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  • Emmanuel Macron sur le front du commerce international

    « Je vais être clair, on ne peut pas demander à nos industriels de faire des transitions, ce que vous faites toutes et tous, et ne pas les protéger et en quelque sorte laisser de la concurrence déloyale s'installer. » (Emmanuel Macron, le 3 avril 2025 à l'Élysée).



     

     
     


    L'un des principaux arguments de campagne du Président de la République Emmanuel Macron pour sa réélection en 2022 fut qu'il était le Président des crises et qu'il était le mieux à même de réagir face à des crises majeures. L'argument était valable pour son premier quinquennat avec la crise des gilets jaunes, la crise du covid-19, la crise énergétique et inflationniste provoquée notamment par la guerre en Ukraine.

    Pour son second quinquennat, on avait déjà quelques échantillons de gestion de crise dont le principal est la crise de la défense européenne, une défense européenne mise à mal d'abord par l'agression de Vladimir Poutine en Ukraine puis par l'abandon de la protection américaine par Donald Trump.

    Et décidément, Donald Trump, en moins de trois mois de mandat, a profondément modifié l'image des États-Unis dans le monde en devenant un État voyou, incapable de respecter ses engagements, jouant sur l'intimidation, les rapports de force et même la force pour arriver à ses fins. On pensait que l'humiliation de Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche le 28 février 2025 avait été le sommet du n'importe-quoïsme trumpien, mais c'était oublier son obsession pour les taxes douanières.

    En annonçant la fermeture des frontières commerciales le 2 avril 2025, Donald Trump a fait fort en provoquant un krach boursier (durable ou pas ?) et des perspectives économiques mondiales particulièrement pessimistes, certains allant jusqu'à envisager, avec la réduction des échanges commerciaux mondiaux, une baisse du PIB mondial de 7 points ! Inflation, chômage, perte de marché... Donald Trump tire le monde vers son désastre, ce qui donne un peu plus de pertinence à la voix de la France depuis toujours qui répète qu'il faut une alliance avec les États-Unis, mais aussi une grande liberté vis-à-vis de ce grand pays dont l'Europe ne doit plus dépendre, et même le monde en général.


    Les dix derniers jours (2 au 11 avril 2025) ont été particulièrement chaotiques et révèlent un véritable problème de santé mentale de la part du Président des États-Unis, puisqu'il a joué au yoyo avec les taxes douanières (sauf pour la Chine), rendant la parole de l'Amérique absolument plus fiable tant sur le plan économique que sur le plan diplomatique. Ce mélange de narcissisme, de vulgarité, de brutalité, d'intimidation, de vénalité, aussi de naïveté, rend le monde moins sûr, plus incertain, plus inquiétant. Sans oublier les soupçons de délit d'initié pour profiter de l'effondrement des bourses mondiales.
     

     
     


    Face à ce monde en profonds bouleversements, profonds et chaotiques, heureusement que le peuple français peut compter sur son Président Emmanuel Macron. Dès le lendemain du fameux jour du 2 avril 2025, en moins de vingt-quatre heures, le chef de l'État a su réunir l'ensemble des industriels français fortement impactés par les mesures de Donald Trump afin de définir une stratégie française et également européenne. Ce volontarisme politique, économique et diplomatique d'Emmanuel Macron est salutaire pour la France, sa grandeur, sa fierté. Un peu plus tard, en se rendant en Égypte, le Président français a aussi tenté d'influer sur le cours des événements au Proche-Orient en n'hésitant pas à annoncer sa volonté d'accélérer la création de l'État palestinien.

    Mais je veux surtout revenir sur cette réunion du jeudi 3 avril 2025 au Palais de l'Élysée, à l'initiative d'Emmanuel Macron et avec la participation notamment du Premier Ministre François Bayrou et du Ministre de l'Économie et des Finances Éric Lombard. Emmanuel Macron a fait une courte intervention à l'intention des acteurs économiques français.
     

     
     


    Qu'a-t-il dit ? Il a présenté la situation économique mondiale actuelle (qui est en ce moment très mouvante, susceptible de changer radicalement de direction d'une journée à une autre) : « Il était important que nous puissions nous retrouver le plus rapidement possible après les annonces de la nuit dernière du Président Trump qui sont un choc pour le commerce international, pas simplement pour l'Union Européenne, la France, mais pour le bon fonctionnement du commerce. Ceci implique évidemment une mobilisation française et européenne. (…) En tout cas, je veux ici dire très clairement pour les entrepreneurs et l'ensemble des salariés de ces secteurs que nous serons à leurs côtés pour apporter des réponses concrètes. ».

    L'objectif de cette première rencontre entre l'Exécutif et les entreprises exportatrices vers les États-Unis, c'est de commencer à déterminer les conséquences réelles dans chaque secteur et à discuter sur la réorganisation à opérer et sur la riposte européenne. En particulier, il s'agirait de mieux taxer les services numériques (en clair, les GAFAM), provenant surtout des États-Unis, mais sans handicaper des entreprises françaises ou européennes.

    Emmanuel Macron a voulu commenter la décision américaine du 2 avril 2025. Son premier argument est qu'elle est en théorie insensée : « En tout cas, je veux ici dire très clairement pour les entrepreneurs et l'ensemble des salariés de ces secteurs que nous serons à leurs côtés pour apporter des réponses concrètes. ». Le second argument, c'est que cette décision est « brutale » et d'une « ampleur qui est en tout cas inédite ».

    L'enjeu de l'Europe porte sur un montant énorme de nos exportations vers les États-Unis : « Sur les 500 milliards que les Européens exportent vers les États-Unis d'Amérique, à date, nous avons une visibilité sur plus de 70% qui seront touchés par les tarifs, mais ceci, c'est en attente de ce qui est à confirmer, puisqu’on va avoir 20% de tarifs pour tous les secteurs, sauf l’aluminium, l’acier, l’automobile, qui sont déjà à 25%, la pharmacie, le bois et les semi-conducteurs sur lesquels les annonces vont suivre, mais qui seront vraisemblablement au moins à 25%. Donc, on le voit bien, c'est un impact massif qui va toucher tous les secteurs de l'économie et de l'export européen, avec un enjeu pour la France qui est plus limité que pour certains autres pays, bien qu’il soit là et qui, pour certaines filières, va être massif. ». Emmanuel Macron parlait de "tarifs" en reprenant le mot américain pour "droits" de douane ou "taxes" de douane.

    Le Président de la République a précisé l'impact économique sur la France, moins touchée que ses partenaires européens : « Pour nous, c'est 1,5% de notre PIB qui représente les exportations vers les États-Unis. Pour l'Italie, c'est plus de 3% de son PIB. L'Allemagne, 4%, l'Irlande, 10%. Donc il y a des pays qui sont encore plus exposés que nous, mais ce n'est pas peu de choses. Surtout, nous aurons à prendre en compte, évidemment, les conséquences indirectes de ces mouvements. Parce que les tarifs sont massifs sur la Chine, l'Inde et plus généralement l'Asie du Sud-Est. Ce qui va créer des risques de potentiel déport de certains de ces produits et biens, qui va impacter très clairement nos économies et l'équilibre de certaines filières et de nos marchés. ».

    La catastrophe est d'abord pour les États-Unis : « Le caractère négatif est avant tout pour l'économie américaine. Et une chose est sûre, avec les décisions de cette nuit, l'économie américaine et les Américains, qu'il s'agisse des entreprises ou des citoyens, sortiront plus faibles qu'hier et plus pauvres. Et je pense qu'il faut le marteler. Et nous, il faut tenir (…) parce que ces décisions, elles ne sont pas soutenables pour l'économie américaine elle-même. L'impact sur l'économie américaine est immédiat, là où il va mettre plusieurs années à être tangible dans les économies européennes. Mais surtout, il est bien plus massif sur les premières analyses, autour de deux points de PIB. ».

    En d'autres termes, Emmanuel Macron a proposé que l'Europe s'organise autrement pour ne pas être trop impactée par ces mesures douanières. Il faut donc « nous organiser, c'est-à-dire être à la fois réactifs, unis et organisés. C'est au fond cela dont il s'agit. La réponse doit venir de l'Europe. ».
     

     
     


    Ainsi, l'hôte de l'Élysée a envisagé la riposte européenne qui a été réfléchie (donc pas immédiate) et mesurée (toute surenchère se ferait sur le dos des consommateurs européens) : « En termes de méthode, la riposte européenne se fera en deux étapes, parce que riposte, il y aura, de manière claire. Je le dis pour que ce soit clair pour tout le monde. La première riposte aura lieu mi-avril. Elle portera sur les taxes déjà décidées, en particulier sur acier et aluminium. Et les difficultés qui avaient pu apparaître sur des premières listes ont pu être corrigées. Les réponses qui arriveront dans les jours qui viennent seront des réponses qui sont sur le premier paquet : acier, aluminium. La deuxième réponse, plus massive, celle aux tarifs annoncés hier, se fera à la fin du mois, après une étude précise, secteur par secteur, et un travail avec l'ensemble des États membres et, évidemment, des filières économiques. ». C'est ce qui s'est passé lorsque la riposte européenne a été annoncée le 9 avril 2025 (quelques heures avant la vote-face de Donald Trump).

    D'où la demande du chef de l'État aux chefs d'entreprise d'agir en Européens : « Je vous demande aussi de bien vouloir vous coordonner avec vos homologues européens pour faire remonter un travail unifié, fort et résolument européen. Et je pense qu'il est très important d'être très clair, nous, filière par filière, mais de tout de suite essayer de jouer européen pour pas qu'il y ait, si je puis dire, d'échappée solitaire. Au fond, nous avons besoin, dans cette phase, de rester unis et d'être déterminés. Et je le dis aussi parce que je sais ce qui va se passer, les plus gros auront tendance à jouer solo. Et ce n'est pas une bonne idée. Si la réponse aux tarifs qui viennent d'être remis par l'administration américaine, c'est de faire des concessions immédiates ou d'annoncer des investissements pour pouvoir négocier des exemptions, c'est une très mauvaise idée. Parce que nous avons une force. C'est un marché de 450 millions d'habitants. C'est ça, l'Europe. L'Union Européenne, c'est 450 millions de consommateurs. C'est plus que le marché américain. Et donc si les Européens jouent groupés, c'est-à-dire préparent la réponse, qu'elle est unifiée, qu'elle est proportionnée, mais qu'elle est réelle, et que derrière, toutes les filières jouent de manière cohérente avec une vraie solidarité de filières, à ce moment-là, nous saurons avoir ce qui doit être notre objectif, qui est le démantèlement des tarifs. L'objectif, c'est évidemment qu'on apporte une réponse mais avec un terme à tout cela. Nous devons montrer que c’est par la négociation qu’on arrivera évidemment à démonter les tarifs qui ont été annoncés ces dernières semaines et en particulier ces dernières heures, et que nous, on démonte les nôtres. ».

    Le chemin est étroit pour l'Europe. Sa réaction doit être mesurée, mais elle ne doit pas être naïve : « Nous sommes dans la vertu du commerce. Mais simplement, on n'est pas naïfs, donc on va se protéger. Mais j'insiste sur l'importance de la réactivité, de bien préparer la réponse filière par filière et d'être unis, et surtout qu'il y ait une solidarité dans chaque filière. Donc je pense que ce qui est important, et c'est tout le travail qu'il faut faire par filière, c’est que les investissements à venir ou que les investissements annoncés ces dernières semaines, soient un temps, suspendus, tant qu'on n'a pas clarifié les choses avec les États-Unis d'Amérique. Parce que quel serait le message d'avoir des grands acteurs européens qui se mettent à investir des milliards d'euros dans l'économie américaine au moment où ils sont en train de nous taper. Donc il faut qu'on ait de la solidarité collective. ».
     

     
     


    En substance, avec la décision de Donald Trump, Emmanuel Macron a repris une formule qu'avait employée très longtemps auparavant Laurent Fabius pour évoquer le FN : un parti qui pose de bonnes questions mais qui ne donne pas les bonnes réponses. Ici, dans la mondialisation, le problème est réel mais les solutions à apporter inappropriées : « Il y a trop de désindustrialisations en Occident. La réponse, ce n'est pas de mettre des tarifs et de casser le commerce international, c'est d'être plus productifs en Occident. Et donc, nous devons travailler dans le même temps au niveau français et européen à accélérer nos programmes d'investissement, de réindustrialisation, nos simplifications, que beaucoup d'entre vous portent, française et européenne, et au fond, un agenda de simplification, de compétitivité, de réindustrialisation. Cette réponse, elle est essentielle dans la période, il faut l'accélérer. ».

    Autre point, l'indépendance économique passe aussi par la décarbonation de l'économie française et européenne : « Je rappelle que quand on regarde notre commerce extérieur, son déficit, ses déséquilibres, il est aux deux tiers conduit par notre dépendance à des hydrocarbures et du fossile que nous ne produisons pas, mais que nous consommons. Donc tout l'agenda de décarbonation qu'on a enclenché, sur lequel on investit, est bon parce qu'il réduit la facture et la dépendance. ».


    Il faut aussi préserver des barrières commerciales pour les véhicules électriques : « On l'a commencé sur les véhicules électriques chinois, et on assume. On en paye d'ailleurs les conséquences, nous, Français, parce que parfois on avait été identifiés comme les plus cohérents, donc ceux qui étions les plus vocaux. Mais je vais être clair, on ne peut pas demander à nos industriels de faire des transitions, ce que vous faites toutes et tous, et ne pas les protéger et en quelque sorte laisser de la concurrence déloyale s'installer. ».

    Les taux élevés des taxes douanières américaines pour l'Asie auront aussi des conséquences secondaires importantes sur l'Europe : « Sur beaucoup de secteurs, on va être confrontés, je le disais il y a un instant, à des surcapacités sud-asiatiques qui, au fond, voyant enfermer le marché américain, en tout cas en prenant pour certains 30 à 40 % de tarifs, vont rediriger leur flux vers l'Europe. Ce n'est pas forcément quelque chose qu'on voit tout de suite sur lequel on est en train de se préparer, mais enfin, ce sont des mécanismes qui vont avoir sur certaines de nos filières, dans l'agroalimentaire, dans les services, des conséquences qui peuvent être massives. ».
     

     
     


    En conclusion, Emmanuel Macron a résumé l'objectif et la méthode de la riposte européenne : « Rien n'est exclu. Et donc tous les instruments sont sur la table : des réponses tarifaires pour faire face, l'activation de mécanismes qui sont à notre main, comme le mécanisme anti-coercition, la possibilité d'avoir des réponses sur les services numériques, où les États-Unis sont extrêmement bénéficiaires sur l'Europe, la possibilité de regarder aussi les mécanismes de financement de l'économie américaine. Il ne faut rien exclure à court terme, il faut faire ce qui est le plus efficace, le plus proportionné, mais qui en tout cas marque très clairement que nous sommes décidés à ne pas laisser faire, à ne pas avoir des filières qui sont victimes de ces tarifs et donc, à nous défendre et nous protéger. ».

    Cette étape a été en partie réussie puisque, après l'annonce de la riposte européenne, Donald Trump a finalement repoussé de 90 jours la mise en application de ses tarifs douaniers, en estimant que la réaction européenne a été intelligente (ce qui, de la bouche de Donald Trump, n'est peut-être pas fait pour rassurer). Fermeté et subtilité, les Européens ont marché sur des œufs, car l'idée est aussi de ne pas plomber les Européens eux-mêmes. Dans ce dossier, Emmanuel Macron a eu une part d'initiative non négligeable, ce qui fait honneur à la France. Ce n'est peut-être pas un hasard si sa cote de popularité remonte progressivement. Le bon travail est toujours reconnu un jour ou l'autre.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur les taxes douanières américaines le 3 avril 2025 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Elon Musk.
    La révolution économique de Donald Trump ?
    Donald Trump, gros pêcheur devant l'Éternel !
    Grippe aviaire : désastre sanitaire mondial en perspective ?
    Gene Hackman.
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    Trump II : de justiciable à justicier !
    Canada, Groenland, Panama : Donald Trump est-il fou ou cynique ?
    Attentat à La Nouvelle-Orléans : les États-Unis durement endeuillés.
    Jimmy Carter, patriarche de l'humanitaire.
    Shirley Chisholm.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250403-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/emmanuel-macron-sur-le-front-du-260304

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/04/article-sr-20250403-macron.html





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  • Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public

     « Bientôt le dé-rassemblement national ? Dans le parti, certains voient en Bardella le responsable du bide du meeting du 6 avril, quand d’autres estiment que Marine devraient comprendre "que c’est sans doute fini pour elle" ! Ça promet pour 2027… » ("Le Canard enchaîné" du 9 avril 2025).



     

     
     


    La mousse médiatique commence à se dissiper autour de la condamnation très lourde de Marine Le Pen et d'une vingtaine de cadres du RN. Au-delà du fond, il y a la forme, et la mauvaise foi des dirigeants du RN est assez instructive.

    Dans un premier temps, voyons quelques arguments sur les soutiens supposés populaires de Marine Le Pen. Et dans un second temps, je reviendrai sur les motivations des juges d'avoir assorti la peine d'inéligibilité de cinq ans de Marine Le Pen de son exécution provisoire, l'empêchant de se présenter à une élection au moins jusqu'au jugement en appel.

    Le meeting du dimanche 6 avril 2025 à Paris, place Vauban, a été un véritable bide avec seulement quelques milliers de participants, environ 5 000, échec de mobilisation qui a l'air plutôt de réjouir le gagnant de l'affaire, Jordan Bardella. C'est le parti macroniste Renaissance qui a gagné la bataille de la mobilisation, en rassemblant exactement 8 853 sympathisants au meeting de Gabriel Attal à Saint-Denis. L'amusant, c'est d'ailleurs que le président délégué du groupe RN à l'Assemblée a alerté la procureure de la République sur le fait qu'il y aurait eu trop de présents à ce meeting, ce qui n'aurait pas permis de respecter les jauges de sécurité. En somme, une reconnaissance des capacités de mobilisation de Renaissance.

     

     
     


    On peut aussi voir à quel point les discours sont foireux. Par exemple, on peut parler de la pétition visant à soutenir Marine Le Pen à la suite de sa condamnation très lourde du 31 mars 2025. Elle était la même pétition que celle qui était déjà en ligne le 14 novembre 2024, c'est ce que permettent de savoir les archives de l'Internet. Le RN aurait juste changé le texte de la pétition, ce qui paraît peu loyal pour les signataires d'origine, et elle a la même adresse Internet que celle de 2024. Les centaines de milliers de signatures ne sont donc pas venues en trois jours, mais en quatre mois, cela réduit la nature du soutien spontané.

    Du reste, il suffit de regarder le sondage qu'a organisé la chaîne CNews, pourtant assez proche idéologiquement du RN, pour comprendre l'absence générale de compassion du peuple français aux déboires judiciaires de Marine Le Pen : 71% des sondés trouveraient normale sa condamnation, selon le principe énoncé par Gabriel Attal « Tu voles ; tu paies ! », tandis que seulement 29% seraient choqués par la peine d'inéligibilité. La bataille de l'opinion est complètement perdue par le RN et beaucoup voudraient trouver rapidement une porte de sortie, car vouloir maintenir la candidature de Marine Le Pen serait un suicide collectif.
     

     
     


    Répétons : dans cette grave affaire de grande délinquance (plus de 4 millions d'euros d'argent public détournés !), Marine Le Pen n'est pas du tout une victime mais une coupable, condamnée en première instance à 4 ans de prison dont deux ans ferme (et présumée innocente pour son procès en appel).

    Lisons la chronique que le professeur Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste lillois, a publié le 7 avril 2025 dans "Le Nouvel Observateur" : « La peine ne doit pas faire oublier la culpabilité. (…) Il n’est question que des modalités d’exécution d’une peine complémentaire, car l’exécution provisoire n’est pas, en soi, une peine mais une modalité de son application et l’inéligibilité n’est pas la peine principale, mais une peine qui vient la compléter. ».
     

     
     


    Jean-Philippe Derosier a insisté sur la stratégie suicidaire de la défense tout au long du procès : « Refusant d’admettre toute culpabilité et, au contraire, en justifiant les faits (qu’elle reconnaît), car une activité politique serait indissociable de tout mandat parlementaire, elle laisse entendre qu’elle considère ne rien avoir commis d’illégal et de pénalement répréhensible. Par conséquent, placée dans une situation identique, elle serait susceptible de les commettre à nouveau. Ce seul élément serait suffisant pour justifier l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité, dont l’un des objectifs est d’empêcher la récidive : on voit que le risque existe. ».

    Marine Le Pen a été condamné surtout comme la responsable en chef d'un système durable de détournement massif d'argent public, pas seulement en tant que députée européenne mais surtout en tant que présidente du RN. Il n'est donc pas besoin qu'elle soit députée européenne pour craindre une récidive.
     

     
     


    Au contraire, le risque de récidive est d'autant plus sérieux que l'actualité judiciaire nous apporte deux événements qui confortent nettement l'appréciation inquiète des trois juges du tribunal correctionnel de Paris.

