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histoire - Page 2

  • L'élection du vieux maréchal von Hindenburg

    « Il ne faut pas imaginer qu'un parti me donnera d'une quelconque manière des instructions, même pas ceux qui m'ont aidé dans la compétition électorale. Cependant, je tends la main à l'ancien adversaire qui veut se mettre avec moi au travail. » (Paul von Hindenburg, le 10 mai 1925).





     

     
     


    Il y a 100 ans, le 26 avril 1925, le vieux maréchal Paul von Hindenburg a été élu Président du Reich au second tour par 14,7 millions de citoyens allemands. Il avait alors déjà 77 ans (né le 2 octobre 1847), et toute une réputation prestigieuse de militaire héroïque, ayant servi pour l'Empire allemand de 1866 à 1919. À ce titre, il est l'une des personnalités marquantes de l'histoire (assez courte, depuis 1871) de l'Allemagne.

    Contrairement à la tentation qu'on pourrait avoir, le maréchal von Hindenburg n'était pas à l'Allemagne ce qu'a été le maréchal Pétain à la France. Certes, les deux étaient plutôt conservateurs (quoique Pétain fut beaucoup plus "libéral" dans les mœurs sociales qu'on pourrait l'imaginer), et les deux ont eu des "relations" avec Hitler, mais cela s'arrête là. L'appel d'un homme providentiel, souvent vieux en raison du temps qu'il faut pour être présenté comme providentiel, est une constante dans les sociétés humaines. En France, on en a usé et abusé depuis plus de cent cinquante ans : Thiers en 1871, Clemenceau en 1917, Pétain en 1940 et De Gaulle en 1958. Personnalités très différentes mais qui ont eu cette particularité d'un retour au pouvoir, ou d'une prise de pouvoir (pour la première fois) aidée par une réputation historique exceptionnelle.

    Si toutefois on voulait vraiment faire une analogie avec une personnalité politique française, il faudrait plutôt chercher du côté d'un autre maréchal, Patrice de Mac Mahon, militaire de bonne réputation sous l'Empire malgré la défaite de Sedan en 1870 (battu par les forces prussiennes), qui, bien que monarchiste, fut appelé par la République, alors dominée à la Chambre par des députés monarchistes, pour devenir Président de la République du 24 mai 1873 au 30 janvier 1879, en attendant la fin annoncée des légitimistes et la victoire improbable des orléanistes.


    Hindenburg (je parle ainsi de la personne et pas du dirigeable baptisé de son nom) a été un militaire de toutes les grandes batailles prussiennes et allemandes : guerre austro-prussienne, guerre franco-prussienne qui a abouti à l'Unification de l'Allemagne (sous l'égide de la Prusse, associée à de nombreuses principautés allemandes), et aussi la Première Guerre mondiale, où il fut, de novembre 1916 au 25 juin 1919, le chef du grand état-major allemand de l'Empire allemand, secondé par le général Erich Ludendorff. Comme Pétain, il était à la retraite avant le début de la Première Guerre mondiale mais remobilisé pour l'occasion.

    Le 18 novembre 1919, devant la commission d'enquête parlementaire visant à comprendre la défaite allemande, Hindenburg et Ludendorff, salués avec beaucoup d'honneurs par les parlementaires, ont répandu la (fausse) rumeur du "coup de poignard dans le dos", à savoir qu'à l'arrière garde, des forces anti-allemandes s'étaient activées contre l'armée allemande en Allemagne, mêlant socialistes, communistes et Juifs comme boucs émissaires. Cette thèse fut reprise plus tard par les nazis pour justifier et renforcer le sentiment de vengeance. C'était d'autant plus commode que cela dédouanait l'armée allemande de sa responsabilité dans la défaite.


    L'Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale était dans un piteux état : dans le camp des vaincus, l'empereur Guillaume II s'est exilé, laissant l'empire sans empereur, des mouvements révolutionnaires étaient très actifs aussi en Allemagne (Rosa Luxembourg, etc.), et finalement, le régime a accouché d'une frêle République de Weimar, dominée par les sociaux-démocrates et le Zentrum (centre droit catholique), qui était une sorte d'empire sans empereur, à tel point que le gouvernement était celui du Reich, le Chancelier celui du Reich et le chef de l'État appelé Président du Reich. Ce nouveau régime était pourtant loin d'être fort, englué dans une instabilité politique typique des régimes parlementaires comme la Quatrième République en France. Mais à la différence de cette dernière, le Président avait un certain nombre de pouvoirs pour faire contre-poids, en particulier le droit de dissolution.

    Le premier Président du Reich a été élu par les parlementaires le 11 février 1919 pour un mandat de sept ans, Friedrich Ebert, Chancelier social-démocrate depuis le 9 novembre 1918, mais ce dernier est mort le 28 février 1925 à 54 ans des suites d'une appendicite soignée trop tardivement. Le mode d'élection du Président était différent pour la suite puisqu'il devait être élu au suffrage universel direct pour faire participer l'ensemble du peuple allemand, seul moyen de retrouver une légitimité impériale.


    Le premier tour de l'élection présidentielle a eu lieu le 29 mars 1925. Parmi les sept candidats, deux personnalités se détachaient, susceptibles d'être élues (à l'époque, il n'y avait pas de sondages) : Otto Braun, du SPD (social-démocrate) et Wilhelm Marx, du DZP, le Zentrum (centriste catholique ; rappelons que l'Allemagne est majoritairement protestante). Tous les deux étaient les représentants du nouveau régime politique, parlementaire, assez impuissant, Wilhelm Marx était alors un ancien Chancelier du Reich du 30 novembre 1923 au 15 janvier 1925.

    Face à ces deux représentants du régime, le bloc national avait bien du mal à proposer une candidature de rassemblement. Personnalité très populaire à droite, l'ancien Vice-Chancelier et Ministre de l'Intérieur Karl Jarres, du DVP (parti populaire allemand, national-libéral), avait pris le leadership de la campagne électorale. D'autres petits candidats étaient présents, dont le communiste Ernst Thälmann, et aussi l'ancien général en chef limogé par l'empereur le 26 octobre 1918, Erich Ludendorff, ce qui avait mis en colère Hindenburg qui lui avait demandé dans un courrier de se retirer pour ne pas diviser le camp de la droite : « Retirez votre candidature immédiatement. Au lieu de vous unir (…), vous vous dispersez avec les cercles nationaux en cette heure décisive. Dans ce camp, votre élection est désespérée. Vous vous compromettez ainsi… de votre faute, la patrie est en danger. Acceptez donc cette demande qui pourrait être la dernière de ma vie. ». Il avait raison.

    Les résultats du premier tour furent assez attendus, avec une participation de 68,9% : Karl Jarres a obtenu la première place avec 38,8% des suffrages exprimés, suivi d'Otto Braun 29,0% et Wilhelm Marx 14,5%... et Erich Ludendorff est arrivé septième avec seulement 1,1%, une gifle électorale (un militaire n'est pas forcément un bon politique). La nécessité d'un second tour rendait très incertaine son issue.
     

     
     


    D'un côté, le SPD et le Zentrum se sont mis d'accord avec une seule candidature, celle de Wilhelm Marx, qui devenait donc le favori de l'élection, avec, en contrepartie, Otto Braun (que le Zentrum ne voulait pas soutenir) était destiné à devenir le ministre-président de la Prusse. De l'autre côté, le score de Karl Jarres avait peu de chance de s'améliorer, faute de voix de réserve, et fut remplacé, à la demande d'un certain nombre de dirigeants du DVP, en particulier Gustav Stresemann, ancien Chancelier, mais aussi du camp nationaliste (en particulier le NSDAP, le parti nazi), par le maréchal von Hindenburg (retiré à Hanovre) qui, malgré des réticences initiales, a bien accepté d'être présent au second tour (il n'était pas nécessaire d'être candidat au premier tour, et au second tour, l'élection était acquise à la majorité relative, ce qui nécessitait des alliances entre les forces politiques).

    Finalement, Hindenburg a gagné, mais avec un score serré, avec 900 000 voix d'avance sur son concurrent Wilhelm Marx qui a eu deux handicaps, un religieux (il était catholique et la majorité était protestante) et un politique en raison du maintien du candidat communiste qui lui a privé de 1,9 million de suffrages. Hindenburg a donc été élu Président du Reich avec 48,3% des voix pour une participation encore plus élevée de 77,6%. L'historien britannique Ian Kershaw commentait ainsi ce résultat en 2001 : « La démocratie de Weimar était désormais entre les mains de l'un des piliers de l'ordre ancien. La droite nationale et conservatrice n'était pas la seule à avoir voté pour lui. (…) En 1933, le prix à payer sera lourd. ». Pour les conservateurs, l'élection d'un maréchal voulant un pouvoir fort permettait de contrebalancer le régime d'assemblée instable et de retrouver avec lui l'aura perdue de l'empereur.
     

     
     


    Wikipédia a fait un résumé de la description de l'historien français Johann Chapoutot, spécialiste du nazisme, publiée dans un livre en 2025 chez Gallimard : « [Il] décrit Hindenburg, lors de son élection à la Présidence en 1925, comme une figure profondément conservatrice, attachée aux vertus prussiennes telles que l'honneur, le devoir et le sacrifice. Il souligne son hostilité aux sociaux-démocrates, aux communistes et aux syndicats, ainsi que sa méfiance envers les catholiques du Zentrum, à l'exception de ceux qu'il jugeait suffisamment conservateurs ou ayant un passé militaire. Chapoutot note également l’aversion de Hindenburg pour les évolutions sociales de la République de Weimar et son indifférence aux questions sociales, ou un possible État-providence allemand. ».

    En fait de pouvoir fort, le premier mandat de Hindenburg était caractérisé par la poursuite de l'instabilité gouvernementale, avec cinq gouvernements centristes ou de gauche. Hindenburg a dissous quatre fois l'assemblée. La crise de 1929 a fait monter le nazisme électoralement : le NSDAP est passé de 2,6% en 1928 à 18,3% en 1931. Les nazis n'avaient donc plus besoin de l'aide de Hindenburg pour conquérir le pouvoir, d'autant plus qu'ils avaient une très mauvaise opinion du vieux maréchal. Ainsi, le 19 octobre 1929, Joseph Goebbels le qualifiait dans son Journal de « vieille ruine », ce qui fait penser à ce que disaient les trumpistes de Joe Biden, et en octobre 1931, Hitler le qualifiait de « vieux fou ». C'était d'ailleurs réciproque, car Hindenburg prenait les nazis pour ce qu'ils étaient d'abord, à savoir de dangereux socialistes (nationaux-socialistes) et considérait Hitler comme un « caporal bohémien » qui n'avait pas l'étoffe pour diriger le gouvernement. Le 10 août 1932, Hindenburg se refusait à toute nomination de nazis au gouvernement : « Faire d'un caporal bohémien le Chancelier du Reich, ce serait du propre ! ».

    À l'élection présidentielle de 1932, la situation économique et sociale de l'Allemagne était catastrophique : chômage de masse, inflation en flèche, pouvoir d'achat en berne, hausse des impôts... Le gouvernement centriste de Heinrich Brüning était très impopulaire. Son parti, le DZP, ainsi que l'ensemble du bloc populaire (coalition de Weimar : Zentrum, SPD, etc.) ont voulu que Hindenburg se représentât pour sa succession malgré ses 84 ans ! L'un des dirigeants du DZP, Franz von Papen (qui allait devenir le successeur de Heinrich Brüning le 1er juin 1932) a même souhaité réviser la Constitution pour rendre l'élection présidentielle aux parlementaires sans passer par le peuple, mais, en raison du refus des députés nazis, il ne pouvait pas convaincre une majorité qualifiée.


    Autrement dit, les rivaux de 1925 (gauche et centre droit catholique), qui craignaient une dérive autoritaire du maréchal, sont devenus les principaux soutiens de Hindenburg en 1932, toujours candidat indépendant, face à un autre candidat, celui des nazis, Adolf Hitler, qui avait hésité à s'opposer frontalement au prestigieux maréchal. Ian Kershaw analysait effectivement cette drôle de situation (cité par Wikipédia) : « [Hindenburg] était tributaire du soutien des socialistes et des catholiques, qui avaient été ses principaux opposants au cours des sept années passées et formaient de bien étranges et fâcheux compagnons de route pour le doyen loyalement protestant et ultra-conservateur. ».

    Au premier tour du 13 mars 1932, avec 86,2% de très forte participation, Hindenburg a raté sa réélection dès le premier tour en recueillant plus de 18,6 millions de suffrages, soit 49,5%, face à Hitler 30,1%. Au second tour du 10 avril 1932, avec une participation de 83,5%, Hindenburg a été réélu avec 53,1% des voix, ayant pris une large avance de 7,3 millions de voix sur Hitler, grâce aux milieux économiques qui étaient plutôt rassurés par Franz von Papen (futur Chancelier du 1er juin 1932 au 17 novembre 1932).

    Franz von Papen était préféré par Hindenburg à Kurt von Scleicher (futur Chancelier du 4 décembre 1932 au 28 janvier 1933). André François-Poncet, l'ambassadeur de France à Berlin et père du ministre Jean François-Poncet, expliquait ainsi : « C'est [Papen] le préféré, le favori du maréchal ; il détourne le vieil homme par sa vivacité, son espièglerie ; il le flatte en lui montrant du respect et de la dévotion. Il le séduit par son audace ; il est [aux] yeux [de Hindenburg] l'homme parfait. ».

    Toutefois, Hitler a finalement gagné la partie : le 30 janvier 1933, Hindenburg l'a nommé Chancelier du Reich (et Papen Vice-Chancelier) et dès les premiers mois, le chef des nazis a consolidé, par la force et la propagande, son pouvoir, devenant même le Führer, c'est-à-dire le Guide en allemand. Hindenburg est mort le 2 août 1934 d'un cancer du poumon à l'âge de 86 ans et demi. Par le plébiscite du 19 août 1934, Hitler a plus ou moins supprimé la fonction en devenant à la fois Chancelier, Président du Reich et Führer, bref, le maître absolu d'une Allemagne puissante.

    Plus précisément, Hindenburg est mort le lendemain de la promulgation, le 1er août 1934, de la loi qui précisait deux articles. Article 1er : « La fonction de Président du Reich est réunie à celle du chancelier du Reich. Par conséquent, les pouvoirs exercés jusqu'ici par le Président du Reich passent au Führer et Chancelier du Reich Adolf Hitler. Il désigne son suppléant. ». Article 2 : « Cette loi entrera en vigueur à partir du décès du Président du Reich von Hindenburg. ». C'était très cavalier de la part de Hitler qui considérait que Hindenburg n'allait pas finir son second mandat (en raison de sa grave maladie) et cela montrait aussi que le maréchal n'avait plus aucune influence sur le cours des événements (retiré en Prusse-Orientale depuis avril 1934).


    Pour légitimer cette loi, Hitler l'a fait plébisciter : avec une participation officielle de 95,7%, le oui l'a largement emporté avec, officiellement, 89,9% des votants. Rappelons que les Allemands vivaient alors sous la terreur des nazis, que la Nuit des longs couteaux venait de survenir, du 29 juin 1934 au 2 juillet 1934 (crimes que Hindenburg aurait approuvés voire suggérés à Hitler ; à ce sujet, il faudrait des études complémentaires d'historiens pour avoir une idée précise de la position du maréchal).

    On aurait donc tort de comparer Hindenburg à Pétain. Au contraire, il était dès le début un opposant au nazisme qu'il considérait comme dangereux. Il a présidé la République de Weimar fidèlement avec le sens de l'État et surtout de l'intérêt général. Et dès lors que Hitler bénéficiait d'une majorité à l'assemblée, il ne pouvait que l'appeler à la Chancellerie. Du moins, c'est ce qu'on pourrait penser, mais ce n'est pas l'avis de l'historien Ian Kershaw en 1999 : « Hindenburg lui-même et ceux qui étaient en position de l'influencer étaient si occupés à chercher une solution à droite qu'ils ne prirent pas la peine d'envisager une issue parlementaire. (…) L’accession d’Hitler au pouvoir n’était aucunement inéluctable. Hindenburg eût-il concédé à Schleicher la dissolution qu’il avait si volontiers accordée à Papen et décidé une prorogation au-delà des soixante jours prévus par la Constitution, que la nomination de Hitler à la Chancellerie aurait sans doute pu être évitée. (…) Hindenburg se laissa persuader d'accorder à Hitler ce qu'il avait refusé à Schleicher à peine quatre jours plus tôt : la dissolution du Reichstag. ». L'historien français Gilbert Badia, en 1975, n'était pas plus tendre : « Il a suffi d'un exposé dramatique de Hitler (…) pour que le vieillard réactionnaire confie les pleins pouvoirs au "caporal autrichien" naguère méprisé. ».

    Trop âgé, trop malade, le maréchal n'a pas pu vraiment s'opposer avec toutes les armes que la Constitution lui donnait contre un Hitler qui le trouvait encombrant mais également nécessaire, profitant de son prestige militaire pour sa propre entreprise. Quant à Erich Ludendorff, qui allait mourir le 20 décembre 1937, il a refusé de participer aux grandes funérailles de son vieux chef de Hindenburg le 7 août 1934 pour ne pas s'afficher à côté de Hitler. Certains glorieux militaires avaient tout de même conservé le sens de la dignité, même dans ces temps troublés.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (26 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250426-hindenburg.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/l-election-du-vieux-marechal-von-259596

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/25/article-sr-20250426-hindenburg.html


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  • André Siegfried, père de la sociologie électorale et de la science politique française

    « Malgré son aspect paradoxal, cette observation simpliste, mais décisive s’impose : tout ce qui est sur le calcaire appartient à la gauche, tout ce qui est sur le granit, à la droite. » (André Siegfried, "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République", 1913, éd. Armand Colin).




     

     
     


    Ces quelques lignes ont fait date dans l'analyse politique des terres politiques des différentes partis politiques, et sa formulation lapidaire a valu à son auteur de se faire reprendre par un autre sociologue de la vie politique, Raymond Aron qui ironisait en 1955 : « On trouve l’hétérogénéité géographique quand on la cherche, on trouve les deux blocs quand on les organise. ». Mais il n'en demeure pas moins que le politologue André Siegfried, qui est né il y a juste 150 ans le 21 avril 1875 au Havre, donc en plein début de la Troisième République, reste encore aujourd'hui perçu comme le père de la géographie électorale et même de la science politique qu'il a enseignée mais aussi organisée, institutionnalisée après la dernière guerre.

    C'est pourquoi André Siegfried est une référence fondamentale pour la science politique en France, un fondateur d'une nouvelle discipline dans laquelle se sont engouffrés tous les politologues, éditorialistes politiques depuis la fin de la guerre. André Siegfried a connu et analysé la vie politique de deux républiques, la Troisième et la Quatrième Républiques, il n'a pas eu le temps d'appréhender vraiment la Cinquième République même s'il a eu de quoi sortir, à la fin de sa vie : "De la IVe à la Ve République au jour le jour" en 1958 chez Grasset (il avait déjà publié "De la IIIe à la IVe République" en 1956 chez Grasset). En effet, il est mort le 28 mars 1959 à Paris, peu avant ses 84 ans.

