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  • Gérard Larcher, protecteur des institutions

    « Vous me connaissez : vous savez que j’ai la République chevillée au corps. Tranquillement, sereinement, et avec détermination, je resterai fidèle à ce que je suis : attaché aux institutions, au rôle du Parlement, à la séparation des pouvoirs, à l’indispensable bicamérisme. Sur chacun de ces points, je ne serai pas simplement intransigeant : je serai extrêmement exigeant ; attaché, aussi, aux valeurs qui ont motivé mon engagement politique et mon engagement social. » (Gérard Larcher, le 1er octobre 2020 au Sénat).




     

     
     


    Le Président du Sénat Gérard Larcher fête son 75e anniversaire ce samedi 14 septembre 2024. Élu pour la première fois à la Présidence du Sénat le 1er octobre 2008, et après une interruption entre octobre 2011 et octobre 2014 où il a dû céder la place au socialiste Jean-Pierre Bel (le Sénat était alors de gauche), il entame depuis sa réélection d'octobre 2023 son cinquième mandat de trois ans. À ce titre, il commence à faire partie des Présidents du Sénat les plus longs tant de la Cinquième République que de toutes les républiques, même s'il a encore de la marge pour atteindre les premiers deux records.

    Le premier, c'est celui du centriste Alain Poher au Plateau pendant vingt-quatre ans (huit mandats entre octobre 1968 et octobre 1992), et le deuxième, mais enjambant les deux dernières républiques, le radical Gaston Monnerville, vingt et un ans (entre mars 1947 et octobre 1968). Cette fonction correspondant au deuxième personnage de l'État, devant le Premier Ministre et le Président de l'Assemblée Nationale (en l'occurrence, depuis 2022, la Présidente de l'Assemblée), et a en quelque sorte le rôle du Vice-Président puisqu'il assure l'intérim présidentiel en cas de vacance de la Présidence de la République (cela s'est produit deux fois, en 1969 et en 1974, et a failli se produire une fois encore en 1994). C'est aussi le modèle américain, mais à l'envers, le Vice-Président est élu en même temps que le Président et a pour rôle de présider le Sénat. De Gaulle l'avait regretté lorsqu'on a rédigé la Constitution de la Cinquième République et voulait donner au Premier Ministre cette charge d'assurer l'intérim présidentiel, ce qui lui fut refusé car le Premier Ministre n'était "que" nommé par le Président et n'avait pas de légitimité personnelle directe dans notre démocratie représentative.

    Gaston Monnerville et Alain Poher face à De Gaulle, Alain Poher face à François Mitterrand, Gérard Larcher face à Emmanuel Macron... les Présidents du Sénat ont souvent été des opposants institutionnels au pouvoir exécutif, mais des opposants courtois, polis, posés, qui n'ont rien à voir avec des opposants débraillés, criards et vulgaires comme on a pu en voir depuis 2017 parmi les députés. Il ne faut pas d'ailleurs que le Président du Sénat soit un représentant trop partisan ni un présidentiable car sa personnalité pourrait effacer celle du Sénat. C'est d'ailleurs pour cette raison qui l'a emporté, à sa première élection, sur un ancien Premier Ministre, Jean-Pierre Raffarin. C'est aussi pour cette raison qu'il a toujours refusé Matignon sous Emmanuel Macron.

    La personnalité de Gérard Larcher se prête aux comportements consensuels et au fil de ses réélections, il a réussi à élargir sa base électorale, des sénateurs d'autres groupes que la majorité sénatoriale n'hésitant pas à voter pour lui car il représente bien les sénateurs. Quand j'écris qu'il représente bien les sénateurs, il ne faut pas croire que c'est par sa corpulence, au point même qu'il peut être victime de grossophobie parmi des enragés d'un antiparlementarisme anachronique et populiste. Il représente bien les sénateurs car il a réussi à incarner le Sénat dans sa diversité mais aussi dans son importance institutionnelle : au contraire de l'Assemblée tributaire des modes, des polémiques, des colères des électeurs, les sénateurs peuvent se permettre de prendre le temps de la réflexion, d'étudier beaucoup plus profondément des sujets alors que les députés seraient tentés de raisonner par idéologie ou consigne de partis. Des lois comme les premières lois de bioéthique ont été concoctées par des sénateurs, pas par des députés.

