     


    Le médecin qui reçoit la demande d'euthanasie a alors cinq obligations : une obligation d'informer la personne « sur son état de santé, sur les perspectives d'évolution de celui-ci ainsi que sur les traitements et les dispositifs d'accompagnement disponibles » ; une obligation d'informer la personne « qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs (…) et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; une obligation de proposer « à la personne et à ses proches de les orienter vers un psychologue ou un psychiatre et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; enfin, une obligation d'indiquer à la personne « qu’elle peut renoncer, à tout moment, à sa demande ». Ces quatre obligations concourent au caractère éclairé de la demande de la personne qui doit prendre sa décision en toute connaissance de cause. La cinquième obligation est d'expliquer à la personne « les conditions d'accès à l'aide à mourir et sa mise en œuvre ».

    Dans l'article 6, un certain nombre de garde-fou ont été mis dans la procédure. Par exemple : « La personne dont le discernement est gravement altéré par une maladie lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peut pas être reconnue comme manifestant une volonté libre et éclairée. ». De même, pour vérifier les trois dernières conditions à remplir pour demander l'aide à mourir, « le médecin met en place une procédure collégiale ». Le médecin a quinze jours pour notifier à la personne, « oralement et par écrit, sa décision motivée » sur sa demande d'euthanasie (acceptation ou rejet).

    Une autre assertion est très importante dans le même article 6, rajoutée au cours de la discussion en séance publique : « Lorsque la personne malade est atteinte d’une maladie neurodégénérative, l’évaluation de sa capacité de discernement doit tenir compte de son mode de communication et des dispositifs adaptés utilisés et ne peut se fonder exclusivement sur des tests cognitifs sensibles à la fatigue, à l’anxiété ou aux troubles moteurs. ».

    Dans le quatrième aliéna de l'article 6, le texte précise le délai de réflexion : « Après un délai de réflexion d’au moins deux jours à compter de la notification de la décision [par le médecin], la personne confirme au médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale. ». Deux jours paraissent très court pour une décision d'une telle importance. Et encore, les députés en séance publique ont supprimé du texte cette phrase : « Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit. ». Non seulement, cela aurait réduit encore plus le délai, mais l'insertion du mot "dignité" aurait été philosophiquement scandaleux, chaque être humain, quel que soit son état, préserve intrinsèquement sa dignité et dire le contraire, surtout dans un texte de loi, aurait suggéré que des personnes ne devraient plus être en état de vivre parce qu'elles seraient "indignes". Heureusement, donc, cette phrase a été supprimée.

     
     


    En revanche, si la confirmation de la demande intervient plus de trois mois après la notification du médecin, alors « le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté en mettant en œuvre, si besoin, la procédure » initiale.

    Dans un tel cas de confirmation de la demande d'euthanasie, alors le médecin « détermine, en accord avec la personne, les modalités d’administration de la substance létale et le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour cette administration » (cinquième alinéa de l'article 6).

    L'article 7 prévoit la date et le lieu de l'euthanasie. La date : « Avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner (…), la personne convient de la date à laquelle elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale. ». Le lieu : « Dans des conditions convenues avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, l’administration de la substance létale peut être effectuée, à la demande de la personne, en dehors de son domicile, à l’exception des voies et espaces publics. ». De plus : « La personne peut être entourée par les personnes de son choix pendant l’administration de la substance létale. Le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne informe les proches et les oriente, si nécessaire, vers les dispositifs d’accompagnement psychologique existants. ».

    Un nouveau garde-fou a été inséré en séance publique dans l'article 9 du texte : « Le jour de l’administration de la substance létale, le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne vérifie que la personne confirme qu’elle veut procéder ou, si elle n’est pas en capacité physique de le faire elle-même, faire procéder à l’administration et veille à ce qu’elle ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou renoncer à l’administration. (…) Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report de l’administration de la substance létale, le professionnel de santé suspend la procédure et, à la demande du patient, convient d’une nouvelle date (…). ». Cela signifie que jusqu'au dernier moment, une personne demandeuse de l'aide à mourir peut interrompre le processus, et cela sans qu'aucune pression ne puisse avoir lieu.