    Auteur prolifique d'études politiques et électorales, universitaire et académicien, André Siegfried a marqué l'histoire intellectuelle de la France du XXe siècle. Ses parents étaient très engagés dans la vie publique et intellectuelle. Son père entrepreneur Jules Siegfried (1837-1922), dont il a fait une biographie en 1946, était une personnalité politique importante de la Troisième République, maire du Havre de 1878 à 1886, député puis sénateur de la Seine-Inférieure, conseiller général, et ministre du commerce des gouvernements d'Alexandre Ribot (1892-1893). Quant à sa mère Julie Puaux-Siegfried (1848-1922), elle était une féministe et a présidé le Conseil national des femmes françaises pendant dix ans, de 1912 à 1922, une instance créée en 1901 que Louise Weiss avait intégrée et qui existe encore aujourd'hui.


    Issu d'un milieu protestant de bourgeoisie provinciale (il avait un oncle maternel pasteur et président de la Société de l'histoire du protestantisme français), d'une famille alsacienne qui a émigré en Normandie après la perte de l'Alsace-Moselle (à l'origine, l'entreprise familiale était située à Mulhouse), André Siegfried a étudié à Paris les lettres et le droit jusqu'à obtenir un doctorat en histoire (thèse sur la démocratie en Nouvelle-Zélande soutenue en 1904) et un doctorat en droit. Ses disciplines furent nombreuses et voisine : il fut économiste, historien, géographe, sociologue, politologue... et il fut bien sûr, écrivain, surtout essayiste.

    Intellectuel et homme de terrain, comme le précise l'Académie, il a fait dans sa jeunesse en 1900-1901 un "vaste tour du monde" qui lui a permis de visiter de nombreux pays du Globe : États-Unis, Mexique, Australie, Japon, Chine, Indes, etc., à l'instar de son père et de son oncle Jacques Siegfried qui ont fait également un tour du monde.

    Baigné dans la vie politique, André Siegfried était d'abord un déçu des élections. En effet, sur les traces paternelles, il a tenté à plusieurs reprises de se faire élire avec l'étiquette de l'Alliance démocratique (formation laïque de centre droit), mais sans succès : quatre candidatures à des élections législatives (en 1902, puis, après invalidation, en 1903, puis en 1906 et en 1910) et aussi à des élections cantonales (en 1909). À la mort de son père, en 1922, sa candidature était envisagée pour la succession, mais finalement, ce fut René Coty qui fut choisi.

    Dès lors, puisque le suffrage universel lui barrait la route, il renonça à une carrière politique et il s'attacha à comprendre les raisons de ses échecs, c'est-à-dire à comprendre le comportement de l'électorat en fonction du territoire, ce qui l'a conduit à publier en 1913 son fameux "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République" aux éditions Armand Colin. Ce livre l'a rendu rapidement célèbre dans les milieux de la recherche en sciences humaines, en jetant les bases d'une science politique moderne attachée à comprendre le comportement des électeurs.


    À partir de 1910, il enseigna à l'École libre des sciences politiques (futur IEP Paris à partir de 1945 après sa nationalisation), et cela jusqu'en 1955, et a suivi une carrière universitaire et académique prestigieuse : il fut élu en 1933 professeur au Collège de France à la chaire à la chaire de géographie économique et politique, qu'il conserva jusqu'en 1945 (il avait alors 70 ans). André Siegfried enseigna également à l'étranger (il faisait de nombreux voyages autour du monde qui lui permirent de publier des analyses sur de nombreux pays étrangers), en particulier il fut professeur associé à l'Université Harvard en 1955. Figure dominante de Science Po Paris (dont il a refusé la direction), il fut en 1945 le premier président de la Fondation nationale des sciences politiques (on peut citer ses successeurs : 1959 Pierre Renouvin, 1971 François Goguel, 1981 René Rémond, 2007 Jean-Claude Casanova, 2016 Olivier Duhamel, jusqu'à sa démission en 2021).
     

     
     


    Lors de ses cours dans les années 1920, selon Gérard Noiriel, il émettait des analyses racistes assez à l'emporte-pièce, comme le présente aujourd'hui Wikipédia : « "Il y a des races qui s'assimilent vite, d'autres plus lentement, d'autres enfin, pas du tout", en France, "les Chinois demeurent toujours des étrangers", "la race noire reste inférieure", "le Juif est un résidu non fusible dans le creuset". ». Cette "géographie des races" a été fortement dénoncé en 1993 par l'historien Pierre Birnbaum, spécialiste de l'antisémitisme en France et aux États-Unis. Dans la revue "Sociétés et Représentations" n°20 d'octobre 2005, l'historienne Carole Reynaud-Paligot, professeure à l'IEP de Paris et spécialiste de l'histoire des intellectuels, en parlait ainsi, pour remettre le contexte : « Le fondateur de la sociologie électorale française n’a pas échappé aux critiques et certains aspects de sa pensée ont été jugés discutables : l’utilisation du concept de race, le recours aux mystères des personnalités ethniques, la présence de stéréotypes et de préjugés de son temps, etc. Il nous apparaît intéressant de poursuivre l’étude en analysant plus particulièrement dans quelle mesure Siegfried est un héritier de la pensée raciale fin de siècle. Cette pensée raciale, qui a largement imprégné la culture française des dernières décennies du XIXe siècle, a construit une représentation de la différence en termes raciaux et produit une vision inégalitaire du genre humain. La communauté savante, le monde colonial, la presse, les manuels scolaires ont largement diffusé cette vision raciale du monde qui s’organise autour de quelques idées force : chaque race possède des caractères physiques, intellectuels et moraux spécifiques qui se transmettent de génération en génération ; l’inégalité raciale s’inscrit dans le processus héréditaire et certaines races sont jugées plus aptes à bénéficier de la civilisation. (…) L’analyse des écrits d’André Siegfried, de ses articles, ouvrages et de ses cours, nous permet de cerner la postérité de cette pensée raciale dans le premier Vingtième Siècle. Dans quelle mesure les axiomes de la raciologie fin de siècle sont-ils restés partie intégrante de la culture du premier vingtième siècle ? De quelles manières les enjeux propres à l’entre-deux-guerres ont-ils modifié ces représentations de l’altérité ? (…) Raciste Siegfried ? Pas dans le sens de l’époque : il juge la thèse "nordique" qui prétend que "tout ce qui est bon dans la région méditerranéenne provient du Nord" ridicule… tout en lui concédant une part de vérité. Après la Seconde Guerre mondiale, Siegfried affirme que les Français "ne sont pas des racistes de doctrine" et ce n’est pas être raciste que d’admettre que les deux notions de civilisation occidentale et de race blanche se recouvrent. Il y a un racisme "parfaitement acceptable" qui est de reconnaître "qu’il y a des races, et que quand vous êtes en présence d’une race, vous êtes en présence d’une réalité". La ségrégation raciale, "dans l’égalité et la dignité", bien que n’étant plus possible dans les sociétés modernes, lui paraît le meilleur moyen de protéger la race blanche des races de couleur. Il lui est difficile d’admettre une égalité totale entre les races : en 1948, il juge que les États-Unis ont "montré quelque légèreté en instituant une ONU dans laquelle les votes relevant de la race blanche, de la civilisation occidentale (…) ne sont probablement pas la majorité". Du début du siècle jusqu’à ses derniers écrits, l’œuvre de Siegfried se fait ainsi encore largement l’écho des thématiques traditionnelles de la pensée raciale fin de siècle : psychologie des peuples, hérédité raciale, idée de hiérarchie et d’inégalité des races, scepticisme face à l’éducation des races de couleur, lenteur de l’évolution intellectuelle des races. À cette culture, issue de la raciologie de la fin du siècle précédent, s’ajoutent des thématiques plus spécifiques à l’entre-deux guerres. Le thème du déclin de la civilisation occidentale et de la race blanche face au "flot montant des races de couleur", qui apparaît au lendemain de la Grande Guerre et qui connaît un succès notable durant l’entre-deux-guerres, est omniprésent dans les écrits de Siegfried, et ce jusque dans les années Cinquante. De même, la question des politiques d’immigration et l’idée de sélection en fonction de la capacité d’assimilation des peuples prennent, dans l’entre-deux-guerres, une grande place aux États-Unis, comme en Europe. Siegfried, on l’a vu, n’y échappe pas. Cette question de l’assimilation demeure encore fortement liée à une vision raciale de l’altérité : l’hérédité raciale facilite ou entrave l’assimilation des races. Si Siegfried entend se rattacher à la tradition humaniste de la France, il rappelle qu’on ne peut oublier "que l’assimilation à ses lois et qu’on ne peut en brûler les étapes". ». On voit que le mythe du supposé "grand remplacement" n'est vraiment pas nouveau ni le thème politique de l'immigration utilisé à des fins électorales !

    À partir de 1934, André Siegfried a collaboré régulièrement au quotidien "Le Figaro" et, entre 1953 et 1956, à la revue d'art et d'histoire, mensuelle, "L'Échauguette", où il écrivait aux côtés de Paul Morand, André Maurois, Henri Mondor, sous la direction de Paul Claudel. Il fut l'auteur d'une œuvre composée de près de 90 ouvrages principalement des essais et des analyses diverses et variées.

    La consécration professionnelle et littéraire a eu lieu d'abord en 1932 avec son élection à l'Académie des sciences morales et politiques, au fauteuil numéro 4 (celui de Paul Deschanel) de la section II (Morale et Sociologie), puis le 12 octobre 1944 à l'Académie française (élu en même temps que deux autres nouveaux membres, dont le grand physicien Louis de Broglie), au fauteuil numéro 29, celui de Claude Bernard, Ernest Renan, et ses successeurs furent, à partir de 1960, Henry de Montherlant, Claude Lévi-Strauss et aujourd'hui (depuis 2011) Amin Maalouf.

    Il fut reçu sous la Coupole le 21 juin 1945 par le duc Auguste-Armand de La Force, un historien. Ce dernier en prit l'occasion pour citer quelques descriptions savoureuses d'acteurs politiques par le nouvel académicien : « De l’appartement de votre père, vous pouviez, le jour de l’an, apercevoir le défilé des landaus, qui, débouchant du cours la Reine, chacun avec son huissier à chaîne sur le siège, traversaient le rond-point pour se rendre de la Chambre à l’Élysée. J’ai croisé plus d’une fois ces voitures misérablement attelées, dont la mauvaise tenue indignait Anatole France. Votre père recevait les sommités de la Troisième République. Vous figuriez parmi les convives et les propos que vous entendiez vous surprenaient quelque peu. Vous nous dites, dans les pages où vous faites revivre votre père et qui sont les Mémoires charmants de votre jeunesse : "Quand il parlait d’intérêt général, de dévouement à la chose publique, mon père se faisait journellement traiter de naïf par ses invités". Comment ne pas vous croire, Monsieur, puisque vous êtes la conscience même et que, d’ailleurs, la vérité sort de la bouche des enfants ? En 1895, jeune homme de vingt ans, vous assistez, 226, boulevard Saint-Germain, dans le nouvel appartement de vos parents, à de grands dîners de parlementaires. Votre mère préside la table, seule femme au milieu de tant d’hommes. Députés et sénateurs étaient sensibles à sa bonne grâce. Son esprit animait et entraînait la conversation. Sa gaieté méridionale parvenait à dérider l’austère Brisson toujours sinistre et vêtu de noir. Quant à vous, Monsieur, vous écoutiez et vous observiez et, bien des années plus tard, vous avez crayonné, pour notre plus grand plaisir, "le petit père Goblet, râblé et rageur", avec ses favoris de neige "l’air d’un amiral sur sa dunette" ; Freycinet "menu et fluet", "immatériel et diaphane comme un saint", mais "l’œil clair et terriblement averti", "vraie souris blanche", prête à se tirer "des situations les plus inextricables" ; "Floquet, portant haut une grosse tête noble, le regard dirigé à quarante-cinq degrés vers le ciel comme un canon de soixante-quinze, toujours rasé de frais, très gentleman, très bien habillé, ressemblant à un Danton soigné". Puis ce fut un nouveau personnel gouvernemental. Vous n’avez pas manqué de l’ajouter à votre galerie de portraits. Voici Paul Deschanel "sentencieux" et d’une si impeccable tenue "que l’on disait : S’il forme un cabinet, ce sera un cabinet de toilette". Plus loin, "André Lebon avec sa barbe de fleuve", "semblant quelque Neptune échappé dans la politique" ; Poincaré "physiquement mesquin et comme étriqué, donnant une froide impression de correction et de compétence" ; Ribot "parlant, avec un léger tremblement dans la voix, des nécessités de l’ordre, des fondements de la société qui étaient ébranlés". Delcassé, d’ordinaire, venait déjeuner seul et proclamait fougueusement : "Si je parviens au pouvoir, soyez sûr que je ne me reposerai pas : la politique se fait en cherchant, non en évitant les affaires". Et vous n’avez portraituré ni les Doumer ni les Doumergue ni les Klotz ni les Leygues ni les Charles Benoist ni les Briand, qui ont passé sous vos yeux à la table de vos parents. Quel regret pour nous, Monsieur ! Votre esprit curieux s’intéressait à leurs débats. Peu d’importantes séances de la Chambre que vous ayez manquées. Je doute, cependant, que telle Mlle Hélène Vacaresco, l’illustre déléguée à la Société des Nations qui porta si haut le drapeau de la Roumanie et soutint de sa belle éloquence l’amitié française, vous ayez subi vingt-sept mille discours. ».

     

     
     


    Pour comprendre un peu mieux André Siegfried, François Goguel lui a rendu hommage, à l'annonce de sa disparition, dans "La Revue Française de Science Politique" que l'immortel avait lancée en 1951 et dirigée jusqu'à sa mort : « Dans un texte daté du 3 mars 1946, André Siegfried écrivait : "Trois maîtres ont exercé sur ma formation une influence décisive : Izoulet, mon professeur de philosophie, m'a donné le goût des idées générales ; Seignobos m'a enseigné le réalisme psychologique politique ; Vidal de La Blache m'a fait comprendre, du moins je l'espère, l'esprit profond de la géographie". Il y a dans cette triple référence une indication profondément significative : dès l'origine, André Siegfried s'est voulu étranger aux cloisonnements traditionnels entre disciplines prétendument distinctes : il se sentait la fois philosophe, historien et géographe. Fort important est également le fait que son éducation ait été très loin d'être purement livresque ou théorique. C'est à son père (…) qu'il dut certainement le goût du concret, la soif de l'observation qui caractérisent sa méthode intellectuelle. ».

    Et François Goguel de citer à nouveau André Siegfried dans son "Tableau des partis en France" publié en 1930 (éd. Grasset) : « Pour recueillir les faits, comment procéder ? J'ai pratiqué toute ma vie une règle dont je ne saurais jamais me départir : aller voir sur place, c'est-à-dire voyager. Tout m'est apparu toujours comme un voyage. Je crois effectivement que le voyage n'est autre chose un état esprit à base de curiosité. J'ai impression d'être en voyage à un kilomètre de chez moi aussi bien qu'à dix mille, dans le XIIIe arrondissement aussi bien qu'à New York, à Samoa ou au Pérou. Je n'aime en somme parler que de ce que j'ai vu. L'atmosphère se respire et cela est irremplaçable. Une escale de deux heures dans un port m'en apprend davantage que de longues lectures. C'est peut-être un peu mélancolique pour quelqu'un qui a écrit beaucoup de livres sur les pays étrangers... Faut-il partir dans un état ignorance ou bien ne s'embarquer après s'être fortement documenté sur les pays qu'on va visiter ?... Le système que je propose consiste à connaître les faits essentiels, ou peut-être même à faire une hypothèse. Mais attention : à condition d'être toujours prêt à l'abandonner comme un échafaudage qu'on abat après avoir construit la maison. Est-il permis d'avoir de la passion ? Elle est nécessaire à la compréhension car elle est la vie même. Ce n'est pourtant qu'une première étape, car l'intelligence ensuite doit débrayer, continuer seule, libérée de toute participation et de toute violence... Les faits sont si nombreux qu'il n'est pas question de les connaître tous. Les plus simples seront ceux sur lesquels on pourra le mieux raisonner. ».

    Du reste, Christophe Le Digol, maître de conférences en science politique à l'Université Paris-Nanterre, expliquait aussi le 9 février 2016 dans "Le Figaro" : « André Siegfried était convaincu que “même l'enfer a ses lois”. Et s'appuie sur l'hypothèse qu'il existe des lois générales qui dominent le désordre des faits particuliers et qu'elles se différencient des explications habituellement proposées par les hommes politiques ou les commentateurs les plus avertis. ».

    Dans son livre "Tableau politique de la France de l'Ouest sous la Troisième République" (1913), André Siegfried s'était en particulier intéressé à la Vendée : « L’attachement du peuple à son clergé demeure entier  ; l’effort de la noblesse pour conserver sa suprématie reste couronné de succès. Pour provoquer une transformation de ce milieu, il y faudrait une destruction complète de la grande propriété en même temps qu’une révolte générale contre le pouvoir électoral du prêtre. La Vendée reste donc en marge de la France politique moderne, dont, à la lettre, elle n’est pas contemporaine. Le régime moderne a pu y établir des fonctionnaires, y imposer des lois, y tracer des routes pour y introduire, comme en pays étranger, ses conceptions officielles de la société et du gouvernement. Mais les routes morales qui mènent de France en Vendée sont désertes comme les routes militaires de Napoléon ; plusieurs lois restent lettre morte dans un milieu qui les repousse ; et les fonctionnaires, isolés dans leurs postes ainsi qu’un corps d’occupation, y restent socialement des étrangers. Entre la France démocratique du Centre ou du Sud-Ouest et cette première marche de l’Ouest, il y a tout au plus contact, il n’y a pas pénétration. ».

    À l'occasion du centenaire de la naissance d'André Siegfried, l'historien Jacques Chastenet lui a rendu hommage le 26 mai 1975, sous la Coupole, en commençant par cette description physique : « La taille élevée, les épaules larges, point de ventre, les cheveux blond cendré, une courte moustache surmontant une bouche bien dessinée, l’œil clair, la physionomie habituellement souriante, parfois narquoise, le geste rare, la démarche souple : tel, presque jusqu’au terme de sa vie, apparaissait André Siegfried. ».

    Et il terminait sa biographie verbale ainsi : « Certains problèmes d’ordre métaphysique, problèmes dont il s’était jusqu’ici peu occupé, commencent à se poser à lui. Croyant sincère, très lié avec d’éminents pasteurs, il n’était guère pratiquant et la religion n’occupait dans son œuvre qu’une place secondaire. Pourtant, dès 1951, il collabora à une importante publication : "Les Forces religieuses et la Vie politique". En 1958, il donne un ouvrage : "Les Voies d’Israël, Essai d’interprétation de la Religion juive", qui témoigne de préoccupations nouvelles. Son dernier livre toutefois, qui ne paraîtra qu’après sa mort, reste dans sa ligne habituelle. Il est intitulé : "Itinéraire de contagions, Épidémies et Idéologies". En 1958, Siegfried va encore nager au voisinage du Cap d’Antibes. En 1959, un mal incurable s’installe soudain dans son organisme. Bientôt il se voit condamné à l’immobilité, son cerveau demeurant entièrement lucide. La tendresse de sa femme et celle de sa fille adoucissent son glissement vers la mort. Elle survient au bout de quatre mois. Il a quatre-vingt-quatre ans. Je ne suis pas certain que notre époque violente et tourmentée favorise l’éclosion d’un autre Siegfried, savant objectif, impartial, irradiant la clarté en même temps passionné par les formes, les sons et les couleurs. Il était le très haut représentant d’un monde menacé d’effondrement. Inspirons-nous cependant de sa lucide fermeté pour ne pas désespérer et disons-nous, après Claudel, que "le pire n’est pas toujours le plus sûr". ».

