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  • Le grand Alain Delon

    « Il a dit à Sophie, la mère de mes filles, qui a fait l'aller et retour dans la journée pour l'embrasser : "C'est mon dernier Noël, tu restes ?". Elle avait prévu de passer Noël avec ses deux autres enfants, elle a quitté Douchy les larmes aux yeux. » (Anthony Delon, "Paris Match" le 4 janvier 2024).




     

     
     


    Dimanche 18 août 2024, journée nationale Alain Delon ? L'annonce de sa disparition ce dimanche matin choque parce que l'acteur faisait partie, depuis plusieurs décennies, du roman national français. Qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas, son jeu d'acteur ou sa personnalité, il était l'une des personnes qui incarnaient le plus l'esprit français, comme interprète plus que comme auteur.

    Les plus âgés l'associeront jeune à leur jeunesse, très jeune même, le regard du jeune voyou ; les plus jeunes à un vieux mythe vivant qui parlait parfois de lui à la troisième personne (peut-être que les Guignols ont un peu exagéré dans la caricature). Combien restent-ils de ces monstres du cinéma français à la grande période des années 1960 ? Pas même Gérard Depardieu qui n'existait pas encore même si lui est un autre monstre (sacré ou pas).

    Sa famille le disait malade, au point d'être en conflit jusqu'à en devenir un affaire, médiatique sinon judiciaire. Comme le raconte le témoignage de son fils aîné au début de cette année, l'acteur ne comptait pas passer un nouveau Noël. Il était même partisan de l'euthanasie lorsque la situation l'exigeait, son côté "libéral" sans doute...


    Alain Delon a exprimé son vif soutien à l'Ukraine le 10 septembre 2022. Le Président de l'Ukraine, ancien acteur, Volodymyr Zelensky lui a rendu hommage en lui disant le 23 septembre 2022 : « Je n'ai jamais été un acteur aussi génial que vous (…). Nous vous aimons beaucoup et pour moi vous êtes toujours une autorité et un immense acteur ! ».

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    On pensera à tous ses films, la télévision repassera tous ses films, les premiers très bons, les suivants avec cette petite tâche du grand acteur qui en a conscience et qui se laisse aller. Personnellement, je retiendrai Alain Delon le philosophe. Eh oui, il a fait partie des rares personnes qui m'ont beaucoup fait réfléchir. Avec cette petite phrases sibylline qui est plus profonde qu'une simple pirouette. Le 3 octobre 1996, il lâchait à "Paris Match" : « Un ami ? C’est quelqu’un à qui on peut téléphoner à trois heures du matin en disant qu’on vient de commettre un crime et qui vous répond seulement : "Où est le corps ?" ». Ai-je beaucoup d'amis ? Sujet du baccalauréat, épreuve de philosophie, juin 2037.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le grand Alain Delon
    Affaire Alain Delon : ce que cela nous dit de la fin de vie.
    Comment va Alain Delon ?


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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240818-alain-delon.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/le-grand-alain-delon-256378

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/18/article-sr-20240818-alain-delon.html




     

  • L'acteur Pierre Richard a 90 ans

    « Je ne suis pas un homme de texte. Je m’intéresse plus aux sentiments, à l’émotion du moment qu’aux mots. Donc, je peux dire n’importe quel mot. Pour moi, ce qui compte, c’est la sincérité avec laquelle je le dis. (…) Je peux dire "carburateur" alors que cela n’a aucun rapport avec ce que je dois dire. Je ne m’en aperçois pas. » (Pierre Richard, le 16 décembre 2006 sur France 2).


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    L’acteur Pierre Richard fête son 85e anniversaire ce vendredi 16 août 2019 (il est né à Valenciennes). Comment peut-on être si original avec un nom si commun ? Pierre Richard est une sorte de compromis entre Louis de Funès, version soumise et distraite, et Jacques Tati, version cinéma parlant. Comme ce dernier, il a réalisé quelques films, mais c’est surtout comme acteur qu’il est éclatant.

    Il est le petit-fils du patron d’une usine dans le Nord : « C’est vous dire que je n’ai pas tellement suivi son chemin. ». Sa famille n’était pas très heureuse quand il a choisi la comédie : « J’étais fâché pendant quinze ans, jusqu’au moment où j’ai fait mon premier film. ». Il est un acteur assez particulier et original dans le cinéma français. Parce qu’il a sa manière très personnelle de jouer. Tout en sensibilité, tout en émotion.

