En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
« Je ne serai pas candidat en 2027. Je ne me présenterai pas en 2027, ni en 2032, ni en 2037, ni en 2042. » (Cyril Hanouna, le 29 avril 2025 sur Europe 1).
Tout est possible pour 2047, alors ? Après tout, l'animateur bouffon n'aura que 72 ans, moins que François Bayrou aujourd'hui. Mais Cyril Hanouna a ajouté : « Je suis inquiet pour la France, mais je le dis aux auditeurs, ma seule priorité dans les mois, les années et les siècles à venir, c'est d'essayer de vous faire rire, que ce soit l'après-midi ou le soir à la télévision. ».
Voilà, c'est dit, Cyril Hanouna ne sera jamais candidat à l'élection présidentielle, tandis que les sondages pouvaient lui accorder jusqu'à 10% d'intentions de vote. Cyril Hanouna en 2027, dans la grande tradition de Pierre Dac en 1965, Coluche en 1981, Yves Montand en 1988, Bernard Tapie (qui a désormais sa statue à Marseille) en 1995...
Mais alors, pourquoi la revue d'extrême droite "Valeurs actuelles" a-t-elle consacré sa une du 30 avril 2025 à une possible candidature présidentielle de Cyril Hanouna ? Tout simplement parce qu'elle a été la victime d'un canular. Du reste, en parler est l'objectif final du médiatique présentateur de talk show. L'information, en elle-même peu crédible, avait été crédibilisée par l'annonce au début du mois de février 2025 sur une possible tentation présidentielle.
Le programme présenté par "Valeurs actuelles" était dément, en gros, deux tiers lepéniste, un tiers mélenchoniste et une nette coloration trumpiste. Ce que l'hebdomadaire a expliqué, c'est qu'une fois élu, Cyril Hanouna ne se rémunérerait pas comme Président de la République (15 000 euros par mois économisés, sur les 3 100 milliards d'euros de la dette publique !). Il pourrait bien se le permettre puisque, selon "L'Informé" du 12 décembre 2022, l'animateur producteur posséderait une fortune évaluée à environ 85 millions d'euros.
Son programme fait partie du rêve de réenchantement : le SMIC relevé à 2 200-2 300 euros par mois, la réduction drastique des charges des PME, la suppression de la TVA pour les produits de première nécessité. Et même une TVA qui serait variable, selon le salaire du consommateur (imaginons l'usine à gaz et l'intrusion dans la vie privée d'une telle mesure !).
Pour financer ces énooormes dépenses, la sécurité sociale ne serait accessible qu'aux seuls usagers percevant un salaire inférieur à 2 500 euros par mois (ce qui signifie que beaucoup de monde ne serait plus couvert par une assurance maladie, et tant pis pour eux s'ils ont un cancer dont même la fortune de Cyril Hanouna ne pourrait financer le traitement complet).
Et puis, toujours cette tarte à la crème, comme l'a résumé un article du journal "Le Figaro" du 29 avril 2025 : « La lutte contre la fraude sociale, fausse carte vitale, abus de l'aide médicale d'État..., serait intensifiée pour redresser les comptes publics. ». C'est la tarte à la crème car toutes les fraudes connues sont sévèrement sanctionnées et les non connues, on ne les connaît pas par définition et on ne peut donc pas les sanctionner, quel que soit le locataire de l'Élysée. Bref, que ce soient les fraudes sociales (argument de droite populiste) ou que ce soient les fraudes fiscales (argument de gauche populiste), l'État fait déjà beaucoup et intensifiera son contrôle dans l'avenir grâce à l'intelligence artificielle, à l'accès à des données personnes sur les réseaux sociaux, etc., et récupère autant qu'il peut l'argent fraudé.
C'est donc une arnaque de programme électoral, une paresse intellectuelle et un grand manque d'imagination de mettre la lutte contre la fraude pour faire la différence budgétaire avec toutes les mesures coûteuses et dépensières d'un candidat. Rappelons que grâce au prélèvement à la source, le taux de recouvrement de l'impôt était de 98,5% en 2020 !
Par ailleurs, selon "Valeurs actuelles", Cyril Hanouna voudrait réduire à zéro l'immigration, lèverait l'excuse de minorité pour la responsabilité pénale des mineurs, et reprendrait stupide l'idée de Laurent Wauquiez d'un Guantanamo à la française qui serait un quartier de haute sécurité où seraient incarcérés les cent criminels "les plus dangereux de la société" (à définir ?).