    Le 25 octobre 1945, André Siegfried a prononcé un discours à l'Académie française sur la continuité de la langue et de la civilisation françaises : « Je me suis souvent demandé ce dont, dans la contribution de la France à la civilisation, je suis le plus fier, et, dans ma réponse, je n’hésite pas : je placerais tout au centre la confiance magnifique du Français dans l’intelligence humaine. Nous croyons, spontanément et de toute notre force, qu’il y a une vérité humaine, la même pour tous les hommes, appartenant donc à tous les hommes, et que, cette vérité, l’intelligence peut la comprendre, la parole l’exprimer. À nos yeux, une pensée n’existe que si elle peut être exprimée ; jusque-là elle n’est que virtuelle. Pour lui donner la forme qui sera la condition nécessaire de son être, nous faisons confiance, confiance entière à notre langue. Ainsi le Français ne respecte intellectuellement que ce qui est clair, libéré du chaos. Là réside sans doute la différence profonde, essentielle, qui sépare la pensée française de la pensée allemande et même, plus généralement, de la pensée nordique ou anglo-saxonne. L’Allemand s’estime profond quand il eut obscur, il se plaît même à opposer cette obscurité à notre clarté. ».


    D'autres échantillons de la pensée d'André Siegfried sont notamment dans son livre "L'Âme des peuples" publié en 1950 (chez Hachette), où l'on comprend son positionnement politique et sociologique. Ainsi : « Ce Français, qui vote en doctrinaire intransigeant de la gauche, c'est souvent le même qui, dans la défense de ses intérêts, glisse à l'égoïsme le plus absolu, et le fait que cet égoïsme est familial n'en change pas au fond le caractère. Ce communiste propriétaire, et combien n'en connaissons-nous pas, est prêt à défendre âprement sa propriété : il trouverait scandaleux qu'on lui imposât le régime du kolkhoze ! Et tous ces gens qui votent, avec conviction, avec passion, pour les nationalisations, nous voyons bien qu'ils se méfient de l'État et que, quand il s'agit de choses qu'ils estiment sérieuses, c'est sur eux-mêmes qu'ils comptent en somme. ».

    La dépense publique sans fond, André Siegfried a bien compris le talon d'Achille de toute politique publique : « Ainsi donc le Français, quand il recourt à la puissance publique, se trouve-t-il tenté de la considérer, non comme une entreprise dont il est l'associé solidaire, mais comme une vache à lait dont il faut tirer pour lui le maximum. (...) Le rentier social croit encore que la caisse de l'État est sans fond, que l'industrie nationalisée peut sans inconvénient tourner indéfiniment à perte. Il lui faudra une difficile éducation pour comprendre qu'en l'espèce il n'est pas en somme, comme il le croit, un obligataire, mais l'actionnaire d'une grande société qui est la France elle-même. En attendant, avec des dons merveilleux, avec une dépense étonnante de talent, et du reste aussi de dévouement, ce qui nous frappe surtout en France, c'est l'inefficacité de la vie publique faisant contraste avec l'efficacité de l'individu. ».

    L'âme française : « Tout le bien et tout le mal, toute la grandeur et toute la faiblesse de la France viennent de sa conception de l'individu : conception splendide, éventuellement aussi pathologique. Il s'agit d'abord d'une revendication d'indépendance, essentiellement d'une revendication d'indépendance intellectuelle. Le Français prétend penser et juger par lui-même, il ne s'incline devant aucun mandarinat et par là il est profondément non conformiste, anti-totalitaire. S'il lui arrive de suivre fanatiquement, aveuglément une consigne, en sacrifiant délibérément tout esprit critique, c'est par dévouement fanatique à un principe, à un système, à une politique, mais ce n'est pas, comme chez l'Allemand, par tempérament d'obéissance. En Amérique on obtient tout de l'individu au nom de l'efficacité, c'est au nom d'un principe qu'on peut tout demander au Français. À cet égard, la pensée française, que ce soit sous l'angle de la critique ou sous l'angle du fanatisme idéologique, peut apparaître, à juste titre, non seulement comme un instrument de libération, mais comme un ferment dangereux, éventuellement révolutionnaire. ».


    L'individualisme : « Dans l'association, le Français a toujours le sentiment qu'il apporte plus qu'il ne reçoit, et c'est un mauvais associé, mais l'Allemand reçoit et a conscience de recevoir du groupe plus qu'il ne lui donne. ».

    On s'étonnera des préjugés, clichés et surtout, généralités qu'André Siegfried a pu commettre dans toute son œuvre. Comme l'expliquait Carole Reynaud-Paligot (plus haut), cette œuvre est imprégnée de stéréotypes de la fin du XIXe siècle, en particulier racistes (ne serait-ce que parce qu'il n'y a, biologiquement et génétiquement, pas de races humaines), et qu'en ce sens, elle est très datée. Il n'en demeure pas moins qu'il reste une référence à tous les politologues d'aujourd'hui et aussi, à tous les experts en sondage qui peuplent aujourd'hui les plateaux de télévision.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 avril 2025)
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    Pour aller plus loin :
    André Siegfried.
    Boualem Sansal.
    Robert Badinter.
    De Gaulle.

    Natacha Polony.
    Alain Finkielkraut.
    Éric Zemmour.
    Clémentine Autain.
    Ségolène Royal.

    Pierre Dac.
    Julien Dray.
    Jean-Louis Debré.
    Jean-François Kahn.
    Axel Kahn.
    Philippe Val.
    Sophia Aram.
    Claude Allègre.
    Hubert Reeves.
    Alain Peyrefitte.
    Jean-Pierre Elkabbach.
    Patrick Cohen.
    Fake news manipulatoires.
    Bernard Pivot.
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Yves Montand.
    Jean Lacouture.
    Marc Ferro.
    Dominique Baudis.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Christine Angot.
    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
    Alain Duhamel.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250421-andre-siegfried.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/andre-siegfried-pere-de-la-259608

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/19/article-sr-20250421-andre-siegfried.html


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  • Soumy : grâce musicale versus vulgarité brutale

    « La version russe du cessez-le-feu se résume à un dimanche sanglant. Il faut aider l’armée ukrainienne. » (Donald Tusk, Premier Ministre polonais, le 13 avril 2025).




     

     
     


    Quel scandale ! On mesure, à quel point, en France et ailleurs, certaines officines ont été complètement dévoyées sur le sens des mots (ce n'est pas nouveau et il y a eu d'admirables auteurs pour décrire ce phénomène particulièrement éloquent).

    Les deux bombardements meurtriers qui ont été décidés par l'armée russe de Vladimir Poutine a touché la population civile ukrainienne dans la matinée du dimanche 13 avril 2025, en pleine cérémonie des Rameaux, fête chrétienne, à Soumy (Sumy).

    Ces deux missiles balistiques visaient la population civile et a atteint son objectif puisque 35 personnes ont été massacrées, dont deux enfants, et 117 personnes blessées. Selon la CNN, c'est l'attaque la plus meurtrière d'une zone civile depuis le début de l'année.


    La ville de Soumy est une ville d'environ 260 000 habitants située au nord-est de l'Ukraine, à 30 kilomètres de la frontière russe, à 140 kilomètres de Kharkiv et à 130 kilomètres de Koursk (du côté russe).

    Des images d'apocalypse ont marqué la population, comme ce bus rouge en plein centre-ville, frappé par un missile et complètement calciné (aucun passager n'a survécu), ou ces habitants qui circulaient nombreux dans les rues du centre-ville.
     

     
     


    À écouter ces poutinolâtres adorateurs du massacre des peuples, ce nouveau massacre serait la faute de Volodymyr Zelensky, le Président ukrainien. On marche véritablement sur la tête, dans des inversions accusatoires complètement absurdes, surtout depuis que Donald Trump a retrouvé la Maison-Blanche. Rappelons que d'un côté, il y a un peuple, ukrainien, qui n'aspire qu'à la paix, qui n'a jamais eu de velléités agressives vis-à-vis de son voisin russe, dont on dit que les habitants sont leurs frères, et de l'autre, un autocrate (je ne confond bien sûr pas le peuple russe des oligarques russes), assoiffé de sang, et affamé de nouvelles conquêtes territoriales pour faire sa Grande Russie et surtout, maintenir le pouvoir de sa clique de voyous.
     

     
     


    L'explication foireuse de Moscou, officiellement, c'était qu'une réunion de militaires aurait été visée, mais ces deux missiles balistiques, peut-être équipés de sous-munitions (destinées à faire le plus de morts possible) comme c'était le cas dans d'autres bombardements, visaient pourtant bien des civils et à ce jour, aucune des victimes ne semblait porter l'uniforme militaire. Et si c'était vrai, l'armée russe aurait pu avoir la décence de présenter ses excuses pour tant de civils massacrés. Bien sûr, les deux gamins qui sont morts étaient des militaires dangereux pour l'armée russe...
     

     
     


    Trois jours de deuil ont été décrétés en Ukraine pour rendre hommage aux victimes. Elles méritent toutes notre compassion pour cette guerre folle issue d'une folie guerrière propre au siècle dernier (on connaît tellement bien la leçon). Plus les États-Unis se montrent mous voire lèche-derrière (je réemploie le vocabulaire de leur Président) vis-à-vis de Vladimir Poutine, plus l'autocrate du Kremlin se montre cruel et gourmand au dépens des Ukrainiens.

    Le procureur général de Soumy a annoncé que parmi les victimes se trouvaient un garçon de 11 ans et un jeune homme de 17 ans qui ne demandaient qu'à vivre. Maryna Choudessa aussi est morte, avec sa mère : elle était institutrice et ses petits écoliers sont aujourd'hui traumatisés par sa disparition. Lioudmyla a, de son côté, déploré la mort de sa mère, Tetiana Kvacha, qui avait décidé de prendre le bus qui a été touché, ce qu'elle faisait pourtant rarement. Mauvais destin. Voulu par Vladimir Poutine et ses sbires (y compris ceux de la désinformation).
     

     
     


    Parmi les victimes, il y avait aussi la musicienne Olena Kohut, organiste soliste à l'Orchestre philharmonique de Soumy et membre de l'Orchestre du Théâtre national de Soumy, également universitaire, enseignant dans une école d'art. Elle était reconnue pour sa maîtrise musicale (piano et orgue) et son dévouement au développement des jeunes talents.

    En tant qu'organiste soliste, elle interprétait des mélodies qui captivaient le public et ses prestations avaient une immense portée culturelle. Olena Kohut a aussi interprété l'hymne ukrainien dans plusieurs églises à travers l'Europe pour promouvoir la culture ukrainienne.


    Ses collègues du Théâtre national de Soumy ont exprimé sur Facebook leur grande affliction : « Le 13 avril 2025, à la suite d’une frappe de missile russe, notre famille du théâtre a subi une douleur indescriptible. Les blessures infligées ont tué notre collègue, artiste du théâtre orchestral, Olena Kohut. Olena était une personne extrêmement brillante, une véritable professionnelle, une collègue sympathique et une amie fiable. Sa musique, son sourire, sa gentillesse resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Nous adressons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à ses amis. Nous partageons votre douleur et votre chagrin. Souvenirs joyeux et respect éternel. ».

    « Une perte irréparable pour notre collectif, pour toute la communauté musicale, pour tous ceux qui ont connu et apprécié Olena en tant qu’artiste et personne », pour ses amis de l'Orchestre philharmonique de Soumy.

    Les auteurs d'autres condoléances ont rappelé : « Camarades et élèves se souviennent d'Olena comme d'une personne qui transmettait non seulement ses connaissances, mais aussi son humanité, sa gentillesse et son optimisme. Elle savait libérer le potentiel de chaque élève et apportait un soutien sincère à ses élèves. ».
     

     
     


    Il ne faut pas l'oublier, il ne faut pas les oublier, toutes ces victimes ukrainiennes meurtries dans leur chair et leur territoire. Le criminel de guerre sera jugé. Il payera. Rien ne sera oublié. C'est le destin de tous les auteurs du terrorisme, fût-il terrorisme d'État. Et honte à tous ceux qui justifient ces morts !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Soumy : grâce musicale versus vulgarité brutale.
    Moonraker.
    Olena Kohut.
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    3 ans de guerre en Ukraine.
    Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !
    L'aide de la France à l'Ukraine le 6 juin 2024.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Débat parlementaire sur l'Ukraine : les masques tombent en France !
    Ukraine : Sophia Aram traite à la sulfateuse les néopacifistes à la notoriété déclinante !
    L'Europe face à Poutine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    Jean-Pierre Chevènement et ses relations avec la Russie.
    François Fillon et ses relations avec la Russie.
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
    2 ans de guerre en Ukraine : Poutine zéro en histoire !
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Lee Marvin, les Douze Salopards et la Russie.
    La France Unie soutient l'Ukraine !
    Condoléances cyniques.
    Mort d'Evgueni Prigojine.

    Sergueï Kirienko.
    Victoria Amelina.

    L'effondrement du pouvoir de Poutine.
    Putsch en Russie : faut-il sauver le soldat Poutine ?
    Poutine en état d'arrestation !
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    Kherson libéré, mais menace nucléaire ?

    Volodymyr Zelensky demande l'adhésion accélérée de l'Ukraine à l'OTAN.
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Les massacres de Boutcha.
    Le naufrage du croiseur russe Moskva.
    L’assassinat de Daria Douguina.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    L'avis de François Hollande.
    Les valeurs valent mieux que les bénéfices !
    Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine.
    Ukraine en guerre : coming out de la Grande Russie.
    Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
    Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250413-soumy.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/soumy-grace-musicale-versus-260468

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/14/article-sr-20250413-soumy.html


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  • Jean-Louis Debré : République, fidélité, humour et amour de la France

    « Mon engagement politique fut au service de la République. La République qui est dans le sang de mes ancêtres. (…) La République qui est notre ambition, notre idéal, notre bien commun, celle d’une aspiration profonde à la liberté. (…) Il faut l’aimer. » (Jean-Louis Debré cité par Yaël Braun-Pivet le 4 mars 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    L'ancien Président de l'Assemblée Nationale Jean-Louis Debré a été enterré ce lundi 10 mars 2025 dans la cathédrale Saint-Louis-des-Invalides à Paris et a été inhumé au cimetière du Montparnasse. Il est mort le 4 mars 2025 à l'âge de 80 ans.

    Beaucoup de monde était présent aux funérailles présidées par Mgr Antoine de Romanet, l'évêque aux armées, mais la famille avait refusé les places réservées, ce qui a fait une absence de protocole, dans un joli désordre tout jean-louis-debrésien, si j'ose écrire ainsi. Parmi les présents, beaucoup de gaullistes et d'ancien UMP, mais aussi des centristes, des socialistes, etc. Notamment : le Premier Ministre François Bayrou, son prédécesseur Michel Barnier, l'ancien Président de la République François Hollande, Claude Chirac (la fille de l'ancien Président), François Baroin, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Jean-Pierre Raffarin, Michèle Alliot-Marie, Roselyne Bachelot, Alain Juppé, Jacques Toubon, Frédéric de Saint-Sernin, Henri Guaino, etc. En revanche, Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron étaient absents.

    Dans un article publié le 11 mars 2025 dans "Le Monde", la journaliste Solenn de Royer constatait, avec cet enterrement, que c'était « la fin d'un monde ». Il suffisait de voir tous ceux qui assistaient à cet office. Henri Guaino, qui donna le ton à la campagne de Jacques Chirac en 1995, celui de la « fracture sociale », a parlé d'un « monde qui disparaît », celui qui fait la politique à l'ancienne, sans réseaux sociaux, sans chaîne d'information continue, avec des partis, avec des programmes, avec des courriers aux militants, avec des déclarations à l'Assemblée.

    On a l'habitude de dire que la mort d'une personne, c'est une bibliothèque qui brûle. Avec Jean-Louis Debré, c'est carrément une institution qui disparaît.


    Comment ne pas associer en effet Jean-Louis Debré à la Constitution de la Cinquième République qui était, en quelque sorte, sa sœur puisque lui et elle ont eu le même père, Michel Debré (c'est ce qu'il s'amusait à dire). Mais ce n'est pas seulement le lien filial qui a fait que Jean-Louis Debré était lui-même toute une institution, c'était aussi son parcours, Ministre de l'Intérieur pendant deux ans, Président de l'Assemblée pendant cinq ans et Président du Conseil Constitutionnel pendant neuf ans. C'étaient aussi ses fidélités, De Gaulle et Jacques Chirac. C'était aussi sa personnalité, très indépendante, chaleureuse mais n'hésitant pas à dire ce qu'il pensait de ses contemporains (il a beaucoup critiqué Emmanuel Macron ; est-ce la raison pour laquelle le chef de l'État n'était pas présent à ses obsèques ?), et dotée d'un grand sens de l'humour.

     

     
     


    Lorsqu'il présidait le Conseil Constitutionnel, il a eu à "gérer" la présence, à ses côtés, de deux anciens Présidents de la République, Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing, et il aimait raconter, tout amusé, la mesquinerie que ces deux vieillards de la République avaient l'un pour l'autre, en imitant leur voix bien entendu !
     

     
     


    Un amusement confirmé par Alain Juppé dans une interview par "Le Monde" le 7 mars 2025 : « Et un homme plein de vie et d’humour. Ses imitations de Chirac et de Giscard, du temps où les anciens Présidents venaient au Conseil Constitutionnel, étaient hilarantes ! ».





    L'homme aimait la vie, aimait fumer des cigares, s'était réinventé à l'âge de 76 ans en devenant jeune comédien sur les planches d'un théâtre, et surtout, avait l'obsession de « ne pas devenir vieux » !

    Au cours de la cérémonie, Guillaume Debré, le fils aîné de Jean-Louis, qui avait 19 ans en 1995, se demandait pourquoi son père n'avait pas lâché Jacques Chirac, très bas dans les sondages, pour Édouard Balladur. Réponse de l'intéressé : « Ceux qui l’ont trahi sont tellement mal à l’aise. Moi, je sais qui je suis. Et quand je me regarde dans la glace, je me sens bien. ». C'était cela, l'indépendance d'esprit, une liberté, des convictions. Sa fidélité permanente à Jacques Chirac depuis 1973 ne l'a d'ailleurs pas empêché de soutenir Jacques Chaban-Delmas en 1974 alors que son mentor avait tout fait pour le faire battre. Fidélité et convictions, qui, parfois, peuvent s'opposer.

    Je propose ici quelques hommages qui ont été exprimés lors de l'annonce de la disparition de Jean-Louis Debré.


    Le Président de la République Emmanuel Macron, dans un communiqué publié le 4 mars 2025, a réagi ainsi : « Il incarnait pour les Français le sens de l'État, un humanisme intransigeant, la fidélité aussi au Président Jacques Chirac. (…) Jean-Louis Debré avait avec vaillance poursuivi l’héritage de son père, Premier Ministre, pour défendre une espérance française, dans la force de son droit, dans son exigence de générosité envers tous. (…) Longtemps, le jeune homme chercha sa voie, et son père dépêcha Pierre Mazeaud pour le conduire vers des études de droit. (…) Docteur en droit public trois ans plus tôt, il devint [en 1976] magistrat, chargé des affaires de terrorisme. Dans ses fonctions, il apporta à la justice son tempérament, mélange d’humanité et de fermeté, de mesure et d’intransigeance. ».