    Ses duos sont irrésistibles : avec Mireille Darc, avec Jane Birkin, mais aussi avec des hommes, avec Jean Carmet, avec Pierre Palmade, et surtout, avec Gérard Depardieu. Jetant au fond d’une oubliette le concept du clown triste, Pierre Richard invente le clown distrait.

    Enfin, le clown distrait seulement dans la première de sa carrière. Il n’était déjà plus très jeune, il a brillé dans ces rôles dans les années 1970 et 1980, il avait déjà la quarantaine, voire la cinquantaine déjà. Gesticulateur, avec ses grandes jambes, une stature qui s’impose sans en imposer, du mime parfois, un peu à la Charlie Chaplin. Tout en silence.

    Forcément que le public l’aime : timide, modeste, distrait, maladroit, malchanceux, il a tout pour plaire, tout pour réaliser ce phénomène d’identification, aucune arrogance, aucune suffisance, de la gentillesse à revendre et un cœur immense. S’il faut résumer, je choisis deux films : "Le Grand Blond avec une chaussure noire" et "La Chèvre". Mireille Darc et Gérard Depardieu. Sans compter tous les autres acteurs succulents (Bernard Blier, Jean Rochefort, Paul Le Person et Jean Carmet pour le premier, Michel Robin et Corynne Charby pour le second, pour les deux, une apparition de Robert Dalban).

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    Dans la seconde partie de sa carrière, il est l’acteur "vieux". Je l’ai découvert avec un téléfilm en Robinson Crusoé. Il n’a pas changé dans le comportement (il reste toujours un grand enfant rêveur) mais son apparence a transmuté. Le voici en vieillard, avec une barbe blanche, comme l’avait laissé pousser aussi l’ami Jean-Pierre Marielle. Ses yeux sont toujours aussi brillants et farceurs, son sourire irrésistible, mais il apparaît "vieux".

    Mais pourquoi donc ces acteurs laissent-ils pousser leur barbe blanche ? Tout le monde ne peut pas rivaliser avec le Père Noël. Et pour Pierre Richard, cela peut lui faire le look d’un vieil anarchiste de droite solitaire et désabusé de la vie, ce que le sourire scintillant, heureusement, dément immédiatement.

    Je propose ici sept occasions où Pierre Richard a été, selon moi, extraordinaire. Bien sûr, c’est un choix personnel, donc subjectif et arbitraire, mais ce sont des films ou prestations que j’ai adorés et qui tiennent grâce à l’aura de Pierre Richard.


    1. "Le Grand Blond avec une chaussure noire" (sorti le 6 décembre 1972)

    Ce film réalisé par Yves Robert (avec une collaboration avec Francis Veber pour le scénario) est un film "culte". Un faux agent pour rendre confuse une situation déjà confuse. Avec une suite, "Le retour du Grand Blond" (1974).






    2. "La course à l’échalote" (sorti le 8 octobre 1975)

    Réalisé par Claude Zidi, le film reprend les mêmes ficelles comiques que "La moutarde me monte au nez". Pierre Richard joue avec une Jane Birkin pleine de charme et un commissaire perplexe, Michel Aumont.






    3. "Le coup du parapluie" (sorti le 8 octobre 1980)

    Un film comique réalisé par Gérard Oury, qui met en scène Pierre Richard, acteur de pacotille devant singer un tueur à gages, avec un vrai tueur à gages, avec Valérie Mairesse, et aussi Gérard Jugnot, Dominique Lavanant, Robert Dalban, etc.









    4. "La Chèvre" (sorti le 9 décembre 1981)

    Film réalisé par Francis Veber, parmi les plus réussis de Pierre Richard, avec un humour subtil très rafraîchissant. Le duo Pierre Richard et Gérard Depardieu fonctionne à merveille (le rêveur maladroit et le réaliste sérieux) et a donné "Les Compères" (1983) et "Les Fugitifs" (1986), toujours de Francis Veber. Pour l’anecdote, il faut savoir que le duo initialement pressenti était très différent, Jacques Villeret pour le rôle de Pierre Richard et Lino Ventura pour celui de Gérard Depardieu.









    5. "Robinson Crusoé" (diffusé le 22 décembre 2003 sur France 2)

    Ce téléfilm réalisé par Thierrry Chabert reprend le livre très célèbre de Daniel Defoe (qui fut le livre fétiche de Michel Déon). Pierre Richard apparaît ici dans un rôle inédit pour lui.






