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  • Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?

    « Soyez donc les bienvenus vous tous, chrétiens ou non, habitués ou moins habitués des églises, qui venez entourer la famille de Philippine, manifester votre amitié et prier pour elle. Vous pressentez que c’est important d’être là, tels que vous êtes. Merci d’être venus, parfois de loin. » (Père Pierre-Hervé Grosjean, le 27 septembre 2024 à Versailles).



     

     
     


    À la découverte à la fois du corps inerte de Philippine Le Noir de Carlan et du profil de son meurtrier présumé deux jours plus tard, l'extrême droite a profité de l'occasion pour faire de la récupération politique. Oui, c'est sans doute vrai, mais l'émotion ne signifie pas toujours la récupération et c'était une grande émotion nationale qu'ont ressenti ce vendredi 27 septembre 2024 les près de 3 000 participants aux obsèques de Philippine à la cathédrale Saint-Louis de Versailles, dont 1 000 restés dehors, sur le parvis, faute de place, sous une pluie battante.

    Rappelons d'abord les faits : Philippine Le Noir de Carlan, jeune étudiante de l'Université Paris-Dauphine qui allait fêter son 20e anniversaire le 10 octobre prochain, a été déclarée disparue le vendredi 20 septembre 2024 dans la soirée. Sa dernière apparition remontait à 14 heures le même jour, à l'issue de son déjeuner. Elle devait retrouver ses parents dans les Yvelines pour le week-end. Hélas, très rapidement, on en est venu à chercher du côté du bois de Boulogne (proche de la Porte Dauphine), et le soir du samedi 21 septembre 2024, on a retrouvé son corps, enseveli sauf un bras. Une vague d'émotion a alors envahi le pays. Pourquoi ? Parce que, comme toujours avec ce genre de tragédie, on peut s'identifier à la victime. Une jeune étudiante, symbole de toutes les étudiantes, mais aussi les parents de jeunes filles peuvent s'identifier aussi (même la dernière fille du nouveau garde des sceaux a l'âge de Philippine).

    De nombreux étudiants, même ceux qui ne connaissaient pas Philippine, sont venus se recueillir le lundi 23 septembre 2024 dans le hall de l'Université Paris-Dauphine pour lui rendre hommage et honorer sa mémoire. Ce qui est arrivé à Philippine aurait pu arriver à n'importe quelle étudiante de cette université et sans doute n'a-t-elle a eu de chance d'avoir croisé son meurtrier.
     

     
     


    Beaucoup de détails peuvent contribuer à s'identifier à la victime. Ainsi, les lieux. Il y a une vingtaine d'années, je me rendais de temps en temps à cette université Paris-Dauphine parce que j'avais un groupe de travail avec des étudiants de cette université. Parfois, les réunions pouvaient finir tardivement dans la soirée ou en hiver, vers les 19-20 heures, il faisait nuit, et je me faisais la réflexion, lorsque je revenais seul reprendre mon véhicule stationné dans le bois de Boulogne, peu éclairé, que ce serait peut-être dangereux si j'avais été une jeune fille (j'avoue que je n'ai jamais eu peur personnellement d'être agressé, mais à tort, surtout par imprudence car nul n'est épargné ; la témérité était ma seule réponse à une impuissante fatalité). Je connais aussi bien Versailles, et Montigny-le-Bretonneux où Philippine vient d'être inhumée, ce qui renforce l'identification. J'imagine parfaitement son milieu.

    L'émotion suscitée par ce drame infini s'est renforcée par la colère. En effet, l'auteur présumé du meurtre a été arrêté à Genève le mardi 24 septembre 2024 (bravo la police !). Il s'agirait d'un Marocain de 22 ans venu illégalement en France en 2019, qui aurait commis un viol alors qu'il n'était pas encore majeur, aurait été condamné à sept ans de prison mais libéré au bout de cinq ans, en juin 2024. Il était condamné aussi à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) d'une durée de dix ans. Il a été placé dans un centre de rétention administrative pendant un peu plus deux mois mais relâché quinze jours avant la tragédie.

    On le comprend, le sujet est ultrasensible : meurtre d'une jeune fille, fille croyante et pratiquante, immigration illégale, OQTF non exécutée, récidive. Chaque terme susciterait en lui-même des montagnes de récupérations politiques de l'extrême droite. Insistons sur le fait que si le RN avait été au pouvoir (il n'en était pas très loin au début de l'été), le meurtre aurait hélas été sans doute aussi commis.

    Restons encore brièvement dans la récupération politique... mais de l'extrême gauche, pas plus décente à cet égard pour la mémoire de Philippine, et même, pire. Ainsi, on peut lire dans les réseaux sociaux des messages franchement dégueulasses de personnes qui refusent la compassion pour Philippine sous prétexte qu'elle serait catholique pratiquante et que l'extrême droite aurait récupéré son assassinat. Du reste, des militantes d'extrême gauche ont arraché à Science Po les affiches rendant hommage à Philippine. On ne sait plus très bien si les plus dégénérés sont les meurtriers du type de celui de Philippine ou tous ces tordus qui ne voient plus l'humain au travers de leur prisme idéologique et de leurs puanteurs militantes.
     

     
     


    Le grand nombre de participants à l'enterrement à Versailles montre qu'on n'était pas obligé de connaître Philippine pour être touché dans ses tripes par son meurtre. Des gens qui ne se connaissaient se sont d'ailleurs serrés dans les bras pour exprimer cette émotion et se consoler. Elle ne vient pas de nulle part, elle rassure même, car tout drame mérite respect, émotion et réflexion. Cela s'est passé aussi pour d'autres drames, précédemment, trop nombreux hélas pour les énumérer simplement ici.

    Pour autant, la réflexion doit s'amorcer avec cette idée : le meurtre de Philippine pouvait-il être évité ? Et aussi : comment l'éviter dans l'avenir ? Car la première réflexion, logique, c'est de se dire : jamais Philippine n'aurait dû croiser sur son chemin ce jeune criminel marocain qui aurait dû être expulsé depuis plusieurs semaines. Et vient donc la question en d'autres termes : y a-t-il eu des dysfonctionnements dans l'État, c'est-à-dire, des décisions humaines qui, mal inspirées, ont engendré un tel crime ?
     

     
     


    Pour ma part, sans ôter la moindre responsabilité au moindre responsable, l'entière responsabilité du meurtre provient du meurtrier et de lui seul. Personne ne l'a forcé à tuer Philippine. Il est 100% responsable de son acte odieux.

    Il y a d'abord des amalgames à éviter, et à éviter des deux extrêmes. Extrême droite : les immigrés clandestins ne sont pas tous des tueurs. Heureusement. Réduire le meurtre de Philippine à des OQTF mal exécutées est, à mon sens, une erreur de raisonnement. Extrême gauche (chez certains écologistes) : on réfute l'idée que le tueur soit immigré pour qu'il tue, en disant qu'il a tué parce qu'il était un homme ! Là aussi, c'est tout aussi stupide intellectuellement. Dieu merci, les hommes ne sont pas tous des tueurs de jeunes filles (sinon, j'en viendrais à être honteux d'être ce que je suis, un homme).

    Premiers éléments de réflexion pour répondre à la question principale (le meurtre aurait-il pu être évité ?). D'après les informations dont je dispose, et donc, sous réserve qu'elles soient exactes et confirmées, j'ai compris que la remise de peine de deux ans est plutôt sévère pour une peine de sept ans. Rappelons aussi que le juge évite le plus possible la prison en temps long en raison des places qui manquent. Donc, le jeune Marocain est relâché et immédiatement placé en centre de rétention administrative pour rendre exécutable son OQTF.

    Qu'est-ce qu'on attendait ? Comme le futur expulsé n'a pas de passeport, il lui faut un sauf-conduit (je n'ai pas le terme exact) consulaire délivré par le pays qui l'accueille, à savoir ici le Maroc. Le problème, c'est que les pays de retour sont peu enthousiastes pour délivrer ce genre de papiers officiels. Il y aura bien un rapport de force diplomatique à mener entre les deux pays, mais c'est du long terme et très aléatoire, car concrètement, si le pays de retour ne fait rien, la France est bien ennuyée. Le pire, c'était que des candidats à l'expulsion pouvaient rester des mois voire des années dans des centres de rétention, qui n'est pas autre chose qu'une prison alors qu'on n'est pas condamné (je rappelle : les expulsés n'ont commis que la faute d'être entrés en France illégalement, mais n'ont pas forcément commis des crimes ou autres délits). Une loi a donc établi une durée maximale durant laquelle on pouvait être retenu dans un centre de rétention : 90 jours. Avec une décision de maintien du juge tous les quinze jours. Sur quoi se base le juge ? Sur la probabilité que le pays de retour délivre les documents consulaires avant les 90 jours de durée maximale.

    Pour le cas du meurtrier présumé de Philippine, la justice française avait abandonné tout espoir raisonnable que le Maroc fournisse ce document dans les temps, si bien qu'elle a considéré que le retenir plus longtemps n'avait aucune sorte d'utilité (au bout de 90 jours, il serait de toute façon relâché). Donc, à mon sens, blâmer le juge qui a signé sa sortie du centre de rétention est stupide car il n'a fait que son travail selon les critères que la loi lui a imposés. En revanche, l'auteur présumé aurait dû signaler régulièrement sa présence, ce qu'il n'a pas fait. Pourquoi n'a-t-on pas réagi ? (Là encore, regardons l'unité de temps : quinze jours, semble-t-il, entre sa sortie du centre de rétention et le meurtre ; la police n'allait pas réagir plus vite de toute façon).
     

     
     


    Pour autant, peut-on considérer que c'est satisfaisant ? Certainement pas. Absolument pas. Des vies humaines ont été perdues à cause d'un manque de réflexion. Il ne faut pas idéologiser l'immigration, mais réfléchir de manière pragmatique sur les raisons de non exécution des OQTF. La principale, c'est la mauvaise volonté des pays du retour. Quand la justice française connaît le pays du retour, car ce n'est pas toujours le cas.

    Je n'ai pas "la" solution, sinon, elle aurait déjà été trouvée et appliquée depuis longtemps, mais des pistes sur ce cas précis. Deux modestes pistes.

    La première est que la condamnation du jeune violeur était de la détention assortie d'une OQTF. On aurait donc pu rechercher les documents consulaires avant sa libération de prison, en vue de son expulsion immédiate dès sa sortie de prison. Après tout, condamné à sept ans de prison, cela laissait deux ans à l'administration française pour obtenir le papier consulaire auprès des autorités marocaines. Mieux que 90 jours. L'obtention de ce papier consulaire devrait même être une condition nécessaire à toute libération anticipée d'un condamné faisant l'objet d'une procédure d'expulsion.

    La seconde piste, c'est de différencier les candidats à l'expulsion, car il y en a de deux sortes : il y a la grande majorité d'étrangers clandestins qui doivent retourner chez eux et qui n'ont rien fait d'illégal autre que cette entrée du territoire français ; et puis il y a des gens comme ce violeur condamné qui est un criminel (rappelons que le viol est un crime) et on doit focaliser la surveillance des autorités françaises sur ces personnes sous OQTF tant qu'elles ne sont pas effectivement expulsées car elles sont susceptibles d'être (encore) des dangers pour la société (même si on ne peut pas préjugé d'un crime ou délit futur, "Minority report" n'est qu'une fiction, heureusement). Ou même permettre exceptionnellement le placement en centre de rétention le temps de pouvoir les expulser selon les règles.

    Invité de la matinale de France Inter ce vendredi 27 novembre 2024, le nouveau Ministre de la Justice Didier Migaud a manqué manifestement de dose de persuasion pour exprimer pourtant une évidence : « des situations tout à fait objectives, comme sur l'exécution des peines, qui a beaucoup progressé, comme le nombre de personnes qui aujourd'hui sont détenues en prison. Mais je sais que c'est inentendable pour le citoyen ! (…) Je souhaite convaincre les citoyens qu'il faut faire confiance à la justice. Et comme garde des sceaux, ce sera à moi de veiller à ce que la justice puisse avoir les moyens de fonctionner. Je serai toujours le défenseur de l'État de droit, toujours le défenseur de la justice, toujours le défenseur des magistrats, sans être complaisant vis-à-vis de manquements qui peuvent effectivement intervenir. ».
     

     
     


    Et de répondre aux critiques parce qu'il n'avait pas réagi au meurtre de Philippine : « Vous savez que le garde des sceaux ne peut pas intervenir dans le cadre d'une procédure individuelle. Ça ne m'empêche pas de ressentir aussi fortement que les citoyens l'émotion devant une telle situation. C'est une tragédie. Ma dernière fille, elle a l'âge de la victime ! Donc vous vous rendez compte que je peux imaginer le drame que ça peut représenter pour la famille, et je lui exprime bien évidemment toute ma sympathie. ». Sa mission : « Essayer de travailler pour voir si la réglementation, si la législation est adaptée en toutes circonstances, pour faire en sorte d'éviter ce type de situation et ce type de drame. Et là, je dois travailler avec le Ministre de l'Intérieur : c'est ce que nous efforçons de faire, d'ailleurs, depuis quelques jours pour faire face à cette situation. Mais je comprends que l'émotion est telle qu'elle submerge tous les discours objectifs. ».

    La cérémonie religieuse a eu lieu à la cathédrale Saint-Louis de Versailles (où Philippine a fait sa confirmation) parce que l'église de sa paroisse, à Montigny, n'aurait pas été assez grande pour accueillir ces milliers de personnes venues communier à la mémoire de Philippine. La présidente du conseil régional d'Île-de-France Valérie Pécresse était présente, le président de l'Université Paris-Dauphine également. Beaucoup d'élus étaient présents. Une cagnotte mise en ligne pour soutenir financièrement la famille a déjà recueilli les dons de 3 500 généreuses personnes.

    Dans son homélie, le curé de la paroisse de Montigny-Voisins-le-Bretonneux, le Père Pierre-Hervé Grosjean, a évoqué trois temps : celui de la tristesse, celui de l'espérance, et celui de l'action.

    L'émotion : « Devant le mystère du mal, devant l’injustice insupportable et la violence qui s’est déchaînée, nous sommes sidérés, comme écrasés. Bien sûr, la justice des hommes sera nécessaire. Son temps viendra. Mais aujourd’hui, nous avons besoin de pleurer, de partager et de déposer ensemble notre douleur, notre colère, notre incompréhension. ».
     

     
     


    L'espérance : « Nous voulons nous accrocher à cette espérance que nous donne Jésus, comme on s’accroche à une ancre pour ne pas couler ou dériver. Oui, en priant pour toi, en te portant devant Dieu, Philippine, nous espérons et nous croyons que le Seigneur t’accueille dans sa paix, dans la joie du Ciel, qu’auprès de Lui tu ne souffres plus, et que tu connais ce bonheur parfait pour lequel nous avons été créés, ce bonheur qu’aucun mal ne pourra plus désormais atteindre ou abîmer, cette joie éternelle dont nous avons tous soif, dont tu avais soif et que les joies de ta vie annonçaient. Nous sommes là, nous accrochant à cette espérance qui nous promet aussi qu’il y aura un jour des retrouvailles. Nous te reverrons Philippine. Cette espérance n’empêche pas nos larmes, mais elle les éclaire. ».

    L'action : « Nous avons nous aussi en effet chacun une mission. Nous ne voulons pas que le mal ait le dernier mot. Nous voulons croire que Jésus a vaincu la mort, pour que ceux qui accueillent cet Amour victorieux puissent recevoir la vie éternelle. Mais dès maintenant, nous pouvons répondre à ce mal en le retournant contre lui-même. Comment ? En faisant de ce drame, de cette épreuve terrible, l’occasion d’un sursaut, l’occasion de grandir résolument, généreusement et courageusement dans notre vie, dans la façon de la vivre pleinement, de la donner, dans notre désir de servir et d’aimer. Nous voulons opposer au Mal, à sa violence et à sa laideur, la force de notre amour, de notre espérance, de notre foi, et la beauté de notre unité. Nous voulons répondre à l’horreur du mal par la force plus grande encore du bien, le bien que nous pouvons faire en nous engageant, chacun à notre façon, chacun selon notre vocation, pour servir. ».

    Et il a terminé en s'adressant directement à Philippine à propos de sa famille et de ses amis : « Tu es désormais leur grande sœur du Ciel. Encourage-les dans leurs joies, leurs peines et leurs combats. Donne à chacun de pouvoir servir, croire et aimer à son tour avec toute la générosité dont il ou elle est capable. Aide tous ces jeunes à découvrir combien ils sont aimés de Dieu, de façon inconditionnelle, quelle que soit leur histoire ou leurs fragilités. Parce que c’est quand on se sait aimé qu’on devient capable du meilleur ! ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240927-philippine.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/philippine-emotion-nationale-256968

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/27/article-sr-20240927-philippine.html



     

  • Et Dieu créa les animaux... et Brigitte Bardot !

    « Il reste encore de grandes batailles à gagner car les êtres humains se sont déshumanisés, particulièrement dans la politique et aussi dans nos gouvernements successifs. » (Brigitte Bardot, 2014).


     

     
     


    Les années passent et heureusement, les stars ne passent pas, ou pas toutes, du moins. Elle est née exactement dix ans après Marcello Mastroianni, huit jours après Sophia Loren : Brigitte Bardot fête ses 90 ans ce samedi 28 septembre 2024. Pour cette ancienne actrice au cœur du culte de la beauté et de la jeunesse, de la modernité et de l'audace, le fait de devenir une vieille dame n'est pas nouveau. Cela fait cinquante ans qu'elle est devenue une vieille dame, depuis qu'elle a arrêté sa courte et dense carrière au cinéma, une vingtaine d'années en tout.

    C'était un choix, conscient, mûri, et sans doute a-t-elle dû décevoir des armées de réalisateurs qui auraient souhaité continuer à exploiter ce filon (et des bataillons de cinéphiles), d'autant plus que les années 1970 furent les plus osées et les plus chaudes du cinéma français. Brigitte Bardot devait en avoir ras-le-bol de la virilité, du machisme, et elle voyait bien ce qui l'attendait, avec l'âge et les rides, une sorte de reclassement dans des rôles de grand-mère que certaines de ses collègues ont su merveilleusement s'approprier (par exemple, la pimpante Catherine Deneuve) mais qu'elle-même ne voulait pas. Pas pour laisser une image éternelle de la jeunesse, mais parce qu'elle a saisi des choses plus importantes pour sa vie.