     

     
     


    Le chef de l'État a souligna l'importance de Jean-Louis Debré à la tête du Conseil Constitutionnel avec l'arrivée des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) : « Pendant neuf ans, Jean-Louis Debré présida une institution qui vécut des transformations profondes, avec l’arrivée de la question prioritaire de constitutionnalité, son plus grand accès à tous les justiciables, son rôle accru dans la vie de la Nation. Avec une liberté de ton, la profondeur de son expérience, l’exigence de sa sagesse, il fut le visage de cette institution imaginée un demi-siècle plus tôt par son père. ». Et il a conclu ainsi : « Les Français le suivaient ainsi tel qu’il était, avec son art du récit, sa gourmandise de mots, sa bonhomie. ».

    Au début de la séance publique du mardi 4 mars 2025 à 15 heures, la Présidente de l'Assemblée Yaël Braun-Pivet a rendu hommage à Jean-Louis Debré et proposé une minute de silence : « La Ve République a perdu ce matin l’un de ses plus grands défenseurs et serviteurs. Issu d’une famille illustre, député, ministre, Président de l’Assemblée Nationale, Président du Conseil Constitutionnel : sa carrière fut en tout point exceptionnelle. C’est d’abord vers les prétoires qu’elle se tourna. Après une capacité puis une thèse en droit, Jean-Louis Debré devint, en 1971, assistant à la faculté de droit de Paris, puis magistrat et juge d’instruction. Chargé des affaires de grand banditisme, il tirera de ces années une source d’inspiration inépuisable pour les polars qu’il écrira ensuite. Mais revenons en arrière, en 1967. Alors que Jean-Louis Debré a 23 ans, une rencontre va changer sa vie : il fait alors la connaissance de Jacques Chirac, "mon Chirac", comme il l’appelait affectueusement. Ainsi naquit une amitié personnelle marquée par une fidélité politique indéfectible. Du ministère de l’agriculture, en 1973, au soir de la vie du président Chirac, lorsque Jean-Louis Debré lui remontait le moral dans les bars du 6e arrondissement, les deux hommes furent toujours liés, toujours alliés. C’est donc par Jacques Chirac que Jean-Louis Debré entre en politique. ».


     

     
     


    Son lieu privilégié était le Palais-Bourbon : « C’est cependant à l’Assemblée, ici même, depuis ce même perchoir, que Jean-Louis Debré aura connu, selon ses mots, "cinq ans de bonheur absolu". Président malicieux, Jean-Louis Debré était surtout un Président rigoureux, amoureux de cette institution dont il fut l’élève et l’architecte. Cette histoire d’amour commence tôt, lorsqu’enfant, il accompagnait son père au Palais-Bourbon. Il en profitait alors pour faire du patin à roulettes dans les couloirs, à la grande frayeur des huissiers. Président de l’Assemblée Nationale, il en connaissait tous les rouages, tous les passages, tous les secrets. Mais surtout, il connaissait l’essence de sa fonction de Président : être impartial pour, selon ses mots, "incarner l’Assemblée dans toutes ses composantes, et être le protecteur des droits de l’opposition". Estimé et respecté bien au-delà de son propre camp, il fut ainsi reconnu pour ce qu’il était : un homme droit, intègre, attaché au pluralisme républicain. Il était aussi et surtout un politique qui aimait les gens et qui s’intéressait à eux. Un homme simple, un homme bien, qui avait l’art du lien. Je peux en témoigner, puisqu’il fut toujours avec moi d’une grande bienveillance et d’un soutien indéfectible. Comme nombre d’entre vous, je le croisais souvent ici, à l’Assemblée, lorsqu’il arpentait les couloirs en guide passionné, se faisant auprès du jeune public autant conteur que passeur. Jean-Louis Debré, c’était donc un homme de cœur, mais c’était aussi un homme d’esprit et d’humour. À l’Assemblée même, il se permit quelques facéties. À la boutique, dont il eut l’idée, il avait même dessiné et conçu des peignoirs floqués du slogan "Mouillez-vous avec les politiques" ou des tabliers estampillés "Cuisine électorale". ».

    Au Conseil Constitutionnel : « Il fut le président de la QPC, question prioritaire de constitutionnalité, fit grandir cette réforme, ouvrit les portes du Conseil Constitutionnel aux avocats et aux justiciables. Sous sa Présidence, le Conseil devint pleinement, selon ses mots, "le bouclier qui préserve de toute atteinte à des droits et libertés". ».

    Et de conclure de cette façon : « Jean-Louis Debré était un amoureux de la République. Un amoureux d’une République qu’il voulait libre et laïque, qu’il voulait ardente, vibrante, vivante. Un amoureux de ces Mariannes auxquelles il était si attaché, c’est lui qui créa à l’Assemblée le salon des Mariannes et qui fit placer dans une niche du salon Delacroix le buste de Marianne à la place du trône de Louis-Philippe. En évoquant Marianne, la République, le Président Jean-Louis Debré paraphrasait souvent Ernest Renan : la République, disait-il, est "un rêve d’avenir partagé". Mais ces derniers temps, il ajoutait un avertissement inquiet : "Il faut faire en sorte que la République ne meure pas". ». Il avait d'ailleurs une grande collection de bustes de Marianne.
     

     
     


    Le Premier Ministre François Bayrou a répondu à Yaël Braun-Pivet par cet autre hommage dans l'hémicycle, le 4 mars 2025 : « Le premier mot qui me vient à l’esprit, au nom du gouvernement, est celui de reconnaissance, reconnaissance pour la personnalité qu’il était, pour le parcours exceptionnel qui fut le sien. S’il fallait trouver un adjectif pour qualifier le chemin de Jean-Louis Debré, ce serait sans aucun doute "républicain". Il était profondément attaché aux principes de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité, qu’il a servis et honorés durant toute sa carrière, toute sa vie. Un autre mot qui le définit est celui de fidélité, cette fidélité dont il a fait preuve dans tous ses engagements, politiques comme personnels, notamment, vous l’avez rappelé, auprès de Jacques Chirac. Tout au long de sa vie, il a servi une certaine idée, une idée, si je puis dire, presque chevaleresque, de ce qu’étaient l’engagement et la responsabilité politiques, qu’il ne séparait pas de l’engagement personnel et affectif ; une certaine idée de la République, mais aussi de la vie : une vie dans laquelle on ne s’abaisse pas, surtout pas à trahir ceux qu’on aime et avec qui on se bat. Le troisième et dernier mot qui me vient à l’esprit est celui d’amour : l’amour de la France, qu’il ne dissociait jamais de l’amour de la République. Il voyait dans le long chemin des institutions qu’il a servies, non seulement depuis votre fauteuil, Madame la Présidente, mais aussi depuis la Présidence du Conseil Constitutionnel, un parallèle avec l’aventure nationale à laquelle il avait dédié toute sa vie. Enfin, vous l’avez souligné, c’était un homme qui, tout engagé qu’il fut, ne se départait jamais d’un certain humour, d’une pointe d’ironie dans les yeux. Moi qui ai siégé à ses côtés au conseil des ministres pendant des années, je garde le souvenir précis de l’esprit qu’il déployait au service de ses collègues et de ses contemporains, parfois en les égratignant quelque peu. Cette manière de voir le monde, où l’on pouvait être fidèle en tout sans être dupe de rien, était une marque de fabrique de sa personnalité. Cet homme nous manquera. Sa fidélité restera un modèle et son humour sera pour nous une leçon de vie. ».

    Le même jour, 4 mars 2025, au début de la séance publique de 16 heures 30, le Président du Sénat Gérard Larcher a également proposé une minute de silence pour Jean-Louis Debré : « Évoquer Jean-Louis Debré, c’est honorer la mémoire d’un grand serviteur de la Ve République. Son père, Michel Debré, Premier Ministre du Général De Gaulle, père de la Constitution, lui transmit les valeurs du gaullisme, auxquelles il restera attaché toute sa vie et qu’il défendra aux côtés de Jacques Chirac. (…) Le fils de celui qui fut le père de la Constitution veillera à ce qu’elle soit appliquée avec la plus grande rigueur. Présidant le Conseil Constitutionnel de 2007 à 2016, Jean-Louis Debré s’est attaché à ce que puisse être adoptée et que se déploie la procédure de la question prioritaire de constitutionnalité. Il fut vigilant quant à la protection des droits et libertés. Il fut aussi un auteur : comment ne pas évoquer son "Dictionnaire amoureux de la République" ? Il fut un passionné de théâtre. ».





    François Bayrou y a aussi apporté son hommage au Sénat, un second, donc, qui a changé un petit peu de celui, quelques minutes auparavant, rendu à l'Assemblée : « Ceux qui le connaissaient bien, j’en suis, ayant siégé à ses côtés au gouvernement pendant deux années, savent quelle personnalité attachante était la sienne. Le premier mot qui vient à l’esprit, lorsqu’on pense à lui, est celui de républicain. Il avait des formules assez drôles. Ainsi, lui qui était le fils de Michel Debré disait régulièrement qu’il était le frère de la Constitution de la Ve République, puisque Michel Debré était le père de celle-ci. Évidemment, la proximité entre cette œuvre majeure et la personnalité de Michel Debré était profondément marquante. Le deuxième mot est celui de fidèle. Qui a rencontré Jean-Louis Debré dans sa vie partagée avec Jacques Chirac sait que, au-delà des positions politiques qu’ils avaient en commun, il y avait de la part du premier à l’égard du second une fidélité joviale, amicale, chaleureuse et, à bien des moments, drôle. En effet, le troisième mot auquel on pense pour évoquer la personnalité de Jean-Louis Debré, c’est celui d’humour, dont il était profondément pétri. Il portait sur le monde, et notamment sur le monde politique, un regard amusé, ironique, informé. Il n’était guère de secret qu’il ne connût, mais cela n’empêchait pas l’indulgence qu’il avait non seulement envers ses collègues engagés en politique, mais aussi à l’égard, au fond, de la nature humaine. Cette manière, chaleureuse, de regarder le monde, était aussi remarquable au travers des œuvres littéraires qu’il produisait. De son passé de juge d’instruction, il avait retenu bien des intrigues et bien des tics de personnalité, dont il faisait la matière de ses romans policiers. Il était un homme attachant et respecté. ».


    Enfin, je termine sur le témoignage d'un autre chiraquien historique, Alain Juppé, dans un entretien accordé à Frédéric Lemaître et Solenn de Royer publié le 7 mars 2025 dans "Le Monde". Jean-Louis Debré était secrétaire général adjoint du RPR lorsqu'Alain Juppé était secrétaire général : « C’est brutal [sa disparition]. (…) Jean-Louis Debré est un ami politique, un ami tout court. (…) Nous avons cheminé ensemble. C’était un homme de convictions, gaulliste, chiraquien, d’une fidélité absolue à Chirac. C’était aussi un Président de l’Assemblée Nationale infiniment respectueux des droits de l’opposition. ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jean-Louis Debré.
    L'un des derniers gardiens du Temple.
    Enfant de la République (la Cinquième).
    Haut perché.
    Bernard Debré.
    Michel Debré.





     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250310-jean-louis-debre.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-louis-debre-republique-259807

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/12/article-sr-20250310-jean-louis-debre.html


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  • La musicienne Olena Kohut, l'une des 35 victimes massacrées à Soumy par Poutine

    « La version russe du cessez-le-feu se résume à un dimanche sanglant. Il faut aider l’armée ukrainienne. » (Donald Tusk, Premier Ministre polonais, le 13 avril 2025).




     

     
     


    Quel scandale ! On mesure, à quel point, en France et ailleurs, certaines officines ont été complètement dévoyées sur le sens des mots (ce n'est pas nouveau et il y a eu d'admirables auteurs pour décrire ce phénomène particulièrement éloquent).

    Les deux bombardements meurtriers qui ont été décidés par l'armée russe de Vladimir Poutine a touché la population civile ukrainienne dans la matinée du dimanche 13 avril 2025, en pleine cérémonie des Rameaux, fête chrétienne, à Soumy (Sumy).

    Ces deux missiles balistiques visaient la population civile et a atteint son objectif puisque 35 personnes ont été massacrées, dont deux enfants, et 117 personnes blessées. Selon la CNN, c'est l'attaque la plus meurtrière d'une zone civile depuis le début de l'année.


    La ville de Soumy est une ville d'environ 260 000 habitants située au nord-est de l'Ukraine, à 30 kilomètres de la frontière russe, à 140 kilomètres de Kharkiv et à 130 kilomètres de Koursk (du côté russe).

    Des images d'apocalypse ont marqué la population, comme ce bus rouge en plein centre-ville, frappé par un missile et complètement calciné (aucun passager n'a survécu), ou ces habitants qui circulaient nombreux dans les rues du centre-ville.
     

     
     


    À écouter ces poutinolâtres adorateurs du massacre des peuples, ce nouveau massacre serait la faute de Volodymyr Zelensky, le Président ukrainien. On marche véritablement sur la tête, dans des inversions accusatoires complètement absurdes, surtout depuis que Donald Trump a retrouvé la Maison-Blanche. Rappelons que d'un côté, il y a un peuple, ukrainien, qui n'aspire qu'à la paix, qui n'a jamais eu de velléités agressives vis-à-vis de son voisin russe, dont on dit que les habitants sont leurs frères, et de l'autre, un autocrate (je ne confond bien sûr pas le peuple russe des oligarques russes), assoiffé de sang, et affamé de nouvelles conquêtes territoriales pour faire sa Grande Russie et surtout, maintenir le pouvoir de sa clique de voyous.

    L'explication foireuse de Moscou, officiellement, c'était qu'une réunion de militaires aurait été visée, mais ces deux missiles balistiques, peut-être équipés de sous-munitions (destinées à faire le plus de morts possible) comme c'était le cas dans d'autres bombardements, visaient pourtant bien des civils et à ce jour, aucune des victimes ne semblait porter l'uniforme militaire. Et si c'était vrai, l'armée russe aurait pu avoir la décence de présenter ses excuses pour tant de civils massacrés. Bien sûr, les deux gamins qui sont morts étaient des militaires dangereux pour l'armée russe...

     

     
     


    Trois jours de deuil ont été décrétés en Ukraine pour rendre hommage aux victimes. Elles méritent toutes notre compassion pour cette guerre folle issue d'une folie guerrière propre au siècle dernier (on connaît tellement bien la leçon). Plus les États-Unis se montrent mous voire lèche-derrière (je réemploie le vocabulaire de leur Président) vis-à-vis de Vladimir Poutine, plus l'autocrate du Kremlin se montre cruel et gourmand au dépens des Ukrainiens.

    Le procureur général de Soumy a annoncé que parmi les victimes se trouvaient un garçon de 11 ans et un jeune homme de 17 ans qui ne demandaient qu'à vivre. Maryna Choudessa aussi est morte, avec sa mère : elle était institutrice et ses petits écoliers sont aujourd'hui traumatisés par sa disparition. Lioudmyla a, de son côté, déploré la mort de sa mère, Tetiana Kvacha, qui avait décidé de prendre le bus qui a été touché, ce qu'elle faisait pourtant rarement. Mauvais destin. Voulu par Vladimir Poutine et ses sbires (y compris ceux de la désinformation).
     

     
     


    Parmi les victimes, il y avait aussi la musicienne Olena Kohut, organiste soliste à l'Orchestre philharmonique de Soumy et membre de l'Orchestre du Théâtre national de Soumy, également universitaire, enseignant dans une école d'art. Elle était reconnue pour sa maîtrise musicale (piano et orgue) et son dévouement au développement des jeunes talents.

    En tant qu'organiste soliste, elle interprétait des mélodies qui captivaient le public et ses prestations avaient une immense portée culturelle. Olena Kohut a aussi interprété l'hymne ukrainien dans plusieurs églises à travers l'Europe pour promouvoir la culture ukrainienne.


    Ses collègues du Théâtre national de Soumy ont exprimé sur Facebook leur grande affliction : « Le 13 avril 2025, à la suite d’une frappe de missile russe, notre famille du théâtre a subi une douleur indescriptible. Les blessures infligées ont tué notre collègue, artiste du théâtre orchestral, Olena Kohut. Olena était une personne extrêmement brillante, une véritable professionnelle, une collègue sympathique et une amie fiable. Sa musique, son sourire, sa gentillesse resteront à jamais gravés dans nos mémoires. Nous adressons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à ses amis. Nous partageons votre douleur et votre chagrin. Souvenirs joyeux et respect éternel. ».

    « Une perte irréparable pour notre collectif, pour toute la communauté musicale, pour tous ceux qui ont connu et apprécié Olena en tant qu’artiste et personne », pour ses amis de l'Orchestre philharmonique de Soumy.

    Les auteurs d'autres condoléances ont rappelé : « Camarades et élèves se souviennent d'Olena comme d'une personne qui transmettait non seulement ses connaissances, mais aussi son humanité, sa gentillesse et son optimisme. Elle savait libérer le potentiel de chaque élève et apportait un soutien sincère à ses élèves. ».
     

     
     


    Il ne faut pas l'oublier, il ne faut pas les oublier, toutes ces victimes ukrainiennes meurtries dans leur chair et leur territoire. Le criminel de guerre sera jugé. Il payera. Rien ne sera oublié. C'est le destin de tous les auteurs du terrorisme, fût-il terrorisme d'État. Et honte à tous ceux qui justifient ces morts !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Soumy : grâce musicale versus vulgarité brutale.
    Moonraker.
    Olena Kohut.
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    3 ans de guerre en Ukraine.
    Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !
    L'aide de la France à l'Ukraine le 6 juin 2024.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Débat parlementaire sur l'Ukraine : les masques tombent en France !
    Ukraine : Sophia Aram traite à la sulfateuse les néopacifistes à la notoriété déclinante !
    L'Europe face à Poutine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    Jean-Pierre Chevènement et ses relations avec la Russie.
    François Fillon et ses relations avec la Russie.
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
    2 ans de guerre en Ukraine : Poutine zéro en histoire !
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Lee Marvin, les Douze Salopards et la Russie.
    La France Unie soutient l'Ukraine !
    Condoléances cyniques.
    Mort d'Evgueni Prigojine.

    Sergueï Kirienko.
    Victoria Amelina.

    L'effondrement du pouvoir de Poutine.
    Putsch en Russie : faut-il sauver le soldat Poutine ?
    Poutine en état d'arrestation !
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    Kherson libéré, mais menace nucléaire ?

    Volodymyr Zelensky demande l'adhésion accélérée de l'Ukraine à l'OTAN.
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Les massacres de Boutcha.
    Le naufrage du croiseur russe Moskva.
    L’assassinat de Daria Douguina.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    L'avis de François Hollande.
    Les valeurs valent mieux que les bénéfices !
    Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine.
    Ukraine en guerre : coming out de la Grande Russie.
    Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
    Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250413-olena-kohut.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/14/article-sr-20250413-olena-kohut.html


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  • Robert Badinter au Panthéon : faut-il s'en réjouir ?

    « Les lois de la vie et de la mort comme suspendue, vaincue, abolie. Alors, s’ouvre le temps de la reconnaissance de la Nation. Aussi votre nom devra s’inscrire, aux côtés de ceux qui ont tant fait pour le progrès humain et pour la France et vous attendent, au Panthéon. » (Emmanuel Macron, le 14 février 2024 à Paris).




     

     
     


    Selon une information diffusée ce mardi 8 avril 2025 dans la soirée et confirmée par l'entourage du Président de la République Emmanuel Macron, l'ancien garde des sceaux Robert Badinter, qui est mort l'année dernière, le 9 février 2024, entrera au Panthéon le 9 octobre 2025, qui est la date du quarante-quatrième anniversaire de la promulgation de la loi n°81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort.

