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  • 80e anniversaire du Débarquement : merci, les vétérans !

    « Les Français sont là parce qu'ils tiennent à ce moment de l'histoire. Quatre-vingts ans après, ce sont sans doute les dernières grandes célébrations où nous pouvons avoir des anciens combattants, des vétérans qui sont encore là, qu'on doit célébrer et chérir. C'est ça pour moi le premier objectif. » (Emmanuel Macron, le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2).



     

     
     


    C'est exactement là l'enjeu de ces nombreuses cérémonies de commémoration du Débarquement en Normandie les 5 à 7 juin 2024 : Saint-Lô, Cherbourg, Caen, Bayeux, etc. Elles ne seront pas les dernières, bien sûr, car la mémoire de la Seconde Guerre mondiale restera ancrée comme pour la Première Guerre mondiale, mais les prochaines ne se feront sans doute plus avec les acteurs ou même les témoins.

    Pour Emmanuel Macron, ce passage obligé était nécessaire. Il est sans doute le Président de la République qui commémore le plus. On se rappelle ainsi le centenaire du 11 novembre 1918. Mais encore heureux qu'il l'a fait, car beaucoup semblent avoir la mémoire un peu courte de l'histoire récente. Dans ce domaine, on n'en fait jamais trop, on ne martèle jamais assez. Comment ne pas prendre la volonté expansionniste russe de Vladimir Poutine au sérieux quand on connaît l'histoire des années 1930 ? La Crimée en guise d'Anschluss (annexion de l'Autriche)... le Donbass en guise des Sudètes... et puis quoi encore ? L'Ukraine pour la Tchécoslovaquie ? Les Pays baltes, la Moldavie, la Géorgie pour la Pologne ? Ou la Pologne elle-même dans son précédent rôle ? La Roumanie ? C'est parce que les démocraties déclinantes ont baissé les bras (et la culotte) à Munich que l'impérialisme totalitaire est sorti victorieux et il a fallu des millions de morts pour en venir à bout. Comment donc ne pas avoir cette histoire à l'esprit quand on analyse les faits d'aujourd'hui ?

    L'Ukraine était un pays libre comme les autres pays européens, et c'est devenu un enfer de bombes, de désolation, voulu par la seule folie expansionniste. On pouvait sérieusement penser qu'on avait suffisamment évolué, en Europe du moins, champ de batailles millénaire, pour ne plus voir cela. C'est pour cela que la France a réagi avec raison et soulagement : dire stop avec des mots ne sert à rien quand seuls les rapports de force sont pris en compte. Il faut arrêter Poutine tant qu'il est encore temps.

    Dans ces cérémonies, bien sûr, il y a des chefs d'État et de gouvernement, leur cortège de discours, d'honneurs, de devanture médiatique, mais aussi les gens qui sont venus sur place, des gens du peuple qui ont voulu être là pour participer, hors VIP, à ces manifestations mémorielles, ils ne sont pas venus honorer les officiels mais les vétérans. Oui, ces anciens combattants à qui on doit tant depuis quatre-vingts ans.
     

     
     


    Quand on parle d'anciens combattants, on peut être tenté de retomber dans les clichés des années 1970, aidé par Coluche, Reiser et d'autres humoristes qui ne faisaient pas dans la dentelle (et qui ne manquaient pas de talent). Des vieux schnoques rabat-joie, chiants disons-le clairement, la poitrine couverte de médailles quand ils sortent en ville, à la voix chevrotante. Et obsédés par la guerre.

    Cela fait longtemps que j'ai dépassé ce stade de réflexion : on l'oublie trop, mais les anciens combattants, ce ne sont pas des vieux, c'étaient d'abord des jeunes, voire des très jeunes hommes qui ont, par courage, par devoir, combattu, et qui ont, par chance, il n'y a pas d'autre mot, survécu. Ils avaient 18 ans, 20 ans... Il faut les imaginer. Ils ont perdu dix, vingt, cent de leurs camarades, de leurs meilleurs amis, ils ont été traumatisés à vie. Ils ont vu des horreurs, des petites lâchetés, de la grande bravoure (bravitude), mais ils étaient aussi immatures que nos gosses adolescents d'aujourd'hui, il ne faut pas croire, mais dans un contexte de guerre infernale. Ce sont toujours les jeunes qui façonnent l'histoire.


    Alors, aujourd'hui, évidemment, quatre-vingts années plus tard, il en ont quatre-vingts de plus, ceux qui sont venus, des États-Unis, de Grande-Bretagne, etc., ont maintenant entre 98 ans et 103 ans. Ce sont des centenaires, certains encore en bon état, souriants, debout ou à fauteuil roulant, et elle est là, l'émotion. Chaque vétéran est un roman complet. Parfois au moment de la guerre, parfois plus tard, des histoires de mort, des histoire d'amour aussi, des rencontres, des retours... Certains vétérans sont revenus pour la première fois depuis si longtemps, revenir sur les lieux de leurs combats. L'un a été submergé d'émotion : il se demandait si tant de pertes valait la peine et il a vu sur la plage où il avait débarqué des gens en maillot de bain pique-niquer, touristes, baigneurs, joyeux, libres, légers. Oui, ça valait le coup. En Croatie, en Crimée, c'étaient des zones de tourisme, c'étaient des territoires de légèreté, pas de guerre, pas d'horreur. L'humain est terrible, il réussit à faire un enfer d'un paradis. Heureusement, l'inverse est vrai aussi. C'est un choix. Un choix de vie, un choix de conviction. Choisis ton camp !
     

     
     


    Ce sont donc uniquement les vétérans qui sont à l'honneur. Tous ces jeunes, parfois ces enfants qui les ont accueillis chaleureusement, ces derniers jours, c'était justice et gratitude. Ils leur disaient la seule chose qu'on dit dans ce cas-là : merci, les gars ! Merci d'avoir sauvé nos vies en sacrifiant la vôtre ! D'origine lorraine (eh oui !), je suis plus habitué aux cimetières militaires de la Première Guerre mondiales, j'ai vécu mon enfance avec ce sentiment de l'enfer de Verdun, des ossuaires, ces lignes de front qui évoluent aussi lentement que dans le Donbass au prix de milliers de vies humaines, des bouts d'os humain que certains agriculteurs trouvent encore dans leur champ un siècle plus tard, tant la boucherie a été horrible. J'ai peu de liens personnels avec la Normandie, j'ai une culture plus intellectuelle de ces cimetières militaires en Normandie mais le concept est le même : partir à des milliers de kilomètres, avoir peu de chance d'en revenir, la famille n'a même pas pu récupérer le corps de leur enfant, tant il y en avait. Beaucoup de disparus d'ailleurs. Comment imaginer cette boucherie ? Il suffit de regarder vers l'Est, vers l'Ukraine aujourd'hui, hélas. Et ce n'est pas le seul encore enfer, il y en a beaucoup d'autres en Afrique, à Gaza et en Israël, en Syrie, au Moyen-Orient, etc.

    Ce qui est rassurant, c'est que la jeunesse est prête à assurer la relève. Il n'y aura bientôt plus de témoins, plus d'acteurs, parce que la biologie humaine est ce qu'elle est, mais les enfants sont désormais éduqués, instruits, sensibilisés comme on dit. Chaque 8 mai, chaque 11 novembre, dans ma commune, il y a au moins une quinzaines d'enfants du primaire qui participent aux cérémonies du souvenir, ce sont eux qui déposent les gerbes, celle du conseil municipal, celle des anciens combattants, celle du conseil municipal des enfants, parfois celle du député de la circonscription (avant une élection importante). Ils lisent leurs propres discours. Parfois bien mieux que les adultes.

    L'émotion est à double sens. Ce vétéran qui est revenu sur les lieux du drame. Il a été accueilli comme s'il était un enfant de la famille. Les habitants lui ont fait la fête. Lui, le vieillard, s'est senti chez lui, comme s'il faisait partie de la famille. Il oubliait de comprendre que ce n'était plus lui le gosse, le jeune, c'est maintenant le patriarche, un patriarche qui a survécu à ces horreurs et qui a eu de la chance, mais à qui le reste de sa "nouvelle" famille doit une fière chandelle. Parfois, j'ai l'impression que le fait d'avoir été ancien combattant conservait le corps et l'âme, quand on voit certains vétérans centenaires en si bonne forme au moins morale, le sourire aux lèvres et plein de souvenirs dans la bouche... et les yeux.

    Ces cérémonies des 80 ans seront certainement les dernières où nous, les jeunes, les jeunes gens de 0 à 95 ans, nous pouvons leur dire merci. Petit à petit, ils vont disparaître, définitivement. Le dernier combattant du Commando Kieffer, Léon Gautier, est mort en juillet de l'an dernier. Ce dernier a pourtant répété toute sa vie : « Nous ne sommes pas des héros, nous n'avons fait que notre devoir ! ». Cela reprend la conception de De Gaulle dans l'engagement dans la France libre à Londres, racontée par Daniel Cordier : passant en revue tous ces jeunes volontaires qui venaient d'arriver, le Général ne leur a jamais dit un seul merci d'être venus ; pour lui, encore heureux ! ils avaient fait simplement leur devoir en le rejoignant, c'était tout, le minimum. Ce n'est pas vrai, ce sont des héros, de humbles héros qui ont été essentiels dans la victoire. Nos générations leur doivent tout et d'abord la liberté de dire n'importe quoi et de dénigrer sa patrie comme le font de beaucoup trop nombreux commentateurs de l'actualité.

     

     
     


    Pendant ces trois jours, Emmanuel Macron leur a rendu hommage, en particulier à Colleville-sur-Mer, aux côtés de Joe Biden : « Vous avez tout quitté et pris tous les risques pour notre liberté. Nous ne l'oublierons pas ! » (9:400 sépultures dans le cimetière militaire américain). Sur la plage d'Omaha Beach, 2 500 des 34 000 soldats ont péri dès le première jour. Le Président français leur a rendu hommage : « Ils ne parlaient pas la même langue. Ils n’avaient pas le même drapeau. Ils ne portaient pas le même uniforme. Et pourtant, ils partageaient une certaine vision de l’Homme, digne et libre. Ils portaient la liberté réinventée, au péril de leur vie. ». 22 442 militaires britanniques sont morts dans la Bataille de Normandie en été 1944. Hommage du Président de la République française aux côtés du roi Charles III : « They gave their tomorrow for our today. We will never forget. » [Ils ont donné leur lendemain pour notre aujourd'hui. Nous n'oublierons jamais].

    Le 5 juin 2024, Emmanuel Macron a rendu aussi hommages aux maquisards bretons à Plumelec : « Tous ensemble, honorons et transmettons. Nous le devons à nos héros. Nous le devons aux générations futures. ». À Saint-Lô : « La "Capitale des Ruines", selon la belle expression forgée par Samuel Beckett, nous honorerons les victimes des bombardements, ainsi que le courage de tous leurs sauveteurs. Saint-Lô est le symbole de toutes nos cités qui, à cette époque, ont connu la destruction. Leur souffrance, l’héroïsme des secouristes et l’abnégation de ceux qui les ont rebâties doivent trouver toute leur place dans notre mémoire collective. ».


    Plus généralement, le chef de l'État a remercié les combattants de la liberté : « La gratitude de la France leur est assurée pour toujours, et nous l’exprimerons aux vétérans qui, immense honneur pour notre pays, seront encore avec nous ce jour-là. (…) Partout en France, des milliers d’événements et de projets scolaires animeront l’indispensable travail de transmission. C’est le sens de la grande collecte d’archives et de souvenirs lancée en mars dernier, qui permettra à l’intime de rejoindre le collectif dans la construction de notre mémoire. Il est en effet essentiel d’aider les jeunes générations à s’approprier cette période dont nous avons su nous relever et tirer des leçons, et à réfléchir au poids des choix individuels dans les périodes de tourments. ». Et de s'interroger : « Elle nous pousse à nous demander le prix que nous sommes prêts à payer pour notre liberté et la défense de nos valeurs. Elle nous rappelle l’importance d’une Europe unie, de la solidité de nos alliances, dans un monde à nouveau plein de risques et d’incertitudes. Puisse l’exemple de ces héroïnes et héros renforcer notre détermination et notre confiance dans un avenir de paix et de sécurité. ». Dans son discours devant le mémorial des SAS, Emmanuel Macron a déclaré : « Je sais notre pays fort d'une jeunesse audacieuse, vaillante, prête au même esprit de sacrifice que ses aînés. ».

    La rencontre d'une vingtaine de chefs d'État et de gouvernement n'a pas été vaine et passive durant ces commémorations. Elle a été l'occasion de publier le 6 juin 2024 une déclaration commune très forte signée par dix-neuf États dont la France, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Italie, la Pologne, le Canada, l'Ukraine, etc. pour réaffirmer un certain nombre de valeurs fondamentales :

    « Premièrement, nous soutenons l’intégrité territoriale des États souverains. Les frontières ne peuvent être modifiées par la force.

    Deuxièmement, nous rejetons tout recours à la force comme moyen de régler les différends. Notre Alliance et nos partenariats sont de nature strictement défensive et ne représentent en aucun cas une menace à la sécurité d’un autre État. Notre objectif commun est de préserver et de maintenir la paix.

    Troisièmement, nous respectons la liberté de tous les États de définir les relations qu’ils souhaitent entretenir en matière de sécurité ainsi que leur droit de faire partie ou non d’alliances. Il s’agit là d’une expression de la souveraineté nationale et du désir de sécurité et de stabilité que nous partageons tous.

    Quatrièmement, nous nous engageons à respecter les droits de l’homme et les libertés fondamentales pour tous, sans distinction, notamment la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de croyance.

    Cinquièmement, nous défendons le droit de tous les peuples à définir librement leur statut politique en vertu de leur droit à l’autodétermination, conformément au droit international.

    Sixièmement, nous prônons l’accès de tous à des nouvelles et à des informations fiables, ainsi qu’à un environnement de l’information numérique ouvert, sûr et sécurisé. Pour atteindre cet objectif, il est essentiel de garantir un journalisme et une presse libres, indépendants et pluralistes.

    Septièmement, nous plaidons en faveur d’échanges économiques pacifiques, des liens entre les peuples et de la coopération internationale afin de promouvoir la sécurité et la prospérité en Europe et dans le reste du monde.


    Ces principes universels se trouvent au cœur de notre engagement collectif en faveur de la paix et de la sécurité. Ils sont depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale la pierre angulaire de l’alliance nouée entre les États-Unis, le Canada et les pays européens, ainsi que des partenariats mondiaux établis de longue date. Aujourd’hui, ils demeurent au cœur de notre action dans le monde, alors que nous nous efforçons de favoriser l’établissement de normes mondiales, de promouvoir des valeurs et de soutenir le développement durable pour tous. Ils nous guident dans la détermination sans faille que nous déployons pour aider l’Ukraine à se défendre contre la guerre d’agression russe, et que nous continuerons de déployer aussi longtemps que nécessaire pour rétablir la paix en Europe. ».

    C'est la raison pour laquelle Vladimir Poutine n'a pas été invité à ces commémorations, parce qu'ils ne partagent pas ces valeurs fondamentales. Il ne s'agit pas d'un fossé civilisationnel, mais seulement individuel. Le peuple russe, comme tous les grands peuples, doit pouvoir nous rejoindre sur ces valeurs. Aujourd'hui, il ne le peut pas encore, mais il le fera un jour prochain. Le plus vite sera le meilleur pour la paix et les libertés.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    75e anniversaire du Débarquement en Normandie : encore une commémoration ?
    Débarquement : honneur aux soldats américains morts pour la France et pour l’Europe !
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Discours du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 en Normandie.
    Mélinée et Missak Manouchian au Panthéon : pluie et émotion !
    Michel Cherrier.
    Léon Gautier.
    Claude Bloch, passeur de mémoire.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240606-debarquement.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/80e-anniversaire-du-debarquement-255054

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/05/article-sr-20240606-debarquement.html



     

  • Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !

    « France, je vous remercie pour défendre la vie ! » (Volodymyr Zelensky, le 7 juin 2024 dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale à Paris).


     

     
     


    C'est en français (uniquement pour ces quelques mots) que le Président ukrainien Volodymyr Zelensky a remercié la France et les Français de soutenir la résistance ukrainienne contre l'agression des armées de Vladimir Poutine. Il était invité à s'exprimer devant la représentation nationale au Palais-Bourbon, à Paris, ce vendredi 7 juin 2024 vers 10 heures du matin.

