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france - Page 13

  • Gilberte Beaux, une grande dame qui sort des schémas classiques

    « Il faut aimer la vie. J'aime la vie (…). Quand on aime (…), on arrive toujours à faire des choses merveilleuses. La vie est fantastique ! » (Gilberte Beaux, le 26 juillet 2017).



     

     
     


    Gilberte Beaux fête son 95e anniversaire ce vendredi 12 juillet 2024. Il est très difficile de définir en deux mots qui est Gilberte Beaux. En ce qui me concerne, je la connaissais car elle était la "trésorière" de Raymond Barre, je ne sais pas trop sa fonction, peut-être conseillère économique aussi (les deux probablement) pendant sa campagne présidentielle de 1988.

    Si Gilberte Beaux n'est pas très connue du grand public, c'est parce qu'elle a tout fait pour être discrète, éloignée des médias. Son monde, ce n'était pas celui de la politique où, au contraire, il faut se faire connaître, il faut se promouvoir, il faut faire parler de soi, parfois lourdement, la notoriété étant un élément important dans une victoire électorale (c'est le chat qui se mord la queue : on est connu aussi parce qu'on est élu). Son monde, c'est celui de l'économie, celui de la gestion d'entreprises,celui des discussions feutrées, des négociations secrètes.

    Alors, on pourrait qualifier Gilberte Beaux de femme d'affaires, mais cela risque de faire oxymore, une femme peut être une bonne affaire, mais fait-elle de bonnes affaires ? Arg ! Stop ! J'arrête mon sexisme et si je suis un peu provocateur par le plaisir du jeu, c'est parce que Gilberte Beaux se sent (encore aujourd'hui) une femme libre, mais une femme libre parce qu'une femme forte, et à ce titre, elle s'inscrit dans la tradition des femmes fortes de sa génération, en particulier Simone Veil, mais aussi Marie-France Garaud (grande amie de Simone Veil).

    Encore un petit détour avec Marie-France Garaud (qui est morte récemment). Gilberte Beaux a eu, donc, sa période barriste, en gros toute la décennie des années 1980. Dès 1981, Raymond Barre a vu sa cote de popularité grimper en flèche au fur et à mesure que le gouvernement socialo-communiste vidait toutes les caisses de l'État. Les Français aiment bien les hommes d'État (et femmes d'État) mais seulement lorsqu'ils ne sont plus au pouvoir.

     

     
     


    L'un des préceptes du barrisme institutionnel, c'était sa conception très gaullienne de la Constitution, et à ce titre, Raymond Barre avait repris le flambeau de De Gaulle délaissé par Jacques Chirac prêt à foncer à Matignon (à l'époque, on faisait moins de chichi !) pour faire la première cohabitation. Raymond Barre, fidèle au dogme de la légitimité populaire sacrée par l'onction des urnes, considérait que le Président de la République devait démissionner s'il avait perdu les élections législatives. Au contraire, le président du RPR et futur candidat à l'élection présidentielle refusait d'exclure de gouverner et refusait d'engager un bras de fer avec François Mitterrand visant à le faire démissionner. À l'époque, j'étais à fond dans cette interprétation barriste, mais c'est l'interprétation pragmatique qui a finalement gagné (trois fois) en faisant même de la cohabitation un régime plutôt apprécié des Français car rétablissant une certain équilibre des institutions au sein de l'exécutif.

    Les gardiens du dogme gaullien étaient rares dans la classe politique, notamment parmi les gaullistes, mais on pouvait compter sur Michel Debré (le père de la Constitution, évidemment) et aussi sur Marie-France Garaud, conseillère spéciale de Georges Pompidou à l'Élysée et conservatrice réactionnaire, en quelque sorte (avant-c'était-mieux). Les deux avaient eu le courage de se présenter à l'élection présidentielle de 1981, probablement aidés dans leurs parrainages par les giscardiens pour disperser l'électorat de Jacques Chirac (à charge de revanche, ce dernier, lui, a encouragé ses militants à voter contre VGE au second tour !).

    Malgré son envie de discrétion, Gilberte Beaux s'est quand même engagée dans la bataille électorale... aux côtés de Marie-France Garaud puisqu'elles ont constitué une liste (Marie-France Garaud tête de liste) à Paris aux élections législatives du 16 mars 1986 qui étaient au scrutin proportionnel à l'échelle départementale. Sans investiture de grands partis politiques, cette liste était discrètement soutenue par... Raymond Barre qui cherchait à multiplier les députés purement barristes dans l'Assemblée de 1986 pour empêcher la cohabitation (la majorité très serrée a fait que les députés barristes, y compris le député de Lyon Raymond Barre, se sont finalement ralliés au gouvernement de Jacques Chirac pour ne pas être accusés d'être des diviseurs).

    En 1986, leur liste n'a pas obtenu de siège, mais elle a fait mieux que les écologistes, Lutte ouvrière, le MPPT, ou encore qu'une liste menée par Albert Jacquard. Bref, avec 23 701 voix, soit 2,6% des suffrages exprimés, la liste Garaud-Beaux s'est classée en sixième place sur seize listes, juste après les listes des partis bien établis : la liste RPR menée par Jacques Toubon, la liste PS menée par Lionel Jospin, la liste UDF menée par Jacques Dominati, la liste Rassemblement national (oui oui, pas FN mais RN = FN + CNI) menée par Jean-Marie Le Pen (et le député des concierges Édouard Frédéric-Dupont) et la liste PCF menée par Gisèle Moreau (qui n'a pas obtenu non plus de siège, au contraire des quatre premières). Malgré son concurrent Jacques Dominati, la liste Garaud bénéficiait du soutien des Corses de Paris, car Gilberte Beaux est d'origine corse (son nom de jeune fille est Gilberte Lovisi).
     

     
     


    Mais je m'égare dans cette voie politique qui n'était pas la sienne et sans doute cette candidature en 1986 a été téléguidée par Raymond Barre et elle ne pouvait pas la lui refuser. Revenons surtout à son parcours professionnel qui est loin d'être ordinaire. S'il fallait le résumer avec des noms, on pourrait le résumer étrangement avec deux noms : Jimmy Goldsmith et Bernard Tapie !

    L'encyclopédie en ligne Wikipédia la considère comme « une personnalité du monde des affaires en France, des années 1960 aux années 1990, et une dirigeante d'entreprise » et ajoute : « Elle a été l'associée discrète de deux personnalités flamboyantes du milieu financier et entrepreneurial de ces décennies, Jimmy Goldsmith puis Bernard Tapie, chargée par eux de la bonne gestion des sociétés dont ils s'emparaient. Elle incarne aussi une époque de l'histoire du capitalisme, et du management en entreprise, où il était encore possible à une personne entrant comme dactylo de gravir tous les échelons et de devenir le dirigeant d’un groupe international. ».

    Quand on regarde son origine familiale, un père qui a eu une faillite, on peut y voir un point commun avec Raymond Barre dont le père aussi a été socialement humilié par la faillite de son entreprise. Juste après la guerre qu'elle a passée adolescente avec sa famille à Marseille, la future Gilberte Beaux (elle s'est mariée en 1951 avec Édouard Beaux et est devenue veuve en 1995) a appris la sténodactylographie et a commencé à travailler très jeune dans une banque au plus bas des échelons afin de payer les études de son frère. Au bout de dix ans, par une volonté de fer (et un management particulièrement à l'écoute), elle a grimpé tous les échelons de la banque jusqu'à en devenir une fondée de pouvoir ! Une évolution aujourd'hui quasiment impossible à imaginer où les diplômes et recommandations sont bien plus nécessaires qu'à la sortie de la guerre où beaucoup d'emplois manquaient de titulaires.

    Fort de cette expérience déjà exceptionnelle au milieu des années 1950, Gilberte Beaux a poursuivi dans d'autres entreprises, le groupe automobile Simca, dont elle a géré la trésorerie par l'intermédiaire d'une autre entreprise, la Compagnie financière de Paris. Elle gérait des grands comptes, des investissements, des crédits, etc., réputée au point d'être nommée à la tête de l'Union financière de Paris et de la Société de gestion industrielle et financière.

    Et puis, ce furent ses rencontres dans la vie des affaires qui ont consolidé sa carrière financière. La première fut avec Jimmy Goldsmith dont elle est devenue le bras droit pendant une vingtaine d'années, entre 1967 et 1987. Elle a pris la tête de la Générale Occidentale, société holding du magma de la finance, qui a investi dans le secteur agro-alimentaire, en particulier en rachetant la Générale Alimentaire (marques Amora, Poulain, Maille, etc.). C'est elle qui négociait les prises de participation, les achats, les reventes et surtout la diversification économique du groupe.

    Fine négociatrice, elle a revendu tous les activités du secteur alimentaire au groupe BSN afin d'investir dans les médias et l'audiovisuel au milieu des années 1970 et début des années 1980 : si les tentatives de rachat dans la télévision se sont avérées décevantes (et ratées), la Générale Occidentale a réussi à racheter l'hebdomadaire "L'Express" en 1977 à son fondateur JJSS (qui avait besoin d'argent pour investir dans ses campagnes électorales très coûteuses et assez vaines), ainsi que les Presses de la Cité. Jean-François Revel a été alors nommé directeur de "L'Express" avec, pour rédacteur en chef, Olivier Todd (qui lui aussi vient d'avoir 95 ans, le 19 juin dernier), proche du PSU, et accueillant les réflexions écrites de Raymond Aron. Après le renvoi d'Olivier Todd et la démission, par solidarité, de Jean-François Revel en 1981, l'hebdomadaire a évolué vers la droite (historiquement, il était de centre gauche et mendésiste) pour combattre le gouvernement socialo-communiste après l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand.


    En 1987, ce fut la fin de l'idylle entre Jimmy Goldsmith et Gilberte Beaux, non qu'il y ait eu une mésentente professionnelle, mais parce que Jimmy Goldsmith a voulu vivre et se recentrer aux États-Unis et revendre toutes ses entreprises d'Europe. Gilberte Beaux a négocié alors le rachat de la Générale Occidentale par la CGE (Compagnie générale d'électricité), devenue ainsi propriétaire de "L'Express" (voir la première vidéo ci-dessous).

    À cette époque (lire plus haut), Gilberte Beaux était surtout occupée par son engagement politique derrière Raymond Barre, tout en présidant Basic, une société pétrolière au Guatemala, résidu de ses investissements antérieurs. Elle aurait pu dire qu'elle attendait ainsi une retraite déjà bien méritée, mais atteignant ses 60 ans, elle a relevé un nouveau challenge : Bernard Tapie est venu lui demander en 1990 de prendre la direction du groupe Adidas qu'il venait d'acquérir. Elle connaissait depuis une dizaine d'années Bernard Tapie pour avoir tenté de faire des affaires avec lui, mais sans résultat concret (Bernard Tapie était spécialiste des reprises d'entreprise en liquidation et de la valorisation et revente de leur actif).
     

     
     


    Pour Adidas, dont elle a présidé le directoire puis le conseil de surveillance jusqu'à sa revente (qu'elle a négociée) en 1994 au milliardaire Roger Louis-Dreyfus. Pour redresser financièrement Adidas (au bord de la faillite), Gilberte Beaux a revendu d'autres entreprises du groupe Tapie comme La Vie claire avec de fortes plus-values, puis a accompagné la revente d'Adidas, remis à flots en deux ans (revendu parce que son propriétaire a été nommé ministre) dont fut chargé le Crédit lyonnais (ce qui allait aboutir à une très longue affaire financière et judiciaire car le Crédit lyonnais a fait de très substantiels gains en cachant la valeur réelle d'Adidas).

    Cette revente a coïncidé à peu près avec la mort de son mari en 1995. Édouard Beaux avait acheté un ranch en Argentine et s'y était installé. Veuve, elle a découvert que la vie là-bas y était agréable et s'y est définitivement installée, commençant à près de 70 ans une nouvelle vie de paysanne argentine, du reste très appréciée localement pour avoir soutenu des opérations d'archéologie dans le coin. Ce qui est amusant, c'est que Marie-France Garaud et son collègue politique Pierre Juillet étaient eux aussi, à leurs heures perdues, des éleveurs de moutons dans la campagne profonde !

    Elle qui a passé une trentaine d'années à voyager dans le monde pour les affaires, se rendant sur tous les continents, Europe, Amérique, Asie, reconnaît cependant un trou dans sa raquette, elle ne connaît pas l'Australie ! Elle a été aussi nommée membre du Conseil Économie et Social (devenu CESE, avec Environnemental), pour lequel elle est partie au Japon pour une mission d'étude, qui a abouti à un rapport publié au Journal officiel : "Pour une politique européenne et française face au Japon" (popularisée par un ouvrage grand public : "La Leçon japonaise", ed. Plon). Elle a aussi publié son autobiographie "Une Femme libre" en 2006 (éd. Fayard).
     

     
     


    Gilberte Beaux est une personne qui est bien placée pour dire qu'elle s'est faite toute seule. Elle proclame à qui veut l'entendre que la personnalité et le caractère sont bien plus importants que l'intelligence pour réussir, en particulier, il faut prendre des décisions rapidement, quitte à prendre de mauvaises décisions, mais c'est toujours moins pire que ne pas décider du tout.

    Femme ayant particulièrement réussi sa vie professionnelle, Gilberte Beaux est sans doute une meilleure féministe au sens de la promotion sociale des femmes que bien des militantes féministes stériles qui pinaillent sur des aspects dérisoires de la vie sociale ou prêtes à s'enflammer pour l'écriture inclusive. Elle a donné trois conseils aux femmes qui souhaitent réussir : la liberté, la flexibilité et la confiance en soi. Et pour elle, c'est essentiel : si vous ne vous sentez pas à l'aise dans vos fonctions, dans votre milieu professionnel, n'hésitez pas à en changer et à vivre autre chose. Sinon, votre créativité et votre vitalité risquent de se nécroser.

    Et Gilberte Beaux est bien placée pour le dire parce qu'elle a eu plusieurs vies économiques, passant allègrement d'un secteur à l'autre pour diversifier ses expériences personelles : secteur de la banque, secteur de l'automobile, secteur de l'agro-alimentaire, secteur des médias et de la presse, secteur du pétrole, secteur du sport. Sans compter son incursion politique. Et désormais, secteur agricole avec son exploitation en Argentine. Elle a toujours été discrète et s'est peu souvent exposée auprès du grand public (selon ses activités économiques), mais elle mériterait d'être plus connue, car elle peut être un bon modèle de femmes cultivée et cultivatrice ! Bon anniversaire !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bernard Tapie.
    Marie-France Garaud.
    Raymond Barre.
    Gilberte Beaux.
    Carlos Tavares.
    Carlos Ghosn.
    Bernard Madoff.
    Jacques Séguéla.
    Gustave Eiffel.
    Francis Mer.
     

     

     







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240712-gilberte-beaux.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/gilberte-beaux-une-grande-dame-qui-255755

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/12/article-sr-20240712-gilberte-beaux.html

     

     

     

     

  • Festivité !

    « Ce soir, la profusion de symboles historiques, la variété des usages du passé, l’inédite diversité humaine des figures et des acteurs et actrices, la volonté de ne pas adresser la leçon au monde, tout cela fait rupture dans la manière dont la France représente et raconte ordinairement son passé dans les événements solennels ou commémorations officielles. (…) Le récit national n’est pas esquivé, une histoire de France est esquissée dans sa singularité, mais cette histoire n’est ici ni linéaire ni fermée à la différence. Cette histoire n’est pas une histoire moins riche, ou destructive, mais une histoire qui nous ressemble et nous nourrit. Ce dialogue entre histoire, grand spectacle et création artistique n’est pas facile, il doit être souligné » (Guillaume Mazeau, le 26 juillet 2024 dans "Le Monde").



     

     
     


    Je reviens sur la très belle cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de 2024 à Paris, qui s'est déroulée au bord de la Seine. C'était la première fois qu'une telle cérémonie s'était déroulée à l'extérieur, en dehors de l'enceinte des JO (hors d'un stade). Les réactions étaient quasi-unanimes sur le caractère exceptionnel, historique, joyeux de ces festivités, au point que les Américains vont devoir faire aussi bien en 2028 à Los Angeles. Selon la chaîne américaine NBC, un milliard de personnes auraient regardé cette cérémonie dans le monde. La grosse pluie n'a pas empêché le succès de cette fête grandiose et majestueuse. Un peu moins de 7 000 athlètes ont défilé et 3 000 artistes (dont 400 danseurs) ont participé au spectacle. C'était pharaonique !

    Certes, des polémiques bien inutiles ont germé, surtout dans les réseaux sociaux, venant de tous ceux dont le métier est de dénigrer la France ou son Président, Emmanuel Macron en l'occurrence, pour cette manifestation, cela revient au même. On ne s'étonnera donc pas d'y retrouver la très prévisible fachosphère ainsi que la Russie, par exemple, mais aussi, et c'est plus regrettable, la Conférence des évêques de France. Je reviendrai un peu plus loin sur les deux (principales) polémiques qui sont nées de ce spectacle.

    Ce qu'il faut retenir, c'est que l'organisation française a fait très fort comme spectacle à la fois artistique, culturel, historique, sportif. Il y en avait pour tous les goûts et tous les sens. Il est quasiment certain qu'aucun spectateur ou téléspectateur n'a pu aimer toutes les animations, tous les plateaux, tous les tableaux, toutes les manifestations proposées par ce spectacle, mais tous ensemble, ils donnent une sorte de rapide (bien que durant quatre heures) mélange du temps (l'ancien, le moderne), de l'espace, des valeurs universelles, de ce qu'est la France (ou n'est pas), des clins d'œil, des références culturelles, le tout s'assurant de la devise de la République, liberté, égalité, fraternité, et aussi de la devise de l'Europe, unis dans la diversité, à savoir que la richesse de la France rejaillit sur le monde mais que la richesse du monde, des autres cultures, rejaillit aussi sur la France.

    Ont été honorés non seulement des personnages célèbres, des femmes d'importance, comme Simone Veil et Simone de Beauvoir (dont la statue s'est coincée !), des grands sportifs, français ou étranger d'ailleurs), mais aussi de "petites mains" comme les artisans qui ont réparé Notre-Dame de Paris ou les ouvriers fondeurs de la Monnaie de Paris qui ont coulé les médailles d'or olympiques avec un peu de métal de la Tour Eiffel. La fête était aussi touristique, fluviale et parisienne, puisque le spectacle s'est passé sur la Seine, du pont d'Austerlitz au pont d'Iéna, celui qui raccorde le Trocadéro à la Tour Eiffel.

    La première fierté française, cela a été la chanteuse américaine Lady Gaga qui a chanté Zizi Jeanmaire... mais c'était aussi la fierté américaine qu'elle fût présente à cette cérémonie française et fît partie de cette extraordinaire aventure. Un peu plus tard, la chanteuse française la plus vendue dans le monde Aya Nakamura a interprété, avec les musiciens de la Garde républicaine, un mélange reprenant ses propres chansons et "For me formidable" de Charles Aznavour, tout cela sur le pont des Arts, devant l'Académie française, pour signifier l'égalité. L'avantage d'une polémique préventive, alimentée par l'extrême droite (sous prétexte non dit que sa couleur de la peau représenterait mal la France), c'est qu'elle n'a plus lieu après sa prestation. On avait évoqué Édith Piaf, elle a chanté Aznavour ; ma foi, ce mélange, peut-être pas du goût de tous, était en tout cas très œcuménique ! Très "en même temps".