En bon antiparlementaire primaire (les politiques, tous pourris !), le Président Hanouna réduirait de 30% le nombre de députés, réduirait leurs indemnités (ce qui donnerait un avantage aux élus fortunés), et supprimerait tous les ministères sauf Matignon et Bercy (les ministres, des inutiles !). Et en bon populiste, l'animateur proposerait des référendums sur toute sorte de sujet, y compris la révocation des élus.
Bref, on le voit bien, "Valeurs actuelles" a bu comme du petit lait de gilets jaunes le programme supposé d'un Cyril Hanouna très heureux, tel un coq, qu'on parlât de lui. Mais le problème, c'est que sa candidature éventuelle en 2027 ferait un peu l'effet de celle de l'ancien éditorialiste télévisuel Éric Zemmour en 2022 : elle prendrait des voix principalement au candidat du RN, Marine Le Pen ou son remplaçant Jordan Bardella, qui seraient tous les deux en tête des intentions de vote en cas d'élection présidentielle aujourd'hui. C'est pourquoi le président du RN, adepte aussi de la méthode Coué, assurait comme un mantra qu'il ne croyait pas du tout à cette candidature. Pour une fois, il avait raison.
Après tout, Coluche aussi voyait sa candidature canular créditée de 10% à 15% d'intentions de vote en 1981, et il a vite stoppé la démarche quand il commençait à mettre sérieusement en difficulté la candidature de François Mitterrand.
Les rumeurs sur l'existence d'une liaison affective entre Cyril Hanouna et Tiphaine Auzière, la belle-fille très sage du Président Emmanuel Macron, répandues en mars 2025 et démenties par l'intéressé le 3 avril 2025 sur Europe 1, seraient-elles fondées, ce qui ferait comprendre l'intérêt de son éventuelle candidature à l'élection présidentielle, celui de disperser les voix des populistes ? Complot ? Canular, on vous dit !
« Un homme (…), qui voit toute sa vie à demeurer l'exact contemporain de son époque. Jean-Pierre Elkabbach voulait en être. En être de son époque, pleinement. En être des vedettes, des gens qui comptent, des princes du temps. En être, surtout, de l'histoire qui s'écrit et se raconte, se transmet et demeure. » (Emmanuel Macron, le 9 octobre 2023 à Paris).
Et il s'est tu. À la suite d'un accident et d'une maladie. Le journaliste Jean-Pierre Elkabbach est mort il y a un an, le 3 octobre 2023 à l'âge de 86 ans. Il représente pour beaucoup la compétence du journaliste, mais aussi sa trop grande proximité avec le pouvoir, quel que soit le pouvoir.
Jean-Pierre Elkabbach était un excellent journaliste dans le genre intervieweur, celui qui accouche les esprits, celui va chercher jusqu'à des personnalités improbables, peu connues du grand public mais qui ont beaucoup de choses intéressantes à raconter, en politique mais aussi en culture, en science, etc., et il était aussi un patron de presse très gourmand, voire un peu trop ! Sa notoriété, elle lui est venue d'avoir présenté le journal télévisé de la première chaîne de 1970 à 1972 puis de la seconde chaîne de 1972 à 1974, ce qui assurait une rapide célébrité, mais, au contraire de Christine Ockrent, Jean-Pierre Pernaut, Patrick Poivre d'Arvor, Yves Mourousi, Claire Chazal et quelques autres, ce n'était pas le cœur de ses passions audiovisuelles.
Patron de presse : il a été (entre autres) président de France Télévisions de 1993 à 1996, puis président de Public Sénat de 1999 à 2009 et président d'Europe 1 de 2005 à 2008. Intervieweur de talent : (entre autres) avec l'émission "Carte sur table" aux côtés du brillant politologue Alain Duhamel sur Antenne 2 de 1977 à 1981 (d'où est née l'expression "Taisez-vous Elkabbach !" que n'aurait pas hurlé directement Georges Marchais, mais simplement son génial imitateur Thierry Le Luron), l'émission "Découvertes" sur Europe 1 de 1981 à 1987 (une émission quotidienne de 18h à 19h, assez longue pour comprendre en profondeur le message de son invité), la matinale d'Europe 1 de 1997 à 2017 ainsi que l'excellente émission culturelle "Bibliothèque Médicis" sur Public Sénat de 1999 à 2018.
