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télévision - Page 4

  • Alain Souchon et sa quête de la fidélité et du plaisir

    « Vous voulez dire que ma vie se définit par la quête de la fidélité et du plaisir qu'elle procure ? C'est vrai. » (Alain Souchon).


     

     
     


    Dans cette interview recueillie par Hugo Cassavetti et Valérie Lehoux, et publiée dans "Télérama" le 27 septembre 2008, il poursuivait : « Comme j'ai beaucoup changé, tout le temps, je me suis toujours dit que je n'aimerais pas changer de femme, j'habite toujours le même appartement, j'ai toujours le même numéro de téléphone... ». Et d'ajouter à Ludovic Perrin le 19 octobre 2019 dans le "Journal du dimanche" : « Je n’ai ni portable ni tablette, je n’ai pas l’expérience d’Internet ! ».

    Eh oui, il y a toujours cette impression que le chanteur est en dehors du temps, un peu tendre rêveur, un peu souriant amer, un peu nostalgique... et voici qu'il se prend sur la binette la glaciale addition de l'état-civil : Alain Souchon fête son 80e anniversaire ce lundi 27 mai 2024. Un vieillard, un vieillard adolescent ! Le 24 mai, c'était le tour de Dominique Lavanant, et le 25, cela aurait dû être celui de Pierre Bachelet, mais il est parti depuis longtemps sans crier gare.

    Ce ne serait pas très original si j'écrivais que j'adore Alain Souchon, et comme c'est vrai, je l'écris quand même. Il est à la fois hors du temps et en plein dans son époque, car beaucoup de ses chansons évoquent de nombreux sujets d'actualité, de société, et c'est le cas pour de nombreux chanteurs, d'ailleurs. Il combat ce monde d'hyperconsommation et se dit qu'il n'était pas fait pour ce monde. Heureusement qu'il est devenu un chanteur à succès, avec une carrière qui lui a permis cette existence sociale, car il ne sait pas ce qu'il aurait fait de sa vie, sans cela : « Il y a un truc de maladie, de tristesse, je suis sûr de ça. Je suis privilégié, j'ai une vie extraordinaire qui me permet de ne pas être pris dans le tourbillon, d'être retiré du monde rentable. Mais seul, on n'est rien. Les autres, c'est notre raison d'être. Regarder, écouter les autres, c'est toujours intéressant. » ("Télérama"). "Foule sentimentale" : « On a soif d'idéal, Attirée par les étoiles, les voiles, Que des choses pas commerciales, Foule sentimentale, Il faut savoir comme on nous parle ».

    Alain Souchon, c'est le gars trop distrait pour faire des études, sorte de Gaston Lagaffe (il a un tonton Gaston) avant l'heure... et sans les gaffes. Qui aurait bien aimé explorer le Pôle Nord ou être un universitaire écouté et érudit. Et puis, il y a eu ce satané accident d'automobile qui a coûté la vie à son père prof d'anglais (sa mère a dû écrire des romans de gare pour survivre). Nouvelle famille à 7 ans (sa mère s'est remariée avec son père biologique, après avoir quitté son beau-père). Orphelin à 15 ans. Amour, tendresse, et gravité à la fois, dépression même. Et bien sûr nostalgie. Les thèmes sont souvent graves et pourtant doux en même temps. Il n'a vraiment commencé sa carrière d'auteur compositeur interprète qu'en 1973 où il a vite eu une reconnaissance de professionnels et la possibilité d'enregistrer un disque. À l'aube de ses 30 ans.

    Le disque, c'est tout pour lui. Il en a d'ailleurs vendu plus de 10 millions, c'est beaucoup même si d'autres confrères ont fait bien plus : « Autrefois, on faisait des disques qui marchaient très fort et qui passaient beaucoup à la radio. Et puis on allait faire des salles, à Montpellier ou ailleurs, et il n'y avait personne. Maintenant, c'est le contraire. Les radios sont tellement submergées qu'on peut très peu y passer. En revanche, il y a du monde aux spectacles. Comme dans les années 50, on revient à la fonction première du chanteur : il chante et, éventuellement, on achète son disque pour se souvenir. Mais moi je viens d'une époque où l'important, c'était le disque. » ("Télérama"). La consécration, pour lui, fut l'Olympia en 1979 (au début, il était en première partie de spectacle, ceux de Thierry Le Luron par exemple). Et plus tard une dizaine de trophées aux Victoires de la musique.

     

     
     


    Avec quelques autres comme Michel Jonasz ou Jacques Higelin, Alain Souchon a un peu révolutionné la chanson française, avec la volonté d'éviter de copier Georges Brassens ou Jacques Brel qui l'ont fasciné. Sa chance, c'était sa rencontre avec un autre artiste débutant Laurent Voulzy en 1974 et depuis, ils ont cultivé une grande amitié mais aussi collaboration fidèle et durable. En gros, Voulzy compose de la musique pour Souchon (exemple : "J'ai 10 ans") et Souchon écrit des textes pour Voulzy (exemple : "Rockollection" en 1977) : « On se voyait avec Michel Jonasz, nous n'étions alors pas connus. On voulait être différents, mais c'était instinctif, pas calculé. On n'avait pas envie de faire comme ceux qui nous avaient précédés. D'abord parce qu'on n'aurait pas pu. Quand on arrive derrière Brassens, on ne peut pas faire mieux, ni même aussi bien, c'est tellement fort. Alors, j'écrivais mes trucs de "bobo-pipi-bobo" sans réfléchir. C'est venu tout seul. Je n'étais qu'un amateur. Puis j'ai rencontré Laurent Voulzy, avec sa culture pop extraordinaire, qui jouait de la guitare les doigts dans le nez. Il jouait comme j'en rêvais. Lorsqu'on a fait "J'ai 10 ans", ça m'a ouvert un monde : c'était travaillé, agencé, avec des notes placées volontairement, pas par hasard. Ça m'a donné un plaisir inouï, à cause du rythme, du "beat". C'était exactement ce que je voulais, je n'y arrivais pas tout seul. Laurent est trop perfectionniste et moi trop amateur, c'est cet équilibre qui définit notre couple. Et qui est rassurant. Pour moi. Pour lui. Cette approche plus rythmique m'a obligé à modifier mon écriture, à briser mes phrases, à bousculer la langue, le français. C'était comme un jeu. Un jeu qui a duré plusieurs années. Jusqu'à en devenir un tic d'écriture, trop facile. Alors je suis revenu à un style plus classique. » ("Télérama"). Laurent Voulzy a maintenant 75 ans et les deux chanteurs continuent à bosser ensemble !

    Comme de nombreux chanteurs, Alain Souchon a fait une (courte) incursion dans le cinéma. Déjà pour la musique de films, en particulier avec François Truffaut ("L'amour en fuite", en 1979), mais il a aussi été acteur, jouant sous la direction de Claude Berri, Jean-Pierre Rappeneau, Jean Becker, Jacques Doillon, Agnès Varda et quelques autres, aux côtés de Catherine Deneuve, Serge Gainsbourg, Isabelle Adjani (particulièrement "Tout feu, tout flamme" et "L'Été meurtrier"), Miou-Miou, Robin Renucci, Gérard Depardieu, etc. (en tout, douze films de 1980 à 2019, mais, malgré ses deux nominations aux Césars en 1981 et 1984, il n'a pas beaucoup persévéré dans cette voie quand il a vu Michel Bouquet ou Michel Piccoli, entre autres, qui étaient, eux, de grands acteurs).

    Alain Souchon a fait de nombreuses collaborations artistiques, pas seulement avec son compère Voulzy mais aussi avec (notamment) Jane Birkin, Françoise Hardy, Louis Chedid, Charles Aznavour, Jean-Louis Aubert, Eddy Mitchell, Patrick Bruel, Zazie, Nolwenne Leroy, Michel Delpech, Salvator Adamo, Nana Mouskouri, Véronique Sanson, etc. ...et même Marcel Amont ! Sans compter que depuis quelques années, ses deux enfants (Pierre Souchon et Charles Souchon dit Ours) l'accompagnent dans ses prestations.

    Invité d'Émilie Mazoyer le 4 janvier 2023 sur France Bleu, Alain Souchon, grand travailleur, a lâché : « À 16 ans, j'étais un trainard impressionné par le fait qu'il fallait gagner sa vie. ». Plus de soixante ans plus tard, il est plus impressionnant qu'impressionné parce qu'il est toujours sur scène, l'an dernier dans une tournée de cent cinquante concerts. Son dernier album est sorti le 25 novembre 2022. Alors, puisqu'on ne présente pas Souchon (Émilie Mazoyer le présente comme « l'un des plus grands artistes » et « le monument de la chanson française », tandis que sa notice dans le Larousse explique doctement qu'il « [cultive] l'image d'un éternel adolescent au spleen tout baudelairien »), laissons-nous vibrer avec lui...



    1. "J'ai 10 ans" (1974)






    2. "Bidon" (1976)






    3. "Jamais content" (1977)






    4. "Allo Maman bobo" (1977)






    5. "Y'a d'la rumba dans l'air" (1977)






    6. "Papa mambo" (1978)






    7. "L'amour en fuite" (1979)






    8. "C'est comme vous voulez" (1985)






    9. "La ballade de Jim" (1985)






    10. "Ultra moderne solitude" (1988)







    11. "Quand j'serai KO" (1988)






    12. "C'est déjà ça" (1993)






    13. "Foule sentimentale" (1993)






    14. "L'amour à la machine" (1993)






    15. "Sous les jupes des filles" (1993)






    16. "Le baiser" (2000






    17. Interview par Darius Rochebin sur RTS le 22 janvier 2012



     


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Charles Aznavour.
    Alain Souchon.
    Patrick Bruel.
    Eden Golan.
    ABBA.
    Toomaj Salehi.
    Sophia Aram.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Micheline Presle.
    Plastic Bertrand.
    Jacques Dutronc.

    Françoise Hardy.
    Guy Marchand.
    Maria Callas.
    Catherine Deneuve.
    Gérard Depardieu.
    Stéphanie de Monaco.
    Jane Birkin.
    Fernand Raynaud.
    Marcel Zanini.
    Patricia Kaas.
    Kim Wilde.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240527-alain-souchon.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/alain-souchon-et-sa-quete-de-la-254645

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/21/article-sr-20240527-alain-souchon.html




     

  • Débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella : et le vainqueur est...

    « Votre programme, c'est un Banco ; il y a plein de promesses, mais quand on gratte, il n'y a rien derrière ! » (Gabriel Attal à Jordan Bardella, le 23 mai 2024 sur France 2).



     

     
     


    Il était attendu quasiment depuis janvier 2024, et c'est une chaîne de France Télévisions, en l'occurrence France 2, qui a eu le privilège d'organiser le premier débat entre le Premier Ministre Gabriel Attal et le président du RN et tête de liste Jordan Bardella. Cela s'est passé en début de soirée ce jeudi 23 mai 2024.

    Disons-le d'emblée : ce choc des jeunes titans n'aura sans doute pas fait bouger les lignes, on a même l'impression que rien ne fait bouger les lignes, enfin, les sondages, mais même l'accumulation d'événements plus malheureux qu'heureux, c'est vrai, depuis plusieurs mois, a peu d'effet. Disons aussi que les protestations des têtes de liste autres que celles du RN et de la majorité présidentielle sont justifiées... ou pas.

    Justifiées si on admet, et c'est le cas, que ce débat télévisé participe à la campagne des élections européennes. Pourquoi n'inviter que les représentants de deux listes sur trente-huit (trente-huit et pas trente-sept, le Conseil d'État a validé in extremis le 23 mai 2024 une trente-huitième liste, les murs des villes vont être joliment tapissés de ces très hideux panneaux gris) ? Du coup, cinq têtes de liste ont été interviewées à la suite du débat, mais pour François-Xavier Bellamy, il y a rupture d'égalité. Raphaël Glucksmann, qui se trouverait proche, dans les sondages, de la liste de la majorité présidentielle, a refusé d'y prendre part et a obtenu d'être invité jeudi prochain à la même heure de grande écoute. Mais selon ce principe d'équité, je l'avais évoqué pour le débat du 21 mai 2024 sur LCI, pourquoi ne pas avoir invité les trente autres têtes de liste ? La grande entorse à l'équité, c'est bien la différence de traitement médiatique entre la tête de la liste communiste Léon Deffontaines, crédité de 2% dans les sondages, et la tête de la liste du parti animaliste, Hélène Thouy, qui, elle, avait déjà eu 2% aux élections précédentes de 2019.

    La direction de France Télévisions a répondu qu'il s'agissait d'un "grand" débat, entre le Premier Ministre de la France, donc le chef de la majorité, et le président du premier parti d'opposition. Cela peut se défendre. Et c'est ainsi qu'on l'analysera.

    Ce débat ne sera pas un débat historique, mais sa postérité devrait être plus longue que la durée de la campagne électorale. Finalement, un débat télévisé en début de soirée faisant intervenir le Premier Ministre, c'est rare, très rare : on se souvient du débat entre Georges Pompidou et Pierre Mendès France le 27 février 1967, mais ce n'était pas à la télévision mais à Grenoble devant 6 000 personnes, celui entre Raymond Barre et François Mitterrand le 12 mai 1977 sur TF1, aussi entre Laurent Fabius et Jacques Chirac le 27 octobre 1985 sur TF1 (le choc des Premiers Ministres, celui en exercice et un ancien et futur Premier Ministre), mais cela se limite assez vite à ceux-là. Les autres avec un Premier Ministre en exercice étaient des débats de second tour à l'élection présidentielle, un en fait, il faut mettre au singulier, c'était le 28 avril 1988.

    Le débat entre Gabriel Attal et Jordan Bardella a ceci d'emblématique qu'il oppose deux jeunes loups de la politique qui sont déjà devenus de vieux crocodiles. Ils représentent à eux deux l'avenir de la classe politique dans ce qu'elle a de plus lisse et de plus aseptisé. Certains évoquent même des hommes politiques hors sol, qui n'ont jamais connu que la politique et qui ne savent rien de la vraie vie. C'est peut-être vrai, mais c'était le cas de tous leurs prédécesseurs, et notamment des plus illustres : François Hollande, Nicolas Sarkozy, Jacques Chirac, François Mitterrand, Valéry Giscard d'Estaing n'ont jamais fait que de la politique depuis leur jeunesse et ne représentaient pas des citoyens ordinaires.

    Gabriel Attal et Jordan Bardella ont pour eux d'être parmi les personnalités politiques les plus populaires de France. On se doute que la cote du Premier Ministre s'essoufflera puisqu'il est en charge de toute la politique de la nation et à ce titre, est responsable de tout, tandis que la baudruche Bardella, responsable de rien, lisse comme un robot d'Asimov, pourra encore croître (telle une baudruche).