    Le 23 mars 2022, moins d'un mois après le début de l'invasion russe, Volodymyr Zelensky s'était déjà adressé à tous les députés français, comme aux autres parlementaires étrangers, mais en visioconférence, à distance. Sa présence physique ce jour est donc une étape supplémentaire des relations entre l'Ukraine et la France depuis le sinistre 24 février 2022. D'ailleurs, les parlementaires des deux pays ont noué des relations très fortes : la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet s'était exprimé à la tribune de la Rada, la chambre basse ukrainienne à Kiev le 28 mars 2024, tandis que Ruslan Stefanchuk, le Président de la Rada, était venu s'exprimer à la tribune de la l'Assemblée Nationale à Paris le 31 janvier 2023.

    Accueilli par Yaël Braun-Pivet à l'Hôtel de Lassay, le Président Zelensky a été salué dans l'hémicycle par une ovation des députés, en présence également du Premier Ministre Gabriel Attal, des anciens Premiers Ministres Alain Juppé et Manuel Valls, ainsi que des anciens Présidents de l'Assemblée Nationale Jean-Louis Debré et Patrick Ollier.

     

     
     


    Évidemment, on ne peut ressentir qu'une grande émotion à l'écouter au sein même de l'hémicycle. Une émotion continue car elle était aussi très forte la veille, le 6 juin 2024 lors des cérémonies du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie. Sa présence montrait qu'il tenait à rester debout, faisant partie d'un pays normal qui commémore normalement un fait de notre histoire récente. Les Français venant assister à ces cérémonies lui ont d'ailleurs offert un accueil très chaleureux.

    Célébrer une victoire d'il y a quatre-vingts ans et revenir à la guerre bien réelle, bien actuelle, hélas, en Ukraine. Ce parallélisme est pourtant imposant : sans soutien extérieur, l'Ukraine ne pourra pas résister aux troupes russes.


    Le message de Volodymyr Zelensky était simple. Vladimir Poutine, au mépris du droit international, a voulu annexer l'Ukraine et n'a aucune considération pour les vies humaines qu'il a détruites par millions, mais ce peu de considération, c'est également le cas pour le peuple russe. Ce qui lui a fait dire que le Président de la Fédération de Russie était la négation même des valeurs de l'Europe, la protection de la vie, la liberté, l'égalité et la fraternité.
     

     
     


    Émotion donc, mais aussi fierté d'être Français, d'être ce pays qui a su soutenir, parfois maladroitement au début mais très clairement aujourd'hui, l'Ukraine dans son combat pour sa survie, pour son existence même, pour sa liberté. Tous les trolls poutinolatres qui réclament la paix au prix de la capitulation de l'Ukraine mais jamais l'arrêt de l'agression russe préfèrent la paix à la liberté, mais que vaut la paix si le peuple n'est pas libre ? pas grand-chose parce que le peuple voudra se libérer un jour ou l'autre.

    Le Président Zelensky s'est appliqué à remercier très longuement les autorités françaises et en particulier Emmnauel Macron avec ces mots très forts : « Emmanuel, Monsieur le Président, je voulais te remercier de ne pas avoir laissé l'Europe sans leader et l'Ukraine sans la France au moment décisif ! ».

    Dans chaque intervention auprès des officiels étrangers, le Président ukrainien avait toujours deux messages à délivrer : merci de votre aide, mais aidez-nous plus ! Il l'a redit à la fin de son intervention, mais de façon beaucoup plus douce et discrète que d'habitude, parce qu'il sait que la France a décidé désormais d'y mettre les moyens : « Je vous suis reconnaissant pour ce que vous faites déjà, et c'est déjà beaucoup. Mais pour la paix juste, il faut plus. Et ce n'est pas un reproche. C'est juste comment vaincre le mal. Faire plus aujourd'hui qu'hier pour demain être plus près de la paix que jamais. Nous devons et nous réussissons tout cela. Merci pour votre alliance ! ».

     

     
     


    Il n'a pas du tout évoqué les Mirages 2000 qu'avait annoncés le Président de la République française dans son intervention télévisée de la veille, mais ce sujet est prévu d'être abordé au cours de la conférence de presse commune que Volodymyr Zelensky et Emmanuel Macron vont tenir ce 7 juin 2024 vers 19 heures à l'Élysée.

    Au-delà de cette émotion, de cette fierté, et de cet espoir que l'aide alliée puisse aider efficacement l'Ukraine, parlons aussi de la honte ressentie envers les nombreux députés absents ce matin lors de cette séance pourtant historique. On a dit que le vendredi, c'était le jour de la circo (circonscription) pour les députés, et qu'ils peuvent être en campagne pour les élections européennes. Ils auraient quand même pu faire le déplacement pour cette journée historique.


    Mais c'est manifestement plutôt un boycott, un signe de mauvaise humeur politicienne pour ces députés absents et l'ancien grand reporter Vincent Hugueux, très sollicité pour son expertise depuis la guerre en Ukraine, se demandait sur LCP ce que répondraient ces députés absents lorsque dans dix ou vingt ans, leurs enfants ou petits-enfants leur demanderaient : tu étais où, pendant cette journée historique ? Car les bancs clairsemés provenaient plutôt des groupes de la Nupes et du groupe d'extrême droite, même s'il faut noter la présence de Marine Le Pen, Éric Coquerel et Fabien Roussel, entre autres.
     

     
     


    Comment en effet reprocher au Président Zelensky de venir s'exprimer devant les députés français ? De nous faire l'honneur de venir s'exprimer au cœur de notre démocratie française, sous prétexte que c'est trois jours avant les élections européennes ? Si Volodymyr Zelensky s'est exprimé le 7 juin 2024, ce n'est pas pour des raisons de calcul électoraliste (et à qui cela profiterait-il, puisque tous les groupes politiques soutiennent l'Ukraine ? certes, plus ou moins sincèrement !), mais simplement parce qu'il était venu aux cérémonies la veille pour le Débarquement du 6 juin 1944 et qu'il repassait par Paris où il a vu également ce vendredi matin le Président américain Joe Biden puis verra le Président français Emmanuel Macron dans l'après-midi.

    Je suis fier et ému que la France, par la voix d'Emmanuel Macron mais aussi de la représentation nationale en accueillant Zelensky, a choisi de soutenir activement l'Ukraine, et pas seulement sur le plan militaire, également sur le plan humanitaire et d'accueil spontané des réfugiés ukrainiens par les familles françaises. La solidarité n'est pas un vain mot, mais elle doit être déclinée aussi par le peuple, pas seulement par ses dirigeants, elle est décisive pour construire un monde plus sûr de paix et de libertés.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !
    L'aide de la France à l'Ukraine le 6 juin 2024.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Débat parlementaire sur l'Ukraine : les masques tombent en France !
    Ukraine : Sophia Aram traite à la sulfateuse les néopacifistes à la notoriété déclinante !
    L'Europe face à Poutine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    Jean-Pierre Chevènement et ses relations avec la Russie.
    François Fillon et ses relations avec la Russie.
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
    2 ans de guerre en Ukraine : Poutine zéro en histoire !
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Lee Marvin, les Douze Salopards et la Russie.
    La France Unie soutient l'Ukraine !
    Condoléances cyniques.
    Mort d'Evgueni Prigojine.

    Sergueï Kirienko.
    Victoria Amelina.

    L'effondrement du pouvoir de Poutine.
    Putsch en Russie : faut-il sauver le soldat Poutine ?
    Poutine en état d'arrestation !
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    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    Kherson libéré, mais menace nucléaire ?

    Volodymyr Zelensky demande l'adhésion accélérée de l'Ukraine à l'OTAN.
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Les massacres de Boutcha.
    Le naufrage du croiseur russe Moskva.
    L’assassinat de Daria Douguina.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    L'avis de François Hollande.
    Les valeurs valent mieux que les bénéfices !
    Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine.
    Ukraine en guerre : coming out de la Grande Russie.
    Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
    Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240607-zelensky.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/zelensky-poutine-c-est-l-anti-255089

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/07/article-sr-20240607-zelensky.html



     

  • Emmanuel Macron, haut et fort dans l'intérêt de la France et des Français

    « Parler un 6 juin est important pour ne pas confondre la mémoire et la vie de la Nation. » (Emmanuel Macron, le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2).



     

     
     


    Grande séquence diplomatique pour le Président de la République Emmanuel Macron. Après les trois jours de visite d'État en Allemagne, où le peuple allemand l'a ovationné durant ses déplacements (notamment à Berlin et à Dresde) du 26 au 28 mai 2024, il a reçu ces mercredi 5 et jeudi 6 juin 2024 plus d'une vingtaine de chefs d'État et de gouvernement pour les cérémonies du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie. Et cela avant la visite de Volodymyr Zelensky à Paris ce vendredi 7 juin 2024 et la visite d'État du Président américain Joe Biden ce samedi 8 juin 2024.

    Pourquoi alors s'étonner de voir le Président de la République vouloir s'adresser aux Français à cette occasion ? Certes, dans trois jours ont lieu les élections européennes, mais justement, tous ses prédécesseurs, et en particulier le plus illustre d'entre eux, De Gaulle, ne s'étaient pas embarrassés de ces considérations en prenant les ondes quand ils le voulaient, parfois même entre la fin de la campagne officielle et le début du scrutin. Du reste, dans le cas de maintenant, ce n'est plus le gouvernement qui régule les temps de parole mais l'Arcom (l'héritière du CSA) qui a décidé de prendre en compte son temps de parole, et donc, dans cette affaire, c'est surtout Valérie Hayer qui est la plus pénalisée !

    Donc, effectivement, Emmanuel Macron a répondu aux questions de Gille Bouleau de TF1 et d'Anne-Sophie Lapix de France 2 ce 6 juin 2024 entre 20 heures 10 et 20 heures 45, dans un des très beaux cloîtres de Caen (je suis un peu jaloux, lorsque j'y suis allé, je n'ai pas pu le visiter car c'était fermé !). Évidemment, le Président a défendu son droit à parler aux Français, cela fait d'ailleurs partie de sa prérogative constitutionnelle, l'article 5 de la Constitution dit explicitement qu'il est l'arbitre des élégances(« Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État. »).

    Les messages d'Emmanuel Macron sont assez clairs et simples.

    Le premier, c'est en rapport avec les festivités du Débarquement. Il a souligné la grande participation populaire, beaucoup de Français, bien au-delà des invités, étaient présents à ces cérémonies et ce n'était pas par curiosité pour voir les officiels mais surtout pour rendre hommage aux vétérans venus spécialement des États-Unis et de Grande-Bretagne. Ces hommes-là étaient de très jeunes soldats, 18 ans, 20 ans, et ils ont perdu beaucoup d'amis, de camarades dans les combats, ils sont traumatisés à vie, ils sont maintenant centenaires ou pas loin de l'être. C'est grâce à eux que nous sommes une nation libre. Comment ne pas mettre le parallèle avec les élections européennes ? Emmanuel Macron a exhorté les Français à aller voter ce dimanche. Comment ne pas voter alors que des Américains et des Britanniques ont sacrifié leurs vies pour que nous puissions avoir ce droit ?

     

     
     


    Mais ce message est double. S'abstenir, c'est laisser les autres décider de l'Europe à sa place. Le Président a pris en exemple des électeurs britanniques qui n'avaient pas voté au référendum sur le Brexit et qui se sont retrouvés hors de l'Union ; ils s'en mordent encore les doigt. Emmanuel Macron craint un blocage de l'Europe avec l'arrivée massive de l'extrême droite, tant de France que d'ailleurs. Il entend donc remobiliser ceux qui sont pro-Européens pour stopper cette vague de sentiment anti-européen. Pour Emmanuel Macron, l'Europe nous protège et si l'extrême droite avait eu le pouvoir de blocage des institutions, il n'y aurait pas eu de vaccin contre le covid-19 qui aurait été soigné à coups de chloroquine et de Spoutnik. Il n'y aurait pas eu non plus de plan de relance contre lequel tous ses opposants français ont voté.

    Le deuxième message est plus régalien. Il a évoqué ce qu'il annoncerait officiellement le lendemain avec la visite de Volodymyr Zelensky à Paris, à savoir que la France allait livrer des Mirage 2000 à l'Ukraine pour défendre son espace aérien avec la possibilité d'atteindre des cibles militaires russes sur territoire russe si nécessaire pour se protéger. Par ailleurs, la France formera 4 500 soldats ukrainiens (qu'il a appelés très improprement « bataillon français »).


    Emmanuel Macron a expliqué que le Président ukrainien lui avait adressé la veille une lettre lui demandant officiellement cette aide. Il considère qu'il n'y a pas d'escalade et que la France ne fait pas la guerre à la Russie mais veut défendre l'Ukraine. Cette position rationnelle, ferme et nécessaire ennuie évidemment fortement Vladimir Poutine qui s'en prend aujourd'hui plus particulièrement à la France. Contrairement à tout ce qui avait été dit avant son intervention télévisée, le Président de la République n'a pas dit que les formateurs français formeraient sur le territoire ukrainien, mais il n'a pas dit non plus le contraire, laissant cette information dans le flou stratégique.

    Emmanuel Macron veut surtout rappeler que c'est Vladimir Poutine l'agresseur et que la réponse de la France dépend de lui, de ses propres évolutions tactiques. Lorsque les tirs russes proviennent de bases sur territoire russe, ne pas autoriser l'Ukraine à viser ces bases l'obligerait à accepter d'être bombardée sans réagir.

     

     
     


    Le troisième message concerne la situation à Gaza. Pour le Président français, la solution à deux États est la seule voie possible pour la paix. Mais la reconnaissance de l'État palestinien ne doit pas se faire dans l'émotion de la situation à Gaza. Cette émotion n'est pas seulement au Proche-Orient mais aussi en France, entre autres. S'il a loué l'absence de violence dans les manifestations pro-palestiniennes en France, au contraire d'autres pays, il a toutefois souligné la recrudescence très inquiétante des actes d'antisémitisme.

    À ceux qui le dénigrent parce qu'il personnaliserait la campagne des européennes, Emmanuel Macron a répondu très clairement : ce sont d'abord toutes les oppositions qui personnalisent la campagne, puisque matin midi et soir, leurs seuls arguments, c'est de s'en prendre à lui en le caricaturant, en s'en prenant d'ailleurs plus à sa personne qu'à sa politique.


    Le message européen d'Emmanuel Macron est donc clair et déterminé, mais il était aussi prévisible. Rejetant les sondages (il n'est pas un commentateur de sondages), pour lui, ce qui importe sera le résultat des élections dimanche soir, et il verra ensuite ce qu'il devra faire. Il a rappelé qu'en 2017 et en 2022, les Français ont élu le candidat qui a fait de la construction européenne son identité politique bien marquée, ce qui veut dire que son rôle ici n'est pas de contrer un peu stérilement les ennemis de l'Europe, mais plutôt de motiver les partisans de la construction européenne qui seraient déçus ou déconcertés par son action depuis le début de son second quinquennat de regarder l'essentiel, à savoir l'Europe au regard de l'histoire. C'est un discours qui se tient et qui, je l'espère, aura une incidence dans l'esprit des candidats à l'abstention.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron, haut et fort dans l'intérêt de la France et des Français.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 sur TF1 et France 2 (vidéo intégrale).
    Discours du Président Emmanuel Macron le 6 juin 2024 en Normandie.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur l'Europe le 25 avril 2024 à la Sorbonne à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (le26 septembre 2017 à la Sorbonne).
    Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Pour que la France reste la France !
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Macron.
    Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

    Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
    Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
    Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
    Élisabeth Borne remerciée !
    Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
    Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240606-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/emmanuel-macron-haut-et-fort-dans-255052

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/06/article-sr-20240606-macron.html

     

  • Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?

    « Il est donc certain que le Parlement européen n’est pas une institution de la République et qu’il ne participe pas de l’expression de la souveraineté nationale. Pour autant, son élection est déterminante pour les institutions républicaines, le peuple français ayant bien l’intention d’y faire entendre sa voix souveraine. » (Jean-Philippe Derosier, le 3 juin 2024 dans "Le Nouvel Obs").




     

     
     


    Le dernier débat télévisé de la campagne des élections européennes a eu lieu le soir du mardi 4 juin 2024, animé en direct sur France 2 par Caroline Roux. Un double débat puisque, pour faire bonne mesure, France 2 a organisé à la suite de ce débat un autre débat mêlant huit autres têtes de liste (mais quid des vingt-deux autres, alors ?) en invitant les "petits candidats" avec Nathalie Arthaud (LO), Hélène Thouy (Parti animaliste), Jean-Marc Governatori (écologie centriste), Guillaume Lacroix (radical de gauche), Jean Lassalle (Alliance rurale), Florian Philippot (extrême droite), Pierre Larrouturou (Nouvelle donne) et François Asselineau (extrême droite).