    Changer de vie. Le destin des bébés phoques, alertée par Marguerite Yourcenar, puis, plus généralement, les animaux, la souffrance des animaux, ont eu largement gain de cause par rapport à une carrière cinématographique qu'elle ne souhaitait plus.

    Malgré son enthousiasme pour Jordan Bardella et le RN aux dernières élections, on ne l'a pas entendue parmi les protestataires du nouveau gouvernement dirigé par Michel Barnier, mais elle aurait pu en être. Pas forcément parce qu'il n'a pas la couleur politique qu'elle aurait souhaitée, mais parce qu'il n'y a pas de ministère des animaux (d'autres protestent parce qu'il n'y a pas de ministère des personnes en situation de handicap, ni de ministère de la ville). Il faut bien dire qu'il n'y en a jamais eu mais les défenseurs des animaux militent pour qu'il y en ait un, à l'égal d'un ministère de la bouffe (euh, de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire) et d'un ministère de l'environnement.

    C'est étonnant qu'un gouvernement s'occupe des humains, de la planète, de l'environnement et des plantes, mais pas spécifiquement des animaux. Certes, il y a eu déjà des sous-ministères de la biodiversité, mais rester déjà dans le basique, dans l'élémentaire : lutter contre la souffrance animale, ce qui, aujourd'hui, depuis une dizaine d'années, est reconnu juridiquement, les animaux sont des êtres sensibles. Difficile de rendre compatible cet aspect des choses avec les abattoirs, avec la viande à produire et à manger, surtout lorsqu'on doit, par compétitivité, être le moins cher, produire au moindre coût. Toujours est-il que dans la nouvelle Commission Européenne qui prendra ses fonctions le 1er décembre 2024, un commissaire européen chargé des animaux a été institué.


    Tout naturellement, ce combat de Brigitte Bardot a abouti à un combat contre une certaine religion (tout le monde la connaît) qui abat rituellement les animaux sans leur empêcher la souffrance. Son combat est devenu une guerre de religion et elle a déjà été blâmée par la justice pour des propos publics qui mettaient en cause cette religion. Le droit des animaux en contradiction avec le droit de manger de la viande, mais aussi la liberté du culte. Cette société compliquée n'est faite que de contradictions, d'injonctions paradoxales multiples, et finalement, la représentation démocratique de l'Assemblée Nationale de l'été 2024 en apporte une certaine illustration.
     

     
     


    En 2014, dans un bouquin sur ses "as de cœur", elle a présenté en quelque sorte son Panthéon des défenseurs des animaux. Citons quelques-unes des personnalités qui l'ont éblouies (peut-être celles-ci en seraient étonnées, sans doute elles-mêmes éblouies par l'ancien star ?).

    Par exemple, Théodore Monod : « En près d'un siècle de sa riche existence, Théodore Monod rédigea près de 2 000 volumes d'œuvres scientifiques, regroupa 20 000 échantillons et enrichit notre connaissance de la flore et de la faune de respectivement 35 et 130 espèces nouvelles. Il était l'un des derniers grands voyageurs naturalistes. Son humilité ne se démentit jamais. (…) Il faisait partie de ces qui donnent une légitimité scientifique à toutes les actions en faveur des animaux et de la nature. ».

    Dian Fossey : « Si elle était aussi réfractaire aux visites, c'était surtout à cause du risque de contagion des maladies humaines aux gorilles, animaux fragiles entre tous. Dans sa guerre contre les zoos occidentaux, toujours avides de les exposer ignoblement, Dian obtint quelques victoires, mais subit aussi de nombreuses défaites. (…) Le matin du 27 décembre 1985, l'étudiant américain Wayne McGuire, qui l'avait rejointe depuis peu, la découvrit morte à côté de son lit, le crâne fendu d'un coup de machette. Aujourd'hui encore, on ne sait pas qui a tué Dian Fossey ; l'hypothèse la plus probable étant bien évidemment qu'elle a été assassinée par un braconnier. ».

    Saint François d'Assise : « Une histoire "écologique" avant l'heure. François reconnaît à l'animal une dignité similaire à celle de l'homme. Il attend de ses semblables qu'ils remplissent leur devoir d'assistance face aux animaux lorsqu'ils souffrent. (…) Personne mieux que saint François n'a exprimé une telle volonté de retrouver une humanité débarrassée de tout ce qui la pollue. Il refusa tout idée de pouvoir, de domination. La pauvreté pour lui n'était pas seulement une privation corporelle, mais un état d'un homme humble, dépouillé de tout désir qui empêcherait la communion parfaite avec son Créateur et avec l'univers. ».


    Mylène Demongeot : « Une actrice qui a du chien ! Mylène ne s'est pas entourée d'animaux pour combler un quelconque manque affectif, argument idiot qu'on entend bien trop souvent. Non, cet engouement vient plutôt d'une vision jubilatoire de l'existence, à laquelle l'actrice a décidé de tout subordonner, bien inconsciemment sans doute, car elle a eu dans sa vie, comme tout un chacun, de quoi alimenter ses douleurs... ».

    Le dalaï-lama : « Ses paroles sont douces, ses yeux extrêmement vifs savent capter au-delà des mots les ressentis de ses interlocuteurs. Il est pacifiste dans le plus profond de son cœur, vénère et respecte toute vie, humaine ou animale. Il fait du bien. ».

    Paul Watson : « Watson est un homme d'action. La bureaucratie lui déplaît, comme les discours inutiles. Il ne veut pas de "campagne de sensibilisation", il ne vaut pas faire de compromis, il veut agir concrètement. (…) Les baleines... Paul les a vues mourir par centaines sous le coup des harpons et des flèches explosives. Il a entendu leur cri pareil à celui d'un être humain. Il les a vues agoniser en gémissant. Il se souvient de ce jour où un cachalot frappé à mort, au lieu de chavirer son Zodiac venu s'interposer, l'a épargné, après avoir fixé son œil sur lui, un regard qu'il n'oubliera jamais de sa vie et qui scellera sa vocation de "justicier des océans". (…) Il tire la certitude que notre monde obéit à des lois de symbiose et d'équilibre. À ses détracteurs qui l'accusent volontiers d'être un misanthrope, il répond : "Si l'on détruit les mers, on détruit l'homme". ».

    Ce sera sans doute la réponse de BB à ses propres détracteurs qui la traitent de misanthropes. On ne peut pas aimer les humains sans aimer les animaux. Elle pourrait aussi citer Gandhi : « On reconnaît le niveau d’évolution d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux. ». Depuis la loi n°2015-177 du 16 février 2016 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, le nouvel article 515-14 du code civil précise que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité, soumis, sous réserve des lois qui les protègent, au régime des biens ». C'est une grande avancée juridique pour consacrer le statut de l'animal, même s'il y a encore beaucoup de progression à venir dans des lois à prévoir.

    Le 28 septembre 2014 (il y a juste dix ans), Brigitte Bardot disait que tout restait encore à faire malgré cette loi (dont l'amendement crucial pour reconnaître l'être vivant doué de sensibilité chez l'animal a été voté le 15 avril 2014) : « Il reste encore tant à faire, tant d’horreurs. La vie des animaux n’est pas prise en considération ni leurs souffrances. Ils sont toujours considérés comme des objets de rapports et sont massacrés quotidiennement pour du fric dans la plus grande indifférence. ».

     
     


    On le voit : pour Brigitte Bardot, les animaux, c'est son dada ! « Ma Fondation est le but essentiel de ma vie. J'ai tout donné pour la construire. (…) Depuis, je vis chez mes animaux. ». Eh oui, quand on a des bestioles chez soi, qui ont un nom, on sait bien qu'on n'est plus chez soi mais chez elles. J'ai connu des chats qui se choisissaient leur maison dans un quartier, ils changeaient de "propriétaires" (ou plutôt d'esclaves) au gré des déménagements des lieux !

    Parce qu'elle est déjà très âgée, Brigitte Bardot a pensé à sa mort. Sa fortune irait pour sa fondation et elle serait enterrée dans sa propriété de La Madrague, dans le Var, transformée en musée : « J'ai choisi un petit coin, proche de la mer, qui a été entériné par les autorités. ». Il faut l'accord de l'État pour être enterré hors des cimetières. Elle préfère éviter le cimetière de Saint-Tropez pour laisser en paix ses parents et grands-parents. Elle enverrait ses visiteurs chez elle, dans un musée, pour alimenter financièrement sa fondation.

    Dans une interview au journal "Le Parisien" le 20 septembre 2024, elle confiait qu'elle marchait maintenant très difficilement (« Je me déplace avec mes cannes anglaises. ») et qu'elle a été très affectée par la disparition de son ami Alain Delon. À 90 ans, Brigitte Bardot a consacré 50 ans aux animaux et 20 ans au cinéma. Rappelons-nous... Et BB créa Saint-Tropez ! Vidéo.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240928-brigitte-bardot.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/et-dieu-crea-les-animaux-et-256755

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/26/article-sr-20240928-brigitte-bardot.html



     

  • Chirac a-t-il trahi Giscard en 1981 ?

    « J’ai appris avec beaucoup d’émotion la nouvelle de la disparition de l’ancien Président de la République Jacques Chirac. J’adresse à son épouse et à ses proches un message de profondes condoléances. » (VGE, le 26 septembre 2019).





     

     
     


    C'est ainsi que Valéry Giscard d'Estaing a réagi il y a exactement cinq ans, le 26 septembre 2019. L'ancien Président de la République Jacques Chirac venait de mourir peu avant l'âge de 87 ans. L'histoire des relations entre les deux hommes remplit une bonne moitié de l'histoire de la Cinquième République, voire beaucoup plus (1962 à 2011). L'histoire retiendra avant tout que le jeune Président élu de 48 ans (Emmanuel Macron n'aura que 47 ans dans trois mois, après plus d'un septennat d'exercice du pouvoir) s'était choisi, au printemps 1974, comme premier Premier Ministre un jeune conquérant gaulliste de 41 ans, après le traumatisme de la mort soudaine de Georges Pompidou.

    Pour empêcher l'accession de Jacques Chaban-Delmas à l'Élysée, Jacques Chirac avait trahi les vieux barons du gaullisme historique pour soutenir la modernité et la jeunesse du jeune candidat libéral (républicain indépendant), allié exigeant du gaullisme (VGE avait le même genre de relations avec De Gaulle que Nicolas Sarkozy avec Jacques Chirac trente à quarante années plus tard).

    Valéry Giscard d'Estaing croyait qu'il pourrait manœuvrer Jacques Chirac facilement, lui qui venait de perdre son mentor Pompidou, et que son engagement au sein de l'UDR était sa pièce parlementaire maîtresse. Pour Jacques Chirac, la question ne se posait pas, Matignon faisait de lui le futur candidat à l'élection présidentielle des gaullistes. La condescendance de Valéry Giscard d'Estaing a rendu le couple au sommet de l'exécutif assez infernal pour Jacques Chirac, le Président ne ratant pas une occasion de l'humilier personnellement.


    Finalement, cette alliance personnelle a fini en eau de boudin, avec un divorce en bonne et due forme l'été 1976 (Jacques Chirac voulait démissionner au début de l'été et le Président lui a demandé d'attendre la fin de l'été, un temps de latence politique qui n'est pas sans rappeler celui de l'été 2024 !). Fait incroyable de toute l'histoire de la Cinquième République : Jacques Chirac a été le seul Premier Ministre qui soit lui-même à l'origine de sa démission et le seul à tenir une conférence de presse militante et antiprésidentielle après l'annonce de la démission par l'Élysée. Paradoxalement, les barons gaullistes allaient passer dans le camp de Valéry Giscard d'Estaing face à un Jacques Chirac qui les a pris de haut en prenant la tête de l'UDR dès décembre 1974.

    Après avoir mené la vie dure à Valéry Giscard d'Estaing et à son successeur à Matignon, Raymond Barre, dans les joutes parlementaires, Jacques Chirac, qui, entre-temps, avait fondé le RPR pour en faire une écurie présidentielle, s'est présenté à l'élection présidentielle de 1981 contre le Président sortant. Ce dernier lui a "balancé" (en les aidant pour trouver les 500 parrainages) deux candidatures gaullistes qui lui ont plombé environ 3% son électorat spécifique, Michel Debré et Marie-France Garaud (disparue récemment).
     

     
     


    Et VGE a toujours assuré que Jacques Chirac, arrivé en troisième position, et appelant « à titre personnel » à voter VGE au second tour, a fait campagne pour François Mitterrand pour le second tour. Il l'a écrit notamment dans son autobiographie "Le Pouvoir et la vie" (éd. Compagnie 12, tome 3 sorti en 2006). Il a même raconté qu'entre les deux tours, il avait personnellement appelé la permanence du RPR pour demander ce qu'il devait faire (en se présentant comme un militant RPR) et on lui avait répondu de soutenir François Mitterrand (est-ce une anecdote réelle ? C'est difficile d'imaginer qu'avec sa voix, il ne fût pas reconnu au téléphone). Valéry Giscard d'Estaing était donc persuadé que Jacques Chirac l'a trahi en 1981, afin de devenir le leader de l'opposition après 1981 et gagner l'élection présidentielle de 1988.

    Que Jacques Chirac fût un traître en politique, tout le monde se l'accorde puisqu'en tant que gaulliste, il a trahi Jacques Chaban-Delmas en 1974, et il a commencé à gagner l'élection présidentielle en 1995 parce qu'il était lui-même la victime d'une trahison, celle de son "ami de trente ans" Édouard Balladur qu'il avait placé à Matignon en 1993.

    Le mieux, pour avoir la version chiraquienne, c'est de relire sa propre autobiographie. Rédigée au soir de sa vie (avec l'aide de Jean-Luc Barré), celle-ci est évidemment la parole officielle de l'ancien Président de la République ("Chaque pas doit être un but", éd. Nil, 2009). C'est amusant d'y lire une certaine dose d'hypocrisie et, par cette hypocrisie, finalement la reconnaissance qu'il y avait bien eu trahison !


    Par exemple, il n'a pas évoqué sa rencontre avec François Mitterrand chez la future Première Ministre Édith Cresson en octobre 1980. Au contraire, il a écrit : « Pour être élu, j'ai conscience de devoir m'imposer comme seule alternative au Président sortant, et donc éliminer François Mitterrand dès le premier tour. (…) Mais pour atteindre cet objectif, encore faudrait-il que toute la famille gaulliste fasse bloc autour de ma candidature. Ce qui n'est pas le cas. ». Il parlait alors de « Michel Debré, que certains "barons" inféodés au gouvernement ont hélas ! encouragé, avec la bénédiction de l'Élysée, à se lancer dans la bataille pour son propre compte ». On sent encore très vive la rage contre VGE.

    À l'issue du premier tour du 26 avril 1981 (28,3% pour VGE, 25,8% pour François Mitterrand, lui seulement en troisième position), il a commenté de manière assez narquoise : « Seul peut lui permettre [à VGE] de l'emporter un ralliement massif de ces électeurs RPR qu'il a cru bon, si longtemps, de mépriser. ». Il y a ce petit goût de revanche : j'ai perdu le premier tour, mais ton second tour va être très difficile sans moi.


    Et l'idée qu'il a voulu, a posteriori, donner pour sa postérité, c'est que ce n'est pas lui, Jacques Chirac, qui a refusé la réélection de Valéry Giscard d'Estaing, mais ses amis du RPR ! Ainsi : « Rares sont ceux, au sein de mon équipe, qui se déclarent prêts à soutenir un Président dont ils n'ont pas apprécié la politique et, encore moins, le comportement à leur égard. ». Et d'expliquer, en gros hypocrite : « Sauf à m'exprimer à titre personnel, ce que je fais, dès le lendemain, en annonçant que je voterai, quant à moi, pour M. Giscard d'Estaing, il ne m'appartient pas d'engager le mouvement sans l'approbation de ses membres. Or, celle-ci est loin d'être acquise, comme le confirme, dans les jours suivants, la décision du comité central de laisser la liberté de vote à nos adhérents. Tandis que quelques personnalités gaullistes comme Philippe Dechartre ou Christian Poncelet n'hésitent pas à se déclarer favorables au candidat de la gauche. ».

    C'est assez amusant de lire que Jacques Chirac était incapable de mener ses troupes là où il le souhaiterait. En décembre 1974, puis en décembre 1976, il avait réussi à organiser (avec l'aide de Charles Pasqua) des congrès gaullistes avec une précision millimétrique pour atteindre ses objectifs politiques, comme prendre d'assaut l'appareil gaulliste sur les vieux barons historiques, et soudain, quelques années plus tard, il n'aurait plus aucun pouvoir pour convaincre ses amis que l'arrivée d'un gouvernement socialo-communiste serait catastrophe économique et financière ?!

    Au contraire, dans sa rédaction, le futur Président insistait sur son impuissance et la fatalité : « Plus que sur un choix politique, cette élection se jouera sur une question de confiance. C'est de la capacité ou non du Président sortant à restaurer son crédit auprès d'une partie des électeurs de sa majorité que dépendra l'issue du scrutin. Au fond de moi, je crains qu'il ne soit déjà trop tard pour que Giscard y parvienne, tant ses mauvaises relations avec le RPR me semblent irrémédiables. Giscard ne fera d'ailleurs aucun effort spectaculaire entre les deux tours pour se rapprocher de ses dirigeants, qu'il ne cherchera pas même à rencontrer, par crainte sans doute de paraître s'abaisser. ». Loin d'un "soutien à titre personnel", Jacques Chirac continuait à le charger !


    Il a même cité un exemple, VGE l'appelant pour sa participation à un grand meeting à la Porte de Pantin : « Je lui réponds que, n'étant pas mandaté par les militants du RPR pour m'exprimer en leur nom, je ne vois pas l'utilité d'y être présent. ». Précisons bien que Jacques Chirac était le président du RPR et avait une conception bonapartiste de son rôle de chef de parti, il est donc assez risible de le voir adopter une attitude très parlementariste et quasi-impuissante du fonctionnement de son propre parti dont il était le chef indiscutable. La venue de Jacques Chirac dans un meeting de second tour de Valéry Giscard d'Estaing aurait convaincu les électeurs de l'UDF et du RPR qu'il y avait unité de la majorité. Cela aurait donné une image prometteuse de la candidature de VGE et mobilisé sa base électorale.