     

     
     


    Pour Gabriel Attal, se prêter à ce débat valait surtout pour aider Valérie Hayer dans la campagne de la majorité présidentielle qui tarde à décoller (c'est le moins qu'on puisse dire). Pour Jordan Bardella, dans la théorie, il avait aussi tout intérêt à ce débat pour se hisser au niveau du Premier Ministre. Cela tombe bien : imitant Jean-Luc Mélenchon en 2022, Jordan Bardella s'est autoproclamé candidat au poste de Premier Ministre depuis quelques mois. Mais on frissonne à l'idée qu'il puisse être à la tête du gouvernement de la République, paresseux et peu travailleur qu'il est.

    Car il n'y a pas photo dans le résultat des courses : Gabriel Attal a très largement dominé ce débat, tandis que son contradicteur professionnel peinait à surnager dans ses dossiers. Si les deux avaient une aisance verbale bien nécessaire aux joutes des téméraires, Gabriel Attal est arrivé sans notes, connaissant tous les dossiers, les chiffres, les dates, les projets, les enjeux... tandis que Jordan Bardella rougissait lorsqu'il s'agissait de préciser une proposition, lorsqu'il fallait développer une mesure floue et sans intérêt. Ce n'est pas pour rien que Jordan Bardella a reçu quelques surnoms comme Coquille vide ou Bidon. Il a suivi des cours de communication, de l'entraînement, incontestablement, mais il singeait beaucoup trop de vrais responsables politiques qui avaient de la conviction et du fond, alors que lui, à l'évidence, n'avait que du creux à vendre (d'où le concept de la baudruche, classique pour l'extrême droite quand on commence à regarder les détails).


    Comme un chat jouant avec une souris sans avoir faim, Gabriel Attal a esquissé souvent le petit sourire gourmand mi-carnassier mi-tendre du joueur qui sent que la partie est facile et qu'il va se régaler. La partie intellectuelle était facile pour Gabriel Attal parce qu'il est d'une nettement autre stature que Jordan Bardella.

    J'en veux pour preuve quelques sujets. Par exemple, sur le marché de l'électricité. Jordan Bardella a avoué qu'il n'avait pas lu le projet adopté par le Parlement Européen et qu'il a rejeté, projet qui réformait le marché de l'électricité qui n'est pas encore entré en application puisque c'est à partir de 2026. Ou encore sur le droit de veto en Europe, notamment en matière fiscale qui empêche d'instaurer une taxe pour les gros du numérique en Europe (car l'Irlande et le Luxembourg s'y opposeront toujours).

    Jordan Bardella n'a cessé de faire de l'antimacronisme primaire et dans ses critiques, il a transformé, il a déformé la réalité. Ainsi, il a dit faussement que les véhicules thermiques seraient interdits en 2035. Gabriel Attal a rectifié magistralement : « 2035 n’est pas la fin de la voiture thermique, mais la fin de la vente des véhicules neufs à moteur thermique. ». Ce signifie qu'il y aura probablement des véhicules à moteur thermique en circulation encore en 2050.

    Les propositions du RN sont antiéconomiques. Ainsi, lorsque Jordan Bardella a proposé une priorité nationale dans les marchés publics : « Vous produisez sur le sol français, vous devez avoir un avantage dans la commande publique. », Gabriel Attal a rétorqué : « 80% de nos PME exportent, vous allez leur couper les jambes. ».

    Mais le pire est toujours sur le thème de l'immigration. Gabriel Attal a rappelé que les députés RN ont voté pour la loi Immigration et à ce titre, pour la régularisation des milliers de sans-papiers dans les secteurs en tension. L'objectif du RN de refuser l'accostage de bateaux de réfugiés est irréalisable. Mais plus encore, et Valérie Hayer l'avait systématiquement pointé du doigt, l'idée de la double frontière proposée par Jordan Bardella est du vent et du creux stupide.

    Cette idée, c'est de laisser la libre circulation des citoyens européens dans l'Espace de Schengen, mais pas celle des migrants qui auraient obtenu une carte de séjour dans l'un des États membres, eux n'auraient pas la possibilité de franchir les frontières de l'Europe. Mais Gabriel Attal a demandé à son contradicteur comment il allait appliquer une telle mesure. Jordan Bardella s'est enlisé en prenant la comparaison avec un aéroport où il y a deux files, une pour les Européens et une pour les extra-européens. En oubliant que dans les deux cas, les gens devront attendre et faire la queue au contraire d'aujourd'hui. Cela signifierait des contrôles aux frontières partout (il faudrait alors recruter massivement), et des queues épouvantables pour les 500 000 Français frontaliers qui travaillent de l'autre côté de la frontière.


    Jordan Bardella a alors reculé en disant que ce ne serait que des contrôles aléatoires aux frontières... affirmant que c'était permis avec Schengen. Gabriel Attal a alors salué l'idée puisque c'est déjà fait depuis 2015 pour assurer le contrôle des flux migratoires, mais que ces contrôles aléatoires n'empêcheront pas l'immigration illégale. Gabriel Attal de conclure : « En quelques secondes, on est passé d’une double frontière où tout le monde va être contrôlé aux frontières à "on augmente un peu les contrôles aléatoires". ». En somme, sous emballage de montrer une mesure forte (interdiction de l'immigration), le RN ne propose rien puisque les contrôles aléatoires existent déjà aujourd'hui ! Que du creux !

    De plus, la plupart des positions du RN révèlent une véritable supercherie, un double jeu, voire une imposture. Ainsi, Jordan Bardella soutiendrait l'Ukraine mais a refusé de voter toutes les motions soutenant l'Ukraine.

    Sur la plupart des sujets, Jordan Bardella refusait de répondre aux questions et voulait dérouler ses propres éléments de langage (qu'on connaît depuis longtemps puisqu'il ne sait réciter que cela). Il a bien tenté une échappée politique en lançant timidement au Premier Ministre : « Si vous êtes là ce soir, c'est que vous avez décidé d'engager votre responsabilité dans cette campagne. » (pour aider Valérie Hayer), mais cette critique n'a pas de prise. En confondant élections nationales et élections européennes, Jordan Bardella fait un contre-sens et ses électeurs aussi, car il n'y a aucune raison de dissoudre l'Assemblée Nationale après les élections européennes, quels qu'en soient les résultats, cela d'ailleurs ne s'est jamais produit, y compris quand le PS au pouvoir n'a obtenu que 20,8% aux élections européennes de juin1984, soit moins de la moitié de la première liste (UDF-RPR menée par Simone Veil) qui a obtenu 43,0%.

     

     
     


    La réaction des commentateurs est unanime : Gabriel Attal a dominé le débat et Jordan Bardella a eu du mal à justifier ses positions et ses propositions tant elles sont floues et tant les raisonnements sont incohérents. Au point que le Premier Ministre a dû balancer : « La méthode du Rassemblement national, c'est de dire : on est contre tout. Et puis, dans cinq ou dix ans, si on se rend compte qu'on s'est plantés, on dit qu'on a changé d'avis. C'est ça, votre méthode. Vous vous opposez à tout ce qu'on fait, et comme ça, ensuite, vous pourrez dire, si ça n'a pas marché, bah en fait, on a eu raison de s'opposer. ».

    La revue de presse du site Touteleurope est éloquente. "Libération" : « Le premier [Gabriel Attal] est apparu bien plus à l’aise que son cadet [Jordan Bardella], sur le fond comme sur la forme. ». "Politico" : « M. Bardella, homme politique qui a l'habitude des médias et a tendance à tenir son rang dans les débats, a parfois semblé mal à l'aise face à un Premier Ministre français qui s'exprimait sans notes et semblait maîtriser la situation. ». "Nouvel Obs" : « À l’offensive, Gabriel Attal a poussé son rival dans ses retranchements, révélant les faiblesses ou approximations des promesses du RN. ».

    Par ailleurs, Cyril Graziani, de France Télévisions, a analysé ainsi ce débat : « Sur le fond, indéniablement, [le vainqueur est] Gabriel Attal, arrivé sans notes, contrairement à Jordan Bardella, Attal, beaucoup plus précis, beaucoup plus tranchant, plus concret qu'un Bardella dans les cordes dès les premières minutes et surtout, sur le dossier phare qu'est l'immigration, incapable de dérouler des arguments, qui est resté sur la défensive, alors qu'on l'a connu plus tranchant, beaucoup plus destructeur dans ce genre d'exercice, mais acculé quand il reconnaît ne pas avoir lu le texte de la réforme du marché de l'électricité contre laquelle il a voté ("Vous ne lisez pas les lois avant de voter" s'est étonné le Premier Ministre), et incapable de répliquer, quand Attal lui assène : "Votre programme, c'est un Banco ; il y a plein de promesses, mais quand on gratte, il n'y a rien derrière !" ».

    Un internaute a commencé à comprendre la machine Bardella et a osé se poser la vraie question : « Et si l'élégant Bardella portant beau, bien mis, manucure et dents blanches, d'après les médias, bien sous tous rapports, prédisant à cet esprit sans malice un avenir politique radieux, demain Premier Ministre de la France, n'était qu'un piteux branleur et un lamentable opportuniste ? ».

    La mine réjouie de Gabriel Attal, prêt à la bataille intellectuelle contre son adversaire arrogant mais souriant d'extrême droite, me faisait penser justement à la mine réjouie de Raymond Barre (à l'époque, Raymond-la-science) face à un François Mitterrand qui ne comprenait rien à l'économie (en 1977, voir plus haut). Le débat de 1977 a eu lieu deux mois après les élections municipales qui furent une grande victoire de la gauche socialo-communiste. Mais c'était aussi quelques mois avant les élections législatives de mars 1978 qui, finalement, ont été gagnées par Raymond Barre : François Mitterrand n'a donc pas été Premier Ministre. Néanmoins, la comparaison s'arrête là, doit s'arrêter là, car à force de persévérance, François Mitterrand a fini par se faire élire Président de la République par des électeurs qui n'ont pas tardé à se sentir dupés. C'est vrai qu'à terme, les imposteurs sont toujours démasqués. Encore faut-il qu'entre-temps, la France et les Français n'en souffrent pas trop.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (24 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes 2024 (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240523-debat-attal-bardella.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/debat-gabriel-attal-vs-jordan-254808

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/24/article-sr-20240523-debat-attal-bardella.html





     

  • Élections européennes 2024 (2) : 37 listes et un bulletin de vote !

    « Et n'oublie pas : quand les autres s'abaissent, on s'élève ! » (Alafair Burke, 2018).



     

     
     


    Ce mardi 21 mai 2024 dans la soirée, sur la chaîne LCI, s'est tenu le premier débat dans lequel ont participé toutes les têtes de listes, du moins, celles des huit listes susceptibles d'obtenir des élus selon les sondages (avec une parité parfaite, quatre femmes et quatre hommes). L'émission, appelée "La grande confrontation" a obtenu 3,1% de part d'audience. Elle a duré près de trois heures dix (voir à la fin de l'article la vidéo). Un autre débat est prévu sur la chaîne concurrente BFMTV le lundi 27 mai 2024 à 20 heures 30.

    utant dire que le choix des invités était arbitraire puisque l'élection n'a pas encore eu lieu et que les sondages, par exemple, donnent autour de 2% d'intentions de vote la liste communiste menée par Léon Deffontaines, alors que la liste du parti animaliste menée par l'avocate Hélène Thouy avait obtenu 2,2% des voix en mai 2009 (c'était d'ailleurs une grande surprise) et cette liste se représente en 2024 et n'a pas eu droit à la parole. Notons d'ailleurs que les autres listes qui avaient obtenu au moins 2% des voix en 2019 et qui n'étaient pas représentées par les huit invités de ce mardi soir ne se présentent pas en 2024 : liste de Debout la France menée par Nicolas Dupont-Aignan (3,5%), liste de Générations menée par Benoît Hamon (3,3%) et liste Les Européens de l'UDI menée par Jean-Christophe Lagarde (2,5%). Pas sûr que si elles avaient été candidates, ces listes auraient été invitées au débat télévisé. Cette année, l'UDI fait cause commune avec la majorité présidentielle.

    Évoquons alors très rapidement ce très long débat. Finalement, celui qui l'a gagné n'est crédité que de 2% des intentions de vote : en effet, peu connu jusqu'alors, le candidat communiste Léon Deffontaines a surpris tout son monde. Le benjamin de l'étape (28 ans) a montré sa grande maîtrise de l'oral et son talent de débatteur, à l'aspect sympathique, lisse, propre sur lui, ce qui a amené l'éditorialiste Nicolas Domenach à en faire un "petit Bardella" pour le parti communiste. Même s'il n'est pas élu à ce scrutin, il aura probablement de l'avenir.

     

     
     


    Les autres participants : Valérie Hayer (majorité présidentielle), Jordan Bardella (RN), Raphaël Glucksmann (PS), François-Xavier Bellamy (LR), Marion Maréchal (Reconquête), Manon Aubry (FI) et Marie Toussaint (EELV) n'ont toutefois pas démérité, mais ils n'ont pas non plus surpris. Ils ont repris leurs arguments habituels de manière souvent talentueuse, comme le représentant de LR et le représentant du PS. Valérie Hayer a été plutôt bonne, mais elle est plus à l'aise dans l'exposé rationnel des arguments que dans l'exercice du débat où la passion peut convaincre. Elle a eu deux cibles, le RN et le PS, tandis que le candidat communiste attaquait surtout la représentante des insoumis qui ont le même cœur de cible (la gauche ultra).

    Jordan Bardella, le favori de ces élections, n'a pas fait de boulette malgré sa totale inconsistance intellectuelle, mais a montré une très grande arrogance (les sondages font gonfler les chevilles sinon la tête) qui inquiète jusqu'aux dirigeants du RN eux-mêmes. Mais il a eu l'habileté de désamorcer tous les sujets qui auraient pu le mettre en difficulté, le soutien à Vladimir Poutine (il a déclaré son soutien à l'Ukraine), la proximité avec une extrême droite européenne vraiment "craignos" (il a annoncé que les députés européens RN ne siégeraient plus dans le même groupe que ceux de l'AfD allemande), etc.

    Insistons quand même sur le fait que ce débat, difficile car à huit (long et personne n'a pu vraiment se faire entendre), a été de bonne tenue, et surtout, faisait participer des candidats têtes de liste jeunes, au point que le doyen d'âge, le plus vieux, était Raphaël Glucksmann (44 ans) ! Ce coup de jeune n'est cependant pas un coup de renouvellement puisque quatre des huit têtes de liste présentes étaient déjà têtes de liste aux élections européennes de 2019 (Jordan Bardella, François-Xavier Bellamy, Raphaël Glucksmann et Manon Aubry). C'est Valérie Hayer qui a la fonction plus influente au sein de l'Union Européenne, puisqu'elle est la présidente du groupe Renew sans lequel aucune majorité n'est possible dans l'hémicycle de Strasbourg.

     

     
     


    Abandonnons le débat et revenons aux listes. Le Ministère de l'Intérieur a publié le 17 mai 2024 la liste des listes officiellement candidates : il y en a trente-sept ! [Le Conseil d'État a validé in extremis le 23 mai 2024 une trente-huitième liste]. C'est un record historique pour un scrutin en France (en 2019, il n'y en avait que trente-quatre). Avec 81 candidats pour chaque liste, cela fait 2 997 candidats dont 1 505 hommes et 1 492 femmes (la différence de parité provient du nombre impair de candidats dans chaque liste : il y a plus de têtes de liste hommes que de têtes de liste femmes, 25 contre 12, d'où les 13 de différence). La liste de tous les candidats a été publiée le 18 mai 2024.