    Jean Lassalle, passablement de mauvaise humeur de passer à minuit quand les téléspectateurs ont déjà déserté leur écran, a maugréé avec sa voix rocailleuse, proposant comme « une mesure pour faire changer la vie quotidienne des gens » de condamner les instituts de sondage (et la journaliste qui animait par la même occasion !) en rappelant qu'il avait fait en 2022 le double de voix du parti socialiste (ce qui est à peu près vrai) et qu'il n'y avait pas de raison d'être considéré comme un petit candidat. Il est vrai que ces huit outsiders paraissaient un peu une équipe de bras cassés, où profond ennui (bis), simplisme à outrance, difficulté à s'exprimer (bis), fantaisie joyeuse, obsession complotiste, extrémisme revendicatif étaient monnaies courantes (saurez-vous associer chacun de ces traits à une tête de liste ?). Et pourquoi d'autres candidats n'ont-ils pas été invités, comme Yann Wehrling, Marine Cholley, Francis Lalanne ou encore Caroline Zorn (du Parti pirate) ?

    Le premier débat faisait intervenir les huit têtes de liste habituelles de cette campagne, à savoir : Jordan Bardella (RN), Valérie Hayer (Renaissance), Raphaël Glucksmann (PS), François-Xavier Bellamy (LR), Manon Aubry (FI), Marion Maréchal (Reconquête), Marie Toussaint (EELV) et Léon Deffontaines (PCF). À cette occasion, le téléspectateur a été content d'entendre des échanges francs et directs, au prix de bousculer la règle de l'égalité des temps de parole, rendant le dernier débat plus vivant et plus théâtral, même si, globalement, cela n'aura pas fait changer les lignes.

    Je note cependant deux grossières erreurs (au moins) plus ou moins voulues qui n'ont pas été corrigées par la modératrice. Sur l'énergie, Jordan Bardella a prétendu que la France produisait de l'énergie nucléaire depuis De Gaulle, ce qui est bien évidemment faux, le programme nucléaire civil a démarré en 1973 et c'est sous Valéry Giscard d'Estaing que les premières centrales nucléaires ont fonctionné. En revanche, comme De Gaulle avait voulu l'indépendance pour l'énergie, la France s'est dotée de plusieurs raffineries qui permettaient de produire les carburants directement en France, ce qui assurait une certaine indépendance (pas totale puisqu'il fallait quand même importer le pétrole d'origine).

     

     
     


    L'autre erreur grossière et volontaire, c'est François-Xavier Bellamy qui n'a cessé de la répéter durant l'émission en disant que le groupe PPE (dans lequel LR siège) allait devenir le premier groupe du Parlement Européen en 2024, ce qui est complètement faux : le PPE est le premier groupe depuis 1999 ! et toutes les majorités (sur les votes) ont pour noyau dur le PPE, alors que la tête de liste LR laissait entendre que jusqu'à maintenant, les décisions du Parlement Européen étaient prises avec une majorité de gauche (sociaux-démocrates, macronistes et extrême gauche), ce qui est complètement faux, la preuve, c'est que la Présidente de la Commission Européenne est Ursula von der Leyen qui émane précisément du PPE.

    Quant à Valérie Hayer, il faut noter son annonce intéressante selon laquelle la Commission Européenne allait verser à la France, dès le lendemain 5 juin 2024, une somme de 7,5 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance de 2020, qui servira notamment à la rénovation de 500 petites lignes ferroviaires et à multiplier les bornes électriques partout dans le territoire, histoire de montrer que l'Europe, c'est aussi l'investissement dans des projets concrets dans l'intérêt des Français.

     
     


    La campagne de la liste FI menée principalement par Jean-Luc Mélenchon et la candidate Rima Hassan s'est basés presque exclusivement sur des positions pro-palestiniennes et anti-israéliennes, et cela semble avoir aidé la liste de Manon Aubry à surnager au-dessus du seuil de 5% des intentions de vote (la liste aurait récupéré une grande partie du "vote des banlieues"). Ce qu'en dit l'humoriste Sophie Aram dans sa chronique publiée le 2 juin 2024 dans "Le Parisien" résume assez bien la situation : « Jusqu'au bout de l'ignoble. Nul doute que cette poignée d'élus insoumis continuera certainement d'alimenter la haine jusqu'au 9 juin, date à laquelle la liste du Rassemblement national menée par "Jordan TikTok Barre de lol" devrait atteindre des sommets dont aucun Le Pen n'avait osé rêver. Puisque, visiblement, dans le chaos dans lequel l'extrême gauche plonge le débat public, une majorité d'électeurs semblent préférer un ectoplasme gominé vendu à Poutine à toute autre proposition politique. On peut le regretter mais vu la concomitance du vacarme de la fanfare insoumise et de la progression sondagière d'un invertébré en costume cravate, on ne peut ignorer cette hypothèse. (…) Jamais la cause palestinienne n'aura donc été à ce point détournée par des islamistes, en Palestine, et utilisée par des militants d'extrême gauche, en Occident, pour alimenter leurs propres intérêts (…). Le plus surprenant pour moi étant de constater que cela ne les empêche visiblement pas de danser, de danser sur le chaos. ».
     

     
     


    Par ailleurs, à deux reprises, cette semaine (le 4 juin 2024) et la semaine dernière (le 28 mai 2024), un député FI a brandi le drapeau palestinien dans l'hémicycle, perturbant durablement deux séances de questions au gouvernement. Contrairement à ce que Raphaël Glucksmann laisse entendre, à savoir que le PS ne serait plus l'allié de FI, la solidarité dans la Nupes existe toujours à plein puisque le PS a soutenu les insoumis dans ces troubles parlementaires au nom de la reconnaissance d'un État palestinien, et le soutien du PS le 3 juin 2024 à la motion de censure déposée par les insoumis prouve bien que le PS reste complètement dépendant de Jean-Luc Mélenchon. Raphaël Glucksmann ne cesse de se référer à l'héritage de Jacques Delors, mais c'est abuser de sa mémoire car jamais Jacques Delors n'aurait accepté une telle compromission avec les idées de Jean-Luc Mélenchon pour un plat de lentilles.

    De son côté, Jordan Bardella n'a aucun respect ni pour les Français et ses lois, ni pour le directeur général de la gendarmerie nationale qui a signalé une affiche absolument abjecte du RN : « Je suis gendarme, je vote Bardella ». Pour se rendre compte de l'ineptie, prenez votre profession et imaginez une affiche qui vous associerait à un vote donné : « Je suis xxx (mettez votre profession) et je vote machin ». Sur le principe générique et généraliste, c'est déjà stupide et démagogique, mais concernant les forces de l'ordre, c'est abject puisqu'elles sont au service de la nation et qu'elles doivent la neutralité totale pour remplir ses missions, sinon, elles n'auraient plus d'autorité. Le pire, c'est que Jordan Bardella, 28 ans, même pas de service militaire, a donné des leçons à ce haut fonctionnaire qui a consacré toute sa carrière à la sécurité et à la protection des Français. Pour un politicard censé soutenir le parti de l'ordre, cela fait un peu trop rebelle et c'est une vraie boulette, car avec l'extrême droite, le naturel revient toujours au galop après la façade lisse d'une respectabilité creuse.

     

     
     


    Le président du RN et ses colistiers pourraient d'ailleurs être appelés des "députés européens de papier", pour reprendre une expression qui leur est commune, en ce sens qu'effectivement, ceux qui sont élus sont bien sur le papier (et sur leur compte en banque) des députés européens, mais ils ne font rien au Parlement Européen, ils ne travaillent pas activement pour l'intérêt des Français. Pour preuve, ce bilan particulièrement nul de Jordan Bardella dit Coquille creuse qui, en cinq ans de mandats, n'a pondu aucun rapport, n'a déposé que 21 amendements (4 par an !) alors que d'autres en ont déposé des milliers, il n'est intervenu que 52 fois en séance plénière (une fois toutes les cinq semaines !) et il a l'un des taux d'absentéisme record avec 70% depuis 2019. L'épouse de François Fillon a été épinglée par la justice pour n'avoir pas su démontrer qu'elle travaillait en rapport avec son salaire. Si on prenait ce principe en général, Jordan Bardella devrait être renvoyé ! Les Français veulent élire des députés européens qui fassent au moins leur boulot, pas des fainéants, ne serait-ce qu'être présents à Strasbourg ou Bruxelles.

    Chez Les Républicains, on s'inquiète d'une rumeur persistante en ce début de semaine : après le désastre électoral de la Macronie, Emmanuel Macron proposerait un gouvernement de coalition avec LR en nommant Gérard Larcher Premier Ministre. Le Président du Sénat a donc dû rapidement désamorcer la rumeur qui pourrait coûter de nombreuses voix à LR, lors de la réunion du groupe LR au Sénat le 4 juin 2024, en affirmant fermement qu'il n'était pas question qu'il accepte d'être le Premier Ministre d'Emmanuel Macron. Une dénégation qui n'aura certainement pas beaucoup d'effet sur les suspicions de ralliement à la Macronie, tant il y en a eu chez LR depuis 2017 (Jean-Paul Delevoye, Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Franck Riester, Jean Castex, Roselyne Bachelot, Damien Abad, Christophe Béchu, Catherine Vautrin, Rachida Dati, etc.).

    Une campagne sert en général à faire bouger les lignes. Or, si l'on en croit les sondages d'intentions de vote, ces lignes ont peu bougé. Certes, il y a eu des évolutions, le RN à la hausse (en un an, passage de 24 à 30%), parallèlement à une baisse pour la liste Hayer (20 à 16%) et d'une hausse de Glucksmann (8 à 13%). Mais dans l'ensemble, il n'y a pas eu de fait singulier cassant des dynamiques "entropiques naturelles" comme j'oserais (mal) écrire, c'est-à-dire que si aucun n'avait fait campagne, on pourrait se retrouver avec les mêmes résultats.

    Y aura-t-il des surprises ? C'est probable. Il y a toujours des surprises dans chaque scrutin, ce qui laisse la liberté de choix plus ouverte que les sondages ne laissent apparaître. Selon ces enquêtes, un tiers des électeurs hésitent encore, c'est beaucoup. En 2019, il y a eu au dernier moment un regain de participation. Ainsi, l'effondrement du PS et celui de LR en 2019 n'étaient pas du tout prévus quelques jours avant le scrutin, tout comme la montée de la liste écologiste. De même, la forte audience des écologistes faisant jeu égal avec le PS en 2009 n'était pas prévue.

     

     
     


    Si on prend le concept de troisième homme (que connaît bien François Bayrou), en pensant à Raphaël Glucksmann qui meurt d'envie de dépasser la liste Hayer (le croisement tant pronostiqué n'a pour l'instant jamais eu lieu), on peut aussi rappeler opportunément qu'à l'élection présidentielle de 2002, le troisième homme dans les sondages était Jean-Pierre Chevènement avec une dynamique qui l'a poussé jusqu'à 15% des intentions de vote, et finalement, il n'a eu que 5,3%, classé sixième derrière Arlette Laguiller ! Il est des dynamiques déçues (ou décevantes) et généralement, les élections sont plus un cimetière des ambitions déçues que de victoires attendues.

    L'enjeu national est évidemment dans la mise à jour des rapports de force. Si l'on en croit les sondages, l'extrême droite aurait 40% des suffrages. Les écologistes "risquent" (pour ma part, je m'en réjouirais !) de ne pas avoir d'élus (car en dessous de 5%), le PS revaudrait le double de FI (mais les socialistes ont déjà refait allégeance à Jean-Luc Mélenchon pour 2027), et LR se maintiendrait (qu'il faudra comparer avec le score de Reconquête qui ont un électorat commun).

    Bien entendu, tout le monde scrutera avec attention (et médisance pour certains) le score de la liste Hayer, qui donnera une idée de l'audience du gouvernement et de la majorité présidentielle dans le pays, et dans tous les cas, même à 20%, ce sera très faible. Mais là encore, il faut se rappeler que ce sont des élections européennes et pas des élections législatives, elles n'auront aucun impact institutionnel en principe, et ce n'est pas parce qu'un jeune écervelé propre sur lui réclamera avec fracas la dissolution qu'il faudra dissoudre. Regardons encore le passé : en juin 1984, le PS au pouvoir n'a eu que 20,8% (face aux 43,0% de l'union UDF-RPR) et si le gouvernement de Pierre Mauroy a démissionné en juillet 1984, ce n'était pas à cause des élections européennes mais de la grave crise provoquée par le projet de loi contre l'enseignement libre qui a mis 2 millions de Français dans la rue. En 1989, le gouvernement de Michel Rocard n'a pas démissionné malgré les seulement 23,6% de la liste PS (face aux 28,9% de la liste de Valéry Giscard d'Estaing), ni le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin (reconduit en mars 2004 après les régionales) n'a démissionné en juin 2004 malgré les seulement 16,6% des listes de l'UMP (face aux 28,9% des listes socialistes), ni encore le gouvernement de Manuel Valls (nommé en avril 2014) n'a démissionné en mai 2014 malgré les seulement 14,0% des listes socialistes (face aux 24,9% du FN et aux 20,8% de l'UMP).

    C'est d'ailleurs ce dernier cas (en 2014) qui serait le plus proche de celui du gouvernement de Gabriel Attal, nommé en janvier 2024 et qui n'a que quelques mois d'existence, et on n'a jamais reproché à François Hollande, pourtant beaucoup plus impopulaire à l'époque qu'Emmanuel Macron aujourd'hui, de passer par pertes et profits ces élections européennes désastreuses pour son parti. Du reste, après les élections européennes, les médias seront très occupés par les Jeux olympiques et paralympiques pendant deux mois si bien que le désastre électoral, si désastre devait avoir lieu, sera vite oublié dans la mémoire collective.

    Il faut aussi se rappeler, puisqu'on l'évoque, que le RN est en tête de toutes les listes aux élections européennes depuis 2014 : en 2014, en 2019, et probablement en 2024 vu les sondages qui lui donneraient plus de 10 points d'avoir sur les autres listes. Mais depuis dix ans, qu'a fait le FN/RN de ses victoires aux européennes ? Rien, puisque ses élus ne participent pas aux débats, ne déposent pas d'amendement, ne rédigent aucun rapport pour améliorer la situation des Français et des Européens. Pour le RN, le Parlement Européen n'est qu'une banque, une sorte de tirelire partisane d'ailleurs un peu trop utilisée puisque Marine Le Pen et ses sbires vont être en procès en septembre procès pour cette raison.

    Pour finir sur les considérations de politique intérieure franco-française, il faut aussi affirmer que l'abstention, aujourd'hui (et depuis une dizaine d'années), joue en défaveur du RN et pas en sa faveur. En effet, le RN est devenu un parti attrape-tout, le premier en France, donc le parti du système, il devient ainsi le parti référence pour beaucoup de courants de pensée. S'il y a une augmentation du désir de participation à la fin de la semaine, elle ne se fera donc pas nécessairement contre le RN malgré son déjà très haut niveau dans les sondages.

    Je veux également évoquer les considérations européennes, car après tout, les élections européennes servent d'abord à désigner un nouveau Parlement Européen. 81 députés européens français sur 720 députés européens en tout des vingt-sept États. Pour la première fois, il n'y a plus de députés européens britanniques (Brexit effectif en 2020). Il y aura manifestation un véritable vague à droite, à savoir notamment de droite extrême, à l'instar du RN en France (mais probablement de moindre ampleur dans les autres pays). On regardera avec attention la situation notamment des Pays-Bas (où un parti centriste a fait alliance avec les populistes), de la Hongrie (où un parti dissident de Viktor Orban est en train de gagner des voix), de la Belgique (qui joue aussi son avenir national avec des élections législatives), de la Slovénie (où il y a aussi des référendums) et de l'Italie. Plus l'Allemagne avec une coalition du Chancelier Olaf Scholz qui est bien chancelante.

     

     
     


    En Italie, la situation est intéressante car la Première Ministre Giorgia Meloni a pris la tête de la liste de son parti, les Frères d'Italie, qui aujourd'hui est en tête des intentions de vote dans les sondages (autour de 25%, nettement devant ses deux partenaires de coalition, la Lega et Forza Italia, tous les deux autour de 8%). Le parti de Giorgia Meloni est dans le groupe des conservateurs et des réformistes européens (CRE), groupe opposé à l'autre groupe d'extrême droite où siègent les élus RN et de l'AfD. Giorgia Meloni refuse de voir les élus RN la rejoindre car elle veut conclure un accord avec Ursula von der Leyen, lui proposant son soutien pour sa reconduction en échange de concessions par la suite sur la politique migratoire. Dans cette configuration, les écologistes européens vont perdre beaucoup de plumes, mais Renew pourrait rester le troisième groupe du Parlement Européen devant les populistes et les trois premiers groupes (avec le PPE et S&D) pourraient donc continuer à régner (dans les projections, ils totaliseraient 404 sièges sur 720). Toutefois, 75 députés européens seraient non-inscrits, ou plutôt, n'auraient pas de groupe politique identifié à ce jour et pourraient créer quelques surprises.

