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france - Page 3

  • Jean Tiberi et le Pari corse

    « Le clan Tiberi réuni autour de lui à l'hôpital, c'est la chapelle Cystite ! » (Laurent Ruquier).





     

     
     


    L'ancien maire de Paris Jean Tiberi est mort ce mardi 27 mai 2025 dans la matinée, selon une annonce de la mairie du cinquième arrondissement qu'il affectionnait tant. Il avait fêté son 90e anniversaire il y a quelques mois, le 30 janvier dernier.

    La carrière de Jean Tiberi a été 100% parisienne. Avec les quelques affaires judiciaires, certaines classées, une autre qui a été jugée définitivement, celle des faux électeurs du cinquième arrondissement qui aurait pu influer sur le résultat des élections municipales de 1995 et des élections législatives de 1997, sans oublier l'affaire du pseudo-rapport d'études de son épouse Xavière, on pouvait imaginer Jean Tiberi comme un vieux schnoque pestiféré dont la seule légitimité était sa fidélité à Jacques Chirac.

    En fait, c'était un peu subtil que cela. Il y a eu d'abord les Corses de la ville de Paris, si Jean Tiberi est né à Paris, il est bien d'origine corse, son épouse est née en Corse, et il y a eu d'autres élus parisiens ainsi, comme Jacques Dominati (premier adjoint en 1995), etc. Ce côté clanique était réel au point de vouloir voir son fils Dominique lui succéder à la mairie du cinquième arrondissement en 2014 (finalement, c'est l'actuelle maire, aujourd'hui Horizons, Florence Berthout, investie par l'UMP, qui a été élue, notamment contre le dissident Dominique Tiberi).


    Il y a eu surtout un jeune homme, adolescent après la guerre, qui était gaulliste par adhésion au sauveur de la patrie. Il a adhéré au RPF en 1950. Il était, après le retour de De Gaulle au pouvoir, ce qu'on appelait un gaulliste de gauche (UDT). Plus tard parlementaire, il a voté en faveur de la loi Veil le 28 novembre 1974, gage d'une certaine ouverture vers la société qui a évolué.

    Rappelons aussi que Jean Tiberi a fait des études de droit qui l'ont amené à entrer dans la magistrature. Il était donc juge dans ses premières années de vie active, affecté à Metz, Meaux, Beauvais. Mais il a très vite bifurqué dans la vie politique parisienne. En mars 1965, il a été élu conseiller de Paris pour la première fois (il avait 30 ans) et en mars 1967 et en juin 1968, il s'est retrouvé le suppléant du député gaulliste de gauche René Capitant, élu du cinquième arrondissement.

    Lorsque ce dernier a été nommé le 30 juin 1968 Ministre de la Justice dans le gouvernement de Maurice Couve de Murville, le jeune homme de 33 ans fut alors bombardé député de Paris. Il le resta jusqu'en juin 2012 sauf pendant les quelques mois où il fut nommé Secrétaire d'État chargé des Industries alimentaires du 12 janvier 1976 au 25 août 1976 à la fin du premier gouvernement de Jacques Chirac (il a été réélu député en novembre 1976 après la démission de sa suppléante. Il faut préciser que René Capitant, mort en 1970, n'a pas repris sa circonscription lorsqu'il a démissionné du gouvernement en avril 1969, la laissant à Jean Tiberi qui a donc été réélu sur son propre nom aux élections législatives suivantes : mars 1973, novembre 1976 (partielle pour revenir à l'Assemblée), mars 1978, juin 1981, mars 1986 (à la proportionnelle, troisième de la liste RPR à Paris), juin 1988, mars 1993, juin 1997, juin 2002 et juin 2007 (près de quarante-quatre ans de mandat parlementaire).

    Pour les petites anecdotes électorales, Jean Tiberi a été confronté en mars 1973 à Georges Bidault (3,5%), en novembre 1976 à Pierre Guidoni (19;7%) pour le PS, Jean Elleinstein (11,0%) pour le PCF, Brice Lalonde (6,6%) et Henri Weber (0,6%) pour LCR, en mars 1978 à Jean Elleinstein (11,7%) et Brice Lalonde (8,7%), en juin 1981 à Brice Lalonde (8,2%), en mars 1993 à Jacques Cheminade (0,3%), en juin 1997 à Lyne Cohen-Solal (27,9% puis 46,5%), Yves Frémion pour les Verts (4,9%), Pierre Jolivet (1,9%) et Marie-Françoise Bechtel pour les chevènementistes (1,6%), en juin 2002 à Lyne Cohen-Solal (29,0% puis 44,5%) et Aurélie Filippetti pour les Verts (6,6%), enfin, en juin 2007 à Lyne Cohen-Solal (27,7% puis 47,3%) et Christian Saint-Étienne pour le MoDem (16,2%). À l'origine, cette circonscription a eu pour premier député, entre 1958 et 1962, un certain Jean-Marie Le Pen, élu au second tour d'un scrutin majoritaire, mais avec seulement 45,2% des voix dans une sexangulaire (contre notamment des candidats PCF et UNR).

    En juin 2012, sur demande du Premier Ministre François Fillon, Jean Tiberi lui a laissé sa circonscription pour permettre au futur candidat à l'élection présidentielle d'être un élu de Paris.

     

     
     


    Jacques Chirac, dont il a été le fidèle depuis le début des années 1970 (et qui n'était pourtant pas un gaulliste de gauche), et qu'il a suivi lors de la création du RPR en décembre 1976, a fait partie bien sûr de la victoire municipale de Jacques Chirac en mars 1977 à Paris, puis du grand chelem de 1983 (tous les arrondissements gagnés par les listes RPR-UDF). De mars 1983 à juin 1995, Jean Tiberi fut le premier adjoint de la Ville de Paris et, à ce titre, le dauphin désigné de Jacques Chirac à Paris (préféré à Jacques Toubon qui a tenté de s'y opposer). Par ailleurs, il fut élu maire du cinquième arrondissement pendant près d'un quart de siècle, de mars 1983 à juin 1995 et de mars 2001 à mars 2014.

    Jean Tiberi fut d'ailleurs l'un des rares dauphins de maire de grande ville à avoir succédé effectivement à son mentor, au contraire de Jacques Valade à Bordeaux (Jacques Chaban-Delmas), Michel Pezet à Marseille (Gaston Defferre), Bernard Roman à Lille (Pierre Mauroy), etc.

    Ce fut le cas lorsque Jacques Chirac a été élu Président de la République. Aux élections municipales qui ont suivi un mois plus tard, en juin 1995, Jean Tiberi, candidat investi par le RPR, a été élu maire de Paris. Il a donc exercé un mandat de 1995 à 2001. Son bilan est plutôt positif, avec une réduction de l'endettement de la ville (au contraire d'aujourd'hui) et une révision à la baisse de certains projets d'urbanisme.

     

     
     


    En raison des poursuites judiciaires déjà engagées contre Jean Tiberi, le RPR a organisé une sélection pour la candidature municipale de 2001. Édouard Balladur était dans la course, ainsi que Philippe Séguin qui a obtenu l'investiture. Toutefois, fort de son implantation, Jean Tiberi n'a pas renoncé à un second mandat et s'est présenté avec des listes dissidentes dans tous les arrondissements (il a été exclu du RPR pour cette raison par la présidente du RPR Michèle Alliot-Marie). Résultat, au premier tour, Jean Tiberi a été largement devancé par Philippe Séguin mais l'absence d'union et de fusion au second tour a favorisé Bertrand Delanoë qui a gagné sans obtenir la majorité absolue. Jean Tiberi a néanmoins conservé le cinquième arrondissement et aussi le premier arrondissement avec Jean-François Legaret, ainsi que 12 conseillers de Paris. Il a réussi à maintenir son leadership sur le cinquième arrondissement en 2008 malgré une triangulaire au second tour qui l'a confronté à une candidate socialiste Lyne Cohen-Solal et un candidat investi par le MoDem, le célèbre journaliste Philippe Meyer.

    Cette division de 2001 a fait perdre à la droite la ville de Paris durablement (depuis quatre mandats, un quart de siècle) au profit d'une gauche boboïsante qui a considérablement transformé (en mal) la capitale, la rendant insupportable pour la voiture, tant pour la circulation que pour le stationnement. Ni Françoise de Panafieu en 2008, ni Nathalie Kosciusko-Morizet en 2014, ni Rachida Dati en 2020, n'ont réussi à battre le candidat ou la candidate socialiste. Toutefois, les derniers sondages donneraient Rachida Dati favorite pour les élections municipales de 2026 à Paris.

    Le 3 mars 2015, Jean Tiberi a été définitivement condamné à dix mois de prison avec sursis, 10 000 euros d'amende et trois ans d'inéligibilité pour l'affaire des faux électeurs du cinquième arrondissement (un système organisé apparemment dans les années 1990 pour transférer le surplus d'électeurs de droite d'arrondissements largement à droite vers les arrondissements tangents susceptibles de basculer à gauche). D'autres scandales ont touché les Tiberi, dont l'attribution d'un logement social (à loyer modéré) à Dominique Tiberi alors que ce dernier, propriétaire d'appartements, aurait touché des loyers (non modérés) par ailleurs.


    Dans un communiqué à l'AFP, l'actuelle maire PS de Paris Anne Hidalgo a salué son prédécesseur Jean Tiberi avec qui elle avait travaillé entre 2008 et 2014 (elle maire de Paris et lui maire du cinquième arrondissement) : « Paris, sa ville, lui rendra hommage. (…) Je veux saluer la mémoire de cet homme qui a consacré une part immense de sa vie à Paris et au cinquième arrondissement, qui perd l'un des siens. Je garderai le souvenir d'un homme chaleureux, avec qui j'avais tissé des relations cordiales et respectueuses. ». Il rejoins maintenant Jacques Chirac dans l'Olympe parisien.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jean Tiberi.
    La nouvelle direction de LR : cap vers 2027 ?
    Bruno Retailleau.
    LR : plébiscite pour Bruno Retailleau !
    Congrès LR : les jeux sont-ils faits ?
    De Gaulle.
    Philippe Bas.
    Xavier Bertrand.
    L'offensive de Bruno Retailleau.
    Nicolas Sarkozy.
    Jean-Louis Debré.
    Claude Malhuret.
    Philippe De Gaulle.
    François-Xavier Ortoli.
    Alain Juppé.

    Jean Tiberi a 90 ans.
    Édouard Philippe.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
    Yvon Bourges.
    Christian Poncelet.
    René Capitant.
    Patrick Devedjian.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250527-jean-tiberi.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-tiberi-et-le-pari-corse-258966

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/27/article-sr-20250527-jean-tiberi.html


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  • Euthanasie 2025 (3) : l'examen de la proposition Falorni à l'Assemblée

    « Je remercie également le président Frédéric Valletoux. J’ai passé à côté de lui, non seulement physiquement mais aussi intellectuellement, quarante-deux heures en commission et soixante-huit heures en séance. Au-delà de ce temps passé ensemble, je dois dire, et mon expérience me permet d’avouer que ce n’est pas toujours le cas, que j’ai particulièrement apprécié, monsieur le président, votre sens de la modération, votre conception de la présidence de commission qui a toujours favorisé le sérieux et le respect dans les débats, et enfin votre écoute. Il est important qu’un président de commission sache écouter. Nous avons d’ailleurs bien travaillé entre la commission et la séance pour aboutir à un texte qui, à mon sens, s’est nettement amélioré. Merci, monsieur le président Valletoux ! Un dernier mot pour vous, madame la ministre Vautrin. La vie politique, parfois décevante, nous offre aussi parfois des moments heureux. Nous avons avancé ensemble sur ce chemin et j’en ai été très heureux. Je salue la force de vos convictions et la qualité de votre travail. Il n’est pas si fréquent de voir un ministre qui maîtrise autant son sujet du début à la fin. » (Olivier Falorni, le 24 mai 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Le député MoDem de La Rochelle, Olivier Falorni, disait ainsi, ce samedi 24 mai 2025 peu avant 13 heures, sa joie de voir s'achever avec succès l'examen en première lecture à l'Assemblée Nationale de sa proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir, déposée le 11 mars 2025, dont il est le rapporteur général.

    Pour Olivier Falorni (53 ans), député depuis juin 2012, à l'époque maire de La Rochelle et membre du PS dont il était le secrétaire fédéral, candidat dissident contre Ségolène Royal qui voulait retrouver une circonscription et même candidate (un peu trop hâtivement) au perchoir (candidate qu'il a donc battue), c'est une grande victoire personnelle, plus personnelle que politique. L'euthanasie a toujours été l'un de ses dadas à l'Assemblée et il est aujourd'hui en capacité de la rendre effective.

     

     
     


    Reprenons l'historique rapidement. Une proposition avait été déposée et commencée à être examinée au printemps 2024 mais la dissolution a interrompu la procédure. Le Président Emmanuel Macron voulait l'adoption de cette proposition de loi mais de manière douce, il ne voulait pas, par exemple, instituer un « droit à l'aide à mourir » mais seulement une nouvelle possibilité. L'arrivée d'une Assemblée sans majorité a rendu les choses inextricables. La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet tenait à ce qu'une proposition de loi fût à l'ordre du jour en début de l'année 2025. Après la censure du gouvernement de Michel Barnier et son arrivée à Matignon, François Bayrou a souhaité dissocier la proposition de loi en deux textes différents, l'un sur les soins palliatifs qui ne fait pas vraiment débat (tout le monde est pour l'augmentation des fonds consacrés aux soins palliatifs) et l'autre sur l'aide à mourir, plus clivante et politiquement plus incertaine.

    La proposition sur les soins palliatifs a été examinée en séance publique du 12 au 16 mai 2025. La proposition sur l'aide à mourir, la seule que j'évoquerai dans cet article, a été examinée du 16 au 24 mai 2025. Le mardi 27 mai 2025 auront lieu deux votes solennels, pour chacune de ces deux propositions de loi, et ces votes ont été prévus de longue date. Les députés craignaient de passer trop de temps sur la loi sur l'aide à mourir et de devoir faire des séance de nuit sur le sujet. Finalement, ils auront eu leur dimanche 25 mai 2025 de libre puisque la discussion de la proposition Falorni s'est achevée ce samedi 24 mai 2025 vers 13 heures. Il est en tout cas remarquable que les débats se soient faits de manière sereine et sans obstruction et c'est bien ce qu'a décrit Olivier Falorni : parfois, l'Assemblée est capable d'une grande maturité.


    Néanmoins, je regrette que cette maturité se soit illustrée pour instituer une euthanasie qui va dénaturer les valeurs fondamentales de notre République. Il est question ici d'évoquer le texte amendé après 42 heures de discussion en commission des affaires sociales (du 18 mars 2025 au 2 mai 2025) et 68 heures de discussion en séance publique (du 16 au 24 mai 2025) et qui va probablement être adopté en première lecture le 27 mai 2025. Je le présente tel qu'il est.
     

     
     


    Le texte amendé comporte vingt articles, dont certains sont très techniques et peu politiques.

    L'article 2 instaure ce nouveau "droit" intégré dans le code de la santé publique : « Le droit à l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues (…), afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier. ».
     

     
     


    L'article 4, le plus crucial, donne les cinq conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier de ce nouveau droit (pour « accéder à l'aide à mourir »). Premièrement, être âgé d'au moins 18 ans. Deuxièmement, être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière (sans indication de durée). Les trois autres conditions pour la personne sont les plus importantes.

    La troisième condition : « Être atteinte d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou en phase terminale ».

    La quatrième condition : « Présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle-ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir. ». Cette dernière phrase rajoutée au cours de la discussion en séance publique est un heureux garde-fou contre tous les abus possibles, il a été proposé à la suite de certains constats connus à l'étranger.

    La cinquième condition : « Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Il aurait été pertinent d'insister sur une manifestation répétée et constante de cette volonté.


    Ces cinq conditions sont, on le comprend, très exigeantes et contraignantes. Elles permettent à une large majorité des députés de s'y retrouver. Elles ne permettent pas, par exemple, l'euthanasie des personnes qui sont dans l'incapacité de manifester clairement et sans pression leur volonté d'en finir.