    Certaines listes ne se sont pas constituées, principalement faute de moyens ou faute de candidats. En effet, réunir autour de soi quatre-vingts autres personnes n'est pas évident, au niveau national, autour d'un projet commun (à définir), d'autant plus que les règles de la parité imposent quarante hommes et quarante femmes. Cela suppose une organisation très structurée sur le territoire (c'est le cas de la Fédération nationale des chasseurs, de Lutte ouvrière, etc.), ce qui peut être difficile pour des candidats à la seule promotion publicitaire personnelle. Ainsi, Debout la France (Nicolas Dupont-Aignan), Générations (Benoît Hamon), l'Alliance royale, le Mouvement écologiste indépendant (MEI), le Parti fédéraliste, l'Alliance centriste (Philippe Folliot) et Territoire en mouvement (Jean-Christophe Fromantin), etc. n'ont finalement pas déposé de candidature cette année pour diverses raisons (la principale étant le manque de financement).

    Avant de scruter la composition des huit listes principales (celles qui ont débattu le 21 mai 2024 sur LCI), regardons quelles sont donc les vingt-neuf autres listes (je ne comptabilise donc pas les huit principales listes).

    Il y a d'abord beaucoup de listes d'extrême gauche : dix dont celle de Free Palestine (Nagib Azergui), du Parti pirate (Caroline Zorn), de Lutte ouvrière (menée par Nathalie Arthaud et Jean-Pierre Mercier, et en queue de liste, Arlette Laguiller), celle de Georges Kuzmanovic (avec le prince Joachim Charles Napoléon Murat !), du NPA, du Parti des travailleurs (avec Daniel Gluckstein en sixième place), celle du militant communautariste Hadama Traoré.

    Il y a ensuite des listes souverainistes ou d'extrême droite : six dont celle de François Asselineau (UPR), celle de Florian Philippot (Les Patriotes) à laquelle s'est joint Jean-Frédéric Poisson (Via), celle d'Édouard Husson, celle des artistes antisionistes Francis Lalanne et Dieudonné.

    Il y a aussi quelques listes revendiquant l'écologie politique, quatre : Équinoxe de la souriante Marine Cholley, la liste de Yann Wehrling (ancien EELV, ancien MoDem et actuel vice-président du conseil région d'Île-de-France) qui rassemble entre autres Cap21 (le mouvement de Corinne Lepage), le mouvement pour les animaux, le parti nationaliste basque, etc. (et qui est soutenue par l'ancien ministre Jean-Jacques Aillagon, placé en fin de liste), la liste de la Ruche citoyenne, la liste de Jean-Marc Governatori (Écologie au centre).

    Il y a des listes qui ont une revendication particulière, et celle des animalistes d'Hélène Thouy (déjà citée) n'est pas la moins légitime puisqu'elle avait obtenu en 2019 plus de 2% des voix. Il y a aussi les défenseurs de l'esperanto avec Laure Patas d'Illiers, des droits des parents et de la protection de l'enfance avec Gaël Coste-Meunier, la défense de la ruralité avec l'inimitable Jean Lassalle (associé à Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs !), et la défense de la démocratie directe avec Philippe Ponge.

    Il y a aussi des listes de petits partis politiques qui n'ont pas voulu se mettre ou remettre avec des grands partis, quatre : celle de Guillaume Lacroix (Parti radical de gauche), avec l'ancienne ministre Juliette Méadel en quatrième position, celle de Pierre Larrouturou (Nouvelle donne), pourtant député européen sortant de la liste socialiste en 2019, celle de Jean-Marc Fortané (Nous Citoyens), enfin, celle d'Audric Alexandre (Parti des citoyens européens, de tendance social-libérale).

    Si je compte bien, cela fait donc vingt-neuf listes, plus les huit principales, ce qui donne trente-sept, le compte est bon ! (ouf).

     

     
     


    Voyons maintenant les listes principales qui ont toutes concouru en 2019 à l'exception de la liste Reconquête dont le parti n'existait pas à l'époque. Le nombre entre parenthèse suivant le nom d'un candidat correspond à son ordre dans la liste, le n°81 étant le dernier. Il est de coutume de mettre en fin de liste des personnes honorifiques pour "pousser" la liste, c'est le cas du RN, de la majorité présidentielle, de FI, du PCF, (aussi de LO), entre autres. J'indique ainsi les candidats remarquables pour chacune de ces listes.

    Liste du RN : Jordan Bardella (1), Malika Sorel (2), Fabrice Leggeri (3), Jean-Paul Garraud (5), Matthieu Valet (7), Thierry Mariani (9), Philippe Olivier (11), Alexandre Varaut (13), Julien Sanchez (17), Marie Dauchy (22), Andréa Kotarac (35), Marine Le Pen (80, Louis Aliot (81). Commentaire : Malika Sorel a "harcelé" Emmanuel Macron encore en janvier 2024 pour être nommée Ministre de l'Éducation nationale, ce qui donne une idée de son arrivisme. Ancien directeur de Frontex, Fabrice Leggeri est accusé par la Ligue des droits de l'homme de crime contre l'humanité et complicité de crime de torture pour avoir refusé de secourir des réfugiés. Philippe Olivier est le mari de Marie-Caroline Le Pen et à ce titre, le beau-frère de Marine Le Pen (rappelons aussi que la compagne de Jordan Bardella est Nolwenn Olivier, fille de Philippe Olivier qui est donc le beau-père de la tête de liste ; auparavant, Jordan Bardella était en relation avec Kerridwen Chatillon, la fille de Frédéric Chatillon, selon Wikipédia).

    Liste de la majorité présidentielle (Renaissance, MoDem, Parti radical et Horizons) et de l'UDI : Valérie Hayer (1), Bernard Guetta (2), Marie-Pierre Vedrenne (3), Pascal Canfin (4), Nathalie Loiseau (5), Sandro Gozi (6), Fabienne Keller (7), Laurence Farreng (9), Gilles Boyer (10), Valérie Devaux (11), Christophe Grudler (12), Jérémy Decerle (14), Laurent Hénart (16), Bérangère Abba (17), Max Orville (18), Ambroise Méjean (20), Rachel-Flore Pardo (21), Catherine Amalric (27), James Chéron (28), Pierre Karlesking (30), Pierre Jakubowicz (64), Jean Veil (74), Violette Spillebout (75), Édouard Philippe (76), François Bayrou (78), Stéphane Séjourné (80), Élisabeth Borne (81). Commentaire : en fin de liste, la majorité a mobilisé deux anciens Premiers Ministres, un fils de Simone Veil et le président du MoDem habitué à mener des listes aux européennes.

    Liste du PS : Raphaël Glucksmann (1), Pierre Jouvet (3), Aurore Lalucq (4), Christophe Clergeau (5), Jean-Marc Germain (7), Chloé Ridel (10), François Kalfon (13). Commentaire : Pierre Jouvet a été celui qui a négocié avec Jean-Luc Mélenchon pour fonder la Nupes. Contrairement à ce que déclare Raphaël Glucksmann, ce dernier reste donc toujours dans une optique d'union avec le leader des insoumis pour 2027.

    Liste de LR : François-Xavier Bellamy (1), Céline Imart (2), Christophe Gomart (3), Isabelle Le Callennec (4), Nadine Morano (6), Brice Hortefeux (7), Nathalie Colin-Oesterlé (8), Geoffroy Didier (11), Emmanuelle Mignon (12), Frédéric Nihous (13), Valérie Boyer (14), Pascale Bories (28), Vincent Jeanbrun (81). Commentaire : la présence, en position éligible, des indéboulonnables Nadine Morano et Brice Hortefeux a provoqué beaucoup de protestation au sein de LR. Notons qu'Emmanuelle Mignon était la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy à l'Élysée. Pour terminer la liste, le maire de L'Haÿ-les-Roses, qui fut attaqué par des émeutiers l'été dernier (proche de Valérie Pécresse, il a été vice-président du conseil régional d'Île-de-France).

    Liste de FI : Manon Aubry (1), Leïla Chaibi (5), Rima Hassan (7), Damien Carême (8), Jean-Luc Mélenchon (80). Commentaire : Rima Hassan est une militante pro-palestinienne qui a importé le conflit israélo-palestinien dans les thèmes de campagne.

    Liste de Reconquête : Marion Maréchal (1), Guillaume Peltier (2), Sarah Knafo (3), Nicolas Bay (4), Laurence Trochu (5), Stanislas Rigault (6), Jean Messiha (7), Damien Rieu (12), Éric Zemmour (80). Commentaire : Sarah Knafo est la proche collaboratrice d'Éric Zemmour.

    Liste des écologistes : Marie Toussaint (1), David Cormand (2), Benoît Biteau (6), Caroline Roose (7), Priscillia Ludosky (9), Maël Rannou (54), Cédric Villani (76), Mélanie Vogel (77), Noël Mamère (78), Eva Joly (79), Yannick Jadot (80), Marine Tondelier (81). Commentaire : EELV a mis le paquet sur les soutiens en queue de liste (il ne manque plus que Dominique Voynet et Cécile Duflot !). Priscillia Ludoksy est l'une des leaders du mouvement des gilets jaunes.

    Liste du PCF : Léon Deffontaines (1), Emmanuel Maurel (3), André Chassaigne (5), Cécile Cukierman (80, Fabien Roussel (81). Commentaire : poussée par Fabien Roussel, la liste a intégré Emmanuel Maurel, ancien du PS et élu député européen en 2019 sur la liste des insoumis.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Élections européennes 2024 (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240521-europeennes.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/elections-europeennes-2-37-listes-254785

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/21/article-sr-20240521-europeennes.html



     

  • Nostalgies aznavouriennes

    « Je vous parle d'un temps
    Que les moins de vingt ans
    Ne peuvent pas connaître »
    (Charles Aznavour, "La Bohème", 1965).





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    L'auteur, compositeur, interprète et acteur Charles Aznavour est né il y a juste 100 ans, le 22 mai 1924, au sixième arrondissement de Paris. Il serait aujourd'hui centenaire, et un centenaire chantant, car il n'a jamais vraiment arrêté de chanter depuis ses débuts en 1933, jusqu'à son départ de terre le 1er octobre 2018.

    À l'occasion de ce centenaire, Universal France a sorti le 10 mai 2024 le coffret "The Complete Work, Centenary Edition" qui réédite toute sa discographie française et internationale, avec des enregistrements en studio mais aussi en concert (en live), de 1948 à 2015. Il contient 100 CD avec des sons restaurés et remasterisés, incluant des versions inédites. Répartis notamment ainsi : 33 CD pour sa discographie française complète (51 albums originaux comprenant 751 titres) ; 26 CD pour sa discographie internationale complète (41 albums originaux comprenant 542 titres) ; 20 concerts comprenant 513 titres (et il y a encore des CD pour des bonus, des contes pour enfants, etc.). Ce coffret est vendu 300 euros en tirage limité et numéroté (je n'en fais pas la publicité mais je le signale simplement). (Moi, ça m'impressionne toujours les coffrets "toute l'œuvre complète" d'un artiste, que ce soit un chanteur ou un acteur ; c'est comme une urne funéraire, un cube somme toute relativement petit pour représenter, ici, quatre-vingt-quatorze années d'existence de la vie d'un homme).

    Parce que ses chansons éternelles datent de cette époque, malgré ces nombreuses décennies de scène, Aznavour me fait penser avant tout à la nostalgie des années 1960, une nostalgie très parisienne, Montmartre, etc. Une époque peut-être encore facile (ce qui est faux, se soigner était plus compliqué qu'aujourd'hui), sans les turpitudes de la complexité du monde d'aujourd'hui, complexité économique, géopolitique, planétaire, numérique, génétique, etc. S'il fallait donner un couple de chanteurs caractérisant les Trente Glorieuses à Paris, ce serait évidemment Charles Aznavour et Édith Piaf... Je propose à la fin ses quelques chansons ultraconnues qui ont fait si bien aimer Aznavour, Paris, le français, la France, les Français, l'amour...

    Auparavant, je veux évoquer un élément étonnant de sa biographie : sa rencontre avec les Manouchian qu'il connaissait bien avant et pendant la guerre.

    Le père de Charles Aznavour était un Arménien de Géorgie (à l'époque province russe) et sa mère une Arménienne de la région de Marmara (à l'époque dans l'empire ottoman, maintenant, à l'ouest de la Turquie), et ils se sont rencontrés à Constantinople (Istanbul) en 1921. Ils se sont réfugiés à Paris en 1924, juste avant la naissance de Charles (et après la naissance de sa sœur Aïda, née seize mois avant lui). La petite famille Aznavourian était à la fois artiste et restauratrice : le père baryton tenait un restaurant, la mère comédienne, la sœur au piano, et forcément, Charles était dans cette ambiance d'artistes de toutes origines, réfugiés d'Europe centrale et orientale des années 1920 et 1930 (et il y avait aussi en France une forte immigration arménienne à l'époque, les Arméniens fuyant la nouvelle Union Soviétique après avoir fui la Turquie génocidaire). Charles Aznavour, passionné de cinéma et voulant être acteur, adopta son nom définitif, Aznavour (au lieu d'Aznavourian), dès l'âge de 9 ans, à ses premières prestations (il voulait être chanteur et acteur, comme ses parents). Adolescent, il a assisté à des dizaines de concerts de Maurice Chevalier, et allait toutes les semaines au cinéma russe et au théâtre arménien.

     

     
     


    Quel rapport avec les Manouchian ? Celle qui allait devenir Mélinée Manouchian était une rescapée du génocide contre les Arméniens. Orpheline à l'âge de 2 ans, elle s'est réfugiée en Grèce en 1922 puis en France en 1926. Dans les années 1930, elle s'est intégrée à la famille Aznavourian à Paris, et a ainsi accompagné le premier succès de radio-crochet de Charles Aznavour en 1935. Adhérente du parti communiste français pour combattre le fascisme, elle y a rencontré son futur mari, Missak Manouchian, en 1934, qui passait aussi de nombreuses soirées chez les Aznavourian à chanter ou à lire ses poèmes (il a appris à Charles Aznavour à jouer aux échecs). Missak fut fusillé par les nazis le 21 février 1944 au Mont-Valérien après leur engagement dans la Résistance (les Aznavourian avaient caché le couple chez eux). Mélinée Manouchian lui a survécu quarante-cinq ans. Tous les deux ont été transférés au Panthéon le 21 février 2024 dans une cérémonie présidée par le Président Emmanuel Macron.

