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france - Page 13

  • Lionel Jospin appelle le PS à ne pas censurer le gouvernement Bayrou

    « J'appelle, pour ce qui me concerne, les socialistes et même l'ensemble des forces de gauche, à ne pas voter la censure. » (Lionel Jospin, le 1er février 2025 sur France 5).




     

     
     


    La première semaine de février 2025 va être cruciale tant pour le gouvernement de François Bayrou que pour la France, sa crédibilité internationale, sa solidité économique. La commission mixte paritaire des 30 et 31 janvier 2025 a abouti à un projet de loi de finances pour 2025 enfin finalisé, et la question reste son adoption par l'Assemblée Nationale.

    Depuis que le RN a perdu son influence en ayant provoqué le renversement du gouvernement Barnier, tous les projecteurs sont braqués sur les députés socialistes et leur position revêt une importance stratégique, tant pour la France que pour eux-mêmes. À cela s'est agrégé un caillou dans les rouages puisque le PS s'est faussement indigné, à l'instar d'une vierge effarouchée, de l'utilisation du mot "submersion" par le François Bayrou.

    Pourtant, ce qu'a dit le Premier Ministre n'était pas qu'il croyait à une submersion, mais que certains Français, de plus en plus nombreux, avaient le "sentiment d'une submersion", ce qui est très différent, et ce constat est factuel.

     

     
     


    Même Patrick Cohen l'a remarqué dans sa chronique politique du 29 janvier 2025 sur France Inter : « Bayrou refuse la loi immigration que lui réclame son ministre Retailleau. Il ferme à la porte à un référendum sur le sujet. Dit non à la remise en cause du droit du sol, sauf à Mayotte. Défend l’immigration de travail. Ne veut pas tailler dans l’Aide médicale d'État… C’est le paradoxe de la séquence : sur le fond, François Bayrou ne cède rien. Mais sur la forme, pour un mot, il reçoit les bravos des députés RN. Mais alors, pourquoi avoir évoqué ce "sentiment" ? Parce que c’est celui de nombreux Français. Et que Bayrou voulait montrer, maladroitement, qu’il les comprend, qu’il n’est pas déconnecté. ».

    La réaction surjouée des socialistes sur le mot "submersion" ne plaide pas leur faveur, d'autant plus qu'ils ont quand même continué à négocier avec le gouvernement sur le budget. Il faudrait que parmi eux, un homme d'État se lève et leur fasse une petite leçon de responsabilité et d'intérêt général.


    C'était le cas justement du peut-être dernier homme d'État de gauche, à savoir Lionel Jospin, ancien Premier Ministre de 1997 à 2002. Ce dernier était l'invité de l'émission "C l'hebdo" ce samedi 1er février 2025 sur France 5. C'était lui-même qui a pris l'initiative d'intervenir alors qu'il intervient généralement très rarement dans le débat politique.

     

     
     


    À 87 ans et demi, l'ancien double candidat à l'élection présidentielle a plaidé pour laisser vivre le gouvernement Bayrou, et même plus, il a considéré que le vote de la censure serait la preuve d'une grande irresponsabilité car la France a besoin de gouvernement et la censure ne se comprend que dans le cas où un autre gouvernement est possible, ce qui n'est pas le cas actuel puisqu'il n'est pas question d'un gouvernement RN-NFP.

    L'ancien Premier Ministre n'a d'ailleurs pas manqué de cynisme en expliquant qu'il fallait laisser réparer ceux qui avaient laissé filer le déficit : « La position la plus sage, au fond, c'est de laisser ce gouvernement, qui dispose d'une majorité étroite, issue du macronisme et qu'ont rejoint de nouveaux alliés du macronisme, si vous voulez, pour gouverner, y compris (…) pour faire face à la situation qu'ils ont créée. (…) Et je ne vois pas pourquoi la gauche se précipiterait pour faire face à une situation aussi difficile. ».


    Et Lionel Jospin a blâmé Boris Vallaud et ses amis choqués par la "submersion" de ne pas être vraiment responsables : « Je vais vous dire une chose, au-delà de toutes les arrière-pensées. On ne censure pas un gouvernement (…) pour un mot. ».
     

     
     


    Il a même rappelé la position anti-RN de François Bayrou : « Je n'y vois pas une main tendue au Rassemblement national parce que ce serait contradictoire avec la façon dont il a lui-même engagé son gouvernement, si vous voulez, de façon différente de celle de monsieur Barnier, qui a été lui aussi censuré. Le terme de sentiment de submersion est une façon pour lui de ne pas totalement le prendre à son compte, de considérer que ce sentiment existe dans le pays. Et donc, je dis qu'en tout état de cause, censurer, ne plus avoir de gouvernement demain, après la chute du gouvernement Barnier, engager la chute du gouvernement Bayrou, c'est courir le risque du désordre en France. C'est impossible d'avoir une France, en Europe, aujourd'hui, face au défi de Donald Trump, si vous voulez, qui n'a pas un gouvernement. Nous serions déconsidérés. ».

    On peut d'ailleurs rappeler que Lionel Jospin avait probalement échoué à l'élection présidentielle de 2002 en ne parlant que du « sentiment d'insécurité » sans croire un instant que l'insécurité était un problème pour les Français. Parler du sentiment de submersion est donc au contraire une manière de laisser croire qu'il n'y a pas submersion. Tout le contraire de l'interprétation des députés socialistes faussement indignés !


     

     
     


    Afin d'être entendu par ses anciens amis socialistes, Lionel Jospin a concédé que sur le fond, il était bien d'accord avec eux, mais qu'il fallait aussi prendre le principe de réalité. S'indigner pour s'indigner n'a aucun sens : « Je comprends la colère, je comprends l'indignation, et je partage le jugement porté sur l'utilisation de ce mot. Je dis simplement qu'on ne va pas corriger ça en n'ayant aucun gouvernement en France, dans les mois, voire dans les deux années qui viennent. ».

    Bref, il a conclu ce que tous les socialistes, du moins leurs électeurs potentiels, devraient conclure. À savoir, il faut qu'ils arrêtent ces enfantillages et qu'ils bossent enfin : « Que la gauche et les écologistes préparent l'alternance, qu'ils travaillent sur le fond, et on verra ensuite si les Français leur font confiance. ».

    Dans un sondage récent, 30% des sondés voudraient la censure du gouvernement actuel... alors que 44% seraient contre cette même censure (les autres sans opinion). Ce qui veut dire que les Français sont inquiets qu'il n'y ait plus de gouvernement ou pas de budget pour leur pays. Il y a un retournement de tendance ; la colère laisse place à l'inquiétude. Au cours des nombreuses cérémonies des vœux, les députés de toutes obédiences ont été pressés par les Français de ne plus censurer le gouvernement. Lionel Jospin fait ainsi partie de ces Français-là. Et parallèlement, peut-être en raison de cette polémique sur la "submersion", le Premier Ministre François Bayrou voit sa cote de popularité commencer à monter. Le vent tourne...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Lionel Jospin appelle le PS à ne pas censurer le gouvernement Bayrou.
    François Bayrou et le sentiment de submersion.
    François Bayrou, la cohérence du pacificateur.
    Ce Bayrou, c'qu'il est Faure !
    François Bayrou sera-t-il censuré ?
    Les conclaves du cardinal Bayrou.
    Déclaration de politique générale du Premier Ministre François Bayrou le 14 janvier 2025 au Palais-Bourbon (vidéo et texte intégral).
    François Bayrou au jour J.
    Édouard Philippe et sa partition particulière contre l'indolence.
    François Bayrou et le Chemin.
    Vœux 2025 d'Emmanuel Macron : aux Français de trancher ?
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 décembre 2024 à Paris (texte intégral et vidéo).
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    Gouvernement Bayrou : un choc d'autorité ?
    Composition du Gouvernement François Bayrou I nommé le 23 décembre 2024.
    Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou.
    La méthode Bayrou réussira-t-elle ?
    Terre de désolation.
    La folle histoire de la nomination de François Bayrou.
    François Bayrou, le papa Macron !
    Le tour de François Bayrou !
    La polémique entre Maurice Druon et François Bayrou en juillet 2004.
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
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    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250201-jospin.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/lionel-jospin-appelle-le-ps-a-ne-259054

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/01/article-sr-20250201-jospin.html





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  • Stéphanie de Monaco et son dernier Bébé

    « Ton absence me dévore
    Et mon cœur bat trop fort
    Ai-je eu raison ou tort
    De t'aimer tell'ment fort ? »
    ("Comme un ouragan", 1986, paroles de Marie Léonor, composition de Romano Musumarra).




     

     
     


    La princesse Stéphanie de Monaco, la sœur du prince Albert II, fête ses 60 ans ce samedi 1er février 2025. Stéphanie de Monaco est très célèbre, du moins pour les plus de 50 ans qui ont connu sa période (très courte) de star de la chanson. Elle a en effet sorti quelques "tubes" qui ont fait vibrer des jeunes de l'époque, dont le célèbre "Comme un ouragan" (en 1986), premier dans les ventes en France. Ce qui a aussi suscité l'humour potache des Inconnus dans un sketch pas moins connu, "Télé Magouilles" (voir en fin d'article quatre "tubes" et un sketch).

    La princesse n'est pourtant pas du genre à se coller aux mondanités, aux paillettes, au paraître en général, malgré sa phase de starlette (plutôt que de star, en fait) de sa jeunesse. Elle est d'abord une mère attentive de trois enfants et, au-delà de ses obligations de représentation dans cette principauté anachronique, elle utilise sa notoriété pour des causes qui lui paraissent justes, comme la lutte contre le sida (elle parraine Fight Aids Monaco depuis 2004) et aussi la défense des animaux. Une sorte de Brigitte Bardot de Monaco. Elle a même été en concurrence avec cette dernière pour une histoire de deux éléphantes. Retour à une peine princière d'il y a un an et demi, qui ne m'a pas laissé indifférent...

    André Gide écrivait en 1935 : « Chaque animal n’est qu’un paquet de joie. ». Cette appréciation est un peu vrai : un animal est joyeux par nature, sauf si on le rend malheureux. Il est joyeux et il apporte la joie par sa présence et par les éventuelles relations qu'il peut entretenir avec l'être humain. Et a contrario, quand l'animal souffre ou meurt, il déclenche une peine, une tristesse, qui est du même ordre que les malheurs des humains.

    On peut évidemment mettre des échelles de valeur, des hiérarchies d'importance et considérer que la mort d'un animal est moins grave que celle d'un être humain. C'est d'ailleurs ce que je crois profondément et je le dis pour une simple cohérence. N'étant pas anthropophage, je suis néanmoins carnivore, ou du moins, je ne suis pas végétarien, même si l'idée de manger un animal que j'aurais vu vivant m'est insupportable : la complexité est dans le paradoxe et la contradiction entre pensée et pratique.

    Toujours est-il que lorsqu'on est confronté à la mort d'un animal avec lequel on a passé un bout de vie ensemble, la tristesse s'impose alors que d'autres malheurs, hélas, et ceux-là humains, ne cessent de s'accumuler, et faire ce qu'on peut appeler le deuil de l'animal est presque un scandale face aux horreurs hélas quotidiennes qu'on apprend tous les jours parmi les humains.

    Cette peine, c'est ce qu'a dû ressentir la princesse Stéphanie de Monaco au début de l'été 2023. En fait, pour cette peine, elle n'était ni princesse, ni chanteuse, ni star quelconque, elle n'était que la nouvelle "maman" de Baby qui vient de disparaître le 13 juillet 2023. "Maman" est un bien grand mot car Baby, qui est une éléphante, avait 56 ans, pas très loin de l'âge de la célébrité monégasque à l'époque (58 ans).

    Une triple émotion : la perte d'un être cher, le changement de vie consécutif à celle-ci et une troisième émotion, celle-ci sans doute positive, la joie d'avoir agi jusqu'au bout pour le bien-être de Baby alors qu'elle avait été condamnée à mort par des bureaucrates lyonnais il y a plus de dix ans.