    En Europe, nous avons la chance de pouvoir nous exprimer par un vote libre, secret et sincère. En France, près de 50 millions d'électeurs sont convoqués, dont près de 270 000 de ressortissants d'autres pays européens habitant en France (sur une liste électorale séparée). Le scrutin sera clos en France à 20 heures ce dimanche 9 juin 2024, l'heure des victoires et des déceptions. Que le meilleur gagne !



    1. Débat du 14 mars 2024 sur Public Sénat






    2. Débat du 5 mai 2024 sur LCP et M6






    3. Débat du 27 mai 2024 sur BFMTV







    4. Débat du 30 mai 2024 sur CNews






    5. Débats du 4 juin 2024 sur France 2












    6. Débats du 5 juin 2024 sur Mediapart





     

    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (05 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Élections européennes 2024 (3) : y aura-t-il une surprise dimanche soir ?
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240604-europeennes.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/elections-europeennes-2024-3-y-255024

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/06/04/article-sr-20240604-europeennes.html





     

  • Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?

    « Parce que nous ne nous résoudrons jamais à nous faire imposer par d'autres nos valeurs, nos technologies, nos imaginaires, parce qu'il n'y aura pas de France forte sans Europe puissante, nous poursuivrons sans relâche notre combat en faveur de l'indépendance de l'Europe. » (Valérie Hayer, le 6 mai 2024).



     

     
     


    Dans cette fin de campagne des élections européennes, qui a à peine vraiment commencé, les considérations de politique politicienne ont largement dominé le débat public, et c'est dommage parce que ces dixièmes élections européennes ont une importance cruciale pour l'avenir de l'Europe mais aussi de la France. Parmi les listes susceptibles d'obtenir des élus (c'est-à-dire, qui sont raisonnablement capables d'avoir plus de 5% des voix), seulement deux ont fait une campagne sur des thèmes vraiment européens, la liste de Raphaël Glucksmann et la liste de Valérie Hayer.

    Le problème de la liste de Raphaël Glucksmann, téléguidée par le parti socialiste, c'est qu'il y a une incohérence entre ce qu'il dit, ce qu'il vote au sein de son groupe, le groupe socialiste, et son souhait de garder la gauche encore unifiée au sein de la Nupes pour 2027
    (le vote commun de la motion de censure ce lundi 3 juin 2024 en a donné une nouvelle preuve). Seule la liste de la majorité présidentielle soutenue donc par Renaissance, le MoDem, Horizons, le Parti radical, mais aussi au-delà par l'UDI (qui ne fait pas partie de la majorité présidentielle) fait une campagne européenne de manière sincère, cohérente et surtout claire. Mais quel est donc le programme de la liste Hayer, celui des pro-Européens déterminés et sincères ?

    Ce programme a été présenté au cours d'une conférence de presse le 6 mai 2024 à la veille d'un des trois grands meetings nationaux de la liste (à la Mutualité), qu'on peut réécouter en fin d'article. Il est sincère parce que ce sont des promoteurs de la construction de l'Europe qui le proposent, des promoteurs qui n'ont pas peur de le dire, qui n'ont pas peur de le faire. Il est cohérent parce qu'il est le résultat aussi d'un bilan qui a montré que tous les votes au Parlement Européen étaient déjà en phase avec ce programme. Enfin, il est déterminé parce qu'il souhaite une Europe puissante dans une France puissante, la seule voie pour permettre à la France de garder sa grandeur politique alors qu'elle n'est plus qu'une puissance moyenne depuis la fin de la guerre.

    Dans cette détermination, il y a l'influence de la France en Europe. Et quelle est-elle ? Trois grands partis européens font et défont les majorités au sein du Parlement Européen : le PPE (Parti populaire européen) qui est le centre droit démocrate chrétien, auquel adhère LR et Les Centristes, S&D (socialistes et démocrates) qui rassemble les sociaux-démocrates, enfin, le troisième groupe est le groupe central Renew (ou Renaissance) qui est composé de ceux qu'on appelait dans la politique européenne les libéraux démocrates, qui sont en France les centristes, auquel se sont joints les élus de la liste LREM de Nathalie Loiseau en 2019.

    Entre 2019 et 2024, les députés européens LR ont pris des décisions minoritaires au sein de leur groupe du PPE, au point de ne même pas soutenir leur candidate officielle Ursula von der Leyen, autant dire que les élus LR n'ont aucun poids ni au sein du PPE (dominé par les Allemands), ni au sein du Parlement Européen en général. Les députés européens issus de la liste socialiste de Raphaël Glucksmann se retrouvent dans la même situation, minoritaires au sein du groupe social-démocrate et sans influence notable (les députés européens socialistes votent contre les projets votés par le reste de leur groupe S&D !). En revanche, c'est une Française, l'actuelle tête de liste, Valérie Hayer, qui préside le groupe Renew et qui non seulement a une influence déterminante au sein de ce groupe, bien sûr (puisqu'elle le préside), mais aussi au sein des décisions prises par le Parlement Européen puisque les majorités se retrouvent toujours avec le groupe Renew. L'influence de la France est donc passée par ceux que représente aujourd'hui la liste Hayer, et eux seuls.

    Et son programme, qui est naturellement peu éloigné des vues du Président Emmanuel Macron, repose sur trois combats essentiels. J'en indique la philosophie générale et je n'énumère pas toutes les mesures proposées dans le détail (il y en a quarante-huit) qu'on peut lire dans le document téléchargeable.


     

     
     


    I. Faire de l'Europe une puissance forte, sûre et indépendante

    Défense, énergie, sécurité... trois domaines qui ont manqué de cohésion au sein de l'Europe depuis sa naissance et qui nécessitent d'en faire plus. La tentative d'invasion de l'Ukraine par les troupes de Vladimir Poutine a fait l'effet d'une douche froide chez les Européens, douche froide renforcée par la perspective d'un désengagement de plus en plus probable des États-Unis dans la défense du territoire européen. Les Européens sont maintenant mûrs pour comprendre qu'ils ne peuvent plus déléguer à d'autres leur défense et qu'ils doivent assumer eux-mêmes leur sécurité et la protection de leurs frontières. Emmanuel Macron a su prendre la mesure de l'enjeu et sensibiliser ainsi ses homologues au fil des rencontres européennes.

    La première des mesures, c'est d'investir de nouveau massivement dans l'industrie de défense, avec l'objectif de 3% du PIB pour chaque pays d'ici à 2030. Faire émerger une force de réaction rapide européenne pour les missions d'urgence, l'évacuation des populations et la sécurisation des routes maritimes.


    Sur le plan énergétique, le projet est de tripler la production de l'énergie nucléaire d'ici à 2050, au sein des pays européens qui le souhaitent à l'instar de la France. Sur le plan de la sécurité, mutualiser le renseignement au niveau européen pour lutter efficacement contre le terrorisme.

     

     
     


    II. Faire de l'Europe une puissance écologique, économique et sociale

    L'Europe est la deuxième puissance économique du monde et c'est important de le rappeler. Mais elle ne le restera pas si on ne fait rien pour cela. L'union fait toujours la force. Son problème a été les délocalisations dans les pays à plus faibles coûts du travail. L'enjeu, c'est donc de redevenir un continent de production pour réduire le chômage et gagner en valeur ajoutée. Mais aussi de refuser le dumping social en adoptant un minimum de justice sociale dans les pays qui n'en ont pas.

    L'idée est de ne pas se laisser mener par d'autres puissances économiques (États-Unis, Chine, etc.) : « Il fait se faire respecter : nos normes et nos principes ne sont pas négociables. ». Parce qu'au-delà du défi économique et social, il y a le défi écologique et les deux peuvent se faire en même temps dans une transition industrielle qui se voudra verte et numérique.

    L'essentiel est donc dans l'investissement massif des activités de transition. La liste Hayer propose la mobilisation de 1 000 milliards d'euros d'ici à 2030 pour l'énergie, les transports, le numérique, la santé, l'espace, la recherche, après le plan de 800 milliards d'euros décidés en juillet 2020 sur demande (et insistance) françaises. Son financement se fera notamment par une épargne spécifiquement européenne avec la création d'un « livret d'épargne européen pour orienter l'épargne réglementée vers l'investissement et la production en Europe ».

     

     
     


    III. Défendre le modèle européen et nos valeurs

    C'est un aspect plus philosophique et moral que matériel, économique, social. Aujourd'hui, en Ukraine, dans le Proche-Orient, voire aux États-Unis, dans de nombreuses régions du monde, nos valeurs sont remises en cause, et même de l'intérieur de l'Europe : valeurs de démocratie, d'État de droit, de liberté, d'égalité, de fraternité et aussi, et dans cette époque troublée, c'est très important, de laïcité.

    La liste Hayer propose d'inscrire le droit à l'IVG dans la Charte européenne des droits fondamentaux, qui constitue une sorte de conditions nécessaires à remplir pour chaque État membre (notamment pour bénéficier de fonds européens). Ce n'est pas un hasard si le fils aîné de Simone Veil, ancienne Présidente du Parlement Européen, se retrouve en fin de liste, son engagement est emblématique. Il s'agit aussi de proposer une majorité numérique à l'âge de 15 ans avec un contrôle parental par défaut sur les mobiles et une vérification systématique sur Internet pour les sites interdits aux mineurs.

    Il s'agit aussi de proposer des mesures pratiques et concrètes pour limiter voire empêcher efficacement l'immigration illégale à l'intérieur des frontières de l'Union Européenne en donnant des moyens à Frontex (30 000 garde-côtes européens). Créer un Pass culture européen, un Pass Rail européen illimité pour les jeunes (100 000 jeunes par an), renforcer l'harmonisation universitaire européenne, renforcer et généraliser le programme Erasmus, etc.

    Sur le plan institutionnel, et cette liste se distingue des autres sur la construction européenne, elle propose d'instaurer la principe de listes transnationales à partir des prochaines élections européennes de 2029, ainsi que de renforcer les institutions sur la majorité qualifiée dans des domaines essentiels comme la fiscalité, l'État de droit, afin de ne pas laisser l'Europe impuissante face aux défis qui viennent (par exemple, pour empêcher qu'un État puisse être un "paradis fiscal").



    Et dimanche prochain ?

    Comme dans toute élections, il y a les considérations à la petite semaine, celles en moyen terme et celles au long terme. Le moyen terme, c'est bien sûr l'échéance (cruciale) de l'élection présidentielle de 2027 et le Rassemblement national compte sur un triomphe en 2024 pour gagner en 2027. Il y a la colère de certains qui pensent que voter contre serait une sorte d'exutoire, et avec trente-huit listes, dont une seule issue de la majorité présidentielle, l'électeur en colère a le choix pour l'exprimer mais est-ce vraiment constructif, utile et surtout dans son intérêt ? Et puis, il y a le long terme, le regard à l'histoire, ce que penseront nos enfants de notre vote de 2024 dans dix, vingt, trente ans, ce qu'ils penseront de notre capacité à anticiper alors l'Europe est en danger, menacée même territorialement dans ses frontières orientales mais plus largement dans ses valeurs.

    Valérie Hayer n'a pas une âme de grand chef, elle n'a pas le charisme d'un grand animal politique, d'un vieux routard de la politique, elle n'a pas non plus passé son temps à faire du training de communication pour répondre de manière lisse et consensuelle à tous les médias. Elle l'a montré depuis cinq ans, elle a agi, elle a travaillé, elle est devenue l'une des rares experts, au sein du Parlement Européen, du budget communautaire, négociant de manière ferme, dans les nuits blanches, les intérêts de la France et des Français, elle, fille d'agriculteurs, connaît sur le bout des doigts tous les ressorts de la politique agricole commune (PAC) dont ont bénéficié largement les agriculteurs français depuis près de soixante ans. Elle est dans une logique de résultats et de construction : améliorer l'espace européen pour le bien et l'intérêt des Français.



    1. Meeting du 9 mars 2024 à Lille






    2. Conférence de presse du 6 mai 2024 à Paris (présentation du programme)






    3. Meeting du 7 mai 2024 à la Mutualité de Paris





    4. Meeting du 13 mai 2024 à Lyon






    5. Meeting du 28 mai 2024 à Boulogne-Billancourt






    6. Meeting du 1er juin 2024 aux Docks de Paris, à Aubervilliers






    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Quel est le programme européen de la liste Renaissance ?
    Programme de la liste Hayer à télécharger (6 mai 2024).
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Élections européennes 2024 (2) : 37 listes et un bulletin de vote !
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    L'hymne à l'Europe.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Eurovision 2024.
    La vision européenne d'Édouard Balladur.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240602-programme-renaissance.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/quel-est-le-programme-europeen-de-254541

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/14/article-sr-20240602-programme-renaissance.html



     

  • Standard & Poor's moins indulgente pour la France que les autres agences de notation

    « Nous avons sauvé l'économie française ! » (Bruno Le Maire, le 31 mai 2024).



     

     
     


    C'est avec cette petite phrase que le Ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a accueilli la décision très attendue (et redoutée) dans la soirée de ce vendredi 31 mai 2024 de l'agence de notation Standard & Poor's de dégrader la note de la France de AA à AA–. « Nous avons dépensé pour bien protéger. Ces dépenses indispensables ont évidemment augmenté la dette. », mais la dette française trouve « facilement preneur sur les marchés », a-t-il ajouté.

    Pour Bruno Le Maire, en effet, la politique très dépensière du quoi-qu'il-en-coûte a permis de sauver des centaines de milliers d'emplois et des milliers d'entreprises de la faillite lors de la crise sanitaire du covid-19. Il a réaffirmé son objectif très ambitieux de réduire le déficit budgétaire en-dessous de 3% du PIB en 2027.

    Alors que Moody's et Fitch avaient maintenu la note de la France le 26 avril 2024, Standard & Poor's, qui est sans doute l'agence de notation des dettes souveraines les plus écoutées des marchés, a été un peu plus sévère qu'elles pour sanctionner le déficit de 2023 beaucoup plus élevé que prévu. Il faut cependant rappeler que si elle avait maintenu sa note, cette note pour Fitch était déjà à AA– (avec un système de notation comparable). Malgré cette dégradation, la note signifie que le pays reste encore un pays de haute qualité pour ses obligations.

    Cette dégradation de la note pourrait, si elle se répétait, avoir des effets dévastateurs si les taux d'intérêts devaient monter pour que la France puisse emprunter dans les marchés mondiaux. Elle sanctionne non seulement le déficit de 2023 mais finalement l'ensemble des budgets déficitaires depuis le début de la Présidence de François Mitterrand. Globalement, cela fait plus d'une génération que nous vivons au-dessus de nos moyens et que nous reportons l'addition aux générations suivantes. Les augmentations de taux pourraient amorcer un cercle vicieux, une spirale où les intérêts de la dette seraient tellement importants qu'il faudrait emprunter et emprunter.

    Heureusement, la France n'en est pas là et a des fondamentaux sains puisque malgré le freinage de la croissance, le nombre de création d'emplois ne descend pas. Certes, la dégradation envoie un signal négatif, mais il y a d'autres signaux positifs pour les investisseurs étrangers et la France reste toujours le pays européen le plus attractif pour les investisseurs.

    La dégradation de la note de la France doit donc être comprise comme un avertissement pour bien suivre la trajectoire annoncée du gouvernement de baisse à 2,9% du PIB de déficit dans trois ans. La crédibilité du gouvernement est cependant mise en cause par l'expérience du passé.

    Inévitablement, les opposants de toute sorte à Emmanuel Macron vont bien sûr fustiger cette dégradation sans voir d'ailleurs une contradiction avec leur opposition aux réformes des retraites, de l'assurance-chômage, etc. qui contribuent pourtant à réduire les dépenses de l'État. On se plaint des carences dans l'éducation, la santé, la justice, la police, etc. et si on suivait la plupart des programmes des partis d'opposition, le déficit budgétaire bondirait de 100 milliards d'euros supplémentaires !

    L'agence S&P, qui analyse la situation financière des États, prévoie que la dette de la France, qui est à 109% du PIB en 2023, atteindra 112% en 2027. Dans un communiqué, l'agence ajoute de manière assez pessimiste : « Même si nous pensons que la reprise de la croissance économique et les réformes économiques et budgétaires récemment mises en œuvre permettront à la France de réduire son déficit budgétaire, nous prévoyons maintenant qu'il restera supérieur à 3% du PIB en 2027. ».

    Deux motions de censure pour contester la gestion des finances publiques ont été déposées et seront débattues lundi 3 juin 2024, une du RN et une de la Nupes. Le parti Les Républicains, en principe, ne devrait pas les voter, même si son président Éric Ciotti est très critique sur la politique du gouvernement en matière budgétaire. Dans "Le Parisien", Bruno Le Maire a affirmé : « Il n'y aura pas d'impact sur le quotidien des Français (…). Je prends note de cette décision. Elle ne change rien à ma détermination à rétablir les finances publiques. Nous avons commencé à le faire, nous continuons. ».