Il a par ailleurs été la "vedette" de trois événements audiovisuels : c'est lui, aux côtés d'Étienne Mougeotte, qui a annoncé à la France entière la victoire de François Mitterrand le 10 mai 1981 à 20 heures sur Antenne 2, une séquence de télévision qui a été très fréquemment reprise pour évoquer la victoire socialiste, avec sa disgrâce audiovisuelle, Jean-Pierre Elkabbach ayant été trop associé au septennat de Valéry Giscard d'Estaing ; ce qui ne l'a pas empêché de devenir un confident très particulier du successeur, François Mitterrand qui lui a accordé l'émission sans doute la plus importante de sa carrière, une interview à l'Élysée le 12 septembre 1994 sur France 2 pour évoquer son passé pendant la guerre, ses amitiés troublantes et sa fille Mazarine ; enfin, il a été beaucoup critiqué dans son mode de gestion sur France Télévisions, permettant à des producteurs-animateurs de s'enrichir énormément avec de l'argent public, ce qui l'a conduit à démissionner.
Tout cela, le Président de la République, dans un hommage prononcé le 9 octobre 2023 dans les locaux même France Télévisions à Paris, l'a rappelé. Emmanuel Macron s'est souvenu de cette émission mémorable du 12 septembre 1994 avec son lointain prédécesseur socialiste : « Ainsi, les téléspectateurs virent deux hommes, deux vies françaises, deux rapports au pouvoir et au destin. Un Président frappé par la maladie, défendant son parcours à travers une époque de clair-obscur. Un journaliste se hissant à la hauteur du moment, implacable et subtil, intraitable et concentré. Ce moment dit tout du journaliste qu’était Jean-Pierre Elkabbach. Un journaliste qui voulait porter la plume, le Nagra, la caméra dans les plaies de l'époque. Un homme de presse avec ce que son métier, selon lui, supposait de proximité, de chaleur, de voisinage, avec les grands de France et du monde. Un patron qui avait le génie de fomenter, d'obtenir, d'organiser des coups naturellement, spontanément, instinctivement. ».
Le chef de l'État a aussi rappelé son professionnalisme : « Jean-Pierre Elkabbach, à force de vouloir écrire l'Histoire, s'y brûla parfois. Sa participation au mai 68 de l'ORTF lui valut d'un court bannissement, mais parce qu'il exigeait, selon ses propres mots "du rythme et des idées", qu'il travaillait jour et nuit, obsédé et possédé par son métier, Jean-Pierre Elkabbach revint et reprit sa marche vers les sommets. ».
Pour montrer sa puissance d'innovation, Emmanuel Macron a cité son émission "Actuel 2" sur Antenne 2 en 1974 : « Le titre était un hommage à Albert Camus. Il était aussi comme sa devise personnelle, demeurer actuel. Dans cette émission profondément novatrice, on put voir alors ce qu’on ne voyait pas ailleurs : Brigitte Bardot interrogée par Nathalie Sarraute sur son manque de solidarité avec la cause des femmes. Jean-Edern Hallier, chroniqueur social des luttes de Lip face à François Mitterrand. René Dumont défendant un mot alors presqu’inconnu, celui d’écologie. Ou Delphine Seyrig racontant le procès de Bobigny. ».
Et d'ajouter : « Toujours, le journaliste voulait être de son temps. Cela supposait de bousculer, comme de faire émerger les talents, tels Gérard Holtz, Hervé Claude, Claude Sérillon, Nicole Cornu-Langlois, Noël Mamère, Daniel Bilalian, Patrick Poivre d'Arvor, et tant d’autres, d’inventer la rubrique Météo avec Alain Gillot-Pétré. Il fallait être toujours sur la brèche, transgressif et travailleur. ».
Marqué aussi par l'émission "Découvertes" sur Europe 1 : « Avec Philippe Gildas, le directeur d’antenne, avec Béatrice Schönberg, tous les après-midis, Jean-Pierre Elkabbach se remit à faire ce qu’il savait faire de mieux : capturer l’esprit du temps, lire la modernité artistique, sociale, culturelle, sociologique et en déduire des émissions. La sienne s’appelait logiquement "Découvertes" et naviguait de Raymond Aron à Thierry Le Luron, des spectacles parisiens aux reportages en région. ».