    6. "Pierre et fils" (créée le 21 septembre 2006 au Théâtre des Variétés à Paris)

    Dans une pièce de théâtre mise en scène par Christophe Duthuron et écrite par Pierre Palmade et Christophe Duthuron, le duo Pierre Palmade et Pierre Richard fonctionne, lui aussi, très bien. L’effet comique est garanti par l’inversion des rôles : Pierre Richard, le père, est l’homme enfant, clochard irresponsable et rêveur, tandis que Pierre Palmade, le fils, est l’homme adulte, patron d’un supermarché, rationnel et sérieux. C’est Isabelle Mergault qui a trouvé le titre. La pièce se structure sous forme de dix sketchs, un peu comme les pièces avec le duo Pierre Palmade et Michèle Laroque.

    Voici deux répliques savoureuses de Pierre Richard. La première : « In vino veritas, in Bordeaux veritas, in whisky whiskas, bien entendu ! ». La seconde : « Tu n’as pas eu de père, alors tu n’as pas eu de repère ! ».









    7. "King Guillaume" (sorti le 28 janvier 2009)

    Réalisé par Pierre-François Martin-Laval, le film fait apparaître une île bretonne au milieu de nulle part dont Pierre-François Martin-Laval, petit banlieusard, conducteur de petit train, marié à Florence Foresti, joueuse de tuba, devient le roi. Dans cette île vit toute une communauté assez étrange, Pierre Richard, Isabelle Nanty (Pamela !), Omar Sy, et aussi Rufus.






    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 août 2019)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Claude Zidi.
    Pierre Richard.
    Lino Ventura.
    Line Renaud.
    Jean Lefebvre.
    John Wayne.
    Kirk Douglas.
    Élie Kakou.
    Jean Bouise.
    Pierre Desproges.
    Anémone.
    Gérard Oury.
    Zizi Jeanmaire.
    Jean-Pierre Marielle.
    "Les Éternels".
    Jacques Rouxel.
    François Berléand.
    Niels Arestrup.
    "Acting".
    "Quai d’Orsay".
    Michel Legrand.
    Gérard Depardieu.
    Maria Pacôme.
    Ennio Morricone.
    Francis Lai.
    Bernadette Lafont.
    Pauline Lafont.
    Marthe Mercadier.
    Jean Piat.
    Jacques Brel.
    Charles Aznavour.
    Charlie Chaplin.
    Maurice Chevalier.

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    http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240816-pierre-richard.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/03/article-sr-20240816-pierre-richard.html




  • Louis Mermaz et la frontière ténue entre sectarisme et hyperfidélité

    « Louis Mermaz, ancien ministre, Président de l’Assemblée Nationale et figure éminente de la vie politique, nous a quittés à son domicile en Essonne. Son engagement au service de notre pays a marqué son histoire. » (François Durovray, 15 août 2024).



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    C'est ainsi que François Durovray a annoncé la mort d'un socialiste célèbre, Louis Mermaz, ce jeudi 15 août 2024 à son domicile de Limours, dans l'Essonne. Petite caractéristique, François Durovray, le président du conseil départemental de l'Essonne, n'est pas un socialiste mais un élu LR, qui s'est présenté aux dernières élections législatives contre Nicolas Dupont-Aignan (le candidat FI a gagné).

    Sans doute Louis Mermaz a gagné l'estime de ses anciens adversaires politiques parce qu'il a quitté la politique pour entrer dans l'histoire politique du pays, ce qui devait être un grand honneur pour cet agrégé d'histoire. Il allait avoir 93 ans dans cinq jours et était présenté comme un cacique du mitterrandisme flamboyant (lui-même ne l'était pas vraiment, flamboyant) à l'humour plutôt caustique.

    Il était décrit au mieux comme un froid et distant au pire comme un sectaire, et son acuité intellectuelle qui servait à la fois ses convictions dites socialistes et sa fidélité irrévocable à François Mitterrand, même après 1993 lorsqu'il s'agissait de faire un inventaire du mitterrandisme (voulu par Lionel Jospin choqué par quelques révélations à la fin de la vie de l'ancien Président), mais quand on le compare aujourd'hui avec ce qu'est devenu le parti socialiste, on peut se permettre de dire qu'intellectuellement, c'était-(quand-même)-mieux-avant. Une question de pointure politique et intellectuelle. Je n'ose même pas mettre Louis Mermaz à côté de l'actuel pâle premier secrétaire du PS, Olivier Faure qui, pourtant, s'est permis de le décrire avec quelques mots fades à l'occasion de sa disparition : « Son esprit vif nous accompagnait dans tous nos combats, jusque dans ces derniers jours. » prenant une heure vingt de retard par rapport à l'élu LR !

