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  • Le génie olympique français !

    Le patriotisme, c'est de savoir communier avec tous ceux qui contribuent au rayonnement de la France dans le monde, et à l'évidence, c'était le cas pour cette cérémonie d'ouverture hors de toutes les normes. Comment croire au patriotisme des prétendus patriotes qui, au lieu de simplement aimer la France, dénigrent matin midi et soir la France et ceux qui la font rayonner ?




     

     
     


    L'art, c'est toujours révolutionnaire. Et ce qui s'est passé lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques et paralympiques le 26 juillet 2024 à Paris restera dans la mémoire collective mondiale pendant très longtemps. D'abord, parce que le spectacle grandiose d'hymne à la fois à la France, à Paris mais aussi à l'universalisme, et cela sans arrogance française, a donné aux peuples du monde une idée du génie français, pas toutes ses facettes, trop nombreuses, mais quelques facettes intéressantes.

    La vasque s'envolant dans le ciel de Paris, la Seine guidant les équipes olympiques, la Tour Eiffel, bien sûr, comme phare de référence, et même la pluie battante, j'y reviendrai à la fin.

    Ensuite, au-delà du grandiose, il y a l'originalité, l'idée que les Français, c'est un peuple qui n'a pas peur de ses libertés, qui n'a pas peur de se moquer de lui-même, qui n'a pas peur d'être léger malgré les graves problèmes d'actualité qu'il côtoie, c'est un peuple qui sait se divertir, et qui sait divertir les autres peuples, dans une sorte de globalité qui fait respirer le monde.

    Les polémiques sur une petite scène, que certains ont cru voir La Cène, sont finalement amusantes. Ces faiseurs de polémiques se trompent de sujet. Ils sont aigris. Ce qui rassurent, c'est que ce sont toujours les mêmes, en France mais aussi dans le monde, qui dénigrent, fustigent, condamnent le génie français (trumpistes, zemmouriens, poutiniens, mélenchonistes, etc.), et ces polémiques renforcent en quelque sorte cet art qui n'était pas de la subversion ni de la provocation, mais simplement de la légèreté et de la créativité. Une simple mise en perspective. Sans idéologie d'arrière-boutique !

    Bien sûr, pendant ces quatre heures de spectacle, il y a eu mille symboles, mille références, parfois contradictoires, mille clins d'œil. Mais peut-être à cause des polémiques, ce qui en est le plus ressorti est ce qui était le plus souriant, le plus léger, le plus rigolard, de cet humour potache français que Goscinny a su si bien incarner dans Astérix, cet esprit français.

     

     
     


    J'ai nommé Philippe Katerine déguisé en Schtroumpf à poil, recouvert d'un bleu peau déconcertant, allongé dans le pur style de la décadence romaine dans un plat de banquet pour chanter un hymne au naturisme, un hymne pacifique, écologiste, pour l'égalité, la liberté, la fraternité. Pas de quoi casser la patte à un canard, même quand on est catholique pratiquant !
     

     
     


    Inutile de rappeler (je l'ai déjà fait) que la scène a été plus inspirée par "Le Festin des dieux" de Jan van Bijlert que par "La Cène" de Léonard de Vinci, avec l'idée d'évoquer Apollon et Dionysos, somptueux banquet des dieux de l'Olympe avec ce jeu de mot (qui n'en est pas un, en fait) faisant référence aux Jeux olympiques (y aura-t-il la prochaine fois des dieux éclopés de la Paralympie ?).
     

     
     


    Pour preuve de l'innocence artistique des auteurs du spectacle, leur directrice de communication Anne Descamps a accepté de présenter ses excuses le 28 juillet 2024, sans hésiter, car la provocation n'était pas dans leur intention et donc, leur ego d'artiste n'est pas atteint avec ces excuses : « Clairement notre intention n’était pas d’afficher un manque de respect à quelque groupe religieux que ce soit. À l’inverse, notre intention était de montrer de la tolérance et de la communion. Si des gens ont été offensés, nous nous en excusons. ».

    Les râleurs sont bruyants mais ne sont pas nombreux puisque, selon les sondages, autour de 85% des sondés ayant regardé le spectacle l'ont applaudi, aimé, en ont été émus, si ce n'est fascinés (même si, bien sûr, ils n'ont pas tout aimé). Nos amis les Chinois, en tout cas, n'ont pas été aveugles et l'effigie de Phlippe Katerine dans sa nudité bleue fait désormais des ravages dans les réseaux sociaux !
     

     
     


    Beaucoup de dessins, de compositions, reprennent l'idée, avec évidemment la référence française, il y a même des plats à déguster, des pâtisseries qui sont maintenant des Philippe Katerine. Il devrait faire un tour en Chine après les JO, il ferait un tabac ! Pour rappel, la Tour Eiffel était une horrible tour en ferraille, capable de montrer le génie français mais qui a eu de nombreux détracteurs français voire parisiens, et aujourd'hui, elle est le symbole tant de Paris que de la France. Je doute que le Philippe Katerine bleuté ait une aussi belle destinée historique (j'espère que ce n'est pas le cas pour sa vie à venir, car il n'est pas une tour en ferraille), mais cela montre bien les mécanismes de l'art : il doit surprendre, émouvoir, interroger, voire choquer pour qu'il s'inscrive dans un mouvement utile et original. Pas la peine de ressasser les vieilles lunes académiques, on les connaît déjà. En revanche, l'art avant-gardiste, qui sera classique dans quelques décennies, doit savoir s'accrocher face aux réactions parfois hostiles sinon affligeantes de certains qui y mettent plus leurs aigreurs d'estomac que leur sens critique.
     

     
     


    En particulier, Esteban Grine, un internaute a transféré sur Twitter quelques images amusantes de l'effigie de Philippe Katerine que son épouse en Chine a découvertes, j'ai trouvé aussi une vidéo, des pâtisseries, de la pâte à modeler... Désormais, le Schtroumpf bleu est à la mode, sans pour autant savoir si l'hymne au naturisme a été correctement traduit aux Chinois qui, dans tous les cas, se montrent certainement plus ouverts que Vladimir Poutine qui a fait censurer ce passage.
     

     
     


    Je termine cette évocation par un autre génie français, incarné depuis 2012 par François Hollande qui a démarré son quinquennat en pleine pluie, et qui l'a poursuivi avec de nombreuses cérémonies pluvieuses. Il n'est plus à l'Élysée mais il a dû porter la poisse par sa présence car la pluie très forte est tombée sur Paris et sur le spectacle d'ouverture pendant les quelques heures. Il faut donc remercier et saluer les milliers d'artistes qui ont, malgré tout, accepté de se produire sur cette pluie, les échos de ceux-ci après le spectacle étaient parfois dégoulinants (j'étais tout mouillé !), et il faut aussi saluer les spectateurs qui ont regardé pendant plusieurs heures sous la pluie, même les ministres (démissionnaires) n'étaient pas protégés par un préau, si bien que l'un d'eux a confié qu'il était trempé jusqu'au slip.

    Les humains ne sont pas en sucre et s'en sont remis. Toutefois, ce n'est pas le cas pour les instruments de musique, pianos, violons, altos, violoncelles, contrebasses, etc., sous cette pluie battante. Cela a même alerté plus d'un téléspectateur. Quel gâchis de voir ces instruments s'abîmer sous la pluie ! "Le Monde" a sorti un article le 30 juillet 2024, signé de Marie-Aude Roux, qui est allé un peu plus loin sur cet exploit.


    Quelques heures avant le spectacle, les musiciens de l'Orchestre national de France, un des deux grands orchestres de Radio France avec l'Orchestre Philharmonique de Radio France, avaient protesté car l'organisation n'avait pas assuré qu'ils seraient couverts d'un toit ou préau. Il s'est alors passé cette transaction : les musiciens allaient ranger leur instrument personnel qu'ils chérissent, et joueraient avec des instruments en fin de vie, bas de gamme, destinés à la pédagogie, qui peuvent être abîmés par la pluie, prêtés par l'Orchestre de Paris qui jouait aussi lors de la scène de la Conciergerie. L'Orchestre de Paris jouait avant l'Orchestre national de France et était à la Cour de Cassation, tandis que le second était basé au Trocadéro.
     

     
     


    La clef, c'est que toute la musique de ces orchestres a été préenregistrée préalablement, et c'est la musique enregistrée que les téléspectateurs ont entendue lors de la Marseillaise, de Carmen ou encore à la fin (Aya Nakamura et Lady Gaga étaient également en play-back ; en revanche, pas Céline Dion qui a été grandiose et majestueuse malgré sa maladie, du haut de la grande Tour).

    Les musiciens de l'Orchestre national de France ont donc bien joué en direct, mais seuls les spectateurs près d'eux ont pu entendre leur musique. L'article du quotidien précise : « Lestés d'oreillettes, les musiciens se sont surtout employés à respecter les clics et les tops afin que tout soit bien synchronisé à l'image. "Je sais bien qu'ils étaient en fin de vie, mais j'ai quand même une petite culpabilité vis-à-vis de ces instruments sacrifiés", glisse la musicienne, heureuse d'avoir pu, avec ses collègues, "transformer ce moment de galère en souvenir inoubliable". ».


    Un souvenir malheureusement qui n'a pas été retransmis en images en raison de loupés de la réalisation, de nombreux plans ont été oubliés par rapport aux objectifs initiaux, en particulier ceux montrant les musiciens, qui ont pourtant fait de nombreuses répétitions auparavant pour ces quelques images... oubliées. Et l'article finit : « Certains ont dû jeter leur paire de chaussures trop détrempée, tandis que les habits de concert filaient au pressing. Mais tous savent que la fête était belle et ils sont heureux d'y avoir participé. ».
     

     
     


    Ce n'est qu'une petite partie de notre génie olympique, puisque le véritable génie olympique, ce sont les médailles de nos athlètes qui, décidément, comme les artistes à l'ouverture, font honneur à la France qui se classe, ce mercredi 31 juillet 2024, après à peine cinq jours de compétition, en deuxième position sur 206 pour le nombre de médailles (26), juste derrière les Américains (29), et en première position pour les médailles d'or (8), à égalité avec la Chine (8) et le Japon (8), devant l'Australie (7). Cela n'a duré que l'espace de quelques minutes car une sportive chinoise a obtenu peu de temps après une neuvième médaille d'or pour la Chine redevenant la première nation olympique.
     

     
     


    Parmi les sportifs qui font honneur à la France, citons (sans être exhaustifs) le nageur Léon Marchand (trois médailles d'or, dont deux records olympiques du 400 mètres quatre nages et du 200 mètres brasse) et la triathlète Cassandre Beaugrand (première médaille d'or olympique de triathlon française). Le génie français, c'est aussi de faire passer des épreuves dans la Seine ! Vive la France ! (et vive le reste du monde qui le vaut bien aussi !).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (31 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le génie olympique français !
    Festivité !
    Ouverture des Jeux olympiques : Paris tenu !
    Amélie Oudéa-Castéra se baigne dans la Seine : Paris tenu !
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Adèle Milloz.
    Éric Tabarly.

    Coupe de France de football 2023 : victoire de Toulouse ...et d'Emmanuel Macron !
    France-Argentine : l'important, c'est de participer !
    France-Maroc : mince, on a gagné !?
    Qatar 2022 : vive la France, vive le football (et le reste, tant pis) !
    Après la COP27, la coupe au Qatar : le double scandale...
    Vincent Lindon contre la coupe au Qatar.
    Neil Armstrong.
    John Glenn.
    Michael Collins.
    Thomas Pesquet.
    Youri Gagarine.
    Le burkini dans les piscines.
    Les seins nus dans les piscines.
    Roland Garros.
    Novak Djokovic.
    Novax Djocovid.
    Jean-Pierre Adams.
    Bernard Tapie.
    Kylian Mbappé.
    Pierre Mazeaud.
    Usain Bolt.



     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240731-genie-olympique-francais.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-genie-olympique-francais-256133

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/31/article-sr-20240731-genie-olympique-francais.html



     

  • Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !

    « Je voudrais rappeler que le Sénat, donc chacune et chacun d’entre nous, a une responsabilité particulière de préservation des institutions et de protection des libertés dans la période qui s’ouvre. Je veillerai à ce que notre assemblée exerce ses prérogatives en toute indépendance et avec responsabilité, qu’il s’agisse de ses compétences en matière législative ou de ses pouvoirs de contrôle. » (Gérard Larcher, le 18 juillet 2024 au Sénat).



     

     
     


    L'ouverture de la XVIIe législature n'a pas seulement concerné les députés de l'Assemblée Nationale, mais aussi les sénateurs du Sénat (renouvelé en septembre 2023). En effet, en raison de la dissolution puis des élections législatives anticipées (et en l'absence d'une session ordinaire), une session parlementaire extraordinaire est obligatoirement provoquée pour installer la nouvelle Assemblée Nationale à partir du deuxième jeudi suivant le second tour (troisième alinéa de l'article 12 de la Constitution), soit le jeudi 18 juillet 2024, pour une durée de quinze jours (jusqu'au 1er août 2024 inclus). Autant que l'Assemblée, le Sénat devait donc se réunir le même jour. En conférence des présidents pour fixer l'ordre du jour, vide a priori, il a été donc décidé de faire un débat parlementaire sur la situation politique (un représentant de chaque groupe politique prenant la parole dans l'ordre décroissant de l'importance des groupes) et de ne plus se réunir jusqu'à la fin de cette session spéciale sauf en cas de nécessité.

    C'était la teneur du message du Président du Sénat Gérard Larcher ce jeudi 18 juillet 2024 à 15 heures 30 : « Mes chers collègues, la conférence des présidents s’est réunie tout à l’heure, en l’absence du gouvernement, démissionnaire. Elle n’a donc pas fixé d’ordre du jour pour la session de droit. (…) Nous attendrons la désignation du nouveau gouvernement de plein exercice pour fixer le calendrier des semaines du premier trimestre de la session. ».

    Et de proposer ainsi un débat contradictoire : « Mes chers collègues, compte tenu du contexte, la conférence des présidents a décidé d’organiser un temps d’expression des groupes sur la situation politique, en prévoyant l’intervention d’un orateur par groupe et d’un représentant des sénateurs n’appartenant à aucun groupe. ».


    Comme déjà lors de la législature précédente (2022-2024), puisque aucune majorité absolue n'avait (déjà) été observée à l'Assemblée Nationale, les sénateurs ont effectivement un rôle important de gardiens de la stabilité institutionnelle et de facilitateurs du processus législatif dès lors qu'aucune majorité, même relative, n'est connue à ce jour au sein des députés.

    Je propose ainsi un petit aperçu des orateurs des principaux groupes politiques du Sénat sur la situation politique de la France à l'issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024. On ne s'étonnera évidemment pas que les partis d'opposition s'opposent au Président Emmanuel Macron, parfois avec des arguments assez peu constructifs et souvent stériles.

     

     
     


    Premier à parler en raison de l'importance de son groupe, Bruno Retailleau, président du groupe LR, a largement fustigé la responsabilité du Président de la République dans cette situation surréaliste et impossible : « L’exercice auquel nous allons nous livrer cette après-midi témoigne d’un grand désordre : il n’y a pas de majorité à l’Assemblée Nationale ; il n’y a pas de Premier Ministre ; il n’y a pas de ministre au banc du gouvernement, qui reste vide ; il y a seulement un gouvernement démissionnaire, qui est chargé d’expédier les affaires courantes. À mon sens, ce grand désordre est à l’image de la voie sans issue dans laquelle le Président Macron a conduit le pays. ».

    Pour lui, deux causes à cette impasse. D'une part, Emmanuel Macron : « Quelques mois après la première élection de M. Macron à la Présidence de la République en 2017, j’avais écrit dans une tribune que le macronisme était non pas un hypercentrisme, mais un égocentrisme. Comment comprendre la dissolution en dehors de cette analyse ? Comment expliquer cette inexplicable décision sans tenir compte de cet élément ? Bien entendu, personne ne s’y attendait : le Général De Gaulle disait qu’une dissolution était faite pour résoudre une crise, non pour en provoquer une… ».

    Ainsi, le Président est devenu le « grand ordonnateur du front républicain. Ce dernier cependant ne règle rien pour l’avenir, car un rejet n’est pas un projet. Fort heureusement, les Français ont clairement indiqué qu’ils ne faisaient pas confiance au Rassemblement national pour gouverner la France. Toutefois (…), on aurait tort de balayer d’un revers de main les angoisses et les attentes exprimées par des millions de Français, notamment au premier tour des élections législatives. ».


    D'autre part, le tripartisme « constitué par un bloc central et deux ailes radicales » : « Le tripartisme est un poison, tant pour la démocratie, parce qu’il sous-entend qu’il n’y a d’autre alternance que radicale, que pour la Ve République, qui est conçue pour le fait majoritaire. En effet, lorsque le paysage politique est divisé en trois, il n’y a pas de majorité. Aujourd’hui, il n’y a plus de majorité : la démocratie est comme placée en pause et la République est sous la pression de M. Mélenchon, dont les affidés appellent à marcher sur Matignon et dont les supplétifs voudraient que l’on place aujourd’hui l’Assemblée Nationale sous surveillance. Est-ce acceptable ? Bien sûr que non ! ».