    Le troisième alinéa de l'article 9 précise : « Une fois la substance létale administrée, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est plus obligatoire. Il est toutefois suffisamment près et en vision directe de la personne pour pouvoir intervenir en cas de difficulté (…). ».

    En revanche, les députés en séance publique ont supprimé la disposition suivante : « Le certificat attestant le décès est établi dans les conditions prévues à l’article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales. Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir. ».

    Des dispositions sont indiquées à la fin de l'article 9 pour détruire les restes de la préparation létale qui n'ont pas été utilisés (afin d'éviter un trafic ou une utilisation hors de contrôle, qui serait donc criminelle).

    D'autres dispositions poursuivent l'encadrement de cet acte très particulier. Ainsi, l'article 12 est ainsi rédigé : « La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ainsi que la décision de mettre fin à la procédure (…) ne peuvent être contestées que par la personne ayant formé cette demande, devant la juridiction administrative, selon les dispositions de droit commun. ».

    Ce qui a été complété par la disposition suivante : « Par dérogation au premier alinéa du présent article, la décision du médecin autorisant une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne à accéder à l’aide à mourir peut être contestée, dans un délai de deux jours à compter de sa notification, par la personne chargée de la mesure de protection, devant le juge des contentieux de la protection, en cas de doute sur l’aptitude de la personne ayant formé la demande d’aide à mourir à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. La saisine du juge des contentieux de la protection suspend la procédure prévue à la présente sous-section. Le juge des contentieux de la protection statue dans un délai de deux jours. ».

    Une clause de conscience pour le professionnel de santé a été prévue et définie dans l'article 14 : « Le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer à ces procédures doit, sans délai, informer la personne ou le professionnel le sollicitant de son refus et leur communiquer le nom de professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de celles-ci. ».

    L'article 17 est particulièrement sévère pour les "empêcheurs d'euthanasier en rond" : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir : 1° Soit en perturbant l’accès aux établissements où est pratiquée l’aide à mourir ou à tout lieu où elle peut régulièrement être pratiquée, en entravant la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces lieux ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ou en perturbant le lieu choisi par une personne pour l’administration de la substance létale ; 2° Soit en exerçant des pressions morales ou psychologiques, en formulant des menaces ou en se livrant à tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur l’aide à mourir, des personnels participant à la mise en œuvre de l’aide à mourir, des patients souhaitant recourir à l’aide à mourir ou de l’entourage de ces derniers ou des professionnels de santé volontaires (…). ». De plus, son deuxième alinéa permet à des associations déclarées depuis au moins cinq ans d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues précédemment. On imagine vite quelles associations pourraient profiter de cette disposition.

    Le troisième aliéna de l'article 18 a pour but d'éviter une marchandisation de l'euthanasie, à savoir, la création d'un business de la mort qui irait à l'encontre de la décision libre et éclairée de la personne : « À l’exception des prix de cession et des honoraires mentionnés au II du présent article [préparations létales et rémunérations des professionnels de santé pour cette mission], aucune rémunération ou gratification en espèces ou en nature, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée en échange d’un service dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir. ».

    L'article 19 intervient pour les assurances décès : « L’assurance en cas de décès doit couvrir le décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir (…). ». Ainsi, il n'est pas dit que la personne qui a appliqué l'aide à mourir est morte de mort naturelle, mais son décès reste couvert comme un décès naturel pour les assurances et mutuelles (au contraire du suicide).

    Enfin, je n'ai pas indiqué la traçabilité des procédures d'aide à mourir, son analyse statistique, son contrôle de légalité avec une commission spéciale, des rapports réguliers, etc. On a vu en Belgique que toute cette partie était folklorique et n'a pas montré une efficacité très élevée pour éviter des abus. De toute façon, tout contrôle a posteriori est trop tard pour ce genre de chose, évidemment.


    En conclusion

    Il faut être clair. Je suis absolument opposé au principe général d'inscrire l'aide à mourir (suicide assisté ou euthanasie) dans la loi parce que je sais que cela ouvre une boîte de Pandore qu'on ne refermera pas de sitôt. Je n'ai jamais été opposé au principe singulier et exceptionnel d'une aide à mourir dans le secret des consciences, celles des médecins et des patients. Mais la loi se fait dans un cadre général, et c'est cela qui est effrayant.

