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débat télévisé

  • Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard

    « Je propose (…) une règle d'or : pas d'augmentation d'impôts pour les Français. C'est clair, c'est dit, je le signe, il n'y aura pas, si les candidats Ensemble pour la République forment une majorité, d'augmentation des impôts des Français. Je rappelle que ces dernières années (…), on a supprimé la taxe d'habitation, compensée aux collectivités locales, supprimé la redevance audiovisuelle que payaient les Français auparavant, vous avez tous les deux voter contre à l'époque, en tout cas, vos partis, aucun de vous ne propose de rétablir ces taxes, ce qui montre que finalement, on ne devait pas avoir totalement tort de les supprimer même si à l'époque, vous vous êtes opposés à cette suppression. On continuera à ne pas augmenter les impôts des Français. » (Gabriel Attal, le 25 juin 2024 sur TF1).



     

     
     


    Probablement que le sommet de la très courte campagne de ces élections législatives anticipées a eu lieu ce mardi 25 juin 2024 dans la soirée sur TF1, avec le débat entre trois ténors des protagonistes : Jordan Bardella (28 ans) pour le RN, Gabriel Attal (35 ans) pour la majorité présidentielle et Manuel Bompard (38 ans) pour la nouvelle farce populaire (NFP).

    La première réflexion que je me suis faite à ce débat, certes anecdotique, c'est que tous les trois portaient une cravate. Si c'était très ordinaire pour les deux premiers, il me semble bien que je n'avais jamais vu Manuel Bompard avec une cravate. Ce n'est pas si anecdotique que cela, en fait, car si le gourou suprême des insoumis est généralement (pas toujours) très bien habillé et cravaté, le groupe des insoumis avait obtenu le 19 juillet 2017 du bureau de l'Assemblée Nationale que le port de la cravate ne soit plus obligatoire. Et même qu'il n'avait jamais été obligatoire.

    Soudain, je me suis dit alors, en forme de cauchemar, même si je ne suis pas contre la cravate a priori : diable, avec le RN au pouvoir, le port de la cravate deviendrait-il obligatoire dans les espaces publics ? Déjà qu'il voudrait imposer le port de l'uniforme aux gosses, une idée assez stupide par ailleurs ne venant pas du RN mais de François Fillon et reprise par Emmanuel Macron et Gabriel Attal lui-même.

    Le RN a bien compris que la cravate était une marque de respect à ses interlocuteurs. Évidemment, non, le port de la cravate n'est pas obligatoire, et ne le sera pas, mais d'un côté, Jordan Bardella a justement suivi à la lettre la consigne que Marine Le Pen avait imposée à ses 88 députés élus en juin 2022 : porter la cravate en guise de respectabilité, et comme Jordan Bardella porte beau, ça le fait, on le croit, l'acteur est conforme au miroir ; d'un d'autre côté, quoi de plus naturel que le Premier Ministre porte la cravate.

    Et Manuel Bompard, alors ? Il suffisait d'attendre quelques minutes pour voir fuser le tweet de Jean-Luc Mélenchon : « Ce soir, Manuel Bompard a démontré une force, un niveau de connaissance et une sensibilité humaine que les autres n'ont pas égalé [sic : en principe, on accord le participe passé, alors soyons vieux jeu, donc égalés]. Ce débat entre futurs Premiers Ministres montre qu'il est mieux qu'au niveau. ». Et là, tout s'éclaire : Jean-Luc Mélenchon va proposer que Manuel Bompard soit le Premier Ministre du NFP ! C'est vrai qu'il a été bon dans ce débat, ne coupant pas la parole, ce qui lui donnait presque des airs sympathiques (ce que je ne doute pas sur le plan personnel).

    Mais il faut aussi regarder derrière lui, qui était présent : que des insoumis, et pas n'importe lesquels, des Louis Boyard etc. Aucun du PS, aucun du PCF, aucun d'EELV. Bref, voici une conception de l'union NFP qui montre bien sa nature : l'hégémonie des insoumis ne serait pas que pesante, mais exclusive. Il n'y en aurait que pour eux. NFP = FI, cette équation est évidente autant qu'en 2022, NUPES = FI. Attention aux électeurs égarés à gauche, qu'ils se rappellent que même non insoumis, un candidat NFP qui gagnerait, ce serait un risque de plus pour que Jean-Luc Mélenchon ou Manuel Bompard soit à Matignon.