    En somme, Jacques Chirac laissait son ancien Président dans la mouise, comme quelques jours plus tard, avec la proposition giscardienne de rassembler la majorité : « La démarche est à l'évidence trop tardive pour avoir le moindre effet, d'autant qu'elle s'accompagne d'une promesse qui peut prêter à sourire quand on connaît l'historie des dernières années : "C'est pourquoi, annonce Giscard, je chargerai le nouveau Premier Ministre d'organiser, sans délai, les États généraux de la majorité, qui permettront aux diverses familles qui la composent de retrouver leur unité, en tirant ensemble les enseignements de la campagne pour les traduire dans l'action". On ne saurait être moins convaincant. » conclut-il benoîtement !

    Du reste, cela ressemble fortement aux tentatives désespérées de l'actuel Président de la République depuis 2022 à vouloir gouverner autrement, en portant plus d'attention aux partis, au Parlement et aux corps intermédiaires, avec quelques innovations sans lendemain (grands débats, CNR, Rencontres de Saint-Denis, etc.), ce qui a débouché en 2024 à la dissolution et à cette Assemblée impossible.

    Pour se dédouaner de toute attaque ultérieure, Jacques Chirac a bien martelé : « Je ne souhaite pas la victoire de François Mitterrand et le fais savoir on ne peut plus clairement dans un texte que je publie le 6 mai 1981 [le second tour a lieu le 10 mai 1981], appelant à faire barrage au candidat socialiste. Mais je n'ai plus aucun moyen, désormais, d'endiguer le processus, engagé de longue date, qui entraîne une minorité des militants gaullistes à rejeter ouvertement Giscard au profit de son concurrent. ». Impuissance donc, et même si puissance, cela n'aurait pas suffi : « Y serais-je parvenu que cet effort n'eût d'ailleurs pas suffi à inverser le cours des choses, comme le prouveront les résultats du second tour de l'élection présidentielle. ».


    Et suit une autojustification dont la rigueur est presque enfantine (c'est pas moi et je le prouve !) : « Le soir du 10 mai 1981, chacun pourra vérifier, chiffres en main, que le Président a fait le plein des voix de droite, et même gagné trois cent mille voix supplémentaires. Ce n'est donc pas le vote des électeurs RPR qui a creusé l'écart de 1,2 million de voix qui la séparent de son challenger socialiste, mais la mobilisation massive en faveur de François Mitterrand, des abstentionnistes du premier tour. Preuve que l'arithmétique d'une telle élection échappe, en réalité, à la seule logique partisan. ».
     

     
     


    L'analyse de Jacques Chirac est en partie exacte, Jacques Chirac n'est pas la cause de la victoire de François Mitterrand, ni le RPR, elle provient d'un mouvement de fond sociologique très large, amorcé dès mai 1968, qui a mis la gauche au pouvoir après vingt-trois années d'absence (une génération !). D'un point de vue institutionnel, cette alternance était d'ailleurs la bienvenue et a réconcilié la moitié des Français avec la Cinquième République qui, jusque-là, avait préservé une majorité de centre droit.

    Néanmoins, cela n'empêcherait pas l'amertume giscardienne sur le faible soutien de Jacques Chirac au second tour. Lui, capable de déplacer de montagnes par la seule force de son verbe, n'a pas bougé très haut son petit doigt pour l'aider à mobiliser les abstentionnistes. Cela aurait été difficile d'inverser l'élection car il y a eu un gros écart de voix et beaucoup d'espoir exprimé dans l'autre camp, mais ce qu'il a surtout retenu, c'est qu'il ne l'a pas tenté, c'est cela que lui a reproché Valéry Giscard d'Estaing, et même si, dès le début de l'année 1982, il a assuré qu'il avait jeté la rancune à la rivière (lire plus loin), VGE allait lui en vouloir jusqu'à la fin de sa vie.


    Pour la postérité, Jacques Chirac a rejeté ce sentiment et écrit noir sur blanc : « Je n'ai pas le cœur à me réjouir d'un échec aussi retentissant, qui rejaillit, au-delà du candidat, sur l'ensemble de la majorité. En politique, on ne construit pas une victoire sur la défaite de son propre camp. Mais cette défaite, qui est aussi la mienne, comment ne pas en imputer la responsabilité à celui qui s'en employé, d'un bout à l'autre de son septennat, à diviser sa majorité au lieu de la rassembler, et à gouverner sans tenir le moindre compte de l'opinion de ses alliés ? Giscard préférera en rejeter la faute sur d'autres, c'est-à-dire moi, en parlant de "trahisons prémédités" quand il eût été plus honnête de reconnaître, au moins, des torts partagés. ». On sent l'amertume encore très vivace.

    Et d'ajouter crûment : « [Giscard] n'aura plus de cesse, désormais, que de remâcher ses griefs et de me désigner comme le seul coupable de son renvoi de l'Élysée. Un jour, Giscard assura avoir "jeté la rancune à la rivière". Mais ce jour-là, la rivière devait être à sec, tant cette rancune est demeurée chez lui tenace et comme inépuisable. ». Tout en complétant comme le coup de grâce : « En démocratie, la défaite d'un homme n'est jamais, ou rarement, une perte irréparable. ». Cruel. Réponse anticipée de Giscard (en 2005) : « C'est quelqu'un qui ne m'intéresse pas. (…) Chirac, il n'a jamais occupé mon esprit. Je n'y pense pas. ». Ambiance !

    Jacques Chirac a publié le premier tome de ses mémoires en 2009. Il a encore l'émotion intacte, la rage intacte, tout comme Valéry Giscard d'Estaing. Une telle inimitié politique qui dure aussi longtemps est même assez étonnante. Même François Mitterrand a favorisé Jacques Chirac en 1995 sur Édouard Balladur. Pourtant, le socialiste le haïssait au plus haut point lors de la cohabitation de 1986-1988...

    L'histoire a finalement rendu Jacques Chirac plus "important" que son ancien "tortionnaire" (psychologique) car il a accompli deux mandats présidentiels, pendant douze ans, et s'il a échoué à ses deux premières candidatures présidentielles, il n'a pas terminé par un échec présidentiel, au contraire de Valéry Giscard d'Estaing. Les deux hommes d'État se sont retrouvés dans une instance officielle il y a une quinzaine d'années : entre 2007 et 2011, en effet, les deux anciens Présidents de la République ont siégé au Conseil Constitutionnel, dont ils étaient membres de droit à condition de ne pas exercer d'autres mandats électifs (Valéry Giscard d'Estaing a pris sa retraite "élective" en 2004 et Jacques Chirac en 2007, et ce dernier a arrêté de siéger au Conseil Constitutionnel en 2011 en raison de sa santé et de son affaire judiciaire). Ils étaient placés autour du Président du Conseil Constitutionnel, Jean-Louis Debré, ravi de se retrouver au cœur de l'histoire républicaine.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :

    Jacques Chirac et sa Présidence abracadabrantesque !
    Le testament de Jacques Chirac.
    Bernard Pons, la main de Chirac.
    Jacques Chirac, l'ami de Bill Clinton.
    Quand Jacques Chirac sauva le Tour de France…
    Chirac, l’humanisme sanitaire en pratique.
    HiroChirac mon amour.
    On a tous quelque chose de Chirac.
    Le dernier bain de foule de Jacques Chirac, l’universaliste.
    Chirac au Panthéon ?
    À l’heure où Jacques Chirac entre dans l’Histoire…
    Jacques Chirac a 86 ans : comment va-t-il ?
    Allocution télévisée de Jacques Chirac le 11 mars 2007 (texte intégral).
    Discours de Jacques Chirac le 16 juillet 1995.
    Présidence Chirac (1) : les huit dates heureuses.
    Présidence Chirac (2) : les huit dates malheureuses.
    Jacques Chirac contre toutes les formes d'extrême droite.
    Jacques Chirac et la paix au Proche-Orient.
    Sur les décombres de l'UMP, Jacques Chirac octogénaire.
    Jacques Chirac fut-il un grand Président ?
    Une fondation en guise de retraite.
    L’héritier du gaulllisme.
    …et du pompidolisme.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240926-chirac.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/chirac-a-t-il-trahi-giscard-en-256737

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/22/article-sr-20240926-chirac.html



     

  • Législatives 2024 (50) : les premiers pas du gouvernement Barnier

    « Personne, rigoureusement personne, n’a voté pour avoir Michel Barnier à Matignon. Ni même pour une coalition macroniste et droite LR, qu’aucun leader n’envisageait. Les électeurs RN (…) voulaient Bardella à Matignon : ils n’ont eu que les trois premières lettres ! Ceux du centre votaient pour y garder Gabriel Attal. Ceux de gauche voulaient le virer et voir appliquer le programme du NFP. Ceux de LR disaient "ni Macron, ni Mélenchon, ni Bardella", mais sans espoir d’un retour de la droite. Et au second tour, c’est sans les LR que les électeurs de gauche et du centre ont mêlé leurs voix pour empêcher une majorité RN de gouverner le pays. » (Patrick Cohen, le 24 septembre 2024 sur France Inter).



     

     
     


    Le gouvernement de Michel Barnier s'est réuni en conseil des ministres ce lundi 23 septembre 2024 sous la présidence du Président Emmanuel Macron. Il est, pour nos institutions, un véritable OVNI, une sorte de chose dont on a encore du mal à donner un nom tellement c'est inédit dans notre histoire de la Cinquième République.

    Ce n'est pas un gouvernement ordinaire d'un Président avec sa majorité présidentielle à l'Assemblée, mais ce n'est pas non plus un gouvernement de cohabitation avec l'opposition présidentielle devenue majoritaire. Ce n'est même pas un gouvernement de coalition tel qu'on l'entend dans certaines démocraties parlementaires européennes où des partis parfois opposés se mettent d'accord pour gouverner ensemble faute de majorité pour gouverner tout seul, car le gouvernement Barnier ne jouira que d'un capital d'environ 220 sièges sur les 577 que compte l'Assemblée, soit loin de la majorité absolue (il manque environ 70 députés !). Alors, au début, certains ont appelé cela coalitation, d'autres parlent de coexistence plus ou moins pacifique. Aucun mot ne semble à ce jour satisfaire les commentateurs.

    Ce qui est clair, c'est que la légitimité de Michel Barnier n'émane pas du Président de la République, pas plus de l'Assemblée puisqu'il ne peut pas se reposer sur une majorité absolue, il est issu d'un parti qui n'a obtenu que 47 sièges sur 577, mais sans doute (le sans doute visant à attendre la suite pour s'en convaincre) sa légitimité vient de sa capacité à esquiver (ou pas) toutes les motions de censure qui ne manqueront pas d'être déposées contre lui. Dès lors que l'Assemblée ne le censure pas, il est par définition d'essence démocratique, qu'on le veuille ou pas.

     

     
     


    Certes, la nomination de Michel Barnier à Matignon provient de l'aboutissement (long) d'une analyse du Président de la République, mais il faut noter que Michel Barnier n'était pas son premier choix et si les premiers choix (Bernard Cazeneuve, Xavier Bertrand, Thierry Beaudet) ont été écartés, c'est bien parce qu'il y avait une probabilité de 100% pour qu'une motion de censure soit adoptée à très brève échéance (quelques jours). Dans ce jeu de dupes (tous sont des dupes : le Président, le nouveau gouvernement, mais surtout, tous les groupes et partis représentés à l'Assemblée), le couple de l'exécutif Macron-Barnier est déséquilibré et c'est Michel Barnier qui a aujourd'hui l'ascendant, comme dans les gouvernements de cohabitation. La preuve, c'est que pour finaliser la composition de son gouvernement, Michel Barnier a dû menacer (semble-t-il) de jeter l'éponge et cette démission aurait été catastrophique pour les institutions et le pays.

    Le plus cocasse, et c'est le chance de Michel Barnier, c'est que (presque) tout le monde a intérêt à ce qu'il dure : le Président de la République et les membres du gouvernement, bien sûr, les groupes politiques à l'Assemblée qui le composent, mais aussi le RN qui n'est pas encore prêt au grand remplacement politique (il doit d'abord y avoir la phase du grand déballement, euh, enfin, du grand déballage au tribunal), et gauche est bien rassurée de ne pas avoir à gérer le pays. Seuls les insoumis de Jean-Luc Mélenchon auraient intérêt au blocage complet de nos institutions pour renverser notre République. Je rappelle que démission d'Emmanuel Macron ou pas, destitution d'Emmanuel Macron ou pas, l'Assemblée Nationale ne pourra pas être dissoute avant le 7 juin 2025. Le gouvernement Barnier devra donc tenir ces quelques mois si on veut un pays gouverné.

     

     
     


    Parmi les idées reçues, il y a que c'est un gouvernement de droite ou très à droite. Pauvre Didier Migaud que j'ai connu député de l'Isère pourtant bien à gauche dans les années 1990 (face à Alain Carignon dans l'agglomération grenobloise et en Isère), j'espère que son appétit institutionnel ne prendra pas ombrage de ces procès en trahison que ne manquent pas de lui faire ces potentats de la nouvelle farce populaire (NFP), à commencer par le NFP lui-même. Pour fonder cette idée reçue (gouvernement le plus à droite), on se réfère aux nouveaux ministres LR qui, quand ils étaient parlementaires, n'avaient pas eu l'honneur de voter pour les lois progressistes voire transgressives (pires, ils auraient voter contre). C'est pourtant un mauvais procès puisque la plupart des parlementaires de droite avaient voté contre et on n'a pas dit avant 2012 que c'étaient des gouvernements d'extrême droite. Quant aux intentions, Michel Barnier a déjà confirmé qu'il ne toucherait pas à ces réformes, et de toute façon, ce ne serait pas son intérêt de remettre dans l'actualité des sujets clivants alors qu'il doit d'abord faire adopter les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.

    L'idée que ces réformes sociétales risquent d'être abrogées a été véhiculée par l'ancien Premier Ministre Gabriel Attal, qui préside le groupe EPR, qui a besoin de marquer son territoire. Tout le monde, d'ailleurs, à l'intérieur ou à l'extérieur de la majorité gouvernementale, va marquer son territoire. On peut même imaginer un mini-clash entre Michel Barnier et Emmanuel Macron, sans conséquence sinon de mousse médiatique, pour bien montrer que l'un n'est pas l'autre et réciproquement.

    Autre critique et inquiétude dans les milieux sociaux, l'absence supposée de ministère du handicap. D'une part, c'est faux, le ministre chargé du handicap, c'est Paul Christophe, Ministre des Solidarités, de l'Autonomie et de l'Égalité entre les femmes et les hommes, c'est inclus dans l'Autonomie. D'autre part, on critique toujours le trop grand nombre de ministres (ce qui est le cas ici, 39 membres) et on critique l'absence de certains ministères, en créer de nouveaux. Les critiques sont toujours très contradictoires.


    On a dit aussi que les nouveaux ministres étaient des inconnus, mais ceux qui l'ont dit étaient généralement des éditorialistes politiques nationaux arrogants et paresseux qui, au contraire de leurs prédécesseurs, ne travaillent plus leur carte électorale ni leur carte politique. Heureusement, j'en ai entendu au moins un qui a relevé l'honneur de la profession, Patrick Cohen, qui, dans sa chronique à la matinale de France Inter du 23 septembre 2024, insistait sur le fait que tous ces nouveaux ministres étaient d'abord des élus locaux qui sont très connus de leurs administrés et jamais un gouvernement n'a représenté autant et aussi bien les territoires de la France que celui-ci, des ministres profondément ancrés dans leurs territoires, connaissant parfaitement la vie quotidienne des Français.

    C'est le contraire des gouvernements précédents qu'on disait hors sol, pas implantés, technocratiques, parisiens... Un journal (je ne sais plus lequel) a calculé la distance moyenne entre le lieu de naissance des ministres et Paris, dans le gouvernement Barnier, c'est autour de 200 kilomètres quand, pour les précédents gouvernements, c'était de l'ordre de 10 à 20 km (j'aurais préféré le calcul de la distance entre Paris et la collectivité locale dans laquelle étaient implantés les ministres).


    Patrick Cohen dit notamment : « Ces "inconnus" à Paris ne le sont pas à Lorient, à Valence, Châteauroux, Bordeaux, Le Havre, Mont-de-Marsan, Fécamp, Valenciennes, Oullins, Châteaugiron, Zuydcoote, Aubergenville… toutes ces villes où les nouveaux ministres œuvrent ou ont œuvré comme maire, maire-adjoint ou président de métropole. Il y a là un afflux inédit d’élus de terrain, qui répond aux procès en "déconnexion" régulièrement intentés à ceux qui nous gouvernent. ».

    Je dois d'ailleurs avouer bien modestement que je n'aurais pas été capable de situer deux des trois dernières communes citées : Châteaugiron près de Rennes (Françoise Gatel en a été la maire de 2001 à 2017) ; Zuydcoote, en revanche, je savais que c'est près de Dunkerque, grâce au film "Week-end à Zuydcoote" d'Henri Verneuil (sorti le 18 décembre 1964) avec Jean-Paul Belmondo et Jean-Pierre Marielle (Paul Christophe en a été le maire de 2008 à 2017) ; Aubergenville, dans les Yvelines, près de Flins-sur-Seine à cheval sur la cité jardin Élisabethville (Sophie Primas en a été la maire de 2014 à 2017).

    Et Patrick Cohen a souligné dans sa chronique que certes, la légitimité démocratique du nouveau gouvernement reste faible, mais aucun autre gouvernement n'aurait toutefois une meilleure légitimité démocratique : « Guère plus faible que celle de la gauche. Qui compte 20 députés de moins que l’alliance du centre et de LR. 193 contre 213. Pour le même nombre de voix au premier tour des législatives. Un peu moins de 9 millions. Et pour mémoire, 9 millions 3 pour le RN. ».


