Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

france - Page 7

  • Le fond accablant de l'affaire Le Pen

    « Marine Le Pen est moins victime du "système", que de son propre système de défense, aberrant, suicidaire. C’est simple, du début à la fin et du sol au plafond, elle a TOUT renié, TOUT contesté : les règles européennes, la plainte du Parlement, l’autorité du tribunal, les décisions qui ont validé la procédure, y compris en Cassation, et naturellement l’existence du moindre délit. Le tribunal parle d’une "impunité revendiquée", se désole qu’après dix ans d’enquête, le système de défense continue de se déployer au mépris des faits et de la manifestation de la vérité. En révélant, je cite "une conception peu démocratique de l’exercice politique ainsi que des responsabilités qui s’y attachent". » (Patrick Cohen, le 3 avril 2025 sur France Inter).



     

     
     


    En clair, c'est comme le chauffard qui a brûlé un feu rouge et qui conteste l'idée même qu'il y avait un feu tricolore !...

    Dimanche prochain, 6 avril 2025, le RN a appelé à une manifestation à Paris pour protester contre... contre quoi, au fait ? Contre la justice qui n'est plus laxiste ? Contre la justice qui sait sanctionner comme il le faut les délinquants ? S'il y a bien un scandale avec la justice, c'est qu'elle est un peu trop favorable à Marine Le Pen : en effet, les assurances pour que son procès en appel soit fait dès l'été 2026 et que la Cour de Cassation se prononce avant janvier 2027 alors que ces procédures durent généralement plus de deux ou trois ans, relève d'un favoritisme injustifiable. C'est une justice qui n'est pas la même pour tous. Les autres justiciables, certains incarcérés, attendront alors encore un peu plus longtemps tandis que Marine Le Pen bénéficie d'un coupe-file.

    La condamnation de Marine Le Pen commence à quitter l'actualité. Il faut dire que les annonces de Donald Trump avec ses taxes douanières, l'écroulement depuis deux jours des bourses mondiales et l'inquiétude de tous les citoyens du monde devaient occuper l'actualité. D'un côté, un fait-divers anecdotique d'une délinquance en col blanc ordinaire, de l'autre, un fait historique qui risque d'hypothéquer l'avenir du monde des dix prochaines années.

    Ce qui est étonnant, c'est l'absence totale de préparation de ce qui arrive au RN. Les premiers défenseurs de Marine Le Pen avaient quitté la place le 31 mars 2025, Jordan Bardella allait à Strasbourg, Laure Lavalette était dans le Var et Laurent Jacobelli devait dîner à l'Élysée (eh oui, on n'est pas dans le système mais on en profite avec le roi du Danemark), etc. Bref, rien n'était prévu en cas de peine d'inéligibilité assortie d'une exécution provisoire alors que c'était pourtant la peine complémentaire plus probable. Encore aujourd'hui, en soutenant qu'elle sera candidate, il y a une véritable part de déni de réalité provenant de Marine Le Pen.

    Dans tous les cas, il faut rassurer les électeurs du RN ; "on" n'empêchera pas le RN d'être présent à la prochaine élection présidentielle, même si Marine Le Pen est empêchée : pour la remplacer, il y aura plutôt le trop-plein, principalement Jordan Bardella ...et Marion Maréchal, dont la candidature aura l'avantage de garder l'emprise de la famille régnante sur le parti.

    Vouloir coûte que coûte aller à la candidature jusqu'au bout malgré le procès en appel qui ne l'innocentera probablement pas car les faits reprochés sont établis et confirmés, c'est une tentative désespérée de continuer à exister politiquement jusqu'à la chute finale. Un journaliste proposait cette image assez pertinente : Marine Le Pen est la pilote d'un avion en chute libre, qui va bientôt s'écraser et, paniquée, elle est en train d'appuyer sur tous les boutons en même temps, même les plus improbables (comme la CEDH, qu'elle voulait voir la France quitter encore récemment et qui, de toute façon, ne s'occupe que des situations où il n'existe plus de recours dans le pays concerné).

    Le vrai problème de Marine Le Pen, c'est qu'elle a basé son populisme anti-système sur la délinquance de la classe politique en général, en excluant son parti qui serait mains propres et tête haute. Cet écart encore le discours revendiqué et la réalité (le RN est aussi pourri que les autres, voire plus, si l'on lit le jugement) peut être électoralement dévastateur, tout autant que ce discours sur le laxisme de la justice, sur la faible sévérité des peines (Marine Le Pen réclamait en 2013 des peines d'inéligibilité à vie !), se retourne évidemment contre l'ancienne présidente du RN.

     

     
     


    Du coup, les demandes contraires (réviser la loi pour y mettre plus de laxisme) ont de quoi étonner. L'éditorialiste politique Patrick Cohen s'est posé la question le 3 avril 2025 sur France Inter : « Qui pense dans ce pays qu’il est urgent d’alléger les contrôles et les sanctions contre les élus suspects d’un manque de probité ? Qui peut soutenir que notre démocratie se porterait mieux si elle laissait des individus ayant commis des actes répréhensibles accéder à des positions de pouvoir ? Qui peut croire que la confiance à l’égard de l’action publique, qui va si bien comme chacun sait, sortirait plus forte du retour des corrompus ou des repris de justice dans le jeu démocratique ? Notez que ce serait une grande première : depuis des lustres, chaque scandale fait bouger la loi vers une plus grande exigence d’exemplarité. Comme le notait le rapport Nadal en 2015, "le droit de la probité est lié à l’histoire de ses atteintes". Sans Cahuzac et ses comptes à l’étranger, pas de Parquet financier et de Haute autorité de la transparence. Sans la phobie administrative de Thévenoud, pas d’inéligibilité automatique. Eh bien là, on est tranquillement en train de débattre du contraire : de l’idée que les assistants fictifs du RN devraient nous conduire à lever le pied sur l’inéligibilité… ».

    En clair, il faudrait faire une loi d'exception pour les apparatchiks du RN : tout citoyen délinquant doit être sévèrement condamné et purger sa peine (pas question d'aménagement de peine, comme le réclamait le RN), sauf s'il s'agit d'un adhérent du RN. Sinon, ce serait une atteinte honteuse à la liberté politique, à la démocratie, au droit de détourner des millions d'euros d'argent public comme on veut. Avec cet état d'esprit, on ose imaginer le RN au pouvoir !

     

     
     


    Tout est accablant dans l'affaire Le Pen, mais surtout, le fond de l'affaire. Car c'est un détournement massif d'argent public qui a eu lieu. Tous les journalistes qui ont assisté tous les jours au long procès du 30 septembre 2024 au 27 novembre 2024 sont déconcertés par le caractère accablant des faits cités et aucun n'est étonné par la dureté des sanctions.

    Il faut lire les 154 pages du jugement du 31 mars 2025 pour se rendre compte que les trois juges (ils sont trois) ont prononcé la condamnation avec de très solides arguments et motivations.

    Oui, la défense de Marine Le Pen, quasiment infantile, comme un enfant pris la main dans le pot de confiture et qui nierait tout, lui a fait beaucoup de tort. Car les juges, qui n'apprécient pas qu'on se moque d'eux, lui ont donné les clefs pour sa condamnation. En refusant d'admettre les faits délictueux qu'ils ont commis, la plupart des prévenus ont manqué de jugeote et ont creusé leur propre inéligibilité immédiate.


    C'est ce que dit le délibéré : « Il convient de relever que, dix ans après la dénonciation des faits, toutes les personnes condamnées contestent les faits, ce qui est évidemment leur droit. Elles n'ont dès lors exprimé aucune prise de conscience de la violation de la loi qu'elles ont commise ni a fortiori de l’exigence particulière de probité et d’exemplarité qui s’attache aux élus. Dans le cadre d’une information judiciaire contradictoire qui a duré sept ans, de très nombreux recours ont été exercés, comme le permettent les règles de procédure pénale. Ils ont fait l’objet de décisions de rejet par les juges d’instruction, dans leur quasi-totalité, soumises à la chambre de l’instruction et confirmées par elle. Lorsque des pourvois ont été formés devant la Cour de Cassation, ils ont été rejetés. ».

    Les juges insistent ainsi sur ce fait : « La défense revendiquait une impunité totale et absolue reposant sur le fait que les assistants parlementaires auraient effectué un travail politique, non détachable du mandat de leur député, au profit d’un parti politique. ».
     

     
     


    À cette occasion, Marine Le Pen reconnaissait elle-même les faits reprochés : « Ainsi, elle assumait avoir fait travailler pour le parti les assistants parlementaires qui n’étaient, selon elle, pas très occupés par le travail législatif. Elle considérait n’avoir pas d’instruction à recevoir du Parlement Européen concernant le travail des assistants parlementaires, serait-ce à travers les règles internes qu’il édicte. Elle affirmait que l’autorité judiciaire ne pouvait contrôler le travail de ces assistants, sans violer la séparation des pouvoirs. ».

    Le jugement rappelle la première déclaration de Marine Le Pen à l'audience du 2 octobre 2024, en tant que représentante du RN : « L’activité politique est indissociable du mandat parlementaire. Nous ne sommes pas des fonctionnaires. Nous ne sommes pas des fonctionnaires, nous sommes des élus du peuple. Dans le cadre de cette activité politique qui est indissociable de notre mandat, nous sommes assistés par des assistants parlementaires. Il y a ceux qui font avec nous de la politique. ».

    D'où la déduction des juges : « Ce système de défense constitue, selon le tribunal, une construction théorique qui méprise les règles du Parlement Européen, les lois de la République et les décisions de justice rendues notamment au cours de la présente information judiciaire, en ne s’attachant qu’à ses propres principes. Il révèle de la part de personnes condamnées qui ont, pour les principales, une formation de juriste ou d’avocat, une conception peu démocratique de l’exercice politique ainsi que des exigences et responsabilités qui s’y attachent. ».
     

     
     


    Selon les juges, le système de défense s'est fait au mépris de la manifestation de la vérité : « Dès les premiers jours du procès, la défense a également manifesté son refus du débat contradictoire, sollicitant par voie de conclusions d’incident le renvoi de la procédure pour régularisation suite à la présentation par le tribunal de tableaux d’évaluation des détournements visés par la prévention qui étaient précisément destinés à servir de base au débat contradictoire. Au-delà de la volonté d’éviter ou de retarder le débat sur les faits qui leur étaient reprochés, les prévenus ont tenté de s’écarter du débat au fond. Ils n’ont pour la plupart manifesté aucune volonté de participer à la manifestation de la vérité, avec laquelle ils ont pour certains un rapport très distendu, niant parfois jusqu’aux évidences, y compris leurs propres écrits de l’époque. ».

    Des déclarations des responsables du RN aux audiences ont révélé ceci : « Au mépris des faits, ces déclarations relèvent d’une conception à tout le moins narrative de la vérité. ». Elles expliquent à elles seules la nécessité d'une exécution provisoire des peines d'inéligibilité : « Ainsi, dans le cadre de ce système de défense d’un parti autant que de ses dirigeants, qui tend à contester la compétence matérielle du tribunal autant que les faits, dans une conception narrative de la vérité, le risque de récidive est objectivement caractérisé. Le tribunal relève encore, en fil conducteur, de la question de la prescription à celle de la faute de la victime qui serait de nature à réduire à néant son droit à réparation, la position de la défense à l’égard du Parlement européen, qui n’est pas de nature à considérer que les intérêts de la victime sont à ce jour sauvegardés. Outre les critères de gravité qui président au prononcé des peines d’inéligibilité pour certains prévenus, il convient de rappeler que l’existence de mandats en cours, de même que les prétentions à briguer de tels mandats sont de nature à laisser persister un risque d’utilisation frauduleuse des deniers publics que les intéressés seraient amenés à percevoir, détenir, octroyer ou utiliser dans le cadre des dits mandats, ce que seule l’exécution provisoire permet de prévenir. ».

    À la page 45, les juges discutent du principe d'une exécution provisoire de l'inéligibilité : « C’est dans ce contexte que se pose la question de la délicate conciliation entre le droit à un double degré de juridiction et une éventuelle exécution provisoire de cette peine d’inéligibilité. La véritable question n’est pas celle de l’absence de recours mais plus précisément celle de l’absence d’effet suspensif du recours en cas d’exécution provisoire. Les personnes condamnées à une peine d’inéligibilité ont en effet bien entendu le droit d’interjeter appel du présent jugement. Néanmoins si le tribunal ordonne l’exécution provisoire de ces peines d’inéligibilité, ces dernières seraient effectives par provision, c’est-à-dire immédiatement, avant la décision de la cour d’appel susceptible d’intervenir un à deux ans plus tard, et avant le cas échéant celle de la Cour de Cassation. En vue de favoriser l’exécution de la peine, eu égard notamment au risque de récidive, il conviendrait dès lors d’ordonner l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité, tandis qu’en l’absence de recours suspensif contre cette mesure d’exécution provisoire, il conviendrait selon la défense de ne pas l’ordonner. ».

    En exprimant clairement les deux enjeux contradictoires : « Il revient donc plus précisément au tribunal, conscient de la nécessaire humilité qui s’attache à une décision de première instance, d’apprécier et de mettre en balance deux risques :
    1) au regard des droits de la défense, le risque que cette peine complémentaire assortie de l’exécution provisoire ne soit pas confirmée en appel, alors que la peine d’inéligibilité aurait déjà été exécutée par provision.
    2) Dans l’hypothèse où le tribunal n’assortirait pas la peine d’inéligibilité de l’exécution provisoire, le risque de voir les personnes condamnées être candidates, voire élues, alors qu’elles ont été condamnées à une peine d’inéligibilité en première instance notamment pour des faits de détournement de fonds publics, et pourraient l’être par la suite de façon définitive.
    La deuxième hypothèse pose la question de l’effectivité de la peine d’inéligibilité prononcée par le tribunal, confirmée en appel, et dont l’exécution serait réduite à néant dans le cadre d’élections intervenues avant que cette condamnation ne soit devenue définitive. ».

    Et d'en conclure la nature des peines par l'individualisation des jugements : « L'effectivité de l'exécution des peines poursuit un but d'intérêt général (QPC n°2016-569). Le tribunal prend en considération, outre le risque de récidive, le trouble majeur à l’ordre public démocratique qu’engendrerait en l’espèce le fait que soit candidat, par exemple et notamment à l’élection présidentielle, voire élue, une personne qui aurait déjà été condamnée en première instance, notamment à une peine complémentaire d’inéligibilité, pour des faits de détournements de fonds publics et pourrait l’être par la suite définitivement. Il s’agit ainsi pour le tribunal de veiller à ce que les élus, comme tous justiciables, ne bénéficient pas d’un régime de faveur, incompatible avec la confiance recherchée par les citoyens dans la vie politique. Dès lors, dans le contexte décrit, eu égard à l’importance de ce trouble irréparable, le droit au recours n’étant pas un droit acquis à la lenteur de la justice, il apparaît nécessaire selon le tribunal, à titre conservatoire, d’assortir les peines d’inéligibilité prononcées de l’exécution provisoire. Il ne s’agit pas d’une peine définitive mais d’une peine complémentaire prononcée en première instance qui, afin de garantir l’effectivité de son exécution et d’éviter un trouble irréparable à l’ordre public démocratique, sera exécutée immédiatement, dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel susceptible d’intervenir d’ici un à deux ans. Dans le cadre d’une décision rendue au nom du peuple français dans son ensemble, cette mesure est en effet proportionnée aux objectifs à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de bonne administration de la justice. C’est au regard de ces considérations que le tribunal apprécie, pour chaque personne condamnée, en tenant compte de sa situation individuelle, le caractère nécessaire et proportionné d’une peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire. ».
     

     
     


    Contrairement à ce qu'a prétendu Marine Le Pen, il ne s'agit donc pas d'un ciblage contre sa personne (quelle vanité de le croire), mais d'une déclaration de principe pour savoir si les personnes condamnées devaient accomplir leur peine d'inéligibilité immédiatement ou pas. Et cela dépendait surtout des déclarations de chacun pendant le procès.

    Mais revenons au fond du fond, le détournement massif d'argent public.

    Voici, pour les juges, ce pour quoi les responsables RN ont été condamnés : « Les faits dans leur ensemble ont consisté en la mise en place d’un système permettant au parti FRONT NATIONAL devenu RASSEMBLEMENT NATIONAL de "faire des économies" et d’être ainsi indirectement financé par des fonds du Parlement Européen. Sous couvert de plus de quarante contrats d’assistant parlementaire fictifs conclus par onze députés européens, douze personnes ont travaillé au cours de trois législatures en réalité pour le parti. Leurs salaires et les charges sociales y afférents étaient réglées par les fonds du Parlement Européen. Les détournements de fonds publics pour lesquels le parti est déclaré coupable des chefs de complicité et de recel s’élèvent à plus de 4,4 millions d’euros. Dans le cadre de procédures administratives en répétition de l’indu le Parlement Européen a recouvré plus de 1,1 million d’euros. Ces fonds détournés à hauteur de 4,4 millions d’euros ont été utilisés à hauteur de près de 4,1 millions d’euros pour rémunérer les sept personnes suivantes (…). ».

    Non seulement l'argument anti-système du RN est stupide quand on prétend être le premier parti de France, mais en plus, le RN a créé son propre système de financement : « Si la défense a rejeté la notion de système, elle apparaît néanmoins établie et même au cœur de la présente affaire. Un système peut en effet être défini comme un ensemble de pratiques organisées en fonction d’un but. La présente procédure a révélé un véritable système destiné à alléger les charges du FN mis en place dès 2004, qui s’est perfectionné au fil des années et devait à partir de juillet 2014, avec l’élection de 23 députés au Parlement Européen, produire des effets plus importants encore que ceux qu’il a effectivement produits. ».

    Le système a commencé dès la 6e législature entre 2004 et 2009 : « Dès le début de la 6e législature, à partir du mois de juillet 2004, dans le cadre d’une organisation artisanale ou familiale au service du parti, quatre députés historiques (sur les sept élus au Parlement Européen) mettaient en œuvre des contrats fictifs destinés à financer sur les fonds du Parlement Européen le fonctionnement du parti, ou à tout le moins à en alléger les charges. Il convient à cet égard de préciser que Marine LE PEN n’est pas poursuivie ni déclarée coupable au titre de cette 6e législature. Néanmoins le parti, dont la responsabilité pénale a été engagée par Jean-Marie LE PEN, son président, est déclaré coupable de faits de complicité et de recel de détournement de fonds publics au titre des contrats la concernant. Marine LE PEN, sur instigation de son père, puis Jean-Marie LE PEN engageaient comme assistant parlementaire Jean-François J., adhérent du RN depuis 1974 (FNJ), cadre historique du parti et proche collaborateur de son président, qui a été, à partir de 2010 secrétaire général puis délégué général du parti, membre du comité exécutif, vice-président en charge des élections et des contentieux électoraux puis en charge des affaires juridiques. Il apparaissait sur l’organigramme du FN de 2008 comme secrétaire national aux élections et aux analyses électorales. (…) Pour cette seule 6e législature, les détournements de fonds publics afférents à ces contrats représentent un montant total de près de 1,5 million d’euros, soit plus du tiers de l’ensemble des détournements pour lesquels le RASSEMBLEMENT NATIONAL est déclaré coupable sur l’ensemble de la période. Ainsi si le système mis en place dès 2004 l’a été manifestement par Jean-Marie LE PEN de façon quasi-familiale et le nombre d’assistants parlementaires concernés est moins important, les montants détournés n’en sont pas moins significatifs, au regard surtout des difficultés financières que le parti rencontrait à l’époque. ».

    Les déclarations pendant le procès de Fernand Le Rachinel, ancien député européen et qui a prêté de l'argent au parti, et également de Jean-Marie Le Pen lui-même ont été accablantes : « Fernand LE RACHINEL a reconnu que ni Thierry L., qui était agent de protection et s’occupait de la sécurité de Jean-Marie LE PEN à temps complet, ni Micheline B., secrétaire particulière de Jean-Marie LE PEN travaillant exclusivement pour ce dernier, n’avait jamais travaillé pour lui. Il a exposé dès sa première audition que le "FRONT NATIONAL vivait grâce à ce système de rémunération via le Parlement européen pour rémunérer les personnes du FRONT NATIONAL". Il précisait encore que "le principe était que chaque député arrivait à avoir peu ou prou un assistant ou collaborateur qui lui était réellement dédié et le reste de l’enveloppe était dédié à la rémunération des personnes choisies par Jean-Marie LE PEN. Il s’agissait de caser le staff du groupe". Jean-Marie LE PEN a admis que Thierry L. avait toujours été son garde du corps, puis celui de Marine LE PEN à partir de janvier 2011 et que Micheline B. avait toujours été sa secrétaire particulière. Les déclarations de Jean-Marie LE PEN, qui reconnaît avoir, dans le cadre d’un fonctionnement "en pool", "réparti les budgets au mieux de (leur) fonctionnement parlementaire" ne sont pas en contradiction avec celles de Fernand LE RACHINEL sur ce point. Elles corroborent celles de Thierry L., qui a admis que sa rémunération était affectée sur tel ou tel député dans le cadre d’un contrat d’assistant parlementaire selon le montant disponible des enveloppes, ou encore celles de Michèle B. qui déclarait avoir subi les changements de contrats qu’elle ne décidait pas. Pas plus que les autres eurodéputés, Fernand LE RACHINEL ne s’est personnellement directement enrichi du fait des contrats fictifs d’assistant parlementaire qu’il a signés au cours de la 6e législature pour faire financer par le parlement européen les salaires et charges de Thierry L. (495 k€) et de Micheline B. (320 k€) pour un montant total de 815 k€. Néanmoins ses déclarations illustrent l’intérêt personnel qu’il trouvait à voir alléger les charges du parti dont la situation financière était tendue. Après avoir démissionné du RASSEMBLEMENT NATIONAL à la rentrée 2008, il n’a d’ailleurs pas mis fin aux contrats de Thierry L. et Micheline B. qui ont continué à être rémunérés sur son enveloppe de frais d’assistance jusqu’à la fin de la 6e législature, à l’été 2009. Il peut à cet égard être relevé que si Jean-Marie LE PEN n’a pas non plus directement retiré d’enrichissement personnel de ces détournements, ils lui ont néanmoins procuré un confort de vie et de travail que la situation financière du parti ne lui aurait pas permis d’assumer. ».

