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  • Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !

    « [La Conférence des évêques de France] exprime sa proximité aux personnes victimes et redit sa détermination à agir pour que toute la vérité possible soit faite sur les actes commis par l’abbé Pierre. » (communiqué du 4 février 2025).



     

     
     


    Depuis le 17 juillet 2024, les Français sont orphelins de l'une des personnalités qu'ils ont le plus adorée depuis les cinquante dernières années, à savoir l'abbé Pierre, une véritable institution de la charité, spirituelle mais aussi économique et sociale, qui fait vivre encore aujourd'hui des milliers de personnes qui avaient besoin d'une seconde chance dans tous les établissements Emmaüs (et qui, du reste, aide aussi tous ceux qui ont été amenés à vider une maison familiale et qui ne savaient pas que faire de tous les meubles, objets, etc. accumulés depuis des décennies voire des générations et devenus invendables).

    Les révélations sur l'obsession sexuelle, car c'est bien de cela qu'il s'agit, de l'abbé Pierre arrivent progressivement au grand public par petites grappes d'informations, cela devient même une série à épisodes assez malsaine mais pourtant nécessaire. Rappelons qu'à l'origine, non pas du scandale (seul l'abbé Pierre en est à l'origine), mais de ces révélations, c'est l'enquête interne de la Fondation Abbé Pierre et d'Emmaüs International, saisis par des femmes victimes de l'abbé Pierre, qui ont diligenté une enquête indépendante (oui, même si les enquêteurs sont connus, elle est indépendante) et qui ont remis leur copie à ces organismes qui n'avaient pas beaucoup d'autre choix que de la rendre publique.

    Pour les Français, croyants ou pas croyants, cela fait mal car c'est une sorte de saint qui s'écroule dans la mémoire collective. À ce sujet, il faut rappeler que le nom de l'abbé Pierre avait longtemps circulé pour transférer ses cendres au Panthéon. Heureusement qu'on ait hésité ou attendu et il faut vraiment faire attention à ceux qu'on honore, sous peine de rendre ridicule le principe même d'honorer. Je ne sais pas s'il existe un protocole pour dépanthéoniser, mais tant qu'à faire, autant éviter à devoir l'envisager.

    Deux petites introductions encore avant la révélation des derniers faits.

    La première, courte, est d'insister sur le fait qu'il n'existe pas d'homme providentiel (j'inclus aussi les femmes), quel que soit le domaine dans lequel il exercerait. Pour la raison simple que tout homme est faillible et qu'il faut rester humble. C'est la complexité de l'âme humaine : on peut faire des grandes choses et être un salopard ! On le sait pour les artistes, écrivains géniaux, peintres géniaux, musiciens géniaux (inutile de citer des exemples, on les a en tête), mais c'est vrai que c'est plus difficile lorsqu'il s'agit de personnes religieuses qui, en principe, ont un devoir d'exemplarité plus fort, et l'Église de France a fait ce douloureux travail d'introspection avec le rapport Sauvé, pas encore terminé (l'affaire Bétharram le rappelle), mais indispensable pour repartir sur des bases saines et confiantes. L'homme et la bête. Ange et démon. C'est un classique de la littérature mondiale.

    L'autre introduction préalable, c'est d'évoquer certains commentaires qu'on a pu entendre depuis ce 17 juillet 2024 : en gros, ils disent qu'on n'en finit pas de bafouer l'Église catholique, que l'abbé Pierre est mort depuis dix-huit ans et qu'il faut le laisser en paix, et certains commentaires, tentés par le complotisme, iraient même jusqu'à dire que c'est une opération pour discréditer la religion, le christianisme, le catholicisme, et l'Église catholique, voire la tradition.


    Alors, d'une part, insistons : l'origine médiatique de toute cette affaire provient des institutions catholiques elles-mêmes ulcérées de découvrir qu'en leur sein, parmi les personnes les plus insoupçonnables, et ce sont les plus croyants, les plus pratiquants, ceux pour qui l'Église catholique représente le plus de choses qui sont demandeurs de cette vérité, qui existe. D'autre part, il ne s'agit pas de malmener la mémoire de l'abbé Pierre car, oui, il a fait de belles choses malgré tout, et cette œuvre caritative doit pouvoir se poursuivre, mais sans embellir l'homme. Ceux qui ne sont pas en paix, ce sont ses victimes, très nombreuses, et elles doivent pouvoir se reconstruire, parler, crier même si nécessaire, du moins pour celles qui sont encore vivantes.

    Ceux qui émettent ce genre de commentaires choqués qu'on ose remuer la mouise sont plutôt des identitaires, c'est-à-dire, des revendiqués catholiques pour la seule raison de s'opposer à l'islam, se prévaloir d'un ordre ancien, naturel, qui veulent agiter un étendard de valeurs dites chrétiennes mais qui ne le sont pas du tout (par exemple, lorsqu'on commence à regarder leurs positions sur l'immigration, etc.). Cette branche conservatrice de l'extrême droite a, d'habitude, plus de compassion pour les victimes lorsque les délinquants ou criminels portent des prénoms pas très catholiques.

    Revenons alors à l'abbé Pierre.
     

     
     


    Le premier rapport commandé par Emmaüs France, Emmaüs International et la Fondation Abbé Pierre, rédigé par la féministe Caroline de Haas, a été publié le 17 juillet 2024. Il évoque le cas de sept femmes dont une mineure victimes de l'abbé Pierre entre les années 1970 et 2005 : « comportements inadaptés d'ordre personnel », « proposition sexuelle », « propos répétés à connotation sexuelle », « tentatives de contacts physiques non sollicités », « contacts non sollicités sur les seins »... La Conférence des évêques de France a réagi immédiatement en tweetant « sa profonde compassion et sa honte que de tels faits puissent être commis par un prêtre » et « redit sa détermination à se mobiliser pour faire de l'Église une maison sûre ».

    Un nouveau rapport du même prestataire a été publié le 6 septembre 2024 renforçant l'image d'un prêtre libidineux, avec dix-sept témoignages dont douze directs : propos à caractère sexuel, baisers volés, agressions sexuelles sur personne vulnérable dont plusieurs mineures... entre les années 1950 et 2000. Autant le premier rapport pouvait laisser planer un doute, ce deuxième rapport confirme qu'il y a bien un "problème" avec l'abbé Pierre, d'autant plus que les accusations sont même internationales. Le 13 septembre 2024, la Fondation Abbé Pierre, Emmaüs France et Emmaüs International ont annoncé un changement de logo et de nom pour ne plus se référer à la personne de l'abbé Pierre qui, d'attractif, deviendrait répulsif (le 25 janvier 2025, la fondation s'appelle désormais Fondation pour le Logement des Défavorisés). Une commission d'enquête d'historiens indépendants a été mise en place pour faire la lumière sur tous les abus de l'abbé Pierre.


    Quelques jours plus tard, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, a confirmé que « quelques évêques au moins » étaient au courant « dès 1955-1957 » du caractère déviant de l'abbé Pierre « à l'égard des femmes » et a rendu accessibles toutes les archives sur le prêtre. Les 216 pièces confirment le comportement problématique sans préciser la nature exacte des actes mis en cause. En particulier, la lettre d'un prélat, peut-être le secrétaire général de l'épiscopat, datée du 13 novembre 1964, parlait déjà d'un « grand malade mental » qui a perdu « tout contrôle de soi, notamment après des livres à succès » et assurait que « de jeunes filles en ont été marquées pour la vie ».

    Mgr Jean-Marie Villot, évêque auxiliaire de Paris et secrétaire général de l'épiscopat, patron de l'abbé Pierre à l'époque, et futur cardinal et même, futur Secrétaire d'État (numéro deux au Vatican) de 1969 à 1979, a écrit une lettre sans ambiguïté le 10 janvier 1958 au cardinal Pierre Gerlier, archevêque de Lyon : « Il ne faut pas se dissimuler que tout cela pourra un jour ou l’autre être connu et que l’opinion serait bien surprise alors de voir que la hiérarchie catholique a maintenu sa confiance à l’abbé Pierre. Il y a longtemps déjà que le parti communiste a un dossier à son sujet. Toute la psychologie de l'abbé, attachante par l'humilité avec laquelle il parle de ses faiblesses, n'en est pas moins fort inquiétante et trouble par la facilité avec laquelle il les accepte et en minimise la gravité. ». Il ne faut pas oublier que l'abbé Pierre était déjà une personnalité médiatique de grande envergure dans les années 1950, résistant dès 1942, député MRP de Nancy à la Libération de 1945 à 1951, et connu pour son fameux appel à la radio de l'hiver 1954. En décembre 1957, pourtant, l'abbé Pierre avait été discrètement délocalisé et interné dans un hôpital psychiatrique en Suisse, sur consigne de l'évêque de Grenoble.

     

     
     


    Le 13 décembre 2024, le journal "Le Monde" a publié un article faisant état d'une longue lettre de dix-sept pages du jeune abbé Pierre âgé de 19 ans, adressée en 1932 à son maître des novices chez les capucins (conservée dans les archives de l'ordre), qui racontait une tentative d'automutilation de son pénis avec un couteau dès l'âge de 5 ans, ce qui montrait bien que le sexe l'a préoccupé depuis très longtemps, et la lettre racontait aussi des abus sexuels qu'il a subis quand il avait 7 ans par des élèves plus âgés, « sous la menace d'un pistolet ».

    L'abbé Pierre fut jugé inapte à la vie religieuse juste après son ordination sacerdotale, et il fut affecté non pas à Lyon (sa ville natale) mais à Grenoble pour une raison non connue. À La Côte-Saint-André, en 1942, il était l'aumônier de l'orphelinat et a été soupçonné de comportements ambigus avec les jeunes filles qui l'aidaient.

    Un troisième rapport comprenant neuf nouveaux témoignages et une nouvelle synthèse a été publié le 13 janvier 2025, particulièrement accablant pour l'abbé Pierre : il est accusé d'un viol sur un garçon de 9 ans, d'autres agressions sur deux enfants de 8 à 10 ans, une femme de la famille de l'abbé Pierre abusée de manière incestueuse à la fin des années 1990. En tout, les trois rapports font état de trente-trois accusations contre l'abbé Pierre. D'autres sources d'information font état du recensement de cinquante-sept victimes.

    Le parquet de Paris a définitivement exclu le 24 janvier 2025 toute poursuite concernant les violences sexuelles de l'abbé Pierre, en raison de son décès et de la prescription. Aucune enquête judiciaire ne sera donc ouverte, ce qui confirme la nécessité que la lumière se fasse par d'autres voies non judiciaires. Rendue publique le 4 février 2025, la lettre du parquet a précisé à l'Église catholique : « Le parquet de Paris a fait savoir que l’action publique était éteinte par le décès du mis en cause en 2007 en ce qui le concernait personnellement, et prescrite en ce qui aurait éventuellement pu concerner des non-dénonciations de faits. (…) Une enquête judiciaire a pour objectif de rechercher si des faits pénalement répréhensibles peuvent et doivent être jugés. S’il arrive que le parquet ouvre des enquêtes sur la dénonciation de faits manifestement prescrits au préjudice de mineurs, comme il y a par ailleurs incité une circulaire ministérielle, c’est afin de rechercher si d’autres mineurs auraient par la suite été victimes de faits similaires (…). Si ces faits plus récents s’avèrent non prescrits, le parquet peut alors engager des poursuites contre le mis en cause pour l’ensemble des faits. Ce n’est évidemment pas le cas lorsque celui-ci est décédé. ».
     

     
     


    Enfin, le nouveau rebondissement de cette triste histoire a eu lieu le 17 avril 2025 avec la publication du livre d'investigation des journalistes Marie-France Etchegoin, ancienne du "Nouvel Observateur", et Laetitia cherel, de la cellule d'investigation de Radio France, intitulé "L'abbé Pierre, la fabrique d'un saint" (chez Allary Éditions) : « Dès l’automne 1955, non seulement le haut clergé français connaissait la face noire et la dangerosité de l’abbé Pierre mais le Saint-Siège aussi. ». La mise en cause du Vatican n'est pas étonnante étant donné la structure centralisatrice de l'Église catholique. En 1955, l'ancien ambassadeur auprès du Vatican Jacques Maritain a qualifié l'abbé Pierre de « grand malade » peut-être atteint de « schizophrénie ». Le Vatican a adressé le 11 novembre 1955 une lettre à l'évêque de Versailles Mgr Alexandre Renard pour demander l'ouverture d'une « procédure judiciaire » à l'encontre de l'abbé Pierre. Mgr Renard a répondu : « Il semble que les relations “inhonestae” [déshonorantes] de l’abbé ont été moins graves qu’il n’a été dit. », pour refuser de salir « un symbole aux yeux des masses qu’il galvanise à la manière d’un prophète ».

    Au-delà de son comportement sexuel problématique, les deux journalistes d'investigation ont aussi mis le doigt sur d'autres faces très sombres de l'abbé Pierre. Il a prononcé des discours ouvertement pétainistes en 1941, avant d'être résistant, comme celui-ci : « Partout où aujourd'hui la France renaissante de notre grand maréchal agit, soyez présents, soyez au premier rang, soyez des plus grands lutteurs, dans la conscience et l'enthousiasme ! ». Le livre rappelle d'ailleurs le soutien tardif apporté publiquement au négationniste Roger Garaudy, ce qui avait provoqué (déjà) une vive polémique (l'abbé Pierre s'en était tiré en parlant simplement d'un soutien « à titre amical »). Les auteures dépeignent un homme « manipulateur », un « Rastignac » qui « intrigue pour grimper dans la carrière de député » et qui « manipule pour faire taire les gêneurs », en totale contradiction avec son image de modestie et de convivialité.

    Dès le 13 septembre 2024, le pape François lui-même a affirmé que le Vatican était au courant de ces violences sexuelles depuis, au moins, la mort de l'abbé Pierre, en 2007. En revanche, le Vatican n'a pas réagi au livre publié le 17 avril 2025 disant qu'il était informé dès 1955.

    Ce qui est notable, si j'ai bien compris, c'est que le Vatican, conscient du grave problème sexuel de l'abbé Pierre, a demandé aux évêques français d'initier une procédure judiciaire dès 1955. On ne pourrait donc pas reprocher au Vatican de ne rien avoir fait. En revanche, l'épiscopat français de l'époque est fautif d'avoir voulu sinon étouffer l'affaire au moins garder le silence afin de préserver la réputation de l'abbé Pierre et, par la même occasion, la réputation de l'institution religieuse.


    Alors, les accusations portées contre l'abbé Pierre n'ont pas pour but de porter des accusations contre l'Église catholique, même si c'en est la conséquence. Elles sont graves car les victimes sont là, nombreuses, traumatisées. Et par ricochet, l'Église catholique, celle de France, est touchée pour avoir fermé les yeux et laisser un prédateur durablement en capacité de faire de nouvelles victimes, jusqu'à l'âge de 93 ans selon un témoignage ! Lors de la remise du rapport Sauvé, il était question de faire toute la vérité sur les agressions sexuelles au sein de l'Église. Comme pour Notre-Dame de Bétharram, les victimes ont encore du mal à s'exprimer. Il est temps que tout soit révélé, seule la vérité peut sortir l'Église de cette affreuse impasse.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Abbé Pierre : le Vatican savait dès 1955 !
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    L'appel de l'abbé Pierre.
    Viens m’aider à aider !
    Le départ d'un Juste.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250417-abbe-pierre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/abbe-pierre-le-vatican-savait-des-260551

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/17/article-sr-20250417-abbe-pierre.html


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  • André Siegfried, père de la sociologie électorale et de la science politique française

    « Malgré son aspect paradoxal, cette observation simpliste, mais décisive s’impose : tout ce qui est sur le calcaire appartient à la gauche, tout ce qui est sur le granit, à la droite. » (André Siegfried, "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République", 1913, éd. Armand Colin).




     

     
     


    Ces quelques lignes ont fait date dans l'analyse politique des terres politiques des différentes partis politiques, et sa formulation lapidaire a valu à son auteur de se faire reprendre par un autre sociologue de la vie politique, Raymond Aron qui ironisait en 1955 : « On trouve l’hétérogénéité géographique quand on la cherche, on trouve les deux blocs quand on les organise. ». Mais il n'en demeure pas moins que le politologue André Siegfried, qui est né il y a juste 150 ans le 21 avril 1875 au Havre, donc en plein début de la Troisième République, reste encore aujourd'hui perçu comme le père de la géographie électorale et même de la science politique qu'il a enseignée mais aussi organisée, institutionnalisée après la dernière guerre.

    C'est pourquoi André Siegfried est une référence fondamentale pour la science politique en France, un fondateur d'une nouvelle discipline dans laquelle se sont engouffrés tous les politologues, éditorialistes politiques depuis la fin de la guerre. André Siegfried a connu et analysé la vie politique de deux républiques, la Troisième et la Quatrième Républiques, il n'a pas eu le temps d'appréhender vraiment la Cinquième République même s'il a eu de quoi sortir, à la fin de sa vie : "De la IVe à la Ve République au jour le jour" en 1958 chez Grasset (il avait déjà publié "De la IIIe à la IVe République" en 1956 chez Grasset). En effet, il est mort le 28 mars 1959 à Paris, peu avant ses 84 ans.

    Auteur prolifique d'études politiques et électorales, universitaire et académicien, André Siegfried a marqué l'histoire intellectuelle de la France du XXe siècle. Ses parents étaient très engagés dans la vie publique et intellectuelle. Son père entrepreneur Jules Siegfried (1837-1922), dont il a fait une biographie en 1946, était une personnalité politique importante de la Troisième République, maire du Havre de 1878 à 1886, député puis sénateur de la Seine-Inférieure, conseiller général, et ministre du commerce des gouvernements d'Alexandre Ribot (1892-1893). Quant à sa mère Julie Puaux-Siegfried (1848-1922), elle était une féministe et a présidé le Conseil national des femmes françaises pendant dix ans, de 1912 à 1922, une instance créée en 1901 que Louise Weiss avait intégrée et qui existe encore aujourd'hui.