    Conformément à son origine gaulliste, Bruno Retailleau attendrait donc tout du Président : « Le Président de la République reste la clef de voûte de nos institutions. Il doit désormais formuler des propositions pour sortir du chaos. Il détient les clefs institutionnelles, au moins certaines d’entre elles. Que peut-il faire ? Certainement pas nommer un Premier Ministre issu des Insoumis, qui, je le répète à cette tribune, se sont par eux-mêmes retranchés de l’arc républicain, en défendant un antisionisme qui est malheureusement parfois le masque peu convenable de l’antisémitisme ou en méprisant les institutions, notamment en prônant la "haine des flics" et la désobéissance civile, c’est-à-dire rien d’autre que l’appel à désobéir à la loi que nous votons ! Ils expriment également une fascination pour la violence, théorisée par Chantal Mouffe. Je cite M. Mélenchon : "Il faut faire d’un peuple révolté un peuple révolutionnaire". Or nous savons ce que donnent les révolutions : la guerre civile ! (…) Je ne confonds pas cette gauche-là avec la gauche républicaine qui siège au Sénat. Je sais parfaitement que celle-ci a la République chevillée au corps. ».


    Ces deux dernières phrases pourraient laisser entendre que le groupe LR au Sénat serait favorable à une grande coalition allant du PS à LR, mais ce n'est pas le cas : « Je ne crois pas à une grande coalition. Une grande coalition, c’est le mariage des contraires, c’est la parousie du "en même temps". Il me semble au contraire que c’est dans la clarté que nous devons travailler pour la France. En revanche, dans ces moments, il faut en revenir aux grandes leçons de l’histoire. Quand la politique est affaiblie comme aujourd’hui et qu’elle se révèle incapable de tenir les rênes de l’État ou le destin des Français, il faut parfois sortir de la logique des partis. ».

    Son esquisse de solution serait la nomination d'un gouvernement de techniciens : « Quelques évidences s’imposent. La première, c’est que selon la Constitution de la Ve République, la nomination du Premier Ministre revient non pas aux partis, mais au Président de la République. Deuxième évidence : j’ai proposé de décaler le point de vue. Plutôt que de choisir un profil parmi les partis politiques, il vaudrait sans doute mieux désigner une personnalité non seulement technique ou issue de la société civile, mais qui, par son aura et sa stature, ait le sens de l’État et connaisse bien ses rouages. J’ai proposé que cette personne ait fait autre chose qu’un bref passage dans l’administration et qu’elle ait l’intérêt général chevillé au corps. Les candidats ayant ce type de profil existent. ».


    Pour quoi faire ? Quelques actes forts : « Nous pourrions nous mettre d’accord, mes chers collègues, sur un agenda législatif, car il nous faut éviter le chaos pour la France, y compris en matière financière. Le premier acte législatif, ce sera le budget. Or, en cas de crise financière, ce ne sont pas les plus riches qui souffrent le plus. Au contraire, en général, ce sont les plus modestes ! Il existe donc un passage. Il appartiendra au Président de la République de l’emprunter. ».

    Le dernier point du discours de Bruno Retailleau, c'était pour redire l'importance du Sénat en cette période troublée : « Au milieu de ce champ de ruines se tient le Sénat. La Haute Assemblée est debout (…) et constitue un amer, un repère, un pôle de stabilité (…). Soyons, mes chers collègues, la chambre de la démocratie du grand jour et non celle de la démocratie des combinaisons d’arrière-couloir ou des manigances d’arrière-boutique. (…) L’Assemblée Nationale pourra dire non, mais jamais elle ne pourra dire oui. Seul le Sénat dispose d’une majorité permettant de faire peut-être passer des textes. Au milieu de cette agitation et de cette confusion, le Sénat dans son ensemble (…) devra incarner ce qui manque peut-être actuellement le plus à notre pays : la force de l’équilibre, la puissance de la stabilité, mais aussi la voix de la raison. ».

     

     
     


    Le deuxième orateur était l'ancien ministre Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat. Lui non plus n'a pas mâché ses mots contre Emmanuel Macron : « Outre une débâcle électorale pour le camp présidentiel, c’est un véritable chaos démocratique dans lequel nous avons été plongés le 9 juin dernier, par le caprice vengeur d’un homme vexé. Le "maître des horloges" est devenu un enfant roi qui a cassé son jouet, la République. Rien d’étonnant, me direz-vous. C’est ce même Président de la République qui a voulu enjamber l’élection présidentielle en 2022 et escamoter les élections législatives qui ont suivi. C’est le même qui a brutalisé les institutions du pays et qui a voulu les contourner avec des gadgets improductifs : le fameux grand débat, les conventions citoyennes, le Conseil national de la refondation (CNR) ou encore les rencontres de Saint-Denis… Tout cela au lieu d’écouter le peuple qui souffrait et qui grondait. ». Cette dernière phrase est peu pertinente puisque justement, par la dissolution, Emmanuel Macron a fait appel à la parole du peuple en lui redonnant l'initiative.

    Un peu plus tard, il revenait avec son aigreur d'antimacroniste primaire : « Est-il acceptable qu’un homme seul, fût-il Président de la République, puisse fragiliser nos institutions, y compris en jouant à la roulette russe la prise de pouvoir par l’extrême droite ? C’est pourtant un Président de la République élu par défaut, grâce à un front républicain qu’il a balayé d’un revers de main en 2017, qu’il a écarté d’un autre revers de main en 2022 et qu’il néglige en 2024. ».


    Mais Patrick Kanner a regretté qu'une part importante du peuple s'en est remise au RN : « Ce sont désormais 12 millions de nos concitoyens qui, de peur du déclassement, de la relégation et de l’isolement, votent pour l’extrême droite, et cela de plus en plus par adhésion, et par une adhésion assumée. (…) Désormais, des millions d’électeurs sont convaincus que le RN est la seule solution de rechange. À force de ne vouloir débattre qu’avec le RN, le désavoué Emmanuel Macron a installé dans l’esprit des Français l’idée mortifère que le couple Le Pen-Bardella était le seul opposant efficace à sa politique. ».

    C'est pourtant bien la gauche qui, en se désistant avec le bloc central, a précipité, par le front républicain, cet état de fait : « Le front républicain a guidé notre action dès le lendemain du premier tour. Il a permis d’éviter le pire avec le soutien des deux tiers de nos concitoyens. (…) Aucune porosité avec l’extrême droite ne saurait, à nous, être reprochée. ». Pourtant, les actes et comportements à l'Assemblée entre 2022 et 2024 ont prouvé le contraire.


    Ce qu'a proposé Patrick Kanner, c'était un gouvernement NFP alors que le NFP n'a pas de majorité, et un bouleversement des institutions alors qu'elles permettent, au contraire, de préserver une certaine stabilité du pays face à la confusion des partis.
     

     
     


    Le troisième orateur est Hervé Marseille, le président du groupe centriste (UC) au Sénat, qui accueille aussi bien des sénateurs favorables au pouvoir macroniste qu'opposants à lui : « Le 7 juillet au soir, j’en ai entendu certains dire que le Nouveau front populaire était majoritaire. Je n’ai pas la même lecture des résultats. Au demeurant, l’élection au perchoir de l’Assemblée Nationale, ce soir, nous éclairera sur le sujet… J’en ai entendu d’autres dire que l’exécutif qui gouverne depuis 2017 serait fautif de tout, puisqu’il a dissous. Certes, mais il a tout de même eu le bon goût de ne pas proposer de candidats face à 60 candidats de la droite et du centre ! Ceux-ci ont donc bénéficié, cela a déjà été rappelé, des voix de gauche au second tour, et vice-versa, le désistement des candidats de la droite et du centre ayant également permis l’élection de députés de gauche dans le cadre de l’arc républicain. C’est dire que les résultats doivent être étudiés avec une certaine retenue et beaucoup de modestie. ».

    Le centriste a eu également raison de rappeler que l'absence de majorité (et donc que la situation impossible) ne provient pas d'Emmanuel Macron mais avant tout du vote des électeurs : « La dissolution a eu lieu. Les Français ont voté. Et, pour la première fois depuis 1962, ils n’ont pas désigné de majorité à l’Assemblée Nationale, même relative. Dès lors, nous devons nous poser deux questions bien précises : qui peut gouverner ? Pour quoi faire ? ».

    Qui peut gouverner : « Tout d’abord, nous devons trouver une majorité de gestion au sein de l’Assemblée Nationale qui soit la plus homogène possible. Rien qu’en matière de politique étrangère, le gouvernement doit pouvoir parler d’une seule voix. Que dirons-nous demain sur l’Ukraine, sur Israël ou encore sur le nucléaire ? Un gouvernement suppose une certaine affectio societatis entre ses membres, ce qui invalide d’emblée la France insoumise (LFI), qui est en porte-à-faux avec ses propres alliés sur nombre de sujets. Ensuite, parmi toutes les forces composant la nouvelle Assemblée Nationale, peu sont enclines à donner des postes de responsabilité gouvernementale aux extrêmes. La plupart partagent l’attachement aux valeurs républicaines et à l’Union Européenne. Collectivement, elles peuvent rassembler tous ceux qui refusent un gouvernement comportant des extrêmes. Les forces de l’arc républicain rassemblent les partis traditionnels de gouvernement. Or un parti de gouvernement, à ma connaissance, c’est fait pour gouverner ! (…) Il s’agirait d’une coalition allant des Républicains aux sociaux-démocrates. L’avenir de notre pays se joue plus que jamais autour du bloc central, en opposition aux extrêmes. Le problème, c’est que la culture politique française est peu habituée à cet exercice. ».

    Pour trouver un modèle historique, Hervé Marseille a ressorti une expérience originale de la Troisième République : « Il y a eu au moins un précédent fameux, celui de Waldeck-Rousseau, qui constitua en 1899 un gouvernement de défense républicaine dans le contexte de l’affaire Dreyfus. Ce gouvernement rassemblait des modérés, des radicaux et des libéraux. C’est à lui que nous devons l’installation définitive de la République dans notre pays. Nous sommes aujourd’hui dans une situation comparable. Il n’y a pas d’autre issue qu’une coalition de défense républicaine pour traiter urgemment les maux dont souffre notre société. (…) Les extrêmes n’apportent aucune solution. Les propositions les plus structurantes avancées par le RN, soit sont inconstitutionnelles, soit relèvent de l’Europe. Le programme du Nouveau front populaire, quant à lui, est mortifère pour notre économie. ».

    Pour quoi faire : « Je pense au pouvoir d’achat et au logement, bien sûr. Je pense également à l’accès aux services publics ou à la santé. Enfin, les Français ne supportent plus l’impuissance de l’État. Il y a des sujets pour lesquels on ne peut plus tergiverser. C’est le cas de l’immigration irrégulière, de la laïcité et de la sécurité, en particulier la violence des mineurs. Il faudra avoir le courage de prendre des mesures pour apporter une réponse pénale plus rapide. Idem concernant les finances publiques et la dette. (…) On ne retrouvera vraisemblablement pas le chemin de l’équilibre sans à la fois réaliser des économies et trouver de nouvelles ressources. Ne pas le dire, ne pas le relever, c’est mentir ! N’oublions pas non plus la Nouvelle-Calédonie et Mayotte, laissées seules face à elles-mêmes en ce moment, dans de terribles souffrances. Sur l’ensemble de ces sujets, nous avons une obligation de résultat. Nous ne pouvons pas échouer, car, dans ce cas-là, je ne donne malheureusement pas cher de notre avenir. Si nous ne nous montrons pas à la hauteur de l’enjeu, nos lendemains seront très difficiles. ».


    Fidèle au centrisme, Hervé Marseille a également prôné le scrutin proportionnel et le « retour réfléchi du cumul des mandats ». Si le second point serait un avantage pour remettre les députés au plus près des réalités que vivent les Français, le premier point, au contraire, les éloignerait forcément en laissant tout pouvoir à la cuisine politicienne des partis.

    Comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau, Hervé Marseille voit le Sénat comme le moteur de la stabilité et de la construction de la loi : « En 2022, avec une majorité relative, nous avons redécouvert qu’il était non seulement possible, mais même nécessaire de se parler, de s’écouter, de négocier et de faire des compromis pour adopter des textes. Ici, au Sénat, nous savons faire cela ! Aujourd’hui, il nous faut aller plus loin et déployer plus que nous ne l’avons jamais fait des trésors de pragmatisme et d’esprit de consensus. Il nous faut expérimenter un système dans lequel le Parlement revient au cœur de la vie politique du pays. Nous devrons être véritablement moteurs, force d’initiative et de proposition. (…) Il va falloir momentanément oublier les intérêts personnels et partisans pour accepter une plate-forme minimale dans l’intérêt du pays. C’est un comportement qui est courant en Europe et qui respecte les citoyens. Comme l’a dit à l’instant notre Président, nous avons à cet égard une immense responsabilité. ».

     

     
     


    Quatrième orateur dans l'ordre d'importance des groupes, François Patriat représentait les sénateurs macronistes dont il préside le groupe : « Nous vivons une situation inédite : par leur vote, les Français se sont prononcés pour trois blocs, dont deux extrêmes aux politiques inapplicables. C’est ce tripartisme qui redonne aujourd’hui la parole au Parlement. Vous ne devriez pas vous en plaindre, d’ailleurs, mes chers collègues. C’est un revers pour la majorité sortante. Nous en prenons acte. Pour autant, ce n’est une victoire pour personne. D’une part, les Français ont refusé le national-populisme, d’autre part, malgré ses affirmations, le Nouveau front populaire n’a pas gagné : c’est le front républicain qui a gagné. Avec plus de 10 millions de voix en sa faveur, le Rassemblement national reste aux portes du pouvoir, tandis que, pour certains d’entre nous, le pilonnage permanent du chef de l’État fait office d’unique programme politique. ».

    Parmi ses préconisations : « Les politiques responsables ne doivent pas être tétanisés par la perspective de l’élection présidentielle au point de refuser d’assumer, dès à présent, leurs responsabilités. La guerre fait rage en Europe, le risque terroriste plane toujours, les problèmes d’insécurité, de pouvoir d’achat et d’accès aux services publics demeurent au premier rang des préoccupations des Français. Avec la hausse des taux d’intérêt, la crise financière est à nos portes et le déclassement qui en résulterait serait un désastre, en particulier pour les plus défavorisés. La réponse politique doit être forte. Notre pays a besoin d’un programme d’action axé autour de trois priorités : préserver nos acquis économiques, accentuer la réponse régalienne et lutter pour plus de justice sociale. Ces priorités sont portées par l’ensemble des groupes politiques du Sénat, et je reste convaincu que les députés de l’arc républicain partagent ce diagnostic. En travaillant ensemble, en associant les partenaires sociaux et les forces vives économiques, sociales et culturelles, notre pays peut dessiner une ambition nationale. (…) Profitons de ce séisme politique pour bâtir un large rassemblement. J’appelle la gauche responsable et sociale-démocrate, les centristes, la droite républicaine et plus largement tous ceux qui portent les valeurs humanistes et universalistes et qui veulent protéger notre démocratie à œuvrer ensemble, pour bâtir une alliance protectrice de la République. ».

    Cinq autres orateurs ont ensuite succédé à François Patriat : Cécile Cukierman, présidente du groupe communiste, Claude Malhuret, président du groupe des indépendants, Maryse Carrère, présidente du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), Guillaume Gontard, président du groupe écologiste, et Christopher Szczurek au nom des non-inscrits.

    Faute de la présence d'un gouvernement, les sénateurs se sont séparés dans la soirée du 18 juillet et espéraient retrouver un fonctionnement normal à partir du 1er octobre 2024. Comme l'a montré ce débat, chacun a rappelé la position voire la posture de son parti, mais les sénateurs ont forcément un rôle à jouer pour encourager des partis très différents à gouverner provisoirement la France dans l'intérêt des Français.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240718-senat.html

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    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240718-senat.html



     

  • Gilberte Beaux, une grande dame qui sort des schémas classiques

    « Il faut aimer la vie. J'aime la vie (…). Quand on aime (…), on arrive toujours à faire des choses merveilleuses. La vie est fantastique ! » (Gilberte Beaux, le 26 juillet 2017).



     

     
     


    Gilberte Beaux fête son 95e anniversaire ce vendredi 12 juillet 2024. Il est très difficile de définir en deux mots qui est Gilberte Beaux. En ce qui me concerne, je la connaissais car elle était la "trésorière" de Raymond Barre, je ne sais pas trop sa fonction, peut-être conseillère économique aussi (les deux probablement) pendant sa campagne présidentielle de 1988.

    Si Gilberte Beaux n'est pas très connue du grand public, c'est parce qu'elle a tout fait pour être discrète, éloignée des médias. Son monde, ce n'était pas celui de la politique où, au contraire, il faut se faire connaître, il faut se promouvoir, il faut faire parler de soi, parfois lourdement, la notoriété étant un élément important dans une victoire électorale (c'est le chat qui se mord la queue : on est connu aussi parce qu'on est élu). Son monde, c'est celui de l'économie, celui de la gestion d'entreprises,celui des discussions feutrées, des négociations secrètes.

    Alors, on pourrait qualifier Gilberte Beaux de femme d'affaires, mais cela risque de faire oxymore, une femme peut être une bonne affaire, mais fait-elle de bonnes affaires ? Arg ! Stop ! J'arrête mon sexisme et si je suis un peu provocateur par le plaisir du jeu, c'est parce que Gilberte Beaux se sent (encore aujourd'hui) une femme libre, mais une femme libre parce qu'une femme forte, et à ce titre, elle s'inscrit dans la tradition des femmes fortes de sa génération, en particulier Simone Veil, mais aussi Marie-France Garaud (grande amie de Simone Veil).

    Encore un petit détour avec Marie-France Garaud (qui est morte récemment). Gilberte Beaux a eu, donc, sa période barriste, en gros toute la décennie des années 1980. Dès 1981, Raymond Barre a vu sa cote de popularité grimper en flèche au fur et à mesure que le gouvernement socialo-communiste vidait toutes les caisses de l'État. Les Français aiment bien les hommes d'État (et femmes d'État) mais seulement lorsqu'ils ne sont plus au pouvoir.