    Malheureusement, les partisans avant-gardistes de l'euthanasie ont accepté ces barrières à l'entrée car leur but est sur le principe anthropologique, mettre dans la loi (tant dans le code de la santé publique que dans le code pénal) l'idée qu'on peut faire mourir un malade. Ils sont persuadés que ce n'est qu'une étape et que d'autres lois élargiront les possibilités de cette loi-ci, c'est-à-dire assoupliront les conditions, comme cela a été les cas dans d'autres pays, par exemple, la Belgique où des enfants, sans indication d'âge, ou des personnes en "simple" dépression nerveuse ou atteintes de schizophrénie peuvent être euthanasiées sans que leur volonté fût clairement exprimée.

    L'article 5 précise la procédure pour manifester sa volonté d'euthanasie. La personne doit en faire « la demande écrite ou part tout autre mode d'expression adapté à ses capacités à un médecin en activité qui n'est ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni le partenaire auquel elle est liée un pacte civil de solidarité, ni son ayant droit ». En outre, une téléconsultation ne serait pas valable, il faudrait alors que le médecin se déplace pour recueillir sa demande, en cas d'empêchement de se déplacer du demandeur.

    Le médecin qui reçoit la demande d'euthanasie a alors cinq obligations : une obligation d'informer la personne « sur son état de santé, sur les perspectives d'évolution de celui-ci ainsi que sur les traitements et les dispositifs d'accompagnement disponibles » ; une obligation d'informer la personne « qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs (…) et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; une obligation de proposer « à la personne et à ses proches de les orienter vers un psychologue ou un psychiatre et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; enfin, une obligation d'indiquer à la personne « qu’elle peut renoncer, à tout moment, à sa demande ». Ces quatre obligations concourent au caractère éclairé de la demande de la personne qui doit prendre sa décision en toute connaissance de cause. La cinquième obligation est d'expliquer à la personne « les conditions d'accès à l'aide à mourir et sa mise en œuvre ».

    Dans l'article 6, un certain nombre de garde-fou ont été mis dans la procédure. Par exemple : « La personne dont le discernement est gravement altéré par une maladie lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peut pas être reconnue comme manifestant une volonté libre et éclairée. ». De même, pour vérifier les trois dernières conditions à remplir pour demander l'aide à mourir, « le médecin met en place une procédure collégiale ». Le médecin a quinze jours pour notifier à la personne, « oralement et par écrit, sa décision motivée » sur sa demande d'euthanasie (acceptation ou rejet).

    Une autre assertion est très importante dans le même article 6, rajoutée au cours de la discussion en séance publique : « Lorsque la personne malade est atteinte d’une maladie neurodégénérative, l’évaluation de sa capacité de discernement doit tenir compte de son mode de communication et des dispositifs adaptés utilisés et ne peut se fonder exclusivement sur des tests cognitifs sensibles à la fatigue, à l’anxiété ou aux troubles moteurs. ».

    Dans le quatrième aliéna de l'article 6, le texte précise le délai de réflexion : « Après un délai de réflexion d’au moins deux jours à compter de la notification de la décision [par le médecin], la personne confirme au médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale. ». Deux jours paraissent très court pour une décision d'une telle importance. Et encore, les députés en séance publique ont supprimé du texte cette phrase : « Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit. ». Non seulement, cela aurait réduit encore plus le délai, mais l'insertion du mot "dignité" aurait été philosophiquement scandaleux, chaque être humain, quel que soit son état, préserve intrinsèquement sa dignité et dire le contraire, surtout dans un texte de loi, aurait suggéré que des personnes ne devraient plus être en état de vivre parce qu'elles seraient "indignes". Heureusement, donc, cette phrase a été supprimée.
     

     
     


    En revanche, si la confirmation de la demande intervient plus de trois mois après la notification du médecin, alors « le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté en mettant en œuvre, si besoin, la procédure » initiale.

    Dans un tel cas de confirmation de la demande d'euthanasie, alors le médecin « détermine, en accord avec la personne, les modalités d’administration de la substance létale et le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour cette administration » (cinquième alinéa de l'article 6).

    L'article 7 prévoit la date et le lieu de l'euthanasie. La date : « Avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner (…), la personne convient de la date à laquelle elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale. ». Le lieu : « Dans des conditions convenues avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, l’administration de la substance létale peut être effectuée, à la demande de la personne, en dehors de son domicile, à l’exception des voies et espaces publics. ». De plus : « La personne peut être entourée par les personnes de son choix pendant l’administration de la substance létale. Le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne informe les proches et les oriente, si nécessaire, vers les dispositifs d’accompagnement psychologique existants. ».

    Un nouveau garde-fou a été inséré en séance publique dans l'article 9 du texte : « Le jour de l’administration de la substance létale, le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne vérifie que la personne confirme qu’elle veut procéder ou, si elle n’est pas en capacité physique de le faire elle-même, faire procéder à l’administration et veille à ce qu’elle ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou renoncer à l’administration. (…) Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report de l’administration de la substance létale, le professionnel de santé suspend la procédure et, à la demande du patient, convient d’une nouvelle date (…). ». Cela signifie que jusqu'au dernier moment, une personne demandeuse de l'aide à mourir peut interrompre le processus, et cela sans qu'aucune pression ne puisse avoir lieu.

    Le troisième alinéa de l'article 9 précise : « Une fois la substance létale administrée, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est plus obligatoire. Il est toutefois suffisamment près et en vision directe de la personne pour pouvoir intervenir en cas de difficulté (…). ».

    En revanche, les députés en séance publique ont supprimé la disposition suivante : « Le certificat attestant le décès est établi dans les conditions prévues à l’article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales. Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir. ».

    Des dispositions sont indiquées à la fin de l'article 9 pour détruire les restes de la préparation létale qui n'ont pas été utilisés (afin d'éviter un trafic ou une utilisation hors de contrôle, qui serait donc criminelle).

    D'autres dispositions poursuivent l'encadrement de cet acte très particulier. Ainsi, l'article 12 est ainsi rédigé : « La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ainsi que la décision de mettre fin à la procédure (…) ne peuvent être contestées que par la personne ayant formé cette demande, devant la juridiction administrative, selon les dispositions de droit commun. ».

    Ce qui a été complété par la disposition suivante : « Par dérogation au premier alinéa du présent article, la décision du médecin autorisant une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne à accéder à l’aide à mourir peut être contestée, dans un délai de deux jours à compter de sa notification, par la personne chargée de la mesure de protection, devant le juge des contentieux de la protection, en cas de doute sur l’aptitude de la personne ayant formé la demande d’aide à mourir à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. La saisine du juge des contentieux de la protection suspend la procédure prévue à la présente sous-section. Le juge des contentieux de la protection statue dans un délai de deux jours. ».

    Une clause de conscience pour le professionnel de santé a été prévue et définie dans l'article 14 : « Le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer à ces procédures doit, sans délai, informer la personne ou le professionnel le sollicitant de son refus et leur communiquer le nom de professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de celles-ci. ».

    L'article 17 est particulièrement sévère pour les "empêcheurs d'euthanasier en rond" : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir : 1° Soit en perturbant l’accès aux établissements où est pratiquée l’aide à mourir ou à tout lieu où elle peut régulièrement être pratiquée, en entravant la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces lieux ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ou en perturbant le lieu choisi par une personne pour l’administration de la substance létale ; 2° Soit en exerçant des pressions morales ou psychologiques, en formulant des menaces ou en se livrant à tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur l’aide à mourir, des personnels participant à la mise en œuvre de l’aide à mourir, des patients souhaitant recourir à l’aide à mourir ou de l’entourage de ces derniers ou des professionnels de santé volontaires (…). ». De plus, son deuxième alinéa permet à des associations déclarées depuis au moins cinq ans d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues précédemment. On imagine vite quelles associations pourraient profiter de cette disposition.

    Le troisième aliéna de l'article 18 a pour but d'éviter une marchandisation de l'euthanasie, à savoir, la création d'un business de la mort qui irait à l'encontre de la décision libre et éclairée de la personne : « À l’exception des prix de cession et des honoraires mentionnés au II du présent article [préparations létales et rémunérations des professionnels de santé pour cette mission], aucune rémunération ou gratification en espèces ou en nature, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée en échange d’un service dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir. ».

    L'article 19 intervient pour les assurances décès : « L’assurance en cas de décès doit couvrir le décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir (…). ». Ainsi, il n'est pas dit que la personne qui a appliqué l'aide à mourir est morte de mort naturelle, mais son décès reste couvert comme un décès naturel pour les assurances et mutuelles (au contraire du suicide).

    Enfin, je n'ai pas indiqué la traçabilité des procédures d'aide à mourir, son analyse statistique, son contrôle de légalité avec une commission spéciale, des rapports réguliers, etc. On a vu en Belgique que toute cette partie était folklorique et n'a pas montré une efficacité très élevée pour éviter des abus. De toute façon, tout contrôle a posteriori est trop tard pour ce genre de chose, évidemment.


    En conclusion

    Il faut être clair. Je suis absolument opposé au principe général d'inscrire l'aide à mourir (suicide assisté ou euthanasie) dans la loi parce que je sais que cela ouvre une boîte de Pandore qu'on ne refermera pas de sitôt. Je n'ai jamais été opposé au principe singulier et exceptionnel d'une aide à mourir dans le secret des consciences, celles des médecins et des patients. Mais la loi se fait dans un cadre général, et c'est cela qui est effrayant.

    Mais je dois aussi reconnaître que les conditions de la procédure d'aide à mourir telles qu'elles ont été définies par les députés sont convaincantes en ce sens que de nombreux garde-fou ont été institués pour éviter des erreurs de discernement et des abus. Je les ai indiqués plus haut et il faut s'en féliciter.

    Je reste inquiet car si cette loi venait à être adoptée (cela semble à peu près sûr à l'Assemblée Nationale, dès ce mardi 27 mai 2025 ; c'est moins sûr au Sénat), sa stabilité serait mise à rude épreuve. Rappelons-nous que la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 qui réglait plus de 99% des problèmes d'une anticipation de la mort n'a pas encore dix ans (on ne lui a pas donné sa chance) et va devenir obsolète (elle ne sera pas abrogée, ce qui est très rassurant ; ainsi, la sédation profonde et continue restera donc encore une possibilité même après l'adoption de la loi sur l'aide à mourir). Toute révision ultérieure de la certainement loi sur l'aide à mourir me donnera hélas raison en ce sens que les conditions seront simplement assouplies, la pratique élargie, et les abus seront alors possibles.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Olivier Falorni.
    Euthanasie 2025 (3) : l'examen de la proposition Falorni à l'Assemblée.
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

     

     

     

     
     

     

     

     

     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250525-euthanasie-2025c.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-3-l-examen-de-la-261183

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/26/article-sr-20250525-euthanasie-2025c.html


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  • Olivier Falorni, l'auteur du texte sur l'euthanasie à la française

    « Je remercie également le président Frédéric Valletoux. J’ai passé à côté de lui, non seulement physiquement mais aussi intellectuellement, quarante-deux heures en commission et soixante-huit heures en séance. Au-delà de ce temps passé ensemble, je dois dire, et mon expérience me permet d’avouer que ce n’est pas toujours le cas, que j’ai particulièrement apprécié, monsieur le président, votre sens de la modération, votre conception de la présidence de commission qui a toujours favorisé le sérieux et le respect dans les débats, et enfin votre écoute. Il est important qu’un président de commission sache écouter. Nous avons d’ailleurs bien travaillé entre la commission et la séance pour aboutir à un texte qui, à mon sens, s’est nettement amélioré. Merci, monsieur le président Valletoux ! Un dernier mot pour vous, madame la ministre Vautrin. La vie politique, parfois décevante, nous offre aussi parfois des moments heureux. Nous avons avancé ensemble sur ce chemin et j’en ai été très heureux. Je salue la force de vos convictions et la qualité de votre travail. Il n’est pas si fréquent de voir un ministre qui maîtrise autant son sujet du début à la fin. » (Olivier Falorni, le 24 mai 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Le député MoDem de La Rochelle, Olivier Falorni, disait ainsi, ce samedi 24 mai 2025 peu avant 13 heures, sa joie de voir s'achever avec succès l'examen en première lecture à l'Assemblée Nationale de sa proposition de loi relative au droit à l'aide à mourir, déposée le 11 mars 2025, dont il est le rapporteur général.

    Pour Olivier Falorni (53 ans), député depuis juin 2012, à l'époque maire de La Rochelle et membre du PS dont il était le secrétaire fédéral, candidat dissident contre Ségolène Royal qui voulait retrouver une circonscription et même candidate (un peu trop hâtivement) au perchoir (candidate qu'il a donc battue), c'est une grande victoire personnelle, plus personnelle que politique. L'euthanasie a toujours été l'un de ses dadas à l'Assemblée et il est aujourd'hui en capacité de la rendre effective.


    Reprenons l'historique rapidement. Une proposition avait été déposée et commencée à être examinée au printemps 2024 mais la dissolution a interrompu la procédure. Le Président Emmanuel Macron voulait l'adoption de cette proposition de loi mais de manière douce, il ne voulait pas, par exemple, instituer un « droit à l'aide à mourir » mais seulement une nouvelle possibilité. L'arrivée d'une Assemblée sans majorité a rendu les choses inextricables. La Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet tenait à ce qu'une proposition de loi fût à l'ordre du jour en début de l'année 2025. Après la censure du gouvernement de Michel Barnier et son arrivée à Matignon, François Bayrou a souhaité dissocier la proposition de loi en deux textes différents, l'un sur les soins palliatifs qui ne fait pas vraiment débat (tout le monde est pour l'augmentation des fonds consacrés aux soins palliatifs) et l'autre sur l'aide à mourir, plus clivante et politiquement plus incertaine.

    La proposition sur les soins palliatifs a été examinée en séance publique du 12 au 16 mai 2025. La proposition sur l'aide à mourir, la seule que j'évoquerai dans cet article, a été examinée du 16 au 24 mai 2025. Le mardi 27 mai 2025 auront lieu deux votes solennels, pour chacune de ces deux propositions de loi, et ces votes ont été prévus de longue date. Les députés craignaient de passer trop de temps sur la loi sur l'aide à mourir et de devoir faire des séance de nuit sur le sujet. Finalement, ils auront eu leur dimanche 25 mai 2025 de libre puisque la discussion de la proposition Falorni s'est achevée ce samedi 24 mai 2025 vers 13 heures. Il est en tout cas remarquable que les débats se soient faits de manière sereine et sans obstruction et c'est bien ce qu'a décrit Olivier Falorni : parfois, l'Assemblée est capable d'une grande maturité.


    Néanmoins, je regrette que cette maturité se soit illustrée pour instituer une euthanasie qui va dénaturer les valeurs fondamentales de notre République. Il est question ici d'évoquer le texte amendé après 42 heures de discussion en commission des affaires sociales (du 18 mars 2025 au 2 mai 2025) et 68 heures de discussion en séance publique (du 16 au 24 mai 2025) et qui va probablement être adopté en première lecture le 27 mai 2025. Je le présente tel qu'il est.

     
     


    Le texte amendé comporte vingt articles, dont certains sont très techniques et peu politiques.

    L'article 2 instaure ce nouveau "droit" intégré dans le code de la santé publique : « Le droit à l’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues (…), afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin ou par un infirmier. ».
     

     
     


    L'article 4, le plus crucial, donne les cinq conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier de ce nouveau droit (pour « accéder à l'aide à mourir »). Premièrement, être âgé d'au moins 18 ans. Deuxièmement, être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière (sans indication de durée). Les trois autres conditions pour la personne sont les plus importantes.

    La troisième condition : « Être atteinte d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou en phase terminale ».

    La quatrième condition : « Présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle-ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement. Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir. ». Cette dernière phrase rajoutée au cours de la discussion en séance publique est un heureux garde-fou contre tous les abus possibles, il a été proposé à la suite de certains constats connus à l'étranger.

    La cinquième condition : « Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée ». Il aurait été pertinent d'insister sur une manifestation répétée et constante de cette volonté.