    Après la guerre, les Aznavourian envisageaient d'aller vivre en Arménie soviétique, ils s'étaient déjà fait faire des passeports soviétiques (Staline avait encouragé tous les réfugiés arméniens à revenir en Arménie), mais Mélinée Manouchian les en dissuada en raison de l'extrême dureté du régime stalinien. La suite est d'ailleurs très étrange : les passeports soviétiques, qui n'ont servi donc à rien, furent laissés au fond d'un tiroir d'un meuble. Complètement oubliés. Un peu plus tard, le meuble en question a été donné à une association caritative pour être vendu (comme aujourd'hui chez Emmaüs). Bien plus tard, Charles Aznavour a reçu un coup de téléphone de l'actrice Simone Signoret : elle venait de retrouver ces passeports et voulait les lui rendre. Elle venait d'acheter le meuble. Destin farceur. Cette anecdote est restée secrète pendant de longues années, jusqu'à ce que Charles Aznavour se soit livré en septembre 2014 auprès de Cyril Hanouna dans son émission sur Europe 1 ("Les pieds dans le plat").

    Fasciné par Maurice Chevalier et Charles Trenet, Aznavour a voulu chanter joyeusement sur des sujets pas forcément joyeux. Charles Trenet était son modèle absolu parce que, comme il l'expliquait le 8 décembre 2014 : « Parce qu’il a fait ce que les autres n’ont pas fait : chanter des chansons gaies, mais avec du fond. Prenez la plupart de ses premiers succès. "Je chante", par exemple : le texte n’est pas du tout léger. C’est tout de même l’histoire d’un gars qui se pend. "J’ai rendez-vous avec la lune: non plus. Il a montré qu’on pouvait aller au-delà de la chansonnette facile. Il y a une ouverture pour quelqu’un comme Guy Béart. D’ailleurs, c’est aussi la force de Trenet : il y a chez lui une ouverture pour tous ceux qui sont venus ensuite. Pour Brassens, pour Brel, et pour moi bien sûr. Trenet, c’est celui que chacun d’entre nous a rêvé d’être. » ("Migros Magazine").

    Cela a donné, après une vingtaine d'années de scène un peu laborieuse, un énorme succès tant commercial qu'artistique, amorcé par "Je m'voyais déjà". En tout, plus de mille deux chansons interprétées (beaucoup d'autres écrites pour d'autres chanteurs comme Édith Piaf, Eddie Constantine, Gilbert Bécaud, Serge Gainsbourg, Joe Dassin, Juliette Gréco, Maurice Chevalier, Régine, Johnny Hallyday, Mireille Mathieu, Eddy Mitchell, Dorothée, Richard Antony, Bob Dylan, etc.), en neuf langues (le français, l'allemand, l'anglais, l'italien, l'espagnol, le russe, l'arménien, le napolitain et le kabyle), quatre-vingt-douze albums enregistrés en studio, dont une trentaine de disques d'or, plus de 180 millions d'exemplaires vendus partout dans le monde. Sans compter sa participation à en environ quatre-vingts films et téléfilms et cinq pièces de théâtre.


    Il avait besoin de la scène : « C’est le miracle. Ce n’est pas juste un désir, c’est un bonheur. Je suis poussé vers elle. Bien avant la presse, le public m’est fidèle. Et j’ai besoin d’aller devant lui. (…) Je suis sans doute le seul chanteur triste qui est heureux d’être devant son public. Et il paraît que ça se sent. » ("Migros Magazine").

    Parmi les très nombreuses collaborations avec d'autres artistes, citons par exemple José Carreras, Elton John, Dalida, Nana Mouskouri, Liza Minnelli, Claude François, les Compagnons de la chanson, Franck Sinatra, Ray Charles, Fred Astaire, Petula Clark, etc. Même le chanteur Kendji Girac, sous les projecteurs de l'actualité récente, a chanté en 2015 sa fameuse chanson "La Bohème" (qui racontait le quartier de Montmartre). Charles Aznavour a reçu de très nombreuses récompenses, dont un Lion d'or de la Mostra de Venise en 1971, un César d'honneur en 1997, deux Victoires de la musique en 1997 et 2010, etc.

    Mais laissons-nous nous enivrer de sa nostalgie...



    1. "Je m'voyais déjà" (1961)






    2. "For me formidable" (1963)






    3. "Hier encore" (1964)






    4. "La Bohème" (1965)






    5. "Emmenez-moi" (1967)






    6. "Mourir d'aimer" (1971)






    7. "Comme ils disent" (1972)






    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (20 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La France de Charles Aznavour.
    Charles Aznavour.
    Alain Souchon.
    Patrick Bruel.
    Eden Golan.
    ABBA.
    Toomaj Salehi.
    Sophia Aram.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Micheline Presle.
    Plastic Bertrand.
    Jacques Dutronc.

    Françoise Hardy.
    Guy Marchand.
    Maria Callas.
    Catherine Deneuve.
    Gérard Depardieu.
    Stéphanie de Monaco.
    Jane Birkin.
    Fernand Raynaud.
    Marcel Zanini.
    Patricia Kaas.
    Kim Wilde.


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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240522-aznavour.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/nostalgies-aznavouriennes-254540

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/15/article-sr-20240522-aznavour.html




     

  • "Un Couple irréprochable" d'Alafair Burke

    « Vous vous rendez compte qu'il y a douze sujets en un là, il y a douze prises de parole différentes, il y a des scandales. Tout est différent. Il y a des saloperies, il y a des malentendus… Je pense que c'est les médias qui réunissent tout ça dans une grande cause d'époque. » (Édouard Baer, le 12 mai 2024 sur France 2).


     

     
     


    Très déstabilisé, Édouard Baer répondait le dimanche 12 mai 2024 à cette question de Laurent Delahousse dans le journal de 20 heures de France 2 : « Est-ce que vous considérez que les hommes ne parlent pas assez, ne défendent pas assez ou n'expriment pas une sorte de mea culpa ? ». L'invité, venu pour promouvoir son nouveau spectacle "Ma candidature", n'était pas n'importe qui.

    En effet, Édouard Baer, à 57 ans, est l'un des acteurs les plus "bankables" de France, comme on dit. Acteur, réalisateur de cinéma, metteur en scène de théâtre, animateur et producteur de télévision et de radio, on le voit et l'entend partout. Initié à la comédie par la savoureuse Isabelle Nanty, sa prof d'art dramatique au cours Florent, il a eu un parcours artistique très flatteur, couronné déjà par un Molière en 2001 (et deux nominations) et par trois nominations aux Césars.

    Pourquoi l'acteur était-il si gêné de parler de MeToo à la veille du Festival de Cannes ? Peut-être parce qu'il avait été mis au courant qu'un article incendiaire allait être publié par Mediapart ce jeudi 23 mai 2024. L'article d'Amine Abdelli et Julia Tissier commence d'ailleurs par ce malaise au 20 heures : « Confus et visiblement mal à l’aise, le comédien fronce les sourcils, bafouille et s’embourbe. Lui, le pro de l’impro, apparaît soudainement déstabilisé. ».

    Pas étonnant de bafouiller autant quand on sait qu'il va être mis sur le grill de la vindicte populaire par six femmes qui ont été contactées depuis plusieurs mois par Mediapart et qui, dans cet article, accusent Édouard Baer de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles. L'article précise : « Elles livrent le récit de faits de harcèlement et d’agressions sexuelles sur une période s’étalant de 2013 à 2021 (…), majoritairement dans des contextes professionnels », à savoir son bureau parisien, quand il est au théâtre, ou dans les stations de radio, quand il est animateur, c'est-à-dire à Radio Nova puis à France Inter.
     

     
     


    Le journal "Le Monde", qui en rend compte avec l'AFP, explique : « Selon l’une de ces femmes, Édouard Baer aurait pris son "sein gauche avec sa main" dans un ascenseur. Une autre l’accuse de lui avoir touché "les seins à plusieurs reprises", de l’avoir "prise par la taille" et d’avoir "posé sa main sur [s]es fesses". "Il essaie de m’embrasser dans le cou et sur la bouche. Je le repousse", selon les propos rapportés d’une autre. Certaines évoquent des sollicitations répétées, des compliments insistants sur leur physique. L’une explique ne pas avoir porté plainte car elle a pensé que ce serait "sa parole contre la [s]ienne". ».

    Aucune de ces six femmes, âgées d'une vingtaine d'années au moment des faits et qui ont voulu rester anonymes dans leur témoignage, n'a déposé plainte (à ce jour). J'ajoute que dans l'entourage d'une des radios, l'information n'était pas connue même sous forme de rumeur et certains ont été étonnés de l'apprendre.

    Comme est étonné Édouard Baer lui-même qui a rapidement publié, en réponse à l'article, un communiqué d'incompréhension mais aussi d'excuses : « C’est avec stupeur et une grande tristesse que je découvre les témoignages que vous me rapportez. Je ne me reconnais pas dans les mots ou les gestes qui me sont attribués, mais je ne peux qu’exprimer mes regrets que mon comportement ait mis mal à l’aise ou blessé ces femmes. Je n’ai pas eu l’intelligence de le percevoir. J’en suis profondément désolé. Je n’ai jamais cherché à les heurter intentionnellement. Je leur présente toutes mes excuses. ».

    Si on résume grossièrement le message, c'est ceci : j'ai été assez lourd dans mon approche, aucune ne m'a dit que j'allais trop loin et je m'en veux de ne pas l'avoir vu moi-même, désolé. Dans ce genre d'affaire, on peut supposer que les deux parties, les six femmes, d'un côté, et l'acteur, de l'autre côté, sont complètement sincères. Il faut aussi comprendre qu'Édouard Baer est une grande star qui a fasciné ces six femmes qui ont à peine commencé leur vie active. On peut imaginer qu'il leur était difficile, sans être dotée une personnalité très forte, de rejeter les éventuels gestes déplacés.

    La réponse rapide et finalement assez humble (présentant ses excuses) d'Édouard Baer plaide plutôt en sa faveur, ou du moins, pour sa sincérité. Il ne nie pas les éventuels faits sans les reconnaître précisément car il y a plusieurs faits, et la réponse reste assez floue. Ce n'est pas comme Gérard Depardieu ou même comme Patrick Poivre d'Arvor qui, à ma connaissance (sous réserve que je ne me trompe pas, je ne suis peut-être pas en possession d'informations plus récentes), ne reconnaissaient pas les faits et surtout, ne présentaient pas leurs excuses à leurs (nombreuses) accusatrices.

    Évidemment, un vieil article de la journaliste Josyane Savigneau publié le 5 novembre 2016 dans "Le Monde" revient en pleine figure d'Édouard Baer. À l'origine, la journaliste voulait faire la promotion de l'acteur redevenu animateur à Radio Nova, responsable de la matinale depuis le 10 octobre 2016. Mais elle s'est sentie très mal accueillie à son arrivée à 6 heures 45 un jour d'octobre 2016, « victime des humeurs du présentateur vedette », si bien qu'elle a exprimé sa colère : « D’emblée il est odieux. Furieux qu’on ait osé désobéir, il aurait exigé qu’on ne vienne qu’à 7h30, il insiste haut et fort : il n’a rien demandé, on a omis de le prévenir, on lui pourrit la vie, on va lui faire rater son émission, qu’on dégage. Avec plaisir. Dans une vie de journaliste, il arrive parfois que l’on rencontre, c’est fatal, des gens désagréables. À ce point d’arrogance et de mépris, c’est plus que rare. Morale de l’histoire : quand on remplace les journalistes par des stars, on s’expose à ce genre de caprices. ».

     

     
     


    Ce qui n'a pas empêché la journaliste d'en dire aussi du bien (il faut dire que Matthieu Pigasse, actionnaire du "Monde", venait de racheter Radio Nova) : « On retrouve avec plaisir la voix de Baer, son ton décalé, ses improvisations bienvenues, son accueil chaleureux des participants. ». Et de terminer sur l'avis du nouveau patron : « Matthieu Pigasse se félicite de la réussite de la matinale et de l’idée de Bernard Zekri de faire appel à Édouard Baer, "tant Nova et Édouard se correspondent : les 3 C, Culture, Curiosité d’esprit, Carrefour d’échanges". "Elle incarne ce que nous voulons être et faire, précise-t-il : refuser le repli sur soi, être ouverts à tous, donner du sens et s’engager par la culture". ». Édouard Baer a quitté Radio Nova pour France Inter en 2018 (jusqu'en 2022, il me semble).

    Pour l'heure, Édouard Baer, qui avait un spectacle à Romans-sur-Isère le vendredi 24 mai 2024 à 20 heures (au théâtre des Cordeliers), l'a maintenu. Le problème qu'il n'y ait pas de dépôt de plainte, c'est de transférer cette affaire du tribunal correctionnel au tribunal médiatique, avec tous les excès que cela peut entraîner, notamment dans les réseaux (a)sociaux. Comme je ne sais que penser des accusatrices sincères et d'un supposé prédateur sexuel qui s'ignorerait et qui affirme que ce n'est pas du tout lui, et n'étant pas juge, je ne peux faire aucun commentaire de soutien aux unes ou à l'autre.
     

     
     


    En revanche, ce problème récurrent depuis quelques années (MeToo date de 2018) où des femmes (en général) accusent (parfois plusieurs décennies après les faits) une personnalité (généralement très connue) dans des milieux bien définis (cinéma, sports, médias audiovisuels, etc.) de divers faits allant du simple geste déplacé (voire maladroit) jusqu'au crime (le viol), en passant par des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel (qui sont des délits), est souvent insoluble quand il n'y a aucune preuve (car il faut que la victime prouve l'absence de consentement, ce qui est très difficile). Alors, c'est parole contre parole, et un juge, si cela arrive à la suite du dépôt d'une plainte, ne pourra pas condamner si le doute persiste (principe général du droit). D'un côté, il faut écouter les victimes, les femmes, ou du moins qu'elles soient écoutées, de l'autre, il ne faut pas détruire la réputation d'une personne qui serait injustement accusée (dans l'affaire d'Outreau, une personne injustement accusée s'est même suicidée). C'est du tout ou rien. Ou salaud, ou salopes, en quelque sorte.

    Un livre explique très bien ce problème. Il s'agit d'un roman d'une ancienne procureure américaine qui a fait non seulement des études de droit mais avant, des études de psychologie et qui s'est recyclée dans l'écriture de romans à succès. Alafair Burke a en effet publié en 2018 un très bon roman "Un Couple irréprochable" (en anglais "The Wife"), dont le sujet principal est cette accusation contre une personnalité médiatique.


    L'histoire est celle-ci, et racontée selon le point de vue de l'épouse (mère au foyer) d'un économiste qui, au-delà de donner des cours d'économie à l'université, a écrit un livre devenu best-seller, ce qui lui a donné gloire, fortune et notoriété (il a créé un cabinet de conseil en entreprises et il est invité très fréquemment à la télévision pour donner son avis). Et son expertise, c'est l'éthique dans les entreprises, et sa parole est d'or car il fait et défait des réputations d'entreprises auprès de leurs investisseurs. (L'homme accusé est un parangon de l'éthique, comme Édouard Baer considéré ouvert, sympa).