    Cette histoire de Baby, elle est aussi un peu la mienne, je l'avoue. Retournons-nous encore en arrière, dix-neuf ans en arrière (mon Dieu comme le temps passe vite !). Nous sommes en 2006 et je me promenais dans le très beau Parc de la Tête d'Or à Lyon. Soleil, visiteurs, douceur de la météo. Au milieu de ce parc, j'ai vu trois éléphants. J'ai su par la suite que c'étaient des éléphantes (je crois que les mâles se remarquent très vite par leur appendice... très long). Je ne suis pas un expert en éléphant, j'ai dû en voir quelques-uns dans ma vie, mais plutôt quand j'étais enfant, par exemple, au zoo de Bâle, je m'en souviens très bien. Je n'ai pas non plus une sensibilité pour les animaux plus forte que la "normale" (à définir). Mais dès la première seconde que j'ai vu les trois éléphantes, je me suis dit qu'elles étaient très malheureuses à être attachées ainsi. Car comme des forçats, elles avaient une chaîne à une patte, qu'elles secouaient désespérément en tapotant sur une souche d'arbre, elles laissaient tomber leur tête de côté, elles semblaient avoir des TOC, à l'évidence, elles s'ennuyaient terriblement.

    J'avoue que j'en suis ressorti avec des sentiments troubles de peine pour ces animaux, et, pour moi, de lâcheté et de culpabilité. Je n'ai pas réagi, je n'ai pas écrit de lettre, je n'ai protesté auprès de personne, je suis reparti de Lyon comme si je n'étais pas concerné. Les trois éléphantes s'appelaient Java, Népal et Baby. Baby, qui est morte le 13 juillet 2023, a été la dernière survivante. J'avais évoqué Népal dans un précédent article.

    Si elles étaient à Lyon, c'étaient parce qu'elles étaient en retraite depuis 1999 : appartenant au cirque Pinder, elles étaient trop âgées pour continuer à effectuer des numéros pour le divertissement du public. On les a parquées à la Tête d'Or faute de meilleure solution. Malgré elles, elles faisaient un peu l'attraction du côté de l'animalerie, même si, aujourd'hui, on évite de mélanger parc public et zoo.

    Les trois éléphantes ont acquis une certaine notoriété nationale en septembre 2010 quand une suspicion de tuberculose a été émise après des tests mal faits. Il faut dire que détecter la tuberculose chez un éléphant n'est pas une affaire facile : il faut le faire tousser dans un sac et recueillir ses glaives (par dizaines de litres). L'opération est difficile, souvent à recommencer. Et c'est très "physique" !

    Par punition, les responsables de la Tête d'Or les ont isolées du public, j'imagine donc qu'elles étaient encore plus malheureuses. J'écris "par punition" mais je suis injuste avec les autorités sanitaires : il est possible que la tuberculose se propage d'un éléphant à un humain, et on a vu avec la pandémie du covid-19 que les contaminations bestiole vers homme peuvent provoquer des catastrophes sanitaires inédites (l'origine du covid reste toutefois mystérieuse). Le principe de précaution est donc justifié, mais à condition qu'il soit utile.

    Java, considérée comme l'éléphante la plus âgée en captivité d'Europe, est morte en août 2012, à l'âge de 67 ans. On a considéré qu'elle était morte d'une suspicion de tuberculose alors que son âge avait dépassé très largement l'espérance de vie moyenne d'un éléphant en captivité.

    Pour ses deux "consœurs", plus jeunes, a commencé une période terrible : elles risquaient d'être euthanasiées au détriment du doute de cette suspicion de maladie. Il faut le dire très clairement, le maire de Lyon de l'époque, le futur ministre Gérard Collomb, voulait récupérer la place occupée par ces éléphantes et les éliminer lui permettait d'atteindre cet objectif. Heureusement, des défenseurs de Népal et Baby, aidés d'avocats compétents, ont mené la vie dure tant au maire de Lyon qu'au préfet du Rhône (j'en reparlerai peut-être) à coup de plaintes auprès du tribunal administratif et du Conseil d'État (pour s'opposer à un arrêté préfectoral ordonnant l'euthanasie de Népal et Baby). Une course de vitesse entre autorité sanitaire et justice administrative qui a finalement profité, contre toute attente, du moins en ce qui me concerne, aux éléphantes.

    Et Stéphanie de Monaco, que vient-elle faire ici, me direz-vous ? Eh bien, elle a proposé de les prendre sous sa protection (Brigitte Bardot aussi était sur les rangs, mais on a préféré la solution monégasque) : le 12 juillet 2013, les deux éléphantes ont donc été transférées dans le domaine de Fontbonne, sur la commune de Peille, en Alpes-Maritimes, qui surplombe Monaco. 50 hectares dédiés pour Népal et Baby. Chez Stef.

     

     
     


    Dès les premières semaines, des premiers tests ont montré que les deux éléphantes n'étaient pas atteintes de tuberculose, et en octobre 2013, ces tests ont été confirmés. Elles ont failli mourir pour rien, juste par manquement de financement de ces tests. Pour la princesse, une nouvelle vie a commencé car elle est sérieuse et assume ses responsabilités. Si elle a participé sur ses propres deniers aux premières dépenses, l'aménagement des lieux pour les éléphantes, elle a fondé et présidé l'Association Baby et Népal qui permettait de recueillir les dons du public pour cette cause assez onéreuse (oui, me direz-vous, il y a plein d'autres causes plus honorables à financer, mais dans ce cas, on ne fait plus rien parce qu'on n'arrêtera pas toute la misère humaine... et animale d'un seul coup ; je crois aux petits pas).

    Mais surtout, au-delà de l'aspect financier qui avait failli emporter la vie des deux éléphantes, Stéphanie de Monaco s'est investie personnellement à soigner les deux éléphantes, à les laver, à leur donner à manger, à s'occuper d'elles, à les aimer... elle s'est formée pour savoir comment faire, elle est devenue une spécialiste des éléphants. Chaque jour, elle a consacré plusieurs heures aux éléphantes.

     

     
     


    Népal est morte le 29 avril 2018 des suites d'une insuffisance rénale : « Elle s'est battue jusqu'au bout grâce à des soins attentionnés et dévoués. » explique succinctement le site Internet de l'association. Ceux qui ont eu à soigner leur cher chat (ou chien) devenu malade peuvent évidemment comprendre l'émotion ressentie et le temps passé.

    Dans un reportage diffusé en août 2020 par France 3, la princesse a expliqué qu'elle s'était inquiétée de l'avenir de la survivante, Baby, alors que les éléphants sont des animaux sociaux. Mais tout s'est bien passé : « On avait peur que Baby se sente seule sans sa copine. Mais finalement, elle est très contente toute seule. Elle a tout pour elle, la nourriture, l'affection, l'amour ! ». Pour comprendre un animal, il faut être patient, il faut chercher à communiquer, à faire confiance, à jouer avec l'animal. On peut le faire avec un chien ou un chat, mais j'ai déjà eu des conversations avec un jeune merle (et ses parents), avec un hérisson malade, même avec une poule entreprenante, etc. Pour cela, il faut patience et observation.

    La mort "soudaine" de Baby il y a quelques jours, au-delà de l'émotion, termine cet épisode de vie un peu particulier de Stéphanie. Il y a nécessairement un gros vide parce que Baby prenait une place importante dans sa vie. Mais la note finale est plus la joie que la tristesse : pour une fois, face à une administration scélérate qui voulait tuer deux éléphantes parce qu'elle ne savait pas quoi en faire, grâce à la mobilisation judiciaire des amis des animaux, une solution satisfaisante a été finalement adoptée. Les deux éléphantes ont eu leur cinq dernières années (pour Népal) et dix dernières années (pour Baby) heureuses, et quand je me rappelle leur triste comportement de 2006, je me dis que c'est cela le plus important, que l'histoire se soit bien terminée pour elles, elles ne pouvaient pas mieux espérer comme retraite paisible.

    Et probablement que Stéphanie a déjà gagné sa place au Paradis des éléphants, quelque part entre Népal et Baby, et pas loin de Babar...



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Marianne Faithfull.
    Mike Jagger.
    Didier Guillaume enterré par Albert II de Monaco.
    Grace Kelley.
    Stéphanie de Monaco.
    Teddy Vrignault.
    Daniel Prévost.
    Brigitte Bardot.
    Yves Duteil.
    Pierre Perret.
    Michel Polnareff.
    Françoise Hardy.
    Charles Aznavour.
    Alain Souchon.
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    Eden Golan.
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    Guy Marchand.
    Maria Callas.
    Catherine Deneuve.
    Gérard Depardieu.
    Jane Birkin.
    Fernand Raynaud.
    Pierre Palmade.
    Jeux paralympiques de Paris 2024 : sport, spectacle et handicap.
    Le génie olympique français !
    Festivité !
    Ouverture des Jeux olympiques : Paris tenu !
    Marcel Zanini.
    Patricia Kaas.
    Kim Wilde.
















     

     

     

     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250201-stephanie-de-monaco.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/stephanie-de-monaco-et-son-dernier-258042

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/30/article-sr-20250201-stephanie-de-monaco.html



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  • Jean Tiberi a eu 90 ans le 30 janvier 2025

    « Le clan Tiberi réuni autour de lui à l'hôpital, c'est la chapelle Cystite ! » (Laurent Ruquier).



     

     
     

     


    L'ancien maire de Paris Jean Tiberi est mort ce mardi 27 mai 2025 dans la matinée, selon une annonce de la mairie du cinquième arrondissement qu'il affectionnait tant. Il avait fêté son 90e anniversaire il y a quelques mois, le 30 janvier dernier.

    La carrière de Jean Tiberi a été 100% parisienne. Avec les quelques affaires judiciaires, certaines classées, une autre qui a été jugée définitivement, celle des faux électeurs du cinquième arrondissement qui aurait pu influer sur le résultat des élections municipales de 1995 et des élections législatives de 1997, sans oublier l'affaire du pseudo-rapport d'études de son épouse Xavière, on pouvait imaginer Jean Tiberi comme un vieux schnoque pestiféré dont la seule légitimité était sa fidélité à Jacques Chirac.

    En fait, c'était un peu subtil que cela. Il y a eu d'abord les Corses de la ville de Paris, si Jean Tiberi est né à Paris, il est bien d'origine corse, son épouse est née en Corse, et il y a eu d'autres élus parisiens ainsi, comme Jacques Dominati (premier adjoint en 1995), etc. Ce côté clanique était réel au point de vouloir voir son fils Dominique lui succéder à la mairie du cinquième arrondissement en 2014 (finalement, c'est l'actuelle maire, aujourd'hui Horizons, Florence Berthout, investie par l'UMP, qui a été élue, notamment contre le dissident Dominique Tiberi).


    Il y a eu surtout un jeune homme, adolescent après la guerre, qui était gaulliste par adhésion au sauveur de la patrie. Il a adhéré au RPF en 1950. Il était, après le retour de De Gaulle au pouvoir, ce qu'on appelait un gaulliste de gauche (UDT). Plus tard parlementaire, il a voté en faveur de la loi Veil le 28 novembre 1974, gage d'une certaine ouverture vers la société qui a évolué.

    Rappelons aussi que Jean Tiberi a fait des études de droit qui l'ont amené à entrer dans la magistrature. Il était donc juge dans ses premières années de vie active, affecté à Metz, Meaux, Beauvais. Mais il a très vite bifurqué dans la vie politique parisienne. En mars 1965, il a été élu conseiller de Paris pour la première fois (il avait 30 ans) et en mars 1967 et en juin 1968, il s'est retrouvé le suppléant du député gaulliste de gauche René Capitant, élu du cinquième arrondissement.

    Lorsque ce dernier a été nommé le 30 juin 1968 Ministre de la Justice dans le gouvernement de Maurice Couve de Murville, le jeune homme de 33 ans fut alors bombardé député de Paris. Il le resta jusqu'en juin 2012 sauf pendant les quelques mois où il fut nommé Secrétaire d'État chargé des Industries alimentaires du 12 janvier 1976 au 25 août 1976 à la fin du premier gouvernement de Jacques Chirac (il a été réélu député en novembre 1976 après la démission de sa suppléante. Il faut préciser que René Capitant, mort en 1970, n'a pas repris sa circonscription lorsqu'il a démissionné du gouvernement en avril 1969, la laissant à Jean Tiberi qui a donc été réélu sur son propre nom aux élections législatives suivantes : mars 1973, novembre 1976 (partielle pour revenir à l'Assemblée), mars 1978, juin 1981, mars 1986 (à la proportionnelle, troisième de la liste RPR à Paris), juin 1988, mars 1993, juin 1997, juin 2002 et juin 2007 (près de quarante-quatre ans de mandat parlementaire).