    Ces cinq conditions sont, on le comprend, très exigeantes et contraignantes. Elles permettent à une large majorité des députés de s'y retrouver. Elles ne permettent pas, par exemple, l'euthanasie des personnes qui sont dans l'incapacité de manifester clairement et sans pression leur volonté d'en finir.

    Malheureusement, les partisans avant-gardistes de l'euthanasie ont accepté ces barrières à l'entrée car leur but est sur le principe anthropologique, mettre dans la loi (tant dans le code de la santé publique que dans le code pénal) l'idée qu'on peut faire mourir un malade. Ils sont persuadés que ce n'est qu'une étape et que d'autres lois élargiront les possibilités de cette loi-ci, c'est-à-dire assoupliront les conditions, comme cela a été les cas dans d'autres pays, par exemple, la Belgique où des enfants, sans indication d'âge, ou des personnes en "simple" dépression nerveuse ou atteintes de schizophrénie peuvent être euthanasiées sans que leur volonté fût clairement exprimée.

    L'article 5 précise la procédure pour manifester sa volonté d'euthanasie. La personne doit en faire « la demande écrite ou part tout autre mode d'expression adapté à ses capacités à un médecin en activité qui n'est ni son parent, ni son allié, ni son conjoint, ni son concubin, ni le partenaire auquel elle est liée un pacte civil de solidarité, ni son ayant droit ». En outre, une téléconsultation ne serait pas valable, il faudrait alors que le médecin se déplace pour recueillir sa demande, en cas d'empêchement de se déplacer du demandeur.
     

     
     


    Le médecin qui reçoit la demande d'euthanasie a alors cinq obligations : une obligation d'informer la personne « sur son état de santé, sur les perspectives d'évolution de celui-ci ainsi que sur les traitements et les dispositifs d'accompagnement disponibles » ; une obligation d'informer la personne « qu’elle peut bénéficier de l’accompagnement et des soins palliatifs (…) et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; une obligation de proposer « à la personne et à ses proches de les orienter vers un psychologue ou un psychiatre et s’assure, si la personne le souhaite, qu’elle y ait accès de manière effective » ; enfin, une obligation d'indiquer à la personne « qu’elle peut renoncer, à tout moment, à sa demande ». Ces quatre obligations concourent au caractère éclairé de la demande de la personne qui doit prendre sa décision en toute connaissance de cause. La cinquième obligation est d'expliquer à la personne « les conditions d'accès à l'aide à mourir et sa mise en œuvre ».

    Dans l'article 6, un certain nombre de garde-fou ont été mis dans la procédure. Par exemple : « La personne dont le discernement est gravement altéré par une maladie lors de la démarche de demande d’aide à mourir ne peut pas être reconnue comme manifestant une volonté libre et éclairée. ». De même, pour vérifier les trois dernières conditions à remplir pour demander l'aide à mourir, « le médecin met en place une procédure collégiale ». Le médecin a quinze jours pour notifier à la personne, « oralement et par écrit, sa décision motivée » sur sa demande d'euthanasie (acceptation ou rejet).

    Une autre assertion est très importante dans le même article 6, rajoutée au cours de la discussion en séance publique : « Lorsque la personne malade est atteinte d’une maladie neurodégénérative, l’évaluation de sa capacité de discernement doit tenir compte de son mode de communication et des dispositifs adaptés utilisés et ne peut se fonder exclusivement sur des tests cognitifs sensibles à la fatigue, à l’anxiété ou aux troubles moteurs. ».

    Dans le quatrième aliéna de l'article 6, le texte précise le délai de réflexion : « Après un délai de réflexion d’au moins deux jours à compter de la notification de la décision [par le médecin], la personne confirme au médecin qu’elle demande l’administration de la substance létale. ». Deux jours paraissent très court pour une décision d'une telle importance. Et encore, les députés en séance publique ont supprimé du texte cette phrase : « Toutefois, ce délai peut être abrégé à la demande de la personne si le médecin estime que cela est de nature à préserver la dignité de cette dernière telle qu’elle la conçoit. ». Non seulement, cela aurait réduit encore plus le délai, mais l'insertion du mot "dignité" aurait été philosophiquement scandaleux, chaque être humain, quel que soit son état, préserve intrinsèquement sa dignité et dire le contraire, surtout dans un texte de loi, aurait suggéré que des personnes ne devraient plus être en état de vivre parce qu'elles seraient "indignes". Heureusement, donc, cette phrase a été supprimée.

     
     


    En revanche, si la confirmation de la demande intervient plus de trois mois après la notification du médecin, alors « le médecin évalue à nouveau le caractère libre et éclairé de la manifestation de la volonté en mettant en œuvre, si besoin, la procédure » initiale.

    Dans un tel cas de confirmation de la demande d'euthanasie, alors le médecin « détermine, en accord avec la personne, les modalités d’administration de la substance létale et le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner pour cette administration » (cinquième alinéa de l'article 6).

    L'article 7 prévoit la date et le lieu de l'euthanasie. La date : « Avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner (…), la personne convient de la date à laquelle elle souhaite procéder à l’administration de la substance létale. ». Le lieu : « Dans des conditions convenues avec le médecin ou l’infirmier chargé de l’accompagner, l’administration de la substance létale peut être effectuée, à la demande de la personne, en dehors de son domicile, à l’exception des voies et espaces publics. ». De plus : « La personne peut être entourée par les personnes de son choix pendant l’administration de la substance létale. Le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne informe les proches et les oriente, si nécessaire, vers les dispositifs d’accompagnement psychologique existants. ».

    Un nouveau garde-fou a été inséré en séance publique dans l'article 9 du texte : « Le jour de l’administration de la substance létale, le médecin ou l’infirmier chargé d’accompagner la personne vérifie que la personne confirme qu’elle veut procéder ou, si elle n’est pas en capacité physique de le faire elle-même, faire procéder à l’administration et veille à ce qu’elle ne subisse aucune pression de la part des personnes qui l’accompagnent pour procéder ou renoncer à l’administration. (…) Si la personne qui a confirmé sa volonté demande un report de l’administration de la substance létale, le professionnel de santé suspend la procédure et, à la demande du patient, convient d’une nouvelle date (…). ». Cela signifie que jusqu'au dernier moment, une personne demandeuse de l'aide à mourir peut interrompre le processus, et cela sans qu'aucune pression ne puisse avoir lieu.

    Le troisième alinéa de l'article 9 précise : « Une fois la substance létale administrée, la présence du professionnel de santé aux côtés de la personne n’est plus obligatoire. Il est toutefois suffisamment près et en vision directe de la personne pour pouvoir intervenir en cas de difficulté (…). ».

    En revanche, les députés en séance publique ont supprimé la disposition suivante : « Le certificat attestant le décès est établi dans les conditions prévues à l’article L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales. Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une aide à mourir. ».

    Des dispositions sont indiquées à la fin de l'article 9 pour détruire les restes de la préparation létale qui n'ont pas été utilisés (afin d'éviter un trafic ou une utilisation hors de contrôle, qui serait donc criminelle).

    D'autres dispositions poursuivent l'encadrement de cet acte très particulier. Ainsi, l'article 12 est ainsi rédigé : « La décision du médecin se prononçant sur la demande d’aide à mourir ainsi que la décision de mettre fin à la procédure (…) ne peuvent être contestées que par la personne ayant formé cette demande, devant la juridiction administrative, selon les dispositions de droit commun. ».

    Ce qui a été complété par la disposition suivante : « Par dérogation au premier alinéa du présent article, la décision du médecin autorisant une personne faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec assistance ou représentation relative à la personne à accéder à l’aide à mourir peut être contestée, dans un délai de deux jours à compter de sa notification, par la personne chargée de la mesure de protection, devant le juge des contentieux de la protection, en cas de doute sur l’aptitude de la personne ayant formé la demande d’aide à mourir à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. La saisine du juge des contentieux de la protection suspend la procédure prévue à la présente sous-section. Le juge des contentieux de la protection statue dans un délai de deux jours. ».

    Une clause de conscience pour le professionnel de santé a été prévue et définie dans l'article 14 : « Le professionnel de santé qui ne souhaite pas participer à ces procédures doit, sans délai, informer la personne ou le professionnel le sollicitant de son refus et leur communiquer le nom de professionnels de santé disposés à participer à la mise en œuvre de celles-ci. ».

    L'article 17 est particulièrement sévère pour les "empêcheurs d'euthanasier en rond" : « Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen, y compris par voie électronique ou en ligne, notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales de l’aide à mourir : 1° Soit en perturbant l’accès aux établissements où est pratiquée l’aide à mourir ou à tout lieu où elle peut régulièrement être pratiquée, en entravant la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces lieux ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux ou en perturbant le lieu choisi par une personne pour l’administration de la substance létale ; 2° Soit en exerçant des pressions morales ou psychologiques, en formulant des menaces ou en se livrant à tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur l’aide à mourir, des personnels participant à la mise en œuvre de l’aide à mourir, des patients souhaitant recourir à l’aide à mourir ou de l’entourage de ces derniers ou des professionnels de santé volontaires (…). ». De plus, son deuxième alinéa permet à des associations déclarées depuis au moins cinq ans d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues précédemment. On imagine vite quelles associations pourraient profiter de cette disposition.

    Le troisième aliéna de l'article 18 a pour but d'éviter une marchandisation de l'euthanasie, à savoir, la création d'un business de la mort qui irait à l'encontre de la décision libre et éclairée de la personne : « À l’exception des prix de cession et des honoraires mentionnés au II du présent article [préparations létales et rémunérations des professionnels de santé pour cette mission], aucune rémunération ou gratification en espèces ou en nature, quelle qu’en soit la forme, ne peut être allouée en échange d’un service dans le cadre d’une procédure d’aide à mourir. ».

    L'article 19 intervient pour les assurances décès : « L’assurance en cas de décès doit couvrir le décès en cas de mise en œuvre de l’aide à mourir (…). ». Ainsi, il n'est pas dit que la personne qui a appliqué l'aide à mourir est morte de mort naturelle, mais son décès reste couvert comme un décès naturel pour les assurances et mutuelles (au contraire du suicide).

    Enfin, je n'ai pas indiqué la traçabilité des procédures d'aide à mourir, son analyse statistique, son contrôle de légalité avec une commission spéciale, des rapports réguliers, etc. On a vu en Belgique que toute cette partie était folklorique et n'a pas montré une efficacité très élevée pour éviter des abus. De toute façon, tout contrôle a posteriori est trop tard pour ce genre de chose, évidemment.


    En conclusion

    Il faut être clair. Je suis absolument opposé au principe général d'inscrire l'aide à mourir (suicide assisté ou euthanasie) dans la loi parce que je sais que cela ouvre une boîte de Pandore qu'on ne refermera pas de sitôt. Je n'ai jamais été opposé au principe singulier et exceptionnel d'une aide à mourir dans le secret des consciences, celles des médecins et des patients. Mais la loi se fait dans un cadre général, et c'est cela qui est effrayant.

    Mais je dois aussi reconnaître que les conditions de la procédure d'aide à mourir telles qu'elles ont été définies par les députés sont convaincantes en ce sens que de nombreux garde-fou ont été institués pour éviter des erreurs de discernement et des abus. Je les ai indiqués plus haut et il faut s'en féliciter.

    Je reste inquiet car si cette loi venait à être adoptée (cela semble à peu près sûr à l'Assemblée Nationale, dès ce mardi 27 mai 2025 ; c'est moins sûr au Sénat), sa stabilité serait mise à rude épreuve. Rappelons-nous que la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016 qui réglait plus de 99% des problèmes d'une anticipation de la mort n'a pas encore dix ans (on ne lui a pas donné sa chance) et va devenir obsolète (elle ne sera pas abrogée, ce qui est très rassurant ; ainsi, la sédation profonde et continue restera donc encore une possibilité même après l'adoption de la loi sur l'aide à mourir). Toute révision ultérieure de la certainement loi sur l'aide à mourir me donnera hélas raison en ce sens que les conditions seront simplement assouplies, la pratique élargie, et les abus seront alors possibles.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Olivier Falorni.
    Euthanasie 2025 (3) : l'examen de la proposition Falorni à l'Assemblée.
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

     

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250524-falorni.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/26/article-sr-20250524-falorni.html


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  • La longévité du Professeur Bayrou

    « Le gouvernement dispose d’un (…) atout décisif. C’est le besoin, l’exigence, l’injonction que le pays nous assigne : retrouver la stabilité. Tous les Français en ont besoin. Ils comprennent bien que nous ne sommes pas d’accord sur tout, mais ils nous enjoignent de joindre nos forces pour forcer les issues. Un grand pays, un pays digne de ce nom, est un pays capable de regarder en face ses chances, nous croyons qu’elles sont grandes, et ses difficultés qui ne le sont pas moins. Les sujets d’inquiétude sont innombrables, mais il en est un, criant, qui émerge avec force : le surendettement du pays. » (François Bayrou, le 14 janvier 2025 dans l'hémicycle, lors de sa déclaration de politique générale).




     

     
     


    Le jeudi 22 mai 2025 est passé inaperçu un petit événement politique, voire un petit exploit politique : le Premier Ministre François Bayrou a dépassé la longévité de son déjà lointain prédécesseur socialiste Bernard Cazeneuve, à savoir 5 mois et 9 jours. Ce dernier a succédé à Manuel Valls à Matignon du 6 décembre 2016 au 15 mai 2017, car le futur Ministre des Outre-mer était candidat à la primaire socialiste de janvier 2017 pour être le candidat du PS à l'élection présidentielle de 2017. Comme il fallait bien un chef du gouvernement, François Hollande a choisi Bernard Cazeneuve, un proche, qui a eu depuis le début de son quinquennat une forte destinée ministérielle : Affaires européennes, Budget, Intérieur et enfin Matignon. Il l'a préféré en particulier à Ségolène Royal.

    On a d'ailleurs parlé de Bernard Cazeneuve comme Premier Ministre depuis cet été 2024, dans une configuration parlementaire impossible, un hémicycle divisé en trois pôles quasi-identiques rendant l'action de gouverner très compliquée.


    Pour François Bayrou, nommé à Matignon le 13 décembre 2024, c'est donc un petit exploit, et il entend le renouveler tout au long de la fin de ce second quinquennat du Président Emmanuel Macron.
     

     
     


    L'histoire de la Cinquième République est inédite depuis 2024. On pensait que toutes les situations politiques pouvaient avoir déjà été connues, et en fait, non. La principale inconnue était les périodes de cohabitation, c'est-à-dire lorsque des élections législatives amènent une majorité parlementaire opposée au camp du Président de la République. Elles furent inaugurées le16 mars 1986 et, finalement, a été produite trois fois, deux de deux ans et une de cinq ans (Jacques Chirac de mars 1986 à mai 1988, Édouard Balladur de mars 1993 à mai 1995 et Lionel Jospin de juin 1997 à juin 2002). Ces périodes ont montré la souplesse et la polyvalence de la Constitution, mais toujours à l'avantage de l'exécutif.

    D'autres innovations institutionnelles ont eu lieu par la suite. Ainsi, Jacques Chirac en 2002 a réussi à exclure la gauche du second tour de l'élection présidentielle. En fait, cela avait déjà été le cas en 1969, et l'innovation était que c'est l'extrême droite qui était présente au second tour. Cela s'est déjà renouvelé deux fois par la suite, en 2017 et 2022, et tout semble mener à un quatrième cas d'espèce en 2027.


    En 2017, nouvelle innovation. Je précise, je reprends mon texte, ce n'était pas Jacques Chirac qui a exclu Lionel Jospin en 2022, mais le peuple, bien sûr. La nouvelle innovation en 2017, c'est que le peuple a exclu du second tour à la fois le PS et LR, les deux partis de gouvernement et d'alternance gauche/droite. Le clivage s'est donc modifié en centrisme/extrémisme, avec des nuances qu'il faudrait préciser.
     

     
     


    Jusqu'en 2024, la nomination procédait de la prérogative exclusive du Président de la République, soit dans une totale indépendance, lorsque le Président jouit d'une majorité à l'Assemblée, soit dans une totale contrainte, lorsqu'il est confronté à une opposition devenue majoritaire à l'Assemblée, auquel cas la nouvelle majorité impose au Président le nom du Premier Ministre, ce qui confirme bien la nature à la fois démocratique (mais c'est une évidence, puisqu'il y a des élections présidentielles et législatives libres, sincères et à bulletins secrets) et aussi parlementaire pour ceux qui en auraient douté.

