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  • François Fillon réagit à la dissolution dans "Le Figaro" (18 juin 2024)

    « Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





     

     
     

    J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

    Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

     
     


    Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
     

     
     


    Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

    Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


    D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

    L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

     

     
     


    Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

    Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


    En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

    Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

    Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

    Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

     

     
     


    Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

    Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

    Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

     

     
     


    Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

    Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

    Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.

     
     


    La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

    Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Nicolas Sarkozy.
    François Fillon.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240618-fillon.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/19/article-sr-20240618-fillon.html





     

  • Nicolas Sarkozy réagit à la dissolution dans le JDD (15 juin 2024)

    « Moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. (…) Moi, j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. » (Emmanuel Macron, le 18 juin 2024 après la commémoration de l'Appel du 18 Juin).





     

     
     

    J'ai écrit que la dissolution de l'Assemblée Nationale et la campagne éclair des élections législatives faisaient ressortir les vieux dinosaures de la vie politique. C'est le cas de François Hollande (qui se présente dans une coalition de gouvernement avec le NPA et FI !), c'est aussi le cas de Lionel Jospin qui, tous les deux, aveuglés par la peur d'un gouvernement RN, sont prêts à s'allier avec ce qu'il y a de plus abject à l'extrême gauche (l'histoire le rappellera un jour très sévèrement). C'est le cas aussi de Manuel Valls qui, au nom de la même gauche que celle des deux précédents (Manuel Valls était le conseiller à Matignon de Lionel Jospin et le Premier Ministre de François Hollande), a condamné avec force la nouvelle farce populaire autant que l'extrême droite pour soutenir le camp présidentiel.

    Mais c'est bien sûr aussi le cas à droite et au centre droite. Du trio des ténors de l'UMP puis de LR qui ont dominé la droite républicaine pendant deux décennies, seul Alain Juppé est soumis à son obligation de réserve en raison de son appartenance au Conseil Constitutionnel (qui statue sur la régularité des élections législatives), mais les deux autres ont réagi aux événements politiques accélérés de ces derniers jours, l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy le 15 juin 2024 dans une interview au "Journal du dimanche" (interrogé par Geoffroy Lejeune et Antonin André), et l'ancien Premier Ministre François Fillon, qui avait pourtant tourné la page de la politique, le 18 juin 2024 dans une tribune au journal "Le Figaro". Ces deux ténors majeurs de LR ne disent d'ailleurs pas tout à fait la même chose.

     
     


    Pour les deux, comme pour Lionel Jospin et comme pour beaucoup de Français, il y a une incompréhension de cette dissolution. L'effet d'une douche froide. Mais après tout, De Gaulle avait fait la même chose deux fois en dix ans. Lire à la fin de l'article la justification présidentielle.
     

     
     


    Nicolas Sarkozy ne comprend pas cet appel aux urnes quelques heures seulement après les élections européennes qui étaient déjà une écoute du peuple : « Donner la parole au peuple français pour justifier la dissolution est un argument curieux puisque c’est précisément ce que venaient de faire plus de 25 millions de Français dans les urnes ! On donne la parole aux Français quand ils ne se sont pas exprimés depuis plusieurs années, pas juste après une consultation électorale. ».

    Et d'ajouter qu'il est peu probable que les Français ne disent pas la même chose en trois semaines d'intervalle : « Le risque est plus grand qu’ils confirment leur colère plutôt qu’ils ne l’infirment. ». Mais cela n'a pas beaucoup de sens de commenter la pertinence de la dissolution, car elle s'impose à tous.


    D'où cette sentence contre la décision présidentielle : « Cette dissolution constitue un risque majeur. Pour le pays, déjà fracturé, parce que cela peut le replonger dans un chaos. Et pour le Président, à qui il restait trois ans de mandat, et dont j'aurais préféré qu'il les utilisât pour accomplir ce que les Français souhaitent. ». Ces propos sont un tantinet démagogiques, mais il faut remarquer l'emploi de l'imparfait du subjonctif, très rare dans la classe politique et chasse généralement gardée de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen).

    L'ancien Président de la République a notamment regretté de ne pas avoir assez influencé Emmanuel Macron sur les thèmes de la droite nationale : « C'est le plus important, je n'ai pas réussi à le convaincre que la matrice politique de la France s'incarnait dans ces trois mots : identité, sécurité, autorité. ». Ce à quoi Lionel Jospin a répondu : « Liberté, égalité fraternité » !

     

     
     


    Sur l'éviction du président de LR Éric Ciotti, Nicolas Sarkozy ne partage pas son point de vue d'une alliance LR-RN parce qu'il considère que cela serait suicidaire pour LR dans la situation actuelle. Il s'est opposé à la fois sur le fond (pas d'alliance avec le RN) et sur la forme (il n'avait pas à prendre la décision arbitrairement tout seul) : « Je suis attaché à mes convictions. Je ne partage pas les siennes, mais pourquoi ne pourrait-il les défendre ? En revanche, il a eu le tort de trancher un débat avant qu'il ait pu prospérer. ». Du reste, des personnalités comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau se sont senties trahies personnellement par Éric Ciotti alors qu'ils l'avaient eu au téléphone très peu de temps avant sa déclaration d'alliance.

    Pour autant, Nicolas Sarkozy rejette toute diabolisation du RN car cela ferait son jeu. Il faut le combattre politiquement, pour les mesures qu'il défend, et pas moralement : « Le RN a fait un travail sur lui-même qui est indéniable. Combattre le Rassemblement national comme s'il n'avait pas changé, comme s'il y avait toujours le Jean-Marie Le Pen "du détail", serait une erreur grossière... ».


    En revanche, l'ancien locataire de l'Élysée veut diaboliser la nouvelle farce populaire avec ses partis extrémistes : « LFI par son communautarisme, ses propos aux limites de l'antisémitisme, son engagement militant auprès du Hamas, est beaucoup plus problématique aux regards des règles républicaines que le risque fantasmé de peste brune. ». Ainsi, entre la peste RN et le choléra NFP, il a probablement déjà choisi même s'il ne le dit pas explicitement.

    Quant à l'union des gauches, Nicolas Sarkozy l'a toujours envisagée et c'est probablement l'erreur politique d'Emmanuel Macron, elle s'est faite en juin 2022 malgré plusieurs candidats à l'élection présidentielle. Et il a rappelé : « Je n'ai jamais douté que la gauche referait son unité. Déjà en 2012, Jean-Luc Mélenchon s'était précipité dans les bras de François Hollande en dix minutes. Parce que quand le pouvoir est à portée de main, la gauche se rassemble. ».

    Nicolas Sarkozy s'est fait également directeur des ressources humaines et a commenté l'ambition démesurée de Jordan Bardella : « [Il] a du talent (…). Il lui reste, et c'est une grande question, à combler un manque d'expérience puisqu'il n'a jamais été en situation de gérer quoi que ce soit, et qu'il a moins de 30 ans. ».

    Lui qui avait tenté de convaincre Emmanuel Macron de faire un véritable contrat de gouvernement entre LR et la majorité présidentielle en 2022, il reste donc sur une position intenable : ni NFP, ni RN, ni Macron. Aujourd'hui, LR n'existe plus parce que ce parti a implosé par le ciottisme. Il lui faudra effectivement choisir entre ces trois "blocs" (terme que je n'aime pas du tout car cela fait comme si on bétonnait la vie politique, même s'il y a une belle référence historique avec le Bloc national de Clemenceau en novembre 1919).