    Mais je dois aussi reconnaître que les conditions de la procédure d'aide à mourir telles qu'elles ont été définies par les députés sont convaincantes en ce sens que de nombreux garde-fou ont été institués pour éviter des erreurs de discernement et des abus. Je les ai indiqués plus haut et il faut s'en féliciter.

    Je reste inquiet car si cette loi venait à être adoptée (cela semble à peu près sûr à l'Assemblée Nationale, dès ce mardi 27 mai 2025 ; c'est moins sûr au Sénat), sa stabilité serait mise à rude épreuve. Rappelons-nous que la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 qui réglait plus de 99% des problèmes d'une anticipation de la mort n'a pas encore dix ans (on ne lui a pas donné sa chance) et va devenir obsolète (elle ne sera pas abrogée, ce qui est très rassurant ; ainsi, la sédation profonde et continue restera donc encore une possibilité même après l'adoption de la loi sur l'aide à mourir). Toute révision ultérieure de la certainement loi sur l'aide à mourir me donnera hélas raison en ce sens que les conditions seront simplement assouplies, la pratique élargie, et les abus seront alors possibles.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Olivier Falorni.
    Euthanasie 2025 (3) : l'examen de la proposition Falorni à l'Assemblée.
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

     

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250524-falorni.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/26/article-sr-20250524-falorni.html


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  • Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions

    « Derrière une apparente volonté de compassion et d’encadrement, ce texte opère un basculement radical : il introduit légalement la possibilité d’administrer la mort, par suicide assisté ou euthanasie, en bouleversant profondément les fondements de l’éthique médicale et sociale. » (la CRCF, le 15 mai 2025).



     

     
     


    Dans mon précédent article sur l'euthanasie, j'expliquais que l'argumentation devait éviter de se référer à une religion, en ce sens que la République doit pouvoir légiférer sans influence d'une religion, et c'est le principe de laïcité qui est traditionnel en France. Sans ce principe, la loi sur l'IVG, par exemple, n'aurait jamais pu être adoptée.

    Toutefois, cela ne signifie pas que les religions n'ont pas leur mot à dire. Au même titre que n'importe quel citoyen français, les religions basées en France ont le droit d'avoir réfléchi et de s'exprimer sur ce sujet très important, d'autant plus qu'elles sont bien placées pour en parler car c'est l'objet, pour elles, de nombreux sujets d'étude, la mort, l'accompagnement des personnes mourantes, l'accompagnement des personnes en souffrance, en situation de handicap, etc.


    Or, il y a eu un petit événement qui est, semble-t-il, passé complètement inaperçu dans les médias, c'est que l'ensemble des grandes religions présentes en France s'est réuni et a fait un communiqué commun, a pris une position commune sur la proposition de loi en cours d'examen à l'Assemblée Nationale. Et le message, c'est une forte inquiétude pour l'avenir.

    Il s'agit de la CRCF qui est la Conférence des responsables de culte en France, fondée le 23 novembre 2010. Elle rassemble les représentants des religions catholique, protestante, orthodoxe, juive, musulmane et bouddhiste. Elle a pour objectif de favoriser le dialogue interreligieux et le dialogue avec les pouvoirs publics dans le respect de la laïcité française. Elle souhaite contribuer ensemble à la cohésion de la société français dans le respect des autres courants de pensée et par la reconnaissance de la laïcité comme fondement de la République. Un tel unanimisme sur l'euthanasie est notable et rare, tant certaines de ces religions ont guerroyé entre elles, ou parfois guerroient encore aujourd'hui.

    Un communiqué commun a été signé le jeudi 15 mai 2025 par six représentants religieux : Mgr Éric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France (qui va bientôt céder la place à Mgr Jean-Marc Aveline, le 1er juillet 2025), Pasteur Christian Krieger, le président de la Fédération protestante, Mgr Dimitrios Ploumis, le métropolite de France et président de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France, Haïm Korsia, le grand-rabbin de France, Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la grande mosquée de Paris, et Antony Boussemart, le coprésident de l'Union bouddhiste de France.
     

     
     


    Les religions ont voulu alerter solennellement sur « les graves dérives » qu'introduirait la proposition de loi sur "l'aide à mourir". Cinq inquiétudes ont été exprimées à cette occasion.