     

     
     


    Si derrière Jordan Bardella, il n'y avait que des RN, c'était un peu évident puisque le RN prétend faire la course en tête tout seul, alors que derrière Gabriel Attal, aux côtés de participants de Renaissance, il y avait les autres composantes de la majorité représentées, en particulier le MoDem et Horizons. Cette exclusive représentation des insoumis derrière Manuel Bompard est donc très symptomatique de la manière dont Jean-Luc Mélenchon traite ses alliés-vassaux : comme de la sous-crotte inexistante.

    Je ne reprendrai pas tout le débat (on peut le voir ou revoir à la fin de l'article) mais il est important de prendre quelques mesures proposées par Jordan Bardella, candidat autoproclamé au poste de chef du gouvernement. Depuis quelques semaines, il marche sur des œufs avec cette obsession : être lisse, rester propre sur lui, ne rien faire qui puisse semer le doute tant sur sa capacité à gouverner que sur le caractère positif (et consistant) de son programme.

    Au-delà du fait que ce grand gaillard de 28 ans n'a aucune expérience professionnelle sinon dans les jupes de députés européens FN (collaborateur parlementaire) et des mandats (député européen et conseiller régional d'Île-de-France) qu'il honore peu de sa présence, il a bien du mal à convaincre qu'il serait capable de diriger le gouvernement de la sixième puissance mondiale. Si les Français, même électeurs du RN, travaillaient à la direction des ressources humaines du paquebot France, ils lui diraient : ok, mais d'abord, il va falloir faire tes preuves. Sauf que les Français ne se croient pas dans un vaste espace de recrutement mais dans une sorte de téléréalité où celui qui a les dents les plus blanches l'emporterait sur les autres. Toutefois, tout montre que Jordan Bardella aux-petites-fiches (doctus cum libro, asinus in prato) a de l'appréhension à aller jusqu'au bout.

    Alors, venons-en aux faits et prenons quelques mesures qui sont très claires.

    Par exemple, la retraite. Petite introduction : malgré les nombreuses alternances depuis 1991 (et le livre blanc des retraites à l'époque du Premier Ministre Michel Rocard qui affirmait que les retraites seraient un sujet qui pourrait faire chuter beaucoup de gouvernements dans l'avenir), aucun gouvernement n'est jamais revenu sur les réformes des retraites antérieures tout simplement parce qu'elles étaient nécessaires et leurs prédécesseurs avaient assumé politiquement leur mise en œuvre. Pour les successeurs, c'était "tout-bénef" !

    Que propose Jordan Bardella ? En fait, dans la réalité, la retraite à 66 ans au lieu de la retraite à 64 ans ! Eh oui, il vient de comprendre qu'il y avait deux données au problème : l'âge de la retraite et le nombre d'annuités. Ainsi, voici son raisonnement : « Une progressivité qui va se mettre en œuvre, et qui tournera autour d'un âge pivot de 62 ans et de 42 annuités. Par conséquent, j'ai noté l'exemple que vous avez mentionné, à 24 ans, vous partirez avec 42 années de cotisation, c'est-à-dire, 66 ans ! (…) Quand vous avez commencé à travailler plus tard, il est normal que vous soyez amenés à travailler plus tard. ». À la différence de la retraite actuellement, où l'on peut quand même prendre sa retraite à 64 ans mais avec une pénalité pour le montant dans la pension, avec le RN, c'est devenu impossible. Or, le cas de commencer à travailler à 24 ans est assez ordinaire puisque c'est l'âge classique après des études supérieures. Quant aux carrières longues (commencées à 18 ans), la retraite est déjà à 60 ans dans le dispositif actuel. En clair, Jordan Bardella a inventé l'eau tiède.