    Malgré ces propos visant à dédramatiser, la dégradation de la note française ne va toutefois pas contribuer à renforcer la liste de la majorité présidentielle menée par Valérie Hayer aux élections européennes dans maintenant une semaine.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er juin 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Standard & Poor's moins indulgente pour la France que les autres agences de notation.
    Assurance-chômage : durcissement pour plus d'emplois ?
    Les 10 mesures de Gabriel Attal insuffisantes pour éteindre la crise agricole.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Agences de notation Moody's et Fitch : la France n'est pas dégradée !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240531-standard-and-poor-s.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/standard-poor-s-moins-indulgente-254947

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/31/article-sr-20240531-standard-and-poor-s.html



     

  • Henri Nallet, l'agriculture et la justice au service ...du PS

    « Ses recherches l’ont amené à publier plusieurs études sur le syndicalisme, la politique agricole, le statut juridique du paysan, ou encore l’élevage et la production laitière. Cette connaissance du monde agricole l’a guidé dans ses premiers engagements politiques. » (Site du Ministère de l'Agriculture, mai 2024).


     

     
     


    L'ancien ministre socialiste Henri Nallet est mort ce mercredi 29 mai 2024 à l'âge de 85 ans (il est né le 6 janvier 1939 à Bergerac). Je l'avais rencontré le 25 juin 2014 à l'occasion d'un colloque à la Sorbonne sur Jean Jaurès, une réflexion proposée au centenaire de son assassinat. Henri Nallet était la "puissance invitante" en tant que président de la Fondation Jean-Jaurès (il l'a présidée de 2013 à 2022), une fondation en soutien intellectuel du PS fondée (et présidée) par Pierre Mauroy en 1992, et présidée depuis 2022 par l'ancien Premier Ministre socialiste Jean-Marc Ayrault (Henri Nallet en était devenu le président d'honneur).

    Dans ce colloque, il y avait du beau monde, je ne citerai pas tous les intervenants, mais parmi les plus réputés, il y avait Robert Badinter, Alain Juppé, Pierre Bergé (en tant que président des Amis de François Mitterrand, oui oui, ça existe encore), Alain Richard, Jean-Noël Jeanneney, Christiane Taubira, Claude Bartolone, Laurent Fabius, etc. C'est dans les activités d'une telle fondation de faire des retours sur le passé (colloques, séminaires, etc.), et aussi des propectives pour préparer l'avenir. Henri Nallet adorait faire de la recherche, car c'était son métier d'origine.

    J'ai toujours eu du mal en politique avec Henri Nallet, en ce sens que j'ai toujours eu du mal à le considérer comme un véritable homme politique et pourtant, il avait tout pour être considéré comme tel : des portefeuilles ministériels, un mandat parlementaire et même, une implantation locale qui l'a fait élire maire de Tonnerre, petite ville de l'Yonne à l'est d'Auxerre, de 1989 à 1998 (conseiller municipal de 1998 à 2001) ainsi que conseiller général de l'Yonne de 1988 à 2001.

    Sans doute parce qu'il a pris ses engagements politiques par la grande porte, un peu à l'instar de beaucoup de responsables politiques depuis 2017 : celle d'un grand ministère. En effet, après la démission surprise de Michel Rocard comme Ministre de l'Agriculture en avril 1985 pour protester contre l'instauration du scrutin proportionnel pour les législatives de 1986, cuisine électorale pour empêcher l'alliance UDF-RPR d'atteindre la majorité absolue et de favoriser l'élection de députés FN, François Mitterrand a nommé Henri Nallet à sa succession, du 4 avril 1985 au 20 mars 1986.

    À l'époque, il était inconnu du grand public et était considéré comme un technocrate... qu'il était. En effet, Henri Nallet, diplômé de l'IEP de Bordeaux (il est né en Dordogne), d'une licence de droit public et d'un DESS de sciences politiques à Paris (sur l'agriculture), est devenu avocat en 1968. Mais également chercheur de 1970 à 1981 à l'INRA (Institut national de la recherche agronomique) dont il est devenu un directeur de recherches. De 1965 à 1970, Henri Nallet fut aussi chargé de mission pour les affaires économiques auprès de Michel Debatisse, secrétaire général de la FNSEA, mais il démissionna sur un désaccord idéologique.

     

     
     


    Quand il était étudiant, il s'est parallèlement engagé à la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne) dont il fut le secrétaire général en 1963 avant de démissionner en 1964 en raison d'un désaccord avec la tutelle catholique. C'est à cette occasion qu'il a rencontré le futur maire de Lille Pierre Mauroy, président du Conseil français des mouvements de jeunesse dont Henri Nallet fut l'un des vice-présidents jusqu'en 1965. Au début des années 1970, il a collaboré aussi au journal protestant "Réforme" où il a fait la connaissance de Pierre Joxe qui l'encouragea à intégrer l'équipe de campagne de François Mitterrand pour l'élection présidentielle de 1981, spécialisé dans les questions agricoles.

    La victoire des socialistes en 1981 l'a conduit à fréquenter les cabinets du pouvoir : d'abord celui de la toute nouvelle Ministre de l'Agriculture Édith Cresson, mais la réputation de brillant conseiller d'Henri Nallet l'a fait entrer quelques semaines plus tard à l'Élysée comme conseiller technique chargé des questions agricoles, des problèmes communautaires et de la pêche, complétées par les questions sur l'environnement un peu plus tard. Il était entre autres dans les réunions européennes aux côtés du ministre Roland Dumas pour préparer l'entrée de l'Espagne et du Portugal à la CEE.

     

     
     


    En avril 1985, c'était donc à la fois un homme très compétent techniquement sur les questions agricoles (et sur la pratique du pouvoir) et un engagé au sein du parti socialiste (de manière informelle, car il a pris sa première carte du PS seulement en 1987 !) qui a fait son entrée au Ministère de l'Agriculture. Mais comme il est passé par la grande porte sans toutes les étapes de l'élu local qui s'est fait un nom jusqu'à monter à Paris, il y a eu une sorte de procès en illégitimité politique qui lui a toujours collé à la peau, conforté par le fait qu'il n'avait pas d'ambition politique en tant que telle (il ne s'est jamais frotté aux batailles claniques au sein du parti socialiste). En tant que ministre, il apporta à Coluche à la fin de 1985 le soutien des autorités publiques à son excellente initiative des Restos du cœur.

    Pressentant la défaite du PS et leur retour dans l'opposition, les dirigeants du PS ont tenté de sauver les ministres sortants en les présentant en tête de listes aux élections législatives de mars 1986. N'ayant aucune implantation locale, Henri Nallet a été parachuté dans l'Yonne sur le conseil de son ami Pierre Joxe, régional de l'étape, alors qu'il avait d'abord songé à la Manche où sa belle-famille était installée. Henri Nallet fut élu député de l'Yonne en mars 1986, réélu au scrutin majoritaire en juin 1988, battu en mars 1993 et réélu en juin 1997.

    Après la réélection de François Mitterrand, Henri Nallet fut renommé Ministre de l'Agriculture et de la Forêt du 12 mai 1988 au 2 octobre 1990 dans le gouvernement de Michel Rocard. Son successeur et son prédécesseur exerçant durant le gouvernement de la cohabitation dirigé par Jacques Chirac fut le président de la FNSEA François Guillaume (91 ans). Son action au service de l'agriculture l'a amené à présider le Conseil mondial de l'alimentation ainsi que, plus tard, le Haut Conseil de la coopération agricole.

    Mais ce n'est pas dans le domaine agricole que l'action politique d'Henri Nallet resta la plus mémorable. En effet, lors d'un remaniement qui a évincé Pierre Arpaillange de la Place Vendôme, Henri Nallet fut bombardé Ministre de la Justice du 2 octobre 1990 au 2 avril 1992, dans le gouvernement de Michel Rocard et confirmé dans celui d'Édith Cresson qui le connaissait bien (du 2 octobre 1990 au 15 mai 1991, il avait auprès de lui un ministre délégué, l'avocat Georges Kiejman). Son successeur à l'Agriculture fut Louis Mermaz, et il fut évincé lui-même de la Place Vendôme lors de la formation du gouvernement de Pierre Bérégovoy, remplacé par l'ancien conseiller de François Mitterrand à l'Élysée Michel Vauzelle.

     

     
     


    Là encore, un ministre de l'agriculture qui devient ministre de la justice, cela a étonné beaucoup d'observateurs. Mais juriste (et même avocat), Henri Nallet avait bien sûr les qualités pour devenir garde des sceaux (et la politique veut que ministre, c'est une fonction politique et pas technique). Néanmoins, ce qui resta de lui fut le dessaisissement le 7 avril 1991 du juge Thierry Jean-Pierre qui a enquêté sur l'Affaire Urba, un scandale politico-financier impliquant de nombreux dirigeants socialistes. Thierry Jean-Pierre avait alors mené une perquisition au siège d'Urba-Gracco (une boîte à financements occultes des élus socialistes), ce qui avait provoqué la colère de François Mitterrand et sa tentative d'étouffement de l'affaire (le juge Renaud Van Ruymbeke a repris l'affaire, et l'a poursuivie en perquisitionnant au siège du PS !). Il faut aussi rappeler qu'Henri Nallet était le trésorier de la campagne présidentielle des socialistes de 1988 et à ce titre, connaissait sans doute les ressorts du financement du PS.

    Après son exclusion du gouvernement, Henri Nallet fut nommé conseiller d'État en décembre 1992, un statut qui lui assurait une bonne protection alimentaire. Il s'éloigna alors de la vie politique pour devenir expert auprès d'organisations internationales comme la Commission Européenne ou la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement présidée alors par Jacques Attali, l'ancien conseiller spécial de François Mitterrand à l'Élysée). Il a ensuite intégré l'équipe de campagne de Lionel Jospin pour l'élection présidentielle de 1995.

    Réélu député de l'Yonne en juin 1997, Henri Nallet a repris une activité politique nationale voire internationale en se faisant élire président de la délégation de l'Assemblée pour l'Union Européenne, fonction pour laquelle il a pondu de nombreux rapports. Il a aussi beaucoup travaillé à l'époque pour Dominique Strauss-Kahn (Finances) et Élisabeth Guigou (Justice). Henri Nallet fut également vice-président du Parti socialiste européen en 1998, tandis que Pierre Mauroy était le président de l'Internationale socialiste.

    Resté avocat, Henri Nallet a lâché ses mandats électifs au début des années 2000, et a présidé la Fondation Jean-Jaurès après la mort de Pierre Mauroy. Lorsque François Hollande a voulu l'élever le 14 juillet 2015 au grade de commandeur de la Légion d'honneur, une polémique s'est développée en raison du scandale du Mediator, car Henri Nallet était également rémunéré de 1997 à 2013 par le groupe Servier, notamment comme directeur général des affaires extérieures et de la communication. Il a en effet été accusé de trafic d'influence. Ce commandeur du Mérite agricole n'a, semble-t-il, jamais été inquiété par la justice. Et c'est peut-être justice (je ne connais pas son degré d'implication).

    Dans son hommage, son lointain successeur, l'actuel Ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire Marc Fresneau a déclaré : « J’avais eu la chance de pouvoir dîner avec lui au mois de janvier dernier et nous avions évoqué les sujets agricoles et politiques avec un grand esprit de liberté et d’ouverture. Je n’oublie pas combien il a œuvré pour l’agriculture, de l’enseignement agricole aux relations syndicales et pour favoriser le développement des appellations d’origine contrôlées. ». Tandis que Jean-Marc Ayraud, son successeur à la Fondation Jean-Jaurès, a rappelé ses contributions intellectuelles, en particulier sur le multilatéralisme (septembre 2004), sur l'Europe (septembre 2009), sur la gauche et la justice (février 2011), sur les relations entre François Mitterrand et Pierra Mauroy (juin 2016) ainsi que sur Michel Rocard (juillet 2017).



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (29 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jean Jaurès.
    Henri Nallet.
    Jacques Delors.
    Ségolène Royal.
    Najat Vallaud-Belkacem.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Pierre Chevènement.
    Robert Badinter.
    Édith Cresson.
    Patrick Kanner.

    Olivier Dussopt.
    Louis Le Pensec.
    Gérard Collomb.
    Jérôme Cahuzac.
    Pierre Moscovici.
    Jacques Attali.
    Louis Mexandeau.
    Joseph Paul-Boncour.
    Bernard Cazeneuve.
    Charles Hernu.
    Pierre Mauroy.
    Roger-Gérard Schwartzenberg.
    Georges Kiejman.
    Roland Dumas.

    Jean Le Garrec.
    Laurence Rossignol.
    Olivier Véran.

    Sophie Binet.
    Hidalgo et les trottinettes de Paris.
    Hidalgo et les rats de Paris.
    Les congés menstruels au PS.
    Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
    Nuit d'épouvante au PS.
    Le laborieux destin d'Olivier Faure.

    PS : ça bouge encore !
    Éléphants vs Nupes, la confusion totale.
    Le leadershit du plus faure.
    L'élection du croque-mort.
    La mort du parti socialiste ?
    Le fiasco de la candidate socialiste.
    Le socialisme à Dunkerque.
    Le PS à la Cour des Comptes.

     
     




  • L'hommage de l'Europe à Jacques Delors

    « L'Union Européenne qu'il construisait ne se substitue pas aux nations. Et nous retrouvons cette philosophie dans la devise actuelle de notre Union, qui est : "Unie dans la diversité". Cet idéal européen, comme Jacques Delors aimait à le nommer, n'était pas un simple exercice intellectuel ou une simple profession de foi. Il était le moteur d'incroyables initiatives, dont nous ressentons encore les effets. » (Ursula von der Leyen, le 31 janvier 2024 à Bruxelles).




     

     
     


    L'ancien Ministre de l'Économie et des Finances Jacques Delors est mort le 27 décembre 2023 à l'âge de 98 ans. Sa disparition a provoqué une grande émotion et de nombreux hommages pour celui qui est désormais considéré comme l'un des pères de l'Europe moderne, aux côtés de Valéry Giscard d'Estaing de Helmut Kohl.

    Car ce qui a marqué l'histoire n'est pas d'avoir été pendant trois ans l'impossible grand argentier de la gauche socialo-communiste qui jouait dans la surenchère dépensière (en considérant que l'argent public venait du ciel et pas de la poche des contribuables), trois ans marqués par de nombreux épisodes de chantage à la démission (c'est pour cela que Matignon lui était interdit), mais d'avoir passé dix années très utiles et très actives à la Présidence de la Commission Européenne, de janvier 1985 à janvier 1995, une fonction qu'il a sublimée (comme Simone Veil a sublimé la Présidence du Parlement Européen), en en faisant un dirigeant international à part entière, invité aux G7, G8, G20, et à différents sommets internationaux.

    Les hommages officiels et autres ont eu lieu après le Nouvel An, car mourir entre Noël et le Nouvel An n'assure pas une très forte écoute et participation à des hommages. Il y a eu l'hommage solennel de la France à Jacques Delors le 5 janvier 2024 aux Invalides, à Paris, présidé par le Président de la République française Emmanuel Macron et auquel a assisté celui de sa lointaine successeure, Ursula von der Leyen. Et il y a eu l'hommage de l'Europe à Jacques Delors le 31 janvier 2024 à Bruxelles dont le discours principal fut prononcé par Ursula von der Leyen. Au cours de cette cérémonie du 31 janvier 2024, il y a eu de nombreux témoignages et des interludes musicaux.

    La Présidente de la Commission Européenne avait déjà fait deux déclaration en hommage à Jacques Delors. Une première en réaction à l'annonce de sa disparition, le 27 décembre 2023 : « Nous sommes tous les héritiers de l'œuvre de la vie de Jacques Delors : une Union Européenne dynamique et prospère. Jacques Delors a forgé sa vision d'une Europe unie et son engagement pour la paix durant les heures sombres de la Seconde Guerre mondiale. D'une intelligence remarquable et d'une humanité incomparable, il a toute sa vie été le défenseur infatigable de la coopération entre les nations européennes, puis du développement de l'identité européenne. Une idée à laquelle il a donné vie grâce, entre autres, à la mise en place du Marché unique, du programme Erasmus et des prémices d'une monnaie unique, façonnant ainsi un bloc européen prospère et influent. Sa Présidence de la Commission Européenne a été caractérisée par un engagement profond pour la liberté, la justice sociale et la solidarité, des valeurs désormais ancrées dans notre Union. Jacques Delors était un visionnaire qui a rendu l'Europe plus forte. Son œuvre a eu un impact profond sur la vie de générations d'Européens, dont la mienne. Nous lui sommes infiniment reconnaissants. Honorons son héritage en renouvelant et redynamisant sans cesse notre Europe. ».