    Le plus fort de café sont ces gens de gauche qui fustigent le caractère droitier du gouvernement. Évidemment ! La gauche a refusé de gouverner. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Michel Barnier a proposé à Stéphane Le Foll, François Rebsamen, Karim Bouamrane, Philippe Brun, Jérôme Guedj, Carole Delga, Bernard Cazeneuve, etc. d'entrer au gouvernement et tous ont refusé, tous sauf Didier Migaud qui ne représente que lui-même, d'ailleurs (on peut prédire pour lui une démission spectaculaire dans quelques mois à la Nicolas Hulot). Forcément, dès lors que la gauche et en particulier le parti socialiste se défile pour prendre ses responsabilités et penser à l'intérêt national, le barycentre, mécaniquement, se déplace vers la droite. Rappelons et insistons, martelons : Emmanuel Macron était prêt à nommer Bernard Cazeneuve à Matignon, le seul accepté de gauche par le bloc central, susceptible de recueillir jusqu'à une majorité absolue, sans "surveillance" des extrêmes (tant du RN que de FI). C'est le PS qui l'a lourdé, comme un malpropre, et aujourd'hui, ses anciens soutiens au sein du PS (33 au bureau national, contre 38), font machine arrière et condamne la droitisation du gouvernement. Ils auraient pu sortir de la nasse de mélenchonisme d'Olivier Faure. Ils ont préféré l'hypocrisie des postures aux actes sincères. Au lieu d'avoir un programme de gauche édulcorée, ils ont un programme de droite droite... de leur fait ! De le volonté de ne pas vouloir l'intérêt des Français mais le leur.
     

     
     


    Amusant d'ailleurs de voir la manifestation révolutionnaire des insoumis contre Emmanuel Macron et Michel Barnier le samedi 21 septembre 2024. Quelques milliers de manifestants sur toute la France, tellement pitoyable qu'il n'y a pas eu de prétentions dans les chiffres des organisateurs ! C'est rassurant : les Français ne sont pas remacronisés ni barniérisés, mais ont le respect des responsables et attendent de juger sur les actes, sur les projets avant de critiquer, avant de lyncher.

    Prenons encore une autre idée reçue : le gouvernement Barnier serait à la merci du RN. En clair, il faut que le gouvernement Barnier obéisse aux injonctions du RN sinon, ce parti le censurerait. C'est encore une idée fausse : le RN n'a que 146 députés et il faut 289 voix pour faire tomber le gouvernement. Il n'est donc pas à la merci du RN ou plutôt, c'est le NFP qui le rend à la merci du RN puisque le NFP a déjà annoncé qu'il voterait systématiquement la censure. Si le PS, par exemple, négociait avec le gouvernement sa non-censure en échange de mesures concrètes, le PS pourrait avoir une influence bien plus grande que le RN. Le gouvernement Barnier est à la merci du RN uniquement parce que c'est la gauche qui le veut bien. C'est donc de l'imposture de le fustiger en même temps. Il est donc faux de dire que le gouvernement est l'otage du RN : il est l'otage du RN et du NFP à la fois.

     

     
     


    L'exemple le plus flagrant, qui montre que cela va être très difficile de gérer tous les ministres, s'est produit le 24 septembre 2024. Le nouveau Ministre de l'Économie et des Finances Antoine Armand a téléphoné à tous les partis sauf le RN. Michel Barnier s'est senti alors obligé d'appeler le RN pour ne pas l'exclure de la concertation. Marine Le Pen en a profité pour déclarer : « Quand j'entends Antoine Armand dire que sa porte est fermée au RN alors que le budget arrive, je pense que le Premier Ministre doit aller expliquer à ses ministres la philosophie de son gouvernement car il semblerait que certains n'aient pas encore totalement compris. ». Là encore, pas de quoi se trouver scandalisé : ceux qui sont choqués sont ceux qui ont mis le gouvernement dans cette situation. S'il donnait sa chance au gouvernement Barnier de trouver des compromis, c'est-à-dire de ne pas le censurer systématiquement, le NFP, surtout le PS, se trouverait en position d'arbitre et de faiseur de roi. Mais l'intérêt national ne les intéresse pas, ce qui rend le dialogue du gouvernement avec le RN crucial pour son existence.

    Je termine sur cet exercice de grand équilibriste que devra faire en ce moment Michel Barnier. Heureusement, il est sportif. Entre le lundi 23 septembre 2024 à 16 heures, fin du premier conseil des ministres à l'Élysée, et le vendredi 27 septembre 2024 à 15 heures, début du premier séminaire gouvernemental à Matignon (donc sans Emmanuel Macron), où le Premier Ministre va se mettre d'accord avec ses ministres sur leur programme gouvernemental, c'est la foire à la saucisse ! Il y a là une fenêtre de tir unique, pour les ministres, de faire avancer les dossiers qui leur tiennent à cœur, car après le discours de politique générale, la feuille de route aura été fixée et le gouvernement la prendra en référence en excluant tout autre projet.


    C'est pourquoi cette semaine, quelques ministres médiatiques annonceront leurs propres souhaits de réforme. Par exemple, Rachida Dati espère presser le pas pour poursuivre sa réforme en profondeur de l'audiovisuel public (par le regroupement de Radio France et France Télévisions, ce qui serait une erreur grave). Alors que le RN veut purement et simplement privatiser l'audiovisuel public et que la gauche veut augmenter les dépenses pour l'audiovisuel et donc, augmenter les impôts, Michel Barnier n'a aucun intérêt à poursuivre cette réforme qui, du reste, n'est pas d'une absolue urgence. Je lui souhaite bien du plaisir à circonscrire les ardeurs réformatrices de ses ministres !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (24 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (50) : les premiers pas du gouvernement Barnier.
    Composition du Gouvernement Michel Barnier I nommé le 21 septembre 2024.
    Législatives 2024 (49) : les socialistes crient au secours la droite revient !
    Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy.
    Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240923-gouvernement-barnier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-50-les-premiers-256921

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/24/article-sr-20240923-gouvernement-barnier.html



     

  • Le destin inachevé de Jacques Duhamel

    « Son destin est inachevé. Il avait les qualités pour présider un jour la République. » (Jacques Barrot, le 2 octobre 2009).



     

     
     


    L'ancien leader centriste français Jacques Duhamel est né il y a exactement 100 ans, le 24 septembre 1924 à Paris. C'est l'occasion de revenir sur sa trajectoire politique assez particulière et malheureusement trop courte puisqu'il est mort le 8 juillet 1977 (également à Paris), à presque 53 ans, des suites d'une sclérose en plaques.

    Jacques Duhamel était un personnage très important du centrisme post-gaullien dans l'histoire de la Cinquième République. Alors que les centristes (MRP puis Centre démocrate) étaient traditionnellement opposés aux gaullistes dans les élections (au point que la bonne performance électorale de Jean Lecanuet a entraîné le ballottage de De Gaulle en décembre 1965), il fit partie des centristes qui ont préféré Georges Pompidou à Alain Poher (CD) à l'élection présidentielle de 1969, créant une scission parmi les centristes (PDM puis CDP) qui se sont réunifiés avec le septennat de Valéry Giscard d'Estaing dans une seule formation (CDS), l'une des plus importantes composantes de la future UDF (dont le dernier président fut François Bayrou avant la création du MoDem).

    Malgré son implantation politique dans le Jura, Jacques Duhamel a été enterré au cimetière de Sanary-sur-Mer, pas très loin de Toulon, et surtout, près de la propriété familiale, celle qui a conduit l'un de ses fils, Olivier Duhamel, célèbre universitaire en droit constitutionnel, à inviter le Tout-Paris socialo-bobo chaque été, lieu de réseautage et période un peu trop conviviale selon certains enfants de la troupe (lire ou relire le témoignage émouvant de Camille Kouchner).

    Puisque j'en suis à évoquer la famille, Duhamel est un nom relativement courant. Jacques et Colette (sa femme) ont eu quatre fils, Jérôme (1948-1971), énarque mort à 23 ans d'un accident, marié à une fille de la famille Servan-Schreiber, liée aussi à la famille de Pierre Mendès France ; Olivier (né en 1950) ; Stéphane (né en 1951) qui a été président de RTL et président de "La Provence" ; enfin, Gilles (né en 1952), médecin et haut fonctionnaire, ancien membre de cabinets ministériels, ceux de Bernard Kouchner, Martine Aubry et Dominique Gillot. Jacques Duhamel était aussi le beau-frère de l'actrice Marie-France Pisier, elle-même aussi belle-sœur du fils de Jacques, à savoir Olivier, par un autre mariage. Après la mort de Jacques Duhamel, la veuve Colette s'est remariée avec l'éditeur Claude Gallimard (fils de Gaston Gallimard, fondateur de la célèbre maison d'édition). Alain Duhamel et Patrice Duhamel ne sont pas de la même famille (sauf erreur de ma part).

     

     
     


    Jacques Duhamel avait le profil des personnalités que les gaullistes du début de la Cinquième République aimaient promouvoir en politique, et pourtant, il n'était pas gaulliste mais centriste. Il avait deux onctions gaulliennes : d'abord, à 17 ans, il s'est engagé dans la Résistance ; ensuite, il a suivi des écoles prestigieuses juste après la guerre, l'IEP de Paris (section finances publiques) associé à une licence en droit, et l'ENA, dans sa première promotion (parmi ses camarades de promotion se trouvaient Yves Guéna, Simon Nora, François-Xavier Ortoli, Alain Peyrefitte, Paul Teitgen, etc.). Brillant étudiant, Jacques Duhamel en est sorti dans la botte (comme on dit), affecté au Conseil d'État (l'un des meilleurs postes de l'administration).

    Membre de cabinets ministériels sous la Quatrième République, Jacques Duhamel a travaillé pendant sept ans avec celui qui allait devenir son mentor en politique, à savoir Edgar Faure, notamment au Ministère des Finances dont il fut le directeur de cabinet. C'est à ce moment-là qu'il a recruté dans le cabinet d'Edgar Faure deux recrues intéressantes, Simon Nora (ancien résistant comme lui, engagé dans le Jura, condisciple de l'ENA et futur directeur de l'ENA, proche de Pierre Mendès France, Jean-Jacques Servan-Schreiber et François Giroud) et Valéry Giscard d'Estaing (futur ministre puis Président de la République). Après la chute du gouvernement Mendès France (en 1955), Edgar Faure lui a succédé à la Présidence du Conseil et Jacques Duhamel l'a suivi comme principal collaborateur (dircab), ce qui fut une expérience d'exercice du pouvoir très instructive. Il était chargé notamment des négociations avec le roi du Maroc Mohammed V (encore en exil à Madagascar).

    Ensuite, Jacques Duhamel est devenu directeur général du Centre national du commerce extérieur (son père, mort en 1940, exerça lui-même les fonctions de directeur général de la Société générale d'immigration, organisme patronal pour recruter des employés étrangers en France après le choc démographique de la Première Guerre mondiale).

    L'année 1962 a marqué un tournant dans la vie de Jacques Duhamel : de haut fonctionnaire, collaborateur d'hommes politiques, il allait devenir acteur, homme politique lui-même. Cela ne s'est pas fait sans grincement de dent. Ainsi, Alain Peyrefitte a relaté un échange tendu entre De Gaulle (Président de la République) et Valéry Giscard d'Estaing (Ministre des Finances) une foire internationale. Le problème, c'est que ceux qui étaient chargés en principe de les organiser, dont Jacques Duhamel en tant que responsable du commerce extérieur, étaient absents de leur poste car en campagne pour les élections législatives (à la suite de la dissolution de 1962).

    Voici une partie du dialogue rapportée. Giscard : « Ceux qui devaient diriger l'exposition n'étaient pas là, sollicités par des besognes électorales. ». DG : « Pourquoi donne-t-on de pareilles tâches à des candidats aux élections ? ». Giscard : « Ils avaient reçu ces tâches avant de devenir candidats ; [ils] ne se doutaient pas qu'ils seraient accaparés au mois d'octobre. ». Ce qui était cocasse, c'est que De Gaulle râlait des conséquences de sa propre décision de dissoudre l'Assemblée. Et il a insisté auprès de VGE pour que la prochaine exposition universelle, à Montréal, fût organisée, pour la France, par son ministère lui-même : « Il faut que la France, au cœur du Canada français, montre ce qu'elle est capable de faire. Songez-y dès maintenant ! ».

    Avec ce témoignage, on voit à quel point la France était encore dans l'amateurisme des relations économiques internationales. C'est amusant d'y voir le parallèle avec la dissolution de 2024 et l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques Paris 2024 qui était très professionnelle. Alain Peyrefitte a annoté cette réflexion personnelle, un peu agacé contre De Gaulle : « Le gouvernement a été censuré. Il est en sursis. Nul ne sait si, après la campagne électorale qui fait rage, il ne va pas être congédié, et De Gaulle avec lui. (…) Sur le moment, cela nous donnait une impression surréaliste. Vu d'aujourd'hui, et quand on songe au discours qu'il prononcera cinq ans plus tard au balcon de l'hôtel de ville de Montréal, c'est la continuité du dessein qui étonne, ou la capacité d'anticipation. ».

    Parallèlement à ses fonctions de haut fonctionnaire, Jacques Duhamel s'est effectivement engagé dans la vie politique sur les traces du radical Edgar Faure, grande figure politique du Jura (il fut élu notamment président du conseil régional de Franche-Comté). Ce dernier a été battu aux élections législatives de novembre 1958 à la première circonscription du Jura par le candidat MRP, tandis que dans la seconde circonscription (à l'époque, le Jura n'avait que deux députés), c'est le candidat gaulliste qui l'a emporté sur le candidat radical. Après la dissolution de 1962, Jacques Duhamel a été élu député de la seconde circonscription du Jura en novembre 1962 avec l'étiquette radicale et le soutien d'Edgar Faure contre le député gaulliste sortant grâce à la colère antigaulliste des autres partis (pour protester contre l'élection du Président de la République au suffrage universel direct). En effet, au second tour, le candidat MRP et le candidat communiste auraient pu se maintenir, ce qui aurait favorisé la réélection du candidat gaulliste, mais l'union des antigaullistes a profité au mieux placé, Jacques Duhamel (qui est passé de 25,6% au premier tour à 52,5% au second tour avec 5 points de participation en plus).

    Jacques Duhamel fut réélu en mars 1967 avec 51,6% (sous l'étiquette du Centre démocrate CD), en juin 1968 avec 77,9% (sous l'étiquette CD), très haut score après le désistement entre les deux tours du jeune candidat gaulliste Robert Grossmann (président national de l'UJP, qui était déjà implanté dans sa ville natale Strasbourg ; Robert Grossmann était un recruteur de talents, jeunes gaullistes, en particulier Michel Barnier, Jean-Louis Bourlanges, Alain Carignon et Nicolas Sarkozy...). Il fut encore réélu en mars 1973 avec 58,1% (sous l'étiquette CDP) face au candidat socialiste (qui allait être élu député de cette circonscription en juin 1981 et maire de Dole en mars 1977).

     

     
     


    Très vite, Jacques Duhamel a pris beaucoup d'influence au sein des députés centristes (il connaissait parfaitement le règlement intérieur de l'Assemblée). À l'origine, entre 1962 et 1967, en raison de sa proximité avec Edgar Faure, il s'est inscrit au groupe Rassemblement démocratique qui regroupait les députés principalement radicaux, puis au groupe Progrès et Démocratie moderne (PDM) entre 1967 et 1969, présidant le Centre Démocratie et Progrès (CDP) qu'il a fondé le 8 juin 1969, existant jusqu'à la fondation du CDS le 23 mai 1976, la partie qui s'est séparée du Centre démocrate pour soutenir la candidature de Georges Pompidou en 1969.

    Dans cette scission, Jacques Duhamel, René Pleven et Joseph Fontanet (un autre montagnard, de Savoie) ont entraîné la jeune garde centriste, à savoir Pierre Méhaignerie, Jacques Barrot et Bernard Stasi qui allaient diriger le CDS dans les années 1980. Au contraire, Jean Lecanuet et André Diligent sont restés à la maison mère, opposés au pompidolisme. Parmi les membres du CDP, on comptait Eugène Claudius-Petit, Aymar Achille-Fould, Pierre Bernard-Reymond, Pierre Sudreau, André Audinot, Jean-Jacques Beucler, Jean Seitlinger, etc.

    Après les élections de 1973, les centristes du CDP se sont réunis dans le groupe UC (Union centriste), faisant partie de la majorité présidentielle appelée URP (Union des républicains de progrès), puis, après l'élection de VGE, en juillet 1974, dans le groupe des Réformateurs, centristes, démocrates sociaux (RCDS) réunissant le CDP, le Centre démocrate et les radicaux, ces deux derniers regroupés en mouvement des réformateurs (Jean Lecanuet et JJSS). Petite note : comme on le voit, l'historique des chapelles centristes est assez compliqué, et cela le reste encore de nos jours avec Renaissance, le MoDem, Horizons, Les Centristes, le Parti radical, l'UDI, l'Alliance centriste, Gauche moderne, FDE, etc. !

    Parallèlement à son élection parlementaire, Jacques Duhamel s'est implanté localement dans le Jura, en se faisant élire puis réélire maire de Dole d'avril 1968 à janvier 1976. Le journaliste Pierre Viansson-Ponté a expliqué à son propos : « Il a conquis le Jura, mais le Jura l’a à son tour conquis. ». Dans ses interventions politiques, il défendait souvent le Jura, et ses habitants.

    La campagne présidentielle de 1969 a fait rapprocher les principaux dirigeants du CDP de non seulement Georges Pompidou mais aussi de Valéry Giscard d'Estaing, soutien majeur de Pompidou. L'élection de Georges Pompidou les a donc logiquement fait entrer au gouvernement de Jacques Chaban-Delmas : René Pleven à la Justice, Jacques Duhamel à l'Agriculture et Joseph Fontanet au Travail, Emploi et Population, tandis que VGE revenait à l'Économie et aux Finances.

    Jacques Duhamel fut ainsi Ministre de l'Agriculture du 22 juin 1969 au 7 janvier 1971 (il avait un secrétaire d'État rattaché auprès de lui, le gaulliste Bernard Pons). Il fut ensuite nommé Ministre des Affaires culturelles dans les gouvernements de Jacques Chaban-Delmas et Pierre Messmer, du 7 janvier 1971 au 28 mars 1973, dans une difficile succession de ses prédécesseurs André Malraux et Edmond Michelet, et une amusante transition de l'Agriculture à la Culture.

     

     
     


    C'est à la Culture que Jacques Duhamel a su impulser ses propres idées. Son principe était de diffuser la culture parmi toutes les couches populaires. Il ne faut pas que la culture soit réservée à une élite. Maire d'une ville moyenne, il a beaucoup œuvré pour donner des subventions à des monuments d'importance seulement locale, afin d'en faire profiter les gens sur tout le territoire. Il a été un acteur de la décentralisation des événements culturels. Son principe : « La culture doit aider une journée de travail à devenir une journée de vie. ». Il a élargi la règle d'investir 1% des travaux publics dans l'art à tous les équipements publics (suscitant parfois incompréhensions et dépenses publiques superflues). Il a par ailleurs nommé Jack Lang à la tête du TNP (théâtre national populaire).