Emmanuel Macron insista sur le talent d'intervieweur dont il fut l'une des victimes : « Ce serait une litote de dire que Jean-Pierre Elkabbach était un intervieweur redoutable, sans doute l'un des plus travailleurs, des plus rusés, le plus théâtral, le plus aguerri. Combien s'y sont fait prendre ? "Celui-là, la prochaine fois qu'il reviendra me voir, il aura appris la messe par cœur" concluait le journaliste après avoir terrassé un impétrant. N’hésitant pas à voler les invités à la concurrence, il cherchait à repérer les visages de demain en même temps que les valeurs du moment. Beaucoup, j’en suis, y accomplirent une sorte de baptême du feu. Les interviews de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1, puis brièvement sur CNews, entrèrent dans la légende, entrèrent même dans la liturgie de notre République. Il y avait les mardis et les mercredis, les questions au gouvernement et tous les matins, les questions de Jean-Pierre Elkabbach. Ses interviews se jouaient cartes sur table, opéraient toujours de vraies découvertes, ambitionnaient d'être actuelles, comme un résumé de toute sa carrière. ».
Paradoxalement, l'homme de cultures et de lectures qu'était Jean-Pierre Elkabbach n'a pas laissé beaucoup d'écrits. Il était un homme de l'audiovisuel, avec sa voix agréable et reconnaissable parmi toutes, mais pas une plume très prolifique. S'il a publié quatre ouvrages, il n'en a véritablement sorti qu'un seul exposant sa vie, un an avant sa mort, le 27 octobre 2022, son autobiographie (avec l'aide de Martin Veber), "Les Rives de la mémoire" dont les premiers mots évoquent son origine : « Je suis un enfant de la Méditerranée, de son soleil, de ses rivages arides, de la mer. J'ai quitté Oran, la ville où je suis né, à l'aube de ma vie d'adulte. C'était le début de la guerre d'indépendance. L'Algérie que je laissais derrière moi était devenue un pays de violence et de mort. Je suis parti sans regret. Pendant toute mon adolescence, je ne pensais qu'à cela : fuir Oran, cette ville sans horizon, rejoindre la France et surtout Paris, où tout me semblait possible. ».
Le professionnalisme de Jean-Pierre Elkabbach a transpiré pendant toute sa carrière, et il y a mille et un exemples. J'en prends un car il est très intéressant. Depuis qu'il fait de la politique, Laurent Fabius n'est pas vraiment ma tasse de thé. Je n'ai jamais apprécié sa condescendance et son esprit partisan. Néanmoins, j'étais très étonné qu'on lui reprochât d'avoir été mêlé au scandale du sang contaminé car j'avais le souvenir, au contraire, qu'il avait, en tant que Premier Ministre, eu le courage d'anticiper les risques avec le sida. Je suis donc très heureux de lire dans l'autobiographie de Jean-Pierre Elkabbach le même genre de réflexion.
Il a eu de très mauvaises relations avec Laurent Fabius dont il a pourtant été le premier intervieweur en 1975 sur France Inter (invité avec Jacques Attali pour promouvoir son premier livre). En effet, pendant la campagne présidentielle de 1981, Laurent Fabius, directeur de campagne de François Mitterrand, ne voulait pas que Jean-Pierre Elkabbach invitât Michel Rocard à la télévision. Il lui a téléphoné ainsi : « Il en est hors de question. Je suis le directeur de campagne, je ne veux pas de lui à l'antenne. ». Réponse immédiate : « Oui, mais le directeur de l'information, c'est moi, et c'est ma décision. ». Réplique et menace à peine voilée : « Si nous gagnons, vous allez voir ce que nous ferons des gens comme vous ! ». Mais il ne s'est pas laissé intimider : « Écoutez, faites ce que vous voulez. Ce soir, moi, je vous emm@rde ! ». Cela donne une idée du caractère bien trempé.
Évidemment, la gauche est arrivée au pouvoir et les relations entre Jean-Pierre Elkabbach et Laurent Fabius furent exécrables. Jusqu'à l'affaire du sang contaminé : « Pendant des années, il me poursuivit de sa rancune. Nos relations s'apaisèrent dans la tourmente de l'affaire du sang contaminé. Partout, on entendait que Fabius n'avait rien vu et avait failli. Or j'avais suivi les débats et je fis remarquer lors d'une émission qu'on lui faisait subir un mauvais procès. En effet, l'ancien Premier Ministre avait été le premier haut responsable à réagir aux alertes. Dès le 19 juin 1985, il avait prononcé devant une Assemblée Nationale indifférente le dépistage obligatoire des donneurs de sang afin d'éviter les contaminations lors des transfusions. Mon intervention n'était que justice et simple rappel des faits. Je n'aimais pas l'acharnement dont il était l'objet. Il m'appela pour me remercier et nous nous revîmes. J'étais l'un des rares à avoir publiquement pris sa défense. ».
