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  • Il y a 100 ans, la démission d'Alexandre Millerand

    « Cet homme n’a jamais pu s’exprimer pleinement : la seule fois qu’il détint véritablement le pouvoir, en 1920, il le quitta volontairement pour une Présidence de la République qui lui apporta davantage de désillusions que de satisfactions. » (Jean-Louis Rizzo, 2013).




     

     
     


    La France politique vit cette semaine une période d'agitation importante avec la dissolution décidée par Emmanuel Macron. Il y a exactement 100 ans, la France vivait déjà une période de fortes turbulences politiques. Une forte crise institutionnelle a terminé le 11 juin 1924 par la démission du Président Alexandre Millerand, un des rares Présidents de la Troisième République à avoir un peu d'autorité politique (avec Adolphe Thiers et Raymond Poincaré).

    Revenons au contexte politique de l'homme puis du moment. Alexandre Millerand avait 65 ans au moment de cette crise politique majeure de la République. Avocat et journaliste proche de Georges Clemenceau, Alexandre Millerand était d'abord l'une des deux figures du socialisme français, l'autre étant ...Jean Jaurès, né la même année que lui, 1859. Élu conseiller municipal de Paris en 1884 (il avait 25 ans), puis député de Paris de décembre 1885 à septembre 1920, d'abord avec l'étiquette radicale, puis socialiste à partir de 1893 (avec René Viviani), puis socialiste indépendant à partir de 1904. Le "indépendant" de socialiste signifiait qu'il acceptait de devenir ministre dans un gouvernement "bourgeois", partisan du réformisme de l'intérieur.

    Son célèbre discours de Saint-Mandé, le 30 mai 1896, lors d'un banquet à la Porte Dorée (c'était l'époque des grands banquets républicains), est resté dans l'histoire comme un appel à l'unité des socialistes et à la rédaction d'un programme commun (déjà !). Il représentait alors une cinquantaine de députés socialistes. Alexandre Millerand était au départ soutenu par Jean Jaurès mais sa volonté de se rapprocher des classes moyennes inquiétait les socialistes révolutionnaires. Aux élections législatives des 8 et 22 mai 1898, Alexandre Millerand est devenu le leader incontesté des socialistes en raison de la défaite de Jean Jaurès et de Jules Guesde. Il était également proche d'Aristide Briand dans son œuvre d'éditorialiste politique (qui était de sa génération comme Jean Jaurès, Raymond Poincaré, Paul Painlevé, Aristide Briand et René Viviani).

    Le 23 juin 1899 a marqué une date importante pour le socialisme français puisque, avec un accord entre son groupe socialiste et le centre droit, Alexandre Millerand a été le premier socialiste à siéger au gouvernement, celui de Pierre Waldeck-Rousseau, comme Ministre du Commerce, de l'Industrie, des Postes et Télégraphes jusqu'au 7 juin 1902. Également chargé du Travail, il a fait voter la loi du 30 mars 1900 sur une réduction du temps de travail de 12 à 10 heures par jour.


    Se rapprochant du centre droit, Alexandre Millerand était favorable à la loi de séparation des Églises et de l'État du 9 décembre 1905, mais s'est opposé fermement à la politique anticléricale du Président du Conseil radical Émile Combes. Pour cette raison, il fut exclu des socialistes en janvier 1904 et a rompu avec Jean Jaurès. Parmi ses proches, il y avait Charles Péguy et, plus tard, Maurice Barrès.

    Au fil de gouvernements, Alexandre Millerand a repris des responsabilités ministérielles : Ministre des Travaux publics, des Postes et Télégraphes du 24 juillet 1909 au 3 novembre 1910 dans le gouvernement d'Aristide Briand, puis Ministre de la Guerre du 14 janvier 1912 au 12 janvier 1914 dans le gouvernement de Raymond Poincaré qui lui a laissé une grande autonomie d'action, puis en pleine guerre, du 26 août 1914 au 29 octobre 1915 dans le gouvernement de René Viviani. Pendant cette période, Alexandre Millerand laissait une grande marge de liberté à l'armée dirigée par le général Joseph Joffre au point que Raymond Poincaré, devenu Président de la République, évoquait une "dictature militaire" (avec censure dans la presse).

    Évincé du gouvernement, Alexandre Millerand a continué à prôner l'Union sacrée et surtout, à souhaiter le retour de Clemenceau à la Présidence du Conseil. Ses conceptions institutionnelles, dès 1885, étaient qu'il fallait à la France un homme fort qui puisse gouverner le pays. Clemenceau était, pour lui, l'homme de la situation pour terminer la guerre (il fut investi le 16 novembre 1917).

     

     
     


    Après la Victoire du 11 novembre 1918, Alexandre Millerand fut chargé par Clemenceau du poste délicat de Commissaire général de la République à Strasbourg du 21 mars 1919 au 25 janvier 1920. Il était chargé, avec des pouvoirs importants, de réinsérer administrativement l'Alsace-Moselle dans la République française après la défaite de l'Allemagne. J'ai connu un futur prêtre qui a travaillé à ses côtés à Strasbourg. Hélas, j'étais trop jeune pour avoir une discussion passionnante avec lui et il est parti, très âgé, mais trop tôt pour ma maturité intellectuelle. Quelques années plus tard, j'aurais eu tellement de questions pour mieux connaître et comprendre Alexandre Millerand. J'étais aussi fasciné par cette échelle du temps si lointain avec des témoins contemporains (et en 2024, c'est encore bien pire puisque près d'une quarantaine d'années est passée par là !).

    Les choses arrivèrent avec les élections législatives du 16 novembre 1919, les premières depuis la fin de la guerre. Il s'est fait réélire député de Paris, avec l'étiquette du Bloc national, comme Clemenceau (Président du Conseil), mais aussi comme son rival Raymond Poincaré (Président de la République). C'est une formation située au centre droit rassemblant les partis républicains. Le Bloc national les a largement remportées, avec 412 sièges sur 613 et 53,4% des voix, face aux 68 députés socialistes de la SFIO dirigée par Paul Faure (21,2% des voix) et aux 86 députés radicaux dirigés par Édouard Herriot (20,9% des voix). Pour les socialistes et les radicaux, ce fut une lourde défaite.

    À la fin du septennat de Raymond Poincaré, une élection présidentielle fut organisée le 17 janvier 1920 pour désigner son successeur. Bien que réticent à cette idée, Clemenceau a accepté d'être candidat à la candidature, histoire d'honorer le Père la Victoire et lui attribuer une retraite confortable (après l'Académie française). Sous la Troisième République, l'élection présidentielle se passait en deux temps : d'abord, une réunion préparatoire entre les partis républicains pour désigner un candidat unique (on appellerait cela maintenant une primaire), ensuite l'élection elle-même, par tous les parlementaires (députés et sénateurs). Le favori était George Clemenceau, en raison de la grande victoire du Bloc national, mais par de sombres manœuvres d'Aristide Briand, liguant de nombreux députés du Bloc national contre la manière de négocier le Traité de Versailles, Clemenceau a été mis en minorité par les députés de son groupe au profit de Paul Deschanel, un candidat médiocre et sans personnalité. Clemenceau, qui méprisait beaucoup la classe politique, est tombé par là où il était le tombeur traditionnel, car pendant un quart de siècle, il a eu une influence majeure dans l'élection des Présidents de la République, favorisant les plus médiocres et empêchant les fortes personnalités d'atteindre l'Élysée (c'était avant Raymond Poincaré). Résultat, Clemenceau retira sa candidature et démissionna de la Présidence du Conseil, puisque désavoué par sa majorité, pour prendre sa retraite (au Sénat).

    Pour le remplacer à la tête du gouvernement, Alexandre Millerand a été élu Président du Conseil le 20 janvier 1920, poste qu'il a cumulé avec celui de Ministre des Affaires étrangères. André Tardieu était considéré encore comme trop inexpérimenté pour diriger le gouvernement (il faut rappeler que Clemenceau et Alexandre Millerand se connaissaient bien depuis 1884, et qu'Alexandre Millerand et André Tardieu furent les deux rares personnalités politiques de la Troisième République à avoir voulu réformer les institutions pour réduire le pouvoir législatif et accroître le pouvoir exécutif (les gouvernements tombaient souvent, pour un oui ou un non).

    À l'Élysée, Paul Deschanel a été élu sans surprise. Mais sa santé mentale fut mise en cause lors d'un incident plutôt cocasse (il est tombé de son train présidentiel en pyjama sur la voie ferrée et le chef de gare du coin ne croyait pas qu'il était le Président de la République comme il le prétendait). Finalement, il démissionna assez vite le 21 septembre 1920, ce qui provoqua une nouvelle élection présidentielle.

    Alexandre Millerand, l'homme fort du Bloc national après le départ de Clemenceau, préférait rester Président du Conseil et désigner Charles Jonnart puis Raoul Péret (Président de la Chambre), voire Léon Bourgeois (Président du Sénat) comme successeurs à l'Élysée. Mais ces derniers refusèrent successivement si bien qu'il se porta candidat et, revanche de Clemenceau, Alexandre Millerand fut élu Président de la République le 23 septembre 1920 avec 695 voix sur 786 (soit 88,4% des voix) face au socialiste Gustave Delory (69 voix), après avoir été choisi par les parlementaires républicains à la réunion préparatoire de la veille par 528 voix sur 804. Il fut le mieux élu de la République !

     
     


    Refusant de seulement inaugurer les chrysanthèmes, Alexandre Millerand a défendu le concept de Président partisan, apportant son soutien au Bloc national pour faire durer l'Union sacrée. Mais la gauche s'opposait vivement à lui. Il souhaitait une véritable révision constitutionnelle qui donnerait plus de pouvoirs au Président de la République, supprimant l'avis conforme du Sénat pour son droit de dissolution, la possibilité de référendum, etc. Il prônait aussi le droit des femmes, la décentralisation, la création d'une cour constitutionnelle, etc. et sa méthode pour élire le Président de la République a été reprise par les constituants de 1958 (élection par un collège électoral). Dans sa majorité, les proches de Clemenceau lui reprochaient de saboter le Traité de Versailles, et les partisans de Raymond Poincaré, redevenu Président du Conseil du 15 janvier 1922 au 1er juin 1924, s'inquiétaient de sa pratique présidentielle autoritaire.

    L'un des exemples marquants de sa pratique présidentielle fut la nomination du nouveau gouvernement à son élection à l'Élysée. Pour le remplacer à la tête du gouvernement, il nomma le 24 septembre 1920 un ancien ministre de Clemenceau, Georges Leygues, et ce dernier proposa les mêmes ministres que le gouvernement sortant d'Alexandre Millerand qui, par cette méthode, continuait à diriger le gouvernement. Perdant le soutien d'une composante de sa majorité, Georges Leygues s'effaça devant Aristide Briand le 16 janvier 1921.

    Dans la perspective des élections législatives des 11 et 25 mai 1924, Alexandre Millerand a prononcé un autre discours important le 14 octobre 1923 à Évreux où il faisait campagne pour sa coalition. Il a défendu l'action du gouvernement tant financière que diplomatique et a choqué parce qu'il ne restait pas cantonné à un rôle honorifique. Cela a aiguisé les critiques, pendant la campagne, de ses adversaires, les radicaux et les socialistes réunis dans le Cartel des gauches, qui gagna finalement les élections avec 287 sièges sur 552 (42,1% des voix) face au centre droit 249 sièges (47,1% des voix), avec une forte participation (80,7% des inscrits, soit 10,5 points de plus qu'en 1919). Le mode de scrutin (mixte entre majoritaire et proportionnel) profita au Cartel des gauches minoritaire en voix mais majoritaire en sièges.

    Comme il s'était personnellement engagé dans la campagne, Alexandre Millerand a vu contestée sa propre légitimité. Les radicaux puis les socialistes réclamèrent sa démission. Alexandre Millerand refusa, si bien que la nouvelle majorité décida de faire une grève des Présidents du Conseil : tant qu'Alexandre Millerand était à l'Élysée, elle refuserait la confiance à tout gouvernement. Raymond Poincaré, le chef du gouvernement sortant, refusa d'être reconduit et donna sa démission le 1er juin 1924, jour de l'installation de la nouvelle Chambre. Alexandre Millerand proposa le 5 juin 1924 à Édouard Herriot, en tant que chef des radicaux, la Présidence du Conseil, mais sous pression de ses amis, il refusa l'offre. Le Président de la République la proposa alors à son ancien Ministre de l'Intérieur Théodore Steeg qui la refusa également.

     
     


    Il nomma le Ministre des Finances en exercice Frédéric François-Marsal à la Présidence du Conseil le 8 juin 1924. Son objectif était de pouvoir communiquer avec les députés et d'intégrer le Cartel des gauche dans le gouvernement sans démission présidentielle. En outre, il fallait l'aval du Sénat (composé majoritairement de radicaux) pour dissoudre la Chambre nouvellement élue. Le 10 juin 1924, les sénateurs par 154 voix contre 144 et les députés par 327 voix contre 217 ont renversé le gouvernement François-Marsal. Le lendemain, 11 juin 1924, acculé, alors qu'il a « épuisé tous les moyens légaux », après une guéguerre de deux semaines entre lui et le Cartel des gauches, et même une rumeur de coup d'État (parce qu'il avait invité à l'Élysée un général), Alexandre Millerand donna sa démission.

    Par cette crise institutionnelle, la Troisième République se confirmait comme un régime des partis et un régime d'assemblées, la Chambre avait le dernier mot dans tous les cas, et après la célèbre phrase de Gambetta : « Il faudra se soumettre ou se démettre ! » adressée à Mac Mahon, Président monarchiste élu par hasard pour régler un problème de succession dynastique, seule l'option de la démission était laissée par Édouard Herriot à Alexandre Millerand. Gaston Doumergue lui succéda à l'Élysée.

    Avec le retrait provisoire de Raymond Poincaré (qui, toutefois, retrouva la Présidence du Conseil du 23 juillet 1926 au 26 juillet 1929), Alexandre Millerand resta une personnalité politique forte du Bloc national, visitant la France avec notamment André Maginot, Louis Marin et André François-Poncet, allant même jusqu'à se rapprocher des milieux nationalistes en 1924 et 1925, puis il se fit élire sénateur de la Seine en avril 1925, échoua pour sa réélection en janvier 1927, puis fut réélu sénateur de l'Orne en octobre 1927 et octobre 1935, jusqu'en juillet 1940. Cela lui donnait une belle tribune politique. Dans les années 1930, il s'opposa à Aristide Briand (à cause de sa politique extérieure), apporta son soutien à André Tardieu puis Pierre Laval (en 1935) pour leur politique économique.

    Alexandre Millerand est mort le 6 avril 1943 à 84 ans (né le 10 février 1859), des suites de la maladie de Parkinson. Sa disparition ne fut pas un événement en raison de la guerre. L'historien Jean-Louis Rizzo, auteur d'une biographie d'Alexandre Millerand, lâcha comme un goût de destin inachevé : « Cet homme n’a jamais pu s’exprimer pleinement : la seule fois qu’il détint véritablement le pouvoir, en 1920, il le quitta volontairement pour une Présidence de la République qui lui apporta davantage de désillusions que de satisfactions. Le reste du temps, son caractère ombrageux, ses obstinations ainsi que ses erreurs éloignèrent de lui nombre de ses amis politiques. (…) Il n’en demeure pas moins qu’il fut parfois un précurseur, aussi bien dans l’affirmation d'un socialisme démocratique que dans la volonté de voir émerger un pouvoir exécutif fort. ».