     
     


    Parlons maintenant de la tribune de François Fillon. La position de l'ancien candidat à l'élection présidentielle de 2017 est un peu différente même s'il rejette à la fois le RN et le NFP. Lui-même au soir du premier tour de l'élection présidentielle de 2017 avait été très clair : il avait appelé sans hésitation à soutenir Emmanuel Macron au second tour pour empêcher l'éventualité de l'élection de Marine Le Pen (beaucoup au sein de LR avaient été bien moins clairs à l'époque).

    Toutefois, il faut aussi se souvenir qu'Éric Ciotti est un bon ami de François Fillon. Dans sa querelle fratricide contre Jean-François Copé au sein de l'UMP en 2012-2013, François Fillon avait pu compter sur le soutien indéfectible d'Éric Ciotti.

    Comme pour l'ancien chef de l'État, l'ancien Premier Ministre a d'abord sérieusement attaqué l'alliance à gauche : « Le nouveau programme commun de la gauche fait apparaître celui de 1981 comme une bluette social-démocrate. Le comportement de LFI depuis son irruption à l'Assemblée est incompatible avec notre pacte républicain. ».

     

     
     


    Mais il a aussi critiqué très vertement les idées du RN : « Je persiste à penser que l'extrême droit, malgré sa mue, n'est pas en mesure de redresser notre pays. Mais, pire encore, l'extrême gauche qui menace l'unité nationale doit être implacablement sanctionnée par les urnes. ». Le "pire encore" donne une idée de sa position s'il devait choisir entre les deux extrémismes.

    Enfin, troisième pôle de refus politique, ne pas se soumettre à Emmanuel Macron : « Il faudra beaucoup d'efforts au chef de l'État pour éteindre le feu électoral qu'il a sciemment allumé. ». Toute l'opposition à Emmanuel Macron réside dans ce "sciemment".

    Faut-il retourner aux sources de la Cinquième République ? Je rappelle donc qu'après la décision de dissoudre l'Assemblée prise par De Gaulle le 9 octobre 1962 (à la suite de l'adoption d'une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou), la plupart des députés gaullistes étaient sidérés et considéraient cette initiative de la dissolution comme un suicide collectif (on parle aussi de suicide politique pour le référendum du 27 avril 1969). Les ministres sortants se préparaient à la défaite électorale, retrouvaient un emploi à leurs conseillers et se disaient que c'était déjà pas mal d'avoir gouverné quatre ans en résistance au régime des partis.
     

     
     


    La réponse d'Emmanuel Macron est très claire, puisque beaucoup de Français l'ont interrogé sur le sujet. Ainsi, le 18 juin 2024, sur l'île de Sein, il répondait à une dame très inquiète (et pas du tout impressionnée) : « Quelle a été la conviction du Général De Gaulle en 1940, puisque vous faites référence à cette mémoire ? Une confiance dans les Françaises et les Français, forte. Le chaos, il est lié à quoi ? À certains élus de la République qui, chaque semaine, au Parlement, font le désordre et donnent un spectacle qui n'est pas celui que vous voulez et que je ne veux non plus. Vous ne pouvez pas continuer comme ça. Il faut regarder les choses en face. Et qu'il y ait eu un coup de colère, vous savez, je suis le premier à qui ça a fait mal le 9 juin. Les résultats. Je l'ai pris vraiment pour moi, ça m'a fait mal. Et donc, en mon âme et conscience, c'est une des décisions les plus lourdes que j'ai eu à prendre, Madame. Si je pensais à moi, vous savez, je serais resté à mon bureau et j'aurais dit : on va continuer comme si de rien n'était. Mais on doit ouvrir les yeux. On ne peut pas laisser monter les extrêmes et la colère en disant : c'est comme si de rien n'était. Et donc, moi, j'ai confiance dans le peuple ! C'est le geste le plus démocratique et républicain qu'il soit, celui que j'ai fait. C'est de dire à vous toutes et tous : il y a une colère qui s'exprime, moi, je l'entends. Et je vous dis, quel que soit le résultat, de toute façon, il y aura un jour d'après. Sur les sujets de sécurité, de fin de mois, on devra aller beaucoup plus vite et plus fort parce qu'il y a une partie de cette colère qui est liée à cela. Mais je dois redemander un vote de confiance aux Françaises et aux Français. Mais moi j'ai confiance dans le bon sens. Je pense qu'il y a une majorité silencieuse qui, comme vous, ne veut pas les extrêmes et qui, comme vous, ne veut pas que ce soit le désordre. Donc, je ne l'ai pas fait pour moi, je ne l'ai pas fait sur un coup de sang, ce n'est pas un coup de dés, c'est un geste de confiance républicain. On ne peut pas craindre le peuple dans une démocratie. (…) Mais pourquoi vous voudriez qu'il y ait le chaos ? Il y a le chaos quand les choses se bloquent. On a connu tous ensemble les gilets jaunes, et on l'a connu pourquoi ? Parce que les gens n'adhéraient plus aux réformes, la vie était dure. Il y a quelque chose qui a émergé, d'ailleurs qu'on a eu du mal à anticiper, il a fallu le régler, ça a mis quelques mois. Mais pour les élections, ce n'est pas le chaos, c'est la démocratie. Et donc, elle suppose le respect. Encore une fois, moi, j'ai confiance en l'intelligence des Françaises et des Français. ».

    Cet esprit de la pratique des institutions, c'est celui de De Gaulle en 1962, en 1968 et en 1969, c'est aussi celui de François Mitterrand en 1992 et c'est celui de Jacques Chirac en 2005. Aller aux urnes pour écouter le peuple, même quand le peuple est en colère, surtout quand le peuple est en colère. Au moins, on ne pourra pas le reprocher à Emmanuel Macron. Il ne reste plus qu'à mobiliser la "majorité silencieuse" ! Vaste affaire en si peu de temps.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Nicolas Sarkozy.
    François Fillon.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240615-sarkozy.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/16/article-sr-20240615-sarkozy.html




     

  • Marie-France Garaud et une certaine idée de la France

    « Nous sommes dans la situation où nous devons discuter les termes d'une nouvelle alliance dont la base serait une entente sur ce qui est essentiel, c'est-à-dire, la défense du monde libre, la défense des valeurs dans lesquelles nous croyons, qui nous sommes supérieures et que nous sommes chargés de défendre. » (Marie-France Garaud, le 15 avril 1981).




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    On apprend que Marie-France Garaud vient de s'éteindre ce mercredi 22 mai 2024. Elle avait eu 90 ans il y a près de trois mois, et sa santé était déclinante depuis quelques années. Il est difficile d'évoquer son souvenir dans l'histoire politique de notre pays car je ressens un double sentiment contradictoire : j'ai énormément de respect pour elle, son intelligence, son audace, son courage, sa ténacité et son désintéressement, mais il faut convenir que je n'ai pas du tout les mêmes convictions. Certes, l'amour de la France et vouloir sa grandeur nous unissaient, mais pour savoir quoi faire pour préserver la grandeur de la France, nous n'avions à l'évidence pas les mêmes options.

    Elle, elle prônait l'idéalisme dans une sorte de mythe gaulliste qui n'a jamais eu lieu. C'était du Zemmour puissance dix. Ce n'était pas : dans les années 1970, c'était mieux ! Car la Marie-France, elle ne supportait plus le RPR et le Jacques Chirac qui l'avait quittée honteusement pour préférer l'ambition aux convictions, selon elle. Elle, c'était peut-être les (fausses) images d'Épinal de De Gaulle en juin 1940, ou encore en septembre 1958, invoquant et incarnant la France. Elle était contre la globalisation, mais dire cela est assez inefficace sur que faire. C'est comme se dire contre la maladie, contre la guerre, contre les mauvaises choses qui nous arrivent. (Et pourtant, Marie-France Garaud n'est venue au gaullisme que tardivement car, séduite par Pierre Mendès France, elle avait voté non le 28 septembre 1958 au référendum sur la Cinquième République, et son zèle prétendu ultragaulliste venait qu'elle était une convertie récente).