    Issu d'un milieu protestant de bourgeoisie provinciale (il avait un oncle maternel pasteur et président de la Société de l'histoire du protestantisme français), d'une famille alsacienne qui a émigré en Normandie après la perte de l'Alsace-Moselle (à l'origine, l'entreprise familiale était située à Mulhouse), André Siegfried a étudié à Paris les lettres et le droit jusqu'à obtenir un doctorat en histoire (thèse sur la démocratie en Nouvelle-Zélande soutenue en 1904) et un doctorat en droit. Ses disciplines furent nombreuses et voisine : il fut économiste, historien, géographe, sociologue, politologue... et il fut bien sûr, écrivain, surtout essayiste.

    Intellectuel et homme de terrain, comme le précise l'Académie, il a fait dans sa jeunesse en 1900-1901 un "vaste tour du monde" qui lui a permis de visiter de nombreux pays du Globe : États-Unis, Mexique, Australie, Japon, Chine, Indes, etc., à l'instar de son père et de son oncle Jacques Siegfried qui ont fait également un tour du monde.

    Baigné dans la vie politique, André Siegfried était d'abord un déçu des élections. En effet, sur les traces paternelles, il a tenté à plusieurs reprises de se faire élire avec l'étiquette de l'Alliance démocratique (formation laïque de centre droit), mais sans succès : quatre candidatures à des élections législatives (en 1902, puis, après invalidation, en 1903, puis en 1906 et en 1910) et aussi à des élections cantonales (en 1909). À la mort de son père, en 1922, sa candidature était envisagée pour la succession, mais finalement, ce fut René Coty qui fut choisi.

    Dès lors, puisque le suffrage universel lui barrait la route, il renonça à une carrière politique et il s'attacha à comprendre les raisons de ses échecs, c'est-à-dire à comprendre le comportement de l'électorat en fonction du territoire, ce qui l'a conduit à publier en 1913 son fameux "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République" aux éditions Armand Colin. Ce livre l'a rendu rapidement célèbre dans les milieux de la recherche en sciences humaines, en jetant les bases d'une science politique moderne attachée à comprendre le comportement des électeurs.


    À partir de 1910, il enseigna à l'École libre des sciences politiques (futur IEP Paris à partir de 1945 après sa nationalisation), et cela jusqu'en 1955, et a suivi une carrière universitaire et académique prestigieuse : il fut élu en 1933 professeur au Collège de France à la chaire à la chaire de géographie économique et politique, qu'il conserva jusqu'en 1945 (il avait alors 70 ans). André Siegfried enseigna également à l'étranger (il faisait de nombreux voyages autour du monde qui lui permirent de publier des analyses sur de nombreux pays étrangers), en particulier il fut professeur associé à l'Université Harvard en 1955. Figure dominante de Science Po Paris (dont il a refusé la direction), il fut en 1945 le premier président de la Fondation nationale des sciences politiques (on peut citer ses successeurs : 1959 Pierre Renouvin, 1971 François Goguel, 1981 René Rémond, 2007 Jean-Claude Casanova, 2016 Olivier Duhamel, jusqu'à sa démission en 2021).
     

     
     


    Lors de ses cours dans les années 1920, selon Gérard Noiriel, il émettait des analyses racistes assez à l'emporte-pièce, comme le présente aujourd'hui Wikipédia : « "Il y a des races qui s'assimilent vite, d'autres plus lentement, d'autres enfin, pas du tout", en France, "les Chinois demeurent toujours des étrangers", "la race noire reste inférieure", "le Juif est un résidu non fusible dans le creuset". ». Cette "géographie des races" a été fortement dénoncé en 1993 par l'historien Pierre Birnbaum, spécialiste de l'antisémitisme en France et aux États-Unis. Dans la revue "Sociétés et Représentations" n°20 d'octobre 2005, l'historienne Carole Reynaud-Paligot, professeure à l'IEP de Paris et spécialiste de l'histoire des intellectuels, en parlait ainsi, pour remettre le contexte : « Le fondateur de la sociologie électorale française n’a pas échappé aux critiques et certains aspects de sa pensée ont été jugés discutables : l’utilisation du concept de race, le recours aux mystères des personnalités ethniques, la présence de stéréotypes et de préjugés de son temps, etc. Il nous apparaît intéressant de poursuivre l’étude en analysant plus particulièrement dans quelle mesure Siegfried est un héritier de la pensée raciale fin de siècle. Cette pensée raciale, qui a largement imprégné la culture française des dernières décennies du XIXe siècle, a construit une représentation de la différence en termes raciaux et produit une vision inégalitaire du genre humain. La communauté savante, le monde colonial, la presse, les manuels scolaires ont largement diffusé cette vision raciale du monde qui s’organise autour de quelques idées force : chaque race possède des caractères physiques, intellectuels et moraux spécifiques qui se transmettent de génération en génération ; l’inégalité raciale s’inscrit dans le processus héréditaire et certaines races sont jugées plus aptes à bénéficier de la civilisation. (…) L’analyse des écrits d’André Siegfried, de ses articles, ouvrages et de ses cours, nous permet de cerner la postérité de cette pensée raciale dans le premier Vingtième Siècle. Dans quelle mesure les axiomes de la raciologie fin de siècle sont-ils restés partie intégrante de la culture du premier vingtième siècle ? De quelles manières les enjeux propres à l’entre-deux-guerres ont-ils modifié ces représentations de l’altérité ? (…) Raciste Siegfried ? Pas dans le sens de l’époque : il juge la thèse "nordique" qui prétend que "tout ce qui est bon dans la région méditerranéenne provient du Nord" ridicule… tout en lui concédant une part de vérité. Après la Seconde Guerre mondiale, Siegfried affirme que les Français "ne sont pas des racistes de doctrine" et ce n’est pas être raciste que d’admettre que les deux notions de civilisation occidentale et de race blanche se recouvrent. Il y a un racisme "parfaitement acceptable" qui est de reconnaître "qu’il y a des races, et que quand vous êtes en présence d’une race, vous êtes en présence d’une réalité". La ségrégation raciale, "dans l’égalité et la dignité", bien que n’étant plus possible dans les sociétés modernes, lui paraît le meilleur moyen de protéger la race blanche des races de couleur. Il lui est difficile d’admettre une égalité totale entre les races : en 1948, il juge que les États-Unis ont "montré quelque légèreté en instituant une ONU dans laquelle les votes relevant de la race blanche, de la civilisation occidentale (…) ne sont probablement pas la majorité". Du début du siècle jusqu’à ses derniers écrits, l’œuvre de Siegfried se fait ainsi encore largement l’écho des thématiques traditionnelles de la pensée raciale fin de siècle : psychologie des peuples, hérédité raciale, idée de hiérarchie et d’inégalité des races, scepticisme face à l’éducation des races de couleur, lenteur de l’évolution intellectuelle des races. À cette culture, issue de la raciologie de la fin du siècle précédent, s’ajoutent des thématiques plus spécifiques à l’entre-deux guerres. Le thème du déclin de la civilisation occidentale et de la race blanche face au "flot montant des races de couleur", qui apparaît au lendemain de la Grande Guerre et qui connaît un succès notable durant l’entre-deux-guerres, est omniprésent dans les écrits de Siegfried, et ce jusque dans les années Cinquante. De même, la question des politiques d’immigration et l’idée de sélection en fonction de la capacité d’assimilation des peuples prennent, dans l’entre-deux-guerres, une grande place aux États-Unis, comme en Europe. Siegfried, on l’a vu, n’y échappe pas. Cette question de l’assimilation demeure encore fortement liée à une vision raciale de l’altérité : l’hérédité raciale facilite ou entrave l’assimilation des races. Si Siegfried entend se rattacher à la tradition humaniste de la France, il rappelle qu’on ne peut oublier "que l’assimilation à ses lois et qu’on ne peut en brûler les étapes". ». On voit que le mythe du supposé "grand remplacement" n'est vraiment pas nouveau ni le thème politique de l'immigration utilisé à des fins électorales !

    À partir de 1934, André Siegfried a collaboré régulièrement au quotidien "Le Figaro" et, entre 1953 et 1956, à la revue d'art et d'histoire, mensuelle, "L'Échauguette", où il écrivait aux côtés de Paul Morand, André Maurois, Henri Mondor, sous la direction de Paul Claudel. Il fut l'auteur d'une œuvre composée de près de 90 ouvrages principalement des essais et des analyses diverses et variées.

    La consécration professionnelle et littéraire a eu lieu d'abord en 1932 avec son élection à l'Académie des sciences morales et politiques, au fauteuil numéro 4 (celui de Paul Deschanel) de la section II (Morale et Sociologie), puis le 12 octobre 1944 à l'Académie française (élu en même temps que deux autres nouveaux membres, dont le grand physicien Louis de Broglie), au fauteuil numéro 29, celui de Claude Bernard, Ernest Renan, et ses successeurs furent, à partir de 1960, Henry de Montherlant, Claude Lévi-Strauss et aujourd'hui (depuis 2011) Amin Maalouf.

    Il fut reçu sous la Coupole le 21 juin 1945 par le duc Auguste-Armand de La Force, un historien. Ce dernier en prit l'occasion pour citer quelques descriptions savoureuses d'acteurs politiques par le nouvel académicien : « De l’appartement de votre père, vous pouviez, le jour de l’an, apercevoir le défilé des landaus, qui, débouchant du cours la Reine, chacun avec son huissier à chaîne sur le siège, traversaient le rond-point pour se rendre de la Chambre à l’Élysée. J’ai croisé plus d’une fois ces voitures misérablement attelées, dont la mauvaise tenue indignait Anatole France. Votre père recevait les sommités de la Troisième République. Vous figuriez parmi les convives et les propos que vous entendiez vous surprenaient quelque peu. Vous nous dites, dans les pages où vous faites revivre votre père et qui sont les Mémoires charmants de votre jeunesse : "Quand il parlait d’intérêt général, de dévouement à la chose publique, mon père se faisait journellement traiter de naïf par ses invités". Comment ne pas vous croire, Monsieur, puisque vous êtes la conscience même et que, d’ailleurs, la vérité sort de la bouche des enfants ? En 1895, jeune homme de vingt ans, vous assistez, 226, boulevard Saint-Germain, dans le nouvel appartement de vos parents, à de grands dîners de parlementaires. Votre mère préside la table, seule femme au milieu de tant d’hommes. Députés et sénateurs étaient sensibles à sa bonne grâce. Son esprit animait et entraînait la conversation. Sa gaieté méridionale parvenait à dérider l’austère Brisson toujours sinistre et vêtu de noir. Quant à vous, Monsieur, vous écoutiez et vous observiez et, bien des années plus tard, vous avez crayonné, pour notre plus grand plaisir, "le petit père Goblet, râblé et rageur", avec ses favoris de neige "l’air d’un amiral sur sa dunette" ; Freycinet "menu et fluet", "immatériel et diaphane comme un saint", mais "l’œil clair et terriblement averti", "vraie souris blanche", prête à se tirer "des situations les plus inextricables" ; "Floquet, portant haut une grosse tête noble, le regard dirigé à quarante-cinq degrés vers le ciel comme un canon de soixante-quinze, toujours rasé de frais, très gentleman, très bien habillé, ressemblant à un Danton soigné". Puis ce fut un nouveau personnel gouvernemental. Vous n’avez pas manqué de l’ajouter à votre galerie de portraits. Voici Paul Deschanel "sentencieux" et d’une si impeccable tenue "que l’on disait : S’il forme un cabinet, ce sera un cabinet de toilette". Plus loin, "André Lebon avec sa barbe de fleuve", "semblant quelque Neptune échappé dans la politique" ; Poincaré "physiquement mesquin et comme étriqué, donnant une froide impression de correction et de compétence" ; Ribot "parlant, avec un léger tremblement dans la voix, des nécessités de l’ordre, des fondements de la société qui étaient ébranlés". Delcassé, d’ordinaire, venait déjeuner seul et proclamait fougueusement : "Si je parviens au pouvoir, soyez sûr que je ne me reposerai pas : la politique se fait en cherchant, non en évitant les affaires". Et vous n’avez portraituré ni les Doumer ni les Doumergue ni les Klotz ni les Leygues ni les Charles Benoist ni les Briand, qui ont passé sous vos yeux à la table de vos parents. Quel regret pour nous, Monsieur ! Votre esprit curieux s’intéressait à leurs débats. Peu d’importantes séances de la Chambre que vous ayez manquées. Je doute, cependant, que telle Mlle Hélène Vacaresco, l’illustre déléguée à la Société des Nations qui porta si haut le drapeau de la Roumanie et soutint de sa belle éloquence l’amitié française, vous ayez subi vingt-sept mille discours. ».

     

     
     


    Pour comprendre un peu mieux André Siegfried, François Goguel lui a rendu hommage, à l'annonce de sa disparition, dans "La Revue Française de Science Politique" que l'immortel avait lancée en 1951 et dirigée jusqu'à sa mort : « Dans un texte daté du 3 mars 1946, André Siegfried écrivait : "Trois maîtres ont exercé sur ma formation une influence décisive : Izoulet, mon professeur de philosophie, m'a donné le goût des idées générales ; Seignobos m'a enseigné le réalisme psychologique politique ; Vidal de La Blache m'a fait comprendre, du moins je l'espère, l'esprit profond de la géographie". Il y a dans cette triple référence une indication profondément significative : dès l'origine, André Siegfried s'est voulu étranger aux cloisonnements traditionnels entre disciplines prétendument distinctes : il se sentait la fois philosophe, historien et géographe. Fort important est également le fait que son éducation ait été très loin d'être purement livresque ou théorique. C'est à son père (…) qu'il dut certainement le goût du concret, la soif de l'observation qui caractérisent sa méthode intellectuelle. ».

    Et François Goguel de citer à nouveau André Siegfried dans son "Tableau des partis en France" publié en 1930 (éd. Grasset) : « Pour recueillir les faits, comment procéder ? J'ai pratiqué toute ma vie une règle dont je ne saurais jamais me départir : aller voir sur place, c'est-à-dire voyager. Tout m'est apparu toujours comme un voyage. Je crois effectivement que le voyage n'est autre chose un état esprit à base de curiosité. J'ai impression d'être en voyage à un kilomètre de chez moi aussi bien qu'à dix mille, dans le XIIIe arrondissement aussi bien qu'à New York, à Samoa ou au Pérou. Je n'aime en somme parler que de ce que j'ai vu. L'atmosphère se respire et cela est irremplaçable. Une escale de deux heures dans un port m'en apprend davantage que de longues lectures. C'est peut-être un peu mélancolique pour quelqu'un qui a écrit beaucoup de livres sur les pays étrangers... Faut-il partir dans un état ignorance ou bien ne s'embarquer après s'être fortement documenté sur les pays qu'on va visiter ?... Le système que je propose consiste à connaître les faits essentiels, ou peut-être même à faire une hypothèse. Mais attention : à condition d'être toujours prêt à l'abandonner comme un échafaudage qu'on abat après avoir construit la maison. Est-il permis d'avoir de la passion ? Elle est nécessaire à la compréhension car elle est la vie même. Ce n'est pourtant qu'une première étape, car l'intelligence ensuite doit débrayer, continuer seule, libérée de toute participation et de toute violence... Les faits sont si nombreux qu'il n'est pas question de les connaître tous. Les plus simples seront ceux sur lesquels on pourra le mieux raisonner. ».

    Du reste, Christophe Le Digol, maître de conférences en science politique à l'Université Paris-Nanterre, expliquait aussi le 9 février 2016 dans "Le Figaro" : « André Siegfried était convaincu que “même l'enfer a ses lois”. Et s'appuie sur l'hypothèse qu'il existe des lois générales qui dominent le désordre des faits particuliers et qu'elles se différencient des explications habituellement proposées par les hommes politiques ou les commentateurs les plus avertis. ».

    Dans son livre "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République" (1913), André Siegfried s'était en particulier intéressé à la Vendée : « L’attachement du peuple à son clergé demeure entier  ; l’effort de la noblesse pour conserver sa suprématie reste couronné de succès. Pour provoquer une transformation de ce milieu, il y faudrait une destruction complète de la grande propriété en même temps qu’une révolte générale contre le pouvoir électoral du prêtre. La Vendée reste donc en marge de la France politique moderne, dont, à la lettre, elle n’est pas contemporaine. Le régime moderne a pu y établir des fonctionnaires, y imposer des lois, y tracer des routes pour y introduire, comme en pays étranger, ses conceptions officielles de la société et du gouvernement. Mais les routes morales qui mènent de France en Vendée sont désertes comme les routes militaires de Napoléon ; plusieurs lois restent lettre morte dans un milieu qui les repousse ; et les fonctionnaires, isolés dans leurs postes ainsi qu’un corps d’occupation, y restent socialement des étrangers. Entre la France démocratique du Centre ou du Sud-Ouest et cette première marche de l’Ouest, il y a tout au plus contact, il n’y a pas pénétration. ».

    À l'occasion du centenaire de la naissance d'André Siegfried, l'historien Jacques Chastenet lui a rendu hommage le 26 mai 1975, sous la Coupole, en commençant par cette description physique : « La taille élevée, les épaules larges, point de ventre, les cheveux blond cendré, une courte moustache surmontant une bouche bien dessinée, l’œil clair, la physionomie habituellement souriante, parfois narquoise, le geste rare, la démarche souple : tel, presque jusqu’au terme de sa vie, apparaissait André Siegfried. ».