     

     
     


    Les hommages se sont multipliés par la suite venant de ses anciens camarades du PS, en particulier Jean-Luc Mélenchon qui a loué un « vrai modèle de défense des libertés publiques et des droits de l’être humain, sans double standard et sans peur du qu’en-dira-t-on », tandis que l'ancien Président François Hollande (adversaire de Jean-Luc Mélenchon en 2012) a parlé d'un « militant exemplaire » qui alliait « érudition », « mémoire » et « humour ».

    J'ai déjà décrit la trajectoire politique assez fascinante de Louis Mermaz, se choisissant une terre favorable à ses convictions socialistes : l'Isère, dont il a présidé le conseil général pendant neuf ans (1976-1985), Vienne dont il a été le maire pendant trente ans (1971-2001), et la France, dont il a été député pendant vingt-deux ans (1967-2001, avec deux échecs en 1968 et 1993) puis sénateur pendant dix ans (2001-2011). Louis Mermaz a fait partie des tout premiers mitterrandistes, rejoignant dès 1954 le ministre de la Quatrième République, le suivant dans sa traversée du désert gaulliste et sa lente conquête du PS (où il était le responsable très influent des fédérations départementales), et si ses mandats locaux ont été interrompus par des échecs électoraux très marquants (Alain Carignon gagnant le conseil général et Jacques Remiller, futur député UMP, la mairie), il fut hissé au plus haut niveau de l'État par sa fidélité et son amitié pour le premier Président socialiste de la République.

     

     
     


    Espérant en 1981 le Ministère de l'Intérieur, Louis Mermaz a finalement obtenu le perchoir, premier Président socialiste de l'Assemblée Nationale de la Cinquième République, poste d'autorité pour cet autoritaire flegmatique qui dispensa quelques sanctions à des jeunes députés de l'opposition un peu trop combatifs (et futurs ministres eux-mêmes). Ministre d'un peu de tout pendant le second mandat de François Mitterrand, il était l'homme à tout faire, en particulier, le plan B ou C d'un Président qui lui a fait miroiter Matignon en 1983 et le premier secrétariat du PS en 1988 (il ne fut "que" président du groupe PS à l'Assemblée). Retournant à ses études d'historien à partir des années 2010, il s'est intéressé à Chateaubriand, après s'être penché, comme parlementaire, sur la situation déplorable dans les prisons françaises.

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    Dans son allocution d'accession au perchoir, le 2 juillet 1981, Louis Mermaz pensait que François Mitterrand démocratiserait plus les institutions, alors que son mentor, au contraire, les a rendues encore plus monarchiques dans leur pratique (mais Louis Mermaz n'a jamais voulu le constater). Il a cependant prononcé quelques belles paroles comme celle-ci, ordinaires : « Dans cette enceinte, j'aurai le souci de diriger vos débats avec impartialité. J'ai conscience d'être le Président de toute l'Assemblée et pas seulement de la majorité qui m'a élu. À ce titre, je serai le garant des droits de tous les députés qui sont l'expression de la souveraineté populaire et qui sont les représentants de la communauté nationale. ». Et de considérer avec prétention que l'expérience socialiste servirait de modèle pour le monde : « Nous sommes attentifs à l'immense espérance qui s'est levée dans le pays, à l'intérêt porté par tant de nations à ce qui est en train de se produire en France. Oui ! Nous sommes fiers de voir notre pays renouer avec ses plus hautes traditions démocratiques. Le Parlement (…) témoignera aussi pour notre pays hors des frontières, car le renouveau de la France concerne le monde tout entier ! ».
     

     
     


    Sa réputation de pur et dur, Louis Mermaz l'a gagnée au congrès du PS à Valence, à l'instar de Paul Quilès qui reprenait (bien malgré lui) le rôle de Robespierre. S'exprimant le 23 octobre 1981, le nouveau quatrième personnage de l'État a mis en garde contre la social-démocratie avec un langage fleurant bon le XIXe siècle : « Tous les éléments d’une contre-révolution se mettent aujourd’hui en place. Il faut frapper vite et fort contre le sabotage de notre économie. (…) Le socialisme à la française ne peut se contenter d’un replâtrage du capitalisme. Il faut changer le système des valeurs, mettre l'accent sur la justice sociale et la solidarité. (…) Il faut montrer que le socialisme, ça marche ! ». Selon lui, les socialistes ne devaient pas se contenter d'être gestionnaires, car sinon : « on va dériver vers une vague social-démocratie et on débouchera sur un retour au libéralisme. ».