    Profondément malade, Jacques Duhamel renonça à poursuivre sa tâche ministérielle après les élections de mars 1973, se contentant de ses mandats de député-maire de Dole (il démissionna de la mairie en janvier 1976). Ses successeurs au Ministère de la Culture furent l'écrivain Maurice Druon, puis Alain Peyrefitte (condisciple de l'ENA).

    En 1974, il a fait le mauvais choix : très séduit par la Nouvelle société, il a soutenu la candidature de Jacques Chaban-Delmas en 1974, mais le CDP s'est divisé entre cette candidature et celle de VGE. Jacques Barrot, par exemple, a choisi de soutenir VGE, ce qui l'a amené à entrer au gouvernement de Jacques Chirac (il est resté au gouvernement pendant tout le septennat de VGE).

    Le témoignage de Jacques Barrot est d'ailleurs très intéressant car Jacques Duhamel fut pour lui une référence politique majeure, sa personnalité a illuminé son engagement politique. Jacques Duhamel incarnait un centrisme déterminé mais pas arrogant, pas mou mais ferme, pas mou mais doux : « C'était un leader très attachant qui avait su créer une équipe autour de lui, toujours avec modestie et un grand respect des autres. Chez cet humaniste convaincu, l'être l'emportait sur l'avoir et plus encore sur le paraître. ». Interrogé par Fabrice Veysseyre-Redon pour "Le Progrès" le 2 octobre 2009, Jacques Barrot, qui fut aussi ministre sous la Présidence de Jacques Chirac et Vice-Président de la Commission Européenne un peu plus tard, expliquait avec une pointe d'amertume : « Son destin est inachevé. Il avait les qualités pour présider un jour la République. »
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    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jacques Duhamel.
    Didier Borotra.
    La convergence des centres aux européennes.
    Raymond Barre.
    Gilberte Beaux.
    Christine Boutin.
    Dominique Baudis.
    Valérie Hayer.
    François Bayrou.
    Henri Grouès.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Jean-Marie Rausch.
    René Monory.
    René Pleven.
    Simone Veil.
    Bruno Millienne.
    Jean-Louis Bourlanges.
    Jean Faure.
    Joseph Fontanet.
    Marc Sangnier.
    Bernard Stasi.
    Jean-Louis Borloo.
    Sylvie Goulard.
    André Rossinot.
    Laurent Hénart.
    Hervé Morin.
    Olivier Stirn.
    Marielle de Sarnez.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240924-jacques-duhamel.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-destin-inacheve-de-jacques-256820

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/22/article-sr-20240924-jacques-duhamel.html




     

  • L'acteur Jean Piat est né il y a 100 ans, le 23 septembre 1924

    « Nous, acteurs, avons la chance de nous amuser avec la mort avant de la connaître. » (Jean Piat, interrogé par Barbara Théate, "Journal du dimanche", le 31 janvier 2016).


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    S’amuser avec la mort avant de la connaître… Hélas, maintenant, Jean Piat la connaît. Depuis ce mardi 18 septembre 2018 à Paris. À cinq jours seulement de son 94e anniversaire. Jean Piat était un comédien immense. Une diction parfaite, un regard perçant, une présence captivante. Il était sociétaire de la Comédie-française du 1er septembre 1947 au 31 décembre 1972. Il est parti tôt de lui-même de la Comédie-française (à l’âge de 48 ans) parce qu’il considérait que la troupe devait se renouveler régulièrement et faire la place aux jeunes… et aussi, choisir lui-même la date de son départ avant d’être remercié par le conseil d’administration.

    Il a commencé le 7 mai 1945 à l’âge de 20 ans dans un petit rôle dans la pièce "Ruy Blas" de Victor Hugo mise en scène par Pierre Dux. Pendant ses premières années de théâtre, il a joué dans de nombreuses pièces mises en scène par Pierre Dux. Pas étonnant que Pierre Dux fût pour lui un mentor, un maître. Si je voulais faire un mauvais jeu de mot, je dirais que ce n’est plus "Fiat lux" mais "Piat Dux" !

    Au théâtre, Jean Piat a joué au moins 900 fois, il a joué de très nombreux rôles comme Alceste, Cyrano de Bergerac (rôle dont il était le plus fier), Don Quichotte, etc., avec de grands auteurs comme Victor Hugo, Edmond Rostand, Marivaux, Beaumarchais, Musset, Labiche, Mérimée, Tristan Bernard, Molière, Paul Claudel, Fernand Ledoux, Montherlant (dans le rôle d’un personnage très misogyne), Feydeau, Giraudoux, Shakespeare, Courteline, Jules Romains, Guitry, Cocteau, etc. Il a beaucoup travaillé avec certains metteurs en scène comme Pierre Dux, Jean Meyer, etc. Il a aussi fait un peu de mise en scène (une vingtaine de pièces). Sa dernière prestation était très récente puisque c’était l’année dernière, en 2017, à la Comédie des Champs-Élysées.

    Pour Jean Piat, il ne s’agissait pas de se mettre dans la peau d’un personnage, mais que ce personnage se mît dans sa peau : « Un personnage est un être vivant, qui est inclus dans les feuilles d’une brochure, mais c’est quand même un être vivant. (…) Donc, le personnage vivant vient à travers vous. La rencontre entre le personnage et vous, ça donne le personnage et ça donne l’être vivant sur scène qui intéresse plus ou moins le spectateur. On se rend service l’un l’autre, si je puis dire. En tant qu’acteur, on profite de la qualité d’un personnage. Vous ne me ferez pas jouer un personnage que je n’aime pas. Ce n’est pas possible. » ("Télérama", octobre 2016). Le personnage qui est fait pour lui, c’est quand il y a : « Une certaine vérité, une certaine bonne humeur. ».

    Il s’est toujours interrogé sur l’intérêt du public pour les drames alors que les comédies sont relayées hors du champ culturel, dans les "théâtres de boulevard" à l’appellation péjorative : « C’est respecté, beaucoup plus qu’une scène de rire. Le rire n’est pas respecté au théâtre, alors que le drame est respecté. (…) C’est plus difficile de faire rire que d’attirer l’attention sur un drame quelconque. (…) Pourquoi on respecte moins le vaudeville que la tragédie ? On ne sait pas. Il n’y a de réponse, pas de réponse logique, pas de réponse rationnelle. » ("Télérama", octobre 2016).

    Jouer, toujours jouer. Le 25 janvier 2016, Jean Piat l’avouait comme un fin gourmet : « Je joue, parce que quand je ne joue pas, j’ai l’impression d’être privé de dessert ! » (AFP). Il a joué dans une vingtaine de films au cinéma, mais son rendez-vous avec le cinéma fut raté, au contraire d’un comédien comme Claude Rich. Jean Piat a fait du cinéma alimentaire au début de sa carrière pour augmenter ses fins de mois. Mais quand il est sorti de la Comédie-française, il avait déjà presque 49 ans, c’était déjà âgé pour commencer à faire du cinéma au milieu des années 1970. Il avait laissé passer un grand moment de cinéma dans les années 1960. On ne lui avait alors proposé aucun grand rôle et le terrain était déjà occupé par de grands acteurs comme Jean-Paul Belmondo, Alain Delon, Jean Marais, etc.

    Jean Piat a aussi pas mal joué pour la télévision française. D’ailleurs, sa notoriété auprès du grand public, il l’a acquise principalement dans deux rôles qu’il a joués pour des séries télévisées : Lagardère (pas Arnaud mais Henri de Lagardère !), une série de six épisodes créée par Marcel Jullian reprenant le roman de Paul Féval ("Le Bossu") et sa suite, diffusée sur la première chaîne de l’ORTF du 20 septembre 1967 au 25 octobre 1967, et Robert III d’Artois, le personnage éclatant de l’adaptation télévisée du fameux roman de Maurice Druon, "Les Rois maudits", série de six épisodes aussi, réalisée par Claude Barma dans une adaptation de Marcel Jullian, diffusée du 21 septembre 1972 au 24 janvier 1973 sur la deuxième chaîne de l’ORTF. Lorsque cette série a été rediffusée un peu plus tard, je l’avais adorée, comme tous les passionnés d’histoire de France.

    La sortie des "Rois maudits" fut très importante pour Jean Piat : « Cela a été énorme. J’ai reçu ça comme la vague de l’océan qui vous balance quand vous êtes en train de mettre les pieds dans l’eau pour voir si elle est fraîche ou chaude. Plouf ! Je suis devenu un acteur vedette sans le vouloir, sans le savoir, sans m’en rendre compte (…). J’ai été le premier surpris de l’énorme succès. Dès le premier soir où il y a eu une projection à la Maison de la Radio, Chancel est arrivé vers moi : "C’est formidable !". (…) Je ne me rendais pas compte à quel point cela a eu un impact sur le public. » ("Télérama", octobre 2016). Mais il n’a pas eu d’autres rôles importants à la télévision après ce succès.

    Je reviens sur ce rendez-vous raté avec le cinéma. Jean Piat a eu ce regret, mais pas très grave selon lui : « J’ai vécu de cela et j’ai pensé que cette réussite à la télévision allait m’amener au cinéma. Pas du tout. C’était le contraire, car le raisonnement était simple. Si l’on vous voit à la télévision gratuitement, il sera plus difficile après d’imposer votre présence dans un film au cinéma payant. Les gens vont payer leur place alors qu’ils vous voient à la télévision gratuitement. (…) Le cinéma n’est pas venu à moi parce que je ne suis pas allé à lui. En réalité, aux tréfonds de moi, maintenant, cela ne m’ennuie pas gravement, sinon que j’aurais voulu trouver un rôle, une fois. » ("Télérama", octobre 2016).

    Sa notoriété, c’était aussi sa voix, au-delà de sa présence scénique. La voix, il l’a utilisée en particulier pour le personnage principal (Peter O’Toole) du film "Lawrence d’Arabie" (sorti le 10 décembre 1962), et pour la double série de films "Le Seigneur des Anneaux" et "Le Hobbit" (entre 2001 et 2014), pour le personnage de Gandalf (Ian MacKellen).

    Au-delà de la scène, Jean Piat s’est mis à écrire, une quinzaine d’ouvrages, dont trois récompensés par l’Académie française, et cette passion de l’écriture lui a beaucoup plu : « C’est la solitude. La solitude me plaît avec des personnages que vous réinventez, que vous faites revenir à la surface. (…) C’étaient mes espaces entre deux pièces. » ("Télérama", octobre 2016).

    Il a eu cette passion de l’écriture quand il a rencontré Françoise Dorin, auteur dramatique, qui est devenue sa compagne dans la vie à partir de 1975, et jusqu’à sa mort, le 12 janvier 2018, là aussi à quelques jours de son anniversaire (le 23 janvier 2018, elle aurait eu 90 ans). Les deux sont partis la même année, à quelques mois d’intervalle…

    Jouer la mort : « Jouer une scène de mort, c’est merveilleux. Tout le monde vous écoute comme si c’était la leur qu’il voyait déjà ou qu’il prévoyait déjà. (…) Brusquement, il y a un silence, une épaisseur extraordinaire et on vit aussi bien de l’effet comique que du silence. Et un silence épais, pourquoi ? (…) parce qu’il y a un respect de la mort, d’une part, et qu’on a l’impression, quand on a joué, qu’ils pensaient à la leur sans le vouloir en voyant celle jouée par un autre, et après on se relève, le rideau tombe, et hop, on est vivant ! C’est bien, c’est une résurrection. C’est pourquoi les scènes de mort, c’est un régal ! » ("Télérama", octobre 2016).

    Pour rendre hommage à Jean Piat, je propose ici les deux célèbres séries citées, une fable ("Les Animaux malade de la peste"), récitée le 5 avril 1980 à la télévision suisse (RTS), et surtout, un entretien inédit, savoureux, au Théâtre des Bouffes Parisiens avec la journaliste Fabienne Pascaud en octobre 2016 que "Télérama" vient de mettre en ligne pour rendre hommage au comédien disparu.


    1. Entretien avec Fabienne Pascaud en octobre 2016






    2. Une fable de La Fontaine sur la RTS le 5 avril 1980






    3. "Les Rois maudits" (1972), premier épisode, mis en ligne par l’INA






    4. "Lagardère" (1967)





















    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 septembre 2018)
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    Pour aller plus loin :
    Jean Piat.
    Maurice Chevalier.
    Vanessa Marquez.
    Micheline Presle.
    Pauline Lafont.
    Marie Trintignant.
    Philippe Magnan.
    Louis Lumière.
    Georges Méliès.
    Jeanne Moreau.
    Louis de Funès.
    Le cinéma parlant.
    Charlie Chaplin.
    Annie Cordy.
    Johnny Hallyday.
    Pierre Bellemare.
    Meghan Markle.

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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240923-jean-piat.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/23/article-sr-20240923-jean-piat.html




  • Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...

    « Depuis que je suis arrivée dans cette salle d'audience, je me sens humiliée. On me traite d'alcoolique. Je serais la complice de M. Pélicot. Il faut avoir un degré de patience pour supporter ce que j'ai pu entendre ! » (Gisèle Pélicot, le 17 septembre 2024 à Avignon).



     

     
     


    Ce qu'on appelle parfois l'affaire Pélicot mais que je préfère appeler l'affaire des viols de Mazan (car Pélicot est soit une victime soit un criminel, selon le prénom utilisé), est passée au-delà du simple fait-divers, c'est désormais un fait de société, tellement il peut donner un exemple éloquent et glauque de l'existence sociale et de l'organisation systémique de la violence conjugale. Depuis le 2 septembre 2024 devant la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon, se déroute un long procès qui devrait s'achever le 20 décembre 2024.

    Je rappelle rapidement l'objet du procès : Dominique Pélicot, un homme de 71 ans, a non seulement violé sa femme Gisèle mais l'a fait violer par des dizaines voire des centaines d'hommes. 92 faits de viol ont été répertoriés par la justice, qui ont été commis entre le 23 juillet 2011 et le 23 octobre 2020, principalement à Mazan, dans le Vaucluse, au domicile du couple, dans la chambre conjugale. 83 violeurs potentiels ont été comptés, dont seulement 54 hommes identifiés, 51 (dont le mari) sont jugés au cours de ce procès, un est décédé et deux autres ont été relaxés faute de preuve.

    Jusqu'à cette affaire judiciaire, Gisèle trouvait son mari formidable, « bienveillant et attentionné », « un super mec ». Elle a dit à l'audience : « J'aurais mis mes deux mains à couper que je vivais avec un homme extraordinaire. La première trompée dans ce dossier, c'est moi et mes enfants. ».

    Le procédé était particulièrement odieux : le mari recrutait les violeurs sur un site Internet de rencontres à l'occasion d'échanges dans un forum privé (le forum s'intitulait "À son insu" laissant peu de doute sur la réalité des viols) avec un protocole bien précis et rigoureux (éviter d'être parfumé, rester silencieux, etc. pour ne pas réveiller l'épouse ni éveiller ses soupçons) car les viols étaient commis sans le consentement mais aussi sans la conscience de la victime qui était droguée préalablement au Temesta (un anxiolytique). Pendant tous ces viols, Gisèle Pélicot ne savait pas qu'elle était violée, mais elle souffrait de douleurs génitales, de pertes de mémoire pendant la journée, de grosse fatigue, etc. dont elle ne connaissait pas la cause (et elle a même chopé le papillomavirus ; heureusement, pas le sida alors qu'un des violeurs récidiviste était séropositif).

    Tout dans cette affaire est instructif, autant instructif que glauque, mais aussi tout ce qu'il y a autour. Avant tout, je souhaite saluer le courage, car c'est bien du courage, de la victime Gisèle Pélicot. Courage pour avoir enduré ce qu'elle a subi, mais aussi courage pour l'extérioriser, courage de s'afficher publiquement, sans anonymat, pour faire éclater la vérité (avec l'accord de sa fille Caroline) et aussi pour faire en sorte que cela ne puisse plus se reproduire. Créer un choc social, un avant et un après ce procès. Chaque fois qu'elle rentre au palais de justice, Gisèle est entourée d'une haie d'honneur qui l'encourage. Des manifestations ont eu lieu pour la soutenir, notamment le samedi 14 novembre 2024, pour soutenir aussi toutes les victimes de viol. Aux milliers de manifestants, Gisèle Pélicot a affirmé : « Grâce à vous, j'ai la force de poursuivre le combat jusqu’au bout. ». Le mérite de la victime, ce n'est pas d'avoir été une victime, d'avoir subi, mais d'avoir voulu médiatiser tout le système dont elle était la victime ignorante pour un combat plus général contre le viol et contre les violeurs.


    L'avocat général avait proposé un procès à huis-clos mais la victime a refusé et voulu faire de la publicité à cette affaire judiciaire : « Je n'ai pas à avoir honte ! ». La diffusion d'images pornographiques (scènes de viol, etc.) a cependant été faite dans le cadre d'un huis-clos partiel, le président de la cour ayant faire évacuer la salle de son public (y compris la presse). En raison de la publicité sur les coaccusés, certaines de leurs familles ont été menacées et ont déposé elles-mêmes plainte pour menaces.
     

     
     


    Il est difficile de savoir exactement quel est le sujet, si c'est le viol collectif, le viol sous soumission chimique, le viol conjugal (le mari peut être considéré comme avoir violé sa femme si les rapports ont lieu sans consentement), le recrutement des violeurs sur Internet, le principe même du procès, son déroulement qui peut aussi provoquer la douleur, la réalité des prédateurs sexuels qui sont souvent très subtils et manipulateurs (loin des dragueurs lourdingues qu'on voit venir à des kilomètres à la ronde), capables de se faire passer pour victimes au lieu de bourreaux, etc. Sans doute tous ces sujets à la fois.

    L'origine de l'affaire est aussi assez troublante car c'est par hasard qu'on a découvert ce système dégueulasse. Le mari a été pris le 12 septembre 2020 par un agent de sécurité d'un supermarché de Carpetras en train de filmer sous la jupe de plusieurs clientes du magasin. L'analyse de son ordinateur a montré des dizaines de vidéos et photos de viols de sa femme, ce qui a permis de remonter les dates et les violeurs. Du reste, Dominique Pélicot a avoué le 2 novembre 2020, laissant croire qu'il regrettait les faits. Son épouse a appris l'existence de ces viols le même jour, ce qui a dû provoquer en elle un choc psychologique monstrueux (comment n'ai-je pas pu ressentir de telles atteintes à mon corps pendant si longtemps ?). Elle a immédiatement demandé le divorce et l'a obtenu heureusement avant le début du procès, le 22 août 2024. Les 51 prévenus sont donc jugés pour viols avec circonstances aggravantes.