     

     
     


    L'un des préceptes du barrisme institutionnel, c'était sa conception très gaullienne de la Constitution, et à ce titre, Raymond Barre avait repris le flambeau de De Gaulle délaissé par Jacques Chirac prêt à foncer à Matignon (à l'époque, on faisait moins de chichi !) pour faire la première cohabitation. Raymond Barre, fidèle au dogme de la légitimité populaire sacrée par l'onction des urnes, considérait que le Président de la République devait démissionner s'il avait perdu les élections législatives. Au contraire, le président du RPR et futur candidat à l'élection présidentielle refusait d'exclure de gouverner et refusait d'engager un bras de fer avec François Mitterrand visant à le faire démissionner. À l'époque, j'étais à fond dans cette interprétation barriste, mais c'est l'interprétation pragmatique qui a finalement gagné (trois fois) en faisant même de la cohabitation un régime plutôt apprécié des Français car rétablissant une certain équilibre des institutions au sein de l'exécutif.

    Les gardiens du dogme gaullien étaient rares dans la classe politique, notamment parmi les gaullistes, mais on pouvait compter sur Michel Debré (le père de la Constitution, évidemment) et aussi sur Marie-France Garaud, conseillère spéciale de Georges Pompidou à l'Élysée et conservatrice réactionnaire, en quelque sorte (avant-c'était-mieux). Les deux avaient eu le courage de se présenter à l'élection présidentielle de 1981, probablement aidés dans leurs parrainages par les giscardiens pour disperser l'électorat de Jacques Chirac (à charge de revanche, ce dernier, lui, a encouragé ses militants à voter contre VGE au second tour !).

    Malgré son envie de discrétion, Gilberte Beaux s'est quand même engagée dans la bataille électorale... aux côtés de Marie-France Garaud puisqu'elles ont constitué une liste (Marie-France Garaud tête de liste) à Paris aux élections législatives du 16 mars 1986 qui étaient au scrutin proportionnel à l'échelle départementale. Sans investiture de grands partis politiques, cette liste était discrètement soutenue par... Raymond Barre qui cherchait à multiplier les députés purement barristes dans l'Assemblée de 1986 pour empêcher la cohabitation (la majorité très serrée a fait que les députés barristes, y compris le député de Lyon Raymond Barre, se sont finalement ralliés au gouvernement de Jacques Chirac pour ne pas être accusés d'être des diviseurs).

    En 1986, leur liste n'a pas obtenu de siège, mais elle a fait mieux que les écologistes, Lutte ouvrière, le MPPT, ou encore qu'une liste menée par Albert Jacquard. Bref, avec 23 701 voix, soit 2,6% des suffrages exprimés, la liste Garaud-Beaux s'est classée en sixième place sur seize listes, juste après les listes des partis bien établis : la liste RPR menée par Jacques Toubon, la liste PS menée par Lionel Jospin, la liste UDF menée par Jacques Dominati, la liste Rassemblement national (oui oui, pas FN mais RN = FN + CNI) menée par Jean-Marie Le Pen (et le député des concierges Édouard Frédéric-Dupont) et la liste PCF menée par Gisèle Moreau (qui n'a pas obtenu non plus de siège, au contraire des quatre premières). Malgré son concurrent Jacques Dominati, la liste Garaud bénéficiait du soutien des Corses de Paris, car Gilberte Beaux est d'origine corse (son nom de jeune fille est Gilberte Lovisi).
     

     
     


    Mais je m'égare dans cette voie politique qui n'était pas la sienne et sans doute cette candidature en 1986 a été téléguidée par Raymond Barre et elle ne pouvait pas la lui refuser. Revenons surtout à son parcours professionnel qui est loin d'être ordinaire. S'il fallait le résumer avec des noms, on pourrait le résumer étrangement avec deux noms : Jimmy Goldsmith et Bernard Tapie !

    L'encyclopédie en ligne Wikipédia la considère comme « une personnalité du monde des affaires en France, des années 1960 aux années 1990, et une dirigeante d'entreprise » et ajoute : « Elle a été l'associée discrète de deux personnalités flamboyantes du milieu financier et entrepreneurial de ces décennies, Jimmy Goldsmith puis Bernard Tapie, chargée par eux de la bonne gestion des sociétés dont ils s'emparaient. Elle incarne aussi une époque de l'histoire du capitalisme, et du management en entreprise, où il était encore possible à une personne entrant comme dactylo de gravir tous les échelons et de devenir le dirigeant d’un groupe international. ».

    Quand on regarde son origine familiale, un père qui a eu une faillite, on peut y voir un point commun avec Raymond Barre dont le père aussi a été socialement humilié par la faillite de son entreprise. Juste après la guerre qu'elle a passée adolescente avec sa famille à Marseille, la future Gilberte Beaux (elle s'est mariée en 1951 avec Édouard Beaux et est devenue veuve en 1995) a appris la sténodactylographie et a commencé à travailler très jeune dans une banque au plus bas des échelons afin de payer les études de son frère. Au bout de dix ans, par une volonté de fer (et un management particulièrement à l'écoute), elle a grimpé tous les échelons de la banque jusqu'à en devenir une fondée de pouvoir ! Une évolution aujourd'hui quasiment impossible à imaginer où les diplômes et recommandations sont bien plus nécessaires qu'à la sortie de la guerre où beaucoup d'emplois manquaient de titulaires.

    Fort de cette expérience déjà exceptionnelle au milieu des années 1950, Gilberte Beaux a poursuivi dans d'autres entreprises, le groupe automobile Simca, dont elle a géré la trésorerie par l'intermédiaire d'une autre entreprise, la Compagnie financière de Paris. Elle gérait des grands comptes, des investissements, des crédits, etc., réputée au point d'être nommée à la tête de l'Union financière de Paris et de la Société de gestion industrielle et financière.

    Et puis, ce furent ses rencontres dans la vie des affaires qui ont consolidé sa carrière financière. La première fut avec Jimmy Goldsmith dont elle est devenue le bras droit pendant une vingtaine d'années, entre 1967 et 1987. Elle a pris la tête de la Générale Occidentale, société holding du magma de la finance, qui a investi dans le secteur agro-alimentaire, en particulier en rachetant la Générale Alimentaire (marques Amora, Poulain, Maille, etc.). C'est elle qui négociait les prises de participation, les achats, les reventes et surtout la diversification économique du groupe.

    Fine négociatrice, elle a revendu tous les activités du secteur alimentaire au groupe BSN afin d'investir dans les médias et l'audiovisuel au milieu des années 1970 et début des années 1980 : si les tentatives de rachat dans la télévision se sont avérées décevantes (et ratées), la Générale Occidentale a réussi à racheter l'hebdomadaire "L'Express" en 1977 à son fondateur JJSS (qui avait besoin d'argent pour investir dans ses campagnes électorales très coûteuses et assez vaines), ainsi que les Presses de la Cité. Jean-François Revel a été alors nommé directeur de "L'Express" avec, pour rédacteur en chef, Olivier Todd (qui lui aussi vient d'avoir 95 ans, le 19 juin dernier), proche du PSU, et accueillant les réflexions écrites de Raymond Aron. Après le renvoi d'Olivier Todd et la démission, par solidarité, de Jean-François Revel en 1981, l'hebdomadaire a évolué vers la droite (historiquement, il était de centre gauche et mendésiste) pour combattre le gouvernement socialo-communiste après l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand.


    En 1987, ce fut la fin de l'idylle entre Jimmy Goldsmith et Gilberte Beaux, non qu'il y ait eu une mésentente professionnelle, mais parce que Jimmy Goldsmith a voulu vivre et se recentrer aux États-Unis et revendre toutes ses entreprises d'Europe. Gilberte Beaux a négocié alors le rachat de la Générale Occidentale par la CGE (Compagnie générale d'électricité), devenue ainsi propriétaire de "L'Express" (voir la première vidéo ci-dessous).

    À cette époque (lire plus haut), Gilberte Beaux était surtout occupée par son engagement politique derrière Raymond Barre, tout en présidant Basic, une société pétrolière au Guatemala, résidu de ses investissements antérieurs. Elle aurait pu dire qu'elle attendait ainsi une retraite déjà bien méritée, mais atteignant ses 60 ans, elle a relevé un nouveau challenge : Bernard Tapie est venu lui demander en 1990 de prendre la direction du groupe Adidas qu'il venait d'acquérir. Elle connaissait depuis une dizaine d'années Bernard Tapie pour avoir tenté de faire des affaires avec lui, mais sans résultat concret (Bernard Tapie était spécialiste des reprises d'entreprise en liquidation et de la valorisation et revente de leur actif).
     

     
     


    Pour Adidas, dont elle a présidé le directoire puis le conseil de surveillance jusqu'à sa revente (qu'elle a négociée) en 1994 au milliardaire Roger Louis-Dreyfus. Pour redresser financièrement Adidas (au bord de la faillite), Gilberte Beaux a revendu d'autres entreprises du groupe Tapie comme La Vie claire avec de fortes plus-values, puis a accompagné la revente d'Adidas, remis à flots en deux ans (revendu parce que son propriétaire a été nommé ministre) dont fut chargé le Crédit lyonnais (ce qui allait aboutir à une très longue affaire financière et judiciaire car le Crédit lyonnais a fait de très substantiels gains en cachant la valeur réelle d'Adidas).

    Cette revente a coïncidé à peu près avec la mort de son mari en 1995. Édouard Beaux avait acheté un ranch en Argentine et s'y était installé. Veuve, elle a découvert que la vie là-bas y était agréable et s'y est définitivement installée, commençant à près de 70 ans une nouvelle vie de paysanne argentine, du reste très appréciée localement pour avoir soutenu des opérations d'archéologie dans le coin. Ce qui est amusant, c'est que Marie-France Garaud et son collègue politique Pierre Juillet étaient eux aussi, à leurs heures perdues, des éleveurs de moutons dans la campagne profonde !

    Elle qui a passé une trentaine d'années à voyager dans le monde pour les affaires, se rendant sur tous les continents, Europe, Amérique, Asie, reconnaît cependant un trou dans sa raquette, elle ne connaît pas l'Australie ! Elle a été aussi nommée membre du Conseil Économie et Social (devenu CESE, avec Environnemental), pour lequel elle est partie au Japon pour une mission d'étude, qui a abouti à un rapport publié au Journal officiel : "Pour une politique européenne et française face au Japon" (popularisée par un ouvrage grand public : "La Leçon japonaise", ed. Plon). Elle a aussi publié son autobiographie "Une Femme libre" en 2006 (éd. Fayard).
     

     
     


    Gilberte Beaux est une personne qui est bien placée pour dire qu'elle s'est faite toute seule. Elle proclame à qui veut l'entendre que la personnalité et le caractère sont bien plus importants que l'intelligence pour réussir, en particulier, il faut prendre des décisions rapidement, quitte à prendre de mauvaises décisions, mais c'est toujours moins pire que ne pas décider du tout.

    Femme ayant particulièrement réussi sa vie professionnelle, Gilberte Beaux est sans doute une meilleure féministe au sens de la promotion sociale des femmes que bien des militantes féministes stériles qui pinaillent sur des aspects dérisoires de la vie sociale ou prêtes à s'enflammer pour l'écriture inclusive. Elle a donné trois conseils aux femmes qui souhaitent réussir : la liberté, la flexibilité et la confiance en soi. Et pour elle, c'est essentiel : si vous ne vous sentez pas à l'aise dans vos fonctions, dans votre milieu professionnel, n'hésitez pas à en changer et à vivre autre chose. Sinon, votre créativité et votre vitalité risquent de se nécroser.

    Et Gilberte Beaux est bien placée pour le dire parce qu'elle a eu plusieurs vies économiques, passant allègrement d'un secteur à l'autre pour diversifier ses expériences personelles : secteur de la banque, secteur de l'automobile, secteur de l'agro-alimentaire, secteur des médias et de la presse, secteur du pétrole, secteur du sport. Sans compter son incursion politique. Et désormais, secteur agricole avec son exploitation en Argentine. Elle a toujours été discrète et s'est peu souvent exposée auprès du grand public (selon ses activités économiques), mais elle mériterait d'être plus connue, car elle peut être un bon modèle de femmes cultivée et cultivatrice ! Bon anniversaire !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bernard Tapie.
    Marie-France Garaud.
    Raymond Barre.
    Gilberte Beaux.
    Carlos Tavares.
    Carlos Ghosn.
    Bernard Madoff.
    Jacques Séguéla.
    Gustave Eiffel.
    Francis Mer.
     

     

     







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240712-gilberte-beaux.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/gilberte-beaux-une-grande-dame-qui-255755

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/12/article-sr-20240712-gilberte-beaux.html

     

     

     

     

  • Festivité !

    « Ce soir, la profusion de symboles historiques, la variété des usages du passé, l’inédite diversité humaine des figures et des acteurs et actrices, la volonté de ne pas adresser la leçon au monde, tout cela fait rupture dans la manière dont la France représente et raconte ordinairement son passé dans les événements solennels ou commémorations officielles. (…) Le récit national n’est pas esquivé, une histoire de France est esquissée dans sa singularité, mais cette histoire n’est ici ni linéaire ni fermée à la différence. Cette histoire n’est pas une histoire moins riche, ou destructive, mais une histoire qui nous ressemble et nous nourrit. Ce dialogue entre histoire, grand spectacle et création artistique n’est pas facile, il doit être souligné » (Guillaume Mazeau, le 26 juillet 2024 dans "Le Monde").



     

     
     


    Je reviens sur la très belle cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de 2024 à Paris, qui s'est déroulée au bord de la Seine. C'était la première fois qu'une telle cérémonie s'était déroulée à l'extérieur, en dehors de l'enceinte des JO (hors d'un stade). Les réactions étaient quasi-unanimes sur le caractère exceptionnel, historique, joyeux de ces festivités, au point que les Américains vont devoir faire aussi bien en 2028 à Los Angeles. Selon la chaîne américaine NBC, un milliard de personnes auraient regardé cette cérémonie dans le monde. La grosse pluie n'a pas empêché le succès de cette fête grandiose et majestueuse. Un peu moins de 7 000 athlètes ont défilé et 3 000 artistes (dont 400 danseurs) ont participé au spectacle. C'était pharaonique !

    Certes, des polémiques bien inutiles ont germé, surtout dans les réseaux sociaux, venant de tous ceux dont le métier est de dénigrer la France ou son Président, Emmanuel Macron en l'occurrence, pour cette manifestation, cela revient au même. On ne s'étonnera donc pas d'y retrouver la très prévisible fachosphère ainsi que la Russie, par exemple, mais aussi, et c'est plus regrettable, la Conférence des évêques de France. Je reviendrai un peu plus loin sur les deux (principales) polémiques qui sont nées de ce spectacle.

    Ce qu'il faut retenir, c'est que l'organisation française a fait très fort comme spectacle à la fois artistique, culturel, historique, sportif. Il y en avait pour tous les goûts et tous les sens. Il est quasiment certain qu'aucun spectateur ou téléspectateur n'a pu aimer toutes les animations, tous les plateaux, tous les tableaux, toutes les manifestations proposées par ce spectacle, mais tous ensemble, ils donnent une sorte de rapide (bien que durant quatre heures) mélange du temps (l'ancien, le moderne), de l'espace, des valeurs universelles, de ce qu'est la France (ou n'est pas), des clins d'œil, des références culturelles, le tout s'assurant de la devise de la République, liberté, égalité, fraternité, et aussi de la devise de l'Europe, unis dans la diversité, à savoir que la richesse de la France rejaillit sur le monde mais que la richesse du monde, des autres cultures, rejaillit aussi sur la France.

    Ont été honorés non seulement des personnages célèbres, des femmes d'importance, comme Simone Veil et Simone de Beauvoir (dont la statue s'est coincée !), des grands sportifs, français ou étranger d'ailleurs), mais aussi de "petites mains" comme les artisans qui ont réparé Notre-Dame de Paris ou les ouvriers fondeurs de la Monnaie de Paris qui ont coulé les médailles d'or olympiques avec un peu de métal de la Tour Eiffel. La fête était aussi touristique, fluviale et parisienne, puisque le spectacle s'est passé sur la Seine, du pont d'Austerlitz au pont d'Iéna, celui qui raccorde le Trocadéro à la Tour Eiffel.

    La première fierté française, cela a été la chanteuse américaine Lady Gaga qui a chanté Zizi Jeanmaire... mais c'était aussi la fierté américaine qu'elle fût présente à cette cérémonie française et fît partie de cette extraordinaire aventure. Un peu plus tard, la chanteuse française la plus vendue dans le monde Aya Nakamura a interprété, avec les musiciens de la Garde républicaine, un mélange reprenant ses propres chansons et "For me formidable" de Charles Aznavour, tout cela sur le pont des Arts, devant l'Académie française, pour signifier l'égalité. L'avantage d'une polémique préventive, alimentée par l'extrême droite (sous prétexte non dit que sa couleur de la peau représenterait mal la France), c'est qu'elle n'a plus lieu après sa prestation. On avait évoqué Édith Piaf, elle a chanté Aznavour ; ma foi, ce mélange, peut-être pas du goût de tous, était en tout cas très œcuménique ! Très "en même temps".

     

     
     


    De la chanson française ont émergé notamment Serge Gainsbourg ("Initial B.B."), les Rita Mitsuko ("Andy"), Daniel Balavoine ("L'Aziza"), France Gall et Michel Berger ("Ça balance pas mal à Paris"), Mylène Farmer ("Désenchantée"), Véronique Samson ("Chanson sur ma drôle de vie"), Michel Polnareff ("Lettre à France"), etc.