     

     
     


    Il ne faut pas s'y tromper : la bonhomie n'exclut pas la détermination et la fermeté. Gérard Larcher a pris tout son rôle depuis 2022 et l'absence de majorité à l'Assemblée, encore plus depuis 2024, pour faire le lien entre les acteurs et éviter les crises éventuelles (politiques ou institutionnelles). Il s'amuse à dire que les sénateurs ne disent jamais oui par consigne de parti ni non par idéologie. Ce qui les rend plus indépendants et libres que les députés. Il a du reste noué des liens solides avec la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet.

    Gérard Larcher a su formuler assez précisément sa doctrine sur le rôle du Sénat le 2 octobre 2017 lorsqu'il a été réélu pour la deuxième fois, contre-pouvoir mais pas anti-pouvoir, pas sans un coup de griffe à Emmanuel Macron qui venait d'être élu : « Le Sénat est, à mes yeux, le stabilisateur institutionnel indispensable à une démocratie apaisée. Il protège les citoyens des lois de pulsion votées dans la précipitation, sous la pression populaire ou médiatique du moment, des excès éventuels de l’exécutif influencé par la proximité d’élections nationales ou par sa chute dans des enquêtes d’opinion. C’est ce contre-pouvoir qu’incarne le Sénat. Un contre-pouvoir exigeant, qui n’est jamais un anti-pouvoir et qui sait s’opposer avec discernement, sans les excès des postures partisanes, qui n’ont jamais été dans sa nature. Notre ambition, ce doit être l’intérêt de la France. La force du Sénat est aussi de savoir résister aux artifices temporaires de communication ou aux effets de mode qui parfois caricaturent le passé, idéalisent le présent et feraient croire qu’on passe soit de "l’ombre à la lumière", soit de "l’ancien monde au nouveau monde" ! ».

     

     
     


    Jeudi 12 septembre 2024, c'était donc tout naturellement que Gérard Larcher a accueilli, aux côtés de Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, et Laurent Wauquiez, président du groupe LR à l'Assemblée ("Droite républicaine"), le nouveau Premier Ministre Michel Barnier (issu du même parti), invité au dernier moment aux Journées parlementaires LR à Annecy. Cela semblait d'ailleurs être la foire aux ministères, laissant croire que LR avait gagné les élections législatives voire avait même obtenu la majorité absolue. Gérard Larcher, ancien Ministre du Travail sous Jacques Chirac, n'a jamais voulu diriger de gouvernement. Son truc, c'est le contre-poids du Sénat. Il est souvent présent dans les médias pour exprimer avec force le point de vue des sénateurs, dont le rôle essentiel est le lien des territoires avec les citoyens et le pouvoir central.

    Comme Michel Barnier, Gérard Larcher a de l'ancienneté dans la vie politique. Vétérinaire spécialiste des chevaux, il a eu son premier mandat en 1979. Maire de Rambouillet, sénateur depuis 1986, il n'hésite pas à chercher de nouveaux talents pour les encourager dans leurs engagements politiques. Sans nul doute que dans le moment trouble que nous connaissons depuis ces derniers mois, sa figure de stabilité et de référence comptera dans les prochaines semaines pour éviter la crise et le blocage. À 75 ans, il est encore aussi enthousiaste que lorsqu'il était le benjamin de la haute assemblée (à l'âge de 37 ans). Il aura du mal à s'y faire : dans deux ans, ce vieillard n'aura même plus le droit de lire Tintin !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Gérard Larcher réélu en 2023.
    Gérard Larcher réélu en 2020.
    Gérard Larcher réélu en 2017.
    René Monory.
    Christian Poncelet.
    Jean-Pierre Bel.
    Alain Poher.
    Élections municipales de 2020.
    Élections sénatoriales du 24 septembre 2023.
    Élections sénatoriales du 27 septembre 2020.
    Élections sénatoriales du 24 septembre 2017.
    Élections sénatoriales du 28 septembre 2014.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240914-gerard-larcher.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/gerard-larcher-protecteur-des-256622

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/12/article-sr-20240914-gerard-larcher.html


     

  • Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !

    « Je voudrais rappeler que le Sénat, donc chacune et chacun d’entre nous, a une responsabilité particulière de préservation des institutions et de protection des libertés dans la période qui s’ouvre. Je veillerai à ce que notre assemblée exerce ses prérogatives en toute indépendance et avec responsabilité, qu’il s’agisse de ses compétences en matière législative ou de ses pouvoirs de contrôle. » (Gérard Larcher, le 18 juillet 2024 au Sénat).



     

     
     


    L'ouverture de la XVIIe législature n'a pas seulement concerné les députés de l'Assemblée Nationale, mais aussi les sénateurs du Sénat (renouvelé en septembre 2023). En effet, en raison de la dissolution puis des élections législatives anticipées (et en l'absence d'une session ordinaire), une session parlementaire extraordinaire est obligatoirement provoquée pour installer la nouvelle Assemblée Nationale à partir du deuxième jeudi suivant le second tour (troisième alinéa de l'article 12 de la Constitution), soit le jeudi 18 juillet 2024, pour une durée de quinze jours (jusqu'au 1er août 2024 inclus). Autant que l'Assemblée, le Sénat devait donc se réunir le même jour. En conférence des présidents pour fixer l'ordre du jour, vide a priori, il a été donc décidé de faire un débat parlementaire sur la situation politique (un représentant de chaque groupe politique prenant la parole dans l'ordre décroissant de l'importance des groupes) et de ne plus se réunir jusqu'à la fin de cette session spéciale sauf en cas de nécessité.

    C'était la teneur du message du Président du Sénat Gérard Larcher ce jeudi 18 juillet 2024 à 15 heures 30 : « Mes chers collègues, la conférence des présidents s’est réunie tout à l’heure, en l’absence du gouvernement, démissionnaire. Elle n’a donc pas fixé d’ordre du jour pour la session de droit. (…) Nous attendrons la désignation du nouveau gouvernement de plein exercice pour fixer le calendrier des semaines du premier trimestre de la session. ».

    Et de proposer ainsi un débat contradictoire : « Mes chers collègues, compte tenu du contexte, la conférence des présidents a décidé d’organiser un temps d’expression des groupes sur la situation politique, en prévoyant l’intervention d’un orateur par groupe et d’un représentant des sénateurs n’appartenant à aucun groupe. ».


    Comme déjà lors de la législature précédente (2022-2024), puisque aucune majorité absolue n'avait (déjà) été observée à l'Assemblée Nationale, les sénateurs ont effectivement un rôle important de gardiens de la stabilité institutionnelle et de facilitateurs du processus législatif dès lors qu'aucune majorité, même relative, n'est connue à ce jour au sein des députés.

    Je propose ainsi un petit aperçu des orateurs des principaux groupes politiques du Sénat sur la situation politique de la France à l'issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024. On ne s'étonnera évidemment pas que les partis d'opposition s'opposent au Président Emmanuel Macron, parfois avec des arguments assez peu constructifs et souvent stériles.

     

     
     


    Premier à parler en raison de l'importance de son groupe, Bruno Retailleau, président du groupe LR, a largement fustigé la responsabilité du Président de la République dans cette situation surréaliste et impossible : « L’exercice auquel nous allons nous livrer cette après-midi témoigne d’un grand désordre : il n’y a pas de majorité à l’Assemblée Nationale ; il n’y a pas de Premier Ministre ; il n’y a pas de ministre au banc du gouvernement, qui reste vide ; il y a seulement un gouvernement démissionnaire, qui est chargé d’expédier les affaires courantes. À mon sens, ce grand désordre est à l’image de la voie sans issue dans laquelle le Président Macron a conduit le pays. ».

    Pour lui, deux causes à cette impasse. D'une part, Emmanuel Macron : « Quelques mois après la première élection de M. Macron à la Présidence de la République en 2017, j’avais écrit dans une tribune que le macronisme était non pas un hypercentrisme, mais un égocentrisme. Comment comprendre la dissolution en dehors de cette analyse ? Comment expliquer cette inexplicable décision sans tenir compte de cet élément ? Bien entendu, personne ne s’y attendait : le Général De Gaulle disait qu’une dissolution était faite pour résoudre une crise, non pour en provoquer une… ».

    Ainsi, le Président est devenu le « grand ordonnateur du front républicain. Ce dernier cependant ne règle rien pour l’avenir, car un rejet n’est pas un projet. Fort heureusement, les Français ont clairement indiqué qu’ils ne faisaient pas confiance au Rassemblement national pour gouverner la France. Toutefois (…), on aurait tort de balayer d’un revers de main les angoisses et les attentes exprimées par des millions de Français, notamment au premier tour des élections législatives. ».