    La panthéonisation de Robert Badinter a été envisagée dès son décès et même bien auparavant. La principale personne concernée ne s'était pas opposée, de son vivant, à cette idée, même s'il lui était pénible d'être l'objet d'honneurs publics. Il avait ainsi refusé toute décoration nationale, que ce soit l'Ordre national du Mérite ou la Légion d'honneur. Il avait été d'ailleurs un moment envisagé une panthéonisation du couple Badinter, avec également sa femme Élisabeth Badinter lors du décès de celle-ci, au même titre que l'époux de Simone Veil, Antoine Veil, a été transféré à ses côtés au Panthéon (mais je trouvais cette planification un peu morbide).

     

     
     


    Finalement, il a été conclu que Robert Badinter ira au Panthéon... sans ses cendres qui resteront inhumées là où elles se trouvent actuellement. Cela avait déjà été le cas pour Geneviève Anthonioz-De Gaulle et Germaine Tillion.

    Lors d'un hommage national à l'avocat de François Mitterrand, le 14 février 2024, Emmanuel Macron avait annoncé sa panthéonisation probable, mettant Robert Badinter aux rangs de ceux qui ont « tant fait pour le progrès humain et pour la France ».

     

     
     


    Le transfert des cendres d'une personnalité, en principe de nationalité française (mais il y a eu des exceptions), est décidée par un décret du Président de la République, sur proposition du Premier Ministre et sur rapport du Ministre de la Culture.

    Je suis toujours gêné par le principe de la panthéonisation qui est l'équivalent républicain et laïque d'une sorte de béatification voire canonisation pour les chrétiens. Il est difficile de sélectionner ceux qui devraient en être et ceux qui ne devraient pas en être, d'autant plus que cela dépend beaucoup du moment, de l'évolution de la société et aussi de la connaissance qu'on peut avoir des personnes (ainsi, l'abbé Pierre avait été souvent cité pour faire partie des prochains panthéonisés ; on se rassure qu'il ne le soit finalement pas !). On a aussi panthéonisé des maîtres de cérémonie de panthéonisation, par exemple, André Malraux pour Jean Moulin.

    Heureusement, dans un éclair à la fois de lucidité et d'extrême orgueil, beaucoup de grands personnages de l'État ont refusé de leur vivant ce genre d'hommage, le premier d'entre eux étant De Gaulle lui-même qui craignait de ne pas pouvoir se reposer en paix. Devenir comme une œuvre d'art dans un musée, visitée par des milliers de touristes, n'est pas forcément du goût de tous les macchabées qui aspirent plutôt à la tranquillité.

     

     
     


    L'idée de panthéoniser Robert Badinter a pourtant un véritable sens, celui d'avoir su, au-delà des oppositions feutrées ou même féroces (il suffit de voir les réactions ces prochains jours sur cette information ; Robert Badinter bénéficie encore d'un haut niveau de haine qui montre à quel point il fallait du courage pour aller jusqu'au bout de son projet), ...d'avoir su mener à bien l'abolition de la peine de mort qui n'est pas une question de politique pénale, ni de politique tout court, mais une question de société, de philosophie : la justice, au nom du peuple français, avait-elle le droit de supprimer des vies ? C'est un choix de société. La réponse depuis le 9 octobre 1981 est non, et le Président Jacques Chirac, qui, lorsqu'il était député, avait voté cette abolition de la peine de mort (comme d'autres personnalités de l'opposition, entre autres Philippe Séguin), a même renforcé le dispositif en rendant constitutionnelle cette abolition, ce qui reste une garantie pour tous les justiciables en France.
     

     
     


    Ainsi, on peut voir une analogie entre Simone Veil, qui a mené à bien la loi sur l'IVG en 1974-1975, et Robert Badinter la loi sur l'abolition de la peine de mort en 1981. Aucun des deux n'avait vraiment prévu la chose dans leur existence. Jean Lecanuet aurait dû le faire pour l'IVG et Maurice Faure pour la peine de mort. Les deux lois ont été, par la suite, intégrées dans la Constitution. Enfin, dernière analogie qui n'est pas sans intérêt, les deux ont connu l'atrocité des camps d'extermination (elle comme déportée ; lui, qui a failli être déporté, touché de plein fouet), y perdant chacun une partie de leur famille, ce qui en a fait des êtres toujours associés à une certaine gravité historique (les parents de Robert Badinter étaient tous les deux d'origine moldave et ont obtenu la nationalité française quelques semaines avant sa naissance).

    Ministre de la Justice de 1981 à 1986, Président du Conseil Constitutionnel de 1986 à 1995, sénateur des Hauts-de-Seine de 1995 à 2011, Robert Badinter a incarné pendant sa vie publique une certaine idée de faire de la politique, celle de l'intellectuel, celle du moraliste, mais certainement pas celle de l'ambitieux. Il a pris les chemins détournés de la politique pour suivre, paradoxalement, son ambitieux ami François Mitterrand pour qui il voua une fidélité mise parfois à rude épreuve. La République a de quoi s'enorgueillir d'avoir eu parmi ses serviteurs un homme tel que Robert Badinter. C'est parce qu'ils sont rares qu'il faut savoir les honorer et en faire des exemples républicains (sans qu'ils en soient pour autant des modèles).



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 avril 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Robert Badinter au Panthéon : faut-il s'en réjouir ?
    Élisabeth Badinter.
    Robert Badinter transformé en icône de la République.
    Hommage national à Robert Badinter le 14 février 2024 à Paris (texte intégral et vidéo).

    Robert Badinter, un intellectuel errant en politique.
    Le procureur Badinter accuse le criminel Poutine !
    L'anti-politique.
    7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
    Une conscience nationale.
    L’affaire Patrick Henry.
    Robert Badinter et la burqa.
    L’abolition de la peine de mort.
    La peine de mort.
    François Mitterrand.
    François Mitterrand et l’Algérie.
    Roland Dumas.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250408-robert-badinter.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/robert-badinter-au-pantheon-faut-260398

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/09/article-sr-20250408-robert-badinter.html


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  • Joseph Laniel : il y a du lingot dans cet homme-là !

    « On voudrait bien, ne serait-ce que par souci de ne pas être banal, comparer Joseph Laniel à autre chose qu’un bœuf. Mais cela est d’autant plus impossible qu’il semble cultiver comme à plaisir la ressemblance. Ce n’est pas assez qu’il soit massif, pesant, de membres brefs et lourds, que sa tête engoncée dans ses épaules soit presque aussi large que son poitrail, que ses gros yeux aux bords rouges aient l’air d’attendre les mouches, et que, de son museau qui mastique à l’horizontale (c’est la seule façon qu’a Laniel de ruminer), on s’étonne de ne pas voir découler un scintillant filet de bave. » (André Figueras, 1956).



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    L'ancien chef du gouvernement de la Quatrième République Joseph Laniel est mort il y a cinquante ans, le 8 avril 1975. L'occasion de revenir sur la période pendant laquelle il a dirigé la France d'une main de fer et sur l'occasion perdue de son élection à la Présidence de la République.

    Après trente-quatre années de carrière politique, tant locale que nationale, Joseph Laniel est arrivé au sommet de sa puissance lors de son investiture, le 26 juin 1953, comme Président du Conseil.

    Il dirigea l’un des gouvernements les plus longs de la Quatrième République (après Guy Mollet), du 28 juin 1953 au 12 juin 1954. Sa composition fut approuvée par les députés le 30 juin 1953. Il y avait trois Vice-Présidents du Conseil, son mentor Paul Reynaud (CNIP), Henri Queuille (radical) et Pierre-Henri Teitgen (MRP), et on pouvait retrouver (certains étaient simplement reconduits du ou des gouvernement précédents) notamment : François Mitterrand (UDSR) au Conseil de l’Europe, Georges Bidault (MRP) aux Affaires étrangères, secondé par Maurice Schumann (MRP), René Pleven (UDSR) à la Défense nationale et Forces armées, aidé notamment de Pierre de Chevigné (MRP) à la Guerre, Edgar Faure (radical) aux Finances et Affaires économiques, André Marie (radical) à l’Éducation nationale, Louis Jacquinot (CNIP) à la France d’Outre-mer et Paul Coste-Floret (MRP) à la Santé publique et Population. Quatre députés venus du RPF ont fait leur entrée, ce qui était nouveau.

    Formellement, il y a eu deux gouvernements, car l’investiture du nouveau Président de la République imposait la démission du gouvernement le 16 janvier 1954, qui fut immédiatement et intégralement reconduit, pratiquement sans aucun changement (à noter l’apparition furtive du député des concierges parisiens, Édouard Frédéric-Dupont, comme Ministre des Relations avec les pays associés du 3 au 9 juin 1954, il avait là l’étiquette CNIP, il avait été élu sous l’étiquette RPF, et il avait voté les plein pouvoirs à Pétain en 1940).

    Toute l’attention de Joseph Laniel pendant le temps de son gouvernement fut portée sur les problèmes économiques et financiers. La situation économique était mauvaise, elle se dégradait : la croissance s’essoufflait, le chômage redémarrait. Sur le plan extérieur, il s’était engagé à préserver la continuité de la politique de la France (menée par Georges Bidault). Il y a eu deux éléments perturbateurs pour son gouvernement : la guerre d’Indochine et le projet de la Communauté européenne de défense (CED) qui divisait profondément tant le peuple français que la classe politique.

    L’été 1953 fut particulièrement dense dans la vie politique et sociale en France. En effet, profitant des vacances estivales, Joseph Laniel, droit dans ses bottes, a voulu adopter quelques réformes sociales à l’arraché. Le 8 juillet 1953, il a obtenu des députés, par 329 voix contre 277, la possibilité de légiférer par décrets-lois (on dirait "ordonnances" maintenant) pendant trois mois pour réformer (déjà !) l’âge de départ à la retraite des fonctionnaires et les conditions d’avancement, également pour réformer la Banque de France. L’idée annoncée était de faire la rigueur budgétaire pour relancer l’économie. Pour la gauche, c’était le détricotage annoncé du programme du CNR.

    Alors que Joseph Laniel pensait pouvoir légiférer en toute quiétude durant l’été, profitant notamment de la division structurelle des forces syndicales (scission de la CGT avec FO), ce fut tout le contraire qui arriva, et cela venant de la base. Avant même que les textes fussent rédigés et présentés, une grande grève commença dans les services publics, à partir du 4 août 1953 (les premiers furent les postiers bordelais). La grève était motivée notamment par des rumeurs sur une harmonisation par le bas des régimes spéciaux de retraites, des licenciements d’auxiliaires, un blocage des salaires, une prolongation de deux ans de l’âge de la retraite, etc. Toutes ces mesures devaient être présentées au Conseil supérieur de la fonction publique, ce qui était prévu d’abord le 4 août puis le 7 août 1953 (ce qui expliquait la grève à partir du 4). Les syndicats ont boycotté la réunion de ce conseil supérieur. Le 9 août 1953, le conseil des ministres a adopté la dernière version des réformes de la fonction publique, faisant quelques concessions aux syndicats mais c’était trop tard, le mouvement était lancé.

    Cette grève illimitée a été très suivie, avec une unité syndicale à la base : éboueurs, postiers PTT, cheminots SNCF, électriciens EDF, gaziers GDF, RATP, Air France, personnels de santé, etc. ont fait grève (seuls les enseignants étaient absents du mouvement pour cause de vacances scolaires). 4 millions de grévistes le 13 août 1953 ! On interdisait même aux ministres de téléphoner, les agents coupaient leurs communications privées !

    La réaction du gouvernement fut également très forte, refusant de céder à la pression des grévistes (Joseph Laniel l’a martelé plusieurs fois le 12 août 1953 à la radio nationale) : perquisitions, arrestations, inculpations (notamment d’André Le Léap, secrétaire général de la CGT, l’autre secrétaire général Benoît Frachon étant passé dans la clandestinité !), réquisition de l’armée et de détenus, etc.

    Dans "Le Monde diplomatique" d’août 2017, l’historien Michel Pigenet a expliqué : « Acteur et observateur lucide à son poste de Ministre des Finances, Edgar Faure décrit un climat de "défoulement" et de "bonne rigolade, presque comme un canular". Le sentiment d’invincibilité métamorphose la colère initiale en enthousiasme bon enfant. Août 1953 diffère de novembre-décembre 1947, où les "grèves rouges" s’étaient soldées par la mort de quatre ouvriers et plus de 1 300 arrestations. ».

    Le 21 août 1953, finalement, le gouvernement réussit à trouver un accord avec les syndicats FO et CFTC, aucune réforme n’aura été vraiment entérinée, et les retours au travail se sont fait très lentement (les grévistes CGT se sentant trahis). Les personnes arrêtées furent libérées si bien que même la CGT appela à la reprise du travail le 25 août 1953.

    Ce qui reste étonnant, c’est que cette grève d’août 1953, qui fut générale et illimitée, n’a pas marqué ce qu’on pourrait appeler la "mémoire collective" ou la "mémoire nationale". Pourtant, elle était mémorable, et surtout, elle n’est pas sans rappeler, aujourd’hui, la crise des gilets jaunes, selon ce qu’a exprimé Michel Pigenet pour août 1953 : « Confronté à l’État patron, le mouvement acquiert une signification politique, mais n’a ni les moyens ni l’ambition de s’ériger en solution de rechange. S’y engager le perdrait. » ("Le Monde diplomatique", août 2017).

    Cette crise sociale a cependant fait date à court terme dans l’esprit des parlementaires socialistes, et l’idée d’une résurgence de la Troisième force (SFIO-MRP-radicaux) sous l’égide de Pierre Mendès France allait refaire son chemin. Au congrès du parti radical le 23 septembre 1953, Pierre Mendès France lança : « Nous sommes en 1788 ! » et analysa : « Les grèves récentes n’étaient pas des grèves politiques ni exactement des grèves professionnelles. Certains grévistes étaient incapables de définir avec précision leurs revendications. C’étaient les grèves de la tristesse, du désespoir, du découragement. ». Cela fait en effet penser aux gilets jaunes.

    Mais aussi à long terme : elle a tétanisé tous les gouvernements pendant un demi-siècle en les dissuadant de faire des réformes (comme la fin des régimes spéciaux des retraites), nous sommes en pleine actualité ! et aussi dans la structuration de la vie politique. En effet, dès le 22 juillet 1953, un mouvement allait s’opposer aux grévistes qui mettaient en danger l’économie française, notamment les petits entrepreneurs et les commerçants, l’UDCA (Union de défense des commerçants et artisans). Ce mouvement fut celui de Pierre Poujade qui entra massivement à l’Assemblée Nationale aux élections législatives suivantes du 2 janvier 1956 avec 52 élus (dont Jean-Marie Le Pen) et 12,9% des voix (2,7 millions d’électeurs !).

    Dans la politique gouvernementale, la crise a aussi eu un effet sur Edgar Faure, aux Finances, qui prôna une volonté de reprise de l’économie française avec une expression qui lui était très particulière : "l’expansion dans la stabilité" (en février 1954). Les salaires des fonctionnaires allaient d’ailleurs augmenter de 14% sur les deux années qui suivaient.

    Parmi les mesures économiques et sociales du gouvernement Laniel, il faut citer l’instauration de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) le 10 avril 1954 et l’adoption de la loi n°54-439 du 15 avril 1954 sur le traitement des alcooliques dangereux pour autrui. Toujours dans le domaine social, il faut rappeler que l’abbé Pierre (qui fut député MRP de Nancy de 1945 à 1951) a fait son fameux appel contre la misère le 1er février 1954.

    Le 20 août 1953, Joseph Laniel a eu aussi à réagir sur la décision sans concertation du résident général au Maroc de déposer le sultan Mohammed Ben Youssef. Joseph Laniel a finalement entériné à son compte le fait accompli, entraînant des protestations polies d’Edgar Faure et la démission de François Mitterrand le 4 septembre 1953. Plus tard, après avoir quitté le pouvoir, Joseph Laniel s’expliqua sur ce dossier le 8 octobre 1955 devant les députés, ce fut d’ailleurs sa seule intervention publique dans l’hémicycle après sa démission jusqu’à la fin de la législature.

    Dans son "Bloc-notes" du 14 novembre 1954, François Mauriac a écrit, sans complaisance : « Il faut rendre justice à monsieur Joseph Laniel : en voilà un qui ne trompe pas son monde ! Ce Président massif, on discerne du premier coup d’œil ce qu’il incarne : il y a du lingot dans cet homme-là. Sans doute ignore-t-il "le grand secret de ceux qui entrent dans les emplois" que nous livre le cardinal de Retz, et qui est "de saisir d’abord l’imagination des hommes". On ne saurait moins parler à l’imagination que monsieur Joseph Laniel. Ce Président-là nous ferait découvrir de la fantaisie chez monsieur Doumergue, et chez monsieur Lebrun, de la verve. »  Il est cependant revenu le 29 janvier 1966 sur cette réflexion en regrettant d’avoir employé le mot "lingot".

    La grande affaire politique du moment était la Communauté européenne de défense (CED), dont le traité fut signé le 27 mai 1952, mais dont les débats allaient se terminer bien plus tard, le 30 août 1954 avec le rejet par 319 députés français contre 264. Cependant, le clivage sur la CED (qui, comme les autres traités européens par la suite, en 1992 ou en 2005) se faisait à l’intérieur de la plupart des partis (sauf par exemple le MRP qui était proeuropéen de manière homogène) allait se traduire lors de la très difficile élection présidentielle de décembre 1953.

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    Le mandat de Vincent Auriol s’achevait effectivement et il ne se représentait pas. Le Président de la République était élu par l’ensemble des parlementaires (députés et "conseillers de la République", équivalents de sénateurs). Cette élection présidentielle s’est déroulée dans la plus grande confusion, puisqu’il a fallu treize tours avant de connaître l’élu, pire qu’un pape ! En effet, le Président devait être élu à la majorité absolue, quel que soit le tour, pas seulement à la majorité relative après le premier ou deuxième tour.

    Elle a eu lieu du 17 au 23 décembre 1953 et a donné une très mauvaise image de la classe politique et de la Quatrième République. Joseph Laniel s’est présenté à cette élection, dès le premier tour, et fut considéré comme le favori. Il se présenta aux dix premiers tours et il aurait dû, en toute logique arithmétique, être élu. Mais son soutien à la CED, ses manières assez brutales de gouverner ("à la tête de bœuf"), et son "origine industrielle" qui reste toujours effrayante dans la classe politique française (on le voit pour Emmanuel Macron et sa furtive incursion dans une banque d’affaires) lui ont retiré quelques soutiens qui auraient pu être déterminants dans l’élection. Sans compter l’enlisement politique et militaire en Indochine.

    Par ailleurs, le Président du Congrès, André Le Troquer (SFIO) a tout fait pour éviter son élection (selon l’historien Jean-Pierre Rioux), jusqu’à retirer, dans la comptabilisation des votes favorables, les bulletins où n’était indiqué que son patronyme "Laniel" sans son prénom Joseph, pouvant ainsi laisser un doute sur la destination du bulletin car il y avait aussi un René Laniel, son frère, qui siégeait au Sénat (il n’était pas nécessaire d’être candidat pour recueillir des voix).