    Le soir du 5 janvier 2024, au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles, alors qu'elle avait participé à l'hommage national à Paris aux Invalides le matin aux côtés d'Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen est revenue sur l'héritage de Jacques Delors devant, entre autre, le roi des Belges, le Président du Conseil de Belgique et le Président du Conseil Européen (qui est également belge), à l'occasion du début de la Présidence belge du Conseil de l'Union, en insistant sur le fait qu'elle parlait dans les lieux même du dernier discours de Jacques Delors comme Président de la Commission Européenne il y a vingt-neuf ans (le 19 janvier 1995) : « Nous devons tant à Jacques Delors. Il a fait d'une Communauté économique une Union des personnes et des nations. L'une de ses formules m'accompagne depuis le tout premier jour de mon mandat. Il a dit : "C'est le moment de donner une âme à l'Europe". Il l'a prononcée au début des années 1990. La chute du Rideau de fer avait suscité de grands troubles sur le plan géopolitique, mais aussi de grands espoirs de voir l'Europe enfin réunie sous le signe de la paix et de la démocratie. Jacques Delors a été le premier à comprendre qu'il ne fallait pas seulement élargir la Communauté, mais unifier l'Europe. Et pour cela, il fallait que l'Europe redécouvre son âme. Nous devions retourner à nos origines, aux valeurs fondatrices de notre Union, afin d'être à même de forger notre avenir (…) Ce soir, je veux parler non seulement de tout ce que Jacques Delors a fait pour nous, mais aussi de la façon dont il peut nous inspirer. Jacques Delors a présidé la Commission dans une période marquée par des défis géopolitiques colossaux (…). Alors que nous faisons face à de nombreux défis semblables aujourd'hui, inspirons-nous de ses convictions. (…) Quelles que soient nos difficultés, aussi insurmontables puissent-elles paraître, nous devons toujours garder à l'esprit son conseil aux générations futures : "La Grande Europe a son avenir devant elle. N'ayez pas peur, nous y arriverons". ».

     

     
     


    Ursula von der Leyen a présidé la cérémonie d'hommage européen à Jacques Delors le 31 janvier 2024 à Bruxelles. Si Emmanuel Macron était absent, en revanche, les membres de sa famille y étaient, dont Martine Aubry, ainsi que François Hollande (sauf erreur de ma part), et de très nombreux chefs d'État et de gouvernement européens, notamment le Président roumain Klaus Werner Iohannis, le Président lituanien Gitanas Nauséda, le Président chypriote Nikos Christodoulides, le Premier Ministre polonais Donald Tusk (qui fut aussi Président du Conseil Européen), le Chancelier allemand Olaf Scholz, la Première Ministre estonienne Kaja Kallas, le Premier Ministre néerlandais Mark Rutte, le Premier Ministre portugais Antonio Costa, le Premier Ministre espagnol Pedro Sanchez, le Premier Ministre croate Andrej Plenkovic, le Premier Ministre grec Kyriakos Mitsotakis, le Premier Ministre belge Alexander De Croo, le Premier Ministre danois Mette Frederiksen, le Premier Ministre maltais Robert Abela, le Premier Ministre irlandais Leo Varadkar, le Premier Ministre bulgare Nikolaï Denkov, le Premier Ministre finlandais Petteri Orpo et le Premier Ministre du Luxembourg Luc Frieden.
     

     
     


    La chef de l'exécutif européen a commencé par la foi en l'Europe de Jacques Delors : « Trop peu a été dit sur sa foi en l'Europe comme communauté de destin. On le sait, Jacques Delors était croyant. Un homme de foi, justement. C'était aussi un homme convaincu que l'être humain s'accomplit en étant engagé dans la société, au profit de son prochain. Et enfin, c'était un témoin de première main de la douloureuse histoire européenne et de ses conséquences humaines si tragiques. De tout cela découle sa conviction que notre horizon devait être une union sans cesse plus étroite entre les nations européennes et les peuples qui la composent. Dans un cadre de paix, de liberté et de solidarité. Un horizon moral et historique en somme, autant que la solution pragmatique à nos défis. Comme il l'a dit lui-même dans un discours devant le Parlement Européen : "L'Europe, menacée d'être malade de ses divisions, demeure formidablement riche de ses diversités. Il convient de les préserver, mieux, de les faire fructifier pour le bien commun". Et pour Jacques Delors, cette communauté de destin devait avoir pour socle le principe de subsidiarité. "Principe de respect du pluralisme, et donc des diversités" disait-il. L'Union Européenne qu'il construisait ne se substitue pas aux nations. Et nous retrouvons cette philosophie dans la devise actuelle de notre Union, qui est : "Unie dans la diversité". Cet idéal européen, comme Jacques Delors aimait à le nommer, n'était pas un simple exercice intellectuel ou une simple profession de foi. Il était le moteur d'incroyables initiatives, dont nous ressentons encore les effets. »

    À son actif pour faire renaître l'idéal européen, il y a eu le Marché unique : « C'est l'objectif 1992 : un vaste projet pour créer un marché unique réunissant plus de 300 millions d'habitants. Un véritable espace sans frontières. Un espace de liberté de circulation. Pour les marchandises, bien sûr, mais aussi les capitaux, les services et, non moins important, les personnes. Donc un levier pour relancer l'économie européenne et la rendre plus compétitive. Mais aussi un appel aux citoyens à s'approprier l'espace européen. En faisant cela, Jacques Delors a accompli l'exploit de relancer l'Europe en s'appuyant sur l'économie. De créer de l'optimisme en pleine crise économique. ».

    Il y a eu aussi l'Acte Unique européen pour confirmer le Marché unique de 1992 en s'en donnant les moyens : « En élargissant le champ des décisions à la majorité qualifiée, avancée fondamentale ; en étendant les compétences européennes dans les domaines de la politique industrielle, de la recherche et encore de l'environnement. Et enfin et surtout, en plaçant la cohésion sociale et régionale au cœur des priorités européennes. (…) La cohésion territoriale pour réduire les différences entre États membres et entre régions, bien sûr. Et la cohésion sociale, pour lutter contre les inégalités. Cette dimension était chère à Jacques Delors, partisan du dialogue social. ».
     

     
     


    Il y a eu encore le Traité de Maastricht : « Le Traité qui a lancé l'union économique et monétaire et l'introduction de l'Euro. L'Euro, cette grande étape poursuivie par Jacques Delors, était clairement à la fois le symbole de cette union plus étroite, et l'outil d'une plus grande efficacité et souveraineté économique. ».

    L'une des grandes préoccupations de Jacques Delors fut le rôle de l'Europe dans le monde : « Il comprenait qu'elle ne pourrait le faire qu'avec des instruments de souveraineté partagée. Comme la monnaie unique justement, qu'il contribua à créer et une défense commune. (…) Liberté et solidarité comme valeurs humanistes à promouvoir face aux bouleversements du monde. (…) En tant qu'Allemande qui a vécu dans un pays divisé, je suis très reconnaissante à Jacques Delors pour son engagement pour la réunification de l'Allemagne et sa conviction que l'Europe serait à terme réunifiée. En effet, dès l'automne 1989, Jacques Delors n'hésitait pas à se montrer confiant dans la force de l'intégration européenne. Aux journalistes allemands qui l'interrogeaient le 12 novembre 1989, il disait : "La Communauté Européenne est le centre de gravité de l'histoire de l'Europe. C'est vers elle que regardent les habitants de la RDA, de la Pologne et de la Hongrie. Nous ne devons pas les décevoir, nous devons leur offrir notre aide et notre coopération". (…) Son regard sur le rôle de l'Europe dans le monde allait bien plus loin. C'est en effet la Commission présidée par Jacques Delors qui s'est engagée dans les grands forums internationaux. Tels que le G7 et le G20, la Conférence de Rio, ancêtres de nos COP. J'ai souri en lisant un article de journal, relatant une rencontre entre Jacques Delors et Bill Clinton à la Maison-Blanche en 1993. De quoi ont-ils parlé ? De menaces de tarifs américains sur les importations d'acier européen. Certains combats sont éternels. ».
     

     
     


    Ursula von der Leyen a pris l'exemple de la mission impossible de Jacques Delors pour faire accepter l'euro aux Allemands : « Jacques Delors, chacun s'accorde à le dire, était un maître tacticien et un négociateur patient. Pratique sans doute affûtée pendant ses années de syndicalisme, et bien utile dans le contexte européen. (…) Patience, rigueur, travail. (…) Jacques Delors était un travailleur acharné. Mais toujours, avec pour ambition une avancée significative pour l'Europe et ses citoyens. ».

    La conclusion d'Ursula von der Leyen s'est tourné vers les générations à venir : « Plus qu'un héritage patrimonial, je crois qu'il faut en garder la flamme. Celle de la jeunesse et du programme Erasmus. Celle de la solidarité des fonds structurels et du dialogue social. Celle de la volonté, de l'ambition et du pragmatisme. Car enfin le chemin de notre Europe se réinvente chaque jour. Jacque Delors disait que notre Union européenne était un "OPNI" pour "Objet Politique Non Identifié". Au fond, il nous a appris que l'important est de s'adapter aux nouvelles nécessités. L'important est d'agir avec ambition et réalisme pour affronter les nouveaux défis. L'important est de garder chevillé au corps l'idéal européen. ».

    Ursula von der Leyen est candidate à sa propre succession à la Présidence de la Commission Européenne dans la perspective des élection européennes du 9 juin 2024. Elle est la candidate du PPE, représenté en France par LR dirigé sur le plan européenne par François-Xavier Bellamy (qui s'est opposé paradoxalement à cette candidature). Elle comme tous ses adversaires ont beaucoup de leçons à apprendre de l'expérience de Jacques Delors, véritable ordonnateur de la relance de l'Europe après des années 1970 secouées par une crise économique durable. Il manque aujourd'hui de personnalités providentielles pour poursuivre avec ambition la construction de l'Europe aujourd'hui plongée dans un climat d'euroscepticisme d'extrême droite. Seule, la France d'Emmanuel Macron apporte des propositions pour la faire redémarrer. Mais le volontarisme n'est rien sans la négociation patiente. Telle est la principale leçon de Jacques Delors. Pas sûr qu'elle soit bien apprise.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (03 février 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Ursula von der Leyen.
    L'hommage de l'Europe à Jacques Delors.
    Discours de Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen en hommage à Jacques Delors le 31 janvier 2024 (texte intégral).
    L'hommage d'Emmanuel Macron à Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Discours du Président Emmanuel Macron en hommage à Jacques Delors dans la cour d'honneur des Invalides à Paris le 5 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Jacques Delors, l'un des pères de l'Europe moderne.
    Jacques Delors votera-t-il pour Emmanuel Macron ?
    Jacques Delors aurait-il pu être le précurseur d’Emmanuel Macron ?
    Jacques Delors, l’honneur de la France et de l’Europe.
    Institut Jacques-Delors (créé en 1996).
    Qui peut remplacer Jacques Delors en 2014 ?
    L’occasion ratée de 1995.
    Martine Aubry.

     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240131-delors.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/l-hommage-de-l-europe-a-jacques-252858

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/19/article-sr-20240131-delors.html

     

  • Euthanasie 2024 (3) : les ultras dicteront-ils leur loi au gouvernement ?

    « Le projet de loi, par sa portée, nous invite au dépassement de soi : nous devons aller au-delà de notre vécu, au-delà de l’appartenance à un groupe parlementaire, de nos idées préconçues, de la vie quotidienne. Il nous invite à répondre collectivement à des questions d’une profonde gravité. Quelle réponse éthique apporter à des souffrances inapaisables ? Pouvons-nous fermer les yeux sur des douleurs auxquelles ni la médecine ni la législation ne sont en mesure de remédier ? » (Catherine Vautrin, le 27 mai 2024 à l'hémicycle).




     

     
     


    Prudence et humilité, mais ces précautions ministérielles convaincront-elles les députés qu'il faille légiférer la main tremblante quand on parle de mort ?

    Depuis ce lundi 27 mai 2024, le projet de loi sur l'euthanasie en France est examiné en séance publique à l'Assemblée Nationale pour sa première lecture. Cela devrait durer une quinzaine de jours avec un vote solennel prévu le 11 juin 2024. Le Sénat s'emparera ensuite du texte cet automne et comme le gouvernement a sagement évité de faire une procédure accélérée pour ce sujet si sensible, un second round parlementaire aura lieu dans l'année 2025 avant l'éventuelle adoption définitive.

    Avant de présenter le texte et les enjeux, insistons sur les mots : je vais employer ce mot, euthanasie, que j'élargis au double sens d'euthanasie et de suicide assisté. Je conviens que ce sont deux actes très différents (l'un est fait par un tiers, l'autre par le patient lui-même), mais la philosophie de ce texte est que c'est le même geste avec la même finalité, puisque l'idée de proposer une substance létale que le patient lui-même pourra s'administrer s'il le peut (et veut, bien sûr) ou qu'un tiers à sa demande pourra le faire (si et seulement s'il ne le peut pas lui-même). J'utilise le mot euthanasie qui n'est utilisé ni dans le projet de loi, ni par aucun membre du gouvernement, à défaut de la pompeuse "aide à mourir" voire (l'horreur de mots !), "l'aide à mourir dans la dignité" (comme si mourir sans euthanasie devait être indigne alors que la dignité humaine est intrinsèquement constitutive de l'être humain).

    Comme je l'ai signalé précédemment, le texte du gouvernement a été adopté au conseil des ministres du 10 avril 2024 et est défendu par la super ministre Catherine Vautrin (présente également sur le front de l'assurance-chômage). Il a d'abord été examiné en commission, par une commission spéciale chargée de ce texte, créée le 10 avril 2024, présidée par l'ancienne ministre Agnès Firmin-Le Bodo (qui avait été chargée de ce texte au gouvernement mais qui a été exclue du gouvernement en janvier en raison d'une enquête sur des cadeaux supposés trop généreux de groupes pharmaceutiques alors qu'elle était pharmacienne). Le rapport général du texte est Olivier Forlani, député de la majorité (MoDem) et ancien maire socialiste de La Rochelle (le tombeur de Ségolène Royal en 2012), partisan connu de l'euthanasie depuis des années, et les autres rapporteurs sont Didier Martin (Renaissance), Laurence Cristol (Renaissance), Laurence Maillart-Méhaignerie (Renaissance) et Caroline Fiat (FI), chacun rapportant une partie du texte.

    La commission spéciale a examiné le texte du gouvernement du 13 au 17 mai 2024 après avoir organisé une série d'auditions (publiques) du 22 au 26 avril 2024 et le 30 avril 2024 (environ une soixantaines d'heures d'audition). Et ce qui pouvait être imaginable s'est passé : le texte a été profondément remanié dans une version ultra-euthanasiste, en particulier en raison d'un véritable clivage au sein de la majorité. J'y reviendrai plus loin précisément. Le gouvernement espère que l'examen en séance publique reviendra au texte initial sur la philosophie générale (c'est-à-dire, en gros, considérer l'euthanasie comme un cas limite d'une extrême exception), mais rien n'est sûr notamment à cause du jeu des oppositions principalement à gauche qui appuieront les ultras. Or, certains députés de la majorité, comme Astrid Panosyan-Bouvet, députée Renaissance de Paris, qui était prête à voter le texte du gouvernement, a annoncé dans "Le Figaro" qu'elle voterait contre le projet de loi si c'était la version de la commission qui devait être mis aux voix. Elle n'est pas la seule dans la majorité.

    L'attitude du Président Emmanuel Macron est assez ambiguë sur la fin de vie. Je pense que le fait qu'il fasse partie d'une nouvelle génération, bien plus jeune que les dirigeants d'avant lui, joue beaucoup sur cette ambiguïté. L'idée est très populaire bien que les sondages, à mon sens, posent généralement très mal le problème en ne laissant qu'un choix entre extrêmes souffrances et euthanasie. Emmanuel Macron veut ainsi faire adopter le principe de l'euthanasie... mais discrètement, sans que cela se sache, parce qu'une partie de son électorat n'est pas forcément très favorable à cette mesure (vote catholique, personnes âgées, sympathisants de droite en particulier). Alors, il refuse d'aller au bout et de parler d'euthanasie (voir plus haut), et souhaite ainsi une « voie française » de la fin de vie (mais je répète que la voie français de la fin de vie était déjà trouvée, c'est la loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016). Emmanuel Macron refuse aussi de parler d'un "droit" à l'aide à mourir, mais simplement d'une disposition supplémentaire accessible aux patients. Il refuse de présenter ce texte comme une rupture anthropologique profonde alors que c'est le cas.