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Alexandre Millerand.
    La victoire des impressionnistes.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Mélinée et Missak Manouchian.
    Le Débarquement en Normandie.
    La crise du 6 février 1934.
    Gustave Eiffel.

    Maurice Barrès.
    Joseph Paul-Boncour.
    G. Bruno et son Tour de France par Deux Enfants.
    Pierre Mendès France.
    Léon Blum.
    Jean Jaurès.
    Jean Zay.
    Le général Georges Boulanger.
    Georges Clemenceau.
    Paul Déroulède.
    Seconde Guerre mondiale.
    Première Guerre mondiale.
    Le Pacte Briand-Kellogg.
    Le Traité de Versailles.
    Charles Maurras.
    L’école publique gratuite de Jules Ferry.
    La loi du 9 décembre 1905.
    Émile Combes.
    Henri Queuille.
    Rosa Luxemburg.
    La Commune de Paris.
    Le Front populaire.
    Le congrès de Tours.
    Georges Mandel.
    Les Accords de Munich.
    Édouard Daladier.
    Clemenceau a perdu.
    Au Panthéon de la République, Emmanuel Macron défend le droit au blasphème.
    150 ans de traditions républicaines françaises.
     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240611-millerand.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/il-y-a-100-ans-la-demission-d-254934

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/08/article-sr-20240611-millerand.html




     

  • Sidération institutionnelle : la Vie dissolue d'Emmanuel Macron

    « - Le Président de la République peut, après consultation du Premier Ministre et des Présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l'Assemblée Nationale.
    - Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution.
    - L'Assemblée Nationale se réunit de plein droit le deuxième jeudi qui suit son élection. Si cette réunion a lieu en dehors de la période prévue pour la session ordinaire, une session est ouverte de droit pour une durée de quinze jours.
    - Il ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit ces élections. »
    (Article 12 de la Constitution).





     

     
     


    On ne va pas le cacher, je reste surpris et atterré par la dissolution annoncée par le Président Emmanuel Macron au soir des élections européennes de ce dimanche 9 juin 2024. J'étais dans mon bureau de vote en fin de dépouillement quand je l'ai appris et je l'ai moi-même appris aux autres assesseurs et scrutateurs consternés.

    Par l'observation continue des scrutins de la Cinquième République, je pressentais bien qu'il y aurait, comme dans tous les scrutins, une surprise. La surprise de ces européennes, c'est qu'en gros, les résultats sont cohérents avec ce que donnaient les derniers sondages, je les commenterai donc, mais plus tard, dans un autre article. La surprise et la sidération ne viennent pas de ces résultats finalement attendus, mais de la réaction très rapide, trop rapide ?, du Président, au cours d'une courte allocution télévisée à 21 heures, celle de dissoudre l'Assemblée Nationale et d'organiser de nouvelles élections législatives dès le 30 juin 2024 pour le premier tour et le 7 juillet 2024 pour le second tour.

    Après avoir constaté la défaite de son camp et la victoire des populistes, Emmanuel Macron a déclaré en effet : « Pour moi, qui ai toujours considéré qu'une Europe unie, forte, indépendante est bonne pour la France, c'est une situation à laquelle je ne peux me résoudre. La montée des nationalistes, des démagogues, est un danger pour notre nation, mais aussi pour notre Europe, pour la place de la France en Europe et dans le monde. (…) Oui, l'extrême droite est à la fois l'appauvrissement des Français et le déclassement de notre pays. Je ne saurais donc, à l'issue de cette journée, faire comme si de rien n'était. À cette situation s'ajoute une fièvre qui s'est emparée ces dernières années du débat public et parlementaire dans notre pays, un désordre qui, je le sais, vous inquiète, parfois vous choque, et auquel je n'entends rien céder. Or, aujourd'hui, les défis qui se présentent à nous, qu'il s'agisse des dangers extérieurs, du dérèglement climatique et de ses conséquences, ou des menaces à notre propre cohésion, ces défis exigent la clarté dans nos débats, l'ambition pour le pays et le respect pour chaque Français. C'est pourquoi, après avoir procédé aux consultations prévues à l'article 12 de notre Constitution, j'ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l'Assemblée nationale. Je signerai dans quelques instants le décret de convocation des élections législatives qui se tiendront le 30 juin pour le premier tour et le 7 juillet pour le second. Cette décision est grave, lourde, mais c'est avant tout, un acte de confiance. ».


    Comme je l'ai rappelé en début d'article, si l'agenda est serré (j'écrirais même dément pour les communes qui organiseront les deux scrutins !), il reste constitutionnel. L'article 12 de la Constitution dit entre vingt et quarante jours de la dissolution, et là, le Président a proposé vingt et un jours. Un record ! Évacuons quelques remarques préliminaires : comme dans le cas d'un référendum, le principe de retourner aux urnes est, en lui-même, un gage de démocratie, évidemment. Donner la parole au peuple est toujours un gaine de démocratie. Mais il est des décisions qui peuvent être désastreuses. Jouer avec le feu peut brûler.

    Car la première image qui vient à l'esprit, c'est le Président qui offre sur un plateau d'argent le pouvoir au RN, pour deux à trois ans au moins. Comment a-t-il pu penser qu'en trois semaines, les Français changeraient radicalement de tendance électorale ? Au contraire, on a bien vu en 1981, 1988, 2002, 2007, 2012, 2017 et 2022 que les Français ont confirmé la tendance présidentielle aux législatives qui ont suivi, parfois en l'amplifiant, parfois en la freinant mais jamais en la désavouant. Or, on peut imaginer raisonnablement que la tendance ici, favorable au RN, serait amplifiée avec ces élections législatives anticipées. Il faut comprendre que le RN a infusé dans toutes les catégories de la population, âge, catégorie socioprofessionnelle, niveau d'études, etc. Et que son audience électorale remarquable provient d'un mouvement de fond, très profond, pas seulement des gilets jeunes, mais depuis quarante ans (septembre 1983 à Dreux) et, en outre, c'est un mouvement international qui touche pratiquement toute l'Europe (les élections britanniques du 4 juillet 2024 seront instructives) et même les États-Unis, l'Amérique du Sud, etc. (d'où la responsabilité d'Emmanuel Macron pas vraiment évidente).

    Et le calendrier ! Quelle sottise ! Juste en fin d'année scolaire, quand les gens se préparent à leurs vacances (méritées). Juste avant les Jeux olympiques et paralympiques (bonjour la sécurité ! Sans compter que faire campagne dans un Paris à circulation impossible, cela pose quelques questions). Les week-ends de début d'été sont souvent très occupés pour les loisirs, seuls moments de détente après un printemps cette année particulièrement pluvieux. Manifestement, mais on le savait déjà, l'Élysée ne sent pas le pays.


    Dès lors que la dissolution est considérée comme un coup politique, la colère n'en prendra que plus d'ampleur. Ceux qui ont contribué à cette décision auront, face à l'histoire, une bien grave responsabilité. Car imaginer que tout le monde, hors de l'extrême droite, va rejoindre la Macronie au nom d'un combat sur les valeurs morales, c'est perdu d'avance et on le savait depuis 2017. On ne combat pas l'extrême droite, d'autant plus que son emballage a l'air plaisant, avec des incantations moralisatrices dont les électeurs n'ont rien à faire. D'ailleurs, Éric Ciotti, le président de LR, a rapidement confirmé qu'il n'était pas question de faire alliance avec la majorité présidentielle. Quant au PS, il ne lorgne que vers les insoumis sur lesquels ils ont repris l'ascendant électoral (et montre au passage le visage qu'il a toujours eu depuis 2018). Eh puis, que penser d'un Président qui répond "chiche !" aux revendications de dissolution réclamées à grands cris par l'extrême droite ? Comment peut-on tomber dans un tel piège tout seul ? Suicide collective à la mode kamikaze ? C'est comme si on sautait dans le vide de peur d'y être poussé.

    Cette dissolution du 9 juin 2024 a pour conséquence d'oublier encore un peu plus l'Europe, et le Parlement Européen, ce qui est franchement triste et décevant, surtout pour un Président si proche des partisans de la construction européenne. Elle a néanmoins quelques avantages non négligeables mais de court terme : interrompre l'examen du projet de loi sur l'euthanasie ; ne pas instaurer de proportionnelle aux législatives ; casser la concomitance présidentielle suivie des législatives depuis 2002 ; en finir avec cette Assemblée Nationale où régnait le désordre permanent (par le choc de deux extrêmes).

    Quelles ont été les motivations réelles d'Emmanuel Macron ? Probablement que les historiens se pencheront dans quelques décennies sur cette question en séchant. S'il souhaitait lever l'hypothèque RN, il risquerait d'en avoir pour ses frais. Après tout, le Zentrum a bien cherché à lever l'hypothèque de la NSADP en 1933. Rappelons aussi qu'un parti à 30%, comme c'est le cas aujourd'hui avec le RN, c'est la capacité d'obtenir plus de 50% des députés... sauf véritable sursaut électoral.

    Donner le pouvoir au RN pendant deux ou trois ans, sous contrôle présidentiel par une nouvelle cohabitation et éviter de perdre l'élection présidentielle. Maligne, Marie Le Pen s'est bien gardée de vouloir Matignon. Elle préfère laisser la responsabilité à Jordan Bardella dit Coquille vide, dont l'éventualité de l'échec n'impacterait pas sur l'avenir supposé présidentiel de Marine Le Pen. Mais qui dit qu'un gouvernement RN serait forcément impopulaire ? Le RN, astucieux, pourrait avoir tout le loisir, au contraire, de se rendre populaire en supprimant la limitation à 80 kilomètres par heure, le contrôle technique pour les motards, la fin des véhicules thermiques, et quelques autres mesures démagogiques et irresponsables qui soulageraient les Français inquiets par leurs libertés rognées de toute part.


    Il ne faut pas non plus oublier que, comme en 1997, la dissolution oblige le Président de la République qui ne pourra pas dissoudre avant un an. Une configuration de cohabitation donnerait donc nécessairement un grand ascendant au RN s'il gagnait les législatives anticipées car ses députés seraient "indissolvables" pendant un an !

    Cette dissolution du 9 juin 2024, qui restera dans les annales de la République, cela ne fait aucun doute, est la sixième depuis le début de la Cinquième République. Il est facile de se retourner en arrière pour imaginer l'avenir. Dans l'analyse, il faut éliminer les deux dissolutions prises juste après l'élection puis la réélection de François Mitterrand qui n'ont été que des confirmations sans surprise.

    Sans doute que la première comparaison qui arrive à l'esprit est celle avec la dissolution du 21 avril 1997 faite par Jacques Chirac. Et le parallélisme est terrible. Des élections législatives devaient avoir lieu en mars 1998. Jacques Chirac bénéficiait d'une très large majorité depuis le début de son septennat, la plus large de tous les temps. Au début du printemps 1997, le principal parti d'opposition, le PS, avait désigné tous ses candidats aux législatives de l'année suivante, tandis que le RPR n'avait pas fait ce travail de fond. À la dissolution, le PS était prêt à se battre, le RPR était pris à l'improviste. En 2024, le RN est déjà prêt avec tous ses candidats dans les circonscriptions. La rapidité des élections fait que les négociations pour d'éventuelles alliances n'auront pas le temps d'aboutir. Et la majorité est-elle prête à concourir ? Pas sûr. On peut faire la comparaison jusqu'au conseiller hors sol qui a recommandé cette très incertaine décision (Dominique de Villepin en 1997).

    On peut aussi imaginer qu'Emmanuel Macron pensait à la dissolution du 30 mai 1968 : le retournement de tendance a été spectaculaire aux législatives des 23 et 30 juin 1968. Mais retournement de quoi ? D'une "opinion publique" voyant d'un œil vaguement sympathique la révolte étudiante. Mais il n'y avait pas eu d'élections organisées le mois précédent.

     

     
     


    Peut-être qu'Emmanuel Macron pensait plutôt à la première dissolution, celle 9 octobre 1962. Il faut rappeler le contexte : l'Assemblée élue les 23 et 30 novembre 1958 n'avait pas de majorité absolue pour les gaullistes et alliés, la majorité était relative. Quand De Gaulle a proposé le 20 septembre 1962 le référendum pour élire le Président de la République au suffrage universel direct, il s'est heurté à un front uni des partis politiques (autres que l'UNR) contre ce projet (tant sur le fond, l'élection directe du Président, que sur la forme, le référendum par l'article 11 au lieu d'une révision par l'article 89 de la Constitution). Dans la crise politique, une motion de censure a été alors adoptée le 4 octobre 1962, la seule motion de censure jusqu'à maintenant adoptée (depuis 1958), si bien que le 9 octobre 1962, De Gaulle a dissous l'Assemblée et organisé des élections législatives les 18 et 25 novembre 1962, peu après le référendum fixé au 28 octobre 1962 (on note d'ailleurs que la limite de quarante jours a été respectée exactement).

    La quasi-unanimité de la classe politique contre les gaullistes ne laissaient guère de doute sur l'issue des scrutins. La lecture des notes d'Alain Peyrefitte permet de se faire une idée intéressante du climat psychologique. La plupart des ministres et députés gaullistes se considéraient en sursis, le régime des partis et les forces de la Quatrième République allaient gagner la partie contre eux et ils n'auraient qu'à rentrer chez eux après une expérience de quatre ans. La victoire du référendum (62,3% de oui avec 77,0% de participation) a engendré une grande victoire électorale aux législatives le mois suivant, apportant une large majorité absolue à l'UDR (ex-UNR) et ses alliés de 354 sièges sur 487 (avec 47,8% des voix au premier tour).

    Mais tout le monde n'est pas De Gaulle. La dissolution du 9 juin 2024 relève surtout d'une sorte de coup de poker peu admissible car il met la France en danger. Y aura-t-il un sursaut des Français face aux énormes enjeux nationaux et internationaux du moment ? Je le souhaite. Cette initiative présidentielle ne pourra pas être jugée à sa propre valeur avant le 7 juillet 2024, mais ce qui est sûr, c'est que c'est casse-cou et cela heurte de nombreux Français... parmi les plus proches du Président. Le ça-passe-ou-ça-casse très gaullien ne fait plus partie des mœurs d'une république plus participative.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Sidération institutionnelle.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 9 juin 2024 vers 20 heures 30 (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron, haut et fort dans l'intérêt de la France et des Français.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2 (vidéo intégrale).
    Discours du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 en Normandie.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur l'Europe le 25 avril 2024 à la Sorbonne à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (le26 septembre 2017 à la Sorbonne).
    Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Pour que la France reste la France !
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Macron.
    Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

    Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
    Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
    Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
    Élisabeth Borne remerciée !
    Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
    Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240609-dissolution.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/sideration-institutionnelle-la-vie-255132

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/09/article-sr-20240609-dissolution.html



     

  • 80e anniversaire du Débarquement : merci, les vétérans !

    « Les Français sont là parce qu'ils tiennent à ce moment de l'histoire. Quatre-vingts ans après, ce sont sans doute les dernières grandes célébrations où nous pouvons avoir des anciens combattants, des vétérans qui sont encore là, qu'on doit célébrer et chérir. C'est ça pour moi le premier objectif. » (Emmanuel Macron, le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2).



     

     
     


    C'est exactement là l'enjeu de ces nombreuses cérémonies de commémoration du Débarquement en Normandie les 5 à 7 juin 2024 : Saint-Lô, Cherbourg, Caen, Bayeux, etc. Elles ne seront pas les dernières, bien sûr, car la mémoire de la Seconde Guerre mondiale restera ancrée comme pour la Première Guerre mondiale, mais les prochaines ne se feront sans doute plus avec les acteurs ou même les témoins.