    Je ne poursuis pas avec les législatures suivantes (2009-2014 et 2014-2016) avec autant de précisions car ce serait trop long. Je ne garde que le principal.


    7e législature (2009-2014) : « Les trois députés historiques ont donc fait perdurer le système pour continuer à faire financer par le Parlement Européen les salaires des sept mêmes personnes que pendant la législature précédente, qui travaillaient toujours pour le parti. Les fonds détournés au cours de cette 7e législature à travers les contrats d’assistant parlementaire fictifs signés par Jean-Marie LE PEN, Marine LE PEN et Bruno G. sont évalués à plus de 2,2 millions d’euros, ce qui représente presque un doublement du ratio des fonds détournés par député par rapport à la législature précédente. Le système mis en place en 2004 a en effet été "optimisé", avant même l’accession de Marine LE PEN à la présidence du parti. ».
     

     
     


    8e législature (2014-2016) : « En ce qui concerne Yann LE PEN, son salaire en tant que responsable de l’événementiel au sein du parti avait été pris en charge par le Parlement européen depuis le 1er janvier 2009, au cours des 6e et 7e législatures, sous couvert de contrats d’assistance parlementaire successifs de Bruno G., pour un montant total de 417 k€. (…) Les fonds détournés s’élèvent à moins de 300 k€ pour ces trois députés "historiques" et environ 370 k€ pour les sept nouveaux députés, soit environ 670 k€ entre juillet 2014 et février 2016, au cours d’une période de 20 mois. Si ces chiffres apparaissent moins significatifs que pour les législatures précédentes, ce constat mérite néanmoins quelques observations. (…) Les détournements de la 8e législature concernent donc un nombre de députés et d’assistants parlementaires plus important, mais une période de temps beaucoup plus limitée que celle des précédentes législatures. La dénonciation et les procédures administratives mises en œuvre par le Parlement Européen ont manifestement porté un coût d’arrêt aux contrats en cours. Ainsi, à l’été 2014, alors que 23 députés du RASSEMBLEMENT NATIONAL étaient élus au Parlement Européen, le système était destiné à constituer une véritable manne financière pour le parti. Avec 23 députés élus, les frais d’assistance parlementaire représentaient en effet désormais près de 6,6 millions d’euros par an, soit environ le double de la masse salariale du RN à l’époque, de l’ordre de 3 millions d’euros sur un budget de 10,2 millions d’euros. Les contrats conclus au cours de la 8e législature étaient donc susceptibles de contribuer de façon de plus en plus significative au financement des charges de personnel du parti. Le système élaboré mis en place n’a trouvé de limite que dans la dénonciation des faits et l’ouverture de la présente procédure judiciaire. ».

    Et de poursuivre : « Le principe était le même que celui mis en place en 2004 et décrit par Fernand LE RACHINEL : les eurodéputés pouvaient recruter un assistant parlementaire de leur choix et devaient laisser le reste de l’enveloppe à destination du parti. Aucun des députés poursuivis, à l’exception de Fernand LE RACHINEL (qui conteste avoir agi intentionnellement), n’a reconnu les faits. Néanmoins, le déroulement de la réunion du 4 juin 2014 décrit par plusieurs députés ayant refusé le système ou ayant quitté le parti depuis ne fait aucun doute. Marine LE PEN avait bien donné comme instruction aux nouveaux députés de donner une procuration à Charles V. H. pour suivre leur dotation budgétaire et de choisir le cabinet X de Nicolas C. comme tiers-payant. Malgré ses dénégations, elle leur a aussi dit qu’ils n’avaient pas besoin de plus d’un assistant dédié à (leurs) tâches parlementaires et qu’ils allaient laisser le solde de leur enveloppe à la disposition du parti. (…) Le système en place depuis dix ans à l’époque avait été "optimisé" avant même le début de la 8e législature. Un système global de gestion des enveloppes budgétaires des assistants parlementaires était opérationnel et proposé à l’ensemble des eurodéputés afin de permettre au parti "de faire des économies grâce au Parlement Européen". ».

    Le rôle de Marine Le Pen est considéré comme essentiel par le tribunal : « Au cœur de ce système depuis 2009, Marine LE PEN, s’est inscrite avec autorité et détermination dans le fonctionnement instauré par son père auquel elle participait depuis 2004. Elle va s’entourer dès 2009 de Charles V. H., comptable et spécialiste des instances du Parlement Européen recruté comme APA, qui va jouer un rôle de facilitateur auprès des services financiers du Parlement Européen et être chargé d’optimiser la gestion centralisée des enveloppes. Sur la base des propositions de Charles V. H., Marine LE PEN va arbitrer. Les mouvements entre les enveloppes et les transferts de contrats vont se multiplier. Le but est de répartir les assistants selon les disponibilités des enveloppes, sans aucun lien avec une quelconque activité pour un eurodéputé. Marine LE PEN a été poursuivie et déclarée coupable en tant qu’auteur principal pour les contrats d’assistant parlementaire fictifs représentant un montant total de 474 k€ sur une période du 1er septembre 2009 au 14 février 2016. À l’occasion de procédures administratives en répétition de l’indu, le Parlement Européen a recouvré à son encontre une somme totale de 340 k€. ».

    Mais ce n'est pas tout ce qu'on reproche à Marine Le Pen. Il y a aussi ceci : « Elle est en outre déclarée coupable de faits de complicité des détournements commis par les autres eurodéputés depuis son accession à la présidence du parti en janvier 2011. Ces faits de complicité portent sur un montant total que le tribunal évalue à 801 k€ au titre de la complicité de Jean-Marie LE PEN, à 665 k€ au titre de la complicité de Bruno G. et à 370 k€ au titre de la complicité des sept nouveaux députés de la 8e législature, soit au total plus de 1,8 million d’euros sur la période du 16 janvier 2011 au 17 janvier 2016. En effet, compte tenu des relaxes partielles prononcées pour les trois contrats conclus par Marie-Christine A. en 2016 au titre desquels tous les prévenus poursuivis (notamment Marine LE PEN et le RASSEMBLEMENT NATIONAL) ont été relaxés des faits de complicité et/ou de recel qui leur étaient reprochés, les faits de complicité la concernant ne prennent plus fin le 31 décembre 2016 comme visé à la prévention, mais le 17 janvier 2016. ». Cela signifie que les dispositions de la loi Sapin II ne s'appliquent pas.
     

     
     


    Sur le trouble causé par l'infraction, qui a contourné le fonctionnement démocratique, le tribunal est très précis : « S’ils n’ont pas généré d’enrichissement personnel direct des députés condamnés ni de leurs assistants parlementaires, les faits constituent, au-delà des manquements à l’exigence de probité des élus, un contournement démocratique qui réside dans une double tromperie, aux dépens du Parlement Européen et des électeurs. L’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que les partis politiques, s’ils se forment et exercent leur activité librement, doivent respecter les principes de la démocratie. Par des lois successives depuis les lois fondatrices n°88-226 et n°88-227 du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique, le législateur s’est employé à encadrer le financement de la vie politique française afin, principalement, d’en garantir la transparence et d’assurer l’égalité des chances des candidats dans la compétition politique. Le respect de ces dispositions législatives par tous les partis politiques doit assurer le fonctionnement vertueux de la démocratie représentative. En outrepassant le cadre ainsi posé par le législateur, les auteurs, complices et receleurs de détournements de fonds publics, qui ont procuré un enrichissement au FRONT NATIONAL devenu RASSEMBLEMENT NATIONAL, ont provoqué une rupture d’égalité, favorisant ainsi leurs candidats et leur parti politique, au détriment des autres. S’agissant du Parlement Européen, sa légitime confiance en ses élus a été abusée par des moyens sophistiqués de détournements à des fins partisanes des fonds payés pour renforcer la qualité du débat démocratique. L'indemnité d'assistance parlementaire a en effet pour finalité de permettre aux députés européens de s'entourer librement de collaborateurs pour pouvoir notamment s'emparer de sujets d'intérêt général, en particulier complexes ou techniques, et en débattre utilement dans l'enceinte parlementaire ou en dehors. Imputée sur le budget de l'Union Européenne, cette indemnité est ainsi une pièce importante du dispositif parlementaire européen et contribue à la continuité du projet européen. Le tribunal prendra par conséquent en considération la nature des fonds détournés pour la détermination des peines. S’agissant du corps électoral, les manquements commis par les députés européens portent fortement atteinte à la confiance légitime qu’ils doivent inspirer aux citoyens de l’Union Européenne en général et aux électeurs français en particulier. Représentants de l’institution la plus démocratique de l’Union Européenne, ils sont les porteurs des valeurs proclamées à l’article 2 du Traité sur l’Union Européenne, notamment le respect de la démocratie, de l’égalité et de l’État de droit. Ainsi, ces faits ont porté une atteinte grave et durable aux règles du jeu démocratique, européen mais surtout français et à la transparence de la vie publique. L’atteinte aux intérêts de l’Union Européenne revêt une gravité particulière dans la mesure où elle est portée, non sans un certain cynisme mais avec détermination, par un parti politique qui revendique son opposition aux institutions européennes. La gravité des faits dans leur ensemble résulte donc de leur nature systématique, de leur durée, du montant des fonds publics détournés au bénéfice d’un parti politique, mais aussi de la qualité d’élus des personnes condamnées comme auteurs de ces détournements, ainsi que de l’atteinte portée à la confiance publique et aux règles du jeu démocratique. Le tribunal prend en considération pour la fixation de la nature et du quantum des peines principales prononcées à l’encontre de chacun des auteurs, complices ou receleurs, le rôle et la responsabilité de chacun, le montant des détournements au titre desquels il est déclaré coupable, outre des motivations individuelles relatives à la personnalité et à la situation personnelle ci-après développées. ».

    C'est vrai qu'il est un peu ardu de lire les 154 pages d'un texte parfois un peu compliqué, mais il est établi que ce système, mis au clair par les enquêteurs, une dizaine d'années d'instruction et un procès de près de deux mois, a conduit à un détournement massif de fonds publics entre 2004 et 2016 d'un montant qui correspond à 1,2 million de repas au CROUS pour les étudiants ou encore à 209 années de travail au SMIC !
     

     
     


    Vouloir déplacer le débat sur la prétendue politisation des juges alors que ces derniers n'ont fait que leur travail avec débat contradictoire et droits de la défense relève avant tout d'une mauvaise foi, d'une stupéfaction étonnante provenant d'amateurs (ils auraient dû imaginer cette possibilité de condamnation) et enfin, d'une fuite en avant qui me paraît suicidaire politiquement et électoralement.
     

     
     


    La bataille de "l'opinion publique" est déjà perdue. Environ deux tiers des sondés, dans plusieurs sondages depuis plusieurs jours, trouvent tout à fait normal que les délinquants, même une future candidate à l'élection présidentielle, soient condamnés tant à de la prison ferme à une peine d'inéligibilité avec exécution provisoire. Le paradoxe, c'est que le RN a lui-même contribué, dans ses campagnes démagogiques antérieures, à rendre les citoyens plus exigeants sur la probité de leurs représentants.

    La réaction épidermique et à la limite de l'insurrectionnel des responsables RN depuis l'annonce du jugement confirme l'efficacité de l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité. C'est la conclusion du journaliste de Mediapart Fabrice Arfi le 3 avril 2025 : « Être reconnus coupables, condamnés à de la prison, à des amendes, ils s'en foutent. Ce qu'ils ne supportent pas, c'est l'inéligibilité. Ça montre que c'est la seule sanction efficace. ». Rideau !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250404-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-fond-accablant-de-l-affaire-le-260277

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/02/article-sr-20250404-marine-le-pen-html.html


    .

  • Mgr Jean-Marc Aveline, nouveau porte-voix des évêques de France

    « Ce que je sens, c'est que Marseille est plus qu'une ville, c'est un message. Dans toute identité, il y a toujours une part d'altérité. Et c'est grâce à ça qu'on peut être accueillant à l'autre. » (Mgr Aveline, le 17 septembre 2023 sur France Bleu Marseille).



     

     
     


    Ce mercredi 2 avril 2025, la Conférence des évêques de France (CEF) s'est désigné un nouveau président en la personne de Mgr Jean-Marc Aveline. Son prédécesseur, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims depuis le 18 août 2018 et élu président de la CEF depuis le 3 avril 2019, avait annoncé son retrait le 24 mars 2025 au terme de deux mandats de trois ans. Mgr Jean-Marc Aveline prendra ses fonctions le 1er juillet 2025. Les deux vice-présidents de la CEF sont élus jeudi matin.

    Éric de Moulins-Beaufort aurait sans doute été un bon président des évêques en période ordinaire, c'est-à-dire lorsqu'il y a à réfléchir et à faire évoluer l'Église de France. Mais son mandat n'a pas été de tout repos, car en pleine crise très grave, accablante, des prêtres ayant commis durablement des faits de pédocriminalité.

    Même si c'est bien l'Église de France qui a été à l'origine du fameux rapport Sauvé (commandé le 8 février 2019 par son prédécesseur, Mgr Georges Pontier, alors archevêque de Marseille) sur les nombreux abus sexuels sur mineurs et sur les personnes vulnérables dans l'Église catholique de France depuis les années 1950, 2 500 pages présentées le 5 octobre 2021, c'est bien Éric de Moulins-Beaufort qui a dû gérer tout le service après-vente de ce rapport, et, disons-le, plutôt mal malgré sa détermination sincère, avec plein de maladresses sans prendre réellement la mesure de ce gigantesque scandale dans l'esprit des victimes. La dernière affaire levée sur les agressions sexuelles et les violences à Notre-Dame de Bétharram ainsi que dans d'autres établissements scolaires catholiques ont sans doute rendu nécessaire l'arrivée d'un autre visage médiatique, plus compassionnel et plus chaleureux.

    Qui est Mgr Jean-Marc Aveline ? J'aurais tendance à dire un homme qui monte ! En fait, l'Église de France a eu, depuis plusieurs décennies, un problème de représentation auprès de la société française. Les plus anciens ont connu Mgr Albert Decourtray (archevêque de Lyon) et Mgr Jean-Marie Lustiger (archevêque de Paris), qui étaient de très grandes pointures intellectuelles, religieuses mais aussi médiatiques (comme Jean-Paul II). Ils étaient même invités régulièrement dans l'émission politique phare, "L'Heure de Vérité" sur Antenne 2. Encore auparavant, il y a eu Mgr Jean Vilnet et Mgr François Marty. Mais après les cardinaux Lustiger et Decourtray, peu de responsables catholiques ont véritablement émergé dans la société française (à part Mgr Philippe Barbarin, lui aussi une pointure intellectuelle et médiatique, qui a dû s'éclipser à cause du scandale) et cela manquait.

     

     
     


    Oserais-je imaginer que Mgr Jean-Marc Aveline pourrait enfin remplir ce vide et donner un nouveau visage, plus convivial, plus souriant, plus ouvert, à une Église et surtout à une communauté catholique très ébranlée par les révélations des dernières années, en particulier un abus commis sur une mineure de 14 ans par le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux et ancien président de la CEF, lorsqu'il était curé à Marseille. Un cardinal !

    À 66 ans, Mgr Jean-Marc Aveline est un enfant de la Méditerranée, né en Algérie (près d'Oran) et habitant Marseille, dans les quartiers populaires, après un court passage en région parisienne (sa famille était pieds-noirs). Il cultive donc une identité marseillaise très forte. Il a été ordonné prêtre le 3 novembre 1984 après des études de philosophie, de grec, d'hébreu et de théologie (à l'Institut catholique de Paris et à la Sorbonne) et avant un doctorat en théologie ; il a soutenu en 2000 sa thèse sur le sujet suivant : "Pour une théologie christologique des religions, Tillich en débat avec Troettsch". Inutile de préciser qu'il est, lui aussi, une pointure intellectuelle et qu'il a été responsable d'enseignement et d'études au séminaire interdiocésain de Marseille et à l'Université catholique de Lyon. Il a même fondé l'Institut de science e théologie des religions de Marseille en 1992 qu'il a dirigé jusqu'en 2002.

    Nommé évêque auxiliaire de Marseille le 19 décembre 2013 (il a été ordonné évêque par Mgr Georges Pontier le 26 janvier 2014 en présence de deux cardinaux marseillais, Mgr Roger Etchegaray et Mgr Bernard Panafieu), Mgr Jean-Marc Aveline lui a succédé le 8 août 2019 comme archevêque de Marseille. Enfin, le pape François l'a créé cardinal (avec le grade de cardinal-prêtre) parmi les vingt et un cardinaux créés lors du consistoire du 27 août 2022. À ce titre, et aussi comme proche du pape François, il est parfois considéré comme un "papabile" (pouvant être élu prochain pape), d'autant plus qu'il a pris beaucoup d'importance ces dernières années au Vatican (membre de deux dicastères, sortes de ministères au Vatican, il s'y rend très régulièrement, plusieurs fois par mois).
     

     
     


    L'un des exploits de Mgr Aveline, c'est d'avoir fait venir le pape François à Marseille, événement qui n'avait plus eu lieu depuis plusieurs siècles (le pape Clément VII y est venu le 5 novembre 1533) et qui avait séduit le Saint-Père dans sa volonté de promouvoir la Méditerranée (et l'accueil des migrants). C'est ainsi que l'archevêque de Marseille a accueilli son homologue de Rome à Marseille les 26 et 27 septembre 2023, journées au cours desquelles il a pu constater la grande sympathie des Marseillais. La venue du pape avec la célébration d'une messe au Stade Vélodrome a été un moment historique qui a séduit et rendu fiers les Marseillais. Le pape François est retourné en France, un peu plus tard, le 15 décembre 2024, en Corse, et n'est (encore) jamais allé à Paris.

    Au début, il avait beaucoup hésité à se porter candidat en raison de son emploi du temps très chargé. Favori du scrutin et très populaire parmi les évêques par sa « bonhomie », sa « grande intelligence » et sa personnalité « hors norme », Jean-Marc Aveline a été élu dès le premier tour président de la Conférence des évêques de France ce 2 avril 2025 à Lourde (pour être élus, il faut réunir une majorité des deux tiers), après deux jours de colloques (en début de semaine) sur les violences sexuelles au sein de l'Église, avec la présence, en particulier, de victimes de Notre-Dame de Bétharram qui ont pu témoigner devant les évêques.


    La détermination de l'Église catholique reste intacte pour lutter contre les violences sexuelles en son sein comme cela a été le cas depuis une dizaine d'années, mais ce sujet comporte de nombreuses bombes à retardement (Notre-Dame de Bétharram en est une puisque la plupart des victimes sont restées silencieuses jusqu'en 2024-2025). Mgr Aveline devra donc gérer la suite de ce lourd dossier, notamment sur le plan des réparations aux victimes, et plus généralement, devra revoir l'organisation de l'enseignement catholique afin d'éviter des violences pendant des années sans alerte.

    Si la société française en général continue sa progressive déchristianisation (commencée depuis une cinquantaine d'années), il faut remarquer néanmoins que les jeunes semblent revenir à l'Église avec plus de volontarisme. Un évêque cité par Sud Radio l'a ainsi résumé : « On est à un moment de croisement des courbes, avec un effacement du catholicisme sociologique et une montée du catholicisme d'adhésion. ». "Le Monde" a noté le même genre de réflexion auprès sans doute du même évêque : « Nous sommes dans une période de fragilisation mais aussi de recomposition. Nous devons gérer le recul du catholicisme sociologique en même temps que la croissance du catholicisme d’adhésion. ». Ce qui peut créer un problème avec la montée de sentiments identitaires. Mgr Aveline devra accompagner ce regain d'adhésion pour ne pas décourager ce renouveau de l'engagement.

    Un autre défi sera d'être plus présent dans les médias pour les grands débats de société, qu'il s'agisse de la laïcité (on va fêter les 120 ans de la loi du 9 décembre 1905), de la fin de vie et, plus généralement, du débat politique de précampagne présidentielle ces prochaines années. En clair, l'Église va devoir se faire entendre de la société française autrement que sur les abus sexuels.

    Comme l'ont expliqué Sarah Belouezzane et Benoît Vitkine dans leur article publié le 2 avril 2025 dans "Le Monde", « Jean-Marc Aveline représente un catholicisme ouvert sur le monde, proche des fidèles de tous bords. "Sa personnalité et son contact tranchent clairement avec le reste de l’épiscopat", confiait un prêtre qui l’a assidûment fréquenté. Des fibres pastorales et sociales (avec un souci affiché à plusieurs reprises pour le sort des migrants) qu’il partage avec un pape François dont il est devenu en quelques courtes années un proche. (…) Le cardinal devra désormais délaisser son diocèse pour Rome et Paris. Sa connaissance de la Ville éternelle et de ses usages sera bienvenue après des années de relations plus que froides entre le Vatican et l'Église de France. Jean-Marc Aveline est un homme tout en rondeurs, décrit comme très politique (…). Cette rondeur (…) sera sans doute un avantage dans les défis qui se présentent à lui. ».