    La réaction de Gabriel Attal, tant face à Jordan Bardella qu'à Manuel Bompard qui veut la retraite à 60 ans, c'est de rappeler une évidence : « Notre système de retraite est par répartition, c'est-à-dire que les pensions de nos retraités sont payées par les Français qui travaillent. (…) Vous abaissez l'âge de départ à la retraite, ça veut dire qu'il y aura encore plus de retraités dont il faudra financer la pension et moins de personnes qui travaillent, et donc, ça veut dire qu'il faudra diminuer les pensions de retraite. Et ensuite, c'est les actifs eux-mêmes, ce que vous proposez, c'est une immense usine à décote, et ce que vous proposez, c'est une réforme qui coûte soit 43 milliards d'euros, même si maintenant, j'ai un doute car ce n'est pas clair ce que vous avez dit [adressé à Jordan Bardella] (…), soit une centaine de milliards d'euros pour vous (…) qui nécessairement se financera par une baisse de pension des retraités ou par une augmentation des cotisations des actifs. ». Ainsi, augmentation des cotisations assumée pour le NFP, masquée pour le RN. De plus, Gabriel Attal a pointé les contradictions dans les deux camps : le RN est en alliance avec Éric Ciotti partisan des retraites à 65 ans ! Tandis que le NFP a investi Aurélien Rousseau, ancien Ministre de la Santé qui a mis en place la dernière réforme des retraites du gouvernement, ainsi que François Hollande qui avait déjà mis progressivement en place les 43 ans d'annuités avec la réforme Touraine (et pas 40 ans comme le propose Manuel Bompard).

     

     
     


    Une autre mesure, c'est l'exonération de l'impôt sur le revenu pour les contribuables de moins de 30 ans. Là encore, c'est une mesure très démagogique d'une grave injustice. Indépendamment du fait que Jordan Bardella gagne bien sa vie à moins de 30 ans avec ses indemnités de parlementaire européen et de conseiller régional (ces indemnités sont versées après impôt, donc il n'y a pas grand-chose à dire là-dessus), cela signifierait que des personnes de moins de 30 ans qui gagneraient bien leur vie, des sportifs de haut niveau (comme Kylian Mbappé), des acteurs, des chanteurs, des stars ou même de patrons de start-up (comme l'équivalent d'un créateur de Facebook) seraient exonérés d'impôts alors qu'ils gagneraient des millions ?

    Le programme du RN, c'est des mauvaises réponses aux problèmes des Français. Les mauvais leviers. Ce n'est évidemment pas l'âge qui doit dire si on peut payer des impôts ou pas, mais le niveau des rémunérations, bien sûr. Comme à tout âge.


    Mauvais paramètre, c'est aussi le cas, et je pense que pour le coup, c'est très grave pour la popularité de Jordan Bardella, une sortie de route, c'est son blabla contre les personnes ayant la double nationalité. Il a dit que dans les emplois dits sensibles (à définir), ceux qui ont une double nationalité seraient exclus.


    Comme il ne voulait pas interdire carrément la double nationalité, la proposition qu'il a faite visait donc à évoquer toujours la double nationalité, mais de manière soft, c'est-à-dire sans beaucoup de conséquence. Mais là, c'est carrément stupide. Exemple : si une personne française est d'origine russe, c'est normal qu'elle ait également la nationalité russe. En quoi serait-elle inapte à occuper un emploi dit sensible dans la vie diplomatique voire militaire ?

    C'est toute la conception du RN que de mettre des étiquettes... dès la naissance, car il s'agit bien de cela. C'est une autre manière de dire qu'on est raciste : catégoriser dès la naissance. Pourtant, telle personnalité à la double nationalité franco-russe pourrait être, au contraire, un diplomate essentiel pour imposer à la Russie nos conditions. Ce n'est pas la nationalité ou la binationalité qui fait une personne sûre ou pas sûre dans un emploi sensible. Les critères sont bien plus contraignants, il y a une enquête de moralité, on regarde même du côté des parents, des conjoints, des enfants, pour éviter tout risque de trahison volontaire ou involontaire. Réduire à la binationalité montre une bien piètre idée de la complexité du monde.

    Mais cela montre aussi deux choses essentielles : la division du peuple français. Le RN ne considère pas qu'une personne qui a la binationalité dont française est une personne de nationalité française en tant que telle et dans sa plénitude des droits et devoirs. Pourtant, c'est le cas, il n'y a qu'une seule catégorie de citoyens français, pas plusieurs. Cette séparation du peuple français est très grave, philosophiquement autant que constitutionnellement. De plus, la binationalité est un sujet très sensible chez les Français, au même titre que le choix du prénom à ses enfants (erreur du candidat Éric Zemmour de vouloir régenter le choix des prénoms des citoyens français). En effet, la binationalité n'est pas seulement un fait provenant de personne immigrée (nationalité du pays de provenance et nationalité du pays de destination), mais plus encore le résultat de parents qui n'ont pas la même nationalité. Toucher à la binationalité, c'est simplement vouloir s'occuper de l'intimité des histoires familiales, et tout le monde serait touché, d'une manière ou d'une autre !
     