    La globalisations des échanges (personnes et biens) est pour moi une chance pour la culture, pour l'économie, pour l'innovation, pour la curiosité intellectuelle, mais dans tous les cas, qu'on la veuille ou pas, elle est là, et personne ne peut l'empêcher d'être. Ou alors, il ne resterait qu'une solution, devenir un pays replié sur lui-même, il n'y en pas plus beaucoup, peut-être la Corée du Nord (et encore !).

    Et puis, il y a une autre réaction, celle de dire : la France n'est plus une puissance mondiale de premier ordre, c'est ainsi, c'est dommage, c'est regrettable mais à 70 millions d'habitants, on ne vaut pas grand-chose face au milliard d'habitants de l'Inde et de la Chine ou aux centaines de millions des États-Unis. Le seul moyen de maintenir une influence dans le monde, de préserver notre puissance nationale, c'est de changer d'échelle, de construire l'Europe avec un bloc de près de 500 millions d'habitants. L'Europe, c'est du pragmatisme, adopté dès son retour au pouvoir par De Gaulle lui-même qui a appliqué les premières années du Traité de Rome (il aurait pu le mettre à la poubelle). Emmanuel Macron est dans cette continuation de vouloir garder la France au top niveau, d'en faire un pays attractif pour ses investissements, son innovation, sa culture. Refuser la compétition internationale, c'est renoncer au combat, c'est admettre sans combattre que la France ne vaut plus rien, n'est plus capable d'être une puissance. Ce n'est pas une réaction de patriote.

    Alors, oui, Marie-France Garaud s'est fourvoyée, à mon sens, dans une sorte de nostalgie de grandeurs impossibles. Quand elle a voté pour Marine Le Pen en 2017, elle l'a fait, selon elle, pour refuser que les Allemands nous dictent leur loi. Au lieu de quoi, en votant pour Marine Le Pen, elle préférait que ce fussent les Russes qui nous dictent leur loi.

    Et pourtant, ce n'était pas faute d'être méfiante avec la Russie. Lorsqu'elle a été candidate à l'élection présidentielle de 1981, son allocution pour la campagne officielle était très claire, le 15 avril 1981 : « Ce soir (…), je veux vous parler de quelque chose qui sans doute est plus difficile mais qui me paraît dominer le reste. Parce que, je crois qu'il faut bien s'en rendre compte, nous sommes confrontés à un défi qui nous est imposé par une puissance étrangère, qui est l'Union Soviétique. Ce défi est fantastique. C'est le défi du communisme. Il met en cause notre liberté en tant qu'êtres humains et en tant que Français. Saurons-nous le relever ? De la réponse à cette question dépendent toutes les autres. Selon que nous serons libres ou pas, nous pourrons décider de notre avenir, nous pourrons décider des moyens et des politiques que nous voulons adopter, ou nous ne le pourrons pas. ».

    Elle n'avait pas vu venir l'écroulement comme un château de cartes de l'URSS en 1989-1991. Mais elle avait vu juste sur l'annexion inacceptable (c'étaient ses mots) de l'Afghanistan par l'URSS : « [Les Soviétiques] se sont réarmés, ils ont envahi l'Afghanistan et ils ont avancé dans deux directions qu'ils ont très clairement définies : le Golfe pour nous priver du pétrole et l'Afrique par Libye et Cuba interposés, pour nous priver des matières premières. ».

    Elle a ainsi reproché à Valéry Giscard d'Estaing d'être allé à Varsovie le 19 mai 1980 rencontrer Brejnev : « Ce qui s'est dit à Varsovie, mais ça n'a aucune espèce d'importance. Ce qui est versé dans les archives que nous pourrons lire dans trente ans, n'a aucun intérêt. Le fait politique, ce n'est pas le contenu de la conversation. C'est le fait d'aller à Varsovie. C'est le fait qu'après une invasion déclarée inacceptable, le chef d'État d'un des pays champions de la liberté se rende dans une démocratie populaire, rendre visite à l'agresseur sous la garde des autorités militaires soviétiques. Ça, c'est un fait qui a une double signification. D'une part, nous nous sommes désolidarisés d'avec le monde libre, et d'autre part, nous avons accepté ce que nous avions déclaré inacceptable. ».

    Et de décrire ce que finalement Emmanuel Macron a fait à propos de l'Ukraine en faisant jouer les rapports de forces : « Il aurait fallu réunir autour de nous nos alliés (…). Il aurait été notre devoir de leur donner force, courage et unité pour que le monde libre puisse parler d'une seule voix, et dire ce qui était permis et ce qui était défendu, et que ce qui était défendu serait sanctionné. (…) Vous savez, non seulement la politique est une question de relations de forces, mais lorsqu'on est dans une situation de force, même relative, comme celle que je viens d'évoquer, il faut l'exploiter. C'est cela la vie politique, comme la vie tout court. ». C'était en effet sa conception de la vie politique.


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    Conseillère des coups tordus de Georges Pompidou, à Matignon puis à l'Élysée, puis de Jacques Chirac jusqu'à ce qu'il l'ait "répudiée" en 1979, Marie-France Garaud s'est en effet présentée à l'élection présidentielle de 1981. Comme neuf candidats sur dix, elle a fait du "Giscard bashing" (le mot n'existait pas encore dans la tête des journalistes), ce qui était assez normal pour un Président de la République sortant : « Comment ne comprend-il pas que si je critique sa politique étrangère, ce n'est pas pour abaisser la France. Au contraire, c'est parce que je pense que la politique qu'il mène conduit à un abaissement de notre pays. Oh, je ne dis pas du tout qu'il l'ait voulu ni qu'il l'ait souhaité, ni même qu'il l'ait consenti. Je pense qu'il est plein de bonnes intentions, mais je pense qu'il s'est trompé. Et je pense qu'il s'est trompé par orgueil. Il s'est cru plus intelligent que les autres, et en particulier, plus intelligent que les autres chefs d'État. Il s'est fait des illusions. Il s'est fait des illusions sur la détente. Il s'est fait des illusions sur l'Europe. Il s'est fait des illusions sur le Tiers-monde. ».

    On peut pourtant constater, avec quarante-trois ans de recul, que Valéry Giscard d'Estaing, au contraire, avait vu juste, en proposant l'élection au suffrage universel direct du Parlement Européen (elle-même a été candidate !), en proposant que les chefs d'État et de gouvernement se réunissent régulièrement en Conseils Européens, en proposant la création du G7 pour tenter d'harmoniser une politique monétaire mondiale qui nous était jusque-là très défavorable.

    On a l'impression que les opposants à Emmanuel Macron recopient presque mots pour mots l'amertume au venin de Marie-France Garaud dont le combat contre le communisme est devenu le combat contre l'Europe, sans voir aucune contradiction que son seul mandat électif était d'être élue députée européenne en 1999 sur la liste improbable de Charles Pasqua et Philippe de Villiers.