    Du reste, si, avant 2024, seule une motion de censure a été adoptée par l'Assemblée, elle l'a été de manière quasi-originelle, contre le deuxième Premier Ministre de la Cinquième Georges Pompidou le 4 octobre 1962 (c'était une situation exceptionnelle car la classe politique refusait absolument le principe de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct et de sa ratification par référendum, sans débat parlementaire dans une procédure ordinaire de révision de la Constitution).

    Depuis la législature actuelle, la dix-septième, issue du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024, la situation est complètement inédite : non seulement il n'existe pas de majorité absolue mais il n'existe quasiment pas de majorité relative. Cela signifie que la stabilité du gouvernement est très aléatoire (confirmant le nature parlementaire de nos institutions). Le premier Premier Ministre Michel Barnier dans cette configuration en a fait les frais, puisqu'il a été censuré au bout de seulement trois mois (il a quitté Matignon au bout de 3 mois et 8 jours), prenant la place du record de brièveté à Matignon sous la Cinquième République (dans les républiques précédentes, il y a eu nettement plus forts que lui). Un record historique sans doute injuste mais sans doute aurait-il dû adapter sa gouvernance à la complexité de la situation parlementaire.

     

     
     


    Sur les vingt-huit Premiers Ministres de la Cinquième République, les deux seuls Premiers Ministres (à ce jour) à avoir été censurés se retrouvent à l'extrémité : l'un détient le record de brièveté, Michel Barnier, donc, et l'autre... le record de longévité, Georges Pompidou, 6 ans, 2 mois et 26 jours. Georges Pompidou aurait pu, voire aurait dû quitter Matignon au bout de 5 mois et 20 jours (François Bayrou n'en est plus très loin)... mais De Gaulle a choisi de riposter à la censure par la dissolution. La grande nouveauté du 5 décembre 2024, c'est que Michel Barnier a été censuré alors que le Président de la République, qui avait déjà dissous dans l'année courante, avait perdu son droit de dissolution (il le retrouvera le 9 juin 2025).

    Or, le problème de Michel Barnier, c'est qu'il se comportait comme un Premier Ministre normal de la Cinquième République, c'est-à-dire avec autorité, dirigisme et vision, alors qu'il n'en avait pas les moyens parlementaires. La nomination de François Bayrou était ce que la France pouvait le mieux espérer dans une telle situation.

     

     
     


    Pourquoi ? Parce que François Bayrou a réfléchi depuis plus de vingt ans, plutôt même trente ans, à ce jour où il serait nommé Premier Ministre sans qu'aucune majorité ne soit possible à l'Assemblée. Être un tel chef de gouvernement est totalement novateur. Michel Barnier ne l'avait pas compris. Cela donne de nombreuses contraintes qu'on pourrait résumer à se réduire à l'immobilisme, mais aussi à gagner de merveilleuses libertés, notamment limiter les initiatives politiques du Président de la République.

    Depuis sa nomination qu'il a obtenue à l'arraché, François Bayrou a toujours paru serein et surtout, n'a jamais été étonné d'être là, comme si c'était prévu depuis longtemps. Évidemment, on reproche à François Bayrou de ne rien faire. C'est même le principal sujet des caricaturistes à son égard et ma foi, il vaut mieux en rire qu'en pleurer. Soyons réaliste : que peut-il faire face à une Assemblée avec un tiers qui le soutient comme une corde à un pendu, un tiers d'extrême droite et un tiers d'une gauche dont la moitié est éructante, populiste, vociférante ? Pas grand-chose.

    Et au départ, il a réussi déjà un véritable exploit : faire adopter le budget de la nation (et celui de la sécurité sociale), chose que, malgré ses ambitieuses visions, Michel Barnier n'avait pas réussi à obtenir de l'Assemblée.

    Réussir à éviter la conjonction des oppositions est un art de la politique, un grand art, et François Bayrou l'a manifestement. Je peux même dire qu'il est le seul à l'avoir ! Alors, bien sûr, il y a le risque de l'immobilisme, mais franchement, ce reproche n'a-t-il jamais été fait auparavant dans des circonstances politiques pourtant bien plus faciles ?


    On peut mettre au crédit de François Bayrou sa bonne foi et sa sincérité : il souhaite l'intérêt général et peu peuvent penser qu'il agit avec l'arrière-pensée d'être candidat à l'élection présidentielle. Ce n'est pas à 73 ans qu'on devient... candidat ? Ah, si, c'est possible, ce sera au moins le cas de Jean-Luc Mélenchon, si "La Meute" (excellente enquête) ne l'a pas achevé d'ici là.
     

     
     


    Pour ne pas liguer les oppositions contre lui, il doit montrer de la bonne volonté. C'était le cas pour le RN avec sa volonté de lutter efficacement contre l'insécurité et son choix de maintenir Bruno Retailleau à l'Intérieur. C'était aussi le cas pour le PS avec la nomination d'un Ministre de l'Économie et des Finances dit de gauche, Éric Lombard, et le fameux conclave sur les retraites.

    C'est surtout le cas de sa manière de gouverner, qui peut déconcerter lorsqu'on a le pouvoir. Car la première singularité, c'est de penser que tous ses ministres sont des forces de rayonnement et d'intérêt, ce qui va à l'encontre de la consigne "je ne veux voire qu'une seule tête". Ainsi, les ministres sont très autonomes et peuvent même bénéficier d'un retour médiatique personnel. À charge pour eux de ne pas trop se contredire entre eux publiquement, sinon, il y aura quand même recadrage.


    Mais cette gouvernance s'applique aussi avec les parlementaires. Lorsqu'on regarde l'agenda parlementaire, la plupart des textes en discussion sont des propositions de loi qui émanent de parlementaires, et pas des projets de loi qui émanent du gouvernement. Seules les lois de finances émanent du gouvernement.
     

     
     


    François Bayrou se focalise en fait sur la préparation du budget 2026. Et surtout, sur la réduction du déficit de 40 milliards d'euros. Il l'avait présenté dès sa déclaration de politique générale le 14 janvier 2025 : « J’affirme qu’aucune politique de ressaisissement et de refondation ne pourra être conduite sans tenir compte de ce surendettement et sans se fixer pour objectif de le contenir et de le réduire. ».
     

     
     


    Or, aujourd'hui, cela n'avance pas. Il a assuré qu'il voulait reprendre le budget sur une feuille blanche, redéfinir les missions de l'État, etc., mais cela s'apparente à une mission impossible. En plus, la préparation de l'élection présidentielle de 2027 mais aussi des élections municipales de 2026 risque d'impacter sur les prises de positions politiques. Les congrès de LR et du PS vont aussi avoir une influence.
     

     
     


    Mine de rien, François Bayrou est un véritable miraculé. Il a déjà réussi à passer l'épreuve du budget 2025, ce qui n'était pas une mince affaire. Il a ensuite passé l'épreuve de la grave condamnation en première instance de Marine Le Pen qui sera sans doute empêchée de se présenter à l'élection présidentielle prochaine (on verra ce que dira le procès en appel prévu avant l'été 2026), qui aurait pu conduire le RN à adopter une politique de terre brûlée. Enfin, il a franchi l'épreuve peu envieuse de Bétharram, un scandale de pédocriminalité qui affecte des centaines de victimes mais qui a été l'objet d'une basse récupération politicienne de la part de députés insoumis en accusant scandaleusement le Premier Ministre de n'importe quoi.
     

     
     


    Son audition de cinq heures trente du 14 mai 2025 devant la commission d'enquête s'est transformée en une sorte de procès à charge qui n'avait pas lieu d'être dans une enceinte de la République telle que l'Assemblée Nationale. François Bayrou a su répondre avec sincérité et même avec émotion (au-delà des accusations portées contre lui, sa propre fille a été l'une des victimes et il l'a appris très récemment ; au contraire des menteurs, il n'était pas impassible ni froid, et était très ému), mais aussi avec fermeté et pugnacité, aux questions inquisitoriales du député FI Paul Vannier, en apportant des preuves factuelles.
     

     
     


    Bien sûr, François Bayrou a de nombreuses autres épreuves à passer, en particulier le budget 2026 (mais il est encore loin, l'automne 2025), aussi des textes très sensibles comme la loi de simplification pour les agriculteurs qui va être discutée dans les prochains jours, et aussi la possible remise en cause des ZFE, etc., et bien sûr la conclusion prochaine du conclave sur les retraites.

    Parmi les vingt-huit Premiers Ministres que comptent à ce jour la Cinquième République, seulement quatre ou cinq ont dépassé les quatre ans de longévité : Georges Pompidou, François Fillon, Lionel Jospin, Raymond Barre et Jacques Chirac (mais en deux périodes non consécutives). Alors que sept n'ont pas franchi le seuil de la première année à Matignon : Michel Barnier, Gabriel Attal, Bernard Cazeneuve, Édith Cresson, Maurice Couve de Murville et Pierre Bérégovoy.
     

     
     


    Et bien sûr François Bayrou, mais lui, du haut de sa chaire paloise (ou béarnaise), pense qu'il continuera à surfer sur Matignon avec cette "soft gouvernance" jusqu'en mai 2027. À la différence de Michel Barnier, François Bayrou retrouvera dans quelques jours le parapluie de la dissolution contre une éventuelle motion de censure. En tout cas, en mi-août 2025, il aura dépassé la longévité de Gabriel Attal (qui n'a pas eu le temps de défendre aucune loi de finances), de quoi saluer la méthode Bayrou avant les précipitations soutenues du budget 2026.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (24 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La longévité du Professeur Bayrou.
    Les Républicains.
    Le PS.
    EELV.
    Emmanuel Macron : qu'allait-il faire dans cette galère ?
    Interview du Président Emmanuel Macron le mardi 13 mai 2025 sur TF1 (vidéo).
    Emmanuel Macron à l'initiative pour la paix en Ukraine.
    Emmanuel Macron, le référendum et les Français.
    Emmanuel Macron veut-il influencer l'élection du nouveau pape ?
    Bétharram : François Bayrou a apporté les preuves de sa bonne foi.
    Bétharram : François Bayrou bouleversé par le témoignage de sa fille.
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250523-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-longevite-du-professeur-bayrou-261128

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/23/article-sr-20250523-bayrou.html



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  • La nouvelle direction de LR : cap vers 2027 ?

    « Félicitations chaleureuses à Bruno Retailleau pour sa magnifique victoire. Les Français engagés souhaitent, je le crois, que nous fassions cause commune pour sortir, autant que possible, notre pays des difficultés qu'il traverse. Ils aiment la diversité et veulent la solidarité. » (François Bayrou, le 18 mai 2025 sur Twitter).



     

     
     


    Les chaleureuses félicitations du Premier Ministre François Bayrou à son Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau pour sa brillante élection à la présidence du parti Les Républicains (à plus de 74%) contre son rival Laurent Wauquiez, ont rappelé l'intérêt du socle commun, celui de consolider un gouvernement prêt à se volatiliser à la moindre difficulté.

    En ce sens, ce n'est pas le même ressenti du côté de l'Élysée. Emmanuel Macron semble au contraire s'inquiéter des thèmes de droite dure que veut porter le Ministre de l'Intérieur. Plus généralement, les macronistes voient en Bruno Retailleau un nouveau candidat rival de l'élection présidentielle de 2027 aux côtés de Gabriel Attal, Gérald Darmanin et Édouard Philippe, entre autres, déjà dans les starting-blocks de la course présidentielle.
     

     
     


    Rappelons que le combat était inégal. Laurent Wauquiez, ancien favori, était devenu outsider dès lors qu'il y avait un concurrent solide contre lui. Bruno Retailleau avait déjà beaucoup plus de parrains que son rival. Il a été soutenu par tous les grands caciques de LR, en particulier par Michel Barnier, Gérard Larcher, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Jean-François Copé, François Fillon, David Lisnard, Agnès Evren, Patrick Hetzel, Muriel Jourda, Marc-Philippe Daubresse, Laurence Garnier, Michel Savin, François-Xavier Bellamy, Othman Nasrou, etc. Quant à Laurent Wauquiez, les soutiens étaient plus rares, comme ceux de Fabien Di Filippo, Yannick Neuder, Christian Jacob, Florence Portelli, Michèle Tabarot, Vincent Jeanbrun, Nicolas Daragon, etc.
     

     
     


    Le secret de la victoire de Bruno Retailleau ? Il en a touché deux mots, ou plutôt, un seul mot, la sincérité : « Lorsqu'on fait de la politique avec ses tripes et ses convictions, on obtient des résultats. Il faut être sincère : quand la politique, c'est de l'insincérité, les gens le sentent, les gens le voient. ». Cela remet en cause toute la pratique politique des anciens. Une prime à la vertu ! C'est rare.
     

     
     


    Fort de son soutien interne, Bruno Retailleau est allé très rapidement pour former un nouveau bureau de LR. Selon "Le Parisien" du 22 mai 2025, il aurait proposé à Laurent Wauquiez le poste de numéro deux du parti, vice-président délégué, mais l'intéressé a démenti qu'on le lui avait proposé.
     

     
     


    La cohabitation avec Laurent Wauquiez ne sera certainement pas de tout repos. Dans son éditorial le 19 mai 2025 sur France Inter, le journaliste Maxence Lambrecq s'interrogeait avec pertinence : « Mais comment cet homme intelligent peut nier deux évidences ? La première : il a perdu. Ses propres troupes ne veulent pas de lui. C’est pourtant clair ? Quand on échoue violemment à devenir délégué de classe, on ne rêve pas de présider l’interclub du collège. Mais non, lui se dit que c’est son destin, que dans un an, peut-être, tout sera différent. La seconde évidence : Bruno Retailleau a gagné parce qu’il apparaît sincère et qu’il est Ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron depuis septembre. Les adhérents ont tranché : plutôt l’action imparfaite que le discours magique. Le problème, c’est que Laurent Wauquiez reste le patron du groupe LR à l’Assemblée, il garde, donc, ce pouvoir de nuisance. À moins que les députés s’en débarrassent, ce qui serait logique étant donné son score. ».
     

     
     


    Toujours est-il que Laurent Wauquiez est un prudent. Il avait invité le nouveau président de LR à se rendre à la réunion du groupe LR à l'Assemblée le 20 mai 2025. Mais peu auparavant, il avait surpris les députés LR en arrachant sur le champ le renouvellement de la confiance envers lui à la présidence du groupe. Certains députés LR estimaient qu'il aurait dû simplement démissionner et remettre ce mandat en jeu, mais en prenant de vitesse ces députés retaillistes, il a sauvé son unique responsabilité au sein de LR, qui lui donne d'office le droit d'intégrer toutes les instances décisionnelles du parti.

    Bruno Retailleau a nommé le nouveau bureau de LR le lendemain, le mercredi 21 mai 2025, sans surprise. Le numéro deux reste un fidèle filloniste, François-Xavier Bellamy, vice-président délégué. Ancien secrétaire d'État (très furtif) et vice-président du conseil régional d'Île-de-France, Othman Nasrou est bombardé secrétaire général de LR, il était le directeur de campagne de Bruno Retailleau. Il est secondé par cinq secrétaires généraux adjoints : Kristell Niasme (maire de Villeneuve-Saint-Georges, qui a gagné la municipale partielle en février 2025 contre Louis Boyard), Justine Gruet (députée proche de Laurent Wauquiez), Nicolas Daragon (maire de Valence et ancien ministre proche de Laurent Wauquiez), Béatrice de Montille (élue de Lyon et proche de David Lisnard) et Pierre-Henri Dumont (ancien député). En outre, la nouvelle porte-parole est la très influente sénatrice de Paris Agnès Evren (patronne de la fédération LR de Paris, la plus importante), secondée par deux porte-parole adjoints, la sénatrice Alexandra Borchio-Fontimp (ancienne proche de l'ancien président de LR Éric Ciotti) et Jonas Haddad (vice-président du conseil régional de Normandie).
     