    Pour Emmanuel Macron, ce passage obligé était nécessaire. Il est sans doute le Président de la République qui commémore le plus. On se rappelle ainsi le centenaire du 11 novembre 1918. Mais encore heureux qu'il l'a fait, car beaucoup semblent avoir la mémoire un peu courte de l'histoire récente. Dans ce domaine, on n'en fait jamais trop, on ne martèle jamais assez. Comment ne pas prendre la volonté expansionniste russe de Vladimir Poutine au sérieux quand on connaît l'histoire des années 1930 ? La Crimée en guise d'Anschluss (annexion de l'Autriche)... le Donbass en guise des Sudètes... et puis quoi encore ? L'Ukraine pour la Tchécoslovaquie ? Les Pays baltes, la Moldavie, la Géorgie pour la Pologne ? Ou la Pologne elle-même dans son précédent rôle ? La Roumanie ? C'est parce que les démocraties déclinantes ont baissé les bras (et la culotte) à Munich que l'impérialisme totalitaire est sorti victorieux et il a fallu des millions de morts pour en venir à bout. Comment donc ne pas avoir cette histoire à l'esprit quand on analyse les faits d'aujourd'hui ?

    L'Ukraine était un pays libre comme les autres pays européens, et c'est devenu un enfer de bombes, de désolation, voulu par la seule folie expansionniste. On pouvait sérieusement penser qu'on avait suffisamment évolué, en Europe du moins, champ de batailles millénaire, pour ne plus voir cela. C'est pour cela que la France a réagi avec raison et soulagement : dire stop avec des mots ne sert à rien quand seuls les rapports de force sont pris en compte. Il faut arrêter Poutine tant qu'il est encore temps.

    Dans ces cérémonies, bien sûr, il y a des chefs d'État et de gouvernement, leur cortège de discours, d'honneurs, de devanture médiatique, mais aussi les gens qui sont venus sur place, des gens du peuple qui ont voulu être là pour participer, hors VIP, à ces manifestations mémorielles, ils ne sont pas venus honorer les officiels mais les vétérans. Oui, ces anciens combattants à qui on doit tant depuis quatre-vingts ans.
     

     
     


    Quand on parle d'anciens combattants, on peut être tenté de retomber dans les clichés des années 1970, aidé par Coluche, Reiser et d'autres humoristes qui ne faisaient pas dans la dentelle (et qui ne manquaient pas de talent). Des vieux schnoques rabat-joie, chiants disons-le clairement, la poitrine couverte de médailles quand ils sortent en ville, à la voix chevrotante. Et obsédés par la guerre.

    Cela fait longtemps que j'ai dépassé ce stade de réflexion : on l'oublie trop, mais les anciens combattants, ce ne sont pas des vieux, c'étaient d'abord des jeunes, voire des très jeunes hommes qui ont, par courage, par devoir, combattu, et qui ont, par chance, il n'y a pas d'autre mot, survécu. Ils avaient 18 ans, 20 ans... Il faut les imaginer. Ils ont perdu dix, vingt, cent de leurs camarades, de leurs meilleurs amis, ils ont été traumatisés à vie. Ils ont vu des horreurs, des petites lâchetés, de la grande bravoure (bravitude), mais ils étaient aussi immatures que nos gosses adolescents d'aujourd'hui, il ne faut pas croire, mais dans un contexte de guerre infernale. Ce sont toujours les jeunes qui façonnent l'histoire.


    Alors, aujourd'hui, évidemment, quatre-vingts années plus tard, il en ont quatre-vingts de plus, ceux qui sont venus, des États-Unis, de Grande-Bretagne, etc., ont maintenant entre 98 ans et 103 ans. Ce sont des centenaires, certains encore en bon état, souriants, debout ou à fauteuil roulant, et elle est là, l'émotion. Chaque vétéran est un roman complet. Parfois au moment de la guerre, parfois plus tard, des histoires de mort, des histoire d'amour aussi, des rencontres, des retours... Certains vétérans sont revenus pour la première fois depuis si longtemps, revenir sur les lieux de leurs combats. L'un a été submergé d'émotion : il se demandait si tant de pertes valait la peine et il a vu sur la plage où il avait débarqué des gens en maillot de bain pique-niquer, touristes, baigneurs, joyeux, libres, légers. Oui, ça valait le coup. En Croatie, en Crimée, c'étaient des zones de tourisme, c'étaient des territoires de légèreté, pas de guerre, pas d'horreur. L'humain est terrible, il réussit à faire un enfer d'un paradis. Heureusement, l'inverse est vrai aussi. C'est un choix. Un choix de vie, un choix de conviction. Choisis ton camp !
     

     
     


    Ce sont donc uniquement les vétérans qui sont à l'honneur. Tous ces jeunes, parfois ces enfants qui les ont accueillis chaleureusement, ces derniers jours, c'était justice et gratitude. Ils leur disaient la seule chose qu'on dit dans ce cas-là : merci, les gars ! Merci d'avoir sauvé nos vies en sacrifiant la vôtre ! D'origine lorraine (eh oui !), je suis plus habitué aux cimetières militaires de la Première Guerre mondiales, j'ai vécu mon enfance avec ce sentiment de l'enfer de Verdun, des ossuaires, ces lignes de front qui évoluent aussi lentement que dans le Donbass au prix de milliers de vies humaines, des bouts d'os humain que certains agriculteurs trouvent encore dans leur champ un siècle plus tard, tant la boucherie a été horrible. J'ai peu de liens personnels avec la Normandie, j'ai une culture plus intellectuelle de ces cimetières militaires en Normandie mais le concept est le même : partir à des milliers de kilomètres, avoir peu de chance d'en revenir, la famille n'a même pas pu récupérer le corps de leur enfant, tant il y en avait. Beaucoup de disparus d'ailleurs. Comment imaginer cette boucherie ? Il suffit de regarder vers l'Est, vers l'Ukraine aujourd'hui, hélas. Et ce n'est pas le seul encore enfer, il y en a beaucoup d'autres en Afrique, à Gaza et en Israël, en Syrie, au Moyen-Orient, etc.

    Ce qui est rassurant, c'est que la jeunesse est prête à assurer la relève. Il n'y aura bientôt plus de témoins, plus d'acteurs, parce que la biologie humaine est ce qu'elle est, mais les enfants sont désormais éduqués, instruits, sensibilisés comme on dit. Chaque 8 mai, chaque 11 novembre, dans ma commune, il y a au moins une quinzaines d'enfants du primaire qui participent aux cérémonies du souvenir, ce sont eux qui déposent les gerbes, celle du conseil municipal, celle des anciens combattants, celle du conseil municipal des enfants, parfois celle du député de la circonscription (avant une élection importante). Ils lisent leurs propres discours. Parfois bien mieux que les adultes.

    L'émotion est à double sens. Ce vétéran qui est revenu sur les lieux du drame. Il a été accueilli comme s'il était un enfant de la famille. Les habitants lui ont fait la fête. Lui, le vieillard, s'est senti chez lui, comme s'il faisait partie de la famille. Il oubliait de comprendre que ce n'était plus lui le gosse, le jeune, c'est maintenant le patriarche, un patriarche qui a survécu à ces horreurs et qui a eu de la chance, mais à qui le reste de sa "nouvelle" famille doit une fière chandelle. Parfois, j'ai l'impression que le fait d'avoir été ancien combattant conservait le corps et l'âme, quand on voit certains vétérans centenaires en si bonne forme au moins morale, le sourire aux lèvres et plein de souvenirs dans la bouche... et les yeux.

    Ces cérémonies des 80 ans seront certainement les dernières où nous, les jeunes, les jeunes gens de 0 à 95 ans, nous pouvons leur dire merci. Petit à petit, ils vont disparaître, définitivement. Le dernier combattant du Commando Kieffer, Léon Gautier, est mort en juillet de l'an dernier. Ce dernier a pourtant répété toute sa vie : « Nous ne sommes pas des héros, nous n'avons fait que notre devoir ! ». Cela reprend la conception de De Gaulle dans l'engagement dans la France libre à Londres, racontée par Daniel Cordier : passant en revue tous ces jeunes volontaires qui venaient d'arriver, le Général ne leur a jamais dit un seul merci d'être venus ; pour lui, encore heureux ! ils avaient fait simplement leur devoir en le rejoignant, c'était tout, le minimum. Ce n'est pas vrai, ce sont des héros, de humbles héros qui ont été essentiels dans la victoire. Nos générations leur doivent tout et d'abord la liberté de dire n'importe quoi et de dénigrer sa patrie comme le font de beaucoup trop nombreux commentateurs de l'actualité.

     

     
     


    Pendant ces trois jours, Emmanuel Macron leur a rendu hommage, en particulier à Colleville-sur-Mer, aux côtés de Joe Biden : « Vous avez tout quitté et pris tous les risques pour notre liberté. Nous ne l'oublierons pas ! » (9:400 sépultures dans le cimetière militaire américain). Sur la plage d'Omaha Beach, 2 500 des 34 000 soldats ont péri dès le première jour. Le Président français leur a rendu hommage : « Ils ne parlaient pas la même langue. Ils n’avaient pas le même drapeau. Ils ne portaient pas le même uniforme. Et pourtant, ils partageaient une certaine vision de l’Homme, digne et libre. Ils portaient la liberté réinventée, au péril de leur vie. ». 22 442 militaires britanniques sont morts dans la Bataille de Normandie en été 1944. Hommage du Président de la République française aux côtés du roi Charles III : « They gave their tomorrow for our today. We will never forget. » [Ils ont donné leur lendemain pour notre aujourd'hui. Nous n'oublierons jamais].

    Le 5 juin 2024, Emmanuel Macron a rendu aussi hommages aux maquisards bretons à Plumelec : « Tous ensemble, honorons et transmettons. Nous le devons à nos héros. Nous le devons aux générations futures. ». À Saint-Lô : « La "Capitale des Ruines", selon la belle expression forgée par Samuel Beckett, nous honorerons les victimes des bombardements, ainsi que le courage de tous leurs sauveteurs. Saint-Lô est le symbole de toutes nos cités qui, à cette époque, ont connu la destruction. Leur souffrance, l’héroïsme des secouristes et l’abnégation de ceux qui les ont rebâties doivent trouver toute leur place dans notre mémoire collective. ».


    Plus généralement, le chef de l'État a remercié les combattants de la liberté : « La gratitude de la France leur est assurée pour toujours, et nous l’exprimerons aux vétérans qui, immense honneur pour notre pays, seront encore avec nous ce jour-là. (…) Partout en France, des milliers d’événements et de projets scolaires animeront l’indispensable travail de transmission. C’est le sens de la grande collecte d’archives et de souvenirs lancée en mars dernier, qui permettra à l’intime de rejoindre le collectif dans la construction de notre mémoire. Il est en effet essentiel d’aider les jeunes générations à s’approprier cette période dont nous avons su nous relever et tirer des leçons, et à réfléchir au poids des choix individuels dans les périodes de tourments. ». Et de s'interroger : « Elle nous pousse à nous demander le prix que nous sommes prêts à payer pour notre liberté et la défense de nos valeurs. Elle nous rappelle l’importance d’une Europe unie, de la solidité de nos alliances, dans un monde à nouveau plein de risques et d’incertitudes. Puisse l’exemple de ces héroïnes et héros renforcer notre détermination et notre confiance dans un avenir de paix et de sécurité. ». Dans son discours devant le mémorial des SAS, Emmanuel Macron a déclaré : « Je sais notre pays fort d'une jeunesse audacieuse, vaillante, prête au même esprit de sacrifice que ses aînés. ».

    La rencontre d'une vingtaine de chefs d'État et de gouvernement n'a pas été vaine et passive durant ces commémorations. Elle a été l'occasion de publier le 6 juin 2024 une déclaration commune très forte signée par dix-neuf États dont la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, la Pologne, le Canada, l'Ukraine, etc. pour réaffirmer un certain nombre de valeurs fondamentales :

    « Premièrement, nous soutenons l’intégrité territoriale des États souverains. Les frontières ne peuvent être modifiées par la force.

    Deuxièmement, nous rejetons tout recours à la force comme moyen de régler les différends. Notre Alliance et nos partenariats sont de nature strictement défensive et ne représentent en aucun cas une menace à la sécurité d’un autre État. Notre objectif commun est de préserver et de maintenir la paix.

    Troisièmement, nous respectons la liberté de tous les États de définir les relations qu’ils souhaitent entretenir en matière de sécurité ainsi que leur droit de faire partie ou non d’alliances. Il s’agit là d’une expression de la souveraineté nationale et du désir de sécurité et de stabilité que nous partageons tous.

    Quatrièmement, nous nous engageons à respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales pour tous, sans distinction, notamment la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de croyance.

    Cinquièmement, nous défendons le droit de tous les peuples à définir librement leur statut politique en vertu de leur droit à l’autodétermination, conformément au droit international.

    Sixièmement, nous prônons l’accès de tous à des nouvelles et à des informations fiables, ainsi qu’à un environnement de l’information numérique ouvert, sûr et sécurisé. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel de garantir un journalisme et une presse libres, indépendants et pluralistes.

    Septièmement, nous plaidons en faveur d’échanges économiques pacifiques, des liens entre les peuples et de la coopération internationale afin de promouvoir la sécurité et la prospérité en Europe et dans le reste du monde.


    Ces principes universels se trouvent au cœur de notre engagement collectif en faveur de la paix et de la sécurité. Ils sont depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale la pierre angulaire de l’alliance nouée entre les États-Unis, le Canada et les pays européens, ainsi que des partenariats mondiaux établis de longue date. Aujourd’hui, ils demeurent au cœur de notre action dans le monde, alors que nous nous efforçons de favoriser l’établissement de normes mondiales, de promouvoir des valeurs et de soutenir le développement durable pour tous. Ils nous guident dans la détermination sans faille que nous déployons pour aider l’Ukraine à se défendre contre la guerre d’agression russe, et que nous continuerons de déployer aussi longtemps que nécessaire pour rétablir la paix en Europe. ».

    C'est la raison pour laquelle Vladimir Poutine n'a pas été invité à ces commémorations, parce qu'ils ne partagent pas ces valeurs fondamentales. Il ne s'agit pas d'un fossé civilisationnel, mais seulement individuel. Le peuple russe, comme tous les grands peuples, doit pouvoir nous rejoindre sur ces valeurs. Aujourd'hui, il ne le peut pas encore, mais il le fera un jour prochain. Le plus vite sera le meilleur pour la paix et les libertés.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    75e anniversaire du Débarquement en Normandie : encore une commémoration ?
    Débarquement : honneur aux soldats américains morts pour la France et pour l’Europe !
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Discours du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 en Normandie.
    Mélinée et Missak Manouchian au Panthéon : pluie et émotion !
    Michel Cherrier.
    Léon Gautier.
    Claude Bloch, passeur de mémoire.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240606-debarquement.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/80e-anniversaire-du-debarquement-255054

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  • Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !

    « France, je vous remercie pour défendre la vie ! » (Volodymyr Zelensky, le 7 juin 2024 dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale à Paris).


     

     
     


    C'est en français (uniquement pour ces quelques mots) que le Président ukrainien Volodymyr Zelensky a remercié la France et les Français de soutenir la résistance ukrainienne contre l'agression des armées de Vladimir Poutine. Il était invité à s'exprimer devant la représentation nationale au Palais-Bourbon, à Paris, ce vendredi 7 juin 2024 vers 10 heures du matin.