    Au-delà de sa puissance d'analyse hors du commun (malheureusement mal utilisée) et de sa ténacité (je l'ai vue à l'œuvre il y a moins d'une dizaine d'années encore discuter avec des souverainistes dans un couloir et sa passion restait intacte malgré l'âge), Marie-France Garaud, une grande amie de Simone Veil, était aussi une femme politique moderne. En fait moins politique que femme. Si elle, la haute-fonctionnaire, à la Cour des Comptes puis au Conseil d'État, n'a pas été au pouvoir, comme ministre, c'était parce qu'elle ne le voulait pas (justement, VGE le lui avait proposé en 1974), elle préférait rester dans les coulisses au service d'un candidat. Elle ne se voyait pas, pour paraphraser Charles Aznavour, en haut de l'affiche, en dix fois plus gros que n'importe qui... car elle préférait conseiller, influencer à exercer le pouvoir (du reste, c'était aussi la personnalité de Jean Monnet).

    Mais quand elle a perdu son candidat, elle n'a pas hésité à se présenter elle-même à l'élection présidentielle (à l'époque, c'était très rare, Arlette Laguiller l'avait fait avant elle en 1974 et Huguette Bouchardeau l'a fait en même temps qu'elle en 1981), et elle l'a fait très bien, avec autorité et crédibilité (elle a quand même obtenu 1,3% sur tout le pays), surtout, sans faire prévaloir sa féminité comme cela a été le cas dans les années 2000. Il faut dire que, malin, François Mitterrand (qui n'était pas encore élu), a aidé Marie-France Garaud à recueillir les 500 parrainages nécessaires (Jean-Marie Le Pen n'a pas pu atteindre cet objectif en 1981) afin de renforcer la division des voix dans le camp du centre droit.

    La voix de Marie-France Garaud s'était déjà un peu tue il y a quelques années et ses leçons de morale manquaient déjà à la classe politique. La grande dame vient de partir sur la pointe des pieds. Elle entre maintenant dans le grand livre d'histoire de France, celui des petites histoire comme celui de la grande histoire.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Marie-France Garaud.
    Marie-la-France.
    Texte intégral de l’Appel de Cochin communiqué par Jacques Chirac le 6 décembre 1978.
    Souverainiste sous venin.
    De Gaulle.
    Jean Foyer.
    Simone Veil.
    Georges Pompidou.
    Jacques Chaban-Delmas.
    Jacques Chirac.
    Pierre Messmer.
    Valéry Giscard d’Estaing.
    Pierre Juillet.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240522-marie-france-garaud.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/marie-france-garaud-et-une-254807

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/23/article-sr-20240522-marie-france-garaud.html




  • Lucien Neuwirth alias Lulu la Pilule !

    « Nous estimons que l'heure est désormais venue de passer de la maternité accidentelle et due souvent au seul hasard, à une maternité consciente et pleinement responsable. » (Lucien Neuwirth, le 1er juillet 1967 dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale).



     

     
     


    Il y a 100 ans, le 18 mai 1924 à Saint-Étienne, est né le parlementaire gaulliste et résistant Lucien Neuwirth. Ce dernier est mort le 26 novembre 2013 à Paris, à l'hôpital Sainte-Perrine, d'une infection pulmonaire, à l'âge de 89 ans. À son enterrement le 29 novembre 2013 (à Paris, avant une seconde messe le 2 décembre 2013 à la cathédrale de Saint-Étienne dite par l'évêque), étaient présentes des personnalités aussi différentes politiquement que Bernard Debré, Antoine Rufenacht, Gérard Larcher, Charles Pasqua, Najat Vallaut-Balkacem, Roger-Gérard Schwartzenberg, Paul-Marie Couteaux, Patrick Ollier, Marisol Touraine, etc.

    Pourquoi un tel unanimisme politique pour la mémoire de Lucien Neuwirth ? Tout simplement parce que ce responsable politique gaulliste a eu une carrière politique absolument exemplaire... et malgré tout, il n'a jamais été ministre (ce qui a été un grand tort des gouvernements dits de droite). S'il fallait ne garder qu'une seule chose de son action, c'est bien sûr la loi n°67-1176 du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances et abrogeant les articles L.648 et L.649 du code de la santé publique, dite loi Neuwirth, autrement dit, l'autorisation de la vente et de l'usage de pilule contraceptive. En ce sens, elle était la première loi sociétale avant la loi Veil, même s'il faut insister pour rappeler que la vraie première loi sociétale est l'ordonnance signée par De Gaulle qui a permis aux femmes de voter.

    Revenons d'abord à la trajectoire de Lucien Neuwirth et à ce que j'appellerais son baptême qui l'a consacré dans l'esprit de De Gaulle : fils d'une marchande de fourrure, Lucien Neuwirth était dans la boutique d'Yssingeaux (en Haute-Loire) le 18 juin 1940 (il avait 16 ans) quand il a entendu l'appel du 18 juin à la radio. Ce fut le coup de foudre : l'inconnu général disait exactement ce qu'il ressentait de la guerre, voyant passer tous les éclopés qui ont fui le pays vers le Sud à cause de l'avancée allemande. Il a voulu tout de suite le rejoindre à Londres, encouragé par sa mère (alors qu'en général, les parents freinaient ce genre d'ardeur dangereuse), mais il n'en a pas eu la possibilité matérielle immédiatement. En septembre 1940, il est retourné à Saint-Étienne où il est allé à la rencontre du rédacteur d'un article de journal qui voulait aussi résister. Autour de ce journaliste Jean Nocher et de lui, le groupe Espoir s'est créé pour diffuser un journal clandestin.

    Après l'arrestation de Jean Nocher en 1942, Lucien Neuwirth a décidé de rejoindre l'Espagne pour tenter de gagner le Portugal puis l'Angleterre. Par réseau, il a réussi à atteindre l'Ariège, puis a franchi la frontière espagnole en décembre 1942 (le passeur et le responsable de résistance de ces lieux furent par la suite arrêtés et fusillés). Mais il a été arrêté en Espagne par des gardes civils qui, en général, remettaient les prisonniers français aux Allemands. Heureusement, dans le camp de prisonniers, Lucien Neuwirth a fait la rencontre de deux ouvriers de Renault qui lui ont conseillé de se faire passer pour Canadiens, qui n'étaient pas remis aux Allemands. Il s'est finalement fait passer pour Américain (il parlait bien l'anglais) et s'est retrouvé dans un camp à Saragosse. Après des négociations entre les autorités espagnoles et le consul américain, Lionel Newton (c'était son nom d'Américain) a pu quitter le camp avec une dizaine d'autres ressortissants américains (ou supposés l'être) et fut acheminé à Algésiras puis Gibraltar où il était sauvé (territoire britannique).

    De là, il gagna l'Écosse par un navire venant d'Afrique du Sud puis arriva à Londres en juillet 1943 par un train... conduit par une femme cheminot (ce qui l'a étonné). Plus tard dans la guerre, il allait connaître une jeune Anglaise qui lui montra l'existence de contraceptifs en vente libre (depuis 1927 !). Lucien Neuwirth a donc rejoint De Gaulle et aurait voulu devenir pilote d'avion, mais la formation était trop longue à son goût, si bien qu'il s'est engagé parmi les parachutistes de la France libres, les SAS (Special Air Services). En mai 1944, il fut blessé à l'entraînement, ce qui l'empêcha de participer au Débarquement en juin 1944.

    À partir du 5 août 1944, Lucien Neuwirth a participé à la bataille de France. Parachuté dans le Morbihan (à Ploemel et Locoal-Mendon), il a pris part à de nombreux combats contre les Allemands, jusqu'aux Ardennes (il fut blessé en janvier 1945 par l'explosion d'une mine) puis aux Pays-Bas. Mais un parachutage le 7 avril 1945 a mal tourné et après la mort de beaucoup de ses compagnons, il s'est rendu avec les survivants de son commando, faute de munitions. Mais au lieu de les faire prisonniers, au mépris de toutes les lois de la guerre, les Allemands les ont mis devant un peloton d'exécution et les ont fusillés.