    D'autre part, le tripartisme « constitué par un bloc central et deux ailes radicales » : « Le tripartisme est un poison, tant pour la démocratie, parce qu’il sous-entend qu’il n’y a d’autre alternance que radicale, que pour la Ve République, qui est conçue pour le fait majoritaire. En effet, lorsque le paysage politique est divisé en trois, il n’y a pas de majorité. Aujourd’hui, il n’y a plus de majorité : la démocratie est comme placée en pause et la République est sous la pression de M. Mélenchon, dont les affidés appellent à marcher sur Matignon et dont les supplétifs voudraient que l’on place aujourd’hui l’Assemblée Nationale sous surveillance. Est-ce acceptable ? Bien sûr que non ! ».

    Conformément à son origine gaulliste, Bruno Retailleau attendrait donc tout du Président : « Le Président de la République reste la clef de voûte de nos institutions. Il doit désormais formuler des propositions pour sortir du chaos. Il détient les clefs institutionnelles, au moins certaines d’entre elles. Que peut-il faire ? Certainement pas nommer un Premier Ministre issu des Insoumis, qui, je le répète à cette tribune, se sont par eux-mêmes retranchés de l’arc républicain, en défendant un antisionisme qui est malheureusement parfois le masque peu convenable de l’antisémitisme ou en méprisant les institutions, notamment en prônant la "haine des flics" et la désobéissance civile, c’est-à-dire rien d’autre que l’appel à désobéir à la loi que nous votons ! Ils expriment également une fascination pour la violence, théorisée par Chantal Mouffe. Je cite M. Mélenchon : "Il faut faire d’un peuple révolté un peuple révolutionnaire". Or nous savons ce que donnent les révolutions : la guerre civile ! (…) Je ne confonds pas cette gauche-là avec la gauche républicaine qui siège au Sénat. Je sais parfaitement que celle-ci a la République chevillée au corps. ».


    Ces deux dernières phrases pourraient laisser entendre que le groupe LR au Sénat serait favorable à une grande coalition allant du PS à LR, mais ce n'est pas le cas : « Je ne crois pas à une grande coalition. Une grande coalition, c’est le mariage des contraires, c’est la parousie du "en même temps". Il me semble au contraire que c’est dans la clarté que nous devons travailler pour la France. En revanche, dans ces moments, il faut en revenir aux grandes leçons de l’histoire. Quand la politique est affaiblie comme aujourd’hui et qu’elle se révèle incapable de tenir les rênes de l’État ou le destin des Français, il faut parfois sortir de la logique des partis. ».

    Son esquisse de solution serait la nomination d'un gouvernement de techniciens : « Quelques évidences s’imposent. La première, c’est que selon la Constitution de la Ve République, la nomination du Premier Ministre revient non pas aux partis, mais au Président de la République. Deuxième évidence : j’ai proposé de décaler le point de vue. Plutôt que de choisir un profil parmi les partis politiques, il vaudrait sans doute mieux désigner une personnalité non seulement technique ou issue de la société civile, mais qui, par son aura et sa stature, ait le sens de l’État et connaisse bien ses rouages. J’ai proposé que cette personne ait fait autre chose qu’un bref passage dans l’administration et qu’elle ait l’intérêt général chevillé au corps. Les candidats ayant ce type de profil existent. ».


    Pour quoi faire ? Quelques actes forts : « Nous pourrions nous mettre d’accord, mes chers collègues, sur un agenda législatif, car il nous faut éviter le chaos pour la France, y compris en matière financière. Le premier acte législatif, ce sera le budget. Or, en cas de crise financière, ce ne sont pas les plus riches qui souffrent le plus. Au contraire, en général, ce sont les plus modestes ! Il existe donc un passage. Il appartiendra au Président de la République de l’emprunter. ».