    Pour les petites anecdotes électorales, Jean Tiberi a été confronté en mars 1973 à Georges Bidault (3,5%), en novembre 1976 à Pierre Guidoni (19;7%) pour le PS, Jean Elleinstein (11,0%) pour le PCF, Brice Lalonde (6,6%) et Henri Weber (0,6%) pour LCR, en mars 1978 à Jean Elleinstein (11,7%) et Brice Lalonde (8,7%), en juin 1981 à Brice Lalonde (8,2%), en mars 1993 à Jacques Cheminade (0,3%), en juin 1997 à Lyne Cohen-Solal (27,9% puis 46,5%), Yves Frémion pour les Verts (4,9%), Pierre Jolivet (1,9%) et Marie-Françoise Bechtel pour les chevènementistes (1,6%), en juin 2002 à Lyne Cohen-Solal (29,0% puis 44,5%) et Aurélie Filippetti pour les Verts (6,6%), enfin, en juin 2007 à Lyne Cohen-Solal (27,7% puis 47,3%) et Christian Saint-Étienne pour le MoDem (16,2%). À l'origine, cette circonscription a eu pour premier député, entre 1958 et 1962, un certain Jean-Marie Le Pen, élu au second tour d'un scrutin majoritaire, mais avec seulement 45,2% des voix dans une sexangulaire (contre notamment des candidats PCF et UNR).

    En juin 2012, sur demande du Premier Ministre François Fillon, Jean Tiberi lui a laissé sa circonscription pour permettre au futur candidat à l'élection présidentielle d'être un élu de Paris.

     

     
     


    Jacques Chirac, dont il a été le fidèle depuis le début des années 1970 (et qui n'était pourtant pas un gaulliste de gauche), et qu'il a suivi lors de la création du RPR en décembre 1976, a fait partie bien sûr de la victoire municipale de Jacques Chirac en mars 1977 à Paris, puis du grand chelem de 1983 (tous les arrondissements gagnés par les listes RPR-UDF). De mars 1983 à juin 1995, Jean Tiberi fut le premier adjoint de la Ville de Paris et, à ce titre, le dauphin désigné de Jacques Chirac à Paris (préféré à Jacques Toubon qui a tenté de s'y opposer). Par ailleurs, il fut élu maire du cinquième arrondissement pendant près d'un quart de siècle, de mars 1983 à juin 1995 et de mars 2001 à mars 2014.

    Jean Tiberi fut d'ailleurs l'un des rares dauphins de maire de grande ville à avoir succédé effectivement à son mentor, au contraire de Jacques Valade à Bordeaux (Jacques Chaban-Delmas), Michel Pezet à Marseille (Gaston Defferre), Bernard Roman à Lille (Pierre Mauroy), etc.

    Ce fut le cas lorsque Jacques Chirac a été élu Président de la République. Aux élections municipales qui ont suivi un mois plus tard, en juin 1995, Jean Tiberi, candidat investi par le RPR, a été élu maire de Paris. Il a donc exercé un mandat de 1995 à 2001. Son bilan est plutôt positif, avec une réduction de l'endettement de la ville (au contraire d'aujourd'hui) et une révision à la baisse de certains projets d'urbanisme.

     

     
     

     


    En raison des poursuites judiciaires déjà engagées contre Jean Tiberi, le RPR a organisé une sélection pour la candidature municipale de 2001. Édouard Balladur était dans la course, ainsi que Philippe Séguin qui a obtenu l'investiture. Toutefois, fort de son implantation, Jean Tiberi n'a pas renoncé à un second mandat et s'est présenté avec des listes dissidentes dans tous les arrondissements (il a été exclu du RPR pour cette raison par la présidente du RPR Michèle Alliot-Marie). Résultat, au premier tour, Jean Tiberi a été largement devancé par Philippe Séguin mais l'absence d'union et de fusion au second tour a favorisé Bertrand Delanoë qui a gagné sans obtenir la majorité absolue. Jean Tiberi a néanmoins conservé le cinquième arrondissement et aussi le premier arrondissement avec Jean-François Legaret, ainsi que 12 conseillers de Paris. Il a réussi à maintenir son leadership sur le cinquième arrondissement en 2008 malgré une triangulaire au second tour qui l'a confronté à une candidate socialiste Lyne Cohen-Solal et un candidat investi par le MoDem, le célèbre journaliste Philippe Meyer.

    Cette division de 2001 a fait perdre à la droite la ville de Paris durablement (depuis quatre mandats, un quart de siècle) au profit d'une gauche boboïsante qui a considérablement transformé (en mal) la capitale, la rendant insupportable pour la voiture, tant pour la circulation que pour le stationnement. Ni Françoise de Panafieu en 2008, ni Nathalie Kosciusko-Morizet en 2014, ni Rachida Dati en 2020, n'ont réussi à battre le candidat ou la candidate socialiste. Toutefois, les derniers sondages donneraient Rachida Dati favorite pour les élections municipales de 2026 à Paris.

    Le 3 mars 2015, Jean Tiberi a été définitivement condamné à dix mois de prison avec sursis, 10 000 euros d'amende et trois ans d'inéligibilité pour l'affaire des faux électeurs du cinquième arrondissement (un système organisé apparemment dans les années 1990 pour transférer le surplus d'électeurs de droite d'arrondissements largement à droite vers les arrondissements tangents susceptibles de basculer à gauche). D'autres scandales ont touché les Tiberi, dont l'attribution d'un logement social (à loyer modéré) à Dominique Tiberi alors que ce dernier, propriétaire d'appartements, aurait touché des loyers (non modérés) par ailleurs.


    Dans un communiqué à l'AFP, l'actuelle maire PS de Paris Anne Hidalgo a salué son prédécesseur Jean Tiberi avec qui elle avait travaillé entre 2008 et 2014 (elle maire de Paris et lui maire du cinquième arrondissement) : « Paris, sa ville, lui rendra hommage. (…) Je veux saluer la mémoire de cet homme qui a consacré une part immense de sa vie à Paris et au cinquième arrondissement, qui perd l'un des siens. Je garderai le souvenir d'un homme chaleureux, avec qui j'avais tissé des relations cordiales et respectueuses. ». Il rejoins maintenant Jacques Chirac dans l'Olympe parisien.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 mai 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jean Tiberi.
    La nouvelle direction de LR : cap vers 2027 ?
    Bruno Retailleau.
    LR : plébiscite pour Bruno Retailleau !
    Congrès LR : les jeux sont-ils faits ?
    De Gaulle.
    Philippe Bas.
    Xavier Bertrand.
    L'offensive de Bruno Retailleau.
    Nicolas Sarkozy.
    Jean-Louis Debré.
    Claude Malhuret.
    Philippe De Gaulle.
    François-Xavier Ortoli.
    Alain Juppé.

    Jean Tiberi a 90 ans.
    Édouard Philippe.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
    Yvon Bourges.
    Christian Poncelet.
    René Capitant.
    Patrick Devedjian.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250130-jean-tiberi.html

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  • François Bayrou, la cohérence du pacificateur

    « On y est. On est au pied du mur. Et comme disait un de mes amis, c'est au pied du mur qu'on voit le mieux le mur ! » (François Bayrou, le 27 janvier 2025 sur LCI).



     

     
     


    Le Premier Ministre François Bayrou était l'invité de Darius Rochebin ce lundi 27 janvier 2025 sur LCI pendant près de deux heures, l'occasion d'évoquer les principales affaires du pays avant une semaine décisive, celle du budget qui pourrait le faire tomber par une nouvelle motion de censure.

    Dans cette émission, deux mots viennent à l'esprit : cohérence et pacification. Cohérence de ce qu'a toujours dit François Bayrou depuis des décennies, sur l'importance de réduire le déficit, sur le besoin de rassembler les Français. Il est maintenant aux manettes et il doit prendre les mesures pour rassembler. Pacification du débat politique : en deux heures, pas une seule petite phrase contre un adversaire, contre un opposant, contre un rival. L'éditorialiste Patrick Cohen en a même été étonné dans sa chronique du 28 janvier 2025 sur France Inter : « Il y avait hier soir quelque chose de rafraîchissant, d'inattendu, à entendre une si longue interview sans la moindre critique, sans la plus petite pique envers quiconque. ».

    Évidemment, François Bayrou a une raison cruciale d'agir ainsi : il a besoin de tous les groupes politiques pour pouvoir continuer à gouverner sans majorité. Il doit donc à la fois respecter tous les groupes politiques et rester un peu dans le flou sur le projet de loi de finances pour 2025 qu'il voudra soumettre à l'Assemblée d'une manière ou d'une autre (vote solennel après commission mixte paritaire ou article 49 alinéa 3 de la Constitution ; en principe, si la commission mixte paritaire est un succès, il y aura un vote du projet la première semaine de février 2025).

    Je propose ici quelques éléments de cette interview. François Bayrou a exprimé sa conception du chef d'orchestre comme ceci : « Moi, j'ai confiance dans le sentiment de responsabilité de tous. (…) Il faut que chacun ait la certitude qu'il est entendu. Et il faut que les aspirations des uns deviennent compatibles avec les aspirations des autres. Et c'est ma responsabilité. ». Autant dire que c'est la musique de "Mission impossible" !


    Sa mission est herculéenne : « J'ai décrit l'urgence dans laquelle nous sommes. On n'a pas de budget. On n'a pas de majorité. Il est vital pour le pays qu'on ait un budget et qu'il soit adopté. Mais ça ne veut pas dire qu'il faut s'arrêter là. J'avais employé l'expression de l'Himalaya lorsque je suis entré... mais l'Himalaya, c'est une chaîne de montagnes qui fait plus de deux mille kilomètres de long et qui comporte, je crois, huit sommets de plus de 8 000 mètres. Eh bien, il faut partir à l'assaut de tous ces sommets. Nous ne pouvons pas baisser les bras et nous trouver dans une situation où nous constatons la gravité des problèmes du pays et où nous attendons pour les régler. Et la détermination qui est la nôtre, qui est celle du gouvernement et la mienne, c'est que, une fois le budget adopté, alors nous allons partir à l'assaut, sans exception, sans exception, de tous les problèmes que nous identifions et qui font aujourd'hui l'extrême difficulté du pays. ».

    Sur l'immigration, François Bayrou a voulu regarder la situation avec un regard à la fois humaniste, mais lucide : « Vous voyez le sentiment de blocage qu'il y a d'un certain nombre de gens... Mais il y a des métiers qui ouvrent à la possibilité d'une intégration. Et je vous répète que pour moi, c'est le travail, la langue et les principes de vie qui sont les trois conditions pour que cette intégration se fasse. ». Un article spécifique est proposé pour parler de l'expression qui a créé une polémique sémantique de la part du PS, le « sentiment d'une submersion ». Devant un mot, il faut se rappeler les actes : François Bayrou a refusé une nouvelle loi Immigration et il a refusé la suppression de l'aide médicale d'État (AME). Il est donc très loin des positions du RN !

     

     
     


    La laïcité peut concerner autant la politique que la religion : « L'identité de la France, c'est la tolérance et, au-delà de la tolérance, un jour, la compréhension mutuelle. (…) On a découvert les vertus de la laïcité pour la religion ou la philosophie. C'est-à-dire, ce n'est pas parce que vous ne croyez pas la même chose que moi que je vous dénie la qualité d'être un citoyen français. Eh bien, je suis persuadé que cet effort de laïcité, on doit aussi le faire en politique. Ce n'est pas parce qu'il y a des gens qui ne croient pas la même chose que moi que je peux leur dénier le droit d'être Français. ». Le fidèle du roi Henri IV ne pouvait que promouvoir une telle laïcité.

    Justifiant l'aide qu'il a apportée à Marine Le Pen pour ses parrainages en 2022 au nom de la démocratie, le chef du gouvernement a confirmé qu'il en était toutefois un adversaire politique résolu : « Je pense que la lutte contre les extrêmes (…), en tout cas le combat contre les extrêmes, le fait qu'on refuse de leur céder le terrain, je pense que ce combat-là, il ne peut être conduit qu'en montrant qu'on n'est pas soi-même dans la violence.(...) Je pense à la France sous l'abord du respect que j'ai pour les citoyens français quels qu'ils soient. Je combats les idées. Je combats encore davantage les arrière-pensées. Je n'ai jamais manqué une seule fois à ce combat-là. J'ai participé au front républicain parce qu'on était en train de voir un des deux extrêmes, l'extrême droite, prendre le pouvoir. Et pour moi, ce n'est pas acceptable. ».