    Et il terminait sa biographie verbale ainsi : « Certains problèmes d’ordre métaphysique, problèmes dont il s’était jusqu’ici peu occupé, commencent à se poser à lui. Croyant sincère, très lié avec d’éminents pasteurs, il n’était guère pratiquant et la religion n’occupait dans son œuvre qu’une place secondaire. Pourtant, dès 1951, il collabora à une importante publication : "Les Forces religieuses et la Vie politique". En 1958, il donne un ouvrage : "Les Voies d’Israël, Essai d’interprétation de la Religion juive", qui témoigne de préoccupations nouvelles. Son dernier livre toutefois, qui ne paraîtra qu’après sa mort, reste dans sa ligne habituelle. Il est intitulé : "Itinéraire de contagions, Épidémies et Idéologies". En 1958, Siegfried va encore nager au voisinage du Cap d’Antibes. En 1959, un mal incurable s’installe soudain dans son organisme. Bientôt il se voit condamné à l’immobilité, son cerveau demeurant entièrement lucide. La tendresse de sa femme et celle de sa fille adoucissent son glissement vers la mort. Elle survient au bout de quatre mois. Il a quatre-vingt-quatre ans. Je ne suis pas certain que notre époque violente et tourmentée favorise l’éclosion d’un autre Siegfried, savant objectif, impartial, irradiant la clarté en même temps passionné par les formes, les sons et les couleurs. Il était le très haut représentant d’un monde menacé d’effondrement. Inspirons-nous cependant de sa lucide fermeté pour ne pas désespérer et disons-nous, après Claudel, que "le pire n’est pas toujours le plus sûr". ».

    Le 25 octobre 1945, André Siegfried a prononcé un discours à l'Académie française sur la continuité de la langue et de la civilisation françaises : « Je me suis souvent demandé ce dont, dans la contribution de la France à la civilisation, je suis le plus fier, et, dans ma réponse, je n’hésite pas : je placerais tout au centre la confiance magnifique du Français dans l’intelligence humaine. Nous croyons, spontanément et de toute notre force, qu’il y a une vérité humaine, la même pour tous les hommes, appartenant donc à tous les hommes, et que, cette vérité, l’intelligence peut la comprendre, la parole l’exprimer. À nos yeux, une pensée n’existe que si elle peut être exprimée ; jusque-là elle n’est que virtuelle. Pour lui donner la forme qui sera la condition nécessaire de son être, nous faisons confiance, confiance entière à notre langue. Ainsi le Français ne respecte intellectuellement que ce qui est clair, libéré du chaos. Là réside sans doute la différence profonde, essentielle, qui sépare la pensée française de la pensée allemande et même, plus généralement, de la pensée nordique ou anglo-saxonne. L’Allemand s’estime profond quand il eut obscur, il se plaît même à opposer cette obscurité à notre clarté. ».


    D'autres échantillons de la pensée d'André Siegfried sont notamment dans son livre "L'Âme des peuples" publié en 1950 (chez Hachette), où l'on comprend son positionnement politique et sociologique. Ainsi : « Ce Français, qui vote en doctrinaire intransigeant de la gauche, c'est souvent le même qui, dans la défense de ses intérêts, glisse à l'égoïsme le plus absolu, et le fait que cet égoïsme est familial n'en change pas au fond le caractère. Ce communiste propriétaire, et combien n'en connaissons-nous pas, est prêt à défendre âprement sa propriété : il trouverait scandaleux qu'on lui imposât le régime du kolkhoze ! Et tous ces gens qui votent, avec conviction, avec passion, pour les nationalisations, nous voyons bien qu'ils se méfient de l'État et que, quand il s'agit de choses qu'ils estiment sérieuses, c'est sur eux-mêmes qu'ils comptent en somme. ».

    La dépense publique sans fond, André Siegfried a bien compris le talon d'Achille de toute politique publique : « Ainsi donc le Français, quand il recourt à la puissance publique, se trouve-t-il tenté de la considérer, non comme une entreprise dont il est l'associé solidaire, mais comme une vache à lait dont il faut tirer pour lui le maximum. (...) Le rentier social croit encore que la caisse de l'État est sans fond, que l'industrie nationalisée peut sans inconvénient tourner indéfiniment à perte. Il lui faudra une difficile éducation pour comprendre qu'en l'espèce il n'est pas en somme, comme il le croit, un obligataire, mais l'actionnaire d'une grande société qui est la France elle-même. En attendant, avec des dons merveilleux, avec une dépense étonnante de talent, et du reste aussi de dévouement, ce qui nous frappe surtout en France, c'est l'inefficacité de la vie publique faisant contraste avec l'efficacité de l'individu. ».

    L'âme française : « Tout le bien et tout le mal, toute la grandeur et toute la faiblesse de la France viennent de sa conception de l'individu : conception splendide, éventuellement aussi pathologique. Il s'agit d'abord d'une revendication d'indépendance, essentiellement d'une revendication d'indépendance intellectuelle. Le Français prétend penser et juger par lui-même, il ne s'incline devant aucun mandarinat et par là il est profondément non conformiste, anti-totalitaire. S'il lui arrive de suivre fanatiquement, aveuglément une consigne, en sacrifiant délibérément tout esprit critique, c'est par dévouement fanatique à un principe, à un système, à une politique, mais ce n'est pas, comme chez l'Allemand, par tempérament d'obéissance. En Amérique on obtient tout de l'individu au nom de l'efficacité, c'est au nom d'un principe qu'on peut tout demander au Français. À cet égard, la pensée française, que ce soit sous l'angle de la critique ou sous l'angle du fanatisme idéologique, peut apparaître, à juste titre, non seulement comme un instrument de libération, mais comme un ferment dangereux, éventuellement révolutionnaire. ».


    L'individualisme : « Dans l'association, le Français a toujours le sentiment qu'il apporte plus qu'il ne reçoit, et c'est un mauvais associé, mais l'Allemand reçoit et a conscience de recevoir du groupe plus qu'il ne lui donne. ».

    On s'étonnera des préjugés, clichés et surtout, généralités qu'André Siegfried a pu commettre dans toute son œuvre. Comme l'expliquait Carole Reynaud-Paligot (plus haut), cette œuvre est imprégnée de stéréotypes de la fin du XIXe siècle, en particulier racistes (ne serait-ce que parce qu'il n'y a, biologiquement et génétiquement, pas de races humaines), et qu'en ce sens, elle est très datée. Il n'en demeure pas moins qu'il reste une référence à tous les politologues d'aujourd'hui et aussi, à tous les experts en sondage qui peuplent aujourd'hui les plateaux de télévision.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    André Siegfried.
    Boualem Sansal.
    Robert Badinter.
    De Gaulle.

    Natacha Polony.
    Alain Finkielkraut.
    Éric Zemmour.
    Clémentine Autain.
    Ségolène Royal.

    Pierre Dac.
    Julien Dray.
    Jean-Louis Debré.
    Jean-François Kahn.
    Axel Kahn.
    Philippe Val.
    Sophia Aram.
    Claude Allègre.
    Hubert Reeves.
    Alain Peyrefitte.
    Jean-Pierre Elkabbach.
    Patrick Cohen.
    Fake news manipulatoires.
    Bernard Pivot.
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Yves Montand.
    Jean Lacouture.
    Marc Ferro.
    Dominique Baudis.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Christine Angot.
    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
    Alain Duhamel.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250421-andre-siegfried.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/andre-siegfried-pere-de-la-259608

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/19/article-sr-20250421-andre-siegfried.html


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  • Soumy : grâce musicale versus vulgarité brutale

    « La version russe du cessez-le-feu se résume à un dimanche sanglant. Il faut aider l’armée ukrainienne. » (Donald Tusk, Premier Ministre polonais, le 13 avril 2025).




     

     
     


    Quel scandale ! On mesure, à quel point, en France et ailleurs, certaines officines ont été complètement dévoyées sur le sens des mots (ce n'est pas nouveau et il y a eu d'admirables auteurs pour décrire ce phénomène particulièrement éloquent).

    Les deux bombardements meurtriers qui ont été décidés par l'armée russe de Vladimir Poutine a touché la population civile ukrainienne dans la matinée du dimanche 13 avril 2025, en pleine cérémonie des Rameaux, fête chrétienne, à Soumy (Sumy).

    Ces deux missiles balistiques visaient la population civile et a atteint son objectif puisque 35 personnes ont été massacrées, dont deux enfants, et 117 personnes blessées. Selon la CNN, c'est l'attaque la plus meurtrière d'une zone civile depuis le début de l'année.


    La ville de Soumy est une ville d'environ 260 000 habitants située au nord-est de l'Ukraine, à 30 kilomètres de la frontière russe, à 140 kilomètres de Kharkiv et à 130 kilomètres de Koursk (du côté russe).

    Des images d'apocalypse ont marqué la population, comme ce bus rouge en plein centre-ville, frappé par un missile et complètement calciné (aucun passager n'a survécu), ou ces habitants qui circulaient nombreux dans les rues du centre-ville.
     

     
     


    À écouter ces poutinolâtres adorateurs du massacre des peuples, ce nouveau massacre serait la faute de Volodymyr Zelensky, le Président ukrainien. On marche véritablement sur la tête, dans des inversions accusatoires complètement absurdes, surtout depuis que Donald Trump a retrouvé la Maison-Blanche. Rappelons que d'un côté, il y a un peuple, ukrainien, qui n'aspire qu'à la paix, qui n'a jamais eu de velléités agressives vis-à-vis de son voisin russe, dont on dit que les habitants sont leurs frères, et de l'autre, un autocrate (je ne confond bien sûr pas le peuple russe des oligarques russes), assoiffé de sang, et affamé de nouvelles conquêtes territoriales pour faire sa Grande Russie et surtout, maintenir le pouvoir de sa clique de voyous.
     

     
     


    L'explication foireuse de Moscou, officiellement, c'était qu'une réunion de militaires aurait été visée, mais ces deux missiles balistiques, peut-être équipés de sous-munitions (destinées à faire le plus de morts possible) comme c'était le cas dans d'autres bombardements, visaient pourtant bien des civils et à ce jour, aucune des victimes ne semblait porter l'uniforme militaire. Et si c'était vrai, l'armée russe aurait pu avoir la décence de présenter ses excuses pour tant de civils massacrés. Bien sûr, les deux gamins qui sont morts étaient des militaires dangereux pour l'armée russe...
     

     
     


    Trois jours de deuil ont été décrétés en Ukraine pour rendre hommage aux victimes. Elles méritent toutes notre compassion pour cette guerre folle issue d'une folie guerrière propre au siècle dernier (on connaît tellement bien la leçon). Plus les États-Unis se montrent mous voire lèche-derrière (je réemploie le vocabulaire de leur Président) vis-à-vis de Vladimir Poutine, plus l'autocrate du Kremlin se montre cruel et gourmand au dépens des Ukrainiens.

    Le procureur général de Soumy a annoncé que parmi les victimes se trouvaient un garçon de 11 ans et un jeune homme de 17 ans qui ne demandaient qu'à vivre. Maryna Choudessa aussi est morte, avec sa mère : elle était institutrice et ses petits écoliers sont aujourd'hui traumatisés par sa disparition. Lioudmyla a, de son côté, déploré la mort de sa mère, Tetiana Kvacha, qui avait décidé de prendre le bus qui a été touché, ce qu'elle faisait pourtant rarement. Mauvais destin. Voulu par Vladimir Poutine et ses sbires (y compris ceux de la désinformation).
     

     
     


    Parmi les victimes, il y avait aussi la musicienne Olena Kohut, organiste soliste à l'Orchestre philharmonique de Soumy et membre de l'Orchestre du Théâtre national de Soumy, également universitaire, enseignant dans une école d'art. Elle était reconnue pour sa maîtrise musicale (piano et orgue) et son dévouement au développement des jeunes talents.

    En tant qu'organiste soliste, elle interprétait des mélodies qui captivaient le public et ses prestations avaient une immense portée culturelle. Olena Kohut a aussi interprété l'hymne ukrainien dans plusieurs églises à travers l'Europe pour promouvoir la culture ukrainienne.


    Ses collègues du Théâtre national de Soumy ont exprimé sur Facebook leur grande affliction : « Le 13 avril 2025, à la suite d’une frappe de missile russe, notre famille du théâtre a subi une douleur indescriptible. Les blessures infligées ont tué notre collègue, artiste du théâtre orchestral, Olena Kohut. Olena était une personne extrêmement brillante, une véritable professionnelle, une collègue sympathique et une amie fiable. Sa musique, son sourire, sa gentillesse resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Nous adressons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à ses amis. Nous partageons votre douleur et votre chagrin. Souvenirs joyeux et respect éternel. ».

    « Une perte irréparable pour notre collectif, pour toute la communauté musicale, pour tous ceux qui ont connu et apprécié Olena en tant qu’artiste et personne », pour ses amis de l'Orchestre philharmonique de Soumy.

    Les auteurs d'autres condoléances ont rappelé : « Camarades et élèves se souviennent d'Olena comme d'une personne qui transmettait non seulement ses connaissances, mais aussi son humanité, sa gentillesse et son optimisme. Elle savait libérer le potentiel de chaque élève et apportait un soutien sincère à ses élèves. ».
     

     
     


    Il ne faut pas l'oublier, il ne faut pas les oublier, toutes ces victimes ukrainiennes meurtries dans leur chair et leur territoire. Le criminel de guerre sera jugé. Il payera. Rien ne sera oublié. C'est le destin de tous les auteurs du terrorisme, fût-il terrorisme d'État. Et honte à tous ceux qui justifient ces morts !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Soumy : grâce musicale versus vulgarité brutale.
    Moonraker.
    Olena Kohut.
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    3 ans de guerre en Ukraine.
    Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !
    L'aide de la France à l'Ukraine le 6 juin 2024.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Débat parlementaire sur l'Ukraine : les masques tombent en France !
    Ukraine : Sophia Aram traite à la sulfateuse les néopacifistes à la notoriété déclinante !
    L'Europe face à Poutine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    Jean-Pierre Chevènement et ses relations avec la Russie.
    François Fillon et ses relations avec la Russie.
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
    2 ans de guerre en Ukraine : Poutine zéro en histoire !
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Lee Marvin, les Douze Salopards et la Russie.
    La France Unie soutient l'Ukraine !
    Condoléances cyniques.
    Mort d'Evgueni Prigojine.

    Sergueï Kirienko.
    Victoria Amelina.

    L'effondrement du pouvoir de Poutine.
    Putsch en Russie : faut-il sauver le soldat Poutine ?
    Poutine en état d'arrestation !
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    Kherson libéré, mais menace nucléaire ?

    Volodymyr Zelensky demande l'adhésion accélérée de l'Ukraine à l'OTAN.
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Les massacres de Boutcha.
    Le naufrage du croiseur russe Moskva.
    L’assassinat de Daria Douguina.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    L'avis de François Hollande.
    Les valeurs valent mieux que les bénéfices !
    Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine.
    Ukraine en guerre : coming out de la Grande Russie.
    Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
    Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250413-soumy.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/soumy-grace-musicale-versus-260468

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/14/article-sr-20250413-soumy.html


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  • Jean-Louis Debré : République, fidélité, humour et amour de la France

    « Mon engagement politique fut au service de la République. La République qui est dans le sang de mes ancêtres. (…) La République qui est notre ambition, notre idéal, notre bien commun, celle d’une aspiration profonde à la liberté. (…) Il faut l’aimer. » (Jean-Louis Debré cité par Yaël Braun-Pivet le 4 mars 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    L'ancien Président de l'Assemblée Nationale Jean-Louis Debré a été enterré ce lundi 10 mars 2025 dans la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides à Paris et a été inhumé au cimetière du Montparnasse. Il est mort le 4 mars 2025 à l'âge de 80 ans.

    Beaucoup de monde était présent aux funérailles présidées par Mgr Antoine de Romanet, l'évêque aux armées, mais la famille avait refusé les places réservées, ce qui a fait une absence de protocole, dans un joli désordre tout jean-louis-debrésien, si j'ose écrire ainsi. Parmi les présents, beaucoup de gaullistes et d'ancien UMP, mais aussi des centristes, des socialistes, etc. Notamment : le Premier Ministre François Bayrou, son prédécesseur Michel Barnier, l'ancien Président de la République François Hollande, Claude Chirac (la fille de l'ancien Président), François Baroin, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Jean-Pierre Raffarin, Michèle Alliot-Marie, Roselyne Bachelot, Alain Juppé, Jacques Toubon, Frédéric de Saint-Sernin, Henri Guaino, etc. En revanche, Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron étaient absents.

    Dans un article publié le 11 mars 2025 dans "Le Monde", la journaliste Solenn de Royer constatait, avec cet enterrement, que c'était « la fin d'un monde ». Il suffisait de voir tous ceux qui assistaient à cet office. Henri Guaino, qui donna le ton à la campagne de Jacques Chirac en 1995, celui de la « fracture sociale », a parlé d'un « monde qui disparaît », celui qui fait la politique à l'ancienne, sans réseaux sociaux, sans chaîne d'information continue, avec des partis, avec des programmes, avec des courriers aux militants, avec des déclarations à l'Assemblée.

    On a l'habitude de dire que la mort d'une personne, c'est une bibliothèque qui brûle. Avec Jean-Louis Debré, c'est carrément une institution qui disparaît.


    Comment ne pas associer en effet Jean-Louis Debré à la Constitution de la Cinquième République qui était, en quelque sorte, sa sœur puisque lui et elle ont eu le même père, Michel Debré (c'est ce qu'il s'amusait à dire). Mais ce n'est pas seulement le lien filial qui a fait que Jean-Louis Debré était lui-même toute une institution, c'était aussi son parcours, Ministre de l'Intérieur pendant deux ans, Président de l'Assemblée pendant cinq ans et Président du Conseil Constitutionnel pendant neuf ans. C'étaient aussi ses fidélités, De Gaulle et Jacques Chirac. C'était aussi sa personnalité, très indépendante, chaleureuse mais n'hésitant pas à dire ce qu'il pensait de ses contemporains (il a beaucoup critiqué Emmanuel Macron ; est-ce la raison pour laquelle le chef de l'État n'était pas présent à ses obsèques ?), et dotée d'un grand sens de l'humour.