    La lecture des profils de ces 50 coaccusés auteurs de viols avec la complicité du mari semble montrer qu'ils seraient des hommes ordinaires de 26 à 73 ans, de grande diversité de profession, âge, etc. Mais étaient-ce des messieurs toutlemonde ? Pas forcément car certains avaient été déjà condamnés pour viols ou violence conjugale. Les féministes qui voudraient faire l'amalgame entre ces coaccusés et les hommes en général ne vont certainement pas faire avancer efficacement la cause de femmes : non ! tous les hommes ne sont pas comme ça, tous ne sont pas forcément des prédateurs sexuels, tous n'ont pas besoin de contraindre pour aimer, et même, ce qu'il y a de plus beau dans l'amour, c'est justement le consentement libre et réciproque, le sentiment d'être sur la même longueur d'onde.

    Après des reports d'audience en raison de l'état de santé du principal prévenu, Dominique Pélicot, hospitalisé pour une infection rénale, ce dernier a pris la parole au procès pour la première fois le 17 septembre 2024 pour reconnaître les faits mais aussi accuser ses complices : « Aujourd'hui, je maintiens : je suis un violeur comme tous ceux qui sont concernés dans cette salle. Ils savaient tous, ils ne peuvent pas dire le contraire. Elle ne méritait pas ça, je le reconnais. (…) Je regrette ce que j'ai fait, je demande pardon même si ce n'est pas pardonnable. ».

    Lui-même aurait été une victime de viols pendant son enfance, mais les analyses ADN ont révélé qu'il pourrait être coupable du meurtre ou du viol de Sophie Narme, une jeune fille de 23 ans en stage dans une agence immobilière, tuée en décembre 1991 à Paris. Il a été mis en examen le 14 octobre 2022 pour cette affaire parce que le schéma d'agression serait le même qu'une autre agression sexuelle sur une jeune agente immobilière de 19 ans le 11 mai 1999 à Villeparisis pour laquelle il a avoué après avoir nié (en raison de l'ADN retrouvée).

    Dominique Pélicot a été confronté le 18 septembre 2024 à des images de sa fille nue endormie, mais il a nié avoir violé sa fille et même avoir pris ces clichés. Certains des coaccusés ont rejeté la réalité du viol dont ils sont accusés, si bien que le tribunal a fait diffuser dans une salle sans public et avec l'accord de la victime, la vidéo qui les incriminent le cas échéant dans toute leur crudité. Pour sa part, Gisèle Pélicot est pour l'étalement médiatique le plus large, selon son avocat : « Il faut qu’on ait le courage de se confronter à ce qu’est véritablement le viol, dans un dossier, justement, où il est exceptionnel d’avoir la représentation précise et réelle de ce qu’est un viol, et pas simplement une description sur un procès-verbal. ».

    On voit bien que cette affaire est très compliquée car il faut pouvoir décortiquer la responsabilité des uns et des autres et tous n'ont pas le même intérêt. Ainsi, en faisant embarquer tous les coaccusés dans une responsabilité collective, Dominique Pélicot est autant un accusé qu'un accusateur.

    Mais la stratégie de défense de certains des coaccusés est plutôt révoltante. Ainsi, ont été diffusées des images de Gisèle Pélicot dénudée avant ces viols (et même d'autres personnes qui n'ont rien à voir) en renversant le procès comme si c'était le procès de la victime ! Comme si le fait de faire du naturisme ou d'être plus ou moins audacieuse sur le plan moral justifierait le fait d'être violée ! Ce type de dénigrement de la victime est absolument abject et dans tous les cas, un viol reste un viol, quelle que soit la victime, quels que fussent ses faits et gestes avant, pendant, après le viol.

    De quoi mettre en colère la victime qui a protesté : « Les 50 [accusés] derrière ne se sont pas posés la question [du consentement]. C'est quoi, ces hommes, c'est des dégénérés ou quoi ? Pas à un moment ils se sont posé la question ! ». Le pire, c'est que la version de certains coaccusés ne serait peut-être pas incompatible avec la vérité, ce sera aux jurés d'en déterminer les exactes limites. En effet, certains coaccusés ont prétendu ne pas savoir qu'il n'y avait pas consentement de la part de Gisèle. Le mari leur aurait fourni le scénario précis de ces "jeux sexuels" et ils devaient trouver Gisèle endormie, comme si elle simulait un endormissement. Toutefois, comme ils ne se connaissaient pas, c'est difficile d'admettre que ces "libertins" n'ont pas cherché à savoir si madame Pélicot était réellement consentante, quels que soient les manipulations ou mensonges de son mari.

    Cette réécriture de l'histoire, ce relativisme d'oser dire qu'il y avait « viol et viol », sous prétexte que le violeur n'aurait pas eu conscience de violer, a profondément heurté Gisèle Pélicot : « Quand on voit une femme endormie sur leur lit, il n'y a pas un moment où on s'interroge ? Il n'y a pas quelque chose qui cloche ? (…) Un viol est un viol. Que ça soit trois minutes ou une heure. C'est absolument abject ! ».

    Un des coaccusés n'aurait pas violé Gisèle mais aurait obtenu de son mari le médicament incriminé pour endormir sa propre femme et la violer plusieurs fois. Son avocat a déclaré : « Mon client est le produit de la perversion de Pélicot. Je suis intimement persuadé que si X ne rencontre pas Pélicot, il ne se passe rien. ». On voit le niveau de glauque et de dégueulasserie qui va faire surface, avec plusieurs victimes qui ne se savaient pas victimes.

    Jouer au faux candide d'un côté, attaquer la victime de l'autre. Ce genre de défense risque fortement d'agacer les jurés qui devront pourtant tenter la neutralité, évacuer toute pression médiatique ou populaire, pour juger en leur âme et conscience sur les faits établis, les seuls faits établis. Mais sans préjuger du niveau de culpabilité, du niveau d'ignorance ou de connaissance, de complicité avec le mari, on peut quand même dire que tous ces coaccusés étaient avant tout de gros dégueulasses. Cela n'en fait pas une raison seule de les condamner, mais le contexte donne une tournure particulièrement grave de leurs dégueulasseries.

    Ce procès ne doit donc pas éveiller le combat des féministes contre les méchants hommes. Il est avant tout le combat de toute l'humanité contre les violences faites aux femmes, parmi lesquelles la manipulation et le mensonge sont des moteurs particulièrement efficaces.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240921-pelicot.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/viols-de-mazan-quelques-reflexions-256863

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/22/article-sr-20240921-pelicot.html




     

  • Législatives 2024 (49) : les socialistes crient au secours la droite revient !

    « Une équipe ! Maintenant, au travail ! » (Michel Barnier, le 21 septembre 2024 sur Twitter).



     

     
     


    Le plus important de ce très laconique tweet du Premier Ministre (qui est plutôt un taiseux et peut-être tant mieux), ce sont les deux petits drapeaux en guise de point final : drapeau français et drapeau européen. Certes, chaque ministre, chaque assemblée arbore désormais ce double symbole de la France et de l'Union Européenne, mais cela signifie bien la détermination du chef du gouvernement à ne pas céder à toute sorte de compromission contraire à ses valeurs. Il est un Européen convaincu et il le demeurera, comme il est un amoureux de la France.
     

     
     


    Donc, oui, ça y est !Juste avant le début de l'Automne. Accouchée dans la douleur, la composition du gouvernement Barnier a été annoncée ce samedi 21 septembre 2024 peu avant 19 heures 50 par le Secrétaire Général de l'Élysée Alexis Kohler, comme le veut la tradition républicaine.

    Ce qui n'était pas traditionnel, c'était la gestation de ce gouvernement pour remplacer le gouvernement de Gabriel Attal démissionnaire le 16 juillet 2024. Plus d'un mois et demi pour trouver un Premier Ministre (la balle à l'Élysée), puis seize jours (plus de deux semaines) pour arriver à une liste de ministres (la balle à Matignon). Très atypique, cette annonce un samedi soir, en plein week-end. A fortiori un samedi de la Journée du patrimoine où même le Palais de l'Élysée était envahi de visiteurs jusqu'à 18 heures. Plus logique en revanche de faire l'annonce juste avant le journal de 20 heures, il est encore des grands-messes qui obligent.

    Ce qui est, en revanche, ahurissant, c'est que cette composition a été élaborée à ciel ouvert, comme dans un gigantesque jeu de téléréalité. Au départ, Michel Barnier a fait des consultations en B to B (face-à-face) avec chaque parti prêt à s'engager et à s'investir dans cette aventure gouvernementale. Mais c'est vite devenu intenable, tant les caprices des uns, les calculs des autres, les lignes rouges, les irresponsabilités rendaient impossible toute solution.

     

     
     


    Le Premier Ministre a alors eu un coup de sang et s'est dit prêt à jeter l'éponge, ce qui aurait plongé la France dans une véritable crise politique. Et a décidé de faire comme lors de l'élection du pape par les cardinaux : on se réunit et on libère les participants seulement lorsqu'il y a une fumée blanche. C'était le jeudi 19 septembre 2024. On a pensé que tout était réglé, mais il a encore fallu travailler deux jours. Et pleine transparence, jusqu'aux coups de fil du Premier Ministre au Président de la République, jusqu'aux ministres pressentis qui, finalement, n'en seraient pas (exemples, Violette Spillebout à l'Éducation nationale, ou encore Mathieu Lefèvre, ancien collaborateur de Gilles Carrez et très proche de Gérald Darmanin, au Budget), tandis que Laurent Wauquiez paradait devant les députés LR pour proclamer sa non-participation (il était pressenti à Bercy). Quant à la très conservatrice Laurence Garnier, pressentie à la Famille, elle a été sauvée mais à la Consommation. On imagine le stress dans un tel cas et sans doute fallait-il prier pour que son nom ne soit pas publié trop tôt et lâché aux chiens médiatiques et internautiques.

    En tout cas, Michel Barnier a tenu son objectif de nommer tout son gouvernement avant dimanche soir pour un conseil des ministres le lundi 23 septembre 2024 à 15 heures, après les passations de pouvoir et avant le voyage du Président de la République à l'Assemblée Générale de l'ONU. Le prochain rendez-vous sera pour le 1er octobre 2024, date de rentrée parlementaire et surtout du crucial discours de politique générale (enfin, on va parler du fond après cet été surréaliste).

    À l'issue de la lecture de la liste des ministres, les commentateurs politiques, qu'ils soient journalistes ou responsables politiques, était particulièrement pitoyables et vides (je sais qu'il ne faut pas attendre grand-chose un samedi soir, même si on peut quand même noter la participation exceptionnelle sur BFMTV de l'éditorialiste Alain Duhamel, que j'apprécie). Pourquoi ? Parce que le vide ne vient pas de rien, il vient d'un parisianisme qui ne connaît que les ultracélèbres et qui ignore la réalité territoriale de la (vraie) classe politique. Avant (dans l'ancien monde ?), les journalistes politiques connaissaient exactement la carte électorale, qui était député et maire d'où, et sans s'aider de l'antisèche parfois trompeuse Wikipédia. Maintenant, le creux l'emporte sur le travail : on se repose simplement sur des préjugés, des clichés, des impressions pour faire de commentaires peu pertinents... Exemple frappant : un éditorialiste proche du RN évoquait le choc idéologique entre Bruno Retailleau et Didier Migaud... sans connaître l'idéologie de ce dernier puisque ce dernier, fort discret depuis 2010 sur le plan politique, a quitté l'engagement militant.

    Moi, je dis deux choses à propos de ce nouveau gouvernement. D'une part, et c'est ce qui suit, il y a des noms intéressants, des pépites, des personnalités peu connues qui méritent de l'être, et une construction beaucoup plus subtile et sophistiquée qu'on veuille bien le croire (ce qui justifie ce temps long et confirme que Michel Barnier est un vieux routard de la vie politique). D'autre part, et je pense que cette affirmation peut être partagée par beaucoup de Français, même s'ils ne sont pas de la même opinion politique que la coalition qui va gouverner, il faut que le gouvernement Barnier réussisse, car il faut que la France gagne. L'intérêt national commande la réussite, du moins pour quelques mois, de cette tentative désespérée de sortir de l'impasse. Laissons les ministres, le gouvernement gouverner, donnons-leur au moins la chance de montrer ce qu'ils vont faire, avant tout préjugé. À l'épreuve du pouvoir, les gens peuvent changer. Les Français doivent les juger sur les actes, pas sur les réputations (très faibles ici puisque la plupart des ministres sont inconnus tant du grand public que des journalistes autosatisfaits).

     

     
     


    Et rappelons l'origine de l'impasse. L'impasse, ce n'est pas la dissolution par Emmanuel Macron. Certes, à sa place, je n'aurais jamais pris cette décision téméraire à ce moment précis de notre vie démocratique, mais c'est son choix, souverain, constitutionnel, et il n'y a pas à épiloguer sur le sujet. Du reste, le RN avait réclamé cette dissolution depuis plusieurs mois et on ne peut pas critiquer la dissolution et en même temps traiter Emmanuel Macron d'autocrate voire de dictateur. Il a fait appel au peuple français. Personne ne peut le lui reprocher !

    L'impasse, elle ne vient pas de là. De cette dissolution, comme la précédente, en 1997, aurait pu survenir une majorité absolue claire, d'un camp ou d'un autre, on aurait été alors joyeux dans le camp des vainqueurs ou déçus dans le camp des vaincus, mais il y aurait des gagnants et des perdants et il y aurait un gouvernement stable pour appliquer une politique donnée. Si ces élections législatives anticipées n'ont pas abouti à cela, ce n'est pas la faute d'Emmanuel Macron, c'est celle du peuple ! Ce sont les électeurs qui ont choisi trois blocs, ou plutôt, qui ont choisi de manière à rejeter les deux autres blocs, si bien que l'Assemblée s'est retrouvée divisée en trois et pas en deux. C'est ce vote, pas collectivement conscient de la difficulté, mais résultat d'un véritable état de l'opinion, divisée en trois, qui a fait toute la difficulté et je trouve qu'Emmanuel Macron a réussi à trouver le bon Premier Ministre au bon moment. Il s'en sort bien.

    De quoi est donc la cause de ce gouvernement ? D'une réflexion menée simplement : pas de majorité pour la nouvelle farce populaire (NFP), qui n'a que 193 députés sur 289, loin donc d'une majorité absolue ; pas de majorité pour le RN, mais avec 146 députés, ceux-là le reconnaissent bien volontiers et on peut louer leur lucidité. Le bloc central qui cumule le camp présidentiel et Les Républicains totalisent autour de 220 députés (soit plus que le NFP, d'où la victoire de Yaël Braun-Pivet sur André Chassaigne au perchoir). C'est nettement insuffisant pour une majorité absolue, mais mieux que le NFP. Faute d'un compromis à gauche, le compromis s'est déplacé à droite et à l'extrême droite. En gros, le RN a accepté l'idée de ne pas immédiatement censurer le nouveau gouvernement si on l'écoutait sur les noms à ne pas prendre (en l'occurrence Xavier Bertrand, Éric Dupond-Moretti et Gérald Darmanin).

    Pour avoir le détail des noms et des postes, on pourra lire la totalité de cette composition ici. La première chose qui frappe est le nombre pléthorique de ministres : contrairement à d'habitude, il n'y a pas eu l'affichage hypocrite d'une volonté d'un gouvernement resserré. Ce n'est même pas préférable (parmi les premières critiques, celle qu'il n'y a pas de ministère pour les personnes en situation de handicap alors que pourtant, il y a un ministère pour l'autonomie qui inclut bien sûr le handicap : c'est la schizophrénie française, on critique l'endettement et on veut toujours dépenser plus ; on veut un gouvernement resserré mais on voudrait avoir mille ministères de tout et de rien). Celui de Michel Barnier est très clairement pléthorique car il était impossible de faire autrement pour satisfaire tous les partis de la coalition. 40 membres si l'on compte le Premier Ministre (qui reste chargé de la Planification écologique comme ses deux prédécesseurs), 19 ministres pleins, 15 ministres délégués et 5 secrétaires d'État. Parité parfaite : 20 femmes, 20 hommes.

     

     
     


    La première remarque évidente, c'est qu'il n'y a que des politiques, quasiment que des politiques, pour 39 sur 40 : d'après ma comptabilité (je ne tiens pas compte qu'une nouvelle ministre a quitté LR le 11 juin 2024 à cause de l'alliance d'Éric Ciotti), il y a 15 LR (dont 2 proches de Valérie Pécresse et 1 proche de Xavier Bertrand), 12 EPR (Renaissance), 3 UDI, 3 MoDem, 2 Horizons, 2 ex-LR, 1 radical, 1 ex-PS et 1 sans étiquette (Clara Chappaz, directrice de la French Tech de 2021 à 2024 nommée Secrétaire d'État chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique).

    Seulement six ministres sortants sont reconduits, dont deux (voire trois) gardent leur ministère : Sébastien Lecornu aux Armées (on lui a rajouté les Anciens combattants), Rachida Dati à la Culture (on lui a rajouté le Patrimoine), éventuellement Agnès Pannier-Runacher qui hérite du grand Ministère de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques (elle était déjà dans ce ministère dans certains précédents gouvernement). Trois autres changent d'attributions : Catherine Vautrin (Territoires et Décentralisation), Jean-Noël Barrot (Quai d'Orsay) et Guillaume Kasbarian (Fonction publique entre autres). On pourrait rajouter une septième ministre sortante, mais sortie dès juillet 2023 : Geneviève Darrieussecq, qui devient Ministre de la Santé (elle est médecin). Enfin, deux autres ont été déjà ministres avant 2017 : Valérie Létard et Michel Barnier (sous Nicolas Sarkozy). En tout, donc, 9 ministres expérimentés sur 40, ou, à l'envers, 31 nouveaux ministres, noms nouveaux, sur 40.