     
     


    Le trésorier Daniel Fasquelle (maire du Touquet), après dix ans de bons et loyaux services, cède la place à l'entrepreneur Pierre Danon (ancien patron de Numericable), un des hommes majeurs de la campagne de François Fillon en 2017. Anne Genevard (Ministre de l'Agriculture) devient présidente de la commission nationale des investitures, prenant la place de Michèle Tabarot, proche de Laurent Wauquiez et désignée par Éric Ciotti. Enfin, annoncé dès le comité stratégique du 20 mai 2025, l'ancien Premier Ministre Michel Barnier est désigné président du conseil national de LR, l'équivalent du parlement de LR, place qui était occupée auparavant par Rachida Dati (Ministre de la Culture).
     

     
     


    Pour présenter sa nouvelle équipe à la tête de LR, Bruno Retailleau a simplement expliqué : « La droite a trop longtemps souffert de ses divisions et de sa paresse intellectuelle. Il est temps de tourner la page. Place désormais au collectif et au travail. ». Histoire de dire que depuis l'échec historique de 2017, LR ne s'est pas renouvelé par paresse et n'est donc plus une force de proposition originale et pertinente. Pire ! Depuis la trahison du précédent président, Éric Ciotti, qui a rejoint Marine Le Pen, ce parti n'était plus animé, ne vivait plus, n'était qu'une coquille vide.

    Bruno Retailleau n'insistera probablement pas sur le dixième anniversaire de la fondation de LR, le 30 mai 2015. Il préfère le travail au triomphalisme creux. De quoi inquiéter Marine Le Pen et Jordan Bardella qui pourraient être impactés par la popularité grandissante de Bruno Retailleau.

     

     
     


    Pour l'heure, il n'a échappé à aucun observateur de la vie politique que Bruno Retailleau a reçu un soutien très appuyé de l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy. S'étant promis un silence médiatique depuis ses condamnations judiciaires, il a fait une seule exception pour rendre hommage à la jeune policière qui s'était fait tuer en service à l'âge de 26 ans, Aurélie Fouquet, il y a juste quinze ans. Le président fondateur de LR est en effet venu le 20 mai 2025 accompagner Bruno Retailleau et surtout la famille de la policière (les parents et le jeune fils qui a perdu sa mère à l'âge de 1 an, il a maintenant 16 ans) pour exprimer son émotion toujours aussi marquée par cette tragédie. Faire de la politique avec ses tripes, on vous dit.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La nouvelle direction de LR : cap vers 2027 ?
    Bruno Retailleau.
    LR : plébiscite pour Bruno Retailleau !
    Congrès LR : les jeux sont-ils faits ?
    De Gaulle.
    Philippe Bas.
    Xavier Bertrand.
    L'offensive de Bruno Retailleau.
    Nicolas Sarkozy.
    Jean-Louis Debré.
    Claude Malhuret.
    Philippe De Gaulle.
    François-Xavier Ortoli.
    Alain Juppé.

    Jean Tiberi.
    Édouard Philippe.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
    Yvon Bourges.
    Christian Poncelet.
    René Capitant.
    Patrick Devedjian.



     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250521-les-republicains.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-nouvelle-direction-de-lr-cap-261127

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/23/article-sr-20250521-les-republicains.html


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  • Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions

    « Derrière une apparente volonté de compassion et d’encadrement, ce texte opère un basculement radical : il introduit légalement la possibilité d’administrer la mort, par suicide assisté ou euthanasie, en bouleversant profondément les fondements de l’éthique médicale et sociale. » (la CRCF, le 15 mai 2025).



     

     
     


    Dans mon précédent article sur l'euthanasie, j'expliquais que l'argumentation devait éviter de se référer à une religion, en ce sens que la République doit pouvoir légiférer sans influence d'une religion, et c'est le principe de laïcité qui est traditionnel en France. Sans ce principe, la loi sur l'IVG, par exemple, n'aurait jamais pu être adoptée.

    Toutefois, cela ne signifie pas que les religions n'ont pas leur mot à dire. Au même titre que n'importe quel citoyen français, les religions basées en France ont le droit d'avoir réfléchi et de s'exprimer sur ce sujet très important, d'autant plus qu'elles sont bien placées pour en parler car c'est l'objet, pour elles, de nombreux sujets d'étude, la mort, l'accompagnement des personnes mourantes, l'accompagnement des personnes en souffrance, en situation de handicap, etc.


    Or, il y a eu un petit événement qui est, semble-t-il, passé complètement inaperçu dans les médias, c'est que l'ensemble des grandes religions présentes en France s'est réuni et a fait un communiqué commun, a pris une position commune sur la proposition de loi en cours d'examen à l'Assemblée Nationale. Et le message, c'est une forte inquiétude pour l'avenir.

    Il s'agit de la CRCF qui est la Conférence des responsables de culte en France, fondée le 23 novembre 2010. Elle rassemble les représentants des religions catholique, protestante, orthodoxe, juive, musulmane et bouddhiste. Elle a pour objectif de favoriser le dialogue interreligieux et le dialogue avec les pouvoirs publics dans le respect de la laïcité française. Elle souhaite contribuer ensemble à la cohésion de la société français dans le respect des autres courants de pensée et par la reconnaissance de la laïcité comme fondement de la République. Un tel unanimisme sur l'euthanasie est notable et rare, tant certaines de ces religions ont guerroyé entre elles, ou parfois guerroient encore aujourd'hui.

    Un communiqué commun a été signé le jeudi 15 mai 2025 par six représentants religieux : Mgr Éric de Moulins-Beaufort, le président de la Conférence des évêques de France (qui va bientôt céder la place à Mgr Jean-Marc Aveline, le 1er juillet 2025), Pasteur Christian Krieger, le président de la Fédération protestante, Mgr Dimitrios Ploumis, le métropolite de France et président de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France, Haïm Korsia, le grand-rabbin de France, Chems-Eddine Hafiz, le recteur de la grande mosquée de Paris, et Antony Boussemart, le coprésident de l'Union bouddhiste de France.
     

     
     


    Les religions ont voulu alerter solennellement sur « les graves dérives » qu'introduirait la proposition de loi sur "l'aide à mourir". Cinq inquiétudes ont été exprimées à cette occasion.

    La première inquiétude est de ne pas vouloir nommer clairement la chose, à savoir l'euthanasie et le suicide assisté qui pourraient s'appliquer. Cette terminologie d'aide à mourir « vise à anesthésier les consciences et affaiblir le débat public ». Cette expression d'aide à mourir réduit la portée très grave de cet acte.

    La deuxième inquiétude est la contradiction de fond avec le serment d'Hippocrate dont le principe fondamental est de « soulager sans jamais tuer ». Cette loi serait ainsi ressentie par de nombreux soignants comme « une transgression radicale de leur mission ». Des manifestants ont déjà fait des démonstrations pour lancer cet appel : soigner et pas tuer.

    La troisième alerte est le cœur du débat parlementaire puisqu'il consiste à définir les garanties éthiques et procédurales. La CRCF a souligné l'absence d'une procédure collégiale (un seul médecin pourrait autoriser "l'aide à mourir"). De plus, le délai de réflexion serait seulement de 48 heures et mériterait d'être très remonté : « Cette précipitation est indigne d'une décision irréversible et de la gravité de l'enjeu ». D'autres garanties sont en cours de discussion dans l'hémicycle, tout aussi inquiétantes. Ainsi lorsqu'il s'agit de considérer la souffrance psychologique comme pouvant bénéficier de cette "aide à mourir".

    La quatrième inquiétude est, à mon avis, la plus grave et la plus irréversible : « L’instauration de ce "droit" risque d’exercer une pression sourde mais réelle sur les personnes âgées, malades ou en situation de handicap. La seule existence d’une telle option peut induire chez des patients une culpabilité toxique, celle d’ "être un fardeau". ». La CRCF a constaté que « dans les pays où l’euthanasie a été légalisée, les demandes ne cessent d’augmenter, et on observe une baisse inquiétante de l’investissement dans les soins palliatifs ». Ainsi, elle a remarqué : « La promesse d’un accompagnement digne tend à s’effacer derrière une option terminale présentée comme solution. ».

    Enfin, la cinquième crainte serait « une atteinte à l'équilibre entre autonomie et solidarité ». La proposition de loi « érige l'autodétermination individuelle en absolu ». Ce qui signifierait que « ce choix solitaire risque fort d’occasionner des traumatismes et de blessures durables, notamment dans le cas d’une découverte a posteriori du décès d’un proche aidé au suicide ou euthanasié ». Toutefois, je considère que cette crainte ne doit pas être prise en compte car la loi doit se focaliser avant tout sur le patient lui-même et son intérêt, son bien, et pas sur le ressenti de ses proches qu'il faudrait ménager.
     

     
     


    Et le communiqué commun de conclure ainsi : « Il faut choisir l’investissement dans les soins palliatifs, la formation à l’écoute, l’accompagnement global des personnes jusqu’à la fin de leur vie. Ce choix est celui de l’humanité contre l’abandon, de la relation contre la solitude, du soin contre la résignation. ».

    Cette réflexion, qui va au-delà des religions et qui respecte avant tout une éthique de la société, l'aide aux plus vulnérables, ce qui est le devoir d'un État responsable, a exprimé ces inquiétudes dans un contexte d'une évidence surjouée par les médias. Ce qui est inquiétant, c'est que le débat parlementaire est surtout focalisé sur les seuils des curseurs (des conditions d'application, des garanties d'encadrement) alors que l'enjeu est le principe même de cette autorisation de tuer, de cette transgression. Dans un prochain article, j'évoquerai le débat parlementaire en cours.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Euthanasie 2025 (2) : l'inquiétude des religions.
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?



     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250522-euthanasie-2025b.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-2-l-inquietude-des-260829

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/22/article-sr-20250522-euthanasie-2025b.html


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  • Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?

    « Le fait de provoquer au suicide d'autrui est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsque la provocation a été suivie du suicide ou d'une tentative de suicide. » (Article 223-13 du code pénal).




     

     
     


    Depuis le lundi 12 mai 2025, les députés examinent la proposition de loi déposée par Olivier Falorni (député MoDem, ex-PS, de La Rochelle) sur "l'aide à mourir". C'était une initiative de l'année dernière qui a été interrompue par la dissolution et le Président de la République Emmanuel Macron souhaite absolument "aboutir", au point qu'il a menacé le 13 mai 2025 sur TF1 de recourir au référendum si cela s'enlisait au Parlement (ce serait une décision complètement déraisonnable et une telle pression sur les parlementaires me paraît du reste peu démocratique). Le Premier Ministre François Bayrou a toutefois voulu séparer les deux parties de la proposition en deux textes séparés, l'un sur les soins palliatifs et l'autre sur "l'aide à mourir", ce qui était très sage.

    Avant toute chose, définissons mieux le sujet. "L'aide à mourir" (ou "l'aide active à mourir") n'est qu'une expression qui n'ose pas dire "euthanasie" et "suicide assisté". Malheureusement, aucun humain n'a besoin d'aide pour mourir, il meurt tout seul et bien trop vite. S'il a besoin d'aide, c'est pour vivre, c'est pour vivre bien ce qui lui reste à vivre, mais certainement pas pour mourir, et contrairement au vrai mot, on ne meurt jamais "bien", il n'y a pas de "bonne" mort, c'est toujours un mauvais moment à passer, dont certains voudraient ne pas avoir conscience.


    Je vais redéfinir les termes, mais avant, comme ce sujet m'est important, comme il devrait l'être à tout humain, et que je me suis déjà très longuement exprimé sur les sujets depuis des années, et le fait même de préciser "euthanasie" me place dans un "camp", disons-le très net, je suis absolument opposé à toute législation sur l'euthanasie et le suicide assisté. Notez bien que je n'ai pas dit que j'étais forcément opposé à l'euthanasie et au suicide assisté, mais je suis résolument opposé à toute inscription de ces actes dans la loi qui est une généralité alors que ces actes sont exceptionnels et toujours singuliers. Hypocritement, d'ailleurs, les partisans de l'euthanasie disent qu'une loi permettrait de mieux l'encadrer, mais ce n'est pas une loi qui peut encadrer autant de cas exceptionnels que d'humains en partance. Celui qui, aujourd'hui, encadre ces actes qui ont lieu malgré la non-législation, c'est le juge, et le juge, par définition, est sage car il repose son jugement sur, d'une part, la loi, effectivement, mais aussi sur la situation particulière, donnée, singulière, qui est en cause.

    Je vais donc employer le mot "euthanasie" pour évoquer deux stades : le "suicide assisté" et "l'euthanasie active". Certes, ce sont deux actes très différents, mais en réalité, la conclusion est la même et les acteurs presque les mêmes. Dans le premier cas, un tiers (a priori qui s'y connaît en substance létale) fournit au dit patient une substance létale et c'est le patient qui se l'injecte, et dans le second cas, un autre (ou le même) l'injecte à la place du patient, parce qu'il ne peut pas le faire lui-même.

    Je pourrais reprendre le cadre de la psychanalyste Feroudja Hocini sur "l'aide à mourir". Il y a cinq stades bien définis, en "crescendo" : le premier, c'est de soigner la pathologie insoignable jusqu'à la fin ; le deuxième est l'arrêt de soins car c'est insoignable ; le troisième est l'injection d'une substance qui permette de réduire voire supprimer la douleur, avec la possibilité que cette substance précipite la mort sans intention de la donner ; le quatrième est le suicide assisté ; le cinquième est l'euthanasie active.
     

     
     


    Il y a une rupture anthropologique entre le troisième et le quatrième stade, car dans les deux derniers stades, il y a clairement intention de donner la mort, ce qui est la transgression d'un principe absolu. Dans le troisième stade, qui est l'application de la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016, le patient en fin de vie peut demander une sédation profonde et continue jusqu'au décès. Cette sédation a pour but de réduire les souffrances, pas de donner la mort. L'intentionnalité est un élément majeur dans un jugement, c'est notamment le cas pour séparer l'homicide involontaire par négligence (accident avec responsabilité), par exemple, de l'assassinat où le fait de tuer était volontaire et préparé d'avance (prémédité).

    Dans la sédation profonde et continue, le fait de ne plus se nourrir ou de ne plus s'hydrater n'a pas beaucoup d'importance puisque le patient ne souffre pas (insistons sur cela). Parler alors d'hypocrisie pour exiger l'euthanasie active est une véritable escroquerie intellectuelle car l'hypocrisie, c'est surtout de ne pas distinguer l'intention de tuer et l'intention de soulager la douleur. Quant à la famille qui voit son proche mourir, que ce soit avec ou sans aide médicale (avec ou sans sédation), ce sera toujours un calvaire psychologique (bien sûr). Que la loi se garde bien d'être rédigée pour les proches, c'est pour le patient qu'elle doit l'être. Il y a des proches qui peuvent avoir quelques intérêts particuliers à voir "accélérer" les procédures, la loi ne doit donc pas être basée sur eux mais sur le seul intérêt du patient.


    Donc, dans ce qui suit, et, dans cet article, sans reprendre le texte de la proposition de loi (ce sera l'objet d'un article ultérieur), je parlerai d'euthanasie pour évoquer l'ensemble suicide assisté et euthanasie active.

    C'est un sujet qui peut cliver car il prend les personnes en pleine conscience de leur conception de la vie, de la mort et aussi, on oublie un peu trop vite, de la société des hommes. L'euthanasie est revendiquée en tant qu'un droit, ou une liberté. C'est par excellence le triomphe de l'individu sur le collectif. En quelque sorte, c'est le triomphe de l'ultralibéralisme extrême qui fait passer exclusivement la liberté d'une personne sur les conséquences collectives que cela peut entraîner.

    Un sujet clivant mais qui peut rassembler tout de même autour de quelques principes.

    Le premier principe est le refus de la souffrance. Tout doit être fait pour soulager la douleur du patient. Ce principe est déjà dans la loi, chacun a le droit de voir sa souffrance soulager. La loi du 4 mars 2002 permet le refus de soins selon la volonté du patient. Dès lors, il n'y a plus de possibilité d'acharnement thérapeutique dans la loi. Dans la pratique, cela peut évidemment être différent. Mais l'argument de l'acharnement thérapeutique n'est plus valable depuis une vingtaine d'années. Et c'est heureux : l'idée n'est pas de poursuivre coûte que coûte de prolonger la vie, comme, à mon sens, l'idée n'est pas d'abréger la vie, mais l'idée, l'obsession même, c'est de lutter contre la douleur, contre les souffrances. Je reste dans le général car dans le détail, il faut bien sûr définir exactement chaque terme.
     

