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  • Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier

    « La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale : 3 228 milliards d’euros. Si l’on n’y prend garde, elle placera notre pays au bord du précipice. Cette année, notre déficit public, celui de toutes les collectivités publiques, devrait dépasser 6% de notre richesse nationale. En 2025, si rien n’est fait, il sera plus élevé encore. Pourquoi est-ce grave ? Pas seulement (…) parce que cette situation nous affaiblit autour de nous en Europe. Mais d’abord parce que la charge de cette dette, 51 milliards d’euros, est aujourd’hui le deuxième poste de dépenses de l’État, derrière l’école. Est-il acceptable que nous dépensions plus pour payer des intérêts à d’autres, que pour notre défense et notre recherche ? Ma réponse (…) est non. Face à nos défis qui sont immenses, nous n’avons pas le choix. Notre responsabilité, c’est d’alléger le fardeau et de retrouver des marges de manœuvre budgétaires. Aussi notre volonté est de ramener le déficit de notre pays à 5% en 2025. Notre objectif est de remettre notre pays sur la bonne trajectoire pour revenir sous le plafond de 3% en 2029, dans le respect de nos engagements européens. Comment faire ? Ne nous racontons pas d’histoires, je ne raconterai pas d’histoires. (…) Le premier remède contre la dette, c’est la réduction des dépenses. En 2025, les deux tiers de l’effort de redressement viendront donc de la réduction des dépenses. Réduire les dépenses, c’est renoncer à l’argent magique, à l’illusion du tout gratuit, à la tentation de tout subventionner. » (Michel Barnier, le 1er octobre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Cette semaine, le Premier Ministre Michel Barnier présentera au conseil des ministres le projet de loi de finances (PLF) pour l'année 2025. Tant qu'il n'est pas officiellement présenté, tout reste possible, ce qui explique les postures médiatiques des uns et des autres avant cette rapide échéance.

    Les grandes orientations de la politique budgétaire ont toutefois été déjà adressées le 2 octobre 2024 au Haut Conseil des finances publiques. Selon les prévisions du futur projet de loi de finances qui sera présenté le 10 octobre 2024, les dépenses prévues en 2025 seront de 1 700 milliards d'euros, soit 56,3% du PIB (contre 56,8% en 2024), et les recettes attendues en 2025 seront de 1 560 milliards d'euros.


    Qu'on le veuille ou pas, l'État dépense plus qu'il ne gagne depuis une cinquantaine d'années. Le problème, c'est que les déficits s'accumulent et chaque année, la dette s'accroît. Elle représente plus que la production de richesse du pays pendant une année. Autant dire que si l'État était monsieur Toutlemonde, il serait déjà interdit bancaire, interdit de gérer, interdit de quoi que ce soit.

    Il y a plusieurs causes à faire un déficit sur une année. Il y a d'abord les crises, et cela a commencé avec le premier et surtout le second chocs pétroliers dans les années 1970. Mais les crises (
    Emmanuel Macron en a eu beaucoup depuis 2017, et Nicolas Sarkozy en a eu deux), c'est a priori temporaire. Des dépenses exceptionnelles en cas de crise (toute collectivité qui gère bien prévoit un poste imprévus dans son budget, mais l'État est déjà tellement déficitaire que rajouter un poste Imprévus serait faire de la dette supplémentaire inutilement).

    Il y a aussi les investissements d'avenir, des investissements massifs de production, d'innovation pour faire l'industrie de demain, l'économie du futur. Là encore, il n'y a pas de honte à s'endetter pour l'avenir : c'est le principe, chez monsieur et madame Toutlemonde, du prêt immobilier. À la fin, on a un actif et plus aucune dette (qu'on rembourse). Attention toutefois au type d'emprunt, car pour l'État, c'est l'équivalent du prix relais : on ne paie jamais la dette mais les intérêts de la dette (qui commencent à devenir monstrueux), et si on rembourse la dette, c'est parce qu'on la rachète sur le marché international avec un taux réactualisé.

    Mais les déficits depuis 1981 ne sont pas pour des investissements et rarement à cause de crises ponctuelles, mais pour financer du fonctionnement de l'année en cours. En 2024, on doit encore rembourser le train de vie de l'État de 1981 ! Car c'est bien à partir de l'élection de
    François Mitterrand que le déficit budgétaire a été institutionnalisé, arbitrairement limité "moralement" à 3% du PIB. C'était l'époque où l'âge légal de départ à la retraite est passé de 65 ans à 60 ans. C'est particulièrement cette mesure, plus que la cinquième semaine de congés payés, qui a plombé pour un demi-siècle au moins les finances publiques.

    Dès la campagne présidentielle de 2002,
    François Bayrou a pointé du doigt l'extrême danger d'un endettement excessif, et à l'époque, c'était beaucoup moins qu'aujourd'hui. Les deux partis gouvernementaux hégémoniques, le PS et l'UMP (devenue LR), s'en moquaient puisque, pour faire élire leurs candidats, il leur fallait promettre, acheter certains électeurs : on appelle cela l'électoralisme ou le clientélisme, le contraire d'un discours pour l'intérêt national.
     

     
     


    L'objectif de ne pas dépasser un déficit de 3% du PIB est inscrit dans les tables du Traité de Maastricht, mais cet objectif de vertu doit être d'abord vu comme d'un intérêt national : on ne peut pas dépenser plus qu'on ne gagne ! Et si on n'impose pas 0% et qu'on se permet une latitude de 3%, c'est parce qu'on considère qu'avec une croissance de 3%, ce déficit est vite compensé (la réalité, c'est que la croissance n'est jamais à 3% et c'est d'ailleurs un peu plus compliqué que cela !).

    Dans tous les cas, en 2024, le déficit devrait atteindre 6,1% du PIB, soit plus du double, et Michel Barnier a déjà fixé l'objectif de réduire le déficit de 60 milliards d'euros. Car si on ne prend pas en % mais en valeur absolue, sonnante et trébuchante, ces 60 milliards d'euros, c'est énorme ! Pour le gouvernement, ce sera 1/3 augmentation de la fiscalité 2/3 réduction des dépenses publiques.

    Pour le coup, aucun parti ne semble vraiment s'opposer à cet objectif de redresser les finances publiques, mais personne n'est vraiment cohérent : tous ceux qui ont rejeté la
    réforme des retraites, tous ceux qui veulent augmenter telle prestation, tel nombre de fonctionnaires, etc. se montrent particulièrement incohérents. Les mêmes, qui aujourd'hui fustigent les précédents gouvernements pour l'endettement excessif, les fustigeaient à l'époque parce qu'ils ne dépensaient pas assez lors des crises : gilets jaunes, crise sanitaire, guerre en Ukraine, inflation et crise de l'énergie... La démagogie et la facilité n'ont jamais fait dans la cohérence ni dans la responsabilité.

    Paradoxalement, je n'ai pas entendu beaucoup de contestation sur cette réduction de 60 milliards d'euros de déficit. Tant mieux. Alors, où les prendre ?



    Dans les recettes de l'État : 20 milliards d'euros de plus d'impôts

    Toute la politique budgétaire sera basée sur des injonctions paradoxales. Ce qu'a réussi parfaitement Emmanuel Macron, c'est d'avoir stabilisé la France fiscalement et de devenir le premier pays européen le plus attractif pour les investisseurs étrangers. Cela a eu pour conséquence une baisse continue du chômage (autour de 7%) et un fait notable, unique depuis 1981 : on ne parle plus du problème du chômage mais de celui du pouvoir d'achat.

    Revenir à la politique facile d'augmentation des impôts, alors que la pression fiscale est déjà monstrueuse, c'est risquer de perdre cette indispensable attractivité de la France. Il faut donc le faire d'une main tremblante car il faut savoir quelle fiscalité réduirait l'attractivité de la France ? Celle des plus riches (capables d'investir) et celle des entreprises.
     

     
     


    Qu'en est-il de la justice fiscale ? Il y a dans cette expression une certaine moralité qui n'a rien à faire avec l'efficacité d'un État. On ne fait pas payer des impôts pour réduire les inégalités, voire égaliser tout le monde : on fait payer des impôts pour financer les dépenses de l'État. Si l'État ne dépensait rien, il n'y aurait pas besoin d'impôts. Très globalement, on dit à juste titre que l'impôt est redistributif : ceux des riches qui paient des impôts pourraient se payer les mêmes services s'ils étaient privatisés, ce qui n'est pas le cas des plus pauvres. Là encore, contrairement au sentiment habituellement entendu, la France est l'un des pays voire le pays le plus redistributif au monde ! C'est ce modèle social (que tout le monde veut garder) qui coûte cher et d'autant plus cher que la natalité baisse.

    Donc, la justice fiscale, à laquelle je suis évidemment favorable, ce n'est pas de dire : les riches doivent payer ! C'est de se dire : combien faut-il pour équilibrer les dépenses, et que chaque contribuable puisse avoir sa juste contribution en fonction de ses moyens.


    Michel Barnier a insisté pour parler des contribuables les plus fortunés et pas des contribuables les plus riches, car tout est relatif et pour François Hollande, un ménage était riche à partir de 4 000 euros par mois. Pour Michel Barnier, être fortuné signifie gagner 500 000 euros par an (40 000 euros par mois), ce qui correspond à 0,3% des ménages (voir plus loin).

    Le problème de ne cibler que les contribuables fortunés, c'est que ça rapporte peu car ils ne sont pas nombreux, ce n'est pas efficace. C'est juste, mais pas efficace. Pour être efficace, il faudrait descendre le seuil de fortune afin de multiplier les contributions, ce qui fait que les classes moyennes ont toujours été les vaches à lait de l'État providence (en particulier les classes moyennes supérieures).

    Donc, lever un impôt supplémentaire pour les plus riches serait plutôt une mesure politique et pas financière, celle de dire que les plus riches doivent participer aussi, à leur niveau, à l'effort national. Pour faire passer les autres pilules. Mais on sait déjà que cela ne rapportera pas grand-chose.

    Quant à lever un nouvel impôt pour les très grandes entreprises, tout le monde est d'accord, même certaines de ces entreprises qui ont fait beaucoup de profit parfois sans mérite (comme les entreprises du secteur énergétique qui ont bénéficié de l'augmentation du prix du kWh sans rapport avec leurs frais de production). Encore faut-il s'assurer que ces grandes entreprises ne comptent pas quitter la France pour des pays plus cléments fiscalement (à cet égard, il faudra surveiller l'évolution de Lactalis, par exemple).

    Si on prend l'effet levier du nombre (si ça impacte des millions de contribuables ou de consommateurs, c'est efficace et l'effort est réparti sur le nombre), la tentation est grande de proposer d'augmenter quelques taxes à la consommation (sur l'énergie, par exemple, ou plus simplement la TVA comme l'avait fait Nicolas Sarkozy à la fin de son quinquennat, une mesure quasi-suicidaire !).

    Enfin, la tarte à la crème, bien sûr, c'est la lutte contre la fraude fiscale et sociale. L'État a toujours lutté contre la fraude des resquilleurs et sa lutte est de plus en plus efficace, et le déficit prend déjà en compte cette lutte. De plus, il y a une différence entre fraude et optimisation fiscale, d'une part, aux pouvoirs publics peut-être de limiter les possibilité de cette optimisation fiscale, et une différence entre fraude et évasion fiscale, d'autre part, même si je préfère l'expression fuite fiscale à évasion fiscale, qui est, elle, légale et est en rapport avec l'attractivité du pays.

    Ce qui est connu, c'est que trop d'impôt tue l'impôt, c'est l'illustration du dernier choc fiscal de 40 milliards d'euros, sous
    François Hollande. Les recettes fiscales étaient rentrées moins bien que prévu car la consommation n'avait pas progressé.


    Dans les dépenses de l'État : 40 milliards d'euros de moins de fonctionnement

    Là aussi, c'était une autre tarte à la crème, mise en évidence pendant la campagne présidentielle de 2017 durant laquelle
    François Fillon a proposé la suppression de 500 000 postes de la fonction publique, tandis qu'Emmanuel Macron 100 000. La réalité, c'est qu'il y a eu une progression des effectifs de la fonction publique depuis 2017.
     

     
     


    La proposition de supprimer des fonctionnaires ne risque pas d'être très efficace en matière de déficit. En effet, s'il s'agit de ne pas remplacer certains postes de fonctionnaires partant à la retraite, au mieux, on supprimerait 30 000 postes par an, ce qui ne fait même pas 2 milliards d'euros d'économie alors qu'on parle de 40 milliards. On est loin du compte. Et le problème, c'est quels postes puisqu'on parle déjà d'un manque d'effectifs parmi les enseignants, les soignants, les forces de l'ordre, les professionnels de la justice... Faut-il rappeler aussi qu'on ne peut pas se passer des travailleurs des voiries, des espaces verts, etc. dans les collectivités locales qui ont d'ailleurs beaucoup de postes vacants par manque d'attrait des postes ? Michel Barnier, qui connaît très bien le point de vue des collectivités locales (il a longtemps présidé le conseil général de Savoie), sait qu'il est aussi très difficile de faire des économies sur le nombre de postes dans la fonction publique territoriale, et dans tous les cas, ce type de réponse est très long pour en voir l'effet sur le déficit.

    Ce qu'on peut en revanche, imaginer, c'est une augmentation de la productivité, qui peut passer par une réduction de l'absentéisme, par exemple (j'ai vu certaines collectivités qui se sont donné les moyens de réduire ce taux parfois important par des moyens assez simples qui consistent, par exemple, à revoir les conditions d'attribution de certaines primes).

    Des solutions de vente par tranche du patrimoine public ne sont pas non plus très efficaces car ce sont des pistolets à un coup. C'est le cas du patrimoine foncier qui mérite, c'est vrai, une meilleure gestion (on parle de créer une régie foncière de l'État et que tous les ministères deviendraient locataires de celle-ci, avec des professionnels du secteur, ce qui éviterait la vente aux enchères de mobiliers très chers à des prix défiant toute concurrence par manque de connaissance de la valeur des meubles, etc.).

    Une autre tarte à la crème consiste à couper dans les (nombreuses) niches fiscales, mais là encore, c'est une hérésie, à moins de faire des frappes chirurgicales. Je m'explique : chaque niche fiscale a un intérêt, ou, du moins, a eu un intérêt, comme l'exonération obtenue pour un don à une œuvre de charité etc. Cela fait partie de la politique de l'État d'encourager, d'aider certains secteurs. Certes, le problème a été qu'on n'a fait que des strates et des strates sans remettre en cause les anciennes. Il serait donc intéressant d'évaluer chaque niche fiscale (vaste tâche), connaître leur objectifs et évaluer s'ils ont été atteints ou pas. S'ils ont été atteints, il faut la garder ; si la niche fiscale n'était pas efficace, il faut la supprimer. Mais dans tous les cas, chaque suppression de niche fiscale aurait une incidence sur un secteur économique donné, et on imagine bien les protestations catégorielles qui en découleraient et que le gouvernement devrait assumer.

    Bref, comme dirait La Palisse, rien n'est simple. C'est pour cela qu'aucun gouvernement ne s'est réellement attaqué à la réforme de l'État pour réduire structurellement le déficit. C'est le principe de l'acquis social : aucun acquis ne serait négociable, dans l'esprit des Français. Si, parfois, des déficits ont pu être réduits, les gouvernements concernés l'ont dû à la chance d'une conjoncture extérieure favorable créatrice de croissance, plus en tout cas qu'à leur propre politique économique.


    Ce que va proposer le gouvernement

    Selon le document reçu par le Haut Conseil des finances publiques, le gouvernement propose plusieurs choses. Pour la réduction de 40 milliards d'euros des dépenses publiques, 15 milliards d'euros ont déjà été obtenus dans les lettres de cadrage au mois d'août (qui consistent surtout à ne pas suivre l'inflation à budget constant), 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires n'ont pas encore été proposés (par manque de temps, ce sera fait par amendements ultérieurs), 13 milliards d'euros de réduction des dépenses sociales (dont 4 milliards d'euros pour le retard de la revalorisation d'environ 1,8% des pensions de retraite de janvier à juillet 2025), le reste en réduction des dépenses d'assurance maladie et en limitation des dépenses des collectivités locales.

    La principale mesure indiquée en réduction des dépenses est donc le retard de six mois de la revalorisation des pensions de retraite, qui touche tout le monde, mais proportionnellement plus les moins aisés. Même si l'effort reste relativement faible : pour une pension de 1 500 euros par mois, cela devrait correspondre à un manque à gagner d'environ 15 euros par mois pendant six mois.
     

     
     


    Quant aux augmentations d'impôts, le Ministre du Budget Laurent Saint-Martin, qui est directement rattaché à Matignon et pas à Bercy (ce qui est rare et montre que le pouvoir se trouve effectivement à Matignon), a affirmé le 2 octobre 2024 que l'effort sur les ménages portera uniquement sur 0,3% des ménages, ce qui signifiera par exemple pour un couple sans enfants avec « des revenus d'à peu près 500 000 euros par an ». Et pour les entreprises, la contribution sera « exceptionnelle » et seulement pour les entreprises qui réalisent plus d'un milliard d'euros de bénéfice : « Il faut que toutes les grandes entreprises, chacune comme elles le peuvent, et par rapport à leur secteur d’activité, contribuent. ». Comme cela touche peu de ménages et peu d'entreprises, ces mesures seront certainement approuvées largement (les députés qui s'y opposeraient le justifieraient par le manque d'audace).

    Au-delà de ces mesures, il y aura aussi des mesures de réduction de dépenses publiques de l'ordre de 1,5 milliard d'euros pour compenser des mesures fiscales en faveur de la transition écologique, qui seront également proposées par voie d'amendements.

    Ensuite, il restera à Michel Barnier de faire adopter ces lois de finances (il y en a deux, projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale), soit par un vote solennel (mais je doute qu'une majorité soit obtenue, car l'acte politique par excellence de l'appartenance à l'opposition, c'est de voter contre le budget) soit par
    l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, auquel cas une motion de censure, voire plusieurs pourront être déposées. Mais je doute que la gauche NFP et le RN puissent voter un même texte ensemble sur les finances publiques. C'est la seule chance de Michel Barnier (avec la popularité le cas échéant) pour durer.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241006-budget-2025.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/budget-2025-l-impossible-mission-257113

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/07/article-sr-20241006-budget-2025-html.html




     

  • Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...

    « Les Français sont fatigués de la révolution permanente ; ils sont fatigués de la ZAD qui s’est reconstituée hier à l’Assemblée dès l’ouverture de la session ; ils sont fatigués des démagogues qui promettent la lune et sèment la ruine partout où ils sont au pouvoir. Votre programme, avec humilité et responsabilité, en est l’exact contraire. C’est une raison supplémentaire pour que nous le soutenions. » (Claude Malhuret, le 2 octobre 2024 au Sénat).



     

     
     


    ZAD, comprendre zone à délirer ! Voici une petite démonstration de près de dix minutes sur le mythe des élections volées. Comme depuis quelques années c'est la tradition, chaque intervention en séance publique du sénateur Claude Malhuret est un condensé d'humour et de lucidité sur la vie politique. À un moment pressenti par le nouveau Premier Ministre pour faire partie de son gouvernement (il était déjà membre du gouvernement entre 1986 et 1988), le président du groupe Les Indépendants, République et Territoires au Sénat (regroupant les sénateurs Horizons) n'a pas déçu ses collègues lorsqu'il a fallu participer au débat qui a suivi la déclaration de politique générale de Michel Barnier au Sénat le mercredi 2 octobre 2024. Il réagissait surtout aux propos tenus quelques minutes auparavant par son collègue Patrice Kanner, président du groupe socialiste, qui s'enferrait dans la légende urbaine d'une victoire de la nouvelle farce populaire (NFP) aux dernières élections législatives.