     

     
     


    De la chanson française ont émergé notamment Serge Gainsbourg ("Initial B.B."), les Rita Mitsuko ("Andy"), Daniel Balavoine ("L'Aziza"), France Gall et Michel Berger ("Ça balance pas mal à Paris"), Mylène Farmer ("Désenchantée"), Véronique Samson ("Chanson sur ma drôle de vie"), Michel Polnareff ("Lettre à France"), etc.

    Le vol de "La Joconde" fait référence à un épisode de l'histoire de l'art, et on s'est finalement aperçu que c'étaient les Minions (une production de dessins animés franco-américains) qui étaient les coupables ! Ce que n'a pas dit le spectacle, c'est que le Louvre avait accueilli le dîner officiel des chefs d'État et de gouvernement la veille (accueil par la Pyramide du Louvre, tapis rouge).

     

     
     


    La longue (certainement trop longue) chevauchée fantastique de la porteuse du drapeau olympique sur les eaux de la Seine (et sous la pluie) faisait référence à Jeanne d'Arc, et c'était la conceptrice même du cheval mécanique poussé dans le fleuve, Morgane Suquart, qui tenait le rôle de la cavalière avant que la gendarme Floriane Issert ne soit arrivée à sa place sur le pont d'Iéna pour donner le fameux drapeau, avec cette solennité presque militaire du salut aux drapeaux.
     

     
     


    Quant à l'allumage de la vasque olympique par deux athlètes de renommée mondiale, Marie-José Pérec et Teddy Riner, elle était très originale, en continuant à faire parler le génie français, avec une montgolfière qui a illuminé le Paris nocturne des feux olympiques, et cette scène m'a fait penser à la scène finale de la "Rencontre du Troisième type" de Steven Spielberg (sorti le 16 novembre 1977) avec François Truffaut et Richard Dreyfuss. D'une point de vue cinématographique, il y a eu dans ce spectacle de nombreuses références dont les frères Lumière et le génial Georges Méliès.
     

     
     


    Venons-en aux deux polémiques du moment, une petite et une moyenne, toutes les deux dérisoires, à mon sens, car lorsqu'on parle d'art, on parle avant tout de liberté, car la France, c'est aussi la créativité en liberté. L'art, en particulier, permet de revisiter des anciens concepts, de pasticher aussi, de provoquer, bien sûr. Thomas Jolly, le directeur artistique du spectacle, a montré ainsi sa finesse dans l'art de faire de l'art, si j'ose dire !

    La première polémique provient surtout de Jean-Luc Mélenchon qui a donné son quitus au spectacle (nous sommes rassurés !) ...mais sauf deux évocations, Marie-Antoinette et "La Cène". Étrange ancien laïcard qui, aujourd'hui, est prêt à défendre l'honneur supposé atteint des chrétiens pour mieux défendre demain celui des musulmans : « À quoi bon risquer de blesser les croyants ? Même quand on est anticlérical ! Nous parlions au monde ce soir-là. Dans le milliard de chrétiens du monde, combien de braves et honnêtes personnes à qui la foi donne de l’aide (…), sans gêner personne ? ».

     

     
     


    L'évocation de Marie-Antoinette, Jean-Luc Mélenchon l'a trouvée macabre et « d'un âge des punitions que nous ne voulons plus revoir ». Très étrange encore pour un adorateur de Robespierre, celui qui a eu tant de têtes décapitées sur la conscience, et pour un anti-monarchiste. J'ai eu un peu le même réflexe de dégoût devant l'aspect gore, en voyant cette Conciergerie immaculée de rouge, de sang, avec Marie-Antoinette tenant sa tête coupée comme les saints de la sainte Église. Bien sûr, les lieux s'y prêtaient, et finalement, l'histoire de France est l'histoire de France, pas toujours très belle à voir.

    En outre, cette scène a laissé place à une interprétation magistrale de "L'amour est un oiseau rebelle", morceau du célèbre opéra "Carmen" de Georges Bizet, par la mezzo-soprano Marina Viotti embarquée dans un bateau.

    L'autre polémique, c'est "La Cène". Je l'écris exprès ainsi alors que c'est en fait assez faux. Si elle a été aussi alimentée par Jean-Luc Mélenchon, ce sont surtout les catholiques intégristes et l'extrême droite identitaire qui se sont le plus indignés (bien pauvrement et inutilement). De quoi s'agissait-il ? D'un tableau vivant mettant en action quelques drag queens et d'autres personnages assez bizarres, dirait-on, sous le titre de "Festivité". Je précise à toute fin utile que je goûte peu aux délices des drag queens, m'interroge même sur leurs motivations, mais franchement, en quoi me gêneraient-elles ? Chacun a le droit de vivre, et de se montrer, exubérance ou discrétion. Il n'y a rien de woke, il n'y a que de l'art, qui est ou révolutionnaire ou pompeux sinon pompier.

     

     
     


    La scène était très colorée (mais aussi très mouillée) : une énorme table, des convives gourmands, et un plat sous cloche. La cloche s'est levée et qui est apparu ? Un éclat de rire avec le chanteur Philippe Katerine, complètement nu, peinturluré en bleu Schtroumpf, incarnant Dionysos (le dieu du vin), et chantant "Nu", une sorte d'hymne à la nudité. Autodérision forcément. Après le spectacle, Philippe Katerine a expliqué qu'il avait envoyé aux organisateurs une vidéo et sa proposition de se produire pour la cérémonie d'ouverture, il a été retenu. Originalité. Il a cité des arguments de paix (on ne peut pas cacher des armes), de décroissance (on n'achète pas de vêtement), etc.

    Au-delà des drag queens, ce qui a choqué des prétendus chrétiens (j'écris "prétendus" car moi-même je peux revendiquer mon catholicisme, sans vouloir pourtant le crier sur tous les toits, et j'avoue humblement que j'ai plus souri qu'été scandalisé), c'est que la scène serait une imitation de "La Cène", ce tableau de Léonard de Vinci (réalisé entre 1495 et 1498) représentant le repas du Jeudi Saint (avant la mort du Christ, entouré de ses apôtres). Ils voyaient alors le Christ en une sorte de drag queens un peu étrange, et ses apôtres de même.

     

     
     


    Mais Goscinny et Uderzo ont-il choqué leur lecteurs avec un banquet d'Astérix reprenant étrangement les poses de "Le Cène" ? Certainement pas. Il faut dire qu'il n'y avait pas de fachosphère, à l'époque de parution.
     

     
     


    Samedi, la Conférence des évêques de France (CEF) s'est senti obligée d'emboîter le pas des internautes assez stupides en parlant de scène « de dérision et de moquerie du christianisme » et de « l'outrance et la provocation de certaines scènes ». Mais les évêques n'ont-ils pas mieux à faire et mieux à penser qu'à surréagir dans une vaine et inutile polémique ? Leur parole ne devrait-elle pas être réservée à des choses réellement grave et importante ? Surtout après les récentes révélations sur l'abbé Pierre ? (Heureusement, la CEF, honnête, a aussi reconnu dans le spectacle « de merveilleux moments de beauté, d’allégresse, riches en émotions et universellement salués »).

    Certains internautes ont d'ailleurs réagi assez vivement sur ces dénigrements : le tableau de cette Festivité ne faisait pas référence à la religion, au Christ ni à ce tableau de Léonard de Vinci, mais à un tableau du peintre néerlandais Jan van Bijlert, l'un des plus importants de sa ville natale, Utrecht (de l'école caravagesque), intitulé "Le Festin des dieux" (réalisé vers 1635), qui montre Apollon en maître des cérémonies et Dionysos au premier plan. Cette œuvre est exposée au Musée Magnin à Dijon.

     

     
     


    La notice de ce musée est assez explicite : « Sur l’Olympe, les dieux sont rassemblés pour un banquet célébrant le mariage de Thétis et Pélée. À gauche se tiennent Minerve, Diane, Mars et Vénus accompagnés de l’Amour. Flore, la déesse du printemps, se trouve derrière eux. Apollon couronné, identifiable à sa lyre, préside au centre de la table. On reconnaît plus loin Hercule avec sa massue et Neptune avec son trident. À l’extrême-droite, Eris a déposé sur la table la pomme de la discorde. Certains dieux manquent, probablement en raison de la coupure dont la toile a souffert sur la partie gauche ; la présence du paon de Junon le laisse penser. Le thème du festin de dieux était populaire en Hollande ; "le Mariage de Psyché" et "Amour" d'Hendrick Goltzius déclencha une abondante production d’œuvres illustrant ce sujet. (…) Le satyre dansant devant la table et le Bacchus allongé au premier plan pressant au-dessus de sa bouche une grappe de raisin rappellent de façon atténuée le naturalisme [du Caravage] : chairs à teinte ocre, corps vus de près dans des attitudes non orthodoxes. Cependant, la faveur considérable dont jouissait le peintre italien ne dura pas. Son influence a presque disparu vers 1630 (…). ».

    On pourrait en effet associer ce tableau de Jan van Bijlert à celui de Giovanni Bellini et de Titien, "Le Festin des dieux", réalisé en 1514 puis 1529, exposé à la National Gallery of Art de Washington.
     

     
     


    Interrogé sur BFMTV le dimanche 28 juillet 2024, Thomas Jolly a rejeté la connotation religieuse de cette mise en scène. Il voulait promouvoir les valeurs de l'olympisme, pas du catholicisme. "La Cène", ce n'était pas son inspiration, a-t-il assuré mi-amusé : « Ce n'est pas mon inspiration. Je crois que c’était assez clair, il y a Dionysos qui arrive sur cette table. Il est là, pourquoi ?, parce qu’il est dieu de la fête (…), du vin, et père de Sequana, déesse reliée au fleuve (…). L’idée était plutôt de faire une grande fête païenne reliée aux dieux de l’Olympe… Olympe… Olympisme (…). Vous ne trouverez jamais chez moi une quelconque volonté de moquerie, de dénigrer quoi que ce soit. J’ai voulu faire une cérémonie qui répare, qui réconcilie. ». Il n'a toutefois pas confirmé l'inspiration du tableau de Jan van Bijlert.
     

     
     


    Sur BFMTV, Thomas Jolly en a profité aussi pour affirmer que la scène avec Marie-Antoinette n'était pas du tout une « glorification de cet instrument de mort qu'était la guillotine » et que tout était « très théâtral », avec une « théâtralité de grand guignol ».

    De son côté, la drag queens Piche qui a participé à la scène de Dionysos, a commenté sur BFMTV le 27 juillet 2024 : « L'art, ça divise toujours. À partir du moment où ça ne remue pas les gens, ce n'est pas de l'art pour moi. (…) Il n'y a eu pas de provocations réelles ou de choses qui soient véritablement obscènes. On ne s'est pas moqué du tout de ce tableau-là ["La Cène"]. (...) C'est vraiment juste parce que c'est des queers et des drag queen qui utilisent cette représentation-là que ça gène. ».

    Pour autant, la directrice de la communication de l'organisation, Anne Descamps, a présenté ses excuses le 28 juillet 2024 : « Clairement notre intention n’était pas d’afficher un manque de respect à quelque groupe religieux que ce soit. À l’inverse, notre intention était de montrer de la tolérance et de la communion. Si des gens ont été offensés, nous nous en excusons. ». Tandis que Thomas Jolly a confirmé : « Notre sujet n'était pas d'être subversif. Nous n'avons jamais voulu être subversifs. Nous voulions parler de diversité (…). Nous voulions inclure tout le monde, c'est aussi simple que ça. ».
     

     
     


    Je termine sur cette réflexion : cette cérémonie d'ouverture n'était pas une allégorie en l'honneur d'Emmanuel Macron comme certains détracteurs politiques voudraient le faire croire (et ceux-là, par haine contre lui, une haine dérisoire et anecdotique, se sentent alors obligés de dénigrer ce spectacle). Le Président de la République était au contraire très petit face au grandiose de cette cérémonie et on imagine bien qu'il n'a pas beaucoup contribué personnellement à sa réussite, chacun son métier, chacun sa fonction. Du reste, passionné par le sport, Emmanuel Macron, qui n'a fait que prononcer la phrase officielle d'ouverture, a même paru très impressionné par son propre rôle.
     

     
     


    Il n'imaginait pas un instant qu'il aurait pu se retrouver à cette place, ce vendredi soir, mais c'est vrai que, par les hasards du calendrier, il se trouve, avec ces Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 dans la même situation, dans la première moitié de son second mandat présidentiel, que François Mitterrand avec le Bicentenaire de la Révolution française le 14 juillet 1989. Séjournant à Paris à l'époque, j'y ai assisté, j'y ai ressenti beaucoup d'émotion, notamment avec Jessye Norman qui chantait "La Marseillaise".
     

     
     


    La prestation d'Axelle Saint-Cirel, qui a chanté "La Marseillaise" sur le toit du Grand Palais, ne sera peut-être pas aussi mémorable que celle de Jessye Norman (malgré son sixième couplet), mais peut-être que celle de Juliette Armanet interprétant "Imagine" (de John Lennon) sur un radeau, accompagnée de Sofiane Pamart au piano, ce dernier sous les flammes malgré la grosse pluie, le sera, tellement elle était émouvante, et puis bien sûr, le final, le bouquet final, Céline Dion qui a fait sa première apparition artistique depuis 2020 au premier étage de la Tour Eiffel pour "L'Hymne pour l'amour" (d'Édith Piaf). Et pas en playback : de toute sa voix un peu cassée, de toute sa puissance, surmontant toutes ses peurs.
     

     
     


    Cette cérémonie, au contraire, était d'abord une fête en l'honneur des sportifs, des champions ou futurs champions, français ou d'ailleurs. Il faut se rendre compte que ces athlètes de haut niveau ont travaillé dur, se sont entraînés depuis plusieurs années, pour ces quelques heures, journées d'épreuve, que cette cérémonie était leur cérémonie, qu'elle glorifiait avant tout leurs exploits, passés ou futurs, et que cette grande fête du sport est aussi un moyen de réconciliation et de concorde entre les peuples du monde. Festivité ! Merci la France, vive l'équipe de France et vive la France ! Merci le monde et vive le monde ! (Depuis lors, les médailles arrivent !).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Festivité !
    Ouverture des Jeux olympiques : Paris tenu !
    Amélie Oudéa-Castéra se baigne dans la Seine : Paris tenu !
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Adèle Milloz.
    Éric Tabarly.

    Coupe de France de football 2023 : victoire de Toulouse ...et d'Emmanuel Macron !
    France-Argentine : l'important, c'est de participer !
    France-Maroc : mince, on a gagné !?
    Qatar 2022 : vive la France, vive le football (et le reste, tant pis) !
    Après la COP27, la coupe au Qatar : le double scandale...
    Vincent Lindon contre la coupe au Qatar.
    Neil Armstrong.
    John Glenn.
    Michael Collins.
    Thomas Pesquet.
    Youri Gagarine.
    Le burkini dans les piscines.
    Les seins nus dans les piscines.
    Roland Garros.
    Novak Djokovic.
    Novax Djocovid.
    Jean-Pierre Adams.
    Bernard Tapie.
    Kylian Mbappé.
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    Usain Bolt.

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240727-festivite.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/festivite-256072

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/28/article-sr-20240727-festivite.html






     

  • Ouverture des Jeux olympiques 2024 : Paris tenu !

    « On verra tous à partir de vendredi soir pourquoi ça valait la peine ! » (Emmanuel Macron, le 23 juillet 2024 sur France 2).



     

     
     


    Unie dans la diversité. C'est bien cette devise de l'Europe, qui a été placardée après le passage de la dernière équipe d'athlètes olympiques, celle des 571 Français menée par Mélina Robert-Pichon et Florent Manaudou, qui vont participer aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, lors de cette grandiose cérémonie d'ouverture ce vendredi 26 juillet 2024 entre 19 heures 30 et 23 heures 30. Les sabotages odieux contre la SNCF la nuit précédente n'ont pas eu d'incidence directe sur la cérémonie et c'était tant mieux.

    Quelle émotion de voir les quelque 6 500 sportifs de la Terre entière descendre la Seine dans 85 bateaux du pont d'Austerlitz au pont d'Iéna (six kilomètres) ! La ville de Paris accueillait vendredi soir l'humanité dans toute sa diversité mais aussi dans toute son unité, celle de la joie de se rassembler autour des valeurs simples et essentielles du sport.

    Comme un milliard d'êtres humains, paraît-il (23,4 millions de téléspectateurs pour France 2), j'ai suivi benoîtement à la télévision cette cérémonie d'ouverture. Je n'ai pas l'habitude de le faire car souvent, cela ne me parle pas, voire cela me barbe, mais mon patriotisme m'incitait à célébrer finalement une gloire française, celle d'accueillir les Jeux olympiques d'été, et ce n'est pas souvent, seulement une fois par siècle. Bref, ça s'arrose !

    Ça s'arrose, je ne rigole hélas pas (rigole prend tout son sens), car pour le malheur des artistes, et des spectateurs dans les rues de Paris, la pluie, parfois battante, a rendu le spectacle encore plus méritoire, l'exploit de faire comme s'il ne pleuvait pas. Certes, les caméras étaient parfois aveuglées de gouttes dégoulinantes, le costume des artistes complètement trempé, le piano quasiment sous l'eau (heureusement, on l'a asséché en l'incendiant !), mais qu'importe ! pour le téléspectateur confortablement installé dans son fauteuil, ce n'était qu'un petit détail. Il faudra juste songer à l'avenir à ne plus inviter François Hollande à une manifestation qui se passerait à l'extérieur. Sa présence apporte la poisse et les internautes s'en sont donné à cœur joie !

    Mais revenons au spectacle. Il était exceptionnel et bravo à Thomas Jolly, l'intendant en chef, pour l'avoir conçu et organisé. Au diable les aigris ! Si les Français dénigreurs de leur propre génie ne sont pas capables, pour certains, d'apprécier à sa juste mesure l'exploit tant artistique que culturel de ce spectacle, au moins, les observateurs étrangers ne seront pas ingrats, toute la presse internationale est "dithyrambique" dans sa réaction.

    Le principe du spectacle, c'était de revisiter Paris, la France, le monde et les Jeux olympiques par la Seine et la Tour Eiffel. Revisiter sans donner des leçons de morale, sans arrogance française. On passait ainsi le long des monuments historique avec des spectacles d'artistes très diversifiés. Commentant vendredi soir l'événement pour "Le Monde", l'historien Guillaume Mazeau expliquait : « À la différence des cérémonies du Bicentenaire de la Révolution française mises en scène par le publicitaire Jean-Paul Goude (1989), organisées comme un défilé sur les Champs-Élysées, c’est la Seine qui sert de fil conducteur ce soir. ».

    Les athlètes des 206 nations qui vont participer, y compris la Corée du Nord, Israël et la Palestine, ont défilé dans des bateaux navigant jusqu'au Trocadéro où se tenait la tribune officielle. Entre certaines équipes, des plateaux artistiques étaient proposés sur le thème d'une valeur, ou même d'un mot, comme liberté, égalité, fraternité, sororité, sportivité, obscurité, solennité, etc.