    Le premier événement, c'est la confirmation, le 19 juin 2024, par la Cour de Cassation, de la condamnation en appel de sept proches de Marine Le Pen et de trois personnes morales de la mouvance d'extrême droite, pour escroquerie aux dépens de l'État, abus de biens sociaux, abus de confiance, recel et blanchiment, rien que cela. Le RN a été condamné à une amende de 250 000 euros pour cette affaire dite des kits de campagne (vente à un prix exagérément surévalué d'un matériel de campagne aux candidats RN aux législatives de juin 2012 destiné à être remboursé par l'État si le score est supérieur à 5%). Cette condamnation est définitive depuis le rejet des pourvois en cassation. La cour d'appel avait alors estimé que ce système avait « porté atteinte aux règles de la démocratie ».
     

     
     


    Le second événement a été confirmé par France Inter ce mercredi 9 avril 2025 à partir d'une indiscrétion de l'hebdomadaire satirique "Le Canard enchaîné" du 9 avril 2025 : le président du RN Jordan Bardella souhaitait rémunérer son directeur de cabinet de parti avec l'argent des assistants parlementaires du Parlement Européen. C'est-à-dire exactement ce qu'on a reproché à Marine Le Pen et à une vingtaine de membres du RN !

    Effectivement, dans un courrier daté du 26 mars 2025, le secrétaire général du Parlement Européen a adressé à Jordan Bardella un refus de renouveler le contrat d'assistant parlementaire à temps partiel de François P., directeur de cabinet du président du RN à Paris et conseiller région d'Île-de-France (rappelons que le mandat de conseiller régional est lui-même rémunéré) : « Compte tenu de vos responsabilités en tant que président de parti, les missions de M. P. comme directeur de cabinet exigent un certain degré de disponibilité et de réactivité. Cela parait peu conciliable avec la régularité des tâches d'assistance parlementaire que vous envisagez de lui confier, du lundi au jeudi de 9 heures à 12h30. ».
     

     
     


    Dans l'affaire Le Pen, on avait reproché exactement la même chose : que des assistants parlementaires en temps partiel soient officiellement embauchés pour, en fait, rémunérer sur fonds publics, les nôtres, ceux du contribuable, le majordome de Jean-Marie Le Pen, sa secrétaire et son directeur de cabinet, le garde du corps de Marine Le Pen, etc. Il est là, le scandale, et visiblement, Jordan Bardella voudrait continuer ce système malgré près de dix ans d'instruction, un long procès et un jugement qui a fait polémique. C'est à se demander si Jordan Bardella a lu une seule fois un journal ces derniers mois.

    Le risque que Marine Le Pen supervise ce système de détournement de fonds publics une nouvelle fois n'est donc pas mince puisqu'elle refuse obstinément de reconnaître sa faute (tout en reconnaissant les faits !).


    La seconde motivation qui ont conduit les juges à assortir la peine d'inéligibilité de son exécution provisoire, c'est ce qu'on appelle le trouble public. Jean-Philippe Derosier a ainsi justifié cette seconde motivation des juges : « Dès lors que Madame Le Pen a été reconnue coupable et condamnée par le tribunal, ce dernier est légitime à relever que les faits commis sont de nature à porter une atteinte tant à la confiance des citoyens dans la vie publique, qu’à la probité et à l’exemplarité qui doivent s’attacher aux élus, dans l’exercice de leur mandat. Ainsi, permettre qu’une telle personne, reconnue coupable et condamnée par un tribunal, puisse concourir à une élection, en particulier l’élection présidentielle et puisse a fortiori être élue, constitue un trouble majeur à l’ordre public démocratique. On peut ajouter que si Marine Le Pen était élue Présidente de la République dans ces circonstances, elle échapperait à la justice pendant tout le temps de son mandat et serait en position de faire évoluer la législation pénale pour l’exonérer de sa responsabilité, en influant sur le travail gouvernemental et législatif comme le fait tout Président de la République. ».
     

     
     


    Le professeur de droit constitutionnel a conclu ainsi : « Il est donc parfaitement légitime et juridiquement fondé que le tribunal conclue qu’il lui appartient de veiller à ce que les élus, comme tous les justiciables, ne bénéficient pas d’un régime de faveur, incompatible avec la confiance recherchée par les citoyens dans la vie politique. Il prononce donc l’exécution provisoire de l’inéligibilité, afin de la rendre applicable immédiatement. Cette exécution provisoire ne contrevient ni au procès équitable, ni au droit au recours, ni à la présomption d’innocence. ».

    Il a rappelé en outre que, contrairement à ce qu'a vaguement affirmé, le 1er avril 2025, le Premier Ministre François Bayrou (à savoir : « En principe de droit, toute décision lourde et grave en matière pénale doit pouvoir faire l’objet d’une procédure en appel et d’un recours. Cependant, le dispositif de l’exécution provisoire conduit à ce que des décisions lourdes et graves ne soient pas susceptibles de recours. Il n’est alors plus possible de faire appel de décisions qui, pourtant, peuvent entraîner des conséquences irréversibles. J’ai toujours, comme citoyen, considéré ce point comme problématique. »), la peine d'inéligibilité n'est pas définitive et qu'il y a possibilité de recours puisqu'il aura appel : « Marine Le Pen a interjeté appel et verra donc sa cause de nouveau entendue. D’après ce qui a été annoncé, la cour d’appel pourrait même se prononcer avant l’élection présidentielle. Elle exerce donc son droit au recours et pourra de nouveau faire valoir ses arguments, de façon contradictoire, devant une juridiction indépendante et impartiale, comme elle l’a fait devant le tribunal correctionnel. Elle continue de bénéficier de la présomption d’innocence et l’exécution provisoire de l’inéligibilité ne la remet pas en cause car son objectif est simplement de préserver l’ordre public démocratique à l’égard d’une personne susceptible de lui porter une atteinte irréparable. ».
     

     
     


    Jean-Philippe Derosier a d'ailleurs fait la comparaison avec des affaires criminelles, en en pointant bien sûr les différences : « Imaginerait-on contester le placement en détention provisoire d’un individu soupçonné de multiples meurtres ? Certainement pas : bien qu’il bénéficie, comme tout justiciable, de la présomption d’innocence, l’objectif constitutionnel de préservation de l’ordre public justifie une telle mesure privative de liberté, car il présente un réel danger pour la société. Peut-on oser comparer la situation d’un meurtrier avec celle d’une élue ? Non. Les situations sont évidemment différentes. Mais la détention provisoire n’est précisément pas de même nature que l’inéligibilité provisoire. Cependant, la justification participe de la même dynamique : il existe non un danger pour la société, mais un danger pour la démocratie et il est du rôle de la justice de nous en préserver, au nom de tout le peuple français. Marine Le Pen dispose alors du droit de se défendre. ».

    Il faut rappeler que l'utilisation des 4,1 millions d'euros que le tribunal correctionnel de Paris a considérés comme de l'argent public détourné par le RN a contribué au renforcement déloyal de la puissance électorale du RN par rapport aux autres formations politiques qui ont respecté la loi et a donc faussé le jeu démocratique (a troublé l'ordre public démocratique) au profit du RN qui aurait pu obtenir moins d'élus sans cette force de frappe (mais ça, on ne le saura jamais et c'est peut-être faux, mais le simple fait qu'on puisse l'imaginer dénature la loyauté et la sincérité de la vie démocratique pendant toute cette période).

    Comme je l'ai déjà expliqué, la peine d'inéligibilité de Marine Le Pen n'a rien d'exceptionnel. Plusieurs personnalités politiques l'ont déjà eue récemment assortie d'une exécution provisoire, parfois de dix ans !
     

     
     


    Les statistiques du Ministère de la Justice donnent d'ailleurs des indications précieuses : en 2023, 639 personnes ont été condamnées en France à une peine d'inéligibilité assortie d'une exécution provisoire. Le cas de Marine Le Pen n'est donc pas rare. Au total, en 2023, les tribunaux de France ont condamné 16 364 personnes à une peine d'inéligibilité, l'exécution provisoire correspond donc à 4% des peines d'inéligibilité en 2023 (qui ont été en forte augmentation, elles étaient au nombre de 9 125 en 2022, dont plus de 300 avec exécution provisoire). De ces données, dans un article de France Info publié le 3 avril 2025, Armêl Balogog en a déduit ainsi : « Il est donc possible d'en conclure que le principe de l'exécution provisoire n'a rien d'exceptionnel et qu'il fait intrinsèquement partie de l'exercice de la justice. ».


    Toutes ces observations montrent que la condamnation lourde de Marine Le Pen ne provient pas un supposé complot contre elle et son parti (qui pourra toujours présenter un candidat à la prochaine élection présidentielle), mais l'exercice ordinaire de la justice qui doit s'appliquer avec la même sévérité, ni plus ni moins, quels que soient les délinquants mis en cause. Cela ne fera pas changer d'avis les militants convaincus et apparatchiks du RN, mais va sérieusement compliquer la tâche de ce parti pour trouver de nouveaux électeurs et tenter de faire exploser le plafond de verre qui sévit depuis 1972. Le meilleur moyen aurait été sans aucun doute de ne pas détourner de fonds publics et d'être honnête avec l'argent des contribuables. C'est le minimum qu'on peut attendre de tout futur élu.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250407-condamnation-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-pen-ineligibilite-execution-260351

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/08/article-sr-20250407-condamnation-le-pen.html


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  • Robert Badinter au Panthéon : faut-il s'en réjouir ?

    « Les lois de la vie et de la mort comme suspendue, vaincue, abolie. Alors, s’ouvre le temps de la reconnaissance de la Nation. Aussi votre nom devra s’inscrire, aux côtés de ceux qui ont tant fait pour le progrès humain et pour la France et vous attendent, au Panthéon. » (Emmanuel Macron, le 14 février 2024 à Paris).




     

     
     


    Selon une information diffusée ce mardi 8 avril 2025 dans la soirée et confirmée par l'entourage du Président de la République Emmanuel Macron, l'ancien garde des sceaux Robert Badinter, qui est mort l'année dernière, le 9 février 2024, entrera au Panthéon le 9 octobre 2025, qui est la date du quarante-quatrième anniversaire de la promulgation de la loi n°81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort.

    La panthéonisation de Robert Badinter a été envisagée dès son décès et même bien auparavant. La principale personne concernée ne s'était pas opposée, de son vivant, à cette idée, même s'il lui était pénible d'être l'objet d'honneurs publics. Il avait ainsi refusé toute décoration nationale, que ce soit l'Ordre national du Mérite ou la Légion d'honneur. Il avait été d'ailleurs un moment envisagé une panthéonisation du couple Badinter, avec également sa femme Élisabeth Badinter lors du décès de celle-ci, au même titre que l'époux de Simone Veil, Antoine Veil, a été transféré à ses côtés au Panthéon (mais je trouvais cette planification un peu morbide).

     

     
     


    Finalement, il a été conclu que Robert Badinter ira au Panthéon... sans ses cendres qui resteront inhumées là où elles se trouvent actuellement. Cela avait déjà été le cas pour Geneviève Anthonioz-De Gaulle et Germaine Tillion.

    Lors d'un hommage national à l'avocat de François Mitterrand, le 14 février 2024, Emmanuel Macron avait annoncé sa panthéonisation probable, mettant Robert Badinter aux rangs de ceux qui ont « tant fait pour le progrès humain et pour la France ».

     

     
     


    Le transfert des cendres d'une personnalité, en principe de nationalité française (mais il y a eu des exceptions), est décidée par un décret du Président de la République, sur proposition du Premier Ministre et sur rapport du Ministre de la Culture.

    Je suis toujours gêné par le principe de la panthéonisation qui est l'équivalent républicain et laïque d'une sorte de béatification voire canonisation pour les chrétiens. Il est difficile de sélectionner ceux qui devraient en être et ceux qui ne devraient pas en être, d'autant plus que cela dépend beaucoup du moment, de l'évolution de la société et aussi de la connaissance qu'on peut avoir des personnes (ainsi, l'abbé Pierre avait été souvent cité pour faire partie des prochains panthéonisés ; on se rassure qu'il ne le soit finalement pas !). On a aussi panthéonisé des maîtres de cérémonie de panthéonisation, par exemple, André Malraux pour Jean Moulin.

    Heureusement, dans un éclair à la fois de lucidité et d'extrême orgueil, beaucoup de grands personnages de l'État ont refusé de leur vivant ce genre d'hommage, le premier d'entre eux étant De Gaulle lui-même qui craignait de ne pas pouvoir se reposer en paix. Devenir comme une œuvre d'art dans un musée, visitée par des milliers de touristes, n'est pas forcément du goût de tous les macchabées qui aspirent plutôt à la tranquillité.

     

     
     


    L'idée de panthéoniser Robert Badinter a pourtant un véritable sens, celui d'avoir su, au-delà des oppositions feutrées ou même féroces (il suffit de voir les réactions ces prochains jours sur cette information ; Robert Badinter bénéficie encore d'un haut niveau de haine qui montre à quel point il fallait du courage pour aller jusqu'au bout de son projet), ...d'avoir su mener à bien l'abolition de la peine de mort qui n'est pas une question de politique pénale, ni de politique tout court, mais une question de société, de philosophie : la justice, au nom du peuple français, avait-elle le droit de supprimer des vies ? C'est un choix de société. La réponse depuis le 9 octobre 1981 est non, et le Président Jacques Chirac, qui, lorsqu'il était député, avait voté cette abolition de la peine de mort (comme d'autres personnalités de l'opposition, entre autres Philippe Séguin), a même renforcé le dispositif en rendant constitutionnelle cette abolition, ce qui reste une garantie pour tous les justiciables en France.
     

     
     


    Ainsi, on peut voir une analogie entre Simone Veil, qui a mené à bien la loi sur l'IVG en 1974-1975, et Robert Badinter la loi sur l'abolition de la peine de mort en 1981. Aucun des deux n'avait vraiment prévu la chose dans leur existence. Jean Lecanuet aurait dû le faire pour l'IVG et Maurice Faure pour la peine de mort. Les deux lois ont été, par la suite, intégrées dans la Constitution. Enfin, dernière analogie qui n'est pas sans intérêt, les deux ont connu l'atrocité des camps d'extermination (elle comme déportée ; lui, qui a failli être déporté, touché de plein fouet), y perdant chacun une partie de leur famille, ce qui en a fait des êtres toujours associés à une certaine gravité historique (les parents de Robert Badinter étaient tous les deux d'origine moldave et ont obtenu la nationalité française quelques semaines avant sa naissance).

    Ministre de la Justice de 1981 à 1986, Président du Conseil Constitutionnel de 1986 à 1995, sénateur des Hauts-de-Seine de 1995 à 2011, Robert Badinter a incarné pendant sa vie publique une certaine idée de faire de la politique, celle de l'intellectuel, celle du moraliste, mais certainement pas celle de l'ambitieux. Il a pris les chemins détournés de la politique pour suivre, paradoxalement, son ambitieux ami François Mitterrand pour qui il voua une fidélité mise parfois à rude épreuve. La République a de quoi s'enorgueillir d'avoir eu parmi ses serviteurs un homme tel que Robert Badinter. C'est parce qu'ils sont rares qu'il faut savoir les honorer et en faire des exemples républicains (sans qu'ils en soient pour autant des modèles).



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Robert Badinter au Panthéon : faut-il s'en réjouir ?
    Élisabeth Badinter.
    Robert Badinter transformé en icône de la République.
    Hommage national à Robert Badinter le 14 février 2024 à Paris (texte intégral et vidéo).

    Robert Badinter, un intellectuel errant en politique.
    Le procureur Badinter accuse le criminel Poutine !
    L'anti-politique.
    7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
    Une conscience nationale.
    L’affaire Patrick Henry.
    Robert Badinter et la burqa.
    L’abolition de la peine de mort.
    La peine de mort.
    François Mitterrand.
    François Mitterrand et l’Algérie.
    Roland Dumas.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250408-robert-badinter.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/robert-badinter-au-pantheon-faut-260398

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/09/article-sr-20250408-robert-badinter.html


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  • Joseph Laniel : il y a du lingot dans cet homme-là !

    « On voudrait bien, ne serait-ce que par souci de ne pas être banal, comparer Joseph Laniel à autre chose qu’un bœuf. Mais cela est d’autant plus impossible qu’il semble cultiver comme à plaisir la ressemblance. Ce n’est pas assez qu’il soit massif, pesant, de membres brefs et lourds, que sa tête engoncée dans ses épaules soit presque aussi large que son poitrail, que ses gros yeux aux bords rouges aient l’air d’attendre les mouches, et que, de son museau qui mastique à l’horizontale (c’est la seule façon qu’a Laniel de ruminer), on s’étonne de ne pas voir découler un scintillant filet de bave. » (André Figueras, 1956).



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    L'ancien chef du gouvernement de la Quatrième République Joseph Laniel est mort il y a cinquante ans, le 8 avril 1975. L'occasion de revenir sur la période pendant laquelle il a dirigé la France d'une main de fer et sur l'occasion perdue de son élection à la Présidence de la République.

    Après trente-quatre années de carrière politique, tant locale que nationale, Joseph Laniel est arrivé au sommet de sa puissance lors de son investiture, le 26 juin 1953, comme Président du Conseil.

    Il dirigea l’un des gouvernements les plus longs de la Quatrième République (après Guy Mollet), du 28 juin 1953 au 12 juin 1954. Sa composition fut approuvée par les députés le 30 juin 1953. Il y avait trois Vice-Présidents du Conseil, son mentor Paul Reynaud (CNIP), Henri Queuille (radical) et Pierre-Henri Teitgen (MRP), et on pouvait retrouver (certains étaient simplement reconduits du ou des gouvernement précédents) notamment : François Mitterrand (UDSR) au Conseil de l’Europe, Georges Bidault (MRP) aux Affaires étrangères, secondé par Maurice Schumann (MRP), René Pleven (UDSR) à la Défense nationale et Forces armées, aidé notamment de Pierre de Chevigné (MRP) à la Guerre, Edgar Faure (radical) aux Finances et Affaires économiques, André Marie (radical) à l’Éducation nationale, Louis Jacquinot (CNIP) à la France d’Outre-mer et Paul Coste-Floret (MRP) à la Santé publique et Population. Quatre députés venus du RPF ont fait leur entrée, ce qui était nouveau.

    Formellement, il y a eu deux gouvernements, car l’investiture du nouveau Président de la République imposait la démission du gouvernement le 16 janvier 1954, qui fut immédiatement et intégralement reconduit, pratiquement sans aucun changement (à noter l’apparition furtive du député des concierges parisiens, Édouard Frédéric-Dupont, comme Ministre des Relations avec les pays associés du 3 au 9 juin 1954, il avait là l’étiquette CNIP, il avait été élu sous l’étiquette RPF, et il avait voté les plein pouvoirs à Pétain en 1940).

    Toute l’attention de Joseph Laniel pendant le temps de son gouvernement fut portée sur les problèmes économiques et financiers. La situation économique était mauvaise, elle se dégradait : la croissance s’essoufflait, le chômage redémarrait. Sur le plan extérieur, il s’était engagé à préserver la continuité de la politique de la France (menée par Georges Bidault). Il y a eu deux éléments perturbateurs pour son gouvernement : la guerre d’Indochine et le projet de la Communauté européenne de défense (CED) qui divisait profondément tant le peuple français que la classe politique.

    L’été 1953 fut particulièrement dense dans la vie politique et sociale en France. En effet, profitant des vacances estivales, Joseph Laniel, droit dans ses bottes, a voulu adopter quelques réformes sociales à l’arraché. Le 8 juillet 1953, il a obtenu des députés, par 329 voix contre 277, la possibilité de légiférer par décrets-lois (on dirait "ordonnances" maintenant) pendant trois mois pour réformer (déjà !) l’âge de départ à la retraite des fonctionnaires et les conditions d’avancement, également pour réformer la Banque de France. L’idée annoncée était de faire la rigueur budgétaire pour relancer l’économie. Pour la gauche, c’était le détricotage annoncé du programme du CNR.

    Alors que Joseph Laniel pensait pouvoir légiférer en toute quiétude durant l’été, profitant notamment de la division structurelle des forces syndicales (scission de la CGT avec FO), ce fut tout le contraire qui arriva, et cela venant de la base. Avant même que les textes fussent rédigés et présentés, une grande grève commença dans les services publics, à partir du 4 août 1953 (les premiers furent les postiers bordelais). La grève était motivée notamment par des rumeurs sur une harmonisation par le bas des régimes spéciaux de retraites, des licenciements d’auxiliaires, un blocage des salaires, une prolongation de deux ans de l’âge de la retraite, etc. Toutes ces mesures devaient être présentées au Conseil supérieur de la fonction publique, ce qui était prévu d’abord le 4 août puis le 7 août 1953 (ce qui expliquait la grève à partir du 4). Les syndicats ont boycotté la réunion de ce conseil supérieur. Le 9 août 1953, le conseil des ministres a adopté la dernière version des réformes de la fonction publique, faisant quelques concessions aux syndicats mais c’était trop tard, le mouvement était lancé.

    Cette grève illimitée a été très suivie, avec une unité syndicale à la base : éboueurs, postiers PTT, cheminots SNCF, électriciens EDF, gaziers GDF, RATP, Air France, personnels de santé, etc. ont fait grève (seuls les enseignants étaient absents du mouvement pour cause de vacances scolaires). 4 millions de grévistes le 13 août 1953 ! On interdisait même aux ministres de téléphoner, les agents coupaient leurs communications privées !