    Alors, le sénateur a commencé comme
    Martin Luther King (mais en négatif : ce n'est pas un rêve qu'il a fait) : « Mes chers collègues, en écoutant il y a quelques instants l’analyse de la situation politique par le président du groupe socialiste, j’ai brusquement fait une sorte de cauchemar éveillé. ». Et il a découvert un nouveau gouvernement : « Je me tenais ici, à cette tribune, et en face de moi, à la place où vous vous trouvez, monsieur le Premier Ministre, ce n’était pas vous : c’était Lucie Castets. À ses côtés se tenaient Sandrine Rousseau, ministre des finances et de la décroissance ; Sophia Chikirou, garde des sceaux ; Aymeric Caron, ministre de l’écologie et des insectes ; Sébastien Delogu, ministre de la mémoire et des anciens combattants ; Louis Boyard, ministre du développement durable du cannabis et Jean-Luc Mélenchon, ministre des affaires étrangères et de l’amitié avec la Russie, le Hezbollah et l’Alliance bolivarienne ! ».

    Retour à la réalité et à l'imposture du NFP : « Lorsque j’ai rouvert les yeux, je me suis aperçu que j’étais en train de tomber de mon siège. Les propos du président du groupe socialiste montrent que l’on ne peut aborder ce débat sans faire d’abord table rase de l’invraisemblable campagne qui est menée depuis des semaines par le nouveau front populaire pour convaincre les Français que l’élection leur a été volée, que votre gouvernement est illégitime et que vous êtes l’otage du Rassemblement national. Cette campagne va se poursuivre, plus virulente que jamais, comme le prouve le discours de fureur et de haine que
    Mme Panot a prononcé hier à l’Assemblée Nationale. Le soir des élections, le 7 juillet dernier, à vingt heures zéro une, à la télévision, tous les chefs de partis ont été priés de passer leur tour pour permettre à celui de LFI de prononcer cette phrase : "Nous sommes arrivés les premiers, nous devons former le gouvernement". L’échec huit jours plus tard du candidat du NFP à l’élection pour la Présidence de l’Assemblée Nationale a démontré de manière évidente que cette intox constitutionnelle était une imposture. Mais la vague médiatique et les ragots sociaux se sont transformés en tsunami et le mensonge s’est changé en vérité. Il faut donc le répéter : l’élection n’a été volée à personne ! Et si elle a été volée, c’est aux électeurs de gauche par les dirigeants de l’extrême gauche, qui ont joué une invraisemblable partie de poker menteur avec leurs partenaires. ».
     

     
     


    D'où la recherche laborieuse d'un Premier Ministre qui oscillait entre le vaudeville et la tragédie (je ne sais pas trop s'il a été le plus féroce contre Lucie Castets ou contre Ségolène Royal !) : « Pendant les quinze jours qui ont suivi le 7 juillet, le mot d’ordre fut : "Macron doit nommer immédiatement un Premier Ministre du NFP". Question des journalistes : "Qui est votre candidat ?". Réponse : "On ne sait pas, on n’arrive pas à se mettre d’accord". Après deux semaines de bras de fer et de crises de nerfs, une inconnue tombe enfin du ciel : pendant vingt-quatre heures, Huguette Bello devient le nouveau dalaï-lama, jusqu’à ce qu’on découvre qu’elle n’est pas woke, mais alors pas woke du tout : elle est anti-mariage pour tous et tout le tralala. Panique au NFP ; exit Huguette ! Quelqu’un propose alors Laurence Tubiana, organisatrice de la COP21. Horreur, on s’aperçoit que Macron l’a nommée à l’UNESCO. Une macroniste Première Ministre du NFP ? La "fisha" absolue… Exit Laurence ! Au bord du gouffre, alors qu’il n’allait plus rester que Ségolène Royal, on finit par débusquer dans les combles de la mairie de Paris une sémillante fonctionnaire jamais élue nulle part et coanimatrice de l’incroyable dette de 10 milliards d’euros de la capitale. Par miracle, cet Annapurna de la pensée politique, auprès de qui les Bertrand, Cazeneuve ou Barnier ne sont que des billes, accepte de faire bénéficier les Français de son inexpérience. Le NFP tient sa Première Ministre. Du moins, c’est ce que croient les socialistes, les écolos et les communistes. Ce qu’ils n’ont pas compris, et l’on s’étonne d’une telle naïveté, c’est que jamais Mélenchon n’a envisagé un Premier Ministre de gauche. Jamais ! Au moment même où le nom de Lucie Castets est prononcé, une fatwa vient la faucher en quelques mots : "Le programme, rien que le programme, mais tout le programme !". En bon français, cela veut dire que Mme Castets disposerait de 193 voix à l’Assemblée, et pas une de plus ! Exit donc Lucie… En un mot, si vous avez compris le NFP, c’est qu’on vous a mal expliqué ! ». Cette dernière phrase restera sans doute "culte" ! On est en plein dans un film comique avec le regretté Michel Blanc.

    Claude Malhuret a ainsi expliqué l'échec de
    Bernard Cazeneuve : « La gauche responsable, celle qui est largement représentée dans cet hémicycle, du moins c’est ce que je pensais jusqu’à il y a quelques minutes, fait une tentative désespérée en proposant le nom de Bernard Cazeneuve. Cette fois, Mélenchon n’a même pas besoin de lever le petit doigt, Faure le socialiste se charge lui-même du sale boulot en déclarant que nommer un Premier Ministre socialiste serait une "anomalie". Cazeneuve est des nôtres, il sera censuré comme les autres ! Exit Bernard ! Un jour, dans les manuels de sciences politiques, on expliquera dans un long chapitre comment, en 2024, la gauche s’est vendue pour un plat de lentilles à une secte gauchiste en pleine dérive islamiste et antisémite, dirigée par un ancien du lambertisme, que les communistes eux-mêmes qualifiaient il y a quelques années encore d’hitléro-trotskisme ! ».

    Il n'y a pas eu que la gauche islamo-gauchiste à avoir crié au vol des élections,
    l'extrême droite a hurlé pareil : « Quant à l’extrême droite, qui prétend elle aussi qu’on a volé l’élection à ses 11 millions d’électeurs, elle oublie de dire que 20 millions d’autres ont décidé d’associer leurs voix au second tour pour lui faire barrage devant la radicalité de ses positions, un programme économique qui nous mènerait droit vers l’abîme et une flopée de candidats imprésentables, entre les casquettes nazies et les propos antisémites sur les réseaux asociaux. Elle n’est pas plus légitime à gouverner et elle le sait très bien. Elle attend son heure, et si cette heure vient un jour, elle aura été soigneusement préparée par la folie de l’extrême gauche et la capitulation du premier secrétaire du parti socialiste, l’homme-caoutchouc. ».

    Quant à la
    motion de censure, voici pourquoi ses chances de succès sont faibles : « Vient enfin le dernier mensonge, monsieur le Premier Ministre : vous seriez l’otage du Rassemblement national. L’extrême droite compte 142 députés. Ils ne peuvent faire tomber votre gouvernement qu’en bande organisée avec le NFP. J’attends avec impatience qu’ils expliquent cela à leurs électeurs, et surtout qu’ils expliquent comment ils comptent composer, pour vous succéder, un gouvernement lepéno-mélenchoniste. Mélenchon ne veut pas de Premier Ministre de gauche et Le Pen sait que son parti est incapable pour l’heure de gouverner. Ce n’est pas une assurance-vie, mais votre gouvernement est loin d’être condamné d’avance. ».

    D'où le soutien fort du groupe présidé par Claude Malhuret au gouvernement de Michel Barnier : « Vous êtes légitime. Vous n’avez pas de majorité absolue, mais vous rassemblez tous ceux, de la droite républicaine au centre et à la gauche modérée, qui ont fait le choix de la responsabilité. Ils sont le camp de la raison que notre groupe Les Indépendants appelle de ses vœux depuis des mois. Et vous êtes, après deux ans d’Assemblée Nationale transformée en zone à délirer, le Premier Ministre de l’apaisement. Quelles sont les priorités ? Mais il n’y a que des priorités : le budget, le déficit, la dette, la
    Nouvelle-Calédonie, le logement, l’agriculture, l’immigration, la transition écologique, sans oublier l’Ukraine, le Moyen-Orient et toutes les crises dans le monde que la France ne peut ignorer. Ces priorités étaient au cœur de votre discours et de ceux de tous mes collègues ; je n’y reviendrai pas à mon tour. Qu’il me soit seulement permis de dire que nous soutenons votre engagement dans cette démarche difficile et courageuse. Vous disposerez d’une large majorité au Sénat, qui tentera de compenser l’absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale et de combattre les tentatives des populistes pour saper notre démocratie. ».
     

     
     


    Les savoureuses envolées lyriques du sénateur Malhuret apportent toujours un peu de fraîcheur, de légèreté, mais aussi de lucidité à une classe politique tendue et rageuse. Il a le mérite de faire mal car il cible juste. Depuis 2022, il s'inquiète régulièrement de la perspective de l'élection présidentielle de 2027 et de la nécessité de rassembler toutes les forces non-populistes, ce qu'il a appelé ce 2 octobre 2024 les forces raisonnables, le "camp de la raison", du centre droit au centre gauche, "qui ont fait le choix de la responsabilité". Les deux anciens grands partis gouvernementaux, LR et le PS, n'ont pas voulu jouer le jeu en 2022, chacun pris par une surenchère populiste. LR s'est finalement résolu à faire le choix de la raison et de la responsabilité, au contraire du PS qui s'enferme toujours dans un mélencho-islamisme qui l'asphyxiera à court terme. Surtout, Claude Malhuret, continuez à nous délecter ainsi !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Claude Malhuret sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution le 4 mars 2024 à Versailles.
    Claude Malhuret s'en prend à "la pression permanente et déprimante des extrêmes" !
    Claude Malhuret dénonce la "mauvaise république" du guide suprême !
    L'Iran et les femmes : Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Passe vaccinal : Claude Malhuret charge lourdement les antivax.
    Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241002-malhuret.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/claude-malhuret-du-vol-des-257033

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/02/article-sr-20241002-malhuret.html



     

  • Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier

    « Par patriotisme, par égard pour nos compatriotes qui souffrent, par respect envers nos institutions, et compte tenu de la tâche ingrate qui vous incombe en ces circonstances, ramasser l’action publique que certains ont laissé choir, je vous le dis, monsieur le Premier Ministre : le mouvement national n’entend pas entraîner le pays vers le chaos, vers cette politique du pire qui est la pire des politiques. Voilà pourquoi le Rassemblement national a fait un choix responsable : refuser de censurer a priori votre gouvernement pour lui donner une chance, si infime soit-elle, d’engager enfin les mesures de redressement nécessaires. » (Marine Le Pen, le 1er octobre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Contrairement à la rumeur publique, Michel Barnier et ses ministres ne sont pas les otages de Marine Le Pen et de son groupe RN à l'Assemblée Nationale. Le groupe RN et ses alliés ne comptent que 142 députés sur 577 et pour faire adopter une motion de censure, il en faut au moins le double, 289. Illustration par l'absurde : les premiers à tirer, c'est la gauche.

    En effet, les 192 membres des partis de la
    nouvelle farce populaire (NFP) ont déposé ce vendredi 4 octobre 2024 une motion de censure contre le gouvernement. Sa rédaction semble quasiment sortie d'une école primaire, sur le fond et même sur la forme, puisqu'on y relève quelques fautes d'orthographe (c'est vrai que, dans une sorte de comble de l'idéologie gauchiste, certains de ces députés considèrent que la connaissance de la langue française dépendrait du niveau de son compte en banque ; cela pourrait bien s'appliquer au gourou Jean-Luc Mélenchon).

    Les motivations de cette motion de censure reprennent la fable urbaine selon laquelle le NFP aurait gagné les élections : eh bien, non, 192 députés ne constituent pas une majorité, pas même relative. Si cela avait été le cas, le candidat du NFP André Chassaigne aurait été élu au perchoir puisqu'il suffisait, au troisième tour, de n'avoir qu'une majorité relative. Si
    Yaël Braun-Pivet a été brillamment réélue, c'est parce qu'une autre coalition, plus importante que le NFP, soutient aujourd'hui le gouvernement, avec une majorité relative très faible, certes, de 213 députés, mais supérieure aux troupes du NFP.

    On n'insistera pas sur les nombreux exemples de mauvaise foi politicienne dont est truffé le texte de cette motion de censure, comme le fait que le Président de la République
    Emmanuel Macron n'a pas voulu nommer l'inconnue de la dette abyssale de la ville de Paris Lucie Castets à Matignon : « Le Président de la République aurait dû nommer à Matignon la personnalité proposée par le nouveau front populaire. ». Truffé aussi de procès d'intention comme celui-ci : « Michel Barnier semble se contenter de vaines paroles sur la défense de l’environnement et du climat. Ainsi, le ministère de la Transition écologique a par exemple hérité d’un périmètre d’action fortement rogné. ». Ce qui est très maigre pour donner une raison de tuer le gouvernement.

    Sur le sujet environnemental, Michel Barnier a déjà répondu à Cyrielle Chatalain, la présidente du groupe écologiste à l'Assemblée : « Madame la présidente Chatelain, vous avez parlé d’effets de manche mais je ne vois pas où vous en avez trouvé dans mon discours. Je n’en ai pas fait et je n’en ferai pas, on dit d’ailleurs souvent de moi, je le sais bien, que je suis trop sérieux et pas marrant. Je me suis exprimé sincèrement et sobrement et je continuerai ainsi. Je suis attentif, vous le savez, à la transition écologique. J’étais même engagé avant vous sur ces questions. (…) Je rappellerai ici que j’ai la fierté d’avoir créé, il y a trente ans, le fonds Barnier, dont il est beaucoup question. Je continue à suivre son développement et je vais avec la ministre compétente augmenter les moyens dont il est doté. J’estime en effet que la prévention coûte toujours moins cher que la réparation et qu’une réparation anticipée et organisée est plus efficace et moins coûteuse qu’une réparation improvisée. ».

    Ce qui est désolant avec cette motion de censure, c'est que ceux des députés socialistes supposés s'être opposés à la mainmise des insoumis sur la gauche ont finalement tous signé ce texte de censure, en particulier Jérôme Guedj, Aurélien Rousseau, ancien ministre d'
    Élisabeth Borne, et même François Hollande, ancien Président de la République, qui n'a vraiment pas peur de l'humiliation publique. Tous ceux-là viennent de montrer, en s'associant aux délires mélenchonesques, qu'ils ne souhaitent plus gouverner la France, ils ne souhaitent plus être responsables ni crédibles.

    Incontestablement, ceux qui risquent de faire sauter le gouvernement Barnier ne sont pas d'extrême droite mais de la gauche ultradicalisée. Si cette gauche ne voulait pas censurer le gouvernement, le RN n'aurait aucun poids politique, ne pourrait rien exiger, puisqu'il serait dans l'incapacité de réunir 289 voix pour faire adopter une motion de censure.


    D'ailleurs, il était très instructif (et risible) de voir Manuel Bompard, le représentant des insoumis, sur France 2 le soir du 3 octobre 2024, faire la danse du ventre devant la représentante du RN, la suppliant de voter pour sa motion de censure, alors qu'il se prétend la locomotive du combat contre le RN (sauf quand il a besoin de lui). La réponse a été très claire. Laure Lavalette, députée RN, a rejeté les appels du pied des insoumis : « Je pense que la situation est suffisamment grave pour ne pas censurer en amont déjà ce gouvernement. On va, j'allais dire, donner la chance au produit (…). On ne peut pas ajouter du chaos comme vous le faites. ». Le RN en situation d'être responsable alors que François Hollande joue au pyromane de la République : postures improbables.

    Cette motion de censure sera examinée en séance publique l'après-midi du mardi 8 octobre 2024, après l'hommage solennel à
    Louis Mermaz, ancien Président de l'Assemblée Nationale, et les questions au gouvernement. Son issue prévisible est le rejet, faute d'avoir convaincu les députés RN de se joindre à la gauche (pour une collusion des non, mais certainement pas pour un gouvernement commun).
     

     
     


    Mais revenons sur la position du RN qui peut étonner. Marine Le Pen, dans un discours très grandiloquent, écrit avant d'avoir écouté la déclaration de politique générale de Michel Barnier, en a donné quelques éléments de compréhension le 1er octobre 2024.

    La chose principale, qui ne coûte pas un rond, c'est d'avoir de la considération : représentante de millions d'électeurs, Marine Le Pen veut que les 142 députés RN et alliés soient reconnus comme tels, comme des élus de la République et soient ainsi respectés comme tels, puissent participer aux concertation, puissent aussi participer à la gestion de l'Assemblée (le 19 juillet 2024, ils ont été exclu du
    bureau de l'Assemblée au contraire de la législature précédente qui comptait deux vice-présidents RN de l'Assemblée). Sa revendication a été ainsi formulée : « Je le dis ici de manière solennelle, à l’intention de chacun des ministres, de tout détenteur de l’autorité publique issue de ce gouvernement : nous entendons que les 11 millions de patriotes qui ont voté pour notre coalition d’union nationale soient respectés, que cessent ces attaques inutiles et injustes qui procèdent tant du mépris de classe que de l’intolérance caractéristique des totalitarismes. Ces attitudes n’honorent ni surtout ne servent le pays, son unité, son modèle démocratique. ». Devant les députés, Michel Barnier n'a pas arrêté d'annoncer qu'il écouterait tous les groupes, qu'il n'exclurait aucun groupe politique. Il a donc tout bon !

    Sans s'empêcher de fustiger le Président de la République à de nombreuses reprises, Marine Le Pen a voulu se montrer responsable et annoncé qu'elle ne s'opposerait pas pour s'opposer. C'est vrai qu'en procès depuis le 30 septembre 2024, avec vingt-six autres dirigeants du RN, sur une suspicion de fraude de 7 millions d'euros, pour une durée très longue de deux mois, la potentielle candidate du RN préférerait attendre que cette affaire soit oubliée avant un prochain scrutin.

    Elle a ainsi interpellé Michel Barnier : « Ma première demande, monsieur le Premier Ministre, est simple : faites preuve de volontarisme dans tous les domaines, et pas seulement dans celui des finances. Il ne s’agit pas de vous concilier votre "aile gauche", votre "aile droite" ou vos "partenaires exigeants", bref, toutes ces périphrases qui vous permettraient de justifier votre inaction par le respect de médiocres équilibres partisans : il s’agit de produire un impact rapidement perceptible par tous les Français. Or, en vous écoutant, j’entends des constats, mais tout de même bien peu de solutions. ».

    Voulant montrer sa bonne volonté, Marine Le Pen a encouragé le gouvernement à faire preuve de courage : « Vous avez sur ce point, monsieur le Premier Ministre, une possibilité considérable : sans mandat électif à défendre aujourd’hui ou demain, vous pouvez faire preuve de courage en réalisant les économies dont le gisement a été identifié depuis des années, dans les observations de la Cour des Comptes comme dans d’autres rapports publics portant sur le sujet. Une étude américaine publiée fin 2023 évalue à quatre points de PIB les pertes causées en France par la suradministration. ». Il faudra donc rappeler à ses éventuels électeurs venant de la gauche que le RN est pour restreindre l'intervention de l'État, comme le souhaite également son allié ultralibéral
    Éric Ciotti. Ce qui est tout à fait dans la tradition du FN dont le fondateur, son père Jean-Marie Le Pen, voulait supprimer l'impôt sur le revenu.

    Elle a même proposé à Michel Barnier les clefs de sa popularité : « Vous le savez, nous avons trois priorités, au sujet desquelles notre vigilance s’exercera de manière accrue : le pouvoir d’achat, l’immigration et la sécurité. Ce faisant, nous vous rendrons service, puisqu’elles correspondent aux exigences des Français et que vos mesures en la matière, peut-être, vous rendront populaire ; la France aussi y trouvera son intérêt, puisque ces urgences, trop longtemps négligées, ne peuvent plus l’être davantage. ».

    La dirigeante du RN a donc donné sa règle du jeu très clairement, les trois « lignes rouges sur lesquelles notre groupe pourrait, demain, fonder un vote de censure ». C'est habile : elle n'a réduit sa "surveillance" que sur trois sujets et pas plus, parce qu'elle veut obtenir des avancées concrètes sur les mesures que proposera le gouvernement. En cela, elle joue le jeu de l'écoute et de la coconstruction de la loi quand la gauche joue l'opposition systématique et l'obstruction (jusqu'à vouloir
    destituer le Président de la République pour des raisons de cour de récréation).