    Le problème, et c'étaient mes craintes, bien sûr, c'est qu'une fois la boîte de Pandore ouverte, tout est bon pour aller dans l'ultra. C'est la surenchère. Et la volonté d'en profiter pour des idéologues quand une brèche est ouverte. Il n'y a pas de demi-mesure dans ce genre de sujet : ou on accepte clairement que la société (l'État, le corps médical, un autre tiers) fournisse de quoi tuer un patient, voire puisse le tuer (selon sa volonté bien sûr), ou pas. Mais dès que le pas est franchi, il n'y aura ni stopper, ni conditions contraignantes, ni exceptions, cela deviendra la règle et à l'avenir, les grand-mères qui se sentent déjà inutiles voudraient presser l'échéance face à des héritiers eux aussi vaguement pressés et un État super-endetté qui préfère réduire ses dépenses de santé pour les plus âgés (sans se l'avouer). Les députés de la commission spéciale ont montré ce qu'eux ou leurs successeurs feront de cette loi, même si elle est adoptée dans les termes initiaux du gouvernement.


    Quant à la ministre, Catherine Vautrin, elle est très prudente. Elle-même n'était sans doute pas très chaude pour ce texte, même si elle a bien compris le pacte : son portefeuille (élargi) à condition de mettre ses valeurs sous son chapeau et défendre ce texte très macronien. Paris vaut bien une injection létale. J'exagère et je sais qu'il faut rester mesuré pour ce sujet, mais je suis particulièrement étonné et inquiet des nombreux retournements de veste sur ce sujet. Le combat semble déjà acquis. Tant dans l'hémicycle qu'à l'extérieur, dans les médias.
     

     
     


    Revenons au texte. Il est composé (en gros) de deux grandes parties, et là aussi, c'est un scandale. Il aurait fallu deux textes distincts car c'est très différent. L'une porte sur les soins palliatifs (que le gouvernement préfère appeler "soins d'accompagnement" et que la commission spéciale veut nommer "soins palliatifs et d'accompagnement" ; on voit que la construction de la loi, ce n'est qu'un problème de vocabulaire, de mots, et c'est hyper-important, jamais un domaine n'est aussi sensible dans le choix des mots que le droit, et ce n'est pas de la littérature, il y a des vies humaines derrière ces mots). Il aurait fallu une loi distincte pour les soins palliatifs et tout le monde s'accorde à dire qu'il faut les développer et qu'il faut donc y mettre plus de budget. C'est d'ailleurs le manque scandaleux de soins palliatifs dans certains territoires qui fait admettre l'euthanasie. L'idée que la souffrance est hors-la-loi est acquise depuis la fin des années 1990, mais encore faut-il que l'État y mette les moyens. Là, ce sont des sous, pas de la philosophie.

    Lors de la réunion de la commission spéciale du 15 mai 2024, le député LR Thibault Bazin a rappelé que dans son audition par la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti, la démographe Annabel Desgrées du Loû, directrice de recherches et directrice adjointe du département Santé et Société de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD), a affirmé : « Faire avancer vraiment l’accompagnement de la fin de vie pour tout le monde, et donc faire avancer de manière majeure nos soins palliatifs, va prendre énormément de temps, d’argent, de volonté. (…) Si on fait ça en parallèle, il sera plus facile de laisser les personnes choisir de mourir vite. Mais quelle est la liberté derrière ce choix ? Pour qu’il y ait autonomie et liberté, il faut que les différents termes du choix soient possibles. Si un terme est davantage possible que l’autre, voire que l’autre terme n’est pas possible du tout, ce n’est plus un choix. ». C'est pour cela que Thibault Bazin aurait préféré développer massivement les soins palliatifs avant de proposer l'euthanasie (auquel il s'opposerait de toute façon).

    Le député Renaissance Benoît Mournet y a vu également ce risque : « Premièrement, même si je salue l’existence de la stratégie décennale des soins d’accompagnement, sur les 400 000 personnes qui en ont besoin, seules 200 000 accèdent aux soins palliatifs. Je crains que l’aide à mourir ne devienne un palliatif aux soins palliatifs. Deuxièmement, les soignants en soins palliatifs, à quelques exceptions près, vivent cette disposition comme une négation de leur travail d’accompagnement. Nous discuterons plus loin des conditions d’accès à l’aide à mourir, mais je considère que le passage par les soins palliatifs doit être un préalable. ».

    Même vision de la part du député communiste Pierre Dharréville : « Tout cela va perturber l’éthique du soin et de la médecine et, potentiellement, la relation de confiance entre les soignants et les patients. Deux logiques incompatibles s’affrontent. L’étude Jones-Paton de 2015 montre que la légalisation de la mort provoquée n’a pas diminué le nombre de suicides non assistés, plutôt le contraire. Ce texte de loi est un problème au moment où les soins palliatifs sont en situation d’insuffisance criante, où l’hôpital connaît une crise profonde et durable, où le droit à la retraite a été abîmé, où les pénuries de médicaments, y compris pour soulager la douleur, perdurent. Alors que le traumatisme de la pandémie a laissé pour trace une crise sociale profonde, il sera bientôt plus rapide d’obtenir un produit létal que de décrocher un rendez-vous dans un centre antidouleur. Je crains que cette loi ne crée sa propre dynamique en ouvrant l’éventail des cas plus largement que ne l’avait prévu le CCNE [Comité consultatif national d'éthique], avec le risque que de nombreuses personnes mettent fin à leur existence de manière prématurée. Je crois que le droit a une fonction sociale, que la société doit être du côté du droit à vivre, du désir de vivre, et que la loi doit protéger. (…) Nous nous éloignons manifestement de l’enjeu initial : il ne s’agit plus de traiter quelques cas isolés, mais d’établir un droit plus large. Je n’y suis pas favorable. Le fait d’institutionnaliser cette possibilité aura des effets sociaux problématiques. Cela constitue une rupture éthique, sociale et culturelle que je ne souhaite pas accompagner. ».

    Idem pour la députée non-inscrite Emmanuelle Ménard : « Le projet de loi change clairement de paradigme. Au lieu de prendre le problème des soins palliatifs à bras le corps pour permettre à chacun de mourir dignement et sans souffrance, on veut légaliser le suicide assisté et l’euthanasie dans un texte qui, en associant cyniquement les trois sujets, prend en otage ces soins palliatifs. Je considère qu’une société qui fait cohabiter les soins palliatifs avec le suicide assisté et l’euthanasie est une société malade. Il y a un réel antagonisme entre une société qui cherche à supprimer la souffrance et une société qui cherche à supprimer la personne qui souffre. ».

    C'est aussi ce que disait, à la même séance de la commission spéciale, la députée LR Annie Genevard : « Pour ma part, je demande [la] suppression [de l'article 5 (voir plus loin)] car je suis fondamentalement hostile à l’euthanasie et au suicide assisté. Tous les arguments invoqués en leur faveur appellent des contre-arguments. La loi serait la conquête d’un droit nouveau, et même un acte de fraternité ? Mais il y a un fait troublant, c’est qu’une personne renonce à mourir quand on répond à ses problèmes de douleur et d’isolement. N’est-ce pas là que devrait se concentrer le soin ? Le texte couvrirait des cas qui échappent à la loi Claeys-Leonetti ? Mais il ne répondra pas non plus à toutes les situations. Ce droit serait strictement circonscrit ? Pourtant, dans tous les pays où il a été introduit, il a appelé un élargissement. Enfin, une telle loi n’entraînerait aucun effet de contagion ? Mais au Canada, en huit ans, la demande d’euthanasie et de suicide assisté a connu une croissance exponentielle. Tout cela ne peut pas ne pas nous faire réfléchir. ».

    L'autre volet concerne cette "aide à mourir", l'euthanasie, donc. Je reviens d'abord au texte du gouvernement pour deux articles très importants. L'article 5 donne la définition : « L’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner la mise à disposition, à une personne qui en a exprimé la demande, d’une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 6 à 11, afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne volontaire qu’elle désigne. ».
     

     
     


    On comprend bien que ce sont les articles 6 à 11 qui sont essentiels dans cette autorisation à mourir ou faire mourir. En particulier, l'article 6, dans sa rédaction gouvernementale, insiste sur la nécessité de répondre à cinq conditions en même temps : « Pour accéder à l’aide à mourir, une personne doit répondre aux conditions suivantes :
    1° Être âgée d’au moins 18 ans ;
    2° Être de nationalité française ou résider de façon stable et régulière en France ;
    3° Être atteinte d’une affection grave et incurable engageant son pronostic vital à court ou moyen terme ;
    4° Présenter une souffrance physique ou psychologique liée à cette affection qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas ou a choisi d’arrêter de recevoir des traitements ;
    5° Être apte à manifester sa volonté de façon libre et éclairée. ».

    Dans la séance de la commission spéciale du 16 mai 2024, Emmanuelle Ménard s'est notamment inquiétée de la première condition : « La limite de 18 ans me semble problématique puisqu’elle est une porte ouverte évidente à l’euthanasie ou au suicide assisté des mineurs. Rien ne sera plus facile que de voter plus tard un amendement, il y en a déjà dans la suite de la discussion, proposant l’accès à l’aide à mourir à partir de 10, 12 ou 15 ans, voire sans aucune limite d’âge. ». Quant au député LR Philippe Juvin : « Les critères stricts que vous mettez en avant ne le sont pas. J’essaierai de le démontrer. ». Annie Genevard aussi était opposée à cet article 6 : « Mon attention et mon opposition se portent plus particulièrement sur la délivrance d’un produit létal à un patient dont le pronostic vital est engagé à moyen terme ; sur les patients présentant une souffrance psychologique ; sur la volonté libre et éclairée, dont on a vu dans les débats ce matin qu’elle pouvait être entravée, notamment par l’emprise ou l’abus de faiblesse. ».

    J'ai déjà évoqué mon sentiment sur le sujet et quelle que soit la formulation de ces conditions, elles pourront toujours être vaguement contournées, d'autant plus si elles sont juridiquement floues. Par exemple, la "manifestation libre et éclairée" pourra toujours être discutée, notamment pour un patient à moitié conscient ou victime d'un abus de faiblesse. De même, le caractère "réfractaire" ou même "insupportable" de l'affection reste assez flou. Enfin, l'idée d'un pronostic vital engagé à "moyen terme" est très floue aussi. Toutefois, beaucoup de députés, initialement réticents, étaient prêts à se rallier à ce projet de loi avec de telles contraintes.

    Mais c'était oublier le passage en commission spéciale, et surtout, rappelons-le en termes de procédure, depuis la révision constitutionnelle de Nicolas Sarkozy (de 2008), les députés en séances publiques délibèrent à partir du texte amendé de la commission et pas du texte initial déposé, ce qui oriente beaucoup les débats (on se dira que c'est un plus grand pouvoir des députés, et c'est vrai, mais on n'en parle jamais à leur actif et le risque est la surenchère démagogique).

    Le texte de la commission a transformé considérablement celui du gouvernement. La rapporteure de cette partie cruciale (articles 5 et 6) est Laurence Maillart-Méhaignerie. Le 16 mai 2024, elle a eu à batailler en commission contre les tentatives pour élargir l'euthanasie aux mineurs, comme l'a demandé par exemple la députée écologiste Julie Laernoes. Laurence Maillart-Méhaignerie a expliqué pourquoi les mineurs sont exclus du texte : « Cette exclusion s’explique tout d’abord par des considérations éthiques. Le discernement d’un enfant progresse avec son âge. La faculté d’expression d’une volonté libre et éclairée, condition centrale dans l’accès à l’aide à mourir, suppose une maturité et un discernement plein et entier. L’ouverture de l’aide à mourir aux mineurs impliquerait nécessairement l’accord des parents, titulaires de l’autorité parentale, dont la position peut être délicate et discutable dans cette prise de décision qui doit rester un choix individuel. L’exclusion des mineurs du dispositif d’aide à mourir repose également sur des raisons médicales. Les traitements destinés aux jeunes patients sont de plus en plus prometteurs, comme en oncologie où le taux de rémission est considérablement plus élevé chez les jeunes. Le projet de loi prévoit donc de s’en tenir à la seule barrière juridique incontestable, qui est celle de la majorité, l’âge de la responsabilité pleine et entière du patient citoyen. ».


    Ce qui est aussi l'avis du député centriste Charles de Courson : « En imposant d’obtenir le consentement des parents, si l’enfant a deux parents, que se passe-t-il si l’un est pour et l’autre contre ? On ne peut pas mettre le doigt là dedans. Si le texte est voté, il se passera ce qui s’est passé dans la plupart des autres pays : une dérive. On a bien vu tout à l’heure à quelles dérives avaient conduit les directives anticipées, avec lesquelles certains tentaient de contourner les fameux critères de l’article 6. ».

    Certes, parfois, les modifications ou compléments sont les bienvenus de la part de la commission, car ils précisent mieux le texte ou l'encadrent mieux. C'est le cas de l'article 5 dont la version de la commission est plus pertinente qu'à l'origine : « L’aide à mourir consiste à autoriser et à accompagner une personne qui en a exprimé la demande à recourir à une substance létale, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 1111 12 2 à L. 1111 12 7, afin qu’elle se l’administre ou, lorsqu’elle n’est pas en mesure physiquement d’y procéder, se la fasse administrer par un médecin, un infirmier ou une personne majeure qu’elle désigne et qui se manifeste pour le faire. Cette dernière ne peut percevoir aucune rémunération ou gratification à quelque titre que ce soit en contrepartie de sa désignation. Elle est accompagnée et assistée par le médecin ou l’infirmier. ». En effet, il y a eu deux ajouts : l'interdiction de toute compensation rémunératrice de la part du tiers qui viendrait à administrer la substance létale au patient demandeur, ainsi que son accompagnement avec un personnel médical (car une injection n'est jamais anodine et il peut y avoir des problèmes). Surtout, l'idée d'évacuer toute tentation pécuniaire est essentielle, et on se demande pourquoi le gouvernement n'y avait pas pensé lui-même (on sait par exemple qu'en Suisse, des organisations privées se font beaucoup d'argent en proposant le suicide assisté).


    Mais au-delà de la perfectibilité technique et juridique du texte, il peut y en avoir des modifications politiques voire philosophiques majeures. C'est le cas pour l'article 6 dont le troisième et quatrième points diffèrent de la version gouvernementale. Version de la commission spéciale :
    « 3° Être atteinte d’une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale ;
    4° Présenter une souffrance physique, accompagnée éventuellement d’une souffrance psychologique liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable lorsque la personne ne reçoit pas de traitement ou a choisi d’arrêter d’en recevoir ».
     

     
     


    La notion pourtant très instruite et utilisée par le corps médical de « pronostic vital » a été supprimée au profit d'une « phase avancée ou terminale » qui ne signifie pas grand-chose. L'ancien ministre Joël Giraud, député Renaissance, s'est exprimé lors de la réunion n°28 du 16 mai 2024 de la commission spéciale, pour soutenir cette expression : « Cela permettra également aux patients atteints d’une pathologie évolutive d’être éligibles. ». La députée PS Christine Pirès-Beaune était aussi d'accord : « À titre personnel, j’estime que la condition de la maladie grave et incurable est suffisante. Il est trop cruel de dire à quelqu’un atteint de la maladie de Charcot qu’il devra attendre d’être en phase terminale, c’est-à-dire de n’avoir plus de jambes, plus de mains, peut-être de ne plus pouvoir respirer, pour avoir, peut-être, le droit de demander l’aide active à mourir. ». Même la rapporteure Laurence Maillart-Méhaignerie et le rapporteur général Olivier Falorni ont soutenu les amendements visant à remplacer "engageant son pronostic vital à court ou moyen terme" par "en phase avancé ou terminale".

    En revanche, Laurence Cristol a soutenu l'expression d'origine : « Vous partez du présupposé qu’une définition à long terme serait plus claire, mais c’est clairement non ! En trente ans, les progrès de la médecine ont offert un espoir immense pour le pronostic de maladies que l’on pensait incurables à long terme. Pierre a 60 ans. Médecin, il a reçu il y a trois ans le diagnostic d’un cancer du pancréas métastatique résistant à la chimiothérapie : son pronostic vital était engagé au-delà du moyen terme. Il aurait donc été éligible au dispositif que vous proposez. Grâce aux thérapies innovantes qui n’existaient pas il y a peu, il a retrouvé sa qualité de vie, il vit, il profite. Beaucoup des juristes que nous avons auditionnés ont proposé de retirer le critère de pronostic vital engagé à court ou à moyen terme, mais il faut favoriser l’approche médicale et rester humbles devant la maladie et les évolutions thérapeutiques. Dans de très nombreux cas, le médecin saura dire si le pronostic vital est engagé à court ou à moyen terme, s’il n’y a plus d’espoir. C’est un horizon peut-être imparfait, critiquable, mais protecteur pour les patients et rassurant pour les soignants. Comprenez que le vote des amendements concernés anéantirait le sens du texte. ».