     
     


    Le deuxième principe qu'on peut se donner dans un débat sur la question, c'est de ne pas mettre en avant, pour approuver ou s'opposer, ses convictions religieuses. Certes, les convictions religieuses ou leur absence peuvent être des éléments importants d'appréhension d'une question, mais ici, le débat est encore plus universel que la religion (même si certaines se prétendent à juste titre universelles). Il s'agit avant tout d'avoir le regard d'un être humain. Et l'éthique, comme la morale, est civile, elle peut avoir été façonnée par la religion, mais elle est acceptée, elle doit être acceptée bien au-delà du cadre religieux. Ainsi, le code pénal s'est inspiré du Dix Commandements. L'absolu "tu ne tueras point" est l'une des bases de toute société.

    Le troisième principe, toujours sur le débat, c'est le respect de toutes les opinions, car un sujet comme la fin de vie n'a pas une solution vraie et des solutions fausses. Le débat doit donc être serein, sans anathème, de part et d'autres. Il me semble qu'à ce stade, à l'Assemblée, c'est le cas.

    Toutefois, je trouve que le sujet a été très mal amené par les médias, les politiques, la société en général. Déjà par le vocabulaire. Il y a deux choses qui me désolent beaucoup dans ce débat public.

    Le premier point concerne la dignité. Une association qui milite pour l'euthanasie en a même fait son nom de baptême : elle réclame le droit de mourir dans la dignité. Pour moi, c'est une horreur, cela signifierait que des personnes auraient perdu leur dignité du fait de leur état de santé, de leur situation de handicap, de faiblesse. Non ! La dignité est intrinsèque à l'humain. Nous tous, aussi diminués que nous soyons, restons dignes, dignes de vivre comme dignes de mourir, ou plutôt, dignes de mourir avec dignité. La dignité ne se perd pas avec son état de santé.

    Le second point est le supposé progrès sociétal, la supposée avancée sociétale que constituerait l'euthanasie. Eh bien non, je ne considère pas que tout ce qui est nouveau soit une avancée. C'est parfois une régression. Transgresser l'interdiction de tuer est pour moi un retour en arrière monstrueux. Mais cependant, je peux l'entendre et comprendre que sincèrement, certains croient à un tel progrès, parce qu'ils auraient gagné une liberté en plus, un droit en plus, de manière strictement individuelle (qui ne devrait pas gêner les autres, c'est ce côté-là qui me gêne, car c'est une erreur de dire cela, j'y reviendrai plus loin). Il faut même l'entendre comme une stratégie mûrement réfléchie des promoteurs de l'euthanasie. Que disent-ils aujourd'hui ? Ils souhaitent que la loi définisse le plus de restrictions possible, dans les conditions d'application, etc. car leur objectif est qu'une loi sur l'euthanasie soit adoptée, quelle qu'elle soit. Car ils savent bien que dans un deuxième temps, une fois le pied dans la porte, on pourra toujours réviser la loi et assouplir ces conditions. Cela s'est passé dans tous les pays qui ont légiféré et par conséquent, l'argument selon lequel l'euthanasie sera appliquée dans un cadre très strict et rigoureux est purement du pipeau. Ce sera assoupli dès la prochaine occasion.

    J'en viens aux arguments, maintenant.

    La question est de lutter contre la souffrance, pas en tuant celui qui souffre mais en tuant la souffrance. Pour 99% des cas, la médecine est capable de le faire. Il faut donc s'appesantir à généraliser les soins palliatifs, qui sont un droit de chaque patient. Pour le 1% restant (je donne une proportion estimée seulement), le patient peut être réfractaire aux traitements de la souffrance. Il se peut qu'il souhaite tout arrêter. La sédation profonde et continue peut alors être la solution. Elle est possible, mais il faut appliquer la loi déjà existante. Et ce n'est pas une hypocrisie, je le répète. Cette loi était consensuelle, c'est-à-dire qu'elle a su rassembler la quasi-totalité de la classe politique en 2016, parce qu'elle a été rédigée avec une extrême prudence dans un climat constructif et serein.

    En quoi le principe de l'euthanasie serait une catastrophe collective ?

    Comme je l'ai signalé plus haut, les conditions d'application d'une telle loi évolueraient vers un assouplissement continu et ferait passer d'une exception vers une généralisation, vers un élargissement des possibilités d'application. L'une des meilleures preuves est l'extension en Belgique de son application : aux enfants (sans condition d'âge) et à ceux qui souffrent de pathologies psychologiques ou mentales. En d'autre terme, on a déjà euthanasié en Belgique des personnes en dépression. Or, la dépression conduit le patient à des envies suicidaires. La loi doit au contraire prévenir ces suicides et pas les encourager.
     

     
     


    Plus généralement, les conditions de la volonté d'euthanasie seraient mises à rude épreuve et la protection des plus faibles, des plus vulnérables serait mise à mal par une telle loi. Comment empêcherait-on alors des héritiers d'accélérer le processus ? Ou même comment empêcher la pression sociale qui deviendrait de plus en plus forte sur une personne âgée qui se sentirait de plus en plus inutile et qui se verrait un poids pour ses enfants alors qu'elle mérite toute sa place dans la société et que personne n'y est inutile ? Et les personnes vulnérables sont nombreuses : les personnes malades, les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, et on pourrait même poursuivre la liste selon une supposée utilité sociale, dans un cadre tout à fait naturel mais odieux d'eugénisme.

    Reparlons de dignité. Si la solution à une pathologie, à une situation extrême, devenait l'euthanasie, comme pourraient réagir tous les aidants, les proches, les soignants (ils sont plusieurs millions) qui se battent chaque jour, parfois chaque minute à accompagner une personne en perte d'autonomie ? Cela réduirait le sens même de leur action, cela pourrait les décourager alors que ce qui compte, avant tout, c'est cet accompagnement humain.
     

     
     


    Et puis, il y a aussi l'intérêt économique de la société. J'ai lu que les coûts les plus élevés de la sécurité sociale, sont dépensés les six derniers mois d'une vie. Il suffirait d'euthanasier une personne six mois avant sa mort naturelle pour réduire drastiquement les dépenses sociales. Bien sûr, ne connaissant pas la date de la mort naturelle, on se garderait bien de défier ainsi la mort, mais il ne faut pas nier la pression qui serait de plus en plus forte pour réduire les dépenses de santé en encourageant l'euthanasie. Aujourd'hui, on dit à grands cris qu'il n'en est pas question : dans cinq ans, dans dix ans, qu'en sera-t-il ? "Soleil vert", pour les amateurs de vieux films (qui a assez mal vieilli).

    Enfin, il y aurait une conséquence collective très importante si l'euthanasie devenait une pratique comme une autre. J'évoquais le faux argument du progrès social. Ce serait même le contraire : dans ce cas, il n'y aurait plus de progrès médical. Car si les patients étaient euthanasiés avant même qu'on tente de les guérir, il n'y aurait plus de progrès médical possible. Car une pathologie inguérissable se définit dans le temps et lorsqu'on voit les progrès de la médecine depuis les vingt dernières années, on a de quoi être optimiste. On a augmenté le pourcentage de guérison de plusieurs cancers qui ne sont plus systématiquement des synonymes de mort assurée comme auparavant (hélas, ce n'est pas le cas pour tous les cancers). La mort prématurée des patients empêcheraient toute possibilité d'innovation dans leurs traitements médicaux.


    Donc, je résume ma réflexion générale ainsi. Premièrement, tout doit être focalisé sur le traitement de la souffrance, par quelque moyen que ce soit. Deuxièmement, il existe une solution ultime pour tous les réfractaires à la douleur, l'application de la loi Claeys-Leonetti. Troisièmement, un droit individuel pourrait avoir des répercussions désastreuses, à moyen terme, sur les personnes les plus vulnérables. Quatrièmement, loin d'être une avancée sociétale, ce serait une régression dans la recherche de nouveaux traitements. Parce que ce serait beaucoup moins cher d'encourager l'euthanasie que de poursuivre des recherches médicales très poussées et donc très coûteuses. Enfin, cinquièmement, la transgression inscrite dans la loi de l'interdiction de tuer aurait nécessairement des conséquences graves et irréversibles, de type eugénique, dans une société de plus en plus individualiste.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Euthanasie 2025 (1) : quelle société humaine voulons-nous ?
    Euthanasie 2024 (3) : les ultras dicteront-ils leur loi au gouvernement ?
    Euthanasie : Robert Badinter, Ana Estrada et l'exemple péruvien ?
    Euthanasie 2024 (2) : le projet Vautrin adopté au conseil des ministres du 10 avril 2024.
    Euthanasie 2024 (1) : l'agenda désolant du Président Macron.
    Robert Badinter sur l'euthanasie.
    Le pape François sur l'euthanasie.
    Fin de vie 2023 (4) : la mystification d'un supposé "modèle français" de la fin de vie.
    Discours du Président Emmanuel Macron recevant la Convention citoyenne sur la fin de vie le 3 avril 2023 à l'Élysée (texte intégral).
    Communiqué de l'Ordre des médecins sur la fin de vie publié le 1er avril 2023 (texte intégral).
    Avis n°139 du CCNE sur les questions éthiques relatives aux situations de fin de vie publié le 13 septembre 2022 (à télécharger).
    Rapport n°1021 de la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti publié par l'Assemblée Nationale le 29 mars 2023 (à télécharger).
    Rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie publié le 2 avril 2023 (à télécharger).
    Fin de vie 2023 (3) : conclusions sans surprise de la Convention citoyenne.
    Fin de vie 2023 (2) : méthodologie douteuse.
    Fin de vie 2023 (1) : attention danger !
    Le drame de la famille Adams.
    Prémonitions (Solace).
    Vincent Lambert.
    Axel Kahn : chronique d’une mort annoncée.
    Euthanasie : soigner ou achever ?
    Le réveil de conscience est possible !
    Soins palliatifs.
    Le congé de proche aidant.
    Stephen Hawking et la dépendance.
    La dignité et le handicap.
    Euthanasie ou sédation ?
    La leçon du procès Bonnemaison.
    Les sondages sur la fin de vie.
    Les expériences de l’étranger.
    La politisation du CCNE (16 décembre 2013).
    Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Figaro" du 5 avril 2021.
    Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Monde" du 12 juillet 2019.
    Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
    Réglementation sur la procédure collégiale (décret n°2016-1066 du 3 août 2016).
    La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
    La loi Leonetti du 22 avril 2005.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250520-euthanasie-2025a.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2025-1-quelle-societe-260439

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/20/article-sr-20250520-euthanasie-2025a.html


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  • Congrès du PS : le choc de complexité !

    « Nous nous sommes positionnés comme une opposition "utile", visant à arracher aux gouvernements des avancées concrètes pour nos concitoyennes et concitoyens, tout en dénonçant les mesures que nous jugions injustes ou dangereuses, susceptibles de faire le lit de l’extrême droite que nous n’avons jamais cessé de combattre, en France, en Europe et dans le monde. » (Corinne Narassiguin, rapport d'activité du PS 2023-2025).




     

     
     


    Après Les Républicains, le Parti socialiste est en congrès pour ce printemps 2025. Comme pour LR, ce 81e congrès des socialistes est crucial, le dernier avant l'élection présidentielle de 2027. Les deux anciens partis hégémoniques de gouvernement, réduits à la taille de puces, comptent profiter de l'après-Emmanuel Macron pour tenter de redevenir hégémoniques. Il y a entre-temps les élections municipales de mars 2026 pour lesquelles LR et le PS sont actuellement en bonne posture, mais la recomposition du paysage politique en trois grands blocs, le bloc central et réaliste, et deux blocs populistes, un de droite et un de gauche, empêchera sans doute le retour au clivage traditionnel LR vs PS.

    J'avais évoqué il y a deux mois le congrès de Rennes en 1990, mémorable dans les esprits socialistes et considéré comme l'explosion de l'influence de François Mitterrand. Était-ce le congrès socialistes le plus divisé ? Peut-être pas. Le congrès de Reims en 2008 n'était pas mal non plus comme significatif en divisions. Celui de Marseille en 2023 a marqué des divisions profondes. Et peut-être aussi celui-ci, le congrès qui se déroulera à Nancy du 13 au 15 juin 2025. Triste choix alors que, historiquement, Nancy n'a jamais été socialiste, sauf en 2020 à la faveur d'une abstention massive due au covid (les personnes âgées préférant rester chez elles). En tant que Nancéien de naissance, j'espère que ce congrès ne laissera aucun souvenir, aucune postérité, afin de ne pas associer cette extrêmement belle ville à ce piteux parti politique.

    Ce sera probablement le cas, ne serait-ce que lorsqu'on regarde les protagonistes et leur stature. En 1990, on avait des combats d'éléphants de premier choix avec les Michel Rocard, Lionel Jospin, Laurent Fabius, Pierre Mauroy, Jean-Pierre Chevènement, Louis Mermaz, Pierre Joxe, Jacques Delors, Pierre Bérégovoy, Jean Poperen, Jean-Luc Mélenchon (oui oui), etc. En 2008, on avait encore des éléphants de seconde zone : François Hollande, Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Bertrand Delanoë, Ségolène Royal, Benoît Hamon, etc. Aujourd'hui, en 2025, le combat de coqs (plus que d'éléphants) se résumera à une rivalité (déjà ancienne) entre Olivier Faure, l'actuel premier secrétaire du PS, et Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen qui était déjà près de prendre la place du précédent au précédent congrès, celui de Marseille en janvier 2023.

    Si on regarde de près les conditions de ce congrès du PS, on se dit que décidément, il ne faut pas attendre de ce parti un choc de simplification, la fin de l'ultranormisation, ni la fin de l'ultraformalisation de la société. J'en veux pour preuve ce parcours du combattant : le militant de base qui veut voter avec discernement et en toute connaissance de cause devra avant tout se farcir le rapport d'activité du PS pour la période 2023-2025 (soit 54 pages), plus le livret des six "contributions générales" (soit 100 pages), plus le livret des trois "textes d'orientation" (soit 83 pages)... on en est déjà, sur le compteur, à 237 pages, et je n'ai pas compté les "contributions thématiques" (il y en a beaucoup !) qui, insiste beaucoup le site officiel du PS, « n'engagent que leurs auteurs et ne sont pas des positions officielles du parti socialiste » ! Et je n'ai pas précisé que ces textes lourdingues ont été mâtinés d'exécrable écriture inclusive.

     

     
     


    Reprenons d'abord le calendrier, lui-même déjà compliqué.

    D'abord, les "contributions générales" : le 5 avril 2025 a eu lieu le conseil national de dépôt des "contributions générales". Mais on pourrait d'abord se demander : qu'est-ce que c'est, une "contribution générale" ? À cela, je répondrais que c'est une bonne question... et aussi que c'est un texte rempli de blabla (car on blablate beaucoup chez les socialistes) qui est présenté d'abord par un ambitieux et ses copains, l'ambitieux souhaitant être calife à la place du calife (c'est-à-dire être premier secrétaire du PS), à moins qu'il ne soit le calife lui-même, auquel cas il souhaiterait alors le rester (et ses copains aussi).

    En tout, six "contributions générales" ont été déposées. Pour qu'elles soient validées, il faut qu'elles aient obtenu au moins 15 parrainages de membres du conseil national. Pas facile si l'on en juge par les chiffres. J'avais envisagé de nommer les contributions par leur titre déclaré (comme "Le cœur de la gauche" ou "Pour gagner, un grand PS et une nouvelle alliance, Debout les socialistes"... et puis je me suis dit que cela allait compliquer encore les choses (rappelez-vous, pour les assesseurs, l'horrible dépouillement des élections européennes du 9 juin 2024, où il y avait 38 listes, dont le titre n'avait pas grand-chose à voir avec le nom de la tête de liste).