    La première ligne rouge : baisser la pression fiscale


    Le choix des priorités du RN est intéressant : « La première d’entre elles réside dans l’évolution de la pression fiscale, déjà insupportable, qui s’exerce sur les Français, en particulier sur les classes populaires et moyennes. Toute hausse d’impôt touchant les plus fortunés, entreprises ou ménages, devra être compensée par du pouvoir d’achat rendu à nos concitoyens modestes, qui travaillent et ont vu leur reste à vivre fondre depuis trois ans. ».

    Le meilleur moyen de réduire le déficit, pour le RN, est donc de s'attaquer aux dépenses publiques, ce qui, pour de nombreux membre de la majorité, est du bon sens (mais n'est pas facile à pratiquer). Elle a même apporté son soutien à venir pour toutes les décisions courageuses de réduction des dépenses : « Soyez-en sûr : dans cette mission, nos députés ne vous seront pas des obstacles, mais des soutiens, si vous savez faire preuve de courage. ». Le gouvernement n'en demandait pas tant !


    La deuxième ligne rouge : baisser la pression migratoire

    Sans surprise, après le pouvoir d'achat, l'immigration est le thème par excellence du RN pour racoler des électeurs (et il y parvient !) : « Notre deuxième ligne rouge serait l’absence du sursaut migratoire, sécuritaire et pénal qu’attendent des millions de Français. Nous vous demandons, à vous qui teniez il y a quelques années un discours si ferme à ce sujet, de remettre à votre agenda, dès le premier trimestre de 2025, un projet de loi "immigration" restrictif, reprenant au minimum les
    dispositions censurées en janvier par le Conseil Constitutionnel. De plus, puisqu’une tragique actualité a encore une fois mis en lumière la question des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et des laisser-passer consulaires, je vous suggère une règle simple : en l’absence de laissez-passer, zéro visa. ».
     

     
     


    Notons quand même que cette dernière règle n'aura aucune efficacité, et l'ancien Ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est bien placé pour le savoir car il avait essayé et il se trouve que les ressortissants des pays en question, faute de visa français, demandent un visa espagnol et avec Schengen, peuvent arriver en France en toute légalité. En clair, ces pays se moquent bien d'une politique de zéro visa. Il faut trouver autre chose pour être efficace.

    Comme on le dit généralement, les solutions les plus simplistes sont les moins efficaces (sinon, on les aurait mises à l'œuvre depuis longtemps). Les responsables politiques ont toujours cette tentation prétentieux qu'avant eux, la lumière était éteinte et qu'avec eux, tout va réussir, alors que, ici, les idées du RN ne sont pas vraiment innovantes, c'est le moins qu'on puisse dire.


    Marine Le Pen a réclamé d'autres mesures sur le plan sécuritaire et pénal, qui semblent recevoir un écho favorable pour la majorité des députés (et ne devraient donc pas être la cause d'un renversement possible du gouvernement).


    La troisième ligne rouge : le scrutin proportionnel

    Je cite cette troisième et dernière condition pour ne pas censurer le gouvernement Barnier, qui est le
    mode de scrutin. J'y reviendrai très prochainement plus en détails.

    Quand on analyse les deux premières conditions, elles ne sont pas insurmontables. En quelque sorte, Marine Le Pen a choisi d'emballer convenablement son choix de ne pas censurer le gouvernement et de tenter d'y donner son influence. Tout ce tralala pour garder la face. C'est sans doute une stratégie payante à moyen terme, sauf si le gouvernement réussit trop bien.


    Ainsi, Marine Le Pen s'est positionnée totalement à l'opposé de l'affrontement permanent voulu par la gauche : « Si je prends l’engagement aujourd’hui de ne jamais céder, un seul instant, aux médiocres sirènes de la comédie des menaces de censure qui seraient fondées sur autre chose que l’observation impartiale de vos actes, c’est parce que c’est à vous, et à vous seul, qu’il appartient, par la juste prise en considération des mesures que je viens d’évoquer, de faire de cette période, autant que possible, un temps de construction et de service de l’intérêt général. Cet esprit d’ouverture ne doit pas être interprété comme un blanc-seing, pas plus que notre esprit républicain ne doit être assimilé à de la faiblesse, de l’irrésolution, voire une forme d’allégeance à un gouvernement que nous considérons davantage de circonstances que de convenance. ».

    Elle a même donné un argument patriotique à sa non-censure : « L’absence de direction gouvernementale signifierait mécaniquement, pour notre pays et pour les Français, une double servitude technocratique, française et surtout bruxelloise. Or le pays a besoin de décisions politiques, parfois fortes et exigeantes, qui ne peuvent émaner que de politiques et non d’administratifs, aussi dévoués soient-ils, ni, encore moins, d’instances supranationales, acquises à d’autres intérêts. ».

    À la fin de son discours, Marine Le Pen a été ovationnée, tous les membres de son groupe et de celui d'Éric Ciotti se sont levés, montrant aussi une manifestation de force dans l'hémicycle face à un Premier Ministre qui, à la fin de sa déclaration de politique générale, n'a eu que les membres du groupe LR (Droite républicaine) pour se lever et le saluer, les membres de l'ancienne majorité macroniste étant restés ostensiblement assis (ce qui, à mon sens, n'est politiquement pas très malin).

    Comme celui qui tombait du haut d'un immeuble, dans le film "La Haine" (de Mathieu Kassovitz, sorti le 31 mai 1995), Michel Barnier peut se dire à la veille du délicat débat budgétaire : "Jusqu'ici, tout va bien !". Mais, ne soyons pas trop rapide, regardons d'abord précisément qui votera (ou ne votera) pas la motion de censure ce mardi 8 octobre 2024. La première motion de censure, évidemment, car la gauche n'hésitera pas à en déposer régulièrement.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241001-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-3-lignes-rouges-de-marine-le-257018

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/02/article-sr-20241001-marine-le-pen.html



     

  • Taisez-vous, Elkabbach !

    « Un homme (…), qui voit toute sa vie à demeurer l'exact contemporain de son époque. Jean-Pierre Elkabbach voulait en être. En être de son époque, pleinement. En être des vedettes, des gens qui comptent, des princes du temps. En être, surtout, de l'histoire qui s'écrit et se raconte, se transmet et demeure. » (Emmanuel Macron, le 9 octobre 2023 à Paris).


     

     
     


    Et il s'est tu. À la suite d'un accident et d'une maladie. Le journaliste Jean-Pierre Elkabbach est mort il y a un an, le 3 octobre 2023 à l'âge de 86 ans. Il représente pour beaucoup la compétence du journaliste, mais aussi sa trop grande proximité avec le pouvoir, quel que soit le pouvoir.

    Jean-Pierre Elkabbach était un excellent journaliste dans le genre intervieweur, celui qui accouche les esprits, celui va chercher jusqu'à des personnalités improbables, peu connues du grand public mais qui ont beaucoup de choses intéressantes à raconter, en politique mais aussi en culture, en science, etc., et il était aussi un patron de presse très gourmand, voire un peu trop ! Sa notoriété, elle lui est venue d'avoir présenté le journal télévisé de la première chaîne de 1970 à 1972 puis de la seconde chaîne de 1972 à 1974, ce qui assurait une rapide célébrité, mais, au contraire de Christine Ockrent, Jean-Pierre Pernaut, Patrick Poivre d'Arvor, Yves Mourousi, Claire Chazal et quelques autres, ce n'était pas le cœur de ses passions audiovisuelles.

    Patron de presse : il a été (entre autres) président de France Télévisions de 1993 à 1996, puis président de Public Sénat de 1999 à 2009 et président d'Europe 1 de 2005 à 2008. Intervieweur de talent : (entre autres) avec l'émission "Carte sur table" aux côtés du brillant politologue
    Alain Duhamel sur Antenne 2 de 1977 à 1981 (d'où est née l'expression "Taisez-vous Elkabbach !" que n'aurait pas hurlé directement Georges Marchais, mais simplement son génial imitateur Thierry Le Luron), l'émission "Découvertes" sur Europe 1 de 1981 à 1987 (une émission quotidienne de 18h à 19h, assez longue pour comprendre en profondeur le message de son invité), la matinale d'Europe 1 de 1997 à 2017 ainsi que l'excellente émission culturelle "Bibliothèque Médicis" sur Public Sénat de 1999 à 2018.

    Il a par ailleurs été la "vedette" de trois événements audiovisuels : c'est lui, aux côtés d'Étienne Mougeotte, qui a annoncé à la France entière la victoire de
    François Mitterrand le 10 mai 1981 à 20 heures sur Antenne 2, une séquence de télévision qui a été très fréquemment reprise pour évoquer la victoire socialiste, avec sa disgrâce audiovisuelle, Jean-Pierre Elkabbach ayant été trop associé au septennat de Valéry Giscard d'Estaing ; ce qui ne l'a pas empêché de devenir un confident très particulier du successeur, François Mitterrand qui lui a accordé l'émission sans doute la plus importante de sa carrière, une interview à l'Élysée le 12 septembre 1994 sur France 2 pour évoquer son passé pendant la guerre, ses amitiés troublantes et sa fille Mazarine ; enfin, il a été beaucoup critiqué dans son mode de gestion sur France Télévisions, permettant à des producteurs-animateurs de s'enrichir énormément avec de l'argent public, ce qui l'a conduit à démissionner.

    Tout cela, le Président de la République, dans un
    hommage prononcé le 9 octobre 2023 dans les locaux même France Télévisions à Paris, l'a rappelé. Emmanuel Macron s'est souvenu de cette émission mémorable du 12 septembre 1994 avec son lointain prédécesseur socialiste : « Ainsi, les téléspectateurs virent deux hommes, deux vies françaises, deux rapports au pouvoir et au destin. Un Président frappé par la maladie, défendant son parcours à travers une époque de clair-obscur. Un journaliste se hissant à la hauteur du moment, implacable et subtil, intraitable et concentré. Ce moment dit tout du journaliste qu’était Jean-Pierre Elkabbach. Un journaliste qui voulait porter la plume, le Nagra, la caméra dans les plaies de l'époque. Un homme de presse avec ce que son métier, selon lui, supposait de proximité, de chaleur, de voisinage, avec les grands de France et du monde. Un patron qui avait le génie de fomenter, d'obtenir, d'organiser des coups naturellement, spontanément, instinctivement. ».

    Le chef de l'État a aussi rappelé son professionnalisme : « Jean-Pierre Elkabbach, à force de vouloir écrire l'Histoire, s'y brûla parfois. Sa participation au
    mai 68 de l'ORTF lui valut d'un court bannissement, mais parce qu'il exigeait, selon ses propres mots "du rythme et des idées", qu'il travaillait jour et nuit, obsédé et possédé par son métier, Jean-Pierre Elkabbach revint et reprit sa marche vers les sommets. ».
     

     
     


    Pour montrer sa puissance d'innovation, Emmanuel Macron a cité son émission "Actuel 2" sur Antenne 2 en 1974 : « Le titre était un hommage à Albert Camus. Il était aussi comme sa devise personnelle, demeurer actuel. Dans cette émission profondément novatrice, on put voir alors ce qu’on ne voyait pas ailleurs : Brigitte Bardot interrogée par Nathalie Sarraute sur son manque de solidarité avec la cause des femmes. Jean-Edern Hallier, chroniqueur social des luttes de Lip face à François Mitterrand. René Dumont défendant un mot alors presqu’inconnu, celui d’écologie. Ou Delphine Seyrig racontant le procès de Bobigny. ».

    Et d'ajouter : « Toujours, le journaliste voulait être de son temps. Cela supposait de bousculer, comme de faire émerger les talents, tels Gérard Holtz, Hervé Claude, Claude Sérillon, Nicole Cornu-Langlois, Noël Mamère, Daniel Bilalian, Patrick Poivre d'Arvor, et tant d’autres, d’inventer la rubrique Météo avec Alain Gillot-Pétré. Il fallait être toujours sur la brèche, transgressif et travailleur. ».

    Marqué aussi par l'émission "Découvertes" sur Europe 1 : « Avec
    Philippe Gildas, le directeur d’antenne, avec Béatrice Schönberg, tous les après-midis, Jean-Pierre Elkabbach se remit à faire ce qu’il savait faire de mieux : capturer l’esprit du temps, lire la modernité artistique, sociale, culturelle, sociologique et en déduire des émissions. La sienne s’appelait logiquement "Découvertes" et naviguait de Raymond Aron à Thierry Le Luron, des spectacles parisiens aux reportages en région. ».

    Emmanuel Macron insista sur le talent d'intervieweur dont il fut l'une des victimes : « Ce serait une litote de dire que Jean-Pierre Elkabbach était un intervieweur redoutable, sans doute l'un des plus travailleurs, des plus rusés, le plus théâtral, le plus aguerri. Combien s'y sont fait prendre ? "Celui-là, la prochaine fois qu'il reviendra me voir, il aura appris la messe par cœur" concluait le journaliste après avoir terrassé un impétrant. N’hésitant pas à voler les invités à la concurrence, il cherchait à repérer les visages de demain en même temps que les valeurs du moment. Beaucoup, j’en suis, y accomplirent une sorte de baptême du feu. Les interviews de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1, puis brièvement sur CNews, entrèrent dans la légende, entrèrent même dans la liturgie de notre République. Il y avait les mardis et les mercredis, les questions au gouvernement et tous les matins, les questions de Jean-Pierre Elkabbach. Ses interviews se jouaient cartes sur table, opéraient toujours de vraies découvertes, ambitionnaient d'être actuelles, comme un résumé de toute sa carrière. ».

     

     
     


    Paradoxalement, l'homme de cultures et de lectures qu'était Jean-Pierre Elkabbach n'a pas laissé beaucoup d'écrits. Il était un homme de l'audiovisuel, avec sa voix agréable et reconnaissable parmi toutes, mais pas une plume très prolifique. S'il a publié quatre ouvrages, il n'en a véritablement sorti qu'un seul exposant sa vie, un an avant sa mort, le 27 octobre 2022, son autobiographie (avec l'aide de Martin Veber), "Les Rives de la mémoire" dont les premiers mots évoquent son origine : « Je suis un enfant de la Méditerranée, de son soleil, de ses rivages arides, de la mer. J'ai quitté Oran, la ville où je suis né, à l'aube de ma vie d'adulte. C'était le début de la guerre d'indépendance. L'Algérie que je laissais derrière moi était devenue un pays de violence et de mort. Je suis parti sans regret. Pendant toute mon adolescence, je ne pensais qu'à cela : fuir Oran, cette ville sans horizon, rejoindre la France et surtout Paris, où tout me semblait possible. ».

    Le professionnalisme de Jean-Pierre Elkabbach a transpiré pendant toute sa carrière, et il y a mille et un exemples. J'en prends un car il est très intéressant. Depuis qu'il fait de la politique,
    Laurent Fabius n'est pas vraiment ma tasse de thé. Je n'ai jamais apprécié sa condescendance et son esprit partisan. Néanmoins, j'étais très étonné qu'on lui reprochât d'avoir été mêlé au scandale du sang contaminé car j'avais le souvenir, au contraire, qu'il avait, en tant que Premier Ministre, eu le courage d'anticiper les risques avec le sida. Je suis donc très heureux de lire dans l'autobiographie de Jean-Pierre Elkabbach le même genre de réflexion.

    Il a eu de très mauvaises relations avec Laurent Fabius dont il a pourtant été le premier intervieweur en 1975 sur France Inter (invité avec
    Jacques Attali pour promouvoir son premier livre). En effet, pendant la campagne présidentielle de 1981, Laurent Fabius, directeur de campagne de François Mitterrand, ne voulait pas que Jean-Pierre Elkabbach invitât Michel Rocard à la télévision. Il lui a téléphoné ainsi : « Il en est hors de question. Je suis le directeur de campagne, je ne veux pas de lui à l'antenne. ». Réponse immédiate : « Oui, mais le directeur de l'information, c'est moi, et c'est ma décision. ». Réplique et menace à peine voilée : « Si nous gagnons, vous allez voir ce que nous ferons des gens comme vous ! ». Mais il ne s'est pas laissé intimider : « Écoutez, faites ce que vous voulez. Ce soir, moi, je vous emm@rde ! ». Cela donne une idée du caractère bien trempé.

    Évidemment, la gauche est arrivée au pouvoir et les relations entre Jean-Pierre Elkabbach et Laurent Fabius furent exécrables. Jusqu'à l'affaire du sang contaminé : « Pendant des années, il me poursuivit de sa rancune. Nos relations s'apaisèrent dans la tourmente de l'affaire du sang contaminé. Partout, on entendait que Fabius n'avait rien vu et avait failli. Or j'avais suivi les débats et je fis remarquer lors d'une émission qu'on lui faisait subir un mauvais procès. En effet, l'ancien Premier Ministre avait été le premier haut responsable à réagir aux alertes. Dès le 19 juin 1985, il avait prononcé devant une Assemblée Nationale indifférente le dépistage obligatoire des donneurs de sang afin d'éviter les contaminations lors des transfusions. Mon intervention n'était que justice et simple rappel des faits. Je n'aimais pas l'acharnement dont il était l'objet. Il m'appela pour me remercier et nous nous revîmes. J'étais l'un des rares à avoir publiquement pris sa défense. ».

    Et de commenter sa relation jusqu'à sa mort : « Par la suite, nos rencontres furent empreintes d'une amabilité courtoise dont ni l'un ni l'autre n'était dupe. Aujourd'hui, la Présidence du Conseil Constitutionnel lui va bien. Il applique avec les huit sages la même méthode qu'avec moi : distance et parole rare. ». Un exemple : « Quand je le conviais aux matins d'Europe 1, il répondait avec parcimonie à mes invitations, mais il venait. Généralement, après l'entretien, les journalistes de la rédaction se pressaient autour de l'invité pour poursuivre les échanges plus librement, en quête de révélations. Leurs coqueluches étaient
    Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron, Bernard Arnault, François Hollande et Arnaud Montebourg. Laurent Fabius, lui, faisait salle vide, victime de sa condescendance. ». Le journaliste conclut sur sa rancœur de ne pas avoir pu être Président de la République, dépassé par Michel Rocard, Lionel Jospin, Dominique Strauss-Kahn, François Hollande... : « Un Président de la République vit la solitude du pouvoir. Laurent Fabius est un solitaire sans pouvoir. ».

    Dans ce livre, qui rapporte une soixantaine d'années de carrière de journaliste politique, Jean-Pierre Elkabbach a bien sûr brossé bien des portraits de responsables politiques, dans sa franchise crûe de son point de vue.

    Jean-Pierre Elkabbach a fait aussi état de l'une de ses dernières conversations avec Emmanuel Macron qui l'avait invité à un déjeuner en tête-à-tête en septembre 2022. Question de l'intervieweur professionnel sur l'accomplissement majeur du second quinquennat : « Cela se révélera après, comme dans un
    tableau impressionniste. Sur le moment, on ne perçoit que des taches de lumières et c'est en prenant du recul que l'image apparaît dans sa force et sa clarté. Je veux réformer pour assurer notre indépendance nationale. Notre victoire serait que nos enfants puissent encore choisir leur destinée. ».

    Et le journaliste a compris la grande frayeur du Président : « En 2027, Emmanuel Macron devra passer la main. Par-dessus tout, il redoute de transmettre sa charge à
    Marine Le Pen et à l'extrême droite, qui croient leur heure arrivée. Pour l'éviter, il lui faut réussir son second quinquennat. Ensuite, rien ne l'empêchera de poursuivre son engagement politique et d'incarner l'Europe. Ce n'est pas à lui de régler sa succession, mais il doit promouvoir la génération qui a émergé grâce à lui, Élisabeth Borne, Julien Denormandie, Gabriel Attal, Sébastien Lecornu et surtout Jean Castex, qui quitta Matignon populaire, malgré la crise du covid. Il est l'un des rares à ne pas penser encore au rôle qu'il pourrait tenir en 2027. Avec sa simplicité, sa liberté, il est proche des Français et sait trouver les mots. Pourquoi me fait-il penser à Georges Pompidou à ses débuts ? Si aucune figure du "nouveau monde" ne se détache, le macronisme restera une parenthèse, refermée dès le départ de l'Élysée de son inspirateur, il est le premier à le savoir. La lutte pour le pouvoir, son exercice, les alliances qui se nouent et se dénouent, les opportunités que l'on saisit, les reniements, les ruptures laissent peu de place aux sentiments. La vie politique est impitoyable et requiert un sens aigu de la dissimulation. ».