     

     
     


    Lorsqu'il présidait le Conseil Constitutionnel, il a eu à "gérer" la présence, à ses côtés, de deux anciens Présidents de la République, Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing, et il aimait raconter, tout amusé, la mesquinerie que ces deux vieillards de la République avaient l'un pour l'autre, en imitant leur voix bien entendu !
     

     
     


    Un amusement confirmé par Alain Juppé dans une interview par "Le Monde" le 7 mars 2025 : « Et un homme plein de vie et d’humour. Ses imitations de Chirac et de Giscard, du temps où les anciens Présidents venaient au Conseil Constitutionnel, étaient hilarantes ! ».





    L'homme aimait la vie, aimait fumer des cigares, s'était réinventé à l'âge de 76 ans en devenant jeune comédien sur les planches d'un théâtre, et surtout, avait l'obsession de « ne pas devenir vieux » !

    Au cours de la cérémonie, Guillaume Debré, le fils aîné de Jean-Louis, qui avait 19 ans en 1995, se demandait pourquoi son père n'avait pas lâché Jacques Chirac, très bas dans les sondages, pour Édouard Balladur. Réponse de l'intéressé : « Ceux qui l’ont trahi sont tellement mal à l’aise. Moi, je sais qui je suis. Et quand je me regarde dans la glace, je me sens bien. ». C'était cela, l'indépendance d'esprit, une liberté, des convictions. Sa fidélité permanente à Jacques Chirac depuis 1973 ne l'a d'ailleurs pas empêché de soutenir Jacques Chaban-Delmas en 1974 alors que son mentor avait tout fait pour le faire battre. Fidélité et convictions, qui, parfois, peuvent s'opposer.

    Je propose ici quelques hommages qui ont été exprimés lors de l'annonce de la disparition de Jean-Louis Debré.


    Le Président de la République Emmanuel Macron, dans un communiqué publié le 4 mars 2025, a réagi ainsi : « Il incarnait pour les Français le sens de l'État, un humanisme intransigeant, la fidélité aussi au Président Jacques Chirac. (…) Jean-Louis Debré avait avec vaillance poursuivi l’héritage de son père, Premier Ministre, pour défendre une espérance française, dans la force de son droit, dans son exigence de générosité envers tous. (…) Longtemps, le jeune homme chercha sa voie, et son père dépêcha Pierre Mazeaud pour le conduire vers des études de droit. (…) Docteur en droit public trois ans plus tôt, il devint [en 1976] magistrat, chargé des affaires de terrorisme. Dans ses fonctions, il apporta à la justice son tempérament, mélange d’humanité et de fermeté, de mesure et d’intransigeance. ».

     

     
     


    Le chef de l'État a souligna l'importance de Jean-Louis Debré à la tête du Conseil Constitutionnel avec l'arrivée des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) : « Pendant neuf ans, Jean-Louis Debré présida une institution qui vécut des transformations profondes, avec l’arrivée de la question prioritaire de constitutionnalité, son plus grand accès à tous les justiciables, son rôle accru dans la vie de la Nation. Avec une liberté de ton, la profondeur de son expérience, l’exigence de sa sagesse, il fut le visage de cette institution imaginée un demi-siècle plus tôt par son père. ». Et il a conclu ainsi : « Les Français le suivaient ainsi tel qu’il était, avec son art du récit, sa gourmandise de mots, sa bonhomie. ».

    Au début de la séance publique du mardi 4 mars 2025 à 15 heures, la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a rendu hommage à Jean-Louis Debré et proposé une minute de silence : « La Ve République a perdu ce matin l’un de ses plus grands défenseurs et serviteurs. Issu d’une famille illustre, député, ministre, Président de l’Assemblée Nationale, Président du Conseil Constitutionnel : sa carrière fut en tout point exceptionnelle. C’est d’abord vers les prétoires qu’elle se tourna. Après une capacité puis une thèse en droit, Jean-Louis Debré devint, en 1971, assistant à la faculté de droit de Paris, puis magistrat et juge d’instruction. Chargé des affaires de grand banditisme, il tirera de ces années une source d’inspiration inépuisable pour les polars qu’il écrira ensuite. Mais revenons en arrière, en 1967. Alors que Jean-Louis Debré a 23 ans, une rencontre va changer sa vie : il fait alors la connaissance de Jacques Chirac, "mon Chirac", comme il l’appelait affectueusement. Ainsi naquit une amitié personnelle marquée par une fidélité politique indéfectible. Du ministère de l’agriculture, en 1973, au soir de la vie du président Chirac, lorsque Jean-Louis Debré lui remontait le moral dans les bars du 6e arrondissement, les deux hommes furent toujours liés, toujours alliés. C’est donc par Jacques Chirac que Jean-Louis Debré entre en politique. ».


     

     
     


    Son lieu privilégié était le Palais-Bourbon : « C’est cependant à l’Assemblée, ici même, depuis ce même perchoir, que Jean-Louis Debré aura connu, selon ses mots, "cinq ans de bonheur absolu". Président malicieux, Jean-Louis Debré était surtout un Président rigoureux, amoureux de cette institution dont il fut l’élève et l’architecte. Cette histoire d’amour commence tôt, lorsqu’enfant, il accompagnait son père au Palais-Bourbon. Il en profitait alors pour faire du patin à roulettes dans les couloirs, à la grande frayeur des huissiers. Président de l’Assemblée Nationale, il en connaissait tous les rouages, tous les passages, tous les secrets. Mais surtout, il connaissait l’essence de sa fonction de Président : être impartial pour, selon ses mots, "incarner l’Assemblée dans toutes ses composantes, et être le protecteur des droits de l’opposition". Estimé et respecté bien au-delà de son propre camp, il fut ainsi reconnu pour ce qu’il était : un homme droit, intègre, attaché au pluralisme républicain. Il était aussi et surtout un politique qui aimait les gens et qui s’intéressait à eux. Un homme simple, un homme bien, qui avait l’art du lien. Je peux en témoigner, puisqu’il fut toujours avec moi d’une grande bienveillance et d’un soutien indéfectible. Comme nombre d’entre vous, je le croisais souvent ici, à l’Assemblée, lorsqu’il arpentait les couloirs en guide passionné, se faisant auprès du jeune public autant conteur que passeur. Jean-Louis Debré, c’était donc un homme de cœur, mais c’était aussi un homme d’esprit et d’humour. À l’Assemblée même, il se permit quelques facéties. À la boutique, dont il eut l’idée, il avait même dessiné et conçu des peignoirs floqués du slogan "Mouillez-vous avec les politiques" ou des tabliers estampillés "Cuisine électorale". ».

    Au Conseil Constitutionnel : « Il fut le président de la QPC, question prioritaire de constitutionnalité, fit grandir cette réforme, ouvrit les portes du Conseil Constitutionnel aux avocats et aux justiciables. Sous sa Présidence, le Conseil devint pleinement, selon ses mots, "le bouclier qui préserve de toute atteinte à des droits et libertés". ».

    Et de conclure de cette façon : « Jean-Louis Debré était un amoureux de la République. Un amoureux d’une République qu’il voulait libre et laïque, qu’il voulait ardente, vibrante, vivante. Un amoureux de ces Mariannes auxquelles il était si attaché, c’est lui qui créa à l’Assemblée le salon des Mariannes et qui fit placer dans une niche du salon Delacroix le buste de Marianne à la place du trône de Louis-Philippe. En évoquant Marianne, la République, le Président Jean-Louis Debré paraphrasait souvent Ernest Renan : la République, disait-il, est "un rêve d’avenir partagé". Mais ces derniers temps, il ajoutait un avertissement inquiet : "Il faut faire en sorte que la République ne meure pas". ». Il avait d'ailleurs une grande collection de bustes de Marianne.
     

     
     


    Le Premier Ministre François Bayrou a répondu à Yaël Braun-Pivet par cet autre hommage dans l'hémicycle, le 4 mars 2025 : « Le premier mot qui me vient à l’esprit, au nom du gouvernement, est celui de reconnaissance, reconnaissance pour la personnalité qu’il était, pour le parcours exceptionnel qui fut le sien. S’il fallait trouver un adjectif pour qualifier le chemin de Jean-Louis Debré, ce serait sans aucun doute "républicain". Il était profondément attaché aux principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, qu’il a servis et honorés durant toute sa carrière, toute sa vie. Un autre mot qui le définit est celui de fidélité, cette fidélité dont il a fait preuve dans tous ses engagements, politiques comme personnels, notamment, vous l’avez rappelé, auprès de Jacques Chirac. Tout au long de sa vie, il a servi une certaine idée, une idée, si je puis dire, presque chevaleresque, de ce qu’étaient l’engagement et la responsabilité politiques, qu’il ne séparait pas de l’engagement personnel et affectif ; une certaine idée de la République, mais aussi de la vie : une vie dans laquelle on ne s’abaisse pas, surtout pas à trahir ceux qu’on aime et avec qui on se bat. Le troisième et dernier mot qui me vient à l’esprit est celui d’amour : l’amour de la France, qu’il ne dissociait jamais de l’amour de la République. Il voyait dans le long chemin des institutions qu’il a servies, non seulement depuis votre fauteuil, Madame la Présidente, mais aussi depuis la Présidence du Conseil Constitutionnel, un parallèle avec l’aventure nationale à laquelle il avait dédié toute sa vie. Enfin, vous l’avez souligné, c’était un homme qui, tout engagé qu’il fut, ne se départait jamais d’un certain humour, d’une pointe d’ironie dans les yeux. Moi qui ai siégé à ses côtés au conseil des ministres pendant des années, je garde le souvenir précis de l’esprit qu’il déployait au service de ses collègues et de ses contemporains, parfois en les égratignant quelque peu. Cette manière de voir le monde, où l’on pouvait être fidèle en tout sans être dupe de rien, était une marque de fabrique de sa personnalité. Cet homme nous manquera. Sa fidélité restera un modèle et son humour sera pour nous une leçon de vie. ».

    Le même jour, 4 mars 2025, au début de la séance publique de 16 heures 30, le Président du Sénat Gérard Larcher a également proposé une minute de silence pour Jean-Louis Debré : « Évoquer Jean-Louis Debré, c’est honorer la mémoire d’un grand serviteur de la Ve République. Son père, Michel Debré, Premier Ministre du Général De Gaulle, père de la Constitution, lui transmit les valeurs du gaullisme, auxquelles il restera attaché toute sa vie et qu’il défendra aux côtés de Jacques Chirac. (…) Le fils de celui qui fut le père de la Constitution veillera à ce qu’elle soit appliquée avec la plus grande rigueur. Présidant le Conseil Constitutionnel de 2007 à 2016, Jean-Louis Debré s’est attaché à ce que puisse être adoptée et que se déploie la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité. Il fut vigilant quant à la protection des droits et libertés. Il fut aussi un auteur : comment ne pas évoquer son "Dictionnaire amoureux de la République" ? Il fut un passionné de théâtre. ».





    François Bayrou y a aussi apporté son hommage au Sénat, un second, donc, qui a changé un petit peu de celui, quelques minutes auparavant, rendu à l'Assemblée : « Ceux qui le connaissaient bien, j’en suis, ayant siégé à ses côtés au gouvernement pendant deux années, savent quelle personnalité attachante était la sienne. Le premier mot qui vient à l’esprit, lorsqu’on pense à lui, est celui de républicain. Il avait des formules assez drôles. Ainsi, lui qui était le fils de Michel Debré disait régulièrement qu’il était le frère de la Constitution de la Ve République, puisque Michel Debré était le père de celle-ci. Évidemment, la proximité entre cette œuvre majeure et la personnalité de Michel Debré était profondément marquante. Le deuxième mot est celui de fidèle. Qui a rencontré Jean-Louis Debré dans sa vie partagée avec Jacques Chirac sait que, au-delà des positions politiques qu’ils avaient en commun, il y avait de la part du premier à l’égard du second une fidélité joviale, amicale, chaleureuse et, à bien des moments, drôle. En effet, le troisième mot auquel on pense pour évoquer la personnalité de Jean-Louis Debré, c’est celui d’humour, dont il était profondément pétri. Il portait sur le monde, et notamment sur le monde politique, un regard amusé, ironique, informé. Il n’était guère de secret qu’il ne connût, mais cela n’empêchait pas l’indulgence qu’il avait non seulement envers ses collègues engagés en politique, mais aussi à l’égard, au fond, de la nature humaine. Cette manière, chaleureuse, de regarder le monde, était aussi remarquable au travers des œuvres littéraires qu’il produisait. De son passé de juge d’instruction, il avait retenu bien des intrigues et bien des tics de personnalité, dont il faisait la matière de ses romans policiers. Il était un homme attachant et respecté. ».


    Enfin, je termine sur le témoignage d'un autre chiraquien historique, Alain Juppé, dans un entretien accordé à Frédéric Lemaître et Solenn de Royer publié le 7 mars 2025 dans "Le Monde". Jean-Louis Debré était secrétaire général adjoint du RPR lorsqu'Alain Juppé était secrétaire général : « C’est brutal [sa disparition]. (…) Jean-Louis Debré est un ami politique, un ami tout court. (…) Nous avons cheminé ensemble. C’était un homme de convictions, gaulliste, chiraquien, d’une fidélité absolue à Chirac. C’était aussi un Président de l’Assemblée Nationale infiniment respectueux des droits de l’opposition. ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jean-Louis Debré.
    L'un des derniers gardiens du Temple.
    Enfant de la République (la Cinquième).
    Haut perché.
    Bernard Debré.
    Michel Debré.





     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250310-jean-louis-debre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-louis-debre-republique-259807

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/12/article-sr-20250310-jean-louis-debre.html


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  • Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?

    « Voilà le paysage tourmenté dans lequel se dresse la montagne de difficultés que notre pays doit affronter, et à laquelle se heurtent les responsables politiques, majorité après majorité, alternance après alternance, gouvernement après gouvernement, sans jamais trouver de réponse. Notre conviction est que seule une prise de conscience de nos concitoyens, seule la confrontation les yeux ouverts avec la vérité de notre situation peut soutenir une action déterminée. Rien ne serait possible sans leur soutien. Et leur soutien ne viendra que de leur pleine information. (…) Nous devons prendre conscience de la gravité de la situation, en écartant comme nos pires ennemis la peur et la tentation du découragement. Ce temps du constat, loin d’être un frein à l’action, est donc dans mon esprit le temps de la mobilisation. » (François Bayrou, le 15 avril 2025 à Paris).





     

     
     


    Si François Bayrou n'existait pas, il faudrait l'inventer ! Cet exercice des finances publiques pour préparer le budget de 2026 est en effet typiquement bayrouïen (ou bayroulien ?). Lors de la conférence de presse de ce mardi 15 avril 2025 à 11 heures, François Bayrou a pu donner toute sa mesure : celui qui n'a cessé d'alerter les Français depuis vingt-cinq ans sur le trop fort endettement public est maintenant aux manettes dans la pire des situations.

    La pire des situations déjà en raison de ses fondements politiques instables. Le gouvernement Bayrou ne tient que par une sorte d'équilibre de la terreur d'une nouvelle censure : le RN n'a pas vraiment intérêt à retirer une tribune officielle à sa candidate déchue, et le PS, empêtré dans ses divisions d'avant-congrès, a d'autres choses à penser qu'une nouvelle campagne législative. Après tout, on a beau critiquer François Bayrou, il a fait le job, il a fait adopter les budgets publics pour 2025 (ce n'était pas gagné d'avance) et maintenant, il s'aventure vers le budget 2026. Il a compris que c'était le nerf principal de la guerre, le budget, l'exercice ô combien politique de son mandat précaire.


    Pour l'heure, il a dépassé en brièveté (euh, en longévité) le gouvernement de Michel Barnier, et est sur la voie de dépasser aussi celui de Bernard Cazeneuve. Il peut peut-être tabler pour dépasser celui de Gabriel Attal, mais il lui faudra alors vivre le double de maintenant, et puis, sur le papier, il peut durer jusqu'à l'élection présidentielle de 2027. Car, après tout, qui a vraiment envie de gouverner la France de 2025 ?

    Mais la situation économique est instable aussi à cause du contexte international qui ne donne plus aucune lisibilité sur l'avenir : « À ses confins orientaux, l’Europe se sent menacée dans son intégrité. Mais surtout comme si la guerre ne suffisait pas, un tsunami de déstabilisation est venu chambouler la planète. Ce tsunami est d’abord stratégique. Le monde ébahi a vécu en direct un renversement des alliances que nul ne pouvait imaginer. Comme dans une série télévisée, en direct du bureau ovale de la maison blanche, le Président des États-Unis a intimé l’ordre à son allié agressé, le Président ukrainien Volodymyr Zelensky d’avoir à se rendre sans délai aux exigences de son agresseur, c’est-à-dire de renoncer à la liberté et à la souveraineté de son pays, sous la menace de se voir privé de toute aide militaire. Abandon et intimidation, entre alliés ! Les États-Unis étaient jusqu’à ce jour le pays pivot de l’alliance des nations libres. Il était le pays qui accueille sur son sol le siège des Nations-Unies, la première économie du monde, membre essentiel du Conseil de Sécurité, garant du Droit entre les nations. Que cette nation et cette puissance, un des socles de l’ordre mondial, puisse en un instant passer du côté des agresseurs, pour le monde qu’on disait "libre", c’est un coup de théâtre, un coup de semonce, qui ruine notre vision fondamentale du monde. (…) Et comme si cela ne suffisait pas, ce tremblement de terre suivi de tant de dégâts géopolitiques et moraux, s’est doublé d’une réplique de terrible puissance, celle-là dans le domaine de l’économie, des échanges et du commerce. Le Président des États-Unis a déclenché un cyclone dont les conséquences ne cesseront pas de sitôt. En donnant le signal de départ d’une guerre commerciale planétaire, sans avertissement, du jour au lendemain, frappant d’inimaginables droits de douane les échanges entre les États-Unis et leurs concurrents chinois et très vite leurs plus proches alliés, les obligeant à des mesures de rétorsion en elles-mêmes dangereuses, avant des volte-face imprévisibles, des allers et des retours, ce cyclone, en quelques jours a jeté à bas le cadre même, les fondations et la charpente de notre vie économique mondiale. ».