    Le vol de "La Joconde" fait référence à un épisode de l'histoire de l'art, et on s'est finalement aperçu que c'étaient les Minions (une production de dessins animés franco-américains) qui étaient les coupables ! Ce que n'a pas dit le spectacle, c'est que le Louvre avait accueilli le dîner officiel des chefs d'État et de gouvernement la veille (accueil par la Pyramide du Louvre, tapis rouge).

     

     
     


    La longue (certainement trop longue) chevauchée fantastique de la porteuse du drapeau olympique sur les eaux de la Seine (et sous la pluie) faisait référence à Jeanne d'Arc, et c'était la conceptrice même du cheval mécanique poussé dans le fleuve, Morgane Suquart, qui tenait le rôle de la cavalière avant que la gendarme Floriane Issert ne soit arrivée à sa place sur le pont d'Iéna pour donner le fameux drapeau, avec cette solennité presque militaire du salut aux drapeaux.
     

     
     


    Quant à l'allumage de la vasque olympique par deux athlètes de renommée mondiale, Marie-José Pérec et Teddy Riner, elle était très originale, en continuant à faire parler le génie français, avec une montgolfière qui a illuminé le Paris nocturne des feux olympiques, et cette scène m'a fait penser à la scène finale de la "Rencontre du Troisième type" de Steven Spielberg (sorti le 16 novembre 1977) avec François Truffaut et Richard Dreyfuss. D'une point de vue cinématographique, il y a eu dans ce spectacle de nombreuses références dont les frères Lumière et le génial Georges Méliès.
     

     
     


    Venons-en aux deux polémiques du moment, une petite et une moyenne, toutes les deux dérisoires, à mon sens, car lorsqu'on parle d'art, on parle avant tout de liberté, car la France, c'est aussi la créativité en liberté. L'art, en particulier, permet de revisiter des anciens concepts, de pasticher aussi, de provoquer, bien sûr. Thomas Jolly, le directeur artistique du spectacle, a montré ainsi sa finesse dans l'art de faire de l'art, si j'ose dire !

    La première polémique provient surtout de Jean-Luc Mélenchon qui a donné son quitus au spectacle (nous sommes rassurés !) ...mais sauf deux évocations, Marie-Antoinette et "La Cène". Étrange ancien laïcard qui, aujourd'hui, est prêt à défendre l'honneur supposé atteint des chrétiens pour mieux défendre demain celui des musulmans : « À quoi bon risquer de blesser les croyants ? Même quand on est anticlérical ! Nous parlions au monde ce soir-là. Dans le milliard de chrétiens du monde, combien de braves et honnêtes personnes à qui la foi donne de l’aide (…), sans gêner personne ? ».

     

     
     


    L'évocation de Marie-Antoinette, Jean-Luc Mélenchon l'a trouvée macabre et « d'un âge des punitions que nous ne voulons plus revoir ». Très étrange encore pour un adorateur de Robespierre, celui qui a eu tant de têtes décapitées sur la conscience, et pour un anti-monarchiste. J'ai eu un peu le même réflexe de dégoût devant l'aspect gore, en voyant cette Conciergerie immaculée de rouge, de sang, avec Marie-Antoinette tenant sa tête coupée comme les saints de la sainte Église. Bien sûr, les lieux s'y prêtaient, et finalement, l'histoire de France est l'histoire de France, pas toujours très belle à voir.

    En outre, cette scène a laissé place à une interprétation magistrale de "L'amour est un oiseau rebelle", morceau du célèbre opéra "Carmen" de Georges Bizet, par la mezzo-soprano Marina Viotti embarquée dans un bateau.

    L'autre polémique, c'est "La Cène". Je l'écris exprès ainsi alors que c'est en fait assez faux. Si elle a été aussi alimentée par Jean-Luc Mélenchon, ce sont surtout les catholiques intégristes et l'extrême droite identitaire qui se sont le plus indignés (bien pauvrement et inutilement). De quoi s'agissait-il ? D'un tableau vivant mettant en action quelques drag queens et d'autres personnages assez bizarres, dirait-on, sous le titre de "Festivité". Je précise à toute fin utile que je goûte peu aux délices des drag queens, m'interroge même sur leurs motivations, mais franchement, en quoi me gêneraient-elles ? Chacun a le droit de vivre, et de se montrer, exubérance ou discrétion. Il n'y a rien de woke, il n'y a que de l'art, qui est ou révolutionnaire ou pompeux sinon pompier.

     

     
     


    La scène était très colorée (mais aussi très mouillée) : une énorme table, des convives gourmands, et un plat sous cloche. La cloche s'est levée et qui est apparu ? Un éclat de rire avec le chanteur Philippe Katerine, complètement nu, peinturluré en bleu Schtroumpf, incarnant Dionysos (le dieu du vin), et chantant "Nu", une sorte d'hymne à la nudité. Autodérision forcément. Après le spectacle, Philippe Katerine a expliqué qu'il avait envoyé aux organisateurs une vidéo et sa proposition de se produire pour la cérémonie d'ouverture, il a été retenu. Originalité. Il a cité des arguments de paix (on ne peut pas cacher des armes), de décroissance (on n'achète pas de vêtement), etc.

    Au-delà des drag queens, ce qui a choqué des prétendus chrétiens (j'écris "prétendus" car moi-même je peux revendiquer mon catholicisme, sans vouloir pourtant le crier sur tous les toits, et j'avoue humblement que j'ai plus souri qu'été scandalisé), c'est que la scène serait une imitation de "La Cène", ce tableau de Léonard de Vinci (réalisé entre 1495 et 1498) représentant le repas du Jeudi Saint (avant la mort du Christ, entouré de ses apôtres). Ils voyaient alors le Christ en une sorte de drag queens un peu étrange, et ses apôtres de même.

     

     
     


    Mais Goscinny et Uderzo ont-il choqué leur lecteurs avec un banquet d'Astérix reprenant étrangement les poses de "Le Cène" ? Certainement pas. Il faut dire qu'il n'y avait pas de fachosphère, à l'époque de parution.
     

     
     


    Samedi, la Conférence des évêques de France (CEF) s'est senti obligée d'emboîter le pas des internautes assez stupides en parlant de scène « de dérision et de moquerie du christianisme » et de « l'outrance et la provocation de certaines scènes ». Mais les évêques n'ont-ils pas mieux à faire et mieux à penser qu'à surréagir dans une vaine et inutile polémique ? Leur parole ne devrait-elle pas être réservée à des choses réellement grave et importante ? Surtout après les récentes révélations sur l'abbé Pierre ? (Heureusement, la CEF, honnête, a aussi reconnu dans le spectacle « de merveilleux moments de beauté, d’allégresse, riches en émotions et universellement salués »).

    Certains internautes ont d'ailleurs réagi assez vivement sur ces dénigrements : le tableau de cette Festivité ne faisait pas référence à la religion, au Christ ni à ce tableau de Léonard de Vinci, mais à un tableau du peintre néerlandais Jan van Bijlert, l'un des plus importants de sa ville natale, Utrecht (de l'école caravagesque), intitulé "Le Festin des dieux" (réalisé vers 1635), qui montre Apollon en maître des cérémonies et Dionysos au premier plan. Cette œuvre est exposée au Musée Magnin à Dijon.

     

     
     


    La notice de ce musée est assez explicite : « Sur l’Olympe, les dieux sont rassemblés pour un banquet célébrant le mariage de Thétis et Pélée. À gauche se tiennent Minerve, Diane, Mars et Vénus accompagnés de l’Amour. Flore, la déesse du printemps, se trouve derrière eux. Apollon couronné, identifiable à sa lyre, préside au centre de la table. On reconnaît plus loin Hercule avec sa massue et Neptune avec son trident. À l’extrême-droite, Eris a déposé sur la table la pomme de la discorde. Certains dieux manquent, probablement en raison de la coupure dont la toile a souffert sur la partie gauche ; la présence du paon de Junon le laisse penser. Le thème du festin de dieux était populaire en Hollande ; "le Mariage de Psyché" et "Amour" d'Hendrick Goltzius déclencha une abondante production d’œuvres illustrant ce sujet. (…) Le satyre dansant devant la table et le Bacchus allongé au premier plan pressant au-dessus de sa bouche une grappe de raisin rappellent de façon atténuée le naturalisme [du Caravage] : chairs à teinte ocre, corps vus de près dans des attitudes non orthodoxes. Cependant, la faveur considérable dont jouissait le peintre italien ne dura pas. Son influence a presque disparu vers 1630 (…). ».

    On pourrait en effet associer ce tableau de Jan van Bijlert à celui de Giovanni Bellini et de Titien, "Le Festin des dieux", réalisé en 1514 puis 1529, exposé à la National Gallery of Art de Washington.
     

     
     


    Interrogé sur BFMTV le dimanche 28 juillet 2024, Thomas Jolly a rejeté la connotation religieuse de cette mise en scène. Il voulait promouvoir les valeurs de l'olympisme, pas du catholicisme. "La Cène", ce n'était pas son inspiration, a-t-il assuré mi-amusé : « Ce n'est pas mon inspiration. Je crois que c’était assez clair, il y a Dionysos qui arrive sur cette table. Il est là, pourquoi ?, parce qu’il est dieu de la fête (…), du vin, et père de Sequana, déesse reliée au fleuve (…). L’idée était plutôt de faire une grande fête païenne reliée aux dieux de l’Olympe… Olympe… Olympisme (…). Vous ne trouverez jamais chez moi une quelconque volonté de moquerie, de dénigrer quoi que ce soit. J’ai voulu faire une cérémonie qui répare, qui réconcilie. ». Il n'a toutefois pas confirmé l'inspiration du tableau de Jan van Bijlert.
     

     
     


    Sur BFMTV, Thomas Jolly en a profité aussi pour affirmer que la scène avec Marie-Antoinette n'était pas du tout une « glorification de cet instrument de mort qu'était la guillotine » et que tout était « très théâtral », avec une « théâtralité de grand guignol ».

    De son côté, la drag queens Piche qui a participé à la scène de Dionysos, a commenté sur BFMTV le 27 juillet 2024 : « L'art, ça divise toujours. À partir du moment où ça ne remue pas les gens, ce n'est pas de l'art pour moi. (…) Il n'y a eu pas de provocations réelles ou de choses qui soient véritablement obscènes. On ne s'est pas moqué du tout de ce tableau-là ["La Cène"]. (...) C'est vraiment juste parce que c'est des queers et des drag queen qui utilisent cette représentation-là que ça gène. ».

    Pour autant, la directrice de la communication de l'organisation, Anne Descamps, a présenté ses excuses le 28 juillet 2024 : « Clairement notre intention n’était pas d’afficher un manque de respect à quelque groupe religieux que ce soit. À l’inverse, notre intention était de montrer de la tolérance et de la communion. Si des gens ont été offensés, nous nous en excusons. ». Tandis que Thomas Jolly a confirmé : « Notre sujet n'était pas d'être subversif. Nous n'avons jamais voulu être subversifs. Nous voulions parler de diversité (…). Nous voulions inclure tout le monde, c'est aussi simple que ça. ».
     

     
     


    Je termine sur cette réflexion : cette cérémonie d'ouverture n'était pas une allégorie en l'honneur d'Emmanuel Macron comme certains détracteurs politiques voudraient le faire croire (et ceux-là, par haine contre lui, une haine dérisoire et anecdotique, se sentent alors obligés de dénigrer ce spectacle). Le Président de la République était au contraire très petit face au grandiose de cette cérémonie et on imagine bien qu'il n'a pas beaucoup contribué personnellement à sa réussite, chacun son métier, chacun sa fonction. Du reste, passionné par le sport, Emmanuel Macron, qui n'a fait que prononcer la phrase officielle d'ouverture, a même paru très impressionné par son propre rôle.
     

     
     


    Il n'imaginait pas un instant qu'il aurait pu se retrouver à cette place, ce vendredi soir, mais c'est vrai que, par les hasards du calendrier, il se trouve, avec ces Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 dans la même situation, dans la première moitié de son second mandat présidentiel, que François Mitterrand avec le Bicentenaire de la Révolution française le 14 juillet 1989. Séjournant à Paris à l'époque, j'y ai assisté, j'y ai ressenti beaucoup d'émotion, notamment avec Jessye Norman qui chantait "La Marseillaise".
     

     
     


    La prestation d'Axelle Saint-Cirel, qui a chanté "La Marseillaise" sur le toit du Grand Palais, ne sera peut-être pas aussi mémorable que celle de Jessye Norman (malgré son sixième couplet), mais peut-être que celle de Juliette Armanet interprétant "Imagine" (de John Lennon) sur un radeau, accompagnée de Sofiane Pamart au piano, ce dernier sous les flammes malgré la grosse pluie, le sera, tellement elle était émouvante, et puis bien sûr, le final, le bouquet final, Céline Dion qui a fait sa première apparition artistique depuis 2020 au premier étage de la Tour Eiffel pour "L'Hymne pour l'amour" (d'Édith Piaf). Et pas en playback : de toute sa voix un peu cassée, de toute sa puissance, surmontant toutes ses peurs.
     

     
     


    Cette cérémonie, au contraire, était d'abord une fête en l'honneur des sportifs, des champions ou futurs champions, français ou d'ailleurs. Il faut se rendre compte que ces athlètes de haut niveau ont travaillé dur, se sont entraînés depuis plusieurs années, pour ces quelques heures, journées d'épreuve, que cette cérémonie était leur cérémonie, qu'elle glorifiait avant tout leurs exploits, passés ou futurs, et que cette grande fête du sport est aussi un moyen de réconciliation et de concorde entre les peuples du monde. Festivité ! Merci la France, vive l'équipe de France et vive la France ! Merci le monde et vive le monde ! (Depuis lors, les médailles arrivent !).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Festivité !
    Ouverture des Jeux olympiques : Paris tenu !
    Amélie Oudéa-Castéra se baigne dans la Seine : Paris tenu !
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Adèle Milloz.
    Éric Tabarly.

    Coupe de France de football 2023 : victoire de Toulouse ...et d'Emmanuel Macron !
    France-Argentine : l'important, c'est de participer !
    France-Maroc : mince, on a gagné !?
    Qatar 2022 : vive la France, vive le football (et le reste, tant pis) !
    Après la COP27, la coupe au Qatar : le double scandale...
    Vincent Lindon contre la coupe au Qatar.
    Neil Armstrong.
    John Glenn.
    Michael Collins.
    Thomas Pesquet.
    Youri Gagarine.
    Le burkini dans les piscines.
    Les seins nus dans les piscines.
    Roland Garros.
    Novak Djokovic.
    Novax Djocovid.
    Jean-Pierre Adams.
    Bernard Tapie.
    Kylian Mbappé.
    Pierre Mazeaud.
    Usain Bolt.

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240727-festivite.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/festivite-256072

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/28/article-sr-20240727-festivite.html






     

  • Ouverture des Jeux olympiques 2024 : Paris tenu !

    « On verra tous à partir de vendredi soir pourquoi ça valait la peine ! » (Emmanuel Macron, le 23 juillet 2024 sur France 2).



     

     
     


    Unie dans la diversité. C'est bien cette devise de l'Europe, qui a été placardée après le passage de la dernière équipe d'athlètes olympiques, celle des 571 Français menée par Mélina Robert-Pichon et Florent Manaudou, qui vont participer aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, lors de cette grandiose cérémonie d'ouverture ce vendredi 26 juillet 2024 entre 19 heures 30 et 23 heures 30. Les sabotages odieux contre la SNCF la nuit précédente n'ont pas eu d'incidence directe sur la cérémonie et c'était tant mieux.

    Quelle émotion de voir les quelque 6 500 sportifs de la Terre entière descendre la Seine dans 85 bateaux du pont d'Austerlitz au pont d'Iéna (six kilomètres) ! La ville de Paris accueillait vendredi soir l'humanité dans toute sa diversité mais aussi dans toute son unité, celle de la joie de se rassembler autour des valeurs simples et essentielles du sport.

    Comme un milliard d'êtres humains, paraît-il (23,4 millions de téléspectateurs pour France 2), j'ai suivi benoîtement à la télévision cette cérémonie d'ouverture. Je n'ai pas l'habitude de le faire car souvent, cela ne me parle pas, voire cela me barbe, mais mon patriotisme m'incitait à célébrer finalement une gloire française, celle d'accueillir les Jeux olympiques d'été, et ce n'est pas souvent, seulement une fois par siècle. Bref, ça s'arrose !

    Ça s'arrose, je ne rigole hélas pas (rigole prend tout son sens), car pour le malheur des artistes, et des spectateurs dans les rues de Paris, la pluie, parfois battante, a rendu le spectacle encore plus méritoire, l'exploit de faire comme s'il ne pleuvait pas. Certes, les caméras étaient parfois aveuglées de gouttes dégoulinantes, le costume des artistes complètement trempé, le piano quasiment sous l'eau (heureusement, on l'a asséché en l'incendiant !), mais qu'importe ! pour le téléspectateur confortablement installé dans son fauteuil, ce n'était qu'un petit détail. Il faudra juste songer à l'avenir à ne plus inviter François Hollande à une manifestation qui se passerait à l'extérieur. Sa présence apporte la poisse et les internautes s'en sont donné à cœur joie !

    Mais revenons au spectacle. Il était exceptionnel et bravo à Thomas Jolly, l'intendant en chef, pour l'avoir conçu et organisé. Au diable les aigris ! Si les Français dénigreurs de leur propre génie ne sont pas capables, pour certains, d'apprécier à sa juste mesure l'exploit tant artistique que culturel de ce spectacle, au moins, les observateurs étrangers ne seront pas ingrats, toute la presse internationale est "dithyrambique" dans sa réaction.