    Un certain suspense était entretenu sur l'identité des derniers passeurs de la flamme olympique et les spectateurs n'ont pas été déçus : cela a commencé au Trocadéro par Zinedine Zidane, puis Rafael Nadal qui a pris le bateau avec Serena Williams, et deux légendes dont la présence a ému beaucoup de monde, Nadia Comaneci et Carl Lewis, pour remonter la Seine jusqu'à la Pyramide du Louvre. Là, Amélie Mauresmo a pris le relais en courant quelques centaines de mètres le long des quais avant de passer la flamme à Tony Parker, Marie-Amélie Le Fur, accompagnée des deux porte-drapeaux français des JO paralympiques, Nantenin Keita et Alexis Hanquinquant. Puis, très rapidement, les plus grands athlètes français de l’histoire se relayaient la flamme, dont trois anciens ministres, Jean-François Lamour, David Douillet et Laura Flessel, ainsi que Michaël Guigou, Clarisse Agbegnenou, Alain Bernard, Laure Manaudou et Renaud Lavillenie. Enfin, Charles Coste, le plus âgé des champions olympiques français, champion de cyclisme, 100 ans, de son fauteuil, l'a remise aux deux derniers porteurs que furent Marie-José Pérec (comme les rumeurs l'annonçait) et Teddy Riner. Ils ont marché jusqu'au bassin central des Tuileries pour allumer la vasque olympique avant que celle-ci ne s'envolât dans les airs en montgolfière. Beauté et originalité.

    Juste auparavant, Emmanuel Macron, en tant que Président de la République française, a déclaré les Jeux olympiques et paralympiques ouverts, avec une pointe d'émotion et presque de sidération, après deux discours. Le premier du président du comité d'organisation des Jeux olympiques Tony Estanguet qui proclamait le rassemblement et l'unité des Français derrière leurs athlètes (« L'humanité est belle quand elle se rassemble ! »), à tel point que je me demandais s'il n'allait pas devenir le nouveau Premier Ministre, et Thomas Bach, le président du CIO (Comité international olympique). Tous les deux parlaient français et anglais (le français, en plus d'être la langue du pays d'accueil est aussi la langue officielle des JO).

    Je rejoins l'état d'esprit de quelqu'un comme Jean-Pierre Rousseau, ancien directeur de la musique de Radio France (l'Orchestre national de France, la maîtrise et le chœur de Radio France ont participé à la cérémonie à la fin), qui a exprimé sa joie samedi matin sur son blog : « Il y a trois jours j'écrivais : "Réjouissons-nous pour une fois d’avoir été capables d’organiser un tel événement, réjouissons-nous de découvrir une cérémonie d’ouverture qui sera la plus belle fête du monde". Ce fut la plus belle fête du monde. Tant pis pour les grincheux et les coincés. Je n'ai pas tout aimé, j'ai trouvé certaines séquences trop longues ou peu inspirées, et alors ? Que valent ces réserves face à une soirée immense, grandiose, unique ? à la force des images ? ».

    Oui, bien sûr, il y a eu des choses que je n'ai pas aimées non plus, mais peut-être pas les mêmes que mes voisins. Par exemple, je n'ai pas apprécié le début, avec toutes ces plumes, French cancan, ces clichés éculés de la France de l'an 1900, de la Belle Époque, et au début, beaucoup de clichés réduisaient la France, à son industrie de luxe, à ses monuments, etc. mais cela a évolué sur du plus original, du plus créatif, là aussi sur des choses que je n'ai pas forcément aimées, mais qui montraient tant la diversité française que la diversité humaine. Et surtout la diversité artistique.

    J'ai aussi trouvé trop longue la chevauchée fluviale de la porteuse du drapeau olympique (une gendarme, Floriane Issert), et le drapeau a même été accroché à l'envers. Mais ce n'était pas très grave. Et j'ai trouvé dommage l'absence de Kylian Mbappé, qui s'en est expliqué dès le 16 juin 2024 : « Mon club a une position très claire, à partir de ce moment je pense que je ne participerai pas aux Jeux. C'est une vérité, c'est comme ça. J'arrive dans une nouvelle équipe. Arriver en septembre pour une nouvelle aventure, ce n'est pas le meilleur des débuts d'aventure. ». J'ai regretté aussi l'absence d'une œuvre du compositeur de musique électroacoustique Pierre Henry qui aurait pu passer avantageusement, par exemple, pendant qu'étaient montrées les belles images d'archives des Jeux olympiques.

    Il y a eu Lady Gaga, Aya Nakamura qui a tant fait polémique, qui s'est produite devant l'Académie française, la mezzo-soprano Axelle Saint-Cirel qui a chanté avec une voix très émouvante "La Marseillaise" sur un bateau. J'ai beaucoup aimé Carmen, malgré le côté un peu cliché, la recherche de la Joconde au Louvre, avec les personnages des tableaux se transformant en réalité, un peu à l'instar du film "Une nuit au musée" ("La Joconde" a été retrouvée chez les insupportables Minions).

    Si je n'ai pas beaucoup apprécié le rappeur Rim'K avec "King", j'ai adoré les passages enregistrés de Daniel Balavoine, de Claude François (dommage d'entendre "Alexandrie" avec la délégation de l'Ukraine et pas de l'Égypte), de Mylène Farmer et de plein d'autres (Gainsbourg était aussi au répertoire, semble-t-il ; il y a eu aussi Véronique Samson, Sheila, etc.). À la fin du défilé des sportifs français, le drapeau européen s'est éclairé sur le sol, avec des étoiles entourant la Tour Eiffel, comme par magie. Philippe Katerine a été extraordinaire à chanter "Nu" en tenue adéquate (nu) ! Dix grandes femmes ont été honorées, dont Olympe de Gouges, Louise Michel, Gisèle Halimi et, en dernier, Simone Veil. Zizi Jeanmaire et Charles Aznavour ont été également honorés.

     

     
     


    J'ai été très ému aussi par l'interprétation (traditionnelle pour les cérémonies d'ouvertures des JO) de "Imagine" (John Lennon) par la chanteuse à la voix d'or Juliette Armanet avec Sofiane Pamart au piano. À propos de piano, j'ai oublié aussi de signaler l'exploit de jouer sous la pluie battante de l'un des futurs plus grands pianistes mondiaux, le Français Alexandre Kantorow (27 ans) qui a joué "Jeux d'eau" de Maurice Ravel. Des artistes et des funambules ont défilé sur le Pont Neuf comme dans un défilé de haute couture, après que la Patrouille de France a dessiné un cœur rose dans le ciel parisien. Auparavant, il était aussi original d'évoquer les artisans de la reconstruction de Notre-Dame de Paris ainsi que ceux de la Monnaie de Paris qui ont confectionné les médailles d'or olympiques avec un peu de ferraille de la Tour Eiffel.

    Le passage de la délégation française, la dernière du défilé, s'est fait sur un enregistrement de "Lettre à France" de Michel Polnareff. Pendant la remontée de la Seine de la flamme avec quelques superchampions (Rafael Nadal, Serena Williams, Nadia Comaneci et Carl Lewis), la Tour Eiffel s'est mise à danser dans un show laser en hommage à Jean-Michel Jarre ("Oxygène 2024").

    Enfin, le clou de la cérémonie, à la fin, tant attendue, dont la présence a été souvent annoncée ou discutée, Céline Dion a chanté "L'Hymne à l'amour" d'Édith Piaf, au premier étage de la Tour Eiffel, avec une voix difficile à cause de sa maladie, mais toute en majesté, accompagnée au piano par Scott Price. Elle ne s'était pas produite depuis quatre ans ; en revanche, elle avait déjà chanté à une cérémonie d'ouverture des JO, à Atlanta en 1996 ("The Power of the Dream"). Très joli cadeau fait à la France (et les polémiques sur son coût sont dérisoires dans la malveillance).

    Il suffit d'écouter la réaction des spectateurs pour comprendre que cette cérémonie d'ouverture des JO était exceptionnelle, historique. La grande richesse de ce polyspectacle grandiose, c'était qu'il y en avait pour tout le monde, de tous les genres, de toutes les opinions, de toutes les références, historiques, intellectuelles, artistiques, culturelles, littéraires, sociales, économiques.


    L'historien Guillaume Mazeau notait ainsi : « Ce soir, la profusion de symboles historiques, la variété des usages du passé, l’inédite diversité humaine des figures et des acteurs et actrices, la volonté de ne pas adresser la leçon au monde, tout cela fait rupture dans la manière dont la France représente et raconte ordinairement son passé dans les événements solennels ou commémorations officielles. C’est un spectacle, une vision fictionnée et idéalisée, un peu bricolée, mais par rapport à bien d’autres, elle est non seulement capable de concerner plus de monde que d’habitude, mais aussi prête à dialoguer avec ce qu’écrivent les historiennes et des historiens d’aujourd’hui. Le récit national n’est pas esquivé, une histoire de France est esquissée dans sa singularité, mais cette histoire n’est ici ni linéaire ni fermée à la différence. Cette histoire n’est pas une histoire moins riche, ou destructive, mais une histoire qui nous ressemble et nous nourrit. Ce dialogue entre histoire, grand spectacle et création artistique n’est pas facile, il doit être souligné » ("Le Monde").

    Cette soirée merveilleuse restera évidemment dans les annales comme une fête où le grandiose était associé à l'imaginatif et au créatif. Je plains l'organisateur de prochains Jeux olympiques à Los Angeles (USA) en 2028 comme à Brisbane (Australie) en 2032, car ils partiront déjà de très haut. Vive la France et vive le monde !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (26 juillet 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Ouverture des Jeux olympiques : Paris tenu !
    Amélie Oudéa-Castéra se baigne dans la Seine : Paris tenu !
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Adèle Milloz.
    Éric Tabarly.

    Coupe de France de football 2023 : victoire de Toulouse ...et d'Emmanuel Macron !
    France-Argentine : l'important, c'est de participer !
    France-Maroc : mince, on a gagné !?
    Qatar 2022 : vive la France, vive le football (et le reste, tant pis) !
    Après la COP27, la coupe au Qatar : le double scandale...
    Vincent Lindon contre la coupe au Qatar.
    Neil Armstrong.
    John Glenn.
    Michael Collins.
    Thomas Pesquet.
    Youri Gagarine.
    Le burkini dans les piscines.
    Les seins nus dans les piscines.
    Roland Garros.
    Novak Djokovic.
    Novax Djocovid.
    Jean-Pierre Adams.
    Bernard Tapie.
    Kylian Mbappé.
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  • Le théâtre d'Alexandre Dumas fils

    « J’ai fini par me demander si les pauvres sont vraiment aussi à plaindre qu’on le croit, et s’il n’y aurait pas lieu, ce qui n’est encore venu à l’idée de personne, de s’apitoyer enfin sur le sort des riches. » (Alexandre Dumas fils).



     

     
     


    Phrase un poil provocatrice prononcée à l'âge de 50 ans, dans la plénitude de son art (voir son contexte plus bas). L'écrivain Alexandre Dumas fils est né il y a exactement 200 ans, le 27 juillet 1824 à Paris. Il est mort le 27 novembre 1895 à Marly-le-Roi à l'âge de 71 ans et est enterré au cimetière de Montmartre. Attention à ne pas le confondre avec son père Alexandre Dumas, tout seul (1802-1870), auteur à succès de nombreux romans comme "Les Trois Mousquetaires" (1844), "Le Comte de Monte-Cristo" (1844), "La Reine Margot" (1845), "Le Collier de la Reine" (1849), etc. et aussi des pièces romantiques comme "Antony" (1831), etc., et dont les restes ont été transférés au Panthéon le 30 novembre 2002 par Jacques Chirac et Alain Decaux à l'occasion du bicentenaire de sa naissance.

    Non, ce n'est pas le père ! Alexandre Dumas fils est aussi un écrivain très prolifique, fils à l'origine extraconjugale d'Alexandre Dumas et de sa voisine de palier, mais reconnu toutefois par son père le 17 mars 1831 quand il avait un peu moins de 7 ans, douze jours après la naissance de Marie Alexandrine (1831-1878), une demi-sœur devenue, elle aussi, femme de lettres. Alexandre Dumas fils a eu plusieurs demi-frères ou demi-sœurs, chaque fois de mère différente, dont Henry Bauër (1851-1915), également écrivain.

    Alexandre Dumas fils est donc né dans un contexte social et familial difficile mais aussi littéraire. Il est connu pour ses nombreux ouvrages littéraires dont son fameux premier roman "La Dame aux camélias" (1848), adapté en pièce de théâtre en février 1852 (et Verdi l'a adapté en opéra en mars 1853 sous le nom de …"La Traviata"). Il est selon le site de l'Académie française l'auteur d'au moins cinquante-six livres, parfois de plusieurs volumes. Il a surtout été célèbre pour sa dramaturgie. Parmi ses pièces de théâtre qui ont accueilli le plus de public dans les théâtres, on peut citer "Diane de Lys" (1851), "Le Demi-Monde" (1855), "Le Fils naturel" (1858), "Les Idées de Madame Aubray" (1867), "La Princesse Georges" (1871), "L'Étrangère" (1876), etc. Le même site rappelle aussi qu'il a publié « un certain nombre de brochures sur le divorce, la recherche de la paternité, etc. », thèmes par lesquels il pouvait légitimement (!) se sentir concerné.

    Il a été souvent considéré comme un auteur à scandale car il a abordé des sujets sociétaux très particuliers en raison de son origine, sur les femmes seules, les enfants conçus hors du foyer conjugal, etc. à une époque très puritaine et aussi très hypocrite (voir notamment "Le Fils naturel" en janvier 1858, "Un Père prodigue" en novembre 1859 et "L'Ami des femmes" en mars 1864).

    Le contexte paternel, c'était aussi celui-ci. Son père Alexandre Dumas, qui avait un "nègre" (un collaborateur, Auguste Marquet), défendait la toute jeune théorie de l'Évolution de Charles Darwin, et quand on lui disait qu'il devait en connaître un rayon sur les nègres, il répondait avec beaucoup d'ironie : « Mais très certainement. Mon père était un mulâtre, mon grand-père était un nègre et mon arrière-grand-père était un singe. Vous voyez, Monsieur : ma famille commence où la vôtre finit. ».

    Dès la sortie du premier roman d'Alexandre Dumas fils ("La Dame aux camélias"), le critique littéraire Jules Janin (futur académicien), y décela de la graine de génie et en fit l'introduction de la deuxième édition : « Le fils d’Alexandre Dumas, à peine échappé du collège, marche déjà d’un pas sûr dans la trace brillante de son père. Il en a la vivacité et l’émotion intérieure ; il en a le style vif et rapide, avec un peu de ce dialogue si naturel, si facile, si varié, qui donne aux romans de ce grand inventeur le charme, le goût et l’accent de la comédie. ».

    Tous n'ont pas eu la même fascination. Selon le critique d'art Remy de Gourmont, l'œuvre d'Alexandre Dumas fils est un « affreux théâtre pharmaceutique et procédurier » et Émile Zola imaginait peu que cet auteur eût une postérité : « Je n'aime guère le talent de M. Alexandre Dumas fils. C'est un écrivain extrêmement surfait, de style médiocre et de conception rapetissée par les plus étranges théories. J'estime que la postérité lui sera dure. » (1876) en ajoutant plus tard : « Il a été un des ouvriers les plus puissants du naturalisme contemporain. Puis, il s'est déclaré en lui une sorte d'accès philosophique, qui a empoisonné et détraqué ses œuvres. » (1879).

    Pourtant, d'autres n'ont pas eu la même opinion. Ainsi, Victor Hugo, académicien qui s'est exilé en 1851 de l'Académie pour cause de Napoléon III, est revenu pour la première fois siéger à l'Académie française le 29 janvier 1874 justement pour voter pour Alexandre Dumas fils qui a été élu par 22 voix contre 11 au fauteuil numéro deux, celui de Montesquieu, celui actuellement occupé par un auteur québéco-haïtien que j'adore, Dany Laferrière. Il a aussi été occupé par un essayiste très intéressant, André Frossard.

     

     
     


    Contrairement à son père au succès pourtant bien plus reconnu, Alexandre Dumas fils a été ainsi reçu sous la Coupole lors d'une cérémonie très formelle le 11 février 1875 avec un discours qu'il a commencé ainsi : « Je ne saurais mieux reconnaître la faveur exceptionnelle dont j’ai été l’objet dans votre illustre compagnie qu’en vous parlant avec toute franchise (…). Lorsque tant de mes confrères, bien supérieurs à moi, ont dû frapper plusieurs fois à votre porte avant qu’on la leur ouvrît, comment se fait-il que je n’aie eu qu’à me présenter pour qu’elle s’ouvrît toute grande, et, pour ainsi dire, toute seule ? Il y aurait là de quoi m’inspirer un grand orgueil si, je ne connaissais la véritable raison de cette sympathie. (…) Je me suis mis sous le patronage d’un nom que vous auriez voulu, depuis longtemps, avoir l’occasion d’honorer et que vous ne pouviez plus honorer qu’en moi. Aussi est-ce le plus modestement du monde, croyez-le, que je viens aujourd’hui recevoir une récompense qui ne m’a été si spontanément accordée que parce qu’elle était réservée à un autre. Je ne puis cependant, je ne dois l’accepter que comme un dépôt ; souffrez donc que j’en fasse tout de suite et publiquement la restitution à celui qui ne peut malheureusement plus la recevoir lui-même. En permettant que cette chère mémoire tienne aujourd’hui une telle gloire de mes mains, vous m’accordez le plus insigne honneur que je puisse ambitionner, et le seul auquel j’aie vraiment droit. » (Son illustre père était mort quatre années auparavant et se moquait bien de l'Académie).

    Le comte Joseph d'Haussonville, qui l'a accueilli à l'Académie, l'a rassuré dans sa réponse : « Vous venez de vous accuser d’avoir, pour ouvrir la porte de cette enceinte, usé de sortilège et de magie. Vous semblez croire que vous nous avez, pour ainsi dire, forcé la main en vous plaçant sous le patronage tout-puissant du nom que vous portez et qui vous aurait aidé, comme un bon génie, à triompher de tous les obstacles. Notre compagnie, qui vit de traditions, éprouve, en effet, une véritable joie quand elle a le bonheur de rencontrer l’hérédité dans le talent. Elle a donc été heureuse d’honorer dans votre personne une mémoire dont vous êtes justement fier. Croyez-le bien, toutefois, le véritable magicien, c’est encore vous. Nous ne nous sentions d’ailleurs aucun tort à expier envers l’auteur d’ "Antony", des "Trois Mousquetaires" et de "Mademoiselle de Belle-Isle". Ce n’est pas nous qui l’avons oublié. Nos règlements, dont vous avez reconnu la sagesse puisque vous vous y êtes soumis, nous interdisent d’apporter nos suffrages à quiconque n’a pas témoigné par écrit le désir de nous appartenir. Votre illustre père les aurait sans doute obtenus s’il les avait demandés. À l’exemple de Balzac, de Béranger, de Lamennais et de tant d’autres, pour ne parler que des morts, il a préféré demeurer ce que vous appelez quelque part "un académicien du dehors". Pour vous, Monsieur, au premier signe que vous avez fait, nous avons eu hâte de vous admettre au dedans, et nous nous en réjouissons. ».