    Et puis, il y a la situation financière de la France politique, faite de clientélisme électoral à court terme et de rallonge de la dépense publique depuis une cinquantaine d'années. 57% du PIB de dépenses publiques pour 50% du PIB de recettes publiques. Cherchez l'erreur ! L'objectif de François Bayrou est d'économiser 40 milliards d'euros, mais où peut-il les trouver ? Réponse avant le 14 juillet 2025. Joli feu d'artifice en perspective.

     

     
     


    Pour lui, deux raisons liées l'une à l'autre pour expliquer ces déficits chroniques : les Français ne produisent pas assez. Il faut produire plus pour augmenter la richesse nationale, permettre d'exporter plus. Le déficit commercial qui a grossi depuis un quart de siècle est la raison du fort endettement, tant que nous souhaitons préserver notre modèle social. D'où l'idée que les Français doivent travailler plus dans leur ensemble. Pour renforcer le ratio population active sur population totale qui tend à diminuer en raison de l'évolution démographique.

    Si nous avions un PIB équivalent à celui de l'Allemagne ou des États-Unis, nous n'aurions pas de problème de déficit : « Si notre production par habitant était dans la même gamme que celle de nos voisins européens, nous n'aurions plus de déficit budgétaire, et nos concitoyens qui gagnent quelque 2000 € par mois, approcheraient les 2500 €, et cela changerait notre vie et la leur. ».

    Il y a un déficit de la balance commerciale de 100 milliards d'euros dont 40 milliards d'euros pour l'importation d'hydrocarbures. Non seulement il faut réindustrialiser la France, mais aussi faire la transition écologique pour moins dépendre du pétrole et du gaz. Le Premier Ministre de constater : « Dans tous ces domaines, nous maîtrisons le haut de la pyramide, ce qui est le plus difficile, ce qui est inatteignable, mais nous sommes presque totalement absents de la base des produits industriels et agricoles que consomment les Français. (…) La politique de retour de la production et de réindustrialisation, si l'on veut s'y engager avec l'énergie nécessaire, doit devenir une obsession pour notre nation tout entière et un principe d'organisation de notre économie. ».

     
     


    La situation financière qu'il a décrite lucidement est loin d'être sympathique. Aimant des images parlantes à donner aux chiffres (en fait, aux nombres) qui ne lui disent pas grand-chose, le Premier Ministre a lâché le montant qui tue : avec plus de 3 300 milliards d'euros de dette publique, cela représente une dette de 50 000 euros pour chaque Français, y compris les bébés ! 200 000 euros pour une famille avec deux enfants, en gros, le pris d'un domicile, petite maison ou appartement selon le lieu.

    Ce qu'il trouve scandaleux, ce n'est pas le principe de l'endettement : comme les ménages, si on emprunte pour investir, on paie pour l'avenir et c'est acceptable. Mais là, l'État se surendette pour financer son seul fonctionnement, c'est-à-dire qu'on endette la France pour les deux ou trois générations à venir seulement pour aider à vivre ceux qui auront disparu depuis longtemps lorsque la facture viendra. Drôle d'héritage !
     

     
     


    D'où l'idée de François Bayrou que les jeunes d'aujourd'hui devraient protester contre la légèreté de leurs aînés : « Il est moralement insoutenable de faire supporter aux générations de travailleurs actuelles et futures nos dépenses de tous les jours. (…) Nous avons préféré la dette de facilité qui finance le train de vie quotidien, nos feuilles de maladie d'aujourd'hui, les déficits de fonctionnement et les dépenses courantes. ».

    Deux solutions faciles ont été souvent utilisées pour financer les dépenses publiques sans limite. 1° Augmenter les impôts, mais la France est déjà championne du monde du niveau de prélèvements obligatoires. Il ne faut plus les augmenter. 2° Ou emprunter encore de l'argent. Mais alors, la charge de la dette (les intérêts) devient insupportable et inacceptable. Actuellement, elle est de 62 milliards d'euros, soit le budget de l'éducation et, à un milliard près, celui de la défense : « À l'heure où le contexte géopolitique devrait nous obliger à investir dans notre défense et dans notre recherche, nous ne pouvons pas nous saigner aux quatre veines chaque année pour rembourser nos dettes passées plutôt que de préparer l'avenir. Une telle situation menace gravement notre indépendance. ». En 2029, la charge de la dette aura probablement franchi le seuil des 100 milliards d'euros ! (dépensés en pure pertes !).


    On ne peut pas fuir en avant par la dette : « À l'heure où le contexte géopolitique devrait nous obliger à investir dans notre défense et dans notre recherche, nous ne pouvons pas nous saigner aux quatre veines chaque année pour rembourser nos dettes passées plutôt que de préparer l'avenir. Une telle situation menace gravement notre indépendance. ».
     

     
     


    Poursuivre cette fuite en avant, c'est se jeter dans le piège, s'enfermer dans un cercle vicieux : « Tout abaissement de la notation de la dette de la France par les agences de notation, dont vous connaissez le nom, Standard & Poors, Moody's, Fitch, entraînerait une augmentation des taux d'intérêt et donc une augmentation plus forte encore de la charge de remboursement que cette dette impose au pays. C'est un cercle vicieux, un piège dangereux, potentiellement irréversible qu'il convient d'identifier et dont nous devons partager la pleine connaissance avec les Français. Ce risque est politiquement insoutenable. ».

    À partir de ce diagnostic, une seule réaction : « Si nous avons les yeux ouverts, nous devons constater qu'en fait nous n'avons pas le choix, nous devons agir. Nous devons agir avec résolution mais aussi dans le respect de ce que nous sommes, de notre modèle social et de notre République décentralisée. Nous devons agir pour garantir la survie de notre modèle social, ce modèle unique de solidarité qui se décline dans le domaine de l'éducation, de la santé ou de l'emploi. ».

     

     
     

    François Bayrou, qui voudrait créer le même électrochoc de productivisme en France que son homologue allemand Gerhard Schröder avait créé en Allemagne en 2004, a proposé quatre voies d'ascension pour franchir l'Himalaya du budget 2026.

    La première : « Notre indépendance en matière de sécurité et de défense. Nous ne pouvons pas être pris en défaut du point de vue de notre sécurité. Devant le gigantesque effort d'armement de la Russie, le gigantesque effort d'armement de la Chine, le pas de côté des États-Unis, certes dotés de la première armée au monde mais ne considérant plus que l'Europe soit pour l'avenir leur priorité de défense, l'Union Européenne a le devoir impérieux de construire une défense autonome ! ».

    La deuxième : « Le refus du surendettement : la trajectoire budgétaire définie pour 2025 et 2026 doit être maintenue, en gardant l'objectif d'un retour aux 3% de déficit en 2029. Contrairement à ce que l'on a beaucoup entendu dire, ce chiffre des 3% n'est pas un chiffre au doigt mouillé. 3% c'est le seuil en-deçà duquel la dette n'augmente plus. Baisser les déficits, nous-mêmes avons su le faire à partir de 2017. ».
     

     
     


    La troisième piste : « La refondation de l'action publique : nous ne pouvons pas accepter que la France soit le pays où l'on dépense le plus d'argent public, où l'on prélève le plus d'impôts, de taxes diverses et de cotisations, et que pourtant les Français s'accordent unanimement à constater que l'action publique ne marche pas. Pour beaucoup d'entre eux, la frontière entre action et inaction publique est devenue trouble. Le gouvernement a engagé une véritable remise à plat des missions et des budgets de nos administrations. ».

    Enfin, la quatrième voie : « La vitalité économique de notre pays. La bonne santé de notre société passe par des choix politiques qui encouragent et aident l'activité économique, pour que la France soit une terre attractive d'investissement, d'emploi, tournée vers l'innovation et la production. Depuis 2017, notre pays a réussi à retrouver un élan : alors que nous avions perdu 900 000 emplois industriels en 20 ans, 130 000 emplois ont été créés. Notre industrie a su se renouveler et s'emparer de sujets d'avenir, en prenant en compte les défis écologiques. Cela passe par l'innovation : nous avons vérifié la semaine dernière que dans le cadre du programme d'investissement France 2030, 15 milliards allaient pouvoir financer des projets innovants. Cela passe par la simplification : ni l'administration ni la bureaucratie ni les normes ne devraient constituer des obstacles à l'activité économique. Ce travail de levée d'obstacles nous allons le conduire avec les intéressés eux-mêmes, entreprises, artisans, familles elles-mêmes. Cela passe par la formation aux métiers d'avenir et l'acquisition et le renforcement des compétences. ».

    Alors, du sang et des larmes ? Non ! Mais une prise en compte de la réalité d'aujourd'hui, c'est-à-dire, une réorganisation de notre société productive et son adaptation aux contraintes des temps. Il ne s'agit pas de payer plus d'impôt, mais simplement de travailler plus pour produire plus de richesses.


    De toute façon, la situation ne donne pas beaucoup le choix : « Nous avons une conscience aiguë de la difficulté de la situation. Mais il serait lâche et irresponsable de fermer les yeux, de pousser la poussière sous le tapis, de faire semblant. Ce n'est pas notre choix. J'ajoute une chose : aucun gouvernement, ni le nôtre, ni ceux qui viendront après nous, ne pourra éluder cette question ! C'est de la survie de notre pays qu'il s'agit, de son indépendance, de sa liberté, de son équilibre et de sa paix civile. ».

    La conclusion du chef du gouvernement est enthousiaste : « Il y a des continents d'énergie qui ne demandent qu'à s'exprimer. Il suffit que nous nous libérions des pesanteurs et des entraves qui nous emprisonnent. C'est ce mouvement de libération que nous avons entrepris ce matin. ».

    Sans doute François Bayrou est dans la faiblesse d'une absence de majorité mais c'est peut-être aussi sa force. Car aucun gouvernement qui bénéficiait d'une majorité confortable à l'Assemblée n'a jamais voulu s'occuper de ce problème majeur qu'est cet endettement excessif. La fragilité des positions parlementaires impose un certain consensus dans la classe politique. L'heure est aux responsabilités : plus que jamais, l'intérêt général doit primer sur l'intérêt des partis. Et des candidats.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Budget 2026 : François Bayrou promet-il du sang et des larmes ?
    Discours du Premier Ministre François Bayrou le 15 avril 2025 à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron sur le front du commerce international.
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    François Bayrou : la France avait raison !
    Le Pen : inéligibilité, exécution provisoire, récidive et ordre public.
    Marine Le Pen, est-elle si clean que cela ? (22 février 2017).
    Condamnation Le Pen : la justice vole-t-elle l'élection présidentielle de 2027 ?
    Le fond accablant de l'affaire Le Pen.
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    François Bayrou surmonte une 6e motion de censure en cinq semaines !
    Bétharram : François Bayrou contre-attaque !
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Mission accomplie : les budgets 2025 (PLF et PLFSS) définitivement adoptés (ouf !).
    4 motions de censure et pas d'enterrement !
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250415-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/budget-2026-francois-bayrou-promet-260501

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/15/article-sr-20250415-bayrou.html


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  • Pour qui roule Natacha Polony ?

    « Sur beaucoup de points, une gauche jaurésienne souscrira aux thèses qu’elle développe, sur le social, sur la critique de la mondialisation ou du libéralisme, sur la lutte contre un consumérisme sans âme. Dans l’arc néoconservateur, Natacha Polony se situe sur la gauche, plus près de Chevènement, qui aurait pu signer l’ouvrage, que de Dupont-Aignan ou Finkielkraut. Pourtant à la lecture, point un certain agacement, qui se manifeste souvent, quand on consulte ces innombrables essais à la française, tissés de raisonnements rapides et d'affirmations non démontrées, qu'on trouve autant à gauche qu'à droite. » (Laurent Joffrin, le 24 octobre 2017 dans "Libération").




     

     
     


    L'éditorialiste politique a confié bien plus tard qu'elle avait voté pour François Bayrou au premier tour de l'élection présidentielle de 2007, et blanc au second tour. Natacha Polony fête son 50e anniversaire ce mardi 15 avril 2025. Autant dire qu'elle a maintenant "un peu de bouteille", car elle a déjà à peu près un quart de siècle d'expérience.

    J'apprécie beaucoup Natacha Polony alors que ses opinions sont souvent divergentes avec les miennes. Mais parfois, je me suis aperçu qu'elle concluait de la même manière, comme son vote Bayrou de 2007 (je doute qu'elle soit prête à récidiver avec le Premier Ministre d'aujourd'hui !). Je lui reconnais un élément rare : elle pense par elle-même, elle réfléchit sans prêt-à-penser tout fait, tout artificiel, et c'est donc rafraîchissant. Elle apporte du vent intellectuel neuf (certes, pas tout le temps).


    Son dada serait surtout le souverainisme, mais pourquoi ne pas rappeler que le Président Emmanuel Macron a prôné le souverainisme dès les premières minutes de sa Présidence en insistant sur le souverainisme européen ? La crise du covid-19, la guerre en Ukraine et, enfin, l'arrivée du gros éléphant Donald Trump dans un monde en porcelaine particulièrement fragile et complexe ont renforcé ce besoin de souveraineté : souveraineté alimentaire, souveraineté pharmaceutique, souveraineté militaire, souveraineté industrielle, souveraineté numérique, etc.

    Comme l'exprimait Laurent Joffrin (qui n'est toutefois pas, pour moi, vraiment une référence), Natacha Polony serait moins de droite que de gauche. Je ne sais pas. C'est vrai, elle a commencé en 2001 comme secrétaire nationale du parti de Jean-Pierre Chevènement qu'elle a activement soutenu lors de l'élection présidentielle de 2002 et elle s'est même présentée à Paris avec cette étiquette aux élections législatives de juin 2002 (sans succès, inutile de rappeler le score, elle a eu le mérite de s'engager). Du reste, Jean-Pierre Chevènement lui-même, séduit par la brillante intelligence présidentielle, a soutenu activement Emmanuel Macron à l'élection présidentielle de 2022.

    L'intéressée nie en bloc son appartenance au bloc conservateur et se revendique d'une gauche qui n'aurait pas oublié le socialisme (réel). Elle-même, au fond, est la preuve vivante que le découpage du paysage politique entre la droite et la gauche n'a plus aucun sens. Les deux derniers duels présidentiels, en 2017 et en 2022, l'ont d'ailleurs acté : le clivage n'est pas encore la gauche et la droite, mais entre un centrisme ouvert et un extrémisme fermé. Cela ne dit rien de plus sur là où se situe Natacha Polony selon ces nouveaux enjeux politiques.


    Citons encore Laurent Joffrin qui a commencé son commentaire sur un ouvrage de Natacha Polony avec une ironie particulièrement vache : « Bâillonnée, pourchassée, censurée, traquée par les sbires de la pensée unique, "criminalisée", écrit-elle, pour ses pensées non conformes, Natacha Polony a néanmoins réussi, contre tous les bien-pensants européistes, contre les dévots de la mondialisation heureuse acharnés à sa perte, à publier un livre. Cette héroïne autoproclamée de la liberté de pensée, elle a même fondé un "comité Orwell" contre la "police de la pensée", s'était retranchée à Europe 1, une radio clandestine qu'on sait dévouée à la critique virulente de notre société, et chez Ruquier, ce dissident obscur et marginal. Elle est maintenant réfugiée sur LCI, propriété de Martin Bouygues, une sorte de bolchevik fiévreux, et au "Figaro", ce samizdat bien connu qui combat avec panache l'oligarchie. » (24 octobre 2017).

    L'ancien directeur de "Libération" a raison sur l'idée qu'on ne peut pas être victime d'un isolement idéologique et bénéficier en même temps d'un grand écho médiatique, car depuis une quinzaine d'années, Natacha Polony est présente, très présente dans le paysage médiatique et intellectuel, tant dans la presse écrite qu'à la radio et à la télévision (et elle a aussi écrit une douzaine d'ouvrages politiques) : "Le Figaro", "Marianne", France 2, Canal Plus, Paris Première, C8, France 5, LCI, BFMTV, Europe 1 (pour une revue de presse quotidienne le matin), France Inter, Sud Radio, etc. (et même Polony TV). De quoi avoir de l'audience pour être écoutée !

    À ce jour, sa plus grande responsabilité est sans doute d'avoir été nommée directrice de la rédaction de l'hebdomadaire "Marianne" créé entre autres par Jean-François Kahn, du 6 septembre 2018 au 1er mars 2025. Toutefois, sa participation médiatique qui l'a fait connaître du grand-public a été son recrutement comme l'une des deux chroniqueurs polémistes de l'émission de Laurent Ruquier "On n'est pas couché" diffusée sur France 2 tous les samedis soirs, de septembre 2011 à juin 2014, exercice qu'elle a pratiqué avec Audrey Pulvar (désormais adjointe PS de la ville de Paris), puis Aymeric Caron (désormais député FI de Paris). Dans cet art de la critique, elle a succédé à Éric Zemmour, qui a vu, lui aussi, sa notoriété grimper (d'autant plus qu'il a fait dans la provocation), et elle a laissé sa place à Léa Salamé (qui anime désormais l'émission du samedi soir sur France 2).
     