     

     
     


    Il serait aussi choqué par une peine d'inéligibilité exécutoire avant la condamnation définitive : « La responsabilité du gouvernement ne peut pas porter sur la justice. Mais je pense qu'il est très dérangeant que des jugements soient prononcés sans qu'on puisse faire appel. Et deuxièmement, je considère que cette accusation-là, c'est-à-dire, l'idée que l'aide que le Parlement Européen mobilise pour aider les parlementaires européens à faire leur travail, il est une accusation injuste que de penser que le parti politique ne les aide pas. Le parti politique, ça fait élire un député européen, puisque c'est sur une liste, c'est lui qui les choisit, ça les aide à défendre leurs idées surtout quand ils sont minoritaires. Et enfin, troisièmement, c'est le seul vecteur pour les faire réélire. (…) Mais je ne trouve pas que ce soit juste. ».

    Dans sa chronique déjà citée, Patrick Cohen a modéré son enthousiasme initial en disant : « Qualifier "d’accusation injuste" le procès qui est fait à la leader du RN sur l’usage de ses assistants européens est une faute. Qui revient à délégitimer par avance une décision de justice. C’est un très mauvais coup au pouvoir judiciaire. Un Premier Ministre ne devrait pas dire cela. ».

    Sur le budget, François Bayrou a différencié le budget 2025 qu'il faut faire dans l'urgence, et le budget 2026 où il a le soutien d'une personnalité comme Alain Madelin (invité de LCI juste avant lui) pour remettre tout à plat. Par exemple, il a donné le nombre, peut-être incomplet, de 1 244 agences de l'État pour un budget de 83 milliards d'euros en 2024. Certaines agences sont indispensables, mais d'autres devront justifier leur existence et leurs coûts.

    La préparation du budget 2026 se fera très en amont : « Je crois que le budget 2026 doit être très différent du budget 2025, parce que je compte bien que nous allons, ensemble, construire une action publique de l'État qui sera très différente de la situation que nous avons aujourd'hui. Je pense qu'il faut que nous reprenions, comme sur une page blanche, les politiques publiques que nous adoptons et que nous examinions les moyens que nous y mettons. ».


    Le Premier Ministre voudrait avant tout que les Français retrouvent leur dynamisme et leur optimisme : « Réveillez-vous ! Les Européens et les Français, réveillez-vous ! Nous avons les chercheurs en intelligence artificielle les plus reconnus de la planète entière. Ils partent aux États-Unis parce qu'on les paie. Eh bien, qu'on se ressaisisse ! ».

     

     
     


    Et sur les retraites, il a répété qu'il n'y aurait pas de problème de financement de notre système s'il y avait autant de travailleurs que chez nos voisins : « Si nous avions le taux d'emploi de nos voisins, il n'y aurait, à l'heure actuelle, pas de problème de financement des retraites. Si nous avions la production, la productivité, la capacité du pays par personne à produire, nous n'aurions pas de problème de financement des retraites. Et si nous avions le taux d'emploi des seniors comparable aux autres pays, eh bien, il n'y aurait pas de problème de financement des retraites. (…) D'autres organisations du travail, d'autres créations d'emplois et d'autres progrès de la productivité peuvent faire que nous ne soyons plus devant ce mur de dettes que les retraites représentent. Je suis persuadé qu'on peut y arriver (…). J'espère qu'on peut y arriver par des accords qui feront qu'il y aura plus de départs à la carte. Je pars plus tôt avec moins, je pars plus tard avec plus. (…) [J'étais favorable à] la retraite à points. Qu'est-ce que c'est la retraite à point ? C'est une retraite plus souple, à la carte, où chacun peut aménager son temps de travail de manière à la fois à équilibrer les régimes de retraite et à garantir sa vie personnelle. ». Son objectif, c'est donc de rehausser l'appareil productif, comme l'Allemagne l'avait fait dans les années 2000 malgré l'absorption monétaire très compliquée de l'Allemagne de l'Est. C'était aussi l'objectif du Président Emmanuel Macron.

    Pas question de demander aux retraités de payer la dette : « Vous voyez très bien ce qu'on risque de faire. Vous avez une société qui a déjà des problèmes formidables et vous voulez insécuriser tout le monde, y compris les retraités. Peut-être qu'un jour il faudra qu'on pose ce type de questions, mais je n'ai pas envie que cette émission fasse penser dans la tête de tous ceux qui ont travaillé toute leur vie et qui ont des pensions, je n'ai pas envie qu'on leur fasse penser qu'on va vous cibler et c'est vous qui allez payer tout ça. Je ne crois pas ça. Je pense que notre problème, le premier de nos problèmes, c'est que nous ne produisons pas assez, nous n'avons pas assez d'emplois, je l'ai déjà dit, nous avons pas assez de capacité agricole, industrielle, intellectuelle. Nous ne valorisons pas ce que nous sommes. Et tout le but qui est le mien, c'est qu'on sorte de la dépression générale, qu'on sorte de cet abattement dans lequel on se trouve, et qu'on trouve des raisons d'y croire, parce qu'il y a plein de raisons d'y croire. ».


    François Bayrou a aussi été interrogé sur la fin de vie, cela fera l'objet d'un article ultérieur.

    Celui qui a une expérience d'engagement politique de cinquante et un ans savait de quoi il parlait quand il tentait une définition de l'action politique : « Qu'est-ce que c'est, faire de la politique ? C'est accepter d'être citoyen. C'est-à-dire, accepter qu'on est en partie responsable, aussi faible qu'on soit, on est en partie responsable de ce qui se passe. On n'est pas des spectateurs assis sur le bord de la route qui regardent les coureurs passer en disant : pédale, fainéant ! Moi, j'ai vu ça assez souvent dans les cols des Pyrénées. Le mec, il est sur un transat, il a le Ricard à côté de lui, et les coureurs cyclistes passent, et il dit : pédale, fainéant ! Être citoyen, c'est le contraire de ça ! ». En clair, au lieu de dénigrer, venez aider le gouvernement ! Ou : la critique est aisée, l'art est difficile.

     

     
     


    Réfutant énergiquement l'idée émise par Édouard Philippe que les deux prochaines années (2025-2027) seraient inutiles car on ne pourrait faire aucune réforme, François Bayrou pense exactement l'inverse, en citant De Gaulle et Pierre Mendès France : « Non seulement on peut, mais on doit [faire quelque chose pendant ces deux ans]. Vous comprenez bien ce que je décris. Un pays désespéré qui a le devoir de retrouver de l'espoir, de l'optimisme, de la volonté, du savoir-faire, et de l'inventivité. (…) Je pense que c'est très difficile, que, honnêtement, si on était raisonnable, on n'aurait pas relevé ce pari, je n'aurais pas relevé ce pari, mais je pense qu'il y a un chemin ! (…) De Gaulle était seul face à l'envahissement de l'armée allemande qui venait d'écraser notre armée et il était un pauvre colonel qui a été promu général à titre temporaire, et il a dit : on ne laissera pas tomber tout ça ! Et Mendès, il a dit : écoutez, on n'a peut-être aucune chance, mais je vais le faire ! (…) C'est dans ce camp-là que je me range, c'est-à-dire ceux qui pensent que ce n'est pas parce qu'il n'y a aucune chance qu'il ne faut rien faire ! Je pense (…) que précisément, on se taille un chemin, à la serpe, à la machette, au sabre d'abordage, je ne sais quoi, mais il faut le faire avec un minimum de compréhension. ».

    Enfin, François Bayrou s'est fait un promoteur très engagé de la Cinquième République, ce qui me réjouit : « Les partis ont le droit et le devoir d'exister. Je crois même qu'ils sont d'utilité publique. Mais le devoir du gouvernement est de ne pas être prisonnier des partis. (…) La Cinquième République est vitale parce que la Cinquième République apporte une réponse à ce que vous décrivez de ce qui est inquiétant, c'est-à-dire le fait que les uns empêchent les autres d'avancer. La Cinquième République, comme elle a élu un Président au suffrage universel, ce Président, il organise les choses pour que le pluralisme ne soit pas paralysant. Et c'est ce qu'on essaie de faire. ».

    Durant cette longue émission, dont l'animateur écoutait peu son invité et l'interrompait sans cesse (c'est vrai que l'invité en question parlait lentement), François Bayrou a montré beaucoup d'assurance et de vision sur la politique à tenir. Il ne craint pas les épreuves et il l'a réaffirmé, la raison aurait dû lui commander de ne pas relever le défi, mais dans cette période politiquement très difficile, il est vrai que François Bayrou a une carte maîtresse : il n'a dénigré personne !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Bayrou et le sentiment de submersion.
    François Bayrou, la cohérence du pacificateur.
    Ce Bayrou, c'qu'il est Faure !
    François Bayrou sera-t-il censuré ?
    Les conclaves du cardinal Bayrou.
    Déclaration de politique générale du Premier Ministre François Bayrou le 14 janvier 2025 au Palais-Bourbon (vidéo et texte intégral).
    François Bayrou au jour J.
    Édouard Philippe et sa partition particulière contre l'indolence.
    François Bayrou et le Chemin.
    Vœux 2025 d'Emmanuel Macron : aux Français de trancher ?
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 décembre 2024 à Paris (texte intégral et vidéo).
    François Bayrou au travail !
    Gouvernement Bayrou : un choc d'autorité ?
    Composition du Gouvernement François Bayrou I nommé le 23 décembre 2024.
    Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou.
    La méthode Bayrou réussira-t-elle ?
    Terre de désolation.
    La folle histoire de la nomination de François Bayrou.
    François Bayrou, le papa Macron !
    Le tour de François Bayrou !
    La polémique entre Maurice Druon et François Bayrou en juillet 2004.
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250127-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-bayrou-la-coherence-du-258947

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  • François Bayrou et le sentiment de submersion

    « Je n’ai aucune connivence avec personne : ni avec ceux qui exagèrent les réalités ni avec ceux qui les nient. Nous sommes engagés au service des Français pour résoudre les problèmes qui se posent, non pas pour les nier, non pas pour les exagérer, mais pour leur apporter, j’y insiste, des réponses. C’est notre responsabilité de républicains. » (François Bayrou, le 28 janvier 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Tempête dans un verre d'eau ? Orage sémantique ? Prémices d'une lepénisation des esprits ? En tout cas, la probabilité d'une censure vient d'augment d'un cran ce mardi 28 janvier 2025 après les propos du Premier Ministre François Bayou lors de sa longue interview du 27 janvier 2025 dans une émission animée par Darius Rochebin sur LCI.

    Et surtout, le résultat, c'est que les socialistes ont suspendu leurs négociations avec le gouvernement sur le projet de loi de finances pour 2025. Il y a pourtant une urgence puisque la commission mixte paritaire devra en établir la version définitive les 30 et 31 janvier 2025. La cause ? Des propos que les socialistes ont jugé inadmissibles (mais qui n'ont aucune incidence sur le budget 2025).

    Reprenons les mots du 27 janvier 2025. François Bayrou s'est permis de déclarer, répondant à une question que j'ai trouvée très mal posée : « Je ne crois pas que ce soit mieux d'être métissé que de ne pas l'être. Je pense que les apports étrangers sont positifs pour un peuple à condition qu'ils ne dépassent pas une proportion. Je pense que la rencontre des cultures est positive. Mais dès l'instant que vous avez le sentiment d'une submersion, de ne plus reconnaître votre pays, de ne plus reconnaître les modes de vie ou la culture, dès cet instant-là, vous avez rejet. (…) Un certain nombre de villes ou de régions sont dans ce sentiment-là. Je répète : pour moi, c'est une question de proportion. Et cette question de proportion, elle est très rapidement et très souvent atteinte. Je reprends l'exemple de Mayotte, il est très intéressant. (…) Mayotte (…), ce sont des rejets qui deviennent violents et avec des tas d'exclusion et de racisme, alors que ce sont les même culture, même religion, même langue et même famille. Simplement, les apports des îles voisines sont ressenties comme une agression. ».


    Ce qui me choque vraiment dans cet échange avec Darius Rochebin, c'est que ce dernier considérait que la couleur de la peau donnait une idée de la culture d'une personne, ce qui n'a rien à voir (il se fiait à une photo de classe de l'écolier Bayrou dans les années 1950). Et ce qui peut être choquant, c'est que François Bayrou ne l'a pas relevé et est entré dans le jeu du présentateur-souriant à propos du "métissage" alors que toutes les populations humaines sont des mélanges et des métissages depuis les débuts de l'homo sapiens. En d'autres termes, il n'existe pas de groupe ethnique "pur" ! En revanche, François Bayrou a rappelé que l'arrivée massive des immigrés comoriens à Mayotte entraînait un rejet tout aussi massif alors que cette population est de même culture et religion.