    Cette dernière remarque signifie qu'il y a un grand renouvellement des personnes. Mais le poids politique aussi est important. Les poids lourds actuels de cette coalition sont à l'extérieur du gouvernement : Gabriel Attal, Édouard Philippe, Gérald Darmanin, François Bayrou, Élisabeth Borne, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse, Bruno Le Maire sont à l'extérieur. Si on veut donner le qualificatif de poids lourd au-delà de Michel Barnier, ce sera sans doute à Bruno Retailleau, très influent président du groupe LR au Sénat, qui aurait sans doute été le Premier Ministre de François Fillon en cas d'élection de ce dernier. Bruno Retailleau est nommé Ministre de l'Intérieur. Ce choix est crucial. L'opposition de gauche l'accuse déjà d'être "inhumain" (ce qui est un sacré argument politique !). Notons d'ailleurs (je ne suis pas le seul à faire ce constat) qu'Éric Ciotti, qui rêve d'être Ministre de l'Intérieur, aurait certainement été nommé dans ce gouvernement à ce poste s'il ne s'était pas jeté, trop confiant dans les sondages, dans les bras incertains de Marine Le Pen.

    Autre remarque, les noms de ministères et leur architecture. Beaucoup de nouvelles appellations, parfois assez longues. Sur la structure, il faut noter l'indépendance du logement (une réelle politique du logement est nécessaire), mais aussi des transports par rapport à la transition écologique. C'est très intelligent de faire dépendre les transports des territoires. Le Ministère de l'Europe dépend à la fois du Quai d'Orsay (domaine du Président) et de Matignon (domaine du Premier Ministre). Les Outre-mer dépendent directement de Matignon et pas de l'Intérieur comme à l'époque de Gérald Darmanin (une des revendications des indépendantistes en Nouvelle-Calédonie). Au-delà d'une Ministre déléguée chargée des Relations avec le Parlement et d'une porte-parole du gouvernement, il y a aussi une Ministre déléguée chargée de la "Coordination gouvernementale". Enfin, on peut aussi s'étonner que le Ministère du Budget et des Comptes publics soit rattaché à Matignon et pas à Bercy.

    Comme dans chaque gouvernement, beaucoup de personnalités sont de grande valeur, énarques, normaliens, ESSEC, IEP, etc. (de formation), avec une trajectoire personnelles très intéressante et diversifiée. On peut citer deux présidents de commission bombardés ministres : le président de la commission des affaires économiques Antoine Armand (EPR) nommé à 33 ans (il les a eus il y a onze jours) Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie ; celui de la commission des affaires sociales Paul Christophe (Horizons) nommé Ministre des Solidarités, de l'Autonomie et de l'Égalité entre les femmes et les hommes (amusant de voir dans la défense des femmes... un homme).

     

     
     


    Dernière remarque, anecdotique celle-ci : certains sont nommés alors qu'ils ont échoué aux élections législatives, c'est le cas notamment de François Durovray et Laurent Saint-Martin.

    Trois critiques reviennent généralement dans les réactions à ce nouveau gouvernement, issues des extrêmes.

    La première, c'est de dire, de croire, de faire croire que ce gouvernement est la suite du macronisme (elle provient de l'extrême gauche et de l'extrême droite). C'est ne rien comprendre à Michel Barnier de dire cela. C'est surtout factuellement faux. On reprochait à Emmanuel Macron de faire ses gouvernements (sauf le dernier) en se basant sur des non-personnalités politiques, sur des personnes dites de la "société civile", en somme, sur des ministres hors sol. Celui de Michel Barnier est exactement l'inverse. Comme je l'ai écrit, il est ultrapolitisé (chaque ministre a eu un engagement politique, une histoire politique parfois très ancienne, cinquante-deux ans pour le premier d'entre eux). Il est au contraire très axé sur les territoires : beaucoup de sénateurs (en particulier LR), et les sénateurs sont sur le terrain, connaissent parfaitement les communes, les départements, il y a aussi beaucoup de maires ou de présidents d'exécutif, comme Gil Avérous (maire de Châteauroux), Fabrice Loher (maire de Lorient), Nicolas Daragon (maire de Valence), François Durovray (président du conseil départemental de l'Essonne), etc. Si on prend les parlementaires qui ont dû quitter leur mandat exécutif mais qui y sont restés très attachés (comme Bruno Retailleau pour la Vendée et les Pays de la Loire, Valérie Létard pour le Nord et Valenciennes, Marie-Agnès Poussier-Winsback pour Fécamp, Alexandre Portier pour Villefranche-sur-Saône, Geneviève Darrieussecq pour Mont-de-Marsan, Sébastien Lecornu pour l'Eure et Vernon, François-Noël Buffet pour Lyon, Othman Nasrou pour Trappes, etc.), alors on a une France des territoires très diversifiée et aussi très connue localement.

    Les Français ont voulu un réel changement dans leur gouvernance, et il l'ont obtenu avec le gouvernement Barnier. Les principaux ténors du gouvernement précédent sont hors des ministères, même certains, comme Gérald Darmanin, qui auraient bien voulu rester.

    La deuxième critique, provenant exclusivement des insoumis, est de dire que ce gouvernement est vendu à l'extrême droite, ce qui est d'autant plus excessif et stupide qu'il suffit d'écouter l'opinion des députés RN sur ce gouvernement. Le RN n'a pas intérêt à un clash alors qu'à la veille de la rentrée parlement s'ouvre le procès du RN, mais la nature revient toujours au galop et on peut lire ici ou là l'absence d'approbation d'une telle composition (ce qui ne veut pas dire la censure).
     

     
     


    Enfin, celle relayée le plus dans les médias, la troisième critique, provenant surtout des socialistes, qui condamnent ce gouvernement de droite ! Ce PS mélenchonisé définitivement n'est vraiment plus récupérable ! Ce sont les socialistes eux-mêmes qui ont refusé d'entrer au gouvernement, et après, ils critiquent le gouvernement qui n'a rien à gauche. C'est dément comme argumentation et les Français aiment bien un peu de logique dans les postures politiques. Emmanuel Macron avait pressenti Bernard Cazeneuve à Matignon, mais le PS l'a flingué en direct à Blois. Le plus hypocrite est François Hollande qui critique la nomination de Michel Barnier mais qui n'a pas levé son petit doigt pour aider son ancien Premier Ministre, de peur de contrarier le gourou des insoumis. Mais même après le choix du Premier Ministre, tout restait possible. Michel Barnier a proposé à de nombreux hiérarques socialistes d'entrer au gouvernement, notamment à Bernard Cazeneuve, Stéphane Le Foll, Jérôme Guedj, Karim Bouamrane, François Rebsamen, Carole Delga, Philippe Brun... Le PS a refusé de gouverner et ensuite, il critique le choix d'un gouvernement "de droite", quelle hypocrisie et quelle contradiction !

    On a reproché à Michel Barnier de faire du casting avant de définir le fond de son programme. En termes de programme, son gouvernement sera certainement bien humble : s'il arrive à faire adopter les deux lois de finances avant le 31 décembre 2024, il sera bien content. Selon Matignon, Michel Barnier souhaiterait coconstruire son plan d'action avec les ministres. Si les socialistes avaient accepté d'être présents, ils auraient pu infléchir la politique de la nation à gauche. Ils ont préféré servir de serviles faire-valoir à Jean-Luc Mélenchon. Ils n'auront plus aucune influence, à l'image du 1,7% de leur score à la présidentielle.

    Ce dimanche, le maître mot sera donc : PASSATION !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Composition du Gouvernement Michel Barnier I nommé le 21 septembre 2024.
    Législatives 2024 (49) : les socialistes crient au secours la droite revient !
    Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy.
    Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240921-gouvernement-barnier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-49-les-256891

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/21/article-sr-20240921-gouvernement-barnier.html







     

  • Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy

    « Comme dirait Michel Sardou, je vous aime, mais je pars. (…) Je pars avec le sentiment profond que ces sept années ont été utiles pour la France. Cela aura été un honneur dans ma vie politique d'occuper les fonctions de Ministre de l'Économie et des Finances pendant plus de sept ans. Je veux donc marquer ma reconnaissance sincère et profonde au Président de la République. » (Bruno Le Maire, le 12 septembre 2024 à Bercy).




     

     
     


    Étrange coïncidence du destin, celui qu'on pourrait considérer comme le premier Ministre de l'Économie et des Finances de la France, le Surintendant des Finances de François Ier, à savoir Jacques de Beaune, baron de Semblançay, a quitté ses fonctions il y a 500 ans, en 1524. La petite différence, c'est qu'il a commencé en 1518 et pas 1517. Un demi-millénaire plus tard, Bruno Le Maire, Ministre de l'Économie et des Finances depuis le 17 mai 2017, s'apprête à quitter Bercy dans quelques jours, quelques heures, le temps que le gouvernement de Michel Barnier soit définitivement nommé. Contrairement aux premières esquisses de composition, son successeur ne sera pas Laurent Wauquiez avec qui il siégeait déjà au gouvernement sous la Présidence de Nicolas Sarkozy (ce qui fait au total un peu moins de onze ans au gouvernement ; plus de dix ans, c'est rare dans la vie politique).

    Plus de sept ans sans discontinuité aux Finances, c'est un record sous les républiques. Sous cinq gouvernements et quatre Premiers Ministres. Seul Valéry Giscard d'Estaing est resté plus longtemps à ce poste, mais en discontinuité, près de neuf ans : du 18 janvier 1962 au 8 janvier 1966 puis du 20 juin 1969 au 27 mai 1974, jusqu'à son élection pour accomplir un septennat. Le précédent record (sans discontinuité) remonte à Napoléon Ier, avec son Ministre du Trésor public Nicolas François Mollien, du 27 janvier 1806 au 1er avril 1814.

    Contrairement à ce que raconte Michel Houellebecq dans l'un de ses derniers romans d'anticipation politique, Bruno Le Maire (qu'il a rencontré et apprécié pour rédiger son livre) n'aura pas été l'unique Ministre de l'Économie et des Finances des deux quinquennats du Président Emmanuel Macron, et il n'aura pas été en position d'être candidat à la prochaine élection présidentielle, après les dix années (dans le roman non plus, car finalement, "le Président" choisit un animateur humoriste populaire pour le remplacer temporairement ; serait-ce Volodymyr Zelensky ?). Il y a beaucoup trop de concurrence pour être "l'héritier" : Édouard Philippe, Gabriel Attal, Gérald Darmanin, et pourquoi pas, Élisabeth Borne et toujours François Bayrou...

    Il vient de recevoir l'autorisation d'enseigner en Suisse et il va donc profiter du début de l'année scolaire pour être professeur d'économie et de géopolitique à Lausanne. Un exil pédagogique autant que politique volontaire qui fait penser à ceux de Philippe Séguin et Alain Juppé au Québec. À 55 ans, il pourrait toujours compter sur un retour et jouer le rôle de l'homme providentiel, mais ce n'est pas sûr qu'il puisse se relever de son impopularité acquise à Bercy.

    Une impopularité acquise surtout depuis quelques mois, depuis environ mars 2024, quand il avait averti que le déficit public de 2023 allait dépasser largement les prévisions, à 5,6% du PIB. Au risque d'être anti-électoral (à l'approche des élections européennes), Bruno Le Maire avait brandi une réduction des dépenses de 10 à 15 milliards d'euros pour 2024 (le gouvernement n'est pas obligé de dépenser la totalité des montants votés par les parlementaires dans la loi de finances ; il ne peut pas dépenser plus mais il peut dépenser moins).

    C'était une initiative politiquement et électoralement casse-cou. Sa réaction à la dissolution l'avait d'ailleurs complètement disqualifié aux yeux de l'Élysée : « Vous savez, les parquets des ministères et des palais de la République sont pleins de cloportes. Il y a toujours eu des cloportes, cela fait partie de la vie politique française. Ils sont dans les parquets, dans les rainures des parquets, c'est très difficile de s'en débarrasser. Le mieux, c'est de ne pas les écouter, et de rester à sa place, qu'on soit Président de la République, Premier Ministre, ministre, et prendre ses décisions en conscience. » (il parlait ainsi de la dictature des conseillers occultes le 20 juin 2024 sur TV5-Monde avec un mot très violent).





    Pour marquer le coup, au-delà de ses obligations ministérielles (comme son audition à la commission des finances de l'Assemblée Nationale le 9 septembre 2024), Bruno Le Maire a voulu faire un discours d'adieu avant de partir. Pour ne pas refaire comme Gabriel Attal lors de sa passation des pouvoirs à Michel Barnier à Matignon, il a préféré séparer le discours d'adieu et le discours assez formel de passation des pouvoirs avec son successeur (très bientôt).

    Il a ouvert son discours sur un remerciement à Emmanuel Macron à qui, en quelque sorte, il a succédé à Bercy (pas tout à fait directement). Pour Emmanuel Macron, le secteur de l'économie est important pour redresser la France, sa grandeur, et le choix de Bruno Le Maire, qui plus est unique jusqu'à la dissolution, montre la grande confiance du Président de la République. Rappelons que Bruno Le Maire avait été pressenti pour succéder à Christine Lagarde en juin 2011 lorsqu'elle avait été nommée directrice générale du FMI, mais finalement, François Baroin avait arraché sa nomination à Bercy par Nicolas Sarkozy (dans le troisième gouvernement de François Fillon).

    Tout le problème du "bilan" de Bruno Le Maire est dans cette contradiction qui va bien au-delà de la Présidence d'Emmanuel Macron : économiquement, la France va beaucoup mieux, le chômage a baissé durablement, les emplois industriels sont recréés, l'innovation frôle l'excellence, la France est le pays européen le plus attractif des investisseurs étrangers, et l'inflation est revenue à un taux assez faible ; mais parallèlement, jamais le sentiment de précarité, de salaire trop bas, de pouvoir d'achat insuffisant, d'insécurité financière autant que physique n'a été ressenti aussi fortement par les Français que pendant cette période, en particulier en raison des crises nombreuses (gilets jaunes, covid-19, guerre en Ukraine, énergie, etc.), mais aussi en raison d'une transformation en profondeur, autant sociologique que technologique, de la société française. Ce n'est pas nouveau qu'on manque de repères, qu'on regrette les temps anciens (quand on était jeunes), mais cette perte d'identité est nettement plus fortement ressentie dans une nation qui n'est plus isolée, qui est dans une monde global où les échanges de biens et de personnes sont possibles avec la planète entière. Sentiment amplifié par les nouveaux modes de communication, chaînes d'information continue pour les surréactions, réseaux sociaux pour les grains de sel souvent négatifs et destructeurs, déclinistes et pessimistes, dans tous les cas dénigreurs. Je précise bien sûr qu'il ne s'agit pas que d'un sentiment de déclassement, c'est aussi la réalité de plusieurs millions de Français, et si ce n'est pas une réalité, c'est une angoisse qu'elle le devienne, ce qui, psychologiquement, est à peine mieux. La société est de plus en plus à deux vitesses, ceux qui sont prêts à assumer le choc de la compétitivité avec le monde entier, et ceux qui ne s'en sentent pas capables.

     

     
     


    Malgré les difficultés, malgré le problème d'endettement durable et de déficit momentané (le maintien de la croissance permet d'être optimiste à moyen terme), Bruno Le Maire a brossé un bilan évidemment positif de son action : « En me nommant [il s'adressait alors au Président de la République], vous m'aviez fixé une mission : transformer l'économie française. Année après année, obstinément, laborieusement, consciencieusement, nous avons engagé cette grande transformation économique de la France. Contre la valse des impôts, nous avons fait le choix de la stabilité fiscale, contre le déclassement des classes moyennes, nous avons revalorisé le travail, contre les délocalisations de masse, nous avons engagé la réindustrialisation des territoires, contre le French bashing, nous avons fait de la France la nation la plus attractive en Europe. (…) Cette grande transformation économique ne doit pas être une parenthèse dans la vie de notre nation. Elle doit être le socle de nos ambitions économiques nationales futures. Car cette grande transformation nous a fait réussir parmi les autres nations en Europe. Depuis sept ans, la croissance cumulée de la France est supérieure à celle de la Grande-Bretagne, de l'Italie ou de l'Allemagne. Depuis sept ans, le chômage baisse, des usines vertes ouvrent, les investisseurs viennent, l'inflation est repassée sous les 2%. Depuis sept ans, la France enregistre des résultats économiques que nous devons confirmer dans les années à venir. ».

    Le ministre démissionnaire a en particulier évoqué l'une des raisons de ses succès, sa stabilité : « Le Président de la République, les Premiers Ministres successifs (…) m'ont donné ce qui est la condition nécessaire de tout succès en politique : le temps. Le temps long est une force et une vertu. Le temps long de la politique économique rassure les entrepreneurs, qui ont besoin de stabilité. Le temps long de la politique fiscale donne la visibilité nécessaire pour investir, consommer, par conséquent soutenir la croissance. Le temps long évite les embardée, les humeurs, les modes, les querelles, les polémiques, les changements de pied incessants qui sont trop souvent le lot de notre vie politique nationale. ».

    Bruno Le Maire a présenté les trois phases des finances publiques pendant lesquelles il était responsable : 2017-2019 : phase de rétablissement des comptes publics avec déficit inférieur à 3% du PIB ; 2020-2022 : phase de protection face aux crises « qui a entraîné des dépenses nouvelles, massives et nécessaires face à un effondrement de notre production économique et à la flambée des prix » ; depuis 2023 : phase de retour à la normale. En expliquant (extrait qui allait être abondamment repris par les journalistes) : « Dans notre histoire financière, le virage du retour à la normale est toujours le plus difficile à négocier. Tout le monde réclame de l'ordre dans les comptes, personne ne propose des économies. Tout le monde veut le désendettement, personne ne soutient nos réductions de dépenses. C'est l'hypocrisie française : on veut de la dette en moins et des dépenses en plus. Pourtant, ce sont des somnambules, ceux qui proposent de dépenser toujours plus d'argent public. Ce sont des somnambules, ceux qui promettent de revenir sur la réforme des retraites sans toucher à la feuille de paye ni aux pensions et en promettant plus de pouvoir d'achat. Ce sont des somnambules, ceux qui dénoncent l'austérité dans une France qui redistribue sa richesse plus largement que n'importe quelle autre nation. Le réveil sera douloureux. Pas pour les somnambules, mais pour la France. Car le sommeil conduit toujours à la servitude. ».