    La première inquiétude est de ne pas vouloir nommer clairement la chose, à savoir l'euthanasie et le suicide assisté qui pourraient s'appliquer. Cette terminologie d'aide à mourir « vise à anesthésier les consciences et affaiblir le débat public ». Cette expression d'aide à mourir réduit la portée très grave de cet acte.

    La deuxième inquiétude est la contradiction de fond avec le serment d'Hippocrate dont le principe fondamental est de « soulager sans jamais tuer ». Cette loi serait ainsi ressentie par de nombreux soignants comme « une transgression radicale de leur mission ». Des manifestants ont déjà fait des démonstrations pour lancer cet appel : soigner et pas tuer.

    La troisième alerte est le cœur du débat parlementaire puisqu'il consiste à définir les garanties éthiques et procédurales. La CRCF a souligné l'absence d'une procédure collégiale (un seul médecin pourrait autoriser "l'aide à mourir"). De plus, le délai de réflexion serait seulement de 48 heures et mériterait d'être très remonté : « Cette précipitation est indigne d'une décision irréversible et de la gravité de l'enjeu ». D'autres garanties sont en cours de discussion dans l'hémicycle, tout aussi inquiétantes. Ainsi lorsqu'il s'agit de considérer la souffrance psychologique comme pouvant bénéficier de cette "aide à mourir".

    La quatrième inquiétude est, à mon avis, la plus grave et la plus irréversible : « L’instauration de ce "droit" risque d’exercer une pression sourde mais réelle sur les personnes âgées, malades ou en situation de handicap. La seule existence d’une telle option peut induire chez des patients une culpabilité toxique, celle d’ "être un fardeau". ». La CRCF a constaté que « dans les pays où l’euthanasie a été légalisée, les demandes ne cessent d’augmenter, et on observe une baisse inquiétante de l’investissement dans les soins palliatifs ». Ainsi, elle a remarqué : « La promesse d’un accompagnement digne tend à s’effacer derrière une option terminale présentée comme solution. ».

    Enfin, la cinquième crainte serait « une atteinte à l'équilibre entre autonomie et solidarité ». La proposition de loi « érige l'autodétermination individuelle en absolu ». Ce qui signifierait que « ce choix solitaire risque fort d’occasionner des traumatismes et de blessures durables, notamment dans le cas d’une découverte a posteriori du décès d’un proche aidé au suicide ou euthanasié ». Toutefois, je considère que cette crainte ne doit pas être prise en compte car la loi doit se focaliser avant tout sur le patient lui-même et son intérêt, son bien, et pas sur le ressenti de ses proches qu'il faudrait ménager.
     

     
     


    Et le communiqué commun de conclure ainsi : « Il faut choisir l’investissement dans les soins palliatifs, la formation à l’écoute, l’accompagnement global des personnes jusqu’à la fin de leur vie. Ce choix est celui de l’humanité contre l’abandon, de la relation contre la solitude, du soin contre la résignation. ».

    Cette réflexion, qui va au-delà des religions et qui respecte avant tout une éthique de la société, l'aide aux plus vulnérables, ce qui est le devoir d'un État responsable, a exprimé ces inquiétudes dans un contexte d'une évidence surjouée par les médias. Ce qui est inquiétant, c'est que le débat parlementaire est surtout focalisé sur les seuils des curseurs (des conditions d'application, des garanties d'encadrement) alors que l'enjeu est le principe même de cette autorisation de tuer, de cette transgression. Dans un prochain article, j'évoquerai le débat parlementaire en cours.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?



     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250522-euthanasie-2025b.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-2-l-inquietude-des-260829

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/22/article-sr-20250522-euthanasie-2025b.html


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  • Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

    « Le fait de provoquer au suicide d'autrui est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d'une tentative de suicide. » (Article 223-13 du code pénal).




     

     
     


    Depuis le lundi 12 mai 2025, les députés examinent la proposition de loi déposée par Olivier Falorni (député MoDem, ex-PS, de La Rochelle) sur "l'aide à mourir". C'était une initiative de l'année dernière qui a été interrompue par la dissolution et le Président de la République Emmanuel Macron souhaite absolument "aboutir", au point qu'il a menacé le 13 mai 2025 sur TF1 de recourir au référendum si cela s'enlisait au Parlement (ce serait une décision complètement déraisonnable et une telle pression sur les parlementaires me paraît du reste peu démocratique). Le Premier Ministre François Bayrou a toutefois voulu séparer les deux parties de la proposition en deux textes séparés, l'un sur les soins palliatifs et l'autre sur "l'aide à mourir", ce qui était très sage.