    Et puis soudain, une stagiaire l'accuse de gestes déplacés en déposant plainte. Plus tard, une autre femme avec qui il est en contact sur le plan professionnel l'accuse carrément de viol. L'affaire est suivie par une inspectrice de police spécialisée dans ce domaine (l'Unité spéciale des victimes). Il y a aussi la réaction du procureur adjoint qui ne veut poursuivre que lorsqu'il y a de fortes suspicions de culpabilité, d'autant plus que ce prévenu serait une personnalité célèbre. Comme l'auteure du roman est une spécialiste du droit, cela permet aussi de voir comment fonctionne la justice et la police (ici américaines) dans les coulisses face à une telle affaire. Interviennent aussi dans l'histoire une animatrice de télévision féministe (et amie de l'accusé), une avocate exigeante, etc.

    L'inspectrice, parce qu'elle est féministe, veut aller au plus profond des détails pour pincer l'éventuel auteur d'agressions sexuelles voire de viols. Elle admet d'ailleurs que pour la victime, il vaut mieux être violée de façon violente en pleine rue que subir des attouchements sexuels par des personnes familières dans un lieu privé, parce que ce sera beaucoup plus facile à prouver.

    La première des réactions, dans ce genre d'affaire (agression sexuelle voire viol), c'est de se focaliser sur la victime et pas sur le prédateur présumé. Et de trouver des éléments chez la victime que son infortune était la conséquence de sa vie et cela, pour se dire qu'on n'est pas comme la victime et donc, que ça ne peut pas arriver à soi : « N'est-ce pas dans la nature humaine que de toujours rejeter la faute sur la victime ? ».

    Et pourtant, parfois, les victimes ne disent pas exactement la vérité : « Impossible pour [les policiers] d'affirmer que les victimes ne racontent jamais toute la vérité, parce que cela reviendrait à les traiter de menteuses. Or, elles ne mentent pas, elles tentent de se protéger. Se préparent à affronter le scepticisme. Anticipent déjà toutes les attaques à venir, se forgent un bouclier. ».

    L'animatrice de télévision donne aussi les différentes étapes dans ce genre d'affaire : « La première réaction de l'opinion publique, c'est toujours de jeter le discrédit sur la femme, parce que la société ne veut pas admettre que de telles horreurs se produisent. Alors, en réaction, les féministes convaincues ont décrété qu'il fallait croire toutes les femmes, chaque fois. ».

    Féministe, l'animatrice est d'accord avec cette réaction : « C'est vrai, a-t-elle admis, je suis toujours la première à défendre les femmes dans les cas d'agression sexuelle où tout repose sur la parole de l'un contre celle de l'autre. Parce que, dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, elles disent la vérité, et que c'est une terrible épreuve pour elles d'en parler. Elles se retrouvent jugées, stigmatisées, blâmées, critiquées. ».

    Et dans une affaire de viol, cela retombe toujours sur la même question : « Quelles que soient les allégations de cette fille, ce sera sa parole contre celle de [l'accusé]. Or l'accusation a besoin d'éléments concrets. Et même s'il peut s'appuyer sur l'ADN, le procureur doit démontrer que la relation n'était pas consentie. ».

    Mais justement, des petits détails peuvent faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre pour la police. Ainsi, dans ce roman, la policière va voir de façon informelle l'accusé qui ne sait pas encore qu'il est aussi accusé de viol par une seconde femme (il est juste accusé de harcèlement sexuel par une première femme). La policière lui demande alors s'il a eu des relations sexuelles avec cette seconde femme et ce dernier, au lieu de refuser de répondre sans son avocat, fait l'erreur de dire qu'il n'a pas eu de relations sexuelles, sans savoir que la seconde femme avait gardé intacte sa robe avec des traces de lui. Avoir des relations sexuelles ne confirme pas forcément le viol, car ces relations peuvent être consenties, mais mentir sur la réalité des rapports sexuels (même pour éviter d'en informer son épouse), c'est jeter un discrédit sur tout ce qu'il va affirmer.

    A contrario, la policière garde aussi des détails sur l'accusatrice qui lui demande une heure avant de passer chez elle, le temps de faire un peu de ménage : « [La policière] venait déjà de découvrir quelque chose à propos de [l'accusatrice] : c'était le genre de personne qui pensait à remettre de l'ordre chez elle avant de recevoir un policier pour dénoncer des actes de harcèlement sexuel. En soi, ça ne signifiait rien, pourtant [l'inspectrice] remisa soigneusement ce détail dans un coin de sa tête, parce qu'elle aimait à penser que rien ne lui échappait. ».

    Bref, ce roman est très intéressant pour comprendre la mécanique des accusations, des défenses et des jugements. Plus rien de mal ne doit rester impuni. Mais reste à se mettre d'accord sur ce qui est mal, sur ce qui est un mauvais comportement, un comportement inapproprié. L'homme est décidément détrôné, dans cette société qui se transforme à vive allure.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    "Un Couple irréprochable" (2018) d'Alafair Burke.
    Édouard Baer.
    Lucien Neuwirth.
    Le vote des femmes en France.
    Femmes, je vous aime !
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
    L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
    Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
    L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
    L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
    La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
    L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
    Simone Veil, l’avortement, hier et aujourd’hui…
    L’avortement et Simone Veil.
    Le fœtus est-il une personne à part entière ?
    Le mariage pour tous, 10 ans plus tard.
    Rapport 2023 de SOS Homophobie (à télécharger).
    Six ans plus tard.
    Mariage lesbien à Nancy.
    Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
    Mariage annulé : le scandaleux jugement en faveur de la virginité des jeunes mariées.
    Ciel gris sur les mariages.

    Les 20 ans du PACS.
    Ces gens-là.
    L’homosexualité, une maladie occidentale ?
    Le coming out d’une star de la culture.
    Transgenres adolescentes en Suède : la génération sacrifiée.
    PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
    La PMA pour toutes les femmes.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240523-un-couple-irreprochable.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/27/article-sr-20240523-un-couple-irreprochable.html




     

  • Patrick Bruel, on s'était dit rendez-vous dans quarante ans...

    « Qu'est-ce que j'ai fais de ces années ?
    J'ai pas flotté tranquille sur l'eau,
    Je n'ai pas nagé le vent dans le dos.
    Dernière ligne droite, la rue Soufflot »



     

     
     


    Le chanteur Patrick Bruel fête ses 65 ans ce mardi 14 mai 2024. J'écris chanteur pour préciser auteur compositeur interprète, car c'est son activité principale, mais il est aussi acteur, comme souvent dans le métier, et ses deux carrières se sont développées à peu près en même temps, parallèlement, avec plus ou moins de succès. Bruel est son nom de scène, car dans le civil, il était Maurice Benguigui à sa naissance, ce qui n'avait pas échappé à Jean-Marie Le Pen qui en parlait à propos de la "prochaine fournée". Bruel, il a trouvé ce nom parce qu'il adorait Jacques Brel. Depuis 1982, le chanteur a sorti vingt-cinq albums et trente singles.

    Bruel, c'est le mec sympa. Enfin, je ne le connais pas, mais il apparaît comme un mec sympa, toujours le cœur sur la main, et même dans les films, il est souvent le genre d'homme qui prend tout pour lui, qui contrôle la situation, qui veut le bien de l'autre, qui gagne aussi bien sa vie... Figure d'autorité très lisse et sympa. Ça peut être trompeur dans ses rôles. Ah c'est sûr, je préfère nettement le Patrick Bruel acteur au Patrick Bruel chanteur, même si je ne doute pas un instant qu'il est d'abord chanteur (au point d'avoir engendré une véritable bruelmania dans les années 1990, heureusement, qui semble s'être étiolée de nos jours). Il m'excusera (de ce qui va suivre) mais sa chanson "Casser la voix" est absolument infernale. Elle casse aussi les oreilles pour ne pas dire autre chose (sinon, j'aime bien les autres).


    C'est en 1978 que Patrick Bruel a commencé sa carrière cinématographique avec Alexandre Arcady. Cinéma et théâtre avant la scène et le studio d'enregistrement pour chanter. Et puis en 1984, il y a quarante ans, il a crevé l'écran... enfin, non, les hauts-parleurs avec sa chanson "Marre de cette nana-là". Sa carrière de star était ainsi lancée. Ah mais si, l'écran aussi. La même année, c'était aussi sa participation dans le film "P.R.O.F.S." de Patrick Schulmann (sorti le 18 septembre 1985) : Patrick Bruel est le prof de français, Fabrice Luchini le prof d'arts plastiques, Laurent Gamelon le prof de gym, Christophe Bourseiller le documentaliste, Guy Montagné le prof de maths, Isabelle Mergault la prof de sci-nat, etc. 1989, nouvelle étape chansons et cinéma. Chansons : de nouveaux tubes ("Alors regarde", "Place des grands hommes", etc.), et au cinéma, des films marquants (ou remarqués au moins) : "L'Union sacrée" d'Alexandre Arcady (sorti le 15 mars 1989) avec Richard Berry, Bruno Cremer, Marthe Villalonga et Claude Brasseur, et "Force majeure" de Pierre Jolivet (sorti le 5 avril 1989) avec François Cluzet et Kristin Scott Thomas.
     

     
     


    Et la star a pu s'éclater dans ses deux passions, au point d'avoir une Victoire de la musique 1992 (et douze autres nominations) ainsi qu'une nomination au César du meilleur acteur pour "Le Prénom", un excellent film d'Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte (sorti le 25 avril 2012), adaptation d'une pièce de théâtre, avec Charles Berling, Guillaume de Tonquédec, Valérie Benguigui, Françoise Fabian et Judith El Zein.

    Oui, je le préfère en acteur parce qu'il assure toujours avec ses rôles. Il a une présence incontestable, il a ce qu'on appelle du charisme. Il est avocat, médecin réputé, cadre supérieur (« qui tente de manipuler tout le monde avec l’espièglerie et l’arrogance de celui à qui rien ne résiste, en apparence… » selon le compte-rendu bien léché d'une médiathèque, celle de Montceau-les-Mines), joueur de poker endetté...

    Citons notamment les films suivants : "Le Jaguar" de Francis Veber (sorti le 9 octobre 1996) avec Jean Reno, Roland Blanche, François Perrot, Edgar Givry, etc., "L'ivresse du pouvoir" de Claude Chabrol (sorti le 22 février 2006) avec Isabelle Huppert, François Berléand, Marilyne Canto, Jean-François Balmer, Robin Renucci, Pierre Vernier, Roger Dumas, etc., "Le code à changé" de Danièle Thompson (sorti le 18 février 2009) avec Karin Viard, Marina Foïs, Dany Boon, Emmanuelle Seigner, Patrick Chesnais, Pierre Arditi, Laurent Stocker, etc., et "Les yeux jaunes des crocodiles" de Cécile Telerman (sorti le 9 avril 2014), adapté d'un roman de Katherine Pancol, avec Emmanuelle Béart, Julie Depardieu, Alice Isaaz, Édith Scob et Jacques Weber.

    Je retiendrai en option deux films qui ont été récemment rediffusés par la télévision TNT et qui sortent un peu de l'ordinaire bruélien. "Le Secret" de Claude Miller (sorti le 3 octobre 2007) avec Cécile de France, Ludivine Sagnier, Julie Depardieu et Mathieu Amalric : Patrick Bruel est un lutteur juif sous l'Occupation nazie et sa femme s'est laissé arrêter (et déporter et assassiner) avec son fils par les nazis par désespoir amoureux (son mari Bruel en aime une autre). "Villa Caprice" de Bernard Stora (sorti le 2 juin 2021) avec Niels Arestrup, Irène Jacob, Laurent Stocker et Eva Darlan : Patrick Bruel est un grand patron du CAC40 bien puant qui a été incarcéré par un juge zélé et son avocat (Niels Arestup), très célèbre, réussit à l'en sortir (l'un des derniers rôles du succulent Michel Bouquet, celui du père agonisant de l'avocat, il avait 93 ans au tournage).

    J'ajoute aussi la participation de Patrick Bruel à l'excellente série télévisée "Fais pas ci, fais pas ça" (dans deux épisodes) où il joue non pas son propre rôle mais le rôle de son propre sosie... qui joue au poker. Un rôle qui montre un évident sens de l'autodérision. Et effectivement, dans la vie réelle, Patrick Bruel est un grand joueur de poker, qui a gagné plus d'un million et demi d'euros de gains cumulés lors de tournois, bien classé dans les championnats internationaux depuis 1998. Il est même un des quatre associés du site Winamax. On ne s'étonne donc pas qu'il soit un joueur de poker dans "Le Jaguar".


    Pour l'anecdote, énonçons enfin qu'Élie Semoun est son cousin au second degré (arrière-grands-parents communs). Mais revenons quand même à son cœur de métier, la chanson, dont voici les principaux "tubes" qui l'ont fait connaître et qui en ont fait une véritable "star" !...


    1. "Marre de cette nana-là" (1984)






    2. "Comment ça va pour vous ?" (1985)






    3. "Casser la voix" (1989)






    4. "J'te l'dis quand même" (1989)






    5. "Alors regarde" (1989)






    6. "Place des grands hommes" (1989)






    7. "Combien de murs..." (1994)





    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (12 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Patrick Bruel.
    Eden Golan.
    ABBA.
    Toomaj Salehi.
    Sophia Aram.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Micheline Presle.
    Plastic Bertrand.
    Jacques Dutronc.

    Françoise Hardy.
    Guy Marchand.
    Maria Callas.
    Catherine Deneuve.
    Gérard Depardieu.
    Stéphanie de Monaco.
    Jane Birkin.
    Fernand Raynaud.
    Marcel Zanini.
    Patricia Kaas.
    Kim Wilde.

     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240514-patrick-bruel.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/patrick-bruel-on-s-etait-dit-254350

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/13/article-sr-20240514-patrick-bruel.html



     

  • Bernard Pivot, l'incarnation de la culture populaire

    « Si vous saviez le bonheur que j'ai eu pendant des années et des années (…) à lire des livres, à parler avec les auteurs. Donc, la plus élémentaire gratitude, c'est de transmettre ce plaisir. » (Bernard Pivot).

     

     
     


    C'est un véritable tsunami de réactions d'émotion qui a accompagné la triste annonce de la mort du journaliste Bernard Pivot ce lundi 6 mai 2024 à l'âge de 89 ans (qu'il venait de fêter la veille) après une saleté de maladie. Animateur vedette de la deuxième chaîne de télévision, il avait animé deux émissions littéraires très courues le vendredi soir à 21 heures 40, "Apostrophes" du 10 janvier 1975 au 22 juin 1990, puis "Bouillon de culture" du 12 janvier 1991 au 29 juin 2001. "Apostrophes" : « Eh bien, c'est un échange d'idées parfois vif ! » (23 février 1975).

    Avec Bernard Pivot, on célèbre aussi soi-même, sa jeunesse, son adolescence, sa vie dans les années 1970-1980-1990. Bref, son miroir. Au lendemain de l'annonce de la suppression définitive du célèbre jeu télévisé "Des chiffres et des lettre" commencé le 19 septembre 1965 (et maintenu sous perfusion le week-end depuis un an et demi), la disparition d'un véritable monument de la littérature pour Français (et pas seulement littérature française) est un choc humain mais aussi un choc de nostalgie. Beaucoup attendaient cette émission "Apostrophes" qui était une véritable prescriptrice des libraires et des éditeurs. Sa musique de générique était devenue très connue, le concerto pour piano en fa dièse mineur, op. 1, de Rachmaninov, interprétée (avis aux russophiles) par le pianiste Byron Janis enregistré en juin 1962 à Moscou accompagné de l'Orchestre philharmonique de Moscou sous la direction de Kirill Kondrachine.