    Le Ministre des Finances a embrayé sur l'importance de ne pas renforcer la pression fiscale, malgré les grandes tentations politiques de le faire : « La France ne doit pas revenir en arrière non plus sur les impôts. Malgré nos 55 milliards d'euros de baisses d'impôts depuis 2017, sur les ménages comme sur les entreprises, la France garde un niveau de pression fiscale parmi les plus élevés au monde. Pourtant, à écouter les commentaires, les recommandations des spécialistes, les avis des conseilleurs qui ne sont jamais les payeurs, la plus grande pente reste toujours de relever les impôts. Ne cédons pas à cette facilité. Si nous voulons livrer un combat fiscal, livrons-le au niveau international : taxons à un juste niveau les plus grandes fortunes de la planète. Nous avons mené avec succès deux combats majeurs sur la fiscalité internationale : la taxation des géants du numérique et la taxation minimale des multinationales. Battons-nous pour gagner ce troisième combat : voilà une défi à la hauteur de la France ! ».

    Et d'ajouter un peu plus tard : « Peu à peu, la France renoue avec sa vocation de grande nation manufacturière, innovante, audacieuse : une grande nation de production. Nous devons faire passer de 10 à 15% la part de l'industrie manufacturière dans notre richesse nationale. Pour cela, gardons un cadre fiscal attractif pour les entreprises. (…) Plutôt que défaire, regardons par conséquent ce que nous pouvons faire mieux. ».

    Trois pistes pour faire mieux, selon l'ancien directeur de cabinet de Dominique de Villepin à Matignon :

    Les salaires : « Redonner un espoir salarial à toutes celles et tous ceux qui travaillent, voilà le défi français. Cet espoir salarial, il se construira dans la réduction des écarts entre salaire brut et salaire net, dans une refonte en profondeur de nos allègements de charges, par une remise à plat de notre modèle social. Notre modèle social ne peut plus être financé à titre principal par les contributions sur le travail. Sans quoi le travail ne sera plus une liberté, mais une contrainte ; plus la clef des rêves, mais une source de découragement. (…) Pour augmenter durablement les salaires, il faut augmenter fortement la productivité du travail. ».


    Le climat : « Tout notre outil de production, toute notre innovation, notre recherche, nos grands acteurs bancaires et assurantiels, nos champions du bâtiment, de la construction, du transports, du traitement des eaux, de l'énergie, doivent se mettre au service de cette immense révolution de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Ils le font déjà. Nous devons les accompagner pour faire davantage encore. Avec un objectif collectif : être la première économie 0 émission en Europe en 2040. Objectif ambitieux ? Mais les grandes ambitions n'ont jamais fait peur à la France. Au contraire : nous sommes un peuple pionnier. Nous aimons l'aventure et la grandeur. ».

    Le financement de notre économie : « Nous manquons de financements privés en Europe pour faire face à la double révolution technologique et climatique. (…) Nous devons améliorer le financement de notre économie et le diversifier. Nous devons alléger les contraintes réglementaires qui pèsent sur les banques et les assurances. Nous devons sans délai mettre en place l'union des marchés de capitaux, trouver les financements nécessaires pour nos pépites technologiques, améliorer notre productivité. Notre productivité européenne chute depuis vingt ans quand la productivité américaine flambe. Plus d'innovation, plus de formation, un meilleur niveau éducatif, ce sont les conditions du rétablissement de notre prospérité collective. Nous ne pouvons pas lambiner quand les autres puissances galopent. ».

    Inutile de préciser que, même si le ministre quitte (momentanément ?) la vie politique, cet exposé des choses à faire ressemble furieusement à un programme électoral et aussi à une vison à long terme de l'économie française.
     

     
     


    Bruno Le Maire espère aussi la reprise rapide du projet de loi sur la simplification qu'il n'a pas pu achever. Il a par ailleurs salué et remercié toutes les personnes qui l'ont accompagné pendant ces sept années, des ministres délégués, des hauts fonctionnaires, collaborateurs, membres de cabinet, directeurs d'administration, parlementaires, maires et élus locaux qui sont venus l'écouter, etc. (plus de 1 200 personnes sont venues l'écouter). Il a aussi remercié les 130 000 agents du ministère « techniciens, contrôleurs, douaniers, statisticiens, juristes, informaticiens, économistes, qui font la force de cette maison ».

    Et quel a été son moment le plus intense ? « Je pourrais répondre : le jour où le Premier Ministre israélien s’est retrouvé coincé dans un des ascenseurs de Bercy, le jour où le chat Olive est mort, le jour où Ascoval a été définitivement sauvé, le jour où nous avons remplacé le gravier de cette cour par des arbres, le jour où Olaf Scholz après une nuit de négociation sur la dette en commun a lâché "deal", le jour où nous avons vu Notre-Dame brûler, le jour où Vincent Lindon a tourné au PMF, le jour où les prix du gaz ont flambé. Je répondrais : le covid. Face à la crise économique la plus grave que le monde ait eu à affronter depuis 1929, nous avons fait face. Le covid aurait pu conduire au pire : récession, crise sociale, désordres politiques. Il a au contraire montré le meilleur de notre société : héroïsme sans faille des soignants et du monde hospitalier ; présence à leurs postes des salariés dans les commerces essentiels, dans le nettoyage, dans la grande distribution, dans les exploitations agricoles ; mobilisation permanente de tous les agents du ministère pour élaborer les aides d’urgence, mettre en place le fonds de solidarité pour les TPE et les PME, distribuer le PGE, verser le chômage partiel. Partout, une vraie et profonde générosité de cœur. À nouveau je dis : merci. Nous avons dépensé beaucoup ? Oui, mais pour le bien de tous. Qui oserait dire sincèrement que ces dépenses de protection dont certains nous font le reproche maintenant, après nous avoir supplié de dépenser plus hier, ne répondaient pas à un cas économique de force majeur ? Qui ne voit pas que ces dépenses nous ont permis de sauver nos entreprises, nos commerces, nos emplois, nos compétences ? Il est trop facile de réécrire l’histoire : nous n’avons pas dilapidé l’argent public, nous avons protégé les Français et nous devons en être fiers ensemble. La France est grande quand elle se rassemble, puissante quand elle agit de concert, invincible quand elle sert une cause qui la dépasse. ».

    Le testament de celui qui considère que lorsqu'on s'engage en politique, on doit démissionner de la fonction publique lorsqu'on est fonctionnaire et prendre son risque (ce qui a été son cas, aussi celui d'Emmanuel Macron, et ce qui est une pique à une autre énarque, Lucie Castets), c'est : « L'autorité et l'amour sont les deux valeurs qui nous permettront de desserrer la pression des extrêmes, qui sont en train de prendre en étau notre nation. La radicalisation politique de plus en plus forte est devenue la règle dans les grandes démocraties. La France doit rester une exception. L'exception politique française, ce sont la mesure et la raison. ».

    De l'émotion, certes, mais de l'émotion rationnelle, préparée, calculée, pour ce départ en fanfare et dans les acclamations de son public trié sur le volet. Au regard de l'histoire politique de la France, Bruno Le Maire aura au moins marqué le Ministère de l'Économie et des Finances, à défaut d'aller plus loin, le cas échéant.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bercy : les grands argentiers de France (22 juin 2007).
    Législatives 2024 (48) : les adieux de Bruno Le Maire à Bercy.
    Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
    Législatives 2024 (42) : Bernard Cazeneuve et le retour à la case départ ?
    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240912-bruno-le-maire.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-48-les-adieux-de-256754

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/12/article-sr-20240912-bruno-le-maire.html




     

  • Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier

    « Donc de l'humilité, une forme olympique et puis aussi de la détermination, celle qu'il faut pour que cette nouvelle page qui commence, cette époque, cette période, soit une période utile pour les Français et pour la France. J'aurai l'occasion dans quelques jours, dans quelques semaines à peine devant le Parlement de dire les grandes priorités législatives et les propositions au nom du nouveau gouvernement. Il s'agira de répondre autant que nous le pourrons aux défis, aux colères (…), aux souffrances, aux sentiments d'abandon, d'injustice qui traverse beaucoup trop nos villes, nos quartiers et nos campagnes. » (Michel Barnier, le 5 septembre 2024 à Matignon).




     

     
     


    Il n'y a plus de gouvernement français depuis plus de deux mois, le dernier a démissionné officiellement le 16 juillet 2024. Michel Barnier, nommé Premier Ministre le 5 septembre 2024, n'a toujours pas formé son gouvernement après deux semaines de consultations, réflexions, concertations, suppositions... C'est dit : le jeudi 19 septembre 2024 sera son dernier jour de consultations, qu'on se le dise ! L'objectif de nommer le nouveau gouvernement avant dimanche soir semble encore tenir. Il y a urgence : le budget à préparer, le discours de politique générale à prononcer devant les députés, et d'abord, la session parlementaire ordinaire qui commence le mardi 1er octobre 2024. L'examen du projet de loi de finances doit durer au moins 70 jours... et le projet de loi de finances doit être définitivement adopté avant le 31 décembre 2024.

    Alors, qu'est-ce qui cloche ? Tout ! Selon la recommandation du Président de la République, Michel Barnier doit composer son gouvernement dans un large éventail républicain, celui du front républicain : le camp présidentiel, LR, bien sûr, mais aussi des personnalités de gauche, en particulier du parti socialiste.

    Mais c'est apparemment mission impossible. De nombreux socialistes ont été contactés par Matignon et pressentis pour être nommés au gouvernement et ont tous déclinés. Bernard Cazeneuve, prévu à Matignon : non ! Stéphane Le Foll, maire du Mans, proche de François Hollande : non ! Philippe Brun, député socialiste opposé à la ligne mélenchonienne d'Olivier Faure, pressenti au budget : non ! Karim Bouamrane, maire socialiste de Saint-Ouen, pressenti aussi à Matignon : non ! Jérôme Guedj, député socialiste élu en rejetant l'étiquette mélenchonique de la nouvelle farce populaire (NFP) : non ! Carole Delga, l'entreprenante présidente du conseil régional d'Occitanie (la mieux élue des régionales de 2021) : toujours non !

    La seule maigre hypothèse qui pourrait être acceptée, ce serait la nomination du socialiste grenoblois Didier Migaud comme garde des sceaux. Ancien Premier Président de la Cour des Comptes, ancien député socialiste de l'Isère, il préside aujourd'hui, depuis quatre ans (depuis le 31 janvier 2020), la Haute Autorité pour la transparence de la vie politique (HATVP), ce qui pourrait être un gage d'intégrité. Toutefois, politiquement, Didier Migaud a quitté les sphères socialistes depuis 2010, depuis une quinzaine d'années !

    Ma recommandation pour avoir une personnalité socialiste au gouvernement, c'est de le proposer à Ségolène Royal qui, j'en suis sûr, l'accepterait ! (Ne pas demander à Manuel Valls, il l'accepterait aussi volontiers mais cela fait longtemps qu'il ne représente plus les socialistes). On a même prêté à Michel Barnier l'intention de proposer à Fabien Roussel, secrétaire national du PCF (invité le 17 septembre 2024 à Matignon), une place au gouvernement, mais cela se saurait (ne serait-ce que par l'intéressé). Il ne faut pas oublier que pour un membre du NFP, une proposition d'entrer au gouvernement le rend ministrable dans sa propre coalition, puisque, refusant de succomber à la tentation, il en devient beaucoup plus fort politiquement. Mais encore faut-il que le NFP arrive alors au pouvoir prochainement !...

    On revient avec les ministères aux mêmes conséquences contre-productives qu'avec Matignon : en refusant de participer à un gouvernement de salut national, le PS refuse par là même d'influer sur le cours de la politique de la nation et laisse le champ libre à la seule droite. Ce refus politicien de gouverner a bien sûr des conséquences politiques.

    Michel Barnier, membre de LR, a donc fait des esquisses de composition de gouvernement avec surtout des membres de LR. En particulier, selon les dernières rumeurs : Bruno Retailleau à l'Intérieur, Laurent Wauquiez (qui refusait toute participation LR à un gouvernement il y a moins d'un mois) à l'Économie et aux Finances, Annie Genevard à l'Agriculture (auparavant pressentie à l'Éducation nationale)... et probablement que c'était dans cette projection qu'un désaccord a eu lieu entre l'Élysée et Matignon. L'Élysée ne se voyait pas attribuer en même temps Matignon, Place Beauvau et Bercy à LR qui ne représente que 47 députés sur 577. Du reste, cette semaine, Gabriel Attal et Gérald Darmanin ont fait aussi dissonance en rappelant que le groupe Renaissance (Ensemble pour la République) sera le plus important de la coalition constitutive du gouvernement.

    Gérald Darmanin souhaitait rester au gouvernement (au service de l'État) et j'imagine que c'est aussi le souhait de l'Élysée afin qui ne soit pas tenté de vouloir conquérir le parti présidentiel (Renaissance). Son objectif serait le Quai d'Orsay, libéré par la nomination de Stéphane Séjourné à la Commission Européenne. Michel Barnier aurait proposé à l'ancienne Première Ministre Élisabeth Borne le Ministère des Armées, tandis que Sébastien Lecornu, chouchou du Président, devrait rester au gouvernement, ainsi que Catherine Vautrin et Rachida Dati, ces deux dernières ministres démissionnaires étaient membres du gouvernement seulement depuis janvier dernier.

    Par ailleurs, Michel Barnier aurait également proposé un ministère à l'incorruptible centriste Charles de Courson, bombardé rapporteur général du budget à l'Assemblée Nationale grâce à la gauche. Ce dernier a refusé, alors qu'il s'est rendu le 17 septembre 2024 à Matignon avec le président FI de la commission des finances Éric Coquerel pour y obtenir les documents budgétaires (et contrairement à ce qu'ils ont affirmé, ils les auraient obtenus).

     

     
     


    Au-delà du choix des personnes, toujours arbitraire, il y a bien sûr le choix de la politique à conduire, et le débat s'est focalisé sur l'importance de réduire le déficit public (en gros, 20 milliards d'euros à réduire chaque année, pendant cinq ans, soit 100 milliards d'euros), sur la manière de le réduire, soit réduction des dépenses publiques, soit augmentation des impôts, et probablement les deux. La perspective d'une hausse des impôts a fait frémir de nombreux partis politiques, en particulier dans la propre majorité de Michel Barnier, Gabriel Attal et Gérald Darmanin affirmant qu'il s'agissait là d'une ligne rouge à ne pas franchir. Un gouvernement Barnier censuré par son principal soutien, ce serait cocasse !

    Pour Michel Barnier, c'est donc un véritable casse-tête. Il aurait tenu tête à Emmanuel Macron ce mercredi 18 septembre 2024 et sa démission aurait été évoquée, tout cela au conditionnel, mais c'est très crédible puisque Michel Barnier, l'air de rien, avait tenu tête au tonitruant Boris Johnson lors des interminables négociations du Brexit. Michel Barnier, à 73 ans, n'a pas grand-chose à perdre et peut ainsi peser de tout son poids politique et personnel.

     

     
     


    Et ce poids est fort... surtout depuis la publication, le 17 septembre 2024, du sondage réalisé par l'IFOP-Fiducial pour "Paris Match" et Sud Radio (un échantillon de 1 003 personnes représentatives, interrogées du 12 au 14 septembre 2024), un classique baromètre de popularité politique. À la question "Avez-vous une bonne ou une mauvaise opinion de cette personnalité ?", Michel Barnier arrive... à la première place avec 57% de bonnes opinions ! Devant Édouard Philippe (55%), Gabriel Attal (54%), Jean Castex (54%) et Rachida Dati (48%). J'écris "bonnes opinions" pour simplifier mais il faut comprendre le total des "bonnes" et des "très bonnes" opinions exprimées par les personnes sondées.

    Il faut évoquer un petit peu ce sondage assez étonnant. En gros, la plupart des personnalités politiques, même des "has been", ont fait un bond de 5 à 10 points de bonnes opinions, même des personnalités de gauche. Gabriel Attal a fait un bon de 8 points, Bernard Cazeneuve de 10 points, même François Hollande a fait un bond de 8 points ! Bruno Le Maire aussi de 10 points, François Bayrou de 9 points, etc.
     

     
     


    Parmi les nouveaux venus de ce tableau de bord, Michel Barnier (qui arrive dès le premier mois à la première place, cela avait été la même chose avec Nicolas Hulot il y a quelque temps), Jean Castex (très étrange bon score, sans doute en raison des Jeux olympiques et paralympiques qui se sont bien déroulés pour la RATP qu'il préside), et aussi Lucie Castets qui arrive avec déjà 39% de bonnes opinions, ce qui est déjà pas mal, ce qui est supérieur à Olivier Faure (38%), Raphaël Glucksmann (37%), Marine Tondelier (35%), Sandrine Rousseau (35%), Manuel Bompard (31%), Jean-Luc Mélenchon (30%), etc.
     

     
     


    Avec la 23e place, Lucie Castets devrait d'ailleurs être contente d'exister et d'être devant son ancienne patronne, Anne Hidalgo à la 37e place (33%) et surtout Emmanuel Macron à la 44e place (31%). Quant à Jean-Luc Mélenchon, à la 46e place, il est la personnalité qui recueille le plus de "très mauvaises opinions" (40%) ex aequo avec Éric Zemmour, devant Marine Le Pen (33%), Emmanuel Macron (33%), Marion Maréchal (29%) et Jordan Bardella (28%).

    Ce sondage ne donne pas grand-chose sur les prédictions d'une éventuelle élection présidentielle anticipée, mais permet au moins à Michel Barnier de peser politiquement dans la composition du gouvernement face au Président de la République car il jouit d'une relative popularité, celle d'un préjugé favorable face à l'inconnu. Ce sera aussi son assurance-vie à l'Assemblée Nationale, car les députés devront bien réfléchir avant de censurer un Premier Ministre populaire.



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    Sylvain Rakotoarison (18 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (47) : le dur accouchement du gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (46) : les socialistes entraînés dans la destitution...
    Gérard Larcher, protecteur des institutions.
    "À vendre" Lucie Castets 9 000 €/mois !
    Législatives 2024 (45) : Michel Barnier, le choix de l'apaisement.
    Législatives 2024 (44) : l'introuvable Premier Ministre.
    Édouard Philippe massivement candidat.
    Législatives 2024 (43) : Haro sur le Beaudet !
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    Législatives 2024 (41) : intérêt national et mode de scrutin.
    Législatives 2024 (40) : Patrick Cohen a raison !
    Législatives 2024 (39) : Consultations et mains tendues !
    Législatives 2024 (38) : la coconstruction du Premier Ministre.
    Législatives 2024 (37) : stupide chantage à la destitution !
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
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    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
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    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
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    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240918-barnier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-47-le-dur-256831

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/18/article-sr-20240918-barnier.html