    Et d'évoquer la sainte hérédité littéraire : « J’ignore dans quelle mesure vous avez pu, au temps de votre première jeunesse, vous inspirer des œuvres de votre père. La critique littéraire, dont l’indiscrétion est sans limites, s’appliquera probablement un jour à vous comparer tous deux, et peut-être à vous opposer l’un à l’autre. À Dieu ne plaise que je devance ses jugements ! Si par hasard le goût des comparaisons classiques était alors redevenu à la mode, je m’imagine que, pour donner une idée du talent de votre père, on le représentera volontiers comme l’un de ces fleuves puissants, aux larges rives, à la course vagabonde, coulant à pleins bords avec une force exubérante, toujours prompts à passer pardessus leurs digues et à tout inonder autour d’eux, mais charriant des parcelles d’or dans leurs ondes un peu mêlées. Les juges compétents remarqueront, au contraire, avec quel soin vous avez de très-bonne heure veillé sur le trésor des dons qui vous ont été si largement départis. À cette heure difficile où le tapage de vos vingt ans devait bruire si fort à vos oreilles, vous avez su écouter la voix secrète de la muse que vous sentiez en vous. Elle vous priait de la respecter et de ne pas dévorer en un jour toutes les promesses de l’avenir. C’est elle qui vous a enseigné à gouverner votre talent ; c’est à elle que vous devez d’avoir résisté à la tentation d’exploiter vos succès au profit de vos plaisirs et de battre immédiatement monnaie avec vos premiers triomphes. ».

    Le comte d'Haussonville a pris ainsi le rôle d'un critique littéraire : « Quoi qu’il en arrive, vous pouvez vous rendre cette justice, Monsieur, que vous n’avez rien négligé pour inculquer aux femmes le sentiment de leurs devoirs, et leur démontrer toutes les conséquences de leurs fautes. Vous y avez employé la persuasion et la douceur, mais aussi le fer et le feu. Les évolutions d’un esprit comme le vôtre sont trop curieuses à étudier pour que je ne les signale pas. C’est à partir de votre comédie intitulée : "Les Idées de Madame Aubray", que votre attention paraît surtout s’être tournée vers ce genre particulier de délits dont les femmes sont plus ou moins volontairement les complices nécessaires. La pièce que je viens de nommer est l’une des mieux conduites et des plus dramatiques parmi toutes celles que vous avez composées. On a rarement mis autant de talent à soutenir au théâtre la thèse de la complète réhabilitation de la jeune fille après une première faute commise. Votre conclusion était malaisée à faire accepter par le public auquel vous la présentiez. Vous l’avez si bien senti vous-même, que vous avez eu soin de placer, en terminant, dans la bouche de l’un de vos personnages, une exclamation qui a justement pour but d’indiquer ce qu’a d’excessif, au point de vue du monde, le dénouement de votre drame. Il y a, en effet, des efforts de conscience qu’en raison de sa divine origine la foi peut arracher aux âmes pieuses, mais que l’on demandera toujours difficilement à cette morale de convention qui règne plus ou moins sur cette terre et domine absolument au théâtre. C’est l’un de ces sentiments d’inspiration toute chrétienne qui détermine Mme Aubray, quand elle commande à son fils d’épouser la femme dégradée, mais repentie, qui a promené avec elle, pendant trois actes, l’enfant né d’une liaison où l’amour n’a jamais eu nulle part. ».

    De ses activités au sein de l'Académie française, Alexandre Dumas fils n'en a pas fait beaucoup, et, à l'exception d'un hommage, il n'a prononcé qu'un discours, très remarquable, sur les prix de vertu le 2 août 1877, exercice plus que de style pour chaque académicien, et celui de Dumas fils débuta par sa réflexion sur la richesse : « "Non, croyez-moi, Monsieur, vous êtes bien heureux de ne pas être très-riche, et il a eu bien raison celui qui a dit que la fortune ne fait pas le bonheur". Après avoir entendu maintes fois ces lamentations très-sincères et très-convaincues, j’ai fini par me demander si les pauvres sont vraiment aussi à plaindre qu’on le croit, et s’il n’y aurait pas lieu, ce qui n’est encore venu à l’idée de personne, de s’apitoyer enfin sur le sort des riches, et d’essayer de l’améliorer. Je me suis donc appliqué à résoudre ce problème nouveau et je me disais sans cesse : "D’où vient que la fortune, tant enviée de ceux qui ne l’ont pas, ne fait pas le bonheur de ceux qui l’ont ?". À force de réfléchir, je suis arrivé à cette explication, bien facile à trouver du reste : "La fortune, tant enviée de ceux qui ne l’ont pas, ne fait pas le bonheur de ceux qui l’ont, parce que ceux qui l’ont ne s’en servent pas assez pour faire le bonheur de ceux qui ne l’ont pas". Je ne trouve pas d’autre raison, Messieurs, aux désillusions, à la tristesse, à la misanthropie, si fréquentes chez les gens riches. Ils ne demandent, pour la plupart, à l’argent, que les plaisirs qu’il peut leur donner, au lieu de lui demander les joies qu’il pourrait donner aux autres. Il n’y a qu’à voir le bonheur complet, durable, céleste, pour ainsi dire, que les braves gens que nous couronnons chaque année ont éprouvé à faire le bien, non pas avec ce qu’ils possèdent, mais avec ce qu’ils acquièrent par un travail pénible, incessant, pour se rendre compte du bonheur que les riches pourraient se donner si facilement pendant le temps qu’ils passent à regretter de ne pas l’avoir. ».

    Alexandre Dumas fils sympathisa avec le grand biologiste Louis Pasteur (élu à l'Académie le 8 décembre 1881) et considéra le romancier Jules Verne comme le digne fils spirituel de son père Alexandre Dumas. "Mathias Sandorf" (1885) était pour lui une autre version du "Comte de Monte-Cristo". Malgré plusieurs tentatives, dont une, en 1883, par l'intermédiaire d'Alexandre Dumas fils, Jules Verne n'est jamais parvenu à se faire élire à l'Académie. Quand ça ne veut pas, ça ne veut pas.

    L'une des citations les plus connues d'Alexandre Dumas fils est souvent répétée encore aujourd'hui : « N'estimez l'argent ni plus ni moins qu'il ne vaut : c'est un bon serviteur et un mauvais maître. ». Sur l'argent, il a laissé beaucoup de réflexion comme celle-ci aussi : « L'argent est l'argent, quelles que soient les mains où il se trouve. C'est la seule puissance qu'on ne discute jamais. ». Après tout, il vivait en pleine révolution industrielle et les capitaines d'industrie réussissaient à s'enrichir plus que nécessaire. Ils étaient les GAFAM du XIXe siècle
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    Sylvain Rakotoarison (21 juillet 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Alexandre Dumas fils.
    Edgar Morin.
    Bernard Pivot.
    Yves Duteil.
    Pierre Perret.
    Françoise Hardy.
    Paul Auster.
    Christine Ockrent.
    Dominique Baudis.
    Racine.
    Molière.
    Frédéric Dard.
    Alfred Sauvy.
    George Steiner.
    Françoise Sagan.
    Jean d’Ormesson.
    Les 90 ans de Jean d’O.

     

     
     



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  • Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets

    « La question n'est pas un nom. La question, c'est quelle majorité peut se dégager à l'Assemblée pour qu'un gouvernement de la France puisse passer des réformes, passer un budget et faire avancer le pays. » (Emmanuel Macron, le 23 juillet 2024 sur France 2).



     

     
     


    Nous avions eu Castex, voici qu'on veut nous imposer Castets. Lucie Castets, plus exactement, obscure ronde-de-cuir, technocrate, énarque (issue du prestigieux Trésor), certainement fort estimable femme de pouvoir de 37 ans mais tellement inconnue du bataillon qu'elle n'avait pas de page Wikipédia jusqu'à maintenant. Certes, cela ne signifie bien sûr rien, mais cela donne une idée sur la manière dont les apparatchiks de la nouvelle farce populaire (NFP) se moquent de la tête de leurs propres électeurs qui, eux non plus, ne savaient pas qu'en votant pour un candidat du NFP, ils allaient voter pour Castets à Matignon.

    Il faut dire que les apparatchiks du NFP non plus ne savaient pas qu'ils allaient la choisir, après avoir tenté de proposer deux grand-mères, fort estimables aussi, de plus de 73 ans, qui avaient l'avantage, au moins, d'être des politiques et d'avoir fait leurs preuves en politique, enfin, pour au moins l'une d'elles, Huguette Bello (l'autre Laurence Tubiana avait une petite, très petite expérience avec la Conférence citoyenne pour le climat).

    Le choix de Lucie Castets est complètement dément. Pourquoi elle ? J'ai l'impression que ces hiérarques de la gauche ultradicalisée (un nouveau mot venu soudain sur mon clavier) voulaient absolument un nom avant l'intervention télévisée du Président de la République Emmanuel Macron prévue le mardi 23 juillet 2024 à 20 heures. Ainsi, la fumée blanche s'est échappée des cerveaux bouillonnants, endoloris par une sorte d'autisme, du NFP le mardi 23 juillet 2024 à 19 heures 01. L'impression aussi que dans ce vaste jeu de téléréalité, ce nom a été pioché au hasard dans l'annuaire téléphonique... de la Ville de Paris.

     

     
     


    Jean-Luc Mélenchon serait-il pour Matignon ce que Clemenceau était pour l'Élysée : celui qui trouve le personnage qui ferait le moins d'ombre possible, avec le moins d'éclat possible, afin de parfaire sa candidature à l'élection présidentielle de 2027 ?

    Si on tente de définir politiquement Lucie Castets, on pourrait dire qu'elle serait une sorte (très bizarroïde) de socialiste tendance mélenchoniste, un genre qui s'apparente à une sorte de fanatisme militant sur les services publics qui pourrait inquiéter sur la neutralité de nos hauts fonctionnaires. J'insiste sur ce point qui ne semble jamais être abordé lorsqu'on évoque Lucie Castets et qui me paraît particulièrement choquant. Chacun a le droit d'avoir ses opinions politiques, bien sûr, y compris les policiers, les gendarmes et les autres militaires, mais à mon sens, ce qu'on impose à un "petit" fonctionnaire du fisc quand il présente des éléments de trésorerie à des municipalités pendant la récente campagne électorale, à savoir répondre qu'il n'a pas le droit de répondre aux questions (alors qu'il n'y a rien de politique) parce qu'il a un devoir de réserve. Où est le devoir de réserve pour les hauts fonctionnaires qui s'occupent de gérer (mal) les finances d'une collectivités publiques ?

    Car ce qu'on a retenu en premier, et ce n'est pas fait pour la rendre populaire, c'est que Lucie Castets est directrice des finances et des achats de la Ville de Paris. Autant dire qu'elle donne toute confiance dans la capacité à gérer un pays comme la France, déjà surendettée, alors que la Ville de Paris a près de 10 milliards d'euros d'endettement et que les contribuables parisiens ont vu leur note fiscale doubler en quelques années. Les défenseurs de la candidate surréaliste à Matignon précisent alors qu'elle n'est à ce poste que depuis octobre 2023 et n'est pas la responsable de ces finances municipales en faillite, néanmoins, elle était auparavant dans le staff de la maire Anne Hidalgo comme conseillère depuis 2020
    , en charge du budget et des finances. Je reste quand même dubitatif. David Alphand, membre LR de la commission des finances de la Ville de Paris, peut témoigner : « Lucie Castets à Matignon ? Ce serait une très mauvaise nouvelle pour les Français, synonyme de hausse massive des impôts et de dérive de la dette. En tant que conseillère de la maire de Paris, elle n'a pas été que l'exécutante des décisions politiques prises par les élus. Elle est l'une des architectes de l'effondrement de la ville depuis 2020. » (cité par "L'Express" le 25 juillet 2024). Éloignée des gens parce que technocrate, éloignée des gens parce parisiano-parisienne, éloignée des gens parce que faiseuse de dettes et de hausse d'impôts. Sur le CV d'un futur Premier Ministre, on peut quand même attendre mieux.

    Sans vouloir répéter inlassablement que le NFP n'a pas de majorité même relative à l'Assemblée Nationale, sinon son candidat André Chassaigne aurait été élu au perchoir puisque l'élection s'est faite au troisième tour à la majorité relative, revenons aussi sur une affirmation stupide de quelques enragés du NFP qui expliquaient que mettre seize jours à trouver un Premier Ministre, c'était moins que plusieurs mois dans d'autres démocraties.

    Décidément, ces excités aiment bien tromper les Français, ou du moins, les maintenir dans une sorte de confusion mentale. Dans des démocraties européennes comme en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, etc., le temps long vient du temps des négociations pour trouver un compromis entre plusieurs coalitions alors qu'aucune d'entre elle n'a la majorité absolue. En revanche, si chacune de ces coalitions avait la majorité absolue, le nom du chef du gouvernement aurait été connu dès l'issue des élections, c'était le cas justement avec Giorgia Meloni qui, fait rare en Italie, bénéficie d'une majorité absolue.

     
     


    Ici, ce temps long n'était pas pour chercher un compromis avec d'autres forces politiques, les apparatchiks du NFP crient en permanence l'idée que c'est impossible. Ils ont passé ces seize jours à tenter de ne pas mécontenter Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, le temps long normal, celui que demande d'ailleurs Emmanuel Macron, ce sont les négociations pour que des coalitions différentes puissent se mettre un minimum d'accord pour pouvoir gouverner ensemble, puisque aucune d'entre elles n'a la majorité ni absolue ni relative.

    Lucie Castets ne serait qu'une fondée de pouvoir de Jean-Luc Mélenchon et répétons-le, pour cette haute énarque supposée compétente en finances publiques (malgré l'état lamentable des finances de la Ville de Paris), 193 ne fera jamais 289. Il manque 100 députés pour pouvoir gouverner. L'arithmétique est simple, basique, claire, là où la politique est confuse, brouillardeuse, trompeuse et hurlante. Ce n'est pas parce qu'il y a un gourou qui a dépassé les strates de la réalité cosmique qui a dit avec vacarme : "nous avons gagné !", en donnant d'ailleurs odieusement un faux espoir à des électeurs qui y croyaient sincèrement qu'ils ont réellement gagné. Rien que les faits !

    Candidate aux élections régionales en Normandie en 2015 sur la liste de l'actuel maire PS de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, rival malheureux de l'actuel premier secrétaire du PS Olivier Faure au dernier congrès cacophonique du PS, membre du bureau de l'Observatoire de l'extrême droite aux côtés de Thomas Portes, député FI connu pour sa grande tolérance des idées des autres (!), Lucie Castets s'est rapprochée d'Anne Hidalgo et de Clémentine Autain. Elle fait partie de ces militantes écorchées, arrogantes, qui pensent qu'elles ont raison contre les faits, contre la logique, contre l'intérêt national.

    Incontestablement, Lucie Castets, par son parcours, est une connaisseuse de la chose publique, au contraire d'un Jordan Bardella qui n'a rien fait de sa vie professionnelle sinon faire de la politique politicienne. En revanche, Jordan Bardella aurait dix mille fois plus de légitimité politique que Lucie Castets, malgré son jeune âge, sa vacuité intellectuelle et professionnelle, si le RN avait obtenu ne serait-ce qu'une majorité relative parce que les électeurs du RN étaient respectés ; s'ils votaient pour un candidat RN, ils votaient clairement pour Jordan Bardella à Matignon, que cela plaise ou pas. C'était le cas aussi aux trois dernières cohabitations, le nom du Premier Ministre n'a jamais été secret ni caché aux élections des forces politiques qui ont gagné les élections législatives de 1986 (Jacques Chirac), 1993 (Édouard Balladur) et 1997 (Lionel Jospin).

     

     
     


    Les internautes ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. Les réactions sur Twitter, déjà proposées ici, sont assez parlantes. Ainsi : « Manu t’a dit non. C’est dommage, parce qu’elle avait l’air d’avoir bien géré le budget à la ville de Paris. ». Un autre, pas plus charitable : « Sur ton CV. Première Ministre : 48 heures ». Un troisième plus réaliste : « Bravo, vous êtes dans le Guinness Book du Record du plus éphémère Premier Ministre de la Ve République avec 1 seconde et 10 centièmes ! ». Un autre dans l'anti-élitisme primaire : « Énarque et incapable de calculer des %. Le mal de notre pays. ». Un cinquième qui a tout compris : « Ce #NouveauFrontPoplulaire est un spectacle trop cher dont le casting ne comporte que des figurants et des seconds rôles. ».
     

     
     


    Le verdict des sondages n'est pas plus prometteur pour Lucie Castets. Par exemple, selon un sondage réalisé les 23 et 24 juillet 2024 par Elabe pour BFMTV, 58% des sondés considèrent qu'Emmanuel Macron ne doit pas nommer Lucie Castets à Matignon.

    Le NFP vit désormais dans une réalité alternative. C'est dangereux car ses apparatchiks emmènent avec eux une partie de la population, leurs électeurs, qui, peu respectés par eux, vont aussi se placer dans cette réalité alternative. La réalité vraie, si j'ose dire, c'est que 193 n'est pas égal à 289, et aussi que 207 est inférieur à 220, les voix obtenues respectivement par André Chassaigne et Yaël Braun-Pivet le 18 juillet 2024 au perchoir. Tant que les groupes politiques du NFP ne comprennent pas cette petite chose toute simple, aucun gouvernement ne pourra être formé.

    Heureusement, les électeurs, plus éclairés que les apparatchiks, ont bien compris ce problème et cet enjeu. Dans les sondages, ils plébiscitent la solution d'une grande coalition allant de la gauche gouvernementale à la droite républicaine. Lorsqu'ils sont un peu plus pressants sur les députés du NFP, ceux-ci vont pouvoir enfin prendre leur responsabilité. L'idée générale est : débrouillez-vous pour vous mettre d'accord, seul, l'intérêt national compte. Visiblement, on en est encore loin.



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    Sylvain Rakotoarison (25 juillet 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     





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  • Yves Duteil, passeur de mots

    « Et si parfois je te montre les rails, c'est pour que tu y ajoutes l'aiguillage à ton idée. » (Yves Duteil, 2006).



     

     
     


    Le chanteur (auteur-compositeur-interprète) Yves Duteil fête son 75e anniversaire ce mercredi 24 juillet 2024. Cela fait plus de cinquante ans qu'il existe de la paysage de la chanson française (son premier disque date de 1972) et il se caractérise par l'amour des mots, de la langue française. Il a été plusieurs fois récompensé pour les paroles et la musique de ses chansons (par la Sacem, par l'Académie française, par l'Académie Charles-Cros, etc.). Il a fait un concert il y a encore quelques mois, le 2 novembre 2023, aux Folies Bergère à Paris.

    Soixante-quinze ans déjà, est-on tenté de dire et d'y aller sur le temps qui passe. Il était très connu dans les années 1970 avec deux ou trois chansons très bucoliques, pleines de tendresse des êtres et des mots, en particulier cette chanson "Prendre un enfant par la main" qui a été sacrée meilleure chanson française du XXe siècle par le magazine "Le Temps" en 1987.

    « Prendre un enfant par la main
    Pour l'emmener vers demain,
    (…)
    Prendre un enfant par la main
    En regardant tout au bout du chemin,

    Prendre un enfant pour le sien. »

    Dans le même album sorti en 1977, deux autres chansons ont eu aussi une destinée retentissante, "Tarentelle" et "Le petit pont de bois" (et j'ajouterais aussi "La puce et le pianiste"). Une vingtaine d'albums, près de quatre centaines de chansons, aussi beaucoup d'ouvrages écrits, une quinzaine (Yves Duteil est un écrivain, voir ci-après).