    Même si les institutions n’étaient pas comparables, cette élection a montré à quel point il est difficile et, pour l’instant, impossible, à un chef du gouvernement d’être élu Président de la République (à l’exception de De Gaulle le 21 décembre 1958) : en effet, sous la Cinquième République et après la réforme de 1962 du suffrage universel direct pour élire le Président de la République, aucun candidat Premier Ministre en exercice n’a pu se faire élire : ni Jacques Chirac en 1988, ni Édouard Balladur en 1995, ni Lionel Jospin en 2002. Georges Pompidou avait été obligé de démissionner l’année précédant son élection (pour être "en réserve de la République") et Jacques Chirac avait refusé de diriger un nouveau gouvernement de cohabitation en 1993 avant l’élection présidentielle de 1995. Quant aux autres Présidents de la Cinquième République, ils n’ont jamais occupé Matignon.

    Le premier tour du 17 décembre 1953 laissait entendre un match entre le socialiste Marcel-Edmond Naegelen, ancien ministre, qui bénéficia aux autres tours du report des voix communistes, et le chef du gouvernement Joseph Laniel. Naegelen a eu 160 voix et Laniel 155 voix, ce qui représentait seulement un sixième des voix et pas la majorité absolue. La raison, c’était la présence d’autres candidats, surtout du centre droit : Georges Bidault représentait le MRP avec 131 voix, Yvon Delbos les radicaux avec 129 voix, même le CNIP était divisé avec un second candidat Jacques Fourcade qui ramassait 62 voix, et un radical indépendant, Jean Médecin (père de Jacques Médecin) a récolté aussi 54 voix. Quant aux deux ailes exclues du pouvoir, les communistes avec Marcel Cachin (113 voix) et les gaullistes avec Paul-Jacques Kalb (114 voix), ils faisaient jeu égal. On voit qu’il y avait une grande dispersion des voix.

    Dès le deuxième tour, la gauche a réussi à s’unir, les communistes se sont désistés, et Naegelen a rassemblé 299 voix, frôlant le tiers de voix. Laniel s’est renforcé à 276 voix (30%) mais le maintien de Bidault (143 voix) et Delbos (180 voix) l’ont empêché d’être élu. Après l’abandon de Georges Bidault, du troisième au dixième tours, Joseph Laniel est parvenu à être en tête du scrutin, mais jamais assez pour atteindre la majorité absolue, tandis que Marcel-Edmond Naegelen a consolidé sa position de challenger en deuxième place, oscillant entre 300 et 400 voix.

    Au huitième tour, le 20 décembre 1953, Joseph Laniel n’était pas loin de l’élection avec 430 voix (47,3%), il lui manquait 24 voix, et Antoine Pinay et Louis Jacquinot, du même parti que lui, CNIP, ont eu respectivement 25 et 14 voix. Il faut comprendre que ces deux candidats n’étaient pas forcément candidats voulus par eux, c’étaient des parlementaires qui ont pu voter spontanément pour eux.

    L’élection de Laniel était donc possible, mais au neuvième tour, un autre candidat CNIP a rassemblé 103 voix, lui faisant perdre mécaniquement une quinzaine de voix. À partir du huitième tour inclus, face au socialiste Naegelen, il n’y avait plus que des candidats CNIP, mais plusieurs, pas un seul. Le centre droit estimait en effet que l’Élysée devait revenir à ce parti, mais visiblement, au sein de la majorité de centre droit, certains refusaient l’élection de Joseph Laniel, trop atlantiste, trop proeuropéen, trop cassant dans son caractère.

    Joseph Laniel l’a compris à la fin du dixième tour. Il abandonna la partie, laissant la porte ouverte à un autre candidat CNIP. Louis Jacquinot et René Coty se sont disputé cette candidature dans les trois derniers tours qui ont eu lieu le 23 décembre 1953. Au onzième tour, Louis Jacquinot, beaucoup plus connu des parlementaires que Coty et soutenu par Laniel, a eu une grande avance (338 voix) sur René Coty (71 voix).

    Mais ce fut la candidature de René Coty qui s’imposa. Pourquoi ? Parce qu’il était vice-président du Sénat (on n’a pas voulu du Président du Sénat, qui était d’habitude élu sous la Troisième République, probablement parce que c’était Gaston Monnerville). J’écris Sénat mais il faut comprendre Conseil de la République. Et René Coty avait dû s’absenter lors d’un vote au Sénat à propos de la CED, si bien qu’il n’avait pas indiqué de préférences et n’a donc pas suscité de rejet dans ce clivage. René Coty fut élu au treizième tour avec 477 voix (54,8%). Son élection fut cruciale, puisque, quatre ans plus tard, il appela De Gaulle à revenir au pouvoir. Qu’en aurait-il été si Joseph Laniel ou Louis Jacquinot avait été élu Président de la République ? Uchronie inutile mais passionnante.

    L’année 1954 fut dominée par la guerre en Indochine. Joseph Laniel continua à solliciter l’aide américaine pour construire une armée vietnamienne face à l’armée Vietminh tout en poursuivant les tentatives de dialogues. Ainsi, il fut décidé de faire du camp de Dien-Bien-Phu un piège pour l’ennemi, mais ce fut l’inverse qui arriva, un immense piège pour les Français. Le camp fut encerclé le 2 février 1954. Joseph Laniel et René Pleven, Ministre de la Défense, furent conspués à l’Arc-de-Triomphe le 4 avril 1954 par d’anciens combattants d’Indochine. La Conférence de Genève s’est ouverte le 26 avril 1954 avec ce climat très hostile, et Dien-Bien-Phu tomba le 7 mai 1954.

    Pendant trois jours, le gouvernement a cherché à justifier sa politique tout en mettant en garde contre une crise gouvernementale au moment où la France devait négocier à Genève. Le 12 juin 1954, les députés ont rejeté la confiance au gouvernement par 306 voix contre 296, insuffisamment constitutionnellement, mais politiquement, le sort était jeté. Joseph Laniel remit à René Coty la démission de son gouvernement le jour même.

    Ce fut alors l’heure de Pierre Mendès France, qui fut investi le 15 juin 1954 et qui mit fin à la guerre d’Indochine le 20 juillet 1954 avec l’Accord de paix de Genève. Joseph Laniel n’a pas pris part au vote pour l’investiture de son successeur ni pour la ratification de l’Accord de Genève, mais il vota en faveur de la CED le 30 août 1954, une position proeuropéenne qui lui avait probablement coûté l’Élysée.

    Aux élections législatives du 2 janvier 1956, Joseph Laniel fut réélu de justesse, sa liste, avec seulement 7,8% des voix, est arrivée en cinquième position dans le Calvados, bien après celles du PCF, de la SFIO, du MRP et des gaullistes. Pendant cette législature (entre 1956 et 1958), il n’est intervenu que deux fois, le 2 mai 1956 pour prôner la rigueur budgétaire, exprimer son soutien à Robert Lacoste et Max Lejeune et sa foi en l’Algérie française, et le 5 mars 1957 pour interpeller le gouvernement sur sa politique agricole. Après avoir voté les pouvoirs spéciaux au gouvernement de Guy Mollet, la loi-cadre de Gaston Defferre sur l’Outremer et la ratification du Traité de Rome, il apporta son soutien au retour au pouvoir du Général De Gaulle en votant l’investiture de son gouvernement le 1er juin 1958 ainsi que les pouvoirs spéciaux et la révision constitutionnelle le 2 juin 1958.

    Balayé par la Cinquième République, Joseph Laniel s’est retiré de la vie politique à la fin de l’année 1958 (il avait 69 ans) et est mort à Paris le 8 avril 1975 (à l’âge de 85 ans), après avoir publié "Le Drame indochinois" en 1957 (éd. Plon), "Jours de gloire et jours cruels", ses mémoires, en 1971 (éd. Presse de la Cité) et "Réflexions après l’action" en 1973 (éd. Plon).

    Soucieux des équilibres budgétaires, promoteur d’une croissance économique et de la puissance industrielle qui ne pouvait se développer que dans le cadre de la construction européenne, Joseph Laniel n’a probablement pas laissé une grande trace dans la mémoire historique en raison de son caractère bourru, bougon, peu tourné vers la communication et l’explication, dans le mode des patrons paternalistes tout-puissants du XIXe siècle (management directif). Pourtant, peut-être même plus qu’Antoine Pinay et Edgar Faure, il symbolisait sans doute le mieux la volonté de reconstruction du pays (il était très attentionné sur l’indemnisation des victimes de guerre) que l’on a appelée les "Trente Glorieuses" dont certains pourraient avoir la nostalgie dans cette époque de crises durables et multiples.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Joseph Laniel.
    Quel bovin vous amène ?
    Le vote des femmes en France.
    L'échec de la CED.
    Mélinée et Missak Manouchian.
    Séminaire gouvernemental, conseil de cabinet et conseil des ministres.
    L'abbé Pierre.
    André Figueras.
    Jean-Marie Le Pen.

    Jean Moulin.
    Stéphane Hessel.
    René Pleven.
    Pierre Mendès France.
    Léon Blum.
    La création du RPF.
    De Gaulle.
    Germaine Tillion.
    François Mitterrand.
    Pierre Pflimlin.
    Henri Queuille.
    Robert Schuman.
    Antoine Pinay.
    Félix Gaillard.
    Les radicaux.
    Georges Bidault.
    Débarquement en Normandie.
    Libération de Paris.
    Général Leclerc.
    Daniel Cordier.
    Le programme du Conseil National de la Résistance (CNR).
    Jean Monnet.
    Joseph Kessel.
    Maurice Druon.
    André Malraux.
    Maurice Schumann.
    Jacques Chaban-Delmas.
    Daniel Mayer.
    Edmond Michelet.
    Alain Savary.
    Édouard Herriot.
    Vincent Auriol.
    René Coty.
    Maurice Faure.
    Gaston Defferre.
    Edgar Faure.
    René Cassin.
    Édouard Bonnefous.



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  • François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe

    « Nous sommes parvenus à l’heure de vérité, où nous devons dire non seulement ce que nous allons faire, mais aussi ce que nous sommes. J’ai souvent affirmé que la question qui se posait à l’Europe était celle du dramaturge : To be or not to be, être ou ne pas être. » (François Bayrou, le 4 mars 2025 au Sénat).



     


    Le Premier Ministre François Bayrou a fait une déclaration au Sénat le mardi 4 mars 2025 sur la situation en Ukraine et la souveraineté militaire de l'Europe. Il l'a faite dans le cadre très institutionnel de l'article 50-1 de la Constitution à la suite de sa déclaration à l'Assemblée Nationale la veille.

    On aurait pu imaginer, comme pour les déclarations de politique générale, que le chef du gouvernement répétât à peu près son discours de la veille. Mais une différence majeure est survenue entre-temps : Donald Trump a brutalement suspendu l'aide militaire américaine à la résistance de l'Ukraine, si bien que l'Europe commence à comprendre l'importance stratégique et l'urgence de ne plus dépendre des États-Unis pour sa défense : « Cette situation, vous le savez, évolue d’heure en heure et nous place devant des responsabilités et face à des rendez-vous que nous ne pouvons pas éluder. ».

    Sur la forme, François Bayrou était encore plus à l'aise que la veille à l'Assemblée. Il n'a pratiquement pas lu ses notes et a fait sa déclaration directement en regardant les sénateurs dans les yeux. Ce sujet de l'Europe et de sa souveraineté de défense est l'un des points forts des convictions démocrates chrétiennes de François Bayrou. En tant qu'acteur majeur de l'exécutif d'un des plus grands pays européens, il est donc en posture d'influer sur le sens des événements.

    Ses premiers mots étaient pour le peuple ukrainien qui souffre sous les bombes poutiennes : « Cela a été très douloureux et, pour beaucoup de nos concitoyens, voir ainsi abandonnée, y compris dans le langage et le raisonnement, la solidarité avec l’Ukraine, a été une prise de conscience, l’Ukraine qui se bat pour sa survie et pour nos principes de droit. Ces combats, ce sont déjà 100 000 morts, des centaines de milliers de blessés, et, on a peine à l’évoquer dans un discours officiel, 20 000 enfants qui ont été déplacés pour que soit changée, par l’influence, leur identité ukrainienne, pour qu’elle soit abandonnée. Cette déportation est, pour nous, un crime contre l’humanité. Enfin, des centaines de milliers d’Ukrainiens, de femmes et d’hommes, ont été déracinés. Au fond, ils sont le visage de tout un peuple qui souffre. (…) Je l’ai dit devant l’Assemblée Nationale hier, et je veux dire devant le Sénat aujourd’hui à quel point nous avons été admiratifs et nous nous sommes sentis solidaires du Président Zelensky au regard de l’attitude qu’il a eue, refusant de plier devant l’intimidation. À cet instant, il a été le visage de l’Ukraine, le défenseur de l’honneur de la démocratie, et il portait en même temps une partie de notre honneur européen. Le Président Zelensky a honoré la mission qui est la sienne. Nous nous sommes sentis profondément solidaires de son refus de se plier à ces injonctions. ».


     


    Puis, il a développé les errements de la diplomatie de Donald Trump : « Au début, nous avons donc cru que ce n’étaient que des rodomontades. Ensuite, nous nous sommes aperçus qu’il arrive très souvent, avec ce type de responsabilités politiques, avec ce type d’outrances et avec ce type de transgressions, que les rodomontades se transforment en actes. Et nous avons vu, très vite, un changement incroyablement inquiétant et extrêmement profond de la diplomatie américaine, puisque la semaine dernière, aux Nations unies, les États-Unis ont voté avec la Russie et la Corée du Nord pour repousser une résolution dans laquelle était mentionnée la responsabilité de la Fédération de Russie dans la tentative d’annexion de l’Ukraine. Que les États-Unis refusent de nommer l’agression dont l’Ukraine est victime a été, pour beaucoup d’entre nous, une prise de conscience. Il y a eu ensuite l’agression dans le Bureau ovale et les mots que le Président Trump a utilisés. Je vous rappelle la phrase la plus significative : "Trouvez un accord avec Poutine ; autrement, nous vous laisserons tomber". Une nation indépendante, souveraine, soumise à la pire des menaces, une menace sur son existence même, et qui est abandonnée par le pays qui fut le leader de l’alliance des libertés : cela est, pour beaucoup d’entre nous, extrêmement violent. ».


     


    Et de reprendre la belle formule de Gabriel Attal dite la veille à l'Assemblée : « Au fond, la question se résume assez simplement : si la Russie arrête les combats, c’est la guerre qui s’arrête ; si l’Ukraine arrête les combats, c’est l’Ukraine qui disparaît. Cette réalité si lourde et si choquante, il est très important qu’elle soit rappelée aujourd’hui, devant le Sénat de la République. Enfin, cette nuit, a été annoncée une décision que beaucoup redoutaient, mais dont chacun voit les implications : l’annonce selon laquelle les États-Unis stoppaient désormais les livraisons d’aide à l’Ukraine. Car le mot "suspension" ne trompe personne : la suspension, dans la guerre, de l’aide à un pays agressé, cela signifie qu’on abandonne celui-ci et qu’on accepte, ou qu’on souhaite, que son agresseur l’emporte. Pour la France, pour nous tous, pour les Européens et pour tous ceux qui sont attachés aux libertés et aux droits, pour ceux qui sont attachés à la Charte des Nations unies, par exemple, c’est évidemment tout à fait insupportable. ».


     


    La fin de l'ordre international est une catastrophe collective : « Je cite presque exactement la Charte des Nations unies : c’était le refus de la violence pour régler les conflits, c’était le droit du plus juste contre le droit du plus fort. C’est ce monde-là que nous avons abandonné pour entrer dans un autre monde où, au fond, les principes sont abandonnés. Et cet abandon des principes menace l’existence même des relations internationales telles que nous les avons voulues et construites. ».

     


    Selon François Bayrou, c'est à l'Europe de reprendre le flambeau du droit international et des valeurs : « Devant cette incroyable agression, cet abandon des principes et ce changement de l’ordre du monde, beaucoup d’entre nous, beaucoup de nos concitoyens, se trouvent désespérés. Mais le message et la vision du gouvernement, c’est que nous ne pouvons pas désespérer ! D’abord parce que nous sommes la France et que nous sommes l’Europe. Nous sommes l’Europe : cela signifie que, contrairement à ce que nous croyons ou à ce que nous laissons croire, nous sommes non pas faibles, mais forts, si nous comparons les capacités de l’Union Européenne et les capacités de la Russie, et même des États-Unis. L’Union Européenne compte 450 millions d’habitants, et même 520 millions en ajoutant la population du Royaume-Uni. La population russe, c’est 145 millions d’habitants. Comparons les PIB des deux ensembles : l’Union Européenne, c’est 17 000 milliards d’euros, contre quelque 2 000 milliards d’euros pour la Russie. Comparons les arsenaux : on découvrira alors que les armées européennes, c’est 2,6 millions de soldats, plus du double de ce que peut aligner la Fédération de Russie ; que nous disposons de 15 000 aéronefs, je parle sous le regard du ministre des armées, qui peut confirmer ces chiffres, contre 5 000 pour la Russie, et de 15 000 pièces d’artillerie, contre moins de 10 000 pour la Russie. Il n’y a donc pas de déséquilibre ! Simplement, cette force-là, nous ne la mobilisons pas, et nous ne savons pas qu’elle existe. Nos concitoyens pensent que nous sommes désarmés, mais je crois le contraire. ».

     


    Et le démocrate chrétien a cité De Gaulle : « J’ai en mémoire un événement de cet ordre qui exprime à peu près la même chose. Lorsqu’on avait proposé au Général De Gaulle, nouvellement élu Président de la République, de signer le Traité de Rome, une partie des siens qui ne voyaient pas d’un bon œil ce traité lui avait demandé d’y renoncer. Néanmoins, le Général De Gaulle a pris son stylo pour le signer et, en marge de cette proposition de renonciation au traité, a écrit de sa main : "Non. Les Français sont forts, mais ils ne le savent pas". Ce que le Général De Gaulle avait comme vision pour son peuple, ce peuple dont il avait la charge, nous devons l’avoir aussi pour l’Union Européenne. Nous avons une force que nous ignorons et c’est à l’influence de cette force que nous renonçons. Nous devons entreprendre un travail considérable afin que l’Union Européenne fasse sentir ce qu’elle est et fasse entendre ce que sont sa volonté et ses principes. ».

    D'abord, l'urgence : « L’arrêt des livraisons américaines a plusieurs conséquences (…) sur les forces armées ukrainiennes. (…) La responsabilité de l’Union Européenne et des pays amis de l’Ukraine, c’est d’être capables de se substituer le plus rapidement et le plus efficacement possible aux livraisons américaines, de manière que l’Ukraine ne soit pas contrainte de craquer. C’est un devoir de civilisation que nous avons à remplir. Cela implique de mobiliser nos moyens et nos stocks, nous devons donc trouver de l’argent, mais aussi tous ceux qui peuvent apporter leur aide à un pays qui se trouve devant une si grave menace militaire. ».


    Ensuite, la souveraineté européenne : « Nous sommes appelés à faire un choix fondamental à moyen terme : les Européens sont-ils prêts à assurer eux-mêmes la sécurité et la défense de l’Europe ? Je le disais, cette question pose celle de notre existence, purement et simplement. Même si cela peut sembler paradoxal, c’est le sujet sur lequel je suis tout à fait prêt à accepter que la vision du Président américain soit respectée. Aussi, nous devons nous préparer à cette éventualité. Je pense qu’une union aussi riche et capable en armement que la nôtre a le devoir d’assurer elle-même sa sécurité ; elle n’a pas à s’en remettre perpétuellement à d’autres. Les propos que je formule ici ne sont pas différents du message que la France a envoyé au fil des générations. Depuis le Général De Gaulle, et notamment depuis le début du mandat de l’actuel Président de la République, notre message a toujours été le même : l’avenir de la défense européenne, c’est en Europe qu’il se joue. Il nous appartient de dire et de savoir si nous voulons être fidèles à cette tradition française. ». En ce sens, François Bayrou a raison. Il y a une réelle convergence de vue entre Emmanuel Macron et Donald Trump : désengagement européen des États-Unis, réengagement des pays européens pour leur propre défense.