    Son discours du 23 octobre 1981 était très idéologique : « La culture de l'argent pour l'argent, le placement de l'argent pour le seul profit bancaire, cette logique-là, nous la refusons ! (…) Il y en a qui voudraient bien (…) dresser autour de la France une sorte de cordon sanitaire. La lutte des classes à l'intérieur, la lutte des classes à l'extérieur, nous y voilà bien, et par la faute de qui ? Il faut que le gouvernement frappe vite et fort, il faut qu'il frappe vite et fort, s'il veut lutter efficacement contre le chômage, contre les hausses de prix abusives, contre le sabotage de l'économie, contre les complicités qui s'organisent au-delà de nos frontières. C'est ainsi qu'il rendra pleinement confiance aux travailleurs, aux agriculteurs, aux chefs d'entreprises, qui emploient dix millions de travailleurs, à toutes ces petites et moyennes entreprises qui appellent une autre politique du crédit et qui, selon la formule de François Mitterrand, ne doivent plus être la chair à pâté du grand capital ! ».

    Mais les mots n'ont jamais su combattre les faits ni les exigences de la réalité. Assumant clairement son vote, Louis Mermaz, sans renier son socialisme, a voté pour Emmanuel Macron deux fois, en 2017 et en 2022. On peut toutefois retenir de lui sa provocation en 1981, à l'adresse de la droite, lorsqu'il a lâché : « Nous ne sortons pas des égouts. Nous savons nous servir de couverts à poisson ! ».

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    Le journaliste Michel Noblecourt, qui a rédigé sa nécrologie pour "Le Monde" le 15 août 2024, a qualifié Louis Mermaz de « prince de la Mitterrandie » et l'a décrit ainsi : « Fin lettré, volontiers tranchant mais diplomate à ses heures, il n’est pas enclin au compromis. Cet émotif un peu timide, mal à l’aise dans les discours publics, cache derrière une ironie acerbe et un humour caustique une grande sensibilité. ».

    Des princes de la Mitterrandie, il faut reconnaître que cette année en est une évidente hécatombe depuis Noël dernier : Jacques Delors, Louis Le Pensec, Robert Badinter, Henri Nallet, Roland Dumas, et maintenant Louis Mermaz. Au-delà des ténors clivants et partisans, ils furent les acteurs historiques d'une période bien particulière de la vie politique française, celle marquée par la chevauchée socialisante de François Mitterrand tant dans l'opposition que, une fois élu puis réélu, au sommet du pouvoir pendant quatorze années. Ils appartiennent désormais à l'histoire, ce qu'a bien compris, au-delà des clivages partisans, François Durovray et ceux qui leur rendent hommage.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Grognard du mitterrandisme triomphant.
    Louis Mermaz.
    François Hollande.
    Jean-Luc Mélenchon.
    Lucie Castets.
    Roland Dumas.
    Lionel Jospin.
    Manuel Valls.
    Jacques Delors.
    Jean Jaurès.
    Henri Nallet.
    Ségolène Royal.
    Najat Vallaud-Belkacem.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Pierre Chevènement.
    Robert Badinter.
    Édith Cresson.
    Patrick Kanner.

    Olivier Dussopt.
    Louis Le Pensec.
    Gérard Collomb.
    Jérôme Cahuzac.
    Pierre Moscovici.
    Jacques Attali.
    Louis Mexandeau.
    Joseph Paul-Boncour.
    Bernard Cazeneuve.
    Charles Hernu.
    Pierre Mauroy.
    Roger-Gérard Schwartzenberg.
    Georges Kiejman.
    Jean Le Garrec.

    Laurence Rossignol.
    Olivier Véran.

    Sophie Binet.
    Hidalgo et les trottinettes de Paris.
    Hidalgo et les rats de Paris.
    Les congés menstruels au PS.
    Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
    Nuit d'épouvante au PS.
    Le laborieux destin d'Olivier Faure.

    PS : ça bouge encore !
    Éléphants vs Nupes, la confusion totale.
    Le leadershit du plus faure.
    L'élection du croque-mort.
    La mort du parti socialiste ?
    Le fiasco de la candidate socialiste.
    Le socialisme à Dunkerque.
    Le PS à la Cour des Comptes.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240815-mermaz.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/louis-mermaz-et-la-frontiere-tenue-256352

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/15/article-sr-20240815-mermaz.html








     

  • Assomption : pourquoi le 15 août est-il férié ?