    Lucien Neuwirth n'ayant été que blessé, l'officier allemand s'est approché de lui et a tiré le coup de grâce en plein cœur. Le 7 avril 1945 aurait donc dû être le jour de sa mort, peu avant ses 19 ans. Mais parfois, il y a des miracles. Il a survécu parce qu'il avait gardé des pièces de monnaie dans son portefeuille qui lui ont protégé le cœur. D'habitude, quand ils partaient en mission, les parachutistes laissaient leur monnaie à ceux restés à la base pour se payer un pot en leur honneur. Mais il avait oublié de donner ces pièces avant de s'habiller et il y a renoncé pour ne pas tout retirer et remettre son barda (son lourd harnachement). Finalement, blessé, il a rejoint un camp de prisonniers et a réussi à s'évader pour rejoindre sa mère en deuil, car entre-temps, on lui avait appris la mort de son fils. David Portier, auteur d'un ouvrage historique de référence sur les parachutistes des SAS, a remis en doute la réalité de ce "miracle" raconté dans un livre par Lucien Neuwirth (voir son interview par Jean-Dominique Merchet le 27 novembre 2013 dans "L'Opinion").
     

     
     


    Après la guerre, le résistant est devenu un commerçant stéphanois. Dès avril 1947, Lucien Neuwirth s'est engagé au sein du RPF et s'est présenté en octobre 1947 aux élections municipales de Saint-Étienne, que sa liste a gagnées et il a été élu conseiller municipal. Réélu en 1953 en cinquième position, il fut élu adjoint chargé des affaires sociales jusqu'en 1965, réélu en 1959. Il a cependant échoué à se faire élire maire de Saint-Étienne en 1965 et 1971 (battu par le radical Michel Durafour). En 1951 et 1958, il a échoué aussi aux élections cantonales, et s'est fait également battre aux élections législatives à Saint-Étienne le 2 janvier 1956 (sous l'étiquette des républicains sociaux).

    En 1958, il a effectué une période de réserve comme officier de réserve... en Algérie. Il s'intégra alors au sein du Comité de salut public d'Alger formé le 13 mai 1958 qui réclamait le retour au pouvoir de De Gaulle (il faut bien noter que Lucien Neuwirth a ainsi pris part aux deux odyssées historiques de De Gaulle). Après ce retour au pouvoir, Jacques Soustelle, bombardé Ministre de l'Information, nomma Lucien Neuwirth à la direction de l'antenne algérienne de la RTF (future ORTF) de juin à novembre 1958.

    Cofondateur de l'UNR en octobre 1958, Lucien Neuwirth s'est fait élire pour la première fois député de la Loire le 30 novembre 1958, au second tour avec une très large majorité (77%) face à un conseiller municipal communiste de Saint-Étienne. Il fut réélu sans discontinuer jusqu'en 1981, en particulier en 1962, 1967 (face à Charles Hernu), 1968, 1973 et 1978 (face à un adjoint communiste de Saint-Étienne).

    Ses vingt-trois années de mandat ont été mis à profit pour l'intérêt général. Lucien Neuwirth était un député très actif (en outre questeur de l'Assemblée Nationale de 1962 à 1975, c'est-à-dire qu'il gérait matériellement l'Assemblée). Il a préparé une loi qui protégeait les sous-traitants, mais son grand combat fut pour la contraception. Il a présenté deux fois sa proposition de loi sur la contraception (parce qu'il y a eu des élections législatives entre-temps, en mars 1967). Dès 1957, il a rencontré le mouvement Maternité heureuse qui s'est transformé en Mouvement français pour le Planning familial.

    Ses collègues gaullistes, généralement beaucoup plus conservateurs, rejetaient le principe d'autoriser la pilule et Lucien Neuwirth fut même conspué, taxé de "fossoyeur de la France" (rien que ça). Ça a l'air délirant aujourd'hui mais finalement, on retrouve sur d'autres sujets ce même mouvement de lynchage sociétal. Simone Veil, plus tard, allait même subir bien plus d'insultes. Le premier texte a été présenté le 18 mai 1966, le jour de son 42e anniversaire, pour dire qu'il était favorable aux naissances, contrairement à ce qu'on disait, mais il voulait que les naissances fussent désirées et assumées par les parents, en particulier les mères. Il avait connu à Saint-Étienne, en tant qu'élu local, beaucoup de femmes en détresse par une grossesse non désirée. Il voulait modifier les articles 3 et 4 de la loi du 31 juillet 1920 qui réprimait la provocation à l'avortement et la propagande anticonceptionnelle. C'était aussi un proposition de François Mitterrand lorsqu'il était candidat à l'élection présidentielle de 1965.

    Au printemps 1966, Lucien Neuwirth a alors fait la démarche qu'il devait faire pour réussir dans son entreprise : aller s'entretenir avec le Général De Gaulle à l'Élysée, entre quatre yeux. Le Général, initialement très réticent (voir plus bas), l'a écouté silencieusement dérouler tout son raisonnement pendant cinquante minutes. Puis, après un silence, il lui a simplement lâché : « Vous avez raison ; transmettre la vie, c'est important. Il faut que ce soit un acte lucide. Continuez ! ». À partir de ce consentement, il a pu convaincre d'autres parlementaires gaullistes. D'autant plus que le 29 novembre 1967, les députés gaullistes ont pu voir Lucien Neuwirth s'entretenir publiquement avec De Gaulle lors d'une réception donnée par Jacques Chaban-Delmas, le Président de l'Assemblée Nationale. Ce qui valait soutien personnel (au grand soulagement du Premier Ministre, Georges Pompidou, qui lui a lâché après les législatives de 1967 : « Alors Neuwirth, vous allez être célèbre : le Général vient de faire inscrire votre proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée. »).


    Petit retour en arrière sur la pensée de De Gaulle : à l'issue du conseil des ministres du 24 novembre 1965, Alain Peyrefitte a proposé à De Gaulle de laisser le Parlement délibérer. Il lui répondit : « La pilule ? Jamais ! Qu'est-ce que ça veut dire "délibère" ? Ça veut dire que le Parlement votera une loi ? Jamais mon gouvernement ne déposera un tel projet de loi ! On ne peut pas réduire la femme à une machine à faire l'amour ! Vous allez contre ce que la femme a de plus précieux, la fécondité. Elle est faite pour enfanter ! Si on tolère la pilule, on ne tiendra plus rien ! Le sexe va tout envahir ! (…) Ça veut dire que j'accepterais que la population française, au lieu de croître, diminue ? (…) La femme ne se doit pas seulement à elle-même, elle se doit à son foyer et à son pays ! Elle a reçu le pouvoir de donner la vie ; elle doit rendre ce qu'elle a reçu. C'est bien joli de favoriser l'émancipation des femmes, mais il ne faut pas pousser à leur dissipation. C'est leur intérêt, elles ne s'épanouissent vraiment que dans la maternité. C'est l'intérêt de la France, dont la démographie s'effondrerait si on adoptait la pilule. Introduire la pilule, c'est préférer quelques satisfactions immédiates à des bienfaits à long terme ! Nous n'allons pas sacrifier la France à la bagatelle ! ».