    Le dernier point du discours de Bruno Retailleau, c'était pour redire l'importance du Sénat en cette période troublée : « Au milieu de ce champ de ruines se tient le Sénat. La Haute Assemblée est debout (…) et constitue un amer, un repère, un pôle de stabilité (…). Soyons, mes chers collègues, la chambre de la démocratie du grand jour et non celle de la démocratie des combinaisons d’arrière-couloir ou des manigances d’arrière-boutique. (…) L’Assemblée Nationale pourra dire non, mais jamais elle ne pourra dire oui. Seul le Sénat dispose d’une majorité permettant de faire peut-être passer des textes. Au milieu de cette agitation et de cette confusion, le Sénat dans son ensemble (…) devra incarner ce qui manque peut-être actuellement le plus à notre pays : la force de l’équilibre, la puissance de la stabilité, mais aussi la voix de la raison. ».

     

     
     


    Le deuxième orateur était l'ancien ministre Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat. Lui non plus n'a pas mâché ses mots contre Emmanuel Macron : « Outre une débâcle électorale pour le camp présidentiel, c’est un véritable chaos démocratique dans lequel nous avons été plongés le 9 juin dernier, par le caprice vengeur d’un homme vexé. Le "maître des horloges" est devenu un enfant roi qui a cassé son jouet, la République. Rien d’étonnant, me direz-vous. C’est ce même Président de la République qui a voulu enjamber l’élection présidentielle en 2022 et escamoter les élections législatives qui ont suivi. C’est le même qui a brutalisé les institutions du pays et qui a voulu les contourner avec des gadgets improductifs : le fameux grand débat, les conventions citoyennes, le Conseil national de la refondation (CNR) ou encore les rencontres de Saint-Denis… Tout cela au lieu d’écouter le peuple qui souffrait et qui grondait. ». Cette dernière phrase est peu pertinente puisque justement, par la dissolution, Emmanuel Macron a fait appel à la parole du peuple en lui redonnant l'initiative.

    Un peu plus tard, il revenait avec son aigreur d'antimacroniste primaire : « Est-il acceptable qu’un homme seul, fût-il Président de la République, puisse fragiliser nos institutions, y compris en jouant à la roulette russe la prise de pouvoir par l’extrême droite ? C’est pourtant un Président de la République élu par défaut, grâce à un front républicain qu’il a balayé d’un revers de main en 2017, qu’il a écarté d’un autre revers de main en 2022 et qu’il néglige en 2024. ».


    Mais Patrick Kanner a regretté qu'une part importante du peuple s'en est remise au RN : « Ce sont désormais 12 millions de nos concitoyens qui, de peur du déclassement, de la relégation et de l’isolement, votent pour l’extrême droite, et cela de plus en plus par adhésion, et par une adhésion assumée. (…) Désormais, des millions d’électeurs sont convaincus que le RN est la seule solution de rechange. À force de ne vouloir débattre qu’avec le RN, le désavoué Emmanuel Macron a installé dans l’esprit des Français l’idée mortifère que le couple Le Pen-Bardella était le seul opposant efficace à sa politique. ».

    C'est pourtant bien la gauche qui, en se désistant avec le bloc central, a précipité, par le front républicain, cet état de fait : « Le front républicain a guidé notre action dès le lendemain du premier tour. Il a permis d’éviter le pire avec le soutien des deux tiers de nos concitoyens. (…) Aucune porosité avec l’extrême droite ne saurait, à nous, être reprochée. ». Pourtant, les actes et comportements à l'Assemblée entre 2022 et 2024 ont prouvé le contraire.


    Ce qu'a proposé Patrick Kanner, c'était un gouvernement NFP alors que le NFP n'a pas de majorité, et un bouleversement des institutions alors qu'elles permettent, au contraire, de préserver une certaine stabilité du pays face à la confusion des partis.
     

     
     


    Le troisième orateur est Hervé Marseille, le président du groupe centriste (UC) au Sénat, qui accueille aussi bien des sénateurs favorables au pouvoir macroniste qu'opposants à lui : « Le 7 juillet au soir, j’en ai entendu certains dire que le Nouveau front populaire était majoritaire. Je n’ai pas la même lecture des résultats. Au demeurant, l’élection au perchoir de l’Assemblée Nationale, ce soir, nous éclairera sur le sujet… J’en ai entendu d’autres dire que l’exécutif qui gouverne depuis 2017 serait fautif de tout, puisqu’il a dissous. Certes, mais il a tout de même eu le bon goût de ne pas proposer de candidats face à 60 candidats de la droite et du centre ! Ceux-ci ont donc bénéficié, cela a déjà été rappelé, des voix de gauche au second tour, et vice-versa, le désistement des candidats de la droite et du centre ayant également permis l’élection de députés de gauche dans le cadre de l’arc républicain. C’est dire que les résultats doivent être étudiés avec une certaine retenue et beaucoup de modestie. ».