    "Le Monde" a aussi évoqué le besoin d'un changement de pratique dans la gouvernance de la CEF, son président ne devant être qu'un porte-parole, un animateur, et certainement pas un chef (les évêques jouissent d'une grande autonomie). Très occupé, Mgr Aveline aura très certainement la volonté de déléguer beaucoup de sujets à ses deux vice-présidents qui sont élus jeudi matin avant une conférence de presse en début d'après-midi. En revanche, il devra rester très prudent avec le dossier des agressions sexuelles car l'objectif reste focalisé sur la relation aux victimes,et ces relations humaines ne se délèguent pas. Bon communicant, le "président Aveline" est certainement prêt à relever le défi d'une Église qui aura besoin d'être remise au milieu du village.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Mgr Jean-Marc Aveline.
    Inquiétudes sur la santé du pape François.
    Le pape François en Corse : la vie en rose !
    Le voyage du pape François en Corse (Ajaccio) en direct live ce dimanche 15 décembre 2024 (vidéo).
    Autonomie de la Corse : y a-t-il un risque de séparatisme ?
    Notre-Dame de Paris, capitale du monde !
    Pourquoi a-t-on assassiné le père Popieluszko ?
    Les 98 ans de Sœur Marguerite.
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    Assomption : pourquoi le 15 août est-il férié ?
    Le pape François à Marseille (1) : ne pas légiférer sur l'euthanasie.
    Le voyage du pape François à Marseille (22 et 23 septembre 2023).
    Mgr Jacques Gaillot.
    Mgr Albert Decourtray.

    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.



     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250402-jean-marc-aveline.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/mgr-jean-marc-aveline-nouveau-260279

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/02/article-sr-20250402-jean-marc-aveline.html

    .

  • Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !

    « Le majordome de Jean-Marie Le Pen avait-il le droit d'être payé par les contribuables français ? » (Gilles Bouleau à Marine Le Pen, Journal de 20 heures, le 31 mars 2025 sur TF1).



     

     
     


    La question du journaliste Gilles Bouleau le 31 mars 2025 au journal de 20 heures de TF1 posée à la présidente du groupe RN à l'Assemblée Marine Le Pen était pertinente. Mais il aurait fallu aller un peu plus loin, car les réactions du RN, de colère bien normale après l'annonce de la multicondamnation de la leader du RN et de ses proches, semblent complètement inverser les rôles. Dans cette affaire, Marine Le Pen n'est pas une victime (supposée victime du "système" dans lequel elle s'est complètement acclimatée à tel point qu'elle a tenté d'en profiter au maximum), mais une coupable. Une coupable qui a été condamnée en première instance. La victime, dans cette affaire, c'est le peuple français, ce sont les contribuables français à qui on a spolié leur contribution financière à la nation.

    Et je suis désolé de l'écrire, mais Marine Le Pen a été condamnée pour des détournements de fonds public à hauteur de 4,1 millions d'euros, ce n'est pas rien. Ce n'est pas 200 000 euros, 500 000 euros, mais 4,1 millions d'euros : combien de restos du cœur, combien d'opérations pièces jaunes peut-on avoir avec 4,1 millions d'euros ? Je ne fais que poser sa question du 9 février 2004 sur France 2, je n'insiste pas sur l'argent volé aux Français !

    Je suis un peu inquiet de la tournure du débat public à propos de cette condamnation car j'ai l'impression qu'on la classe politico-médiatique ne s'est arrêtée que sur la peine complémentaire de cinq années d'inéligibilité assortie d'une exécution provisoire, ce qui va peut-être l'empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle.


    Attention, je suis bien conscient tant de la gravité de cette peine complémentaire et de ses conséquences sur la vie démocratique de notre pays. Une candidate qui ferait actuellement autour d'un tiers des sondés dans les sondages d'intentions de vote pour le premier tour d'une élection présidentielle qui se trouve empêchée de se présenter est un véritable problème, c'est l'évidence, et surtout, un véritable événement politique, sans doute aussi grave et historique que la dissolution du 9 juin 2024 ou la censure du gouvernement du 4 décembre 2024.

    Mais à qui la faute ? Au système dont elle a nettement profité jusqu'à plus soif ? Aux méchants juges qui n'ont fait que leur travail honnêtement en se basant sur les lois qu'ils n'ont pas rédigées ni votées et sur les faits délictueux qu'ils ont établis sans laisser planer aucun doute ? Ou à l'ancienne présidente d'un parti vorace qui a voulu utiliser l'argent public pour faire fructifier son affaire politique ?


    Car le plus choquant, c'est la raison des détournements. Depuis le 31 mars 2025, les apparatchiks du RN parlent d'un simple "différend administratif" ! On rêve !! Voilà de la réalité alternative, comme on dit ! Non, ce n'est pas un problème administratif, c'est carrément du détournement massif de fonds publics. Les députés européens sont censés travailler au Parlement Européen avec leurs assistants parlementaires pour défendre les intérêts des Français en Europe. On peut être contre l'Union Européenne et considérer que l'intérêt de la France est d'être contre l'Europe, mais même ainsi, comme l'a fait par exemple Nigel Farage au Royaume-Uni, il faut bosser auprès des instances européennes contre les institutions européennes, dès lors que leur parti a élu des représentants (c'est la démocratie). Mais non ! Les députés européens du RN n'ont rien fait (il suffit de voir le bilan de Jordan Bardella à Strasbourg depuis 2019 !), et pendant longtemps (de 2004 à 2016), leurs assistants parlementaires n'ont fait que bosser pour la présidente du FN et l'appareil de leur parti, pas pour les intérêts français (selon eux) en Europe.

    Le plus choquant, dans la multicondamnation de Marine Le Pen, ce n'est pas la peine d'inéligibilité, qui est juste complémentaire, mais plutôt la peine de deux ans de prison ferme (quatre ans de prison en tout), avec mesure d'aménagement ab initio sous le régime de détention à domicile sus surveillance électronique. Deux ans ferme ! Imagine-t-on un candidat à l'élection présidentielle avec une condamnation à deux ans de prison ferme pour des délits de détournement de fonds public ?! Et qu'il puisse être élu ? Il est là, le scandale. Il a beau y avoir appel et présomption d'innocence, la condamnation en première instance n'est pas effacée pour autant.

     

     
     
     
     
     
     


    Le 31 mars 2025 sur France 5, le constitutionnaliste Dominique Roussau rappelait une évidence : « Pour que les électeurs aient confiance en leurs élus, il faut qu’ils soient intègres. Ce qui met en cause la démocratie c’est le tous pourris. Ce qui n’est pas sain pour la démocratie, c’est de laisser élire des gens qui ont fraudé. ». Le thème favori du lepénisme électoral s'est effondré dans un sketch de l'arroseur arrosé.

    Même si elle va faire appel, Marine Le Pen a quand même été condamnée en première instance à de la prison ferme et surtout, les faits ont été établis et sans laisser aucun doute. Cela signifie que, contrairement à d'autres affaires où l'incertitude peut planer, la culpabilité de Marine Le Pen sera probablement confirmée et que la seule différence portera peut-être dans la nature des peines qu'elle aura en appel.

    Ce qui m'inquiète, c'est que dans les nombreux commentaires dans cette affaire, tant les responsables politiques (hors RN) que les journalistes sont focalisés sur l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité et ses conséquences dans la course de petits chevaux présidentiels alors que le plus important est la peine de deux ans de prison ferme et surtout, les 4,1 millions d'euros d'argent public détourné. Où est la tolérance zéro ? Où est la condamnation du laxisme des juges contre la délinquance ? Où est la volonté de condamner à l'inéligibilité à vie les responsables politiques tombés dans la délinquance ?

    J'ai ressenti dans ce paysage politico-médiatique une double trouille. La trouille des journalistes qui, du coup, sont très mesurés parce que si, pour beaucoup d'entre eux, ils sont au fond ravis, ils ont peur que malgré tout, le RN arrive au pouvoir et ils doivent le cas échéant éviter une future disgrâce (c'est aussi cette trouille qui domine la presse américaine actuellement). Mais aussi la trouille des responsables politiques (hors RN), pas vis-à-vis du RN, mais vis-à-vis des lois et de la justice, comme s'il y avait un réflexe corporatiste, de système (celui dans lequel RN évolue allègrement, comme les autres), de se retrouver à la place du RN dans le box des accusés... et des condamnés. C'est particulièrement clair pour Jean-Luc Mélenchon et ses insoumis, pour LR également (le parti a été ébranlé par les condamnations de François Fillon et, plus récemment, de Nicolas Sarkozy), mais aussi, un peu plus subtilement, pour le Premier Ministre François Bayrou dont les déclarations, plus nuancées qu'on pourrait le croire, restent néanmoins assez décevantes (j'y reviens plus loin).

    Si Marine Le Pen a été relativement mesurée le 31 mars 2025 en voulant respecter la stratégie de la respectabilité qu'elle avait mis en place en juin 2022, celle-ci a complètement explosé le lendemain, mardi 1er avril 2025, peut-être en guise de poisson d'avril. La conférence de presse de Marine Le Pen et Jordan Bardella qui s'est tenue le mardi matin à l'Assemblée et, encore pire, la séance des questions au gouvernement le mardi après-midi ont montré que le RN venait d'adopter une stratégie complètement suicidaire avec des propos insurrectionnels, populistes, violemment démagogiques, remettant en cause l'État de droit, les juges, les lois, en somme, le RN vient de tomber dans le trumpisme le plus obscur !

     

     
     


    Les caciques du RN crient au gouvernement des juges. C'est tout le contraire qui s'est passé. Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l'Université de Lille et membre de l'Institut Universitaire de France, l'a expliqué très clairement dans un article publié le 1er avril 2025 dans "Libération" : « À ceux qui dénoncent une justice politique, soustrayant le pouvoir des juges au pouvoir du peuple, il faut répondre, d’abord, que la justice est rendue au nom du peuple français. Les juges tiennent leur légitimité de l’édifice juridique qui constitue notre droit et au fondement duquel se trouve notre Constitution, que le peuple a adopté soit directement, soit par la voie de ses représentants. Les juges tiennent également leur légitimité de leur indépendance et de leur impartialité, constitutionnellement garanties, les contraignant à agir conformément au droit, qu’ils sont chargés d’appliquer, indépendamment de tout intérêt privé, partial ou partisan. Ils appliquent donc le droit, au nom du peuple, exerçant une mission de souveraineté qui leur est juridiquement et légitimement confiée par ce même peuple. ».

    Et d'ajouter : « Ensuite, il faut ajouter que la justice nous protège, en veillant à la bonne application du droit et en sanctionnant ceux qui le violent. Pour cela, des procédures sont établies destinées à préserver les droits des justiciables : enquête, instruction, audience, délibéré, collégialité, verdict, appel, cassation. Ce sont autant d’éléments, parmi d’autres, qui permettent d’assurer que la justice n’est pas inique, mais sert le droit et l’intérêt général. Marine Le Pen a eu l’occasion, tout au long de cette procédure, de faire valoir ses arguments, devant plusieurs juges, à différentes étapes. In fine, une formation collégiale de trois juges, après un délibéré de plusieurs mois, a retenu que les faits qui lui étaient reprochés étaient suffisamment probants et convaincants pour constater qu’elle avait effectivement commis une infraction. Dès lors, le droit s’applique : s’il y a culpabilité, il y a peine et, en l’espèce, il y a également peine complémentaire d’inéligibilité, les juges retenant que les circonstances particulières de l’espèce commandent de l’assortir de l’exécution provisoire, c’est-à-dire de la rendre applicable immédiatement. Au nom de la loi, ils viennent exprimer le "non" de la loi : ce ne sont pas les juges qui décident de déclarer Marine Le Pen inéligible immédiatement, mais c’est bien la loi qui l’impose. ».

    L'État de droit, c'est respecter les juges et la justice : « Dénoncer un "gouvernement des juges" revient donc à commettre une grave erreur d’appréciation. Pis, en soutenant qu’il reviendrait au peuple de décider du sort de Marine Le Pen, on argumente en faveur d’une justice populaire, partiale et partisane. Serait-ce au peuple de juger tous les prévenus ? Serait-ce au peuple de décider si Untel est un violeur, si Untel est un meurtrier ou si Untel doit être acquitté ? Et, dans ce cas, en vertu de quels arguments et de quel cadre ? Si on est désireux d’une justice indépendante, objective et impartiale, on ne peut la confier au peuple, dont les prises de positions collectives, exprimées lors d’un vote, reposent sur une argumentation et un débat politiques. Et c’est précisément ce qui correspondrait à un "gouvernement des juges" voire, pire encore, à un "gouvernement sans juge". Au contraire, l’indépendance de la justice, établie et garantie au nom du peuple, permet que le droit soit objectivement appliqué et c’est exactement ce que révèle le verdict dans cette affaire. ».

    Jean-Philippe Derosier a aussi justifié l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité ainsi : « [Les juges] ont enfin fait application du principe constitutionnel d’individualisation des peines, en retenant que Marine Le Pen, qui, selon les faits, se trouvait au cœur de l’infraction, devait être condamnée à une lourde peine. Eu égard à son rôle dans la commission de cette infraction, à son refus persistant de la reconnaître et aux fonctions qu’elle occupe, deux risques ont enfin pu être identifiés, justifiant l’application immédiate de la peine d’inéligibilité : d’une part, un risque de récidive, dès lors qu’elle ne reconnaît pas le caractère délictuel des faits et, d’autre part, un risque d’échapper à la justice pendant un temps, précisément si elle était élue Présidente de la République, ce qui lui conférerait une immunité. ».

    Dans leur délibéré du 31 mars 2025, les juges ont eux-mêmes commenté ainsi leur jugement : « Le tribunal prend en considération, outre le risque de récidive, le trouble majeur à l’ordre public démocratique qu’engendrerait en l’espèce le fait que soit candidat, par exemple et notamment à l’élection présidentielle, voire élue, une personne qui aurait déjà été condamnée en première instance, notamment à une peine complémentaire d’inéligibilité, pour des faits de détournements de fonds publics et pourrait l’être par la suite définitivement. Il s’agit ainsi pour le tribunal de veiller à ce que les élus, comme tout justiciable, ne bénéficient pas d’un régime de faveur, incompatible avec la confiance recherchée par les citoyens dans la vie politique. Dès lors, dans le contexte décrit, eu égard à l’importance de ce trouble irréparable, le droit au recours n’étant pas un droit acquis à la lenteur de la justice, il apparaît nécessaire selon le tribunal, à titre conservatoire, d’assortir les peines d’inéligibilité prononcées de l’exécution provisoire. Il ne s’agit pas d’une peine définitive mais d’une peine complémentaire prononcée en première instance qui, afin de garantir l’effectivité de son exécution et d’éviter un trouble irréparable à l’ordre public démocratique, sera exécutée immédiatement, dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel susceptible d’intervenir d’ici un à deux ans. Dans le cadre d’une décision rendue au nom du peuple français dans son ensemble, cette mesure est en effet proportionnée aux objectifs à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de bonne administration de la justice. C’est au regard de ces considérations que le tribunal apprécie, pour chaque personne condamnée, en tenant compte de sa situation individuelle, le caractère nécessaire et proportionné d’une peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire. ».
     

     
     


    En d'autres termes, les juges ont considéré que, condamnée en première instance à quatre ans de prison dont deux ferme, Marine Le Pen ne pourrait pas accomplir sa peine si elle était élue à l'élection présidentielle et l'application de sa peine serait reportée à 2032 pour des faits délictueux établis qui datent de 2004 !

    Je précise d'ailleurs que le temps long de la justice ici ne vient pas des juges mais du RN lui-même qui a, pendant toute l'instruction, fait 45 recours depuis 2017 ! sans compter le fait que Marine Le Pen ne s'est pas rendue aux convocations des juges. Le RN a tout fait pour repousser le plus tard possible le procès ainsi que le jugement. On s'étonnera donc de la volonté d'accélérer la procédure d'appel en faisant pression dans les médias et dans la rue.

    J'ajoute aussi que l'individualisation des peines est réelle et on peut le constater dans le délibéré qui compte tout de même 154 pages ! (On peut le lire ici). L'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité de trois ans n'a pas été décidée par exemple pour un autre prévenu, Fernand Le Rachinel, condamné à deux ans de prison avec sursis, parce que lui, au moment du procès, avait reconnu ses torts.

    Revenons aux citations de la journée du mardi 1er avril 2025 dans l'hémicycle, au cours de la séance des questions au gouvernement, car il s'agit d'éléments importants de la vie politique française. Pas moins de sept questions ont été posées au gouvernement en une heure et quart sur la condamnation de Marine Le Pen.

     

     
     


    Posant la première question du jour, le député RN Jean-Philippe Tanguy est parti comme une mitraillette en mélangeant tout, en osant évoquer le Général De Gaulle et en faisant dans l'excessif extrêmement insignifiant : « Le Général De Gaulle l’avait dit : en France, la seule et unique cour suprême, c’est le peuple ! Hélas, en vérité, jamais l’oligarchie n’a accepté que le peuple décide ni ne vote. Le système ne respecte que les urnes qui confortent son pouvoir mais renie les suffrages qui lui déplaisent. Un quarteron de procureurs et de juges prétend à présent sortir du droit pour exercer la vendetta du système contre son seul opposant, le Rassemblement national, et contre sa principale incarnation, Marine Le Pen. Il y a des tyrannies qui enferment leurs opposants, il y a désormais des juges tyrans qui exécutent l’État de droit en place publique ! Ces magistrats, en appliquant l’esprit d’une loi postérieure aux faits qui lui sont reprochés, refusent à Marine Le Pen le droit effectif d’appel et la présomption d’innocence qu’il confère. Ils lui refusent le droit d’être candidate ! Ces magistrats criminalisent le droit à la défense en aggravant la peine de Marine Le Pen, dont le seul tort est d’avoir voulu faire valoir son innocence ! Ces magistrats ont laissé envoyer hier à toute la presse parisienne et à nos adversaires, le jugement que nos avocats n’ont eu que ce matin ! Ces magistrats avouent, dans ce jugement, que la candidature, que l’élection de Marine Le Pen constituerait un trouble à l’ordre public ! Ces magistrats appliquent finalement la promesse du Syndicat de la magistrature : faire barrage à Marine Le Pen par tous les moyens, les pires des moyens ! Le groupe Rassemblement national ne vous laissera pas voler l’élection présidentielle comme vous avez volé des dizaines de sièges lors des dernières législatives ! Aucun de nos députés ne laissera diffamer celle qui incarne l’espérance du peuple de France ! De quoi est accusée Marine Le Pen, sinon de sa capacité à vaincre ce système ? ».

    La réponse du Ministre d'État, Ministre de la Justice, Gérald Darmanin a été (évidemment) beaucoup plus mesurée : « Une décision de justice importante a été rendue hier. Elle concerne Mme la présidente Le Pen, comme de nombreux membres du Rassemblement national. Dans cette affaire, les personnes qui le voudraient ont dix jours pour interjeter appel. Cet appel est de droit : tout citoyen doit pouvoir exercer son droit au recours, afin d’être jugé par une cour d’appel. Si madame Le Pen décidait d’interjeter appel, je souhaite, à titre personnel, que l’audience d’appel puisse être organisée dans le délai le plus raisonnable possible, conformément à l’esprit de sa démarche. Il appartiendra à la cour d’appel de Paris, parfaitement indépendante, de fixer la date de cet appel. Monsieur le député, votre intervention m’a semblé contenir deux erreurs, pardonnez-moi si je n’ai pas bien entendu dans le brouhaha. La première, c’est que nous n’avons volé aucun siège de député ! Nous avons tous été élus au suffrage universel direct que vous réclamez ; nous sommes des parlementaires égaux ! C’est ainsi : le scrutin législatif comporte deux tours ; aucun citoyen n’a été forcé de voter pour aucun des députés ici présents. Deuxième erreur : vous avez sans doute oublié d’apporter votre soutien aux magistrats menacés depuis hier… En démocratie, il est inacceptable que des personnes puissent menacer physiquement des magistrats. Il me semble que lorsque l’on réclame un État de droit, cette réclamation ne peut souffrir aucune exception parmi les magistrats libres et indépendants de ce pays. ».

    Certains ont vu cette opinion personnelle sur le calendrier de la justice comme une pression sur celle-ci. Quelques heures plus tard, on a appris qu'en cas d'appel, la cour d'appel de Paris tenterait de faire ce procès en appel avant la fin de l'été 2026. Sur le principe, accélérer la justice est une nécessité de bon sens, mais d'une part, la lenteur de l'affaire Le Pen vient du RN lui-même (déjà écrit) et d'autre part, en donnant la priorité à l'affaire Le Pen sur d'autres affaires, cela va impacter sur d'autres affaires judiciaires et d'autres personnes condamnées en première instance et actuellement incarcérées. Selon la magistrate Évelyne Sire-Marin, membre du bureau de la Ligue des droits de l'homme (interviewée le 1er avril 2025 sur LCI), il y a, à ce jour, déjà 4 000 affaires dont l'instruction est terminée en attente de procès en appel !


    En outre, je ne vois pas en quoi ce procès en appel ferait les affaires de Marine Le Pen, en ce sens qu'une nouvelle condamnation resterait très probable en appel et qu'une peine en appel serait encore plus dure à faire accepter auprès de ses propres électeurs.
     

     
     


    Sur la tirade particulièrement excessive de Jean-Philippe Tanguy, l'éditorialiste politique Patrick Cohen a proposé le lendemain, dans sa chronique sur France Inter, ce commentaire : « C’est politiquement inepte et judiciairement stupide. La colère est sûrement sincère, mais les adversaires du RN auront beau jeu d’expliquer que ce jour-là, le vernis a craqué, que l’extrême-droite a montré son vrai visage. Que la normalisation et la stratégie de la cravate n’étaient que des leurres. Or ce discours victimaire, antisystème et antirépublicain, s’il peut susciter l’adhésion d’une partie de la base, des 30 à 35% d’électeurs de premier tour, il a tout pour effrayer ceux qui manquent pour faire 50 au second, surtout dans une présidentielle. Un RN dédiabolisé peut espérer briser le plafond. Un RN trumpiste, c’est beaucoup moins sûr. Et puis sur le plan judiciaire, c’est tout aussi curieux. Maudire les magistrats qui vont vous rejuger, insulter ceux qui viennent de le faire, appeler à manifester contre les juges, comme l’avait fait Jean-Marie Le Pen déclaré inéligible en 98, n’est pas la meilleure des stratégies. Surtout quand vos premiers juges vous reprochent de ne pas avoir pris conscience de la gravité des détournements dont vous êtes coupables. ».