     
     


    Pour autant, je l'ai découverte avant sa participation chez Laurent Ruquier, dans une émission plus confidentielle, celle animée par Frédéric Taddeï, "Ce soir (ou jamais !)", diffusée sur France 3 (dont elle était l'invitée parmi les plus fréquents). Précisément l'émission diffusée le 25 novembre 2010 : à l'époque, Natacha Polony était une journaliste de 35 ans du service éducation du journal "Le Figaro" et elle enseignait également la culture générale à l'Université Léonard-de-Vinci des Hauts-de-Seine ("l'Université Pasqua"). Elle était une invitée parmi d'autres invités, notamment le chanteur Jacques Higelin, la femme politique Clémentine Autain (37 ans), pas encore députée, et la journaliste Christine Ockrent, à l'époque directrice générale déléguée de l'Audiovisuel extérieur de la France (RFI, France 24).

    J'ai eu assez vite le coup de cœur pour la (presque) la benjamine de l’émission et sans doute l’une des plus douées : dans mon esprit de 2010, je me disais que Natacha Polony, sans aucun doute, allait faire parler d’elle dans les prochaines années. Déjà plusieurs bouquins à son actif, un blog très approfondi sur l’éducation, et une audace qu’on pourrait croire uniquement sortie des jeunes pousses. Natacha Polony n’a pas hésité à aborder de front le problème de Christine Ockrent et de son époux de Kouchner. Elle a émis beaucoup d’idées subtiles, nuancées avec une clarté qui pourrait désarmer ses contradicteurs. Enfin, elle était charmante (c’est un élément agréable et néanmoins mineur quand on n’a pas un objectif autre qu’intellectuel).


    Au départ, j’avais du mal à la positionner : de droite ? de gauche ? "Le Figaro" la mettrait à droite… sauf qu’elle était chevènementiste dans sa jeunesse. Ce passé de militante s’entendait bien dans l’émission ; Natacha Polony n’avait pas peur de prendre la parole, comme on coupe un gâteau, avec le tranchant d’une lame verbale. Un ton vif qui allait de paire avec une intelligence au-dessus de la moyenne. Son pedigree est aussi joli que son minois (je l'écris en plaisantant, qu'on m'épargne des critiques de sexisme que je ne cultive pas !) : Louis Le Grand, Science Po Paris, DEA de littérature consacré aux poèmes, et agrégation de lettres modernes. Et depuis l'émission, elle a eu le temps de recevoir le Prix Edgar-Faure en 2014 (récompensant un auteur d'essai politique) et le Prix Richelieu en 2016 (récompensant un journaliste pour sa défense de la langue française).

    Certains peuvent s'en souvenir. Cette émission de Frédéric Taddeï était un talk-show un peut désordonné, où les invités parlaient en même temps et s'interrompaient, mais cultivait une vertu cardinale, la liberté d'expression. Consacrée à l'actualité, l'émission de ce soir-là, celle du 25 novembre 2010, proposait trois sujets d'actualité (de l'époque).


    Le premier sujet avait trait à une vidéo d’Éric Cantona qui a fait un "buzz" d’enfer sur Internet. Du coup, l’émission s’y colla. En gros, c’était un footballeur qui jouait les experts financiers. Ou révolutionnaires. Il proposait de faire mettre en difficulté toutes les banques en proposant à tous les citoyens de retirer leur argent des banques. Bon, l’idée était complètement absurde : c’était le genre suicidaire. Les banques aident aussi au développement (ou à la survie) de nombreuses petites entreprises et commerces qui font l’activité et l’emploi. C’est ce qu’a rappelé fort judicieusement Natacha Polony. Ensuite, il faudrait que ces dits citoyens aient encore de l’argent à retirer. Pas sûr par les temps qui couraient…

    Le deuxième sujet était plus "grave" puisqu’il parlait de "la journée de la jupe". Là, pareil, on parlait des femmes dans le mauvais sens. Encore une fois très judicieusement, Natacha Polony faisait remarquer qu’il fallait faire la distinction entre la violence conjugale, qui se pratique entre deux êtres individuels, et la forte pression qu’un groupe ou communauté pouvait faire sur les femmes en général. D’un côté, individu, de l’autre, société. Ce n'était pas dit explicitement, mais la journaliste pensait très fort au voile. Mais elle n’a pas été vraiment comprise car très vite, d’autres invités ont projeté leurs propres fantasmes en disant qu’il s’agirait de discrimination ("culturelle"), puisque le problème serait surtout en banlieue chaude, où les jeunes filles ne pourraient plus se promener en jupe sans se faire traiter de prostituées.

    Le troisième sujet était beaucoup plus cocasse : l’interdiction d’antenne d’Audrey Pulvar qui animait une émission politique sur I-Télé alors que son compagnon (de lit) s’était déclaré candidat à la candidature présidentielle. Il s’agissait d’Arnaud Montebourg (candidat à la primaire socialiste d'octobre 2011). Sur ce sujet, évidemment, Christine Ockrent, femme de l’ancien Ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner (et donc son patron de tutelle pour France 24), était en première ligne. Elle a montré un ton plutôt odieux, condescendant et très mal à l’aise à tel point qu’elle ponctuait avec de l’humour à pirouettes chaque phrase de Natacha Polony qui, décidément, était vraiment éclatante, en ce sens que, effectivement, Natacha Polony n'hésitait pas à mettre les pieds dans le plat. Deux thèses s’opposaient : celle de Christine Ockrent estimant que les femmes qui ont acquis elles-mêmes de fortes responsabilités (elle s’est sentie obligée de rappeler son CV) savaient faire la part encore le lit conjugal et la conscience professionnelle ; et l’autre, considérant que le fait même qu’il y ait suspicion, même sans acte d’influence, de collusion entre journalistes et personnalités politiques était suffisant pour faire arrêter l’émission d'Audrey Pulvar, qui n'était pas la seule journaliste dans ce cas depuis des décennies (Anne Sinclair, Catherine Nay
    , Béatrice Schönberg, Marie Drucker, etc.).

    C'est ainsi que j'ai découvert Natacha Polony il y a environ quinze ans : courageuse, indépendante, débatteuse, pensant par elle-même. Et par la suite, je n'ai pas été déçu, machine bien huilée, qui fonctionne bien, mais manquant peut-être de carburant. Le souverainisme comme seul moteur est un peu léger. Et surtout, pour aller où ? Car si elle ne se satisfait pas de cette société de consommation, si elle est même plutôt ouverte à la décroissance, et qu'elle se définirait aussi comme illibérale mais dans le sens économique du terme. Elle rejette le wokisme qu'elle considère comme "une dictature des minorités", elle rejette aussi les populismes, tant l'extrême droite que l'extrême gauche. C'est ce qui rend son positionnement sur l'échiquier politique un peu confus, ce qui, finalement, devrait être le cas de tous les journalistes, même les éditorialistes politiques, qui, a priori, ne sont pas des militants mais des informateurs et des analystes (ou analyseurs ?).

    On parlait de la reine Christine, je propose de la remplacer par la reine Natacha !

     

     
     


    Je vous soumets pour terminer quelques citations de ses ouvrages politiques.

    Indécence (et elle avait raison) : « C'est le mot qui revient à l'esprit spontanément : indécence. Devant des députés qui refusent d'allonger le congé des parents ayant perdu un enfant, au motif que "ça va pénaliser les entreprises". Devant un Carlos Ghosn qui réclame à Renault le paiement de sa retraite chapeau. Devant Ségolène Royal qui parle, à propos d'une jeune fille menacée de mort pour avoir répondu à des insultes homophobes par une diatribe contre l'islam, d'une "adolescente peut-être encore en crise d'adolescence" à qui il faudrait enseigner "le respect"… C'est même un des traits les plus frappants de notre époque : la disparition d'une forme de retenue qui s'imposait jusqu'à présent à toute personne publique. ».

    Voile : « L'égalité homme-femme fait partie des valeurs non négociables d'une société qui a développé, plus que toute autre en Europe, le travail des femmes, leur liberté à mener de front vie professionnelle et vie familiale. Tout cela, nous le disions, articulé autour d'un "commerce apaisé" entre les sexes, une capacité à réguler le désir par le langage. Le voile, qu'on le veuille ou non, est la négation symbolique de tout cela. Il est la transformation d'un verset du Coran prescrivant de masquer les atours (leur "gorge", selon une traduction qui fait à peu près consensus) des femmes pour les protéger des agressions et une volonté obsessionnelle de cacher tout ce qui pourrait susciter la concupiscence. La réalité est là : le voile signifie que les femmes doivent se cacher parce que les hommes seraient incapables de contenir leurs désirs, et qu'elles-mêmes, créatures faibles et impures, risqueraient d'y succomber. » (2015).


    Crise narcissique : « L'individualisme contemporain a voulu faire croire que l'épanouissement de chacun passait par la proclamation de son "identité" personnelle, par l'affichage en bandoulière de ses spécificités, de son Moi. Chacun est incité à mettre en avant la petite part de lui est qui "différente". Il n'est de gloire que dans l'altérité, il n'est de noblesse que dans la minorité. Pire, cette singularité aspire désormais à la reconnaissance. On réclame des aménagements dans les écoles publiques comme on réclame un menu sans gluten dans un restaurant. La crise que vit la France est avant tout une crise narcissique. » (2015).

    Individualisme apatride : « La démocratie est notamment menacée par l'alliance redoutable des marchés financiers et des nouvelles technologies, alliance sanctifiée par le caractère indépassable du bon plaisir individuel. En devenant virtuelles et planétaires, ces forces se sont détachées de tout territoire et sont désormais hors d'atteinte des volontés populaires. » (2016).

    Capitalisme : « Le capitalisme n'est plus un système de production par le capital, mais un système de production de capital, favorisé par le crédit, les dettes et la création monétaire de banques centrales. » (2016).

    Commerce international (où l'on voit qu'elle avait tort) : « On a vu, ces dernières semaines, le débat se focaliser sur les traités de libre-échange comme étant un des symboles de l’aberration européenne qui consiste à sacrifier ses forces productives dans dans l’espoir de pénétrer les marchés de pays qui n’ont et n’auront pas avant longtemps les mêmes règles sociales et environnementale que nous. Sacrifice des PME pour le bénéfice de quelques grands groupes, sacrifice des agriculteurs pour le bénéfice de l’industrie (allemande), de la banque et des assurances. Nos partenaires européens sont encore majoritairement convaincus des bienfaits du libre-échange et de la dérégulation. ». Donald Trump a fait la meilleure démonstration du contraire !

    Contre l'écriture inclusive : « Une écriture inclusive défendue par des historiennes et des militantes, les grammairiens et les linguistes sachant, eux, que ce n'est pas "le masculin qui l'emporte sur le féminin" en langue française mais le genre neutre qui se confond avec le masculin pour des raisons de phonétique historique. » (2018).

    Citoyen acheteur : « L'ensemble de notre organisation économique et sociale est fait pour produire un type humain spécifique, qui n'a plus rien à voir avec le citoyen doué de libre arbitre : le consommateur. » (2021).


    Écologie sélective : « On continue le libre-échange, les porte-conteneurs, la production de masse écoulée grâce à la publicité, mais on taxe vos diesels. Pour votre bien. » (2021).

    Bonhomme de neige : « Il a neigé toute la nuit. Voilà ma matinée.
    08h00 : je fais un bonhomme de neige.
    08h10 : une féministe passe et me demande pourquoi je n'ai pas fait une bonne femme de neige.
    08h15 : alors je fais aussi une bonne femme de neige.
    08h17 : la nounou des voisins râle parce qu'elle trouve la poitrine de la bonne femme de neige trop voluptueuse.
    08h20 : le couple d'homos du quartier grommelle que ça aurait pu être deux bonshommes de neige.
    08h25 : les végétariens du n°12 rouspètent à cause de la carotte qui sert de nez au bonhomme. Les légumes sont de la nourriture et ne doivent pas servir à ça.
    08h28 : on me traite de raciste, car le couple est blanc.
    08h31 : les musulmans de l'autre côté de la rue veulent que je mette un foulard à ma bonne femme de neige.
    08h40 : quelqu'un appelle la police, qui vient voir ce qui se passe.
    08h42 : on me dit qu'il faut que j'enlève le manche à balai que tient le bonhomme de neige car il pourrait être utilisé comme une arme mortelle. Les choses empirent quand je marmonne : "ouais, surtout si vous l'avez dans le c...".
    08h45 : l'équipe de tv locale s'amène. Ils me demandent si je connais la différence entre un bonhomme de neige et une bonne femme de neige. Je réponds : "oui, les boules" et on me traite de sexiste.
    08h52 : mon téléphone portable est saisi, contrôlé et je suis embarqué au commissariat.
    09h00 : je parais au journal tv ; on me suspecte d'être un terroriste profitant du mauvais temps pour troubler l'ordre public.
    09h10 : on me demande si j'ai des complices.
    09h29 : un groupe djihadiste inconnu revendique l'action.
    MORALE : il n y a pas de morale à cette histoire. C'est juste la France dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Ça, c'était la version humoristique. » (2018).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Natacha Polony.
    Alain Finkielkraut.
    Éric Zemmour.
    Clémentine Autain.
    Ségolène Royal.

    Pierre Dac.
    Julien Dray.
    Jean-Louis Debré.
    Jean-François Kahn.
    Axel Kahn.
    Philippe Val.
    Sophia Aram.
    Claude Allègre.
    Hubert Reeves.
    Alain Peyrefitte.
    Jean-Pierre Elkabbach.
    Patrick Cohen.
    Fake news manipulatoires.
    Bernard Pivot.
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Yves Montand.
    Jean Lacouture.
    Marc Ferro.
    Dominique Baudis.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Christine Angot.
    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
    Alain Duhamel.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250415-natacha-polony.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/pour-qui-roule-natacha-polony-259420

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/13/article-sr-20250415-natacha-polony.html


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  • Splendide Josiane Balasko !

    « J'ai grandi dans un bistrot. On se chambrait sans arrêt. Il est toutefois important d'avoir de l'autodérision. Je suis la première à me moquer de moi-même. » (Josiane Balasko, le 9 juillet 2023 à Neuchâtel).



     

     
     


    Issue d'un milieu populaire, fille d'un cafetier d'origine yougoslave, proche du parti communiste et engagée auprès des sans-papiers, l'actrice française Josiane Balasko fête ses 75 ans ce mardi 15 avril 2025. Elle est actrice, mais aussi réalisatrice, scénariste, metteuse en scène de pièce de théâtre, et même écrivaine, elle fait partie de ces gens qui ne se laissent pas facilement enfermer dans des petites cases. Ainsi, en 2019, elle a publié un recueil de nouvelles fantastiques aux éditions Pygmalion, "Jamaiplu", après quelques romans.

    On ne peut pas dire qu'elle a démarré comme une starlette qui se basait sur sa beauté physique pour ouvrir de nombreuses portes du cinéma. Elle avait déjà, jeune, un physique, mais pas de starlette. D'ailleurs, elle en usait, voire en abusait, comme ses compères du Splendid, et elle disait même en 2005 : « On avait l'habitude de jouer avec nos physiques. Bon pour Michel Blanc et Gérard Jugnot, c'était facile… Et pour moi aussi, allez ! ».


    L'actrice désormais pleinement septuagénaire expliquait le 26 novembre 2023 sur France 2 : « Ça ne m’a jamais dérangé qu’on dise que je n’étais pas trop belle, ce n’est pas grave. Je crois que les gens qui posaient ces questions, quel que soit le respect que j’ai pour eux, ne savent pas ce que c’est les gens de la rue. Ils ne voient que des gens minces qui suivent des régimes et qui s’habillent chez les grands couturiers et évidemment, je ne rentrais pas dans le truc. ».
     

     
     


    Josiane Balasko, Michel Blanc, qui est parti il y a quelques mois, Gérard Jugnot, mais aussi Christian Clavier, Thierry Lhermitte, Marie-Anne Chazel, Bruno Moyniot, et quelques autres... évidemment, on ne peut pas évoquer la figure de Josiane Balasko sans évoquer la Troupe du Splendid, les deux (trois) gros succès de leur jeunesse qui les ont fait franchir le plafond de verre de la notoriété et du succès, avec les deux numéros des "Bronzés" (Josiane est Nathalie) et "Le Père Noël est une ordure" (Josiane est Madame Musquin, mais seulement au cinéma, elle n'a pas joué dans la pièce de théâtre). Comme plusieurs de cette troupe d'acteurs étonnants, Josiane Balasko a su à la fois cultiver une notoriété collective (qui l'a amenée à recevoir un César d'honneur collectif pour toute la Troupe du Splendid en 2021) et sa propre carrière, différente de celle des autres.

    Au début, c'était pourtant un peu difficile, car elle jouait le rôle de la bonne copine, de la fille à embrouilles, de la complexée, de la faire-valoir des vrais héros. Pas très réjouissant, comme perspectives. Mais heureusement, Bertrand Blier lui a proposé le rôle principal de "Trop belle pour toi" (sorti le 12 mai 1989), celui de la maîtresse d'un homme riche, Gérard Depardieu, marié à une très belle femme, Carole Bouquet. Josiane Balasko a alors changé de catégorie. Elle est nommée pour la première fois pour le César de la meilleure actrice.

     

     
     


    En tout, Josiane Balasko a été récompensée par trois Césars, celui du meilleur scénario pour "Gazon maudit" (sorti le 1996) qu'elle a réalisé, un César d'honneur en 2000 et le César anniversaire de la Troupe du Splendid en 2021, mais elle a été aussi nommée trois fois au César de la meilleure actrice (1990, 1994 pour "Tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir des parents communistes" et 2004 pour "Cette femme-là"), une fois du meilleur réalisateur (1996) et une fois de la meilleure actrice dans un second rôle (2020) pour son rôle dans le film très médiatisé de François Ozon "Grâce à Dieu".