    Le centriste a eu également raison de rappeler que l'absence de majorité (et donc que la situation impossible) ne provient pas d'Emmanuel Macron mais avant tout du vote des électeurs : « La dissolution a eu lieu. Les Français ont voté. Et, pour la première fois depuis 1962, ils n’ont pas désigné de majorité à l’Assemblée Nationale, même relative. Dès lors, nous devons nous poser deux questions bien précises : qui peut gouverner ? Pour quoi faire ? ».

    Qui peut gouverner : « Tout d’abord, nous devons trouver une majorité de gestion au sein de l’Assemblée Nationale qui soit la plus homogène possible. Rien qu’en matière de politique étrangère, le gouvernement doit pouvoir parler d’une seule voix. Que dirons-nous demain sur l’Ukraine, sur Israël ou encore sur le nucléaire ? Un gouvernement suppose une certaine affectio societatis entre ses membres, ce qui invalide d’emblée la France insoumise (LFI), qui est en porte-à-faux avec ses propres alliés sur nombre de sujets. Ensuite, parmi toutes les forces composant la nouvelle Assemblée Nationale, peu sont enclines à donner des postes de responsabilité gouvernementale aux extrêmes. La plupart partagent l’attachement aux valeurs républicaines et à l’Union Européenne. Collectivement, elles peuvent rassembler tous ceux qui refusent un gouvernement comportant des extrêmes. Les forces de l’arc républicain rassemblent les partis traditionnels de gouvernement. Or un parti de gouvernement, à ma connaissance, c’est fait pour gouverner ! (…) Il s’agirait d’une coalition allant des Républicains aux sociaux-démocrates. L’avenir de notre pays se joue plus que jamais autour du bloc central, en opposition aux extrêmes. Le problème, c’est que la culture politique française est peu habituée à cet exercice. ».

    Pour trouver un modèle historique, Hervé Marseille a ressorti une expérience originale de la Troisième République : « Il y a eu au moins un précédent fameux, celui de Waldeck-Rousseau, qui constitua en 1899 un gouvernement de défense républicaine dans le contexte de l’affaire Dreyfus. Ce gouvernement rassemblait des modérés, des radicaux et des libéraux. C’est à lui que nous devons l’installation définitive de la République dans notre pays. Nous sommes aujourd’hui dans une situation comparable. Il n’y a pas d’autre issue qu’une coalition de défense républicaine pour traiter urgemment les maux dont souffre notre société. (…) Les extrêmes n’apportent aucune solution. Les propositions les plus structurantes avancées par le RN, soit sont inconstitutionnelles, soit relèvent de l’Europe. Le programme du Nouveau front populaire, quant à lui, est mortifère pour notre économie. ».

    Pour quoi faire : « Je pense au pouvoir d’achat et au logement, bien sûr. Je pense également à l’accès aux services publics ou à la santé. Enfin, les Français ne supportent plus l’impuissance de l’État. Il y a des sujets pour lesquels on ne peut plus tergiverser. C’est le cas de l’immigration irrégulière, de la laïcité et de la sécurité, en particulier la violence des mineurs. Il faudra avoir le courage de prendre des mesures pour apporter une réponse pénale plus rapide. Idem concernant les finances publiques et la dette. (…) On ne retrouvera vraisemblablement pas le chemin de l’équilibre sans à la fois réaliser des économies et trouver de nouvelles ressources. Ne pas le dire, ne pas le relever, c’est mentir ! N’oublions pas non plus la Nouvelle-Calédonie et Mayotte, laissées seules face à elles-mêmes en ce moment, dans de terribles souffrances. Sur l’ensemble de ces sujets, nous avons une obligation de résultat. Nous ne pouvons pas échouer, car, dans ce cas-là, je ne donne malheureusement pas cher de notre avenir. Si nous ne nous montrons pas à la hauteur de l’enjeu, nos lendemains seront très difficiles. ».