    Répondant à une question du président du groupe socialiste Boris Vallaud, François Bayrou a déclaré : « Le soutien que nous devons apporter aux magistrats, dans l’exercice de leurs fonctions, doit en effet être inconditionnel, non mesuré, puissant. Il est très important que l’ensemble de la représentation nationale exprime un tel soutien. ». Mais il a continué ainsi : « Il est vrai que des interrogations subsistent, j’en ai moi-même souvent formulé sur le seul sujet qui me paraît devoir être abordé dans cette affaire : la possibilité de former des recours. En principe de droit, toute décision lourde et grave en matière pénale doit pouvoir faire l’objet d’une procédure en appel et d’un recours. Cependant, le dispositif de l’exécution provisoire conduit à ce que des décisions lourdes et graves ne soient pas susceptibles de recours. Il n’est alors plus possible de faire appel de décisions qui, pourtant, peuvent entraîner des conséquences irréversibles. J’ai toujours, comme citoyen, considéré ce point comme problématique ; je m’étais déjà exprimé en ce sens lors de la condamnation du maire de Toulon, Hubert Falco. En effet, je considère, comme citoyen… Je suis un citoyen. Conformément aux principes du droit, les décisions de justice sont protégées et les magistrats doivent être soutenus. Cependant, lorsqu’il s’agit de s’interroger sur l’état de la loi, il revient au Parlement de prendre ses responsabilités. ».


    Répondant ensuite à la présidente du groupe écologiste Cyrielle Chatelain : « Il est indiscutable et il doit être indiscuté, sur tous les bancs, que les décisions de justice ont à être soutenues et les magistrats protégés dans l’exercice de leur mission. J’affirme, au nom du gouvernement, que c’est le cas : vous l’avez dit, il n’y a pas de passe-droit, quel qu’il soit et quelle que soit la loi concernée. Les magistrats exercent leur mission lorsqu’ils prononcent des jugements. Il est donc légitime que nous leur apportions, unanimement, sur tous les bancs, notre soutien. Toutefois, certains exemples… Pardonnez-moi de le dire : c’est vous, c’est le Parlement qui fait la loi. J’ai lu les déclarations des Insoumis à ce sujet, qui étaient très claires… Je considère que le Parlement a une réflexion à mener. Cependant, je n’ai pas l’intention de confondre la discussion portant sur un jugement, que je ne commente pas et que je soutiens, avec la réflexion sur l’état de la loi, qui appartient au Parlement et qui mérite d’être constamment reprise. ».
     

     
     


    Ainsi, François Bayrou a renvoyé le Parlement à ses responsabilités et a mollement défendu les juges (il ne pouvait pas faire autrement), mais c'est quand même assez décevant notamment pour un leader politique qui a fait de la moralisation de vie politique l'un de ses plus marquants dadas.

    Gérald Darmanin est réintervenu également après une question de la députée RN Laure Lavalette : « Je pense également avoir été clair, tout comme M. le Premier Ministre, sur le respect du droit inaliénable de faire appel, pour toutes les citoyennes et pour tous les citoyens, pour madame la présidente Le Pen comme pour toutes les autres personnes mises en cause par le tribunal de Paris. Il ne m’appartient pas, au titre de l’article 64 de la Constitution, d’en dire plus. Nous souhaitons tous, et je m’adresse ici aux membres du groupe Rassemblement national, un climat politique apaisé et des élections qui permettent à chacun de voter pour le candidat de son choix. Madame Lavalette, permettez-moi cependant de remarquer, vous êtes vous-même élue du Var, que M. Falco, ancien maire de Toulon, a été, lui aussi, frappé d’une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire. Vous aviez déclaré à l’époque, dans la presse locale : "S’il ne m’appartient pas de commenter cette décision de justice (…), j’appelle de mes vœux à l’apaisement et au respect de chacun". Je ne saurais dire mieux. ».

    Dans sa question, l'ancien président de LR et désormais complètement lepénisé, Éric Ciotti, a fait dans l'amalgame populiste (repris souvent dans les réseaux sociaux) : « Le candidat de l’opposition, François Fillon, largement favori dans l’élection présidentielle de 2017 : éliminé. La chaîne de télévision la plus populaire de la TNT : rayée de la carte. Aujourd’hui, enfin, la candidate donnée gagnante par tous les sondages pour l’élection présidentielle de 2027 est empêchée de se présenter par certaines personnes. Je veux dire tout mon soutien, dans ces conditions, à Marine Le Pen. Ce qui se passe est d’une gravité extrême. Alors que le pouvoir exécutif n’exécute plus rien, alors que le pouvoir législatif ne légifère sur rien, nous observons la prise de pouvoir de l’autorité judiciaire. Le gouvernement des juges s’installe contre le peuple souverain. D’éminents juristes, pourtant opposés à Marine Le Pen, ont fait entendre leur inquiétude : l’exécution provisoire instaure une peine de mort politique. Notre groupe défendra donc, dans le cadre de sa niche parlementaire de juin, une proposition de loi tendant à supprimer l’exécution provisoire pour les peines d’inéligibilité. ». Sur le "gouvernement des juges", je renvoie à l'explication du professeur Jean-Philippe Derosier, plus haut.

    La réponse de François Bayrou n'a pas changé : « Je ne veux pas laisser dire ici que notre démocratie serait mise à mal par l’autorité judiciaire. Ce n’est pas vrai. (…) Dès lors que nous prenons acte de la répartition des rôles qui assure l’équilibre de la démocratie et de la République, la marche à suivre est très simple : vous annoncez que vous allez déposer une proposition de loi, celle-ci sera examinée par les deux chambres et c’est donc le Parlement qui décidera si, oui ou non, il convient de toucher à l’écriture de la loi à partir de laquelle les magistrats jugent. ». Je reviendrai dans un autre article sur le fait de faire une nouvelle loi sur le sujet.

    La députée PS Sandine Runel, quant à elle, a rappelé un article du code pénal : « "Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende". Cet article du code pénal semble avoir échappé à certains, mais après tout, ils ne sont plus à ça près. Car, depuis hier, nombre de réactions se sont fait entendre, en premier lieu celles de l’extrême droite mondiale qui dénonce une décision de justice qualifiée de politique. MM. Poutine, Musk et Orban sont d’ailleurs les premiers à crier au scandale démocratique. S’en est suivi un déferlement de réactions dangereuses et populistes de la part de tout l’état-major du Rassemblement national. (…) Alors redisons-le avec force : en France, il n’y a pas de dictature judiciaire. Il n’y a pas de justice politique ni de tyrannie des juges. Car dans un État de droit, la loi s’applique sans privilège. Aucun sondage, aucune intention ne saurait vous donner un totem d’impunité. ».

     

     
     


    La question du député RN Sébastien Chenu n'a pas manqué, comme ses autres collègues du groupe RN, d'être polémique, tandis que d'autre députés lui ont crié "Rendez plutôt l'argent !" : « En laissant s’abîmer notre État de droit, la France, seul pays où il faut avoir perdu les élections pour gouverner, s’abîme sur la scène internationale. Craignant le jugement du peuple, certains se rassurent en s’appuyant sur celui de magistrats politisés. (…) Vous qui parlez à Tebboune et à Al-Charaa, vous acceptez qu’on piétine ici notre État de droit. Vous qui aimez tant donner des leçons de morale au monde entier, comment défendrez-vous demain Navalny ou Imamoglu, l’opposant d’Erdogan, quand vous acceptez ici que le peuple ne puisse ni choisir, ni voter pour la candidate du peuple, Marine Le Pen ? ».

    La réponse de Gérald Darmanin : « L’affaire est si importante que je ne cherche en rien à polémiquer. Il est question d’une décision de justice, rendue par trois magistrats indépendants, après un procès. Je ne vous permets pas de mettre en doute l’indépendance des magistrats ! Dans un État de droit, il est possible de faire appel. L’appel de madame la présidente Le Pen et des autres condamnés en première instance doit d’abord être audiencé. Après l’audiencement, le procès, qui sera équitable, et le verdict, prononcé par des magistrats indépendants, chacun devra accepter la décision de justice, c’est le principe dans un État de droit. Vous évoquez le respect de la démocratie. Comme vous l’a rappelé le Premier Ministre, les dispositions que vous dénoncez figurent dans une loi de 2016, la loi Sapin II, que je n’ai pas votée. Aujourd’hui, c’est la loi de la République. Comme l’a indiqué le Premier Ministre au président Ciotti, il appartient maintenant au Parlement de la modifier, s’il le souhaite. ».


    Et de préciser un point : « Je veux revenir sur un point également soulevé par M. Tanguy. Il n’existe pas une candidate du peuple et d’autres qui ne le seraient pas. Nous avons tous ici été élus par le peuple. Depuis le début de la Ve République, aucun candidat d’extrême droite n’a été choisi par le peuple à l’occasion de l’élection présidentielle, contrairement à M. Macron, qui l’a été deux fois, ne vous en déplaise ! Le peuple ne serait-il plus le peuple quand il vote mal ? Il devrait vous être possible d’avancer de bons arguments juridiques et politiques tout en respectant le vote du peuple, même quand il ne vote pas pour vous ! ».

    Dans la soirée du 1er avril 2025, Marine Le Pen a confirmé dans une interview au quotidien "Le Parisien" publiée le lendemain, qu'elle explorerait toutes les voies de recours possible : « Nous allons saisir le Conseil Constitutionnel par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), dont le but est de se prononcer sur l'incompatibilité qu'il y a entre une décision d'inéligibilité avec exécution provisoire, et la liberté des électeurs qui est inscrite dans la Constitution. Par ailleurs, je souhaite saisir aussi en référé la Cour européenne des droits de l'homme. ». La QPC devrait être recevable si l'on lit bien entre les lignes la décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025 du Conseil Constitutionnel. Quant à la CEDH, il fut un temps où Marine Le Pen la conspuait !

    Malgré toute cette agitation politicienne, il n'en demeure pas moins que la condamnation de Marine Le Pen en première réelle est bien réelle. Elle est d'une gravité exceptionnelle, de quatre ans de prison dont deux ans ferme, portant sur des détournements de fonds publics dans un système de financement qui n'a rien de fortuit et qui a duré douze ans. L'inéligibilité n'est que l'écume de cette lourde condamnation.


    Le principal sera la bataille de "l'opinion publique". Dans les premiers sondages, la tendance n'est pas favorable à Marine Le Pen. Une majorité des sondés considérerait normale la condamnation de Marine Le Pen et serait d'accord avec le principe d'une exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité.

    En effet, dans le sondage Elabe pour BFMTV publié le 31 mars 2025 (avec un échantillon représentatif de 1 008 personnes interrogées par Internet après l'annonce de la condamnation de Marine Le Pen), pour 57,0% des sondés, cette décision de justice serait avant tout « une décision de justice normale ». De plus, 68% des sondés dans ce même sondage diraient que cette règle de l'exécution provisoire est juste.
     

     
     
     
     


    La candidature de Marine Le Pen a donc beaucoup de plomb dans l'aile pour l'élection présidentielle de 2027. Elle aura du mal à aller jusqu'au bout avec tous ces obstacles judiciaires mais aussi politiques. Sa combativité l'honore, mais on l'aimerait plus au service de l'intérêt du peuple français.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu
     


    Pour aller plus loin :
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...













    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250401-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/affaire-le-pen-ne-confondons-pas-260249

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/01/article-sr-20250401-marine-le-pen.html


    .

  • Marine Le Pen : voler l'argent des Français !

    « Marine Le Pen est au cœur de ce système. (…) Les embauches sont décidées par Marine Le Pen sans que les députés soient consultés. » (La présidente du tribunal correctionnel de Paris, le 31 mars 2025).




     

     
     


    Coup de semonce ce lundi 31 mars 2025 dans la matinée : le tribunal correctionnel de Paris a rendu public son jugement dans l'affaire des assistants parlementaires du RN. La principale prévenue, Marine Le Pen, considérée comme étant au cœur de tout un système de détournement de fonds publics, a été condamnée en première instance à quatre ans de prison dont deux ans ferme, avec bracelet électronique a domicile, à 100 000 euros d'amende et, surtout, en peine complémentaire, à cinq ans d'inéligibilité assortis d'une exécution provisoire. Cela signifie que Marine Le Pen ne pourra pas se présenter à une élection présidentielle entre le 31 mars 2025 et le 31 mars 2030. De plus, son mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais est déchu (pas celui de députée).

    C'est bien sûr un événement politique important, de la même importance que la condamnation à de la prison ferme de Nicolas Sarkozy ou que la mise en examen, en plein campagne présidentielle, de François Fillon. Mais il ne faut pas oublier que la justice est indépendante et les juges (ils sont plusieurs à avoir pris cette décision) ont dû résister aux nombreuses pressions politiques de ces dernières semaines.

    Il ne faut pas se tromper, le RN et Marine Le Pen, loin d'être anti-système, ont voulu, pendant de nombreuses années, entre 2004 et 2016, profiter du système avec de l'argent public. Le RN a d'ailleurs été lui aussi condamné à une lourde amende de 2 millions d'euros dont un million avec sursis. Le préjudice serait de 4,1 millions d'euros, ce qui est une somme colossale dans les affaires politico-financières.


    Ce n'est pas la première fois que des élus de la République ont été condamnés à des peine d'inéligibilité avec exécution provisoire : Hubert Falco (maire de Toulon et ancien ministre), Gaston Flosse (ancien président de Polynésie française et ancien ministre), le couple Balkany (en particulier Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret), etc. En ce sens, le jugement particulièrement sévère à l'encontre de Marine Le Pen n'a rien d'exceptionnel et est au contraire une règle... voulue par les parlementaires eux-mêmes !

    C'est intéressant d'observer la réaction de la classe politique et du monde médiatique. Parmi les politiques, les proches du RN sont évidemment vent debout contre une décision qu'ils considèrent comme politique, celle d'un gouvernement des juges (ce qui est faux, voir plus loin l'explication du professeur Dominique Rousseau). Les insoumis aussi sont opposés à ce jugement. Le PS et les écologistes sont plus mesurés en se contentant de vouloir préserver l'indépendance de la justice mais ne peuvent s'empêcher d'être ravis. Quant à la majorité gouvernementale, elle est très mesurée, le Premier Ministre François Bayrou a laissé croire qu'il était « troublé » tout en refusant de commenter une décision de justice, et la veille, il expliquait au journal "Le Figaro" : « Si Marine Le Pen ne peut pas se présenter, il y a un risque de choc dans l'opinion. ». En outre, un candidat à la présidence de LR a protesté vigoureusement.


     

     
     


    Peut-être que c'est l'ancienne ministre et actuelle députée EPR Prisca Thevenot qui a eu la meilleure réaction, la plus rationnelle. Elle a posé la simple question : à partir de quel pourcentage dans les sondages une candidate peut-elle être au-dessus des lois ? La réponse est évidente : la loi s'applique à tous !

    Quant aux journalistes, ils sont manifestement gênés, tentent de ménager la chèvre et le chou, pour beaucoup, sont secrètement ravis mais ont peur des réactions peut-être explosives d'une partie de l'électorat et ont complètement oublié que l'État de droit, c'est d'abord de respecter les lois et les juges veillent justement à ce respect.

    Très instructives aussi ont été les réactions internationales de soutien. Là, c'est clair, les masques tombent ! L'internationale de l'extrême droite populiste est à l'œuvre et s'est trahie elle-même ce lundi ! Tous ceux qui ont apporté un soutien à Marine Le Pen veulent l'échec de la France. Cela dit beaucoup du patriotisme de pacotille des élus RN ! La première réaction est même venue du Kremlin, ce n'est pas un poisson d'avril, ce n'est pas une caricature, ce n'est même pas de l'humour, c'est la réalité glaçante par la voix du porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov : « De plus en plus de capitales européennes empruntent la voie de la violation des normes démocratiques. ». La France des Lumières n'a pas de leçon à recevoir d'un sbire de Vladimir Poutine !

    Dis-moi qui te soutient, je te dirai qui tu es ! Viktor Orban : « Je suis Marine ! ». Elon Musk : « Lorsque la gauche radicale ne peut pas gagner par le biais d'un vote démocratique, elle abuse du système judiciaire pour emprisonner ses opposants. C'est la règle du jeu qu'ils appliquent partout dans le monde. ». Matteo Salivini : « Ceux qui craignent le jugement des électeurs cherchent souvent à se rassurer par celui des tribunaux. À Paris, ils ont condamné Marine Le Pen et aimeraient l'écarter de la vie politique. Un mauvais film que l'on observe également dans d'autres pays comme la Roumanie. ». Geert Wilders : « Je suis choqué par le verdict incroyablement sévère rendu contre Marine Le Pen. Je la soutiens et je crois en elle à 100% et je pense qu'elle gagnera son appel et deviendra Présidente de la France. ». Le pire est sans doute l'ancien Président russe Dmitri Medvedev qui n'a pas hésité à confirmer les visions expansionnistes de son pays : « Après la décision de justice rendue, il me semble que, comme le 31 mars 1814, seuls les cosaques russes puissent ramener la liberté en France. Mais est-ce que Marine Le Pen les attendra ? ». Qu'est-ce que c'est que toutes ces ingérences de dirigeants politiques étrangers à l'égard de la France ? La patriotisme du RN se réduit à rien du tout !


     

     
     


    Avant de poursuivre, je ne peux pas m'empêcher de revoir Marine Le Pen dans la position si connue de Mains propres, tête haute ! Ainsi, le 9 février 2004 dans "Mots croisés" sur France 2, Marine Le Pen débattait avec Jean-François Copé, Arlette Laguiller et Malek Boutih. Elle a notamment déclaré, à propos de la condamnation d'Alain Juppé : « Tout le monde a piqué de l'argent dans la caisse sauf le front national. Et on trouve ça normal ? Oh mais non, c'est pas très grave, à la limite. Les Français en ont marre, mais les Français n'en ont pas marre d'entendre parler des affaires, ils en ont marre qu'il y ait des affaires, ils en ont marre de voir les élus, je suis navrée de vous le dire, qui détournent de l'argent, c'est ça qui est scandaleux. Parce que je vais vous dire, avec tout cet argent, ce qu'on aurait fait. Ah, en termes de restos du cœur, en termes d'opérations pièces jaunes, c'est combien d'opérations pièces jaunes, tout l'argent qui a été détourné par les élus ? (…) Monsieur Copé, on ne vole pas l'argent des Français ! Vous savez ce que ça veut dire ? Voler l'argent des Français, voler l'argent des Français ! Ça, c'est respecter la démocratie, c'est de ne pas voler l'argent des Français. Voilà, vous voyez ? ». Il faut bien comprendre que la condamnation de Marine Le Pen se base de faits qui ont commencé en ...2004 !

    Neuf ans plus tard, le 5 avril 2013 sur Public Sénat, Marine Le Pen répétait la tirade de celle qui lave plus blanc que blanc : « Moi, j'ai entendu le Président de la République dire : oui, ce qu'il faudrait, c'est rendre inéligible à vie ceux qui ont été condamnés. Jusque là, je suis parfaitement d'accord. C'était dans mon projet présidentiel. Pour corruption et fraude fiscale. Ah bon ? Et pourquoi pas le reste ? Mais alors, pourquoi pas pour favoritisme ? Pourquoi pas pour détournement du fonds public ? Pourquoi pas pour emplois fictifs ? ». Si elle avait su...

     

     
     


    La (encore) députée Marine Le Pen s'est invitée au journal de 20 heures de TF1 ce lundi 31 mars 2025. Elle a eu, à mon avis, la mauvaise idée de proclamer encore son innocence, un système de défense utilisé déjà pendant tout son procès qui a encouragé les juges à prononcer l'exécution provisoire pour éviter la récidive, puisqu'elle n'a pas compris que ce qu'elle avait fait était illégal.

    Se proclamer innocent même après une condamnation définitive, l'un des hommes politiques qui a passé le plus de temps en prison, Alain Carignon, en a fait une règle personnelle : ne jamais reconnaître sa culpabilité. C'est efficace politiquement car cela permet à ses fidèles de continuer à le soutenir. En revanche, c'est très contre-productif lors d'un procès car c'est insupportable pour les juges qui considèrent que décidément, ce justiciable est irrécupérable.

    Mais Marine Le Pen a dit des contre-vérités sur TF1, en particulier en disant que la loi Sapin II ne s'appliquait pas à sa situation. Bien sûr que si ! La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II (du nom du Ministre de l'Économie et des Finances Michel Sapin) a introduit dans le code pénal (article 131-26-2) ce principe : toute condamnation pénale pour délit d’atteinte à la probité (par exemple, détournement de fonds publics, abus de confiance, corruption, favoritisme, etc.) doit obligatoirement être assortie d’une peine complémentaire d’inéligibilité, sauf décision spécialement motivée du juge.

    L'exécution provisoire (inéligibilité immédiatement applicable, même en cas d'appel), provient en partie de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire défendue par le garde des sceaux de l'époque, Éric Dupond-Moretti.


    Les juges ont donc appliqué simplement les lois voulues par les parlementaires élus au suffrage universel direct et donc, dépositaire de la volonté du peuple. Elle est là, la majorité ; il est là, le peuple. Les juges étaient même blâmés pour leur laxisme, d'où le renforcement par la loi.