    Le 23 mars 2022, moins d'un mois après le début de l'invasion russe, Volodymyr Zelensky s'était déjà adressé à tous les députés français, comme aux autres parlementaires étrangers, mais en visioconférence, à distance. Sa présence physique ce jour est donc une étape supplémentaire des relations entre l'Ukraine et la France depuis le sinistre 24 février 2022. D'ailleurs, les parlementaires des deux pays ont noué des relations très fortes : la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet s'était exprimé à la tribune de la Rada, la chambre basse ukrainienne à Kiev le 28 mars 2024, tandis que Ruslan Stefanchuk, le Président de la Rada, était venu s'exprimer à la tribune de la l'Assemblée Nationale à Paris le 31 janvier 2023.

    Accueilli par Yaël Braun-Pivet à l'Hôtel de Lassay, le Président Zelensky a été salué dans l'hémicycle par une ovation des députés, en présence également du Premier Ministre Gabriel Attal, des anciens Premiers Ministres Alain Juppé et Manuel Valls, ainsi que des anciens Présidents de l'Assemblée Nationale Jean-Louis Debré et Patrick Ollier.

     

     
     


    Évidemment, on ne peut ressentir qu'une grande émotion à l'écouter au sein même de l'hémicycle. Une émotion continue car elle était aussi très forte la veille, le 6 juin 2024 lors des cérémonies du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie. Sa présence montrait qu'il tenait à rester debout, faisant partie d'un pays normal qui commémore normalement un fait de notre histoire récente. Les Français venant assister à ces cérémonies lui ont d'ailleurs offert un accueil très chaleureux.

    Célébrer une victoire d'il y a quatre-vingts ans et revenir à la guerre bien réelle, bien actuelle, hélas, en Ukraine. Ce parallélisme est pourtant imposant : sans soutien extérieur, l'Ukraine ne pourra pas résister aux troupes russes.


    Le message de Volodymyr Zelensky était simple. Vladimir Poutine, au mépris du droit international, a voulu annexer l'Ukraine et n'a aucune considération pour les vies humaines qu'il a détruites par millions, mais ce peu de considération, c'est également le cas pour le peuple russe. Ce qui lui a fait dire que le Président de la Fédération de Russie était la négation même des valeurs de l'Europe, la protection de la vie, la liberté, l'égalité et la fraternité.
     

     
     


    Émotion donc, mais aussi fierté d'être Français, d'être ce pays qui a su soutenir, parfois maladroitement au début mais très clairement aujourd'hui, l'Ukraine dans son combat pour sa survie, pour son existence même, pour sa liberté. Tous les trolls poutinolatres qui réclament la paix au prix de la capitulation de l'Ukraine mais jamais l'arrêt de l'agression russe préfèrent la paix à la liberté, mais que vaut la paix si le peuple n'est pas libre ? pas grand-chose parce que le peuple voudra se libérer un jour ou l'autre.

    Le Président Zelensky s'est appliqué à remercier très longuement les autorités françaises et en particulier Emmnauel Macron avec ces mots très forts : « Emmanuel, Monsieur le Président, je voulais te remercier de ne pas avoir laissé l'Europe sans leader et l'Ukraine sans la France au moment décisif ! ».

    Dans chaque intervention auprès des officiels étrangers, le Président ukrainien avait toujours deux messages à délivrer : merci de votre aide, mais aidez-nous plus ! Il l'a redit à la fin de son intervention, mais de façon beaucoup plus douce et discrète que d'habitude, parce qu'il sait que la France a décidé désormais d'y mettre les moyens : « Je vous suis reconnaissant pour ce que vous faites déjà, et c'est déjà beaucoup. Mais pour la paix juste, il faut plus. Et ce n'est pas un reproche. C'est juste comment vaincre le mal. Faire plus aujourd'hui qu'hier pour demain être plus près de la paix que jamais. Nous devons et nous réussissons tout cela. Merci pour votre alliance ! ».

     

     
     


    Il n'a pas du tout évoqué les Mirages 2000 qu'avait annoncés le Président de la République française dans son intervention télévisée de la veille, mais ce sujet est prévu d'être abordé au cours de la conférence de presse commune que Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron vont tenir ce 7 juin 2024 vers 19 heures à l'Élysée.

    Au-delà de cette émotion, de cette fierté, et de cet espoir que l'aide alliée puisse aider efficacement l'Ukraine, parlons aussi de la honte ressentie envers les nombreux députés absents ce matin lors de cette séance pourtant historique. On a dit que le vendredi, c'était le jour de la circo (circonscription) pour les députés, et qu'ils peuvent être en campagne pour les élections européennes. Ils auraient quand même pu faire le déplacement pour cette journée historique.


    Mais c'est manifestement plutôt un boycott, un signe de mauvaise humeur politicienne pour ces députés absents et l'ancien grand reporter Vincent Hugueux, très sollicité pour son expertise depuis la guerre en Ukraine, se demandait sur LCP ce que répondraient ces députés absents lorsque dans dix ou vingt ans, leurs enfants ou petits-enfants leur demanderaient : tu étais où, pendant cette journée historique ? Car les bancs clairsemés provenaient plutôt des groupes de la Nupes et du groupe d'extrême droite, même s'il faut noter la présence de Marine Le Pen, Éric Coquerel et Fabien Roussel, entre autres.
     

     
     


    Comment en effet reprocher au Président Zelensky de venir s'exprimer devant les députés français ? De nous faire l'honneur de venir s'exprimer au cœur de notre démocratie française, sous prétexte que c'est trois jours avant les élections européennes ? Si Volodymyr Zelensky s'est exprimé le 7 juin 2024, ce n'est pas pour des raisons de calcul électoraliste (et à qui cela profiterait-il, puisque tous les groupes politiques soutiennent l'Ukraine ? certes, plus ou moins sincèrement !), mais simplement parce qu'il était venu aux cérémonies la veille pour le Débarquement du 6 juin 1944 et qu'il repassait par Paris où il a vu également ce vendredi matin le Président américain Joe Biden puis verra le Président français Emmanuel Macron dans l'après-midi.

    Je suis fier et ému que la France, par la voix d'Emmanuel Macron mais aussi de la représentation nationale en accueillant Zelensky, a choisi de soutenir activement l'Ukraine, et pas seulement sur le plan militaire, également sur le plan humanitaire et d'accueil spontané des réfugiés ukrainiens par les familles françaises. La solidarité n'est pas un vain mot, mais elle doit être déclinée aussi par le peuple, pas seulement par ses dirigeants, elle est décisive pour construire un monde plus sûr de paix et de libertés.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !
    L'aide de la France à l'Ukraine le 6 juin 2024.
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    Débat parlementaire sur l'Ukraine : les masques tombent en France !
    Ukraine : Sophia Aram traite à la sulfateuse les néopacifistes à la notoriété déclinante !
    L'Europe face à Poutine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    Jean-Pierre Chevènement et ses relations avec la Russie.
    François Fillon et ses relations avec la Russie.
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
    2 ans de guerre en Ukraine : Poutine zéro en histoire !
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Lee Marvin, les Douze Salopards et la Russie.
    La France Unie soutient l'Ukraine !
    Condoléances cyniques.
    Mort d'Evgueni Prigojine.

    Sergueï Kirienko.
    Victoria Amelina.

    L'effondrement du pouvoir de Poutine.
    Putsch en Russie : faut-il sauver le soldat Poutine ?
    Poutine en état d'arrestation !
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    Kherson libéré, mais menace nucléaire ?

    Volodymyr Zelensky demande l'adhésion accélérée de l'Ukraine à l'OTAN.
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Les massacres de Boutcha.
    Le naufrage du croiseur russe Moskva.
    L’assassinat de Daria Douguina.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    L'avis de François Hollande.
    Les valeurs valent mieux que les bénéfices !
    Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine.
    Ukraine en guerre : coming out de la Grande Russie.
    Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
    Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !







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    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/zelensky-poutine-c-est-l-anti-255089

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  • Emmanuel Macron, haut et fort dans l'intérêt de la France et des Français

    « Parler un 6 juin est important pour ne pas confondre la mémoire et la vie de la Nation. » (Emmanuel Macron, le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2).



     

     
     


    Grande séquence diplomatique pour le Président de la République Emmanuel Macron. Après les trois jours de visite d'État en Allemagne, où le peuple allemand l'a ovationné durant ses déplacements (notamment à Berlin et à Dresde) du 26 au 28 mai 2024, il a reçu ces mercredi 5 et jeudi 6 juin 2024 plus d'une vingtaine de chefs d'État et de gouvernement pour les cérémonies du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie. Et cela avant la visite de Volodymyr Zelensky à Paris ce vendredi 7 juin 2024 et la visite d'État du Président américain Joe Biden ce samedi 8 juin 2024.

    Pourquoi alors s'étonner de voir le Président de la République vouloir s'adresser aux Français à cette occasion ? Certes, dans trois jours ont lieu les élections européennes, mais justement, tous ses prédécesseurs, et en particulier le plus illustre d'entre eux, De Gaulle, ne s'étaient pas embarrassés de ces considérations en prenant les ondes quand ils le voulaient, parfois même entre la fin de la campagne officielle et le début du scrutin. Du reste, dans le cas de maintenant, ce n'est plus le gouvernement qui régule les temps de parole mais l'Arcom (l'héritière du CSA) qui a décidé de prendre en compte son temps de parole, et donc, dans cette affaire, c'est surtout Valérie Hayer qui est la plus pénalisée !

    Donc, effectivement, Emmanuel Macron a répondu aux questions de Gille Bouleau de TF1 et d'Anne-Sophie Lapix de France 2 ce 6 juin 2024 entre 20 heures 10 et 20 heures 45, dans un des très beaux cloîtres de Caen (je suis un peu jaloux, lorsque j'y suis allé, je n'ai pas pu le visiter car c'était fermé !). Évidemment, le Président a défendu son droit à parler aux Français, cela fait d'ailleurs partie de sa prérogative constitutionnelle, l'article 5 de la Constitution dit explicitement qu'il est l'arbitre des élégances(« Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État. »).

    Les messages d'Emmanuel Macron sont assez clairs et simples.

    Le premier, c'est en rapport avec les festivités du Débarquement. Il a souligné la grande participation populaire, beaucoup de Français, bien au-delà des invités, étaient présents à ces cérémonies et ce n'était pas par curiosité pour voir les officiels mais surtout pour rendre hommage aux vétérans venus spécialement des États-Unis et de Grande-Bretagne. Ces hommes-là étaient de très jeunes soldats, 18 ans, 20 ans, et ils ont perdu beaucoup d'amis, de camarades dans les combats, ils sont traumatisés à vie, ils sont maintenant centenaires ou pas loin de l'être. C'est grâce à eux que nous sommes une nation libre. Comment ne pas mettre le parallèle avec les élections européennes ? Emmanuel Macron a exhorté les Français à aller voter ce dimanche. Comment ne pas voter alors que des Américains et des Britanniques ont sacrifié leurs vies pour que nous puissions avoir ce droit ?

     

     
     


    Mais ce message est double. S'abstenir, c'est laisser les autres décider de l'Europe à sa place. Le Président a pris en exemple des électeurs britanniques qui n'avaient pas voté au référendum sur le Brexit et qui se sont retrouvés hors de l'Union ; ils s'en mordent encore les doigt. Emmanuel Macron craint un blocage de l'Europe avec l'arrivée massive de l'extrême droite, tant de France que d'ailleurs. Il entend donc remobiliser ceux qui sont pro-Européens pour stopper cette vague de sentiment anti-européen. Pour Emmanuel Macron, l'Europe nous protège et si l'extrême droite avait eu le pouvoir de blocage des institutions, il n'y aurait pas eu de vaccin contre le covid-19 qui aurait été soigné à coups de chloroquine et de Spoutnik. Il n'y aurait pas eu non plus de plan de relance contre lequel tous ses opposants français ont voté.

    Le deuxième message est plus régalien. Il a évoqué ce qu'il annoncerait officiellement le lendemain avec la visite de Volodymyr Zelensky à Paris, à savoir que la France allait livrer des Mirage 2000 à l'Ukraine pour défendre son espace aérien avec la possibilité d'atteindre des cibles militaires russes sur territoire russe si nécessaire pour se protéger. Par ailleurs, la France formera 4 500 soldats ukrainiens (qu'il a appelés très improprement « bataillon français »).


    Emmanuel Macron a expliqué que le Président ukrainien lui avait adressé la veille une lettre lui demandant officiellement cette aide. Il considère qu'il n'y a pas d'escalade et que la France ne fait pas la guerre à la Russie mais veut défendre l'Ukraine. Cette position rationnelle, ferme et nécessaire ennuie évidemment fortement Vladimir Poutine qui s'en prend aujourd'hui plus particulièrement à la France. Contrairement à tout ce qui avait été dit avant son intervention télévisée, le Président de la République n'a pas dit que les formateurs français formeraient sur le territoire ukrainien, mais il n'a pas dit non plus le contraire, laissant cette information dans le flou stratégique.

    Emmanuel Macron veut surtout rappeler que c'est Vladimir Poutine l'agresseur et que la réponse de la France dépend de lui, de ses propres évolutions tactiques. Lorsque les tirs russes proviennent de bases sur territoire russe, ne pas autoriser l'Ukraine à viser ces bases l'obligerait à accepter d'être bombardée sans réagir.

     

     
     


    Le troisième message concerne la situation à Gaza. Pour le Président français, la solution à deux États est la seule voie possible pour la paix. Mais la reconnaissance de l'État palestinien ne doit pas se faire dans l'émotion de la situation à Gaza. Cette émotion n'est pas seulement au Proche-Orient mais aussi en France, entre autres. S'il a loué l'absence de violence dans les manifestations pro-palestiniennes en France, au contraire d'autres pays, il a toutefois souligné la recrudescence très inquiétante des actes d'antisémitisme.

    À ceux qui le dénigrent parce qu'il personnaliserait la campagne des européennes, Emmanuel Macron a répondu très clairement : ce sont d'abord toutes les oppositions qui personnalisent la campagne, puisque matin midi et soir, leurs seuls arguments, c'est de s'en prendre à lui en le caricaturant, en s'en prenant d'ailleurs plus à sa personne qu'à sa politique.


    Le message européen d'Emmanuel Macron est donc clair et déterminé, mais il était aussi prévisible. Rejetant les sondages (il n'est pas un commentateur de sondages), pour lui, ce qui importe sera le résultat des élections dimanche soir, et il verra ensuite ce qu'il devra faire. Il a rappelé qu'en 2017 et en 2022, les Français ont élu le candidat qui a fait de la construction européenne son identité politique bien marquée, ce qui veut dire que son rôle ici n'est pas de contrer un peu stérilement les ennemis de l'Europe, mais plutôt de motiver les partisans de la construction européenne qui seraient déçus ou déconcertés par son action depuis le début de son second quinquennat de regarder l'essentiel, à savoir l'Europe au regard de l'histoire. C'est un discours qui se tient et qui, je l'espère, aura une incidence dans l'esprit des candidats à l'abstention.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron, haut et fort dans l'intérêt de la France et des Français.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2 (vidéo intégrale).
    Discours du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 en Normandie.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur l'Europe le 25 avril 2024 à la Sorbonne à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (le26 septembre 2017 à la Sorbonne).
    Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Pour que la France reste la France !
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Macron.
    Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

    Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
    Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
    Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
    Élisabeth Borne remerciée !
    Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
    Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240606-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/emmanuel-macron-haut-et-fort-dans-255052

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/06/article-sr-20240606-macron.html

     

  • Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?