    Le principe du spectacle, c'était de revisiter Paris, la France, le monde et les Jeux olympiques par la Seine et la Tour Eiffel. Revisiter sans donner des leçons de morale, sans arrogance française. On passait ainsi le long des monuments historique avec des spectacles d'artistes très diversifiés. Commentant vendredi soir l'événement pour "Le Monde", l'historien Guillaume Mazeau expliquait : « À la différence des cérémonies du Bicentenaire de la Révolution française mises en scène par le publicitaire Jean-Paul Goude (1989), organisées comme un défilé sur les Champs-Élysées, c’est la Seine qui sert de fil conducteur ce soir. ».

    Les athlètes des 206 nations qui vont participer, y compris la Corée du Nord, Israël et la Palestine, ont défilé dans des bateaux navigant jusqu'au Trocadéro où se tenait la tribune officielle. Entre certaines équipes, des plateaux artistiques étaient proposés sur le thème d'une valeur, ou même d'un mot, comme liberté, égalité, fraternité, sororité, sportivité, obscurité, solennité, etc.

    Un certain suspense était entretenu sur l'identité des derniers passeurs de la flamme olympique et les spectateurs n'ont pas été déçus : cela a commencé au Trocadéro par Zinedine Zidane, puis Rafael Nadal qui a pris le bateau avec Serena Williams, et deux légendes dont la présence a ému beaucoup de monde, Nadia Comaneci et Carl Lewis, pour remonter la Seine jusqu'à la Pyramide du Louvre. Là, Amélie Mauresmo a pris le relais en courant quelques centaines de mètres le long des quais avant de passer la flamme à Tony Parker, Marie-Amélie Le Fur, accompagnée des deux porte-drapeaux français des JO paralympiques, Nantenin Keita et Alexis Hanquinquant. Puis, très rapidement, les plus grands athlètes français de l’histoire se relayaient la flamme, dont trois anciens ministres, Jean-François Lamour, David Douillet et Laura Flessel, ainsi que Michaël Guigou, Clarisse Agbegnenou, Alain Bernard, Laure Manaudou et Renaud Lavillenie. Enfin, Charles Coste, le plus âgé des champions olympiques français, champion de cyclisme, 100 ans, de son fauteuil, l'a remise aux deux derniers porteurs que furent Marie-José Pérec (comme les rumeurs l'annonçait) et Teddy Riner. Ils ont marché jusqu'au bassin central des Tuileries pour allumer la vasque olympique avant que celle-ci ne s'envolât dans les airs en montgolfière. Beauté et originalité.

    Juste auparavant, Emmanuel Macron, en tant que Président de la République française, a déclaré les Jeux olympiques et paralympiques ouverts, avec une pointe d'émotion et presque de sidération, après deux discours. Le premier du président du comité d'organisation des Jeux olympiques Tony Estanguet qui proclamait le rassemblement et l'unité des Français derrière leurs athlètes (« L'humanité est belle quand elle se rassemble ! »), à tel point que je me demandais s'il n'allait pas devenir le nouveau Premier Ministre, et Thomas Bach, le président du CIO (Comité international olympique). Tous les deux parlaient français et anglais (le français, en plus d'être la langue du pays d'accueil est aussi la langue officielle des JO).

    Je rejoins l'état d'esprit de quelqu'un comme Jean-Pierre Rousseau, ancien directeur de la musique de Radio France (l'Orchestre national de France, la maîtrise et le chœur de Radio France ont participé à la cérémonie à la fin), qui a exprimé sa joie samedi matin sur son blog : « Il y a trois jours j'écrivais : "Réjouissons-nous pour une fois d’avoir été capables d’organiser un tel événement, réjouissons-nous de découvrir une cérémonie d’ouverture qui sera la plus belle fête du monde". Ce fut la plus belle fête du monde. Tant pis pour les grincheux et les coincés. Je n'ai pas tout aimé, j'ai trouvé certaines séquences trop longues ou peu inspirées, et alors ? Que valent ces réserves face à une soirée immense, grandiose, unique ? à la force des images ? ».

    Oui, bien sûr, il y a eu des choses que je n'ai pas aimées non plus, mais peut-être pas les mêmes que mes voisins. Par exemple, je n'ai pas apprécié le début, avec toutes ces plumes, French cancan, ces clichés éculés de la France de l'an 1900, de la Belle Époque, et au début, beaucoup de clichés réduisaient la France, à son industrie de luxe, à ses monuments, etc. mais cela a évolué sur du plus original, du plus créatif, là aussi sur des choses que je n'ai pas forcément aimées, mais qui montraient tant la diversité française que la diversité humaine. Et surtout la diversité artistique.

    J'ai aussi trouvé trop longue la chevauchée fluviale de la porteuse du drapeau olympique (une gendarme, Floriane Issert), et le drapeau a même été accroché à l'envers. Mais ce n'était pas très grave. Et j'ai trouvé dommage l'absence de Kylian Mbappé, qui s'en est expliqué dès le 16 juin 2024 : « Mon club a une position très claire, à partir de ce moment je pense que je ne participerai pas aux Jeux. C'est une vérité, c'est comme ça. J'arrive dans une nouvelle équipe. Arriver en septembre pour une nouvelle aventure, ce n'est pas le meilleur des débuts d'aventure. ». J'ai regretté aussi l'absence d'une œuvre du compositeur de musique électroacoustique Pierre Henry qui aurait pu passer avantageusement, par exemple, pendant qu'étaient montrées les belles images d'archives des Jeux olympiques.

    Il y a eu Lady Gaga, Aya Nakamura qui a tant fait polémique, qui s'est produite devant l'Académie française, la mezzo-soprano Axelle Saint-Cirel qui a chanté avec une voix très émouvante "La Marseillaise" sur un bateau. J'ai beaucoup aimé Carmen, malgré le côté un peu cliché, la recherche de la Joconde au Louvre, avec les personnages des tableaux se transformant en réalité, un peu à l'instar du film "Une nuit au musée" ("La Joconde" a été retrouvée chez les insupportables Minions).

    Si je n'ai pas beaucoup apprécié le rappeur Rim'K avec "King", j'ai adoré les passages enregistrés de Daniel Balavoine, de Claude François (dommage d'entendre "Alexandrie" avec la délégation de l'Ukraine et pas de l'Égypte), de Mylène Farmer et de plein d'autres (Gainsbourg était aussi au répertoire, semble-t-il ; il y a eu aussi Véronique Samson, Sheila, etc.). À la fin du défilé des sportifs français, le drapeau européen s'est éclairé sur le sol, avec des étoiles entourant la Tour Eiffel, comme par magie. Philippe Katerine a été extraordinaire à chanter "Nu" en tenue adéquate (nu) ! Dix grandes femmes ont été honorées, dont Olympe de Gouges, Louise Michel, Gisèle Halimi et, en dernier, Simone Veil. Zizi Jeanmaire et Charles Aznavour ont été également honorés.

     

     
     


    J'ai été très ému aussi par l'interprétation (traditionnelle pour les cérémonies d'ouvertures des JO) de "Imagine" (John Lennon) par la chanteuse à la voix d'or Juliette Armanet avec Sofiane Pamart au piano. À propos de piano, j'ai oublié aussi de signaler l'exploit de jouer sous la pluie battante de l'un des futurs plus grands pianistes mondiaux, le Français Alexandre Kantorow (27 ans) qui a joué "Jeux d'eau" de Maurice Ravel. Des artistes et des funambules ont défilé sur le Pont Neuf comme dans un défilé de haute couture, après que la Patrouille de France a dessiné un cœur rose dans le ciel parisien. Auparavant, il était aussi original d'évoquer les artisans de la reconstruction de Notre-Dame de Paris ainsi que ceux de la Monnaie de Paris qui ont confectionné les médailles d'or olympiques avec un peu de ferraille de la Tour Eiffel.

    Le passage de la délégation française, la dernière du défilé, s'est fait sur un enregistrement de "Lettre à France" de Michel Polnareff. Pendant la remontée de la Seine de la flamme avec quelques superchampions (Rafael Nadal, Serena Williams, Nadia Comaneci et Carl Lewis), la Tour Eiffel s'est mise à danser dans un show laser en hommage à Jean-Michel Jarre ("Oxygène 2024").

    Enfin, le clou de la cérémonie, à la fin, tant attendue, dont la présence a été souvent annoncée ou discutée, Céline Dion a chanté "L'Hymne à l'amour" d'Édith Piaf, au premier étage de la Tour Eiffel, avec une voix difficile à cause de sa maladie, mais toute en majesté, accompagnée au piano par Scott Price. Elle ne s'était pas produite depuis quatre ans ; en revanche, elle avait déjà chanté à une cérémonie d'ouverture des JO, à Atlanta en 1996 ("The Power of the Dream"). Très joli cadeau fait à la France (et les polémiques sur son coût sont dérisoires dans la malveillance).

    Il suffit d'écouter la réaction des spectateurs pour comprendre que cette cérémonie d'ouverture des JO était exceptionnelle, historique. La grande richesse de ce polyspectacle grandiose, c'était qu'il y en avait pour tout le monde, de tous les genres, de toutes les opinions, de toutes les références, historiques, intellectuelles, artistiques, culturelles, littéraires, sociales, économiques.


    L'historien Guillaume Mazeau notait ainsi : « Ce soir, la profusion de symboles historiques, la variété des usages du passé, l’inédite diversité humaine des figures et des acteurs et actrices, la volonté de ne pas adresser la leçon au monde, tout cela fait rupture dans la manière dont la France représente et raconte ordinairement son passé dans les événements solennels ou commémorations officielles. C’est un spectacle, une vision fictionnée et idéalisée, un peu bricolée, mais par rapport à bien d’autres, elle est non seulement capable de concerner plus de monde que d’habitude, mais aussi prête à dialoguer avec ce qu’écrivent les historiennes et des historiens d’aujourd’hui. Le récit national n’est pas esquivé, une histoire de France est esquissée dans sa singularité, mais cette histoire n’est ici ni linéaire ni fermée à la différence. Cette histoire n’est pas une histoire moins riche, ou destructive, mais une histoire qui nous ressemble et nous nourrit. Ce dialogue entre histoire, grand spectacle et création artistique n’est pas facile, il doit être souligné » ("Le Monde").

    Cette soirée merveilleuse restera évidemment dans les annales comme une fête où le grandiose était associé à l'imaginatif et au créatif. Je plains l'organisateur de prochains Jeux olympiques à Los Angeles (USA) en 2028 comme à Brisbane (Australie) en 2032, car ils partiront déjà de très haut. Vive la France et vive le monde !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (26 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Ouverture des Jeux olympiques : Paris tenu !
    Amélie Oudéa-Castéra se baigne dans la Seine : Paris tenu !
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Adèle Milloz.
    Éric Tabarly.

    Coupe de France de football 2023 : victoire de Toulouse ...et d'Emmanuel Macron !
    France-Argentine : l'important, c'est de participer !
    France-Maroc : mince, on a gagné !?
    Qatar 2022 : vive la France, vive le football (et le reste, tant pis) !
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    Vincent Lindon contre la coupe au Qatar.
    Neil Armstrong.
    John Glenn.
    Michael Collins.
    Thomas Pesquet.
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  • Le théâtre d'Alexandre Dumas fils

    « J’ai fini par me demander si les pauvres sont vraiment aussi à plaindre qu’on le croit, et s’il n’y aurait pas lieu, ce qui n’est encore venu à l’idée de personne, de s’apitoyer enfin sur le sort des riches. » (Alexandre Dumas fils).



     

     
     


    Phrase un poil provocatrice prononcée à l'âge de 50 ans, dans la plénitude de son art (voir son contexte plus bas). L'écrivain Alexandre Dumas fils est né il y a exactement 200 ans, le 27 juillet 1824 à Paris. Il est mort le 27 novembre 1895 à Marly-le-Roi à l'âge de 71 ans et est enterré au cimetière de Montmartre. Attention à ne pas le confondre avec son père Alexandre Dumas, tout seul (1802-1870), auteur à succès de nombreux romans comme "Les Trois Mousquetaires" (1844), "Le Comte de Monte-Cristo" (1844), "La Reine Margot" (1845), "Le Collier de la Reine" (1849), etc. et aussi des pièces romantiques comme "Antony" (1831), etc., et dont les restes ont été transférés au Panthéon le 30 novembre 2002 par Jacques Chirac et Alain Decaux à l'occasion du bicentenaire de sa naissance.

    Non, ce n'est pas le père ! Alexandre Dumas fils est aussi un écrivain très prolifique, fils à l'origine extraconjugale d'Alexandre Dumas et de sa voisine de palier, mais reconnu toutefois par son père le 17 mars 1831 quand il avait un peu moins de 7 ans, douze jours après la naissance de Marie Alexandrine (1831-1878), une demi-sœur devenue, elle aussi, femme de lettres. Alexandre Dumas fils a eu plusieurs demi-frères ou demi-sœurs, chaque fois de mère différente, dont Henry Bauër (1851-1915), également écrivain.

    Alexandre Dumas fils est donc né dans un contexte social et familial difficile mais aussi littéraire. Il est connu pour ses nombreux ouvrages littéraires dont son fameux premier roman "La Dame aux camélias" (1848), adapté en pièce de théâtre en février 1852 (et Verdi l'a adapté en opéra en mars 1853 sous le nom de …"La Traviata"). Il est selon le site de l'Académie française l'auteur d'au moins cinquante-six livres, parfois de plusieurs volumes. Il a surtout été célèbre pour sa dramaturgie. Parmi ses pièces de théâtre qui ont accueilli le plus de public dans les théâtres, on peut citer "Diane de Lys" (1851), "Le Demi-Monde" (1855), "Le Fils naturel" (1858), "Les Idées de Madame Aubray" (1867), "La Princesse Georges" (1871), "L'Étrangère" (1876), etc. Le même site rappelle aussi qu'il a publié « un certain nombre de brochures sur le divorce, la recherche de la paternité, etc. », thèmes par lesquels il pouvait légitimement (!) se sentir concerné.

    Il a été souvent considéré comme un auteur à scandale car il a abordé des sujets sociétaux très particuliers en raison de son origine, sur les femmes seules, les enfants conçus hors du foyer conjugal, etc. à une époque très puritaine et aussi très hypocrite (voir notamment "Le Fils naturel" en janvier 1858, "Un Père prodigue" en novembre 1859 et "L'Ami des femmes" en mars 1864).

    Le contexte paternel, c'était aussi celui-ci. Son père Alexandre Dumas, qui avait un "nègre" (un collaborateur, Auguste Marquet), défendait la toute jeune théorie de l'Évolution de Charles Darwin, et quand on lui disait qu'il devait en connaître un rayon sur les nègres, il répondait avec beaucoup d'ironie : « Mais très certainement. Mon père était un mulâtre, mon grand-père était un nègre et mon arrière-grand-père était un singe. Vous voyez, Monsieur : ma famille commence où la vôtre finit. ».

    Dès la sortie du premier roman d'Alexandre Dumas fils ("La Dame aux camélias"), le critique littéraire Jules Janin (futur académicien), y décela de la graine de génie et en fit l'introduction de la deuxième édition : « Le fils d’Alexandre Dumas, à peine échappé du collège, marche déjà d’un pas sûr dans la trace brillante de son père. Il en a la vivacité et l’émotion intérieure ; il en a le style vif et rapide, avec un peu de ce dialogue si naturel, si facile, si varié, qui donne aux romans de ce grand inventeur le charme, le goût et l’accent de la comédie. ».

    Tous n'ont pas eu la même fascination. Selon le critique d'art Remy de Gourmont, l'œuvre d'Alexandre Dumas fils est un « affreux théâtre pharmaceutique et procédurier » et Émile Zola imaginait peu que cet auteur eût une postérité : « Je n'aime guère le talent de M. Alexandre Dumas fils. C'est un écrivain extrêmement surfait, de style médiocre et de conception rapetissée par les plus étranges théories. J'estime que la postérité lui sera dure. » (1876) en ajoutant plus tard : « Il a été un des ouvriers les plus puissants du naturalisme contemporain. Puis, il s'est déclaré en lui une sorte d'accès philosophique, qui a empoisonné et détraqué ses œuvres. » (1879).

    Pourtant, d'autres n'ont pas eu la même opinion. Ainsi, Victor Hugo, académicien qui s'est exilé en 1851 de l'Académie pour cause de Napoléon III, est revenu pour la première fois siéger à l'Académie française le 29 janvier 1874 justement pour voter pour Alexandre Dumas fils qui a été élu par 22 voix contre 11 au fauteuil numéro deux, celui de Montesquieu, celui actuellement occupé par un auteur québéco-haïtien que j'adore, Dany Laferrière. Il a aussi été occupé par un essayiste très intéressant, André Frossard.

     

     
     


    Contrairement à son père au succès pourtant bien plus reconnu, Alexandre Dumas fils a été ainsi reçu sous la Coupole lors d'une cérémonie très formelle le 11 février 1875 avec un discours qu'il a commencé ainsi : « Je ne saurais mieux reconnaître la faveur exceptionnelle dont j’ai été l’objet dans votre illustre compagnie qu’en vous parlant avec toute franchise (…). Lorsque tant de mes confrères, bien supérieurs à moi, ont dû frapper plusieurs fois à votre porte avant qu’on la leur ouvrît, comment se fait-il que je n’aie eu qu’à me présenter pour qu’elle s’ouvrît toute grande, et, pour ainsi dire, toute seule ? Il y aurait là de quoi m’inspirer un grand orgueil si, je ne connaissais la véritable raison de cette sympathie. (…) Je me suis mis sous le patronage d’un nom que vous auriez voulu, depuis longtemps, avoir l’occasion d’honorer et que vous ne pouviez plus honorer qu’en moi. Aussi est-ce le plus modestement du monde, croyez-le, que je viens aujourd’hui recevoir une récompense qui ne m’a été si spontanément accordée que parce qu’elle était réservée à un autre. Je ne puis cependant, je ne dois l’accepter que comme un dépôt ; souffrez donc que j’en fasse tout de suite et publiquement la restitution à celui qui ne peut malheureusement plus la recevoir lui-même. En permettant que cette chère mémoire tienne aujourd’hui une telle gloire de mes mains, vous m’accordez le plus insigne honneur que je puisse ambitionner, et le seul auquel j’aie vraiment droit. » (Son illustre père était mort quatre années auparavant et se moquait bien de l'Académie).