    Dans cette réflexion, comme figures du macronisme, Jean-Pierre Elkabbach a toutefois oublié
    Édouard Philippe, Gérald Darmanin et Bruno Le Maire (il en a parlé un peu avant : « Il s'est révélé être un des piliers des deux quinquennats, utile pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine. Toutes les grandes décisions, il les discute directement avec le chef de l'État. Pourquoi, pense-t-il, ne pourrait-il pas lui succéder à l'Élysée ? »). En revanche, il avait bien vu pour Gabriel Attal dont il n'a pas su qu'il allait être nommé à Matignon.

    Son livre se referme sur ces phrases : « Ma soif de connaissance, d'exploration, ne procède pas du journalisme. Elle était là dès l'enfance et c'est elle qui m'a conduit à mon métier. Pendant longtemps, elle s'est confondue avec lui. Désormais, peu à peu, elle s'en détache et reprend sa liberté. Elle oriente le cours de mes jours, nourrit de nouveaux projets et me mène vers de nouvelles causes. Tout bien réfléchi, ai-je tant changé ? Je n'ai pas guéri de ma curiosité. ». Point final.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Vous n'avez pas honte ?
    Boulimique.
    Hommage du Président Emmanuel Macron à Jean-Pierre Elkabbach le 9 octobre 2023.
    Jean-Pierre Elkabbach.
    Patrick Cohen.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Bernard Pivot.
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Yves Montand.
    Jean Lacouture.
    Marc Ferro.
    Dominique Baudis.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Christine Angot.
    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
    Alain Duhamel.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241003-elkabbach.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/taisez-vous-elkabbach-256892

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/02/article-sr-20241003-elkabbach.html



     

  • Législatives 2024 (51) : la quadrature du cercle de Michel Barnier

    « Je pars, avec le gouvernement, d’un vote populaire par lequel vous avez été élus, mesdames, messieurs les députés et qui traduit des attentes fortes, urgentes et justifiées pour des services publics efficaces, pour une sécurité au quotidien, mais aussi, j’en suis convaincu, pour que notre pays retrouve le chemin de l’apaisement, de la fraternité, de l’espérance. (…) Écoute et respect à l’égard de toutes les forces politiques et de toutes les sensibilités politiques représentées à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Je l’ai dit dès le premier jour : nous écouterons et respecterons chacune et chacun d’entre vous, même si ce respect n’est pas toujours réciproque. » (Michel Barnier, le 1er octobre 2024, dans l'hémicycle).



     

     
     


    Ce mardi 1er octobre 2024 à 15 heures a eu lieu, au Palais-Bourbon, l'ouverture de la première session ordinaire de la XVIIe Législature qu'on n'hésitera pas à qualifier d'ingouvernable ou d'impossible ("on" = sans doute les livres d'histoire plus tard). Elle est la troisième journée de séances publiques, après l'installation de la nouvelle Assemblée Nationale les 18 et 19 juillet 2024. Il n'a pas attendu une seule journée : le nouveau Premier Ministre Michel Barnier y a prononcé sa déclaration de politique générale devant des députés au mieux réticents au pire hurleurs (dont on peut lire le texte dans son intégralité ici).

    En effet, la base parlementaire de son gouvernement est très étroite, et Michel Barnier a dû essuyer pendant toute la durée de son discours les vociférations des insoumis qui montraient un irrespect total des institutions (notons que ces mêmes députés ont été très calmes pendant le discours de
    Marine Le Pen !). Mais même au sein de la majorité, l'attitude est à l'attentisme. Le groupe EPR (Ensemble pour la République, ex-Renaissance) avait pour consigne de ne pas faire d'ovation pour le Premier Ministre afin de se montrer comme des alliés responsables mais exigeants, ce qui ne va pas beaucoup aider le gouvernement.

    C'est son grand oral, probablement le moment le plus important de sa carrière politique, le plus important et le plus improbable, car à 73 ans, il ne s'attendait pas à reprendre du service. Même sa candidature à la
    primaire LR en 2021, il l'a présentée comme un baroud d'honneur avant de quitter la scène politique.

    Après un hommage à
    Philippine, lâchement violée et assassinée, Michel Barnier a rempli son objectif de la déclaration de politique générale : ne pas faire un catalogue à la Prévert de mesures qu'il ne pourra pas prendre à cause du manque de majorité, mais une synthèse de ce qu'il compte faire, sur le fond (peu de textes) et sur la forme (beaucoup de concertation, d'écoute). Sa méthode : « Pour répondre à ces questions dans le contexte politique particulier où nous sommes, nous avons besoin d’une nouvelle méthode. Nous avons besoin d’écoute, de respect et de dialogue. Écoute, respect et dialogue entre le gouvernement et le Parlement. Je demanderai à mon gouvernement de s’appuyer davantage sur le travail parlementaire : propositions de lois, amendements, recommandations des commissions d’enquête ou d’information, évaluation des politiques publiques. Cela vaut évidemment pour les groupes parlementaires de l’Assemblée Nationale ou du Sénat dont certains membres font désormais partie du gouvernement et que je remercie pour leur soutien, mais aussi pour tous les autres groupes. Je souhaite qu’il y ait moins de textes et qu’il y ait plus de temps pour en débattre. ».

    Pour autant, le Premier Ministre n'entend pas rester immobile. Il compte bien s'appuyer sur l'Assemblée pour faire passer des mesures difficiles, celles qui réduiront le déficit de l'État qui sera en 2024 à plus de 6% du PIB. Il a proposé la trajectoire suivante : déficit ramené à 5% en 2025, 3% en 2029. Il a souhaité placer son action dans le cadre d'une durée de deux ans et demi, jusqu'à l'élection présidentielle, même si durer, pour lui, va être un véritable calvaire, surtout après la première année où le Président de la République pourra débloquer la situation en dissolvant à nouveau.


    Sa priorité est notre dette : « Une exigence d’abord : la réduction de notre double dette, budgétaire et écologique. (…) Ces deux réalités budgétaire et climatique certains veulent les nier ou les ignorer. D’autres les subissent ou se contentent de les commenter. Mettre la tête dans le sable ou se lamenter n’a jamais permis d’avancer. Il n’y a pas de fatalité tant qu’il n’y a pas de fatalisme ! Je pense que les hommes et les femmes politiques que nous sommes n’ont pas le droit en ce moment d’être fatalistes. Je suis convaincu que nous pouvons trouver un chemin de réalisme et d’action qui passe partout par le contrat plutôt que par la contrainte et qui nous permette pas à pas de reconstruire la confiance. ».
     

     
     


    Comme réduire le déficit ? Plusieurs axes de réponse.

    Réduire les dépenses publiques : « Comment faire ? Ne nous racontons pas d’histoires, je ne raconterai pas d’histoires. Nos dépenses publiques atteignent 57% de la richesse nationale, contre 49% dans le reste de l’Europe. Elles ont augmenté de plus de 300 milliards depuis 2019, ce qui représente 5 000 euros de dépenses publiques supplémentaires chaque année par Français, quel que soit son âge. Le premier remède contre la dette, c’est la réduction des dépenses. En 2025, les deux tiers de l’effort de redressement viendront donc de la réduction des dépenses. Réduire les dépenses, c’est renoncer à l’argent magique, à l’illusion du tout gratuit, à la tentation de tout subventionner. ».

    Ensuite, rendre plus efficace l'argent public : « Le deuxième remède, c’est l’efficacité de la dépense publique. Nous sommes champions des dépenses publiques, mais pour quel résultat ? Est-il normal que le coût de l’éducation d’un élève français soit supérieur à celui de nos voisins, alors que nos professeurs sont souvent moins bien payés ? Est-il acceptable que les services de l’État louent à prix d’or des locaux au cœur de Paris quand un déménagement dans des départements limitrophes permettrait de faire des économies et de participer à la rénovation urbaine comme l’organisation des Jeux olympiques l’a prouvé en Seine-Saint-Denis ? Trop souvent, nos concitoyens ont l’impression, et vous les entendez, mesdames et messieurs les députés, de ne pas en avoir pour leurs impôts. Nous ferons donc la chasse aux doublons, aux inefficacités, aux fraudes, aux abus du système et aux rentes injustifiées. ».
     

     
     


    Puis, de nouveaux impôts très ciblés : « Le troisième remède est d’ordre fiscal. Nos impôts sont parmi les plus élevés du monde. Les baisses d’impôts décidées depuis sept ans et les mesures prises pendant la crise du covid ont aidé beaucoup de Français et beaucoup d’entreprises, c’est la vérité, et ont redonné de l’oxygène dans une situation inédite et grave. Mais la situation de nos comptes demande aujourd’hui un effort ciblé, limité dans le temps et partagé dans une exigence de justice fiscale. Ce partage de l’effort nous conduira à demander une participation au redressement collectif aux grandes et très grandes entreprises qui réalisent des profits importants. Nous le ferons sans remettre en cause notre compétitivité. Il n’y a ni partage ni redistribution possible s’il n’existe pas en amont de l’activité et de la production sur notre territoire. Cette exigence nous conduira également à demander une contribution exceptionnelle aux Français les plus fortunés afin d’éviter les stratégies de défiscalisation des plus gros contribuables. ».
     

     
     


    Quatrième piste, qui est, il faut bien le dire, la tarte à la crème de tous les nouveaux gouvernements (on ne voit pas pourquoi l'État ne lutterait pas en permanence contre la fraude) : « Enfin, nous lutterons résolument et dans la durée contre la fraude fiscale et la fraude sociale, y compris en sécurisant les cartes Vitale pour éviter le versement indu d’allocations. ».

    Un mot sur les épées de Damoclès : « J’ai entendu parler d’une épée de Damoclès qui pèserait sur la tête du gouvernement mais la véritable épée de Damoclès, est dès aujourd’hui là sur la tête de la France et des Français et faute d’actions, faute de courage maintenant, je suis sûr d’une chose : elle pèsera beaucoup plus gravement demain sur nos enfants et nos petits-enfants. La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale : 3 228 milliards d’euros. Si l’on n’y prend garde, elle placera notre pays au bord du précipice. (…) Il y a une autre épée de Damoclès, tout aussi redoutable, celle de la dette écologique. Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants. Cette priorité m’a accompagné tout au long de ma vie publique, depuis mon tout premier engagement aux côtés du tout premier ministre français de l’environnement, dans mon pays de Savoie, à l’Assemblée Nationale et au Sénat où j’ai eu l’honneur de siéger, au ministère de l’environnement puis au ministère de l’agriculture et de la pêche, à la Commission Européenne enfin. Elle sera au cœur de notre action, parce que j’ai en mémoire la recommandation d’un homme d’État que je respectais et admirais,
    Pierre Mendès France : ne jamais "sacrifier l’avenir au présent". ».

    Effectivement, l'autre dette, écologique, fait partie des préoccupations majeures de Michel Barnier : « J’entends bien ceux qui disent : à quoi bon ? Que peut faire la France seule, face à un problème qui concerne l’ensemble de l’humanité ? Je pense qu’on peut faire beaucoup. Nos émissions de gaz à effet de serre ont à nouveau diminué de 3,6% au premier semestre de 2024 : c’est la preuve que les efforts paient. Nous pouvons et devons faire plus pour lutter contre le changement climatique et prévenir tous les risques de plus en plus nombreux et violents qu’il porte en lui, préserver la biodiversité et encourager l’économie circulaire. Nous devons agir plus concrètement au sein de l’Union Européenne et dans le cadre des Accords de Paris, et valoriser les initiatives des communes, de nos régions, des départements, de tant d’entreprises et d’associations. La transition écologique doit être l’un des moteurs de notre politique industrielle. Décarbonation des usines, encouragement à l’innovation, implantation de nouvelles industries de la transition, renforcement de nos filières de recyclage : je crois depuis longtemps à une écologie des solutions. Ensemble, nous allons agir aussi sur l’offre énergétique, en poursuivant résolument le développement du nucléaire, notamment des nouveaux réacteurs, mais aussi des énergies renouvelables en mesurant mieux tous leurs impacts, je pense en particulier aux éoliennes, en valorisant la biomasse pour décarboner efficacement la production de chaleur et de gaz, en développant la filière française des biocarburants pour l’aviation. Enfin, dans les outre-mer, engagés vers un objectif de 100% d’électricité renouvelable en 2030, seront développés des laboratoires d’innovation pour le solaire et la géothermie. Ensemble, nous devons maîtriser nos besoins d’énergie, en poursuivant les efforts engagés et en faisant preuve de sobriété et d’efficacité. Nous allons mieux cibler l’accompagnement des particuliers et des entreprises, notamment pour la rénovation thermique des bâtiments. En attendant, le diagnostic de performance énergétique sera simplifié et son calendrier adapté. ».

    Et de faire de l'État le premier acteur de la transition écologique : « L’État qui est avec ses opérateurs le plus gros propriétaire immobilier foncier du pays doit aussi être exemplaire et réduira sa consommation d’énergie en isolant les surfaces qu’il gère. Pour tout cela, les travaux de planification vont reprendre immédiatement, avec les outils dont nous disposons : la stratégie française pour l’énergie et le climat, le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie. Je voudrais dire un dernier mot sur la question de l’eau. Sécheresses ou inondations, conflit des usages, pollution des nappes phréatiques, envolée des prix : soixante ans après la toute première loi sur l’eau de 1963, le moment est venu, en prenant en compte les travaux et les réflexions engagées ces dernières années, de consacrer aux enjeux stratégiques liés à l’eau une grande conférence nationale pour agir. ».

     

     
     


    Pour rassurer son aile gauche, Michel Barnier a indiqué ses propres lignes rouges : « Madame la Présidente, mesdames et messieurs les députés, j’ai entendu que certains ont des lignes rouges, parfois très rouges. On préfère les lignes bleues aux lignes rouges ! Depuis que j’ai accepté la proposition du Président de la République d’être le Premier Ministre de notre pays, j’ai gardé en mémoire mes propres lignes rouges, qui sont celles de tout le gouvernement. Il n’y aura aucune tolérance à l’égard du racisme et de l’antisémitisme. Il n’y aura aucune tolérance à l’égard des violences faites aux femmes. Il n’y aura aucune tolérance à l’égard du communautarisme. Il n’y aura aucun accommodement en ce qui concerne la défense de la laïcité, aucun. Nous n’accepterons aucune discrimination. Nous n’accepterons aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans. Je pense à la loi sur l’interruption volontaire de grossesse défendue par Simone Veil. Pour tout vous dire, avoir siégé dans le même gouvernement que Simone Veil reste un des grands honneurs de ma vie. Il n’y aura donc aucune remise en cause de cette loi désormais protégée par la Constitution. De même, il n’y aura aucune remise en cause de la loi sur le mariage pour tous ni des dispositions législatives sur la procréation médicalement assistée. ». Ça va mieux en le disant.
     

     
     


    Et pour un clin d'œil à Emmanuel Macron, il a évoqué MacKinsey (sans le citer) : « Pour conserver ou reconstruire une vraie capacité de prospective, j’ai toujours pensé que les acteurs publics tels que les députés ou les membres du gouvernement en avaient besoin, nous fusionnerons France Stratégie avec le Haut-commissariat au plan. Il y a dans les services de l’État de l’intelligence et de l’expertise ; elles peuvent être mieux utilisées, sans avoir recours à des cabinets de conseil privés. ».

    L'action du gouvernement aura cinq grands chantiers : le niveau de vie des Français ; l'accès à des services publics de qualité ; la sécurité au quotidien ; la maîtrise de l'immigration ; plus de fraternité.



    1. Niveau de vie des Français

    Pouvoir d'achat : « Nous avons besoin d’une économie vigoureuse où chacun puisse bien vivre des fruits de son travail. Il y a dans notre pays de nombreuses créations d’emplois et de plus en plus de personnes au travail grâce à l’attractivité de la France pour les investissements internationaux, qui est depuis sept ans une priorité du Président de la République, et grâce à la réussite des entrepreneurs et des entreprises, qu’elles soient grandes, petites ou intermédiaires, des artisans et des commerçants qui travaillent et produisent en France dans de nombreux secteurs, y compris le numérique et l’intelligence artificielle. Notre pays doit et veut amplifier son ambition industrielle. Le gouvernement encouragera une meilleure mobilisation de l’épargne des Français pour soutenir cette dynamique, par exemple à travers un nouveau livret d’épargne dédié à l’industrie. ».

    Renforcer l'emploi : « Nous n’avons pas encore atteint le plein emploi. Le
    RSA ne doit pas être uniquement un filet de sécurité. Nous devons en faire un tremplin vers l’insertion, un nouveau contrat social fait du droit d’être aidé et du devoir de chercher, vraiment, un travail. Cela passe notamment, mais pas seulement, par l’action de France Travail, qui accompagnera désormais progressivement, en lien avec les départements et l’ensemble des acteurs de l’emploi, tous les allocataires du RSA et toutes les entreprises qui ont besoin de recruter. Là où la réforme du RSA a été engagée, ça marche, comme à Marseille où, après six mois d’accompagnement, une personne sur trois est sortie du RSA. Enfin, nous avons de nombreux dispositifs d’insertion par l’activité économique, auxquels je suis attentif, notamment le travail adapté pour les personnes en situation de handicap, ou des expérimentations que je connais assez bien comme Territoires zéro chômeur de longue durée, qui donnent des résultats et doivent être encouragés. ».

    Augmenter le SMIC et autres rémunérations des salariés : « Encore faut-il que le travail paie. Nous revaloriserons le SMIC de 2% dès le 1er novembre 2024, anticipant ainsi l’augmentation prévue le 1er janvier 2025. (…) Nous relancerons la participation, l’intéressement et l’actionnariat salarié, et cela pas seulement dans les grandes entreprises. ».

     

     
     


    Assouplir les contraintes qui affectent le logement : « Nous devons faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation zéro artificialisation nette pour répondre aux besoins essentiels de l’industrie et du logement. Dans un contexte de crise du secteur de la construction, des mesures rapides sont nécessaires pour relancer l’investissement locatif et l’accession à la propriété, notamment chez les primo-accédants, pour lesquels le gouvernement est favorable à l’extension du prêt à taux zéro, sur tout le territoire. En outre, nous devons simplifier au maximum les normes qui pèsent sur la construction des logements neufs ou la réhabilitation des logements anciens. Quant au logement social, il ne devrait être qu’une étape. Les bailleurs doivent pouvoir réexaminer régulièrement la situation de leurs locataires afin d’adapter les loyers à leurs ressources. C’est aussi une mesure de justice sociale. Pour faciliter l’accession sociale à la propriété, il y a, j’en suis sûr, des mesures innovantes à trouver avec les offices HLM ; nous y sommes prêts. Il faut également donner plus de pouvoir aux maires dans l’attribution et la priorisation des logements sociaux sur leur territoire. Faisons-leur confiance pour permettre une vraie mobilité dans le parc social. ».


    2. Accès aux services publics de qualité

    Un constat : « Les Français sont attachés à leurs services publics dans tous les territoires. Je comprends leur colère et leur désarroi, que vous connaissez vous aussi, quand il faut attendre de longues semaines pour obtenir une pièce d’identité ou quand des professeurs absents ne sont pas remplacés. ». Michel Barnier a évoqué notamment l'école (qui sera sa priorité, comme pour tout gouvernement), l'hôpital, et il a insisté sur la santé mentale.
     

     
     



    3. Sécurité au quotidien

    Michel Barnier a annoncé la création de nouvelles brigades de gendarmerie : « Tous les Français ont besoin d’être rassurés par la présence de nos forces, qui seront encore plus visibles et présentes sur la voie publique, ainsi que dans les villes et les villages de France. ». Rendre plus rapide l'application des peines : « Les Français s’attendent à des sanctions rapides, quand elles sont justifiées. Nous devons nous attaquer de manière volontariste à la réduction des délais de jugement, en particulier pour les mineurs. Nous reprendrons la discussion sur la création d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs délinquants de plus de 16 ans déjà connus de la justice et poursuivis pour des actes graves d’atteinte à l’intégrité physique des personnes. Nous poursuivrons la réflexion sur les atténuations de l’excuse de minorité. Il faut stopper la montée continue de la violence des mineurs, qui rend impossible la vie dans de nombreux quartiers. Enfin, les Français demandent que les peines soient réellement exécutées. Il est nécessaire que les jugements soient respectés et que les peines soient exécutées sans être transformées, au risque, si ce n’est pas le cas, de faire perdre toute crédibilité à la réponse pénale. C’est pourquoi nous proposons des peines de prison courtes et immédiatement exécutées pour certains délits. Il nous faut également réviser les conditions d’octroi du sursis et limiter les possibilités de réduction ou d’aménagement de peine. ».