    La réaction du gouvernement fut également très forte, refusant de céder à la pression des grévistes (Joseph Laniel l’a martelé plusieurs fois le 12 août 1953 à la radio nationale) : perquisitions, arrestations, inculpations (notamment d’André Le Léap, secrétaire général de la CGT, l’autre secrétaire général Benoît Frachon étant passé dans la clandestinité !), réquisition de l’armée et de détenus, etc.

    Dans "Le Monde diplomatique" d’août 2017, l’historien Michel Pigenet a expliqué : « Acteur et observateur lucide à son poste de Ministre des Finances, Edgar Faure décrit un climat de "défoulement" et de "bonne rigolade, presque comme un canular". Le sentiment d’invincibilité métamorphose la colère initiale en enthousiasme bon enfant. Août 1953 diffère de novembre-décembre 1947, où les "grèves rouges" s’étaient soldées par la mort de quatre ouvriers et plus de 1 300 arrestations. ».

    Le 21 août 1953, finalement, le gouvernement réussit à trouver un accord avec les syndicats FO et CFTC, aucune réforme n’aura été vraiment entérinée, et les retours au travail se sont fait très lentement (les grévistes CGT se sentant trahis). Les personnes arrêtées furent libérées si bien que même la CGT appela à la reprise du travail le 25 août 1953.

    Ce qui reste étonnant, c’est que cette grève d’août 1953, qui fut générale et illimitée, n’a pas marqué ce qu’on pourrait appeler la "mémoire collective" ou la "mémoire nationale". Pourtant, elle était mémorable, et surtout, elle n’est pas sans rappeler, aujourd’hui, la crise des gilets jaunes, selon ce qu’a exprimé Michel Pigenet pour août 1953 : « Confronté à l’État patron, le mouvement acquiert une signification politique, mais n’a ni les moyens ni l’ambition de s’ériger en solution de rechange. S’y engager le perdrait. » ("Le Monde diplomatique", août 2017).

    Cette crise sociale a cependant fait date à court terme dans l’esprit des parlementaires socialistes, et l’idée d’une résurgence de la Troisième force (SFIO-MRP-radicaux) sous l’égide de Pierre Mendès France allait refaire son chemin. Au congrès du parti radical le 23 septembre 1953, Pierre Mendès France lança : « Nous sommes en 1788 ! » et analysa : « Les grèves récentes n’étaient pas des grèves politiques ni exactement des grèves professionnelles. Certains grévistes étaient incapables de définir avec précision leurs revendications. C’étaient les grèves de la tristesse, du désespoir, du découragement. ». Cela fait en effet penser aux gilets jaunes.

    Mais aussi à long terme : elle a tétanisé tous les gouvernements pendant un demi-siècle en les dissuadant de faire des réformes (comme la fin des régimes spéciaux des retraites), nous sommes en pleine actualité ! et aussi dans la structuration de la vie politique. En effet, dès le 22 juillet 1953, un mouvement allait s’opposer aux grévistes qui mettaient en danger l’économie française, notamment les petits entrepreneurs et les commerçants, l’UDCA (Union de défense des commerçants et artisans). Ce mouvement fut celui de Pierre Poujade qui entra massivement à l’Assemblée Nationale aux élections législatives suivantes du 2 janvier 1956 avec 52 élus (dont Jean-Marie Le Pen) et 12,9% des voix (2,7 millions d’électeurs !).

    Dans la politique gouvernementale, la crise a aussi eu un effet sur Edgar Faure, aux Finances, qui prôna une volonté de reprise de l’économie française avec une expression qui lui était très particulière : "l’expansion dans la stabilité" (en février 1954). Les salaires des fonctionnaires allaient d’ailleurs augmenter de 14% sur les deux années qui suivaient.

    Parmi les mesures économiques et sociales du gouvernement Laniel, il faut citer l’instauration de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) le 10 avril 1954 et l’adoption de la loi n°54-439 du 15 avril 1954 sur le traitement des alcooliques dangereux pour autrui. Toujours dans le domaine social, il faut rappeler que l’abbé Pierre (qui fut député MRP de Nancy de 1945 à 1951) a fait son fameux appel contre la misère le 1er février 1954.

    Le 20 août 1953, Joseph Laniel a eu aussi à réagir sur la décision sans concertation du résident général au Maroc de déposer le sultan Mohammed Ben Youssef. Joseph Laniel a finalement entériné à son compte le fait accompli, entraînant des protestations polies d’Edgar Faure et la démission de François Mitterrand le 4 septembre 1953. Plus tard, après avoir quitté le pouvoir, Joseph Laniel s’expliqua sur ce dossier le 8 octobre 1955 devant les députés, ce fut d’ailleurs sa seule intervention publique dans l’hémicycle après sa démission jusqu’à la fin de la législature.

    Dans son "Bloc-notes" du 14 novembre 1954, François Mauriac a écrit, sans complaisance : « Il faut rendre justice à monsieur Joseph Laniel : en voilà un qui ne trompe pas son monde ! Ce Président massif, on discerne du premier coup d’œil ce qu’il incarne : il y a du lingot dans cet homme-là. Sans doute ignore-t-il "le grand secret de ceux qui entrent dans les emplois" que nous livre le cardinal de Retz, et qui est "de saisir d’abord l’imagination des hommes". On ne saurait moins parler à l’imagination que monsieur Joseph Laniel. Ce Président-là nous ferait découvrir de la fantaisie chez monsieur Doumergue, et chez monsieur Lebrun, de la verve. »  Il est cependant revenu le 29 janvier 1966 sur cette réflexion en regrettant d’avoir employé le mot "lingot".

    La grande affaire politique du moment était la Communauté européenne de défense (CED), dont le traité fut signé le 27 mai 1952, mais dont les débats allaient se terminer bien plus tard, le 30 août 1954 avec le rejet par 319 députés français contre 264. Cependant, le clivage sur la CED (qui, comme les autres traités européens par la suite, en 1992 ou en 2005) se faisait à l’intérieur de la plupart des partis (sauf par exemple le MRP qui était proeuropéen de manière homogène) allait se traduire lors de la très difficile élection présidentielle de décembre 1953.

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    Le mandat de Vincent Auriol s’achevait effectivement et il ne se représentait pas. Le Président de la République était élu par l’ensemble des parlementaires (députés et "conseillers de la République", équivalents de sénateurs). Cette élection présidentielle s’est déroulée dans la plus grande confusion, puisqu’il a fallu treize tours avant de connaître l’élu, pire qu’un pape ! En effet, le Président devait être élu à la majorité absolue, quel que soit le tour, pas seulement à la majorité relative après le premier ou deuxième tour.

    Elle a eu lieu du 17 au 23 décembre 1953 et a donné une très mauvaise image de la classe politique et de la Quatrième République. Joseph Laniel s’est présenté à cette élection, dès le premier tour, et fut considéré comme le favori. Il se présenta aux dix premiers tours et il aurait dû, en toute logique arithmétique, être élu. Mais son soutien à la CED, ses manières assez brutales de gouverner ("à la tête de bœuf"), et son "origine industrielle" qui reste toujours effrayante dans la classe politique française (on le voit pour Emmanuel Macron et sa furtive incursion dans une banque d’affaires) lui ont retiré quelques soutiens qui auraient pu être déterminants dans l’élection. Sans compter l’enlisement politique et militaire en Indochine.

    Par ailleurs, le Président du Congrès, André Le Troquer (SFIO) a tout fait pour éviter son élection (selon l’historien Jean-Pierre Rioux), jusqu’à retirer, dans la comptabilisation des votes favorables, les bulletins où n’était indiqué que son patronyme "Laniel" sans son prénom Joseph, pouvant ainsi laisser un doute sur la destination du bulletin car il y avait aussi un René Laniel, son frère, qui siégeait au Sénat (il n’était pas nécessaire d’être candidat pour recueillir des voix).

    Même si les institutions n’étaient pas comparables, cette élection a montré à quel point il est difficile et, pour l’instant, impossible, à un chef du gouvernement d’être élu Président de la République (à l’exception de De Gaulle le 21 décembre 1958) : en effet, sous la Cinquième République et après la réforme de 1962 du suffrage universel direct pour élire le Président de la République, aucun candidat Premier Ministre en exercice n’a pu se faire élire : ni Jacques Chirac en 1988, ni Édouard Balladur en 1995, ni Lionel Jospin en 2002. Georges Pompidou avait été obligé de démissionner l’année précédant son élection (pour être "en réserve de la République") et Jacques Chirac avait refusé de diriger un nouveau gouvernement de cohabitation en 1993 avant l’élection présidentielle de 1995. Quant aux autres Présidents de la Cinquième République, ils n’ont jamais occupé Matignon.

    Le premier tour du 17 décembre 1953 laissait entendre un match entre le socialiste Marcel-Edmond Naegelen, ancien ministre, qui bénéficia aux autres tours du report des voix communistes, et le chef du gouvernement Joseph Laniel. Naegelen a eu 160 voix et Laniel 155 voix, ce qui représentait seulement un sixième des voix et pas la majorité absolue. La raison, c’était la présence d’autres candidats, surtout du centre droit : Georges Bidault représentait le MRP avec 131 voix, Yvon Delbos les radicaux avec 129 voix, même le CNIP était divisé avec un second candidat Jacques Fourcade qui ramassait 62 voix, et un radical indépendant, Jean Médecin (père de Jacques Médecin) a récolté aussi 54 voix. Quant aux deux ailes exclues du pouvoir, les communistes avec Marcel Cachin (113 voix) et les gaullistes avec Paul-Jacques Kalb (114 voix), ils faisaient jeu égal. On voit qu’il y avait une grande dispersion des voix.

    Dès le deuxième tour, la gauche a réussi à s’unir, les communistes se sont désistés, et Naegelen a rassemblé 299 voix, frôlant le tiers de voix. Laniel s’est renforcé à 276 voix (30%) mais le maintien de Bidault (143 voix) et Delbos (180 voix) l’ont empêché d’être élu. Après l’abandon de Georges Bidault, du troisième au dixième tours, Joseph Laniel est parvenu à être en tête du scrutin, mais jamais assez pour atteindre la majorité absolue, tandis que Marcel-Edmond Naegelen a consolidé sa position de challenger en deuxième place, oscillant entre 300 et 400 voix.

    Au huitième tour, le 20 décembre 1953, Joseph Laniel n’était pas loin de l’élection avec 430 voix (47,3%), il lui manquait 24 voix, et Antoine Pinay et Louis Jacquinot, du même parti que lui, CNIP, ont eu respectivement 25 et 14 voix. Il faut comprendre que ces deux candidats n’étaient pas forcément candidats voulus par eux, c’étaient des parlementaires qui ont pu voter spontanément pour eux.

    L’élection de Laniel était donc possible, mais au neuvième tour, un autre candidat CNIP a rassemblé 103 voix, lui faisant perdre mécaniquement une quinzaine de voix. À partir du huitième tour inclus, face au socialiste Naegelen, il n’y avait plus que des candidats CNIP, mais plusieurs, pas un seul. Le centre droit estimait en effet que l’Élysée devait revenir à ce parti, mais visiblement, au sein de la majorité de centre droit, certains refusaient l’élection de Joseph Laniel, trop atlantiste, trop proeuropéen, trop cassant dans son caractère.

    Joseph Laniel l’a compris à la fin du dixième tour. Il abandonna la partie, laissant la porte ouverte à un autre candidat CNIP. Louis Jacquinot et René Coty se sont disputé cette candidature dans les trois derniers tours qui ont eu lieu le 23 décembre 1953. Au onzième tour, Louis Jacquinot, beaucoup plus connu des parlementaires que Coty et soutenu par Laniel, a eu une grande avance (338 voix) sur René Coty (71 voix).

    Mais ce fut la candidature de René Coty qui s’imposa. Pourquoi ? Parce qu’il était vice-président du Sénat (on n’a pas voulu du Président du Sénat, qui était d’habitude élu sous la Troisième République, probablement parce que c’était Gaston Monnerville). J’écris Sénat mais il faut comprendre Conseil de la République. Et René Coty avait dû s’absenter lors d’un vote au Sénat à propos de la CED, si bien qu’il n’avait pas indiqué de préférences et n’a donc pas suscité de rejet dans ce clivage. René Coty fut élu au treizième tour avec 477 voix (54,8%). Son élection fut cruciale, puisque, quatre ans plus tard, il appela De Gaulle à revenir au pouvoir. Qu’en aurait-il été si Joseph Laniel ou Louis Jacquinot avait été élu Président de la République ? Uchronie inutile mais passionnante.

    L’année 1954 fut dominée par la guerre en Indochine. Joseph Laniel continua à solliciter l’aide américaine pour construire une armée vietnamienne face à l’armée Vietminh tout en poursuivant les tentatives de dialogues. Ainsi, il fut décidé de faire du camp de Dien-Bien-Phu un piège pour l’ennemi, mais ce fut l’inverse qui arriva, un immense piège pour les Français. Le camp fut encerclé le 2 février 1954. Joseph Laniel et René Pleven, Ministre de la Défense, furent conspués à l’Arc-de-Triomphe le 4 avril 1954 par d’anciens combattants d’Indochine. La Conférence de Genève s’est ouverte le 26 avril 1954 avec ce climat très hostile, et Dien-Bien-Phu tomba le 7 mai 1954.

    Pendant trois jours, le gouvernement a cherché à justifier sa politique tout en mettant en garde contre une crise gouvernementale au moment où la France devait négocier à Genève. Le 12 juin 1954, les députés ont rejeté la confiance au gouvernement par 306 voix contre 296, insuffisamment constitutionnellement, mais politiquement, le sort était jeté. Joseph Laniel remit à René Coty la démission de son gouvernement le jour même.

    Ce fut alors l’heure de Pierre Mendès France, qui fut investi le 15 juin 1954 et qui mit fin à la guerre d’Indochine le 20 juillet 1954 avec l’Accord de paix de Genève. Joseph Laniel n’a pas pris part au vote pour l’investiture de son successeur ni pour la ratification de l’Accord de Genève, mais il vota en faveur de la CED le 30 août 1954, une position proeuropéenne qui lui avait probablement coûté l’Élysée.

    Aux élections législatives du 2 janvier 1956, Joseph Laniel fut réélu de justesse, sa liste, avec seulement 7,8% des voix, est arrivée en cinquième position dans le Calvados, bien après celles du PCF, de la SFIO, du MRP et des gaullistes. Pendant cette législature (entre 1956 et 1958), il n’est intervenu que deux fois, le 2 mai 1956 pour prôner la rigueur budgétaire, exprimer son soutien à Robert Lacoste et Max Lejeune et sa foi en l’Algérie française, et le 5 mars 1957 pour interpeller le gouvernement sur sa politique agricole. Après avoir voté les pouvoirs spéciaux au gouvernement de Guy Mollet, la loi-cadre de Gaston Defferre sur l’Outremer et la ratification du Traité de Rome, il apporta son soutien au retour au pouvoir du Général De Gaulle en votant l’investiture de son gouvernement le 1er juin 1958 ainsi que les pouvoirs spéciaux et la révision constitutionnelle le 2 juin 1958.

    Balayé par la Cinquième République, Joseph Laniel s’est retiré de la vie politique à la fin de l’année 1958 (il avait 69 ans) et est mort à Paris le 8 avril 1975 (à l’âge de 85 ans), après avoir publié "Le Drame indochinois" en 1957 (éd. Plon), "Jours de gloire et jours cruels", ses mémoires, en 1971 (éd. Presse de la Cité) et "Réflexions après l’action" en 1973 (éd. Plon).

    Soucieux des équilibres budgétaires, promoteur d’une croissance économique et de la puissance industrielle qui ne pouvait se développer que dans le cadre de la construction européenne, Joseph Laniel n’a probablement pas laissé une grande trace dans la mémoire historique en raison de son caractère bourru, bougon, peu tourné vers la communication et l’explication, dans le mode des patrons paternalistes tout-puissants du XIXe siècle (management directif). Pourtant, peut-être même plus qu’Antoine Pinay et Edgar Faure, il symbolisait sans doute le mieux la volonté de reconstruction du pays (il était très attentionné sur l’indemnisation des victimes de guerre) que l’on a appelée les "Trente Glorieuses" dont certains pourraient avoir la nostalgie dans cette époque de crises durables et multiples.


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    Sylvain Rakotoarison (05 avril 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Joseph Laniel.
    Quel bovin vous amène ?
    Le vote des femmes en France.
    L'échec de la CED.
    Mélinée et Missak Manouchian.
    Séminaire gouvernemental, conseil de cabinet et conseil des ministres.
    L'abbé Pierre.
    André Figueras.
    Jean-Marie Le Pen.

    Jean Moulin.
    Stéphane Hessel.
    René Pleven.
    Pierre Mendès France.
    Léon Blum.
    La création du RPF.
    De Gaulle.
    Germaine Tillion.
    François Mitterrand.
    Pierre Pflimlin.
    Henri Queuille.
    Robert Schuman.
    Antoine Pinay.
    Félix Gaillard.
    Les radicaux.
    Georges Bidault.
    Débarquement en Normandie.
    Libération de Paris.
    Général Leclerc.
    Daniel Cordier.
    Le programme du Conseil National de la Résistance (CNR).
    Jean Monnet.
    Joseph Kessel.
    Maurice Druon.
    André Malraux.
    Maurice Schumann.
    Jacques Chaban-Delmas.
    Daniel Mayer.
    Edmond Michelet.
    Alain Savary.
    Édouard Herriot.
    Vincent Auriol.
    René Coty.
    Maurice Faure.
    Gaston Defferre.
    Edgar Faure.
    René Cassin.
    Édouard Bonnefous.



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  • Il y a 70 ans... Moonraker !

    « Washington est devenue la cour de Néron : un empereur incendiaire, des courtisans soumis et un bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique. » (Claude Malhuret, le 4 mars 2025 au Sénat français).



     

     
     


    Il y a soixante-dix ans, le 7 avril 1955, est paru dans son édition britannique le roman d'Ian Fleming, "Moonraker", le troisième roman d'espionnage mettant en scène James Bond, le fameux agent 007. Son édition française est parue en 1958 d'abord sous le titre (étrange) "Entourloupe dans l'azimut" avant de reprendre le titre original en 2002 en raison du succès de son adaptation cinématographique éponyme réalisée par Lewis Gilbert et sortie le 28 juin 1979. Le film met en scène notamment Roger Moore pour le rôle de James Bond et le succulent Michael Lonsdale pour celui de Hugo Drax.

    Un internaute proposait sur Twitter le mois dernier une analogie amusante. Hugo Drax est la figure du méchant qui veut être le maître du monde, il est à la fois fort riche et à la tête d'une grande puissance technologique, un savant fou et mégalomaniaque (qui n'avait donc pas la caractéristique de faire apprécier les scientifiques par le grand public). C'est l'époque des années 1950 qui voulait cela et on le retrouvait dans beaucoup de fictions, notamment des bandes dessinées pour la jeunesse, dont le meilleur pastiche reste le fameux Zorglub dans "Spirou et Fantasio", personnage créé par Franquin et Greg. Certes, le mythe du savant fou est bien plus ancien, on le retrouve dans de nombreuses fictions depuis le XIXe siècle (en particulier chez Jules Verne), mais les années 1950 l'ont utilisé jusqu'à plus soif, en ont fait un sujet cliché classique, ce qu'on appellerait un poncif, voire, un souverain poncif (pour un maître du monde !).

    Incarné par Michael Lonsdale, Hugo Drax était considéré par le twitternaute en question comme « un méchant qui est à la fois un industriel ultra-riche et un constructeur de fusées cherchant à semer le chaos parce qu'il est en réalité un nazi secret ». Et de commenter l'idée de ce scénario avec un brin d'humour britannique : « Les romans originaux de James Bond écrits par Ian Fleming ont mal vieilli. (…) Quelle idée absurde ! ».


    C'est vrai que ça me barbe, en général, les vieux films d'espionnage qui ont repris le cadre général de la guerre froide. Comment c'est ennuyeux, les gentils espions américains et les méchants espions soviétiques ! Mais il n'est pas inintéressant de nous pencher ainsi sur "Moonraker" car les États-Unis d'aujourd'hui tentent, dans un élan désespéré d'orgueil, de retourner en arrière dans le passé plus ou moins lointain depuis la réélection de Donald Trump. Certains internautes ont réagi à cette comparaison, certains lâchant : « Qui aurait cru que Moonraker soit un film prémonitoire !! ». Une autre : « La réalité dépasse la fiction. ».
     

     
     


    Toujours avec humour, un quatrième internaute constatait que ce n'était pas tout à fait analogue en raison du chapeau. Hugo Drax porte en effet un beau chapeau de chasse, ce qui n'est pas le cas de... de qui au fait ?

    Un autre internaute a répondu en effet en y glissant une photographie de l'industriel milliardaire pris en comparaison : Elon Musk ne porte pas de chapeau mais une casquette, la fameuse casquette Make America Great Again (MAGA), qu'il a arboré dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, en compagnie d'un de ses nombreux enfants (celui qui met ses doigts dans le nez), et d'un vieil homme fâché et fatigué assis derrière une table (passablement agacé).
     

     
     


    On peut aussi le voir aux côtés du Président argentin Javier Milei dans leur objectif commun de faire des coupes tranchantes dans les dépenses publiques (bonjour les dizaines de milliers de fonctionnaires qui vont devenir chômeurs), et autant le faire dans la délicatesse avec une belle tronçonneuse (est-elle électrique ?).
     