    La carrière de Josiane Balasko a donc commencé surtout par des comédies, mais elle a réussi aussi à avoir des rôles plus dramatiques, l'âge aidant, et dans les derniers films où elle a joué, elle n'a plus le rôle principal mais un second rôle.

    À côté du cinéma, elle joue aussi parfois des pièces de théâtre, la dernière pièce est une pièce qu'elle a mise en scène en 2021 au Théâtre des Nouveautés, "Un chalet à Gstaad", une comédie de boulevard alors qu'elle tournait en même temps au cinéma dans un rôle dramatique pour "Quand vient l'automne" de François Ozon (sorti le 9 septembre 2024), avec Hélène Vincent et Ludivine Sagnier.





    "Un chalet à Gstaad", c'est un face-à-face entre bourgeois qui ont fuit la France pour des raisons fiscales, des exilés fiscaux. Ils se fréquentent mais ils ne s'entendent pas forcément. Josiane Balasko est la femme d'un homme très riche et passe son temps chez l'esthéticienne ou dans le whisky. L'actrice précisait le 22 septembre 2022 sur France Info : « Ce sont des bourgeois très riches qui ne savent pas ce qu'est le RSA. Ce sont des gens que je ne connais pas, vraiment, ou que j'ai dû peut-être entrapercevoir, mais sans jamais les fréquenter. Donc ce sont des portraits qui sont imaginaires, certains sont exilés fiscaux. Ils se reçoivent entre eux, pas forcément parce qu'ils s'apprécient, mais c'est parce qu'ils n'ont pas trop le choix. ».

    Mais elle n'est pas qu'actrice, elle est aussi réalisatrice et ce n'est pas du tout le même métier. À ce jour, elle a réalisé huit films entre 1985 et 2013, dont son plus grand succès, près de 4 millions d'entrées en France, "Gazon maudit" qui évoque le thème de l'homosexualité féminine (c'était très original à l'époque) dans un jeu à trois avec Victoria Abril et Alain Chabat. Elle allait dire plus tard : « Je me suis inspirée d'une histoire qui était arrivée à des gens que je connaissais vaguement. » (le titre, très bien vu, a été trouvé par Bertrand Blier). Elle a rencontré des femmes bien plus tard qui lui ont assuré que son film leur avait permis de parler à leur entourage de leur homosexualité, ce qui lui a donné de la fierté.

    D'autres films qu'elle a réalisés ont eu beaucoup moins de succès, mais au moins, elle a exercé sa liberté de création, et maintenant, elle n'a plus trop envie de faire de la réalisation, c'est trop de travail pour elle. Elle préfère écrire des nouvelles : « Quand j'écris une nouvelle, il n'y a pas beaucoup d'enjeux. Si je me plante, il y a peu d'incidences, sauf mon amour-propre (…). On ne sait jamais ce qui va se passer quand on crée. Si ça va passer, si ça va émouvoir ou faire rire. On lance les dés à chaque fois. » (2023). L'intérêt de l'écriture, c'est que l'histoire est « à budget illimité », au contraire d'un film au cinéma. Elle peut imaginer tout, sans engager trop de moyens (cette réflexion peut être remise en cause avec l'intelligence artificielle, puisqu'on peut maintenant faire des œuvres créatives, en image ou en film, en très peu de temps).

    En tout cas, Josiane Balasko ne regrette pas du tout d'avoir abandonné le dessin malgré les encouragements de sa mère (qu'elle a tout de même suivie au début puisqu'elle a commencé ses études à l'École des arts graphiques). Elle a préféré suivre sa voie, celle du théâtre. 75 ans, dont déjà cinquante-cinq d'une belle carrière : bravo et bon anniversaire !



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    Sylvain Rakotoarison (12 avril 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Josiane Balasko.
    Joséphine Baker.
    Moonraker.
    Gene Hackman.
    Pierre Dac.
    Bertrand Blier.
    Pierre Arditi.
    Pierre Palmade.
    Carla Bruni.
    Valeria Bruni Tedeschi.
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    François Truffaut.
    Roger Hanin.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.

     

     
     




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  • La musicienne Olena Kohut, l'une des 35 victimes massacrées à Soumy par Poutine

    « La version russe du cessez-le-feu se résume à un dimanche sanglant. Il faut aider l’armée ukrainienne. » (Donald Tusk, Premier Ministre polonais, le 13 avril 2025).




     

     
     


    Quel scandale ! On mesure, à quel point, en France et ailleurs, certaines officines ont été complètement dévoyées sur le sens des mots (ce n'est pas nouveau et il y a eu d'admirables auteurs pour décrire ce phénomène particulièrement éloquent).

    Les deux bombardements meurtriers qui ont été décidés par l'armée russe de Vladimir Poutine a touché la population civile ukrainienne dans la matinée du dimanche 13 avril 2025, en pleine cérémonie des Rameaux, fête chrétienne, à Soumy (Sumy).

    Ces deux missiles balistiques visaient la population civile et a atteint son objectif puisque 35 personnes ont été massacrées, dont deux enfants, et 117 personnes blessées. Selon la CNN, c'est l'attaque la plus meurtrière d'une zone civile depuis le début de l'année.


    La ville de Soumy est une ville d'environ 260 000 habitants située au nord-est de l'Ukraine, à 30 kilomètres de la frontière russe, à 140 kilomètres de Kharkiv et à 130 kilomètres de Koursk (du côté russe).

    Des images d'apocalypse ont marqué la population, comme ce bus rouge en plein centre-ville, frappé par un missile et complètement calciné (aucun passager n'a survécu), ou ces habitants qui circulaient nombreux dans les rues du centre-ville.
     

     
     


    À écouter ces poutinolâtres adorateurs du massacre des peuples, ce nouveau massacre serait la faute de Volodymyr Zelensky, le Président ukrainien. On marche véritablement sur la tête, dans des inversions accusatoires complètement absurdes, surtout depuis que Donald Trump a retrouvé la Maison-Blanche. Rappelons que d'un côté, il y a un peuple, ukrainien, qui n'aspire qu'à la paix, qui n'a jamais eu de velléités agressives vis-à-vis de son voisin russe, dont on dit que les habitants sont leurs frères, et de l'autre, un autocrate (je ne confond bien sûr pas le peuple russe des oligarques russes), assoiffé de sang, et affamé de nouvelles conquêtes territoriales pour faire sa Grande Russie et surtout, maintenir le pouvoir de sa clique de voyous.

    L'explication foireuse de Moscou, officiellement, c'était qu'une réunion de militaires aurait été visée, mais ces deux missiles balistiques, peut-être équipés de sous-munitions (destinées à faire le plus de morts possible) comme c'était le cas dans d'autres bombardements, visaient pourtant bien des civils et à ce jour, aucune des victimes ne semblait porter l'uniforme militaire. Et si c'était vrai, l'armée russe aurait pu avoir la décence de présenter ses excuses pour tant de civils massacrés. Bien sûr, les deux gamins qui sont morts étaient des militaires dangereux pour l'armée russe...

     

     
     


    Trois jours de deuil ont été décrétés en Ukraine pour rendre hommage aux victimes. Elles méritent toutes notre compassion pour cette guerre folle issue d'une folie guerrière propre au siècle dernier (on connaît tellement bien la leçon). Plus les États-Unis se montrent mous voire lèche-derrière (je réemploie le vocabulaire de leur Président) vis-à-vis de Vladimir Poutine, plus l'autocrate du Kremlin se montre cruel et gourmand au dépens des Ukrainiens.

    Le procureur général de Soumy a annoncé que parmi les victimes se trouvaient un garçon de 11 ans et un jeune homme de 17 ans qui ne demandaient qu'à vivre. Maryna Choudessa aussi est morte, avec sa mère : elle était institutrice et ses petits écoliers sont aujourd'hui traumatisés par sa disparition. Lioudmyla a, de son côté, déploré la mort de sa mère, Tetiana Kvacha, qui avait décidé de prendre le bus qui a été touché, ce qu'elle faisait pourtant rarement. Mauvais destin. Voulu par Vladimir Poutine et ses sbires (y compris ceux de la désinformation).
     

     
     


    Parmi les victimes, il y avait aussi la musicienne Olena Kohut, organiste soliste à l'Orchestre philharmonique de Soumy et membre de l'Orchestre du Théâtre national de Soumy, également universitaire, enseignant dans une école d'art. Elle était reconnue pour sa maîtrise musicale (piano et orgue) et son dévouement au développement des jeunes talents.

    En tant qu'organiste soliste, elle interprétait des mélodies qui captivaient le public et ses prestations avaient une immense portée culturelle. Olena Kohut a aussi interprété l'hymne ukrainien dans plusieurs églises à travers l'Europe pour promouvoir la culture ukrainienne.


    Ses collègues du Théâtre national de Soumy ont exprimé sur Facebook leur grande affliction : « Le 13 avril 2025, à la suite d’une frappe de missile russe, notre famille du théâtre a subi une douleur indescriptible. Les blessures infligées ont tué notre collègue, artiste du théâtre orchestral, Olena Kohut. Olena était une personne extrêmement brillante, une véritable professionnelle, une collègue sympathique et une amie fiable. Sa musique, son sourire, sa gentillesse resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Nous adressons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à ses amis. Nous partageons votre douleur et votre chagrin. Souvenirs joyeux et respect éternel. ».

    « Une perte irréparable pour notre collectif, pour toute la communauté musicale, pour tous ceux qui ont connu et apprécié Olena en tant qu’artiste et personne », pour ses amis de l'Orchestre philharmonique de Soumy.

    Les auteurs d'autres condoléances ont rappelé : « Camarades et élèves se souviennent d'Olena comme d'une personne qui transmettait non seulement ses connaissances, mais aussi son humanité, sa gentillesse et son optimisme. Elle savait libérer le potentiel de chaque élève et apportait un soutien sincère à ses élèves. ».
     

     
     


    Il ne faut pas l'oublier, il ne faut pas les oublier, toutes ces victimes ukrainiennes meurtries dans leur chair et leur territoire. Le criminel de guerre sera jugé. Il payera. Rien ne sera oublié. C'est le destin de tous les auteurs du terrorisme, fût-il terrorisme d'État. Et honte à tous ceux qui justifient ces morts !


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    Sylvain Rakotoarison (14 avril 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Soumy : grâce musicale versus vulgarité brutale.
    Moonraker.
    Olena Kohut.
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    3 ans de guerre en Ukraine.
    Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !
    L'aide de la France à l'Ukraine le 6 juin 2024.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Débat parlementaire sur l'Ukraine : les masques tombent en France !
    Ukraine : Sophia Aram traite à la sulfateuse les néopacifistes à la notoriété déclinante !
    L'Europe face à Poutine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    Jean-Pierre Chevènement et ses relations avec la Russie.
    François Fillon et ses relations avec la Russie.
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
    2 ans de guerre en Ukraine : Poutine zéro en histoire !
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Lee Marvin, les Douze Salopards et la Russie.
    La France Unie soutient l'Ukraine !
    Condoléances cyniques.
    Mort d'Evgueni Prigojine.

    Sergueï Kirienko.
    Victoria Amelina.

    L'effondrement du pouvoir de Poutine.
    Putsch en Russie : faut-il sauver le soldat Poutine ?
    Poutine en état d'arrestation !
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    Kherson libéré, mais menace nucléaire ?

    Volodymyr Zelensky demande l'adhésion accélérée de l'Ukraine à l'OTAN.
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Les massacres de Boutcha.
    Le naufrage du croiseur russe Moskva.
    L’assassinat de Daria Douguina.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    L'avis de François Hollande.
    Les valeurs valent mieux que les bénéfices !
    Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine.
    Ukraine en guerre : coming out de la Grande Russie.
    Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
    Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !







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  • Elon Musk inspire au futur antérieur

    « Washington est devenue la cour de Néron : un empereur incendiaire, des courtisans soumis et un bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique. » (Claude Malhuret, le 4 mars 2025 au Sénat français).



     

     
     


    Il y a soixante-dix ans, le 7 avril 1955, est paru dans son édition britannique le roman d'Ian Fleming, "Moonraker", le troisième roman d'espionnage mettant en scène James Bond, le fameux agent 007. Son édition française est parue en 1958 d'abord sous le titre (étrange) "Entourloupe dans l'azimut" avant de reprendre le titre original en 2002 en raison du succès de son adaptation cinématographique éponyme réalisée par Lewis Gilbert et sortie le 28 juin 1979. Le film met en scène notamment Roger Moore pour le rôle de James Bond et le succulent Michael Lonsdale pour celui de Hugo Drax.

    Un internaute proposait sur Twitter le mois dernier une analogie amusante. Hugo Drax est la figure du méchant qui veut être le maître du monde, il est à la fois fort riche et à la tête d'une grande puissance technologique, un savant fou et mégalomaniaque (qui n'avait donc pas la caractéristique de faire apprécier les scientifiques par le grand public). C'est l'époque des années 1950 qui voulait cela et on le retrouvait dans beaucoup de fictions, notamment des bandes dessinées pour la jeunesse, dont le meilleur pastiche reste le fameux Zorglub dans "Spirou et Fantasio", personnage créé par Franquin et Greg. Certes, le mythe du savant fou est bien plus ancien, on le retrouve dans de nombreuses fictions depuis le XIXe siècle (en particulier chez Jules Verne), mais les années 1950 l'ont utilisé jusqu'à plus soif, en ont fait un sujet cliché classique, ce qu'on appellerait un poncif, voire, un souverain poncif (pour un maître du monde !).

    Incarné par Michael Lonsdale, Hugo Drax était considéré par le twitternaute en question comme « un méchant qui est à la fois un industriel ultra-riche et un constructeur de fusées cherchant à semer le chaos parce qu'il est en réalité un nazi secret ». Et de commenter l'idée de ce scénario avec un brin d'humour britannique : « Les romans originaux de James Bond écrits par Ian Fleming ont mal vieilli. (…) Quelle idée absurde ! ».

     
     


    C'est vrai que ça me barbe, en général, les vieux films d'espionnage qui ont repris le cadre général de la guerre froide. Comment c'est ennuyeux, les gentils espions américains et les méchants espions soviétiques ! Mais il n'est pas inintéressant de nous pencher ainsi sur "Moonraker" car les États-Unis d'aujourd'hui tentent, dans un élan désespéré d'orgueil, de retourner en arrière dans le passé plus ou moins lointain depuis la réélection de Donald Trump. Certains internautes ont réagi à cette comparaison, certains lâchant : « Qui aurait cru que Moonraker soit un film prémonitoire !! ». Une autre : « La réalité dépasse la fiction. ».

     
     


    Toujours avec humour, un quatrième internaute constatait que ce n'était pas tout à fait analogue en raison du chapeau. Hugo Drax porte en effet un beau chapeau de chasse, ce qui n'est pas le cas de... de qui au fait ?

    Un autre internaute a répondu en effet en y glissant une photographie de l'industriel milliardaire pris en comparaison : Elon Musk ne porte pas de chapeau mais une casquette, la fameuse casquette Make America Great Again (MAGA), qu'il a arboré dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, en compagnie d'un de ses nombreux enfants (celui qui met ses doigts dans le nez), et d'un vieil homme fâché et fatigué assis derrière une table (passablement agacé).
     

     
     


    On peut aussi le voir aux côtés du Président argentin Javier Milei dans leur objectif commun de faire des coupes tranchantes dans les dépenses publiques (bonjour les dizaines de milliers de fonctionnaires qui vont devenir chômeurs), et autant le faire dans la délicatesse avec une belle tronçonneuse (est-elle électrique ?).
     

     
     


    Ou encore, sans casquette mais avec un étrange chapeau en forme de fromage (ne me demandez pas pourquoi) !

    Étonnante comparaison mais pas forcément si inappropriée que ça. Elon Musk est aujourd'hui l'homme le plus riche du monde (au 11 février 2025, sa fortune s'élèverait à 380 milliards de dollars, selon "Forbes"), même s'il a perdu depuis l'arrivée au pouvoir de son ami Donald Trump déjà plus de 150 milliards de dollars (ce n'est rien !). Il a une vision très planétaire voire universelle de sa vocation, de sa mission ici-bas, il est, dans sa tête, une sorte de maître du monde à pensée messianique.

    Il est le dirigeant du constructeur Tesla de véhicules électriques (même si son marché en Europe est en train de s'écrouler). Il est le propriétaire de SpaceX qui devient aussi indispensable voire plus indispensable que la NASA, et souhaite que l'homme aille sur Mars, un objectif aussi fantaisiste que l'homme sur la Lune, ce qui, justement, est un défi à la hauteur du milliardaire. Il est aussi à la tête de Starlink qui permet de se connecter à ses 6 300 satellites dans le monde entier (bientôt 12 000 satellites et en prévision, 42 000 satellites !) pour bénéficier d'une liaison Internet partout sur Terre (Volodymyr Zelensky utilise ce réseau pour la conduite de ses drones). Enfin, en 2022, il a racheté le site Twitter de réparties politico-littéraires, qu'il a rebaptisé X (mais que je continuerai d'appeler Twitter parce que je suis un vieux schnoque !).

     
     


    Son acquisition de Twitter a fait partie d'un plan très important pour influer sur les démocraties dite "occidentales" ; d'abord, bien sûr, sur les États-Unis en soutenant massivement la candidature de Donald Trump en 2024, mais ensuite en Europe où il soutient systématiquement tous les mouvements politiques d'extrême droite, populistes et anti-européens, en particulier l'AfD en Allemagne, l'UKIP au Royaume-Uni (Nigel Farage) et le RN en France (Marine Le Pen). Passant un temps fou sur Twitter, ce qui semble étonnant pour un dirigeant d'entreprises, Elon Musk en profite pour distiller de nombreux propos ouvertement complotistes et des fake-news.
     