    Mais ce n'est pas cela qui a choqué la "bien-pensance" socialiste. C'est le mot "submersion". Quand on parle d'immigration, c'est un mot subversif, comme "invasion" (Valéry Giscard d'Estaing), "bruit et odeurs" (Jacques Chirac) et surtout "grand remplacement" (extrême droite). Même la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet a confié sa gêne sur BFMTV à la matinale du 28 janvier 2025. Elle n'est pas la seule dans la classe politique.

     

     
     


    Pourtant, François Bayrou a parlé, non pas de « submersion » mais d'un « sentiment de submersion », ce qui est très différent : le Premier Ministre exprimait ainsi un sentiment qui est vécu comme tel, un fait, sans forcément le prendre pour lui. Un constat. Darius Rochebin, très friand de la moindre chose de son émission qui puisse faire du buzz, a bien entendu saisi la balle au bond pour faire expliciter le mot.

    François Bayrou a développé ainsi l'idée, sans reprendre le mot : « Je pense que beaucoup de Français, et beaucoup de quartiers ou beaucoup de villes ont le sentiment que ce n'est plus maîtrisé. Et il suffit de voir les faits-divers pour mesurer que les manquements, les délits, se concentrent et on ne voit plus que ça. Ceux qui regardent vos écrans, ne voient plus que ça. Ils ont le sentiment que c'est forcément des étrangers ou des immigrés qui manquent aux devoirs que nous avons. Et tant que nous n'aurons pas garanti l'ordre sur notre sol, c'est-à-dire la certitude que quand quelqu'un est en situation irrégulière, celui-là, eh bien, on peut le raccompagner chez lui avec le respect qu'on doit aux personnes humaines, mais pour garantir que notre loi est respectée, que nos décisions sont respectées... ».

    Alors, le "binôme" Bruno Retailleau (à l'Intérieur) et Gérald Darmanin (à la Justice) est-il le symbole d'un changement de politique ? La réponse du chef du gouvernement : « En tout cas, il a été voulu comme ça. Ça fait des temps immémoriaux que la police dit : nous, on les arrête, mais les juges les libèrent. Et on les retrouve le lendemain matin dans les quartiers. "Les", ça veut dire, les jeunes, c'est souvent des jeunes, délinquants, et souvent, en effet, culturellement, en situation de rupture. ». Le langage est clair, il est crû, il est ressenti par de nombreux Français. Ce n'est pas de la langue de bois.

     

     
     


    Le journaliste vedette est allé alors plus loin en poussant François Bayrou dans un procès en manipulation. Ce mot, serait-ce pour racoler des voix du RN ? Réponse de l'intéressé : « C'est la plus mauvaise manière de réfléchir. Si vous faites les choses pour gagner des parts de marché sur des adversaires politiques, alors c'est que vous n'avez pas de convictions personnelles. Moi, j'ai une conviction personnelle. C'est que l'ordre, c'est pour les plus fragiles. L'ordre, c'est pour les plus pauvres. L'ordre, c'est pour ceux qui ne peuvent pas se défendre tout seuls. Autrement, vous vous trouvez dans une société de type américain dans laquelle vous constituez un quartier avec une milice, avec une sécurité privée que vous payez pour être tranquille dans votre quartier. C'est le contraire de la République française. ».

    On peut ne pas aimer François Bayrou ni ce qu'il dit, tout se discute, mais on ne peut pas lui retirer les convictions qu'il a toujours exprimées depuis des années. Ce "sentiment de submersion", il a été rencontré, presque généralisé à Mayotte lorsque les ministres sont allés voire la population après la tempête Chido. François Bayrou a une "doctrine" qui est assez claire : il n'est pas contre le principe d'une immigration, mais il constate qu'il y a une proportion au-delà de laquelle ce n'est plus possible de vivre ensemble, il y a un rejet. C'est le fameux "seuil de tolérance" évoqué dans les années 1980. Ce que dit François Bayrou, c'est que ce sentiment de "submersion" a été atteint à Mayotte et aussi dans d'autres territoires, comme la Guyane.

    Déjà dans sa déclaration de politique générale le 14 janvier 2025, François Bayrou énonçait ce principe : « J’ai la conviction profonde que l’immigration, qui, je le répète, se développe sous toutes les latitudes, est une question de proportion. L’installation d’une famille étrangère dans un village pyrénéen ou cévenol, c’est un mouvement de générosité qui se déploie, des enfants fêtés et entourés à l’école, des parents qui reçoivent tous les signes de l’entraide. Que trente familles s’installent, le village se sent menacé et des vagues de rejet apparaissent. Telle est exactement la situation que nous connaissons à Mayotte, où les illégaux représentent 80 000 habitants sur 300 000. C’est comme si Paris intra-muros comptait 500 000 illégaux établis dans des bidonvilles : nos compatriotes mahorais ne le supportent pas. Nier que cette immigration illégale soit pour la société mahoraise un facteur de déstabilisation, c’est se voiler la face, se mentir et leur mentir ! ».


     

     
     


    Le lendemain de l'émission de LCI, lors de la séance des questions au gouvernement du mardi 28 janvier 2025 à l'Assemblée, le président du groupe socialiste Boris Vallaud a voulu bien comprendre ce qu'avait voulu dire le Premier Ministre. La question de Boris Vallaud s'est placée dans le registre de la morale et pas de la politique : « "Submersion" : (…) C’est un mot qui blesse autant qu’il ment. (…) La question migratoire est une affaire sérieuse pour les Français, trop sérieuse pour se laisser dicter par l’extrême droite les termes dans lesquels on l’aborde. Ce débat mérite mieux que cette funeste coalition de l’ignorance, des préjugés et de l’opportunisme au prix de tous nos principes républicains. Tout plutôt que cet ordre qui puise ses pouvoirs dans la haine de l’autre, que la corruption de nos principes ! Monsieur le Premier Ministre, je vous appelle au sursaut : montrez-vous républicain et fidèle à votre famille politique, celle des démocrates chrétiens. Je vous demande d’être clair : maintenez-vous ce mot de submersion ? ».

    La réponse de François Bayrou a été très combative, ce qui a pu surprendre le dirigeant socialiste. Concrètement, le Premier Ministre n'a pas répondu précisément à la question, il n'a pas repris l'expression "sentiment de submersion" mais il ne l'a pas non plus réfutée puisqu'il a répété le mot lui-même "submersion" : « Quiconque s’est rendu à Mayotte, a parlé avec ses habitants, s’est confronté à la situation de ce département, d’autres endroits de France en connaissent de comparables, mesure que le mot de submersion est le plus adapté. C’est le plus adapté parce que tout un pays, toute une communauté de départements français doit faire face à des vagues d’immigration illégale telles que les populations migrantes représentent jusqu’à 25% de la population des territoires concernés. Cela suscite le désespoir. Qui parmi nous peut dire que ce n’est pas vrai ? ». On pourra toujours reprocher à François Bayrou un vocabulaire maladroit : "vagues d'immigration" et même "illégaux" (au lieu de personnes en situation irrégulière) alors qu'il s'agit de personnes humaines. Mais la réalité est là et refuser de la voir est le principal facteur de la montée de l'extrême droite.
     

     
     


    François Bayrou a poursuivi sa réponse au milieu des exclamations de la gauche : « Ce ne sont pas les mots qui sont choquants mais la réalité. (…) Cette réalité est celle que ressentent nos compatriotes. Notre responsabilité est de changer les choses. (…) L’immigration n’est pas la cause des problèmes de la France, ce sont les problèmes de la France qui sont la cause de ce que l’immigration est désormais une impasse parce qu’il n’y a pas d’intégration, comme nous le voulons, par le travail, par la langue et par les principes. Notre responsabilité, quelle que soit notre appartenance politique, c’est de changer la situation du pays, celle qui conduit à des vagues de xénophobie qui sont pour nous, républicains, insupportables. ».

    Boris Vallaud a pu reprendre très brièvement la parole parce qu'il lui restait un peu de temps de parole, en citant Jean-Jacques Rousseau : « Je ne peux qu’être consterné par votre réponse et même "submergé" par la consternation. (…) Si vous gouvernez avec les préjugés de l’extrême droite, nous finirons gouvernés par l’extrême droite et vous en aurez été le complice. ».
     

     
     


    Ce procès en supplétif de l'extrême droite, c'est une très ancienne tactique manipulatoire de la gauche pour empêcher les autres partis de s'attaquer à un véritable problème des Français. François Bayrou l'a rejeté fermement en y mêlant conviction et ambition : « Les préjugés sont nourris par le réel. Et ceux qui, ici, considèrent qu’on doit faire de ces sujets des sujets d’affrontement, à mon avis trahissent notre mission. Je n’ai aucune connivence avec personne : ni avec ceux qui exagèrent les réalités ni avec ceux qui les nient. Nous sommes engagés au service des Français pour résoudre les problèmes qui se posent, non pas pour les nier, non pas pour les exagérer, mais pour leur apporter, j’y insiste, des réponses. C’est notre responsabilité de républicains. ».

    Les députés RN ont fortement applaudi le Premier Ministre, même si, dans les médias, ils ont estimé que ce n'étaient que des mots non suivis des faits. François Bayrou, au contraire, veut prouver que la politique de Bruno Retailleau est un changement radical dans la manière de traiter le sujet par les autorités. Le fait que la politique vienne du choix des mots du Premier Ministre et pas de son Ministre de l'Intérieur fera sans doute encore beaucoup couler d'encre.

    À court terme, le PS a refusé de poursuivre les discussions qu'il avait avec le gouvernement pour élaborer la dernière version du projet de loi de finances, alors que cela n'a rien à voir. Est-ce un moyen commode (et hypocrite) de revenir à la niche de Jean-Luc Mélenchon, ayant eu trop peur de son audacieuse liberté ? Cela a permis de montrer un Premier Ministre déterminé, qui sait où aller, et surtout, indépendant. Mais peut-être plus pour longtemps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Bayrou et le sentiment de submersion.
    François Bayrou, la cohérence du pacificateur.
    Ce Bayrou, c'qu'il est Faure !
    François Bayrou sera-t-il censuré ?
    Les conclaves du cardinal Bayrou.
    Déclaration de politique générale du Premier Ministre François Bayrou le 14 janvier 2025 au Palais-Bourbon (vidéo et texte intégral).
    François Bayrou au jour J.
    Édouard Philippe et sa partition particulière contre l'indolence.
    François Bayrou et le Chemin.
    Vœux 2025 d'Emmanuel Macron : aux Français de trancher ?
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 décembre 2024 à Paris (texte intégral et vidéo).
    François Bayrou au travail !
    Gouvernement Bayrou : un choc d'autorité ?
    Composition du Gouvernement François Bayrou I nommé le 23 décembre 2024.
    Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou.
    La méthode Bayrou réussira-t-elle ?
    Terre de désolation.
    La folle histoire de la nomination de François Bayrou.
    François Bayrou, le papa Macron !
    Le tour de François Bayrou !
    La polémique entre Maurice Druon et François Bayrou en juillet 2004.
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250128-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-bayrou-et-le-sentiment-de-258965

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/28/article-sr-20250128-bayrou.html



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  • Didier Guillaume fauché par une "maladie fulgurante"

    « Ancien ministre, élu enraciné dans la Drôme, humaniste en République, son engagement pour les autres était comme lui, vibrant, chaleureux, entier. Je perds un ami. » (Emmanuel Macron, le 17 janvier 2025 sur Twitter).



     

     
     


    Une "maladie fulgurante survenue lors de son hospitalisation". Imaginez-vous hospitalisé un jour, gros pépin de santé, tout un programme de traitement, toute activité en cours ajournée... et sept jours plus tard, la disparition, sans crier gare. Le choc a donc été grand dans la classe politique (française et monégasque) d'apprendre avec stupeur la mort de l'ancien Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation Didier Guillaume le vendredi 17 janvier 2025 dans l'après-midi, au CHU de Nice à l'âge de 65 ans, donc d'une "maladie fulgurante" comme l'a communiqué la Principauté de Monaco.