     
     


    Ou encore, sans casquette mais avec un étrange chapeau en forme de fromage (ne me demandez pas pourquoi) !
     

     
     


    Étonnante comparaison mais pas forcément si inappropriée que ça. Elon Musk est aujourd'hui l'homme le plus riche du monde (au 11 février 2025, sa fortune s'élèverait à 380 milliards de dollars, selon "Forbes"), même s'il a perdu depuis l'arrivée au pouvoir de son ami Donald Trump déjà plus de 150 milliards de dollars (ce n'est rien !). Il a une vision très planétaire voire universelle de sa vocation, de sa mission ici-bas, il est, dans sa tête, une sorte de maître du monde à pensée messianique.

    Il est le dirigeant du constructeur Tesla de véhicules électriques (même si son marché en Europe est en train de s'écrouler). Il est le propriétaire de SpaceX qui devient aussi indispensable voire plus indispensable que la NASA, et souhaite que l'homme aille sur Mars, un objectif aussi fantaisiste que l'homme sur la Lune, ce qui, justement, est un défi à la hauteur du milliardaire. Il est aussi à la tête de Starlink qui permet de se connecter à ses 6 300 satellites dans le monde entier (bientôt 12 000 satellites et en prévision, 42 000 satellites !) pour bénéficier d'une liaison Internet partout sur Terre (Volodymyr Zelensky utilise ce réseau pour la conduite de ses drones). Enfin, en 2022, il a racheté le site Twitter de réparties politico-littéraires, qu'il a rebaptisé X (mais que je continuerai d'appeler Twitter parce que je suis un vieux schnoque !).

     
     


    Son acquisition de Twitter a fait partie d'un plan très important pour influer sur les démocraties dite "occidentales" ; d'abord, bien sûr, sur les États-Unis en soutenant massivement la candidature de Donald Trump en 2024, mais ensuite en Europe où il soutient systématiquement tous les mouvements politiques d'extrême droite, populistes et anti-européens, en particulier l'AfD en Allemagne, l'UKIP au Royaume-Uni (Nigel Farage) et le RN en France (Marine Le Pen). Passant un temps fou sur Twitter, ce qui semble étonnant pour un dirigeant d'entreprises, Elon Musk en profite pour distiller de nombreux propos ouvertement complotistes et des fake-news.
     

     
     


    Depuis janvier 2025, Elon Musk est au pouvoir, il est le responsable du Département de l'efficacité gouvernementale (DOGE), autrement dit, il est chargé de faire des coupes franches dans la dépense publique. Son idéologie est totalement anti-État en ce sens qu'il ne croit qu'au libre exercice d'entreprendre et considère les États comme des empêcheurs d'entreprendre par leurs normes, leurs réglementations et leurs fiscalités.

    Au-delà de l'objectif d'aller sur Mars, Elon Musk a investi dans des projets basés sur l'intelligence artificielle et croit à l'idée d'un homme transhumaniste capable de faire progresser la société. En ce sens, au-delà des objectifs financiers et industriels, Elon Musk nourrit des ambitions idéologiques et messianiques d'ordre mégalomaniaque.

    Très présent aux côtés de Donald Trump, s'invitant à la Maison-Blanche, dans les conférences de presse, dans les meetings de Donald Trump, Elon Musk a pris ses aises avec la démocratie américaine et les institutions américaines depuis trois mois. Né à Pretoria, en Afrique du Sud, il ne pourrait pas se présenter à une élection présidentielle américaine (le Président des États-Unis doit être né sur territoire américain), mais il a déjà pris une très grande influence.
     

     
     


    Enfin, une influence jusqu'au 2 avril 2025, car l'annonce par Donald Trump de taxes douanières généralisées qui provoque actuellement un début de krach boursier et probablement une récession à court et moyen termes a été incompréhensible pour Elon Musk, partisan de l'ouverture des échanges économiques dans la mesure où un produit industriel est désormais le résultat de la globalisation économique. Pour seule réponse, outre son silence récent, Elon Musk s'est contenté de diffuser sur Twitter, le 6 avril 2025, une déclaration de l'économiste du libéralisme, Milton Friedman, disparu il y a un peu moins d'une vingtaine d'années, qui expliquait qu'un simple crayon de papier était le résultat d'un processus industriel complexe faisant intervenir plusieurs pays et que seule l'ouverture des frontières commerciales permettait à la fois la prospérité économique et le progrès technologique, mais aussi le renforcement de la paix dans la mesure où les économies nationales deviennent imbriquées (c'était l'objectif du Plan Schuman et du Traité de Rome).

    Le divorce déjà annoncé dès le début est donc envisagé prochainement : les projets messianiques d'Elon Musk ne se satisferaient pas de l'enterrement en première classe de l'économie américaine en raison de la marotte idéologique de l'homme aux cheveux de feu. Le sourire du clown vire au jaune. L'époque est passionnante à observer, mais beaucoup moins à vivre.



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    Sylvain Rakotoarison (06 avril 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Elon Musk.
    Moonraker.
    Gene Hackman.
    Pierre Dac.
    Pierre Arditi.
    Pierre Palmade.
    Carla Bruni.
    Valeria Bruni Tedeschi.
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    François Truffaut.
    Roger Hanin.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.


     

     
     





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  • Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?

    « Ce n'est pas une décision de justice, c'est une décision politique. » (Marine Le Pen, le 6 avril 2025 à Paris).



     

     
     


    Meeting du RN à Paris ce dimanche 6 avril 2025. Étrange réflexe de vouloir faire un rassemblement pour protester contre la condamnation très lourde de Marine Le Pen en première instance (quatre ans de prison dont deux ferme, 100 000 euros d'amende, cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire). Réponse de l'ancien Premier Ministre Gabriel Attal : « Tu voles, tu paies ! », en remarquant : « Le RN, c'est le parti qui demande de la fermeté pour tous, sauf pour lui ! ». D'autres, à l'Assemblée, se contentaient de rétorquer : « Rends l'argent ! ».

    Ce ne sont pas quelques milliers de militants du RN venus soutenir Marine Le Pen (dans sa condamnation pour détournement massif de fonds publics ?) qui changeront les choses : Marine Le Pen a été reconnue par le tribunal judiciaire de Paris comme la responsable de tout un système de financement de son parti sans lequel le RN aurait certainement eu moins d'audience électorale. Le texte du jugement est accablant.

    Le mot d'ordre "Sauvons la démocratie" est du langage orwellien, ou, du moins, du trumpisme de bas étage : la démocratie, c'est le suffrage universel (les urnes, et pour l'instant, le RN n'a jamais gagné une élection nationale, il faut le rappeler), mais c'est aussi l'État de droit, c'est-à-dire les valeurs de la République : la majorité doit gouverner dans le cadre de nos valeurs précisées dans notre Constitution, elle ne peut pas tout.

     

     
     


    La réaction colérique de Marine Le Pen, qui, soit dit en passant, n'est pas approuvée par ceux qui, au RN, voudraient conquérir le pouvoir et préféreraient donc un autre cheval un peu plus présentable, c'est le refus de la règle commune, c'est le refus de la justice, c'est surtout le refus de la démocratie qui est d'accepter (même sans l'approuver) une décision de justice car elle s'impose à tous (y compris au gouvernement).

    Fuite en avant insensée, voire suicidaire, que vouloir à tout prix rester candidate. Elle a déjà perdu la bataille de "l'opinion publique" qui est aux deux tiers favorables au principe de sa condamnation sévère, selon l'adage de Gabriel Attal, tu voles, tu paies. C'était du reste le discours du RN/FN depuis cinquante ans, pestant contre le laxisme des juges, pestant contre la libération de délinquants, et pour les affaires politico-judiciaires, prônant une peine d'inéligibilité à vie (ce qui me paraissait d'ailleurs complètement disproportionnée). Marine Le Pen va avoir du mal à justifier les deux poids deux mesures : je suis pour la sévérité des juges... sauf pour moi ! C'est trop gros, et pour l'instant, nous ne sommes pas des citoyens américains prêts à avaler n'importe quoi.

    J'ai relu ce que j'en disais... le 22 février 2017. Nous étions en pleine campagne présidentielle, l'affaire Fillon venait d'éclater, et les juges ont perquisitionné les locaux du FN/RN. Marine Le Pen, au contraire de François Fillon, avait alors déclaré par anticipation qu'elle resterait candidate à l'élection présidentielle même si elle était mise en examen. Concrètement, elle a même eu le temps d'être candidate aux deux élections présidentielles qui ont suivi ces perquisitions, 2017 et 2022. La justice ne l'a donc jamais "empêchée".

    Car ces perquisitions, il s'agissait bien d'une démarche provenant de l'affaire qui l'a condamnée le 31 mars 2025 : non seulement ce sont trois juges, et pas une seule, qui ont condamné lourdement Marine Le Pen le 31 mars 2025, mais c'est près d'une centaine de juges différents qui ont dû se prononcer, tout au long de cette longue procédure, toujours en défaveur du RN et de Marine Le Pen, en raison des 45 recours faits à l'initiative des Le Pen.

     

     
     


    On ne s'étonnera donc pas de sa faible considération pour la justice en politisant elle-même la justice (elle aurait pu dire aussi que la justice était misogyne puisqu'elle a condamné une femme). Effectivement, dans "Le Monde" du 2 février 2017, Marine Le Pen disait déjà : « Un juge pourrait décider qui est candidat et qui n’est pas candidat. C’est la fin de la démocratie. ». À l'époque, il s'agissait juste d'une possible mise en examen, ce qui est très différent d'une condamnation à quatre ans de prison dont deux ferme. Elle bénéficiait encore de la présomption d'innocence.

    L'un des arguments employés par le RN aujourd'hui est de dire que la justice aurait volé l'élection présidentielle de 2027 en empêchant Marine Le Pen d'être candidate à cette élection. L'affirmation est totalement dénuée de raison ! D'une part, en raison d'un favoritisme qui devrait aussi en faire bénéficier tous les justiciables, Marine Le Pen a, semble-t-il, bénéficié d'une accélération pour la tenue de son procès en appel. Tant mieux et c'est la porte étroite qui lui fait dire qu'elle pourrait être candidate malgré tout. Mais pourquoi les juges en appel renieraient-il les faits établis en première instance qui seraient accablants ? D'autre part, c'est factuellement faux : même si Marine Le Pen est empêchée, le RN aura naturellement un candidat pour le représenter à l'élection présidentielle, et le plan B qui se précise, à savoir Jordan Bardella, fait déjà jeu égal avec Marine Le Pen dans les sondages d'intentions de vote. Donc, non seulement l'empêchement de Marine Le Pen n'est pas un empêchement du RN (et c'est tant mieux), mais le fait qu'il y ait un autre candidat n'handicaperait pas ce parti électoralement à ce jour.
     

     
     


    C'est surtout l'illustration d'une vanité monstrueuse de l'ex-présidente du RN. Moi moi moi. Sans moi, la démocratie serait en danger ! J'aurais plutôt tendance à penser le contraire quand elle fustige ainsi les juges et la justice, au point de devoir mettre une protection rapprochée auprès de certains juges dont les coordonnées ont été divulguées dans les réseaux asociaux et qui ont reçu des menaces de mort.

    L'idée de se croire irremplaçable n'est pas réservée à Marine Le Pen, bien entendu, et je crois que les grands candidats à l'élection présidentielle ont tous eu ce sentiment sans lequel ils ne se battraient pas. En revanche, l'idée que c'est uniquement Marine Le Pen qui est empêchée par la justice est complètement fausse.

    D'une part, les peines d'inéligibilité prononcées avec exécution provisoire en première instance sont très nombreuses. François Fillon a été ainsi interdit de se présenter pendant dix ans dès sa condamnation en première instance en 2020. Pareil pour les époux Balkany en 2019. Un petit schéma propose dix exemples, et on constate que Marine Le Pen n'a pas eu l'inéligibilité la plus sévère.

     

     
     


    D'autre part, elle pourrait répliquer en disant qu'elle est la seule candidate à l'élection présidentielle en capacité de gagner à être empêchée par la justice. Là encore, c'est complètement faux. Si l'on regarde les dernières élections présidentielles, je note au moins quatre élections présidentielles dont on pourrait dire, avec la même logique, qu'elles auraient été "volées".

    Pour l'élection de 1995, Lionel Jospin a été le candidat socialiste un peu par défaut, mais au-delà de Michel Rocard, un autre candidat évident était voulu et préparé par François Mitterrand, à savoir Laurent Fabius. C'est sa mise en examen dans l'affaire du sang contaminé qui l'a empêché politiquement (et pas juridiquement) d'être candidat à 1995.

    Pour l'élection de 2007, Nicolas Sarkozy a emporté assez facilement l'investiture de l'UMP pour sa candidature, mais à l'origine, le dauphin de Jacques Chirac était plutôt Alain Juppé qui, condamné en 2004, a dû renoncer à la candidature présidentielle.

    Pour l'élection de 2012, c'est la justice américaine qui a empêché, là encore politiquement, la candidature de Dominique Strauss-Kahn, pourtant le favori des sondages et quasi-sûr de gagner le scrutin.

    Enfin, pour l'élection de 2017, la campagne de François Fillon, également le favori du scrutin, a été freinée par sa mise en examen à quelques semaines du premier tour, empêchant son parti de choisir un candidat de remplacement (et c'esit été cocasse que ce candidat de remplacement aurait pu s'appeler Alain Juppé !).


    Bref, bien sûr que l'empêchement de Marine Le Pen aura des conséquences sur le déroulement de l'élection présidentielle de 2027, mais pas plus que toutes les élections présidentielles précédentes où des faits d'actualité ont changé le cours normal des choses. Si ma tante en avait... À la différence de la plupart des candidats empêchés que je viens de citer, Marine Le Pen a été condamnée, et pas seulement mise en examen, ce qui est beaucoup plus grave. Le responsabilité n'incombe pas aux juges qui aurait dû être plus laxistes, mais à Marine Le Pen elle-même qui aurait dû éviter de détourner massivement et durablement l'argent public des contribuables.

    Alors, il faut raison garder : comme certains, on peut penser qu'il est regrettable qu'une candidate avec ce niveau très élevé d'intentions de vote dans les sondages soit inéligible, mais il est regrettable avant tout qu'elle soit elle-même à l'origine de ce système de détournement massif de fonds publics, car de ce fait, elle a contribué à la défiance des citoyens vis-à-vis de la classe politique. Comment imaginer une personne élue Présidente de la République avec de telles casseroles ? Comme Patrick Cohen dans sa chronique du 3 avril 2025 sur France Inter, je soupirerais ainsi : « Fatigue. On a le sentiment parfois depuis trois jours que le débat public a perdu pied, ballotté par les outrances et les mensonges du RN et de ses puissants porte-voix médiatiques. ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 avril 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...



     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250406-condamnation-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/condamnation-le-pen-la-justice-260346

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/06/article-sr-20250406-condamnation-le-pen.html


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  • Le fond accablant de l'affaire Le Pen

    « Marine Le Pen est moins victime du "système", que de son propre système de défense, aberrant, suicidaire. C’est simple, du début à la fin et du sol au plafond, elle a TOUT renié, TOUT contesté : les règles européennes, la plainte du Parlement, l’autorité du tribunal, les décisions qui ont validé la procédure, y compris en Cassation, et naturellement l’existence du moindre délit. Le tribunal parle d’une "impunité revendiquée", se désole qu’après dix ans d’enquête, le système de défense continue de se déployer au mépris des faits et de la manifestation de la vérité. En révélant, je cite "une conception peu démocratique de l’exercice politique ainsi que des responsabilités qui s’y attachent". » (Patrick Cohen, le 3 avril 2025 sur France Inter).



     

     
     


    En clair, c'est comme le chauffard qui a brûlé un feu rouge et qui conteste l'idée même qu'il y avait un feu tricolore !...

    Dimanche prochain, 6 avril 2025, le RN a appelé à une manifestation à Paris pour protester contre... contre quoi, au fait ? Contre la justice qui n'est plus laxiste ? Contre la justice qui sait sanctionner comme il le faut les délinquants ? S'il y a bien un scandale avec la justice, c'est qu'elle est un peu trop favorable à Marine Le Pen : en effet, les assurances pour que son procès en appel soit fait dès l'été 2026 et que la Cour de Cassation se prononce avant janvier 2027 alors que ces procédures durent généralement plus de deux ou trois ans, relève d'un favoritisme injustifiable. C'est une justice qui n'est pas la même pour tous. Les autres justiciables, certains incarcérés, attendront alors encore un peu plus longtemps tandis que Marine Le Pen bénéficie d'un coupe-file.

    La condamnation de Marine Le Pen commence à quitter l'actualité. Il faut dire que les annonces de Donald Trump avec ses taxes douanières, l'écroulement depuis deux jours des bourses mondiales et l'inquiétude de tous les citoyens du monde devaient occuper l'actualité. D'un côté, un fait-divers anecdotique d'une délinquance en col blanc ordinaire, de l'autre, un fait historique qui risque d'hypothéquer l'avenir du monde des dix prochaines années.

    Ce qui est étonnant, c'est l'absence totale de préparation de ce qui arrive au RN. Les premiers défenseurs de Marine Le Pen avaient quitté la place le 31 mars 2025, Jordan Bardella allait à Strasbourg, Laure Lavalette était dans le Var et Laurent Jacobelli devait dîner à l'Élysée (eh oui, on n'est pas dans le système mais on en profite avec le roi du Danemark), etc. Bref, rien n'était prévu en cas de peine d'inéligibilité assortie d'une exécution provisoire alors que c'était pourtant la peine complémentaire plus probable. Encore aujourd'hui, en soutenant qu'elle sera candidate, il y a une véritable part de déni de réalité provenant de Marine Le Pen.

    Dans tous les cas, il faut rassurer les électeurs du RN ; "on" n'empêchera pas le RN d'être présent à la prochaine élection présidentielle, même si Marine Le Pen est empêchée : pour la remplacer, il y aura plutôt le trop-plein, principalement Jordan Bardella ...et Marion Maréchal, dont la candidature aura l'avantage de garder l'emprise de la famille régnante sur le parti.

    Vouloir coûte que coûte aller à la candidature jusqu'au bout malgré le procès en appel qui ne l'innocentera probablement pas car les faits reprochés sont établis et confirmés, c'est une tentative désespérée de continuer à exister politiquement jusqu'à la chute finale. Un journaliste proposait cette image assez pertinente : Marine Le Pen est la pilote d'un avion en chute libre, qui va bientôt s'écraser et, paniquée, elle est en train d'appuyer sur tous les boutons en même temps, même les plus improbables (comme la CEDH, qu'elle voulait voir la France quitter encore récemment et qui, de toute façon, ne s'occupe que des situations où il n'existe plus de recours dans le pays concerné).

    Le vrai problème de Marine Le Pen, c'est qu'elle a basé son populisme anti-système sur la délinquance de la classe politique en général, en excluant son parti qui serait mains propres et tête haute. Cet écart encore le discours revendiqué et la réalité (le RN est aussi pourri que les autres, voire plus, si l'on lit le jugement) peut être électoralement dévastateur, tout autant que ce discours sur le laxisme de la justice, sur la faible sévérité des peines (Marine Le Pen réclamait en 2013 des peines d'inéligibilité à vie !), se retourne évidemment contre l'ancienne présidente du RN.

     

     
     


    Du coup, les demandes contraires (réviser la loi pour y mettre plus de laxisme) ont de quoi étonner. L'éditorialiste politique Patrick Cohen s'est posé la question le 3 avril 2025 sur France Inter : « Qui pense dans ce pays qu’il est urgent d’alléger les contrôles et les sanctions contre les élus suspects d’un manque de probité ? Qui peut soutenir que notre démocratie se porterait mieux si elle laissait des individus ayant commis des actes répréhensibles accéder à des positions de pouvoir ? Qui peut croire que la confiance à l’égard de l’action publique, qui va si bien comme chacun sait, sortirait plus forte du retour des corrompus ou des repris de justice dans le jeu démocratique ? Notez que ce serait une grande première : depuis des lustres, chaque scandale fait bouger la loi vers une plus grande exigence d’exemplarité. Comme le notait le rapport Nadal en 2015, "le droit de la probité est lié à l’histoire de ses atteintes". Sans Cahuzac et ses comptes à l’étranger, pas de Parquet financier et de Haute autorité de la transparence. Sans la phobie administrative de Thévenoud, pas d’inéligibilité automatique. Eh bien là, on est tranquillement en train de débattre du contraire : de l’idée que les assistants fictifs du RN devraient nous conduire à lever le pied sur l’inéligibilité… ».

    En clair, il faudrait faire une loi d'exception pour les apparatchiks du RN : tout citoyen délinquant doit être sévèrement condamné et purger sa peine (pas question d'aménagement de peine, comme le réclamait le RN), sauf s'il s'agit d'un adhérent du RN. Sinon, ce serait une atteinte honteuse à la liberté politique, à la démocratie, au droit de détourner des millions d'euros d'argent public comme on veut. Avec cet état d'esprit, on ose imaginer le RN au pouvoir !

     

     
     


    Tout est accablant dans l'affaire Le Pen, mais surtout, le fond de l'affaire. Car c'est un détournement massif d'argent public qui a eu lieu. Tous les journalistes qui ont assisté tous les jours au long procès du 30 septembre 2024 au 27 novembre 2024 sont déconcertés par le caractère accablant des faits cités et aucun n'est étonné par la dureté des sanctions.