    Yves Duteil était l'ami des enfants, du moins ceux qui étaient enfants dans les années 1970 ! Ce n'est pas anodin qu'il existe une trentaine d'établissements scolaires qui sont baptisés à son nom en France, ce qui est très rare pour une personnalité encore vivante.

    Il est un star atypique (il n'est pas le seul comme cela, heureusement). Loin des paillettes, connu avec une image d'amoureux de la nature, une guitare à la main et de longs cheveux très à la mode de l'époque, Yves Duteil semble être quelqu'un de très stable, qui a traversé sans encombres des décennies très marquées : il s'est marié en juin 1975 et vit toujours avec sa femme, ils ont une fille et un petit-fils, et comme tout le monde, des pépins de santé, etc. qu'il a racontés dans son autobiographie "Chemins de liberté" sorti le 6 mai 2021 (éd. de L'Archipel).

    Les chansons ne reflètent pas seulement des mots d'amoureux, mais aussi de militant, celui d'un engagement calme et respectueux néanmoins profond. Yves Duteil a soutenu ainsi une jeune Tibétaine condamnée à la prison. Yves Duteil a aussi évoqué l'assassinat du Premier Ministre israélien Yitzhak Rabin en 1997.

    Il a condamné aussi l'antisémitisme en se replongeant dans l'histoire de l'Affaire Dreyfus, c'est-à-dire, dans sa propre histoire car le capitaine Alfred Dreyfus, injustement condamné parce qu'il était Juif, n'était autre que son grand-oncle (son grand-père a fait changer son nom Deutsch en Duteil) : « Je suis né dans une famille juive qui m’a baptisé. Je n’ai pas reçu d’éducation religieuse, mais ce baptême de complaisance a laissé une empreinte. ».

    « Et je retrouve en moi

    Ta foi dans la justice
    Et ta force au combat.
    Dans ton honneur déchu,
    Malgré ta peine immense,
    Tu n'as jamais perdu

    Ton amour pour la France. »

    Parmi d'autres engagements qui ont marqué sa vie, Yves Duteil s'est fait élire et réélire, de 1989 à 2014, maire de Précy-sur-Marne, un village de moins de 1 000 habitants dans le nord-ouest de la Seine-et-Marne (avec une étiquette centriste). Les Guignols de l'Info l'ont même caricaturé parce qu'il a soutenu Jacques Chirac en 1995. Il s'engagea aussi dans les Jeux olympiques d'hiver à Albertville en 1992 où il donna une chanson retenue par le comité olympique ("La Fleur de l'impossible").

    Avant de proposer quelques chansons disponibles sur Internet (une quinzaine), je propose quelques belles phrases issues de deux de ses livres.


    L'amour : « La plus belle définition que j'en connaisse [de l'amour] : "Quelqu'un qui vous aime, c'est quelqu'un qui vous a à sa merci mais qui n'en profite pas". » (2014). L'exemple le plus simple de cette définition, c'est de dormir ensemble, ce qui revient à s'abandonner à l'autre.

    Toujours l'amour : « Tu dis les mots justes et souvent tes phrases commencent par "oui..", même pour conduire doucement vers le contraire en ouvrant la porte de la tolérance. » (2006).

    Soif de connaissances : « La première condition pour apprendre est d'accepter d'ignorer. » (2006). Une reformulation du fameux "gnothi séauton" de Socrate.

    Vaine démagogie : « En attendant, on confie notre destin à la démocratie. Celui qui fait le mieux semblant de tout savoir est élu pour demander ensuite à ceux qui ont le plus de diplômes de lui dire ce qu'il faut faire devant l'inconnu... Et, sitôt qu'il est élu, on ne songe qu'à le remplacer par un autre qui a l'air de mieux savoir demander aux mêmes... » (2006).


    1. "J'ai caché ton mouchoir" (1974)






    2. "Tarentelle" (1977)






    3. "Prendre un enfant" (1977)






    4. "Le petit pont de bois" (1977)






    5. "La puce et le pianiste" (1977)






    6. "Les p'tites casquettes" (1977)






    7. "J'ai la guitare qui me démange" (1979)






    8."La maman d'Amandine" (1979)






    9. "Mélancolie" (1979)






    10. "La langue de chez nous" (1985)






    11. "Les petits hommes verts" (1987)






    12. "La Fleur de l'impossible" (J.O. 1992)






    13. "Dreyfus : je suis son neveu" (1997)






    14. "La Tibétaine" (1997)






    15. "Grand-père Yitzhak" (1997)






    16. Ses plus belles chansons des années 1970







    17. Émission "C à vous" le 5 mai 2021 sur France






    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Yves Duteil.
    Pierre Perret.
    Michel Polnareff.
    Françoise Hardy.
    Charles Aznavour.
    Alain Souchon.
    Patrick Bruel.
    Eden Golan.
    ABBA.
    Toomaj Salehi.
    Sophia Aram.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Micheline Presle.
    Plastic Bertrand.
    Jacques Dutronc.

    Guy Marchand.
    Maria Callas.
    Catherine Deneuve.
    Gérard Depardieu.
    Stéphanie de Monaco.
    Jane Birkin.
    Fernand Raynaud.
    Marcel Zanini.
    Patricia Kaas.
    Kim Wilde.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240724-yves-duteil.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/yves-duteil-passeur-de-mots-255817

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240724-yves-duteil.html



     

  • Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO

    « Personne ne peut appliquer son programme (…) : ni le nouveau front populaire, ni la majorité sortante, ni la droite républicaine ! » (Emmanuel Macron, le 23 juillet 2024 sur France 2).



     

     
     


    Le Président de la République Emmanuel Macron s'est invité au journal de 20 heures de ce mardi 23 juillet 2024 sur France 2. Le fait que ce fût sur une chaîne du service public n'était pas anodin, après les propositions de privatisation de France Télévisions formulées par le RN avant les élections législatives. France 2 et France 3 seront aussi les chaînes des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) qui commenceront en fin de semaine, le vendredi 26 juillet 2024 à Paris.

    Il était donc normal que le chef de l'État honorât de sa présence tout le dispositif tant de la cérémonie d'ouverture que celui des plateaux de télévision. Il était à un studio placé, il me semble, sur le toit du Trocadéro qui sera utilisé par les présentateurs des émissions sur les JOP.

    Le chef de l'État a précisé deux ou trois choses sur les JOP. Par exemple, la décision de refuser la Russie aux Jeux olympiques n'est pas celle de la France mais celle du CIO (Comité international olympique), tout comme la décision d'accepter Israël : « Les athlètes israéliens sont les bienvenus ! ».

    Emmanuel Macron est un passionné des sports et cela se voyait peut-être un peu trop à son visage réjoui et à la mine excitée qui semble en déphasage avec l'issue des élections législatives. Pour les Jeux olympiques (je me permets de ne pas rajouter systématiquement "et paralympiques" pour faire un peu plus court), c'est un projet qu'Emmanuel Macron n'a pas demandé (la demande datait de 2012), mais qu'il a mené jusqu'au bout avec beaucoup de rigueur entre 2017 et 2024. Il est aussi passionné par cette France qui gagne, et quoi de plus gagnant que cette France des champions sportifs, des médailles d'or (apparemment, on attend de la France qu'elle soit au Top 5 voire Top 3 des nations les plus médaillées, ce qui est très ambitieux). Enfin, il est passionné aussi par l'optimisme et la pensée positive et il est persuadé que ces quelques semaines estivales olympiques sera un moment très particulier de concorde nationale, comme on l'a vécue pendant les coupes du monde de football lorsque l'équipe de France allait jusqu'en finale voire la gagnait (1998, 2006, 2018, 2022).

    Ainsi, Emmanuel Macron serait un excellent Monsieur Loyal de la cérémonie d'ouverture, dans le secret des dieux pour ce qui est l'organisation, les surprises, les artistes qui se produiront voire les sportifs qui tiendront en dernier la flamme olympique. On apprenait juste avant l'interview présidentielle que l'avion de Céline Dion venait d'atterrir en France, laissant entendre, comme cela se murmurait depuis quelques semaines, que la chanteuse à la santé défaillante pourrait faire partie du spectacle : « Je serai immensément heureux si elle pouvait être de cette cérémonie d'ouverture, comme tous nos compatriotes. ». Le spectacle de vendredi, conçu et supervisé par Thomas Jolly, promet d'être grandiose et exceptionnel, sur la Seine : « On verra tous à partir de vendredi soir pourquoi ça valait la peine. ».

     

     
     


    C'est pour cette raison qu'il entend bien appliquer la trêve politique qu'il prône depuis quelques jours, une trêve olympique, jusqu'à au moins au milieu du mois d'août 2024, en reconnaissant que peut-être qu'elle n'irait pas jusqu'aux Jeux paralympiques qui arrivent très tardivement à la fin de l'été : « De manière évidente, jusqu'à la mi-août, on doit être concentré sur les Jeux. Et puis à partir de là, en fonction de l'avancée de ces discussions, ce sera ma responsabilité de nommer un Premier Ministre ou une Première Ministre et lui confier la tâche de constituer un gouvernement et d'avoir le rassemblement le plus large qui lui permette d'agir et d'avoir la stabilité. ».

    Car Emmanuel Macron devra être aussi un nouveau Monsieur Loyal, celui de vie politique qui promet d'être difficile pour les prochains mois. Le Président de la République a réexpliqué les raisons de la dissolution, sans forcément plus convaincre, certain, sans cela, qu'une motion de censure aurait été votée pendant la discussion budgétaire et donc, préférant dissoudre dès l'été pour pouvoir préserver la période de discussion budgétaire.

    Sans plus convaincre parce que la motion de censure n'était pas assurée, son adoption aurait été provoquée par le groupe LR et aujourd'hui, il y a des discussions entre les macronistes et LR, mais sans être capable d'assurer une majorité absolue au contraire de la précédente législature. En cas de réussite des discussions, pour constituer un gouvernement viable, Emmanuel Macron n'entend pas dissoudre jusqu'en 2027.

    Emmanuel Macron a regretté que les députés RN n'aient eu pas leur juste répartition de postes au sein du bureau de l'Assemblée (alors que le groupe EPR avait réservé des places au groupe LR sur le quota RN), expliquant qu'il n'y a pas de « sous-député », et il a été choqué par le refus de serrer la main au jeune scrutateur RN de la part des députés insoumis, « mais pas seulement » (en effet, Agnès Pannier-Runacher avait également refusé de serrer la main).

    Il a rappelé ainsi ce qu'il avait affirmé dans sa lettre aux Français : son parti avait perdu ces élections législatives, mais personne ne les avait gagnées, ni le RN, ni le NFP. Par conséquent, le seul moyen qu'un gouvernement puisse exister, c'est qu'il repose sur une base solide proche de la majorité absolue, soit tout l'arc républicain. Comme le rappelait le sénateur Claude Malhuret le 18 juillet 2024 : « Pas de front national, pas de front populaire : la seule hypothèse possible est celle du front républicain. Elle suppose, comme chez nos voisins, mais à rebours des traditions françaises, l’alliance de tous les démocrates, depuis la droite républicaine jusqu’à la gauche de gouvernement. ».

    Les accords entre le premier et le second tours pour faire barrage au RN doivent être assumer après le second tour : ce que les Français ont demandé, c'est de s'entendre entre républicains. C'est ce que n'a absolument pas compris la gauche qui reste dans une sorte de déni de défaite, croyant fermement le bluff originel de Jean-Luc Mélenchon alors qu'un gouvernement exclusivement NFP et donc insoumis se ferait immédiatement censuré par les autres groupes de l'Assemblée.

    La question lui a bien sûr été posée : les apparatchiks du NFP étaient arrivés à un accord à 19 heures, juste avant l'interview présidentielle, pour mettre mal à l'aise le Président de la République. C'est bien l'inverse qui s'est produit. L'accord, c'était sur le nom du Premier Ministre supposé du NFP : une femme de 37 ans inconnue de tous (sans même de page de Wikipédia !), une technocrate obscure directrice des finances et des achats de la Ville de Paris surendettée, une personne certainement très estimable, proche d'Anne Hidalgo, mais qui n'a ni une expérience politique ou parlementaire capable de naviguer dans une Assemblée difficile sans majorité, ni une expérience professionnelle qui garantirait qu'elle puisse diriger le gouvernement de la sixième puissance mondiale. J'y reviendrai certainement, mais disons tout net qu'à ce petit de jeu-là de téléréalité stupide, Jordan Bardella aurait plus de légitimité car il est un politique, au moins.

     

     
     


    En fait, le NFP a eu le tort d'annoncer leur décision juste avant cette interview : il croyait mettre en difficulté Emmanuel Macron mais la réalité médiatique, c'est que l'écho de l'annonce s'est noyé dans l'écho médiatique de cette interview. La proposition de Lucie Castets (on parie sur les jeux de mots), c'est encore une fois se moquer des Français qui n'avaient pas voté pour cela. Un internaute sans pitié a réagi à son tweet d'acceptation (acceptation de quoi ? Jusqu'à nouvel ordre, la Constitution dit que c'est le Président de la République qui nomme le Premier Ministre et pas les apparatchik du NFP) ainsi : « Manu t’a dit non. C’est dommage, parce qu’elle avait l’air d’avoir bien géré le budget à la ville de Paris. ». Un autre, pas plus charitable : « Sur ton CV. Première Ministre : 48 heures ». Un troisième plus réaliste : « Bravo, vous êtes dans le Guinness Book du Record du plus éphémère Premier Ministre de la Ve République avec 1 seconde et 10 centièmes ! ». Un autre dans l'anti-élitisme primaire : « Énarque et incapable de calculer des %. Le mal de notre pays. ». Un cinquième qui a tout compris : « Ce #NouveauFrontPoplulaire est un spectacle trop cher dont le casting ne comporte que des figurants et des seconds rôles. ».

    Emmanuel Macron n'a donc pas l'intention de la nommer à Matignon, du moins actuellement, tant qu'elle ne démontre pas qu'elle est soutenue par des forces parlementaires suffisantes. Il a répété pour ceux qui étaient dur à la comprenotte : « La question n'est pas un nom. La question, c'est quelle majorité peut se dégager à l'Assemblée pour qu'un gouvernement de la France puisse passer des réformes, passer un budget et faire avancer le pays. ».

    Le Président de la République n'a pas eu de mal à démontrer que le NFP n'avait pas de majorité à l'Assemblée : la preuve, c'est qu'il n'a même pas été capable de faire élire André Chassaigne au perchoir. Yaël Braun-Pivet a su rassembler plus de députés que le NFP.

    Ce qui est terrible, c'est que la gauche n'arrive pas à admettre qu'elle n'a pas de majorité à l'Assemblée. Que les insoumis poursuivent le gros bluff de leur gourou, c'est de bonne guerre, mais ceux des partis qui se croient encore de gouvernement, réveillez-vous ! Les Français ne veulent pas du programme du NFP ! Au contraire, ils ont voté très à droite, et c'est la raison pour laquelle le pacte législatif présenté lundi par Laurent Wauquiez « va dans le bon sens » selon Emmanuel Macron.

    Finalement, la défaite du RN le 7 juillet 2024 est du même ordre que la défaite de Jean-Marie Le Pen le 5 mai 2002 : un front républicain qui a fait que beaucoup de voix de gauche ont voté Jacques Chirac en 2002 comme beaucoup de voix de droite ou du centre ont voté pour le candidat du NFP en 2024 (et réciproquement). L'erreur de Jacques Chirac a été de nommer un gouvernement uniquement UMP sur une assise beaucoup trop restreinte qui ne correspondait pas à son électorat du second tour. Ce qui n'était pas le cas d'Emmanuel Macron en 2017 et 2022 car jamais Jean-Luc Mélenchon n'a appelé à voter Emmanuel Macron au second tour (au contraire de François Fillon en 2017).

    La répartition des groupes parlementaires montre qu'il n'y a pas besoin de réflexion politique très approfondie pour le comprendre : l'arithmétique suffit. Pour avoir une majorité, il faut un compromis entre plusieurs alliances au sein de l'Assemblée, entre le bloc central et le bloc de gauche. Tant que ce dernier refuse cette réalité, aucun gouvernement ne pourra durablement exister. Il y a urgence : le 1er octobre 2024, une premier projet de loi de finance doit être déposé à l'Assemblée. La balle n'est pas à l'Élysée, mais dans les différents groupes. Ils doivent négocier un compromis (quel gros mot !) pour un programme minimum (un... PGCD : plus grand dénominateur commun, et pas plus petit, je m'adresse aux journalistes qui estropient les maths). C'est d'ailleurs ce que les Français demandent quand on les sonde.

    En attendant, joyeux JO !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240723-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-31-emmanuel-256000

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/23/article-sr-20240723-macron.html

     

  • Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?

    « Pour donner un gouvernement à la France, il faudra que les forces politiques hier adverses entament des discussions pour former une majorité de projets. Cet objectif implique que chaque force politique pose ses conditions mais aussi accepte celles de ses concurrents. C’est le principe même de la coalition parlementaire et le quotidien de la quasi-totalité des démocraties européennes. Pourtant, depuis dimanche, le nouveau front populaire fonce tête baissée, comme si aucune de ces réalités démocratiques n’existait. Ils veulent appliquer leur programme comme s’ils avaient une majorité pour le faire. Ils prétendent désigner le Premier Ministre, comme si celui-ci avait, de manière automatique, le soutien de la majorité de l’hémicycle sans discussion préalable sur sa feuille de route ou ses priorités. » (Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance, "Le Monde" le 9 juillet 2024).



     

     
     


    La situation politique de la France a de quoi être inquiétante en raison de l'absence de majorité à l'Assemblée Nationale. N'hésitant pas à prendre les Français pour des imbéciles, Jean-Luc Mélenchon a tweeté ce samedi 20 juillet 2024 : « Le nouveau front populaire a la majorité. Maintenant, il faut nommer un Premier Ministre NFP sans tarder. Assez de déni du vote des Français. ». Tel un gâteux, en l'occurrence Jean-Luc Harpagon, qui répéterait en courant : Ma cassette ! Ma cassette !

    Son raisonnement est complètement déficient : il considère que sous prétexte que le bureau de l'Assemblée est majoritairement à gauche (alors que le NFP aurait dû laisser quelques places au groupe RN qui méritait, tout autant que la gauche, d'être représenté au bureau), le NFP est majoritaire. Si le bureau est à gauche, c'est simplement par une magouille politicienne du NFP qui, à trois heures du matin, a profité que quelques députés macronistes étaient partis se coucher, ne résistant pas au sommeil, pour devenir hégémoniques parmi les secrétaires (neuf sur douze, plus deux LIOT élus par la gauche). Seule, une députée Horizons a sauvé son fauteuil de secrétaire parce qu'Alexis Corbière n'était pas assez soutenu par les insoumis (cela donne une idée de la grande tolérance qui règne à gauche). Les résultats de ce vote ne sont donc pas vraiment significatifs de la réalité des rapports de force dans l'hémicycle, même si l'un des impératifs évidents dans ces moments de grands votes, c'est de ne pas aller se coucher !