    Le constitutionnaliste Dominique Rousseau, professeur émérite de droit public à l'Université Panthéon-Sorbonne, l'a rappelé le 31 mars 2025 à Public Sénat : « J'entends effectivement, depuis ce matin, haro sur les juges. Alors, je vais essayer de remettre les choses sur leurs pieds. Jusqu'à la loi Sapin, la peine d'inéligibilité, et l'exécution provisoire, était facultative, et les juges ne la prononçait quasiment jamais, afin justement d'éviter qu'on leur dise : ils se mêlent du politique. Devant cela, c'est le législateur, les élus, qui ont décidé non plus qu'elle serait facultative, mais obligatoire. Obligatoire ne voulant pas dire automatique, puisque les juges ont la possibilité de dire pas de peine d'inéligibilité. Autrement dit, pas haro sur les juges, haro sur le législateur, si on veut. C'est le législateur, qui a demandé aux juges qui n'étaient pas sévères, d'appliquer de manière obligatoire la peine d'inéligibilité pour un certain nombre d'infraction violences sexistes et sexuelles, et détournement de fonds publics. Donc, stop ! Stop ! Il ne faut pas tout mélanger. On oublie depuis ce matin les causes. (…) Les élus du peuple ont utilisé l'argent du peuple pour autre chose que ce pour quoi ils ont été élus. Ils ont été élus pour défendre les intérêts de la France au Parlement Européen, et ils ont utilisé l'argent pour autre chose que défendre les intérêts de la France au Parlement Européen. Ce qui fait mal à la démocratie, ce qui exécute la démocratie, c'est des élus qui ne remplissent pas leur travail, qui ne font pas leur travail. La démocratie se perd quand les élus ne sont pas intègres. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est ce qui est écrit dans la Déclaration de 1789. ».

    Nous sommes en plein Orwell quand on entend Marine Le Pen dire qu'avec sa condamnation, il n'y a plus d'État de droit. C'est au contraire l'indépendance des juges qui garantit l'État de droit. Le suffrage universel ne permet pas tout et surtout pas d'être au-dessus des lois que les parlementaires ont eux-mêmes rédigées. Ce frein aux abus, c'est la justice, comme ce sont aussi l'université et la presse, pour le professeur Dominique Rousseau : « Les juges ont comme références pour prononcer leur jugement la loi ou la Constitution si c'est le Conseil Constitutionnel. (…) Sur cette affaire-là, c'est le politique qui a voulu que la sanction soit plus sévère parce qu'il constatait que le juge ne prononçait pas la peine d'inéligibilité. (…) Il n'y a pas de pouvoir des juges. (…) Quel est le rôle des juges ? Le rôle des juges, c'est d'empêcher un pouvoir d'abuser de sa situation majoritaire. C'est du Montesquieu, hein. Il y a la faculté de statuer, et la faculté d'empêcher. Les juges n'empêchent pas le pouvoir de gouverner, ils empêchent le gouvernement d'abuser de sa situation pour porter atteinte aux droits et libertés. Et je dirais qu'en l'espèce, d'une certaine manière, les juges protègent la démocratie. Un des piliers de la démocratie, c'est le suffrage universel, on est bien d'accord ? Bon, et pour que la démocratie fonctionne, il faut qu'il y ait une confiance entre les électeurs et les élus. Si on ne prévient pas la possibilité d'élire des gens qui ont commis des infractions, détournement de pouvoir, violence, sexisme, détournement etc., on sape la confiance dans les institutions. (…) Trois piliers (…) : la liberté de la presse, la liberté et l'indépendance des juges, et la liberté universitaire. Ce sont les trois qui sont attaqués par tous ceux qui veulent remettre en cause la démocratie. ».

    La combativité de Marine Le Pen qui a décidé de continuer sa campagne présidentielle malgré sa condamnation est une forme de déni étonnant. Car il y a peu de chance que le jugement en appel soit rendu avant l'élection présidentielle et encore moins de probabilité pour qu'il soit plus clément qu'en première instance alors que les juges n'ont émis aucun doute sur la réalité des faits. De plus, il n'y a pas d'empêchement politique de se présenter, le RN a bien d'autres candidats possibles pour être représenté sérieusement à l'élection présidentielle. D'ailleurs, Jordan Bardella et Marion Maréchal piaffent d'impatience. Sauront-il attendre un délai raisonnable pour préserver la décence vis-à-vis de Tata Le Pen ?



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (31 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...


     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250331-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/marine-le-pen-voler-l-argent-des-260217

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/31/article-sr-20250331-marine-le-pen.html


    .

  • Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?

    « Je comprends que des gens ne soient pas sereins, mais moi, je le suis. » (Marine Le Pen, le 30 mars 2025 sur TF1).





     

     
     


    Il est des jours plus cruciaux que d'autres. On peut penser que le jour le plus crucial pour une personnalité politique, qui ne pense qu'à la politique depuis des décennies, c'est le jour de l'élection, mais maintenant, il faut être moderne : le jour crucial, c'est désormais le jour de l'annonce du jugement. Pour Marine Le Pen, candidate putative à l'élection présidentielle de 2027 (après déjà trois échecs cinglants !), ce jour-là, c'est ce lundi 31 mars 2025. Suspense dramatique. D'une tragédie, ou d'une comédie.

    En jeu, son avenir judiciaire, et donc, son agenda politique. Le réquisitoire du procureur dans l'affaire des assistants parlementaires du RN au Parlement Européen était d'une très grande sévérité le 13 novembre 2024 : il a requis, entre autres, une peine complémentaire de cinq années d'inéligibilité assortie d'une exécution provisoire. C'est cette "exécution provisoire" qui fait polémique, car cela rendrait l'ancienne présidente du RN inéligible malgré un recours en appel, c'est-à-dire alors qu'elle ne serait pas encore condamnée définitivement. De quoi rater le train électoral de 2027.

    On le comprend bien : l'exécution provisoire est une forme d'exécution tout court. Marine Le Pen l'a d'ailleurs vu ainsi dans une interview le 30 mars 2025 sur TF1 : « Je ne peux pas imaginer un tel trouble à l'ordre démocratique, on parle d'une mise à mort, d'une guillotine judiciaire. ». Même si cela pourrait faire plaisir à beaucoup de monde, serait-ce judicieux d'un point de vue démocratique ?

     

     
     


    Les autres peines requises par le parquet sont cinq ans de prison dont deux ans ferme et 300 000 euros d'amendes. Revenons aux fondamentaux, c'est-à-dire ici au contexte. La justice reproche à Marine Le Pen quelque chose de très grave : on parle d'un préjudice évalué entre 5,0 et 7,5 millions d'euros de détournement d'argent public. En utilisant l'enveloppe budgétaire prévue pour les collaborateurs des députés européens pour des individus qui avaient un autre emploi, comme garde-du-corps. Cela concernerait une vingtaine de personnes. Rien à voir avec l'affaire du MoDem, où il était de seulement quelques centaines de milliers d'euros. Un des supposés assistants parlementaires était, à l'époque, le compagnon de la présidente du FN ; une autre son (ancienne) belle-sœur.
     

     
     


    On peut comprendre que les juges pourraient considérer qu'une personnalité incapable de respecter le droit et la loi (et du reste incapable de gérer correctement les finances de son parti) ne devrait pas pouvoir postuler à un poste aussi important que Président de la République où il faudrait gérer le budget de l'État. Mais on pourrait aussi rétorquer, a contrario, que ceux qui ont géré l'argent public depuis une cinquantaine d'années ont creusé collectivement un trou de 3 305 milliards d'euros au 31 décembre 2024 !

    Marine Le Pen veut garder sa sérénité parce qu'elle ne peut pas imaginer un autre sort que celui d'une future candidate. La méthode Coué est-elle efficace ? Il faudra, pour le savoir, attendre le jugement de lundi : « Je pense que les magistrats ne décideront pas de l'exécution provisoire parce que je ne peux imaginer qu'ils le fassent. ».

    Ce qui est intéressant dans le discours de Marine Le Pen, c'est que, dans son esprit, sa condamnation ne fait l'objet d'aucune incertitude, et même, une peine d'inéligibilité contre elle ne fait aucun doute. Ce qui reste incertain, pour elle comme pour les observateurs de la vie politique, c'est si cette peine d'inéligibilité est assortie d'une exécution provisoire, ce qui aurait pour effet de rendre impossible sa candidature à l'élection présidentielle pour 2027. Du moins, en théorie, car elle aurait, dans ce cas-là, d'autres types de recours comme une QPC sur le sujet.

    Je rappelle que la décision du Conseil Constitutionnel prise le 28 mars 2025 n'avait pas l'effet de la rassurer puisqu'elle confirmait que l'exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité était conforme à la Constitution sous réserve qu'il y ait un débat contradictoire, que les motivations soient écrites et qu'il n'y ait pas atteinte à la proportionnalité de la peine (ce dernier point est essentiel dans le cas de Marine Le Pen). Mais le Conseil Constitutionnel, qui n'a donc pas montré une grande empathie pour le cas de Marine Le Pen, lui a laissé une porte de sortie, ou plutôt, une sortie de secours : cette décision du Conseil Constitutionnel ne concerne que le cas des élus locaux, et pas des parlementaires. Par conséquent, cette décision ouvre bien la voie possible d'une QPC sur le sujet pour les parlementaires, ce qui est le cas de Marine Le Pen.


     

     
     


    D'un point de vue politique, l'inéligibilité effective de Marine Le Pen serait quand même un énorme coup de semonce sur la vie politique. Elle serait regrettable en ce sens que sa candidature est aujourd'hui créditée d'un score assez élevé dans les sondages d'intentions de vote, autour de 30%. Cette décision de justice remettrait en cause le jeu normal des candidatures, mais pas plus qu'avec la mise en examen, en plein campagne présidentielle, de François Fillon en mars 2017.

    Ce qui est sûr, malgré tous les soupçons qu'on pourrait avoir (avec l'existence d'un mur des c@ns dans le local d'un syndicat de juges, par exemple), c'est que le juge n'aura pas un raisonnement politique mais juridique. En clair, il devra déterminer si l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité remet en cause ou pas le droit des électeurs (en l'occurrence ici du RN).


    Rappelons que Marine Le Pen a longtemps été favorable à la sévérité des peines, et même à leur automaticité, estimant les juges beaucoup trop laxistes vis-à-vis des délinquants. La tolérance zéro ne doit-elle pas s'appliquer aussi à la classe politique ? Moins convaincante, Marine Le Pen avait pourtant fait de la moralité en politique son cheval de bataille en 2012 et souhaitait renforcer l'inéligibilité des responsables politiques qui auraient commis des délits.
     

     
     


    L'exécution provisoire de l'éventuelle peine d'inéligibilité de Marine Le Pen serait évidemment un coup dur pour elle, pour sa carrière politique et pour le RN, mais la nature a toujours horreur du vide et il y a une véritable vanité de se croire indispensable (au parti, à la nation).
     

     
     


    Jordan Bardella serait-il à Marine Le Pen ce qu'a été Édouard Balladur à Jacques Chirac ? Car au RN, tout est déjà acquis avec un "candidat de remplacement" en la personne de Jordan Bardella. La candidature de ce dernier aurait même la préférence de certains élus RN car il serait le plus apte à faire un rassemblement des droites là où Marine Le Pen voudrait encore surfer sur le ni droite ni gauche.

    Cette analyse néglige cependant le facteur très personnel d'une élection présidentielle. Certes, on vote pour une tendance, un courant politique, un projet présidentiel, mais aussi pour une personnalité qu'on croit apte, ou pas, aux fonctions de Président de la République. Ce serait difficile de faire confiance en un jeune homme de 28 ans qui, certes, communique bien sur les réseaux sociaux, mais qui n'a jamais travaillé autrement que dans un appareil politique, qui ne connaît pas la vraie vie des Français, fainéant en n'allant jamais au Parlement Européen pour lequel il est élu, et qui n'a jamais bossé ses dossiers.

     

     
     


    Ainsi, les électeurs de Marine Le Pen pourraient se détourner du RN pour un autre candidat qui serait, selon eux, aussi sérieux voire plus sérieux que l'ancienne présidente du RN. Aujourd'hui, ce candidat de substitution n'est pas au RN mais... au gouvernement : Bruno Retailleau, candidat actuel à la présidence de LR !


    Il pourrait toutefois y avoir une solution médiane pour le juge. Ce serait de prononcer une peine d'inéligibilité d'un ou deux ans assortie d'une exécution provisoire. Cela n'empêcherait pas Marine Le Pen de se porter candidate en avril 2027, mais cela montrerait la gravité du délit reconnu le cas échéant.
     

     
     


    Ah, au fait... On a appris par un article de Laurent Léger, publié le 28 mars 2025 dans "Libération", que Jean-Luc Mélenchon aurait lui aussi des poursuites judiciaires pour la même raison (emploi fictif d'assistants parlementaires européens)... depuis 2017 ! L'information, pourtant connue depuis le 18 juillet 2017, était bien cachée et l'avancée de l'enquête judiciaire est restée fort discrète...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (30 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250330-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/marine-le-pen-et-la-serenite-d-une-260174

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/30/article-sr-20250330-marine-le-pen.html



    .

  • L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?

    « Le Conseil Constitutionnel juge conformes à la Constitution, sous une réserve d’interprétation, des dispositions du code électoral organisant la procédure de démission d’office applicable à un conseiller municipal privé de son droit électoral à la suite d’une condamnation pénale. » (communiqué du 28 mars 2025).




     

     
     


    Ce vendredi 28 mars 2025 à 10 heures a été rendue publique une décision très attendue du Conseil Constitutionnel. Elle était attendue parce qu'elle pourrait avoir un effet sur l'avenir judiciaire et donc l'avenir politique de Marine Le Pen, et parce qu'elle était, en quelque sorte, l'épreuve du feu du nouveau Président du Conseil Constitutionnel Richard Ferrand, installé le 7 mars 2025. Il s'agit de la décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025.

    En droit français, nous avons ces deux éléments. Premièrement : « En vertu de l’article 131-26-2 du code pénal, sauf décision contraire spécialement motivée, la peine complémentaire d’inéligibilité est obligatoirement prononcée à l’encontre des personnes coupables d’un crime ou de certains délits. ». Deuxièmement : « Il résulte du quatrième alinéa de l’article 471 du code de procédure pénale que le juge peut ordonner l’exécution provisoire de cette peine. ».


    Le problème est le suivant : « Il était notamment reproché à ces dispositions, telles qu’interprétées par la jurisprudence constante du Conseil d’État, de porter une atteinte disproportionnée au droit d’éligibilité en imposant que soit immédiatement déclaré démissionnaire d’office le conseiller municipal condamné à une peine d’inéligibilité, y compris lorsque le juge pénal en ordonne l’exécution provisoire. ».

    Reprenons depuis le début pour être clair, car cela peut être un peu compliqué. Une QPC est une question prioritaire de constitutionnalité : introduite dans la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 voulue par Nicolas Sarkozy, elle permet aux justiciables de remettre en cause une disposition d'une loi (déjà en application, donc) qui les défavoriserait en raison de sa non-conformité à la Constitution. En effet, lorsqu'elle est adoptée par le Parlement, une loi peut, avant d'être promulguée, faire l'objet d'une saisine par des parlementaires sur sa conformité, ou pas, à la Constitution, mais lorsqu'il n'y a pas de saisine, cela ne signifie pas que tout le texte est conforme, et lorsqu'il est promulgué, il s'applique. C'est donc une révolution juridique énorme puisque toutes les lois peuvent être remises en cause. La charge de travail du Conseil Constitutionnel a ainsi décuplé depuis son introduction effective le 1er mars 2010.

    Le Conseil Constitutionnel a ainsi été saisi par le Conseil d'État (décision n° 498271 du 27 décembre 2024) sur le cas d'un conseiller municipal de Mayotte qui a été condamné en première instance en particulier à l'inéligibilité avec exécution provisoire, ce qui a pour effet sa démission d'office de son mandat de conseiller municipal de manière immédiate.


    L'exécution provisoire de l'inéligibilité peut avoir de graves conséquences puisqu'elle oblige l'exécution d'une peine en première instance même si un appel a lieu, et donc, même si le procès doit de nouveau se tenir. Elle provient de la la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, adoptée à la suite de l'affaire Cahuzac.

    Même si la décision n'a rien à voir avec la situation de Marine Le Pen, elle est concernée en ce sens que le procureur, dans son réquisitoire du 13 novembre 2024, avait demandé, entre autres, une peine d'inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire. Ce qui signifie, si elle était prononcée, il faut attendre le 31 mars 2025 pour avoir connaissance de la décision du juge, que la leader du RN ne pourrait pas se représenter à l'élection présidentielle avant le 31 mars ...2030, soit, bien après 2027, à moins qu'un procès en appel soit tenu avant 2027 et l'innocente, ce qui paraît peu probable en raison des lenteurs de la justice (lenteur, dans le cas de Marine Le Pen, qui est surtout la conséquence de ses propres avocats qui ont fait traîner les choses en réclamant expertise sur expertise).


    Quant au Conseil Constitutionnel, il devait prendre la décision en question avant le 3 avril 2025 (il a trois mois pour statuer) et a opté pour la date du 28 mars 2025, c'est-à-dire trois jours avant la décision de justice pour Marine Le Pen qui, en principe, est indépendante, mais on imaginerait mal les juges condamner à une peine d'inéligibilité à exécution provisoire si le Conseil Constitutionnel venait de dire, pour une autre affaire, que cette exécution provisoire serait anticonstitutionnelle (insistons, le litige constitutionnel, ce n'est pas l'inéligibilité, mais le principe d'une exécution provisoire avant un jugement définitif).

     

     
     


    Le requérant considérait, dans cette affaire qu' « en imposant que soit immédiatement déclaré démissionnaire d’office le conseiller municipal condamné à une peine d’inéligibilité, y compris lorsque le juge pénal en ordonne l’exécution provisoire, ces dispositions, telles qu’interprétées par la jurisprudence constante du Conseil d’État, porteraient une atteinte disproportionnée au droit d’éligibilité. Au soutien de ce grief, il fait valoir que ces dispositions auraient pour effet de priver l’élu concerné de son mandat avant même qu’il ait été statué définitivement sur le recours contre sa condamnation, alors qu’aucune disposition ne garantirait en outre que le juge ait pris en compte toutes les conséquences pour l’élu de l’exécution provisoire de la peine. ».

    La conclusion de la décision du Conseil Constitutionnel, c'est que l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité est conforme à la Constitution. En ce sens, le Conseil Constitutionnel a pris une position peu favorable à la situation de Marine Le Pen... ou un peu favorable, car tout est dans les détails, bien sûr.

    D'abord, lisons précisément la conclusion : « Sous la réserve énoncée au paragraphe 17, le renvoi opéré, au sein de l’article L. 236 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la loi n°2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des Comptes, au 1° de l’article L. 230 du même code, est conforme à la Constitution. ».

    Le paragraphe 12 est très clair dans la formulation : « Il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d’État, telle qu’elle ressort notamment de la décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, que le préfet est tenu de déclarer immédiatement démissionnaire d’office le conseiller municipal non seulement en cas de condamnation à une peine d’inéligibilité devenue définitive, mais aussi lorsque la condamnation est assortie de l’exécution provisoire. ».

    L'argumentation de l'exécution provisoire, c'est l'efficacité et la prévention de la récidive : « Les dispositions contestées visent à garantir l’effectivité de la décision du juge ordonnant l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité afin d’assurer, en cas de recours, l’efficacité de la peine et de prévenir la récidive. » (paragraphe 13). Ajoutant : « Ce faisant, d’une part, elles mettent en œuvre l’exigence constitutionnelle qui s’attache à l’exécution des décisions de justice en matière pénale. D’autre part, elles contribuent à renforcer l’exigence de probité et d’exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants. Ainsi, elles mettent en œuvre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. » (paragraphe 14). Ce dernier point est essentiel : parce qu'il est dépositaire de la souveraineté nationale et qu'il représente les citoyens, un élu de la République doit être encore plus honnête et plus exemplaire qu'un simple citoyen. C'est le sens de la peine d'inéligibilité.

    Le Conseil Constitutionnel précise également les conditions d'une peine d'inéligibilité avec exécution provisoire : « Le juge décide si la peine doit être assortie de l’exécution provisoire à la suite d’un débat contradictoire au cours duquel la personne peut présenter ses moyens de défense, notamment par le dépôt de conclusions, et faire valoir sa situation. » (paragraphe 16).

    Dans la décision, l'expression importante est évidemment « sous la réserve énoncée au paragraphe 17 ». Quel est-il ? Lisons-le aussi : « Sauf à méconnaître le droit d’éligibilité garanti par l’article 6 de la Déclaration de 1789, il revient alors au juge, dans sa décision, d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte que cette mesure est susceptible de porter à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur. ».

     

     
     


    C'est là l'essentiel, le crucial : il faut une peine au caractère proportionné, et en particulier, préserver la liberté de l'électeur, ce qui signifie que l'inéligibilité doit être exécutée de manière très motivée. Ici, on parle de deux choses parallèles : la démission d'office de l'élu de son mandat en cours et son inéligibilité.

    Pour la démission d'office, il s'agit d'un arrêté du préfet, et à ce titre, il peut être contesté par un recours au tribunal administratif voire au Conseil d'État : « L’intéressé peut former contre l’arrêté prononçant la démission d’office une réclamation devant le tribunal administratif ainsi qu’un recours devant le Conseil d’État. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence constante du Conseil d’État que cette réclamation a pour effet de suspendre l’exécution de l’arrêté, sauf dans le cas où c’est à la suite d’une condamnation pénale définitive que la démission d’office est notifiée. ».