     
     


    Depuis janvier 2025, Elon Musk est au pouvoir, il est le responsable du Département de l'efficacité gouvernementale (DOGE), autrement dit, il est chargé de faire des coupes franches dans la dépense publique. Son idéologie est totalement anti-État en ce sens qu'il ne croit qu'au libre exercice d'entreprendre et considère les États comme des empêcheurs d'entreprendre par leurs normes, leurs réglementations et leurs fiscalités.

    Au-delà de l'objectif d'aller sur Mars, Elon Musk a investi dans des projets basés sur l'intelligence artificielle et croit à l'idée d'un homme transhumaniste capable de faire progresser la société. En ce sens, au-delà des objectifs financiers et industriels, Elon Musk nourrit des ambitions idéologiques et messianiques d'ordre mégalomaniaque.

    Très présent aux côtés de Donald Trump, s'invitant à la Maison-Blanche, dans les conférences de presse, dans les meetings de Donald Trump, Elon Musk a pris ses aises avec la démocratie américaine et les institutions américaines depuis trois mois. Né à Pretoria, en Afrique du Sud, il ne pourrait pas se présenter à une élection présidentielle américaine (le Président des États-Unis doit être né sur territoire américain), mais il a déjà pris une très grande influence.
     

     
     


    Enfin, une influence jusqu'au 2 avril 2025, car l'annonce par Donald Trump de taxes douanières généralisées qui provoque actuellement un début de krach boursier et probablement une récession à court et moyen termes a été incompréhensible pour Elon Musk, partisan de l'ouverture des échanges économiques dans la mesure où un produit industriel est désormais le résultat de la globalisation économique. Pour seule réponse, outre son silence récent, Elon Musk s'est contenté de diffuser sur Twitter, le 6 avril 2025, une déclaration de l'économiste du libéralisme, Milton Friedman, disparu il y a un peu moins d'une vingtaine d'années, qui expliquait qu'un simple crayon de papier était le résultat d'un processus industriel complexe faisant intervenir plusieurs pays et que seule l'ouverture des frontières commerciales permettait à la fois la prospérité économique et le progrès technologique, mais aussi le renforcement de la paix dans la mesure où les économies nationales deviennent imbriquées (c'était l'objectif du Plan Schuman et du Traité de Rome).

    Le divorce déjà annoncé dès le début est donc envisagé prochainement : les projets messianiques d'Elon Musk ne se satisferaient pas de l'enterrement en première classe de l'économie américaine en raison de la marotte idéologique de l'homme aux cheveux de feu. Le sourire du clown vire au jaune. L'époque est passionnante à observer, mais beaucoup moins à vivre.



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    Elon Musk.
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    Gene Hackman.
    Pierre Dac.
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    Pierre Palmade.
    Carla Bruni.
    Valeria Bruni Tedeschi.
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    François Truffaut.
    Roger Hanin.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
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  • Joséphine Baker et son amour pour la France (libre)

    « C'est la France qui a fait de moi ce que je suis. Je lui garderai une reconnaissance éternelle. » (Joséphine Baker).



     

     
     


    Cette petite phrase de reconnaissance, somme toute, elle est réciproque ; la France aussi est ce qu'elle est, grâce à Joséphine Baker qui est morte il y a cinquante ans, le 12 avril 1975 à Paris, à l'âge de 68 ans (née le 3 juin 1906 dans le Missouri). Elle est morte à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière d'un AVC qu'elle a eu deux jours auparavant, quelques heures après son dernier concert à Bobino, la célèbre salle parisienne « au cœur de ce quartier de la Gaîté dont le nom lui allait si bien ». L'émotion a été forte. Elle a reçu les honneurs militaires le 15 avril 1975. Ses obsèques furent célébrées d'abord à l'église de la Madeleine à Paris le 15 avril 1975 (« Des milliers de Parisiennes et de Parisiens remontaient la rue Royale pour accompagner son cercueil, déjà drapé de bleu-blanc-rouge, vers cette église de la Madeleine où la France enterre ses artistes. »), puis à l'église Saint-Charles de Monte-Carlo le 19 avril 1975 avant d'être inhumée au cimetière de Monaco.

    Le 12 octobre 1936, dans "La Jumelle noire", la succulente Colette décrivait l'artiste élégante et éclatante : « Les voiles tombent, Joséphine Baker enjambe, comme une margelle, les étoffes qui la quittent, et d'un seul pas assuré, elle entre dans la nudité et dans la gravité. Le dur travail des répétitions d’ensemble semble l’avoir un peu amincie, sans décharner son ossature délicate. Les genoux ovales, les chevilles affleurent la peau brune et claire, d’un grain égal, dont Paris s’est épris. Quelques années, et l’entraînement, ont parfait une musculature longue, discrète, ont respecté la convexité admirable des cuisses. Joséphine a l’omoplate effacée, l’épaule légère, mobile, un ventre de jeune fille, à nombril haut. (…) Grands yeux fixes, armés de cils durs et bleus, pommettes pourpres, sucre éblouissant et mouillé de la denture entre les lèvres d’un violet sombre, la tête se refuse à tout langage, ne répond rien à la quadruple étreinte sous laquelle le corps docile semble fondre... Paris ira voir, sur la scène des Folies, Joséphine Baker, nue, enseigner aux danseuses nues la pudeur. ».
     

     
     


    S'il fallait résumer Joséphine Baker par un seul mot, ce serait le mot liberté ! Elle est allée en France, elle a choisi la France pour avoir sa liberté qu'elle ne ressentait pas aux États-Unis, son pays natal. C'est, par anticipation, la réponse au discours dément de J. D. Vance, Vice-Président des États-Unis, le 14 février 2025 à Munich pour donner à l'Europe et à la France des leçons de liberté. Joséphine Baker, Américaine, est justement devenue Française pour être libre ! La France n'a pas de leçon à recevoir d'un pays qui a maintenu très longtemps la discrimination sur le critère stupide de couleur de la peau.

    Joséphine Baker avait aussi un amour gigantesque pour la France parce qu'elle s'y est trouvée à l'aise, capable d'être reconnue pour ce qu'elle était, pour ce qu'elle faisait, sans a priori, sans préjugé. Elle s'est coulée dans le fameux creuset républicain de la Troisième République. Elle est arrivée en France en 1925, soit il y a un siècle, et les Parisiens l'ont adorée. Elle a acquis la nationalité française le 30 novembre 1937, peu avant la guerre.

    France et liberté, cela donne... France libre, bien sûr. Faudrait-il être étonné de retrouver Joséphine Baker s'engageant dans Résistance française sous l'Occupation. En juin 1940, elle avait 34 ans et n'a pas hésité à s'engager et à devenir lieutenant de l'armée des ombres. Cet engagement n'était pas étonnant, elle l'avait déjà anticipé lorsqu'elle est devenue française : « Les Français m’ont tout donné. Je suis prête à leur offrir aujourd’hui ma vie. ». C'est cela, le patriotisme : pas seulement faire son service militaire mais s'engager dans l'armée française et utiliser tout son poids, tout son talent, toute sa notoriété au service de sa Nation.

    Ses décorations plaident pour elle : Médaille commémorative des services volontaires dans la France libre, Médaille commémorative française de la guerre 1939-1945, Croix de guerre 1939-1945 avec palme de bronze (attribuée en 1961), et Chevalière de l'ordre de la Légion d'honneur (décoration attribuée le 18 août 1961). « Surtout, l’insigne qu’elle préférera entre tous, une petite croix de Lorraine en or reçue des mains-même du Général De Gaulle en 1943 et qu’elle finit pourtant par vendre pour reverser l’argent aux œuvres de la Résistance. ». Naturellement, la Médaille de la Résistance française avec rosette lui a fait aussi très plaisir, elle lui a été attribuée en 1946.
     

     
     


    À cette occasion, le Général De Gaulle lui a adressé une lettre très chaleureuse datée du 14 octobre 1946 (il n'est plus au pouvoir) : « Chère mademoiselle Joséphine Baker, C'est en toute connaissance de cause et de tout cœur que je vous adresse mes sincères félicitations pour la haute distinction de la Résistance française qui vous a été attribuée. J'ai su et beaucoup apprécié naguère les grands services que vous avez rendus dans les moments les plus difficiles. Je n'ai été, par la suite, que plus touché de l'enthousiasme et de la générosité avec lesquels vous avez mis votre magnifique talent à la disposition de notre cause et de ceux qui la servaient. ». Le grand homme savait reconnaître les grandes dames.

    La chanteuse et danseuse est toujours restée gaulliste, admirative devant l'engagement du général résistant. Par sa grande notoriété internationale, et sa popularité, elle a pu, pendant la guerre, ouvrir bien des portes peu accessibles pour le renseignement. Elle resta une fervente soutien à De Gaulle toute sa vie, jusqu'à être présente à la tête du cortège de la grande manifestation de soutien au Général le 30 mai 1968 aux Champs-Élysées.

    Au-delà de De Gaulle, c'est toute la Nation française qui a été reconnaissante de l'engagement de Joséphine Baker, artiste mais aussi résistante, combattante et pas seulement en paroles, aussi en actes, à l'épreuve de vérité de la guerre, à l'épreuve du courage et de la fidélité aux valeurs. Elle a risqué sa vie pour la liberté et la paix de ses compatriotes français.

    Et le meilleur moyen d'être reconnaissant, dans notre République mémorielle, c'est l'entrée au Panthéon. Comme deux autres femmes, Geneviève Anthonioz-De Gaulle et Germaine Tillion (et bientôt Robert Badinter), cette entrée a eu lieu de manière théorique, c'est-à-dire en laissant sa dépouille là où elle était, à savoir à Monaco qui, par sa princesse Grace Kelly, a accueilli l'officière chanteuse lorsque, surendettée, elle fut chassée (expulsée) de son château en 1969 pour des raisons financières.
     

     
     


    Wikipédia raconte assez bien les enjeux de cette arrivée au Panthéon le 30 novembre 2021 : « La panthéonisation d'une descendante d'esclaves noirs américains et d'autochtones d'Amérique suscite une quasi-unanimité en France. Pour "Le Figaro", cet engouement s'explique par l'universalisme républicain dont l'artiste, récipiendaire de la Croix de guerre, est considérée être une figure exemplaire, a contrario d'un "fort courant venu d'Amérique" qui cherche à "assigner chacun à sa race, son sexe". Pour Chloé Leprince, sur France Culture, "dire que sa consécration dans la cathédrale républicaine du Panthéon fait consensus, c’est dire qu’elle fut à la fois celle qu’on assigna dans une posture fondamentalement façonnée par un regard raciste ; et aussi, celle qui s’est imposée en déjouant l’imagerie du bon sauvage, pour en faire son tremplin… et triompher". ».

    Car c'est là la caractéristique majeure de Joséphine Baker, en plus de son talent artistique : elle ne s'est jamais prêtée à des jeux identitaires, elle ne s'est jamais considérée comme une personne "de couleur", n'estimant pas que la couleur de la peau était un élément fondamental chez une personne, a fortiori quand elle est artiste. C'est ce qui explique qu'elle se sentait si bien dans la France républicaine qui rejette en principe tous les communautarismes en faisant la promotion d'un modèle universaliste et humaniste : « J'ai pris les coups, mais je les ai pris avec le menton levé, dans la dignité, parce que j'aime et respecte si profondément l'humanité. ».





    L'Élysée expliquait ainsi dans un communiqué en 2021 : « Joséphine Baker portait une certaine idée de l’Homme, militait pour la liberté de chacun. Sa cause était l'universalisme, l’unité du genre humain, l'égalité de tous, avant l'identité de chacun. C’est tout cela, Joséphine. Un combat pour la France libre. Sans calcul. Sans quête de gloire. Dévouée à nos idéaux. ».
     

     
     


    Cela a été le principal message du discours du Président de la République Emmanuel Macron lors de l'hommage solennel de la Nation à Joséphine Baker lors de sa panthéonisation le 30 novembre 2021 : de De Gaulle à Emmanuel Macron, Joséphine Baker a eu beaucoup d'admirateurs, parfois posthumes, au plus haut sommet de l'État.

    Comme toujours, Emmanuel Macron n'a pas caché sa joie de s'exprimer sur Joséphine Baker : « Fulgurante de beauté et de lucidité dans un siècle d’égarements, elle fit, à chaque tournant de l’Histoire, les justes choix, distinguant toujours les Lumières des ténèbres. Et pourtant, rien, rien n’était écrit. ».
     

     
     


    Après avoir retracé les débuts de sa vie d'Américaine, petite fille battue aux conditions de vie très précaires, le Président de la République a raconté l'artiste en France dans une stratégie d'acceptation de ce qu'on lui demandait de faire pour mieux oser l'audace personnelle : « En gonflant les joues et en écartant les genoux (…), le comique détourne bientôt le sensuel. Lui demande-t-on de danser nue vêtue d’une simple ceinture de bananes dorées ? Elle y consent, mais écorne l’érotisme à coup de grimaces, de gestes saccadés, balaie les clichés d’un revers de hanche et raille l’imagier nègre par ses roulements d’yeux moqueurs. Les stéréotypes, Joséphine Baker les endosse. Mais elle les bouscule, les égratigne, les tourne en burlesque sublime. Esprit des Lumières ridiculisant les préjugés colonialistes sur des notes de Sidney Bechet. Le triomphe est immédiat. (…) En quelques années seulement, Joséphine Baker forge sa légende. Elle épouse la scène, impose sa liberté, entre dans l’imaginaire et dans l’intimité des Français. Par son insouciance jamais inconsciente, son courage toujours gai, cette légèreté ourlée de tristesse qu’arborent ceux qui ont déjà vécu, l’Américaine réfugiée à Paris, devient l’incarnation de l’esprit français et le symbole d’une époque. ».

    L'une des plus belles journées de Joséphine Baker fut sa prise de parole aux côtés de Martin Luther King lors de la Marche sur Washington, le 27 août 1963, habillée de son uniforme d'officière de l'armée de l'air française et de toutes ses décorations dont elle était fière. Le fossé social, politique, culturel, intellectuel, est énorme avec cette autre femme, sans culture et sans respect, qui s'est victimisée odieusement, parce que condamnée très lourdement pour avoir détourné massivement des fonds publics, argent de ses contemporains, et qui prétendait le 6 avril 2025 récupérer, en le souillant, le combat des droits civiques de Martin Luther King.
     

     
     


    Le chef de l'État l'a martelé, le combat de Joséphine Baker n'avait rien d'identitaire : « Sa cause était l’universalisme, l’unité du genre humain. L’Égalité de tous avant l’Identité de chacun. L’Hospitalité pour toutes les différences réunies par une même volonté, une même dignité. L’Émancipation contre l’Assignation. (…) Et que nul aujourd’hui ne fasse mentir ou ne détourne son combat universel ! Ce n’était pas un combat pour s’affirmer comme noire avant de se définir comme Américaine ou Française ; ce n’était pas un combat pour dire l’irréductibilité de la cause noire, non. Mais bien pour être citoyenne, libre, digne. Complètement. Résolument. ».

    Et puis, Emmanuel Macron a ensuite salué la présence au cours de cette cérémonie de douze personnes : « Vous êtes là ce soir. Fidèles à ses rêves. ». Il s'était adressé aux enfants adoptifs de Joséphine Baker, de mille horizons : « Akio et Teruya venus du Japon ; Luis de Colombie ; Jari de Finlande ; Jean-Claude, Moïse et Noël de France ; Brian et Marianne d’Algérie ; Koffi de Côte d’Ivoire ; Tara du Venezuela ; et Stellina du Maroc. Oui, ces douze enfants, cette famille permit à Joséphine Baker de prouver aux yeux du monde que les couleurs de peau, les origines, les religions pouvaient non seulement cohabiter mais vivre en harmonie. ».
     

     
     


    Pourquoi panthéoniser cette artiste ? La réponse était assez évidente : « Joséphine Baker entre ici avec tous ces artistes qui l’accompagnent, tous ces artistes qui ont aimé le jazz, la danse, le cubisme, la musique, la liberté de ces années. Elle entre ici avec tous ceux qui, comme elle, ont vu dans la France une terre à vivre, un lieu où l’on cesserait de se rêver ailleurs, une promesse d’émancipation. Elle entre ici avec tous ceux qui ont choisi la France, qui l’ont aimée et l’aiment, charnellement, qui l’ont vue trébucher et ont continué de l’aimer, qui l’ont vue à terre et se sont battus pour la relever. Français par le sang versé, les combats menés, l’amour donné. Elle entre ici pour nous rappeler à tous, pour nous rappeler à nous-mêmes, qui mettons quelquefois tant d’entêtement à vouloir l’oublier, l’insaisissable beauté de notre destin collectif : nous qui sommes une Nation de combat, fraternelle, que l’on désire, que l’on mérite, qui n’est elle-même que lorsqu’elle est grande et sans peur. ».
     

     
     


    Et de terminer en se tournant vers son cénotaphe (dans la crypte XIII) : « Vous entrez dans notre Panthéon parce que, née américaine, il n’y a pas plus française que vous. ».

    Cinquante ans maintenant après sa disparition, Joséphine Baker reste un symbole d'actualité, celui d'une France républicaine soucieuse de ses enfants, réunis autour de ses trois valeurs cardinales, mentionnées sur le fronton de toutes les mairies de France : liberté, égalité et fraternité.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Osez Joséphine !
    Hommage national à Joséphine Baker par le Président Emmanuel Macron le 30 novembre 2021 au Panthéon (texte intégral et vidéo).
    Joséphine Baker.
    Florence Arthaud.
    Herbert Léonard.
    Jeanne Calment.
    Pierre Bachelet.
    Gérard Lenorman.
    Pierre Dac.
    Marianne Faithfull.
    Marcel Zanini.
    Patricia Kaas.
    Kim Wilde.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250412-josephine-baker.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/josephine-baker-et-son-amour-pour-259482

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/12/article-sr-20250412-josephine-baker.html


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