    Avant toute chose, définissons mieux le sujet. "L'aide à mourir" (ou "l'aide active à mourir") n'est qu'une expression qui n'ose pas dire "euthanasie" et "suicide assisté". Malheureusement, aucun humain n'a besoin d'aide pour mourir, il meurt tout seul et bien trop vite. S'il a besoin d'aide, c'est pour vivre, c'est pour vivre bien ce qui lui reste à vivre, mais certainement pas pour mourir, et contrairement au vrai mot, on ne meurt jamais "bien", il n'y a pas de "bonne" mort, c'est toujours un mauvais moment à passer, dont certains voudraient ne pas avoir conscience.


    Je vais redéfinir les termes, mais avant, comme ce sujet m'est important, comme il devrait l'être à tout humain, et que je me suis déjà très longuement exprimé sur les sujets depuis des années, et le fait même de préciser "euthanasie" me place dans un "camp", disons-le très net, je suis absolument opposé à toute législation sur l'euthanasie et le suicide assisté. Notez bien que je n'ai pas dit que j'étais forcément opposé à l'euthanasie et au suicide assisté, mais je suis résolument opposé à toute inscription de ces actes dans la loi qui est une généralité alors que ces actes sont exceptionnels et toujours singuliers. Hypocritement, d'ailleurs, les partisans de l'euthanasie disent qu'une loi permettrait de mieux l'encadrer, mais ce n'est pas une loi qui peut encadrer autant de cas exceptionnels que d'humains en partance. Celui qui, aujourd'hui, encadre ces actes qui ont lieu malgré la non-législation, c'est le juge, et le juge, par définition, est sage car il repose son jugement sur, d'une part, la loi, effectivement, mais aussi sur la situation particulière, donnée, singulière, qui est en cause.

    Je vais donc employer le mot "euthanasie" pour évoquer deux stades : le "suicide assisté" et "l'euthanasie active". Certes, ce sont deux actes très différents, mais en réalité, la conclusion est la même et les acteurs presque les mêmes. Dans le premier cas, un tiers (a priori qui s'y connaît en substance létale) fournit au dit patient une substance létale et c'est le patient qui se l'injecte, et dans le second cas, un autre (ou le même) l'injecte à la place du patient, parce qu'il ne peut pas le faire lui-même.

    Je pourrais reprendre le cadre de la psychanalyste Feroudja Hocini sur "l'aide à mourir". Il y a cinq stades bien définis, en "crescendo" : le premier, c'est de soigner la pathologie insoignable jusqu'à la fin ; le deuxième est l'arrêt de soins car c'est insoignable ; le troisième est l'injection d'une substance qui permette de réduire voire supprimer la douleur, avec la possibilité que cette substance précipite la mort sans intention de la donner ; le quatrième est le suicide assisté ; le cinquième est l'euthanasie active.
     

     
     


    Il y a une rupture anthropologique entre le troisième et le quatrième stade, car dans les deux derniers stades, il y a clairement intention de donner la mort, ce qui est la transgression d'un principe absolu. Dans le troisième stade, qui est l'application de la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, le patient en fin de vie peut demander une sédation profonde et continue jusqu'au décès. Cette sédation a pour but de réduire les souffrances, pas de donner la mort. L'intentionnalité est un élément majeur dans un jugement, c'est notamment le cas pour séparer l'homicide involontaire par négligence (accident avec responsabilité), par exemple, de l'assassinat où le fait de tuer était volontaire et préparé d'avance (prémédité).

    Dans la sédation profonde et continue, le fait de ne plus se nourrir ou de ne plus s'hydrater n'a pas beaucoup d'importance puisque le patient ne souffre pas (insistons sur cela). Parler alors d'hypocrisie pour exiger l'euthanasie active est une véritable escroquerie intellectuelle car l'hypocrisie, c'est surtout de ne pas distinguer l'intention de tuer et l'intention de soulager la douleur. Quant à la famille qui voit son proche mourir, que ce soit avec ou sans aide médicale (avec ou sans sédation), ce sera toujours un calvaire psychologique (bien sûr). Que la loi se garde bien d'être rédigée pour les proches, c'est pour le patient qu'elle doit l'être. Il y a des proches qui peuvent avoir quelques intérêts particuliers à voir "accélérer" les procédures, la loi ne doit donc pas être basée sur eux mais sur le seul intérêt du patient.