    Il faut lire les 154 pages du jugement du 31 mars 2025 pour se rendre compte que les trois juges (ils sont trois) ont prononcé la condamnation avec de très solides arguments et motivations.

    Oui, la défense de Marine Le Pen, quasiment infantile, comme un enfant pris la main dans le pot de confiture et qui nierait tout, lui a fait beaucoup de tort. Car les juges, qui n'apprécient pas qu'on se moque d'eux, lui ont donné les clefs pour sa condamnation. En refusant d'admettre les faits délictueux qu'ils ont commis, la plupart des prévenus ont manqué de jugeote et ont creusé leur propre inéligibilité immédiate.


    C'est ce que dit le délibéré : « Il convient de relever que, dix ans après la dénonciation des faits, toutes les personnes condamnées contestent les faits, ce qui est évidemment leur droit. Elles n'ont dès lors exprimé aucune prise de conscience de la violation de la loi qu'elles ont commise ni a fortiori de l’exigence particulière de probité et d’exemplarité qui s’attache aux élus. Dans le cadre d’une information judiciaire contradictoire qui a duré sept ans, de très nombreux recours ont été exercés, comme le permettent les règles de procédure pénale. Ils ont fait l’objet de décisions de rejet par les juges d’instruction, dans leur quasi-totalité, soumises à la chambre de l’instruction et confirmées par elle. Lorsque des pourvois ont été formés devant la Cour de Cassation, ils ont été rejetés. ».

    Les juges insistent ainsi sur ce fait : « La défense revendiquait une impunité totale et absolue reposant sur le fait que les assistants parlementaires auraient effectué un travail politique, non détachable du mandat de leur député, au profit d’un parti politique. ».
     

     
     


    À cette occasion, Marine Le Pen reconnaissait elle-même les faits reprochés : « Ainsi, elle assumait avoir fait travailler pour le parti les assistants parlementaires qui n’étaient, selon elle, pas très occupés par le travail législatif. Elle considérait n’avoir pas d’instruction à recevoir du Parlement Européen concernant le travail des assistants parlementaires, serait-ce à travers les règles internes qu’il édicte. Elle affirmait que l’autorité judiciaire ne pouvait contrôler le travail de ces assistants, sans violer la séparation des pouvoirs. ».

    Le jugement rappelle la première déclaration de Marine Le Pen à l'audience du 2 octobre 2024, en tant que représentante du RN : « L’activité politique est indissociable du mandat parlementaire. Nous ne sommes pas des fonctionnaires. Nous ne sommes pas des fonctionnaires, nous sommes des élus du peuple. Dans le cadre de cette activité politique qui est indissociable de notre mandat, nous sommes assistés par des assistants parlementaires. Il y a ceux qui font avec nous de la politique. ».

    D'où la déduction des juges : « Ce système de défense constitue, selon le tribunal, une construction théorique qui méprise les règles du Parlement Européen, les lois de la République et les décisions de justice rendues notamment au cours de la présente information judiciaire, en ne s’attachant qu’à ses propres principes. Il révèle de la part de personnes condamnées qui ont, pour les principales, une formation de juriste ou d’avocat, une conception peu démocratique de l’exercice politique ainsi que des exigences et responsabilités qui s’y attachent. ».
     

     
     


    Selon les juges, le système de défense s'est fait au mépris de la manifestation de la vérité : « Dès les premiers jours du procès, la défense a également manifesté son refus du débat contradictoire, sollicitant par voie de conclusions d’incident le renvoi de la procédure pour régularisation suite à la présentation par le tribunal de tableaux d’évaluation des détournements visés par la prévention qui étaient précisément destinés à servir de base au débat contradictoire. Au-delà de la volonté d’éviter ou de retarder le débat sur les faits qui leur étaient reprochés, les prévenus ont tenté de s’écarter du débat au fond. Ils n’ont pour la plupart manifesté aucune volonté de participer à la manifestation de la vérité, avec laquelle ils ont pour certains un rapport très distendu, niant parfois jusqu’aux évidences, y compris leurs propres écrits de l’époque. ».

    Des déclarations des responsables du RN aux audiences ont révélé ceci : « Au mépris des faits, ces déclarations relèvent d’une conception à tout le moins narrative de la vérité. ». Elles expliquent à elles seules la nécessité d'une exécution provisoire des peines d'inéligibilité : « Ainsi, dans le cadre de ce système de défense d’un parti autant que de ses dirigeants, qui tend à contester la compétence matérielle du tribunal autant que les faits, dans une conception narrative de la vérité, le risque de récidive est objectivement caractérisé. Le tribunal relève encore, en fil conducteur, de la question de la prescription à celle de la faute de la victime qui serait de nature à réduire à néant son droit à réparation, la position de la défense à l’égard du Parlement européen, qui n’est pas de nature à considérer que les intérêts de la victime sont à ce jour sauvegardés. Outre les critères de gravité qui président au prononcé des peines d’inéligibilité pour certains prévenus, il convient de rappeler que l’existence de mandats en cours, de même que les prétentions à briguer de tels mandats sont de nature à laisser persister un risque d’utilisation frauduleuse des deniers publics que les intéressés seraient amenés à percevoir, détenir, octroyer ou utiliser dans le cadre des dits mandats, ce que seule l’exécution provisoire permet de prévenir. ».

    À la page 45, les juges discutent du principe d'une exécution provisoire de l'inéligibilité : « C’est dans ce contexte que se pose la question de la délicate conciliation entre le droit à un double degré de juridiction et une éventuelle exécution provisoire de cette peine d’inéligibilité. La véritable question n’est pas celle de l’absence de recours mais plus précisément celle de l’absence d’effet suspensif du recours en cas d’exécution provisoire. Les personnes condamnées à une peine d’inéligibilité ont en effet bien entendu le droit d’interjeter appel du présent jugement. Néanmoins si le tribunal ordonne l’exécution provisoire de ces peines d’inéligibilité, ces dernières seraient effectives par provision, c’est-à-dire immédiatement, avant la décision de la cour d’appel susceptible d’intervenir un à deux ans plus tard, et avant le cas échéant celle de la Cour de Cassation. En vue de favoriser l’exécution de la peine, eu égard notamment au risque de récidive, il conviendrait dès lors d’ordonner l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité, tandis qu’en l’absence de recours suspensif contre cette mesure d’exécution provisoire, il conviendrait selon la défense de ne pas l’ordonner. ».

    En exprimant clairement les deux enjeux contradictoires : « Il revient donc plus précisément au tribunal, conscient de la nécessaire humilité qui s’attache à une décision de première instance, d’apprécier et de mettre en balance deux risques :
    1) au regard des droits de la défense, le risque que cette peine complémentaire assortie de l’exécution provisoire ne soit pas confirmée en appel, alors que la peine d’inéligibilité aurait déjà été exécutée par provision.
    2) Dans l’hypothèse où le tribunal n’assortirait pas la peine d’inéligibilité de l’exécution provisoire, le risque de voir les personnes condamnées être candidates, voire élues, alors qu’elles ont été condamnées à une peine d’inéligibilité en première instance notamment pour des faits de détournement de fonds publics, et pourraient l’être par la suite de façon définitive.
    La deuxième hypothèse pose la question de l’effectivité de la peine d’inéligibilité prononcée par le tribunal, confirmée en appel, et dont l’exécution serait réduite à néant dans le cadre d’élections intervenues avant que cette condamnation ne soit devenue définitive. ».

    Et d'en conclure la nature des peines par l'individualisation des jugements : « L'effectivité de l'exécution des peines poursuit un but d'intérêt général (QPC n°2016-569). Le tribunal prend en considération, outre le risque de récidive, le trouble majeur à l’ordre public démocratique qu’engendrerait en l’espèce le fait que soit candidat, par exemple et notamment à l’élection présidentielle, voire élue, une personne qui aurait déjà été condamnée en première instance, notamment à une peine complémentaire d’inéligibilité, pour des faits de détournements de fonds publics et pourrait l’être par la suite définitivement. Il s’agit ainsi pour le tribunal de veiller à ce que les élus, comme tous justiciables, ne bénéficient pas d’un régime de faveur, incompatible avec la confiance recherchée par les citoyens dans la vie politique. Dès lors, dans le contexte décrit, eu égard à l’importance de ce trouble irréparable, le droit au recours n’étant pas un droit acquis à la lenteur de la justice, il apparaît nécessaire selon le tribunal, à titre conservatoire, d’assortir les peines d’inéligibilité prononcées de l’exécution provisoire. Il ne s’agit pas d’une peine définitive mais d’une peine complémentaire prononcée en première instance qui, afin de garantir l’effectivité de son exécution et d’éviter un trouble irréparable à l’ordre public démocratique, sera exécutée immédiatement, dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel susceptible d’intervenir d’ici un à deux ans. Dans le cadre d’une décision rendue au nom du peuple français dans son ensemble, cette mesure est en effet proportionnée aux objectifs à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de bonne administration de la justice. C’est au regard de ces considérations que le tribunal apprécie, pour chaque personne condamnée, en tenant compte de sa situation individuelle, le caractère nécessaire et proportionné d’une peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire. ».
     

     
     


    Contrairement à ce qu'a prétendu Marine Le Pen, il ne s'agit donc pas d'un ciblage contre sa personne (quelle vanité de le croire), mais d'une déclaration de principe pour savoir si les personnes condamnées devaient accomplir leur peine d'inéligibilité immédiatement ou pas. Et cela dépendait surtout des déclarations de chacun pendant le procès.

    Mais revenons au fond du fond, le détournement massif d'argent public.

    Voici, pour les juges, ce pour quoi les responsables RN ont été condamnés : « Les faits dans leur ensemble ont consisté en la mise en place d’un système permettant au parti FRONT NATIONAL devenu RASSEMBLEMENT NATIONAL de "faire des économies" et d’être ainsi indirectement financé par des fonds du Parlement Européen. Sous couvert de plus de quarante contrats d’assistant parlementaire fictifs conclus par onze députés européens, douze personnes ont travaillé au cours de trois législatures en réalité pour le parti. Leurs salaires et les charges sociales y afférents étaient réglées par les fonds du Parlement Européen. Les détournements de fonds publics pour lesquels le parti est déclaré coupable des chefs de complicité et de recel s’élèvent à plus de 4,4 millions d’euros. Dans le cadre de procédures administratives en répétition de l’indu le Parlement Européen a recouvré plus de 1,1 million d’euros. Ces fonds détournés à hauteur de 4,4 millions d’euros ont été utilisés à hauteur de près de 4,1 millions d’euros pour rémunérer les sept personnes suivantes (…). ».

    Non seulement l'argument anti-système du RN est stupide quand on prétend être le premier parti de France, mais en plus, le RN a créé son propre système de financement : « Si la défense a rejeté la notion de système, elle apparaît néanmoins établie et même au cœur de la présente affaire. Un système peut en effet être défini comme un ensemble de pratiques organisées en fonction d’un but. La présente procédure a révélé un véritable système destiné à alléger les charges du FN mis en place dès 2004, qui s’est perfectionné au fil des années et devait à partir de juillet 2014, avec l’élection de 23 députés au Parlement Européen, produire des effets plus importants encore que ceux qu’il a effectivement produits. ».

    Le système a commencé dès la 6e législature entre 2004 et 2009 : « Dès le début de la 6e législature, à partir du mois de juillet 2004, dans le cadre d’une organisation artisanale ou familiale au service du parti, quatre députés historiques (sur les sept élus au Parlement Européen) mettaient en œuvre des contrats fictifs destinés à financer sur les fonds du Parlement Européen le fonctionnement du parti, ou à tout le moins à en alléger les charges. Il convient à cet égard de préciser que Marine LE PEN n’est pas poursuivie ni déclarée coupable au titre de cette 6e législature. Néanmoins le parti, dont la responsabilité pénale a été engagée par Jean-Marie LE PEN, son président, est déclaré coupable de faits de complicité et de recel de détournement de fonds publics au titre des contrats la concernant. Marine LE PEN, sur instigation de son père, puis Jean-Marie LE PEN engageaient comme assistant parlementaire Jean-François J., adhérent du RN depuis 1974 (FNJ), cadre historique du parti et proche collaborateur de son président, qui a été, à partir de 2010 secrétaire général puis délégué général du parti, membre du comité exécutif, vice-président en charge des élections et des contentieux électoraux puis en charge des affaires juridiques. Il apparaissait sur l’organigramme du FN de 2008 comme secrétaire national aux élections et aux analyses électorales. (…) Pour cette seule 6e législature, les détournements de fonds publics afférents à ces contrats représentent un montant total de près de 1,5 million d’euros, soit plus du tiers de l’ensemble des détournements pour lesquels le RASSEMBLEMENT NATIONAL est déclaré coupable sur l’ensemble de la période. Ainsi si le système mis en place dès 2004 l’a été manifestement par Jean-Marie LE PEN de façon quasi-familiale et le nombre d’assistants parlementaires concernés est moins important, les montants détournés n’en sont pas moins significatifs, au regard surtout des difficultés financières que le parti rencontrait à l’époque. ».

    Les déclarations pendant le procès de Fernand Le Rachinel, ancien député européen et qui a prêté de l'argent au parti, et également de Jean-Marie Le Pen lui-même ont été accablantes : « Fernand LE RACHINEL a reconnu que ni Thierry L., qui était agent de protection et s’occupait de la sécurité de Jean-Marie LE PEN à temps complet, ni Micheline B., secrétaire particulière de Jean-Marie LE PEN travaillant exclusivement pour ce dernier, n’avait jamais travaillé pour lui. Il a exposé dès sa première audition que le "FRONT NATIONAL vivait grâce à ce système de rémunération via le Parlement européen pour rémunérer les personnes du FRONT NATIONAL". Il précisait encore que "le principe était que chaque député arrivait à avoir peu ou prou un assistant ou collaborateur qui lui était réellement dédié et le reste de l’enveloppe était dédié à la rémunération des personnes choisies par Jean-Marie LE PEN. Il s’agissait de caser le staff du groupe". Jean-Marie LE PEN a admis que Thierry L. avait toujours été son garde du corps, puis celui de Marine LE PEN à partir de janvier 2011 et que Micheline B. avait toujours été sa secrétaire particulière. Les déclarations de Jean-Marie LE PEN, qui reconnaît avoir, dans le cadre d’un fonctionnement "en pool", "réparti les budgets au mieux de (leur) fonctionnement parlementaire" ne sont pas en contradiction avec celles de Fernand LE RACHINEL sur ce point. Elles corroborent celles de Thierry L., qui a admis que sa rémunération était affectée sur tel ou tel député dans le cadre d’un contrat d’assistant parlementaire selon le montant disponible des enveloppes, ou encore celles de Michèle B. qui déclarait avoir subi les changements de contrats qu’elle ne décidait pas. Pas plus que les autres eurodéputés, Fernand LE RACHINEL ne s’est personnellement directement enrichi du fait des contrats fictifs d’assistant parlementaire qu’il a signés au cours de la 6e législature pour faire financer par le parlement européen les salaires et charges de Thierry L. (495 k€) et de Micheline B. (320 k€) pour un montant total de 815 k€. Néanmoins ses déclarations illustrent l’intérêt personnel qu’il trouvait à voir alléger les charges du parti dont la situation financière était tendue. Après avoir démissionné du RASSEMBLEMENT NATIONAL à la rentrée 2008, il n’a d’ailleurs pas mis fin aux contrats de Thierry L. et Micheline B. qui ont continué à être rémunérés sur son enveloppe de frais d’assistance jusqu’à la fin de la 6e législature, à l’été 2009. Il peut à cet égard être relevé que si Jean-Marie LE PEN n’a pas non plus directement retiré d’enrichissement personnel de ces détournements, ils lui ont néanmoins procuré un confort de vie et de travail que la situation financière du parti ne lui aurait pas permis d’assumer. ».

    Je ne poursuis pas avec les législatures suivantes (2009-2014 et 2014-2016) avec autant de précisions car ce serait trop long. Je ne garde que le principal.


    7e législature (2009-2014) : « Les trois députés historiques ont donc fait perdurer le système pour continuer à faire financer par le Parlement Européen les salaires des sept mêmes personnes que pendant la législature précédente, qui travaillaient toujours pour le parti. Les fonds détournés au cours de cette 7e législature à travers les contrats d’assistant parlementaire fictifs signés par Jean-Marie LE PEN, Marine LE PEN et Bruno G. sont évalués à plus de 2,2 millions d’euros, ce qui représente presque un doublement du ratio des fonds détournés par député par rapport à la législature précédente. Le système mis en place en 2004 a en effet été "optimisé", avant même l’accession de Marine LE PEN à la présidence du parti. ».
     

     
     


    8e législature (2014-2016) : « En ce qui concerne Yann LE PEN, son salaire en tant que responsable de l’événementiel au sein du parti avait été pris en charge par le Parlement européen depuis le 1er janvier 2009, au cours des 6e et 7e législatures, sous couvert de contrats d’assistance parlementaire successifs de Bruno G., pour un montant total de 417 k€. (…) Les fonds détournés s’élèvent à moins de 300 k€ pour ces trois députés "historiques" et environ 370 k€ pour les sept nouveaux députés, soit environ 670 k€ entre juillet 2014 et février 2016, au cours d’une période de 20 mois. Si ces chiffres apparaissent moins significatifs que pour les législatures précédentes, ce constat mérite néanmoins quelques observations. (…) Les détournements de la 8e législature concernent donc un nombre de députés et d’assistants parlementaires plus important, mais une période de temps beaucoup plus limitée que celle des précédentes législatures. La dénonciation et les procédures administratives mises en œuvre par le Parlement Européen ont manifestement porté un coût d’arrêt aux contrats en cours. Ainsi, à l’été 2014, alors que 23 députés du RASSEMBLEMENT NATIONAL étaient élus au Parlement Européen, le système était destiné à constituer une véritable manne financière pour le parti. Avec 23 députés élus, les frais d’assistance parlementaire représentaient en effet désormais près de 6,6 millions d’euros par an, soit environ le double de la masse salariale du RN à l’époque, de l’ordre de 3 millions d’euros sur un budget de 10,2 millions d’euros. Les contrats conclus au cours de la 8e législature étaient donc susceptibles de contribuer de façon de plus en plus significative au financement des charges de personnel du parti. Le système élaboré mis en place n’a trouvé de limite que dans la dénonciation des faits et l’ouverture de la présente procédure judiciaire. ».

    Et de poursuivre : « Le principe était le même que celui mis en place en 2004 et décrit par Fernand LE RACHINEL : les eurodéputés pouvaient recruter un assistant parlementaire de leur choix et devaient laisser le reste de l’enveloppe à destination du parti. Aucun des députés poursuivis, à l’exception de Fernand LE RACHINEL (qui conteste avoir agi intentionnellement), n’a reconnu les faits. Néanmoins, le déroulement de la réunion du 4 juin 2014 décrit par plusieurs députés ayant refusé le système ou ayant quitté le parti depuis ne fait aucun doute. Marine LE PEN avait bien donné comme instruction aux nouveaux députés de donner une procuration à Charles V. H. pour suivre leur dotation budgétaire et de choisir le cabinet X de Nicolas C. comme tiers-payant. Malgré ses dénégations, elle leur a aussi dit qu’ils n’avaient pas besoin de plus d’un assistant dédié à (leurs) tâches parlementaires et qu’ils allaient laisser le solde de leur enveloppe à la disposition du parti. (…) Le système en place depuis dix ans à l’époque avait été "optimisé" avant même le début de la 8e législature. Un système global de gestion des enveloppes budgétaires des assistants parlementaires était opérationnel et proposé à l’ensemble des eurodéputés afin de permettre au parti "de faire des économies grâce au Parlement Européen". ».

    Le rôle de Marine Le Pen est considéré comme essentiel par le tribunal : « Au cœur de ce système depuis 2009, Marine LE PEN, s’est inscrite avec autorité et détermination dans le fonctionnement instauré par son père auquel elle participait depuis 2004. Elle va s’entourer dès 2009 de Charles V. H., comptable et spécialiste des instances du Parlement Européen recruté comme APA, qui va jouer un rôle de facilitateur auprès des services financiers du Parlement Européen et être chargé d’optimiser la gestion centralisée des enveloppes. Sur la base des propositions de Charles V. H., Marine LE PEN va arbitrer. Les mouvements entre les enveloppes et les transferts de contrats vont se multiplier. Le but est de répartir les assistants selon les disponibilités des enveloppes, sans aucun lien avec une quelconque activité pour un eurodéputé. Marine LE PEN a été poursuivie et déclarée coupable en tant qu’auteur principal pour les contrats d’assistant parlementaire fictifs représentant un montant total de 474 k€ sur une période du 1er septembre 2009 au 14 février 2016. À l’occasion de procédures administratives en répétition de l’indu, le Parlement Européen a recouvré à son encontre une somme totale de 340 k€. ».