    « Enfin, la Vierge immaculée, préservée de toute tache de la faute originelle, au terme de sa vie terrestre, fut élevée à la gloire du ciel en son âme et en son corps et elle fut exaltée par le Seigneur comme Reine de l'univers afin de ressembler plus parfaitement à son Fils, Seigneur des seigneurs et vainqueur du péché et de la mort. » (Paul VI au Concile Vatican II, "Lumen Gentium" le 21 novembre 1964).




     

     
     


    Paradoxe de la République française, la loi qui instaure la laïcité, c'est-à-dire la neutralité de l'État vis-à-vis de la religion, de toutes les religions, permet également de rendre fériés des jours considérés comme des fêtes religieuses, plus précisément des fêtes chrétiennes (la France étant la "fille aînée" de l'Église). Cette tradition remonte parfois à l'Ancien Régime et est désormais traduite dans le code du travail d'une France bien républicaine. Exemple estival : le 15 août.

    Que fête-t-on à l'Assomption ? La montée aux cieux de la Vierge Marie, la mère de Jésus Christ. Ce dernier, après sa mort et sa résurrection (Pâques), est remonté aux cieux (auprès du Père) le jour de l'Ascension (du verbe latin ascendere, s'élever), à une date différente chaque année en fonction du jour de Pâques (le jeudi, quarante jours après Pâques). Pour la Vierge Marie, il ne s'agit pas d'une Ascension mais d'une Assomption (du verbe assumere, assumer, enlever). Elle est montée aux cieux selon la volonté de Dieu. C'est Dieu qui a assumé la perfection de Marie et l'a enlevée pour la placer auprès de son Fils.

    Marie est élevée corps et âme dans la gloire de Dieu : il s'agit là d'un dogme de l'Église catholique, assez récent puisqu'il a été proclamé par le pape Pie XII seulement le 1er novembre 1950 ("Munificentissimus Deus"). Un dogme, pour les catholiques, est une vérité révélée de Dieu, considérée comme contraignante pour la foi. Ce jour est aussi célébré par les orthodoxes (Domition), sans qu'il ne soit un dogme (fêté le 15 août ou le 28 août pour les orthodoxes selon le calendrier utilisé). Les protestants se référant exclusivement à la Bible ne croient pas à l'Assomption et considèrent les dévotions mariales des catholiques comme de la "mariolâtrie".


    L'idée est que Marie, préservée du péché originel, a pu entrer au royaume de Dieu après sa vie terrestre avec son enveloppe charnelle sans attendre la résurrection des corps à la nuit des temps. C'est la conséquence directe du dogme de l'Immaculée Conception (voir plus loin).
     

     
     


    Je reviens sur cette proclamation de ce dogme qui veut que Marie soit montée au ciel avec son corps : c'est la seule proclamation (à ce jour) qui a fait usage de l'infaillibilité papale, sachant que l'infaillibilité papale (qui n'est pas permanente mais très précise et, comme je viens de l'indiquer, n'a été utilisée qu'une seule fois) est elle-même un dogme proclamé le 18 juillet 1870 par le pape Pie IX au cours du Concile Vatican I ("Pastor aeternus").

    Sur le fond, croire que Marie s'est élevée aux cieux avec son corps (c'est-à-dire que son corps n'aurait pas subi l'effet du temps), comme du reste le Christ, est une question de foi et pas de science, de même que croire que Jésus Christ a été conçu mais sans relation entre Marie et Joseph (Marie est fêtée comme la Vierge). Là encore, il y a la foi (on y croit ou on n'y croit pas). Néanmoins, les choses sont peut-être plus compliquées qu'imaginables dans ce monde si diversifié et si sophistiqué. Par exemple, aujourd'hui, parler d'une femme vierge devenue enceinte et accouchant d'un enfant n'est pas vraiment le résultat de la magie ou d'une quelconque sorcellerie. En effet, la possibilité de fécondation in vitro et d'insémination artificielle donne une autre vision des possibles. Il est peu probable que ces techniques de procréation artificielle aient pu être envisagées il y a 2 000 ans, évidemment, mais finalement, elles ne sont pas impossibles.

    Je note en passant que les Juifs ne s'interdisent que ce que leur texte biblique (l'Ancien Testament) leur interdit, et donc s'autorisent tout ce qui n'est pas interdit, en particulier tous les procédés novateurs dans tous les domaines, ce qui fait de l'État d'Israël un pays très performant sur le plan des sciences et de l'innovation (notamment dans le domaine génétique).