Et de commenter sa relation jusqu'à sa mort : « Par la suite, nos rencontres furent empreintes d'une amabilité courtoise dont ni l'un ni l'autre n'était dupe. Aujourd'hui, la Présidence du Conseil Constitutionnel lui va bien. Il applique avec les huit sages la même méthode qu'avec moi : distance et parole rare. ». Un exemple : « Quand je le conviais aux matins d'Europe 1, il répondait avec parcimonie à mes invitations, mais il venait. Généralement, après l'entretien, les journalistes de la rédaction se pressaient autour de l'invité pour poursuivre les échanges plus librement, en quête de révélations. Leurs coqueluches étaient Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron, Bernard Arnault, François Hollande et Arnaud Montebourg. Laurent Fabius, lui, faisait salle vide, victime de sa condescendance. ». Le journaliste conclut sur sa rancœur de ne pas avoir pu être Président de la République, dépassé par Michel Rocard, Lionel Jospin, Dominique Strauss-Kahn, François Hollande... : « Un Président de la République vit la solitude du pouvoir. Laurent Fabius est un solitaire sans pouvoir. ».
Dans ce livre, qui rapporte une soixantaine d'années de carrière de journaliste politique, Jean-Pierre Elkabbach a bien sûr brossé bien des portraits de responsables politiques, dans sa franchise crûe de son point de vue.
Jean-Pierre Elkabbach a fait aussi état de l'une de ses dernières conversations avec Emmanuel Macron qui l'avait invité à un déjeuner en tête-à-tête en septembre 2022. Question de l'intervieweur professionnel sur l'accomplissement majeur du second quinquennat : « Cela se révélera après, comme dans un tableau impressionniste. Sur le moment, on ne perçoit que des taches de lumières et c'est en prenant du recul que l'image apparaît dans sa force et sa clarté. Je veux réformer pour assurer notre indépendance nationale. Notre victoire serait que nos enfants puissent encore choisir leur destinée. ».
Et le journaliste a compris la grande frayeur du Président : « En 2027, Emmanuel Macron devra passer la main. Par-dessus tout, il redoute de transmettre sa charge à Marine Le Pen et à l'extrême droite, qui croient leur heure arrivée. Pour l'éviter, il lui faut réussir son second quinquennat. Ensuite, rien ne l'empêchera de poursuivre son engagement politique et d'incarner l'Europe. Ce n'est pas à lui de régler sa succession, mais il doit promouvoir la génération qui a émergé grâce à lui, Élisabeth Borne, Julien Denormandie, Gabriel Attal, Sébastien Lecornu et surtout Jean Castex, qui quitta Matignon populaire, malgré la crise du covid. Il est l'un des rares à ne pas penser encore au rôle qu'il pourrait tenir en 2027. Avec sa simplicité, sa liberté, il est proche des Français et sait trouver les mots. Pourquoi me fait-il penser à Georges Pompidou à ses débuts ? Si aucune figure du "nouveau monde" ne se détache, le macronisme restera une parenthèse, refermée dès le départ de l'Élysée de son inspirateur, il est le premier à le savoir. La lutte pour le pouvoir, son exercice, les alliances qui se nouent et se dénouent, les opportunités que l'on saisit, les reniements, les ruptures laissent peu de place aux sentiments. La vie politique est impitoyable et requiert un sens aigu de la dissimulation. ».
Dans cette réflexion, comme figures du macronisme, Jean-Pierre Elkabbach a toutefois oublié Édouard Philippe, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire (il en a parlé un peu avant : « Il s'est révélé être un des piliers des deux quinquennats, utile pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine. Toutes les grandes décisions, il les discute directement avec le chef de l'État. Pourquoi, pense-t-il, ne pourrait-il pas lui succéder à l'Élysée ? »). En revanche, il avait bien vu pour Gabriel Attal dont il n'a pas su qu'il allait être nommé à Matignon.
Son livre se referme sur ces phrases : « Ma soif de connaissance, d'exploration, ne procède pas du journalisme. Elle était là dès l'enfance et c'est elle qui m'a conduit à mon métier. Pendant longtemps, elle s'est confondue avec lui. Désormais, peu à peu, elle s'en détache et reprend sa liberté. Elle oriente le cours de mes jours, nourrit de nouveaux projets et me mène vers de nouvelles causes. Tout bien réfléchi, ai-je tant changé ? Je n'ai pas guéri de ma curiosité. ». Point final.