    Mais ce n'est pas tout ce qu'on reproche à Marine Le Pen. Il y a aussi ceci : « Elle est en outre déclarée coupable de faits de complicité des détournements commis par les autres eurodéputés depuis son accession à la présidence du parti en janvier 2011. Ces faits de complicité portent sur un montant total que le tribunal évalue à 801 k€ au titre de la complicité de Jean-Marie LE PEN, à 665 k€ au titre de la complicité de Bruno G. et à 370 k€ au titre de la complicité des sept nouveaux députés de la 8e législature, soit au total plus de 1,8 million d’euros sur la période du 16 janvier 2011 au 17 janvier 2016. En effet, compte tenu des relaxes partielles prononcées pour les trois contrats conclus par Marie-Christine A. en 2016 au titre desquels tous les prévenus poursuivis (notamment Marine LE PEN et le RASSEMBLEMENT NATIONAL) ont été relaxés des faits de complicité et/ou de recel qui leur étaient reprochés, les faits de complicité la concernant ne prennent plus fin le 31 décembre 2016 comme visé à la prévention, mais le 17 janvier 2016. ». Cela signifie que les dispositions de la loi Sapin II ne s'appliquent pas.
     

     
     


    Sur le trouble causé par l'infraction, qui a contourné le fonctionnement démocratique, le tribunal est très précis : « S’ils n’ont pas généré d’enrichissement personnel direct des députés condamnés ni de leurs assistants parlementaires, les faits constituent, au-delà des manquements à l’exigence de probité des élus, un contournement démocratique qui réside dans une double tromperie, aux dépens du Parlement Européen et des électeurs. L’article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 prévoit que les partis politiques, s’ils se forment et exercent leur activité librement, doivent respecter les principes de la démocratie. Par des lois successives depuis les lois fondatrices n°88-226 et n°88-227 du 11 mars 1988 relatives à la transparence financière de la vie politique, le législateur s’est employé à encadrer le financement de la vie politique française afin, principalement, d’en garantir la transparence et d’assurer l’égalité des chances des candidats dans la compétition politique. Le respect de ces dispositions législatives par tous les partis politiques doit assurer le fonctionnement vertueux de la démocratie représentative. En outrepassant le cadre ainsi posé par le législateur, les auteurs, complices et receleurs de détournements de fonds publics, qui ont procuré un enrichissement au FRONT NATIONAL devenu RASSEMBLEMENT NATIONAL, ont provoqué une rupture d’égalité, favorisant ainsi leurs candidats et leur parti politique, au détriment des autres. S’agissant du Parlement Européen, sa légitime confiance en ses élus a été abusée par des moyens sophistiqués de détournements à des fins partisanes des fonds payés pour renforcer la qualité du débat démocratique. L'indemnité d'assistance parlementaire a en effet pour finalité de permettre aux députés européens de s'entourer librement de collaborateurs pour pouvoir notamment s'emparer de sujets d'intérêt général, en particulier complexes ou techniques, et en débattre utilement dans l'enceinte parlementaire ou en dehors. Imputée sur le budget de l'Union Européenne, cette indemnité est ainsi une pièce importante du dispositif parlementaire européen et contribue à la continuité du projet européen. Le tribunal prendra par conséquent en considération la nature des fonds détournés pour la détermination des peines. S’agissant du corps électoral, les manquements commis par les députés européens portent fortement atteinte à la confiance légitime qu’ils doivent inspirer aux citoyens de l’Union Européenne en général et aux électeurs français en particulier. Représentants de l’institution la plus démocratique de l’Union Européenne, ils sont les porteurs des valeurs proclamées à l’article 2 du Traité sur l’Union Européenne, notamment le respect de la démocratie, de l’égalité et de l’État de droit. Ainsi, ces faits ont porté une atteinte grave et durable aux règles du jeu démocratique, européen mais surtout français et à la transparence de la vie publique. L’atteinte aux intérêts de l’Union Européenne revêt une gravité particulière dans la mesure où elle est portée, non sans un certain cynisme mais avec détermination, par un parti politique qui revendique son opposition aux institutions européennes. La gravité des faits dans leur ensemble résulte donc de leur nature systématique, de leur durée, du montant des fonds publics détournés au bénéfice d’un parti politique, mais aussi de la qualité d’élus des personnes condamnées comme auteurs de ces détournements, ainsi que de l’atteinte portée à la confiance publique et aux règles du jeu démocratique. Le tribunal prend en considération pour la fixation de la nature et du quantum des peines principales prononcées à l’encontre de chacun des auteurs, complices ou receleurs, le rôle et la responsabilité de chacun, le montant des détournements au titre desquels il est déclaré coupable, outre des motivations individuelles relatives à la personnalité et à la situation personnelle ci-après développées. ».

    C'est vrai qu'il est un peu ardu de lire les 154 pages d'un texte parfois un peu compliqué, mais il est établi que ce système, mis au clair par les enquêteurs, une dizaine d'années d'instruction et un procès de près de deux mois, a conduit à un détournement massif de fonds publics entre 2004 et 2016 d'un montant qui correspond à 1,2 million de repas au CROUS pour les étudiants ou encore à 209 années de travail au SMIC !
     

     
     


    Vouloir déplacer le débat sur la prétendue politisation des juges alors que ces derniers n'ont fait que leur travail avec débat contradictoire et droits de la défense relève avant tout d'une mauvaise foi, d'une stupéfaction étonnante provenant d'amateurs (ils auraient dû imaginer cette possibilité de condamnation) et enfin, d'une fuite en avant qui me paraît suicidaire politiquement et électoralement.
     

     
     


    La bataille de "l'opinion publique" est déjà perdue. Environ deux tiers des sondés, dans plusieurs sondages depuis plusieurs jours, trouvent tout à fait normal que les délinquants, même une future candidate à l'élection présidentielle, soient condamnés tant à de la prison ferme à une peine d'inéligibilité avec exécution provisoire. Le paradoxe, c'est que le RN a lui-même contribué, dans ses campagnes démagogiques antérieures, à rendre les citoyens plus exigeants sur la probité de leurs représentants.

    La réaction épidermique et à la limite de l'insurrectionnel des responsables RN depuis l'annonce du jugement confirme l'efficacité de l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité. C'est la conclusion du journaliste de Mediapart Fabrice Arfi le 3 avril 2025 : « Être reconnus coupables, condamnés à de la prison, à des amendes, ils s'en foutent. Ce qu'ils ne supportent pas, c'est l'inéligibilité. Ça montre que c'est la seule sanction efficace. ». Rideau !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250404-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-fond-accablant-de-l-affaire-le-260277

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/02/article-sr-20250404-marine-le-pen-html.html


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  • Mgr Jean-Marc Aveline, nouveau porte-voix des évêques de France

    « Ce que je sens, c'est que Marseille est plus qu'une ville, c'est un message. Dans toute identité, il y a toujours une part d'altérité. Et c'est grâce à ça qu'on peut être accueillant à l'autre. » (Mgr Aveline, le 17 septembre 2023 sur France Bleu Marseille).



     

     
     


    Ce mercredi 2 avril 2025, la Conférence des évêques de France (CEF) s'est désigné un nouveau président en la personne de Mgr Jean-Marc Aveline. Son prédécesseur, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims depuis le 18 août 2018 et élu président de la CEF depuis le 3 avril 2019, avait annoncé son retrait le 24 mars 2025 au terme de deux mandats de trois ans. Mgr Jean-Marc Aveline prendra ses fonctions le 1er juillet 2025. Les deux vice-présidents de la CEF sont élus jeudi matin.

    Éric de Moulins-Beaufort aurait sans doute été un bon président des évêques en période ordinaire, c'est-à-dire lorsqu'il y a à réfléchir et à faire évoluer l'Église de France. Mais son mandat n'a pas été de tout repos, car en pleine crise très grave, accablante, des prêtres ayant commis durablement des faits de pédocriminalité.

    Même si c'est bien l'Église de France qui a été à l'origine du fameux rapport Sauvé (commandé le 8 février 2019 par son prédécesseur, Mgr Georges Pontier, alors archevêque de Marseille) sur les nombreux abus sexuels sur mineurs et sur les personnes vulnérables dans l'Église catholique de France depuis les années 1950, 2 500 pages présentées le 5 octobre 2021, c'est bien Éric de Moulins-Beaufort qui a dû gérer tout le service après-vente de ce rapport, et, disons-le, plutôt mal malgré sa détermination sincère, avec plein de maladresses sans prendre réellement la mesure de ce gigantesque scandale dans l'esprit des victimes. La dernière affaire levée sur les agressions sexuelles et les violences à Notre-Dame de Bétharram ainsi que dans d'autres établissements scolaires catholiques ont sans doute rendu nécessaire l'arrivée d'un autre visage médiatique, plus compassionnel et plus chaleureux.

    Qui est Mgr Jean-Marc Aveline ? J'aurais tendance à dire un homme qui monte ! En fait, l'Église de France a eu, depuis plusieurs décennies, un problème de représentation auprès de la société française. Les plus anciens ont connu Mgr Albert Decourtray (archevêque de Lyon) et Mgr Jean-Marie Lustiger (archevêque de Paris), qui étaient de très grandes pointures intellectuelles, religieuses mais aussi médiatiques (comme Jean-Paul II). Ils étaient même invités régulièrement dans l'émission politique phare, "L'Heure de Vérité" sur Antenne 2. Encore auparavant, il y a eu Mgr Jean Vilnet et Mgr François Marty. Mais après les cardinaux Lustiger et Decourtray, peu de responsables catholiques ont véritablement émergé dans la société française (à part Mgr Philippe Barbarin, lui aussi une pointure intellectuelle et médiatique, qui a dû s'éclipser à cause du scandale) et cela manquait.

     

     
     


    Oserais-je imaginer que Mgr Jean-Marc Aveline pourrait enfin remplir ce vide et donner un nouveau visage, plus convivial, plus souriant, plus ouvert, à une Église et surtout à une communauté catholique très ébranlée par les révélations des dernières années, en particulier un abus commis sur une mineure de 14 ans par le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque de Bordeaux et ancien président de la CEF, lorsqu'il était curé à Marseille. Un cardinal !

    À 66 ans, Mgr Jean-Marc Aveline est un enfant de la Méditerranée, né en Algérie (près d'Oran) et habitant Marseille, dans les quartiers populaires, après un court passage en région parisienne (sa famille était pieds-noirs). Il cultive donc une identité marseillaise très forte. Il a été ordonné prêtre le 3 novembre 1984 après des études de philosophie, de grec, d'hébreu et de théologie (à l'Institut catholique de Paris et à la Sorbonne) et avant un doctorat en théologie ; il a soutenu en 2000 sa thèse sur le sujet suivant : "Pour une théologie christologique des religions, Tillich en débat avec Troettsch". Inutile de préciser qu'il est, lui aussi, une pointure intellectuelle et qu'il a été responsable d'enseignement et d'études au séminaire interdiocésain de Marseille et à l'Université catholique de Lyon. Il a même fondé l'Institut de science e théologie des religions de Marseille en 1992 qu'il a dirigé jusqu'en 2002.

    Nommé évêque auxiliaire de Marseille le 19 décembre 2013 (il a été ordonné évêque par Mgr Georges Pontier le 26 janvier 2014 en présence de deux cardinaux marseillais, Mgr Roger Etchegaray et Mgr Bernard Panafieu), Mgr Jean-Marc Aveline lui a succédé le 8 août 2019 comme archevêque de Marseille. Enfin, le pape François l'a créé cardinal (avec le grade de cardinal-prêtre) parmi les vingt et un cardinaux créés lors du consistoire du 27 août 2022. À ce titre, et aussi comme proche du pape François, il est parfois considéré comme un "papabile" (pouvant être élu prochain pape), d'autant plus qu'il a pris beaucoup d'importance ces dernières années au Vatican (membre de deux dicastères, sortes de ministères au Vatican, il s'y rend très régulièrement, plusieurs fois par mois).
     

     
     


    L'un des exploits de Mgr Aveline, c'est d'avoir fait venir le pape François à Marseille, événement qui n'avait plus eu lieu depuis plusieurs siècles (le pape Clément VII y est venu le 5 novembre 1533) et qui avait séduit le Saint-Père dans sa volonté de promouvoir la Méditerranée (et l'accueil des migrants). C'est ainsi que l'archevêque de Marseille a accueilli son homologue de Rome à Marseille les 26 et 27 septembre 2023, journées au cours desquelles il a pu constater la grande sympathie des Marseillais. La venue du pape avec la célébration d'une messe au Stade Vélodrome a été un moment historique qui a séduit et rendu fiers les Marseillais. Le pape François est retourné en France, un peu plus tard, le 15 décembre 2024, en Corse, et n'est (encore) jamais allé à Paris.

    Au début, il avait beaucoup hésité à se porter candidat en raison de son emploi du temps très chargé. Favori du scrutin et très populaire parmi les évêques par sa « bonhomie », sa « grande intelligence » et sa personnalité « hors norme », Jean-Marc Aveline a été élu dès le premier tour président de la Conférence des évêques de France ce 2 avril 2025 à Lourde (pour être élus, il faut réunir une majorité des deux tiers), après deux jours de colloques (en début de semaine) sur les violences sexuelles au sein de l'Église, avec la présence, en particulier, de victimes de Notre-Dame de Bétharram qui ont pu témoigner devant les évêques.


    La détermination de l'Église catholique reste intacte pour lutter contre les violences sexuelles en son sein comme cela a été le cas depuis une dizaine d'années, mais ce sujet comporte de nombreuses bombes à retardement (Notre-Dame de Bétharram en est une puisque la plupart des victimes sont restées silencieuses jusqu'en 2024-2025). Mgr Aveline devra donc gérer la suite de ce lourd dossier, notamment sur le plan des réparations aux victimes, et plus généralement, devra revoir l'organisation de l'enseignement catholique afin d'éviter des violences pendant des années sans alerte.

    Si la société française en général continue sa progressive déchristianisation (commencée depuis une cinquantaine d'années), il faut remarquer néanmoins que les jeunes semblent revenir à l'Église avec plus de volontarisme. Un évêque cité par Sud Radio l'a ainsi résumé : « On est à un moment de croisement des courbes, avec un effacement du catholicisme sociologique et une montée du catholicisme d'adhésion. ». "Le Monde" a noté le même genre de réflexion auprès sans doute du même évêque : « Nous sommes dans une période de fragilisation mais aussi de recomposition. Nous devons gérer le recul du catholicisme sociologique en même temps que la croissance du catholicisme d’adhésion. ». Ce qui peut créer un problème avec la montée de sentiments identitaires. Mgr Aveline devra accompagner ce regain d'adhésion pour ne pas décourager ce renouveau de l'engagement.

    Un autre défi sera d'être plus présent dans les médias pour les grands débats de société, qu'il s'agisse de la laïcité (on va fêter les 120 ans de la loi du 9 décembre 1905), de la fin de vie et, plus généralement, du débat politique de précampagne présidentielle ces prochaines années. En clair, l'Église va devoir se faire entendre de la société française autrement que sur les abus sexuels.

    Comme l'ont expliqué Sarah Belouezzane et Benoît Vitkine dans leur article publié le 2 avril 2025 dans "Le Monde", « Jean-Marc Aveline représente un catholicisme ouvert sur le monde, proche des fidèles de tous bords. "Sa personnalité et son contact tranchent clairement avec le reste de l’épiscopat", confiait un prêtre qui l’a assidûment fréquenté. Des fibres pastorales et sociales (avec un souci affiché à plusieurs reprises pour le sort des migrants) qu’il partage avec un pape François dont il est devenu en quelques courtes années un proche. (…) Le cardinal devra désormais délaisser son diocèse pour Rome et Paris. Sa connaissance de la Ville éternelle et de ses usages sera bienvenue après des années de relations plus que froides entre le Vatican et l'Église de France. Jean-Marc Aveline est un homme tout en rondeurs, décrit comme très politique (…). Cette rondeur (…) sera sans doute un avantage dans les défis qui se présentent à lui. ».


    "Le Monde" a aussi évoqué le besoin d'un changement de pratique dans la gouvernance de la CEF, son président ne devant être qu'un porte-parole, un animateur, et certainement pas un chef (les évêques jouissent d'une grande autonomie). Très occupé, Mgr Aveline aura très certainement la volonté de déléguer beaucoup de sujets à ses deux vice-présidents qui sont élus jeudi matin avant une conférence de presse en début d'après-midi. En revanche, il devra rester très prudent avec le dossier des agressions sexuelles car l'objectif reste focalisé sur la relation aux victimes,et ces relations humaines ne se délèguent pas. Bon communicant, le "président Aveline" est certainement prêt à relever le défi d'une Église qui aura besoin d'être remise au milieu du village.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Mgr Jean-Marc Aveline.
    Inquiétudes sur la santé du pape François.
    Le pape François en Corse : la vie en rose !
    Le voyage du pape François en Corse (Ajaccio) en direct live ce dimanche 15 décembre 2024 (vidéo).
    Autonomie de la Corse : y a-t-il un risque de séparatisme ?
    Notre-Dame de Paris, capitale du monde !
    Pourquoi a-t-on assassiné le père Popieluszko ?
    Les 98 ans de Sœur Marguerite.
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    Assomption : pourquoi le 15 août est-il férié ?
    Le pape François à Marseille (1) : ne pas légiférer sur l'euthanasie.
    Le voyage du pape François à Marseille (22 et 23 septembre 2023).
    Mgr Jacques Gaillot.
    Mgr Albert Decourtray.

    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.



     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250402-jean-marc-aveline.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/mgr-jean-marc-aveline-nouveau-260279

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/02/article-sr-20250402-jean-marc-aveline.html

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  • Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !

    « Le majordome de Jean-Marie Le Pen avait-il le droit d'être payé par les contribuables français ? » (Gilles Bouleau à Marine Le Pen, Journal de 20 heures, le 31 mars 2025 sur TF1).



     

     
     


    La question du journaliste Gilles Bouleau le 31 mars 2025 au journal de 20 heures de TF1 posée à la présidente du groupe RN à l'Assemblée Marine Le Pen était pertinente. Mais il aurait fallu aller un peu plus loin, car les réactions du RN, de colère bien normale après l'annonce de la multicondamnation de la leader du RN et de ses proches, semblent complètement inverser les rôles. Dans cette affaire, Marine Le Pen n'est pas une victime (supposée victime du "système" dans lequel elle s'est complètement acclimatée à tel point qu'elle a tenté d'en profiter au maximum), mais une coupable. Une coupable qui a été condamnée en première instance. La victime, dans cette affaire, c'est le peuple français, ce sont les contribuables français à qui on a spolié leur contribution financière à la nation.

    Et je suis désolé de l'écrire, mais Marine Le Pen a été condamnée pour des détournements de fonds public à hauteur de 4,1 millions d'euros, ce n'est pas rien. Ce n'est pas 200 000 euros, 500 000 euros, mais 4,1 millions d'euros : combien de restos du cœur, combien d'opérations pièces jaunes peut-on avoir avec 4,1 millions d'euros ? Je ne fais que poser sa question du 9 février 2004 sur France 2, je n'insiste pas sur l'argent volé aux Français !

    Je suis un peu inquiet de la tournure du débat public à propos de cette condamnation car j'ai l'impression qu'on la classe politico-médiatique ne s'est arrêtée que sur la peine complémentaire de cinq années d'inéligibilité assortie d'une exécution provisoire, ce qui va peut-être l'empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle.


    Attention, je suis bien conscient tant de la gravité de cette peine complémentaire et de ses conséquences sur la vie démocratique de notre pays. Une candidate qui ferait actuellement autour d'un tiers des sondés dans les sondages d'intentions de vote pour le premier tour d'une élection présidentielle qui se trouve empêchée de se présenter est un véritable problème, c'est l'évidence, et surtout, un véritable événement politique, sans doute aussi grave et historique que la dissolution du 9 juin 2024 ou la censure du gouvernement du 4 décembre 2024.

    Mais à qui la faute ? Au système dont elle a nettement profité jusqu'à plus soif ? Aux méchants juges qui n'ont fait que leur travail honnêtement en se basant sur les lois qu'ils n'ont pas rédigées ni votées et sur les faits délictueux qu'ils ont établis sans laisser planer aucun doute ? Ou à l'ancienne présidente d'un parti vorace qui a voulu utiliser l'argent public pour faire fructifier son affaire politique ?


    Car le plus choquant, c'est la raison des détournements. Depuis le 31 mars 2025, les apparatchiks du RN parlent d'un simple "différend administratif" ! On rêve !! Voilà de la réalité alternative, comme on dit ! Non, ce n'est pas un problème administratif, c'est carrément du détournement massif de fonds publics. Les députés européens sont censés travailler au Parlement Européen avec leurs assistants parlementaires pour défendre les intérêts des Français en Europe. On peut être contre l'Union Européenne et considérer que l'intérêt de la France est d'être contre l'Europe, mais même ainsi, comme l'a fait par exemple Nigel Farage au Royaume-Uni, il faut bosser auprès des instances européennes contre les institutions européennes, dès lors que leur parti a élu des représentants (c'est la démocratie). Mais non ! Les députés européens du RN n'ont rien fait (il suffit de voir le bilan de Jordan Bardella à Strasbourg depuis 2019 !), et pendant longtemps (de 2004 à 2016), leurs assistants parlementaires n'ont fait que bosser pour la présidente du FN et l'appareil de leur parti, pas pour les intérêts français (selon eux) en Europe.