    Mais Jean-Luc Mélenchon prend les Français pour des imbéciles aussi parce que, même si le NFP avait la majorité absolue (ce qui, je le répète, n'est pas du tout le cas puisqu'il lui manque une centaine de députés pour cela), il demande à Emmanuel Macron (sans le dire explicitement mais c'est bien cela) de nommer un Premier Ministre NFP alors que cela fait quinze jours que le NFP s'étripe pour sortir un nom. Jean-Luc Mélenchon voudrait-il déléguer à Emmanuel Macron le choix du Premier Ministre ?

    Peut-être après tout, et c'est certainement ce que le Président de la République fera, comme le précise l'article 8 de la Constitution : « Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Sur la proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. ». C'est même une compétence exclusive du Président de la République. L'article 8 n'est pas : « Jean-Luc Mélenchon nomme le Premier Ministre. »,heureusement !

    Et il y a une forte probabilité que le Président de la République ne nomme pas un Premier Ministre NFP pour faire le programme du NFP. Pour la raison très simple, avec la démonstration du 18 juillet 2024, celle de l'élection au perchoir : le candidat du NFP André Chassaigne n'a su rassembler sur son nom que 207 députés, tandis que Yaël Braun-Pivet en a rassemblée 220. L'avance est courte, la majorité absolue très loin d'être atteinte, mais à ce petit jeu de celui-qui-a-la-plus-grande (représentation, bien sûr), incontestablement, dans cette Assemblée impossible, c'est le bloc central, à savoir l'ancienne majorité parlementaire ajoutée aux députés LR, qui ont la plus forte représentation parlementaire. Et pas le NFP.

    Qu'on ne me dise pas que LR et les macronistes sont incompatibles : sur le fond, ils sont très peu éloignés, au point que les principaux leaders du macronisme, à l'exception notable de deux Premiers Ministres (Élisabeth Borne et Gabriel Attal), sont tous issus de LR : Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Éric Woerth, Sébastien Lecornu, Catherine Vautrin, Rachida Dati, Christophe Béchu, Franck Riester, Aurore Bergé, etc. De fait, il y a beaucoup plus de proximité idéologique entre LR et le groupe EPR (Ensemble pour la République) qu'entre un député socialiste et un député insoumis, qu'entre Jérôme Guedj et Louis Boyard, qu'entre François Hollande et Jean-Luc Mélenchon.

    L'élection du bureau de l'Assemblée Nationale a d'ailleurs montré que si le NFP était parfaitement solidaire entre ses membres, le bloc présidentiel et LR étaient aussi parfaitement solidaires entre eux. Au détriment du RN, d'ailleurs. Cette solidarité de vote est plutôt rassurante et évoque la fiabilité d'une alliance entre eux.


    Sur le fond et le cheminement, les dirigeants de LR ont pour l'instant joué une partition assez pertinente. Loin de vouloir évoquer les personnes, les fauteuils, au contraire du NFP, les dirigeants de LR ont parlé de fond, de politique gouvernementale, de ce qu'ils voulaient ou pas pour le prochaine gouvernement, sur différents sujets. Les négociations sont en cours pour faire une sorte de contrat de gouvernement. Eux respectent leurs électeurs, car ils répondent à la question : que va faire le prochain gouvernement ? Alors que les dirigeants du NFP ne cherchent qu'à répondre à des questions de carrières et d'ambitions personnelles : qui va gouverner ?

    Évidemment, on pourra toujours dire que pour le NFP, l'idée est d'appliquer le programme du NFP, mais le problème, et tout le monde au NFP le sait, et trompe ainsi les Français et surtout ses électeurs, le programme du NFP n'est pas applicable car il n'est ni cohérent ni sérieux dans l'intérêt de la France. Il n'était qu'un catalogue à la Prévert de mesures totalement démagogiques afin de rapporter le maximum de voix. Et les auteurs de ce programme (entre autre Clémence Guetté, qui a trouvé un beau fauteuil de première vice-présidente, élue grâce aux voix du RN et jamais n'elle aurait ce titre de première vice-présidente sans le RN, il faudra s'en souvenir le cas échéant) n'ont pas hésité à alourdir la barque car ils n'imaginaient pas une seconde qu'ils pourraient être en position de revendiquer le gouvernement, car aussi ils n'imaginaient pas que le bloc central, y compris LR, a joué parfaitement le jeu du front républicain pour empêcher l'arrivée au pouvoir du RN. Rappelons-nous l'argument spécieux de Dominique Strauss-Kahn : préférez un candidat insoumis au candidat RN car, de toute façon, les insoumis n'arriveront jamais au pouvoir et donc, vous ne craignez pas que le mauvais programme du NFP puisse être appliqué.

    Plus concrètement, Laurent Wauquiez, qui a repris la main sur le groupe LR (en changeant d'appellation mais je vais rester avec le nom du parti pour rester clair), a pourtant déclaré dès le 10 juillet 2024 qu'il n'était pas question de "coalition"... mais plus tard, LR a parlé de "pacte législatif"
    qui sera présenté ce lundi 22 juillet 2024. Si on essaie de bien comprendre, cela voudrait dire que LR ne veut pas participer au prochain gouvernement, mais il propose un pacte, c'est-à-dire un contrat sur le fond pour ne pas censurer le futur gouvernement. La différence est assez mince car il faut bien que des personnes appliquent la feuille de route.

    Or, le prochain gouvernement ne peut raisonnablement pas être dirigé par un membre du parti présidentiel. Certes, Gabriel Attal aurait toutes les compétences pour le faire, mais politiquement, cela n'aurait aucun sens, et serait anti-électoral (plus qu'antidémocratique). À mon sens, le chef du prochain gouvernement ne pourrait être que... LR. Mais un LR compatible aussi avec le centre gauche voire la gauche. À ce petit jeu, il n'y en a pas des trente-six. Surtout qui le veuillent bien. Le nom de Xavier Bertrand revient souvent parce qu'il n'y en a pas beaucoup d'autres. Il a l'originalité d'avoir battu deux fois le RN aux élections régionales dans le Nord et Picardie (les Hauts-de-France), en faisant des actions communes LR et PS. C'est d'ailleurs le seul qui a parlé de nommer un gouvernement provisoire de la République française.

    C'est sûr que ce serait casse-cou d'aller à Matignon aujourd'hui, en 2024, lorsqu'on a l'élection présidentielle de 2027 à l'esprit, mais c'est si loin, 2027. Et l'expérience peut aussi réussir : après tout, Édouard Balladur a été très populaire (qui l'aurait parié avant 1993 ?). L'ennui, bien sûr, c'est que cela donnerait un nouveau rival à Laurent Wauquiez qui bénéficie, aujourd'hui, de la vacuité de leadership chez LR.

    Il y a trois énormes différences pour LR entre la situation en 2022 et en 2024 : d'une part, la partie lepéniste de LR du groupe LR est partie avec Éric Ciotti chez Marine Le Pen ; d'autre part, les députés LR de 2024 sont des rescapés du front républicain et n'ont plus été élus contre un candidat macroniste comme en 2022, mais contre un candidat RN et aussi grâce aux électeurs macronistes ; enfin, et c'est peut-être le principal, Emmanuel Macron n'aura pas l'ascendant politique sur le prochain gouvernement qui proviendra principalement de l'Assemblée Nationale. Par conséquent, l'hypothèque Macron est levée, en 2024, d'autant plus facilement que le Président de la République n'a pas le droit de solliciter un troisième mandat, ce qui le place hors-jeu dans tous les cas de figure.

    Ces différences devraient amener Laurent Wauquiez à évoluer sur le "pas de coalition" (c'est-à-dire, pas de ministres LR). Avec la question : comment les électeurs LR pourraient-ils comprendre que les responsables LR attendent tranquillement les mains dans leurs poches dans l'opposition sans travailler pour la France, sans remonter leurs manches, voire en laissant un gouvernement d'ultragauche détruire la France ? L'intérêt national les oblige à ne pas rester inertes et à s'engager activement au gouvernement, comme les y encourage très vivement l'ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin.

    Pour autant, un gouvernement EPR-LR n'aurait qu'un soutien d'environ 220 députés, ceux qui ont réélu Yaël Braun-Pivet au perchoir, loin des 289 de la majorité absolue. Certes, il aurait la bienveillance du groupe RN qui n'a pas la vocation à censurer un gouvernement du centre ou de droite car le RN le préférerait à un gouvernement d'ultragauche avec des ministres insoumis. Mais cela signifie que ce gouvernement aurait une épée de Damoclès et que du chantage politique pourrait avoir lieu régulièrement. Le RN est assez malin pour faire le jeu constructif de réussir à obtenir deux ou trois mesures spécifiques pour négocier leur bienveillance. La question sera : jusqu'à quel point cette bienveillance serait considérée, chez leurs électeurs respectifs, comme une collusion, voire une trahison.


    C'est bien le problème à gauche. La crainte d'être traité de traître. Pourtant, le prochain gouvernement devra forcément bénéficier de la bienveillance, sinon plus, du groupe socialiste. Ils sont 66 députés, avec les 220 du bloc central, cela donnerait 286, soit la majorité absolue (289) car ce qu'il faut au prochain gouvernement, c'est d'éviter d'avoir une majorité absolue contre lui.

    Xavier Bertrand serait, là aussi, le plus apte pour faire ce pacte républicain avec les socialistes sur des sujets très concrets. Il se revendique du gaullisme social (ce qui ne veut pas dire grand-chose, le gaullisme lui-même est d'essence sociale, mais comme les mots font tilter les cœurs, disons-le quand même). Il avait soutenu Philippe Séguin en son temps (lointain) et une alliance plus ou moins assumée entre le bloc central et le PS aurait aussi un sens électoral et politique, celui du front républicain. Xavier Bertrand serait le mieux placé pour diriger ce gouvernement de front républicain.

    Je n'ai pas de sympathie particulière pour Xavier Bertrand et je ne le crois pas capable d'être un bon candidat à la Présidence de la République, mais je considère que dans la situation parlementaire actuelle, il serait le Premier Ministre idéal. Et d'ailleurs, qui d'autres ? Il faut que une personnalité qui soit à la fois dynamique (arrêtons de chercher chez les vieillards de 70 ans !), très expérimenté aussi (pas des p'tits jeunes), qui connaisse excellemment bien le fonctionnement de l'Assemblée Nationale, qui soit positionné plus à droite que le parti présidentiel car les électeurs ont montré qu'ils étaient plus à droite qu'hier, mais qui soit capable aussi de conclure un modus vivendi avec les socialistes. Et en plus, qui soit un politique, déjà connu car il faut que ce soit sa personnalité politique déjà forte qui donne autorité à un gouvernement qui va avoir une assise forcément fragile.


    C'est pour cela il faut du temps pour la construction d'un tel gouvernement. D'abord, amener à convaincre LR que le seul salut, leur seul salut politique et le seul salut national du pays, c'est de participer à un gouvernement d'action. Ensuite, se tourner vers les socialistes, le temps de digérer l'éclatement probable du NFP, sur la base d'un front républicain et d'un esprit de responsabilité.

    Les Français seront très attentifs au comportement des uns et des autres et décideront en 2027 en fonction de cette année cruciale. Tout est inquiétant, dans la situation actuelle, mais tout est aussi enthousiasmant : la situation nouvelle crée de nouvelles opportunités politiques. C'est à ce moment charnière qu'on voit si les acteurs politiques sont à la hauteur de l'enjeu ou pas. C'est le moment de changer les lignes. C'est le temps de l'audace.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240720-coalition-pacte.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-30-coalition-ou-255949

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240720-coalition-pacte.html



     

  • Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale accouché dans la douleur

    « J’invite mes collègues de tous bords, notamment les plus jeunes d’entre nous, bouillants d’une ardeur militante mais aussi peut-être de l’impatience et parfois de l’intransigeance de la jeunesse, à entraîner cette assemblée par le dynamisme positif de leurs idées. Il me semble que personne ne souhaite revivre les débordements malheureux qu’on a pu connaître dans la précédente législature et qui, je le crois, ne renvoient pas une image exemplaire de notre institution. (…) Politesse et politique sont intimement liées. Les joutes verbales, les plus belles, c’est-à-dire les plus élevées, sont généralement les plus courtoises, les plus subtiles et les plus spirituelles. Elles disqualifient les absurdes vociférations et les puériles invectives. » (José Gonzalez, doyen d'âge, le 18 juillet 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Après la brillante réélection de Yaël Braun-Pivet au perchoir le jeudi 18 juillet 2024, les députés de la XVIIe législature se sont concentrés sur la désignation de leur "staff". Un mot peu approprié pour l'Assemblée Nationale de France mais qui signifie, pour moi, les autres responsabilités très importantes pour faire fonctionner l'Assemblée, à savoir le bureau de l'Assemblée Nationale comprenant, en plus de la Présidente, six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires, eux désignés le vendredi 19 juillet 2024, et le lendemain, samedi, les huits présidents des commissions permanentes. Ces derniers appartiennent à la conférence des présidents, ainsi que les présidents des onze groupes politiques constitués, conférence qui se réunit très régulièrement notamment pour fixer l'ordre du jour en association avec un représentant du gouvernement (maintenant qui n'existe plus). Appartenant aussi à la conférence des présidents un responsable essentiel de l'Assemblée, numéro deux en importance après la Présidente, à mon sens, le rapporteur général du budget, fonction essentielle puisque l'une des premières missions du Parlement est de voter chaque année la loi de finance pour l'année suivante, et ce sera pour cette Assemblée sans majorité le principal sujet de préoccupation après les vacances estivales.
     

     
     


    Comme toujours, la désignation des personnes se fait au scrutin à bulletin secret à trois tours, deux tours à la majorité absolue, le troisième tour éventuellement à la majorité relative. Pour chacun des postes, l'ordre protocolaire est l'ordre décroissant du nombre de voix obtenues, et en cas d'égalité, le plus âgé passe devant le plus jeune.

    Dans cette Assemblée, deux, voire trois difficultés existent en dehors de l'ordinaire.

    Certaines fonctions nécessitent de savoir si le député est de l'opposition ou de la majorité : ainsi, la présidence de la commission des finances est réservée à un membre de l'opposition depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy afin de renforcer le contrôle sur le gouvernement (qu'on imagine moins bienveillant avec un membre de l'opposition qu'un membre de la majorité). Or, comme il n'y a plus de gouvernement, les groupes ont du mal à se déterminer sur leur appartenance à la majorité ou à l'opposition. Ce qui a prévalu ici, c'est que les trois groupes de l'ancienne majorité parlementaire le restent (Ensemble, Horizons, MoDem), à titre provisoire, selon le prochain gouvernement, et les huit autres groupes se sont déclarés dans l'opposition, y compris ceux du NFP alors qu'ils revendiquent faire partie de la majorité !

    La deuxième difficulté, c'est la structure tripartite de l'Assemblée qui ne permet pas de majorité claire et nette. Il y a donc eu des surprises dans certaines désignations. Enfin, troisième difficulté, le NFP et le groupe Ensemble ont annoncé qu'ils ne voteraient pour aucun membre du RN dans ces désignations, perpétuant un front républicain au-delà de la sphère électorale, ce qui a fonctionné, mais aussi ce qui a victimisé le groupe RN qui n'a rien eu alors qu'il représente un tiers de l'hémicycle, et surtout 10,6 millions d'électeurs. C'est une grave erreur, à mon sens, d'avoir voulu isoler les députés RN de toute responsabilité dans le fonctionnement interne de l'Assemblée, alors qu'ils ne l'avaient pas été dans la législature précédente (il y avait eu deux vice-présidents, Sébastien Chenu et Hélène Laporte, qui avaient présidé les séances de manière satisfaisante et reconnus de tous).

     

     
     


    D'ordinaire, il n'y a pas de vote pour ces désignations dans la mesure où l'ensemble des présidents de groupe (qui se sont réunis dans la matinée du 19 juillet 2024) se mettent d'accord pour une répartition proportionnée. Cette fois-ci, non, puisqu'il y a plus de candidats que de postes à pourvoir, si bien qu'il a fallu voter et cela a pris énormément de temps (jusqu'à neuf voire dix opérations de vote, en fait moins car le troisième tour n'a pas été nécessaire pour les deux premières désignations, mais le premier scrutin a été annulé). Bref, cela signifie que le bureau de l'Assemblée a été complètement désigné dans la nuit du 19 au 20 juillet 2024 à 4 heures 10 du matin !


    1. Les 6 vice-présidents de l'Assemblée Nationale

    Huit candidatures ont été déclarées : Clémence Guetté et Nadège Abomangoli pour les insoumis ; Sébastien Chenu et Hélène Laporte pour le RN ; Roland Lescure pour Ensemble ; Naïma Moutchou pour Horizons ; Annie Genevard et Xavier Breton pour LR.

    Premier coup de théâtre avant le premier tour. Le groupe RN a annoncé qu'il voterait pour six candidats qu'ils ont estimés représentatifs de l'Assemblée : Sébastien Chenu et Hélène Laporte, bien sûr, mais aussi Clémence Guetté, Nadège Abomangoli, Naïma Moutchou et Xavier Breton. Une position qui n'a pu que mettre mal à l'aise le groupe insoumis puisque, effectivement, ses deux vice-présidentes ont été élus par les voix du RN !
     

     
     


    Mais à l'issue du premier tour, c'était la stupeur et le deuxième coup de théâtre, à 17 heures 25, après près de deux heures trente de travail : le scrutin a été annulé car on a trouvé dix enveloppes de trop par rapport au nombre de votants. Avec une erreur d'une ou deux enveloppes, on peut imaginer une erreur, une négligence, une maladresse. Dix, cela fait beaucoup. Avec la conclusion qui s'est vite imposée dans l'hémicycle : on a cherché à frauder ! Les députés ont donc dû recommencer leur premier tour.

    Après l'élection des six vice-présidents, le député socialiste Jérôme Guedj a voulu s'indigner de cet incident et a craint la montée de l'antiparlementarisme : même les députés bourrent les urnes ! Il a déclaré : « Nous devons mesurer collectivement l’effet dévastateur d’une telle pratique sur nos principes républicains, auxquels nous sommes tous attachés. Pratique délétère qui a pour conséquence la démonétisation et la décrédibilisation du fonctionnement de cette institution et, partant, de l’ensemble de la démocratie française. Je le dis avec beaucoup de colère et même de rage : honte à ceux qui ont pratiqué cette fraude. Honte à eux ! ». Mais à mon sens, l'indignation de Jérôme Guedj est contre-productive. Les gens ne s'intéressent plus à cette désignation, c'est très technique et sans intérêt politique. C'est faire de la publicité pour cet incident qui entraînerait la progression de l'antiparlementarisme. En revanche, il a eu raison de demander une enquête transparente : « Il faut que soit menée, dans la plus grande transparence, une enquête approfondie afin de comprendre ce qui s’est passé. Par ailleurs, pour qu’une telle fraude ait pu avoir lieu, il a fallu, certes, l’intention maligne de ceux qui l’ont commise, mais nous devons aussi étudier les modalités de ces élections afin de les améliorer considérablement et d’abandonner une forme d’à peu près, je ne veux pas parler d’amateurisme, qui n’est pas à la hauteur de la démocratie française. ».