    « Il est donc certain que le Parlement européen n’est pas une institution de la République et qu’il ne participe pas de l’expression de la souveraineté nationale. Pour autant, son élection est déterminante pour les institutions républicaines, le peuple français ayant bien l’intention d’y faire entendre sa voix souveraine. » (Jean-Philippe Derosier, le 3 juin 2024 dans "Le Nouvel Obs").




     

     
     


    Le dernier débat télévisé de la campagne des élections européennes a eu lieu le soir du mardi 4 juin 2024, animé en direct sur France 2 par Caroline Roux. Un double débat puisque, pour faire bonne mesure, France 2 a organisé à la suite de ce débat un autre débat mêlant huit autres têtes de liste (mais quid des vingt-deux autres, alors ?) en invitant les "petits candidats" avec Nathalie Arthaud (LO), Hélène Thouy (Parti animaliste), Jean-Marc Governatori (écologie centriste), Guillaume Lacroix (radical de gauche), Jean Lassalle (Alliance rurale), Florian Philippot (extrême droite), Pierre Larrouturou (Nouvelle donne) et François Asselineau (extrême droite).

    Jean Lassalle, passablement de mauvaise humeur de passer à minuit quand les téléspectateurs ont déjà déserté leur écran, a maugréé avec sa voix rocailleuse, proposant comme « une mesure pour faire changer la vie quotidienne des gens » de condamner les instituts de sondage (et la journaliste qui animait par la même occasion !) en rappelant qu'il avait fait en 2022 le double de voix du parti socialiste (ce qui est à peu près vrai) et qu'il n'y avait pas de raison d'être considéré comme un petit candidat. Il est vrai que ces huit outsiders paraissaient un peu une équipe de bras cassés, où profond ennui (bis), simplisme à outrance, difficulté à s'exprimer (bis), fantaisie joyeuse, obsession complotiste, extrémisme revendicatif étaient monnaies courantes (saurez-vous associer chacun de ces traits à une tête de liste ?). Et pourquoi d'autres candidats n'ont-ils pas été invités, comme Yann Wehrling, Marine Cholley, Francis Lalanne ou encore Caroline Zorn (du Parti pirate) ?

    Le premier débat faisait intervenir les huit têtes de liste habituelles de cette campagne, à savoir : Jordan Bardella (RN), Valérie Hayer (Renaissance), Raphaël Glucksmann (PS), François-Xavier Bellamy (LR), Manon Aubry (FI), Marion Maréchal (Reconquête), Marie Toussaint (EELV) et Léon Deffontaines (PCF). À cette occasion, le téléspectateur a été content d'entendre des échanges francs et directs, au prix de bousculer la règle de l'égalité des temps de parole, rendant le dernier débat plus vivant et plus théâtral, même si, globalement, cela n'aura pas fait changer les lignes.

    Je note cependant deux grossières erreurs (au moins) plus ou moins voulues qui n'ont pas été corrigées par la modératrice. Sur l'énergie, Jordan Bardella a prétendu que la France produisait de l'énergie nucléaire depuis De Gaulle, ce qui est bien évidemment faux, le programme nucléaire civil a démarré en 1973 et c'est sous Valéry Giscard d'Estaing que les premières centrales nucléaires ont fonctionné. En revanche, comme De Gaulle avait voulu l'indépendance pour l'énergie, la France s'est dotée de plusieurs raffineries qui permettaient de produire les carburants directement en France, ce qui assurait une certaine indépendance (pas totale puisqu'il fallait quand même importer le pétrole d'origine).

     

     
     


    L'autre erreur grossière et volontaire, c'est François-Xavier Bellamy qui n'a cessé de la répéter durant l'émission en disant que le groupe PPE (dans lequel LR siège) allait devenir le premier groupe du Parlement Européen en 2024, ce qui est complètement faux : le PPE est le premier groupe depuis 1999 ! et toutes les majorités (sur les votes) ont pour noyau dur le PPE, alors que la tête de liste LR laissait entendre que jusqu'à maintenant, les décisions du Parlement Européen étaient prises avec une majorité de gauche (sociaux-démocrates, macronistes et extrême gauche), ce qui est complètement faux, la preuve, c'est que la Présidente de la Commission Européenne est Ursula von der Leyen qui émane précisément du PPE.

    Quant à Valérie Hayer, il faut noter son annonce intéressante selon laquelle la Commission Européenne allait verser à la France, dès le lendemain 5 juin 2024, une somme de 7,5 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance de 2020, qui servira notamment à la rénovation de 500 petites lignes ferroviaires et à multiplier les bornes électriques partout dans le territoire, histoire de montrer que l'Europe, c'est aussi l'investissement dans des projets concrets dans l'intérêt des Français.

     
     


    La campagne de la liste FI menée principalement par Jean-Luc Mélenchon et la candidate Rima Hassan s'est basés presque exclusivement sur des positions pro-palestiniennes et anti-israéliennes, et cela semble avoir aidé la liste de Manon Aubry à surnager au-dessus du seuil de 5% des intentions de vote (la liste aurait récupéré une grande partie du "vote des banlieues"). Ce qu'en dit l'humoriste Sophie Aram dans sa chronique publiée le 2 juin 2024 dans "Le Parisien" résume assez bien la situation : « Jusqu'au bout de l'ignoble. Nul doute que cette poignée d'élus insoumis continuera certainement d'alimenter la haine jusqu'au 9 juin, date à laquelle la liste du Rassemblement national menée par "Jordan TikTok Barre de lol" devrait atteindre des sommets dont aucun Le Pen n'avait osé rêver. Puisque, visiblement, dans le chaos dans lequel l'extrême gauche plonge le débat public, une majorité d'électeurs semblent préférer un ectoplasme gominé vendu à Poutine à toute autre proposition politique. On peut le regretter mais vu la concomitance du vacarme de la fanfare insoumise et de la progression sondagière d'un invertébré en costume cravate, on ne peut ignorer cette hypothèse. (…) Jamais la cause palestinienne n'aura donc été à ce point détournée par des islamistes, en Palestine, et utilisée par des militants d'extrême gauche, en Occident, pour alimenter leurs propres intérêts (…). Le plus surprenant pour moi étant de constater que cela ne les empêche visiblement pas de danser, de danser sur le chaos. ».
     

     
     


    Par ailleurs, à deux reprises, cette semaine (le 4 juin 2024) et la semaine dernière (le 28 mai 2024), un député FI a brandi le drapeau palestinien dans l'hémicycle, perturbant durablement deux séances de questions au gouvernement. Contrairement à ce que Raphaël Glucksmann laisse entendre, à savoir que le PS ne serait plus l'allié de FI, la solidarité dans la Nupes existe toujours à plein puisque le PS a soutenu les insoumis dans ces troubles parlementaires au nom de la reconnaissance d'un État palestinien, et le soutien du PS le 3 juin 2024 à la motion de censure déposée par les insoumis prouve bien que le PS reste complètement dépendant de Jean-Luc Mélenchon. Raphaël Glucksmann ne cesse de se référer à l'héritage de Jacques Delors, mais c'est abuser de sa mémoire car jamais Jacques Delors n'aurait accepté une telle compromission avec les idées de Jean-Luc Mélenchon pour un plat de lentilles.

    De son côté, Jordan Bardella n'a aucun respect ni pour les Français et ses lois, ni pour le directeur général de la gendarmerie nationale qui a signalé une affiche absolument abjecte du RN : « Je suis gendarme, je vote Bardella ». Pour se rendre compte de l'ineptie, prenez votre profession et imaginez une affiche qui vous associerait à un vote donné : « Je suis xxx (mettez votre profession) et je vote machin ». Sur le principe générique et généraliste, c'est déjà stupide et démagogique, mais concernant les forces de l'ordre, c'est abject puisqu'elles sont au service de la nation et qu'elles doivent la neutralité totale pour remplir ses missions, sinon, elles n'auraient plus d'autorité. Le pire, c'est que Jordan Bardella, 28 ans, même pas de service militaire, a donné des leçons à ce haut fonctionnaire qui a consacré toute sa carrière à la sécurité et à la protection des Français. Pour un politicard censé soutenir le parti de l'ordre, cela fait un peu trop rebelle et c'est une vraie boulette, car avec l'extrême droite, le naturel revient toujours au galop après la façade lisse d'une respectabilité creuse.

     

     
     


    Le président du RN et ses colistiers pourraient d'ailleurs être appelés des "députés européens de papier", pour reprendre une expression qui leur est commune, en ce sens qu'effectivement, ceux qui sont élus sont bien sur le papier (et sur leur compte en banque) des députés européens, mais ils ne font rien au Parlement Européen, ils ne travaillent pas activement pour l'intérêt des Français. Pour preuve, ce bilan particulièrement nul de Jordan Bardella dit Coquille creuse qui, en cinq ans de mandats, n'a pondu aucun rapport, n'a déposé que 21 amendements (4 par an !) alors que d'autres en ont déposé des milliers, il n'est intervenu que 52 fois en séance plénière (une fois toutes les cinq semaines !) et il a l'un des taux d'absentéisme record avec 70% depuis 2019. L'épouse de François Fillon a été épinglée par la justice pour n'avoir pas su démontrer qu'elle travaillait en rapport avec son salaire. Si on prenait ce principe en général, Jordan Bardella devrait être renvoyé ! Les Français veulent élire des députés européens qui fassent au moins leur boulot, pas des fainéants, ne serait-ce qu'être présents à Strasbourg ou Bruxelles.

    Chez Les Républicains, on s'inquiète d'une rumeur persistante en ce début de semaine : après le désastre électoral de la Macronie, Emmanuel Macron proposerait un gouvernement de coalition avec LR en nommant Gérard Larcher Premier Ministre. Le Président du Sénat a donc dû rapidement désamorcer la rumeur qui pourrait coûter de nombreuses voix à LR, lors de la réunion du groupe LR au Sénat le 4 juin 2024, en affirmant fermement qu'il n'était pas question qu'il accepte d'être le Premier Ministre d'Emmanuel Macron. Une dénégation qui n'aura certainement pas beaucoup d'effet sur les suspicions de ralliement à la Macronie, tant il y en a eu chez LR depuis 2017 (Jean-Paul Delevoye, Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Franck Riester, Jean Castex, Roselyne Bachelot, Damien Abad, Christophe Béchu, Catherine Vautrin, Rachida Dati, etc.).

    Une campagne sert en général à faire bouger les lignes. Or, si l'on en croit les sondages d'intentions de vote, ces lignes ont peu bougé. Certes, il y a eu des évolutions, le RN à la hausse (en un an, passage de 24 à 30%), parallèlement à une baisse pour la liste Hayer (20 à 16%) et d'une hausse de Glucksmann (8 à 13%). Mais dans l'ensemble, il n'y a pas eu de fait singulier cassant des dynamiques "entropiques naturelles" comme j'oserais (mal) écrire, c'est-à-dire que si aucun n'avait fait campagne, on pourrait se retrouver avec les mêmes résultats.

    Y aura-t-il des surprises ? C'est probable. Il y a toujours des surprises dans chaque scrutin, ce qui laisse la liberté de choix plus ouverte que les sondages ne laissent apparaître. Selon ces enquêtes, un tiers des électeurs hésitent encore, c'est beaucoup. En 2019, il y a eu au dernier moment un regain de participation. Ainsi, l'effondrement du PS et celui de LR en 2019 n'étaient pas du tout prévus quelques jours avant le scrutin, tout comme la montée de la liste écologiste. De même, la forte audience des écologistes faisant jeu égal avec le PS en 2009 n'était pas prévue.

     

     
     


    Si on prend le concept de troisième homme (que connaît bien François Bayrou), en pensant à Raphaël Glucksmann qui meurt d'envie de dépasser la liste Hayer (le croisement tant pronostiqué n'a pour l'instant jamais eu lieu), on peut aussi rappeler opportunément qu'à l'élection présidentielle de 2002, le troisième homme dans les sondages était Jean-Pierre Chevènement avec une dynamique qui l'a poussé jusqu'à 15% des intentions de vote, et finalement, il n'a eu que 5,3%, classé sixième derrière Arlette Laguiller ! Il est des dynamiques déçues (ou décevantes) et généralement, les élections sont plus un cimetière des ambitions déçues que de victoires attendues.

    L'enjeu national est évidemment dans la mise à jour des rapports de force. Si l'on en croit les sondages, l'extrême droite aurait 40% des suffrages. Les écologistes "risquent" (pour ma part, je m'en réjouirais !) de ne pas avoir d'élus (car en dessous de 5%), le PS revaudrait le double de FI (mais les socialistes ont déjà refait allégeance à Jean-Luc Mélenchon pour 2027), et LR se maintiendrait (qu'il faudra comparer avec le score de Reconquête qui ont un électorat commun).

    Bien entendu, tout le monde scrutera avec attention (et médisance pour certains) le score de la liste Hayer, qui donnera une idée de l'audience du gouvernement et de la majorité présidentielle dans le pays, et dans tous les cas, même à 20%, ce sera très faible. Mais là encore, il faut se rappeler que ce sont des élections européennes et pas des élections législatives, elles n'auront aucun impact institutionnel en principe, et ce n'est pas parce qu'un jeune écervelé propre sur lui réclamera avec fracas la dissolution qu'il faudra dissoudre. Regardons encore le passé : en juin 1984, le PS au pouvoir n'a eu que 20,8% (face aux 43,0% de l'union UDF-RPR) et si le gouvernement de Pierre Mauroy a démissionné en juillet 1984, ce n'était pas à cause des élections européennes mais de la grave crise provoquée par le projet de loi contre l'enseignement libre qui a mis 2 millions de Français dans la rue. En 1989, le gouvernement de Michel Rocard n'a pas démissionné malgré les seulement 23,6% de la liste PS (face aux 28,9% de la liste de Valéry Giscard d'Estaing), ni le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin (reconduit en mars 2004 après les régionales) n'a démissionné en juin 2004 malgré les seulement 16,6% des listes de l'UMP (face aux 28,9% des listes socialistes), ni encore le gouvernement de Manuel Valls (nommé en avril 2014) n'a démissionné en mai 2014 malgré les seulement 14,0% des listes socialistes (face aux 24,9% du FN et aux 20,8% de l'UMP).

    C'est d'ailleurs ce dernier cas (en 2014) qui serait le plus proche de celui du gouvernement de Gabriel Attal, nommé en janvier 2024 et qui n'a que quelques mois d'existence, et on n'a jamais reproché à François Hollande, pourtant beaucoup plus impopulaire à l'époque qu'Emmanuel Macron aujourd'hui, de passer par pertes et profits ces élections européennes désastreuses pour son parti. Du reste, après les élections européennes, les médias seront très occupés par les Jeux olympiques et paralympiques pendant deux mois si bien que le désastre électoral, si désastre devait avoir lieu, sera vite oublié dans la mémoire collective.

    Il faut aussi se rappeler, puisqu'on l'évoque, que le RN est en tête de toutes les listes aux élections européennes depuis 2014 : en 2014, en 2019, et probablement en 2024 vu les sondages qui lui donneraient plus de 10 points d'avoir sur les autres listes. Mais depuis dix ans, qu'a fait le FN/RN de ses victoires aux européennes ? Rien, puisque ses élus ne participent pas aux débats, ne déposent pas d'amendement, ne rédigent aucun rapport pour améliorer la situation des Français et des Européens. Pour le RN, le Parlement Européen n'est qu'une banque, une sorte de tirelire partisane d'ailleurs un peu trop utilisée puisque Marine Le Pen et ses sbires vont être en procès en septembre procès pour cette raison.