    Le plus choquant, dans la multicondamnation de Marine Le Pen, ce n'est pas la peine d'inéligibilité, qui est juste complémentaire, mais plutôt la peine de deux ans de prison ferme (quatre ans de prison en tout), avec mesure d'aménagement ab initio sous le régime de détention à domicile sus surveillance électronique. Deux ans ferme ! Imagine-t-on un candidat à l'élection présidentielle avec une condamnation à deux ans de prison ferme pour des délits de détournement de fonds public ?! Et qu'il puisse être élu ? Il est là, le scandale. Il a beau y avoir appel et présomption d'innocence, la condamnation en première instance n'est pas effacée pour autant.

     

     
     
     
     
     
     


    Le 31 mars 2025 sur France 5, le constitutionnaliste Dominique Roussau rappelait une évidence : « Pour que les électeurs aient confiance en leurs élus, il faut qu’ils soient intègres. Ce qui met en cause la démocratie c’est le tous pourris. Ce qui n’est pas sain pour la démocratie, c’est de laisser élire des gens qui ont fraudé. ». Le thème favori du lepénisme électoral s'est effondré dans un sketch de l'arroseur arrosé.

    Même si elle va faire appel, Marine Le Pen a quand même été condamnée en première instance à de la prison ferme et surtout, les faits ont été établis et sans laisser aucun doute. Cela signifie que, contrairement à d'autres affaires où l'incertitude peut planer, la culpabilité de Marine Le Pen sera probablement confirmée et que la seule différence portera peut-être dans la nature des peines qu'elle aura en appel.

    Ce qui m'inquiète, c'est que dans les nombreux commentaires dans cette affaire, tant les responsables politiques (hors RN) que les journalistes sont focalisés sur l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité et ses conséquences dans la course de petits chevaux présidentiels alors que le plus important est la peine de deux ans de prison ferme et surtout, les 4,1 millions d'euros d'argent public détourné. Où est la tolérance zéro ? Où est la condamnation du laxisme des juges contre la délinquance ? Où est la volonté de condamner à l'inéligibilité à vie les responsables politiques tombés dans la délinquance ?

    J'ai ressenti dans ce paysage politico-médiatique une double trouille. La trouille des journalistes qui, du coup, sont très mesurés parce que si, pour beaucoup d'entre eux, ils sont au fond ravis, ils ont peur que malgré tout, le RN arrive au pouvoir et ils doivent le cas échéant éviter une future disgrâce (c'est aussi cette trouille qui domine la presse américaine actuellement). Mais aussi la trouille des responsables politiques (hors RN), pas vis-à-vis du RN, mais vis-à-vis des lois et de la justice, comme s'il y avait un réflexe corporatiste, de système (celui dans lequel RN évolue allègrement, comme les autres), de se retrouver à la place du RN dans le box des accusés... et des condamnés. C'est particulièrement clair pour Jean-Luc Mélenchon et ses insoumis, pour LR également (le parti a été ébranlé par les condamnations de François Fillon et, plus récemment, de Nicolas Sarkozy), mais aussi, un peu plus subtilement, pour le Premier Ministre François Bayrou dont les déclarations, plus nuancées qu'on pourrait le croire, restent néanmoins assez décevantes (j'y reviens plus loin).

    Si Marine Le Pen a été relativement mesurée le 31 mars 2025 en voulant respecter la stratégie de la respectabilité qu'elle avait mis en place en juin 2022, celle-ci a complètement explosé le lendemain, mardi 1er avril 2025, peut-être en guise de poisson d'avril. La conférence de presse de Marine Le Pen et Jordan Bardella qui s'est tenue le mardi matin à l'Assemblée et, encore pire, la séance des questions au gouvernement le mardi après-midi ont montré que le RN venait d'adopter une stratégie complètement suicidaire avec des propos insurrectionnels, populistes, violemment démagogiques, remettant en cause l'État de droit, les juges, les lois, en somme, le RN vient de tomber dans le trumpisme le plus obscur !

     

     
     


    Les caciques du RN crient au gouvernement des juges. C'est tout le contraire qui s'est passé. Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l'Université de Lille et membre de l'Institut Universitaire de France, l'a expliqué très clairement dans un article publié le 1er avril 2025 dans "Libération" : « À ceux qui dénoncent une justice politique, soustrayant le pouvoir des juges au pouvoir du peuple, il faut répondre, d’abord, que la justice est rendue au nom du peuple français. Les juges tiennent leur légitimité de l’édifice juridique qui constitue notre droit et au fondement duquel se trouve notre Constitution, que le peuple a adopté soit directement, soit par la voie de ses représentants. Les juges tiennent également leur légitimité de leur indépendance et de leur impartialité, constitutionnellement garanties, les contraignant à agir conformément au droit, qu’ils sont chargés d’appliquer, indépendamment de tout intérêt privé, partial ou partisan. Ils appliquent donc le droit, au nom du peuple, exerçant une mission de souveraineté qui leur est juridiquement et légitimement confiée par ce même peuple. ».

    Et d'ajouter : « Ensuite, il faut ajouter que la justice nous protège, en veillant à la bonne application du droit et en sanctionnant ceux qui le violent. Pour cela, des procédures sont établies destinées à préserver les droits des justiciables : enquête, instruction, audience, délibéré, collégialité, verdict, appel, cassation. Ce sont autant d’éléments, parmi d’autres, qui permettent d’assurer que la justice n’est pas inique, mais sert le droit et l’intérêt général. Marine Le Pen a eu l’occasion, tout au long de cette procédure, de faire valoir ses arguments, devant plusieurs juges, à différentes étapes. In fine, une formation collégiale de trois juges, après un délibéré de plusieurs mois, a retenu que les faits qui lui étaient reprochés étaient suffisamment probants et convaincants pour constater qu’elle avait effectivement commis une infraction. Dès lors, le droit s’applique : s’il y a culpabilité, il y a peine et, en l’espèce, il y a également peine complémentaire d’inéligibilité, les juges retenant que les circonstances particulières de l’espèce commandent de l’assortir de l’exécution provisoire, c’est-à-dire de la rendre applicable immédiatement. Au nom de la loi, ils viennent exprimer le "non" de la loi : ce ne sont pas les juges qui décident de déclarer Marine Le Pen inéligible immédiatement, mais c’est bien la loi qui l’impose. ».

    L'État de droit, c'est respecter les juges et la justice : « Dénoncer un "gouvernement des juges" revient donc à commettre une grave erreur d’appréciation. Pis, en soutenant qu’il reviendrait au peuple de décider du sort de Marine Le Pen, on argumente en faveur d’une justice populaire, partiale et partisane. Serait-ce au peuple de juger tous les prévenus ? Serait-ce au peuple de décider si Untel est un violeur, si Untel est un meurtrier ou si Untel doit être acquitté ? Et, dans ce cas, en vertu de quels arguments et de quel cadre ? Si on est désireux d’une justice indépendante, objective et impartiale, on ne peut la confier au peuple, dont les prises de positions collectives, exprimées lors d’un vote, reposent sur une argumentation et un débat politiques. Et c’est précisément ce qui correspondrait à un "gouvernement des juges" voire, pire encore, à un "gouvernement sans juge". Au contraire, l’indépendance de la justice, établie et garantie au nom du peuple, permet que le droit soit objectivement appliqué et c’est exactement ce que révèle le verdict dans cette affaire. ».

    Jean-Philippe Derosier a aussi justifié l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité ainsi : « [Les juges] ont enfin fait application du principe constitutionnel d’individualisation des peines, en retenant que Marine Le Pen, qui, selon les faits, se trouvait au cœur de l’infraction, devait être condamnée à une lourde peine. Eu égard à son rôle dans la commission de cette infraction, à son refus persistant de la reconnaître et aux fonctions qu’elle occupe, deux risques ont enfin pu être identifiés, justifiant l’application immédiate de la peine d’inéligibilité : d’une part, un risque de récidive, dès lors qu’elle ne reconnaît pas le caractère délictuel des faits et, d’autre part, un risque d’échapper à la justice pendant un temps, précisément si elle était élue Présidente de la République, ce qui lui conférerait une immunité. ».

    Dans leur délibéré du 31 mars 2025, les juges ont eux-mêmes commenté ainsi leur jugement : « Le tribunal prend en considération, outre le risque de récidive, le trouble majeur à l’ordre public démocratique qu’engendrerait en l’espèce le fait que soit candidat, par exemple et notamment à l’élection présidentielle, voire élue, une personne qui aurait déjà été condamnée en première instance, notamment à une peine complémentaire d’inéligibilité, pour des faits de détournements de fonds publics et pourrait l’être par la suite définitivement. Il s’agit ainsi pour le tribunal de veiller à ce que les élus, comme tout justiciable, ne bénéficient pas d’un régime de faveur, incompatible avec la confiance recherchée par les citoyens dans la vie politique. Dès lors, dans le contexte décrit, eu égard à l’importance de ce trouble irréparable, le droit au recours n’étant pas un droit acquis à la lenteur de la justice, il apparaît nécessaire selon le tribunal, à titre conservatoire, d’assortir les peines d’inéligibilité prononcées de l’exécution provisoire. Il ne s’agit pas d’une peine définitive mais d’une peine complémentaire prononcée en première instance qui, afin de garantir l’effectivité de son exécution et d’éviter un trouble irréparable à l’ordre public démocratique, sera exécutée immédiatement, dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel susceptible d’intervenir d’ici un à deux ans. Dans le cadre d’une décision rendue au nom du peuple français dans son ensemble, cette mesure est en effet proportionnée aux objectifs à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de bonne administration de la justice. C’est au regard de ces considérations que le tribunal apprécie, pour chaque personne condamnée, en tenant compte de sa situation individuelle, le caractère nécessaire et proportionné d’une peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire. ».
     

     
     


    En d'autres termes, les juges ont considéré que, condamnée en première instance à quatre ans de prison dont deux ferme, Marine Le Pen ne pourrait pas accomplir sa peine si elle était élue à l'élection présidentielle et l'application de sa peine serait reportée à 2032 pour des faits délictueux établis qui datent de 2004 !

    Je précise d'ailleurs que le temps long de la justice ici ne vient pas des juges mais du RN lui-même qui a, pendant toute l'instruction, fait 45 recours depuis 2017 ! sans compter le fait que Marine Le Pen ne s'est pas rendue aux convocations des juges. Le RN a tout fait pour repousser le plus tard possible le procès ainsi que le jugement. On s'étonnera donc de la volonté d'accélérer la procédure d'appel en faisant pression dans les médias et dans la rue.

    J'ajoute aussi que l'individualisation des peines est réelle et on peut le constater dans le délibéré qui compte tout de même 154 pages ! (On peut le lire ici). L'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité de trois ans n'a pas été décidée par exemple pour un autre prévenu, Fernand Le Rachinel, condamné à deux ans de prison avec sursis, parce que lui, au moment du procès, avait reconnu ses torts.

    Revenons aux citations de la journée du mardi 1er avril 2025 dans l'hémicycle, au cours de la séance des questions au gouvernement, car il s'agit d'éléments importants de la vie politique française. Pas moins de sept questions ont été posées au gouvernement en une heure et quart sur la condamnation de Marine Le Pen.

     

     
     


    Posant la première question du jour, le député RN Jean-Philippe Tanguy est parti comme une mitraillette en mélangeant tout, en osant évoquer le Général De Gaulle et en faisant dans l'excessif extrêmement insignifiant : « Le Général De Gaulle l’avait dit : en France, la seule et unique cour suprême, c’est le peuple ! Hélas, en vérité, jamais l’oligarchie n’a accepté que le peuple décide ni ne vote. Le système ne respecte que les urnes qui confortent son pouvoir mais renie les suffrages qui lui déplaisent. Un quarteron de procureurs et de juges prétend à présent sortir du droit pour exercer la vendetta du système contre son seul opposant, le Rassemblement national, et contre sa principale incarnation, Marine Le Pen. Il y a des tyrannies qui enferment leurs opposants, il y a désormais des juges tyrans qui exécutent l’État de droit en place publique ! Ces magistrats, en appliquant l’esprit d’une loi postérieure aux faits qui lui sont reprochés, refusent à Marine Le Pen le droit effectif d’appel et la présomption d’innocence qu’il confère. Ils lui refusent le droit d’être candidate ! Ces magistrats criminalisent le droit à la défense en aggravant la peine de Marine Le Pen, dont le seul tort est d’avoir voulu faire valoir son innocence ! Ces magistrats ont laissé envoyer hier à toute la presse parisienne et à nos adversaires, le jugement que nos avocats n’ont eu que ce matin ! Ces magistrats avouent, dans ce jugement, que la candidature, que l’élection de Marine Le Pen constituerait un trouble à l’ordre public ! Ces magistrats appliquent finalement la promesse du Syndicat de la magistrature : faire barrage à Marine Le Pen par tous les moyens, les pires des moyens ! Le groupe Rassemblement national ne vous laissera pas voler l’élection présidentielle comme vous avez volé des dizaines de sièges lors des dernières législatives ! Aucun de nos députés ne laissera diffamer celle qui incarne l’espérance du peuple de France ! De quoi est accusée Marine Le Pen, sinon de sa capacité à vaincre ce système ? ».

    La réponse du Ministre d'État, Ministre de la Justice, Gérald Darmanin a été (évidemment) beaucoup plus mesurée : « Une décision de justice importante a été rendue hier. Elle concerne Mme la présidente Le Pen, comme de nombreux membres du Rassemblement national. Dans cette affaire, les personnes qui le voudraient ont dix jours pour interjeter appel. Cet appel est de droit : tout citoyen doit pouvoir exercer son droit au recours, afin d’être jugé par une cour d’appel. Si madame Le Pen décidait d’interjeter appel, je souhaite, à titre personnel, que l’audience d’appel puisse être organisée dans le délai le plus raisonnable possible, conformément à l’esprit de sa démarche. Il appartiendra à la cour d’appel de Paris, parfaitement indépendante, de fixer la date de cet appel. Monsieur le député, votre intervention m’a semblé contenir deux erreurs, pardonnez-moi si je n’ai pas bien entendu dans le brouhaha. La première, c’est que nous n’avons volé aucun siège de député ! Nous avons tous été élus au suffrage universel direct que vous réclamez ; nous sommes des parlementaires égaux ! C’est ainsi : le scrutin législatif comporte deux tours ; aucun citoyen n’a été forcé de voter pour aucun des députés ici présents. Deuxième erreur : vous avez sans doute oublié d’apporter votre soutien aux magistrats menacés depuis hier… En démocratie, il est inacceptable que des personnes puissent menacer physiquement des magistrats. Il me semble que lorsque l’on réclame un État de droit, cette réclamation ne peut souffrir aucune exception parmi les magistrats libres et indépendants de ce pays. ».

    Certains ont vu cette opinion personnelle sur le calendrier de la justice comme une pression sur celle-ci. Quelques heures plus tard, on a appris qu'en cas d'appel, la cour d'appel de Paris tenterait de faire ce procès en appel avant la fin de l'été 2026. Sur le principe, accélérer la justice est une nécessité de bon sens, mais d'une part, la lenteur de l'affaire Le Pen vient du RN lui-même (déjà écrit) et d'autre part, en donnant la priorité à l'affaire Le Pen sur d'autres affaires, cela va impacter sur d'autres affaires judiciaires et d'autres personnes condamnées en première instance et actuellement incarcérées. Selon la magistrate Évelyne Sire-Marin, membre du bureau de la Ligue des droits de l'homme (interviewée le 1er avril 2025 sur LCI), il y a, à ce jour, déjà 4 000 affaires dont l'instruction est terminée en attente de procès en appel !


    En outre, je ne vois pas en quoi ce procès en appel ferait les affaires de Marine Le Pen, en ce sens qu'une nouvelle condamnation resterait très probable en appel et qu'une peine en appel serait encore plus dure à faire accepter auprès de ses propres électeurs.
     

     
     


    Sur la tirade particulièrement excessive de Jean-Philippe Tanguy, l'éditorialiste politique Patrick Cohen a proposé le lendemain, dans sa chronique sur France Inter, ce commentaire : « C’est politiquement inepte et judiciairement stupide. La colère est sûrement sincère, mais les adversaires du RN auront beau jeu d’expliquer que ce jour-là, le vernis a craqué, que l’extrême-droite a montré son vrai visage. Que la normalisation et la stratégie de la cravate n’étaient que des leurres. Or ce discours victimaire, antisystème et antirépublicain, s’il peut susciter l’adhésion d’une partie de la base, des 30 à 35% d’électeurs de premier tour, il a tout pour effrayer ceux qui manquent pour faire 50 au second, surtout dans une présidentielle. Un RN dédiabolisé peut espérer briser le plafond. Un RN trumpiste, c’est beaucoup moins sûr. Et puis sur le plan judiciaire, c’est tout aussi curieux. Maudire les magistrats qui vont vous rejuger, insulter ceux qui viennent de le faire, appeler à manifester contre les juges, comme l’avait fait Jean-Marie Le Pen déclaré inéligible en 98, n’est pas la meilleure des stratégies. Surtout quand vos premiers juges vous reprochent de ne pas avoir pris conscience de la gravité des détournements dont vous êtes coupables. ».

    Répondant à une question du président du groupe socialiste Boris Vallaud, François Bayrou a déclaré : « Le soutien que nous devons apporter aux magistrats, dans l’exercice de leurs fonctions, doit en effet être inconditionnel, non mesuré, puissant. Il est très important que l’ensemble de la représentation nationale exprime un tel soutien. ». Mais il a continué ainsi : « Il est vrai que des interrogations subsistent, j’en ai moi-même souvent formulé sur le seul sujet qui me paraît devoir être abordé dans cette affaire : la possibilité de former des recours. En principe de droit, toute décision lourde et grave en matière pénale doit pouvoir faire l’objet d’une procédure en appel et d’un recours. Cependant, le dispositif de l’exécution provisoire conduit à ce que des décisions lourdes et graves ne soient pas susceptibles de recours. Il n’est alors plus possible de faire appel de décisions qui, pourtant, peuvent entraîner des conséquences irréversibles. J’ai toujours, comme citoyen, considéré ce point comme problématique ; je m’étais déjà exprimé en ce sens lors de la condamnation du maire de Toulon, Hubert Falco. En effet, je considère, comme citoyen… Je suis un citoyen. Conformément aux principes du droit, les décisions de justice sont protégées et les magistrats doivent être soutenus. Cependant, lorsqu’il s’agit de s’interroger sur l’état de la loi, il revient au Parlement de prendre ses responsabilités. ».


    Répondant ensuite à la présidente du groupe écologiste Cyrielle Chatelain : « Il est indiscutable et il doit être indiscuté, sur tous les bancs, que les décisions de justice ont à être soutenues et les magistrats protégés dans l’exercice de leur mission. J’affirme, au nom du gouvernement, que c’est le cas : vous l’avez dit, il n’y a pas de passe-droit, quel qu’il soit et quelle que soit la loi concernée. Les magistrats exercent leur mission lorsqu’ils prononcent des jugements. Il est donc légitime que nous leur apportions, unanimement, sur tous les bancs, notre soutien. Toutefois, certains exemples… Pardonnez-moi de le dire : c’est vous, c’est le Parlement qui fait la loi. J’ai lu les déclarations des Insoumis à ce sujet, qui étaient très claires… Je considère que le Parlement a une réflexion à mener. Cependant, je n’ai pas l’intention de confondre la discussion portant sur un jugement, que je ne commente pas et que je soutiens, avec la réflexion sur l’état de la loi, qui appartient au Parlement et qui mérite d’être constamment reprise. ».
     

     
     


    Ainsi, François Bayrou a renvoyé le Parlement à ses responsabilités et a mollement défendu les juges (il ne pouvait pas faire autrement), mais c'est quand même assez décevant notamment pour un leader politique qui a fait de la moralisation de vie politique l'un de ses plus marquants dadas.

    Gérald Darmanin est réintervenu également après une question de la députée RN Laure Lavalette : « Je pense également avoir été clair, tout comme M. le Premier Ministre, sur le respect du droit inaliénable de faire appel, pour toutes les citoyennes et pour tous les citoyens, pour madame la présidente Le Pen comme pour toutes les autres personnes mises en cause par le tribunal de Paris. Il ne m’appartient pas, au titre de l’article 64 de la Constitution, d’en dire plus. Nous souhaitons tous, et je m’adresse ici aux membres du groupe Rassemblement national, un climat politique apaisé et des élections qui permettent à chacun de voter pour le candidat de son choix. Madame Lavalette, permettez-moi cependant de remarquer, vous êtes vous-même élue du Var, que M. Falco, ancien maire de Toulon, a été, lui aussi, frappé d’une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire. Vous aviez déclaré à l’époque, dans la presse locale : "S’il ne m’appartient pas de commenter cette décision de justice (…), j’appelle de mes vœux à l’apaisement et au respect de chacun". Je ne saurais dire mieux. ».