    Rappelons qu'il existe une différence importante entre parlementaire et élu local : en cas d'exécution de la peine d'inéligibilité, l'élu local est démissionné d'office (par le préfet), et ne peut pas se représenter (à aucune élection pendant la durée de la peine). Pour un parlementaire, c'est un peu différent, il n'a pas le droit de se présenter à des élections durant la durée de sa peine, mais il n'est pas démissionné d'office, il peut donc accomplir le reste de son mandat de parlementaire (c'est le cas pour Marine Le Pen : dans tous les cas, elle restera députée jusqu'à la fin de la législature, sauf si elle démissionne par sa propre volonté).

    L'élément stratégique, c'est la capacité de se représenter à une élection avant un jugement définitif. La liberté de l'électeur, ce pourrait être de pouvoir voter pour un candidat qui n'est pas encore condamné définitivement à une peine d'inéligibilité. Sauf si le juge en décidait autrement.

    Bref, pour résumer, la décision du Conseil Constitutionnel de ce vendredi 28 mars 2025 reste assez incertaine sur l'avenir judiciaire de Marine Le Pen en ce sens que le sujet ne la concernait pas. Ce qui est important de savoir, et c'est un mauvais signe pour elle, c'est que le principe même de l'exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité avant tout jugement définitif n'est pas contraire à la Constitution dans son principe.

    En revanche, le juge constitutionnel a précisé les conditions de cette exécution provisoire. La première chose, c'est que la décision du juge doit résulter d'un débat contradictoire et le juge doit préciser les motivations qui l'ont conduit à prononcer l'exécution provisoire. Ces motivations sont importantes pour la défense puisque chaque mot pourra être contesté par la défense et aboutir à l'annulation de l'exécution provisoire si les motivations ne tiennent pas la route. Le deuxième élément, c'est que la peine doit correspondre à un principe de proportionnalité : la gravité d'un empêchement de Marine Le Pen à se présenter à l'élection présidentielle de 2027 alors qu'elle flirte les 30% voire 40% au premier tour est telle que l'exécution provisoire éventuelle d'une peine d'inéligibilité devra être sérieusement motivée par le juge.

    Enfin, afin de botter en touche, le Conseil Constitutionnel précise bien que sa décision s'applique aux conseillers municipaux et pas aux parlementaires, laissant ainsi la jurisprudence vacante en ce qui concerne le sort de Marine Le Pen. C'est donc une décision très habilement rédigée. (Plus exactement, cela concerne uniquement le mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais qu'elle a obtenu en juin 2021).

    Habile sur le fond car elle ne statue pas par avance sur une QPC éventuelle déposée par Marine Le Pen en cas d'exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité. Habile car elle montre que le (nouveau) Conseil Constitutionnel conserve sa totale indépendance ; s'il avait décrété que l'exécution provisoire avant jugement définitif était contraire aux droits de la défense, on aurait alors dit qu'il était vendu au RN, tandis qu'il y avait déjà des soupçons d'éventuelles collusions en raison de l'abstention des députés RN. Enfin, habile aussi en ce sens que la décision laisse une totale liberté au juge du 31 mars 2025 de prononcer une peine très sévère, ou moins sévère, sans effet sur une éventuelle non-conformité aux principes constitutionnels qui guident nos libertés et nos droits.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Laurence Vichnievsky.
    Philippe Bas.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Richard Ferrand bientôt proposé rue de Montpensier ?
    Laurent Fabius.
    Nominations au Conseil Constitutionnel en février 2010.
    Les nominations présidentielles.
    Jean-Louis Debré.
    Pierre Mazeaud.
    Yves Guéna.
    Roland Dumas.
    Robert Badinter.
    Daniel Mayer.

     

     

     

     

     

     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250328-qpc-conseil-constitutionnel.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-avenir-judiciaire-de-marine-le-260172

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/28/article-sr-20250328-qpc-conseil-constitutionnel.html



     

  • Boualem Sansal, un nouveau capitaine Dreyfus ?

    « Je souhaite vivement qu’après ce jugement, il puisse y avoir des décisions claires, je dirais humaines et humanitaires par les plus hautes autorités algériennes, pour pouvoir lui redonner sa liberté et lui permettre de redevenir à la fois un homme libre et de se soigner parce qu’il combat aussi la maladie. Et je sais pouvoir compter sur à la fois le bon sens et l’humanité des autorités algériennes pour prendre une telle décision, en tout cas, je l’espère fortement. » (Emmanuel Macron, le 27 mars 2025 à l'Élysée).



     

     
     


    La réaction du Président de la République française Emmanuel Macron, interrogé lors de sa conférence de presse à l'issue de la rencontre de 31 pays sur l'Ukraine, a montré un entier soutien à son compatriote incarcéré à Alger depuis plus de quatre mois, mais également une élégante retenue diplomatique malgré le révoltant verdict.

    En effet, c'est dans la matinée, ce jeudi 27 mars 2025, que le tribunal correctionnel de Dar El Beida, à Alger, a notifié à l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal sa condamnation à cinq ans de prison ferme et environ 3 500 euros d'amende pour atteinte à l'intégrité du territoire. Il n'a pourtant pas utilisé de char d'assaut, ni d'autres armes, mais seulement de mots.

    C'est une véritable honte pour l'Algérie et pour la raison ! Boualem Sansal a 75 ans et est très malade, il n'est pas soigné depuis qu'il a été arrêté le 16 novembre 2024 à Alger par la police algérienne et a besoin d'un traitement médical (il a un cancer et selon les autorités algériennes, l'écrivain aurait été médicalement pris en charge). Il a été placé sous mandat de dépôt le 26 novembre 2024 en vertu de l'article 87 bis du code pénal algérien pour atteintes à la sûreté de l'État (rien que cela !). Son avocat n'a toujours pas reçu de visa pour pouvoir le défendre dans un pseudo-procès qui a commencé le 13 mars 2025.

     

     
     


    Que lui reproche-t-on ? Des propos, simplement des propos qui, selon lui, relèvent seulement de la liberté d'expression. On lui a reproché ses propos livrés au média "Frontières" (supposé d'extrême droite) : « Quand la France a colonisé l'Algérie, toute la partie ouest de l'Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu'à Mascara. Toute cette région faisait partie du royaume. ». Faute d'avocat, c'est lui-même, avec le talent qu'on lui connaît, qui s'est défendu.
     

     
     


    Le 11 décembre 2024, la chambre d'accusation a rejeté une demande de liberté. Le 20 mars 2025, le parquet a fait un réquisitoire impitoyable contre l'écrivain, réclamant dix ans de prison ferme et près de 6 900 euros d'amende (je rappelle qu'il est très malade et a 75 ans).
     

     
     


    Le 25 mars 2025 à Paris s'est tenue une grande manifestation de soutien à Boualem Sansal avant l'énoncé du jugement, à laquelle ont participé de nombreuses personnalités, notamment Gérard Larcher, Yaël Braun-Pivet, Gabriel Attal, Alain Finkielkraut, Élisabeth Badinter, etc. Un des comités de soutien qui avait organisé ce grand rassemblement de soutien expliquait la veille, dans un communiqué : « Il appartient à toutes et à tous, citoyens engagés, militants des droits humains, amoureux de la liberté et acteurs culturels, de contrarier ce funeste dessein (…). Il est devenu, bien malgré lui, l’otage de cette relation devenue tourmentée entre Paris et Alger. ».

    Il faut rappeler que Boualem Sansal a aussi la nationalité française et son incarcération est donc aussi un problème français. Le Président Emmanuel Macron a donc vivement réagi à l'annonce du jugement et a voulu croire à une résolution du problème par une démarche du Président algérien Abdelmadjib Tebboune.
     

     
     


    Depuis l'annonce du soutien de la France au Maroc sur le Sahara occidental, le 31 juillet 2024, l'Algérie se livre à une guerre psychologique contre la France, en multipliant les polémiques, dont la principale est le refus d'accueillir des personnes algériennes ou franco-algériennes qui ont été condamnées en France et expulsées de France, sous OQTF (obligation de quitter le territoire français), ce qui a mis en première ligne le Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau qui n'est pourtant pas aux Affaires étrangères.

    Guerre de déclarations aussi, avec le Président algérien qui a considéré le 29 décembre 2024 que Boualem Sansal était un « imposteur envoyé par la France ». Le Parlement Européen a voté le 23 janvier 2025 une résolution avec une large majorité pour demander la libération immédiate de l'écrivain (les élus insoumis, révélant leur hideux visage, ont voté contre cette résolution ou se sont abstenus pour dénoncer la tentative de récupération politique de l'arrestation de Boualem Sansal).


     

     
     


    Emmanuel Macron n'a jamais voulu envenimé la situation et a toujours voulu séparer le sort de Boualem Sansal, qui relève du droit humanitaire, du dossier des personnes algériennes expulsées de France et refusées par le gouvernement algérien malgré les accords entre Paris et Alger. Le Président français ainsi que le Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot sont donc devenus les interlocuteurs privilégiés des autorités algériennes.

    L'emprisonnement de Boualem Sansal, désormais justifié par un procès bâclé, sans droit à la défense, sans public, est un scandale humanitaire, une injustice flagrante et un attentat contre la raison. Il est l'otage politique d'un pouvoir antifrançais incapable de gérer correctement ses relations internationales. Au lieu de s'en prendre à l'Europe le 14 février 2025 à Munich, le Vice-Président américain J. D. Vance aurait été mieux inspiré en critiquant la conception de la liberté d'expression en Algérie.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Boualem Sansal, un nouveau capitaine Dreyfus ?
    Boualem Sansal.
    Le massacre d’Oran, 60 ans plus tard…
    José Gonzalez.
    Reconnaissance par Emmanuel Macron le 26 janvier 2022 de deux massacres commis en 1962 en Algérie (Alger et Oran).
    Pierre Vidal-Naquet.
    Jean Lacouture.
    Edmond Michelet.
    Jacques Soustelle.
    Albert Camus.
    Abdelaziz Bouteflika en 2021.
    Le fantôme d’El Mouradia.
    Louis Joxe et les Harkis.
    Chadli Bendjedid.
    Disparition de Chadli Benjedid.
    Hocine Aït Ahmed.
    Ahmed Ben Bella.
    Josette Audin.
    Michel Audin.
    Déclaration d’Emmanuel Macron sur Maurice Audin (13 septembre 2018).
    François Mitterrand et l'Algérie.
    Hervé Gourdel.
    Mohamed Boudiaf.
    Vidéo : dernières paroles de Boudiaf le 29 juin 1992.
    Rapport officiel sur l’assassinat de Boudiaf (texte intégral).
    Abdelaziz Bouteflika en 2009.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250327-sansal.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/boualem-sansal-un-nouveau-260146

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/27/article-sr-20250327-sansal.html


    .

  • Grippe aviaire : désastre sanitaire mondial en perspective ?

    « Elle l'agrippe avec force et il ne se débat pas. Ses plumes sont douces, c'est plus doux que de la peau, c'est comme un oreiller, une peluche. Elle a envie de le serrer contre elle. (…) Quand elle le lâche sur le sol du salon, il reste près d'elle pour venir picorer ses chaussures avec tendresse. Il n'est pas coutumier de la violence. Elle aimerait l'implorer de se tenir tranquille, de ne pas être si doux. (…) Sous les plumes, le cœur bat vite et fort. Il agite le bec, pique l'air. Ses muscles se crispent. Elle augmente la pression et de minuscules os se brisent. Le corps entier craque. (…) Un dernier souffle, léger, se dissipe. » (Lucie Rico, "Le chant du poulet sous vide", 2020, éd. P.O.L.).



     

     
     


    Bonne nouvelle en France : l'épidémie de grippe aviaire est passée le 21 mars 2025 du niveau "élevé" au niveau "modéré" (plus exactement, le risque IAHP, influenza aviaire hautement pathogène). L'occasion pour Annie Genevard, la Ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire de se féliciter lors de la séance de ce mercredi 26 mars 2025 à l'Assemblée Nationale : « La France a recouvré le statut de pays indemne et le risque de contamination étant désormais modéré, les canards pourront aller à l’extérieur. Je viens de signer l’arrêté qui était très attendu par les éleveurs. ». La vigilance reste toutefois à l'ordre du jour, vigilance et procédures de sécurité.

    Répondant à une question de David Taupiac, député (LIOT) du Gers, Annie Genevard connaît bien ce problème : « La filière avicole a subi des crises terribles entre 2015 et 2023. L’État a été à ses côtés en la soutenant par des indemnisations à hauteur de 1,6 milliard d’euros et vous avez rappelé que la politique de vaccination de la France a porté ses fruits, le nombre de foyers de contamination étant désormais maîtrisé. L’État a donc été au rendez-vous. Le coût annuel de la vaccination et de la surveillance du virus s’élève à environ 100 millions d’euros. La part prise en charge par l’État atteignait 85% pour la période 2023-2024 et 70% pour la période 2024-2025 ; pour la période 2025-2026, elle descendra, comme annoncé, à 40%. Pour le producteur, cela constituera un surcoût d’une quarantaine de centimes par canard. ».
     

     
     


    Canards, poulets, oies, et autres volailles, la grippe aviaire a été un véritable fléau chez les éleveurs. Mais d'abord, précisons le vocabulaire : lorsqu'elle s'applique aux animaux, la maladie s'appelle plus spécifiquement influenza aviaire, et lorsqu'elle est chez l'homme, grippe aviaire. La France a donc réussi à contenir l'épidémie actuelle grâce à une politique volontariste de vaccination des animaux, ce qui est mieux que d'abattre toutes les volailles. Mieux et moins coûteux. Le mieux est multiple, car cela contient surtout l'épidémie.

    Cependant, l'optimisme est loin d'être de rigueur pour l'influenza aviaire. David Taupiac faisait part justement du cas d'un mouton britannique qui a été testé positif à l'influenza aviaire H5N1 le 24 mars 2025 : « Ce cas inédit s’inscrit dans un contexte d’inquiétude croissante à l’échelle mondiale au sujet de la propagation du virus, et plus particulièrement d’un nouveau variant, capable de contaminer un nombre croissant d’espèces de mammifères, humains compris. Aux États-Unis, ce sont près d’un millier de bovins qui ont été touchés en un an, avec des cas également confirmés pour des porcs et des alpagas. En réponse, les ministres américains de la santé et de l’agriculture suggèrent, contre tous les avis scientifiques, de laisser circuler le virus entre les élevages avec un risque majeur de mutation, qui serait synonyme de roulette russe pour la santé humaine. L’alerte internationale est donc sérieuse. ».
     

     
     


    Eh oui, le nouveau gouvernement Trump risque bien de jouer avec le feu, et sa politique sur l'OTAN, l'Ukraine, le Groenland, l'Iran, Gaza, etc. risque de n'être rien par rapport à un risque sanitaire mondial majeur que représenterait la grippe aviaire répandue sur l'homme.

    Rappelons d'abord ce qu'est la grippe aviaire. Le virus provient d'oiseaux aquatiques sauvages et est transmis aux oiseaux d'élevage lors de leur migration. Il est mortel pour 90% à 95% des cas. Ce n'est donc pas anodin, c'est très grave. Interrogé par Delphine Roucaute le 21 mars 2025 pour "Le Monde", Thierry Lefrançois, vétérinaire au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), a expliqué que le virus entraîne une défaillance de tous les organes, des hémorragies, une insuffisance respiratoire : « Les virus influenza aviaires font énormément souffrir les animaux. ».
     

     
     


    La première fois qu'on a détecté le virus H5N1 (un virus influenza aviaire hautement pathogène), c'était en 1996 sur une oie domestique dans la province de Guangdong au sud de la Chine. Un an plus tard, des volailles domestiques à Hong Kong ont été contaminées, qui ont infecté 18 humains et provoqué la mort de 6 personnes. Cette infection a été repérée ensuite en 2003 en Asie, puis en Europe et en Afrique, sur les animaux, mais aussi sur des humains avec plusieurs centaines de décès.

    Le 8 janvier 2025, la professeure Jeanne Brugère-Picoux, vétérinaire et membre de l'Académie de médecine, rappelait pour le "Journal des femmes" : « Le virus n'est pas adapté à l'homme. (…) Le seul risque réside effectivement dans la mutation du virus. Par exemple, s'il contamine un porc puis un humain mais les élevages mixtes porcs et volailles sont très surveillés pour éviter que les virus ne se baladent. ». En particulier, si l'humain est infecté au H5N1 alors qu'il est déjà infecté au virus de la grippe saisonnière, le risque est important d'avoir une mutation avec un nouveau virus grippal contagieux entre les humains.
     

     
     


    Le problème, c'est effectivement que le virus peut sauter la barrière des espèces. Même si c'est rare, il peut contaminer des porcs et surtout, des humains. A priori, aucun humain touché n'en a contaminé d'autre à ce jour. En revanche, la maladie, bien que rare, est très dangereuse, de l'ordre de 40% de létalité. L'humain se contamine par voie respiratoire en atmosphère confinée avec des oiseaux infectés, il n'est pas contaminé par la consommation de viande, d'œufs ou de foie gras.

    Aux États-Unis, la situation est dramatique. Le virus, qui a une capacité de mutation très rapide, est passé des oiseaux aux vaches laitières, contaminant 989 troupeaux bovins dans 17 États américains depuis mars 2024. "Le Monde" a rapporté : « Depuis avril 2024, le virus H5N1 a été détecté dans 336 élevages commerciaux et 207 élevages de basse-cour aux États-Unis, pour un total de plus de 90,9 millions d’oiseaux touchés. ». Des chèvres aussi ont été infectées.

    Autre événement inquiétant, une autre souche d'influenza aviaire, le virus H7N9, a été identifiée le 24 mars 2025 dans un élevage du Mississippi, ce qui a entraîné l'abattage de 47 654 poulets. Mais ce type de virus était déjà présent en Chine dès 2013 et il a été la cause de la mort d'au moins 616 personnes à qui le virus a été transmis sur un total de 1 568 personnes à l'infection confirmée, soit une létalité de 39,3% (en janvier 2022, selon l'Organisation Mondiale pour la Santé).
     

     
     


    Le plus inquiétant, c'est le nouveau gouvernement qui est aux commandes à Washington. Le nouveau Ministre de la Santé n'a que son patronyme pour être respecté, Robert F. Kennedy Jr. Un antivax notoire, il n'a jamais pris des positions compatibles avec des faits scientifiques, et les conséquences sont très rapides. Par exemple, en renonçant à la vaccination contre la rougeole, les cas se sont récemment multipliés aux États-Unis, provoquant de nombreux décès.

    Pour la grippe aviaire, l'enjeu est colossal. La proposition de Robert F. Kennedy Jr, c'est de ne pas abattre les élevages infectés ni de les vacciner préventivement. L'objectif, c'est qu'à long terme, les 5% à 10% des oiseaux ayant survécu se reproduisent et forment ainsi des oiseaux plus résistants à l'influenza aviaire. C'est aussi l'idée du Ministre de l'Agriculture Brooke Rollins. La journaliste Delphine Roucaute a traduit l'idée de ces deux ministres américains : « La stratégie consistant à sélectionner des animaux plus résistants génétiquement à certains virus pour lutter contre les épizooties n’est pas nouvelle et a déjà été explorée contre certaines maladies transmissibles, comme la tremblante, une maladie à prions qui touche les ruminants. ».

    Mieux combattre le virus en le faisant circuler pour atteindre une immunité de groupe ? On se rappelle que c'était ce qu'avait voulu faire Boris Johnson au Royaume-Uni pour le covid, au début de la pandémie, et cela a été catastrophique, il a vite changé de politique en vaccinant massivement le peuple britannique.

    Car le raisonnement de libre circulation du virus est une illusion. Également interrogé par "Le Monde", Jean-Luc Guérin, professeur en pathologie aviaire à l'École nationale vétérinaire de Toulouse et directeur de laboratoire à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), a résumé simplement le problème : « Rien ne peut résulter de bon à laisser circuler les virus influenza aviaires, c’est une course impossible entre le virus et le poulet. (…) Il est très inquiétant pour la santé publique globale d’entendre de hauts responsables faire ce genre de déclaration contraire aux données scientifiques accumulées depuis des décennies dans le monde entier. ». En effet, le virus mute très rapidement. Le poulet perdra face au virus.

     

     
     


    Le problème en effet, c'est que cette stratégie de l'immunité collective des oiseaux ne peut pas fonctionner. Jean-Luc Guérin l'a fait remarquer : « L’idée de laisser faire la nature ne marche pas avec ce virus. Les virus influenza aviaires sont tellement évolutifs, du fait des mutations et réassortiments génétiques, que toute notion de résistance basée sur la sélection est vouée à l’échec. ». Thierry François a surenchéri : « On parle d’élevages intensifs, avec des animaux génétiquement quasi identiques, il y a très peu de variabilité entre individus. ». Les poulets sont gardés en vie six à huit semaines, les poules pondeuses un an et demi à deux ans. C'est quasiment impossible, du moins improbable, de faire survenir une résistance génétique en si peu de temps.

    En outre, le risque de laisser circuler le virus est grand pour les autres animaux, en particulier les chats, et évidemment pour l'humain. En début janvier 2025, une personne de 65 ans infectée par le virus est morte aux États-Unis, en tout, 70 travailleurs agricoles ont été contaminés aux États-Unis.

    Dès 2021, le site de l'Institut Pasteur prévenait : « La propagation de l’infection chez les oiseaux augmente la probabilité de l’apparition d’un nouveau virus grippal dans la population humaine. De plus, comme tous les virus grippaux de type A, le sous-type H5N1 a une grande capacité à muter au cours du temps (…). Le risque de voir apparaître un nouveau virus capable de se transmettre d’homme à homme est à prendre en considération. ». De nombreux mammifères ont déjà été touchés par la grippe aviaire : morses, ours polaires, phoques, otaries, etc.