    Toujours sur ce point, il faut enfin se rappeler la réflexion très poussée du pape Benoît XVI qui avait insisté pour mettre la raison à côté de la foi, les deux étant de nature différente et indispensable l'une de l'autre. Ce qu'on pouvait appeler miracles ne le sont peut-être pas d'un point de vue strictement scientifique, et avec notre progression des sciences dures, combien de phénomènes magiques pourraient-on proposer à des personnes d'un ancien temps ? Il y a une part de mystère qui pourrait sans doute être levée un jour ou l'autre avec les sciences, et, pour les chrétiens au moins, qui sera a priori levée le jour de notre mort (du moins, je l'espère !).

    Revenons à l'Assomption qui n'est pas intégrée dans la Bible mais dont la célébration est très ancienne, remontant au Ve siècle. Elle est fêtée le 15 août car ce serait ce jour-là où la première église dédiée à la Vierge a été consacrée à Jérusalem. C'est l'évêque Cyrille d'Alexandrie (375-444) qui l'a introduite avec la christianisation de l'empire romain pour en faire une fête chrétienne qui a remplacé les Feriae Augusti, célébrant les victoires de l'empereur Auguste en mi-août (le mois d'Auguste), journées déjà fériées à l'époque. Théodore Ier (pape de 642 à 649) l'a généralisée et l'Assomption fut citée en 813 par le Concile de Mayence comme une fête d'obligation.


    En France, la fête a connu une tournure plus politique et institutionnelle, puisqu'en 1637, le roi Louis XIII, marié depuis vingt-deux ans sans avoir pu encore donner naissance à un enfant (seulement des fausses couches), et qui devait avoir un héritier pour assurer sa succession sur le trône de France, a solennellement demandé au Parlement de Paris que chaque 15 août les sujets (et les fidèles) fassent une procession dans leur paroisse en l'honneur de Marie. Ça a marché puisque le futur Louis XIV est né le 5 septembre 1638 ! La grossesse de la reine Anne d'Autriche fut interprétée comme la réponse divine à cet hommage pour Marie (Notre-Dame) de la part du roi. C'est à partir de cette date que le 15 août est férié en France, pour permettre aux sujets du roi de se consacrer à Dieu et à Marie au cours de cette journée par des prières et des processions. L'une des plus importantes processions, de nos jours, a lieu à Lourdes (15 000 personnes en 2022), devenu un lieu de pèlerinage pour célébrer les apparitions de la Vierge faites à sainte Bernadette Soubirous en 1858.
     

     
     


    Quelques années avant les apparitions à Lourdes, le pape Pie IX avait publié une bulle papale le 8 décembre 1854 ("Ineffabilis Deus") pour établir le dogme de l'Immaculée Conception (c'est-à-dire que la conception de la Vierge Marie a été faite "sans péché originel"). Entre 1854 et 1945, des millions de chrétiens, fidèles mais aussi des prêtres et des évêques, ont demandé par pétitions au Vatican que l'Assomption soit reconnue comme un dogme également, ce qui fut proclamé à la Toussaint 1950 (comme indiqué plus haut).

    La fête de l'Assomption en France est donc un héritage à la fois de l'Église catholique et du Royaume de France mis sous la protection de Notre-Dame de l'Assomption par Louis XIII. À la Révolution, cette fête fut supprimée mais restaurée par Napoléon III au Second Empire... et maintenue dans les républiques suivantes, à la grande joie des vacanciers qui peuvent prolonger leurs vacances sans augmenter leurs CP ou des juillettistes qui peuvent faire le pont (cette année, jeudi 15 août 2024, est propice au pont pour anticiper le week-end !). La force de l'anticléricalisme républicain s'arrête aux jours fériés du calendrier chrétien reconnu par le code du travail. Étonnant, non ?


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Trois illustrations de l'Assomption :
    1. "L'Assomption de la Vierge" par Michel Sittow, vers 1500 (National Gallery of Art à Washington).
    2. "L'Assomption de la Vierge" par Guido Reni, en 1637 (Musée des Beaux-Arts de Lyon).
    3. "L'Élévation de Marie vers les cieux" par Francesco Botticini, XVe siècle (National Gallery à Londres).


    Pour aller plus loin :
    Assomption : pourquoi le 15 août est-il férié ?
    Le Jeudi de l'Ascension.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le génie olympique français !
    Rose cendre.
    Il est venu parmi les siens.
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Les messes à l’épreuve du covid-19.
    Il regarde le soleil dans tes yeux !
    Pâques 2020, le coronavirus et Dieu…
    Réflexions postpascales.
    La Passion du Christ (1) : petites réflexions périphériques.
    La Passion du Christ (2) : quel est le jour de la mort de Jésus ?
    Noël à la télévision : surenchère de nunucheries américaines.