    Il faut construire de nouvelles prisons : « Pour réaffirmer le rôle dissuasif de la sanction, nous devons construire des places de prison. La France compte actuellement 80 000 détenus pour environ 62 000 places. Ce nombre est très insuffisant. J’ajoute, parce que ce sujet m’intéresse, qu’il nuit à la dignité des conditions de détention. Il est donc urgent de construire de nouvelles places de prison, effort qu’ont déjà engagé les gouvernements précédents. Devant l’ampleur du chantier, il faut aussi diversifier les solutions d’enfermement ou de surveillance effective en fonction du profil de la personne détenue et de la peine prononcée, notamment pour les mineurs délinquants. À ce titre, je suis favorable à la création de nouveaux établissements pour les courtes peines. ».

    État de droit (en réponse à
    Bruno Retailleau) : « D’une manière générale, la fermeté de la politique pénale demandée par les Français est indissociable du respect de l’État de droit et des principes d’indépendance et d’impartialité de la justice, auxquels je suis profondément et définitivement attaché. ».


    4. Maîtrise de l'immigration


    Chantier dont il ne pouvait pas se passer face aux demandes populaires et parlementaires. Mais avec un réel flou car le Premier Ministre veut à la fois plus de fermeté et plus d'humanité : « Il est urgent de sortir l’immigration de l’impasse idéologique où l’ont mise les uns et les autres. Un jour, dans un moment d’utopie, j’ai même imaginé qu’on pouvait en faire un sujet d’intelligence nationale. Ce sujet, qui ne laisse personne indifférent, doit être traité avec dignité et gravité, au lieu d’être instrumentalisé dans des controverses inutiles. Nous devons regarder la question de l’immigration avec lucidité et l’affronter avec pragmatisme. (…) C’est en appliquant ces mesures strictes de maîtrise de l’immigration que nous serons mieux en mesure d’atteindre notre objectif : intégrer dignement celles et ceux que nous choisissons d’accueillir, en leur ouvrant plus rapidement l’accès à un titre de séjour, à l’apprentissage du français, à un logement et à un emploi. ».
     

     
     



    5. « Notre pays a besoin de plus de fraternité. »

    La leçon des
    Jeux olympiques et paralympiques : « La formidable réussite des Jeux olympiques et paralympiques de Paris a encouragé la pratique sportive, qui est une des clés pour soutenir le moral individuel et collectif des Français, l’apprentissage des règles du jeu, l’acceptation de l’autre ainsi que pour améliorer la santé de nos concitoyens. Au-delà des belles cérémonies et des médailles françaises, la plus grande réussite de ces Jeux a été aussi de changer notre regard sur le handicap. Tous ces athlètes paralympiques nous ont rendus fiers. L’une des priorités du gouvernement sera de maintenir cet élan pour résoudre les inégalités qui demeurent, pour renforcer la scolarisation, l’accessibilité des transports et de l’espace public, et combattre les discriminations à l’embauche. La fraternité, c’est renouer avec une politique familiale, soutenir toutes les familles, en particulier les familles monoparentales, combattre aux côtés de tant d’associations, avec la plus grande énergie, la pauvreté qui progresse à nouveau dans nos villes et dans nos campagnes. La fraternité, c’est encourager le bénévolat et la vie associative qui font reculer l’isolement et la solitude, et apportent tant de générosité à notre pays. (…) La fraternité, c’est aussi développer une politique culturelle accessible à tous, notamment aux jeunes, dans tout le territoire : l’accès à la culture est à la fois un facteur essentiel d’ouverture personnelle, une condition pour faire progresser l’égalité des chances et l’un des ciments de notre lien social. (…) La fraternité, c’est aussi tisser davantage de liens entre les générations. La cohabitation intergénérationnelle, qui aide beaucoup de jeunes à se loger tout en aidant les plus âgés à vivre chez eux le plus longtemps possible, doit être développée. ».

    Je n'ai pas tout évoquer, notamment les sujets de politique étrangère et aussi les urgences en outre-mer (notamment en Nouvelle-Calédonie), ni certains sujets politiques et sociaux importants, j'y reviendrai spécifiquement le cas échéant.


    Le mot de la fin de Michel Barnier était le suivant : « Devant l’urgence de la situation, et pour l’avenir, recherchons des chemins communs, dégageons des compromis, relevons la ligne d’horizon. Un dernier mot : prenons soin de la République, elle est fragile. Prenons soin de l’Europe : elle est nécessaire. Prenons soin ensemble de la France et des Français : ils nous demandent, je l’entends tous les jours sur le terrain, de dépasser nos divisions, nos querelles, d’agir dans l’intérêt supérieur du pays. Les Français méritent notre engagement. ».

    À la suite de cette déclaration de politique générale qui était de bonne tenue, au contraire des hurlements de certains députés (à gauche), l'ensemble des groupes politiques se sont exprimés par la voix de leur président. Aucun vote n'a été prévu puisque le gouvernement n'a pas demandé la confiance à l'Assemblée, mais une motion de censure sera prochainement examinée.

    Dans ses réponses aux groupes politiques, je retiens, s'il n'en faut retenir qu'une, son dialogue avec
    Mathilde Panot, avec un petit chuintement grand-bourgeois qui n'est pas sans rappeler Valéry Giscard d'Estaing : « J’ai du mal à comprendre votre ton et votre agressivité. J’ai du mal à comprendre la manière dont vous attaquez personnellement et de manière systématique le chef de l’État. Je vais vous dire une chose, madame la présidente : plus vous serez agressive, plus je serai respectueux. ».
     

     
     


    Michel Barnier restera toujours sur la ligne de crête. En prônant l'écoute permanente de tous les groupes politiques, il se montre humble mais aussi indécis, laissant les groupes lui apporter les idées. Il faut dire qu'il marche sur des œufs. Mais il faudra bien trancher, et donc, faire des mécontents. Le premier exercice, celui de la déclaration de politique générale, a été accompli de manière satisfaisante. Le deuxième sera autrement plus délicat : le mercredi 9 octobre 2024, il présentera le projet de loi de finances pour 2025. Ce sera le premier PLF (projet de loi de finances) qui aura été préparé en si peu de temps (il a été nommé à Matignon le 5 septembre 2024). Ce texte aura de quoi énerver tous les groupes politiques à la fois !

    Son expérience et sa prudence sont ses deux atouts, ceux qui ont fait du négociateur en chef du
    Brexit pour l'Union Européenne un redoutable interlocuteur des Britanniques. Pour l'instant, son gouvernement a la vie sauve. Prochaine séance à l'Assemblée : ce mercredi 2 octobre 2024 pour la première séance des questions au gouvernement (qui promet d'être ardue) et l'examen de la stupide motion de destitution du Président de la République soutenue par les insoumis et acceptée par les socialistes. Haut les cœurs !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (51) : la quadrature du cercle de Michel Barnier.
    Déclaration de politique générale du Premier Ministre Michel Barnier le 1er octobre 2024 au Palais-Bourbon (vidéo et texte intégral).
    Législatives 2024 (50) : les premiers pas du gouvernement Barnier.
    Composition du Gouvernement Michel Barnier I nommé le 21 septembre 2024.
    Législatives 2024 (49) : les socialistes crient au secours la droite revient !
    Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy.
    Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






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  • Jean-Louis Debré, enfant de la République (la Cinquième)

    « Aujourd'hui, à mon âge, être un jeune comédien, c'est fantastique. Apprendre un nouveau métier, voir des nouveaux gens, avoir une nouvelle ambition. C'est ça qui est fantastique dans la vie ! » (Jean-Louis Debré, le 28 janvier 2023 sur France Culture).



     

     
     


    Enfant de la République. La Cinquième. Pas de Beethoven, mais de De Gaulle, bien sûr. Jean-Louis Debré fête ses 80 ans ce lundi 30 septembre 2024. Il les fête seul, je veux dire, il les fête sans son frère jumeau Bernard Debré qui est parti il y a quatre ans. Cela doit faire quelque chose d'être amputé d'un frère si proche (et en même temps qui était si différent).

    Au regard de sa carrière politique, on peut dire que Jean-Louis Debré a eu une belle trajectoire, il est un baron de la République, il a eu des postes prestigieux, dont trois qui ont dû faire honneur à son père premier Premier Ministre de De Gaulle (qui n'en a vu qu'un de son vivant) : Ministre de l'Intérieur de 1995 à 1997 (prime au fidèle et loyal, mais un ministre peu convaincant), Président de l'Assemblée Nationale de 2002 à 2007 (beaucoup plus convaincant), enfin Président du Conseil Constitutionnel de 2007 à 2016 (très convaincant).

    Il ne faut pas croire que c'était parce qu'il est issu d'une très grande famille républicaine, de médecins et de responsables politiques, qu'il a eu tout tout cuit sur un plateau d'argent. J'ai déjà évoqué longuement sa carrière ici. Né à Toulouse, diplômé de l'IEP Paris, il a fait un doctorat spécialisé en droit constitutionnel (son directeur de thèse était Roger-Gérard Schwartzenberg, à peine plus âgé que lui). Sa future fonction à la tête du Conseil Constitutionnel est donc non seulement la consécration de son engagement politique mais aussi celle de sa carrière de juriste. Après ses études, il fut membre de cabinets ministériels, juge d'instruction, député, maire d'Évreux, etc.

    Sans doute que, plus que son lien de filiation avec Michel Debré, sa relation faite d'amitié et de loyauté absolue envers Jacques Chirac dans une époque de trahisons (balladuriennes) a quelque peu encouragé sa carrière. Amitié avec Jacques Chirac dont il est devenu un confident jusqu'au bout de la nuit, quand tout s'effaçait, tout s'oubliait. Amitié aussi avec Pierre Mazeaud, son prédécesseur immédiat au Conseil Constitutionnel, qui date des années 1960, une amitié familiale surtout.


    Il a commencé à se présenter aux élections en mars 1973, à l'époque, il avait 28 ans. Dans un reportage dans le journal d'Antenne 2 le 11 février 1973, on le voit ainsi faire campagne assez timidement pour les élections législatives, sans succès. L'une de ses paroles, c'était de dire que s'il s'était servi de sa famille, il aurait choisi une circonscription plus facile.





    C'est un peu cela, Jean-Louis Debré, un homme qui, faute de s'être fait un nom (l'ascendance familiale était trop lourde), a su se faire un prénom. Ayant travaillé pour Jacques Chirac dans les années 1970, il lui était resté fidèle malgré les relations parfois orageuses entre le futur Président de la République et son propre père (ils étaient concurrents à l'élection présidentielle de 1981). Cette fidélité s'est renforcée au moment de la grande rivalité avec Édouard Balladur, et il s'est retrouvé dans le camp des vainqueurs en 1995 : peu de leaders du RPR avaient su soutenir Jacques Chirac, les plus ambitieux préféraient le trahir sur l'autel de leur carriérisme.

    À cette époque, j'appréciais peu Jean-Louis Debré : il n'était qu'un second couteau et montrait un aspect très militant et politicien, avec ses éléments de langage, sa langue de bois, sa mauvaise foi. C'est assez commun et on a pu l'observer chez de nombreux dirigeants politiques, au RPR notamment, de Nicolas Sarkozy à Alain Juppé en passant par Jean-François Copé. L'exercice de son ministère Place Beauvau a été un désastre pour la lutte antiterroriste. Il n'était visiblement pas à sa place.

    Heureusement, il a eu une seconde chance ! Il a donné sa mesure personnelle quand il a été élu au perchoir. D'abord, il l'a été sur son propre mérite et avait un adversaire de taille en 2002 : Édouard Balladur, ancien Premier Ministre, et ancien favori d'une élection présidentielle sept ans auparavant. C'est la victoire du passionné sur le plus médaillé, un peu comme la victoire de Gérard Larcher sur Jean-Pierre Raffarin en 2008, au Plateau (Présidence du Sénat).

    Jean-Louis Debré a été effectivement un excellent Président de l'Assemblée Nationale, ouvrant l'institution sur le monde extérieur, modernisant les procédures, etc. Et sa Présidence n'était pas partisane, il défendait désormais les institutions, l'Assemblée Nationale, avant de défendre son camp politique, son parti, surtout lorsque celui-ci est tombé sous la tutelle de Nicolas Sarkozy qu'il n'a jamais apprécié (au point de voter pour François Hollande en 2012 !).

    Au fur et à mesure qu'il est devenu une autorité de référence dans une République en perte de référence, Jean-Louis Debré se permettait de prendre plus de distance. Tant de ses anciens amis gaullistes que des autres. Sa prise de distance n'était pas nouvelle et pas seulement sous Nicolas Sarkozy. Il s'était émancipé de Jacques Chirac dès 1997 lorsqu'il a pris à l'arraché la présidence du groupe RPR à l'Assemblée Nationale, en opposition au gouvernement de cohabitation de Lionel Jospin, malgré les réticences de Jacques Chirac lui-même, puis le perchoir en 2002 malgré les appétits de deux Premiers Ministres, Alain Juppé et Édouard Balladur (et les mêmes réticences de Jacques Chirac).

     

     
     


    En 2017, il n'hésitait pas à annoncer qu'il voterait Emmanuel Macron aux deux tours de l'élection présidentielle (s'opposant à François Fillon), mais plusieurs années plus tard, il ne s'interdisait pas de critiquer ouvertement le jeune Président de la République, proposant, dans "Le Parisien" du 15 juillet 2023, une dissolution ou un référendum pour rompre avec la crise politique (considérant que les Français se moqueraient d'un changement de gouvernement ou d'un remaniement) : « Vous ne pouvez pas passer des textes aussi importants que la réforme des retraites sans avoir une consultation populaire. (…) Les Français n’ont rien à fiche des changements de ministres. D’ailleurs, on n’en connaît que quatre ou cinq. ».

    Sa Présidence du Conseil Constitutionnel (2007-2016) a été également cruciale pour cette instance suprême car Jean-Louis Debré a dû adapter l'institution à la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui comporte une innovation majeure : le contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori (après leur promulgation et leur application) sur saisine des citoyens eux-mêmes (s'ils sont justiciables). Ce sont les fameuses QPC (questions prioritaires de constitutionnalité) qui ont bouleversé les missions du Conseil Constitutionnel en lui donnant beaucoup plus de travail qu'auparavant (ses missions d'origine étant la constitutionnalité des projets de loi avant promulgation seulement sur saisine des parlementaires et la validation des élections nationales).

    Le 13 novembre 2015, il confiait d'ailleurs à Capucine Coquand pour le journal "Décideurs Magazine" que sans ce défi de la QPC, il aurait quitté ses fonctions car cela l'aurait ennuyé : « Sans cela, je ne serais probablement pas resté Président du Conseil Constitutionnel. C’est une avancée significative pour la Ve République et les justiciables, pour notre État de droit. (…) L’institution n’est plus la même que celle que j’ai trouvée en arrivant avec plus de décisions en cinq ans qu’en quarante-neuf ans, le nombre inchangé de fonctionnaires mais de très grand professionnalisme ou la construction d’une nouvelle salle d’audience qui marque la juridictionnalisation de cette institution, un greffe performant, des audiences publiques, des avocats qui plaident... Jamais la maison n’a été aussi ouverte sur l’extérieur notamment vers les étudiants en droit, concours de plaidoiries, salon du livre juridique… (…) [Les dépenses] ont été réduites de 23% alors que nous travaillons beaucoup plus. ».


    Sa plus grande fierté demeure l'indépendance du Conseil Constitutionnel : « Car nous n’avons pas hésité à annuler les comptes de campagne d’un candidat à la Présidence, là où l’un de mes prédécesseurs avait préféré faire la sourde oreille. Nous ne craignons pas un instant de retoquer une surtaxe de 75%, figurant pourtant parmi les promesses d’un candidat à la présidentielle. C’est ça l’indépendance ! Et elle s’illustre symboliquement. Aujourd’hui, il n’y a plus un seul portrait des anciens Présidents de la République : ils ont tous été remplacés par des Marianne. (…) Mon plus grand souvenir, c’est lorsque nous avons annulé la loi de 1838 sur l’hospitalisation sans consentement. Ce jour-là, j’ai pensé à Camille Claudel hospitalisée contre son gré pendant trente ans. On l’a laissée mourir dans un hospice. C’est aussi ça la QPC : rétablir la justice. ».
     

     
     


    Le 5 juin 2023, répondant à l'invitation de l'Association pour l'histoire des Caisses d'Épargne, Jean-Louis Debré donnait sa définition du vivre ensemble dans la République : « "Un rêve d’un avenir partagé" comme le formulait Ernest Renan. La République n’est pas un modèle figé ; c’est une volonté de vivre ensemble. Aspirer à un destin commun suppose des mutations et des ruptures, des compromis et des anticipations. La société est en perpétuelle évolution, des attentes nouvelles apparaissent. Plus que jamais nous avons besoin d’une République audacieuse. ».

    C'est sans doute cette audace et ce besoin de se renouveler qui l'ont fait changer de vie. Jean-Louis Debré a définitivement quitté la vie politique, il n'est plus acteur mais observateur politique, publiant des livres de souvenirs, de témoignages, d'anecdotes... qui pourraient presque s'apparenter à de l'antiparlementarisme primaire si on ne connaissait pas son auteur ! De la taquinerie faite de tendresse et de passion plus que de la haine du système politique dont il défend les principes essentiels. Et certainement aucune rancœur nostalgique.

    Jugeons-en avec ses paroles du 28 janvier 2023 sur France Culture : « Aujourd'hui, le système politique ne génère plus de grands personnages comme jadis. Et la politique est devenue un métier du spectacle. Et peu importe ce que l'on dit, c'est la manière de le dire. Je suis sidéré de voir comment, comme les concitoyens, nous vivons tous dans l'immédiateté. Comment on peut dire tout et son contraire en quelques jours. (…) Le monde politique d'aujourd'hui n’est plus mon monde. Je ne le comprends pas. Je regarde ça avec un très grand détachement. (…) Quand je regarde les discours aujourd'hui des responsables politiques, il n'y a rien, il n'y a aucune ambition, il n'y a aucune foi et aucune passion. Ce sont des mots que l'on a alignés. On lit une note faite par ses collaborateurs. ». Et de conclure : « Je pense qu'il doit y avoir un Président qui assure l'unité nationale et qui est une personnalité importante. Et face à cela, un Parlement qui discute et qui modifie. ».

    Après les élections législatives anticipées, Jean-Louis Debré n'était guère plus tendre avec la classe politique, disant à Francis Brochet le 24 juillet 2024 pour "Le Dauphiné libéré" : « [Les Français] ressentent de l’angoisse pour l’avenir, de la tristesse pour le présent. Ils ont eu une mobilisation extraordinaire pour les législatives, ils voulaient de la sérénité, qu’on se remette au travail pour régler les problèmes économiques et sociaux et le problème de l’insécurité. Les politiques n’ont rien compris, ils chipotent et se font des croche-pieds. (…) La responsabilité incombe à l'ensemble du personnel politique. ».
     

     
     


    Il n'est plus acteur politique, je dois préciser, mais il est devenu acteur tout court, jeune acteur, jeune comédien. En 2022, il a donc radicalement changé de vie car le voici sur les planches avec sa compagne Valérie Bochenek pour honorer les femmes qui ont fait la France (il s'est même produit au Liban), avec ce titre : "Ces femmes qui ont réveillé la France", titre du livre qu'il avait coécrit avec sa compagne dix ans auparavant. Cela fait deux ans qu'il parcourt la France pour évoquer ces femmes françaises : le voici maintenant octogénaire. Amoureux de la France et des femmes.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bernard Debré.
    Haut perché.
    Michel Debré.
    Jean-Louis Debré.
    Yaël Braun-Pivet.
    Richard Ferrand.
    Il faut une femme au perchoir !
    François de Rugy.
    Claude Bartolone.
    Patrick Ollier.
    Raymond Forni.
    Laurent Fabius.
    Philippe Séguin.
    Henri Emmanuelli.
    Louis Mermaz.
    Jacques Chaban-Delmas.
    Edgar Faure.
    Édouard Herriot.
    Vincent Auriol.
    Paul Painlevé.
    Léon Gambetta.