    Incontestablement, Bernard Pivot avait un pouvoir fou sur les auteurs et les éditeurs, mais il n'en abusait pas pour faire fortune alors que sa notoriété lui aurait ouvert de nombreux boulevards (pour garder son indépendance intellectuelle, il a même refusé à plusieurs reprises des décorations comme la Légion d'honneur et les Arts et les Lettres ; en revanche, il a accepté le Mérite agricole). Il n'abusait pas de sa position privilégiée. Au contraire, il était un lecteur et un présentateur incorruptible, ne choisissant ses invités que par ses envies, ses découvertes, son intérêt. Il ne voulait pas briller en public, mais au contraire, il s'effaçait et faisait briller ses invités.

    Ainsi, de nombreux auteurs inconnus se sont fait connaître avec cette émission, qui valait bien un prix littéraire dans les ventes en librairie. On pouvait apprécier à la fois sa spontanéité, son ton direct, et même certaines surprises sur le plateau, car les émissions étaient diffusées en direct. Sa convivialité et son côté jovial (bon vivant, adorateur de bons vins et de football) rendaient la littérature attrayante. Loin des cours naphtaline d'un enseignement suranné.

    Cette télévision authentique est si loin de toutes ces émissions aseptisées d'aujourd'hui. À l'époque, l'animateur était un passeur de livres et pas une vedette, il invitait des inconnus pour les aider au lieu d'inviter des auteurs célèbres pour faire de l'audience (voir témoignage plus loin). Ses découvertes étaient diversifiées, pluralistes, très éclectiques... et très érudites aussi. On pouvait suivre le 28 mai 1982 un combat de "coqs" entre Jean d'Ormesson et Roger Peyrefitte (encore que...), ou assister le 27 mai 1977 à la naissance des "nouveaux philosophes" en direct sur le plateau en présence de Maurice Clavel, Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann (le père de Raphaël), ou encore le 22 septembre 1978 à l'évacuation en "douceur" de Charles Bukowski quasiment ivre mort.

    D'ailleurs, loin d'être consensuel parmi l'élite culturelle et intellectuelle, il était au contraire ouvertement critiqué pour être justement cet homme si puissant qui influençait tant les envies littéraires du pays par « l'arbitraire d'un seul homme » selon Régis Debray. J'imagine en revanche que du côté du peuple, peu le fustigeait et beaucoup de gens le remerciaient de leur avoir fait découvrir tel auteur ou tel livre. Plus ennuyeux et plus récemment, on a aussi critiqué à juste titre Bernard Pivot d'avoir invité un peu légèrement Gabriel Matzneff faire l'éloge de ses tendances aujourd'hui dénoncées, en particulier dans l'émission du 2 mars 1990 sur son livre "Mes amours décomposés" (pour lequel, seule des invités sur le plateau, Denise Bombardier s'était indignée dans le désert).

    Chacun peut avoir quelques souvenirs épiques de ces émissions. Je me souviens en particulier des émissions spéciales, tournées en extérieur, hors plateau, avec un seul invité, prestigieux en général, comme Alexandre Soljenitsyne, Umberto Eco, Marguerite Duras, Julien Green, Vladimir Nabokov, John Le Carré, Milan Kundera, Françoise Dolto, Marguerite Yourcenar, Georges Simenon, ou encore Lech Walesa, etc. mais si je devais retenir une émission, ce serait l'émission spéciale avec Georges Dumézil, peu porté à la promotion publicitaire de ses travaux de recherche, qui m'a fait découvrir des pans entiers de la culture mondiale ; l'émission était diffusée le 18 juillet 1986, quelques mois avant la disparition de ce très grand chercheur en linguistique.

    L'homme de télévision pouvait aussi se réjouir de la reconnaissance de la profession avec au compteur sept Sept d'or, en particulier du meilleur animateur de télévision, du meilleur producteur de télévision, du meilleur animateur de débats, avec des émissions reconnues comme les meilleurs magazines culturels ou artistiques. En outre, Bernard Pivot a animé de nombreuses émissions pour sa fameuse dictée très suivie par les téléspectateurs ("Les Dicos d'or" de 1985 à 2005).


    Membre du jury du Prix Interallié en 2002, élu le 5 octobre 2004 membre de l'Académie Goncourt (qu'il a présidée de janvier 2014 à décembre 2019), il était par ailleurs rédacteur en chef du magazine Lire, et l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont un, en 2013, où, malgré son âge et son expérience d'un ancien temps, il faisait l'éloge de Twitter et de ce mode d'expression qui nécessite une excellent esprit de concision, le sens de la répartie et faisait marcher les neurones, ce qui est très bon avec le grand âge. En 2018, je l'ai vu aux côtés de sa fille Cécile pour un livre commun de témoignage sur leur expérience respective de la lecture.
     

     
     


    Le grand âge, Bernard Pivot y avait beaucoup réfléchi. Le 17 janvier 2021, il confiait ainsi sur Arte (alors que la pandémie de covid-19 faisait encore rage) : « La lutte contre la mort, mais surtout la lutte contre la maladie qui entraînera la mort est un réflexe naturel chez l'Homme. Il y a des gens qui, au bout d'un moment, à force de lutter contre le mal, contre la maladie, contre la douleur, renoncent. On peut les comprendre. Mais je pense que l'honneur de l'Homme, c'est de lutter le plus possible pour garder un corps sain, un esprit sain pour surmonter la maladie. Mon anxiété est plus grande, non pas quand je pense à la mort, mais quand je pense à la débâcle finale du corps et de l'esprit. Ce qui me fait peur à la fin, c'est cette débâcle, c'est-à-dire cette mort avant la mort. Lire est toujours un moyen de s'évader. Donc s'évader des chagrins du moment, s'évader des peurs du moment. La lecture d'écrivains amusants comme Molière, comme Jules Renard, comme Proust aussi... Si vous avez une bibliothèque, prenez des livres un peu drôles. Il n'y a pas de chagrin, il n'y a pas de peur qu'une scène de Molière n'interrompe. ».

    Parmi tous les témoignages actuels ou anciens sur le personnage qui vient de disparaître, sans doute celui du journaliste et écrivain Éric Neuhoff, le 13 juin 2023, me paraît le plus pertinent, invité pour la première fois à "Apostrophes" à l'âge de 25 ans (le 28 mai 1982) : « L'émission était tellement importante à l'époque que quand j'ai dit à mes amis que j'allais publier un livre, ils ne m'ont pas du tout demandé de quoi ça parlait, mais ils m'ont dit : alors, tu vas passer chez Pivot ? Et je ne me rendais pas compte de l'importance que ça avait. (…) Bernard Pivot qui était là en maître d'œuvre, qui était très impressionnant parce que c'était en direct. On ne le voyait pas avant l'émission, et je me souviens que sur le plateau, il était comme ça avec ses fiches, la tête baissée, il y avait la publicité, puis à la fin, le petit jingle d'Antenne 2 à l'époque, il relevait la tête, et c'était parti, et là, il y en avait pour une heure et demie. Ce qui était frappant, c'est qu'il savait très bien doser les interventions, faire taire ceux qui étaient trop bavards, donner la parole à ceux qui étaient timides. À l'époque, ce qui était bien aussi, c'est que ce n'était pas, comme souvent aujourd'hui : "Quelle chance vous avez de me rencontrer". L'animateur passait les plats, et était modeste. Et c'est lui qui était content de voir ces gens qui avaient écrit des livres. (…) Les éditeurs ne savaient pas quoi faire pour qu'un de leurs auteurs soit pris. C'était quelqu'un qui lisait tous les livres, qui restait chez lui toute la semaine allongé sur son canapé à lire les bouquins, qui n'en a pas profité pour signer des contrats mirobolants avec tous les éditeurs qui lui auraient déroulé un tapis rouge, qui n'était pas producteur de l'émission... Et c'est surtout sa curiosité, sa modestie, parce qu'on sentait qu'il était heureux de pouvoir parler d'un livre qu'il avait aimé avec son auteur. Et cette joie était transmissible. (…) Ce n'était pas une vedette du tout, et c'est ça, sans doute, qui plaisait au public, qui s'identifiait à lui. Et c'est sans doute pour ça qu'il a lancé un tas d'écrivains. C'était quelqu'un qui invitait des inconnus et qui en faisait des gens un petit peu célèbres à cause de leurs livres. Maintenant, aujourd'hui, on fait venir les best-sellers pour que l'émission soit regardée. C'est le contraire qui se passe. (…) Maintenant, ce n'est pas sorcier d'inviter Amélie Nothomb ou Marc Levy pour que les gens regardent l'émission. » ("Le Figaro").


    Lors de la dernière émission "Apostrophes" le 22 juin 1990, Jean Dutourd disait à l'animateur avec son humour habituel : « Je crois qu'il n'y a qu'un seul mot, le plus beau mot de la langue française pour un écrivain français, du moins depuis quinze ans, c'est le mot Pivot ! …Écoutez, je ne peux vraiment pas être accusé de vous lécher les pieds puisque vous vous en allez. Je peux au contraire le dire maintenant ! ». Aujourd'hui, Bernard Pivot vient rejoindre cet académicien, et aussi Jean d'Ormesson qui était un bon client de l'émission.

    Et depuis une vingtaine d'années, beaucoup ont tenté de nouvelles émissions littéraires mais personne n'a su égaler l'inimitable Bernard Pivot, de l'érudition, de la découvertes, de l'authenticité, mais aussi des débats vifs et ...même des événements. Pensée à sa famille et merci à lui de tous ces moments de grande curiosité intellectuelle.



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    Sylvain Rakotoarison (06 mai 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Les mots en ont toujours un pour rire.
    Bernard Pivot.
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Yves Montand.
    Jean Lacouture.
    Marc Ferro.
    Dominique Baudis.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Christine Angot.
    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
    Alain Duhamel.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240506-bernard-pivot.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/bernard-pivot-l-incarnation-de-la-254539

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  • Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide

    « Finalement, au terme de deux heures de débat, le vrai visage de Jordan Bardella apparaît. Il est moins lisse, moins souriant qu'au début, et il y a quelque chose de très dur dans le regard qui fait peur. On notera que par trois fois, Benjamin Duhamel interdit à Valérie Hayer de prendre la parole. » (Thierry de Cabarrus, journaliste).



     

     
     


    Décidément, la campagne des élections européennes peine à démarrer sérieusement. À un mois du scrutin, la chaîne BFMTV a organisé ce jeudi 2 mai 2024 un débat contradictoire entre les deux principales têtes de liste, Jordan Bardella pour le RN et Valérie Hayer pour la majorité présidentielle.

    Pendant 2 heures 20, cette prestation va certainement peu influencer les éventuels électeurs hésitants (les convaincus ne sont pas à convaincre), tant elle était médiocre : l'animateur, Benjamin Duhamel, particulièrement mauvais pour ce genre d'émission (il aura encore beaucoup de travail à fournir pour atteindre les performances de son oncle Alain Duhamel), la tête de liste de l'extrême droite, dite "Coquille vide" par ses détracteurs, ceux qui ne le comprenaient l'ont compris en regardant ce débat tant ses propos étaient hors sol, sans proposition, une vacuité complète faite d'amnésie, de contradictions et surtout, de démagogie et de mensonges, et la tête de liste Renaissance, qui n'a pas démérité sur le fond, qui a montré qu'elle travaillait et qu'elle connaissait les dossiers, mais qui manquait de combativité contre son contradicteur (surtout au début).

    Le RN a adopté une stratégie du robot beau-gendre qui n'a rien dans la cervelle et qui absorbe toutes les pensées politiques du moment. Évidemment, cela provoque parfois de grandes contradictions, puisqu'on ne sait plus si le RN veut rester dans l'Europe ou en sortir, veut sortir de la zone euro ou y rester, ou même veut du Frontex ou pas. Les rares propositions formulées par ce parti attrape-tout (c'est le principe du populisme) concernent des dispositifs déjà adoptés en mieux depuis plusieurs années !

     

     
     


    Au cours de cette confrontation télévisuelle, Jordan Bardella a montré une véritable arrogance, issue évidemment des sondages d'intentions de vote qui lui sont très favorables aujourd'hui, coupant sans arrêt la parole à son interlocutrice, de manière inélégante et peu galante, de façon systématique, discourtoise, impolie, et franchement comme un voyou de banlieue, qui se la pète en roulant les mécaniques mais incapable d'aligner trois phrases intéressantes ou même cohérentes. On a vu à quel point la stratégie de l'incompétence marche mal dans une France qui reste encore (heureusement) intellectuelle. Son petit rictus en guise de pirouette de diversion trompe assez peu le téléspectateur sinon l'électeur. Le comble de l'impolitesse a été de boire devant son adversaire, en ne l'écoutant pas. L'extrême droite n'a jamais respecté "les autres". On a pu le voir dans ce débat, car le naturel revient toujours au galop.
     

     
     


    De son côté, Valérie Hayer a péché par l'inverse. Elle, courageuse (Jordan Bardella l'a même reconnu), n'a pas lésiné sur ses propositions, sur son bilan, sur ses actions pour améliorer la situation de la France et de l'Europe. D'un coup le trop vide (Coquille vide), de l'autre, presque le trop plein. Toutefois, Valérie Hayer a manqué de pugnacité, refusant de couper la parole même quand son adversaire disait n'importe quoi voire mentait (comme sa liste qui serait financée par des groupes américains, ce qui est complètement faux, alors que le RN a effectivement reçu des fonds russes), elle était beaucoup trop sage face au n'importe-quoiïsme de son contradicteur.

    Il faut rappeler que les deux ont été élus députés européens il y a cinq ans. Jordan Bardella n'a rien fait de son mandat européen sinon encaisser ses indemnités, car c'est là le paradoxe, le RN comme ses partenaires anti-européens, ont profité de beaucoup d'argent européen (et même d'un peu trop si on en croit la justice et le procès qui aura lieu en septembre 2024). Dans le classement des députés européens, le président du RN fait partie des cancres qui n'ont jamais rien fait de leur mandat. Valérie Hayer, elle, a travaillé concrètement, c'est même l'une des rares députés européens qui connaissent bien le budget de l'Union Européenne et la politique agricole commune pour les avoir négociés avec d'autres groupes politiques. Elle préside le troisième groupe du Parlement Européen et a un poids européen incontestable, permettant d'influencer la politique européenne depuis cinq ans. Il suffit de comparer les antisèches multiples du cancre Bardella sur son pupitre et leur absence pour Valérie Hayer qui n'en a pas besoin car elle connaît excellemment ses sujets. Ça ne sert rien d'être bon en communication si c'est pour ne penser à rien.
     