    Pour finir sur les considérations de politique intérieure franco-française, il faut aussi affirmer que l'abstention, aujourd'hui (et depuis une dizaine d'années), joue en défaveur du RN et pas en sa faveur. En effet, le RN est devenu un parti attrape-tout, le premier en France, donc le parti du système, il devient ainsi le parti référence pour beaucoup de courants de pensée. S'il y a une augmentation du désir de participation à la fin de la semaine, elle ne se fera donc pas nécessairement contre le RN malgré son déjà très haut niveau dans les sondages.

    Je veux également évoquer les considérations européennes, car après tout, les élections européennes servent d'abord à désigner un nouveau Parlement Européen. 81 députés européens français sur 720 députés européens en tout des vingt-sept États. Pour la première fois, il n'y a plus de députés européens britanniques (Brexit effectif en 2020). Il y aura manifestation un véritable vague à droite, à savoir notamment de droite extrême, à l'instar du RN en France (mais probablement de moindre ampleur dans les autres pays). On regardera avec attention la situation notamment des Pays-Bas (où un parti centriste a fait alliance avec les populistes), de la Hongrie (où un parti dissident de Viktor Orban est en train de gagner des voix), de la Belgique (qui joue aussi son avenir national avec des élections législatives), de la Slovénie (où il y a aussi des référendums) et de l'Italie. Plus l'Allemagne avec une coalition du Chancelier Olaf Scholz qui est bien chancelante.

     

     
     


    En Italie, la situation est intéressante car la Première Ministre Giorgia Meloni a pris la tête de la liste de son parti, les Frères d'Italie, qui aujourd'hui est en tête des intentions de vote dans les sondages (autour de 25%, nettement devant ses deux partenaires de coalition, la Lega et Forza Italia, tous les deux autour de 8%). Le parti de Giorgia Meloni est dans le groupe des conservateurs et des réformistes européens (CRE), groupe opposé à l'autre groupe d'extrême droite où siègent les élus RN et de l'AfD. Giorgia Meloni refuse de voir les élus RN la rejoindre car elle veut conclure un accord avec Ursula von der Leyen, lui proposant son soutien pour sa reconduction en échange de concessions par la suite sur la politique migratoire. Dans cette configuration, les écologistes européens vont perdre beaucoup de plumes, mais Renew pourrait rester le troisième groupe du Parlement Européen devant les populistes et les trois premiers groupes (avec le PPE et S&D) pourraient donc continuer à régner (dans les projections, ils totaliseraient 404 sièges sur 720). Toutefois, 75 députés européens seraient non-inscrits, ou plutôt, n'auraient pas de groupe politique identifié à ce jour et pourraient créer quelques surprises.

    En Europe, nous avons la chance de pouvoir nous exprimer par un vote libre, secret et sincère. En France, près de 50 millions d'électeurs sont convoqués, dont près de 270 000 de ressortissants d'autres pays européens habitant en France (sur une liste électorale séparée). Le scrutin sera clos en France à 20 heures ce dimanche 9 juin 2024, l'heure des victoires et des déceptions. Que le meilleur gagne !



    1. Débat du 14 mars 2024 sur Public Sénat






    2. Débat du 5 mai 2024 sur LCP et M6






    3. Débat du 27 mai 2024 sur BFMTV







    4. Débat du 30 mai 2024 sur CNews






    5. Débats du 4 juin 2024 sur France 2












    6. Débats du 5 juin 2024 sur Mediapart





     

    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (05 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240604-europeennes.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/elections-europeennes-2024-3-y-255024

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/04/article-sr-20240604-europeennes.html





     

  • Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?

    « Parce que nous ne nous résoudrons jamais à nous faire imposer par d'autres nos valeurs, nos technologies, nos imaginaires, parce qu'il n'y aura pas de France forte sans Europe puissante, nous poursuivrons sans relâche notre combat en faveur de l'indépendance de l'Europe. » (Valérie Hayer, le 6 mai 2024).



     

     
     


    Dans cette fin de campagne des élections européennes, qui a à peine vraiment commencé, les considérations de politique politicienne ont largement dominé le débat public, et c'est dommage parce que ces dixièmes élections européennes ont une importance cruciale pour l'avenir de l'Europe mais aussi de la France. Parmi les listes susceptibles d'obtenir des élus (c'est-à-dire, qui sont raisonnablement capables d'avoir plus de 5% des voix), seulement deux ont fait une campagne sur des thèmes vraiment européens, la liste de Raphaël Glucksmann et la liste de Valérie Hayer.

    Le problème de la liste de Raphaël Glucksmann, téléguidée par le parti socialiste, c'est qu'il y a une incohérence entre ce qu'il dit, ce qu'il vote au sein de son groupe, le groupe socialiste, et son souhait de garder la gauche encore unifiée au sein de la Nupes pour 2027
    (le vote commun de la motion de censure ce lundi 3 juin 2024 en a donné une nouvelle preuve). Seule la liste de la majorité présidentielle soutenue donc par Renaissance, le MoDem, Horizons, le Parti radical, mais aussi au-delà par l'UDI (qui ne fait pas partie de la majorité présidentielle) fait une campagne européenne de manière sincère, cohérente et surtout claire. Mais quel est donc le programme de la liste Hayer, celui des pro-Européens déterminés et sincères ?

    Ce programme a été présenté au cours d'une conférence de presse le 6 mai 2024 à la veille d'un des trois grands meetings nationaux de la liste (à la Mutualité), qu'on peut réécouter en fin d'article. Il est sincère parce que ce sont des promoteurs de la construction de l'Europe qui le proposent, des promoteurs qui n'ont pas peur de le dire, qui n'ont pas peur de le faire. Il est cohérent parce qu'il est le résultat aussi d'un bilan qui a montré que tous les votes au Parlement Européen étaient déjà en phase avec ce programme. Enfin, il est déterminé parce qu'il souhaite une Europe puissante dans une France puissante, la seule voie pour permettre à la France de garder sa grandeur politique alors qu'elle n'est plus qu'une puissance moyenne depuis la fin de la guerre.

    Dans cette détermination, il y a l'influence de la France en Europe. Et quelle est-elle ? Trois grands partis européens font et défont les majorités au sein du Parlement Européen : le PPE (Parti populaire européen) qui est le centre droit démocrate chrétien, auquel adhère LR et Les Centristes, S&D (socialistes et démocrates) qui rassemble les sociaux-démocrates, enfin, le troisième groupe est le groupe central Renew (ou Renaissance) qui est composé de ceux qu'on appelait dans la politique européenne les libéraux démocrates, qui sont en France les centristes, auquel se sont joints les élus de la liste LREM de Nathalie Loiseau en 2019.

    Entre 2019 et 2024, les députés européens LR ont pris des décisions minoritaires au sein de leur groupe du PPE, au point de ne même pas soutenir leur candidate officielle Ursula von der Leyen, autant dire que les élus LR n'ont aucun poids ni au sein du PPE (dominé par les Allemands), ni au sein du Parlement Européen en général. Les députés européens issus de la liste socialiste de Raphaël Glucksmann se retrouvent dans la même situation, minoritaires au sein du groupe social-démocrate et sans influence notable (les députés européens socialistes votent contre les projets votés par le reste de leur groupe S&D !). En revanche, c'est une Française, l'actuelle tête de liste, Valérie Hayer, qui préside le groupe Renew et qui non seulement a une influence déterminante au sein de ce groupe, bien sûr (puisqu'elle le préside), mais aussi au sein des décisions prises par le Parlement Européen puisque les majorités se retrouvent toujours avec le groupe Renew. L'influence de la France est donc passée par ceux que représente aujourd'hui la liste Hayer, et eux seuls.

    Et son programme, qui est naturellement peu éloigné des vues du Président Emmanuel Macron, repose sur trois combats essentiels. J'en indique la philosophie générale et je n'énumère pas toutes les mesures proposées dans le détail (il y en a quarante-huit) qu'on peut lire dans le document téléchargeable.


     

     
     


    I. Faire de l'Europe une puissance forte, sûre et indépendante

    Défense, énergie, sécurité... trois domaines qui ont manqué de cohésion au sein de l'Europe depuis sa naissance et qui nécessitent d'en faire plus. La tentative d'invasion de l'Ukraine par les troupes de Vladimir Poutine a fait l'effet d'une douche froide chez les Européens, douche froide renforcée par la perspective d'un désengagement de plus en plus probable des États-Unis dans la défense du territoire européen. Les Européens sont maintenant mûrs pour comprendre qu'ils ne peuvent plus déléguer à d'autres leur défense et qu'ils doivent assumer eux-mêmes leur sécurité et la protection de leurs frontières. Emmanuel Macron a su prendre la mesure de l'enjeu et sensibiliser ainsi ses homologues au fil des rencontres européennes.

    La première des mesures, c'est d'investir de nouveau massivement dans l'industrie de défense, avec l'objectif de 3% du PIB pour chaque pays d'ici à 2030. Faire émerger une force de réaction rapide européenne pour les missions d'urgence, l'évacuation des populations et la sécurisation des routes maritimes.


    Sur le plan énergétique, le projet est de tripler la production de l'énergie nucléaire d'ici à 2050, au sein des pays européens qui le souhaitent à l'instar de la France. Sur le plan de la sécurité, mutualiser le renseignement au niveau européen pour lutter efficacement contre le terrorisme.

     

     
     


    II. Faire de l'Europe une puissance écologique, économique et sociale

    L'Europe est la deuxième puissance économique du monde et c'est important de le rappeler. Mais elle ne le restera pas si on ne fait rien pour cela. L'union fait toujours la force. Son problème a été les délocalisations dans les pays à plus faibles coûts du travail. L'enjeu, c'est donc de redevenir un continent de production pour réduire le chômage et gagner en valeur ajoutée. Mais aussi de refuser le dumping social en adoptant un minimum de justice sociale dans les pays qui n'en ont pas.

    L'idée est de ne pas se laisser mener par d'autres puissances économiques (États-Unis, Chine, etc.) : « Il fait se faire respecter : nos normes et nos principes ne sont pas négociables. ». Parce qu'au-delà du défi économique et social, il y a le défi écologique et les deux peuvent se faire en même temps dans une transition industrielle qui se voudra verte et numérique.

    L'essentiel est donc dans l'investissement massif des activités de transition. La liste Hayer propose la mobilisation de 1 000 milliards d'euros d'ici à 2030 pour l'énergie, les transports, le numérique, la santé, l'espace, la recherche, après le plan de 800 milliards d'euros décidés en juillet 2020 sur demande (et insistance) françaises. Son financement se fera notamment par une épargne spécifiquement européenne avec la création d'un « livret d'épargne européen pour orienter l'épargne réglementée vers l'investissement et la production en Europe ».

     

     
     


    III. Défendre le modèle européen et nos valeurs

    C'est un aspect plus philosophique et moral que matériel, économique, social. Aujourd'hui, en Ukraine, dans le Proche-Orient, voire aux États-Unis, dans de nombreuses régions du monde, nos valeurs sont remises en cause, et même de l'intérieur de l'Europe : valeurs de démocratie, d'État de droit, de liberté, d'égalité, de fraternité et aussi, et dans cette époque troublée, c'est très important, de laïcité.

    La liste Hayer propose d'inscrire le droit à l'IVG dans la Charte européenne des droits fondamentaux, qui constitue une sorte de conditions nécessaires à remplir pour chaque État membre (notamment pour bénéficier de fonds européens). Ce n'est pas un hasard si le fils aîné de Simone Veil, ancienne Présidente du Parlement Européen, se retrouve en fin de liste, son engagement est emblématique. Il s'agit aussi de proposer une majorité numérique à l'âge de 15 ans avec un contrôle parental par défaut sur les mobiles et une vérification systématique sur Internet pour les sites interdits aux mineurs.

    Il s'agit aussi de proposer des mesures pratiques et concrètes pour limiter voire empêcher efficacement l'immigration illégale à l'intérieur des frontières de l'Union Européenne en donnant des moyens à Frontex (30 000 garde-côtes européens). Créer un Pass culture européen, un Pass Rail européen illimité pour les jeunes (100 000 jeunes par an), renforcer l'harmonisation universitaire européenne, renforcer et généraliser le programme Erasmus, etc.

    Sur le plan institutionnel, et cette liste se distingue des autres sur la construction européenne, elle propose d'instaurer la principe de listes transnationales à partir des prochaines élections européennes de 2029, ainsi que de renforcer les institutions sur la majorité qualifiée dans des domaines essentiels comme la fiscalité, l'État de droit, afin de ne pas laisser l'Europe impuissante face aux défis qui viennent (par exemple, pour empêcher qu'un État puisse être un "paradis fiscal").



    Et dimanche prochain ?

    Comme dans toute élections, il y a les considérations à la petite semaine, celles en moyen terme et celles au long terme. Le moyen terme, c'est bien sûr l'échéance (cruciale) de l'élection présidentielle de 2027 et le Rassemblement national compte sur un triomphe en 2024 pour gagner en 2027. Il y a la colère de certains qui pensent que voter contre serait une sorte d'exutoire, et avec trente-huit listes, dont une seule issue de la majorité présidentielle, l'électeur en colère a le choix pour l'exprimer mais est-ce vraiment constructif, utile et surtout dans son intérêt ? Et puis, il y a le long terme, le regard à l'histoire, ce que penseront nos enfants de notre vote de 2024 dans dix, vingt, trente ans, ce qu'ils penseront de notre capacité à anticiper alors l'Europe est en danger, menacée même territorialement dans ses frontières orientales mais plus largement dans ses valeurs.

    Valérie Hayer n'a pas une âme de grand chef, elle n'a pas le charisme d'un grand animal politique, d'un vieux routard de la politique, elle n'a pas non plus passé son temps à faire du training de communication pour répondre de manière lisse et consensuelle à tous les médias. Elle l'a montré depuis cinq ans, elle a agi, elle a travaillé, elle est devenue l'une des rares experts, au sein du Parlement Européen, du budget communautaire, négociant de manière ferme, dans les nuits blanches, les intérêts de la France et des Français, elle, fille d'agriculteurs, connaît sur le bout des doigts tous les ressorts de la politique agricole commune (PAC) dont ont bénéficié largement les agriculteurs français depuis près de soixante ans. Elle est dans une logique de résultats et de construction : améliorer l'espace européen pour le bien et l'intérêt des Français.



    1. Meeting du 9 mars 2024 à Lille






    2. Conférence de presse du 6 mai 2024 à Paris (présentation du programme)






    3. Meeting du 7 mai 2024 à la Mutualité de Paris





    4. Meeting du 13 mai 2024 à Lyon






    5. Meeting du 28 mai 2024 à Boulogne-Billancourt






    6. Meeting du 1er juin 2024 aux Docks de Paris, à Aubervilliers






    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes 2024 (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240602-programme-renaissance.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/quel-est-le-programme-europeen-de-254541

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/14/article-sr-20240602-programme-renaissance.html



     

  • Standard & Poor's moins indulgente pour la France que les autres agences de notation

    « Nous avons sauvé l'économie française ! » (Bruno Le Maire, le 31 mai 2024).



     

     
     


    C'est avec cette petite phrase que le Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a accueilli la décision très attendue (et redoutée) dans la soirée de ce vendredi 31 mai 2024 de l'agence de notation Standard & Poor's de dégrader la note de la France de AA à AA–. « Nous avons dépensé pour bien protéger. Ces dépenses indispensables ont évidemment augmenté la dette. », mais la dette française trouve « facilement preneur sur les marchés », a-t-il ajouté.