    Il faut se rappeler que De Gaulle est né au XIXe siècle. Mais inutile de prendre ces paroles (fausses d'ailleurs, la démographie n'a pas baissé à partir de 1968) pour des paroles d'Évangile, puisque finalement, Lucien Neuwirth l'a convaincu. Au conseil des ministres du 24 mai 1967, en effet, De Gaulle a déclaré : « Sur la proposition Neuwirth, la position que le gouvernement prendra doit être positive, mais entourée de grandes précautions. En tout état de cause, une loi implique une action nataliste plus accentuée, pour un ensemble de raisons nationales et internationales. Que chacun de vous se prépare donc en conscience à ce débat d'une haute importance. ». Et au conseil des ministres du 7 juin 1967, c'était plié pour De Gaulle : « Les mœurs se modifient ; cette évolution est en cours depuis longtemps ; nous n'y pouvons à peu près rien. En revanche, il faut accentuer notre politique nataliste. Par quels moyens ? Ce sera en particulier dans le domaine du logement, sans pour autant contester la valeur des allocations familiales. (…) Quant à l'aspect religieux, croyez bien que j'y suis sensible. J'ai posé la question au pape, et il m'a répondu qu'il se ferait entendre bientôt sur ce sujet qui est complexe et difficile. ». Alain Peyrefitte a conclu dans ses notes le 6 septembre 1967 : « Le Général sait qu'il serait aussi vain de prétendre interdire cette évolution que de vouloir arrêter la marée en écartant les bras. C'est bien ce qu'il a dû penser quand, après les assauts de Pompidou, de Jeanneney et de Neuwirth, il s'est rendu à leurs raisons. ».

     

     
     


    Dans le cadre de la préparation du texte de Lucien Neuwirth, une commission spéciale a auditionné un certain nombre de personnalités qualifiées, en particulier Alfred Sauvy, François Jacob, Jacques Monod, Pierre Bourdieu, etc. Le 20 octobre 1966, François Jacob expliquait à la commission spéciale : « Le point que nous avons souligné l'année dernière, c'est que dans ce contexte, le problème de la reproduction humaine est un problème scientifique, que ce problème scientifique doit être étudié, qu'il est étudié, et qu'il n'y a aucune raison que les progrès et les connaissances acquises dans ce domaine ne soient pas communiqués à tout le monde. Autrement dit qu'il existe un système répressif pour empêcher la diffusion de la connaissance scientifique sur un des problèmes des plus importants. Il n'y a aucune doute que c'est un problème d'individu, c'est un problème de Nation, c'est un problème d'Univers. Le problème du développement de l'homme et de ce que l'homme veut faire, de savoir combien un couple veut avoir d'enfants, combien une Nation veut avoir d'enfants, combien l'Univers peut nourrir d'individus, c'est un problème qui ne sera pas réglé par la répression et par la peur, il n'y a aucun doute là-dessus. Je crois que c'est cela que nous voulions souligner quand nous avons accepté la présidence du Planning Familial. ». Le même jour, Jacques Monod : « Je suis profondément convaincu depuis très longtemps, qu'une part de la névrose qui atteint incontestablement beaucoup des sociétés modernes tient à ce décalage entre les prodigieux progrès de la connaissance scientifique et de la philosophie qui en ressort nécessairement et les habitudes quelquefois centenaires, quelquefois millénaires dans lesquelles nous vivons encore et que reflète en partie notre législation. ». Le 26 octobre 1966, c'était au tour d'Alfred Sauvy : « Si l'on veut donc que les enfants soient désirés, que la famille accomplisse son désir, ce qui est tout à fait normal, et conforme à nos idées démocratiques, il faut agir de deux façons dans le sens du refus possible d'enfant qu'on ne désire pas, et dans le sens aussi de l'acceptation de l'enfant qui est désiré. On a souvent cité le cas de la femme assez typique qui a recours à un avortement. Elle n'a pas pu avoir la troisième pièce qui lui était nécessaire pour son logement et elle s'est mise pour ainsi dire à la dimension ; on peut dire que l'offre de la société est le climat général. Le cas est certainement très typique et très sans doute fréquent. Mais la solution que l'on donne est incorrecte parce qu'on dit : il faut donner à cette femme le contraceptif né­cessaire pour qu'elle puisse n'avoir que deux enfants. Il faut lui donner d'une part le contraceptif nécessaire si elle ne tient pas à avoir un troisième enfant, ou au contraire la troisième ou la quatrième pièce. ». Le lendemain, Pierre Bourdieu : « Il est évident que la libération du souci, la libération pourrait se traduire immédiatement sur le plan du loisir et de la culture, et toutes les enquêtes en matière de fréquentation culturelle par exemple montrent que les femmes sont très profondément défavorisées sur ce terrain-là et que le désespoir intellectuel des femmes qui ne trouvent ni le temps de lire, ni le temps d'écouter autre chose que des chansonnettes qu'elles peuvent écouter tout en travaillant et en s'occupant des enfants, tout cela pourrait, me semble-t-il, être profondément changé. ».

    Lucien Neuwirth avait des alliés à gauche, notamment Marie-Claude Vaillant-Couturier et Jacqueline Thome-Patenôtre. La séance du 30 juin 1967 fut essentielle pour Lucien Neuwirth qui, à force de harcèlement à coups de rappel au règlement, a pu enfin inscrire sa proposition de loi à l'ordre du jour. Son texte (déposé de nouveau le 12 avril 1967) fut adopté en première lecture le 1er juillet 1967 par les députés (Lucien Neuwirth a réagi ainsi : « C’est un pas considérable vers une nécessaire amélioration des conditions d’existence de la femme, laquelle a supporté seule, jusqu’à présent, tout le poids de la fécondité. ») et le 5 décembre 1967 par les sénateurs, puis en seconde lecture le 14 décembre 1967 par les députés et le 15 décembre 1967 par les sénateurs, enfin, après une commission mixte paritaire, l'adoption définitive a eu lieu le 19 décembre 1967 à main levée, dans les deux assemblées, ce qui a conduit De Gaulle à le promulguer le 28 décembre 1967 alors qu'il se reposait à Colombey-les-Deux-Églises. Mais les derniers décrets d'application ont été signés seulement en 1972 (le 8 mars 1972 sur le stérilet et le 26 avril 1972 sur les établissements de planning familial).

     

     
     


    Par la suite, Lucien Neuwirth a été le défenseur de la loi du 4 décembre 1974 portant diverses dispositions relatives à la régulation des naissances (possibilité de remboursement par la Sécurité sociale, suppression de l'autorisation parentale), et il a bien sûr soutenu la loi Veil du 17 janvier 1975 sur l'IVG. Il a contribué aussi à la création, en janvier 1973, du Conseil supérieur de l'information sexuelle, de la régulation des naissances et de l'éducation familiale. Dans un entretien à la radio le 17 janvier 1975, Lucien Neuwirth déplorait le manque d'information des femmes et l'insuffisance des structures d'accueil : « Pour choisir, il faut avoir les moyens du choix. ». Et d'expliquer : « Il faut sortir de la confusion entre la connaissance intime des êtres, les relations interpersonnelles, et la maternité, le don de la vie. ».

    Au Palais-Bourbon, Lucien Neuwirth a été aussi le rapporteur du budget des constructions scolaires et universitaires de 1977 à 1980, il a défendu un texte sur la protection des animaux en 1963, la création d'une commission d'enquête sur la pollution du littoral méditerranéen en 1973, et a proposé en 1973 la possibilité d'organiser les élections un jour ouvrable. Il a par ailleurs refusé en 1960 les négociations avec les chefs du FLN, souhaité promouvoir l'action de la France en Algérie et être ferme sur le maintien de l'ordre en Algérie. Comme ancien commerçant, il s'est beaucoup investi dans l'examen du projet de loi sur l'assurance vieillesse des travailleurs non-salariés en 1972, sur le projet de loi d'orientation du commerce et de l'artisanat en 1973, etc. Il a cependant refusé de prendre part au vote sur la réforme du divorce en 1975 et au projet de loi Sécurité et Liberté du ministre Alain Peyrefitte en 1980. Malgré son gaullisme de gauche, il resta toujours membre de la formation gaulliste : RPF, UNR, UDR et RPR.