    Donc, dans ce qui suit, et, dans cet article, sans reprendre le texte de la proposition de loi (ce sera l'objet d'un article ultérieur), je parlerai d'euthanasie pour évoquer l'ensemble suicide assisté et euthanasie active.

    C'est un sujet qui peut cliver car il prend les personnes en pleine conscience de leur conception de la vie, de la mort et aussi, on oublie un peu trop vite, de la société des hommes. L'euthanasie est revendiquée en tant qu'un droit, ou une liberté. C'est par excellence le triomphe de l'individu sur le collectif. En quelque sorte, c'est le triomphe de l'ultralibéralisme extrême qui fait passer exclusivement la liberté d'une personne sur les conséquences collectives que cela peut entraîner.

    Un sujet clivant mais qui peut rassembler tout de même autour de quelques principes.

    Le premier principe est le refus de la souffrance. Tout doit être fait pour soulager la douleur du patient. Ce principe est déjà dans la loi, chacun a le droit de voir sa souffrance soulager. La loi du 4 mars 2002 permet le refus de soins selon la volonté du patient. Dès lors, il n'y a plus de possibilité d'acharnement thérapeutique dans la loi. Dans la pratique, cela peut évidemment être différent. Mais l'argument de l'acharnement thérapeutique n'est plus valable depuis une vingtaine d'années. Et c'est heureux : l'idée n'est pas de poursuivre coûte que coûte de prolonger la vie, comme, à mon sens, l'idée n'est pas d'abréger la vie, mais l'idée, l'obsession même, c'est de lutter contre la douleur, contre les souffrances. Je reste dans le général car dans le détail, il faut bien sûr définir exactement chaque terme.
     

     
     


    Le deuxième principe qu'on peut se donner dans un débat sur la question, c'est de ne pas mettre en avant, pour approuver ou s'opposer, ses convictions religieuses. Certes, les convictions religieuses ou leur absence peuvent être des éléments importants d'appréhension d'une question, mais ici, le débat est encore plus universel que la religion (même si certaines se prétendent à juste titre universelles). Il s'agit avant tout d'avoir le regard d'un être humain. Et l'éthique, comme la morale, est civile, elle peut avoir été façonnée par la religion, mais elle est acceptée, elle doit être acceptée bien au-delà du cadre religieux. Ainsi, le code pénal s'est inspiré du Dix Commandements. L'absolu "tu ne tueras point" est l'une des bases de toute société.

    Le troisième principe, toujours sur le débat, c'est le respect de toutes les opinions, car un sujet comme la fin de vie n'a pas une solution vraie et des solutions fausses. Le débat doit donc être serein, sans anathème, de part et d'autres. Il me semble qu'à ce stade, à l'Assemblée, c'est le cas.

    Toutefois, je trouve que le sujet a été très mal amené par les médias, les politiques, la société en général. Déjà par le vocabulaire. Il y a deux choses qui me désolent beaucoup dans ce débat public.

    Le premier point concerne la dignité. Une association qui milite pour l'euthanasie en a même fait son nom de baptême : elle réclame le droit de mourir dans la dignité. Pour moi, c'est une horreur, cela signifierait que des personnes auraient perdu leur dignité du fait de leur état de santé, de leur situation de handicap, de faiblesse. Non ! La dignité est intrinsèque à l'humain. Nous tous, aussi diminués que nous soyons, restons dignes, dignes de vivre comme dignes de mourir, ou plutôt, dignes de mourir avec dignité. La dignité ne se perd pas avec son état de santé.