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240930-jean-louis-debre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-louis-debre-enfant-de-la-256647

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/28/article-sr-20240930-jean-louis-debre.html




     

  • Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?

    « Soyez donc les bienvenus vous tous, chrétiens ou non, habitués ou moins habitués des églises, qui venez entourer la famille de Philippine, manifester votre amitié et prier pour elle. Vous pressentez que c’est important d’être là, tels que vous êtes. Merci d’être venus, parfois de loin. » (Père Pierre-Hervé Grosjean, le 27 septembre 2024 à Versailles).



     

     
     


    À la découverte à la fois du corps inerte de Philippine Le Noir de Carlan et du profil de son meurtrier présumé deux jours plus tard, l'extrême droite a profité de l'occasion pour faire de la récupération politique. Oui, c'est sans doute vrai, mais l'émotion ne signifie pas toujours la récupération et c'était une grande émotion nationale qu'ont ressenti ce vendredi 27 septembre 2024 les près de 3 000 participants aux obsèques de Philippine à la cathédrale Saint-Louis de Versailles, dont 1 000 restés dehors, sur le parvis, faute de place, sous une pluie battante.

    Rappelons d'abord les faits : Philippine Le Noir de Carlan, jeune étudiante de l'Université Paris-Dauphine qui allait fêter son 20e anniversaire le 10 octobre prochain, a été déclarée disparue le vendredi 20 septembre 2024 dans la soirée. Sa dernière apparition remontait à 14 heures le même jour, à l'issue de son déjeuner. Elle devait retrouver ses parents dans les Yvelines pour le week-end. Hélas, très rapidement, on en est venu à chercher du côté du bois de Boulogne (proche de la Porte Dauphine), et le soir du samedi 21 septembre 2024, on a retrouvé son corps, enseveli sauf un bras. Une vague d'émotion a alors envahi le pays. Pourquoi ? Parce que, comme toujours avec ce genre de tragédie, on peut s'identifier à la victime. Une jeune étudiante, symbole de toutes les étudiantes, mais aussi les parents de jeunes filles peuvent s'identifier aussi (même la dernière fille du nouveau garde des sceaux a l'âge de Philippine).

    De nombreux étudiants, même ceux qui ne connaissaient pas Philippine, sont venus se recueillir le lundi 23 septembre 2024 dans le hall de l'Université Paris-Dauphine pour lui rendre hommage et honorer sa mémoire. Ce qui est arrivé à Philippine aurait pu arriver à n'importe quelle étudiante de cette université et sans doute n'a-t-elle a eu de chance d'avoir croisé son meurtrier.
     

     
     


    Beaucoup de détails peuvent contribuer à s'identifier à la victime. Ainsi, les lieux. Il y a une vingtaine d'années, je me rendais de temps en temps à cette université Paris-Dauphine parce que j'avais un groupe de travail avec des étudiants de cette université. Parfois, les réunions pouvaient finir tardivement dans la soirée ou en hiver, vers les 19-20 heures, il faisait nuit, et je me faisais la réflexion, lorsque je revenais seul reprendre mon véhicule stationné dans le bois de Boulogne, peu éclairé, que ce serait peut-être dangereux si j'avais été une jeune fille (j'avoue que je n'ai jamais eu peur personnellement d'être agressé, mais à tort, surtout par imprudence car nul n'est épargné ; la témérité était ma seule réponse à une impuissante fatalité). Je connais aussi bien Versailles, et Montigny-le-Bretonneux où Philippine vient d'être inhumée, ce qui renforce l'identification. J'imagine parfaitement son milieu.

    L'émotion suscitée par ce drame infini s'est renforcée par la colère. En effet, l'auteur présumé du meurtre a été arrêté à Genève le mardi 24 septembre 2024 (bravo la police !). Il s'agirait d'un Marocain de 22 ans venu illégalement en France en 2019, qui aurait commis un viol alors qu'il n'était pas encore majeur, aurait été condamné à sept ans de prison mais libéré au bout de cinq ans, en juin 2024. Il était condamné aussi à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) d'une durée de dix ans. Il a été placé dans un centre de rétention administrative pendant un peu plus deux mois mais relâché quinze jours avant la tragédie.

    On le comprend, le sujet est ultrasensible : meurtre d'une jeune fille, fille croyante et pratiquante, immigration illégale, OQTF non exécutée, récidive. Chaque terme susciterait en lui-même des montagnes de récupérations politiques de l'extrême droite. Insistons sur le fait que si le RN avait été au pouvoir (il n'en était pas très loin au début de l'été), le meurtre aurait hélas été sans doute aussi commis.

    Restons encore brièvement dans la récupération politique... mais de l'extrême gauche, pas plus décente à cet égard pour la mémoire de Philippine, et même, pire. Ainsi, on peut lire dans les réseaux sociaux des messages franchement dégueulasses de personnes qui refusent la compassion pour Philippine sous prétexte qu'elle serait catholique pratiquante et que l'extrême droite aurait récupéré son assassinat. Du reste, des militantes d'extrême gauche ont arraché à Science Po les affiches rendant hommage à Philippine. On ne sait plus très bien si les plus dégénérés sont les meurtriers du type de celui de Philippine ou tous ces tordus qui ne voient plus l'humain au travers de leur prisme idéologique et de leurs puanteurs militantes.
     

     
     


    Le grand nombre de participants à l'enterrement à Versailles montre qu'on n'était pas obligé de connaître Philippine pour être touché dans ses tripes par son meurtre. Des gens qui ne se connaissaient se sont d'ailleurs serrés dans les bras pour exprimer cette émotion et se consoler. Elle ne vient pas de nulle part, elle rassure même, car tout drame mérite respect, émotion et réflexion. Cela s'est passé aussi pour d'autres drames, précédemment, trop nombreux hélas pour les énumérer simplement ici.

    Pour autant, la réflexion doit s'amorcer avec cette idée : le meurtre de Philippine pouvait-il être évité ? Et aussi : comment l'éviter dans l'avenir ? Car la première réflexion, logique, c'est de se dire : jamais Philippine n'aurait dû croiser sur son chemin ce jeune criminel marocain qui aurait dû être expulsé depuis plusieurs semaines. Et vient donc la question en d'autres termes : y a-t-il eu des dysfonctionnements dans l'État, c'est-à-dire, des décisions humaines qui, mal inspirées, ont engendré un tel crime ?
     

     
     


    Pour ma part, sans ôter la moindre responsabilité au moindre responsable, l'entière responsabilité du meurtre provient du meurtrier et de lui seul. Personne ne l'a forcé à tuer Philippine. Il est 100% responsable de son acte odieux.

    Il y a d'abord des amalgames à éviter, et à éviter des deux extrêmes. Extrême droite : les immigrés clandestins ne sont pas tous des tueurs. Heureusement. Réduire le meurtre de Philippine à des OQTF mal exécutées est, à mon sens, une erreur de raisonnement. Extrême gauche (chez certains écologistes) : on réfute l'idée que le tueur soit immigré pour qu'il tue, en disant qu'il a tué parce qu'il était un homme ! Là aussi, c'est tout aussi stupide intellectuellement. Dieu merci, les hommes ne sont pas tous des tueurs de jeunes filles (sinon, j'en viendrais à être honteux d'être ce que je suis, un homme).

    Premiers éléments de réflexion pour répondre à la question principale (le meurtre aurait-il pu être évité ?). D'après les informations dont je dispose, et donc, sous réserve qu'elles soient exactes et confirmées, j'ai compris que la remise de peine de deux ans est plutôt sévère pour une peine de sept ans. Rappelons aussi que le juge évite le plus possible la prison en temps long en raison des places qui manquent. Donc, le jeune Marocain est relâché et immédiatement placé en centre de rétention administrative pour rendre exécutable son OQTF.

    Qu'est-ce qu'on attendait ? Comme le futur expulsé n'a pas de passeport, il lui faut un sauf-conduit (je n'ai pas le terme exact) consulaire délivré par le pays qui l'accueille, à savoir ici le Maroc. Le problème, c'est que les pays de retour sont peu enthousiastes pour délivrer ce genre de papiers officiels. Il y aura bien un rapport de force diplomatique à mener entre les deux pays, mais c'est du long terme et très aléatoire, car concrètement, si le pays de retour ne fait rien, la France est bien ennuyée. Le pire, c'était que des candidats à l'expulsion pouvaient rester des mois voire des années dans des centres de rétention, qui n'est pas autre chose qu'une prison alors qu'on n'est pas condamné (je rappelle : les expulsés n'ont commis que la faute d'être entrés en France illégalement, mais n'ont pas forcément commis des crimes ou autres délits). Une loi a donc établi une durée maximale durant laquelle on pouvait être retenu dans un centre de rétention : 90 jours. Avec une décision de maintien du juge tous les quinze jours. Sur quoi se base le juge ? Sur la probabilité que le pays de retour délivre les documents consulaires avant les 90 jours de durée maximale.

    Pour le cas du meurtrier présumé de Philippine, la justice française avait abandonné tout espoir raisonnable que le Maroc fournisse ce document dans les temps, si bien qu'elle a considéré que le retenir plus longtemps n'avait aucune sorte d'utilité (au bout de 90 jours, il serait de toute façon relâché). Donc, à mon sens, blâmer le juge qui a signé sa sortie du centre de rétention est stupide car il n'a fait que son travail selon les critères que la loi lui a imposés. En revanche, l'auteur présumé aurait dû signaler régulièrement sa présence, ce qu'il n'a pas fait. Pourquoi n'a-t-on pas réagi ? (Là encore, regardons l'unité de temps : quinze jours, semble-t-il, entre sa sortie du centre de rétention et le meurtre ; la police n'allait pas réagir plus vite de toute façon).
     

     
     


    Pour autant, peut-on considérer que c'est satisfaisant ? Certainement pas. Absolument pas. Des vies humaines ont été perdues à cause d'un manque de réflexion. Il ne faut pas idéologiser l'immigration, mais réfléchir de manière pragmatique sur les raisons de non exécution des OQTF. La principale, c'est la mauvaise volonté des pays du retour. Quand la justice française connaît le pays du retour, car ce n'est pas toujours le cas.

    Je n'ai pas "la" solution, sinon, elle aurait déjà été trouvée et appliquée depuis longtemps, mais des pistes sur ce cas précis. Deux modestes pistes.

    La première est que la condamnation du jeune violeur était de la détention assortie d'une OQTF. On aurait donc pu rechercher les documents consulaires avant sa libération de prison, en vue de son expulsion immédiate dès sa sortie de prison. Après tout, condamné à sept ans de prison, cela laissait deux ans à l'administration française pour obtenir le papier consulaire auprès des autorités marocaines. Mieux que 90 jours. L'obtention de ce papier consulaire devrait même être une condition nécessaire à toute libération anticipée d'un condamné faisant l'objet d'une procédure d'expulsion.

    La seconde piste, c'est de différencier les candidats à l'expulsion, car il y en a de deux sortes : il y a la grande majorité d'étrangers clandestins qui doivent retourner chez eux et qui n'ont rien fait d'illégal autre que cette entrée du territoire français ; et puis il y a des gens comme ce violeur condamné qui est un criminel (rappelons que le viol est un crime) et on doit focaliser la surveillance des autorités françaises sur ces personnes sous OQTF tant qu'elles ne sont pas effectivement expulsées car elles sont susceptibles d'être (encore) des dangers pour la société (même si on ne peut pas préjugé d'un crime ou délit futur, "Minority report" n'est qu'une fiction, heureusement). Ou même permettre exceptionnellement le placement en centre de rétention le temps de pouvoir les expulser selon les règles.

    Invité de la matinale de France Inter ce vendredi 27 novembre 2024, le nouveau Ministre de la Justice Didier Migaud a manqué manifestement de dose de persuasion pour exprimer pourtant une évidence : « des situations tout à fait objectives, comme sur l'exécution des peines, qui a beaucoup progressé, comme le nombre de personnes qui aujourd'hui sont détenues en prison. Mais je sais que c'est inentendable pour le citoyen ! (…) Je souhaite convaincre les citoyens qu'il faut faire confiance à la justice. Et comme garde des sceaux, ce sera à moi de veiller à ce que la justice puisse avoir les moyens de fonctionner. Je serai toujours le défenseur de l'État de droit, toujours le défenseur de la justice, toujours le défenseur des magistrats, sans être complaisant vis-à-vis de manquements qui peuvent effectivement intervenir. ».
     

     
     


    Et de répondre aux critiques parce qu'il n'avait pas réagi au meurtre de Philippine : « Vous savez que le garde des sceaux ne peut pas intervenir dans le cadre d'une procédure individuelle. Ça ne m'empêche pas de ressentir aussi fortement que les citoyens l'émotion devant une telle situation. C'est une tragédie. Ma dernière fille, elle a l'âge de la victime ! Donc vous vous rendez compte que je peux imaginer le drame que ça peut représenter pour la famille, et je lui exprime bien évidemment toute ma sympathie. ». Sa mission : « Essayer de travailler pour voir si la réglementation, si la législation est adaptée en toutes circonstances, pour faire en sorte d'éviter ce type de situation et ce type de drame. Et là, je dois travailler avec le Ministre de l'Intérieur : c'est ce que nous efforçons de faire, d'ailleurs, depuis quelques jours pour faire face à cette situation. Mais je comprends que l'émotion est telle qu'elle submerge tous les discours objectifs. ».

    La cérémonie religieuse a eu lieu à la cathédrale Saint-Louis de Versailles (où Philippine a fait sa confirmation) parce que l'église de sa paroisse, à Montigny, n'aurait pas été assez grande pour accueillir ces milliers de personnes venues communier à la mémoire de Philippine. La présidente du conseil régional d'Île-de-France Valérie Pécresse était présente, le président de l'Université Paris-Dauphine également. Beaucoup d'élus étaient présents. Une cagnotte mise en ligne pour soutenir financièrement la famille a déjà recueilli les dons de 3 500 généreuses personnes.

    Dans son homélie, le curé de la paroisse de Montigny-Voisins-le-Bretonneux, le Père Pierre-Hervé Grosjean, a évoqué trois temps : celui de la tristesse, celui de l'espérance, et celui de l'action.

    L'émotion : « Devant le mystère du mal, devant l’injustice insupportable et la violence qui s’est déchaînée, nous sommes sidérés, comme écrasés. Bien sûr, la justice des hommes sera nécessaire. Son temps viendra. Mais aujourd’hui, nous avons besoin de pleurer, de partager et de déposer ensemble notre douleur, notre colère, notre incompréhension. ».
     

     
     


    L'espérance : « Nous voulons nous accrocher à cette espérance que nous donne Jésus, comme on s’accroche à une ancre pour ne pas couler ou dériver. Oui, en priant pour toi, en te portant devant Dieu, Philippine, nous espérons et nous croyons que le Seigneur t’accueille dans sa paix, dans la joie du Ciel, qu’auprès de Lui tu ne souffres plus, et que tu connais ce bonheur parfait pour lequel nous avons été créés, ce bonheur qu’aucun mal ne pourra plus désormais atteindre ou abîmer, cette joie éternelle dont nous avons tous soif, dont tu avais soif et que les joies de ta vie annonçaient. Nous sommes là, nous accrochant à cette espérance qui nous promet aussi qu’il y aura un jour des retrouvailles. Nous te reverrons Philippine. Cette espérance n’empêche pas nos larmes, mais elle les éclaire. ».

    L'action : « Nous avons nous aussi en effet chacun une mission. Nous ne voulons pas que le mal ait le dernier mot. Nous voulons croire que Jésus a vaincu la mort, pour que ceux qui accueillent cet Amour victorieux puissent recevoir la vie éternelle. Mais dès maintenant, nous pouvons répondre à ce mal en le retournant contre lui-même. Comment ? En faisant de ce drame, de cette épreuve terrible, l’occasion d’un sursaut, l’occasion de grandir résolument, généreusement et courageusement dans notre vie, dans la façon de la vivre pleinement, de la donner, dans notre désir de servir et d’aimer. Nous voulons opposer au Mal, à sa violence et à sa laideur, la force de notre amour, de notre espérance, de notre foi, et la beauté de notre unité. Nous voulons répondre à l’horreur du mal par la force plus grande encore du bien, le bien que nous pouvons faire en nous engageant, chacun à notre façon, chacun selon notre vocation, pour servir. ».

    Et il a terminé en s'adressant directement à Philippine à propos de sa famille et de ses amis : « Tu es désormais leur grande sœur du Ciel. Encourage-les dans leurs joies, leurs peines et leurs combats. Donne à chacun de pouvoir servir, croire et aimer à son tour avec toute la générosité dont il ou elle est capable. Aide tous ces jeunes à découvrir combien ils sont aimés de Dieu, de façon inconditionnelle, quelle que soit leur histoire ou leurs fragilités. Parce que c’est quand on se sait aimé qu’on devient capable du meilleur ! ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240927-philippine.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/philippine-emotion-nationale-256968

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/27/article-sr-20240927-philippine.html



     

  • Et Dieu créa les animaux... et Brigitte Bardot !

    « Il reste encore de grandes batailles à gagner car les êtres humains se sont déshumanisés, particulièrement dans la politique et aussi dans nos gouvernements successifs. » (Brigitte Bardot, 2014).


     

     
     


    Les années passent et heureusement, les stars ne passent pas, ou pas toutes, du moins. Elle est née exactement dix ans après Marcello Mastroianni, huit jours après Sophia Loren : Brigitte Bardot fête ses 90 ans ce samedi 28 septembre 2024. Pour cette ancienne actrice au cœur du culte de la beauté et de la jeunesse, de la modernité et de l'audace, le fait de devenir une vieille dame n'est pas nouveau. Cela fait cinquante ans qu'elle est devenue une vieille dame, depuis qu'elle a arrêté sa courte et dense carrière au cinéma, une vingtaine d'années en tout.

    C'était un choix, conscient, mûri, et sans doute a-t-elle dû décevoir des armées de réalisateurs qui auraient souhaité continuer à exploiter ce filon (et des bataillons de cinéphiles), d'autant plus que les années 1970 furent les plus osées et les plus chaudes du cinéma français. Brigitte Bardot devait en avoir ras-le-bol de la virilité, du machisme, et elle voyait bien ce qui l'attendait, avec l'âge et les rides, une sorte de reclassement dans des rôles de grand-mère que certaines de ses collègues ont su merveilleusement s'approprier (par exemple, la pimpante Catherine Deneuve) mais qu'elle-même ne voulait pas. Pas pour laisser une image éternelle de la jeunesse, mais parce qu'elle a saisi des choses plus importantes pour sa vie.

    Changer de vie. Le destin des bébés phoques, alertée par Marguerite Yourcenar, puis, plus généralement, les animaux, la souffrance des animaux, ont eu largement gain de cause par rapport à une carrière cinématographique qu'elle ne souhaitait plus.

    Malgré son enthousiasme pour Jordan Bardella et le RN aux dernières élections, on ne l'a pas entendue parmi les protestataires du nouveau gouvernement dirigé par Michel Barnier, mais elle aurait pu en être. Pas forcément parce qu'il n'a pas la couleur politique qu'elle aurait souhaitée, mais parce qu'il n'y a pas de ministère des animaux (d'autres protestent parce qu'il n'y a pas de ministère des personnes en situation de handicap, ni de ministère de la ville). Il faut bien dire qu'il n'y en a jamais eu mais les défenseurs des animaux militent pour qu'il y en ait un, à l'égal d'un ministère de la bouffe (euh, de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire) et d'un ministère de l'environnement.

    C'est étonnant qu'un gouvernement s'occupe des humains, de la planète, de l'environnement et des plantes, mais pas spécifiquement des animaux. Certes, il y a eu déjà des sous-ministères de la biodiversité, mais rester déjà dans le basique, dans l'élémentaire : lutter contre la souffrance animale, ce qui, aujourd'hui, depuis une dizaine d'années, est reconnu juridiquement, les animaux sont des êtres sensibles. Difficile de rendre compatible cet aspect des choses avec les abattoirs, avec la viande à produire et à manger, surtout lorsqu'on doit, par compétitivité, être le moins cher, produire au moindre coût. Toujours est-il que dans la nouvelle Commission Européenne qui prendra ses fonctions le 1er décembre 2024, un commissaire européen chargé des animaux a été institué.