     


    Vouloir mettre en pratique la tradition française de l'indépendance militaire, c'est anticiper certaines conséquences : « La première d’entre elles est industrielle et technologique. Nous avons à construire la base industrielle et technologique de défenses (BITD) qui permettra d’équiper les forces de défense des pays de l’Union Européenne. Il ne s’agit pas de construire une armée européenne ; on sait que cette idée, qui a été à l’ordre du jour autrefois, est abandonnée depuis longtemps. Ce qu’il faut, c’est organiser, coordonner et rapprocher les armées européennes. Toutefois, la vérité oblige à dire que, aujourd’hui, les deux tiers des équipements des armées des pays de l’Union Européenne sont acquis auprès des États-Unis. Cela signifie, je le dis à voix basse, que ces équipements sont soumis, d’une manière technologiquement certaine, à l’approbation des États-Unis avant qu’ils ne soient utilisés. C’est aussi vrai pour les pays alliés en matière d’arme nucléaire et de vecteurs nucléaires. Le paysage ainsi dépeint ne peut que nous inviter à faire preuve de détermination. Au bout de ce chemin, si notre volonté s’affirme, nous serons en mesure de mutualiser nos armements, de renforcer l’interopérabilité et d’assurer nos stocks, sans lesquels il n’est pas possible de conduire une politique sérieuse de défense. Nous pourrons également profiter d’entraînements communs. Cette coalition des armées européennes, notamment grâce au partage de leurs avancées, constitue la clef de l’avenir. En ce qui concerne les avions, les blindés, les drones, les capacités de transport, la projection dans l’espace et le renseignement, nous sommes devant des responsabilités qui, de toute évidence, vont transformer notre manière d’être. C’est aussi vrai pour ce qui touche à l’espace : le système Galileo et le programme IRIS2 sont des éléments essentiels de notre indépendance. Cette transformation suppose de très grands investissements. Hier, la Présidente de la Commission Européenne, madame von der Leyen, a annoncé qu’elle envisageait d’autoriser les États s’engageant à investir dans l’équipement des armées à dépasser la limite de leur endettement public, soit 3% de leur PIB aux termes du pacte de stabilité et de croissance. Des instruments de prêts sont préparés et un appel à l’épargne a été lancé, notamment en direction de la Banque européenne d’investissement (BEI). ».

    Construire l'Europe selon la vision française : « Le rendez-vous que l’Europe a avec elle-même, au regard de l’idée qu’elle se fait de son avenir, est aussi le rendez-vous de la France avec elle-même. Cela fait plusieurs décennies que notre pays défend une certaine idée de l’Europe : une Europe libre, solidaire, indépendante. La France a sans cesse déployé le drapeau de cet idéal dans les rangs de l’Union Européenne. L’expression de cet idéal et de cette volonté politique est étroitement liée à la santé et au rayonnement de notre pays. Les questions qui se posent à nous, rétablir l’équilibre de nos finances, dégager de nouveaux moyens, définir des stratégies de développement sur le long terme en matière agricole, industrielle et intellectuelle, retrouver la capacité créatrice de notre pays et la confiance que nous devons avoir en nous-mêmes, sont directement liées à la capacité d’influence que la France peut avoir sur l’Europe en portant un projet à la fois national et européen. ».


    Au-delà de cet horizon européen à construire, François Bayrou compte aussi sur l'unité des Français autour de leur modèle social : « La France n’est pas qu’un projet économique, c’est aussi un pacte social. Tout cela pose la question fondamentale, principielle, de l’unité du pays. Si nous sommes unis, rien ne nous résistera, mais si nous continuons à cultiver les divisions auxquelles nous sommes tellement attachés, les obstacles qui se dressent devant nous finiront par se révéler insurmontables. (…) L’idée que nous nous faisons de la liberté, du droit et d’un monde équilibré, [repose] en partie sur la capacité de la France à se ressaisir elle-même de son destin. ».

     


    À la fin du débat au Sénat, le Premier Ministre a repris brièvement la parole, notamment pour donner un satisfecit aux sénateurs plus assidus que les députés : « J’observe d’ailleurs que nombre d’entre vous sont restés jusqu’au terme du débat pour participer à la réflexion. Ce n’est pas le cas dans toutes les assemblées… Je suis frappé de l’intérêt que vous avez accordé à cette déclaration du gouvernement et je mesure l’investissement de tous les groupes politiques, quels qu’ils soient. ».

    Et d'ajouter, très conscient de la responsabilité historique de tous les parlementaires d'aujourd'hui : « Chacun voit bien que nous vivons un moment historique. Pas un seul des orateurs qui se sont succédé n’a nié le fait que nous sommes en train de changer d’ère. Voilà quatre-vingts ans que nous vivions sur la base d’un certain nombre de principes, dans un cadre de réflexion aujourd’hui profondément dégradé. Nous tous, en tant que responsables politiques, avons pour mission de préparer l’avenir. Nous allons devoir remettre en cause notre manière de voir les choses et notre hiérarchie des priorités, tout simplement pour agir. Nos concitoyens, que vous représentez vous aussi, sont personnellement concernés par ce qui est en train de se passer. Nous ne pourrons, en aucun cas, nous dérober à cette réflexion et aux remises en cause qu’elle implique. Et, comme toujours, c’est devant l’opinion publique, dans la conscience des citoyens, que tout va se jouer. ».

    Parmi les sénateurs qui ont participé au débat (« qui se sont succédé »), le docteur Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants, République et Territoires, membre de Horizons, dont l'intervention a été transmise en vidéo dans les réseaux sociaux américains et est en train d'être vues par des millions voire des dizaines de millions d'Américains, surpris par le ton très piquant (« empereur incendiaire », « bouffon sous kétamine ») pour décrire la nouvelle administration Trump qui jouit actuellement d'une absence totale d'opposition politique (ah, au fait, voici la définition sur Wikipédia : « La kétamine est un psychotrope utilisé comme anesthésique injectable. Elle est aussi employée comme analgésique, sédatif, et en médecine vétérinaire. » ; Claude Malhuret reste avant tout un médecin).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 mars 2025 (texte intégral et vidéo).
    François Bayrou : la France avait raison !
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    3 ans de guerre en Ukraine.
    Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !
    L'aide de la France à l'Ukraine le 6 juin 2024.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Débat parlementaire sur l'Ukraine : les masques tombent en France !
    Ukraine : Sophia Aram traite à la sulfateuse les néopacifistes à la notoriété déclinante !
    L'Europe face à Poutine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    Jean-Pierre Chevènement et ses relations avec la Russie.
    François Fillon et ses relations avec la Russie.
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
    2 ans de guerre en Ukraine : Poutine zéro en histoire !
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Lee Marvin, les Douze Salopards et la Russie.
    La France Unie soutient l'Ukraine !
    Condoléances cyniques.
    Mort d'Evgueni Prigojine.

    Sergueï Kirienko.
    Victoria Amelina.

    L'effondrement du pouvoir de Poutine.
    Putsch en Russie : faut-il sauver le soldat Poutine ?
    Poutine en état d'arrestation !
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    Kherson libéré, mais menace nucléaire ?

    Volodymyr Zelensky demande l'adhésion accélérée de l'Ukraine à l'OTAN.
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Les massacres de Boutcha.
    Le naufrage du croiseur russe Moskva.
    L’assassinat de Daria Douguina.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    L'avis de François Hollande.
    Les valeurs valent mieux que les bénéfices !
    Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine.
    Ukraine en guerre : coming out de la Grande Russie.
    Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
    Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !




     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250304-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/francois-bayrou-et-l-heure-de-259680

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/04/article-sr-20250304-bayrou.html


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  • Syrie : peut-on encore massacrer en paix ?

    « Le pouvoir syrien a du mal à contrôler ses propres troupes et sa population. (…) Il y a des unités avec des combattants étrangers, comme des Ouzbeks, mais aussi des civils, qui se vengent d’événements qui ont pu se produire il y a dix ou quinze ans. (…) La majorité de la population dans les régions alaouites ne voulait pas repartir dans un cycle de guerre et de représailles. Si elle est confrontée à des actions de grande ampleur et des massacres, cela pourrait fournir aux insurgés le soutien populaire dont ils manquaient jusqu’à présent. » (Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie au CNRS, le 8 mars 2025 sur RFI).




     

     
     


    Il est aujourd'hui des questions stupides qu'on se pose en écoutant l'actualité. Comme : peut-on encore massacrer en paix ? Le mot "paix" est à prendre dans ses deux sens. Le sens propre, à savoir la paix, contraire de la guerre où l'on massacre allègrement (c'est même la définition de la guerre, si possible des combattants et pas des civils), et puis le sens figuré, peut-on massacrer tranquillement ? Sans médias, sans manifestations, discrètement, dans l'entre-soi secret, sans conséquences diplomatiques, bref, en toute impunité ?

    Il faut dire que Donald Trump vient de retirer son pays de la commission d'enquête visant à faire toute la lumière sur les massacres de Boutcha et d'autres lieux d'Ukraine par les forces poutiennes.

    On peut aussi se poser d'autres questions stupides comme celle-ci aussi : le port de la cravate rend-il plus civilisé ? Non, je ne parle pas des députés RN (encore que), mais du nouveau Président de la République arabe syrienne de transition, proclamé le 29 janvier 2025 mais en exercice réellement depuis le 8 décembre 2024. Je ne sais même pas comment l'appeler : son nom de cravaté, Ahmed Al-Charaa ? Ou son nom de chef de guerre, de chef terroriste, chef de clan, chef d'Al Qaida
    , chef de Daech, fondateur du Front Al-Nosra, à savoir Abou Mohammed Al-Jalouni ?

    On le savait pourtant bien que les "islamistes modérés" n'existaient pas, pas plus que des "talibans modérés" en Afghanistan. La chute de Bachar El-Assad et sa fuite de Damas, le 8 décembre 2024, étaient attendues depuis cinquante-trois ans et la fin de la dictature de la dynastie des Assad a été un grand soulagement pour les Syriens. Mais on savait que ce soulagement serait de courte durée et que si on guérit d'une grave maladie, il ne faut pas non plus choper une autre grave maladie.


     

     
     


    La raison de cette petite réflexion ? Le massacre des innocents, du 6 au 10 mars 2025 dans l'ancien bastion de la famille Assad. Au moins 1 383 civils, principalement des alaouites, ont été massacrés dans une cinquantaine de massacres selon un communiqué publié le 12 mars 2025 par l'Observateur syrien des droits de l'homme (OSDH, une ONG syrienne créée en 2006). L'OSDH a expliqué que c'étaient des « exécutions sur des bases confessionnelles » par les forces de sécurité syriennes et des groupes alliés.

    En gros, dans quatre régions (gouvernorats), à Lattaquié, Tartous, Hama et Homs, les forces alaouites de l'ancien dictateur Bachar El-Assad se sont insurgés le 6 mars 2025 contre les forces dites gouvernementales. Cette rébellion a été étouffée le 10 mars 2025 par les forces gouvernementales après des combats sanglants. Plusieurs centaines de morts sont à déplorer des deux côtés.


    Le journaliste Pierre Haski a pu résumer les événements le 10 mars 2025 sur France Inter ainsi : « Tout dans cette tragédie était prévisible : des soldats de l’ancien régime ayant refusé de se rendre se sont livrés depuis jeudi soir à des opérations de guérilla coordonnées dans le pays Alaouite, la minorité dont était issu le clan Assad. En représailles, une vague de violence aveugle a visé aussi bien les partisans armés d’Assad, que les civils alaouites victimes de vengeances de masse pour les morts des derniers jours, mais aussi pour les décennies de dictature. Tout le monde redoutait ce scénario depuis trois mois. ».

    Ce qui est scandaleux, c'est qu'en plus de ces morts par combat, les forces gouvernementales, sunnites, ont massacré par la même occasion de nombreux civils parmi la population civile alaouite (chiite).

    Le chef de la Syrie actuelle, en plein transition, Ahmed Al-Charaa, dans son beau costume de ville, s'est déclaré lui aussi scandalisé, considérant qu'il était responsable également de la sécurité de la population alaouite (« Il est de notre devoir de les protéger et de les sauver du joug des gangs du régime déchu. »), appelant ses troupes le 7 mars 2025 à « éviter toute exaction ou débordement » (c'est raté).

    Le 9 mars 2025, Ahmed Al-Charaa a annoncé qu'il allait désigner une « commission indépendante » pour enquêter sur ces massacres : « Nous demanderons des comptes fermement et sans indulgence, à quiconque a été impliqué dans l’effusion de sang de civils ou la violence contre notre peuple qui outrepasse l’autorité de l’État. ». Il a déclaré également : « Ces défis étaient prévisibles. (…) Nous devons préserver l'unité nationale, la paix civile autant que possible, et, si Dieu le veut, nous serons capables de vivre ensemble dans ce pays autant que possible. ».
     

     
     


    L'insurrection des factions pro-Assad a été condamnée par la Turquie, l'Arabie Saoudite et la Jordanie sans pour autant condamner les massacres des alaouites qui ont eu lieu en réaction. Seul l'Iran semble assez sincère dans sa condamnation des massacres (ce qui est logique) et les Force démocratiques syriennes qui contrôlent le Nord et l'Est de la Syrie (kurdes) ont appelé au calme pour « s'engager dans un dialogue national » et construire « une solution politique globale ».

    Les pays européens ont aussi appelé au calme et ont condamné fermement ces massacres des innocents, en particulier la France qui a « condamné dans les termes les plus forts les atrocités commises contre des civils sur la base de motifs religieux et contre des prisonniers ». Stefan Schneck, l'envoyé spécial de l'Allemagne en Syrie, a déclaré sur Twitter : « Je suis profondément choqué par les nombreuses victimes dans l’ouest de la Syrie et j’appelle tout le monde à rechercher des solutions pacifiques, l’unité nationale, un dialogue politique inclusif et une justice transitionnelle. Nous devons sortir du cycle de la violence et de la haine. L’Allemagne est prête à aider partout où elle le peut. ».

    Mais l'indignation internationale a semblé toutefois assez molle. Pourquoi ? Sans doute pour deux raisons. La première, ce que les populations victimes de ces massacres (principalement alaouites) étaient, bien que civiles, les représentants des bourreaux d'hier et la rancœur contre les exactions d'hier a certainement aidé à réagir très mollement. En outre, les massacres entre sunnites et chiites sont très fréquents depuis des dizaines d'années et pourraient résumer presque à eux seuls l'histoire du Proche- et Moyen-Orient actuel.
     

     
     


    La deuxième raison est plus politique. Il ne faut pas décourager les "islamistes modérés" d'être "modérés". En fermant légèrement les yeux devant ces massacres scandaleux mais considérés alors comme de simples "bavures" des forces gouvernementales, on ne réduirait pas à néant toutes les tentatives du pouvoir en place, et en particulier d'Ahmed Al-Charaa, de gagner en respectabilité et crédit international pour normaliser la Syrie.

    C'est de plus une véritable première épreuve politique pour Ahmed Al-Charaa : dans les faits (pas dans les intentions et encore moins dans les déclarations, mais dans les faits), Ahmed Al-Charaa donnera-t-il raison à ses partisans un peu trop "emportés" contre les alaouites ou les condamnera-t-il (vraiment) avec une justice sévère afin de réprimer toute envie ultérieure de commettre ce genre de massacres ?

    Pour l'heure, les supputations politiques n'ont pas lieu d'être. C'est l'émotion qui devrait dominer les esprits avec plus d'un millier de personnes innocentes qui ont été massacrées. Je pense à elles car à travers elle, c'est toute l'humanité qui est atteinte, comme dans chaque massacre, quel qu'il soit. La nature revient souvent très rapidement au galop. Mais comment changer sa nature ? C'est tout l'art difficile de la civilisation.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (17 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Syrie : peut-on encore massacrer en paix ?
    Syrie : la chute historique de Bachar El-Assad.
    Fadwa Suleiman.
    Daech : toujours la guerre.
    Le massacre d’Alep.
    Daech en Syrie : guerre et peine.
    Flou blues.
    BHL et la Syrie.
    Vade-mecum des révolutions arabes.



     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250317-massacre-syrie.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/syrie-peut-on-encore-massacrer-en-259974

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/17/article-sr-20250317-massacre-syrie.html


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  • Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine

    « Ne cessons jamais de rappeler une chose simple : si la Russie arrête de se battre, il n’y a plus de guerre ; si l’Ukraine arrête de se battre, il n’y a plus d’Ukraine. » (Gabriel Attal, le 3 mars 2025 dans l'hémicycle).



     

     
     


    À l'occasion du débat parlementaire initié par le gouvernement sur la situation en Ukraine et la défense en Europe qui s'est tenu le lundi 3 mars 2025 dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale, un ancien Premier Ministre a répondu à la déclaration du Premier Ministre François Bayrou. En effet, l'actuel secrétaire général de Renaissance, Gabriel Attal, également président du groupe Renaissance (EPR) à l'Assemblée, le plus grand groupe du socle commun gouvernemental, a pris la parole au nom de son groupe pour participer au débat public sur l'Ukraine.

    Le sort de l'Ukraine est une préoccupation récurrente du jeune ancien Premier Ministre. Il s'y est rendu à l'occasion du troisième anniversaire de la guerre d'agression menée par Vladimir Poutine. Il a visité notamment à Zaporijjia, ville martyre, une école souterraine qui venait de s'ouvrir pour permettre aux enfants d'étudier en sécurité : « Rarement je n’ai ressenti autant d’espoir qu’en observant le sourire de ces jeunes, heureux de retrouver l’école pour la première fois depuis trois ans. J’ai vu l’espoir de cette jeunesse ukrainienne qui refuse de céder face à la fureur des bombes et continue à aller à l’école, à étudier, à vivre ; l’espoir d’une nation tout entière, qui vit comme un acte de résistance le fait de former de nouvelles générations de citoyens et de leur transmettre l’esprit critique qui est au fondement de nos démocraties. ».

    Rejetant la méthode brutale de Donald Trump et J. D. Vance, Gabriel Attal a soutenu très vivement le Président ukrainien Volodymyr Zelensky : « L’Ukraine n’a d’excuses à présenter à personne. Le peuple ukrainien ne mérite qu’une chose : le respect. Je tiens à rendre hommage avec vous à ces femmes et ces hommes qui refusent la fatalité, la défaite, qui refusent tout simplement de disparaître. Plus encore en revenant d’Ukraine, plus encore après les événements de ces derniers jours, je crois qu’il n’y a pas de question plus forte, plus existentielle, plus révélatrice aussi, que la position de chacun de nous sur le conflit en Ukraine. Plus forte, parce qu’il est clair que nous sommes à un point de bascule. Ce qui se joue en Ukraine, ce n’est pas seulement l’avenir d’un pays souverain : ce sont aussi les intérêts de la France et des Français qui sont en danger. ».