    Ainsi, il y a, dans l'ordre décroissant de parrainages, la contribution d'Olivier Faure (119 parrainages), la contribution de Nicolas Mayer-Rossignol (72), la contribution d'Hélène Geoffroy (42), celle de Boris Vallaud (27), de Philippe Brun et Jérôme Guedj (15 juste) et celle du député socialiste Paul Christophle (15 aussi).

    Ensuite, parlons des "textes d'orientation" : le 26 avril 2025 a eu lieu le "conseil national de synthèse" où sont déposés les "textes d'orientation". Alors, qu'est-ce qu'un "texte d'orientation" ? Bonne question, etc. Un "texte d'orientation", c'est un texte contributif dont le "premier signataire" (c'est une fonction maintenant) est d'office candidat au poste de premier secrétaire du PS. Ou presque ! En gros, vous prenez les "contributions générales", vous les mettez dans un mixeur appelé "synthèse", et il en ressort des "textes d'orientation", et si le mixeur est efficace, il y en a moins que de "contributions générales", c'est-à-dire que plusieurs contributions ont fusionné parfois en un seul texte. Le "premier signataire" est évidemment un ambitieux soutenu par ses copains. Pour que ce soit validé comme un "texte d'orientation", il faut qu'il soit approuvé par au moins 30 parrains.

    De ce "conseil national de synthèse" sont donc ressortis, en tout, trois "textes d'orientation" (on appelait cela "motions" dans les belles heures des congrès du PS) : le texte A d'Olivier Faure (145 parrainages), le texte C de Nicolas Mayer-Rossignol (126 parrainages) et le texte B de Boris Vallaud (30 parrainages).

    D'un point de vue politique, ou plutôt, politicien car j'ai renoncé à tenter d'y voir un sens politique autrement que des copineries d'appareil et de la cuisine électorale interne, Olivier Faure a reçu le soutien de Paul Christophle et Nicolas Mayer-Rossignol ceux d'Hélène Geoffroy (comme au congrès de Marseille en janvier 2023) et de Philippe Brun et Jérôme Guedj.

    Pourquoi ai-je parlé de copineries d'appareil plutôt que de ligne politique claire ? Parce que par exemple, Nicolas Mayer-Rossignol serait plus au centre gauche qu'Olivier Faure, avec Hélène Geoffroy qui se revendique sociale-démocrate, mais Philippe Brun et Jérôme Guedj se revendiquent plutôt de l'aile gauche du PS, plus à gauche qu'Olivier Faure. Pour l'anecdote, Jérôme Guedj, qui a toujours été opposé à l'alliance avec l'insoumis Jean-Luc Mélenchon, était un bébé Mélenchon dans sa circonscription de Massy, dans l'Essonne, fief du grand gourou insoumis à l'époque où il n'était qu'un simple apparatchik du PS.

    Ce qui compte, donc, ce sont les signatures. Pour Boris Vallaud, le président du groupe PS depuis juin 2022, sa position d'outsider est très nette et sa démarche très personnelle. Il est soutenu par sa compagne ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem, Alain Rousset, Alain Vidalies, Christian Eckert, François Lamy, etc.

    Nicolas Mayer-Rossignol, lui, est soutenu par Hélène Geoffroy, Philippe Brun, Jérôme Guedj, Carole Delga, Karim Bouamrane, Lamia El Aaraje, Anne Hidalgo, Stéphane Le Foll, Rachid Temal, Laurence Rossignol, Jean-Christophe Cambadélis, David Assouline, François Bonneau, Philippe Doucet, François Kalfon, Dominique Potier, Colette Capdevielle ("inquisitrice" contre François Bayrou à la commission Bétharram), Marie-Guite Dufay, Mickaël Delafosse, Jean-Marc Germain, Marie-Arlette Carlotti, Patrick Kanner, Valérie Rabault, Rémi Feraud, Marie-Pierre de La Gontrie, etc. Parmi ses 5 000 signataires, on lit des doublons, par exemple, Nicolas Morvan et Angèle Louviers sont cités deux fois dans la liste, je ne sais pas s'ils sont comptés double (j'ai renoncé à aller trop loin, il ne faut pas exagérer !).

    Enfin, le chef actuel des socialistes au charisme fou, Olivier Faure, est soutenu par Martine Aubry, Jean-Marc Ayrault, Johanna Rolland, Guillaume Garot, Emma Rafowicz, Paul Christophle, Laurent Baumel, Luc Carvounas, Chloé Ridel, Ericka Bareigts, etc. Suit une liste de 2 500 noms.

    Il faut noter que les trois grosses têtes du PS actuel, à savoir Olivier Faure (premier secrétaire du PS), Boris Vallaud (président du groupe PS à l'Assemblée) et Patrick Kanner (président du groupe PS au Sénat) sont dans trois listes différentes. Ce qui montre un attelage politique très hétérogène.

     

     
     


    L'échéance suivante a lieu ce mardi 27 mai 2025. À cette date, justement, il y a le vote des adhérents du PS pour l'un des trois "textes d'orientation". On pourrait croire que c'est un vote programmatique, basé sur des lignes de fond, mais non. C'est un vote pour une personnalité, pour le prochain dirigeant du PS. Car la règle veut que les "premiers signataires" des deux "textes d'orientation" qui ont obtenu le plus de votes seront candidats au poste de premier secrétaire du PS.

    À cette occasion, on pourra donc connaître le nombre exact d'adhérents inscrits participant à ce scrutin ainsi que le nombre exact de vrais adhérents qui votent. Le congrès du PS est malencontreusement arrivé après celui de LR, si bien que la barre est haute pour dire que ce serait un succès : chez LR, il y a eu près de 100 000 votants (exactement 98 110), ce qui est très fort pour un parti (il y a un mois, les écologistes n'avaient eu que 6 702 votants !).

    Ce vote, qui aura lieu la semaine prochaine, est donc crucial. Ensuite, le jeudi 5 juin 2025 aura lieu à proprement parler l'élection du premier secrétaire du PS. L'enjeu est important sur l'avenir du gouvernement et surtout, l'avenir de la législature actuelle puisque le Président de la République reprend son droit à dissoudre à partir du 9 juin 2025. Enfin, le congrès aura lieu dix jours plus tard, du 13 au 15 juin 2025 à Nancy. Tout aura été déjà décidé par les adhérents... ou pas, car on a vu des congrès qui n'étaient pas très fixés par le vote des militants (Rennes en 1990, Reims en 2008 et aussi Marseille en 2023 !).

     

     
     


    Un petit mot pour le sortant, Olivier Faure, dont on a reproché la décision de dissoudre le gouvernement de Michel Barnier en mélangeant les voix socialistes avec celles des insoumis et surtout, celles du RN. Ensuite, on lui a reproché exactement le contraire quand il a refusé de censurer le gouvernement de François Bayrou avec l'argument développé par Corinne Narassiguin, la secrétaire nationale chargée de la coordination et des moyens du parti, mis au début de cet article.

    Le poste de premier secrétaire du PS est nationalement important. Si tous les premiers secrétaires n'ont pas été Présidents de la République, les rares Présidents de la République socialistes ont été tous premiers secrétaires, à savoir François Mitterrand et François Hollande (j'aurais pu aussi dire qu'ils avaient ce même prénom François mais on ne m'aurait pas cru !).


    Olivier Faure est premier secrétaire du PS depuis le 7 avril 2018, soit plus de sept années, ce qui commence à devenir important. Il a été élu le 29 mars 2018, et réélu les 18 septembre 2021 et 19 janvier 2023. Une réélection le 5 juin 2025 le placerait dans les historiques du parti socialiste (chef du PS jusqu'en 2028). Celui qui a été le premier secrétaire le plus long est François Hollande du 27 novembre 1997 au 26 novembre 2008 (11 ans). Il est suivi de François Mitterrand du 16 juin 1971 au 24 janvier 1981 (9 ans et 7 mois) et de Lionel Jospin du 24 janvier 1981 au 14 mai 1988 puis du 14 octobre 1995 au 2 juin 1997 (8 ans et 11 mois). Ces trois socialistes ont été les seuls, je souligne, les seuls dirigeants socialistes français à avoir eu le pouvoir par leur propre conquête électorale, le dernier, Lionel Jospin, en tant que Premier Ministre de cohabitation.

    On mesure ainsi l'importance politique d'Olivier Faure... ou le niveau de décrépitude dans lequel est tombé le parti socialiste ! Il jouit ainsi de ce paradigme du sortant qui lui donne plus de stature nationale que tout autre concurrent actuellement. D'ailleurs, c'est bien dans le texte d'Olivier Faure qu'on y trouve cette lignée en y ajoutant bien sûr Léon Blum, mais en oubliant Guy Mollet, l'indéboulonnable secrétaire général de la SFIO sous la Quatrième République : « Nous devons retrouver celles et ceux pour qui nous nous battons. Celles et ceux qui pâtiront les premiers d'une politique d'extrême droite, enfermée dans une logique nationaliste, individualiste et capitaliste qui n'a jamais nourri que le conflit et la guerre. La gauche est toujours arrivée au pouvoir à la faveur d'une alliance de classes, avec l'émancipation des travailleurs au cœur de son projet. C'était le cas du temps de Léon Blum, comme de François Mitterrand, Lionel Jospin et François Hollande. ».

    Et justement, parlons de ce dernier pour terminer. François Hollande est le seul cité encore en service, élu député en juillet 2024. Et qui soutient-il ? Prudemment, personne. Cet adepte de la synthèse intégrale a préféré voir venir, se disant qu'il est le seul capable de concourir avec le blason socialiste en 2027. Rappelons qu'il aura alors presque 73 ans. Et Olivier Faure presque 59 ans.



    Aussi sur le blog.
    Sylvain Rakotoarison (20 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Congrès du PS : le choc de complexité !
    Robert Badinter.
    Congrès du PS à Rennes : l'explosion de la Mitterrandie.
    La préparation du congrès de Rennes (27 janvier 1990).
    Histoire du PS.
    Manuel Valls.
    Martine Aubry.
    Hubert Védrine.
    Julien Dray.
    Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    Lionel Jospin.
    Claude Allègre.
    François Mitterrand.
    Jacques Delors.
    Mazarine Pingeot.
    Richard Ferrand.
    Didier Guillaume.

    Pierre Joxe.
    André Chandernagor.
    Didier Migaud.
    Pierre Moscovici.

    La bataille de l'école libre en 1984.
    Bernard Kouchner.
    Hubert Curien.
    Alain Bombard.
    Danielle Mitterrand.
    Olivier Faure.
    Lucie Castets.

    Bernard Cazeneuve
    Gabriel Attal.
    Élisabeth Borne.
    Agnès Pannier-Runacher.
    Sacha Houlié.
    Louis Mermaz.
    L'élection du croque-mort.
    La mort du parti socialiste ?
    Le fiasco de la candidate socialiste.
    Le socialisme à Dunkerque.
    Le PS à la Cour des Comptes.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250520-congres-ps.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/congres-du-ps-le-choc-de-260727

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/20/article-sr-20250520-congres-ps.html



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  • Bruno Retailleau largement élu président de LR ce dimanche 18 mai 2025

    « Aujourd’hui, alors que le pays se trouve dans une situation grave, la droite est de nouveau écoutée. Et c’est pourquoi demain, elle peut gagner. J’en suis profondément convaincu. Mais nous devons d’abord, et sans tarder, donner une incarnation à notre mouvement, pour lui donner un nouvel élan. » (Bruno Retailleau, le 2 avril 2025, profession de foi).


     

     
     


    Il est des congrès serrés, où les scores sont très rapprochés. Le congrès du parti Les Républicains de ce dimanche 18 mai 2025 n'aura pas du tout été serré : le Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a été véritablement plébiscité par les militants de LR pour devenir président de leur parti. Son unique concurrent, Laurent Wauquiez a subi une désastreuse défaite sur le plan personnel : sa personnalité, son insincérité, son cynisme ont agacé plus d'un des adhérents de LR, et cette fois-là, on peut le dire car les deux candidats prônaient à peu près le même fond idéologique de droite dite dure.

    Revenons aux données chiffrées. La rivalité entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau depuis février 2025 a redonné de la vitalité à ce parti moribond et peut-être que c'est cette nouvelle guerre des chefs qui a été très profitable, au contraire de ce qu'affirmaient les deux protagonistes. Seuls les adhérents de LR au 17 avril 2025 pouvaient voter, si bien qu'une vague d'adhésions, ou plutôt, de réadhésions d'anciens adhérents déçus, a submergé les fédérations. Je l'évoquais déjà le mois dernier.

    Il faut voir l'évolution : le nombre d'adhérents a triplé en deux mois ! C'est passé de 43 859 adhérents au 13 février 2025 à 121 617 au 17 avril 2025, ce qui est énorme.

     
     


    L'autre élément de vitalité, bien sûr, c'est la participation, mais il était prévisible que ceux qui ont adhéré entre février et avril 2025 allaient voter puisque c'était l'unique but de cette adhésion. Il fallait voter de manière électronique, c'est-à-dire sur Internet. 98 110 ont participé au vote, c'est-à-dire 80,7% de participation, ce qui est également énorme pour un parti politique (il suffit de regarder le futur congrès du parti socialiste). Ce sont des données officielles, mais généralement confirmées par des huissiers et autres contrôleurs car les candidats pensaient leur score très serré. Cette fois-ci, ce n'était pas le cas.
     

     
     


    En outre, il y a eu très peu de blancs et nuls, 374, ce qui signifie bien que l'enjeu était effectivement entre les deux candidats. Inutile de dire que le parti Les Républicains, héritier de l'UMP qui, elle-même, était censée être la fusion entre le RPR et l'UDF, n'est plus qu'un repaire d'ex-RPR aile dure. C'est certes difficile de dire cela car beaucoup d'adhérents LR n'étaient pas nés politiquement avant l'UMP, mais il paraît certain qu'il n'existe plus aucun centriste dans ce parti qui devait pourtant rassembler la droite et le centre à l'initiative du Président Jacques Chirac en 2002.
     

     
     


    Cela ne me fait donc pas déplaisir de constater que François Bayrou avait évidemment raison en 2002 lorsqu'il avait refusé de rejoindre l'UMP, étant persuadé que la volaille centriste allait se faire plumer par l'aile la plus dure du RPR. Ce qui est amusant aujourd'hui, c'est que c'est François Bayrou qui est au pouvoir, à Matignon, et que toute l'argumentation de Laurent Wauquiez était basée sur l'indépendance de LR vis-à-vis de François Bayrou et Emmanuel Macron.
     

     
     


    Mais cela ne lui a pas suffi à reprendre l'avantage. Et de loin. À l'origine, Laurent Wauquiez était le favori, et pensait même que son élection à la présidence de LR serait une formalité. Après tout, il avait déjà été président de LR, élu par les militants, du 10 décembre 2017 au 2 juin 2019. L'échec de LR aux européennes de 2019 a été fatal à Laurent Wauquiez, si bien qu'il s'est replié dans sa présidence du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes qu'il occupait depuis le 4 janvier 2016 (jusqu'au 4 septembre 2024). Il a laissé passer l'élection présidentielle 2022 ingagnable, et il a cru que son fidèle Éric Ciotti allait tenir boutique à sa place. Erreur, il n'a pas fallu longtemps pour que le sieur Ciotti rejoignît le RN et Marine Le Pen.
     

     
     


    Laurent Wauquiez a pris alors une position courageuse : quitter son repli régional et revenir à l'Assemblée Nationale, là où se passait le véritable combat politique (au contraire de ses collègues Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Jean-François Copé, etc.). Il doit d'ailleurs son mandat de député aux macronistes. Le 10 juillet 2024, il a pris (sans demander aux autres) la présidence du groupe LR à l'Assemblée, si bien qu'avec Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, il formait un binôme pour négocier les futurs gouvernements. Au départ, Laurent Wauquiez voulait rester dans l'opposition, puis, voulant l'Intérieur, n'a plus voulu appartenir à un gouvernement en dehors de la place Beauvau.
     