     
     


    Ces trois mesures professées par Jordan Bardella montrent d'une part une méconnaissance de la société française, de son mode de fonctionnement, de sa complexité, mais aussi d'autre part une incompétence pour s'emparer des vrais enjeux qui nous attendent, en particulier la transition écologique et le plein emploi, et sur ces deux sujets, à l'évidence, le gouvernement actuel de Gabriel Attal prépare mieux l'avenir de la France que les deux autres contradicteurs qui n'ont aucun sens des responsabilités budgétaires.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240625-legislatives.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-10-il-etait-une-255436

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/25/article-sr-20240625-legislatives.html




     

  • Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide

    « Finalement, au terme de deux heures de débat, le vrai visage de Jordan Bardella apparaît. Il est moins lisse, moins souriant qu'au début, et il y a quelque chose de très dur dans le regard qui fait peur. On notera que par trois fois, Benjamin Duhamel interdit à Valérie Hayer de prendre la parole. » (Thierry de Cabarrus, journaliste).



     

     
     


    Décidément, la campagne des élections européennes peine à démarrer sérieusement. À un mois du scrutin, la chaîne BFMTV a organisé ce jeudi 2 mai 2024 un débat contradictoire entre les deux principales têtes de liste, Jordan Bardella pour le RN et Valérie Hayer pour la majorité présidentielle.

    Pendant 2 heures 20, cette prestation va certainement peu influencer les éventuels électeurs hésitants (les convaincus ne sont pas à convaincre), tant elle était médiocre : l'animateur, Benjamin Duhamel, particulièrement mauvais pour ce genre d'émission (il aura encore beaucoup de travail à fournir pour atteindre les performances de son oncle Alain Duhamel), la tête de liste de l'extrême droite, dite "Coquille vide" par ses détracteurs, ceux qui ne le comprenaient l'ont compris en regardant ce débat tant ses propos étaient hors sol, sans proposition, une vacuité complète faite d'amnésie, de contradictions et surtout, de démagogie et de mensonges, et la tête de liste Renaissance, qui n'a pas démérité sur le fond, qui a montré qu'elle travaillait et qu'elle connaissait les dossiers, mais qui manquait de combativité contre son contradicteur (surtout au début).

    Le RN a adopté une stratégie du robot beau-gendre qui n'a rien dans la cervelle et qui absorbe toutes les pensées politiques du moment. Évidemment, cela provoque parfois de grandes contradictions, puisqu'on ne sait plus si le RN veut rester dans l'Europe ou en sortir, veut sortir de la zone euro ou y rester, ou même veut du Frontex ou pas. Les rares propositions formulées par ce parti attrape-tout (c'est le principe du populisme) concernent des dispositifs déjà adoptés en mieux depuis plusieurs années !

     

     
     


    Au cours de cette confrontation télévisuelle, Jordan Bardella a montré une véritable arrogance, issue évidemment des sondages d'intentions de vote qui lui sont très favorables aujourd'hui, coupant sans arrêt la parole à son interlocutrice, de manière inélégante et peu galante, de façon systématique, discourtoise, impolie, et franchement comme un voyou de banlieue, qui se la pète en roulant les mécaniques mais incapable d'aligner trois phrases intéressantes ou même cohérentes. On a vu à quel point la stratégie de l'incompétence marche mal dans une France qui reste encore (heureusement) intellectuelle. Son petit rictus en guise de pirouette de diversion trompe assez peu le téléspectateur sinon l'électeur. Le comble de l'impolitesse a été de boire devant son adversaire, en ne l'écoutant pas. L'extrême droite n'a jamais respecté "les autres". On a pu le voir dans ce débat, car le naturel revient toujours au galop.
     

     
     


    De son côté, Valérie Hayer a péché par l'inverse. Elle, courageuse (Jordan Bardella l'a même reconnu), n'a pas lésiné sur ses propositions, sur son bilan, sur ses actions pour améliorer la situation de la France et de l'Europe. D'un coup le trop vide (Coquille vide), de l'autre, presque le trop plein. Toutefois, Valérie Hayer a manqué de pugnacité, refusant de couper la parole même quand son adversaire disait n'importe quoi voire mentait (comme sa liste qui serait financée par des groupes américains, ce qui est complètement faux, alors que le RN a effectivement reçu des fonds russes), elle était beaucoup trop sage face au n'importe-quoiïsme de son contradicteur.