    Des chercheurs du CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) et leurs partenaires ont révélé dans une publication scientifique (le "Journal of the American Chemical Society"), le 14 septembre 2023, l'origine moléculaire d'un possible franchissement de la barrière entre les espèces de la grippe aviaire et de sa transmission à l'humain. Martin Blackledge, chercheur à l'Institut de biologie structurale de l'Irig, a précisé : « Le virus de la grippe exécute un remarquable travail d'ingénierie moléculaire qui lui permet de surmonter les barrières entre espèces. Mais la connaissance précise de cette plasticité nous ouvre aussi des voies totalement nouvelles pour développer des stratégies inhibitrices puissantes contre la menace pandémique omniprésente de la grippe aviaire. ».


    Les inconséquences sanitaires du gouvernement Trump pourraient donc avoir de graves conséquences pour la santé publique mondiale, en particulier en favorisant l'évolution rapide des virus et leur mutation sur l'humain avec des létalités qui n'ont rien à voir avec le covid. Surtout si, en même temps, il supprime les budgets de la recherche sur ce sujet. Le danger est là : quand l'idéologie dogmatique et les intérêts économiques remplacent la science, on peut s'attendre à de véritables catastrophes humaines. Mais il n'est jamais trop tard pour retrouver le bon sens.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (26 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Grippe aviaire : désastre sanitaire mondial en perspective ?
    Covid-19 : il y a 5 ans, "Nous sommes en guerre" !
    Marie Marvingt.
    Le Plan Calcul.

    Paiement par smartphone.
    Claude Allègre.
    Benoît Mandelbrot.
    Publication : Tan, Lei. "Similarity between the Mandelbrot set and Julia sets". Comm. Math. Phys. 134 (1990), no 3, 587-617.
    Fractales explosives.
    Hubert Curien.
    Alain Bombard.
    Hubert Reeves.
    L'intelligence artificielle récompensée par les Nobel 2024 de Physique et de Chimie.
    Didier Raoult interdit d'exercer !
    2e rentrée scolaire contre les papillomavirus humains.
    Variole du singe (mpox) : "ils" nous refont le coup ?
    Covid : attention au flirt !
    Papillomavirus humains, cancers et prévention.
    Publications sur le papillomavirus, le cancer du col de l'utérus et l'effet de la vaccination anti-HPV (à télécharger).
    Émission "Le Téléphone Sonne" sur la vaccination contre les papillomavirus, sur France Inter le 3 mars 2023 (à télécharger).
    Le cancer sans tabou.
    Qu'est-ce qu'un AVC ?
    Lulu la Pilule.
    La victoire des impressionnistes.
    Science et beauté : des aurores boréales en France !
    Le Tunnel sous la Manche.
    Peter Higgs.
    Georges Charpak.
    Gustave Eiffel.
    Prix Nobel de Chimie 2023 : la boîte quantique ...et encore la France !
    Katalin Kariko et Drew Weissman Prix Nobel de Médecine 2023 : le vaccin à ARN messager récompensé !
    Covid : la contre-offensive du variant Eris.
    Poussières sur l'autre Reeves.
    Prix Nobel de Physique 2023 : les lasers ultrarapides, la physique attoseconde... et la France récompensée !
    John Wheeler.
    La Science, la Recherche et le Doute.
    L'espoir nouveau de guérir du sida...
    Louis Pasteur.
    Howard Carter.
    Alain Aspect.
    Svante Pääbo.
    Frank Drake.
    Roland Omnès.
    Marie Curie.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250321-grippe-aviaire.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/grippe-aviaire-desastre-sanitaire-260041

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/21/article-sr-20250321-grippe-aviaire.html


    .

  • Le mystère Émile sur le point d'être percé ?

    « À califourchon sur le démon, le saint fait piteuse figure, s'accroche, se retrouve le cul par terre, remonte, roule encore une fois dans la poussière et oublie que c'est monté sur un âne qu'on entre dans Jérusalem. Et tu es seul à mordre la poussière de l'arène. Les gradins sont vides. Que lui reste-t-il de fou au plein de cette misère ? » (Jean Cau, "Le Meurtre d'un enfant", le 25 mars 1965, éd. Gallimard).




     

     
     


    C'est totalement du hasard, mais quand même, coïncidence étrange. Dans le petit hameau du Haut-Vernet, dans les Alpes-de-Haute-Provence, c'était le calme complet pour cette saison, plus accueillant l'été (avec le Bas-Vernet, ce village comptait 124 habitants en 2022), et puis, voici de "l'agitation" lundi 24 mars 2025, 400 personnes se rendent dans la région pour commémorer le crash suicidaire de l'A320 de la Germanwings dont le point d'impact se trouve sur la commune limitrophe, Prads-Haute-Bléone, qui se trouve distante du Vernet de seulement 7 300 mètres à vol d'oiseau.

    Et le lendemain, encore plus grande agitation dans le hameau, car les forces de l'ordre ont franchi une nouvelle étape dans l'enquête sur la disparition puis la mort du petit Émile.

    Émile Soleil a disparu du Haut-Vernet le 8 juillet 2023, il était en vacances chez ses grands-parents maternels qui y ont une résidence secondaire. Il avait alors 2 ans et demi, né le 24 novembre 2020, on peut dire que c'est à peu près un enfant du covid, conçu juste avant le premier confinement. Très vite, de nombreux moyens ont été mobilisés pour retrouver l'enfant dans une région montagneuse très difficile d'accès.

     

     
     


    Région maudite ? En octobre 2008, la gérante d'un café avait été tuée par un jeune du village. Dans les environs, il y a eu deux autres disparitions d'enfant qui sont restées mystérieuses, celle de Yannis Moré, 3 ans, le 2 mai 1989 à Ganagobie, à 60 kilomètres du Haut-Vernet, et celle de Mathieu Haulbert, 10 ans, le 25 juin 1983 à Peyroules, près de Castellane.

    Toutes les hypothèses sur la disparition d'Émile ont été formulées (certaines parmi les plus folles), enlèvement, accident, attaque animale, meurtre... mais avec encore l'espoir secret qu'il était encore vivant. Jusqu'au 30 mars 2024, il y a un an, où des ossements, qui s'avèrent ceux d'Émile par identification de l'ADN, ont été découverts par une randonneuse sur un chemin en contrebas, à 1 700 mètres du village à vol d'oiseau (25 minutes de marche à pied pour un adulte). Petit ange parti aux cieux.

    À part la malheureuse certitude que l'enfant est mort, aucune hypothèse n'a alors encore été exclue. Émile a eu droit à des obsèques le 8 février 2025 à la basilique Sainte-Marie-Madeleine à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, dans le Var, puis a été enterré à La Bouilladisse, à 30 kilomètres de Marseille, où se trouvaient son domicile ainsi que celui de ses grands-parents.

     
     


    S'il y a eu peu d'informations provenant des enquêteurs, cela ne signifiait pas qu'ils ne travaillaient pas, puisque le 13 mars 2025, en pleine nuit, les gendarmes ont saisi une jardinière installée près de la chapelle Saint-Pancrace pour analyser la présence éventuelle de traces de sang (ils avaient été avertis par un courrier anonyme).

    Chose troublante, dont on ne sait pas s'il y a un effet de causalité ou pas, deux jours plus tard, le 15 mars 2025, un ami de la famille qui déjeunait régulièrement avec les grands-parents, Claude Gilliot, le prêtre qui disait la messe en latin à la chapelle du Haut-Vernet, celui qui a marié les parents d'Émile et qui l'a baptisé également, s'est suicidé. Il avait eu le malheur de diffuser une photographie des parents qui les mettaient plus en valeur que celle diffusée par la presse, ce qui n'a pas plu au grand-père qui aurait réussi à le faire exclure de sa paroisse et le faire affecter plus loin.

    Et puis, ce mardi 25 mars 2025, au petit matin, sans prévenir, les gendarmes ont interpellé quatre personnes, les grands-parents et deux de leurs dix enfants (un oncle et une tante d'Émile), et les ont placées en garde-à-vue pour des chefs très graves, « homicide volontaire » et « recel de cadavre ». Leur garde-à-vue a été prolongée de vingt-quatre heures et ce mercredi 26 mars 2025 à 9 heures, ces personnes seront de nouveau interrogées par les enquêteurs. Dix autres personnes ont été interrogées librement le mardi. Par ailleurs, des perquisitions ont eu lieu aux résidences des grands-parents ainsi que des saisies de véhicules.

    Tout converge vers la personnalité du grand-père, un ostéopathe de bonne réputation de 58 ans, brillant intellectuellement, apparemment dominant toute la famille (ses enfants, dont certains sont encore mineurs, n'ont jamais été à l'école qui se faisait à la maison), à la pratique assez fermée et traditionaliste de sa religion (catholique), qui, a priori, ne devrait pas avoir de rapport avec la disparition d'Émile, mais peut-être quand même que si, etc. Il disait lors de l'une des rares interviews, en septembre 2023, accordée à "Famille chrétienne" : « Je passe pour un dominateur qui terrorise tout le monde. Tout cela est faux, mais je m'en moque. ».

    Avec les raisons des gardes-à-vue, homicide volontaire (c'est une raison très grave) et recel de cadavre (c'est-à-dire, complicité de membres de la famille), cette affaire de la mort d'Émile nous renvoie plus de quarante ans en arrière, avec l'assassinat de Grégory sans doute pour des raisons de haine familiale.

     

     
     


    Ces deux affaires sont-elles comparables si ce n'est qu'elles concernent la mort d'un petit garçon qui ne demandait qu'à vivre ? Oui et non.

    Oui, les enquêteurs tentent de comprendre les événements, les faits. Et il y a des enquêtes souterraines qui débouchent parfois, longtemps après, à des gardes-à-vue. C'était le cas de l'affaire Grégory où des personnes ont été interrogées en 2017, soit trente-trois ans après le meurtre. Mais ces auditions n'ont finalement rien donné, le silence est resté durable. Oui aussi pour l'implication compliquée de la famille, le fait que ce soit un petit village, que tout le monde se connaît, que l'omerta y règne.

    Mais il y a aussi de grandes différences et la première, c'est que l'affaire Grégory a été un très mauvais exemple d'une surenchère des journalistes sur les enquêteurs. Pour Émile, aucune fuite de l'instruction judiciaire, le secret de l'instruction est préservé, les protagonistes ne parlent pas, les habitants du village restent muets. L'autre différence essentielle, c'est que les moyens technologiques sont différents : analyses ADN, informatiques, etc. existent désormais et des moyens gigantesques ont été mobilisés, par exemple, l'identification de tous les téléphones cellulaires présents dans la région au moment de la disparition afin de connaître les allées et venues de toutes les personnes circulant dans ces lieux.

    Ce qui se dit, c'est que les gardes-à-vue actuelles sont une arme à une munition : si elles ne concluent pas par des mises en examen, l'opération aura raté son objectif et il y aura des risques d'enlisement de l'enquête. Pour l'instant, aucune élément communiqué ne permet d'être convaincu qu'il s'agisse d'un meurtre et que cette thèse soit privilégiée à celle de l'accident. C'est possible toutefois que la résolution du mystère soit proche. Comme avec la disparition de Lina, la même année 2023, la traçabilité de la vie quotidienne rend plus facile la remontée des faits. Espérons pour Émile que la vérité va éclater bientôt au grand jour.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le mystère Émile sur le point d'être percé ?
    Crash de l'A320 de Germanwings.
    L'accident de Villa Castelli.
    Morts mystérieuses à Santa Fe.
    Repose en paix Louise, on ne t'oubliera pas !
    Gisèle Pélicot, femme de l'année 2024 ?

    5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
    40 ans de confusions dans l'Affaire Grégory.
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250325-emile.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/le-mystere-emile-sur-le-point-d-260113

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/25/article-sr-20250325-emile.html


    .

  • L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand

    « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution. » (Richard Ferrand, le 7 mars 2025 à l'Élysée).




     

     
     


    Petite phrase courte et claire prononcée à l'Élysée le vendredi 7 mars 2025. L'ancien Président de l'Assemblée Nationale Richard Ferrand a prêté serment devant le Président de la République Emmanuel Macron pour devenir le onzième Président du Conseil Constitutionnel depuis le début de la Cinquième République. Nommé pour un mandat de neuf ans, Richard Ferrand, à 62 ans, est le plus jeune membre de ce nouveau Conseil Constitutionnel (mais pas le plus jeune Président depuis 1959, car "battu" par Jean-Louis Debré de quelques mois, Robert Badinter et Roger Frey).

    La désignation de Richard Ferrand à la tête de cette instance juridictionnelle suprême n'était pas une surprise dès lors qu'il avait franchi l'étape de sa double audition parlementaire le 19 février, devant les commissions des lois des deux assemblées. Sa candidature n'avait pas été bloquée par les parlementaires, mais c'était très serré, à une voix près, ce qui en fait, depuis la réforme de 2008, le membre du Conseil Constitutionnel le moins bien accepté (bien que relevant de l'exclusive prérogative constitutionnelle du Président de la République).

    Certains considèrent que l'abstention des députés RN ont permis la nomination de Richard Ferrand. L'avis favorable, défavorable ou rien du tout, ne doit pas dépendre des options politiques mais d'un jugement sur la capacité de la personne proposée à la désignation, d'exercer la fonction pour laquelle on la désigne. Les accusations de contre-partie entre une bienveillante neutralité (abstention) du RN et la conclusion d'une décision future du Conseil Constitutionnel qui pourrait ensuite s'appliquer, par jurisprudence de QPC, à la présidente du RN, paraissent très minces et peu crédibles (tout en étant très graves) car le Président du Conseil Constitutionnel n'emporte pas forcément la décision d'une instance qui compte neuf membres (et sans doute aucun prêt à être bienveillant avec le RN). Sa voix prépondérante n'a de sens que lorsqu'ils sont réunis avec un nombre pair, ce qui est très rare. D'ailleurs, si ça devait influer, cela influerait probablement dans l'autre sens, c'est-à-dire dans le sens d'une mauvaise jurisprudence pour Marine Le Pen (il s'agit de la constitutionnalité de l'exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité en première instance, donc avant d'autres recours, comme l'appel et la cassation), pour la simple raison que cela permettrait au nouveau Conseil Constitutionnel de bien marquer sa totale indépendance (et son devoir d'ingratitude, comme l'ont rappelé certains membres du Conseil Constitutionnel, en particulier Alain Juppé ; l'expression provient du doyen Georges Vedel).
     

     
     


    Le 20 février 2025, Emmanuel Macron a donc pris deux décisions, celle de confirmer la nomination de Richard Ferrand comme membre du Conseil Constitutionnel (puisqu'il l'avait déjà proposé aux assemblées) et aussi celle de le nommer pour succéder à Laurent Fabius à la Présidence du Conseil Constitutionnel.
     

     
     
     
     


    En fait, Richard Ferrand a prêté serment pour être avant tout (simple) membre du Conseil Constitutionnel. Les deux autres nouveaux membres nommés respectivement par la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet et le Président du Sénat Gérard Larcher, à savoir Laurence Vichnievsky et Philippe Bas, ont également prêté serment le 7 mars 2025 avant de prendre leur fonction pour un mandat de neuf ans. Je me propose de présenter ces deux nouveaux membres. Ces derniers avaient été également auditionnés le 19 février 2025, mais seulement par la commission des lois de l'assemblée dont a émané leur nomination (on peut écouter leur audition en fin d'article) et leur décret de nomination est daté du 19 février 2025.


    Laurence Vichnievsky (70 ans) nommée par Yaël Braun-Pivet


    Elle a eu 70 ans le 5 février 2025. Laurence Vichnievsky a eu deux activités principales : elle est juge de profession, et elle est femme politique. Pour ces deux activités, elle a eu des contestations.
     

     
     


    Elle a commencé sa carrière de magistrate en 1977. Juge d'instance en 1979, elle a été nommée juge d'instruction à Paris en 1991. Elle est connue et très critiquée pour avoir prétendument étudié le (très gros) dossier de l'affaire de la mort de Robert Boulin et prononcé seulement neuf jours plus tard, le 20 septembre 1991, un non-lieu (ce qui relève de l'exploit pour la lecture rapide). Juge d'instruction au pôle financier du tribunal de Paris, travaillant avec sa collègue Eva Joly, autre juge et femme politique, elle s'est retrouvée au cœur d'affaires politiques ou économiques très sensibles (ce qui l'a fait connaître du grand public), en particulier dans l'affaire Elf, l'affaire Roland Dumas, les emplois fictifs de la ville de Paris, l'affaire des frégates de Taïwan, le financement occulte du parti communiste français (elle a mis en examen Robert Hue, le secrétaire général du PCF), etc. En 2001, elle a ensuite présidé le tribunal de grande instance de Chartres avant de retourner en 2007 dans la capitale comme avocate générale près la cour d'appel de Paris, où elle devait siéger pour l'affaire de la marée noire de l'Erika.

    Mais elle n'a pas siégé dans cette affaire car elle s'est engagée dans la vie politique sous les couleurs des écologistes. Elle s'est présentée tête de liste EELV aux élections régionales de mars 2010 en Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA), recueillant 10,9% au premier tour, ce qui lui a permis de fusionner sa liste avec celle du PS et du front de gauche. Elle a été élue conseillère régionale de PACA de mars 2020 à décembre 2015.


    Pendant l'été 2011, Laurence Vichnievsky était porte-parole du parti écologiste mais ses prises de position furent critiquées tant par la secrétaire nationale Cécile Duflot que par la candidate à l'élection présidentielle Eva Joly, si bien qu'elle a quitté cette fonction pour reprendre sa liberté de parole (elle a notamment publié deux tribunes dans "Libération", une le 18 août 2011 où elle a soutenu Daniel Cohn-Bendit, et une le 26 octobre 2011 où elle a soutenu les propositions de François Hollande sur le nucléaire).

    En juin 2012, elle s'est présentée aux élections législatives à Marseille contre Valérie Boyer (UMP) et Christophe Masse (PS), sans succès puisqu'elle n'a obtenu que 2,6%. Elle a perdu aussi aux élections municipales à Marseille en mars 2014 où elle était la numéro deux du socialiste Patrick Mennucci (elle aurait été sa première adjointe), mais la liste a échoué face à Jean-Claude Gaudin. Aux élections départementales de mars 2015, elle s'est présentée contre le président PS du conseil général des Bouches-du-Rhône Jean-Noël Guérini et n'a obtenu que 7,4%.

    Proche de Chantal Jouanno (UDI), Laurence Vichnievsky a quitté EELV en 2015 et s'est présentée sous l'étiquette du MoDem, plus porteuse, aux élections régionales d'Auvergne-Rhône-Alpes en décembre 2015. Elle a été élue conseillère régionale de cette nouvelle région de décembre 2015 à juin 2021 sur les listes de Laurent Wauquiez.

    Candidate du MoDem soutenue par les macronistes en juin 2017, elle a été élue députée du Puy-de-Dôme contre Louis Giscard d'Estaing (UDI). Elle a siégé à la commission des lois dont elle a été vice-présidente, puis elle a été réélue en juin 2022, mais elle a échoué face au candidat écologiste en juillet 2024. C'est donc une ancienne députée expérimentée de sept ans, qui a échoué dernièrement, l'été dernier, à reprendre son siège, qui est entrée au Conseil Constitutionnel. Ses compétences et son expérience de droit sont sans contestation (juge puis députée).


    Lors de son audition le 19 février 2025, Laurence Vichnievsky a donné son point de vue sur la nomination des membres du Conseil Constitutionnel : « Certains considèrent que les membres devraient être désignés par un collège d’experts, issus des plus hautes juridictions ou encore des universités. J’estime pour ma part que les autorités de nomination doivent, de manière directe ou indirecte, être issues du suffrage universel, comme c’est le cas en France. Ce fonctionnement se justifie par l’office du Conseil qui, comme vous l’avez rappelé, est notamment de réguler l’activité des pouvoirs publics. Dans ces conditions, il m’apparaît absolument indispensable que les autorités de nomination ne soient pas exclusivement techniciennes. Par ailleurs, faut-il imposer des critères pour la désignation des candidats ? Je n’en suis pas certaine, à l’exception d’une absence de condamnation inscrite au casier judiciaire. La proposition de loi constitutionnelle de Stéphane Peu est intéressante et prévoit un critère de compétence juridique et qu’au moins trois membres aient exercé au moins dix ans dans les juridictions administratives ou judiciaires. Il me semble toutefois qu’un tel fonctionnement serait complexe, étant donné que trois autorités devraient se mettre d’accord. Et, surtout, la France a, d’une manière générale, tendance à multiplier les règles et les critères, au risque d’en omettre certains et de se priver des compétences issues d’autres secteurs. Peut-être intégrerons-nous un jour de tels critères, mais je crois que les auditions par les commissions des chambres parlementaires sont préférables. Rappelons qu’elles ont précisément pour objet de permettre à la représentation nationale d’apprécier le parcours, la compétence et la légitimité des candidats. (…) Vous m’avez demandé si je concevais [le Conseil Constitutionnel] comme un contre-pouvoir : lui-même se définit comme un régulateur de l’activité des pouvoirs publics et se juridictionnalise de plus en plus. ».
     

     
     


    Elle a voulu rassurer les députés sur son indépendance : « Au cours de mes dix années passées au pôle financier comme juge d’instruction, j’ai connu des situations extrêmement tendues. (…) J’ai fait l’expérience des pressions et des environnements hostiles ; j’ai même dû être protégée pendant plus de deux ans. Évidemment, les affaires soumises au Conseil Constitutionnel ne sont pas de cette nature, mais cette expérience me permet de prétendre à une certaine capacité de résistance aux pressions, y compris, et c’est peut-être le plus difficile, lorsqu’elles sont amicales. ».