    Dans sa question, l'ancien président de LR et désormais complètement lepénisé, Éric Ciotti, a fait dans l'amalgame populiste (repris souvent dans les réseaux sociaux) : « Le candidat de l’opposition, François Fillon, largement favori dans l’élection présidentielle de 2017 : éliminé. La chaîne de télévision la plus populaire de la TNT : rayée de la carte. Aujourd’hui, enfin, la candidate donnée gagnante par tous les sondages pour l’élection présidentielle de 2027 est empêchée de se présenter par certaines personnes. Je veux dire tout mon soutien, dans ces conditions, à Marine Le Pen. Ce qui se passe est d’une gravité extrême. Alors que le pouvoir exécutif n’exécute plus rien, alors que le pouvoir législatif ne légifère sur rien, nous observons la prise de pouvoir de l’autorité judiciaire. Le gouvernement des juges s’installe contre le peuple souverain. D’éminents juristes, pourtant opposés à Marine Le Pen, ont fait entendre leur inquiétude : l’exécution provisoire instaure une peine de mort politique. Notre groupe défendra donc, dans le cadre de sa niche parlementaire de juin, une proposition de loi tendant à supprimer l’exécution provisoire pour les peines d’inéligibilité. ». Sur le "gouvernement des juges", je renvoie à l'explication du professeur Jean-Philippe Derosier, plus haut.

    La réponse de François Bayrou n'a pas changé : « Je ne veux pas laisser dire ici que notre démocratie serait mise à mal par l’autorité judiciaire. Ce n’est pas vrai. (…) Dès lors que nous prenons acte de la répartition des rôles qui assure l’équilibre de la démocratie et de la République, la marche à suivre est très simple : vous annoncez que vous allez déposer une proposition de loi, celle-ci sera examinée par les deux chambres et c’est donc le Parlement qui décidera si, oui ou non, il convient de toucher à l’écriture de la loi à partir de laquelle les magistrats jugent. ». Je reviendrai dans un autre article sur le fait de faire une nouvelle loi sur le sujet.

    La députée PS Sandine Runel, quant à elle, a rappelé un article du code pénal : « "Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende". Cet article du code pénal semble avoir échappé à certains, mais après tout, ils ne sont plus à ça près. Car, depuis hier, nombre de réactions se sont fait entendre, en premier lieu celles de l’extrême droite mondiale qui dénonce une décision de justice qualifiée de politique. MM. Poutine, Musk et Orban sont d’ailleurs les premiers à crier au scandale démocratique. S’en est suivi un déferlement de réactions dangereuses et populistes de la part de tout l’état-major du Rassemblement national. (…) Alors redisons-le avec force : en France, il n’y a pas de dictature judiciaire. Il n’y a pas de justice politique ni de tyrannie des juges. Car dans un État de droit, la loi s’applique sans privilège. Aucun sondage, aucune intention ne saurait vous donner un totem d’impunité. ».

     

     
     


    La question du député RN Sébastien Chenu n'a pas manqué, comme ses autres collègues du groupe RN, d'être polémique, tandis que d'autre députés lui ont crié "Rendez plutôt l'argent !" : « En laissant s’abîmer notre État de droit, la France, seul pays où il faut avoir perdu les élections pour gouverner, s’abîme sur la scène internationale. Craignant le jugement du peuple, certains se rassurent en s’appuyant sur celui de magistrats politisés. (…) Vous qui parlez à Tebboune et à Al-Charaa, vous acceptez qu’on piétine ici notre État de droit. Vous qui aimez tant donner des leçons de morale au monde entier, comment défendrez-vous demain Navalny ou Imamoglu, l’opposant d’Erdogan, quand vous acceptez ici que le peuple ne puisse ni choisir, ni voter pour la candidate du peuple, Marine Le Pen ? ».

    La réponse de Gérald Darmanin : « L’affaire est si importante que je ne cherche en rien à polémiquer. Il est question d’une décision de justice, rendue par trois magistrats indépendants, après un procès. Je ne vous permets pas de mettre en doute l’indépendance des magistrats ! Dans un État de droit, il est possible de faire appel. L’appel de madame la présidente Le Pen et des autres condamnés en première instance doit d’abord être audiencé. Après l’audiencement, le procès, qui sera équitable, et le verdict, prononcé par des magistrats indépendants, chacun devra accepter la décision de justice, c’est le principe dans un État de droit. Vous évoquez le respect de la démocratie. Comme vous l’a rappelé le Premier Ministre, les dispositions que vous dénoncez figurent dans une loi de 2016, la loi Sapin II, que je n’ai pas votée. Aujourd’hui, c’est la loi de la République. Comme l’a indiqué le Premier Ministre au président Ciotti, il appartient maintenant au Parlement de la modifier, s’il le souhaite. ».


    Et de préciser un point : « Je veux revenir sur un point également soulevé par M. Tanguy. Il n’existe pas une candidate du peuple et d’autres qui ne le seraient pas. Nous avons tous ici été élus par le peuple. Depuis le début de la Ve République, aucun candidat d’extrême droite n’a été choisi par le peuple à l’occasion de l’élection présidentielle, contrairement à M. Macron, qui l’a été deux fois, ne vous en déplaise ! Le peuple ne serait-il plus le peuple quand il vote mal ? Il devrait vous être possible d’avancer de bons arguments juridiques et politiques tout en respectant le vote du peuple, même quand il ne vote pas pour vous ! ».

    Dans la soirée du 1er avril 2025, Marine Le Pen a confirmé dans une interview au quotidien "Le Parisien" publiée le lendemain, qu'elle explorerait toutes les voies de recours possible : « Nous allons saisir le Conseil Constitutionnel par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), dont le but est de se prononcer sur l'incompatibilité qu'il y a entre une décision d'inéligibilité avec exécution provisoire, et la liberté des électeurs qui est inscrite dans la Constitution. Par ailleurs, je souhaite saisir aussi en référé la Cour européenne des droits de l'homme. ». La QPC devrait être recevable si l'on lit bien entre les lignes la décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025 du Conseil Constitutionnel. Quant à la CEDH, il fut un temps où Marine Le Pen la conspuait !

    Malgré toute cette agitation politicienne, il n'en demeure pas moins que la condamnation de Marine Le Pen en première réelle est bien réelle. Elle est d'une gravité exceptionnelle, de quatre ans de prison dont deux ans ferme, portant sur des détournements de fonds publics dans un système de financement qui n'a rien de fortuit et qui a duré douze ans. L'inéligibilité n'est que l'écume de cette lourde condamnation.


    Le principal sera la bataille de "l'opinion publique". Dans les premiers sondages, la tendance n'est pas favorable à Marine Le Pen. Une majorité des sondés considérerait normale la condamnation de Marine Le Pen et serait d'accord avec le principe d'une exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité.

    En effet, dans le sondage Elabe pour BFMTV publié le 31 mars 2025 (avec un échantillon représentatif de 1 008 personnes interrogées par Internet après l'annonce de la condamnation de Marine Le Pen), pour 57,0% des sondés, cette décision de justice serait avant tout « une décision de justice normale ». De plus, 68% des sondés dans ce même sondage diraient que cette règle de l'exécution provisoire est juste.
     

     
     
     
     


    La candidature de Marine Le Pen a donc beaucoup de plomb dans l'aile pour l'élection présidentielle de 2027. Elle aura du mal à aller jusqu'au bout avec tous ces obstacles judiciaires mais aussi politiques. Sa combativité l'honore, mais on l'aimerait plus au service de l'intérêt du peuple français.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu
     


    Pour aller plus loin :
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...













    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250401-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/affaire-le-pen-ne-confondons-pas-260249

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/01/article-sr-20250401-marine-le-pen.html


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  • Marine Le Pen : voler l'argent des Français !

    « Marine Le Pen est au cœur de ce système. (…) Les embauches sont décidées par Marine Le Pen sans que les députés soient consultés. » (La présidente du tribunal correctionnel de Paris, le 31 mars 2025).




     

     
     


    Coup de semonce ce lundi 31 mars 2025 dans la matinée : le tribunal correctionnel de Paris a rendu public son jugement dans l'affaire des assistants parlementaires du RN. La principale prévenue, Marine Le Pen, considérée comme étant au cœur de tout un système de détournement de fonds publics, a été condamnée en première instance à quatre ans de prison dont deux ans ferme, avec bracelet électronique a domicile, à 100 000 euros d'amende et, surtout, en peine complémentaire, à cinq ans d'inéligibilité assortis d'une exécution provisoire. Cela signifie que Marine Le Pen ne pourra pas se présenter à une élection présidentielle entre le 31 mars 2025 et le 31 mars 2030. De plus, son mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais est déchu (pas celui de députée).

    C'est bien sûr un événement politique important, de la même importance que la condamnation à de la prison ferme de Nicolas Sarkozy ou que la mise en examen, en plein campagne présidentielle, de François Fillon. Mais il ne faut pas oublier que la justice est indépendante et les juges (ils sont plusieurs à avoir pris cette décision) ont dû résister aux nombreuses pressions politiques de ces dernières semaines.

    Il ne faut pas se tromper, le RN et Marine Le Pen, loin d'être anti-système, ont voulu, pendant de nombreuses années, entre 2004 et 2016, profiter du système avec de l'argent public. Le RN a d'ailleurs été lui aussi condamné à une lourde amende de 2 millions d'euros dont un million avec sursis. Le préjudice serait de 4,1 millions d'euros, ce qui est une somme colossale dans les affaires politico-financières.


    Ce n'est pas la première fois que des élus de la République ont été condamnés à des peine d'inéligibilité avec exécution provisoire : Hubert Falco (maire de Toulon et ancien ministre), Gaston Flosse (ancien président de Polynésie française et ancien ministre), le couple Balkany (en particulier Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret), etc. En ce sens, le jugement particulièrement sévère à l'encontre de Marine Le Pen n'a rien d'exceptionnel et est au contraire une règle... voulue par les parlementaires eux-mêmes !

    C'est intéressant d'observer la réaction de la classe politique et du monde médiatique. Parmi les politiques, les proches du RN sont évidemment vent debout contre une décision qu'ils considèrent comme politique, celle d'un gouvernement des juges (ce qui est faux, voir plus loin l'explication du professeur Dominique Rousseau). Les insoumis aussi sont opposés à ce jugement. Le PS et les écologistes sont plus mesurés en se contentant de vouloir préserver l'indépendance de la justice mais ne peuvent s'empêcher d'être ravis. Quant à la majorité gouvernementale, elle est très mesurée, le Premier Ministre François Bayrou a laissé croire qu'il était « troublé » tout en refusant de commenter une décision de justice, et la veille, il expliquait au journal "Le Figaro" : « Si Marine Le Pen ne peut pas se présenter, il y a un risque de choc dans l'opinion. ». En outre, un candidat à la présidence de LR a protesté vigoureusement.


     

     
     


    Peut-être que c'est l'ancienne ministre et actuelle députée EPR Prisca Thevenot qui a eu la meilleure réaction, la plus rationnelle. Elle a posé la simple question : à partir de quel pourcentage dans les sondages une candidate peut-elle être au-dessus des lois ? La réponse est évidente : la loi s'applique à tous !

    Quant aux journalistes, ils sont manifestement gênés, tentent de ménager la chèvre et le chou, pour beaucoup, sont secrètement ravis mais ont peur des réactions peut-être explosives d'une partie de l'électorat et ont complètement oublié que l'État de droit, c'est d'abord de respecter les lois et les juges veillent justement à ce respect.

    Très instructives aussi ont été les réactions internationales de soutien. Là, c'est clair, les masques tombent ! L'internationale de l'extrême droite populiste est à l'œuvre et s'est trahie elle-même ce lundi ! Tous ceux qui ont apporté un soutien à Marine Le Pen veulent l'échec de la France. Cela dit beaucoup du patriotisme de pacotille des élus RN ! La première réaction est même venue du Kremlin, ce n'est pas un poisson d'avril, ce n'est pas une caricature, ce n'est même pas de l'humour, c'est la réalité glaçante par la voix du porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov : « De plus en plus de capitales européennes empruntent la voie de la violation des normes démocratiques. ». La France des Lumières n'a pas de leçon à recevoir d'un sbire de Vladimir Poutine !

    Dis-moi qui te soutient, je te dirai qui tu es ! Viktor Orban : « Je suis Marine ! ». Elon Musk : « Lorsque la gauche radicale ne peut pas gagner par le biais d'un vote démocratique, elle abuse du système judiciaire pour emprisonner ses opposants. C'est la règle du jeu qu'ils appliquent partout dans le monde. ». Matteo Salivini : « Ceux qui craignent le jugement des électeurs cherchent souvent à se rassurer par celui des tribunaux. À Paris, ils ont condamné Marine Le Pen et aimeraient l'écarter de la vie politique. Un mauvais film que l'on observe également dans d'autres pays comme la Roumanie. ». Geert Wilders : « Je suis choqué par le verdict incroyablement sévère rendu contre Marine Le Pen. Je la soutiens et je crois en elle à 100% et je pense qu'elle gagnera son appel et deviendra Présidente de la France. ». Le pire est sans doute l'ancien Président russe Dmitri Medvedev qui n'a pas hésité à confirmer les visions expansionnistes de son pays : « Après la décision de justice rendue, il me semble que, comme le 31 mars 1814, seuls les cosaques russes puissent ramener la liberté en France. Mais est-ce que Marine Le Pen les attendra ? ». Qu'est-ce que c'est que toutes ces ingérences de dirigeants politiques étrangers à l'égard de la France ? La patriotisme du RN se réduit à rien du tout !


     

     
     


    Avant de poursuivre, je ne peux pas m'empêcher de revoir Marine Le Pen dans la position si connue de Mains propres, tête haute ! Ainsi, le 9 février 2004 dans "Mots croisés" sur France 2, Marine Le Pen débattait avec Jean-François Copé, Arlette Laguiller et Malek Boutih. Elle a notamment déclaré, à propos de la condamnation d'Alain Juppé : « Tout le monde a piqué de l'argent dans la caisse sauf le front national. Et on trouve ça normal ? Oh mais non, c'est pas très grave, à la limite. Les Français en ont marre, mais les Français n'en ont pas marre d'entendre parler des affaires, ils en ont marre qu'il y ait des affaires, ils en ont marre de voir les élus, je suis navrée de vous le dire, qui détournent de l'argent, c'est ça qui est scandaleux. Parce que je vais vous dire, avec tout cet argent, ce qu'on aurait fait. Ah, en termes de restos du cœur, en termes d'opérations pièces jaunes, c'est combien d'opérations pièces jaunes, tout l'argent qui a été détourné par les élus ? (…) Monsieur Copé, on ne vole pas l'argent des Français ! Vous savez ce que ça veut dire ? Voler l'argent des Français, voler l'argent des Français ! Ça, c'est respecter la démocratie, c'est de ne pas voler l'argent des Français. Voilà, vous voyez ? ». Il faut bien comprendre que la condamnation de Marine Le Pen se base de faits qui ont commencé en ...2004 !

    Neuf ans plus tard, le 5 avril 2013 sur Public Sénat, Marine Le Pen répétait la tirade de celle qui lave plus blanc que blanc : « Moi, j'ai entendu le Président de la République dire : oui, ce qu'il faudrait, c'est rendre inéligible à vie ceux qui ont été condamnés. Jusque là, je suis parfaitement d'accord. C'était dans mon projet présidentiel. Pour corruption et fraude fiscale. Ah bon ? Et pourquoi pas le reste ? Mais alors, pourquoi pas pour favoritisme ? Pourquoi pas pour détournement du fonds public ? Pourquoi pas pour emplois fictifs ? ». Si elle avait su...

     

     
     


    La (encore) députée Marine Le Pen s'est invitée au journal de 20 heures de TF1 ce lundi 31 mars 2025. Elle a eu, à mon avis, la mauvaise idée de proclamer encore son innocence, un système de défense utilisé déjà pendant tout son procès qui a encouragé les juges à prononcer l'exécution provisoire pour éviter la récidive, puisqu'elle n'a pas compris que ce qu'elle avait fait était illégal.

    Se proclamer innocent même après une condamnation définitive, l'un des hommes politiques qui a passé le plus de temps en prison, Alain Carignon, en a fait une règle personnelle : ne jamais reconnaître sa culpabilité. C'est efficace politiquement car cela permet à ses fidèles de continuer à le soutenir. En revanche, c'est très contre-productif lors d'un procès car c'est insupportable pour les juges qui considèrent que décidément, ce justiciable est irrécupérable.

    Mais Marine Le Pen a dit des contre-vérités sur TF1, en particulier en disant que la loi Sapin II ne s'appliquait pas à sa situation. Bien sûr que si ! La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II (du nom du Ministre de l'Économie et des Finances Michel Sapin) a introduit dans le code pénal (article 131-26-2) ce principe : toute condamnation pénale pour délit d’atteinte à la probité (par exemple, détournement de fonds publics, abus de confiance, corruption, favoritisme, etc.) doit obligatoirement être assortie d’une peine complémentaire d’inéligibilité, sauf décision spécialement motivée du juge.

    L'exécution provisoire (inéligibilité immédiatement applicable, même en cas d'appel), provient en partie de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire défendue par le garde des sceaux de l'époque, Éric Dupond-Moretti.


    Les juges ont donc appliqué simplement les lois voulues par les parlementaires élus au suffrage universel direct et donc, dépositaire de la volonté du peuple. Elle est là, la majorité ; il est là, le peuple. Les juges étaient même blâmés pour leur laxisme, d'où le renforcement par la loi.

    Le constitutionnaliste Dominique Rousseau, professeur émérite de droit public à l'Université Panthéon-Sorbonne, l'a rappelé le 31 mars 2025 à Public Sénat : « J'entends effectivement, depuis ce matin, haro sur les juges. Alors, je vais essayer de remettre les choses sur leurs pieds. Jusqu'à la loi Sapin, la peine d'inéligibilité, et l'exécution provisoire, était facultative, et les juges ne la prononçait quasiment jamais, afin justement d'éviter qu'on leur dise : ils se mêlent du politique. Devant cela, c'est le législateur, les élus, qui ont décidé non plus qu'elle serait facultative, mais obligatoire. Obligatoire ne voulant pas dire automatique, puisque les juges ont la possibilité de dire pas de peine d'inéligibilité. Autrement dit, pas haro sur les juges, haro sur le législateur, si on veut. C'est le législateur, qui a demandé aux juges qui n'étaient pas sévères, d'appliquer de manière obligatoire la peine d'inéligibilité pour un certain nombre d'infraction violences sexistes et sexuelles, et détournement de fonds publics. Donc, stop ! Stop ! Il ne faut pas tout mélanger. On oublie depuis ce matin les causes. (…) Les élus du peuple ont utilisé l'argent du peuple pour autre chose que ce pour quoi ils ont été élus. Ils ont été élus pour défendre les intérêts de la France au Parlement Européen, et ils ont utilisé l'argent pour autre chose que défendre les intérêts de la France au Parlement Européen. Ce qui fait mal à la démocratie, ce qui exécute la démocratie, c'est des élus qui ne remplissent pas leur travail, qui ne font pas leur travail. La démocratie se perd quand les élus ne sont pas intègres. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est ce qui est écrit dans la Déclaration de 1789. ».

    Nous sommes en plein Orwell quand on entend Marine Le Pen dire qu'avec sa condamnation, il n'y a plus d'État de droit. C'est au contraire l'indépendance des juges qui garantit l'État de droit. Le suffrage universel ne permet pas tout et surtout pas d'être au-dessus des lois que les parlementaires ont eux-mêmes rédigées. Ce frein aux abus, c'est la justice, comme ce sont aussi l'université et la presse, pour le professeur Dominique Rousseau : « Les juges ont comme références pour prononcer leur jugement la loi ou la Constitution si c'est le Conseil Constitutionnel. (…) Sur cette affaire-là, c'est le politique qui a voulu que la sanction soit plus sévère parce qu'il constatait que le juge ne prononçait pas la peine d'inéligibilité. (…) Il n'y a pas de pouvoir des juges. (…) Quel est le rôle des juges ? Le rôle des juges, c'est d'empêcher un pouvoir d'abuser de sa situation majoritaire. C'est du Montesquieu, hein. Il y a la faculté de statuer, et la faculté d'empêcher. Les juges n'empêchent pas le pouvoir de gouverner, ils empêchent le gouvernement d'abuser de sa situation pour porter atteinte aux droits et libertés. Et je dirais qu'en l'espèce, d'une certaine manière, les juges protègent la démocratie. Un des piliers de la démocratie, c'est le suffrage universel, on est bien d'accord ? Bon, et pour que la démocratie fonctionne, il faut qu'il y ait une confiance entre les électeurs et les élus. Si on ne prévient pas la possibilité d'élire des gens qui ont commis des infractions, détournement de pouvoir, violence, sexisme, détournement etc., on sape la confiance dans les institutions. (…) Trois piliers (…) : la liberté de la presse, la liberté et l'indépendance des juges, et la liberté universitaire. Ce sont les trois qui sont attaqués par tous ceux qui veulent remettre en cause la démocratie. ».

    La combativité de Marine Le Pen qui a décidé de continuer sa campagne présidentielle malgré sa condamnation est une forme de déni étonnant. Car il y a peu de chance que le jugement en appel soit rendu avant l'élection présidentielle et encore moins de probabilité pour qu'il soit plus clément qu'en première instance alors que les juges n'ont émis aucun doute sur la réalité des faits. De plus, il n'y a pas d'empêchement politique de se présenter, le RN a bien d'autres candidats possibles pour être représenté sérieusement à l'élection présidentielle. D'ailleurs, Jordan Bardella et Marion Maréchal piaffent d'impatience. Sauront-il attendre un délai raisonnable pour préserver la décence vis-à-vis de Tata Le Pen ?



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (31 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
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    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
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    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...


     

     
     



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    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/31/article-sr-20250331-marine-le-pen.html


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