    Fidèle au centrisme, Hervé Marseille a également prôné le scrutin proportionnel et le « retour réfléchi du cumul des mandats ». Si le second point serait un avantage pour remettre les députés au plus près des réalités que vivent les Français, le premier point, au contraire, les éloignerait forcément en laissant tout pouvoir à la cuisine politicienne des partis.

    Comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau, Hervé Marseille voit le Sénat comme le moteur de la stabilité et de la construction de la loi : « En 2022, avec une majorité relative, nous avons redécouvert qu’il était non seulement possible, mais même nécessaire de se parler, de s’écouter, de négocier et de faire des compromis pour adopter des textes. Ici, au Sénat, nous savons faire cela ! Aujourd’hui, il nous faut aller plus loin et déployer plus que nous ne l’avons jamais fait des trésors de pragmatisme et d’esprit de consensus. Il nous faut expérimenter un système dans lequel le Parlement revient au cœur de la vie politique du pays. Nous devrons être véritablement moteurs, force d’initiative et de proposition. (…) Il va falloir momentanément oublier les intérêts personnels et partisans pour accepter une plate-forme minimale dans l’intérêt du pays. C’est un comportement qui est courant en Europe et qui respecte les citoyens. Comme l’a dit à l’instant notre Président, nous avons à cet égard une immense responsabilité. ».

     

     
     


    Quatrième orateur dans l'ordre d'importance des groupes, François Patriat représentait les sénateurs macronistes dont il préside le groupe : « Nous vivons une situation inédite : par leur vote, les Français se sont prononcés pour trois blocs, dont deux extrêmes aux politiques inapplicables. C’est ce tripartisme qui redonne aujourd’hui la parole au Parlement. Vous ne devriez pas vous en plaindre, d’ailleurs, mes chers collègues. C’est un revers pour la majorité sortante. Nous en prenons acte. Pour autant, ce n’est une victoire pour personne. D’une part, les Français ont refusé le national-populisme, d’autre part, malgré ses affirmations, le Nouveau front populaire n’a pas gagné : c’est le front républicain qui a gagné. Avec plus de 10 millions de voix en sa faveur, le Rassemblement national reste aux portes du pouvoir, tandis que, pour certains d’entre nous, le pilonnage permanent du chef de l’État fait office d’unique programme politique. ».

    Parmi ses préconisations : « Les politiques responsables ne doivent pas être tétanisés par la perspective de l’élection présidentielle au point de refuser d’assumer, dès à présent, leurs responsabilités. La guerre fait rage en Europe, le risque terroriste plane toujours, les problèmes d’insécurité, de pouvoir d’achat et d’accès aux services publics demeurent au premier rang des préoccupations des Français. Avec la hausse des taux d’intérêt, la crise financière est à nos portes et le déclassement qui en résulterait serait un désastre, en particulier pour les plus défavorisés. La réponse politique doit être forte. Notre pays a besoin d’un programme d’action axé autour de trois priorités : préserver nos acquis économiques, accentuer la réponse régalienne et lutter pour plus de justice sociale. Ces priorités sont portées par l’ensemble des groupes politiques du Sénat, et je reste convaincu que les députés de l’arc républicain partagent ce diagnostic. En travaillant ensemble, en associant les partenaires sociaux et les forces vives économiques, sociales et culturelles, notre pays peut dessiner une ambition nationale. (…) Profitons de ce séisme politique pour bâtir un large rassemblement. J’appelle la gauche responsable et sociale-démocrate, les centristes, la droite républicaine et plus largement tous ceux qui portent les valeurs humanistes et universalistes et qui veulent protéger notre démocratie à œuvrer ensemble, pour bâtir une alliance protectrice de la République. ».

    Cinq autres orateurs ont ensuite succédé à François Patriat : Cécile Cukierman, présidente du groupe communiste, Claude Malhuret, président du groupe des indépendants, Maryse Carrère, présidente du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), Guillaume Gontard, président du groupe écologiste, et Christopher Szczurek au nom des non-inscrits.

    Faute de la présence d'un gouvernement, les sénateurs se sont séparés dans la soirée du 18 juillet et espéraient retrouver un fonctionnement normal à partir du 1er octobre 2024. Comme l'a montré ce débat, chacun a rappelé la position voire la posture de son parti, mais les sénateurs ont forcément un rôle à jouer pour encourager des partis très différents à gouverner provisoirement la France dans l'intérêt des Français.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     




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    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-33-le-grain-de-255914

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