    Pourquoi le prince s'en est-il mêlé ? Parce que depuis le 2 septembre 2024, Didier Guillaume était le Ministre d'État de la Principauté de Monaco, c'est-à-dire son chef du gouvernement. C'est un peu étrange d'imaginer un "étranger" à la tête du gouvernement princier, mais c'est assez fréquent qu'un haut fonctionnaire français ou un responsable politique français occupe cette fonction opérationnelle. En tant qu'ancien élu local, chef d'exécutif local (maire de Bourg-de-Péage puis président du conseil général de la Drôme), puis ancien ministre, Didier Guillaume avait toutes les qualités requises pour diriger administrativement le micro-État, d'autant plus que la fonction s'apparente plus à celle d'un chef d'entreprise qu'à un directeur d'administration centrale.

    La carrière politique française de Didier Guillaume était en effet celle d'un élu local qui avait réussi : maire de Bourg-de-Péage de juin 1995 à mars 2004, président du conseil général de la Drôme de mars 2004 à mars 2015, sénateur de la Drôme de 2008 à 2018, et il a réussi en ce sens qu'il s'est rendu indispensable à ses amis, d'abord du parti socialiste, ensuite de la formation macroniste (LREM), d'abord comme premier vice-président du Sénat de 2011 à 2014 et président du groupe socialiste au Sénat de 2014 à 2018 (pour remplacer François Rebsamen), puis comme directeur de campagne de Manuel Valls pendant la primaire socialiste de janvier 2017, enfin comme Ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation du gouvernement dirigé par Édouard Philippe du 16 octobre 2018 au 6 juillet 2020. Après son éviction du gouvernement de Jean Castex, Didier Guillaume, qui aurait pu retourner au Palais du Luxembourg, a démissionné de son mandat de sénateur pour des raisons de santé (il était soigné pour un cancer).

    La nomination de Didier Guillaume comme Ministre d'État de Monaco, c'est-à-dire, chef du gouvernement monégasque, a été une surprise du chef annoncée en février 2024 pour une prise de fonction le 2 septembre 2024. C'est rare qu'un ancien membre du gouvernement français soit membre du gouvernement d'un autre pays. Manuel Valls aurait pu faire partie de ceux-là si son aventure politique à Barcelone n'avait pas tourné en eau de boudin (depuis un mois, il a retrouvé les palais ministériels parisiens).


     

     
     


    Didier Guillaume a été enterré ce jeudi 23 janvier 2025 à la cathédrale de Monaco en présence du prince Albert II de Monaco, mais aussi du Président de la République française Emmanuel Macron qui y a prononcé un court hommage : « Je ne sais dire à quoi tenait exactement cette impression d'authenticité, cette confiance que Didier Guillaume inspirait à ceux qui avaient la chance de le côtoyer. (…) Oui, il y avait en Didier Guillaume un alliage unique d'enracinement, de volonté, de générosité projetée vers des idéaux. (…) Quel que fût l'échelon, quelle que fût l'écharpe, c'était une même passion du service de ses concitoyens, un même parler franc, un même art de comprendre la réalité du terrain, de ceux qui y travaillent et de savoir les rejoindre. (…) Vous avez toujours vu vaste, Didier, toujours rêvé haut. Et le chagrin qui aujourd'hui étreint deux peuples est à la hauteur de ce que vous étiez : homme d'attachement, homme d'engagement, ami de fidélité, mari et père. ».
     

     
     


    C'est bien un choc qu'a ressenti la classe politique française. Son successeur à la tête de la présidence du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner, « très ému », a fait partie des premiers choqués car il l'avait connu comme président du conseil général, lui du Nord et Didier Guillaume de la Drôme : « Nous avons défendu ensemble l’existence des départements, à une époque où le gouvernement de Manuel Valls envisageait leur fusion avec les régions. (…) Nos chemins politiques se sont séparés, mais pas nos chemins amicaux. ». Son collègue au gouvernement, comme lui, ancien socialiste devenu macroniste et voisin, en tant qu'ancien maire d'Annonay et ancien député de l'Ardèche, Olivier Dussopt, a été aussi sous le choc : « Je pleure un ami, un frère, qui m’a toujours accompagné et soutenu, (…) en politique comme dans la vie, dans les moments heureux comme difficiles. » (Instagram).

    Autre socialiste, l'idéologue Pierre Jouvet, l'actuel secrétaire général du PS, député européen et ancien maire de Saint-Vallier, dans la Drôme, a été très touché : « Je ressens une grande tristesse, les souvenirs remontent. Je l’ai tant aimé… C’était un ami de mon père. Il m’a tout appris, il m’a formé, il m’a fait confiance, il m’a accompagné, soutenu. J’ai grandi avec lui, il a été mon premier patron, j’ai travaillé avec lui huit ans. Il a compté pour moi au même titre qu’un membre de ma famille. C’était mon père politique, j’ai une très grande affection pour lui, beaucoup d’admiration. Il a été exceptionnel dans bien des domaines. Il croquait la vie à pleines dents. J’ai tellement de souvenirs… (…) C’était une force de travail incroyable. Charismatique. Il a été décisif sur tous mes choix, mes décisions. (…) Je l’avais au téléphone régulièrement. Il avait une profonde humanité, une vision politique. C’était un homme généreux et populaire. Il avait aussi son franc-parler. Il me faisait comprendre qu’on réussissait par la force du travail, l’exigence. Il ne laissait jamais rien au hasard. Il a eu la vie qu’il voulait avoir. Il aimait aussi faire la fête, retrouver ses amis. On a fait des fêtes mémorables. » ("Le Dauphiné libéré").

     

     
     


    Le Premier Ministre François Bayrou, qui a été président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, a salué Didier Guillaume : « Un homme solide et généreux. Un humaniste au plein sens du terme. ». Sa prédécesseure Élisabeth Borne également : « Il était, bien plus qu'un simple collègue, un ami avec de grandes qualités humaines. ». Actuellement ministre, François Rebsamen : « Didier Guillaume s'en est allé après une lutte courageuse contre un cancer. (…) Je garde en mémoire nos combats partagés au Sénat. ». Ancien Ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, Jean-Michel Blanquer : « Il a été dans le gouvernement auquel j’appartenais un pilier d’une pensée républicaine et laïque sans faille. ».

    Dans d'autres rangées politiquement plus éloignées, Didier Guillaume avait su conquérir l'affection de ses collègues. Ainsi, l'actuel président du groupe LR au Sénat, Mathieu Darnaud, sénateur de l'Ardèche depuis septembre 2014, a appris la nouvelle « avec une profonde tristesse » : « Par-delà nos sensibilités, sa bienveillance et sa convivialité auront marqué chacune de nos rencontres, chacun de nos nombreux échanges, en Drôme, en Ardèche ou au Sénat. ». Ancien ministre et actuel maire LR de Valence, Nicolas Daragon était un jeune conseiller général d'opposition à l'époque de Didier Guillaume : « Nous ne partagions pas les mêmes opinions politiques, chacun défendant des idées parfois différentes, mais nous étions des amis suffisamment proches et nourris d’estime mutuelle pour prendre régulièrement de nos nouvelles et nous envoyer des messages pour les grands rendez-vous de la vie. Il nous arrivait souvent d’aller déjeuner chez Yves Jouanny, à Antraigues-sur-Volane en Ardèche, en amoureux du Rallye Monte Carlo que nous étions. Au milieu de nombreux souvenirs, je garderai de lui l’image d’un homme sincère, intelligent et chaleureux, dévoué à notre territoire et à ses habitants et aussi au service de la France. » ("Le Dauphiné libéré"). L'actuel présidente LR du conseil départemental de la Drôme, Marie-Pierre Mouton, s'est comptée parmi les « orphelins d’un homme de caractère, à la personnalité chaleureuse et attachante, dont le souvenir nous accompagnera longtemps ». Ancien ministre et ancien maire de Crest, Hervé Mariton a souligné « la grande courtoisie de Didier Guillaume » : « Il a été particulièrement aimable lors de mes soucis de santé en 2017 (…). Didier Guillaume avait cette capacité à converger avec des personnes aux sensibilités différentes. Ce qui n’est pas toujours facile. Il faut une ambiance et une manière de faire. Ce qui était le cas avec lui qui était humainement courtois et politiquement positif et utile. ».


    Albert II de Monaco aussi a exprimé son émotion : « Je suis profondément touché par la disparition d’un homme d’engagement et de cœur. ». Le gouvernement de Monaco : « Chacun gardera en mémoire le souvenir de son exceptionnelle capacité de travail, de sa passion pour la politique en faveur des femmes et des hommes, ainsi que de son esprit de rassemblement et de mobilisation. Au-delà de l’homme d’État au service du prince souverain, ses immenses qualités humaines lui ont permis de rapidement être apprécié à Monaco. [Il] a su apporter à la Principauté toute l’expérience qu’il avait acquise au long d’une prestigieuse carrière au sein de l’État français. ».

    Et même la Ligue nationale de rugby (LNR) : « Grand passionné de rugby, Didier Guillaume avait intégré le comité directeur et le bureau de la LNR en 2021 pour accompagner le rugby professionnel dans son développement, grâce à son expérience et à sa connaissance du rugby et des institutions. Il laisse un grand vide. ». Le Salon de l'agriculture que Didier Guillaume fréquentait assidûment (au point d'y faire figurer le département de la Drôme), le principal syndicat agricole, la FNSEA, et plein d'autres acteurs de la vie publique ont été sous le choc de cette disparition soudaine. Condoléances à la famille.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Didier Guillaume.
    L'homme du Prince.
    Anne-Marie Comparini.
    Thierry Beaudet.
    Gérald Darmanin.
    Yaël Braun-Pivet.
    Paul Midy.
    Manuel Valls.
    Jean-Pierre Chevènement.
    Valérie Hayer.
    Olivier Dussopt.
    Emmanuel Macron.

    Gabriel Attal.
    Rachida Dati.
    Amélie Oudéa-Castéra.
    Le gouvernement de Gabriel Attal.
    Élisabeth Borne.
    François Bayrou.
    Édouard Philippe.
    Éric Dupond-Moretti.
    Bruno Le Maire.
    Brigitte Macron.
    Gérard Collomb.
    François Léotard.
    Pap Ndiaye.
    Robert Badinter.
    Bruno Millienne.
    Jean-Louis Bourlanges.
    Claude Malhuret.
    Olivier Véran.
    Aurore Bergé.
    Pierre Moscovici.
    Rima Abdul-Malak.
    Vincent Lindon.
    Caroline Cayeux.
    Christophe Béchu.
    Agnès Pannier-Runacher.
    Sacha Houlié.
    François Braun.
    Jean-Yves Le Drian.




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250123-didier-guillaume.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/didier-guillaume-fauche-par-une-258732

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/25/article-sr-20250123-didier-guillaume.html
     


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  • Soulagement pour Serge Atlaoui de retour en France le 4 février 2025

    « L'horreur spécifique au quartier des condamnés à mort, c'est de s'y voir mourir un peu plus chaque jour. L'attente vous tue. Vous logez dans une cage et, lorsque vous vous réveillez pour cocher un nouveau jour, vous vous dites que la mort s'est encore rapprochée de vingt-quatre heures. » (John Grisham, 1994).




     

     
     


    Dans la montagne de mauvaises nouvelles dont les médias nous abreuvent matin midi et soir, il est déjà des matins heureux. C'est le cas pour ce vendredi 24 janvier 2025 qui voit se dénouer une histoire particulièrement angoissante depuis dix-sept ans. Un accord a été conclu entre la France et l'Indonésie pour le transfert du Français Serge Atlaoui vers la France.

    Serge Atlaoui, 61 ans, j'ai déjà évoqué plusieurs fois cette personne qui, pour avoir succombé à la tentation d'un job bien payé (l'histoire a montré qu'il n'en a rien été et qu'il s'est fait arnaquer), a accepté, en raison de ses difficultés financières, de travailler au noir à Jakarta. Mauvaise pioche puisqu'au-delà de l'arnaque, il assurait la maintenance d'un atelier de transformation chimique servant aux trafiquants de drogue. Arrêté le 11 novembre 2005, il a d'abord été condamné à la réclusion à perpétuité, puis le recours à la Cour suprême a rendu la peine encore plus sévère puisqu'il a été condamné à mort en 2007. Dès lors, il devait s'attendre à tout moment à être fusillé dans un peloton d'exécution, comme lors ce sinistre mois d'avril 2015, il y a presque dix ans, où son nom et celui de la jeune mère de famille philippine Mary Jane Veloso ont été retirés in extremis de la série d'exécution.

    Ferme partisan de l'abolition de la peine de mort, j'ai été alerté très tôt (vers 2008) de la situation terrible de Serge Atlaoui qui, oui, a fait une grosse bêtise, qu'il a déjà bien payée avec dix-neuf années d'incarcération, mais qui a toujours rejeté les accusations portées contre lui de trafiquant de drogue (il a été surnommé injustement par les juges "le chimiste" alors qu'il est soudeur).