    Cette dernière phrase est importante puisque ces amendements ont été adoptés par la commission spéciale. C'est aussi ce qu'a bien compris Philippe Juvin (par ailleurs médecin) : « Une affection peut être en phase avancée sans engager le pronostic vital. C’est le cas si votre médecin vous diagnostique un cancer avec des métastases généralisées, mais curable. La rédaction "en phase avancée" ouvre donc très largement le champ d’application. ». Ainsi que l'avis du député LR Patrick Hetzel : « Le remplacement du pronostic vital à court et moyen terme par la notion de phase avancée ou terminale ouvre en grand les voies d’accès à l’aide à mourir. Il n’y a aucune étude d’impact sur la question, puisque cette évolution serait consacrée par l’adoption d’un amendement d’origine parlementaire : accepter cette proposition nous ferait courir un risque considérable. Nous sommes opposés à l’autorisation du suicide assisté et évidemment à la suppression de conditions encadrant son recours. Nous vous avions alertés sur la volonté de certains d’aller plus loin que le texte du gouvernement ; vous pouvez constater que nous avions raison. Faisons attention et apportons des garanties aux patients, car nous parlons de leur vie. ».

    Pareillement pour le député MoDem Cyrille Isaac-Sibille : « Les amendements m’interpellent : le court, le moyen et le long termes sont des critères de nature temporelle. Les maladies graves progressent : une fois le diagnostic posé, elles avancent, donc l’expression « phase avancée » pourrait concerner les premiers stades d’une maladie diagnostiquée. L’adoption de ces amendements sèmerait de la confusion pour les soignants, car toute pathologie évolutive pourrait entrer dans le champ de la loi : nous pénétrerions là sur un terrain dangereux. ». Idem pour le député LR Yannick Neuder : « Supprimer le pronostic vital des critères ouvrant droit à l’aide à mourir serait très grave. Ne confondons pas celui-ci avec la phase de la maladie, laquelle peut être avancée sans que le pronostic vital soit engagé ; des maladies avancées sont curables, comme la pathologie dont je souffre, l’insuffisance cardiaque, qui n’entre pas en phase terminale en cas de greffe. Il faut faire preuve de beaucoup de prudence dans le choix des termes et conserver la notion de "pronostic vital à court ou moyen terme". Il convient également d’avoir l’honnêteté de ne pas confier à la HAS le soin de définir ce critère. ».

    La présidente de la commission Agnès Firmin-Le Bodo était aussi d'avis de garder le texte originel : « Le projet de loi repose sur un équilibre et une priorité, celle du choix du patient. Néanmoins, cette liberté s’inscrit dans un cadre dans lequel les professionnels de santé accompagnent le malade tout au long du processus. Seul un médecin peut déterminer si le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme. Le texte fixe des critères, qui assurent l’équilibre du dispositif. La suppression de la notion de court ou moyen terme modifierait en profondeur la nature du projet de loi et romprait son équilibre, car elle autoriserait des personnes dont le pronostic vital est engagé à long terme et qui endurent des souffrances physiques réfractaires à solliciter une aide à mourir. ».
     

     
     


    La ministre Catherine Vautrin, au nom du gouvernement, était, elle aussi, opposée au changement d'expression et défendait la notion de "pronostic vital à court ou moyen terme" après avoir lu l'avis du Conseil d'État et la lettre du président de la Haute autorité de santé (HAS) sur le sujet : « Les auteurs des amendements tendant à supprimer la référence au moyen terme ont des intentions très différentes. Les uns veulent restreindre l’aide à mourir aux affections engageant le pronostic vital à court terme ; ce n’est pas le sens du texte, et j’y suis défavorable. Les autres estiment qu’il est inutile de préciser cette condition dans la loi, que la pratique médicale se suffira. Mais la loi ainsi rédigée serait-elle applicable ? Quel médecin se sentira protégé si la loi n’éclaire pas un minimum son action ? Nous formulons une notion, la pratique se l’appropriera. La pratique est à la médecine ce que la doctrine est au droit. Incontestablement, pour que la pratique soit possible, les médecins ont besoin d’un cadre protecteur, aussi avons-nous inscrit dans le texte la double référence au court et au moyen terme. ».

    Ce jeudi 16 mai 2024 peu après 16 heures, la situation était donc critique au sein de la commission spéciale : le rapporteur général et la rapporteure de l'article étaient favorables à une modification sur la troisième condition en supprimant la notion de pronostic vital engagé, bouleversant complètement l'équilibre du texte initial. La présidente de la commission et la ministre se sont opposés à cette modification. La présidente a dû alors suspendre la réunion juste avant le vote pour tenter une conciliation, mais finalement, les amendements de modification ont été adoptés contre l'avis du gouvernement. Cela a constitué non seulement un camouflet contre le gouvernement mais aussi l'idée qu'une fois qu'on commence à légiférer sur l'euthanasie, les conditions dériveront toujours parce qu'il y aura toujours des ultras pour les élargir.

    C'est donc évidemment sur les articles 5 et 6 qu'il faudra écouter attentivement les députés en séance publique, sans doute la semaine prochaine (ou à la fin de cette semaine). La question essentielle est : quelle sera la préférence des députés, le texte du gouvernement, équilibré, ou celui de la commission, débordé par ce que je nomme les ultras, même si ceux-ci, par précaution oratoire, n'hésite pas à faire part de leur humilité face à la gravité du sujet ? L'enjeu, c'est de protéger les plus vulnérables et de pouvoir leur apporter tous les soins qu'ils souhaitent, dont ils ont besoin, même atteints d'une maladie incurable, même en fin de vie. Que la solution de la mort ne soit pas la première option, facile, rapide et économique, au détriment de l'éthique, de l'innovation médicale et surtout, de la dignité humaine qu'on brandit un peu trop facilement à tort et à travers.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Euthanasie 2024 (3) : les ultras dicteront-ils leur loi au gouvernement ?
    Euthanasie : Robert Badinter, Ana Estrada et l'exemple péruvien ?
    Euthanasie 2024 (2) : le projet Vautrin adopté au conseil des ministres du 10 avril 2024.
    Euthanasie 2024 (1) : l'agenda désolant du Président Macron.
    Robert Badinter sur l'euthanasie.
    Le pape François sur l'euthanasie.
    Fin de vie 2023 (4) : la mystification d'un supposé "modèle français" de la fin de vie.
    Discours du Président Emmanuel Macron recevant la Convention citoyenne sur la fin de vie le 3 avril 2023 à l'Élysée (texte intégral).
    Communiqué de l'Ordre des médecins sur la fin de vie publié le 1er avril 2023 (texte intégral).
    Avis n°139 du CCNE sur les questions éthiques relatives aux situations de fin de vie publié le 13 septembre 2022 (à télécharger).
    Rapport n°1021 de la mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti publié par l'Assemblée Nationale le 29 mars 2023 (à télécharger).
    Rapport de la Convention citoyenne sur la fin de vie publié le 2 avril 2023 (à télécharger).
    Fin de vie 2023 (3) : conclusions sans surprise de la Convention citoyenne.
    Fin de vie 2023 (2) : méthodologie douteuse.
    Fin de vie 2023 (1) : attention danger !
    Le drame de la famille Adams.
    Prémonitions (Solace).
    Vincent Lambert.
    Axel Kahn : chronique d’une mort annoncée.
    Euthanasie : soigner ou achever ?
    Le réveil de conscience est possible !
    Soins palliatifs.
    Le congé de proche aidant.
    Stephen Hawking et la dépendance.
    La dignité et le handicap.
    Euthanasie ou sédation ?
    La leçon du procès Bonnemaison.
    Les sondages sur la fin de vie.
    Les expériences de l’étranger.
    La politisation du CCNE (16 décembre 2013).
    Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Figaro" du 5 avril 2021.
    Tribune de Michel Houellebecq dans "Le Monde" du 12 juillet 2019.
    Les nouvelles directives anticipées depuis le 6 août 2016.
    Réglementation sur la procédure collégiale (décret n°2016-1066 du 3 août 2016).
    La loi Claeys-Leonetti du 2 février 2016.
    La loi Leonetti du 22 avril 2005.

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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240527-euthanasie-2024c.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/euthanasie-2024-3-les-ultras-254865

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/27/article-sr-20240527-euthanasie-2024c.html




     

  • Assurance-chômage : durcissement pour plus d'emplois ?

    « Si nous ne réformons pas l'assurance-chômage aujourd'hui, nous risquons de caler sur la route du plein-emploi. Cette réforme, c'est donc le carburant qui nous permettra de créer toujours plus de travail dans notre pays. » (Gabriel Attal, le 26 mai 2024).


     

     
     


    Est-ce une coïncidence ? Gabriel Attal a annoncé les conditions de la nouvelle réforme de l'assurance-chômage un mois jour pour jour après la décision de deux grandes agences de notation de ne pas sanctionner la France malgré son déficit public plus élevé que prévu en 2023. Peut-être est-ce moins une coïncidence quelques jours avant la décision de la troisième grande agence de notation qui devrait intervenir le 31 mai 2024 ?

    Dans une interview accordée au journal "La Tribune Dimanche" du dimanche 26 mai 2024 (numéro 34), le Premier Ministre a effectivement précisé les contours de la réforme de l'assurance-chômage. Elle devrait être intégrée dans un décret avant le 1er juillet 2024 pour une mise en application au 1er décembre 2024. Gabriel Attal a expliqué que le gouvernement a pris la décision seule, puisque les partenaires sociaux ne sont pas arrivés à un accord contractuel à la suite de nombreux rounds de concertation.


    Dans cette nouvelle réforme, il est prévu d'augmenter les conditions pour pouvoir prétendre à une indemnisation. Il faudra avoir travaillé huit mois les vingt derniers mois (au lieu de six mois sur les vingt-quatre derniers mois), le seuil des seniors passe de 55 à 57 ans pour une augmentation de la durée d'indemnisation (ce qui est une suite logique de la réforme des retraites de 2023), mais celle-ci est toutefois réduite de dix-huit mois à quinze mois pour les moins de 57 ans et de vingt-sept mois à vingt-deux mois pour les plus de 57 ans. Selon le gouvernement, cette réforme économiserait 3,6 milliards d'euros et entraînerait la création de 90 000 nouveaux emplois.
     

     
     


    Au-delà de cette crédibilité extérieure qui fait que la France est un pays financièrement fiable, capable de faire des réformes de structure lorsque c'est nécessaire, on peut aussi comprendre cette réforme comme une étape supplémentaire de ce que veut laisser Emmanuel Macron après lui : l'idée qu'il continue toujours à réformer le pays, même pendant son second mandat, et que cela bouleverse le paradigme de l'emploi et du chômage depuis une quarantaine d'années en France.

    Du reste, le Premier Ministre a rappelé : « Nos réformes ont permis de créer 2,5 millions d'emplois, notre taux de chômage est au plus bas depuis quarante ans... Nous avons montré que nous n'étions pas condamnés au chômage de masse. ». Et cela, c'est une vraie réussite des deux mandats d'Emmanuel Macron, saluée aussi par la presse allemande : rompre avec le cycle infernal du chômage, à l'image du Président impuissant et désabusé qu'était François Mitterrand, qui disait qu'on avait tout essayé. Emmanuel Macron a démontré le contraire. Et sur la période récente, même quand la croissance s'essouffle, cela ne renforce pourtant pas le chômage.

    Mais j'ai quelques doutes sur l'intérêt de la réforme en matière d'emploi. Elle sous-entend que les chômeurs le sont parce qu'ils le veulent bien. Pourtant, ces chômeurs indemnisés un peu fainéants sur les bords, s'ils existent, ils sont finalement marginaux ; certains organismes ont cherché à les estimer, et selon leurs biais idéologiques, ils seraient de 1 ou 2% à 15%. Quand même François Bayrou dit le 26 mai 2024 sur France Inter : « Au bout de six mois, ils partent [de l'entreprise] car leurs droits sont rechargés. », il donne l'impression que tous les chômeurs pourraient trouver un emploi. Certes, beaucoup de secteurs sont en tension et beaucoup d'employeurs ont du mal à recruter, mais il reste quand même beaucoup plus de demandeurs d'emploi que de postes à pourvoir et surtout, le problème reste l'adéquation entre les candidats à l'emploi et le poste, c'est-à-dire, la formation.

    C'est la troisième réforme de l'assurance-chômage depuis 2019 et le gouvernement a touché à tous les paramètres : durée d'indemnisation, montant de l'indemnité, conditions pour être indemnisé, et même dégressivité de l'indemnité pour les salaires élevés. Selon un rapport de 80 pages de la DARES, ces réformes auraient effectivement renforcé la création d'emplois... mais les conclusions ne sont pas très claires sur cette réalité et sur la nature de ces emplois. Toujours est-il que le taux de chômage est à 7,5%, ce qui est sans équivalent depuis que la France est en crise économique permanente.

     

     
     


    Ces réformes sont des réformes structurelles profondes de notre modèle social, pour le maintenir et le fiabiliser. Les deux premières vont permettre d'avoir 1,1 milliard d'euros d'excédent en 2024 (c'était 1,6 milliards d'euros d'excédent en 2023), alors que les caisses de cette assurance étaient au rouge pendant longtemps (mais cet excédent va servir à éponger la dette de cette assurance). Avec la réforme des retraites (insuffisante si l'on en croit maintenant les prévisionnistes qui auraient mal calculé) et la réforme du code du travail, la réforme de l'assurance-chômage est le troisième point de cette transformation du pays. Gabriel Attal a voulu dédramatiser : « Nous conservons un régime plus généreux que nos voisins, en nous rapprochant du système allemand, où il faut avoir travaillé douze mois sur trente. Au Portugal et au Royaume-Uni, c'est douze mois sur vingt-quatre, et seize mois sur trente-trois en Belgique. ».

    Pour l'opposition à gauche (syndicats, partis politiques), cette réforme est un scandale car elle va surtout pénaliser les plus âgés (les seniors) avec la baisse de la durée d'indemnisation et les plus jeunes et les plus précaires, avec le durcissement des conditions pour pouvoir être indemnisé. Pour le gouvernement, cela ne fait aucun doute qu'en modifiant ces curseurs, cela va mécaniquement renforcer l'emploi parce qu'un demandeur d'emploi qui disposera de moins de temps pour retrouver un emploi sera plus porté à accélérer ses recherches. Cela oublie les laissés-pour-compte. Et cela renforce l'idée que le gouvernement veut faire payer aux plus précaires, à ceux qui ont le plus de difficultés, pour renflouer le déficit. Or, Gabriel Attal n'a pas évoqué le déficit comme motivation pour faire cette réforme mais bien son objectif de plein-emploi (autour de 6,5% de chômage).


    Cette réforme aurait dû être annoncée une ou deux semaines plus tôt et les émeutes à Nouméa ont retardé le calendrier. Mais est-ce téméraire sinon complètement fou d'annoncer une telle réforme à deux semaines d'un scrutin qui risque bien d'être catastrophique pour la majorité présidentielle ? Sans doute oui alors que la liste du parti socialiste menée par Raphaël Glucksmann talonne celle de Valérie Hayer dans les sondages : ce n'est pas ainsi que le gouvernement convaincra des électeurs de gauche de rejoindre la liste la plus européenne de France.

    Toutefois, cette réforme est peut-être basée sur le pari d'une majorité silencieuse qui ne la rejetterait pas. Un sondage de l'IFOP publié le 10 octobre 2023 avait révélé que 65% des sondés étaient d'accord avec l'affirmation : "Les chômeurs pourraient trouver du travail s'ils le voulaient vraiment". Et un sondage d'Odoxa-Backbone publié en avril 2024 pour "Le Figaro" avait montré que 54% des sondés étaient favorables à un durcissement des règles du chômage.


    Pourtant, vouloir courir après un électorat de droite semble assez contre-productif aujourd'hui alors que l'offre électorale à droite dépasse toutes les imaginations depuis cinquante ans. À mon sens, il faut parler ici d'un certain autisme de la part du l'Élysée : cette volonté très louable mais obstinée de faire de la France un territoire de prospérité économique risque bien de coûter très cher à cette majorité assez étrange, en provoquant la plus désastreuse des défaites électorales dans trois ans. On pourra dire ensuite qu'elle avait raison, que les réformes, on n'y reviendrait pas car elles étaient un moment douloureux mais nécessaire à passer, l'enjeu reste quand même de savoir si l'extrême droite, avec son visage le plus lisse et souriant, sera ou pas au pouvoir à brève échéance. Autant ne pas lui servir ce pouvoir sur un plateau d'argent. Cela fait réfléchir.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (26 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Assurance-chômage : durcissement pour plus d'emplois ?
    Les 10 mesures de Gabriel Attal insuffisantes pour éteindre la crise agricole.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Agences de notation Moody's et Fitch : la France n'est pas dégradée !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240526-assurance-chomage.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/assurance-chomage-durcissement-254847

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/27/article-sr-20240526-assurance-chomage.html