     
     


    D'ailleurs, les internautes ont posé "la" bonne question à Jordan Bardella : « Le RN a gagné les deux dernières élections européennes de 2014 et 2019. Qu'a apporté au niveau européen le RN avec ces victoires ? ». Question piège et très pertinente ! J'aurais ajouté aussi au niveau français. Bref, à quoi ça sert de voter RN aux européennes (on pourrait remonter jusqu'à 1984 d'ailleurs) à part de financer le RN ? Eh bien à rien ! D'ailleurs, l'absence de réponse de Jordan Bardella le confirme. Si on veut que l'Europe bouge, ce n'est certainement pas en votant pour le RN qu'elle bougera. La preuve dans ce débat : voter RN, c'est paradoxalement choisir le statu quo.
     

     
     


    En revanche, le bilan de l'action de Renaissance, grâce en particulier au leadership du Président français Emmanuel Macron, de plus en plus écouté à l'étranger, est très flatteur. Ainsi, les accords de libre-échange sont approuvés ou rejetés par le groupe Renew (Renaissance) selon qu'ils sont bons ou mauvais tant pour la France que pour l'Europe. Pas de dogmatisme, donc, mais le soucis pointilleux de l'intérêt général. Le CETA est un bon traité qui a permis aux agriculteurs de profiter du commerce international tout en gardant les standards européens tant sociaux qu'écologiques. Alors que le projet d'accord avec le Mercosur a été stoppé car il ne permettait pas à l'Europe de garder ses standards.

    Valérie Hayer s'est inquiétée à juste titre des alliés européens du RN. Elle a montré une photographie d'une réunion de l'internationale de l'extrême droite européenne (à Florence à la fin de l'année 2023) qui est particulièrement affligeante, en ce sens que ses alliés ont fait des déclarations publiques racistes, suprémacistes, antisémites, homophobes, contre le droit à l'IVG, contre l'égalité de la femme et de l'homme, etc. Comme si les leçons de l'histoire récente ont été jetées à la poubelle. À l'heure où l'extrême droite italienne n'a plus de scrupule à faire le salut fasciste ouvertement en public lors d'un défilé à Milan, la réponse de Jordan Bardella n'était pas à la hauteur. Dans le discours, il laisse croire qu'il s'est dédiabolisé, dans la réalité politique des alliances européennes, le RN est bien le parti fondé par pépé Jean-Marie Le Pen avec ses inconvenances morales récurrentes. Sa réponse ? Juste laisser croire qu'il se laisse photographier avec n'importe qui, ce qui est une excuse très immature pour un prétendu leader politique national, qui ne trompe personne sinon ses électeurs déjà convaincus.

     

     
     


    Jordan Bardella a proposé une double frontière, garder la libre circulation des personnes dans l'Espace de Schengen uniquement pour les citoyens européens et le contrôle aux frontières pour les extra-européens. Valérie Hayer a bien tenté de dire que cette proposition était stupide, mais elle ne l'a pas affirmé assez fort. Car évidemment, ce n'est pas marqué sur la figure qu'on est Européen ou pas Européen. Donc, concrètement, c'est le rétablissement complet des contrôles à toutes les frontières, y compris terrestres, ce qui, outre l'aspect économique (très coûteux en fonctionnaires supplémentaires mais aussi pour l'activité économique, vu le nombre de camions qui traversent les frontières et les files d'attente qu'il y aura pour les contrôles d'identité), c'est le principe même de mesure stupide qui, en plus, ne changera rien pour l'immigration illégale.

    En laissant croire que la métropole française deviendrait à terme comme la situation à Mayotte, alors que c'est un cas géographique très spécifique, le président du RN montre qu'il continue toujours de véhiculer cette thèse extrémiste du grand remplacement qui n'existe que dans les fantasmes de l'extrême droite. Il y a une proportion d'étrangers sur le territoire national à peine supérieur à il y a un siècle, et si certaines personnes proviennent d'une culture différente avec une plus forte natalité, la réalité est que lorsqu'elles adoptent le mode de vie français, cette natalité s'effondre.
     

     
     


    Avec le Pacte immigration, qu'elle a négocié et voté (et que le RN a rejeté), Valérie Hayer a certainement fait plus pour limiter l'immigration en France que le RN. En effet, ce pacte impose aux États membres une quote-part proportionnelle à leur population de l'accueil des demandeurs d'asile venus en Europe. Ainsi, en refusant d'obliger les autres pays à prendre leur part migratoire, les députés européens du RN renforcent le risque que la France accueille plus de demandeurs d'asile. Le RN ne veut aucun demandeur d'asile, c'est se moquer du sort des femmes afghanes ou iraniennes persécutées par les islamistes au pouvoir. Il est d'ailleurs significatif que ceux ont des discours ouvertement anti-islam sont les plus tolérants avec les régimes islamistes lorsqu'ils essaient de faire des analyses vaguement géopolitiques.

    Comme avec tous les sujets (notamment économiques), le RN est très hors sol par rapport aux réalités concrètes : Jordan Bardella veut imposer l'étude des dossiers des demandeurs d'asile dans leurs propres pays et pas en France ou en Europe. Là encore, c'est particulièrement stupide de proposer cela. D'une part, parce que les demandeurs d'asile, généralement, fuient leur pays à cause de la répression et ne peuvent attendre la réponse du consulat. D'autre part, cela n'empêchera nullement des désespérés de franchir la Méditerranée à leur grand péril et à atteindre les côtes européennes sans qu'on leur en donne l'autorisation. Et dans ce cas, qu'est-ce qu'on fait ? Le Pacte immigration permet justement d'y apporter une réponse plus juste et plus ferme que le statu quo. Du reste, Valérie Hayer a bien fait de rappeler que le RN était désormais responsable de la politique migratoire de la France puisque le groupe RN a voté pour la loi Immigration le 19 décembre 2023 (parfois, il faut savoir assumer ses coups politiques !).

     

     
     


    Je n'ai bien sûr pas évoqué ici tous les sujets, en particulier les 750 milliards d'euros de l'Europe dont on a bénéficié pour la relance après la crise du covid-19. Le bilan de ce débat est que Jordan Bardella a intérêt à fuir les débats, comme il l'avait fait depuis deux mois. La journaliste Anna Cabana a donné son verdict : « C'est la naissance d'un personnage que personne ne connaissait. Valérie Hayer a quelque chose dans le ventre. ». Beaucoup de journalistes sont d'accord avec cette appréciation car beaucoup pensaient que la tête de liste Renaissance allait se faire hachée menue par le président du RN. Il n'en a rien été. Elle a bien résisté !

    Même si c'était dur pour elle au début du débat et même s'il lui manquait un peu de pugnacité, Valérie Hayer n'a pas manqué de sagesse ni de courage quand elle a conclu avec audace en se disant d'accord avec son adversaire : « Jordan Bardella, vous aviez déclaré être à la politique ce que Didier Raoult était à la médecine. Je dois dire que pour une fois, je suis entièrement d'accord avec vous ! ». Il est temps de rétablir la vérité face aux mensonges des populistes.



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    Sylvain Rakotoarison (02 mai 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !







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  • La reine Christine Ockrent, la poire et les cacahuètes

    « Quand on était petit, Christine Ockrent présentait le journal de 20 heures sur Antenne 2, c'était entre 1981 à 1985. Il n’y avait que trois chaînes. La deuxième chaîne réunissait alors 20 millions de Français par jour. On l’appelait "la reine Christine". Elle est la première femme titulaire et rédactrice en chef du 20 heures. À force de dîner avec elle, elle est devenue un membre à part entière de nos familles. » (Sonia Devillers, le 12 mai 2023 sur France Inter).


     

     
     


    La journaliste Christine Ockrent fête son 80e anniversaire ce mercredi 24 avril 2024. Présentatrice du journal télévisé de 20 heures au début des années 1980, elle était, avec Patrick Poivre d'Arvor, la star des journaux télévisés de l'époque. Elle était aussi, avec Anne Sinclair, l'une des deux reines de l'information à la télévision, chacune opérant avec un grand professionnalisme mais aussi une certaine dose de séduction.

    Elle est d'abord belge, née dans la capitale non seulement de la Belgique mais aussi de l'Europe. Son père Roger Ockrent a été le chef de cabinet de Paul-Henri Spaak, Premier Ministre belge et considéré comme l'un des Pères de l'Europe. Comme Catherine Nay (avec Albin Chalandon), Anne Sinclair (avec Dominique Strauss-Kahn), Béatrice Schönberg (avec Jean-Louis Borloo) et bien plus tard, Audrey Pulvar (avec Arnaud Montebourg) et Léa Salamé (avec Raphaël Glucksmann, candidat tête de liste du PS aux élections européennes de 2019 et de 2024), elle partage, depuis une quarantaine d'années, sa vie avec un homme politique (et futur, ancien, ministre), Bernard Kouchner, le médecin distributeur de grains de riz des années 1990. Elle a étudié à l'IEP Paris (diplômée en 1965) et à l'Université de Cambridge, et a commencé en 1967 sa carrière de journaliste aux États-Unis.

    Sa notoriété est arrivée avec la décision de Pierre Desgraupes, président d'Antenne 2, en octobre 1981, de la mettre à la présentation du journal télévisée de 20 heures. Christine Ockrent a été rapidement sacrée reine des médias par les téléspectateurs qui n'avaient pas beaucoup l'habitude de voir une femme à cette fonction très intime, puisque, comme le rappelle sur France Inter la productrice Sonia Devillers, les officiants du journal télévisé s'invitaient aux dîners quotidiens des Français (enfin, pour ceux qui dînaient en regardant la télévision ; ce qui n'était pas le cas de mes grands-parents qui dînaient avant de regarder la télévision !). Elle y est restée jusqu'en juin 1985, en alternance avec PPDA (puis de septembre 1988 à décembre 1989 après un passage à RTL et TF1). En particulier, elle a participé à l'émission "Vive la crise !" présentée par Yves Montand et diffusée le 22 février 1984 pour se prêter au jeu d'un faux journal crédible. À cette époque, elle était parmi les plus médiatiques, recevant deux Sept d'or en 1985 (7 d'or du meilleur présentateur de journal télévisé, en l'occurrence présentatrice !, et Super 7 d'or).

    En 1992, elle est retournée à la présentation du journal télévisé sur France 3 pour "Soir 3" entre septembre 1992 et septembre 1994, mais surtout, entre novembre 1992 et février 2008, avec des noms d'émission différents ("À la une sur la 3", "Dimanche soir", "Politique dimanche", "France Europe Express", "Duel sur la 3"), elle a animé le dimanche soir un duel entre deux éditorialistes, Serge July ("Libération") et Philippe Alexandre (RTL). Le trio a été rendu célèbre par "Les Guignols de l'Info" sur Canal Plus avec leurs marionnettes qui n'oubliaient pas "la poire et les cahuètes de chez M'ame Crissine". L'émission était parfois, selon la formule, coanimée par Gilles Leclerc.

     

     
     


    Christine Ockrent a été également directrice de la rédaction de l'hebdomadaire "L'Express" d'octobre 1994 à mars 1996 (une greffe avec la presse écrite qui ne s'est pas bien faite), et sa boulimie des années 1990 et 2000 la conduisait à proposer des éditoriaux réguliers aussi pour Canal J, "Info-Matin", Europe 1 (participant à la grande émission politique hebdomadaire de la station "Le Club de la Presse"), BFM, "La Provence", "Metro", TV5, France 24, etc.

    Si Christine Ockrent est partie de France 3 le 17 février 2008, c'était tout simplement parce qu'elle venait de recevoir son bâton de maréchale : elle a été nommée le 20 février 2008 par le Président de la République Nicolas Sarkozy directrice générale déléguée de l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF), que venait juste d'être créé, rebaptisé le 27 juin 2013 France Médias Monde (nommée sur proposition de son président Alain de Pouzilhac), et à ce titre, directrice générale déléguée des deux entités, la télévision France 24 et la radio RFI (Radio France Internationale), la voix de la France à l'étranger.

    Son aventure à ce poste de numéro deux n'a pas duré très longtemps, jusqu'en septembre 2011. Elle a été particulièrement contestée dans sa gestion par le management des deux chaînes avec des épreuves de force inédites dans l'audiovisuel (refus d'assister aux réunions, etc.), avec une affaire d'espionnage des ordinateurs du personnel, etc. Par ailleurs, les relations étaient très tendues entre Christine Ockrent et Alain de Pouzilhac. Sa nomination elle-même a prêté le flanc à la critique car l'AEF dépendait de la tutelle du Ministère des Affaires étrangères ; or le ministre depuis mai 2007 n'était autre que Bernard Kouchner, son compagnon (les syndicats de journalistes ont vivement souligné le risque de conflit d'intérêt). À partir de janvier 2010, la tutelle a été attribuée au Ministère de la Culture. Christine Ockrent a jeté l'éponge en mai 2011 en donnant sa démission et en déposant plainte pour harcèlement moral (en novembre 2010, Bernard Kouchner a quitté le Quai d'Orsay dont c'était aussi le bâton de maréchal).

    À partir de février 2013, Christine Ockrent a repris l'antenne, cette fois-ci sur France Culture pour une chronique hebdomadaire le samedi sur des thèmes internationaux. Son expertise journalistique est la géopolitique et c'est ce thème qui revient très souvent parmi les vingt et un essais dont elle est l'auteure, en particulier sur la politique intérieure américaine (elle avait annoncé la victoire d'Hillary Clinton en 2016), les oligarques russes, le régime théocratique iranien, le régime saoudien, le régime communiste chinois, etc.

    Petits échantillons. Sur l'Arabie Saoudite, malgré le prince séducteur Mohammed Ben Salmane : « En l’absence de chiffres officiels, Amnesty International estime que quelque cinq cents exécutions ont été pratiquées depuis l’avènement du roi Salman. Une cinquantaine de personnes ont été exécutées lors des premiers mois de 2018, dont la moitié pour des affaires de drogue sans violence, dénonce de son côté Human Rights Watch. Dans le cas d’individus ayant commis des crimes ou des vols particulièrement scandaleux, une fois la tête recousue, leur cadavre est parfois crucifié et exposé en public. Le vol entraîne l'amputation de la main droite et quelquefois des pieds. Sont punis de mort le blasphème, l’homosexualité, la trahison et le meurtre. L’adultère expose la femme mariée à la mort par lapidation ; cent coups de fouet châtient son partenaire. » (2018). Sur Vladimir Poutine : « La dissolution de l’Union Soviétique a été "la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle". Il lui revient donc de restaurer la Russie dans sa gloire, d’effacer ses humiliations, de redorer son Église orthodoxe, d’embrasser les icônes et de brûler les encens, de lui rendre son statut de puissance globale, d’exalter sa victoire contre le fascisme, de célébrer les symboles de sa force ancienne, quitte à ressusciter ceux du communisme. » (2014). Sur les services secrets : « Quand on a, par métier, regardé le dessous de table et l'envers des cartes pendant longtemps, il ne reste plus que trois attitudes : ou préparer une liste de gens "à flinguer", ce qui est fastidieux et illégal, ou se flinguer soi-même, ce qui est inconfortable, ou faire l'appel à une vertu cardinale, le sens de l'humour, ce qui permet de sourire pour le restant de vos jours. » (1986). Le secret de Xi Jinping pour durer : « Xi Jinping interdit d'ordinaire toute mise en cause publique du passé, "le nihilisme historique" et la transparence seraient responsables, selon lui, de l'écroulement de l'Union Soviétique dont il ne cesse de ressasser l'exemple. » (2023). Sur Hillary Clinton : « Quel a été son rôle : celui de l'épouse bornée et trompée ou celui de la complice hypocrite ? Est-elle jusqu'au bout une femme cocue ou une partenaire cynique ? Entre les deux hypothèses, l'Amérique ne cessera d'osciller. Les bien-pensants opinent : qu'elle préserve les apparences, l'institution et sa famille ! Les féministes trépignent : qu'elle le quitte ! Qu'à l'image de sa génération, elle préserve la dignité de la femme bafouée et libérée ! Dans ses Mémoires, Hillary se contentera de cet argument, qui ne va pas loin dans la confidence mais qui correspond sans doute à sa conviction profonde : "Je voulais lui tordre le cou, mais il n'était pas simplement mon mari : il était le Président des États-Unis". » (2016).