    Parallèlement à ses activités de parlementaires, Lucien Neuwirth a été très actif sur le plan local. Après deux échecs, il a été finalement élu conseiller général à Saint-Étienne en 1967, et a été réélu jusqu'en 1998. De mars 1979 à mars 1994, il a pris la succession de l'ancien Président du Conseil des ministres Antoine Pinay comme président du conseil général de la Loire. Toutefois, en mars 1977, il avait tenté une infidélité à son département en se présentant à la mairie de Cannes comme parachuté, mais la greffe ne s'est pas faite et il est retourné à sa terre natale.

    En juin 1981, Lucien Neuwirth a été emporté par la vague rose : il s'est fait battre aux élections législatives au second tour (avec seulement 47,7%) par un adjoint socialiste à Saint-Étienne, malgré un très bon premier tour (45,3%). Mais qu'importe ! Le 25 septembre 1983, il a rebondi sur le plan national en se faisant élire dès le premier tour sénateur de la Loire, puis réélu le 27 septembre 1992 (en 1983 et en 1992, il était président du conseil général, ce qui aidait beaucoup à une élection au sénat car le conseil général subventionne beaucoup de projets dans les communes). En revanche, il fut très largement battu aux élections sénatoriales du 23 septembre 2001 (9%). Il fut alors nommé en octobre 2001 membre du Conseil Économique et Social à la section des affaires sociales.

    Lucien Neuwirth fut aussi très actif pendant ses dix-huit années passées au Sénat (1983 à 2001), dont il fut questeur de 1989 à 1998. L'un de ses centres d'intérêt fut la promotion des soins palliatifs. À l'époque, la médecine était très peu sensibilisée sur la prise en charge de la douleur. Il fut le rapporteur et l'un des contributeurs de deux importantes lois : la loi n°95-116 du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social dans laquelle il a pu inclure, dans un amendement, l'obligation de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour prendre en charge la douleur d'un patient, et la loi n°99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l'accès aux soins palliatifs. En 1990, il a déposé une proposition de loi sur la création d'une allocation pour les situations de dépendance résultant d'un état de senescence. Dans un rapport en 2000, il évoquait la politique de lutte contre le cancer et a proposé le dépistage systématique du cancer du sein. Il a aussi promu le remboursement de la pilule du lendemain proposée dans la loi relative à la contraception d'urgence en 2000.


    Ses autres centres d'intérêt au Sénat furent notamment l'égalité des femmes, la défense des anciens combattants, le développement du mécénat, l'organisation d'une assistance juridique du Sénat au profit des collectivités locales, etc. Il a voté la création du RMI en 1988, la loi sur la RTT en 1998, et l'instauration du PACS en 1999. Ces trois réformes ont été mises en œuvre par la gauche, ce qui explique le caractère très unanime de l'hommage de la classe politique à son décès.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La mort d'un gaulliste.
    Lucien Neuwirth.
    Le vote des femmes en France.
    Femmes, je vous aime !
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Violences conjugales : le massacre des femmes continue.
    L'IVG dans la Constitution (3) : Emmanuel Macron en fait-il trop ?
    Discours du Président Emmanuel Macron le 8 mars 2024, place Vendôme à Paris, sur l'IVG (texte intégral et vidéo).
    L'IVG dans la Constitution (2) : haute tenue !
    L'IVG dans la Constitution (1) : l'émotion en Congrès.
    La convocation du Parlement en Congrès pour l'IVG.
    L'inscription de l'IVG dans la Constitution ?
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    Le mariage pour tous, 10 ans plus tard.
    Rapport 2023 de SOS Homophobie (à télécharger).
    Six ans plus tard.
    Mariage lesbien à Nancy.
    Mariage posthume, mariage "nécrophile" ? et pourquoi pas entre homosexuels ?
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    Ciel gris sur les mariages.

    Les 20 ans du PACS.
    Ces gens-là.
    L’homosexualité, une maladie occidentale ?
    Le coming out d’une star de la culture.
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    PMA : la levée de l’anonymat du donneur.
    La PMA pour toutes les femmes.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240518-lucien-neuwirth.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/lucien-neuwirth-alias-lulu-la-254485

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  • La vision européenne décevante d'Édouard Balladur

    « Mon engagement dans cette action est total. Seul son succès m'importe. Je m'y dévouerai exclusivement. (…) Ce sera difficile ? A coup sûr. Périlleux ? Peut-être. Indispensable ? Évidemment. (…) N'ayons pas peur du risque. Ensemble, nous allons bâtir le nouvel exemple français. » (Édouard Balladur, le 8 avril 1993 dans l'hémicycle).


     

     
     


    95 ans. C'est l'âge qu'atteint Édouard Balladur ce jeudi 2 mai 2024. Un âge canonique qui le fait intégrer dans le petit cercle des potentiels centenaires de la vie politique, comme l'est déjà Roland Dumas, et que n'ont pas été Jacques Delors et Robert Badinter (à quelques années près).

    S'il n'a pas été le premier des princes, à savoir Président de la République (il a raté la première marche le 23 avril 1995 avec seulement 18,6% des suffrages exprimés), Édouard Balladur, auteur de vingt-deux essais, a cependant eu deux rôles très importants dans la Cinquième République, celui de Premier Ministre entre 1993 et 1995, et celui de candidat à l'élection présidentielle, grand candidat, c'est-à-dire potentiellement gagnant. Et j'ajouterai aussi un rôle de théoricien, celui de la cohabitation par un article publié le 16 septembre 1983, cohabitation dont il fut doublement acteur.

    Édouard Balladur a bénéficié de sondages étonnamment flatteurs pendant sa période d'exercice du pouvoir. En général, quand on gouverne, on est impopulaire. Mais il a gouverné de manière à ne mécontenter personne. En ce sens, il a été peu courageux dans les réformes économiques et sociales (dont on ne retiendra pas ni les privatisations, loi n°93-923 du 19 juillet 1993, ni la réformette sur les retraites, loi n°93-936 du 22 juillet 1993, une des premières), les remettant après l'élection présidentielle. De plus, un jeu d'écriture comptable a allègrement faussé la réalité des finances publiques.

    En 1995, tous les leaders de l'UDF soutenaient le Premier Ministre Édouard Balladur dans son aventure électorale. Pour la confédération des partis centristes, il était l'homme idéal pour dégager définitivement Jacques Chirac de la vie politique. Membre moi-même de l'UDF, j'avais une analyse très différente. À l'origine, j'appréciais peu Jacques Chirac parce que j'avais fait campagne pour Raymond Barre en 1988 et j'ai vu le bull-doser chiraquien avec sa mauvaise foi, ses éléments de langage et sa machine électorale redoutable. Toutefois, dès lors que l'UDF serait absente directement de l'échéance présidentielle de 1995, ma réflexion se posait sur le choix entre Édouard Balladur et Jacques Chirac.