    Et j'ai été frappé par l'extraordinaire sérénité de l'homme : voici un homme qui est condamné à mort dans un pays où l'on a interrompu le moratoire sur les exécutions pour des raisons purement politiciennes et démagogiques, qui vient d'exécuter une série de condamnés étrangers et indonésiens, et qui est allé au bout de tous les recours juridiques possibles, et malgré tout, il affichait un visage apparemment serein, comme s'il était juste ennuyé, comme quand vous avez une panne et que vous attendez la dépanneuse au bord de la route. En l'occurrence, la dépanneuse, c'est aujourd'hui le gouvernement français et le nouveau Président indonésien, qui ont conclu un accord pour permettre à Serge Atlaoui de revenir en France.


    Cette sérénité n'était pas feinte. Il a toujours gardé espoir. Il a toujours pu communiquer avec sa famille, ses quatre enfants, sa femme qu'il a épousée en prison et même un enfant est né pendant qu'il était en prison. Il est alors un "bon" prisonnier, un prisonnier modèle, qui a rénové voire reconstruit tout le réseau d'eau de la prison, et même, il a formé d'autres personnes pour en faire la maintenance. J'imagine qu'il doit être apprécié tant de ses codétenus que de ses surveillants. Il avait réussi à aménager une petite vie, faisant la cuisine, bricolant quelques trucs, réparant la charpente, etc. alors qu'il pouvait s'attendre à une exécution imminente (dans les quarante-huit heures) à tout moment.

    Son avocat français Richard Sédillot, qui continuera à l'assister juridiquement lorsqu'il sera en France, l'a constaté : « [Serge Atlaoui] est assez exceptionnel, il a toujours fait preuve d'une résilience qui force le respect. ».

    Ce 24 janvier 2025, Yusril Ihza Mahendra, le Ministre chargé des Affaires juridiques et des Droits humains indonésien, a tenu une conférence de presse aux côtés de l'ambassadeur de France en Indonésie, Fabien Penone, pour annoncer que Serge Atlaoui retournerait en France le 4 février 2025, « comme requis par le gouvernement français ». C'est le Ministre de la Justice français Gérald Darmanin qui a signé, depuis Paris, le protocole d'accord avec son homologue indonésien, au cours d'une visioconférence. Les détails du rapatriement et le sort de Serge Atlaoui en France ont été précisés.

    La signature aurait dû intervenir mercredi 22 janvier 2025, puis elle a été reportée à jeudi 23, mais elle n'a pu se faire finalement que le vendredi 24 janvier. Yusril Ihza Mahendra a affirmé : « Nous venons de signer un accord technique entre le gouvernement indonésien et la République française (…) pour transférer un citoyen français du nom de Serge Atlaoui. ». L'ambassadeur français l'a remercié « infiniment » au nom de la France.

    Le sort de Serge Atlaoui une fois arrivé sur le sol français n'a pas été dévoilé. L'Indonésie a accepté que ce soit la France qui déciderait désormais de son sort, que ce soit pour une grâce ou pour une peine de trente ans de prison. Dans tous les cas, cela se fera conformément à la législation française (ce qui signifie que Serge Atlaoui ne craindra évidemment plus la peine de mort).


     

     
     


    La France avait envoyé très officiellement une demande de rapatriement à l'Indonésie le 19 décembre 2024. La France avait demandé un « retour immédiat » en raison de « la détérioration de [son] état de santé ». En effet, Serge Atlaoui a suivi un traitement dans un hôpital de Jakarta chaque semaine.

    Dans le même cas que lui, Mary Jane Veloso a pu regagner son pays, les Philippines, le 18 décembre 2024 grâce à un accord entre les Philippines et l'Indonésie. Cinq Australiens condamnés (à la réclusion à perpétuité) ont aussi été renvoyés dans leur pays le 15 décembre 2024 (les derniers d'un gang de neuf trafiquants de drogue australiens).

    L'Indonésie est particulièrement sévère contre les trafiquants de drogue, sa législation est même l'une des plus sévères du monde en raison des dégâts que fait la drogue sur la population. Actuellement, 530 personnes ont été condamnés à mort et vivent dans les prisons indonésiennes, dans l'attente de leur exécution, dont plus de 90 étrangers (dont une femme), selon le Ministère de l’Immigration et des Services correctionnels indonésien.

    Pourquoi un tel changement après dix-sept ans de cauchemar ? Selon un média australien, l'actuel Président indonésien Prabowo Subianto (ancien général qui n'a jamais été inquiété pour avoir supervisé les répressions sanglantes du régime de son beau-père, Suharto, au pouvoir du 11 mars 1966 au 21 mai 1998), arrivé démocratiquement au pourvoir le 20 octobre 2024 (élu le 14 février 2024 dès le premier tour avec 58,6% des voix), avait conditionné son soutien à son prédécesseur Joko Widodo en 2015 à « ne pas exécuter de ressortissant d'un pays ami », en particulier Serge Atlaoui. Pradowo Subianto est devenu le 23 octobre 2019 le Ministre de la Défense du Président Joko Widodo avant de lui succéder à la Présidence indonésienne, en prenant comme Vice-Président Gibran Rakabuming Raka, c'est-à-dire (comme son nom ne l'indique pas !), le propre fils aîné de Joko Widodo.

    Cela nécessiterait certainement un peu plus d'investigation journalistique de la part de la presse française. Pradowo Subianto a été reçu à Paris avec les honneurs de la République française par son homologue Florence Parly le 13 janvier 2020 lorsqu'il était Ministre de la Défense. Ce dernier a annoncé plus tard, le 10 février 2022, l'achat à la France, par l'Indonésie, de 42 avions de combat Rafale pour la somme de 5,7 milliards d'euros dans le cadre d'un programme d'achat à la France de 108 milliards d'euros à moyen terme.

    Selon l'AFP, une "source proche du dossier, souhaitant rester anonyme", a confirmé l'intervention de Prabowo Subianto pour suspendre l'exécution de Serge Atlaoui, mais le porte-parole de la Présidence a refusé de confirmer. L'action diplomatique de la France a été aussi un moteur non négligeable dans cette non-exécution.

    Selon Ensemble contre la peine de mort (ECPM), en plus de Serge Atlaoui, au moins quatre autres citoyens français ont été condamnés à mort et sont détenus dans un pays étranger, une femme en Algérie, deux hommes au Maroc et un homme en Chine. J'espère que la France réussira avec autant de succès à les rapatrier.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (24 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Soulagement pour Serge Atlaoui de retour en France le 4 février 2025.
    L'espoir justifié de Serge Atlaoui.
    Cadeau de Noël pour Mary Jane Veloso.
    Enfin une bonne nouvelle pour Serge Atlaoui ?
    Majid Kavousifar.
    Varisha Moradi.
    7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
    Une lueur d’espoir pour Serge Atlaoui ?
    Taxe Nutella : Serge Atlaoui, otage de l’huile de palme ?
    Vives inquiétudes pour Mary Jane Veloso.
    Le cauchemar de Serge Atlaoui.
    Peine de mort pour les djihadistes français ?

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250124-serge-atlaoui.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/soulagement-pour-serge-atlaoui-de-258880

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/24/article-sr-20250124-serge-atlaoui.html





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  • Jean-François Kahn, l'intellectuel du centrisme révolutionnaire

    « Jean-François Kahn était un géant et un homme rare. Il incarnait le "centrisme révolutionnaire", l'humanisme et la fidélité. Nous l'aimions. » (François Bayrou, le 23 janvier 2025 sur Twitter).




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    Le grand frère est venu rejoindre les deux autres, Olivier, parti il y a vingt-cinq ans, un génie de la chimie, qu'on a dit, et Axel, parti il y a trois ans et demi déjà, connu des plateaux de télévision comme généticien et penseur de l'éthique. L'éditorialiste passionné et essayiste politique Jean-François Kahn est mort ce mercredi 22 janvier 2025 à l'âge de 86 ans et demi.

    Ami de François Bayrou de longue date, le journaliste est parti au moment où le président de la formation centriste, devenu Premier Ministre, se retrouve au cœur du gouvernement et des discussions pour faire coexister les institutions dans une Assemblée impossible. Cela aura été trop tard pour ce passionné de la politique à l'indignation trop systématique pour être sereine. Il s'était même engagé aux élections européennes de juin 2009 comme tête de liste du MoDem pour le Grand Est, mais en frôlant un score à deux chiffres, il n'a obtenu qu'un seul siège, trop peu pour siéger lui-même à Strasbourg et laissant la députée MoDem sortante de la région garder son siège.

    Rejetant à la fois la gauche marxiste vieillotte mais aussi la droite néolibérale pas moins ringarde, JFK, comme l'appelait ses amis, s'était rapproché de François Bayrou sur sa volonté de sortir du clivage stérile et anachronique entre la droite et la gauche. Mais le risque de déplacer le clivage vers un duel entre le centre et les extrémismes, c'est de faire la part belle aux mouvements populistes et en particulier au parti fondé par Jean-Marie Le Pen qu'il va bientôt croiser quelque part au purgatoire, dans l'attente de l'aiguillage définitif par saint Pierre, si toutefois tout cela existe bien, évidemment ! Inquiet, il a lâché le 11 mai 2023 sur France 5 : « Si on continue les conneries, si on continue à jouer au con, évidemment que l'extrême droite va gagner les élections, évidemment. Alors, ce n'est pas fatal, j'espère qu'il y aura une espèce de réaction, et je ne vois pas qu'est-ce qui peut empêcher qu'on continue à jouer au con ! ». Qui était le "on" ? Sans doute Emmanuel Macron, bien sûr !

    Auteur très prolifique, Jean-François Kahn a publié environ quarante-cinq essais politiques parfois très denses (de 1975 à 2024) pour expliquer le cheminement de sa pensée complexe. À l'origine, il ne s'était pas prédestiné au journalisme mais il a eu quand même une carrière d'une cinquantaine d'années très réussie (à partir de 1959) à la fois dans la presse ("Paris-Presse", "L'Intransigeant", "L'Express", "Le Nouvel Obs", "Les Nouvelles littéraires", "Le Monde", "Le Point", "Le Soir"), à la radio (France Inter, Radio-Canada, aussi un duel régulier avec Alain Duhamel sur Europe 1 d'où il a été licencié en 1986 parce qu'il avait traité ses propriétaires de "requins" !) et à la télévision (participant fréquemment à "L'Heure de vérité" sur Antenne 2, et à "C dans l'air" sur France 5), couvrant des événements majeurs comme la guerre d'Algérie, la guerre du Vietnam, l'affaire Ben Barka (qu'il a révélée comme grand reporter avec Jacques Derogy), le Printemps de Prague, la chute de Salvador Allende, etc.

    Jean-François Kahn a créé et dirigé deux grands hebdomadaires, "L'Événement du Jeudi" en 1984 et "Marianne" en 1997 dont il a dirigé la publication jusqu'en 2007. Je me souviens d'un numéro de "L'Événement du Jeudi" vers 1985 où la une était consacrée à un sondage d'intentions de vote qui plaçait au second tour d'une élection présidentielle un duel entre l'ancien Premier Ministre Raymond Barre, alors l'une des personnalités politiques les plus populaires, et le Premier Ministre, alors en exercice, jeune et moderne, Laurent Fabius, remisant dans les placards les candidatures de Michel Rocard, Jacques Chirac, voire Lionel Jospin.

    "Marianne" était son bébé et même une fois hors de la direction, Jean-François Kahn restait très influent sur la rédaction, n'hésitant pas à souffler fréquemment des titres de une, comme l'a expliqué "Le Monde" le 23 janvier 2025. Dans les premiers années du périodique, JFK remplissait "Marianne" avec cinq pseudonymes ! On ne s'est donc pas étonné de le voir le 6 juin 2024 en pleine contestation contre la vente du journal au milliardaire conservateur Pierre-Édouard Stérin : « Je ne peux cautionner le fait qu’il y ait un acheteur qui, dans tous les domaines, soit l’exact inverse de ce pour quoi nous avons créé le journal. (…) Marianne ne peut devenir la propriété d’un personnage ultralibéral en matière économique, qui n’est pas laïc, et qui n’est pas patriote, car toujours exilé fiscal en Belgique. » a-t-il protesté auprès du journal "Le Monde".