    Le second point est le supposé progrès sociétal, la supposée avancée sociétale que constituerait l'euthanasie. Eh bien non, je ne considère pas que tout ce qui est nouveau soit une avancée. C'est parfois une régression. Transgresser l'interdiction de tuer est pour moi un retour en arrière monstrueux. Mais cependant, je peux l'entendre et comprendre que sincèrement, certains croient à un tel progrès, parce qu'ils auraient gagné une liberté en plus, un droit en plus, de manière strictement individuelle (qui ne devrait pas gêner les autres, c'est ce côté-là qui me gêne, car c'est une erreur de dire cela, j'y reviendrai plus loin). Il faut même l'entendre comme une stratégie mûrement réfléchie des promoteurs de l'euthanasie. Que disent-ils aujourd'hui ? Ils souhaitent que la loi définisse le plus de restrictions possible, dans les conditions d'application, etc. car leur objectif est qu'une loi sur l'euthanasie soit adoptée, quelle qu'elle soit. Car ils savent bien que dans un deuxième temps, une fois le pied dans la porte, on pourra toujours réviser la loi et assouplir ces conditions. Cela s'est passé dans tous les pays qui ont légiféré et par conséquent, l'argument selon lequel l'euthanasie sera appliquée dans un cadre très strict et rigoureux est purement du pipeau. Ce sera assoupli dès la prochaine occasion.

    J'en viens aux arguments, maintenant.

    La question est de lutter contre la souffrance, pas en tuant celui qui souffre mais en tuant la souffrance. Pour 99% des cas, la médecine est capable de le faire. Il faut donc s'appesantir à généraliser les soins palliatifs, qui sont un droit de chaque patient. Pour le 1% restant (je donne une proportion estimée seulement), le patient peut être réfractaire aux traitements de la souffrance. Il se peut qu'il souhaite tout arrêter. La sédation profonde et continue peut alors être la solution. Elle est possible, mais il faut appliquer la loi déjà existante. Et ce n'est pas une hypocrisie, je le répète. Cette loi était consensuelle, c'est-à-dire qu'elle a su rassembler la quasi-totalité de la classe politique en 2016, parce qu'elle a été rédigée avec une extrême prudence dans un climat constructif et serein.

    En quoi le principe de l'euthanasie serait une catastrophe collective ?

    Comme je l'ai signalé plus haut, les conditions d'application d'une telle loi évolueraient vers un assouplissement continu et ferait passer d'une exception vers une généralisation, vers un élargissement des possibilités d'application. L'une des meilleures preuves est l'extension en Belgique de son application : aux enfants (sans condition d'âge) et à ceux qui souffrent de pathologies psychologiques ou mentales. En d'autre terme, on a déjà euthanasié en Belgique des personnes en dépression. Or, la dépression conduit le patient à des envies suicidaires. La loi doit au contraire prévenir ces suicides et pas les encourager.
     

     
     


    Plus généralement, les conditions de la volonté d'euthanasie seraient mises à rude épreuve et la protection des plus faibles, des plus vulnérables serait mise à mal par une telle loi. Comment empêcherait-on alors des héritiers d'accélérer le processus ? Ou même comment empêcher la pression sociale qui deviendrait de plus en plus forte sur une personne âgée qui se sentirait de plus en plus inutile et qui se verrait un poids pour ses enfants alors qu'elle mérite toute sa place dans la société et que personne n'y est inutile ? Et les personnes vulnérables sont nombreuses : les personnes malades, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, et on pourrait même poursuivre la liste selon une supposée utilité sociale, dans un cadre tout à fait naturel mais odieux d'eugénisme.

    Reparlons de dignité. Si la solution à une pathologie, à une situation extrême, devenait l'euthanasie, comme pourraient réagir tous les aidants, les proches, les soignants (ils sont plusieurs millions) qui se battent chaque jour, parfois chaque minute à accompagner une personne en perte d'autonomie ? Cela réduirait le sens même de leur action, cela pourrait les décourager alors que ce qui compte, avant tout, c'est cet accompagnement humain.
     

     
     


    Et puis, il y a aussi l'intérêt économique de la société. J'ai lu que les coûts les plus élevés de la sécurité sociale, sont dépensés les six derniers mois d'une vie. Il suffirait d'euthanasier une personne six mois avant sa mort naturelle pour réduire drastiquement les dépenses sociales. Bien sûr, ne connaissant pas la date de la mort naturelle, on se garderait bien de défier ainsi la mort, mais il ne faut pas nier la pression qui serait de plus en plus forte pour réduire les dépenses de santé en encourageant l'euthanasie. Aujourd'hui, on dit à grands cris qu'il n'en est pas question : dans cinq ans, dans dix ans, qu'en sera-t-il ? "Soleil vert", pour les amateurs de vieux films (qui a assez mal vieilli).