    Pour Bruno Le Maire, en effet, la politique très dépensière du quoi-qu'il-en-coûte a permis de sauver des centaines de milliers d'emplois et des milliers d'entreprises de la faillite lors de la crise sanitaire du covid-19. Il a réaffirmé son objectif très ambitieux de réduire le déficit budgétaire en-dessous de 3% du PIB en 2027.

    Alors que Moody's et Fitch avaient maintenu la note de la France le 26 avril 2024, Standard & Poor's, qui est sans doute l'agence de notation des dettes souveraines les plus écoutées des marchés, a été un peu plus sévère qu'elles pour sanctionner le déficit de 2023 beaucoup plus élevé que prévu. Il faut cependant rappeler que si elle avait maintenu sa note, cette note pour Fitch était déjà à AA– (avec un système de notation comparable). Malgré cette dégradation, la note signifie que le pays reste encore un pays de haute qualité pour ses obligations.

    Cette dégradation de la note pourrait, si elle se répétait, avoir des effets dévastateurs si les taux d'intérêts devaient monter pour que la France puisse emprunter dans les marchés mondiaux. Elle sanctionne non seulement le déficit de 2023 mais finalement l'ensemble des budgets déficitaires depuis le début de la Présidence de François Mitterrand. Globalement, cela fait plus d'une génération que nous vivons au-dessus de nos moyens et que nous reportons l'addition aux générations suivantes. Les augmentations de taux pourraient amorcer un cercle vicieux, une spirale où les intérêts de la dette seraient tellement importants qu'il faudrait emprunter et emprunter.

    Heureusement, la France n'en est pas là et a des fondamentaux sains puisque malgré le freinage de la croissance, le nombre de création d'emplois ne descend pas. Certes, la dégradation envoie un signal négatif, mais il y a d'autres signaux positifs pour les investisseurs étrangers et la France reste toujours le pays européen le plus attractif pour les investisseurs.

    La dégradation de la note de la France doit donc être comprise comme un avertissement pour bien suivre la trajectoire annoncée du gouvernement de baisse à 2,9% du PIB de déficit dans trois ans. La crédibilité du gouvernement est cependant mise en cause par l'expérience du passé.

    Inévitablement, les opposants de toute sorte à Emmanuel Macron vont bien sûr fustiger cette dégradation sans voir d'ailleurs une contradiction avec leur opposition aux réformes des retraites, de l'assurance-chômage, etc. qui contribuent pourtant à réduire les dépenses de l'État. On se plaint des carences dans l'éducation, la santé, la justice, la police, etc. et si on suivait la plupart des programmes des partis d'opposition, le déficit budgétaire bondirait de 100 milliards d'euros supplémentaires !

    L'agence S&P, qui analyse la situation financière des États, prévoie que la dette de la France, qui est à 109% du PIB en 2023, atteindra 112% en 2027. Dans un communiqué, l'agence ajoute de manière assez pessimiste : « Même si nous pensons que la reprise de la croissance économique et les réformes économiques et budgétaires récemment mises en œuvre permettront à la France de réduire son déficit budgétaire, nous prévoyons maintenant qu'il restera supérieur à 3% du PIB en 2027. ».

    Deux motions de censure pour contester la gestion des finances publiques ont été déposées et seront débattues lundi 3 juin 2024, une du RN et une de la Nupes. Le parti Les Républicains, en principe, ne devrait pas les voter, même si son président Éric Ciotti est très critique sur la politique du gouvernement en matière budgétaire. Dans "Le Parisien", Bruno Le Maire a affirmé : « Il n'y aura pas d'impact sur le quotidien des Français (…). Je prends note de cette décision. Elle ne change rien à ma détermination à rétablir les finances publiques. Nous avons commencé à le faire, nous continuons. ».

    Malgré ces propos visant à dédramatiser, la dégradation de la note française ne va toutefois pas contribuer à renforcer la liste de la majorité présidentielle menée par Valérie Hayer aux élections européennes dans maintenant une semaine.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Standard & Poor's moins indulgente pour la France que les autres agences de notation.
    Assurance-chômage : durcissement pour plus d'emplois ?
    Les 10 mesures de Gabriel Attal insuffisantes pour éteindre la crise agricole.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Agences de notation Moody's et Fitch : la France n'est pas dégradée !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240531-standard-and-poor-s.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/standard-poor-s-moins-indulgente-254947

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/31/article-sr-20240531-standard-and-poor-s.html



     

  • Henri Nallet, l'agriculture et la justice au service ...du PS

    « Ses recherches l’ont amené à publier plusieurs études sur le syndicalisme, la politique agricole, le statut juridique du paysan, ou encore l’élevage et la production laitière. Cette connaissance du monde agricole l’a guidé dans ses premiers engagements politiques. » (Site du Ministère de l'Agriculture, mai 2024).


     

     
     


    L'ancien ministre socialiste Henri Nallet est mort ce mercredi 29 mai 2024 à l'âge de 85 ans (il est né le 6 janvier 1939 à Bergerac). Je l'avais rencontré le 25 juin 2014 à l'occasion d'un colloque à la Sorbonne sur Jean Jaurès, une réflexion proposée au centenaire de son assassinat. Henri Nallet était la "puissance invitante" en tant que président de la Fondation Jean-Jaurès (il l'a présidée de 2013 à 2022), une fondation en soutien intellectuel du PS fondée (et présidée) par Pierre Mauroy en 1992, et présidée depuis 2022 par l'ancien Premier Ministre socialiste Jean-Marc Ayrault (Henri Nallet en était devenu le président d'honneur).

    Dans ce colloque, il y avait du beau monde, je ne citerai pas tous les intervenants, mais parmi les plus réputés, il y avait Robert Badinter, Alain Juppé, Pierre Bergé (en tant que président des Amis de François Mitterrand, oui oui, ça existe encore), Alain Richard, Jean-Noël Jeanneney, Christiane Taubira, Claude Bartolone, Laurent Fabius, etc. C'est dans les activités d'une telle fondation de faire des retours sur le passé (colloques, séminaires, etc.), et aussi des propectives pour préparer l'avenir. Henri Nallet adorait faire de la recherche, car c'était son métier d'origine.

    J'ai toujours eu du mal en politique avec Henri Nallet, en ce sens que j'ai toujours eu du mal à le considérer comme un véritable homme politique et pourtant, il avait tout pour être considéré comme tel : des portefeuilles ministériels, un mandat parlementaire et même, une implantation locale qui l'a fait élire maire de Tonnerre, petite ville de l'Yonne à l'est d'Auxerre, de 1989 à 1998 (conseiller municipal de 1998 à 2001) ainsi que conseiller général de l'Yonne de 1988 à 2001.

    Sans doute parce qu'il a pris ses engagements politiques par la grande porte, un peu à l'instar de beaucoup de responsables politiques depuis 2017 : celle d'un grand ministère. En effet, après la démission surprise de Michel Rocard comme Ministre de l'Agriculture en avril 1985 pour protester contre l'instauration du scrutin proportionnel pour les législatives de 1986, cuisine électorale pour empêcher l'alliance UDF-RPR d'atteindre la majorité absolue et de favoriser l'élection de députés FN, François Mitterrand a nommé Henri Nallet à sa succession, du 4 avril 1985 au 20 mars 1986.

    À l'époque, il était inconnu du grand public et était considéré comme un technocrate... qu'il était. En effet, Henri Nallet, diplômé de l'IEP de Bordeaux (il est né en Dordogne), d'une licence de droit public et d'un DESS de sciences politiques à Paris (sur l'agriculture), est devenu avocat en 1968. Mais également chercheur de 1970 à 1981 à l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) dont il est devenu un directeur de recherches. De 1965 à 1970, Henri Nallet fut aussi chargé de mission pour les affaires économiques auprès de Michel Debatisse, secrétaire général de la FNSEA, mais il démissionna sur un désaccord idéologique.

     

     
     


    Quand il était étudiant, il s'est parallèlement engagé à la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne) dont il fut le secrétaire général en 1963 avant de démissionner en 1964 en raison d'un désaccord avec la tutelle catholique. C'est à cette occasion qu'il a rencontré le futur maire de Lille Pierre Mauroy, président du Conseil français des mouvements de jeunesse dont Henri Nallet fut l'un des vice-présidents jusqu'en 1965. Au début des années 1970, il a collaboré aussi au journal protestant "Réforme" où il a fait la connaissance de Pierre Joxe qui l'encouragea à intégrer l'équipe de campagne de François Mitterrand pour l'élection présidentielle de 1981, spécialisé dans les questions agricoles.

    La victoire des socialistes en 1981 l'a conduit à fréquenter les cabinets du pouvoir : d'abord celui de la toute nouvelle Ministre de l'Agriculture Édith Cresson, mais la réputation de brillant conseiller d'Henri Nallet l'a fait entrer quelques semaines plus tard à l'Élysée comme conseiller technique chargé des questions agricoles, des problèmes communautaires et de la pêche, complétées par les questions sur l'environnement un peu plus tard. Il était entre autres dans les réunions européennes aux côtés du ministre Roland Dumas pour préparer l'entrée de l'Espagne et du Portugal à la CEE.

     

     
     


    En avril 1985, c'était donc à la fois un homme très compétent techniquement sur les questions agricoles (et sur la pratique du pouvoir) et un engagé au sein du parti socialiste (de manière informelle, car il a pris sa première carte du PS seulement en 1987 !) qui a fait son entrée au Ministère de l'Agriculture. Mais comme il est passé par la grande porte sans toutes les étapes de l'élu local qui s'est fait un nom jusqu'à monter à Paris, il y a eu une sorte de procès en illégitimité politique qui lui a toujours collé à la peau, conforté par le fait qu'il n'avait pas d'ambition politique en tant que telle (il ne s'est jamais frotté aux batailles claniques au sein du parti socialiste). En tant que ministre, il apporta à Coluche à la fin de 1985 le soutien des autorités publiques à son excellente initiative des Restos du cœur.

    Pressentant la défaite du PS et leur retour dans l'opposition, les dirigeants du PS ont tenté de sauver les ministres sortants en les présentant en tête de listes aux élections législatives de mars 1986. N'ayant aucune implantation locale, Henri Nallet a été parachuté dans l'Yonne sur le conseil de son ami Pierre Joxe, régional de l'étape, alors qu'il avait d'abord songé à la Manche où sa belle-famille était installée. Henri Nallet fut élu député de l'Yonne en mars 1986, réélu au scrutin majoritaire en juin 1988, battu en mars 1993 et réélu en juin 1997.

    Après la réélection de François Mitterrand, Henri Nallet fut renommé Ministre de l'Agriculture et de la Forêt du 12 mai 1988 au 2 octobre 1990 dans le gouvernement de Michel Rocard. Son successeur et son prédécesseur exerçant durant le gouvernement de la cohabitation dirigé par Jacques Chirac fut le président de la FNSEA François Guillaume (91 ans). Son action au service de l'agriculture l'a amené à présider le Conseil mondial de l'alimentation ainsi que, plus tard, le Haut Conseil de la coopération agricole.

    Mais ce n'est pas dans le domaine agricole que l'action politique d'Henri Nallet resta la plus mémorable. En effet, lors d'un remaniement qui a évincé Pierre Arpaillange de la Place Vendôme, Henri Nallet fut bombardé Ministre de la Justice du 2 octobre 1990 au 2 avril 1992, dans le gouvernement de Michel Rocard et confirmé dans celui d'Édith Cresson qui le connaissait bien (du 2 octobre 1990 au 15 mai 1991, il avait auprès de lui un ministre délégué, l'avocat Georges Kiejman). Son successeur à l'Agriculture fut Louis Mermaz, et il fut évincé lui-même de la Place Vendôme lors de la formation du gouvernement de Pierre Bérégovoy, remplacé par l'ancien conseiller de François Mitterrand à l'Élysée Michel Vauzelle.

     

     
     


    Là encore, un ministre de l'agriculture qui devient ministre de la justice, cela a étonné beaucoup d'observateurs. Mais juriste (et même avocat), Henri Nallet avait bien sûr les qualités pour devenir garde des sceaux (et la politique veut que ministre, c'est une fonction politique et pas technique). Néanmoins, ce qui resta de lui fut le dessaisissement le 7 avril 1991 du juge Thierry Jean-Pierre qui a enquêté sur l'Affaire Urba, un scandale politico-financier impliquant de nombreux dirigeants socialistes. Thierry Jean-Pierre avait alors mené une perquisition au siège d'Urba-Gracco (une boîte à financements occultes des élus socialistes), ce qui avait provoqué la colère de François Mitterrand et sa tentative d'étouffement de l'affaire (le juge Renaud Van Ruymbeke a repris l'affaire, et l'a poursuivie en perquisitionnant au siège du PS !). Il faut aussi rappeler qu'Henri Nallet était le trésorier de la campagne présidentielle des socialistes de 1988 et à ce titre, connaissait sans doute les ressorts du financement du PS.

    Après son exclusion du gouvernement, Henri Nallet fut nommé conseiller d'État en décembre 1992, un statut qui lui assurait une bonne protection alimentaire. Il s'éloigna alors de la vie politique pour devenir expert auprès d'organisations internationales comme la Commission Européenne ou la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement présidée alors par Jacques Attali, l'ancien conseiller spécial de François Mitterrand à l'Élysée). Il a ensuite intégré l'équipe de campagne de Lionel Jospin pour l'élection présidentielle de 1995.

    Réélu député de l'Yonne en juin 1997, Henri Nallet a repris une activité politique nationale voire internationale en se faisant élire président de la délégation de l'Assemblée pour l'Union Européenne, fonction pour laquelle il a pondu de nombreux rapports. Il a aussi beaucoup travaillé à l'époque pour Dominique Strauss-Kahn (Finances) et Élisabeth Guigou (Justice). Henri Nallet fut également vice-président du Parti socialiste européen en 1998, tandis que Pierre Mauroy était le président de l'Internationale socialiste.

    Resté avocat, Henri Nallet a lâché ses mandats électifs au début des années 2000, et a présidé la Fondation Jean-Jaurès après la mort de Pierre Mauroy. Lorsque François Hollande a voulu l'élever le 14 juillet 2015 au grade de commandeur de la Légion d'honneur, une polémique s'est développée en raison du scandale du Mediator, car Henri Nallet était également rémunéré de 1997 à 2013 par le groupe Servier, notamment comme directeur général des affaires extérieures et de la communication. Il a en effet été accusé de trafic d'influence. Ce commandeur du Mérite agricole n'a, semble-t-il, jamais été inquiété par la justice. Et c'est peut-être justice (je ne connais pas son degré d'implication).

    Dans son hommage, son lointain successeur, l'actuel Ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Marc Fresneau a déclaré : « J’avais eu la chance de pouvoir dîner avec lui au mois de janvier dernier et nous avions évoqué les sujets agricoles et politiques avec un grand esprit de liberté et d’ouverture. Je n’oublie pas combien il a œuvré pour l’agriculture, de l’enseignement agricole aux relations syndicales et pour favoriser le développement des appellations d’origine contrôlées. ». Tandis que Jean-Marc Ayraud, son successeur à la Fondation Jean-Jaurès, a rappelé ses contributions intellectuelles, en particulier sur le multilatéralisme (septembre 2004), sur l'Europe (septembre 2009), sur la gauche et la justice (février 2011), sur les relations entre François Mitterrand et Pierra Mauroy (juin 2016) ainsi que sur Michel Rocard (juillet 2017).



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (29 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jean Jaurès.
    Henri Nallet.
    Jacques Delors.
    Ségolène Royal.
    Najat Vallaud-Belkacem.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Pierre Chevènement.
    Robert Badinter.
    Édith Cresson.
    Patrick Kanner.