    La tentative de vente a finalement échoué, et Jean-François Kahn n'y était sans doute pas étranger. Même s'il affichait de nombreuses divergences politiques, notamment sur l'Europe et le souverainisme, avec l'avant-dernière directrice Natacha Polony (entre 2018 et 2024), celle-ci avait amarré l'hebdomadaire pour faire vivre le débat des idées, ce qui était le but originel des deux créateurs, Jean-François Kahn et Maurice Szafran, qui a affirmé auprès de l'AFP le 23 janvier 2025 que la conception de Jean-François Kahn était la suivante : « Le journalisme était un moyen de comprendre l'histoire, de faire l'histoire et de s'inscrire dans l'histoire. ».

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    Lorsque Yann Plougastel a publié le 31 mai 2021 un article sur l'un des dernières livres de JFK, son autobiographie "Mémoires d'outres-vies", pour "Le Monde" (le second tome est paru l'année suivante), il a qualifié l'éditorialiste comme d'un « homme qui n'a cessé de s'intéresser à ce qui sort du cadre » et qui a « [privilégié] la complexité aux certitudes », ou encore d'un « diable d'homme, pour qui le maniement du paradoxe et le recours au pas de côté relèvent de l'éthique » et qui « s’est toujours refusé à être là où on l’attendait ».

    Et Yann Plougastel de se demander qui était vraiment Jean-François Kahn à la lecture de ce livre-là : « Qui est-il vraiment ? Un historien devenu journaliste par hasard ? Un grand reporter qui se pique de philosophie ? Un ferrailleur d’idées qui abhorre la pensée unique (il fut l’inventeur de ce concept qu’il laissa ensuite à d’autres) et le politiquement correct ? Un amateur d’opéra qui connaît aussi sur le bout des doigts les chansons de Fréhel, Marie Dubas et Édith Piaf, et fredonne "La Varsovienne" dans la version des chœurs de l’Armée rouge ? Un cinéphile émérite qui, après être tombé sous le charme de "L’Arme fatale" avec Mel Gibson (1987), enjoignait à ses journalistes de démarrer leurs papiers avec le même rythme soutenu que ce film ? Un fumeur de cigares qui met le feu à la poubelle de son bureau de la rue Christine, dans le 6e arrondissement parisien, en s’en servant comme d’un cendrier, et l’éteint avec l’eau du bocal où nageait un poisson rouge offert par sa femme, sacrifiant ledit poisson (anecdote vécue par l’auteur de ces lignes qui travailla quinze ans sous sa direction, et à qui il fit jurer de ne jamais révéler cet incident après lui avoir enjoint d’acquérir fissa un nouveau poisson rouge quai de la Mégisserie sur note de frais) ? Un amateur de bonne chère et de plats roboratifs qui se gausse d’un Jean-Jacques Servan-Schreiber, son patron à "L’Express", ne mangeant que des avocats vinaigrette et, du coup, défendant, selon lui, une ligne éditoriale aussi peu enthousiasmante que le libéralisme light de Jean Lecanuet ? Un distrait qui, dans un avion au départ du Caire, se retrouve assis à côté d’un individu ressemblant vaguement à un notaire, lequel s’avère être Yasser Arafat sans son keffieh ? Un homme de son temps, qui n’a pas son permis de conduire, ne sait pas taper à la machine et ne parle pas anglais (en revanche, côté latin-grec, il assure, ce qui est pratique pour couvrir la guerre des Six-Jours, en juin 1967) ? Un ancien militant communiste, passé au réformisme, qui, dégoûté par les trahisons successives des sociaux-démocrates, opta pour des convictions "plus révolutionnaires", à savoir le centrisme. "Je me suis surpris à déborder la gauche molle à partir d’un centrisme dur", plaide-t-il ? ».

    La note bibliographique du "Monde" de mai 2021 donnait ainsi des échantillons éloquents de sa « plume incisive » piochés dans les descriptions des personnalités qu'il a côtoyées, en particulier celles-ci. De Gaulle : « Il y a des gens qui sont, dans la vie, "Tartuffe" ou "Le Père Goriot" ou "Le Contrat social". De Gaulle était à lui tout seul "Les Mémoires d’outre-tombe" et "La Légende des siècles". ». Raymond Barre : « Il était à la démagogie ce que le marquis de Sade fut à l’Immaculée Conception. Il parlait vrai. ». Valéry Giscard d'Estaing : « Il parlait comme David peignait avant de se découvrir jacobin. Sa manière évoque un meuble Directoire que l’on aurait juste un peu trafiqué pour lui donner un petit air Régence. ».

    Le penseur pouvait faire des boulettes, l'une des plus grosses a été sa réaction dans l'affaire DSK (Dominique Strauss-Kahn était un ami) avec cette sortie particulièrement malvenue et inutilement sexiste le 16 mai 2011 sur France Culture : « Si c’est un troussage de domestique, c’est pas bien ! » (sortie qui choquerait encore plus aujourd'hui !). Il s'en était rendu compte, avait présenté ses excuses et avait même renoncé à son métier de journaliste (sa dernière chronique dans "Marianne" date du 27 mai 2011), mais le mal était fait et la polémique avait fait grand bruit. Question de génération, diraient les plus généreux. Dans son blog, JFK confirmait que son expression était « injustifiable » : « L'expression n'en était pas moins totalement inacceptable. J’ai rarement vécu une telle déchirure intérieure. Il faut l’assumer. ». ll disait aussi le 23 mai 2011 dans "Le Monde" : « Un combat de 50 ans jeté aux oubliettes pour deux mots aussitôt répudiés, vous approuvez cela ? (…) Si vous approuvez, eh bien j’en tirerais les leçons. Car, moi, je ne veux pas d’un tel monde. ».

    Son combat de cinquante ans ne sera pas jeté aux oubliettes, qu'il se rassure ! Il laisse à ses amis et à ses lecteurs un grand nombre d'essais politiques (quarante-cinq, ai-il indiqué) qui resteront une trace intellectuelle indélébile de son passage ici-bas. Toutes mes condoléances à la famille.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La pensée complexe.
    Candidat du MoDem.
    Portrait croisé Jean-François Kahn et Axel Kahn.
    Les idéologues de la droite libérale.
    Jean-François Kahn.
    Axel Kahn.
    Philippe Val.
    Sophia Aram.
    Claude Allègre.
    Hubert Reeves.
    Alain Peyrefitte.
    Jean-Pierre Elkabbach.
    Patrick Cohen.
    Fake news manipulatoires.
    Bernard Pivot.
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Yves Montand.
    Jean Lacouture.
    Marc Ferro.
    Dominique Baudis.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Christine Angot.
    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
    Alain Duhamel.


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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250122-jean-francois-kahn.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/jean-francois-kahn-l-intellectuel-258859

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/23/article-sr-20250122-jean-francois-kahn.html




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  • Méfiez-vous du péage par smartphone sur les autoroutes !

    « La modernité se définit comme un progrès décisif de la conscience de soi. » (Étienne Borne, 1988 dans la revue démocrate-chrétienne "France-Forum").


     

     
     


    Le paiement par smartphone (téléphone portable) est de plus en plus répandu, en France notamment : près de 36% des Français l'utilisent, et 48% des Franciliens selon une enquête d'OpinonWay pour Lyf réalisée en février 2024. Cela consiste à payer sans contact avec une application (Google Wallet ou Apple Pay), ce qui a l'avantage de ne plus utiliser de carte bancaire ni d'espèce.

    Mais ce type de paiement a un gros défaut : il peut vous faire verbaliser par les forces de l'ordre si vous payez de cette manière le péage d'une autoroute. C'est en tout cas ce qui est arrivé à un "influenceur", comme on dit, de TikTok, du nom de "s4iintt", qui a raconté le 16 janvier 2025 sa mésaventure dans une vidéo sur ce réseau social qui a été vue par près de 5 millions internautes. Le jeune homme de 21 ans revenait des Pays-Bas et sur un péage de l'autoroute A10, il a eu une surprise : « J’arrive à un péage, c’était 25,90 euros, je sors mon téléphone, je paye en Apple Pay et, et instantanément, gyrophare, moto… ».

    On l'a verbalisé d'une amende de 90 euros (celle de 135 euros forfaitaire) et de trois points du permis de conduire. Il a protesté : « Mais monsieur j’étais à l’arrêt j’ai juste payé avec mon téléphone ! ». Après la polémique qu'il a entraînée dans les réseaux sociaux, des avocats ont été interrogés par la presse et ont tous répondu que la loi verbalisait bien l'utilisation du téléphone portable lorsqu'on est au volant.

    Un autre "influenceur" de TikTok, Masdak, suivi par 3 millions d'abonnés, a repris aussi cette histoire en affirmant : « Au péage, vous êtes sur une voie d'autoroute, votre véhicule est toujours considéré en état de circulation, une amende forfaitaire de 135 euros et un retrait de trois points du permis de conduire. ».

    En effet, l'article R412-6-1 du code de la route précise bien : « L’usage d’un téléphone tenu en main par le conducteur d’un véhicule en circulation est interdit. ». Aux yeux de la loi, un véhicule qui s'est arrêté pour payer à un péage d'autoroute est toujours en circulation : « Je suis en circulation n’étant ni à l’arrêt, ni en stationnement. », a ainsi expliqué maître Rémy Josseaume le 20 janvier 2025 pour "Le Figaro" (il a aussi été interviewé le 21 janvier 2025 par "Le Parisien"). Le conducteur doit rapidement se dégager pour laisser la place à d'autres véhicules. L'avocat a considéré que la verbalisation était juridiquement justifiée et qu'il serait difficile, le cas échéant, de contester la sanction.

    Du reste, selon des internautes, le site Internet de Vinci Autoroutes a discrètement retiré il y a six jours la mention « ou autre objet connecté » dans sa partie sur le paiement sans contact. Effectivement, il était précisé alors : « À l'aide de votre carte bancaire, mais aussi de votre téléphone, de votre montre ou de tout autre objet connecté, payez votre péage de façon simple et sécurisé. ».
     

     
     


    Un automobiliste qui payerait son achat avec son smartphone dans le drive d'un fast-food, au volant de son véhicule avec le moteur en marche, s'exposerait à la même amende, ce qui est logique.

    Le plus étonnant, c'est que le Président de la République a eu vent de la polémique et a réagi le 22 janvier 2025 par une vidéo sur le même réseau, TikTok. Emmanuel Macron a déclaré : « Je crois qu'en 2025, on doit pouvoir payer au péage avec son téléphone. Donc, j'ai passé le dossier au Ministre de l'Intérieur et on va collectivement régler ça ! ». Une affaire rondement menée !

    Faut-il mobiliser le sommet de l'État pour résoudre cette affaire ? Le discernement ne pourrait-il pas simplement suffire aux forces de l'ordre lorsque l'utilisation du téléphone portable pour payer un péage ne mettrait pas en cause la sécurité de la conduite automobile ? Faudra-t-il légiférer pour donner quelques exceptions à cet article du code de la route ?


    C'est évident que la numérisation à outrance de notre vie quotidienne nécessite des aménagements dans notre législation et réglementation. On aurait pu penser que le simple bon sens suffise pour ce genre de chose. Les accros du Macron bashing ne se priveront pas de dénigrer le Président de la République pour avoir voulu s'occuper de ce petit problème posé par un jeune internaute (alors qu'il y a plein d'autres gros problèmes à résoudre). La réalité, c'est que les mêmes le dénigrent parce qu'il n'écouterait pas le peuple. Il faudrait savoir...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (22 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Méfiez-vous du péage par smartphone sur les autoroutes !
    5 ans de prison dont 2 ferme pour Pierre Palmade.
    Tristesse.
    Contrôle médical obligatoire pour le permis de conduire : une erreur de vision ?
    Émotion nationale pour Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Claude Got.
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    Le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du lundi 17 juillet 2023.
    Le refus d'obtempérer est un délit routier.
    Faut-il interdire aux insomniaques de conduire ?
    Faut-il en finir avec le permis de conduire à vie ?
    L'avenir du périph' parisien en question.
    Fin du retrait de point pour les "petits" excès de vitesse : est-ce bien raisonnable ?
    Les trottinettes à Paris.
    L'accident de Pierre Palmade.
    La sécurité des personnes.
    Anne Heche.
    Diana Spencer.
    100 ans de code de la route.
    80 km/h : le bilan 2018-2020 très positif.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250122-peage-smartphone.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/mefiez-vous-du-peage-par-258857

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/23/article-sr-20250122-peage-smartphone.html



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