    À 19 heures 10, à l'issue du premier tour renouvelé, quatre vice-présidents ont été élus : Clémence Guetté avec 337 voix (sur 558 votants), qui devient première vice-présidente, Naïma Moutchou avec 338 voix (elle n'est pas première vice-présidente car ce poste est réservé à l'opposition et elle s'est déclarée de la majorité), Nadège Abomangoli avec 327 voix et Xavier Breton avec 325 voix. Les deux candidates insoumis ont été élues par le NFP et le RN, et les deux autres candidats ont été élus par le bloc central et le RN.

    L'élection dès le premier tour des deux candidates insoumises a mis en colère notamment le député LR Ian Boucard en s'adressant au RN : « Le premier tour de cette élection nous dévoile le véritable visage du Rassemblement national de Mme Marine Le Pen. En décidant de faire élire deux vice-présidentes de la France insoumise, vous avez fait le choix du chaos. Après avoir fait campagne en expliquant vouloir empêcher l’accession au pouvoir de l’extrême gauche, vous vous rangez aujourd’hui dans le camp du communautarisme. Vous faites élire ceux qui veulent désarmer la police, ceux qui soutiennent les black blocs à Sainte-Soline. Maintenant les choses sont claires : voter Rassemblement national, c’est voter la France insoumise ! ».

    Gérald Darmanin est également intervenu : « Pour le bon déroulement de nos séances, je propose qu’à l’avenir les députés de la France insoumise serrent la main des députés du Rassemblement national puisqu’ils ont été élus avec leurs voix ! ». Ainsi que Mathilde Panot : « Vous, les macronistes, n’avez aucune leçon à donner à la France insoumise et au Nouveau front populaire. (…) Gardez vos leçons de morale pour vous ! Le problème vient de votre proximité idéologique avec le Rassemblement national, des mots que vous utilisez, de la réhabilitation de Pétain ou de Maurras. ». Marc Fesneau a pris à son tour la parole : « Premièrement, il est assez savoureux de vous entendre donner des leçons alors que vous acceptez les voix du Rassemblement national et sachant que, hier, vous nous auriez fait le même procès si la Présidente Yaël Braun-Pivet avait été élue avec trois voix de plus. Deuxièmement, c’est vous qui avez demandé que soit dressé un cordon sanitaire. Or vous êtes en train de le franchir allègrement et je le regrette. Je vous fais donc une proposition simple : puisque vous êtes capables d’être élus sans les voix du Rassemblement national, démissionnez et allons jusqu’au troisième tour. Nous verrons alors si ce que vous dites est vrai. Vous refusez les mains mais, manifestement, vous ne refusez pas les bulletins. ». Ambiance !

     

     
     


    Alors que le député insoumis David Guiraud a remis en cause la présence des dix-sept ministres démissionnaires élus députés, Yaël Braun-Pivet a rappelé un peu de droit : « Monsieur Guiraud, je rappelle une nouvelle fois que nous appliquons strictement les règles votées par cette assemblée. Comme vous le savez très bien, l’article L.O. 153 du code électoral précise que l’incompatibilité... (…) L’article L.O. 153 du code électoral précise, disais-je, que l’incompatibilité entre le mandat de député et les fonctions de membre du gouvernement "ne prend pas effet si le gouvernement est démissionnaire", ce qui est le cas ici. Nous appliquons donc strictement la loi. Il n’y a pas, ici, de demi-députés qui devraient se faire tout petits. Je vois devant moi 577 députés élus par le peuple français. Je vous invite à respecter chacun d’entre eux. ». Quant au député Ensemble Pierre Cazeneuve : « La loi organique, très claire, ne laisse planer aucune ambiguïté s’agissant du droit, pour les ministres élus députés, de voter comme ils l’ont fait lors du scrutin d’hier. Monsieur Guiraud, vous employez des méthodes de trumpiste. Vous refusez le résultat des urnes, vous alimentez la défiance envers notre démocratie. C’est scandaleux. Au lieu de réaliser des vidéos visant à alimenter l’antisémitisme en France, lisez la Constitution. La France insoumise devrait, elle, se faire vraiment toute petite sachant que ses deux vice-présidentes ont été élues grâce aux voix du Front national. C’est une honte ! ».

    Le lendemain, samedi à 18 heures 25, Mathilde Panot a annoncé sur Twitter que son groupe allait déposer un recours au Conseil Constitutionnel pour contester la présence des dix-sept ministres démissionnaires dans l'hémicycle. L'instance suprême a déjà répondu par ailleurs qu'elle se considérait comme incompétente pour traiter ce recours.

     

     
     


    À 20 heures 30 (vendredi), à l'issue du second tour, les deux derniers vice-présidents ont été élus : Roland Lescure avec 273 voix (sur 467 votants) et Annie Genevard avec 257 voix. Les deux candidats du RN Sébastien Chenu (162 voix) et Hélène Laporte (148 voix) ont été battus alors qu'ils avaient été élus vice-présidents en 2022. L'ostracisme contre le RN (de gauche et d'une partie du bloc central) a favorisé... le groupe LR qui, avec seulement 47 députés, a réussi à faire élire 2 vice-présidents ! Cette absence de RN parmi les vice-présidents (et plus généralement parmi les membres du bureau qui, selon l'article 10 du Règlement intérieur de l'Assemblée, devrait représenter équitablement l'hémicycle) est très regrettable pour la démocratie et victimise inutilement les élus RN. En revanche, il faut se réjouir que parmi les six vice-présidents, une majorité, quatre, sont des femmes, plus la Présidente.
     

     
     



    2. Les 3 questeurs de l'Assemblée Nationale

    Ensuite, les députés ont procédé à la désignation des trois questeurs. La fonction est stratégique et même plus importante que la vice-présidence. Éric Ciotti faisait partie des trois questeurs sortants. Quatre candidatures se sont présentées sur le bureau de la Présidente : Christine Pirès Beaune pour le PS, Brigitte Klinkert (sortante) pour Ensemble, Michèle Tabarot pour LR et Bruno Bilde pour le RN.

    À 22 heures 50, à l'issue du premier tour, deux questeurs ont été élus : Christine Pirès Beaune avec 460 voix (sur 550) et Brigitte Klinkert avec 401 voix. Un second tour était donc nécessaire pour départager les deux autres candidats. Ce qui a été annoncé à 23 heures 55 à l'issue du second tour : sans surprise, Michèle Tabarot a été élue avec 251 voix (sur 438 votants) face à Bruno Bilde qui n'a recueilli que les voix de son groupe et alliés (143 voix). Encore une fois, le RN a été isolé dans ce scrutin, et toujours au bénéfice de LR qui, avec 47 députés, a réussi le tour de force d'avoir deux vice-présidents et une questeure. Et il faut noter l'élection de trois femmes questeures (sur trois), c'est sans précédent, ce qui a été aussi souligné en séance publique par Yaël Braun-Pivet : « Il s’agit de trois femmes : je crois que c’est une première dans l’histoire de notre Assemblée. ».

     

     
     



    3. Les 12 secrétaires de l'Assemblée Nationale

    Pour les douze secrétaires, deux ont été élus au premier tour (à 1 heure 30 du matin) : Stéphane Peu (PCF) avec 217 voix (sur 400 votants) et Sébastien Peytavie (EELV) avec 204 ; six autres ont été élus au deuxième tour (à 3 heures 00) : Laurent Panifous (LIOT) avec 329 voix (sur 386 votants), Christophe Naegelen (LIOT) avec 325 voix, Inaki Echaniz (PS) avec 199 voix, Sabrina Sebaihi (EELV) avec 198 voix, Eva Sas (EELV) avec 197 voix et Gabriel Amard (FI) avec 193 voix ; enfin, les quatre derniers secrétaires ont été élus au troisième tour (à 4 heures 05) : Mereana Reid Arbelot (PCF) avec 175 voix (sur 357 votants), Sophie Pantel (PS) avec 172 voix, Farida Amrani (FI) avec 170 voix, et Lise Magnier (Horizons) avec 168 voix.
     

     
     


    Bien que ce fût en pleine nuit, cela n'a pas empêché un coup de théâtre. La gauche était très présente tandis qu'ailleurs, les députés RN et certains députés macronistes avaient déserté l'Assemblée (et pour ces désignations, un député ne peut pas faire de procuration). Entre le deuxième et le troisième tour, la gauche a voulu capitaliser son avantage de présence physique, se voyant en position de force, et a présenté quatre nouveaux candidats, en plus des huit autres candidats déjà présentés dans la course : Mereana Reid Arbelot, Sophie Pantel, Farida Amrani et Alexis Corbière.

    La gauche a presque réussi son coup, puisque trois des quatre nouveaux candidats ont été finalement élus, seul Alexis Corbière (EELV) n'a pas eu assez de voix (165 voix), probablement en raison de manque parmi ses anciens camarades insoumis. Christophe Blancher (MoDem), avec 156 voix, Philippe Gosselin (LR) avec 160 voix, Bertrand Sorre (Ensemble) avec 155 voix n'ont pas été élus. Les autres candidats, Thibault Bazin (LR), Blandine Brocard (MoDem), Sandrine Josso (MoDem) et Annaïg Le Meur (Ensemble) n'ont recueilli qu'entre 1 et 8 voix.

    En raison de ce troisième tour surprenant, le bureau de l'Assemblée Nationale est passé majoritairement à gauche, douze députés NFP sur 22. Cela aura des incidences pour de nombreuses décisions, en particulier pour décider d'une sanction contre un député qui aurait manqué de respect à l'institution. Ce bureau est élu pour un an et sera renouvelé en octobre 2025, sauf nouvelle dissolution, redevenue alors possible.

    Le RN avait retiré ses candidats aux postes de secrétaire, dégoûté par l'ostracisme dont il a été victime aux précédentes désignations. Le 20 juillet 2024, Marine Le Pen a vaguement confirmé que le groupe LR lui avait proposé un vice-président et deux secrétaires mais elle a rejeté l'offre considérant que LR était trop petit pour pouvoir offrir autant de places ! Il y aura probablement une suite sur la réalité de cette offre (qui constitue en elle-même un autre coup de théâtre !), mais la victimisation du RN pour ces nominations ne devrait pas avoir beaucoup d'effet sur les électeurs car ils sont peu au courant des mœurs-là de l'Assemblée.

    Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a considéré le 20 juillet que la majorité obtenue au sein du bureau de l'Assemblée prouvait que le NFP était majoritaire et qu'il devait gouverner. Il oublie simplement que cette majorité s'est faite au forceps parce que les députés de gauche ont mieux résisté au sommeil à 4 heures du matin que leur collègues du bloc central, et pas parce que le NFP est majoritaire en nombre !

     

     
     



    4. Les 8 présidents des commissions permanentes de l'Assemblée Nationale

    Le samedi 20 juillet 2024 à partir de 10 heures, chaque commission a désigné son président. Cela s'est fait plus rapidement puisque chaque commission a fait le vote parallèlement. La surprise a eu lieu pour la commission des finances : le groupe LR avait voulu que ce fût une des leurs, Véronique Louwagie, pour qui était d'accord le bloc central. Jean-Philippe Tanguy (RN) était également candidat. Toutefois, c'est Éric Coquerel, le président sortant, qui a été (ré)élu. Paradoxe donc : car les insoumis proclament qu'ils doivent former le gouvernement et ils occupent le seul poste attribué à un membre de l'opposition ès qualités.

    Par ailleurs, Charles de Courson, qui avait été également candidat à la présidence de la commission des finances
    (c'est son retrait entre le deuxième et trois tour qui a favorisé l'élection d'Éric Coquerel), a été élu rapporteur général du budget, battant le rapporteur général sortant Jean-René Cazeneuve. Tous les deux ont obtenu 27 voix, ce qui fait que Charles de Courson, soutenu par la gauche, a été élu au bénéfice de l'âge. Or, antimacroniste pur et dur, bien que centriste, Charles de Courson a peu de chance de faire partie de la prochaine majorité. C'est bien la première fois qu'un membre de l'opposition est rapporteur général du budget ! Pour Jean-René Cazeneuve, Charles de Courson « a bafoué l'esprit de nos institutions. Il faut un rapporteur général qui puisse travailler avec l’exécutif. Il va y avoir un dialogue entre les oppositions, et appauvri avec Bercy. ».

    Six des huit commissions ont élu un président membre du bloc central grâce à l'alliance avec LR (ils étaient sept sortants). Il y a seulement deux femmes sur huit présidents de commission.

    Président de la commission des lois : Florent Boudié (Ensemble).
    Président de la commission des affaires étrangères : Jean-Noël Barrot (MoDem).

    Président de la commission des finances : Éric Coquerel (FI).
    Président de la commission des affaires sociales : Paul Christophe (Horizons).
    Président de la commission des affaires économiques : Antoine Armand (Ensemble).
    Présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire : Sandrine Le Feur (Ensemble).
    Président de la commission de la défense nationale et des forces armées : Jean-Michel Jacques (Ensemble).
    Présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation : Fatiha Keloua Hachi (PS).

    Rapporteur général du budget de l'État : Charles de Courson (LIOT).
    Rapporteur général du budget de la sécurité sociale : Yannick Neuder (LR).


    5. Les 11 groupes politiques

    L'ensemble des groupes a fixé l'appartenance politique des 577 députés, dont 8 sont restés non-inscrits (en particulier l'ancien macroniste Sacha Houlié et les anciens LR Aurélien Pradié et Raphaël Schellenberger).

     
     


    1. Groupe RN présidé par Marine Le Pen : 126 députés.
    2. Groupe Ensemble pour la République présidé par Gabriel Attal : 99 députés.
    3. Groupe France insoumise présidé par Mathilde Panot : 72 députés.
    4. Groupe PS présidé par Boris Vallaud : 66 députés.
    5. Groupe LR (appelé Droite républicaine) présidé par Laurent Wauquiez : 47 députés.
    6. Groupe EELV présidé par Cyrielle Chatelain : 38 députés (dont Delphine Batho et Dominique Voynet).
    7. Groupe MoDem (appelé Les Démocrates) présidé par Marc Fesneau (élu face à Jean-Paul Mattei) : 36 députés.
    8. Groupe Horizons présidé par Laurent Marcangeli : 31 députés.
    9. Groupe LIOT présidé par Stéphane Lenormand : 21 députés (dont Valérie Létard et Jean-Luc Warsmann).
    10. Groupe PCF (appelé Gauche démocrate et républicaine) présidé par André Chassaigne : 17 députés.
    11. Groupe À Droite (ciottistes) présidé par Éric Ciotti : 16 députés.

     

     
     



    Épilogue

    Yaël Braun-Pivet a été l'invitée du journal de 20 heures le 20 juillet 2024 sur France 2 à l'issue de ces trois journées d'installation de l'Assemblée Nationale particulièrement mouvementées. Elle a regretté l'absence de députés RN dans le bureau de l'Assemblée Nationale : « Depuis que je préside cette institution, j’ai toujours plaidé pour que toutes les forces politiques soient représentées au bureau (…). Nous avons des règles et avons la possibilité d’avoir un accord des présidents de groupe pour que chacun puisse être représenté à juste proportion au bureau. Les présidents de groupe, notamment ceux du Nouveau front populaire, ont refusé qu’il y ait un accord pour une juste répartition des postes. Et donc, quand il n’y a pas d’accord à l’Assemblée Nationale, il y a un vote. Et là, nous avons vu effectivement un vote absolument stupéfiant, où le Rassemblement national a porté ses voix sur des candidats de la France insoumise, a retiré des candidatures, et donc n’a pas pu être élu à ces fonctions importantes. ».

    Par ailleurs, la Présidente de l'Assemblée Nationale a écarté l'idée d'un gouvernement du NFP : « Il n’est pas majoritaire. Il faut constituer une majorité. Ça se construit, il faut que ce soit l’Assemblée des additions et pas celle des divisions. ». Ça prendra certainement un peu de temps. Les Français partent en vacances, les grosses chaleurs estivales s'installent, les Jeux olympiques et paralympiques vont commencer (le vendredi 26 juillet 2024). Et pour l'instant, aucune perspective concrète de grande coalition, seule capable d'être portée par une majorité à l'Assemblée, ne s'esquisse prochainement.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240720-assemblee-nationale.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-29-le-staff-de-l-255947

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240720-assemblee-nationale.html




     

  • Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon

    « Comprenez que nous avons le droit, de temps à autre, de réagir et de manifester notre, comment dire, agacement. Mais nous sommes dans une discussion. Si je ne devais tenir compte que de ce qui a été dit par les autres, d'abord, je commencerais par dire : pourquoi m'avez-vous éliminé de la candidature au poste de Premier Ministre ? » (Jean-Luc Mélenchon, le 19 juillet 2024 sur BFMTV).



     

     
     


    Voilà, c'est dit ! Jean-Luc Mélenchon l'a toujours en travers de la gorge de s'est fait éliminer du grand jeu de téléréalité NFP Matignon qu'il avait lui-même créé. Quelles ingrates, ces punaises de lit ! Dans cette interview très significative de Jean-Luc Mélenchon, au siège de son parti sectaire des insoumis ce vendredi 19 juillet 2024, le journaliste Anthony Lebbos, un peu étonné de tant de transparence, a fait préciser : « Vous êtes toujours candidat ? ».

    Réponse du grand prêtre : « Non non, je ne suis candidat à rien... », mais la tête montrait justement le contraire, procédé rhétorique bien connu qui veut démentir ce qu'on devrait confirmer. Car pour lui, il n'y a qu'un seul nom pouvant faire le boulot de cette nouvelle farce populaire (NFP), lui-même. Il l'a d'ailleurs dit un peu plus tard, de manière implicite : il n'y a pas besoin de désigner quelqu'un, le Président voit bien qui serait l'homme de la situation, comme dans les autres précédents de cohabitation, en indiquant par exemple que Jacques Chirac n'avait pas été désigné candidat Premier Ministre au bureau politique du RPR en 1986. Mais l'exemple était mal choisi : Jacques Chirac bénéficiait d'une majorité absolue à l'Assemblée Nationale UDF-RPR, certes serrée, mais absolue quand même, ce qui n'est pas du tout le cas du NFP en 2024 (les chiffres sont têtus).

    Tout au long de cette interview de près d'une demi-heure, ont transpiré l'amertume, la colère, l'agacement du grand gourou en chef, au point que le journaliste en a fait les frais (mais il était prévenu, Jean-Luc Mélenchon a toujours malmené les journalistes). Et on ne sait pas trop bien s'il déteste plus Emmanuel Macron ou plus ses supposés propres partenaires, les horribles socialistes qui se sont portant couchés devant lui et qu'il appelle des punaises de lit, par l'intermédiaire de sa compagne députée, conseillère en communication politique (on ne pourra pas dire qu'elle était maladroite), alors qu'il faut rappeler que dans les années 1930, d'autres forces politiques comparaient d'autres catégories de la population, pas avec des punaises, mais avec de la vermine.

     

     
     


    Mais finalement, peut-être doit-on croire Jean-Luc Mélenchon quand il dit qu'il n'est candidat à rien. Il faut sans doute écouter le cher et sage sénateur Claude Malhuret qui parlait, le 18 juillet 2024 au Sénat, de la « franche la plus radicale, dont le but n'est pas de gouverner mais de rendre le pays ingouvernable ». Car c'est exactement dans cette stratégie du chaos institutionnel que Jean-Luc Mélenchon veut faire plonger la France.