    Enfin, il y aurait une conséquence collective très importante si l'euthanasie devenait une pratique comme une autre. J'évoquais le faux argument du progrès social. Ce serait même le contraire : dans ce cas, il n'y aurait plus de progrès médical. Car si les patients étaient euthanasiés avant même qu'on tente de les guérir, il n'y aurait plus de progrès médical possible. Car une pathologie inguérissable se définit dans le temps et lorsqu'on voit les progrès de la médecine depuis les vingt dernières années, on a de quoi être optimiste. On a augmenté le pourcentage de guérison de plusieurs cancers qui ne sont plus systématiquement des synonymes de mort assurée comme auparavant (hélas, ce n'est pas le cas pour tous les cancers). La mort prématurée des patients empêcheraient toute possibilité d'innovation dans leurs traitements médicaux.


    Donc, je résume ma réflexion générale ainsi. Premièrement, tout doit être focalisé sur le traitement de la souffrance, par quelque moyen que ce soit. Deuxièmement, il existe une solution ultime pour tous les réfractaires à la douleur, l'application de la loi Claeys-Leonetti. Troisièmement, un droit individuel pourrait avoir des répercussions désastreuses, à moyen terme, sur les personnes les plus vulnérables. Quatrièmement, loin d'être une avancée sociétale, ce serait une régression dans la recherche de nouveaux traitements. Parce que ce serait beaucoup moins cher d'encourager l'euthanasie que de poursuivre des recherches médicales très poussées et donc très coûteuses. Enfin, cinquièmement, la transgression inscrite dans la loi de l'interdiction de tuer aurait nécessairement des conséquences graves et irréversibles, de type eugénique, dans une société de plus en plus individualiste.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?
    Euthanasie 2024 (3) : les ultras dicteront-ils leur loi au gouvernement ?
    Euthanasie : Robert Badinter, Ana Estrada et l'exemple péruvien ?
    Euthanasie 2024 (2) : le projet Vautrin adopté au conseil des ministres du 10 avril 2024.
    Euthanasie 2024 (1) : l'agenda désolant du Président Macron.
    Robert Badinter sur l'euthanasie.
    Le pape François sur l'euthanasie.
    Fin de vie 2023 (4) : la mystification d'un supposé "modèle français" de la fin de vie.
    Discours du Président Emmanuel Macron recevant la Convention citoyenne sur la fin de vie le 3 avril 2023 à l'Élysée (texte intégral).
    Communiqué de l'Ordre des médecins sur la fin de vie publié le 1er avril 2023 (texte intégral).
    Avis n°139 du CCNE sur les questions éthiques relatives aux situations de fin de vie publié le 13 septembre 2022 (à télécharger).
    Rapport n°1021 de la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti publié par l'Assemblée Nationale le 29 mars 2023 (à télécharger).
    Rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie publié le 2 avril 2023 (à télécharger).
    Fin de vie 2023 (3) : conclusions sans surprise de la Convention citoyenne.
    Fin de vie 2023 (2) : méthodologie douteuse.
    Fin de vie 2023 (1) : attention danger !
    Le drame de la famille Adams.
    Prémonitions (Solace).
    Vincent Lambert.
    Axel Kahn : chronique d’une mort annoncée.
    Euthanasie : soigner ou achever ?
    Le réveil de conscience est possible !
    Soins palliatifs.
    Le congé de proche aidant.
    Stephen Hawking et la dépendance.
    La dignité et le handicap.
    Euthanasie ou sédation ?
    La leçon du procès Bonnemaison.
    Les sondages sur la fin de vie.
    Les expériences de l’étranger.
    La politisation du CCNE (16 décembre 2013).
    Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Figaro" du 5 avril 2021.
    Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Monde" du 12 juillet 2019.
    Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
    Réglementation sur la procédure collégiale (décret n°2016-1066 du 3 août 2016).
    La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
    La loi Leonetti du 22 avril 2005.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250520-euthanasie-2025a.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-1-quelle-societe-260439

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/20/article-sr-20250520-euthanasie-2025a.html


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