    En particulier sur son impartialité : « M. le rapporteur m’a interrogée sur mon impartialité et ma légitimité (…). De nombreux mécanismes bien connus des magistrats permettent d’assurer leur impartialité, je pense notamment au déport, que j’ai moi-même pratiqué. Lorsque j’étais avocate générale et conseillère régionale Europe Écologie, j’ai demandé à la cour d’appel devant laquelle je requérais de renvoyer une affaire mettant en cause un collectif antipublicité, dont je ne connaissais aucun protagoniste, car il me semblait qu’en apparence au moins, mon impartialité aurait pu être contestée. Cela répond à votre question sur la théorie des apparences : il ne suffit pas que la femme de César soit innocente, il faut que chacun en soit convaincu ! Citons aussi les mécanismes de récusation ou de publicité des saisines et des audiences, garants d’impartialité. J’espère que mon parcours professionnel vous aura convaincus de ma légitimité. ».

    Dans le jeu des questions et réponses, il y a eu quelques questions intéressantes, certaines empoisonnées, que je propose d'aborder ici.

    Question de Sophie Blanc (RN) : « Le Conseil Constitutionnel a pris des décisions qui, pour beaucoup de Français, ont paru aller au-delà de ses compétences, vérifier la conformité des textes à la Constitution, à tel point qu’il a pu devenir un véritable constituant. Je pense à sa décision du 6 juillet 2018 consacrant la valeur constitutionnelle du principe de fraternité, dont la portée a véritablement créé du droit constitutionnel sans l’aval du peuple français ni de ses représentants. Je n’imagine pas un seul instant que lorsque le peuple français a approuvé la Constitution le 28 septembre 1958, il imaginait une telle interprétation d’un des mots de la devise républicaine. Considérez-vous que seuls le peuple et le Congrès détiennent le pouvoir constituant ? ».

    Réponse de Laurence Vichnievsky : « J’en viens au concept de fraternité, madame Blanc : il me paraît très large et difficile à manier, à tel point qu’on peut s’interroger sur le domaine qu’il recouvre et la prédictibilité des décisions qui en découlent. Je le répète, le constituant, c’est vous, dans le respect de l’article 89 de la Constitution. ».

    Questions d'Olivier Marleix (LR) : « Quant à votre engagement politique, il traduit indiscutablement une forme d’indépendance d’esprit à l’égard des différentes formations. Pour avoir siégé avec vous à la commission des lois, je peux témoigner de l’indépendance qui vous animait dans nos travaux législatifs. Vous vous êtes engagée dans la lutte contre la corruption, la prévention des conflits d’intérêts ou encore le renforcement des obligations de transparence. À ce sujet, la loi Sapin 2 a omis, à l’article 25, de citer les membres du Conseil Constitutionnel parmi les cibles possibles de lobbying. Faut-il les y inclure ? Les règles de déport et de prévention des conflits d’intérêts semblent manquer de transparence au sein du Conseil. Vous paraissent-elles suffisantes ? Enfin, un membre du Conseil Constitutionnel dont la nomination aurait été validée à une voix grâce à l’abstention massive d’un groupe parlementaire, et qui aurait à juger d’une QPC sur l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité décisive pour le chef dudit groupe, devrait-il prendre part à la délibération ? ».

    Réponse de Laurence Vichnievsky : « Je m’exprime devant vous autant que je pense pouvoir le faire, mais je ne pourrai pas me prononcer, par exemple, sur une QPC pendante devant le Conseil Constitutionnel. (…) On peut ne pas se satisfaire d’une décision du Conseil constitutionnel, mais comme M. Marleix a lancé un jour dans l’hémicycle : "Le constituant, c’est nous !". C’est vrai. Si le constituant estime qu’il y a matière à réviser la Constitution, pourquoi pas, mais ce n’est pas à moi de le dire. (…) Faut-il étendre les règles concernant le lobbying aux membres du Conseil Constitutionnel ? J’y suis favorable, de même que je suis favorable à ce que ses membres remplissent le même type de déclarations que les parlementaires à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Aucune raison ne justifie cette exclusion, le Conseil Constitutionnel n’ayant écarté cette obligation de déclaration que pour une raison de forme et non de fond. Les règles de déport et de prévention des conflits d’intérêts vous semblent manquer de transparence et de clarté au sein du Conseil Constitutionnel. Elles sont les mêmes dans toutes les juridictions. À défaut de fixer des critères positifs, on peut prévoir un critère négatif comme le fait d’ailleurs le règlement du Conseil Constitutionnel puisqu’il dit que la seule circonstance d’avoir participé à l’élaboration d’une loi n’impose pas le déport systématique du membre concerné. (…) J’avais indiqué que l’appréciation devait se faire in concreto, de préférence dans le cadre d’une discussion avec le président et, le cas échéant, avec les autres membres du conseil, on peut manquer d’objectivité quand on décide seul. ».

    Questions de Jérémie Iordanoff (EELV) : « Pensez-vous que le Conseil Constitutionnel doive contrôler au fond les questions soumises à référendum au titre de l’article 11 de la Constitution, ou considérez-vous, comme Richard Ferrand, que la décision Hauchemaille et Meyet du 24 mars 2005 a une portée nulle ? En d’autres termes, rechercherez-vous, comme M. Ferrand, la bienveillance du Rassemblement national ? Le Conseil d’État et le Conseil Constitutionnel se sont dits incompétents pour statuer sur le décret de dissolution de l’Assemblée Nationale. Si à l’avenir, un Président procédait à une nouvelle dissolution sans respecter le délai d’un an prévu à l’article 12 de la Constitution, Conseil Constitutionnel devrait-il pouvoir censurer le décret ? ».

    Réponse de Laurence Vichnievsky : « L’une portant sur le contrôle au fond des questions soumises à référendum au titre de l’article 11. On pourrait en effet déduire de la jurisprudence Hauchemaille qu’un contrôle est possible, ce n’est que mon interprétation et je ne suis pas membre du Conseil Constitutionnel. Si vous me faites confiance et si je suis nommée, nous aurons à statuer sur ce point. Il me semble y avoir matière à contrôle, sinon le vide créé pourrait permettre des consultations très critiquées comme les deux référendums du Général De Gaulle. ».

    Question d'
    Émeline K/Bidi (PCF) : « (…) Nous préconisons enfin que des opinions séparées puissent être jointes aux décisions. En tant que magistrate attachée à l’indépendance de la justice, vous y serez probablement sensible. Que pensez-vous de ces propositions ? ».

    Réponse de Laurence Vichnievsky : « Quant à la possibilité d’exprimer des opinions dissidentes, j’ai un point de vue un peu différent de celui de la majorité des membres actuels et anciens du Conseil Constitutionnel, ainsi que, sans doute, de la majorité de la doctrine. En ma qualité d’ancien juge, j’estime qu’il n’est pas possible de publier des opinions dissidentes au sein des juridictions françaises, en dehors du Conseil Constitutionnel, car les décisions rendues concernent des personnes. Les décisions du juge constitutionnel portent, quant à elles, sur des principes, même si, du fait de la QPC, elles concernent aussi, de manière croissante, des personnes, ma position est donc susceptible d’évoluer. L’argument de la confidentialité ne me paraît pas pertinent. La publication d’une opinion dissidente présenterait à mes yeux l’intérêt de favoriser la transparence du délibéré, de permettre des évolutions jurisprudentielles, car cela susciterait un débat, notamment au sein de la doctrine, et, surtout, de montrer que le Conseil Constitutionnel statue en droit et non en fonction de considérations politiques, ce qui mettrait un terme à beaucoup de critiques dirigées contre l’institution. En même temps, j’entends la position de ceux qui estiment que la collégialité et le secret du délibéré vont ensemble et que cela protège les juges. On entend dire aussi que, dans le cadre du contrôle a priori, l’expression d’opinions dissidentes s’apparenterait à une troisième chambre de discussion, ce qui n’est pas possible. La réflexion sur le sujet n’est pas mûre. Il faut être prudent et continuer à en discuter. ».
     

     
     


    Question de Brigitte Barèges (ciottiste) : « Accepteriez-vous le poste de Présidente du Conseil constitutionnel ? Cela introduirait de la parité dans une institution qui en a bien besoin. » (le Président du Conseil Constitutionnel n'a été désigné que le lendemain de cette audition).

    Réponse de Laurene Vichnievsky : « Je ne suis pas opposée par principe à l’élection du Président du Conseil Constitutionnel par ses pairs mais cette procédure n’appartient pas à notre tradition juridique. Elle a cours dans les juridictions internationales car c’est la seule manière possible d’en désigner le président parmi les candidats présentés par les États. ».

    Question de Jean-François Coulomme (FI), sur le projet de loi agricole : « Ce texte met en opposition plusieurs droits fondamentaux : le droit d’entreprendre, le droit de propriété, le droit de l’environnement, le droit à la libre expression, le droit de manifester, le droit à vivre dans un environnement sain. Si vous deviez vous pencher sur ce texte, à quels principes donneriez-vous la priorité ? ».

    Réponse de Laurence Vichnievsky : « La tâche du juge, qu’il s’agisse du juge judiciaire ou du juge constitutionnel, consiste souvent à concilier des intérêts légitimes, juridiquement protégés mais souvent opposés. Le Conseil Constitutionnel, à l’instar du Conseil d’État, prend ses décisions en respectant trois principes : la nécessité, la proportionnalité et l’adéquation. ».

    Sur l'indépendance politique et le devoir de réserve, Laurence Vichnievsky a aussi précisé à ses interlocuteurs : « Je pense avoir aussi apporté la preuve de mon indépendance dans ma carrière politique qui a commencé aux côtés de Daniel Cohn-Bendit au sein du parti Europe Écologie-Les Verts (EELV). Alors que j’étais l’un des deux porte-parole nationaux, j’avais écrit une tribune sur la nécessité de payer la dette et sur l’âge de la retraite. Cela n’avait pas du tout plu, et j’avais quitté mes fonctions de porte-parole puis la direction d’EELV quelques mois plus tard. Que j’aie eu tort ou raison, je n’ai pas renié mes convictions et j’ai pris mes distances avec ce parti. En tant que députée, je pense avoir été loyale à mon groupe, mais je n’ai jamais voté contre mes convictions, il faut dire qu’au sein du mouvement auquel j’appartiens encore, il y a un grand respect du vote et de la liberté de vote. L’indépendance n’est pas une compétence mais un état d’esprit qui ne rend pas toujours la vie facile sur le plan personnel, qui peut être source de mauvaises surprises et de désagréments. Le statut peut aider à garder cet état d’esprit. S’agissant des membres du Conseil constitutionnel, j’observe qu’ils sont nommés pour un long mandat unique. À part être membre du Conseil Constitutionnel, ils ne peuvent rien faire d’autre que d’éventuelles études universitaires, ce qui est très bien. À cet égard, la situation me serait très familière puisqu’elle s’apparente à celle que j’ai connue en tant que magistrat. À mon avis, le devoir de réserve est une obligation majeure à respecter. Je revendique de l’avoir fait lorsque j’étais magistrat, et, si vous me faites confiance, je le respecterai en tant que membre du Conseil Constitutionnel car c’est aussi une manière de répondre aux critiques d’appartenance partisane. (…) À quelle distance le Conseil Constitutionnel doit-il se tenir des débats politiques ? Comme déjà indiqué, j’estime que l’obligation de réserve est le meilleur moyen d’établir cette distance. Si vous confirmez cette proposition de nomination, il est évident que je quitterai mes amis du Modem et les fonctions que j’exerce au bureau exécutif. Si je ne l’ai pas encore fait, c’est que je ne veux pas préjuger de votre décision. En ce qui concerne le réseau X, je pourrais évoquer d’autres raisons. J’ai toujours fait un usage très modéré de ce réseau, et il y a longtemps que je ne m’y suis pas exprimée. Si cette proposition se concrétisait, je ne m’exprimerais plus sur les réseaux sociaux et je m’astreindrais à un silence médiatique total. Pour moi, c’est une évidence. ».
     

     
     


    À l'issue de son audition devant la commission des lois de l'Assemblée, Laurence Vichnievsky a recueilli pour sa désignation 28 avis favorables et 22 avis défavorables sur 65 votants.


    Philippe Bas (66 ans) nommé par Gérard Larcher


    S'il y avait un seul sénateur qui peuit se déclarer fait pour être membre du Conseil Constitutionnel, ce serait lui, Philippe Bas, qui a été président de la commission des lois du Sénat du 9 octobre 2014 au 30 septembre 2020 (il aurai souhaité poursuivre à la commission des lois en 2020 mais les statuts du groupe LR lui interdisaient de rester à cette présidence plus de six ans de suite). Il a connu la notoriété comme président de la commission d'enquête sur l'affaire Benalla, menant les auditions du Sénat en 2018 avec fermeté et courtoisie, refusant de se laisser intimider par l'Élysée. Cet exercice l'avait placé en bonne position pour devenir un jour le successeur de Gérard Larcher à la Présidence du Sénat.

     

     
     


    Mais reprenons depuis le début. Philippe Bas n'était pas, à l'origine, un homme politique mais un haut fonctionnaire avec une trajectoire relativement classique : IEP Paris, ENA (dans la même promotion que Pierre Moscovici, Philippe Wahl, Guillaume Pepy et François Villeroy de Galhau), Conseil d'État. De 1988 à 1997, Philippe Bas a été membre de plusieurs cabinets ministériels auprès de Jean-Pierre Soisson (Travail), Philippe Douste-Blazy (Santé), Simone Veil (Santé et Affaires sociales) comme directeur adjoint de cabinet et Jacques Barrot (Travail et Affaires sociales) comme directeur de cabinet. Il a été également de 1989 à 1992 conseiller d'Abdou Diouf, Président du Sénégal.

    Après l'échec de la dissolution de 1997, le Président Jacques Chirac a fait venir Philippe Bas auprès de lui à l'Élysée, d'abord comme conseiller social, puis Secrétaire Général adjoint de l'Élysée le 13 septembre 2000, enfin Secrétaire Général de l'Élysée du 8 mai 2002 au 2 juin 2005 (il a succédé à Dominique de Villepin nommé au Quai d'Orsay).

    Après une carrière dans les coulisses, Philippe Bas s'est exposé en acceptant d'être membre du gouvernement de Dominique de Villepin : Ministre délégué à la Sécurité sociale, aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille du 2 juin 2005 au 26 mars 2007 et Ministre de la Santé et des Solidarités du 26 mars 2007 au 15 mai 2007 après la démission de Xavier Bertrand pour se consacrer totalement à la campagne présidentielle en faveur de Nicolas Sarkozy.

    À la fin de la Présidence de Jacques Chirac, Philippe Bas a voulu s'implanter dans la Manche. Candidat malheureux dans la Manche, il a échoué aux élections législatives de juin 2007 malgré son investiture UMP, battu par un candidat UMP dissident très implanté localement (le député UMP sortant avait été nommé à la Cour des Comptes pour "libérer" la circonscription).


    En mars 2008, Philippe Bas a toutefois réussi à se faire élire, puis réélire jusqu'à maintenant, conseiller général puis conseiller départemental de la Manche, d'abord vice-président du conseil général de mars 2008 à mars 2015, puis président du conseil départemental de mars 2015 à octobre 2017 (il a quitté l'assemblée départementale de novembre 2015 à janvier 2016 en raison de l'invalidation de son élection de mars 2015 mais il s'est fait réélire dès le premier tour le 6 décembre 2015). En 2017, en raison de la loi contre le cumul, il a préféré le Sénat à la présidence du conseil départemental.

    Après son échec aux législatives, il a aussi réintégré le Conseil d'État et a été nommé président de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrants, devenu l'Office français de l'immigration et de l'intégration, du 29 novembre 2007 au 23 janvier 2011, puis président de l'Agence nationale de sécurité alimentaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail jusqu'à son élection au Sénat en septembre 2011.

    Car en septembre 2011, Philippe Bas s'est fait aussi élire sénateur de la Manche, réélu en septembre 2017 et en septembre 2023 (il vient de démissionner pour entrer au Conseil Constitutionnel). Président de la commission des lois du 9 octobre 2014 au 30 septembre 2023, il a aussi exercé les fonctions de questeur du Sénat (chargé de gérer le Sénat) du 6 octobre 2020 au 3 octobre 2023.

    Spécialisé dans le droit du travail, Philippe Bas a réalisé notamment, lorsqu'il travaillait à l'Élysée, la mise en œuvre du régime social des indépendants (ordonnance n°2005-299 du 31 mars 2005 et décret n°2005-362 du 27 mai 2005). Comme ministre, il a installé l'Agence française de l'adoption, il a appliqué la loi Handicap, le plan Petite enfance et le plan Solidarité grand âge.

     

     
     


    Philippe Bas a eu aussi une grande influence sur le gouvernement lorsqu'il était au Sénat puisque c'est grâce à lui que l'IVG a été inscrite dans la Constitution. Il a en effet réussi à convaincre la majorité sénatoriale conservatrice d'accepter cette révision constitutionnelle avec la formulation qu'il a lui-même proposée : au lieu de parler d'un "droit" à l'IVG, la Constitution évoque ainsi la « liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse ».

    Philippe Bas a aussi co-organisé un colloque le jeudi 17 octobre 2024 au Sénat pour célébrer les 50 ans de saisine parlementaire du Conseil Constitutionnel, la révision voulue par le Président Valéry Giscard d'Estaing qui a étendu la saisine à 60 parlementaires, permettant ainsi aux parlementaires de l'opposition de faire invalider une disposition d'un texte législatif en cas de non-conformité à la Constitution.

    Dans son allocution d'introduction à l'une des tables rondes du colloque, Philippe Bas a affirmé : « Progressivement, à partir de sa fonction d’auxiliaire de la rationalisation du parlementarisme, le Conseil Constitutionnel est devenu la clef de voûte de l’État de droit. Cette évolution s’est opérée à partir d’une révolution juridique considérable, avec une audace extraordinaire dans l’histoire de la République. Le Conseil a agi de sa propre initiative, alors que la Constitution ne lui conférait pas cette fonction et que ni la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ni le préambule de la Constitution de 1946, ni les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ne s’imposaient aux législateurs. La révision de 1974 a non seulement donné un fondement constitutionnel à cette évolution prétorienne, mais a aussi permis au Conseil Constitutionnel d’exercer sa fonction de garant de l’État de droit en multipliant les occasions de sa saisine. ».

     

     
     


    Philippe Bas a insisté aussi sur le fait que le Conseil Constitutionnel n'est pas qu'une instance juridique mais elle est aussi une instance politique : « Le Conseil Constitutionnel reste une institution originale dont l’action a une dimension politique dans le cadre de la séparation des pouvoirs. Notre colloque rend aussi hommage à la vision personnelle de Valéry Giscard d’Estaing, animée par une tradition philosophique libérale. Lecteur de Montesquieu et de Tocqueville, il arrive au pouvoir dans un système de bipolarisation et de fait majoritaire à son apogée. Pourtant, par sa première initiative politique d’envergure, il agit en faveur d’un meilleur équilibre des pouvoirs. Cette alchimie historique a permis d’instaurer un contre-pouvoir qui s’exerce au nom du droit et des libertés, face au pôle majoritaire unissant Président, gouvernement et majorité parlementaire. Il le fait en attribuant à l’opposition la capacité de déclencher ce contre-pouvoir pour limiter le pouvoir exorbitant de la majorité. Le Conseil Constitutionnel a ainsi été créé pour atténuer les effets potentiels sur les libertés, en incorporant les principes fondamentaux du droit et de la liberté au bloc de constitutionnalité. ».

    Philippe Bas a aussi rendu hommage à Alain Poher, Président du Sénat de 1968 à 1992, en rappelant que sur les (seulement) dix saisine du Conseil Constitutionnel entre 1959 et 1974, « trois émanaient du Président du Sénat, dont celles ayant permis au Conseil Constitutionnel de se prononcer sur l’incorporation des droits fondamentaux au bloc de constitutionnalité ».

    De plus, l'ancien président de la commission des lois du Sénat a rejeté le risque de connivence entre le gouvernement et le Conseil Constitutionnel car les membres du Conseil sont très soucieux de leur indépendance : « Les politiques, désireux de faire aboutir leurs réformes, ont de plus en plus de mal à accepter ces décisions. Je ne constate pas de connivence entre le politique et le Conseil Constitutionnel, mais plutôt l’inverse. Les membres nommés, qu’ils soient politiques ou non, font preuve d’indépendance et de conscience dans l’exercice de leur mission. Les législateurs maintiennent une relation frictionnelle avec le Conseil, ce qui atteste d’une indépendance mutuelle. ».

     

     
     


    Philippe Bas, au-delà de son expérience de haut fonctionnaire, de ministre et de sénateur, est ainsi un véritable expert de la Constitution. Ce n'est donc pas étonnant que les sénateurs de la commission des lois aient plébiscité sa désignation au Conseil Constitutionnel, en apportant 36 avis favorables et 2 avis défavorables sur 41 votants à l'issue de son audition le 19 février 2025.

    Les trois nouveaux membres du Conseil Constitutionnel Richard Ferrand, Laurence Vichnievsky et Philippe Bas ont pris leur fonction le 7 mars 2025.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Laurence Vichnievsky.
    Philippe Bas.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Richard Ferrand bientôt proposé rue de Montpensier ?
    Laurent Fabius.
    Nominations au Conseil Constitutionnel en février 2010.
    Les nominations présidentielles.
    Jean-Louis Debré.
    Pierre Mazeaud.
    Yves Guéna.
    Roland Dumas.
    Robert Badinter.
    Daniel Mayer.











    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250307-conseil-constitutionnel.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-installation-du-nouveau-conseil-259782

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/13/article-sr-20250307-conseil-constitutionnel.html



    .