    Olivier Dussopt.
    Louis Le Pensec.
    Gérard Collomb.
    Jérôme Cahuzac.
    Pierre Moscovici.
    Jacques Attali.
    Louis Mexandeau.
    Joseph Paul-Boncour.
    Bernard Cazeneuve.
    Charles Hernu.
    Pierre Mauroy.
    Roger-Gérard Schwartzenberg.
    Georges Kiejman.
    Roland Dumas.

    Jean Le Garrec.
    Laurence Rossignol.
    Olivier Véran.

    Sophie Binet.
    Hidalgo et les trottinettes de Paris.
    Hidalgo et les rats de Paris.
    Les congés menstruels au PS.
    Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
    Nuit d'épouvante au PS.
    Le laborieux destin d'Olivier Faure.

    PS : ça bouge encore !
    Éléphants vs Nupes, la confusion totale.
    Le leadershit du plus faure.
    L'élection du croque-mort.
    La mort du parti socialiste ?
    Le fiasco de la candidate socialiste.
    Le socialisme à Dunkerque.
    Le PS à la Cour des Comptes.

     
     




  • L'hommage de l'Europe à Jacques Delors

    « L'Union Européenne qu'il construisait ne se substitue pas aux nations. Et nous retrouvons cette philosophie dans la devise actuelle de notre Union, qui est : "Unie dans la diversité". Cet idéal européen, comme Jacques Delors aimait à le nommer, n'était pas un simple exercice intellectuel ou une simple profession de foi. Il était le moteur d'incroyables initiatives, dont nous ressentons encore les effets. » (Ursula von der Leyen, le 31 janvier 2024 à Bruxelles).




     

     
     


    L'ancien Ministre de l'Économie et des Finances Jacques Delors est mort le 27 décembre 2023 à l'âge de 98 ans. Sa disparition a provoqué une grande émotion et de nombreux hommages pour celui qui est désormais considéré comme l'un des pères de l'Europe moderne, aux côtés de Valéry Giscard d'Estaing de Helmut Kohl.

    Car ce qui a marqué l'histoire n'est pas d'avoir été pendant trois ans l'impossible grand argentier de la gauche socialo-communiste qui jouait dans la surenchère dépensière (en considérant que l'argent public venait du ciel et pas de la poche des contribuables), trois ans marqués par de nombreux épisodes de chantage à la démission (c'est pour cela que Matignon lui était interdit), mais d'avoir passé dix années très utiles et très actives à la Présidence de la Commission Européenne, de janvier 1985 à janvier 1995, une fonction qu'il a sublimée (comme Simone Veil a sublimé la Présidence du Parlement Européen), en en faisant un dirigeant international à part entière, invité aux G7, G8, G20, et à différents sommets internationaux.

    Les hommages officiels et autres ont eu lieu après le Nouvel An, car mourir entre Noël et le Nouvel An n'assure pas une très forte écoute et participation à des hommages. Il y a eu l'hommage solennel de la France à Jacques Delors le 5 janvier 2024 aux Invalides, à Paris, présidé par le Président de la République française Emmanuel Macron et auquel a assisté celui de sa lointaine successeure, Ursula von der Leyen. Et il y a eu l'hommage de l'Europe à Jacques Delors le 31 janvier 2024 à Bruxelles dont le discours principal fut prononcé par Ursula von der Leyen. Au cours de cette cérémonie du 31 janvier 2024, il y a eu de nombreux témoignages et des interludes musicaux.

    La Présidente de la Commission Européenne avait déjà fait deux déclaration en hommage à Jacques Delors. Une première en réaction à l'annonce de sa disparition, le 27 décembre 2023 : « Nous sommes tous les héritiers de l'œuvre de la vie de Jacques Delors : une Union Européenne dynamique et prospère. Jacques Delors a forgé sa vision d'une Europe unie et son engagement pour la paix durant les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale. D'une intelligence remarquable et d'une humanité incomparable, il a toute sa vie été le défenseur infatigable de la coopération entre les nations européennes, puis du développement de l'identité européenne. Une idée à laquelle il a donné vie grâce, entre autres, à la mise en place du Marché unique, du programme Erasmus et des prémices d'une monnaie unique, façonnant ainsi un bloc européen prospère et influent. Sa Présidence de la Commission Européenne a été caractérisée par un engagement profond pour la liberté, la justice sociale et la solidarité, des valeurs désormais ancrées dans notre Union. Jacques Delors était un visionnaire qui a rendu l'Europe plus forte. Son œuvre a eu un impact profond sur la vie de générations d'Européens, dont la mienne. Nous lui sommes infiniment reconnaissants. Honorons son héritage en renouvelant et redynamisant sans cesse notre Europe. ».

    Le soir du 5 janvier 2024, au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, alors qu'elle avait participé à l'hommage national à Paris aux Invalides le matin aux côtés d'Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen est revenue sur l'héritage de Jacques Delors devant, entre autre, le roi des Belges, le Président du Conseil de Belgique et le Président du Conseil Européen (qui est également belge), à l'occasion du début de la Présidence belge du Conseil de l'Union, en insistant sur le fait qu'elle parlait dans les lieux même du dernier discours de Jacques Delors comme Président de la Commission Européenne il y a vingt-neuf ans (le 19 janvier 1995) : « Nous devons tant à Jacques Delors. Il a fait d'une Communauté économique une Union des personnes et des nations. L'une de ses formules m'accompagne depuis le tout premier jour de mon mandat. Il a dit : "C'est le moment de donner une âme à l'Europe". Il l'a prononcée au début des années 1990. La chute du Rideau de fer avait suscité de grands troubles sur le plan géopolitique, mais aussi de grands espoirs de voir l'Europe enfin réunie sous le signe de la paix et de la démocratie. Jacques Delors a été le premier à comprendre qu'il ne fallait pas seulement élargir la Communauté, mais unifier l'Europe. Et pour cela, il fallait que l'Europe redécouvre son âme. Nous devions retourner à nos origines, aux valeurs fondatrices de notre Union, afin d'être à même de forger notre avenir (…) Ce soir, je veux parler non seulement de tout ce que Jacques Delors a fait pour nous, mais aussi de la façon dont il peut nous inspirer. Jacques Delors a présidé la Commission dans une période marquée par des défis géopolitiques colossaux (…). Alors que nous faisons face à de nombreux défis semblables aujourd'hui, inspirons-nous de ses convictions. (…) Quelles que soient nos difficultés, aussi insurmontables puissent-elles paraître, nous devons toujours garder à l'esprit son conseil aux générations futures : "La Grande Europe a son avenir devant elle. N'ayez pas peur, nous y arriverons". ».

     

     
     


    Ursula von der Leyen a présidé la cérémonie d'hommage européen à Jacques Delors le 31 janvier 2024 à Bruxelles. Si Emmanuel Macron était absent, en revanche, les membres de sa famille y étaient, dont Martine Aubry, ainsi que François Hollande (sauf erreur de ma part), et de très nombreux chefs d'État et de gouvernement européens, notamment le Président roumain Klaus Werner Iohannis, le Président lituanien Gitanas Nauséda, le Président chypriote Nikos Christodoulides, le Premier Ministre polonais Donald Tusk (qui fut aussi Président du Conseil Européen), le Chancelier allemand Olaf Scholz, la Première Ministre estonienne Kaja Kallas, le Premier Ministre néerlandais Mark Rutte, le Premier Ministre portugais Antonio Costa, le Premier Ministre espagnol Pedro Sanchez, le Premier Ministre croate Andrej Plenkovic, le Premier Ministre grec Kyriakos Mitsotakis, le Premier Ministre belge Alexander De Croo, le Premier Ministre danois Mette Frederiksen, le Premier Ministre maltais Robert Abela, le Premier Ministre irlandais Leo Varadkar, le Premier Ministre bulgare Nikolaï Denkov, le Premier Ministre finlandais Petteri Orpo et le Premier Ministre du Luxembourg Luc Frieden.
     

     
     


    La chef de l'exécutif européen a commencé par la foi en l'Europe de Jacques Delors : « Trop peu a été dit sur sa foi en l'Europe comme communauté de destin. On le sait, Jacques Delors était croyant. Un homme de foi, justement. C'était aussi un homme convaincu que l'être humain s'accomplit en étant engagé dans la société, au profit de son prochain. Et enfin, c'était un témoin de première main de la douloureuse histoire européenne et de ses conséquences humaines si tragiques. De tout cela découle sa conviction que notre horizon devait être une union sans cesse plus étroite entre les nations européennes et les peuples qui la composent. Dans un cadre de paix, de liberté et de solidarité. Un horizon moral et historique en somme, autant que la solution pragmatique à nos défis. Comme il l'a dit lui-même dans un discours devant le Parlement Européen : "L'Europe, menacée d'être malade de ses divisions, demeure formidablement riche de ses diversités. Il convient de les préserver, mieux, de les faire fructifier pour le bien commun". Et pour Jacques Delors, cette communauté de destin devait avoir pour socle le principe de subsidiarité. "Principe de respect du pluralisme, et donc des diversités" disait-il. L'Union Européenne qu'il construisait ne se substitue pas aux nations. Et nous retrouvons cette philosophie dans la devise actuelle de notre Union, qui est : "Unie dans la diversité". Cet idéal européen, comme Jacques Delors aimait à le nommer, n'était pas un simple exercice intellectuel ou une simple profession de foi. Il était le moteur d'incroyables initiatives, dont nous ressentons encore les effets. »

    À son actif pour faire renaître l'idéal européen, il y a eu le Marché unique : « C'est l'objectif 1992 : un vaste projet pour créer un marché unique réunissant plus de 300 millions d'habitants. Un véritable espace sans frontières. Un espace de liberté de circulation. Pour les marchandises, bien sûr, mais aussi les capitaux, les services et, non moins important, les personnes. Donc un levier pour relancer l'économie européenne et la rendre plus compétitive. Mais aussi un appel aux citoyens à s'approprier l'espace européen. En faisant cela, Jacques Delors a accompli l'exploit de relancer l'Europe en s'appuyant sur l'économie. De créer de l'optimisme en pleine crise économique. ».

    Il y a eu aussi l'Acte Unique européen pour confirmer le Marché unique de 1992 en s'en donnant les moyens : « En élargissant le champ des décisions à la majorité qualifiée, avancée fondamentale ; en étendant les compétences européennes dans les domaines de la politique industrielle, de la recherche et encore de l'environnement. Et enfin et surtout, en plaçant la cohésion sociale et régionale au cœur des priorités européennes. (…) La cohésion territoriale pour réduire les différences entre États membres et entre régions, bien sûr. Et la cohésion sociale, pour lutter contre les inégalités. Cette dimension était chère à Jacques Delors, partisan du dialogue social. ».
     

     
     


    Il y a eu encore le Traité de Maastricht : « Le Traité qui a lancé l'union économique et monétaire et l'introduction de l'Euro. L'Euro, cette grande étape poursuivie par Jacques Delors, était clairement à la fois le symbole de cette union plus étroite, et l'outil d'une plus grande efficacité et souveraineté économique. ».

    L'une des grandes préoccupations de Jacques Delors fut le rôle de l'Europe dans le monde : « Il comprenait qu'elle ne pourrait le faire qu'avec des instruments de souveraineté partagée. Comme la monnaie unique justement, qu'il contribua à créer et une défense commune. (…) Liberté et solidarité comme valeurs humanistes à promouvoir face aux bouleversements du monde. (…) En tant qu'Allemande qui a vécu dans un pays divisé, je suis très reconnaissante à Jacques Delors pour son engagement pour la réunification de l'Allemagne et sa conviction que l'Europe serait à terme réunifiée. En effet, dès l'automne 1989, Jacques Delors n'hésitait pas à se montrer confiant dans la force de l'intégration européenne. Aux journalistes allemands qui l'interrogeaient le 12 novembre 1989, il disait : "La Communauté Européenne est le centre de gravité de l'histoire de l'Europe. C'est vers elle que regardent les habitants de la RDA, de la Pologne et de la Hongrie. Nous ne devons pas les décevoir, nous devons leur offrir notre aide et notre coopération". (…) Son regard sur le rôle de l'Europe dans le monde allait bien plus loin. C'est en effet la Commission présidée par Jacques Delors qui s'est engagée dans les grands forums internationaux. Tels que le G7 et le G20, la Conférence de Rio, ancêtres de nos COP. J'ai souri en lisant un article de journal, relatant une rencontre entre Jacques Delors et Bill Clinton à la Maison-Blanche en 1993. De quoi ont-ils parlé ? De menaces de tarifs américains sur les importations d'acier européen. Certains combats sont éternels. ».
     

     
     


    Ursula von der Leyen a pris l'exemple de la mission impossible de Jacques Delors pour faire accepter l'euro aux Allemands : « Jacques Delors, chacun s'accorde à le dire, était un maître tacticien et un négociateur patient. Pratique sans doute affûtée pendant ses années de syndicalisme, et bien utile dans le contexte européen. (…) Patience, rigueur, travail. (…) Jacques Delors était un travailleur acharné. Mais toujours, avec pour ambition une avancée significative pour l'Europe et ses citoyens. ».

    La conclusion d'Ursula von der Leyen s'est tourné vers les générations à venir : « Plus qu'un héritage patrimonial, je crois qu'il faut en garder la flamme. Celle de la jeunesse et du programme Erasmus. Celle de la solidarité des fonds structurels et du dialogue social. Celle de la volonté, de l'ambition et du pragmatisme. Car enfin le chemin de notre Europe se réinvente chaque jour. Jacque Delors disait que notre Union européenne était un "OPNI" pour "Objet Politique Non Identifié". Au fond, il nous a appris que l'important est de s'adapter aux nouvelles nécessités. L'important est d'agir avec ambition et réalisme pour affronter les nouveaux défis. L'important est de garder chevillé au corps l'idéal européen. ».

    Ursula von der Leyen est candidate à sa propre succession à la Présidence de la Commission Européenne dans la perspective des élection européennes du 9 juin 2024. Elle est la candidate du PPE, représenté en France par LR dirigé sur le plan européenne par François-Xavier Bellamy (qui s'est opposé paradoxalement à cette candidature). Elle comme tous ses adversaires ont beaucoup de leçons à apprendre de l'expérience de Jacques Delors, véritable ordonnateur de la relance de l'Europe après des années 1970 secouées par une crise économique durable. Il manque aujourd'hui de personnalités providentielles pour poursuivre avec ambition la construction de l'Europe aujourd'hui plongée dans un climat d'euroscepticisme d'extrême droite. Seule, la France d'Emmanuel Macron apporte des propositions pour la faire redémarrer. Mais le volontarisme n'est rien sans la négociation patiente. Telle est la principale leçon de Jacques Delors. Pas sûr qu'elle soit bien apprise.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (03 février 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Discours de Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen en hommage à Jacques Delors le 31 janvier 2024 (texte intégral).
    L'hommage d'Emmanuel Macron à Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Discours du Président Emmanuel Macron en hommage à Jacques Delors dans la cour d'honneur des Invalides à Paris le 5 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Jacques Delors, l'un des pères de l'Europe moderne.
    Jacques Delors votera-t-il pour Emmanuel Macron ?
    Jacques Delors aurait-il pu être le précurseur d’Emmanuel Macron ?
    Jacques Delors, l’honneur de la France et de l’Europe.
    Institut Jacques-Delors (créé en 1996).
    Qui peut remplacer Jacques Delors en 2014 ?
    L’occasion ratée de 1995.
    Martine Aubry.

     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240131-delors.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/l-hommage-de-l-europe-a-jacques-252858

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/19/article-sr-20240131-delors.html