    Le comte Joseph d'Haussonville, qui l'a accueilli à l'Académie, l'a rassuré dans sa réponse : « Vous venez de vous accuser d’avoir, pour ouvrir la porte de cette enceinte, usé de sortilège et de magie. Vous semblez croire que vous nous avez, pour ainsi dire, forcé la main en vous plaçant sous le patronage tout-puissant du nom que vous portez et qui vous aurait aidé, comme un bon génie, à triompher de tous les obstacles. Notre compagnie, qui vit de traditions, éprouve, en effet, une véritable joie quand elle a le bonheur de rencontrer l’hérédité dans le talent. Elle a donc été heureuse d’honorer dans votre personne une mémoire dont vous êtes justement fier. Croyez-le bien, toutefois, le véritable magicien, c’est encore vous. Nous ne nous sentions d’ailleurs aucun tort à expier envers l’auteur d’ "Antony", des "Trois Mousquetaires" et de "Mademoiselle de Belle-Isle". Ce n’est pas nous qui l’avons oublié. Nos règlements, dont vous avez reconnu la sagesse puisque vous vous y êtes soumis, nous interdisent d’apporter nos suffrages à quiconque n’a pas témoigné par écrit le désir de nous appartenir. Votre illustre père les aurait sans doute obtenus s’il les avait demandés. À l’exemple de Balzac, de Béranger, de Lamennais et de tant d’autres, pour ne parler que des morts, il a préféré demeurer ce que vous appelez quelque part "un académicien du dehors". Pour vous, Monsieur, au premier signe que vous avez fait, nous avons eu hâte de vous admettre au dedans, et nous nous en réjouissons. ».

    Et d'évoquer la sainte hérédité littéraire : « J’ignore dans quelle mesure vous avez pu, au temps de votre première jeunesse, vous inspirer des œuvres de votre père. La critique littéraire, dont l’indiscrétion est sans limites, s’appliquera probablement un jour à vous comparer tous deux, et peut-être à vous opposer l’un à l’autre. À Dieu ne plaise que je devance ses jugements ! Si par hasard le goût des comparaisons classiques était alors redevenu à la mode, je m’imagine que, pour donner une idée du talent de votre père, on le représentera volontiers comme l’un de ces fleuves puissants, aux larges rives, à la course vagabonde, coulant à pleins bords avec une force exubérante, toujours prompts à passer pardessus leurs digues et à tout inonder autour d’eux, mais charriant des parcelles d’or dans leurs ondes un peu mêlées. Les juges compétents remarqueront, au contraire, avec quel soin vous avez de très-bonne heure veillé sur le trésor des dons qui vous ont été si largement départis. À cette heure difficile où le tapage de vos vingt ans devait bruire si fort à vos oreilles, vous avez su écouter la voix secrète de la muse que vous sentiez en vous. Elle vous priait de la respecter et de ne pas dévorer en un jour toutes les promesses de l’avenir. C’est elle qui vous a enseigné à gouverner votre talent ; c’est à elle que vous devez d’avoir résisté à la tentation d’exploiter vos succès au profit de vos plaisirs et de battre immédiatement monnaie avec vos premiers triomphes. ».

    Le comte d'Haussonville a pris ainsi le rôle d'un critique littéraire : « Quoi qu’il en arrive, vous pouvez vous rendre cette justice, Monsieur, que vous n’avez rien négligé pour inculquer aux femmes le sentiment de leurs devoirs, et leur démontrer toutes les conséquences de leurs fautes. Vous y avez employé la persuasion et la douceur, mais aussi le fer et le feu. Les évolutions d’un esprit comme le vôtre sont trop curieuses à étudier pour que je ne les signale pas. C’est à partir de votre comédie intitulée : "Les Idées de Madame Aubray", que votre attention paraît surtout s’être tournée vers ce genre particulier de délits dont les femmes sont plus ou moins volontairement les complices nécessaires. La pièce que je viens de nommer est l’une des mieux conduites et des plus dramatiques parmi toutes celles que vous avez composées. On a rarement mis autant de talent à soutenir au théâtre la thèse de la complète réhabilitation de la jeune fille après une première faute commise. Votre conclusion était malaisée à faire accepter par le public auquel vous la présentiez. Vous l’avez si bien senti vous-même, que vous avez eu soin de placer, en terminant, dans la bouche de l’un de vos personnages, une exclamation qui a justement pour but d’indiquer ce qu’a d’excessif, au point de vue du monde, le dénouement de votre drame. Il y a, en effet, des efforts de conscience qu’en raison de sa divine origine la foi peut arracher aux âmes pieuses, mais que l’on demandera toujours difficilement à cette morale de convention qui règne plus ou moins sur cette terre et domine absolument au théâtre. C’est l’un de ces sentiments d’inspiration toute chrétienne qui détermine Mme Aubray, quand elle commande à son fils d’épouser la femme dégradée, mais repentie, qui a promené avec elle, pendant trois actes, l’enfant né d’une liaison où l’amour n’a jamais eu nulle part. ».

    De ses activités au sein de l'Académie française, Alexandre Dumas fils n'en a pas fait beaucoup, et, à l'exception d'un hommage, il n'a prononcé qu'un discours, très remarquable, sur les prix de vertu le 2 août 1877, exercice plus que de style pour chaque académicien, et celui de Dumas fils débuta par sa réflexion sur la richesse : « "Non, croyez-moi, Monsieur, vous êtes bien heureux de ne pas être très-riche, et il a eu bien raison celui qui a dit que la fortune ne fait pas le bonheur". Après avoir entendu maintes fois ces lamentations très-sincères et très-convaincues, j’ai fini par me demander si les pauvres sont vraiment aussi à plaindre qu’on le croit, et s’il n’y aurait pas lieu, ce qui n’est encore venu à l’idée de personne, de s’apitoyer enfin sur le sort des riches, et d’essayer de l’améliorer. Je me suis donc appliqué à résoudre ce problème nouveau et je me disais sans cesse : "D’où vient que la fortune, tant enviée de ceux qui ne l’ont pas, ne fait pas le bonheur de ceux qui l’ont ?". À force de réfléchir, je suis arrivé à cette explication, bien facile à trouver du reste : "La fortune, tant enviée de ceux qui ne l’ont pas, ne fait pas le bonheur de ceux qui l’ont, parce que ceux qui l’ont ne s’en servent pas assez pour faire le bonheur de ceux qui ne l’ont pas". Je ne trouve pas d’autre raison, Messieurs, aux désillusions, à la tristesse, à la misanthropie, si fréquentes chez les gens riches. Ils ne demandent, pour la plupart, à l’argent, que les plaisirs qu’il peut leur donner, au lieu de lui demander les joies qu’il pourrait donner aux autres. Il n’y a qu’à voir le bonheur complet, durable, céleste, pour ainsi dire, que les braves gens que nous couronnons chaque année ont éprouvé à faire le bien, non pas avec ce qu’ils possèdent, mais avec ce qu’ils acquièrent par un travail pénible, incessant, pour se rendre compte du bonheur que les riches pourraient se donner si facilement pendant le temps qu’ils passent à regretter de ne pas l’avoir. ».

    Alexandre Dumas fils sympathisa avec le grand biologiste Louis Pasteur (élu à l'Académie le 8 décembre 1881) et considéra le romancier Jules Verne comme le digne fils spirituel de son père Alexandre Dumas. "Mathias Sandorf" (1885) était pour lui une autre version du "Comte de Monte-Cristo". Malgré plusieurs tentatives, dont une, en 1883, par l'intermédiaire d'Alexandre Dumas fils, Jules Verne n'est jamais parvenu à se faire élire à l'Académie. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

    L'une des citations les plus connues d'Alexandre Dumas fils est souvent répétée encore aujourd'hui : « N'estimez l'argent ni plus ni moins qu'il ne vaut : c'est un bon serviteur et un mauvais maître. ». Sur l'argent, il a laissé beaucoup de réflexion comme celle-ci aussi : « L'argent est l'argent, quelles que soient les mains où il se trouve. C'est la seule puissance qu'on ne discute jamais. ». Après tout, il vivait en pleine révolution industrielle et les capitaines d'industrie réussissaient à s'enrichir plus que nécessaire. Ils étaient les GAFAM du XIXe siècle
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    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 juillet 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Alexandre Dumas fils.
    Edgar Morin.
    Bernard Pivot.
    Yves Duteil.
    Pierre Perret.
    Françoise Hardy.
    Paul Auster.
    Christine Ockrent.
    Dominique Baudis.
    Racine.
    Molière.
    Frédéric Dard.
    Alfred Sauvy.
    George Steiner.
    Françoise Sagan.
    Jean d’Ormesson.
    Les 90 ans de Jean d’O.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240727-alexandre-dumas-fils.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-theatre-d-alexandre-dumas-fils-255948

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  • Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets

    « La question n'est pas un nom. La question, c'est quelle majorité peut se dégager à l'Assemblée pour qu'un gouvernement de la France puisse passer des réformes, passer un budget et faire avancer le pays. » (Emmanuel Macron, le 23 juillet 2024 sur France 2).



     

     
     


    Nous avions eu Castex, voici qu'on veut nous imposer Castets. Lucie Castets, plus exactement, obscure ronde-de-cuir, technocrate, énarque (issue du prestigieux Trésor), certainement fort estimable femme de pouvoir de 37 ans mais tellement inconnue du bataillon qu'elle n'avait pas de page Wikipédia jusqu'à maintenant. Certes, cela ne signifie bien sûr rien, mais cela donne une idée sur la manière dont les apparatchiks de la nouvelle farce populaire (NFP) se moquent de la tête de leurs propres électeurs qui, eux non plus, ne savaient pas qu'en votant pour un candidat du NFP, ils allaient voter pour Castets à Matignon.

    Il faut dire que les apparatchiks du NFP non plus ne savaient pas qu'ils allaient la choisir, après avoir tenté de proposer deux grand-mères, fort estimables aussi, de plus de 73 ans, qui avaient l'avantage, au moins, d'être des politiques et d'avoir fait leurs preuves en politique, enfin, pour au moins l'une d'elles, Huguette Bello (l'autre Laurence Tubiana avait une petite, très petite expérience avec la Conférence citoyenne pour le climat).

    Le choix de Lucie Castets est complètement dément. Pourquoi elle ? J'ai l'impression que ces hiérarques de la gauche ultradicalisée (un nouveau mot venu soudain sur mon clavier) voulaient absolument un nom avant l'intervention télévisée du Président de la République Emmanuel Macron prévue le mardi 23 juillet 2024 à 20 heures. Ainsi, la fumée blanche s'est échappée des cerveaux bouillonnants, endoloris par une sorte d'autisme, du NFP le mardi 23 juillet 2024 à 19 heures 01. L'impression aussi que dans ce vaste jeu de téléréalité, ce nom a été pioché au hasard dans l'annuaire téléphonique... de la Ville de Paris.

     

     
     


    Jean-Luc Mélenchon serait-il pour Matignon ce que Clemenceau était pour l'Élysée : celui qui trouve le personnage qui ferait le moins d'ombre possible, avec le moins d'éclat possible, afin de parfaire sa candidature à l'élection présidentielle de 2027 ?

    Si on tente de définir politiquement Lucie Castets, on pourrait dire qu'elle serait une sorte (très bizarroïde) de socialiste tendance mélenchoniste, un genre qui s'apparente à une sorte de fanatisme militant sur les services publics qui pourrait inquiéter sur la neutralité de nos hauts fonctionnaires. J'insiste sur ce point qui ne semble jamais être abordé lorsqu'on évoque Lucie Castets et qui me paraît particulièrement choquant. Chacun a le droit d'avoir ses opinions politiques, bien sûr, y compris les policiers, les gendarmes et les autres militaires, mais à mon sens, ce qu'on impose à un "petit" fonctionnaire du fisc quand il présente des éléments de trésorerie à des municipalités pendant la récente campagne électorale, à savoir répondre qu'il n'a pas le droit de répondre aux questions (alors qu'il n'y a rien de politique) parce qu'il a un devoir de réserve. Où est le devoir de réserve pour les hauts fonctionnaires qui s'occupent de gérer (mal) les finances d'une collectivités publiques ?

    Car ce qu'on a retenu en premier, et ce n'est pas fait pour la rendre populaire, c'est que Lucie Castets est directrice des finances et des achats de la Ville de Paris. Autant dire qu'elle donne toute confiance dans la capacité à gérer un pays comme la France, déjà surendettée, alors que la Ville de Paris a près de 10 milliards d'euros d'endettement et que les contribuables parisiens ont vu leur note fiscale doubler en quelques années. Les défenseurs de la candidate surréaliste à Matignon précisent alors qu'elle n'est à ce poste que depuis octobre 2023 et n'est pas la responsable de ces finances municipales en faillite, néanmoins, elle était auparavant dans le staff de la maire Anne Hidalgo comme conseillère depuis 2020
    , en charge du budget et des finances. Je reste quand même dubitatif. David Alphand, membre LR de la commission des finances de la Ville de Paris, peut témoigner : « Lucie Castets à Matignon ? Ce serait une très mauvaise nouvelle pour les Français, synonyme de hausse massive des impôts et de dérive de la dette. En tant que conseillère de la maire de Paris, elle n'a pas été que l'exécutante des décisions politiques prises par les élus. Elle est l'une des architectes de l'effondrement de la ville depuis 2020. » (cité par "L'Express" le 25 juillet 2024). Éloignée des gens parce que technocrate, éloignée des gens parce parisiano-parisienne, éloignée des gens parce que faiseuse de dettes et de hausse d'impôts. Sur le CV d'un futur Premier Ministre, on peut quand même attendre mieux.

    Sans vouloir répéter inlassablement que le NFP n'a pas de majorité même relative à l'Assemblée Nationale, sinon son candidat André Chassaigne aurait été élu au perchoir puisque l'élection s'est faite au troisième tour à la majorité relative, revenons aussi sur une affirmation stupide de quelques enragés du NFP qui expliquaient que mettre seize jours à trouver un Premier Ministre, c'était moins que plusieurs mois dans d'autres démocraties.

    Décidément, ces excités aiment bien tromper les Français, ou du moins, les maintenir dans une sorte de confusion mentale. Dans des démocraties européennes comme en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, etc., le temps long vient du temps des négociations pour trouver un compromis entre plusieurs coalitions alors qu'aucune d'entre elle n'a la majorité absolue. En revanche, si chacune de ces coalitions avait la majorité absolue, le nom du chef du gouvernement aurait été connu dès l'issue des élections, c'était le cas justement avec Giorgia Meloni qui, fait rare en Italie, bénéficie d'une majorité absolue.

     
     


    Ici, ce temps long n'était pas pour chercher un compromis avec d'autres forces politiques, les apparatchiks du NFP crient en permanence l'idée que c'est impossible. Ils ont passé ces seize jours à tenter de ne pas mécontenter Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, le temps long normal, celui que demande d'ailleurs Emmanuel Macron, ce sont les négociations pour que des coalitions différentes puissent se mettre un minimum d'accord pour pouvoir gouverner ensemble, puisque aucune d'entre elles n'a la majorité ni absolue ni relative.

    Lucie Castets ne serait qu'une fondée de pouvoir de Jean-Luc Mélenchon et répétons-le, pour cette haute énarque supposée compétente en finances publiques (malgré l'état lamentable des finances de la Ville de Paris), 193 ne fera jamais 289. Il manque 100 députés pour pouvoir gouverner. L'arithmétique est simple, basique, claire, là où la politique est confuse, brouillardeuse, trompeuse et hurlante. Ce n'est pas parce qu'il y a un gourou qui a dépassé les strates de la réalité cosmique qui a dit avec vacarme : "nous avons gagné !", en donnant d'ailleurs odieusement un faux espoir à des électeurs qui y croyaient sincèrement qu'ils ont réellement gagné. Rien que les faits !

    Candidate aux élections régionales en Normandie en 2015 sur la liste de l'actuel maire PS de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, rival malheureux de l'actuel premier secrétaire du PS Olivier Faure au dernier congrès cacophonique du PS, membre du bureau de l'Observatoire de l'extrême droite aux côtés de Thomas Portes, député FI connu pour sa grande tolérance des idées des autres (!), Lucie Castets s'est rapprochée d'Anne Hidalgo et de Clémentine Autain. Elle fait partie de ces militantes écorchées, arrogantes, qui pensent qu'elles ont raison contre les faits, contre la logique, contre l'intérêt national.

    Incontestablement, Lucie Castets, par son parcours, est une connaisseuse de la chose publique, au contraire d'un Jordan Bardella qui n'a rien fait de sa vie professionnelle sinon faire de la politique politicienne. En revanche, Jordan Bardella aurait dix mille fois plus de légitimité politique que Lucie Castets, malgré son jeune âge, sa vacuité intellectuelle et professionnelle, si le RN avait obtenu ne serait-ce qu'une majorité relative parce que les électeurs du RN étaient respectés ; s'ils votaient pour un candidat RN, ils votaient clairement pour Jordan Bardella à Matignon, que cela plaise ou pas. C'était le cas aussi aux trois dernières cohabitations, le nom du Premier Ministre n'a jamais été secret ni caché aux élections des forces politiques qui ont gagné les élections législatives de 1986 (Jacques Chirac), 1993 (Édouard Balladur) et 1997 (Lionel Jospin).