    Le sujet de l'interview est principalement les socialistes et le blocage, non pas à l'Assemblée avec une majorité introuvable, mais chez lui, au NFP, car ils sont incapables de s'entendre depuis deux semaines. Comment pourraient-ils gouverner ensemble ?


    Un peu plus loin, le journaliste a cru entendre que Jean-Luc Mélenchon souhaitait la démission du Président de la République. Il lui a fait donc répéter et il a répondu : « Le sujet, c'est : si monsieur Macron ne permet pas à la démocratie de se concrétiser par un gouvernement, il ne faudra pas s'étonner que, ensuite, le mot d'ordre de tout le pays, avant la fin du mandat, ce soit Macron démission. Et j'ajoute que je l'ai déjà entendu. ». Si ce n'est pas une menace personnelle, alors je suis la reine d'Angleterre.

    Petit arrêt sur la bande son : il faut traduire. "Ne permet pas à la démocratie de se concrétiser par un gouvernement", cela signifie pour l'insoumis : "Ne nomme pas un gouvernement NFP". Or, tout le problème du raisonnement de Jean-Luc Mélenchon, c'est qu'il n'a pas la majorité absolue, et la séance du 18 juillet 2024 où son candidat au perchoir André Chassaigne a échoué a montré qu'il n'était pas la force politique la plus importante. Sinon André Chassaigne aurait gagné. C'est factuel, lui qui aime bien le factuel.

     

     
     


    Déjà, on voit bien qu'il dit n'importe quoi, car je reviens juste après sur ses premières déclarations qu'Anthony Lebbos a voulu faire préciser. Il disait que de toute façon, le gouvernement NFP serait censuré, et qu'il censurerait le suivant. Donc, même si le Président "permet à la démocratie de se concrétiser", ce ne sera pas bon puisqu'à la fin, Jean-Luc Mélenchon réclamerait la démission d'Emmanuel Macron.

    Certes, juste après cette phrase, il a ajouté : « Moi, je ne souhaite pas que les mandats soient abrégés. Ce n'est pas mon souhait. Je viens de vous dire que j'espère le respect des règles. Mais si le Président de la République rend impossible le fonctionnement des règles, alors, oui, il devra s'en aller. Parce que sinon, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ? On ne va pas rester sans gouvernement où toutes les semaines, changer de gouvernement avec un vote de censure, vous comprenez, ce n'est pas possible. ».

    "Moi, je ne souhaite pas la démission"... mais il l'a dit avec une telle force d'envie, de rage, que c'est assez peu crédible. C'est clair, il attend une occasion, et il va réclamer la démission du Président de la République. Auquel cas, il serait un vrai insoumis. La faute à Emmanuel Macron a bon dos : aujourd'hui, c'est la volaille du NFP qui est incapable de s'entendre sur un chef. Et un chef de quoi ? D'aucune majorité !

    Le problème, c'est que dans ses raisonnements, il n'y a que des biais, des oublis historiques, des erreurs, et des mensonges. Le principal mensonge, car il n'est pas idiot, c'est de clamer matin midi et soir, depuis le 7 juillet à 20 heures 02 que le NFP avait gagné les élections, qu'il était majoritaire. La réponse objective est non : à cause de cette situation tripartite, personne, aucun camp n'a gagné, et c'est pour cela qu'il va falloir qu'ils travaillent ensemble pour arriver à un gouvernement commun. Sûrement pas en restant obstinément dans cette position : le programme (très dangereux) du NFP, rien que le programme, tout le programme ! Celui-ci n'est approuvé que par 28% des électeurs et 31% des députés, pas plus ! Et encore, grâce à la mécanique très efficace du front républicain. Le camp macroniste n'a jamais dit qu'il avait gagné, il a reconnu au contraire sa défaite, mais tout le monde a échoué, aucune majorité n'existe dans l'état actuel des forces politiques. C'en est même psychologiquement déstabilisant.
     

     
     


    Et il faut revenir à ce raisonnement de Jean-Luc Mélenchon qui ne veut rien que le programme : « Nous ne combinerons pas. Que monsieur Macron prenne la responsabilité de faire déposer contre notre gouvernement une motion de censure. Et ensuite, il verra, une fois notre gouvernement tombé. À notre tour nous voterons une motion de censure contre la droite. Il ne lui restera plus qu'une issue. S'en aller, lui. Parce qu'il y a toujours une solution... ».

    Voilà la stratégie du chaos institutionnel dit très explicitement par Jean-Luc Mélenchon, comme si les institutions étaient un jeu de société où on a du temps à perdre avec des gouvernements morts-nés. Il n'y a aucune raison que le Président de la République nomme un gouvernement dont la probabilité de censure est proche de 100%. D'ailleurs, c'est ce qu'il a indiqué : il nommera un Premier Ministre qui lui prouvera qu'il pourra gouverner avec cette Assemblée, c'est-à-dire qu'il a assez de soutien pour ne pas être censuré immédiatement.

    Pour Jean-Luc Mélenchon, il faut s'amuser avec des gouvernements et des censures pour arriver enfin à son résultat : la démission d'Emmanuel Macron. Il est exact que le candidat gourou a toujours refusé de reconnaître sa défaite et la victoire présidentielle d'Emmanuel Macron tant en 2022 qu'en 2017. C'est grave quand on veut donner tout le temps des leçons de démocratie. La première leçon, c'est de reconnaître sa défaite, de reconnaître les institutions, de respecter les institutions, et les personnes.

    Mais Jean-Luc Mélenchon a senti que le journaliste n'a pas compris son raisonnement. Alors il a repris l'explication plus précisément. Je la couperai pour en donner quelques biais, car tout pue l'intention de tromper intellectuellement ses interlocuteurs.

    Le supposé ex-futur Premier Ministre a répété comment il voyait l'avenir : « Si nous présentons un gouvernement et qu'il applique sa politique, et qu'il est censuré immédiatement, eh bien, nous respecterons la démocratie, il n'y aura plus de gouvernement. Mais en porteront la responsabilité ceux qui auront censuré. À leur tour, ils présenteront un gouvernement, de la droite et du centre, et nous le censurerons. Donc il tombera aussi. Par conséquent, il ne restera plus qu'une personne, et qui ne pourra pas dissoudre l'Assemblée, car la Constitution le lui interdit. Donc, il ne lui restera plus qu'une possibilité, s'en aller. ».

    Je coupe la tirade à cet instant, mais je la continuerai après. Déjà, cela n'a aucun sens, sinon un jeu de combines politiciennes, de nommer un gouvernement si on est sûr qu'il sera censuré deux jours plus tard. En ce qui concerne un gouvernement incluant des ministres insoumis, l'incertitude est nulle : s'il en était nommé un, le bloc central et le RN le censurerait, ce qui donnerait une majorité absolue.

    Quant à porter la responsabilité d'une censure, je suppose que le centre, la droite et l'extrême droite n'auraient aucune réticence à assumer pleinement et ouvertement le vote d'une mention de censure contre un gouvernement truffé d'insoumis, c'est même le principe d'une motion de censure, exprimer institutionnellement son désaccord ! Seulement, le sieur Mélenchon pense d'abord aux socialistes qui tremblent de peur de se faire traiter de traîtres, de fausse gauche par FI.
     

     
     


    En revanche, en cas d'un gouvernement de centre droit, les insoumis le censureraient probablement, cela ne fait aucun doute. Mais l'idée serait aussi de faire participer les socialistes au nom de l'intérêt de la République et du pays. Et la position du RN est également très claire, rappelée par la députée Edwige Diaz, vice-présidente du RN, qui a affirmé sur LCI le 18 juillet 2024 que le RN n'avait pas vocation à censurer un gouvernement de droite ou du centre.

    Il est apparemment des partis politiques qui savent mieux que Jean-Luc Mélenchon où se place l'intérêt national (et certainement pas dans l'ego d'un gourou vieilli et aigri). J'ajoute d'ailleurs que ce vendredi soir, l'élection, dès le premier tour, des deux vice-présidentes insoumises de l'Assemblée (Clémence Guetté et Nadège Abomangoli), s'est produite grâce aux voix du RN, ce qui ne semble pas trop émouvoir les insoumis ! (d'autant plus que le RN n'a plus de vice-présidence lui-même).

    Le patriarche de la lettre phi a poursuivi sa démonstration : « Ce que je veux vous dire, c'est que nous sommes en train de passer d'une situation de crise démocratique, ça ne collait pas, à une situation de crise de régime, et que l'auteur de cette situation est le Président de la République. Donc, il y a toujours le retour aux urnes. La première fois, c'était en renvoyant chez eux les députés. La prochaine fois si tout est bloqué, c'est qu'il s'en aille lui-même. ». Je coupe ici.
     

     
     


    Là encore, beaucoup d'inepties. C'est Jean-Luc Mélenchon qui parle de crise de régime, et lui seul. Il n'y a pas de crise de régime. Juste des partis politiques incapables de s'entendre. L'élection de la Présidente de l'Assemblée Nationale s'est déroulée calmement, normalement, démocratiquement, quasi-courtoisement (poignées de mains exceptées). Il n'y a pas de crise de régime. La crise de régime, c'est quand il n'y a plus d'institutions. Celles de l'Assemblée Nationale sont bien là, même si, effectivement, la situation est nouvelle, plus compliquée surtout parce que nouvelle, un peu comme lors de la première cohabitation.

    Ensuite, je veux exprimer un élément qui est absolument essentiel, fondamental. C'est faux de dire que « l'auteur de cette situation est le Président de la République ». Oui, bien sûr, Emmanuel Macron a dissous l'Assemblée, et je crois que, encore aujourd'hui, personne (à part lui ?) n'a compris ce geste. En revanche, il avait le droit de dissoudre, le droit d'appliquer cette partie de la Constitution. La situation potentiellement de blocage ne provient pas de la dissolution. Revenir aux urnes est même l'alfa et l'oméga de toute démocratie. Les risques de blocages, la difficulté d'une répartition tripartite de l'Assemblée, ce n'est pas du fait d'Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon oublie simplement qu'il y a eu le peuple, simplement, qui s'est exprimé. Et son expression était partagée, contrastée, compliquée à conclure. En d'autres termes, la dissolution, c'était la prise de température, le thermomètre, pas la maladie. La température, c'est simplement la parole du peuple, parole complexe. C'était au contraire très courageux d'avoir dissous. Le Président de la République l'a d'ailleurs dit : il aurait pu confortablement faire le dos rond et attendre que les choses se passent.

    Dans la suite du raisonnement, Jean-Luc Mélenchon a encore prétendu qu'il ne voulait pas de la démission d'Emmanuel Macron : « Mais ce que je suis en train de dire n'est ni un souhait ni un ordre ni une consigne, c'est un état de fait. Si le Président de la République joue la crise politique avec un gouvernement du nouveau front populaire, à la fin, il ne restera plus qu'une issue, puisqu'il ne peut plus redissoudre l'Assemblée, c'est son propre départ. ».

    Mensonge, ce qu'il a raconté. Car l'impossibilité de la dissolution resterait la même avec la démission du Président de la République. Une nouvelle élection présidentielle avant un an ne débloquerait donc pas la situation à l'Assemblée car le blocage ne proviendrait pas de l'Élysée (il n'en aurait aucun intérêt) mais de l'absence de majorité, même relative. Jean-Luc Mélenchon fait comme s'il avait lui-même une majorité absolue à l'Assemblée. Ce n'est pas le cas. Il faut qu'il se réveille au lieu d'endormir les Français !

     

     
     


    Le raisonnement reste toujours confus : on ne sait jamais s'il reproche à Emmanuel Macron de ne pas avoir nommé de gouvernement NFP dont le Premier Ministre n'a pas encore été identifié ou s'il considère qu'il va encourager les députés à censurer un tel gouvernement. Mais qu'importe, car il faut résumer la pensée mélenchonienne relativement claire : Macron caca, panpan féfesse et ouste, à moi l'Élysée !

    Et puis est arrivée une logorrhée d'histoire vaguement mal digérée : « Entendez-moi bien, on n'est plus dans un jeu de vote, d'astuces, je suis en train de décrire une crise de régime, et le Président de la République conduit le pays à une crise de régime (…). Donc, après un certain moment donné, en quelque sorte pour que la France respire, il faut que lui comprenne que ou il change de pratique, c'est-à-dire ou il se soumet, ou bien il se démet. Cela s'est déjà passé dans l'histoire de France, au moins trois fois, chaque fois que le Président a engagé sa responsabilité en 1924, à la sortie de la Troisième République, ou le Président De Gaulle. Le Président De Gaulle avait engagé sa responsabilité sur le succès d'un référendum. Il l'a perdu, il est parti le lendemain matin. Donc, ce n'est pas nouveau en France et c'est la démocratie. (…) Nous ne participerons pas à un gouvernement qui ne prend pas l'engagement d'appliquer le programme, quelle que soit la forme par laquelle..., on ne nous tordra pas les bras, nous, on restera fidèle à la parole donnée aux électeurs. ». Sauf que les électeurs ont raconté une autre histoire que celle-là. Crise de régime ? À moins que je n'ai pas bien compris qu'il s'agissait de diététique ?

    Je suis même un peu déçu de cette pauvreté intellectuelle de Jean-Luc Mélenchon. Il a parlé de trois références historiques, mais je n'en vois qu'une à peu près pertinente dans ce qu'il a dit : la démission du Président Alexandre Millerand en 1924, car il avait en effet pris parti pendant la campagne des élections législatives en faveur du Bloc national (majorité sortante) et c'est le Cartel des gauches (déjà un cartel électoral !) qui a gagné. Le parti radical majoritaire (Édouard Herriot) a alors fait une grève des Présidents du Conseil, obligeant le Président de la République à démissionner. Mais la situation de 1924 n'a rien à voir avec celle de 2024 : le Cartel des gauches avait la majorité absolue de l'Assemblée et pouvait se permettre de défier le Président de la République.

    Il a évoqué la fin de la Troisième République : quel rapport avec la situation de 2024 ? La Troisième République est tombée en juillet 1940 par le chef du gouvernement lui-même qui a éliminé le Président de la République pour faire sa Révolution nationale (c'était Pétain). Il n'y avait aucune majorité ni aucune Assemblée dans cette affaire, c'était la même Assemblée que celle du Front populaire (le vrai, lui, le seul) élue en 1936 qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain qui était déjà le chef de l'exécutif. Albert Lebrun n'a jamais pris parti à rien (c'est d'ailleurs ce que je pourrais lui reprocher).

    Quant au troisième exemple, complètement différent : l'échec du référendum et la démission de De Gaulle, en 1969, encore une fois, cela n'a rien à voir avec 2024. Les historiens évoquent plutôt un prétexte pour quitter glorieusement le pouvoir alors qu'il n'avait pas terminé de rédiger ses mémoires et sa femme Yvonne aspirait au calme et à la tranquillité. Là encore, le "non" au référendum était majoritaire, d'une majorité absolue, rien à voir avec les 31% de députés de l'Assemblée aujourd'hui pour le NFP. De plus, l'échec au référendum n'a pas, par la suite, entraîné la démission du Président de la République : François Mitterrand l'avait exclu en 1992 en cas d'échec du référendum sur le Traité de Maastricht, et Jacques Chirac n'a pas démissionné après l'échec du référendum sur le TCE en 2005.

    En revanche, Jean-Luc Mélenchon a oublié un épisode de la Troisième République beaucoup plus intéressant, avec la fameuse crise politique du 16 mai 1877 : après la dissolution d'une Assemblée devenant de moins en moins monarchiste et de plus en plus républicaine, le Président monarchiste, le maréchal Patrice de Mac Mahon a été sommé par Léon Gambetta de « se soumettre ou se démettre » (discours du 15 août 1877 à Lille). Finalement, l'histoire a retenu qu'il a fait les deux, laissant gouverner un gouvernement républicain puis, refusant certaines nominations d'officiers (il était maréchal de France), il a démissionné le 30 janvier 1879 (près de deux ans après la crise). Mais là encore, il y avait une majorité absolue favorable aux républicains, rien à voir avec 2024.

     

     
     


    On le voit bien aujourd'hui, Jean-Luc Mélenchon, c'est le naufrage de la vieillesse. Un naufrage politique, mais aussi un naufrage intellectuel. Il croit épater ses adeptes avec des raisonnements trompeurs et biaisés, servis par de fausses références historiques. S'il fallait chercher une comparaison historique, il suffirait simplement de regarder la Quatrième République, entre 1947 et 1958. Pendant onze ans, aucune majorité absolue d'un camp, étriqué entre un RPF très à droite et un PCF très à gauche, tous les deux très puissants. Les forces centrales très différentes (SFIO, radicaux, démocrates chrétiens du MRP, républicains indépendants du CNIP et quelques gaullistes républicains sociaux, plus quelques micro-partis de centre gauche) ont dû négocier en permanence pour former un gouvernement, le renverser ensuite sur un sujet bien particulier, puis en renommer un nouveau, etc. Ils ont cependant réussi à s'entendre et la France des années 1950 a été en pleine croissance, en pleine reconstruction, avec une natalité flamboyante et de nouveaux droits sociaux. Et aucune dette, aucun déficit !

    Aujourd'hui, c'est Jean-Luc Mélenchon qui met en danger la République et la démocratie. C'est son sbire Adrien Quatennens (qui n'est plus député), soufflé par son chef, qui voudrait une marche sur Matignon, comme si la rue allait s'opposer aux urnes. C'est la secrétaire générale d'une CGT complètement mélenchonisée qui voudrait mettre sous surveillance l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire les représentants du peuple, en oubliant que la Constitution interdit absolument qu'un seul député soit sous pression pour exercer son mandat issu du peuple (article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. »). La dernière pression sur les députés, c'était le 6 février 1934.

    Que Jean-Luc Mélenchon souhaite le pire pour la France, souhaite voir encourage le chaos institutionnel pour tenter de prendre le pouvoir par d'autres moyens que démocratiques, cela ne m'étonne pas, il a toujours été un enragé. Ce qui m'inquiète, c'est quel intérêt les socialistes ont-ils à rester ligotés au fond de la soute à bagages, ainsi malmenés par les insoumis ? Est-ce le syndrome de Stockholm ? En tout cas, il est clair que les socialistes doivent sortir de l'emprise sectaire du mélenchonisme populiste. Certains ont déjà parcouru le chemin, comme Jérôme Guedj ou Raphaël Glucksmann, mais ils sont peu nombreux. Il revient à François Hollande d'éclairer ce chemin, lui qui a été insulté encore très récemment, le 15 juillet 2024 (l'effet punaises de lit).

    Pas facile d'être socialiste quand Olivier Faure est à la tête d'un PS mélenchonisé. C'est toujours très difficile psychologiquement de quitter une secte. On le voit aujourd'hui. Mais c'est la seule voie du salut pour ne pas décevoir leurs électeurs qui ne comprennent pas leurs enfantillages actuelles. Ce n'est pas une adversaire mais bien une membre à part entière du NFP qui a dit ceci : « Je suis en colère, écœurée, je suis fatiguée, j'en ai marre, je suis désolée du spectacle qu'on donne aux Français et aux Françaises. ». Marine Tondelier ne doit pas être la seule...



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240719-melenchon.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-28-la-strategie-255934

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/19/article-sr-20240719-melenchon.html