    Tout naturellement, ce combat de Brigitte Bardot a abouti à un combat contre une certaine religion (tout le monde la connaît) qui abat rituellement les animaux sans leur empêcher la souffrance. Son combat est devenu une guerre de religion et elle a déjà été blâmée par la justice pour des propos publics qui mettaient en cause cette religion. Le droit des animaux en contradiction avec le droit de manger de la viande, mais aussi la liberté du culte. Cette société compliquée n'est faite que de contradictions, d'injonctions paradoxales multiples, et finalement, la représentation démocratique de l'Assemblée Nationale de l'été 2024 en apporte une certaine illustration.
     

     
     


    En 2014, dans un bouquin sur ses "as de cœur", elle a présenté en quelque sorte son Panthéon des défenseurs des animaux. Citons quelques-unes des personnalités qui l'ont éblouies (peut-être celles-ci en seraient étonnées, sans doute elles-mêmes éblouies par l'ancien star ?).

    Par exemple, Théodore Monod : « En près d'un siècle de sa riche existence, Théodore Monod rédigea près de 2 000 volumes d'œuvres scientifiques, regroupa 20 000 échantillons et enrichit notre connaissance de la flore et de la faune de respectivement 35 et 130 espèces nouvelles. Il était l'un des derniers grands voyageurs naturalistes. Son humilité ne se démentit jamais. (…) Il faisait partie de ces qui donnent une légitimité scientifique à toutes les actions en faveur des animaux et de la nature. ».

    Dian Fossey : « Si elle était aussi réfractaire aux visites, c'était surtout à cause du risque de contagion des maladies humaines aux gorilles, animaux fragiles entre tous. Dans sa guerre contre les zoos occidentaux, toujours avides de les exposer ignoblement, Dian obtint quelques victoires, mais subit aussi de nombreuses défaites. (…) Le matin du 27 décembre 1985, l'étudiant américain Wayne McGuire, qui l'avait rejointe depuis peu, la découvrit morte à côté de son lit, le crâne fendu d'un coup de machette. Aujourd'hui encore, on ne sait pas qui a tué Dian Fossey ; l'hypothèse la plus probable étant bien évidemment qu'elle a été assassinée par un braconnier. ».

    Saint François d'Assise : « Une histoire "écologique" avant l'heure. François reconnaît à l'animal une dignité similaire à celle de l'homme. Il attend de ses semblables qu'ils remplissent leur devoir d'assistance face aux animaux lorsqu'ils souffrent. (…) Personne mieux que saint François n'a exprimé une telle volonté de retrouver une humanité débarrassée de tout ce qui la pollue. Il refusa tout idée de pouvoir, de domination. La pauvreté pour lui n'était pas seulement une privation corporelle, mais un état d'un homme humble, dépouillé de tout désir qui empêcherait la communion parfaite avec son Créateur et avec l'univers. ».


    Mylène Demongeot : « Une actrice qui a du chien ! Mylène ne s'est pas entourée d'animaux pour combler un quelconque manque affectif, argument idiot qu'on entend bien trop souvent. Non, cet engouement vient plutôt d'une vision jubilatoire de l'existence, à laquelle l'actrice a décidé de tout subordonner, bien inconsciemment sans doute, car elle a eu dans sa vie, comme tout un chacun, de quoi alimenter ses douleurs... ».

    Le dalaï-lama : « Ses paroles sont douces, ses yeux extrêmement vifs savent capter au-delà des mots les ressentis de ses interlocuteurs. Il est pacifiste dans le plus profond de son cœur, vénère et respecte toute vie, humaine ou animale. Il fait du bien. ».

    Paul Watson : « Watson est un homme d'action. La bureaucratie lui déplaît, comme les discours inutiles. Il ne veut pas de "campagne de sensibilisation", il ne vaut pas faire de compromis, il veut agir concrètement. (…) Les baleines... Paul les a vues mourir par centaines sous le coup des harpons et des flèches explosives. Il a entendu leur cri pareil à celui d'un être humain. Il les a vues agoniser en gémissant. Il se souvient de ce jour où un cachalot frappé à mort, au lieu de chavirer son Zodiac venu s'interposer, l'a épargné, après avoir fixé son œil sur lui, un regard qu'il n'oubliera jamais de sa vie et qui scellera sa vocation de "justicier des océans". (…) Il tire la certitude que notre monde obéit à des lois de symbiose et d'équilibre. À ses détracteurs qui l'accusent volontiers d'être un misanthrope, il répond : "Si l'on détruit les mers, on détruit l'homme". ».

    Ce sera sans doute la réponse de BB à ses propres détracteurs qui la traitent de misanthropes. On ne peut pas aimer les humains sans aimer les animaux. Elle pourrait aussi citer Gandhi : « On reconnaît le niveau d’évolution d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux. ». Depuis la loi n°2015-177 du 16 février 2016 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, le nouvel article 515-14 du code civil précise que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité, soumis, sous réserve des lois qui les protègent, au régime des biens ». C'est une grande avancée juridique pour consacrer le statut de l'animal, même s'il y a encore beaucoup de progression à venir dans des lois à prévoir.

    Le 28 septembre 2014 (il y a juste dix ans), Brigitte Bardot disait que tout restait encore à faire malgré cette loi (dont l'amendement crucial pour reconnaître l'être vivant doué de sensibilité chez l'animal a été voté le 15 avril 2014) : « Il reste encore tant à faire, tant d’horreurs. La vie des animaux n’est pas prise en considération ni leurs souffrances. Ils sont toujours considérés comme des objets de rapports et sont massacrés quotidiennement pour du fric dans la plus grande indifférence. ».

     
     


    On le voit : pour Brigitte Bardot, les animaux, c'est son dada ! « Ma Fondation est le but essentiel de ma vie. J'ai tout donné pour la construire. (…) Depuis, je vis chez mes animaux. ». Eh oui, quand on a des bestioles chez soi, qui ont un nom, on sait bien qu'on n'est plus chez soi mais chez elles. J'ai connu des chats qui se choisissaient leur maison dans un quartier, ils changeaient de "propriétaires" (ou plutôt d'esclaves) au gré des déménagements des lieux !

    Parce qu'elle est déjà très âgée, Brigitte Bardot a pensé à sa mort. Sa fortune irait pour sa fondation et elle serait enterrée dans sa propriété de La Madrague, dans le Var, transformée en musée : « J'ai choisi un petit coin, proche de la mer, qui a été entériné par les autorités. ». Il faut l'accord de l'État pour être enterré hors des cimetières. Elle préfère éviter le cimetière de Saint-Tropez pour laisser en paix ses parents et grands-parents. Elle enverrait ses visiteurs chez elle, dans un musée, pour alimenter financièrement sa fondation.

    Dans une interview au journal "Le Parisien" le 20 septembre 2024, elle confiait qu'elle marchait maintenant très difficilement (« Je me déplace avec mes cannes anglaises. ») et qu'elle a été très affectée par la disparition de son ami Alain Delon. À 90 ans, Brigitte Bardot a consacré 50 ans aux animaux et 20 ans au cinéma. Rappelons-nous... Et BB créa Saint-Tropez ! Vidéo.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240928-brigitte-bardot.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/et-dieu-crea-les-animaux-et-256755

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/26/article-sr-20240928-brigitte-bardot.html



     

  • Chirac a-t-il trahi Giscard en 1981 ?

    « J’ai appris avec beaucoup d’émotion la nouvelle de la disparition de l’ancien Président de la République Jacques Chirac. J’adresse à son épouse et à ses proches un message de profondes condoléances. » (VGE, le 26 septembre 2019).





     

     
     


    C'est ainsi que Valéry Giscard d'Estaing a réagi il y a exactement cinq ans, le 26 septembre 2019. L'ancien Président de la République Jacques Chirac venait de mourir peu avant l'âge de 87 ans. L'histoire des relations entre les deux hommes remplit une bonne moitié de l'histoire de la Cinquième République, voire beaucoup plus (1962 à 2011). L'histoire retiendra avant tout que le jeune Président élu de 48 ans (Emmanuel Macron n'aura que 47 ans dans trois mois, après plus d'un septennat d'exercice du pouvoir) s'était choisi, au printemps 1974, comme premier Premier Ministre un jeune conquérant gaulliste de 41 ans, après le traumatisme de la mort soudaine de Georges Pompidou.

    Pour empêcher l'accession de Jacques Chaban-Delmas à l'Élysée, Jacques Chirac avait trahi les vieux barons du gaullisme historique pour soutenir la modernité et la jeunesse du jeune candidat libéral (républicain indépendant), allié exigeant du gaullisme (VGE avait le même genre de relations avec De Gaulle que Nicolas Sarkozy avec Jacques Chirac trente à quarante années plus tard).

    Valéry Giscard d'Estaing croyait qu'il pourrait manœuvrer Jacques Chirac facilement, lui qui venait de perdre son mentor Pompidou, et que son engagement au sein de l'UDR était sa pièce parlementaire maîtresse. Pour Jacques Chirac, la question ne se posait pas, Matignon faisait de lui le futur candidat à l'élection présidentielle des gaullistes. La condescendance de Valéry Giscard d'Estaing a rendu le couple au sommet de l'exécutif assez infernal pour Jacques Chirac, le Président ne ratant pas une occasion de l'humilier personnellement.


    Finalement, cette alliance personnelle a fini en eau de boudin, avec un divorce en bonne et due forme l'été 1976 (Jacques Chirac voulait démissionner au début de l'été et le Président lui a demandé d'attendre la fin de l'été, un temps de latence politique qui n'est pas sans rappeler celui de l'été 2024 !). Fait incroyable de toute l'histoire de la Cinquième République : Jacques Chirac a été le seul Premier Ministre qui soit lui-même à l'origine de sa démission et le seul à tenir une conférence de presse militante et antiprésidentielle après l'annonce de la démission par l'Élysée. Paradoxalement, les barons gaullistes allaient passer dans le camp de Valéry Giscard d'Estaing face à un Jacques Chirac qui les a pris de haut en prenant la tête de l'UDR dès décembre 1974.

    Après avoir mené la vie dure à Valéry Giscard d'Estaing et à son successeur à Matignon, Raymond Barre, dans les joutes parlementaires, Jacques Chirac, qui, entre-temps, avait fondé le RPR pour en faire une écurie présidentielle, s'est présenté à l'élection présidentielle de 1981 contre le Président sortant. Ce dernier lui a "balancé" (en les aidant pour trouver les 500 parrainages) deux candidatures gaullistes qui lui ont plombé environ 3% son électorat spécifique, Michel Debré et Marie-France Garaud (disparue récemment).
     

     
     


    Et VGE a toujours assuré que Jacques Chirac, arrivé en troisième position, et appelant « à titre personnel » à voter VGE au second tour, a fait campagne pour François Mitterrand pour le second tour. Il l'a écrit notamment dans son autobiographie "Le Pouvoir et la vie" (éd. Compagnie 12, tome 3 sorti en 2006). Il a même raconté qu'entre les deux tours, il avait personnellement appelé la permanence du RPR pour demander ce qu'il devait faire (en se présentant comme un militant RPR) et on lui avait répondu de soutenir François Mitterrand (est-ce une anecdote réelle ? C'est difficile d'imaginer qu'avec sa voix, il ne fût pas reconnu au téléphone). Valéry Giscard d'Estaing était donc persuadé que Jacques Chirac l'a trahi en 1981, afin de devenir le leader de l'opposition après 1981 et gagner l'élection présidentielle de 1988.

    Que Jacques Chirac fût un traître en politique, tout le monde se l'accorde puisqu'en tant que gaulliste, il a trahi Jacques Chaban-Delmas en 1974, et il a commencé à gagner l'élection présidentielle en 1995 parce qu'il était lui-même la victime d'une trahison, celle de son "ami de trente ans" Édouard Balladur qu'il avait placé à Matignon en 1993.

    Le mieux, pour avoir la version chiraquienne, c'est de relire sa propre autobiographie. Rédigée au soir de sa vie (avec l'aide de Jean-Luc Barré), celle-ci est évidemment la parole officielle de l'ancien Président de la République ("Chaque pas doit être un but", éd. Nil, 2009). C'est amusant d'y lire une certaine dose d'hypocrisie et, par cette hypocrisie, finalement la reconnaissance qu'il y avait bien eu trahison !


    Par exemple, il n'a pas évoqué sa rencontre avec François Mitterrand chez la future Première Ministre Édith Cresson en octobre 1980. Au contraire, il a écrit : « Pour être élu, j'ai conscience de devoir m'imposer comme seule alternative au Président sortant, et donc éliminer François Mitterrand dès le premier tour. (…) Mais pour atteindre cet objectif, encore faudrait-il que toute la famille gaulliste fasse bloc autour de ma candidature. Ce qui n'est pas le cas. ». Il parlait alors de « Michel Debré, que certains "barons" inféodés au gouvernement ont hélas ! encouragé, avec la bénédiction de l'Élysée, à se lancer dans la bataille pour son propre compte ». On sent encore très vive la rage contre VGE.

    À l'issue du premier tour du 26 avril 1981 (28,3% pour VGE, 25,8% pour François Mitterrand, lui seulement en troisième position), il a commenté de manière assez narquoise : « Seul peut lui permettre [à VGE] de l'emporter un ralliement massif de ces électeurs RPR qu'il a cru bon, si longtemps, de mépriser. ». Il y a ce petit goût de revanche : j'ai perdu le premier tour, mais ton second tour va être très difficile sans moi.


    Et l'idée qu'il a voulu, a posteriori, donner pour sa postérité, c'est que ce n'est pas lui, Jacques Chirac, qui a refusé la réélection de Valéry Giscard d'Estaing, mais ses amis du RPR ! Ainsi : « Rares sont ceux, au sein de mon équipe, qui se déclarent prêts à soutenir un Président dont ils n'ont pas apprécié la politique et, encore moins, le comportement à leur égard. ». Et d'expliquer, en gros hypocrite : « Sauf à m'exprimer à titre personnel, ce que je fais, dès le lendemain, en annonçant que je voterai, quant à moi, pour M. Giscard d'Estaing, il ne m'appartient pas d'engager le mouvement sans l'approbation de ses membres. Or, celle-ci est loin d'être acquise, comme le confirme, dans les jours suivants, la décision du comité central de laisser la liberté de vote à nos adhérents. Tandis que quelques personnalités gaullistes comme Philippe Dechartre ou Christian Poncelet n'hésitent pas à se déclarer favorables au candidat de la gauche. ».

    C'est assez amusant de lire que Jacques Chirac était incapable de mener ses troupes là où il le souhaiterait. En décembre 1974, puis en décembre 1976, il avait réussi à organiser (avec l'aide de Charles Pasqua) des congrès gaullistes avec une précision millimétrique pour atteindre ses objectifs politiques, comme prendre d'assaut l'appareil gaulliste sur les vieux barons historiques, et soudain, quelques années plus tard, il n'aurait plus aucun pouvoir pour convaincre ses amis que l'arrivée d'un gouvernement socialo-communiste serait catastrophe économique et financière ?!

    Au contraire, dans sa rédaction, le futur Président insistait sur son impuissance et la fatalité : « Plus que sur un choix politique, cette élection se jouera sur une question de confiance. C'est de la capacité ou non du Président sortant à restaurer son crédit auprès d'une partie des électeurs de sa majorité que dépendra l'issue du scrutin. Au fond de moi, je crains qu'il ne soit déjà trop tard pour que Giscard y parvienne, tant ses mauvaises relations avec le RPR me semblent irrémédiables. Giscard ne fera d'ailleurs aucun effort spectaculaire entre les deux tours pour se rapprocher de ses dirigeants, qu'il ne cherchera pas même à rencontrer, par crainte sans doute de paraître s'abaisser. ». Loin d'un "soutien à titre personnel", Jacques Chirac continuait à le charger !


    Il a même cité un exemple, VGE l'appelant pour sa participation à un grand meeting à la Porte de Pantin : « Je lui réponds que, n'étant pas mandaté par les militants du RPR pour m'exprimer en leur nom, je ne vois pas l'utilité d'y être présent. ». Précisons bien que Jacques Chirac était le président du RPR et avait une conception bonapartiste de son rôle de chef de parti, il est donc assez risible de le voir adopter une attitude très parlementariste et quasi-impuissante du fonctionnement de son propre parti dont il était le chef indiscutable. La venue de Jacques Chirac dans un meeting de second tour de Valéry Giscard d'Estaing aurait convaincu les électeurs de l'UDF et du RPR qu'il y avait unité de la majorité. Cela aurait donné une image prometteuse de la candidature de VGE et mobilisé sa base électorale.

    En somme, Jacques Chirac laissait son ancien Président dans la mouise, comme quelques jours plus tard, avec la proposition giscardienne de rassembler la majorité : « La démarche est à l'évidence trop tardive pour avoir le moindre effet, d'autant qu'elle s'accompagne d'une promesse qui peut prêter à sourire quand on connaît l'historie des dernières années : "C'est pourquoi, annonce Giscard, je chargerai le nouveau Premier Ministre d'organiser, sans délai, les États généraux de la majorité, qui permettront aux diverses familles qui la composent de retrouver leur unité, en tirant ensemble les enseignements de la campagne pour les traduire dans l'action". On ne saurait être moins convaincant. » conclut-il benoîtement !

    Du reste, cela ressemble fortement aux tentatives désespérées de l'actuel Président de la République depuis 2022 à vouloir gouverner autrement, en portant plus d'attention aux partis, au Parlement et aux corps intermédiaires, avec quelques innovations sans lendemain (grands débats, CNR, Rencontres de Saint-Denis, etc.), ce qui a débouché en 2024 à la dissolution et à cette Assemblée impossible.

    Pour se dédouaner de toute attaque ultérieure, Jacques Chirac a bien martelé : « Je ne souhaite pas la victoire de François Mitterrand et le fais savoir on ne peut plus clairement dans un texte que je publie le 6 mai 1981 [le second tour a lieu le 10 mai 1981], appelant à faire barrage au candidat socialiste. Mais je n'ai plus aucun moyen, désormais, d'endiguer le processus, engagé de longue date, qui entraîne une minorité des militants gaullistes à rejeter ouvertement Giscard au profit de son concurrent. ». Impuissance donc, et même si puissance, cela n'aurait pas suffi : « Y serais-je parvenu que cet effort n'eût d'ailleurs pas suffi à inverser le cours des choses, comme le prouveront les résultats du second tour de l'élection présidentielle. ».


    Et suit une autojustification dont la rigueur est presque enfantine (c'est pas moi et je le prouve !) : « Le soir du 10 mai 1981, chacun pourra vérifier, chiffres en main, que le Président a fait le plein des voix de droite, et même gagné trois cent mille voix supplémentaires. Ce n'est donc pas le vote des électeurs RPR qui a creusé l'écart de 1,2 million de voix qui la séparent de son challenger socialiste, mais la mobilisation massive en faveur de François Mitterrand, des abstentionnistes du premier tour. Preuve que l'arithmétique d'une telle élection échappe, en réalité, à la seule logique partisan. ».
     

     
     


    L'analyse de Jacques Chirac est en partie exacte, Jacques Chirac n'est pas la cause de la victoire de François Mitterrand, ni le RPR, elle provient d'un mouvement de fond sociologique très large, amorcé dès mai 1968, qui a mis la gauche au pouvoir après vingt-trois années d'absence (une génération !). D'un point de vue institutionnel, cette alternance était d'ailleurs la bienvenue et a réconcilié la moitié des Français avec la Cinquième République qui, jusque-là, avait préservé une majorité de centre droit.

    Néanmoins, cela n'empêcherait pas l'amertume giscardienne sur le faible soutien de Jacques Chirac au second tour. Lui, capable de déplacer de montagnes par la seule force de son verbe, n'a pas bougé très haut son petit doigt pour l'aider à mobiliser les abstentionnistes. Cela aurait été difficile d'inverser l'élection car il y a eu un gros écart de voix et beaucoup d'espoir exprimé dans l'autre camp, mais ce qu'il a surtout retenu, c'est qu'il ne l'a pas tenté, c'est cela que lui a reproché Valéry Giscard d'Estaing, et même si, dès le début de l'année 1982, il a assuré qu'il avait jeté la rancune à la rivière (lire plus loin), VGE allait lui en vouloir jusqu'à la fin de sa vie.