    Pour moi, en dehors de la personnalité qui leur est propre, aucune différence notable dans le programme politique n'existait, ce qui était d'autant plus vrai que c'était Jacques Chirac qui avait proposé Édouard Balladur à Matignon (du 29 mars 1993 au 17 mai 1995) après la vaste victoire de l'union UDF-RPR en mars 1993. De plus, Édouard Balladur, très proche du Président Georges Pompidou (il a été le Secrétaire Général adjoint, puis Secrétaire Général de l'Élysée du 5 avril 1973 au 2 avril 1974), et Jacques Chirac était lui-même le poulain de Georges Pompidou, ils provenaient donc de la même branche du gaullisme historique, celle du conservatisme social et libéral de la bourgeoisie de province. En outre, les supputations pour Matignon restaient les mêmes quelle que fût la victoire, Alain Juppé aurait été probablement nommé dans tous les cas, par Jacques Chirac qu'il avait soutenu loyalement sans plus trop y croire comme par Édouard Balladur qui aurait besoin de raccommoder sa majorité (à l'époque, on parlait aussi de Charles Pasqua puis de Nicolas Sarkozy à Matignon en cas d'élection d'Édouard Balladur).

     

     
     


    Donc, dans ma réflexion, mon choix devait partager des personnalités et pas des programmes politiques. Or, Jacques Chirac avait pour une fois la position de recul que n'avait pas Édouard Balladur. Ce dernier montrait une réelle distance avec le "vrai peuple", une distance assez méprisante voire arrogante, bien plus grande encore que Valéry Giscard d'Estaing sans son intelligence et son niveau d'analyse. Édouard Balladur était un rond-de-cuir de la politique qui a saisi une occasion improbable, celle d'être au pouvoir et de gérer le pays un peu par hasard et certainement pas pour faire l'histoire. Son thème de campagne était de « croire en la France » mais il fallait d'abord croire en Balladur.

    Jacques Chirac, dans le rôle du trahi et plus du traître qu'il a souvent été (Jacques Chaban-Delmas en 1974, Valéry Giscard d'Estaing en 1981, Raymond Barre en 1988, etc.), a fait d'ailleurs une excellente campagne présidentielle, partant justement du peuple, rencontrant toutes les forces vives du pays sans caméras, pour mieux comprendre la France et les Français. Son thème de la fracture sociale, suggéré par Philippe Séguin, était excellent, à tel point qu'il a réussi à rassembler également des suffrages d'électeurs de gauche déboussolés par l'effondrement du PS et les révélations sur le passé de François Mitterrand.


    Mon vote Chirac a donc été par défaut mais dès le premier tour, et je ne l'ai pas regretté en 2007, à la fin de ses deux mandats, même si j'étais fermement opposé à deux de ses décisions présidentielles importantes, la dissolution de 1997 et le référendum sur le quinquennat de 2000. Que reste-t-il de la période d'Édouard Balladur ? Rien. Alors que son successeur, Alain Juppé, est resté dans les mémoires, comme celui qui a tenté de réformer la Sécurité sociale. Quant à Jacques Chirac, il aurait sans doute été plus cohérent en nommant Philippe Séguin en mai 1995 et Nicolas Sakorzy en mai 2002 à Matignon. Mais il a laissé des discours mémorables, et historiquement essentiels, celui de la reconnaissance de la France dans la rafle du Vel' d'hiv' (en juillet 1995), de la mort de François Mitterrand (en janvier 1996) et aussi de son départ où il avouait, malgré sa pudeur, l'amour qu'il vouait aux Français et à la France (en mars 2007). D'autres ont retenu sa position contre l'intervention américaine en Irak, mais cette position n'était pas évidente et pas nécessairement sa première position spontanée.

    Et Édouard Balladur dans l'affaire ? Il a continué comme un "vulgaire" homme politique, ordinaire, cherchant en vain à conquérir un petit Graal, comme la présidence du conseil régional d'Île-de-France en mars 1998, puis la mairie de Paris en mars 2001, cette dernière bataille après une rivalité primaire contre Philippe Séguin. Député de Paris de mars 1986 à juin 2007, dans une circonscription imprenable à partir de 1988, et conseiller de Paris de 1989 à 2008, il n'a pas eu à batailler ferme pour maintenir ses propres mandats parisiens.

     

     
     


    Bien qu'à l'origine, il était spécialisé dans l'économie et le social (il a présidé des groupes industriels dans les années 1970), ce qui l'a bombardé Ministre d'État, Ministre de l'Économie et des Finances du 20 mars 1986 au 10 mai 1988, souvent appelé Vice-Premier Ministre, Édouard Balladur, comme tous les hommes d'État en retrait, s'est préoccupé surtout des institutions et des affaires étrangères. Ainsi, il a présidé la commission des affaires étrangères de l'Assemblée Nationale du 27 juin 2002 au 19 juin 2007 lors de son dernier mandat parlementaire (faute d'être élu Président de l'Assemblée Nationale le 25 juin 2002, recueillant seulement 163 voix sur 541, battu par Jean-Louis Debré avec 217 voix, puis unique candidat de droite au second tour), et il a présidé deux Comités Balladur, le Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions (nommé du 18 juillet 2007 au 29 octobre 2007), et le Comité pour la réforme des collectivités locales (nommé du 22 octobre 2008 au 25 février 2009), tous les deux issus de la volonté de Nicolas Sarkozy élu Président de la République et, en quelque sorte, faisant gagner Édouard Balladur à l'Élysée par procuration.

    Malgré la proposition de Nicolas Sarkozy de le nommer en février 2010 au Conseil Constitutionnel, le conseiller honoraire du Conseil d'État (diplômé de l'IEP Paris et de l'ENA) a décliné l'offre pour se consacrer à sa retraite. Au sein de l'UMP puis de LR, Édouard Balladur a soutenu François Fillon en novembre 2012, Nicolas Sarkozy en novembre 2016, François Fillon en avril 2017, Laurent Wauquiez en décembre 2017 et Valérie Pécresse en avril 2022. Il n'a jamais apporté son soutien à Emmanuel Macron et a même émis une appréciation très sévère contre ce dernier sur sa politique européenne.

    Auteur d'une note politique pour la fondation Fondapol publiée le 27 juin 2023, l'ancien Premier Ministre affirmait un certain euroscepticisme, assez étonnant de sa part : « Depuis trente ans, le monde a changé au détriment de l’Europe. La France a changé davantage encore et paraît atteinte dans ses forces vitales. L’Europe peut-elle contribuer à son redressement ? Rien n’est moins sûr. Des progrès ont été recherchés, mais dans un désordre qui a permis à la technostructure européenne d’accroître encore son pouvoir. (…) Il faut sortir de l’ambiguïté, la France doit demeurer souveraine dans certains domaines essentiels. L’Union n’est pas une organisation fédérale et ne doit pas le devenir. ». À croire que toutes ses belles paroles européennes des années 1990 étaient de l'hypocrisie électorale...

    Par cette analyse très décevante et sans innovation, il est revenu à son dada des cercles concentriques : « Avant tout élargissement, définir clairement la construction de l’Europe en cercles à compétences et à compositions variables, en faire un principe de base. ». Mais il n'a porté aucune proposition concrète sinon les yaka fonkon habituels, très stériles et très communs : « La France doit sortir du déclin qui la menace. La lutte contre les déficits, l’endettement, l’insécurité, et pour l’amélioration de la compétitivité, du système éducatif, hospitalier, pour la régulation effective de l’immigration, demeurent des compétences nationales. (…) Si la France veut survivre, l’Europe doit être réorganisée et la France doit demeurer responsable de son propre destin. ». On ne peut pas demander à une personne qui a eu 15 ans en 1944 d'imaginer le monde de 2030, encore moins de 2050. Ni être le vieux sage de la politique des années 2020 comme l'a si élégamment été Antoine Pinay entre 1974 et 1994.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Édouard Balladur.
    Le théoricien de la cohabitation.
    Le Comité Balladur de 2007.
    La cohabitation de 1986.

     

     
     





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