     

     
     


    Les internautes ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. Les réactions sur Twitter, déjà proposées ici, sont assez parlantes. Ainsi : « Manu t’a dit non. C’est dommage, parce qu’elle avait l’air d’avoir bien géré le budget à la ville de Paris. ». Un autre, pas plus charitable : « Sur ton CV. Première Ministre : 48 heures ». Un troisième plus réaliste : « Bravo, vous êtes dans le Guinness Book du Record du plus éphémère Premier Ministre de la Ve République avec 1 seconde et 10 centièmes ! ». Un autre dans l'anti-élitisme primaire : « Énarque et incapable de calculer des %. Le mal de notre pays. ». Un cinquième qui a tout compris : « Ce #NouveauFrontPoplulaire est un spectacle trop cher dont le casting ne comporte que des figurants et des seconds rôles. ».
     

     
     


    Le verdict des sondages n'est pas plus prometteur pour Lucie Castets. Par exemple, selon un sondage réalisé les 23 et 24 juillet 2024 par Elabe pour BFMTV, 58% des sondés considèrent qu'Emmanuel Macron ne doit pas nommer Lucie Castets à Matignon.

    Le NFP vit désormais dans une réalité alternative. C'est dangereux car ses apparatchiks emmènent avec eux une partie de la population, leurs électeurs, qui, peu respectés par eux, vont aussi se placer dans cette réalité alternative. La réalité vraie, si j'ose dire, c'est que 193 n'est pas égal à 289, et aussi que 207 est inférieur à 220, les voix obtenues respectivement par André Chassaigne et Yaël Braun-Pivet le 18 juillet 2024 au perchoir. Tant que les groupes politiques du NFP ne comprennent pas cette petite chose toute simple, aucun gouvernement ne pourra être formé.

    Heureusement, les électeurs, plus éclairés que les apparatchiks, ont bien compris ce problème et cet enjeu. Dans les sondages, ils plébiscitent la solution d'une grande coalition allant de la gauche gouvernementale à la droite républicaine. Lorsqu'ils sont un peu plus pressants sur les députés du NFP, ceux-ci vont pouvoir enfin prendre leur responsabilité. L'idée générale est : débrouillez-vous pour vous mettre d'accord, seul, l'intérêt national compte. Visiblement, on en est encore loin.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240723-lucie-castets.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-32-le-casse-tete-256003

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/23/article-sr-20240723-lucie-castets.html


     

  • Yves Duteil, passeur de mots

    « Et si parfois je te montre les rails, c'est pour que tu y ajoutes l'aiguillage à ton idée. » (Yves Duteil, 2006).



     

     
     


    Le chanteur (auteur-compositeur-interprète) Yves Duteil fête son 75e anniversaire ce mercredi 24 juillet 2024. Cela fait plus de cinquante ans qu'il existe de la paysage de la chanson française (son premier disque date de 1972) et il se caractérise par l'amour des mots, de la langue française. Il a été plusieurs fois récompensé pour les paroles et la musique de ses chansons (par la Sacem, par l'Académie française, par l'Académie Charles-Cros, etc.). Il a fait un concert il y a encore quelques mois, le 2 novembre 2023, aux Folies Bergère à Paris.

    Soixante-quinze ans déjà, est-on tenté de dire et d'y aller sur le temps qui passe. Il était très connu dans les années 1970 avec deux ou trois chansons très bucoliques, pleines de tendresse des êtres et des mots, en particulier cette chanson "Prendre un enfant par la main" qui a été sacrée meilleure chanson française du XXe siècle par le magazine "Le Temps" en 1987.

    « Prendre un enfant par la main
    Pour l'emmener vers demain,
    (…)
    Prendre un enfant par la main
    En regardant tout au bout du chemin,

    Prendre un enfant pour le sien. »

    Dans le même album sorti en 1977, deux autres chansons ont eu aussi une destinée retentissante, "Tarentelle" et "Le petit pont de bois" (et j'ajouterais aussi "La puce et le pianiste"). Une vingtaine d'albums, près de quatre centaines de chansons, aussi beaucoup d'ouvrages écrits, une quinzaine (Yves Duteil est un écrivain, voir ci-après).

    Yves Duteil était l'ami des enfants, du moins ceux qui étaient enfants dans les années 1970 ! Ce n'est pas anodin qu'il existe une trentaine d'établissements scolaires qui sont baptisés à son nom en France, ce qui est très rare pour une personnalité encore vivante.

    Il est un star atypique (il n'est pas le seul comme cela, heureusement). Loin des paillettes, connu avec une image d'amoureux de la nature, une guitare à la main et de longs cheveux très à la mode de l'époque, Yves Duteil semble être quelqu'un de très stable, qui a traversé sans encombres des décennies très marquées : il s'est marié en juin 1975 et vit toujours avec sa femme, ils ont une fille et un petit-fils, et comme tout le monde, des pépins de santé, etc. qu'il a racontés dans son autobiographie "Chemins de liberté" sorti le 6 mai 2021 (éd. de L'Archipel).

    Les chansons ne reflètent pas seulement des mots d'amoureux, mais aussi de militant, celui d'un engagement calme et respectueux néanmoins profond. Yves Duteil a soutenu ainsi une jeune Tibétaine condamnée à la prison. Yves Duteil a aussi évoqué l'assassinat du Premier Ministre israélien Yitzhak Rabin en 1997.

    Il a condamné aussi l'antisémitisme en se replongeant dans l'histoire de l'Affaire Dreyfus, c'est-à-dire, dans sa propre histoire car le capitaine Alfred Dreyfus, injustement condamné parce qu'il était Juif, n'était autre que son grand-oncle (son grand-père a fait changer son nom Deutsch en Duteil) : « Je suis né dans une famille juive qui m’a baptisé. Je n’ai pas reçu d’éducation religieuse, mais ce baptême de complaisance a laissé une empreinte. ».

    « Et je retrouve en moi

    Ta foi dans la justice
    Et ta force au combat.
    Dans ton honneur déchu,
    Malgré ta peine immense,
    Tu n'as jamais perdu

    Ton amour pour la France. »

    Parmi d'autres engagements qui ont marqué sa vie, Yves Duteil s'est fait élire et réélire, de 1989 à 2014, maire de Précy-sur-Marne, un village de moins de 1 000 habitants dans le nord-ouest de la Seine-et-Marne (avec une étiquette centriste). Les Guignols de l'Info l'ont même caricaturé parce qu'il a soutenu Jacques Chirac en 1995. Il s'engagea aussi dans les Jeux olympiques d'hiver à Albertville en 1992 où il donna une chanson retenue par le comité olympique ("La Fleur de l'impossible").

    Avant de proposer quelques chansons disponibles sur Internet (une quinzaine), je propose quelques belles phrases issues de deux de ses livres.


    L'amour : « La plus belle définition que j'en connaisse [de l'amour] : "Quelqu'un qui vous aime, c'est quelqu'un qui vous a à sa merci mais qui n'en profite pas". » (2014). L'exemple le plus simple de cette définition, c'est de dormir ensemble, ce qui revient à s'abandonner à l'autre.

    Toujours l'amour : « Tu dis les mots justes et souvent tes phrases commencent par "oui..", même pour conduire doucement vers le contraire en ouvrant la porte de la tolérance. » (2006).

    Soif de connaissances : « La première condition pour apprendre est d'accepter d'ignorer. » (2006). Une reformulation du fameux "gnothi séauton" de Socrate.

    Vaine démagogie : « En attendant, on confie notre destin à la démocratie. Celui qui fait le mieux semblant de tout savoir est élu pour demander ensuite à ceux qui ont le plus de diplômes de lui dire ce qu'il faut faire devant l'inconnu... Et, sitôt qu'il est élu, on ne songe qu'à le remplacer par un autre qui a l'air de mieux savoir demander aux mêmes... » (2006).


    1. "J'ai caché ton mouchoir" (1974)






    2. "Tarentelle" (1977)






    3. "Prendre un enfant" (1977)






    4. "Le petit pont de bois" (1977)






    5. "La puce et le pianiste" (1977)






    6. "Les p'tites casquettes" (1977)






    7. "J'ai la guitare qui me démange" (1979)






    8."La maman d'Amandine" (1979)






    9. "Mélancolie" (1979)






    10. "La langue de chez nous" (1985)






    11. "Les petits hommes verts" (1987)






    12. "La Fleur de l'impossible" (J.O. 1992)






    13. "Dreyfus : je suis son neveu" (1997)






    14. "La Tibétaine" (1997)






    15. "Grand-père Yitzhak" (1997)






    16. Ses plus belles chansons des années 1970







    17. Émission "C à vous" le 5 mai 2021 sur France






    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Yves Duteil.
    Pierre Perret.
    Michel Polnareff.
    Françoise Hardy.
    Charles Aznavour.
    Alain Souchon.
    Patrick Bruel.
    Eden Golan.
    ABBA.
    Toomaj Salehi.
    Sophia Aram.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Micheline Presle.
    Plastic Bertrand.
    Jacques Dutronc.

    Guy Marchand.
    Maria Callas.
    Catherine Deneuve.
    Gérard Depardieu.
    Stéphanie de Monaco.
    Jane Birkin.
    Fernand Raynaud.
    Marcel Zanini.
    Patricia Kaas.
    Kim Wilde.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240724-yves-duteil.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/yves-duteil-passeur-de-mots-255817

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240724-yves-duteil.html



     

  • Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO

    « Personne ne peut appliquer son programme (…) : ni le nouveau front populaire, ni la majorité sortante, ni la droite républicaine ! » (Emmanuel Macron, le 23 juillet 2024 sur France 2).



     

     
     


    Le Président de la République Emmanuel Macron s'est invité au journal de 20 heures de ce mardi 23 juillet 2024 sur France 2. Le fait que ce fût sur une chaîne du service public n'était pas anodin, après les propositions de privatisation de France Télévisions formulées par le RN avant les élections législatives. France 2 et France 3 seront aussi les chaînes des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) qui commenceront en fin de semaine, le vendredi 26 juillet 2024 à Paris.

    Il était donc normal que le chef de l'État honorât de sa présence tout le dispositif tant de la cérémonie d'ouverture que celui des plateaux de télévision. Il était à un studio placé, il me semble, sur le toit du Trocadéro qui sera utilisé par les présentateurs des émissions sur les JOP.

    Le chef de l'État a précisé deux ou trois choses sur les JOP. Par exemple, la décision de refuser la Russie aux Jeux olympiques n'est pas celle de la France mais celle du CIO (Comité international olympique), tout comme la décision d'accepter Israël : « Les athlètes israéliens sont les bienvenus ! ».

    Emmanuel Macron est un passionné des sports et cela se voyait peut-être un peu trop à son visage réjoui et à la mine excitée qui semble en déphasage avec l'issue des élections législatives. Pour les Jeux olympiques (je me permets de ne pas rajouter systématiquement "et paralympiques" pour faire un peu plus court), c'est un projet qu'Emmanuel Macron n'a pas demandé (la demande datait de 2012), mais qu'il a mené jusqu'au bout avec beaucoup de rigueur entre 2017 et 2024. Il est aussi passionné par cette France qui gagne, et quoi de plus gagnant que cette France des champions sportifs, des médailles d'or (apparemment, on attend de la France qu'elle soit au Top 5 voire Top 3 des nations les plus médaillées, ce qui est très ambitieux). Enfin, il est passionné aussi par l'optimisme et la pensée positive et il est persuadé que ces quelques semaines estivales olympiques sera un moment très particulier de concorde nationale, comme on l'a vécue pendant les coupes du monde de football lorsque l'équipe de France allait jusqu'en finale voire la gagnait (1998, 2006, 2018, 2022).

    Ainsi, Emmanuel Macron serait un excellent Monsieur Loyal de la cérémonie d'ouverture, dans le secret des dieux pour ce qui est l'organisation, les surprises, les artistes qui se produiront voire les sportifs qui tiendront en dernier la flamme olympique. On apprenait juste avant l'interview présidentielle que l'avion de Céline Dion venait d'atterrir en France, laissant entendre, comme cela se murmurait depuis quelques semaines, que la chanteuse à la santé défaillante pourrait faire partie du spectacle : « Je serai immensément heureux si elle pouvait être de cette cérémonie d'ouverture, comme tous nos compatriotes. ». Le spectacle de vendredi, conçu et supervisé par Thomas Jolly, promet d'être grandiose et exceptionnel, sur la Seine : « On verra tous à partir de vendredi soir pourquoi ça valait la peine. ».

     

     
     


    C'est pour cette raison qu'il entend bien appliquer la trêve politique qu'il prône depuis quelques jours, une trêve olympique, jusqu'à au moins au milieu du mois d'août 2024, en reconnaissant que peut-être qu'elle n'irait pas jusqu'aux Jeux paralympiques qui arrivent très tardivement à la fin de l'été : « De manière évidente, jusqu'à la mi-août, on doit être concentré sur les Jeux. Et puis à partir de là, en fonction de l'avancée de ces discussions, ce sera ma responsabilité de nommer un Premier Ministre ou une Première Ministre et lui confier la tâche de constituer un gouvernement et d'avoir le rassemblement le plus large qui lui permette d'agir et d'avoir la stabilité. ».

    Car Emmanuel Macron devra être aussi un nouveau Monsieur Loyal, celui de vie politique qui promet d'être difficile pour les prochains mois. Le Président de la République a réexpliqué les raisons de la dissolution, sans forcément plus convaincre, certain, sans cela, qu'une motion de censure aurait été votée pendant la discussion budgétaire et donc, préférant dissoudre dès l'été pour pouvoir préserver la période de discussion budgétaire.

    Sans plus convaincre parce que la motion de censure n'était pas assurée, son adoption aurait été provoquée par le groupe LR et aujourd'hui, il y a des discussions entre les macronistes et LR, mais sans être capable d'assurer une majorité absolue au contraire de la précédente législature. En cas de réussite des discussions, pour constituer un gouvernement viable, Emmanuel Macron n'entend pas dissoudre jusqu'en 2027.

    Emmanuel Macron a regretté que les députés RN n'aient eu pas leur juste répartition de postes au sein du bureau de l'Assemblée (alors que le groupe EPR avait réservé des places au groupe LR sur le quota RN), expliquant qu'il n'y a pas de « sous-député », et il a été choqué par le refus de serrer la main au jeune scrutateur RN de la part des députés insoumis, « mais pas seulement » (en effet, Agnès Pannier-Runacher avait également refusé de serrer la main).

    Il a rappelé ainsi ce qu'il avait affirmé dans sa lettre aux Français : son parti avait perdu ces élections législatives, mais personne ne les avait gagnées, ni le RN, ni le NFP. Par conséquent, le seul moyen qu'un gouvernement puisse exister, c'est qu'il repose sur une base solide proche de la majorité absolue, soit tout l'arc républicain. Comme le rappelait le sénateur Claude Malhuret le 18 juillet 2024 : « Pas de front national, pas de front populaire : la seule hypothèse possible est celle du front républicain. Elle suppose, comme chez nos voisins, mais à rebours des traditions françaises, l’alliance de tous les démocrates, depuis la droite républicaine jusqu’à la gauche de gouvernement. ».

    Les accords entre le premier et le second tours pour faire barrage au RN doivent être assumer après le second tour : ce que les Français ont demandé, c'est de s'entendre entre républicains. C'est ce que n'a absolument pas compris la gauche qui reste dans une sorte de déni de défaite, croyant fermement le bluff originel de Jean-Luc Mélenchon alors qu'un gouvernement exclusivement NFP et donc insoumis se ferait immédiatement censuré par les autres groupes de l'Assemblée.

    La question lui a bien sûr été posée : les apparatchiks du NFP étaient arrivés à un accord à 19 heures, juste avant l'interview présidentielle, pour mettre mal à l'aise le Président de la République. C'est bien l'inverse qui s'est produit. L'accord, c'était sur le nom du Premier Ministre supposé du NFP : une femme de 37 ans inconnue de tous (sans même de page de Wikipédia !), une technocrate obscure directrice des finances et des achats de la Ville de Paris surendettée, une personne certainement très estimable, proche d'Anne Hidalgo, mais qui n'a ni une expérience politique ou parlementaire capable de naviguer dans une Assemblée difficile sans majorité, ni une expérience professionnelle qui garantirait qu'elle puisse diriger le gouvernement de la sixième puissance mondiale. J'y reviendrai certainement, mais disons tout net qu'à ce petit de jeu-là de téléréalité stupide, Jordan Bardella aurait plus de légitimité car il est un politique, au moins.

     

     
     


    En fait, le NFP a eu le tort d'annoncer leur décision juste avant cette interview : il croyait mettre en difficulté Emmanuel Macron mais la réalité médiatique, c'est que l'écho de l'annonce s'est noyé dans l'écho médiatique de cette interview. La proposition de Lucie Castets (on parie sur les jeux de mots), c'est encore une fois se moquer des Français qui n'avaient pas voté pour cela. Un internaute sans pitié a réagi à son tweet d'acceptation (acceptation de quoi ? Jusqu'à nouvel ordre, la Constitution dit que c'est le Président de la République qui nomme le Premier Ministre et pas les apparatchik du NFP) ainsi : « Manu t’a dit non. C’est dommage, parce qu’elle avait l’air d’avoir bien géré le budget à la ville de Paris. ». Un autre, pas plus charitable : « Sur ton CV. Première Ministre : 48 heures ». Un troisième plus réaliste : « Bravo, vous êtes dans le Guinness Book du Record du plus éphémère Premier Ministre de la Ve République avec 1 seconde et 10 centièmes ! ». Un autre dans l'anti-élitisme primaire : « Énarque et incapable de calculer des %. Le mal de notre pays. ». Un cinquième qui a tout compris : « Ce #NouveauFrontPoplulaire est un spectacle trop cher dont le casting ne comporte que des figurants et des seconds rôles. ».