    Il faut rappeler que les deux ont été élus députés européens il y a cinq ans. Jordan Bardella n'a rien fait de son mandat européen sinon encaisser ses indemnités, car c'est là le paradoxe, le RN comme ses partenaires anti-européens, ont profité de beaucoup d'argent européen (et même d'un peu trop si on en croit la justice et le procès qui aura lieu en septembre 2024). Dans le classement des députés européens, le président du RN fait partie des cancres qui n'ont jamais rien fait de leur mandat. Valérie Hayer, elle, a travaillé concrètement, c'est même l'une des rares députés européens qui connaissent bien le budget de l'Union Européenne et la politique agricole commune pour les avoir négociés avec d'autres groupes politiques. Elle préside le troisième groupe du Parlement Européen et a un poids européen incontestable, permettant d'influencer la politique européenne depuis cinq ans. Il suffit de comparer les antisèches multiples du cancre Bardella sur son pupitre et leur absence pour Valérie Hayer qui n'en a pas besoin car elle connaît excellemment ses sujets. Ça ne sert rien d'être bon en communication si c'est pour ne penser à rien.
     

     
     


    D'ailleurs, les internautes ont posé "la" bonne question à Jordan Bardella : « Le RN a gagné les deux dernières élections européennes de 2014 et 2019. Qu'a apporté au niveau européen le RN avec ces victoires ? ». Question piège et très pertinente ! J'aurais ajouté aussi au niveau français. Bref, à quoi ça sert de voter RN aux européennes (on pourrait remonter jusqu'à 1984 d'ailleurs) à part de financer le RN ? Eh bien à rien ! D'ailleurs, l'absence de réponse de Jordan Bardella le confirme. Si on veut que l'Europe bouge, ce n'est certainement pas en votant pour le RN qu'elle bougera. La preuve dans ce débat : voter RN, c'est paradoxalement choisir le statu quo.
     

     
     


    En revanche, le bilan de l'action de Renaissance, grâce en particulier au leadership du Président français Emmanuel Macron, de plus en plus écouté à l'étranger, est très flatteur. Ainsi, les accords de libre-échange sont approuvés ou rejetés par le groupe Renew (Renaissance) selon qu'ils sont bons ou mauvais tant pour la France que pour l'Europe. Pas de dogmatisme, donc, mais le soucis pointilleux de l'intérêt général. Le CETA est un bon traité qui a permis aux agriculteurs de profiter du commerce international tout en gardant les standards européens tant sociaux qu'écologiques. Alors que le projet d'accord avec le Mercosur a été stoppé car il ne permettait pas à l'Europe de garder ses standards.

    Valérie Hayer s'est inquiétée à juste titre des alliés européens du RN. Elle a montré une photographie d'une réunion de l'internationale de l'extrême droite européenne (à Florence à la fin de l'année 2023) qui est particulièrement affligeante, en ce sens que ses alliés ont fait des déclarations publiques racistes, suprémacistes, antisémites, homophobes, contre le droit à l'IVG, contre l'égalité de la femme et de l'homme, etc. Comme si les leçons de l'histoire récente ont été jetées à la poubelle. À l'heure où l'extrême droite italienne n'a plus de scrupule à faire le salut fasciste ouvertement en public lors d'un défilé à Milan, la réponse de Jordan Bardella n'était pas à la hauteur. Dans le discours, il laisse croire qu'il s'est dédiabolisé, dans la réalité politique des alliances européennes, le RN est bien le parti fondé par pépé Jean-Marie Le Pen avec ses inconvenances morales récurrentes. Sa réponse ? Juste laisser croire qu'il se laisse photographier avec n'importe qui, ce qui est une excuse très immature pour un prétendu leader politique national, qui ne trompe personne sinon ses électeurs déjà convaincus.