    Pour la postérité, Jacques Chirac a rejeté ce sentiment et écrit noir sur blanc : « Je n'ai pas le cœur à me réjouir d'un échec aussi retentissant, qui rejaillit, au-delà du candidat, sur l'ensemble de la majorité. En politique, on ne construit pas une victoire sur la défaite de son propre camp. Mais cette défaite, qui est aussi la mienne, comment ne pas en imputer la responsabilité à celui qui s'en employé, d'un bout à l'autre de son septennat, à diviser sa majorité au lieu de la rassembler, et à gouverner sans tenir le moindre compte de l'opinion de ses alliés ? Giscard préférera en rejeter la faute sur d'autres, c'est-à-dire moi, en parlant de "trahisons prémédités" quand il eût été plus honnête de reconnaître, au moins, des torts partagés. ». On sent l'amertume encore très vivace.

    Et d'ajouter crûment : « [Giscard] n'aura plus de cesse, désormais, que de remâcher ses griefs et de me désigner comme le seul coupable de son renvoi de l'Élysée. Un jour, Giscard assura avoir "jeté la rancune à la rivière". Mais ce jour-là, la rivière devait être à sec, tant cette rancune est demeurée chez lui tenace et comme inépuisable. ». Tout en complétant comme le coup de grâce : « En démocratie, la défaite d'un homme n'est jamais, ou rarement, une perte irréparable. ». Cruel. Réponse anticipée de Giscard (en 2005) : « C'est quelqu'un qui ne m'intéresse pas. (…) Chirac, il n'a jamais occupé mon esprit. Je n'y pense pas. ». Ambiance !

    Jacques Chirac a publié le premier tome de ses mémoires en 2009. Il a encore l'émotion intacte, la rage intacte, tout comme Valéry Giscard d'Estaing. Une telle inimitié politique qui dure aussi longtemps est même assez étonnante. Même François Mitterrand a favorisé Jacques Chirac en 1995 sur Édouard Balladur. Pourtant, le socialiste le haïssait au plus haut point lors de la cohabitation de 1986-1988...

    L'histoire a finalement rendu Jacques Chirac plus "important" que son ancien "tortionnaire" (psychologique) car il a accompli deux mandats présidentiels, pendant douze ans, et s'il a échoué à ses deux premières candidatures présidentielles, il n'a pas terminé par un échec présidentiel, au contraire de Valéry Giscard d'Estaing. Les deux hommes d'État se sont retrouvés dans une instance officielle il y a une quinzaine d'années : entre 2007 et 2011, en effet, les deux anciens Présidents de la République ont siégé au Conseil Constitutionnel, dont ils étaient membres de droit à condition de ne pas exercer d'autres mandats électifs (Valéry Giscard d'Estaing a pris sa retraite "élective" en 2004 et Jacques Chirac en 2007, et ce dernier a arrêté de siéger au Conseil Constitutionnel en 2011 en raison de sa santé et de son affaire judiciaire). Ils étaient placés autour du Président du Conseil Constitutionnel, Jean-Louis Debré, ravi de se retrouver au cœur de l'histoire républicaine.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 septembre 2024)
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    Pour aller plus loin :

    Jacques Chirac et sa Présidence abracadabrantesque !
    Le testament de Jacques Chirac.
    Bernard Pons, la main de Chirac.
    Jacques Chirac, l'ami de Bill Clinton.
    Quand Jacques Chirac sauva le Tour de France…
    Chirac, l’humanisme sanitaire en pratique.
    HiroChirac mon amour.
    On a tous quelque chose de Chirac.
    Le dernier bain de foule de Jacques Chirac, l’universaliste.
    Chirac au Panthéon ?
    À l’heure où Jacques Chirac entre dans l’Histoire…
    Jacques Chirac a 86 ans : comment va-t-il ?
    Allocution télévisée de Jacques Chirac le 11 mars 2007 (texte intégral).
    Discours de Jacques Chirac le 16 juillet 1995.
    Présidence Chirac (1) : les huit dates heureuses.
    Présidence Chirac (2) : les huit dates malheureuses.
    Jacques Chirac contre toutes les formes d'extrême droite.
    Jacques Chirac et la paix au Proche-Orient.
    Sur les décombres de l'UMP, Jacques Chirac octogénaire.
    Jacques Chirac fut-il un grand Président ?
    Une fondation en guise de retraite.
    L’héritier du gaulllisme.
    …et du pompidolisme.

     
     




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    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/chirac-a-t-il-trahi-giscard-en-256737

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  • Législatives 2024 (50) : les premiers pas du gouvernement Barnier

    « Personne, rigoureusement personne, n’a voté pour avoir Michel Barnier à Matignon. Ni même pour une coalition macroniste et droite LR, qu’aucun leader n’envisageait. Les électeurs RN (…) voulaient Bardella à Matignon : ils n’ont eu que les trois premières lettres ! Ceux du centre votaient pour y garder Gabriel Attal. Ceux de gauche voulaient le virer et voir appliquer le programme du NFP. Ceux de LR disaient "ni Macron, ni Mélenchon, ni Bardella", mais sans espoir d’un retour de la droite. Et au second tour, c’est sans les LR que les électeurs de gauche et du centre ont mêlé leurs voix pour empêcher une majorité RN de gouverner le pays. » (Patrick Cohen, le 24 septembre 2024 sur France Inter).



     

     
     


    Le gouvernement de Michel Barnier s'est réuni en conseil des ministres ce lundi 23 septembre 2024 sous la présidence du Président Emmanuel Macron. Il est, pour nos institutions, un véritable OVNI, une sorte de chose dont on a encore du mal à donner un nom tellement c'est inédit dans notre histoire de la Cinquième République.

    Ce n'est pas un gouvernement ordinaire d'un Président avec sa majorité présidentielle à l'Assemblée, mais ce n'est pas non plus un gouvernement de cohabitation avec l'opposition présidentielle devenue majoritaire. Ce n'est même pas un gouvernement de coalition tel qu'on l'entend dans certaines démocraties parlementaires européennes où des partis parfois opposés se mettent d'accord pour gouverner ensemble faute de majorité pour gouverner tout seul, car le gouvernement Barnier ne jouira que d'un capital d'environ 220 sièges sur les 577 que compte l'Assemblée, soit loin de la majorité absolue (il manque environ 70 députés !). Alors, au début, certains ont appelé cela coalitation, d'autres parlent de coexistence plus ou moins pacifique. Aucun mot ne semble à ce jour satisfaire les commentateurs.

    Ce qui est clair, c'est que la légitimité de Michel Barnier n'émane pas du Président de la République, pas plus de l'Assemblée puisqu'il ne peut pas se reposer sur une majorité absolue, il est issu d'un parti qui n'a obtenu que 47 sièges sur 577, mais sans doute (le sans doute visant à attendre la suite pour s'en convaincre) sa légitimité vient de sa capacité à esquiver (ou pas) toutes les motions de censure qui ne manqueront pas d'être déposées contre lui. Dès lors que l'Assemblée ne le censure pas, il est par définition d'essence démocratique, qu'on le veuille ou pas.

     

     
     


    Certes, la nomination de Michel Barnier à Matignon provient de l'aboutissement (long) d'une analyse du Président de la République, mais il faut noter que Michel Barnier n'était pas son premier choix et si les premiers choix (Bernard Cazeneuve, Xavier Bertrand, Thierry Beaudet) ont été écartés, c'est bien parce qu'il y avait une probabilité de 100% pour qu'une motion de censure soit adoptée à très brève échéance (quelques jours). Dans ce jeu de dupes (tous sont des dupes : le Président, le nouveau gouvernement, mais surtout, tous les groupes et partis représentés à l'Assemblée), le couple de l'exécutif Macron-Barnier est déséquilibré et c'est Michel Barnier qui a aujourd'hui l'ascendant, comme dans les gouvernements de cohabitation. La preuve, c'est que pour finaliser la composition de son gouvernement, Michel Barnier a dû menacer (semble-t-il) de jeter l'éponge et cette démission aurait été catastrophique pour les institutions et le pays.

    Le plus cocasse, et c'est le chance de Michel Barnier, c'est que (presque) tout le monde a intérêt à ce qu'il dure : le Président de la République et les membres du gouvernement, bien sûr, les groupes politiques à l'Assemblée qui le composent, mais aussi le RN qui n'est pas encore prêt au grand remplacement politique (il doit d'abord y avoir la phase du grand déballement, euh, enfin, du grand déballage au tribunal), et gauche est bien rassurée de ne pas avoir à gérer le pays. Seuls les insoumis de Jean-Luc Mélenchon auraient intérêt au blocage complet de nos institutions pour renverser notre République. Je rappelle que démission d'Emmanuel Macron ou pas, destitution d'Emmanuel Macron ou pas, l'Assemblée Nationale ne pourra pas être dissoute avant le 7 juin 2025. Le gouvernement Barnier devra donc tenir ces quelques mois si on veut un pays gouverné.

     

     
     


    Parmi les idées reçues, il y a que c'est un gouvernement de droite ou très à droite. Pauvre Didier Migaud que j'ai connu député de l'Isère pourtant bien à gauche dans les années 1990 (face à Alain Carignon dans l'agglomération grenobloise et en Isère), j'espère que son appétit institutionnel ne prendra pas ombrage de ces procès en trahison que ne manquent pas de lui faire ces potentats de la nouvelle farce populaire (NFP), à commencer par le NFP lui-même. Pour fonder cette idée reçue (gouvernement le plus à droite), on se réfère aux nouveaux ministres LR qui, quand ils étaient parlementaires, n'avaient pas eu l'honneur de voter pour les lois progressistes voire transgressives (pires, ils auraient voter contre). C'est pourtant un mauvais procès puisque la plupart des parlementaires de droite avaient voté contre et on n'a pas dit avant 2012 que c'étaient des gouvernements d'extrême droite. Quant aux intentions, Michel Barnier a déjà confirmé qu'il ne toucherait pas à ces réformes, et de toute façon, ce ne serait pas son intérêt de remettre dans l'actualité des sujets clivants alors qu'il doit d'abord faire adopter les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

    L'idée que ces réformes sociétales risquent d'être abrogées a été véhiculée par l'ancien Premier Ministre Gabriel Attal, qui préside le groupe EPR, qui a besoin de marquer son territoire. Tout le monde, d'ailleurs, à l'intérieur ou à l'extérieur de la majorité gouvernementale, va marquer son territoire. On peut même imaginer un mini-clash entre Michel Barnier et Emmanuel Macron, sans conséquence sinon de mousse médiatique, pour bien montrer que l'un n'est pas l'autre et réciproquement.

    Autre critique et inquiétude dans les milieux sociaux, l'absence supposée de ministère du handicap. D'une part, c'est faux, le ministre chargé du handicap, c'est Paul Christophe, Ministre des Solidarités, de l'Autonomie et de l'Égalité entre les femmes et les hommes, c'est inclus dans l'Autonomie. D'autre part, on critique toujours le trop grand nombre de ministres (ce qui est le cas ici, 39 membres) et on critique l'absence de certains ministères, en créer de nouveaux. Les critiques sont toujours très contradictoires.


    On a dit aussi que les nouveaux ministres étaient des inconnus, mais ceux qui l'ont dit étaient généralement des éditorialistes politiques nationaux arrogants et paresseux qui, au contraire de leurs prédécesseurs, ne travaillent plus leur carte électorale ni leur carte politique. Heureusement, j'en ai entendu au moins un qui a relevé l'honneur de la profession, Patrick Cohen, qui, dans sa chronique à la matinale de France Inter du 23 septembre 2024, insistait sur le fait que tous ces nouveaux ministres étaient d'abord des élus locaux qui sont très connus de leurs administrés et jamais un gouvernement n'a représenté autant et aussi bien les territoires de la France que celui-ci, des ministres profondément ancrés dans leurs territoires, connaissant parfaitement la vie quotidienne des Français.

    C'est le contraire des gouvernements précédents qu'on disait hors sol, pas implantés, technocratiques, parisiens... Un journal (je ne sais plus lequel) a calculé la distance moyenne entre le lieu de naissance des ministres et Paris, dans le gouvernement Barnier, c'est autour de 200 kilomètres quand, pour les précédents gouvernements, c'était de l'ordre de 10 à 20 km (j'aurais préféré le calcul de la distance entre Paris et la collectivité locale dans laquelle étaient implantés les ministres).


    Patrick Cohen dit notamment : « Ces "inconnus" à Paris ne le sont pas à Lorient, à Valence, Châteauroux, Bordeaux, Le Havre, Mont-de-Marsan, Fécamp, Valenciennes, Oullins, Châteaugiron, Zuydcoote, Aubergenville… toutes ces villes où les nouveaux ministres œuvrent ou ont œuvré comme maire, maire-adjoint ou président de métropole. Il y a là un afflux inédit d’élus de terrain, qui répond aux procès en "déconnexion" régulièrement intentés à ceux qui nous gouvernent. ».

    Je dois d'ailleurs avouer bien modestement que je n'aurais pas été capable de situer deux des trois dernières communes citées : Châteaugiron près de Rennes (Françoise Gatel en a été la maire de 2001 à 2017) ; Zuydcoote, en revanche, je savais que c'est près de Dunkerque, grâce au film "Week-end à Zuydcoote" d'Henri Verneuil (sorti le 18 décembre 1964) avec Jean-Paul Belmondo et Jean-Pierre Marielle (Paul Christophe en a été le maire de 2008 à 2017) ; Aubergenville, dans les Yvelines, près de Flins-sur-Seine à cheval sur la cité jardin Élisabethville (Sophie Primas en a été la maire de 2014 à 2017).

    Et Patrick Cohen a souligné dans sa chronique que certes, la légitimité démocratique du nouveau gouvernement reste faible, mais aucun autre gouvernement n'aurait toutefois une meilleure légitimité démocratique : « Guère plus faible que celle de la gauche. Qui compte 20 députés de moins que l’alliance du centre et de LR. 193 contre 213. Pour le même nombre de voix au premier tour des législatives. Un peu moins de 9 millions. Et pour mémoire, 9 millions 3 pour le RN. ».


    Le plus fort de café sont ces gens de gauche qui fustigent le caractère droitier du gouvernement. Évidemment ! La gauche a refusé de gouverner. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Michel Barnier a proposé à Stéphane Le Foll, François Rebsamen, Karim Bouamrane, Philippe Brun, Jérôme Guedj, Carole Delga, Bernard Cazeneuve, etc. d'entrer au gouvernement et tous ont refusé, tous sauf Didier Migaud qui ne représente que lui-même, d'ailleurs (on peut prédire pour lui une démission spectaculaire dans quelques mois à la Nicolas Hulot). Forcément, dès lors que la gauche et en particulier le parti socialiste se défile pour prendre ses responsabilités et penser à l'intérêt national, le barycentre, mécaniquement, se déplace vers la droite. Rappelons et insistons, martelons : Emmanuel Macron était prêt à nommer Bernard Cazeneuve à Matignon, le seul accepté de gauche par le bloc central, susceptible de recueillir jusqu'à une majorité absolue, sans "surveillance" des extrêmes (tant du RN que de FI). C'est le PS qui l'a lourdé, comme un malpropre, et aujourd'hui, ses anciens soutiens au sein du PS (33 au bureau national, contre 38), font machine arrière et condamne la droitisation du gouvernement. Ils auraient pu sortir de la nasse de mélenchonisme d'Olivier Faure. Ils ont préféré l'hypocrisie des postures aux actes sincères. Au lieu d'avoir un programme de gauche édulcorée, ils ont un programme de droite droite... de leur fait ! De le volonté de ne pas vouloir l'intérêt des Français mais le leur.
     

     
     


    Amusant d'ailleurs de voir la manifestation révolutionnaire des insoumis contre Emmanuel Macron et Michel Barnier le samedi 21 septembre 2024. Quelques milliers de manifestants sur toute la France, tellement pitoyable qu'il n'y a pas eu de prétentions dans les chiffres des organisateurs ! C'est rassurant : les Français ne sont pas remacronisés ni barniérisés, mais ont le respect des responsables et attendent de juger sur les actes, sur les projets avant de critiquer, avant de lyncher.

    Prenons encore une autre idée reçue : le gouvernement Barnier serait à la merci du RN. En clair, il faut que le gouvernement Barnier obéisse aux injonctions du RN sinon, ce parti le censurerait. C'est encore une idée fausse : le RN n'a que 146 députés et il faut 289 voix pour faire tomber le gouvernement. Il n'est donc pas à la merci du RN ou plutôt, c'est le NFP qui le rend à la merci du RN puisque le NFP a déjà annoncé qu'il voterait systématiquement la censure. Si le PS, par exemple, négociait avec le gouvernement sa non-censure en échange de mesures concrètes, le PS pourrait avoir une influence bien plus grande que le RN. Le gouvernement Barnier est à la merci du RN uniquement parce que c'est la gauche qui le veut bien. C'est donc de l'imposture de le fustiger en même temps. Il est donc faux de dire que le gouvernement est l'otage du RN : il est l'otage du RN et du NFP à la fois.

     

     
     


    L'exemple le plus flagrant, qui montre que cela va être très difficile de gérer tous les ministres, s'est produit le 24 septembre 2024. Le nouveau Ministre de l'Économie et des Finances Antoine Armand a téléphoné à tous les partis sauf le RN. Michel Barnier s'est senti alors obligé d'appeler le RN pour ne pas l'exclure de la concertation. Marine Le Pen en a profité pour déclarer : « Quand j'entends Antoine Armand dire que sa porte est fermée au RN alors que le budget arrive, je pense que le Premier Ministre doit aller expliquer à ses ministres la philosophie de son gouvernement car il semblerait que certains n'aient pas encore totalement compris. ». Là encore, pas de quoi se trouver scandalisé : ceux qui sont choqués sont ceux qui ont mis le gouvernement dans cette situation. S'il donnait sa chance au gouvernement Barnier de trouver des compromis, c'est-à-dire de ne pas le censurer systématiquement, le NFP, surtout le PS, se trouverait en position d'arbitre et de faiseur de roi. Mais l'intérêt national ne les intéresse pas, ce qui rend le dialogue du gouvernement avec le RN crucial pour son existence.

    Je termine sur cet exercice de grand équilibriste que devra faire en ce moment Michel Barnier. Heureusement, il est sportif. Entre le lundi 23 septembre 2024 à 16 heures, fin du premier conseil des ministres à l'Élysée, et le vendredi 27 septembre 2024 à 15 heures, début du premier séminaire gouvernemental à Matignon (donc sans Emmanuel Macron), où le Premier Ministre va se mettre d'accord avec ses ministres sur leur programme gouvernemental, c'est la foire à la saucisse ! Il y a là une fenêtre de tir unique, pour les ministres, de faire avancer les dossiers qui leur tiennent à cœur, car après le discours de politique générale, la feuille de route aura été fixée et le gouvernement la prendra en référence en excluant tout autre projet.


    C'est pourquoi cette semaine, quelques ministres médiatiques annonceront leurs propres souhaits de réforme. Par exemple, Rachida Dati espère presser le pas pour poursuivre sa réforme en profondeur de l'audiovisuel public (par le regroupement de Radio France et France Télévisions, ce qui serait une erreur grave). Alors que le RN veut purement et simplement privatiser l'audiovisuel public et que la gauche veut augmenter les dépenses pour l'audiovisuel et donc, augmenter les impôts, Michel Barnier n'a aucun intérêt à poursuivre cette réforme qui, du reste, n'est pas d'une absolue urgence. Je lui souhaite bien du plaisir à circonscrire les ardeurs réformatrices de ses ministres !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (24 septembre 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (50) : les premiers pas du gouvernement Barnier.
    Composition du Gouvernement Michel Barnier I nommé le 21 septembre 2024.
    Législatives 2024 (49) : les socialistes crient au secours la droite revient !
    Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy.
    Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
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    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
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    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240923-gouvernement-barnier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-50-les-premiers-256921

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/24/article-sr-20240923-gouvernement-barnier.html