    Emmanuel Macron n'a donc pas l'intention de la nommer à Matignon, du moins actuellement, tant qu'elle ne démontre pas qu'elle est soutenue par des forces parlementaires suffisantes. Il a répété pour ceux qui étaient dur à la comprenotte : « La question n'est pas un nom. La question, c'est quelle majorité peut se dégager à l'Assemblée pour qu'un gouvernement de la France puisse passer des réformes, passer un budget et faire avancer le pays. ».

    Le Président de la République n'a pas eu de mal à démontrer que le NFP n'avait pas de majorité à l'Assemblée : la preuve, c'est qu'il n'a même pas été capable de faire élire André Chassaigne au perchoir. Yaël Braun-Pivet a su rassembler plus de députés que le NFP.

    Ce qui est terrible, c'est que la gauche n'arrive pas à admettre qu'elle n'a pas de majorité à l'Assemblée. Que les insoumis poursuivent le gros bluff de leur gourou, c'est de bonne guerre, mais ceux des partis qui se croient encore de gouvernement, réveillez-vous ! Les Français ne veulent pas du programme du NFP ! Au contraire, ils ont voté très à droite, et c'est la raison pour laquelle le pacte législatif présenté lundi par Laurent Wauquiez « va dans le bon sens » selon Emmanuel Macron.

    Finalement, la défaite du RN le 7 juillet 2024 est du même ordre que la défaite de Jean-Marie Le Pen le 5 mai 2002 : un front républicain qui a fait que beaucoup de voix de gauche ont voté Jacques Chirac en 2002 comme beaucoup de voix de droite ou du centre ont voté pour le candidat du NFP en 2024 (et réciproquement). L'erreur de Jacques Chirac a été de nommer un gouvernement uniquement UMP sur une assise beaucoup trop restreinte qui ne correspondait pas à son électorat du second tour. Ce qui n'était pas le cas d'Emmanuel Macron en 2017 et 2022 car jamais Jean-Luc Mélenchon n'a appelé à voter Emmanuel Macron au second tour (au contraire de François Fillon en 2017).

    La répartition des groupes parlementaires montre qu'il n'y a pas besoin de réflexion politique très approfondie pour le comprendre : l'arithmétique suffit. Pour avoir une majorité, il faut un compromis entre plusieurs alliances au sein de l'Assemblée, entre le bloc central et le bloc de gauche. Tant que ce dernier refuse cette réalité, aucun gouvernement ne pourra durablement exister. Il y a urgence : le 1er octobre 2024, une premier projet de loi de finance doit être déposé à l'Assemblée. La balle n'est pas à l'Élysée, mais dans les différents groupes. Ils doivent négocier un compromis (quel gros mot !) pour un programme minimum (un... PGCD : plus grand dénominateur commun, et pas plus petit, je m'adresse aux journalistes qui estropient les maths). C'est d'ailleurs ce que les Français demandent quand on les sonde.

    En attendant, joyeux JO !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240723-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-31-emmanuel-256000

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  • Kamala Harris sera-t-elle la première femme Présidente des États-Unis ?

    « Nous sommes à 107 jours de l'élection. Ensemble, nous nous battrons, ensemble nous gagnerons. (…) Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour unir le parti démocrate, notre nation et battre Donald Trump. » (Kamala Harris, le 21 juillet 2024).




     

     
     


    Le retrait du Président Joe Biden de la course présidentielle ce dimanche 21 juillet 2024 est un événement majeur de cette campagne présidentielle, huit jours après la tentative d'assassinat contre Donald Trump et quelques jours après la désignation triomphale de ce dernier à Milkauwee comme candidat du parti républicain. On a reproché à Joe Biden d'avoir mis une petite demi-heure avant de proposer de soutenir Kamala Harris, l'actuelle Vice-Président des États-Unis. Mais le fait, c'est qu'il la soutient.

    Amusant de voir qu'au lendemain de ce retrait, il existe des journalistes français à passer encore du temps à se demander : pourquoi Joe Biden s'est-il retiré ? La réponse paraît en effet assez évidente, mais cela fait penser aussi à la question que tous les Français (moins un) se posent depuis le 9 juin : pourquoi Emmanuel Macron a-t-il dissous l'Assemblée Nationale ? On pourrait d'ailleurs titrer : Joe Biden s'est auto-dissous ! Ou proposer à Jean-Luc Mélenchon de faire comme Joe Biden, se retirer de la vie politique (après tout, la retraite à 73 ans, ce n'est pas trop tôt) et laisser les générations à venir s'occuper du pays.
     

     
     


    Ce qui est étrange, c'est que dans les récents sondages, réalisés après l'attentat de Butler, Joe Biden n'était pas si loin de Donald Trump en intentions de vote. Ce qui va surtout changer, avec le départ de Joe Biden de la course présidentielle, c'est que l'argument de l'âge va pouvoir être retourné à l'envoyeur en rappelant ainsi que Donald Trump devient le candidat à l'élection présidentielle le plus vieux de l'histoire des États-Unis (Joe Biden était plus jeune que lui en 2020). Certains observateurs affirmaient même que ce serait le parti qui renverrait le premier son candidat âgé qui gagnerait l'élection. Donald Trump sera, lui, bien candidat, rescapé de l'attentat et toujours bien vivant. À la combativité presque insolente.

    Bien sûr, connaître le pourquoi du comment du renoncement est toujours intéressant, mais c'est aux historiens et aux politologues que la question échoie, avec le recul du temps. Dans l'immédiateté de la vie politique, que ce soit pour une campagne législative en France ou une campagne présidentielle aux États-Unis, ces deux actes, provoqués par le Président respectivement des deux nations, ont bouleversé considérablement le cours des événements politiques et la question serait plutôt ce que cela va entraîner.

    Pour le camp des démocrates, assurément, il leur faudra désigner leur nouveau candidat, d'ici à leur Convention à Chicago (du 19 au 22 août 2024), dans le meilleur des cas le plus rapidement possible car il ne reste pas beaucoup de temps avec l'élection du 5 novembre 2024. Joe Biden a annoncé son soutien assez clair à Kamala Harris, ainsi que le couple Bill Clinton et Hillary Clinton, cette dernière adversaire malheureuse de Donald Trump en 2016 : « Nous sommes fiers de nous joindre au Président pour soutenir la Vice-Présidente Harris et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour la soutenir. ».

    En revanche, Nancy Pelosi, ancienne Présidente de la Chambre des représentants et figure très influente du parti démocrate (bien qu'âgée de 84 ans), n'a pas mentionné le premier jour le nom de la Vice-Présidente et souhaiterait une désignation transparente : « Le Président Joe Biden est un patriote américain qui a toujours donné la priorité à notre pays. Son héritage de vision, de valeurs et de leadership fait de lui l'un des Présidents les plus influents de l'histoire américaine. ». Toutefois, Nancy Pelosi a apporté son soutien à Kamala Harris le lendemain (22 juillet).

    De son côté, l'ancien Président Barack Obama a salué le courage et l'abnégation de Joe Biden, mais sans évoquer sa Vice-Présidente : « Nous allons naviguer dans des eaux inconnues dans les jours à venir. Mais j'ai une confiance extraordinaire dans la capacité des dirigeants de notre parti à créer un processus qui permettra de désigner un candidat exceptionnel. ». Certains murmurent que son épouse Michelle Obama pourrait être intéressée par une candidature, mais au contraire d'Hillary Clinton, qui a été élue sénatrice et qui a eu des fonctions d'État (Secrétaire d'État), Michelle Obama n'a joué aucun rôle officiel à ce jour. D'autres expliquent que Barack Obama souhaite dans le parti démocrate des débats et de la démocratie.

    Avant d'évoquer le parcours de la future candidate ainsi que la polémique que les trumpistes ont voulu créer dès le retrait de Joe Biden, il faut donc rappeler quelques règles du parti démocrate, car on ne désigne pas un candidat à l'élection présidentielle sur le coup d'un claquement de doigts, ou à la lecture des sondages, ou encore dans une obscure salle de comité central.

    Ah, tiens, à propos de comité central, tentons encore le parallèle avec la nouvelle farce populaire (NFP) : depuis seize jours, ces supposés vainqueurs des élections législatives (à cent sièges près !) peinent à choisir un Premier Ministre (la candidate du PS Laurence Tubiana, 74 ans, a renoncé le 22 juillet 2024, après l'abandon d'Huguette Bello le 14 juillet 2024) qu'ils reprochent au Président Macron de ne pas avoir nommé ! Faut-il l'unanimité, comme veulent l'imposer les apparatchiks des insoumis, ou un vote des groupes parlementaires, comme le suggèrent les socialistes qui jouissent d'un avantage numérique au Parlement avec son groupe sénatorial ? L'unanimité semble pourtant nécessaire, car chaque vote à l'Assemblée sera capital. Et dans ce cas, mission impossible.

     

     
     


    Chez les démocrates américains, c'est différent. Au lendemain de l'abandon de Joe Biden, il n'y a pas beaucoup de suspense sur le nom du candidat, de la candidate : Kamala Harris a démarré avec beaucoup d'élan et de dynamisme sa campagne présidentielle. Dès les premières heures, elle a su récolter sur son nom ce que les donateurs hésitaient à donner à un vieillard trop peu dynamique pour vaincre Donald Trump : « À 21h, les sympathisants de la base ont récolté 46,7 millions de dollars via ActBlue après le lancement de la campagne de la Vice-Présidente Kamala Harris. Il s'agit de la journée de collecte de fonds la plus importante du cycle 2024. Les petits donateurs sont motivés et prêts à affronter cette élection. » (selon un tweet de ActBlue du 21 juillet 2024). Au bout de 24 heures, ce sont 81 millions de dollars qui ont été collectés pour la campagne de Kamala Harris. C'est beaucoup. Cela ne réhaussera pas forcément le niveau (très bas) de la campagne, mais cela va rééquilibrer les spots politiques en faveur des démocrates.

    Mais il faut rester dans la forme. Nancy Pelosi et d'autres grands démocrates veulent rester irréprochables sur la désignation de leur candidat, pour défendre les institutions face à un adversaire qui s'assied allègrement sur celles-ci, Congrès, justice, etc. quand cela l'arrange. En principe, le candidat démocrate est désigné à l'issue des primaires du parti démocrate qui se sont déroulées du 23 janvier au 8 juin 2024 et Joe Biden a obtenu 3 905 délégués alors que 1 975 sont suffisants pour être désigné (ce qui correspond à 14,5 millions de voix, soit 87,1%). Les autres candidats aux primaires démocrates étaient Dean Philips avec 4 délégués (3,2% des voix), Jason Palmer 3 délégués (0,1% des voix) et Marianne Williamson 0 délégué (2,9% des voix).

    Le problème, c'est que les délégués qui ont été élus pendant ces primaires ont un mandat impératif (ce qui fait que la démocratie amércaine est complètement différente de la démocratie française). C'est-à-dire que les délégués de Joe Biden ont été élus pour apporter leur suffrage à Joe Biden, à lui seul et à personne d'autre, le 19 août 2024 lors de la Convention. Dès lors que Joe Biden n'est plus candidat, ces délégués retrouvent leur liberté de choix, car il est bien entendu hors de question de redésigner de nouveaux délégués (cela prendrait au moins cinq mois).

     

     
     


    C'est donc le choix personnel de ces 3 949 délégués qui va désigner le candidat démocrate. La question reste toutefois : comment feront-ils connaître leur choix ? Beaucoup souhaitent qu'ils fassent leur choix de manière électronique avant la Convention pour que celle-ci, comme c'est le cas d'habitude, soit le moment festif de lancement de la candidature officielle. D'autres, au contraire, en particulier Nancy Pelosi, voudraient plus de transparence et que le vote intervienne au début de la Convention, le 19 août, ce qui, à mon sens, sera probablement retenu car c'est le moyen le plus transparent.

    Tout cela n'est qu'un problème de forme, car pour le fond, la candidature de Kamala Harris est lancée avec force et dynamisme. Soutenue notamment par six gouverneurs dont l'ancien maire de San Francisco et actuel gouverneur de Californie Gavin Newsom, Kamala Harris aurait déjà gagné la confiance au moins de 1 208 délégués en un jour. Aucun candidat démocrate ne semble en mesure de lui disputer sérieusement la candidature. La vraie question sera quel sera son colistier, forcément un homme, probablement dans un État "partagé" ou "tangent" (un "swing state").

    La polémique créée par les républicains quelques heures après son annonce de retrait, c'est de dire : si Joe Biden n'est plus capable d'être candidat, alors il n'est plus capable d'être Président, il faut qu'il s'en aille. Mais le raisonnement est particulièrement stupide pour les républicains, car si Joe Biden quittait la Maison-Blanche, ce serait Kamala Harris qui deviendrait tout de suite Présidente des États-Unis, la première femme à la Maison-Blanche. Et elle démontrerait alors qu'elle est présidentiable.

    Cela n'a pas empêché les instituts de sondage de sonder le peuple sur ce thème : Joe Biden doit-il quitter la Maison-Blanche ? Dans le sondage publié le 21 juillet 2024 par YouGouv, une large majorité des sondés (56%) souhaiterait que Joe Biden termine son mandat dans tous les cas. Le peuple américain est parfois sage (mais pas toujours).

     
     


    Qui est Kamala Harris ? C'est une femme de presque 60 ans (elle les aura le 20 octobre) qui, par son histoire, fait partie du rêve américain. Fille d'un économiste d'origine jamaïcaine et d'une cancérologue spécialiste du cancer du sein d'origine indienne, elle est devenue avocate au barreau de San Francisco. Ses parents s'étaient rencontrés à l'Université de Californie à Berkeley où chacun préparait un doctorat (l'un en économie, l'autre en médecine). Il se sont quittés quand Kamala avait 7 ans.

    Kamala Harris a fait toute sa carrière en Californie : procureure de San Francisco de 2004 à 2011, puis première femme procureure générale de Californie de 2011 à 2017, elle a acquis une réputation de progressiste (pour être procureur, il faut être élu). Au lendemain de la victoire de Donald Trump à la Présidence des États-Unis le 8 novembre 2016, et alors que les dirigeants démocrates étaient sonnés par leur défaite, Kamala Harris, nouvellement élue sénatrice des États-Unis en Californie, a prononcé une discours de combat où elle disait qu'elle se battrait de toutes ses forces contre Donald Trump, contre ses idées. Et effectivement, elle s'est lancée le 21 janvier 2019 dans la bataille des primaires démocrates pour l'élection présidentielle de 2020.

    Si, avant l'été 2019, elle talonnait Joe Biden dans les sondages pour les primaires démocrates, elle s'est écroulée à la fin de l'automne et a jeté l'éponge le 3 décembre 2019, par manque de moyens. Repêchée par Joe Biden qui en a fait, le 11 août 2020, sa colistière, Kamala Harris a été élue Vice-Présidente des États-Unis le 3 novembre 2020, première femme à occuper ce poste, qui plus est, une femme de couloir (mais qui n'a rien à voir avec les Afro-américains).

    Être Vice-Président des États-Unis est toujours ingrat. Son principal rôle est de présider le Sénat, ce qui peut être déterminant lorsque le Sénat est partagé. Et le Président peut lui confier des missions. En mars 2021, encore en pleine crise du covic-19, Joe Biden a confié à Kamala Harris la gestion de la grave crise migratoire : beaucoup de ressortissants des pays d'Amérique latin sont entrés illégalement aux États-Unis. Le sujet est très difficile à traiter. En raison de la sensibilité de ce thème, repris autant par les populistes américains dans leur pays que les populistes français en France, Kamala Harris n'a pu que se prendre des coups : fustigée par les républicains en raison de l'arrivée massive des migrants, elle a été aussi très critiquée par l'aile gauche du parti démocrate car elle est allée dans tous les pays d'Amérique latine pour négocier la réduction des flux migratoires. Si elle a déçu les démocrates pendant ce mandat, elle est cependant une battante, capable de visiter tout le pays pour expliquer les lois et apporter de la compréhension aux citoyens.

    La voici aux portes du pouvoir. Contrairement à ce qu'affirme Donald Trump qui n'en finit pas de se dire miraculé et qui n'en finit pas de débiter des grossièretés et des insultes sans argumentation politique, l'élection du 5 novembre 2024 va être très serrée. Kamala Harris a un potentiel encore intact et dès le premier jour de sa campagne, déjà dans les réseaux sociaux, son visage a remplacé celui de Barack Obama dans la célèbre affiche, y ajoutant un jeu de mot : Yes, We Kam ! Le moment Trump est en train de s'évaporer. Place au moment Kamala.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Kamala Harris sera-t-elle la première femme Présidente des États-Unis ?
    USA 2024 : Joe Biden se retire et soutient Kamala Harris !
    Donald Trump victime d'une tentative d'assassinat.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Ronald Reagan.
    Triste Trump (hic) !
    Paul Auster.
    Standard & Poor's.
    Moody's et Fitch.
    Les 75 ans de l'OTAN.
    Lee Marvin.
    Les 20 ans de Facebook.
    Bernard Madoff.
    La crise financière mondiale de 2008.

    La boîte quantique.
    Maria Callas.
    Henry Kissinger.
    Alexander Haig.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240722-kamala-harris.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/kamala-harris-sera-t-elle-la-255973

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/22/article-sr-20240722-kamala-harris.html