     
     


    Bruno Retailleau, lui, a pris ses responsabilités. Michel Barnier l'a choisi comme Ministre de l'Intérieur le 21 septembre 2024 et confirmé par François Bayrou le 23 décembre 2024 avec le rare privilège d'être un Ministre d'État. Depuis ainsi près de huit mois, Bruno Retailleau est sur le pont, en déplacements incessants sur tous les lieux des drames en France. Son efficacité n'est peut-être pas au rendez-vous (on verra au bilan), mais son discours de vérité plaît, sa sincérité n'est pas mise en doute (au contraire de son adversaire interne) et surtout, il est devenu une personnalité nouvelle de la vie politique.

     
     


    En fait, c'est faux, il existe politiquement depuis des décennies, aurait sans doute été le Premier Ministre de François Fillon si ce dernier avait été élu en 2017, mais les Français ne le connaissaient pas et il est ainsi arrivé avec la lumière des projecteurs. Les Français sont en train de le découvrir.

    Le score des adhérents de LR est sans appel. Bruno Retailleau a obtenu 72 629 voix, soit 74,3%, tandis que Laurent Wauquiez n'a eu que 25 107 voix, soit 25,7%. En gros, trois quarts pour Bruno Retailleau et un quart pour Laurent Wauquiez. Il n'y aura finalement pas de guerre des chefs car les militants ont définitivement tranché.

     

     
     


    Je ne sais pas comment va réagir Laurent Wauquiez dans les mois à venir, mais sa perspective présidentielle sera d'autant plus bloquée que lui-même a fait campagne contre une primaire ouverte pour 2027. Le parti va être administré par son rival et ce dernier sera en bonne posture pour, éventuellement, présenter une candidature LR à l'élection présidentielle de 2027. J'écris "éventuellement" car il paraît peu responsable que le bloc commun qui gouverne aujourd'hui se présente désuni en 2027 face au RN et à la gauche mélenchonisée (qui, contrairement à ce qu'on dit, est capable de revenir à un niveau élevé, de l'ordre de 20% de l'électorat, car Jean-Luc Mélenchon jouit de son grand talent souvent sous-estimé et d'une absence d'autres rivaux à gauche).

    Cette victoire de Bruno Retailleau ne fait pas non plus l'affaire du RN. Certainement interdit de candidature de Marine Le Pen, le RN aura du mal à concurrencer Bruno Retailleau sur ses thèmes favoris (sécurité, immigration) avec un à peine trentenaire qui n'a jamais rien fait de sa vie (à part jouer à TikTok), j'ai nommé Jordan Bardella.

    Laurent Wauquiez a perdu par un manque complet de discernement. Il n'a jamais existé parce qu'il était chef de parti, il a existé parce qu'il était ministre à l'époque de Nicolas Sarkozy. Au même titre que Nicolas Sarkozy est devenu présidentiable parce qu'il était Ministre de l'Intérieur, pas parce qu'il était président de l'UMP, le parti n'était qu'un moyen de gagner, pas sa légitimité de candidat.

    C'est aussi ainsi pour Bruno Retailleau, c'est sa légitimité ministérielle qui l'a fait triompher dans un parti de gouvernement qui n'était plus au gouvernement de 2012 à 2024 (pendant douze ans). C'est Bruno Retailleau qui a redonné un peu de fierté aux militants de LR et surtout, qui leur a redonné un peu d'espoir en l'avenir.


    Enfin, je termine sur une analogie : le 16 novembre 2006, s'est déroulée une primaire interne au PS pour choisir son candidat à l'élection présidentielle de 2007. Les socialistes avaient été très secoués par leur absence au second tour en 2002. Trois candidats se sont présentés : deux très connus et bien "capés", Laurent Fabius (ancien Premier Ministre, ancien Ministre de l'Économie et des Finances, ancien Président de l'Assemblée Nationale, ancien premier secrétaire du PS), Dominique Strauss-Kahn (ancien numéro deux du gouvernement, ancien Ministre de l'Économie et des Finances), et un ancienne sous-ministre qui n'avait pas eu beaucoup de médailles sur son tableau politique, Ségolène Royal. Les apparatchiks du PS étaient évidemment favorables aux deux premiers, mais les militants socialistes ont préféré la plus populaire, Ségolène Royal, car, malgré ses handicaps, elle était la seule à présenter un espoir d'avenir (en fait, un Désir d'avenir !), la perspective d'une victoire à l'élection présidentielle de 2007. Cela n'a pas marché, mais cela aurait pu, car elle a réussi à mobiliser de nombreux nouveaux électeurs. Ségolène Royal a eu 60,6% des militants du PS, DSK 20,7% et Laurent Fabius 18,7%. Les sondages ont tranché !

    En donnant les clefs de leur parti à leur seul ministre populaire et visible Bruno Retailleau, les adhérents de LR ont aussi exprimé leur désir de revenir à l'avant-scène de la vie politique et, pourquoi pas (mais je n'y crois pas pour autant), gagner la prochaine élection présidentielle. Quant à Laurent Wauquiez, il va tranquillement retourner à l'ombre, comme l'ont fait d'autres avant lui, entre autres, Jean-François Copé.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bruno Retailleau.
    LR : plébiscite pour Bruno Retailleau !
    Congrès LR : les jeux sont-ils faits ?
    De Gaulle.
    Philippe Bas.
    Xavier Bertrand.
    L'offensive de Bruno Retailleau.
    Nicolas Sarkozy.
    Jean-Louis Debré.
    Claude Malhuret.
    Philippe De Gaulle.
    François-Xavier Ortoli.
    Alain Juppé.

    Jean Tiberi.
    Édouard Philippe.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
    Yvon Bourges.
    Christian Poncelet.
    René Capitant.
    Patrick Devedjian.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250518-retailleau.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/18/article-sr-20250518-retailleau.html



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  • LR : plébiscite pour Bruno Retailleau !

    « Aujourd’hui, alors que le pays se trouve dans une situation grave, la droite est de nouveau écoutée. Et c’est pourquoi demain, elle peut gagner. J’en suis profondément convaincu. Mais nous devons d’abord, et sans tarder, donner une incarnation à notre mouvement, pour lui donner un nouvel élan. » (Bruno Retailleau, le 2 avril 2025, profession de foi).


     

     
     


    Il est des congrès serrés, où les scores sont très rapprochés. Le congrès du parti Les Républicains de ce dimanche 18 mai 2025 n'aura pas du tout été serré : le Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a été véritablement plébiscité par les militants de LR pour devenir président de leur parti. Son unique concurrent, Laurent Wauquiez a subi une désastreuse défaite sur le plan personnel : sa personnalité, son insincérité, son cynisme ont agacé plus d'un des adhérents de LR, et cette fois-là, on peut le dire car les deux candidats prônaient à peu près le même fond idéologique de droite dite dure.

    Revenons aux données chiffrées. La rivalité entre Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau depuis février 2025 a redonné de la vitalité à ce parti moribond et peut-être que c'est cette nouvelle guerre des chefs qui a été très profitable, au contraire de ce qu'affirmaient les deux protagonistes. Seuls les adhérents de LR au 17 avril 2025 pouvaient voter, si bien qu'une vague d'adhésions, ou plutôt, de réadhésions d'anciens adhérents déçus, a submergé les fédérations. Je l'évoquais déjà le mois dernier.

    Il faut voir l'évolution : le nombre d'adhérents a triplé en deux mois ! C'est passé de 43 859 adhérents au 13 février 2025 à 121 617 au 17 avril 2025, ce qui est énorme.

     

     
     


    L'autre élément de vitalité, bien sûr, c'est la participation, mais il était prévisible que ceux qui ont adhéré entre février et avril 2025 allaient voter puisque c'était l'unique but de cette adhésion. Il fallait voter de manière électronique, c'est-à-dire sur Internet. 98 110 ont participé au vote, c'est-à-dire 80,7% de participation, ce qui est également énorme pour un parti politique (il suffit de regarder le futur congrès du parti socialiste). Ce sont des données officielles, mais généralement confirmées par des huissiers et autres contrôleurs car les candidats pensaient leur score très serré. Cette fois-ci, ce n'était pas le cas.
     

     
     


    En outre, il y a eu très peu de blancs et nuls, 374, ce qui signifie bien que l'enjeu était effectivement entre les deux candidats. Inutile de dire que le parti Les Républicains, héritier de l'UMP qui, elle-même, était censée être la fusion entre le RPR et l'UDF, n'est plus qu'un repaire d'ex-RPR aile dure. C'est certes difficile de dire cela car beaucoup d'adhérents LR n'étaient pas nés politiquement avant l'UMP, mais il paraît certain qu'il n'existe plus aucun centriste dans ce parti qui devait pourtant rassembler la droite et le centre à l'initiative du Président Jacques Chirac en 2002.
     

     
     


    Cela ne me fait donc pas déplaisir de constater que François Bayrou avait évidemment raison en 2002 lorsqu'il avait refusé de rejoindre l'UMP, étant persuadé que la volaille centriste allait se faire plumer par l'aile la plus dure du RPR. Ce qui est amusant aujourd'hui, c'est que c'est François Bayrou qui est au pouvoir, à Matignon, et que toute l'argumentation de Laurent Wauquiez était basée sur l'indépendance de LR vis-à-vis de François Bayrou et Emmanuel Macron.
     

     
     


    Mais cela ne lui a pas suffi à reprendre l'avantage. Et de loin. À l'origine, Laurent Wauquiez était le favori, et pensait même que son élection à la présidence de LR serait une formalité. Après tout, il avait déjà été président de LR, élu par les militants, du 10 décembre 2017 au 2 juin 2019. L'échec de LR aux européennes de 2019 a été fatal à Laurent Wauquiez, si bien qu'il s'est replié dans sa présidence du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes qu'il occupait depuis le 4 janvier 2016 (jusqu'au 4 septembre 2024). Il a laissé passer l'élection présidentielle 2022 ingagnable, et il a cru que son fidèle Éric Ciotti allait tenir boutique à sa place. Erreur, il n'a pas fallu longtemps pour que le sieur Ciotti rejoignît le RN et Marine Le Pen.
     

     
     


    Laurent Wauquiez a pris alors une position courageuse : quitter son repli régional et revenir à l'Assemblée Nationale, là où se passait le véritable combat politique (au contraire de ses collègues Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Jean-François Copé, etc.). Il doit d'ailleurs son mandat de député aux macronistes. Le 10 juillet 2024, il a pris (sans demander aux autres) la présidence du groupe LR à l'Assemblée, si bien qu'avec Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, il formait un binôme pour négocier les futurs gouvernements. Au départ, Laurent Wauquiez voulait rester dans l'opposition, puis, voulant l'Intérieur, n'a plus voulu appartenir à un gouvernement en dehors de la place Beauvau.
     

     
     


    Bruno Retailleau, lui, a pris ses responsabilités. Michel Barnier l'a choisi comme Ministre de l'Intérieur le 21 septembre 2024 et confirmé par François Bayrou le 23 décembre 2024 avec le rare privilège d'être un Ministre d'État. Depuis ainsi près de huit mois, Bruno Retailleau est sur le pont, en déplacements incessants sur tous les lieux des drames en France. Son efficacité n'est peut-être pas au rendez-vous (on verra au bilan), mais son discours de vérité plaît, sa sincérité n'est pas mise en doute (au contraire de son adversaire interne) et surtout, il est devenu une personnalité nouvelle de la vie politique.
     

     
     


    En fait, c'est faux, il existe politiquement depuis des décennies, aurait sans doute été le Premier Ministre de François Fillon si ce dernier avait été élu en 2017, mais les Français ne le connaissaient pas et il est ainsi arrivé avec la lumière des projecteurs. Les Français sont en train de le découvrir.

    Le score des adhérents de LR est sans appel. Bruno Retailleau a obtenu 72 629 voix, soit 74,3%, tandis que Laurent Wauquiez n'a eu que 25 107 voix, soit 25,7%. En gros, trois quarts pour Bruno Retailleau et un quart pour Laurent Wauquiez. Il n'y aura finalement pas de guerre des chefs car les militants ont définitivement tranché.

     

     
     


    Je ne sais pas comment va réagir Laurent Wauquiez dans les mois à venir, mais sa perspective présidentielle sera d'autant plus bloquée que lui-même a fait campagne contre une primaire ouverte pour 2027. Le parti va être administré par son rival et ce dernier sera en bonne posture pour, éventuellement, présenter une candidature LR à l'élection présidentielle de 2027. J'écris "éventuellement" car il paraît peu responsable que le bloc commun qui gouverne aujourd'hui se présente désuni en 2027 face au RN et à la gauche mélenchonisée (qui, contrairement à ce qu'on dit, est capable de revenir à un niveau élevé, de l'ordre de 20% de l'électorat, car Jean-Luc Mélenchon jouit de son grand talent souvent sous-estimé et d'une absence d'autres rivaux à gauche).

    Cette victoire de Bruno Retailleau ne fait pas non plus l'affaire du RN. Certainement interdit de candidature de Marine Le Pen, le RN aura du mal à concurrencer Bruno Retailleau sur ses thèmes favoris (sécurité, immigration) avec un à peine trentenaire qui n'a jamais rien fait de sa vie (à part jouer à TikTok), j'ai nommé Jordan Bardella.

    Laurent Wauquiez a perdu par un manque complet de discernement. Il n'a jamais existé parce qu'il était chef de parti, il a existé parce qu'il était ministre à l'époque de Nicolas Sarkozy. Au même titre que Nicolas Sarkozy est devenu présidentiable parce qu'il était Ministre de l'Intérieur, pas parce qu'il était président de l'UMP, le parti n'était qu'un moyen de gagner, pas sa légitimité de candidat.

    C'est aussi ainsi pour Bruno Retailleau, c'est sa légitimité ministérielle qui l'a fait triompher dans un parti de gouvernement qui n'était plus au gouvernement de 2012 à 2024 (pendant douze ans). C'est Bruno Retailleau qui a redonné un peu de fierté aux militants de LR et surtout, qui leur a redonné un peu d'espoir en l'avenir.


    Enfin, je termine sur une analogie : le 16 novembre 2006, s'est déroulée une primaire interne au PS pour choisir son candidat à l'élection présidentielle de 2007. Les socialistes avaient été très secoués par leur absence au second tour en 2002. Trois candidats se sont présentés : deux très connus et bien "capés", Laurent Fabius (ancien Premier Ministre, ancien Ministre de l'Économie et des Finances, ancien Président de l'Assemblée Nationale, ancien premier secrétaire du PS), Dominique Strauss-Kahn (ancien numéro deux du gouvernement, ancien Ministre de l'Économie et des Finances), et un ancienne sous-ministre qui n'avait pas eu beaucoup de médailles sur son tableau politique, Ségolène Royal. Les apparatchiks du PS étaient évidemment favorables aux deux premiers, mais les militants socialistes ont préféré la plus populaire, Ségolène Royal, car, malgré ses handicaps, elle était la seule à présenter un espoir d'avenir (en fait, un Désir d'avenir !), la perspective d'une victoire à l'élection présidentielle de 2007. Cela n'a pas marché, mais cela aurait pu, car elle a réussi à mobiliser de nombreux nouveaux électeurs. Ségolène Royal a eu 60,6% des militants du PS, DSK 20,7% et Laurent Fabius 18,7%. Les sondages ont tranché !

    En donnant les clefs de leur parti à leur seul ministre populaire et visible Bruno Retailleau, les adhérents de LR ont aussi exprimé leur désir de revenir à l'avant-scène de la vie politique et, pourquoi pas (mais je n'y crois pas pour autant), gagner la prochaine élection présidentielle. Quant à Laurent Wauquiez, il va tranquillement retourner à l'ombre, comme l'ont fait d'autres avant lui, entre autres, Jean-François Copé.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bruno Retailleau.
    LR : plébiscite pour Bruno Retailleau !
    Congrès LR : les jeux sont-ils faits ?
    De Gaulle.
    Philippe Bas.
    Xavier Bertrand.
    L'offensive de Bruno Retailleau.
    Nicolas Sarkozy.
    Jean-Louis Debré.
    Claude Malhuret.
    Philippe De Gaulle.
    François-Xavier Ortoli.
    Alain Juppé.

    Jean Tiberi.
    Édouard Philippe.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
    Yvon Bourges.
    Christian Poncelet.
    René Capitant.
    Patrick Devedjian.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250518-les-republicains.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/lr-plebiscite-pour-bruno-261028

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/05/18/article-sr-20250518-les-republicains.html


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