     

     
     


    Jordan Bardella a proposé une double frontière, garder la libre circulation des personnes dans l'Espace de Schengen uniquement pour les citoyens européens et le contrôle aux frontières pour les extra-européens. Valérie Hayer a bien tenté de dire que cette proposition était stupide, mais elle ne l'a pas affirmé assez fort. Car évidemment, ce n'est pas marqué sur la figure qu'on est Européen ou pas Européen. Donc, concrètement, c'est le rétablissement complet des contrôles à toutes les frontières, y compris terrestres, ce qui, outre l'aspect économique (très coûteux en fonctionnaires supplémentaires mais aussi pour l'activité économique, vu le nombre de camions qui traversent les frontières et les files d'attente qu'il y aura pour les contrôles d'identité), c'est le principe même de mesure stupide qui, en plus, ne changera rien pour l'immigration illégale.

    En laissant croire que la métropole française deviendrait à terme comme la situation à Mayotte, alors que c'est un cas géographique très spécifique, le président du RN montre qu'il continue toujours de véhiculer cette thèse extrémiste du grand remplacement qui n'existe que dans les fantasmes de l'extrême droite. Il y a une proportion d'étrangers sur le territoire national à peine supérieur à il y a un siècle, et si certaines personnes proviennent d'une culture différente avec une plus forte natalité, la réalité est que lorsqu'elles adoptent le mode de vie français, cette natalité s'effondre.
     

     
     


    Avec le Pacte immigration, qu'elle a négocié et voté (et que le RN a rejeté), Valérie Hayer a certainement fait plus pour limiter l'immigration en France que le RN. En effet, ce pacte impose aux États membres une quote-part proportionnelle à leur population de l'accueil des demandeurs d'asile venus en Europe. Ainsi, en refusant d'obliger les autres pays à prendre leur part migratoire, les députés européens du RN renforcent le risque que la France accueille plus de demandeurs d'asile. Le RN ne veut aucun demandeur d'asile, c'est se moquer du sort des femmes afghanes ou iraniennes persécutées par les islamistes au pouvoir. Il est d'ailleurs significatif que ceux ont des discours ouvertement anti-islam sont les plus tolérants avec les régimes islamistes lorsqu'ils essaient de faire des analyses vaguement géopolitiques.

    Comme avec tous les sujets (notamment économiques), le RN est très hors sol par rapport aux réalités concrètes : Jordan Bardella veut imposer l'étude des dossiers des demandeurs d'asile dans leurs propres pays et pas en France ou en Europe. Là encore, c'est particulièrement stupide de proposer cela. D'une part, parce que les demandeurs d'asile, généralement, fuient leur pays à cause de la répression et ne peuvent attendre la réponse du consulat. D'autre part, cela n'empêchera nullement des désespérés de franchir la Méditerranée à leur grand péril et à atteindre les côtes européennes sans qu'on leur en donne l'autorisation. Et dans ce cas, qu'est-ce qu'on fait ? Le Pacte immigration permet justement d'y apporter une réponse plus juste et plus ferme que le statu quo. Du reste, Valérie Hayer a bien fait de rappeler que le RN était désormais responsable de la politique migratoire de la France puisque le groupe RN a voté pour la loi Immigration le 19 décembre 2023 (parfois, il faut savoir assumer ses coups politiques !).

     

     
     


    Je n'ai bien sûr pas évoqué ici tous les sujets, en particulier les 750 milliards d'euros de l'Europe dont on a bénéficié pour la relance après la crise du covid-19. Le bilan de ce débat est que Jordan Bardella a intérêt à fuir les débats, comme il l'avait fait depuis deux mois. La journaliste Anna Cabana a donné son verdict : « C'est la naissance d'un personnage que personne ne connaissait. Valérie Hayer a quelque chose dans le ventre. ». Beaucoup de journalistes sont d'accord avec cette appréciation car beaucoup pensaient que la tête de liste Renaissance allait se faire hachée menue par le président du RN. Il n'en a rien été. Elle a bien résisté !

    Même si c'était dur pour elle au début du débat et même s'il lui manquait un peu de pugnacité, Valérie Hayer n'a pas manqué de sagesse ni de courage quand elle a conclu avec audace en se disant d'accord avec son adversaire : « Jordan Bardella, vous aviez déclaré être à la politique ce que Didier Raoult était à la médecine. Je dois dire que pour une fois, je suis entièrement d'accord avec vous ! ». Il est temps de rétablir la vérité face aux mensonges des populistes.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
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    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240502-debat-hayer-bardella.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/debat-valerie-hayer-vs-jordan-254484

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/03/article-sr-20240502-debat-hayer-bardella.html