     

     
     


    Reprenant l'idée que l'Ukraine n'est pas le seul objectif de Vladimir Poutine, il a considéré que l'Europe était donc menacée : « Qu’on le veuille ou non, cette guerre nous concerne aussi, et de son issue dépendra une part de notre avenir. Si, pour certains, le simple fait de défendre une démocratie agressée ne suffit pas à vaincre les réticences, alors qu’ils pensent aux conséquences matérielles et sociales pour la France et les Français. Car oui, une victoire de la Russie aurait des conséquences dévastatrices, y compris pour nous. Je pense à notre approvisionnement en énergie, à notre accès aux céréales, au pouvoir d’achat des Français, qui seraient confrontés à une inflation puissance 10 ; je pense à des mouvements de populations sans précédent, ainsi qu’à la sécurité de l’Europe. Le coût d’une victoire de la Russie serait donc infiniment plus fort que ne l’est celui d’un soutien à l’Ukraine. Ce n’est pas une guerre lointaine qui se joue, c’est la vie quotidienne des Français qui est en première ligne. Je crois, ensuite, qu’il n’y a pas de question plus existentielle que l’avenir de ce conflit. La diplomatie est en danger de mort et elle pourrait être supplantée par un ordre mondial brutal, fondé sur la loi du plus fort et les instincts de prédation ; un ordre mondial vidé de son sens et de ses valeurs, où les démocraties libérales seraient incapables de se défendre ; un ordre mondial où les intérêts purement transactionnels auraient remplacé une communauté de valeurs et de destin. Car derrière l’Ukraine, c’est l’Europe qui est en danger. Que personne ne soit dupe : Vladimir Poutine ne cherche qu’à gagner du temps pour reprendre son souffle, face à une résistance ukrainienne qu’il ne parvient pas à étouffer. Mais l’appétit du Kremlin est insatiable, et personne ne doit douter que derrière l’Ukraine, il y a la Moldavie, la Roumanie, les États baltes, la Pologne, la Finlande, l’Union Européenne et l’OTAN. Le régime russe ne tient désormais que par et pour la guerre. ».

    Et de craindre l'effet domino : « Ce n’est pas seulement une affaire européenne : le monde entier regarde l’Ukraine. Si la loi du plus fort et la brutalité l’emportent impunément, qui sait quelles conséquences d’autres puissances pourraient en tirer ? Avec les brutes et les prédateurs, la faiblesse n’a jamais eu d’autre effet que de leur désigner leur prochaine victime. ».

    Le rôle de la France est alors essentiel : « La France, qui connaît trop bien le prix de la lâcheté et des paix de dupes, a une responsabilité. Je suis fier, monsieur le Premier Ministre, que votre gouvernement, après les précédents, fasse bloc autour de l’Ukraine. Je suis fier d’avoir défendu et fait adopter à cette tribune, il y a quelques mois, à la place qui est aujourd’hui la vôtre, un accord de sécurité historique entre la France et l’Ukraine. (…) Car ce conflit est aussi un grand révélateur. Ces dernières années, la France n’a jamais failli dans son soutien à l’Ukraine. (…) Nous n’avons jamais hésité une seconde, jamais flanché face à la tentation de la reddition et d’une paix bâclée, dont les Français seraient aussi victimes. Nous n’avons jamais failli, et nous étions bien seuls. Bien seuls quand d’autres refusaient de voter le soutien à l’Ukraine, ici comme au Parlement Européen. Bien seuls quand d’autres revendiquaient leur loyauté envers la Russie ou relativisaient la portée du conflit. Bien seuls face à la légèreté de ceux qui se moquent du destin de la France et de l’Europe, n’ont pas de problème à voir un leader démocratiquement élu insulté en direct et ne s’opposent pas à une victoire russe qui barrerait lourdement la route à l’avenir des Français. ».

     
     


    Le cœur de l'intervention de Gabriel Attal s'est alors porté sur la condamnation des extrémismes en France qui ont refusé, par leurs votes, de soutenir l'effort de résistance de l'Ukraine. Ce sujet a aussi un rôle de révélation des liens de certains Français avec des puissances étrangères : « Nous sommes dans un moment où le voile se déchire, où l’on s’aperçoit que l’instinct capitulard est en fait bien souvent un esprit de complicité. Nous avons déjà vécu tout cela. ».

    Et de s'en prendre clairement à Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon : « Madame Le Pen nous donne des conseils de géostratégie, alors même qu’elle proposait, pendant la campagne présidentielle de 2022, une alliance en matière de défense avec la Russie ; alors même qu’elle disait encore, quelques jours avant l’invasion russe, que ce pays n’envahirait jamais l’Ukraine ; alors même qu’elle estimait, comme Jean-Luc Mélenchon, que les Ukrainiens ne tiendraient ni trois jours ni trois semaines, et voilà trois ans qu’ils résistent héroïquement ! Tout à l’heure, madame Le Pen, quand l’ensemble de l’hémicycle s’est levé pour applaudir et saluer le courage du peuple ukrainien, le seul groupe qui est resté assis et n’a pas applaudi, c’est le vôtre. Votre intervention l’a confirmé : l’Ukraine brûle et vous regardez ailleurs, encore une fois. ». Cette dernière formule, parodiant celle de Jacques Chirac sur l'écologie, a ciblé juste.

    D'où la nécessité de l'unité des Français dans ces moments troubles : « Je reste convaincu que, face à la puissance des enjeux, l’esprit de responsabilité peut l’emporter. Le moment appelle l’unité ; il n’est pas trop tard pour se rallier à la seule ligne juste, celle qui assure la protection de la France et la sécurité des Français. (…) Nous vivons une période d’accélération extraordinaire, où les vérités et les certitudes de la veille ne sont pas celles du lendemain, où le Président des États-Unis peut être prêt à signer un traité avec l’Ukraine le matin et à malmener le Président ukrainien l’après-midi, où le Vice-Président d’un pays allié peut venir insulter les Européens sur leur propre sol, et où chaque jour apporte son lot d’incertitudes et de contradictions. ».


    Le chef des députés macronistes a ensuite énuméré ses trois convictions sur ce sujet brûlant.

    Sa première conviction, c'est le besoin d'un nouveau leader pour le "monde libre", c'est-à-dire qui ne soit plus les États-Unis qui font désormais faux bond : « Les déclarations du Président Trump sont claires : plutôt que les valeurs de démocratie et de liberté, seuls compteront désormais les intérêts économiques américains, et tous ceux qui tenteront d’émettre des réserves seront marginalisés. Il revient donc à la France, aux nations européennes, de prendre enfin la relève, de montrer au monde que tout n’est pas permis, que tout ne se vaut pas, que tout n’est pas deals et transactions. On ne monnaye pas la défense de la liberté, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. On ne monnaye pas le soutien à la démocratie. L’Europe doit devenir la nouvelle place forte de la liberté et de la démocratie. Cela ne signifie pas tourner le dos aux États-Unis (…), mais prendre notre avenir en main, ne plus avoir peur de notre propre puissance, penser, peser, exister par nous-mêmes. Au-delà d’un nouveau leader, le monde libre a besoin d’une nouvelle grammaire, d’une nouvelle manière de fonctionner, d’une nouvelle organisation. Ces dernières décennies ont été marquées par la lente agonie de certaines de nos organisations multilatérales. Former une communauté nécessite de partager des principes, des lois et des valeurs : le concept de communauté internationale n’existe plus. Nous devons en prendre acte et bâtir une alliance qui ne se borne pas aux frontières de l’Europe, mais rallie tous ceux qui refusent l’avènement de la loi du plus fort, l’effacement de nos valeurs. ».

    Sa deuxième conviction, c'est la nécessité de la souveraineté militaire de l'Europe : « Puisque certaines grandes puissances ne comprennent plus que le rapport de force, assumons-le ! (…) Une place à la table des négociations ne se quémande pas, elle s’impose. Il y a urgence à ce que l’Europe accroisse son soutien militaire à l’Ukraine : c’est ainsi que nous pourrons pallier un éventuel désengagement américain, que l’Ukraine, si l’on veut lui imposer une paix factice, pourra continuer de résister. Afin de financer ce soutien supplémentaire, la France doit reconsidérer sa position concernant les avoirs russes gelés. Je comprends les préventions de certains à ce propos : je les ai partagées. Seulement, la situation a changé. La menace a franchi un nouveau palier. Avant d’envisager de faire payer les Français, les Européens, consacrons à l’Ukraine les près de 300 milliards d’euros que représentent ces avoirs ! ».

    Il en a profité pour rappeler son soutien à l'adhésion de l'Ukraine à l'Union Européenne, et a même souhaité « accélérer le processus d'adhésion » : « Cette adhésion rapide constituerait un moyen de faire front lors des échanges à venir, ainsi que d’offrir à l’Ukraine, par la suite, des garanties de sécurité. Cela peut se faire de manière adaptée, avec des clauses de sauvegarde pour notre agriculture, par exemple. ».
     

     
     


    Enfin, la troisième conviction de Gabriel Attal, c'est que l'Europe n'est pas faible : « La période actuelle ne doit pas susciter la tétanie, mais le sursaut. Dans leur aveuglement, les nouveaux empires qui nous mettent au défi ont commis une erreur d’appréciation : ils croient notre vieux continent fatigué de sa propre histoire et n’y voient pas couver une toute jeune communauté, si jeune que, dans sa naïveté, elle a longtemps pris pour argent comptant les discours sur sa faiblesse prodigués à dessein, mais qui vient peut-être de s’éveiller à elle-même, de prendre conscience de sa force, d’assumer son aspiration à l’indépendance, à la souveraineté. Ces dernières semaines, le temps des illusions a enfin cessé. (…) Je veux croire que les nations européennes ont ouvert les yeux. L’Europe n’étant la vassale de personne, notre objectif doit tenir en deux mots : zéro dépendance. Les résultats des récentes élections en Allemagne nous fournissent une occasion historique de progrès en ce sens. Accélérons ce qui a été entamé depuis 2017, notamment à l’initiative de la France, atteignons l’autonomie stratégique ! Instaurons pour l’Union une garantie de sécurité collective qui ne doive rien à qui que ce soit. Accroissons nos dépenses militaires, notre pays le fait depuis huit ans, et excluons-les du calcul des 3% de déficit : c’est la condition d’un réarmement européen. Créons une base d’industrie et de défense européenne bien plus ambitieuse, en travaillant à des programmes industriels communs et en imposant la préférence européenne. N’ayons pas peur, en vue de financer nos programmes de défense, d’émettre de la dette en commun. Face au covid-19, nous avons su le faire ; faisons de même pour préparer l’avenir. (…) Cessons de craindre l’indépendance, construisons-la (…). N’ayons pas peur : l’Europe doit cesser de s’excuser d’exister. Pour réussir, pour s’imposer, elle a toutes les cartes en main. L’Europe a d’abord été une culture, puis une raison ; elle doit devenir une force, une force de paix, de prospérité, une force tranquille. ».

     

     
     


    En conclusion de son intervention au débat, Gabriel Attal a rappelé le grand courage du peuple ukrainien : « L’heure d’une grande accélération a sonné. Rien n’est écrit : il y a trois ans, beaucoup ne donnaient pas deux semaines à l’Ukraine avant qu’elle ne s’effondre ; elle est toujours debout. Depuis trois ans, malgré la souffrance du deuil, le drame de la destruction et la brutalité de l’invasion, malgré les horreurs des bombardements, l’utilisation du viol comme arme de guerre, les déportations d’enfants vers la Russie, les Ukrainiens résistent héroïquement, nous montrant l’exemple d’un peuple qui se bat pour son pays, bien sûr, mais aussi pour la démocratie, pour la liberté, pour l’Europe. Puissions-nous, nous autres Européens, puiser dans son impressionnant courage la force de réagir, de nous affirmer, ne plus fuir le rapport de force, assumer enfin notre puissance ! L’histoire jugera durement ceux qui ont tourné le dos à l’Ukraine ; elle sera intraitable à l’égard de ceux qui ont cru pouvoir pactiser avec la Russie ; mais être du bon côté de l’histoire ne suffit pas, encore faut-il l’écrire. Nos valeurs ne sont rien si nous ne nous tenons pas prêts à les défendre. Nous ferons bloc : l’avenir de la France, l’avenir de l’Europe en dépend. L’Ukraine vaincra. L’Europe sera. ».

    Le lendemain, dans la séance des questions au gouvernement du mardi 4 mars 2025, Gabriel Attal a reparlé de l'Ukraine. La petite différence avec le lundi, c'est que Donald Trump a décidé, entre-temps, d'arrêter brutalement et immédiatement l'aide militaire américaine à l'Ukraine, malgré la promesse des États-Unis et les budgets votés en 2024 au Congrès. Cet événement est peut-être encore plus important que cette discussion médiatisée dans le bureau ovale de la Maison-Blanche le 28 février 2025, car la Russie en a profité pour bombarder les villes ukrainiennes et Donald Trump est pour le coup responsable personnellement de la morts des civils pilonnés.
     

     
     


    En introduction à sa question, le président du groupe EPR (Ensemble pour la République) à l'Assemblée a évoqué sa récente visite en Ukraine : « Il y a une semaine, à Zaporijjia, un soldat ukrainien me confiait : quand nous sommes au front, nous pensons à notre famille et à la famille européenne. Telle est la réalité de cette guerre : des Ukrainiens qui donnent leurs vies pour défendre leur pays, mais aussi la sécurité d’une Union dont ils ne sont pourtant pas membres ; des Ukrainiens qui remercient la France et le Président de la République pour le soutien constant apporté depuis trois ans, ce qui est un motif de fierté ; mais des Ukrainiens qui redoutent l’avenir, au moment de la suspension de l’aide américaine. ».

    Une double question de Gabriel Attal sur les conséquences à court terme du désengagement américain immédiat : « Quels besoins concrets de l’armée ukrainienne identifions-nous ? Quels équipements supplémentaires la France est-elle en mesure de mobiliser immédiatement pour répondre à ces besoins ? ».

    Et avant d'attendre la réponse, il a voulu rétablir des affirmations faussées par une inversion complètement scandaleuse : « Je veux revenir sur la complète inversion des valeurs à laquelle nous assistons : du Kremlin au bureau ovale, en passant par madame Le Pen, on cherche à présenter les Ukrainiens comme des va-t-en-guerre. Je veux leur rappeler des choses simples : l’Ukraine veut la paix, la Russie veut l’Ukraine ; l’Ukraine veut la liberté, la Russie veut un empire ; l’Ukraine veut l’Europe, la Russie veut la disloquer. Tourner le dos à l’Ukraine reviendrait à tourner le dos à notre passé comme à notre avenir. Ne nous contentons pas d’être du bon côté de l’histoire, écrivons-la jusqu’au bout ! ». Cette dernière phrase, Gabriel Attal l'avait déjà dite dans son discours du 3 mars 2025 (voir plus haut).
     

     
     


    Gabriel Attal a aussi affiché un réel désaccord avec le gouvernement mais aussi avec le Président de la République Emmanuel Macron, qui ne veulent pas confisquer les avoirs russes en Europe (on parle de 300 milliards d'euros). Pour l'instant, ces avoirs sont gelés et leurs intérêts sont versés à l'Ukraine. L'ancien jeune Premier Ministre préférerait utiliser ces avoirs à faire payer une aide militaire supplémentaire par les Français. L'exécutif, lui, serait réticent car cela reviendrait à remettre en cause la parole de la France lorsqu'on lui prête de l'argent, ce qui réduirait sa fiabilité et la confiance économique du pays, tout en violant le droit international (toutefois déjà largement violé par Vladimir Poutine en agressant et massacrant le peuple ukrainien).

    Dans sa réponse, François Bayrou a approuvé le constat du changement de situation entre le débat de la veille et cette question du jour : « Comme vous l’avez justement indiqué, hier est déjà dépassé : hier nous en étions restés à la manière brutale dont avait été traité Volodymyr Zelensky, Président de l’Ukraine ; nous y avions vu un renversement qui faisait passer notre univers, singulièrement en Europe, d’un monde régi par la loi du plus juste au monde brutal de la loi du plus fort. Vous avez, à juste titre, ajouté que ce qui rend plus insupportable encore la situation, c’est l’inversion de valeurs, au terme de laquelle les États-Unis, qui ont défendu la liberté et les principes démocratiques à nos côtés, en viennent à reprendre les arguments, les mots, les raisonnements de l’envahisseur, de celui qui veut détruire. ».


    François Bayrou a aussi applaudi la formule choc de son prédécesseur : « Vous avez eu une formule, que j’ai trouvée excellente : si la Russie arrête de combattre, la guerre est finie ; si l’Ukraine arrête de se battre, l’Ukraine est finie. Cette éloquente mise en perspective résume la situation devant laquelle nous sommes. ».
     

     
     


    La réponse du gouvernement français à la question des besoins ukrainiens, c'est que l'Europe puisse remplacer les États-Unis dans leur aide militaire : « Vous me demandez ce qui manquera aux forces armées ukrainiennes, si les livraisons d’aide américaines cessent brutalement, elles sont en train de cesser : des trains entiers, chargés de matériels pour l’Ukraine sont arrêtés et interdits de se rendre à destination. Ce qui peut manquer, ce sont les munitions, certains systèmes de renseignement, l’accès à des réseaux et la connectivité, divers soutiens logistiques et de formation. J’ajoute le soutien diplomatique et, peut-être plus important encore, le soutien de peuple à peuple : les Ukrainiens se sentent abandonnés et terriblement seuls. Vous en avez fait l’expérience quand vous vous êtes rendu en Ukraine ces derniers jours. Quel est l’enjeu pour la France ? Il s’agit de réunir tous les moyens possibles pour nous substituer, autant que faire se peut, à une aide internationale venant à s’arrêter. C’est un effort considérable que les Européens, du moins ceux qui sont décidés à aider l’Ukraine, doivent fournir. ».

    Et le Premier Ministre de réaffirmer la nécessité d'une véritable défense européennes, indépendante et souveraine : « Au-delà, et tout en souhaitant que notre soutien permette à l’Ukraine de résister, il nous faut bâtir une défense européenne. Nous devons le faire avec nos moyens, dont je me suis efforcé de montrer, hier, qu’ils ne sont pas négligeables, ils sont même, si on les additionne, nettement supérieurs aux capacités russes. La France demande depuis des années, huit années sous la Présidence d’Emmanuel Macron, et même depuis des décennies, si l’on remonte à la Présidence du Général De Gaulle, la création d’une capacité de sécurité et de défense indépendante, qui ne soit pas soumise aux décisions de ses alliés, notamment pour ce qui est des livraisons d’armements et de systèmes de sécurité. C’est donc un immense effort que nous devons fournir. Si je puis vous dire ce que je pense vraiment, cela va nous obliger à réfléchir à notre modèle, à nos priorités, et à voir différemment le monde que nous pensions connaître et dont nous avons découvert, par l’action de ceux que nous croyions être nos alliés, qu’il était plus dangereux que nous ne l’imaginions. ».

    Ces jours-là, en tout cas, Gabriel Attal a pu se poser comme celui qui, à l'Assemblée, soutient le plus fermement les forces de résistance ukrainiennes contre l'envahisseur poutinien. Cet affirmation géopolitique aura sans doute des répercussions dans le débat politique intérieure dans les prochaines années. Cela contribuera certainement à raconter une histoire cohérente dans l'objectif ultérieur d'une grande ambition personnelle, voire d'un destin national.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
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    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250303-gabriel-attal.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/gabriel-attal-attaque-marine-le-259656

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/04/article-sr-20250303-gabriel-attal.html


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