    En 2023, elle est sortie de sa zone de confort en participant à une pièce de théâtre de l'auteur, metteur en scène et comédien libanais Wajdi Mouawad qui avait dû fuir son pays, le Liban, en 1982 (il était alors adolescent) et qui n'avait plus de nouvelles de son pays que par Christine Ockrent dans le journal télévisé. Sonia Devillers expliquait ainsi : « [Wajdi Mouawad] reste hanté par la guerre, il ne vit qu'à travers la hantise de la guerre à une époque où il n'y avait ni téléphone portable, ni réseaux sociaux, ni chaîne d'information continue. La seule source d'information pour cette famille étant alors le 20 heures de Christine Ockrent à travers laquelle il fait revivre sa propre histoire. Wajdi Mouawad lui fait dire quelques mots sur sa propre mère, des phrases très belles qui font réfléchir à une forme de déshumanisation quand on raconte la vie des victimes de la guerre en général, en plus de raconter comment on médiatise à l'époque une guerre, telle que celle du Liban. ».


    Pour son attention portée aux affaires européennes (en particulier avec l'émission "France Europe Express" de 1997 à 2007), Christine Ockrent a fait partie des cinq journalistes (avec notamment Jean Quatremer, Quentin Dickinson et Guillaume Klossa) à avoir fait partie du comité d'honneur du 50e anniversaire du Traité de Rome en 2007.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 avril 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Yves Montand.
    Jean Lacouture.
    Marc Ferro.
    Dominique Baudis.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Christine Angot.
    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
    Alain Duhamel.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240424-christine-ockrent.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/la-reine-christine-ockrent-la-254212

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/12/article-sr-20240424-christine-ockrent.html



     

  • Dominique Baudis, dix ans plus tard

    « Il y a toujours eu chez lui un mélange de discrétion et de timidité, d'autorité et de charisme. (…). Dominique avait une éthique très forte, la volonté de séparer le fait du commentaire, à l'anglo-saxonne. » (Patrice Duhamel, le 13 avril 2014 dans le JDD).


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    J'ai une petite pensée pour Dominique Baudis qui s'est éteint il y a dix ans, le 10 avril 2014 d'une très cruelle maladie. J'allais écrire, les bottes aux pieds, ou plutôt, le costume de Défenseur des droits, premier titulaire de la fonction constitutionnalisée. Il a pu appliquer concrètement son humanisme et son empathie pendant près de trois ans auprès des citoyens en conflit, parfois kafkaïen (comme cette homonyme d'une personne décédée qui a perdu ses allocations, sa retraite, tous ses droits sociaux), avec l'administration. Il manque des personnalités de cette envergure aujourd'hui dans la classe politique, même si on a changé d'époque.

    Journaliste passionné par la vie politique (il a commenté les séances des questions au gouvernement à l'Assemblée Nationale le mercredi après-midi sur FR3 au début des années 1980), homme engagé très jeune dans la démocratie chrétienne (par tradition familiale), il a fait la campagne de Jean Lecanuet en 1965 (et s'est fait élire conseiller municipal de Boulogne-Billancourt en 1971 sur la liste du maire Georges Gorse), Dominique Baudis est devenu en trois ans un homme politique national incontournable de l'opposition au gouvernement socialo-communiste, devenant de 1983 à 1986 : maire de Toulouse (élu en mars 1983 à la succession de son père Pierre Baudis qui a fait deux mandats), député européen (élu en juin 1984), conseiller général de Haute-Garonne (élu en mars 1985), député de Haute-Garonne (élu en mars 1986) et président du conseil régional de Midi-Pyrénées (élu en mars 1986, à une époque où on n'avait pas encore commencé à limiter les mandats).

    Il a fait beaucoup d'allers et retours entre les médias et la politique, avec aussi un intérêt pour l'Orient. Journaliste, il a été correspondant de TF1 pendant plusieurs années au Liban, très attentif au sort des chrétiens d'Orient, ce qui a pu expliquer le choix de Jacques Chirac de le nommer à la présidence de l'Institut du monde arabe entre 2007 et 2011.

    Journaliste très charismatique, il remplaçait Yves Mourousi et Roger Gicquel aux journaux télévisés de TF1 entre 1977 et 1980, puis, il a assuré la présentation du Soir 3 sur FR3 entre 1980 à 1982. Un de ses collègues, Patrice Duhamel, se rappelait, pour le JDD ("Journal du dimanche"), le 13 avril 2014 : « L'époque était joyeuse, nous étions une bande de jeunes journalistes célibataires, Patrick de Carolis, Bruno Masure, Dominique et moi-même… Sa flamme s'est imposée à la rédaction. ». Dominique Baudis a quitté l'audiovisuel public pour se présenter à la mairie de Toulouse et faire de la politique à 100%. Il a toutefois succédé à Alain Peyrefitte à la présidence du comité éditorial du journal "Le Figaro" en mai 2000 (jusqu'en 2001). Son bâton de maréchal de journaliste, il l'a reçu de Jacques Chirac avec sa nomination à la présidence du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA, futur Arcom), entre 2001 et 2007. À cette tâche, il a introduit la TNT (télévision numérique terrestre) et a lutté (sans beaucoup de succès) contre la pornographie.

    Bien sûr, c'est l'homme politique qui a le plus marqué les Français. Mais Dominique Baudis, très soucieux de sa liberté, a refusé toutes les offres de ministre qu'on lui proposait. Il a marqué surtout par son action pour Toulouse et celle en faveur de l'Europe, mais il a souvent flirté avec les sommets de la scène nationale. Patrice Duhamel : « Il aurait pu faire une grande carrière politique, il avait l'étoffe d'un Premier Ministre ! Mais il a refusé trois ou quatre fois d'entrer dans un gouvernement pour se consacrer à son mandat de maire de Toulouse. ».

    En fait, on pourrait même aller plus loin : Dominique Baudis avait l'étoffe d'un Président de la République. Au-delà de convictions très fortes, il avait un charisme qu'il avait gagné par son métier de journaliste mais aussi par son tempérament, un sourire irrésistible et pourtant, il mettait aussi de la distance dans les relations personnelles. Il faisait partie de ces gens qui ont une autorité naturelle et qui peuvent impressionner naturellement.

    Malgré sa grande prudence qui l'amenait plutôt à préférer les discours consensuels aux propos tranchés, il a pris la tête de la "fronde" des jeunes députés (et jeunes maires) de l'opposition UDF-RPR après l'échec présidentiel de mai 1988 et après les municipales de mars 1989 pour renouveler la classe politique dans l'optique des européennes de juin 1989 : c'étaient les Rénovateurs. Lui qui était un habitué des journaux télévisés, comme présentateur, il a marqué aussi l'histoire politique comme invité, à deux journaux télévisé, dont l'un en avril 1989, où il demandait à Valéry Giscard d'Estaing, "les yeux dans les yeux", de quitter la présidence de l'UDF qu'il venait de reprendre en 1988 (l'autre JT en 2003, voir plus loin).

    Il y a eu des rendez-vous politiques manqués, comme l'abandon, au dernier moment, de l'idée de conquérir la présidence du CDS au congrès d'Angoulême en octobre 1991, trop démocrate-chrétien pour "tuer le père" Pierre Méhaignerie (finalement, la guerre de succession a eu lieu en décembre 1994 entre Bernard Bosson et François Bayrou). Au cours de ce second septennat de François Mitterrand, Dominique Baudis avait montré quelques ambitions, il a ainsi rivalisé avec Philippe Séguin (un ancien rénovateur, lui aussi) en mars 1993, lui disputant le perchoir (il l'a manqué de quelques voix).

    Son combat national, Dominique Baudis l'a quand même obtenu. Soutenu par VGE et Alain Juppé et préféré à Jean-François Deniau, il fut désigné par l'UDF et le RPR tête de liste aux élections européennes de juin 1994, de nouveau réunis dans cette campagne. Rassemblant plus du quart des électeurs, sa liste était la première, et de loin puis qu'il avait près du double de la deuxième liste, celle menée par Michel Rocard, premier secrétaire du PS, ancien Premier Ministre, pour qui ce fut l'enterrement de ses ambitions présidentielles. Il retourna au combat électoral des européennes (pour la troisième fois) en juin 2009 (avec un scrutin cette fois-ci régional).

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    Ses réalisations les plus marquantes restent Toulouse, avec trois mandats (1983 à 2001). À la mort du maire emblématique, France 3 avait fait un rapide bilan : d'abord, l'implantation du métro à Toulouse, mais aussi la transformation des abattoirs en musée d'art contemporain, la construction de la Cité de l'Espace pour faire de la Ville rose la ville du spatial français par excellence, la construction de la médiathèque Marengo et d'un des plus grands Zénith de France. Mais l'essentiel n'était pas seulement dans le "quoi", aussi dans le "comment". Dominique Baudis voulait gérer comme un bon père de famille, c'est-à-dire en respectant l'argent des contribuables. Ainsi, il a refusé d'endetter sa ville à une époque où beaucoup d'édiles municipaux, départementaux et régionaux dépensaient à tort et à travers avec des hôtels du département, etc. parfois mégalomaniaques.

    Il aurait sans doute été réélu s'il avait sollicité un quatrième mandat municipal, mais il souhaitait changer radicalement (en présidant le CSA et en quittant la vie politique active). Il retourna à la vie politique dans une dernière excursion entre 2009 et 2011 (comme député européen).

    Entre-temps, il y a eu l'affaire Alègre qui l'a traumatisé au printemps 2003 : deux prostituées l'ont accusé des pires crimes, les plus abominables : proxénétisme, viol, acte de barbarie, pédophilie voire meurtre. "La Dépêche du midi" (dirigée par un rival régional, Jean-Michel Baylet), "Le Monde" (avec un journaliste d'investigation à moustaches devenu fondateur et star d'un site Internet très couru), et les médias en général ont été abominables avec la rumeur en le chargeant sans vérification, si ce n'est le témoignage assez léger des deux prostituées. Dominique Baudis s'est invité au journal télévisé de 20 heures sur TF1 le 18 mai 2003 pour évoquer l'affaire et démentir toutes les accusations, mais cela a eu l'effet inverse, celui de nourrir la rumeur et même son émotion devenait un signe de culpabilité. La justice l'a blanchi définitivement plusieurs années plus tard, mais cette histoire est restée une blessure très vive. Il a imaginé qu'on l'avait accusé parce qu'il avait combattu la pornographie à la télévision, ce qui dérangeait ce genre de milieu glauque. C'était aussi un moyen de connaître ses véritables amis... Sa veuve s'est exprimée en 2016 à ce sujet en y voyant une guerre entre deux familles (Baylet, centre gauche, et Baudis, centre droit) avec la fin des arrangements qui existaient entre la mairie de Toulouse et "La Dépêche du midi" quand Dominique Baudis est devenu maire avec l'idée de mieux gérer les deniers publics.

    La dernière mission de Dominique Baudis fut à sa hauteur : Nicolas Sarkozy l'a nommé en juin 2011 Défenseur des droits, un nouveau poste prévu par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 et la loi organique du 29 mars 2011. Cette fonction reprenait celle du Médiateur de la République avec beaucoup plus de champs d'action, de responsabilités et surtout de moyens. Il était alors le digne héritier de, notamment, Antoine Pinay, Robert Fabre, Jacques Pelletier et aussi Bernard Stasi, des hommes modérés au contact avec la réalité humaine qui ont joué le rôle de David contre le Goliath de l'administration française. Ses successeurs furent Jacques Toubon en 2014 puis Claire Hédon en 2020, l'actuelle Défenseure des droits.

    Le très bon score des européennes de 1994 aurait pu intégrer Dominique Baudis dans le cercle très restreint des présidentiables français. Il ne voulait sans doute pas s'y astreindre. Dans un livre biographique publié en 2001, Stéphane Baumont précisait : « Pourquoi l’une des figures les plus symboliques de la République de la Province comme de la démocratie d’opinion n’a-t-elle pas plus encore marqué notre histoire contemporaine ? Autant de questions qui reflètent le mystère et l’énigme Baudis : un homme faisant de la politique autrement, charismatique mais atypique, rigoureux mais sensible, homme d’action autant que de réflexion, acteur contemporain autant qu’écrivain. Dominique Baudis, un cas unique dans le paysage politique français… au-delà des partis, loin des idéologies, une forme de conquête du bonheur, un destin inachevé. ». Écrivain, en effet, car, au cours de son existence, il a publié dix livres (principalement historiques).

    Un Prix Dominique Baudis Science Po a été créé au début des années 2020 pour récompenser chaque année « trois courtes productions vidéo non-professionnelles produites à l’aide d’outils du quotidien (téléphone portable, ordinateur personnel, logiciels grand public, etc.) et visant à mettre en valeur un engagement dans les domaines cités ci-dessus (engagement public, défense des droits, rapprochement des peuples, information publique) » avec ces trois critères en particulier : « lien avec les engagements de Dominique Baudis ; caractère impactant de l’engagement mis en valeur (fond) ; angle original dans la présentation et clarté du narratif (forme) ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 avril 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Hommage d'État (16 avril 2014).
    Homme d’État (10 avril 2014).
    Premier Défenseur des Droits (4 juin 2011).
    Ex-jeune loup de la politique française (15 juin 2011).
    La rumeur dans le milieu politique.
    Les Rénovateurs (1).
    Les Rénovateurs (2).
    La famille centriste.
    Dominique Baudis.
    Valérie Hayer.
    François Bayrou.
    Henri Grouès.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Jean-Marie Rausch.
    René Monory.
    René Pleven.
    Simone Veil.
    Bruno Millienne.
    Jean-Louis Bourlanges.
    Jean Faure.
    Joseph Fontanet.
    Marc Sangnier.
    Bernard Stasi.
    Jean-Louis Borloo.
    Sylvie Goulard.
    André Rossinot.
    Laurent Hénart.
    Hervé Morin.
    Olivier Stirn.
    Marielle de Sarnez.

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    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/dominique-baudis-dix-ans-plus-tard-253963

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/10/article-sr-20240410-baudis.html