    Le Messie, c'est tout de suite !
    La Passion du Christ selon saint Matthieu (texte intégral).

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240815-assomption.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/assomption-pourquoi-le-15-aout-est-256280

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/14/article-sr-20240815-assomption.html

     

  • Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !

    « J’étais un homme qui aimait la politique, je suis devenu un homme désormais bien plus attaché au service de l'État. » (Gérald Darmanin, le 12 août 2024 dans "Le Figaro").




     

     
     


    À 41 ans, l'actuel Ministre de l'Intérieur et des Outre-Mer démissionnaire Gérald Darmanin est depuis plusieurs années un homme qui compte dans le camp présidentiel. Son positionnement à l'issue des élections législatives anticipées du début de cet été peut donc avoir une grande influence. Bien que toujours en poste ("ministre démissionnaire"), il avait déjà averti dès juin 2024 qu'il quitterait le gouvernement si son camp n'obtenait pas la majorité, une déclaration peut-être un peu trop hâtive après réflexion.

    Chouchou à la fois de Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, il a marqué la Place Beauvau qu'il occupe depuis maintenant quatre ans (un petit record depuis mars 1974, il "bat" la longévité de Christian Bonnet ces jours-ci) au point qu'il personnifie, pour le grand public, la fonction de "premier flic de France" comme l'avaient fait avant lui Raymond Marcellin, Michel Poniatowski, Gaston Defferre, Pierre Joxe, Charles Pasqua, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve.

    Le succès de l'accueil des Jeux olympiques qui se sont achevés ce dimanche 11 août 2024, c'est d'abord un succès sportif (la France classée dans le Top 5, mission accomplie), qui est dû exclusivement aux athlètes français et à leurs entraîneurs, mais c'est aussi un succès de sécurité, dont Gérald Darmanin a été le premier responsable, alors que les mauvaises langues prophétisaient des attentats, des désordres, ou d'autres horreurs pour simplement dénigrer la France qu'ils ne doivent vraiment pas aimer. Le ministre l'a d'ailleurs affirmé dans "Le Figaro" le 12 août 2024 : « La victoire des athlètes français, qui est aussi la victoire du Ministère de l’Intérieur puisque 20% des médaillés sont des agents du ministère. Au-delà, ce succès est aussi l’aboutissement de quatre ans d’intenses préparations avec une loi sécurité globale qui modernise la sécurité privée, une loi de programmation budgétaire, une loi renseignement… Depuis quatre ans, j’ai mis en place le décloisonnement du ministère : via la réforme de la police nationale, entre police et gendarmerie, avec la sécurité privée, sans oublier les nouveaux outils numériques. C'est une grande leçon pour nous : quand le ministère fonctionne en cathédrale et non en silo, il fonctionne beaucoup plus mieux. ».

    Gérald Darmanin se paie donc un CV en or dans une vie politique déjà bien remplie avec deux trophées très concrets : aux Finances, comme Ministre de l'Action et des Comptes publics du 17 mai 2017 au 6 juillet 2020, le grand succès de la réforme structurelle de la retenue à la source de l'impôt sur le revenu ; à l'Intérieur depuis le 6 juillet 2020 (démissionnaire depuis le 16 juillet 2024), l'organisation des JO 2024 à Paris.

    Certaines personnalités politiques commencent leur vie politique à l'extrême gauche (trotskysme) et évoluent vers le centre gauche. Lui, Gérald Darmanin, vient de l'opposé, il a commencé plutôt à la droite dure pour se rapprocher du centre droit. À l'origine, Gérald Darmanin s'est engagé au sein du RPR à l'âge de 16 ans avant même de faire ses études à l'Institut d'études politiques (IEP) de Lille. Collaborateur de l'ancien ministre Jacques Toubon, alors député européen, il s'est rapproché en 2004 du député UMP flirtant avec la droite musclée Christian Vanneste, condamné alors en première instance par la justice pour avoir tenu des propos homophobes (et dont le jugement a été cassé en 2008).

    Son premier mandat électif, Gérald Darmanin l'a obtenu en mars 2008 (à l'âge de 25 ans) comme conseiller municipal d'opposition de Tourcoing sur la liste menée par Christian Vanneste. Très vite, Gérald Darmanin a pris le leadership de l'opposition municipale, tandis que parallèlement, il fut, au sein de l'UMP, le collaborateur de l'ancien ministre Xavier Bertrand, alors secrétaire général de l'UMP, chargé des affaires juridiques, puis, un peu plus tard, chef de cabinet puis directeur de cabinet du ministre David Douillet.

     

     
     


    Conseiller régional du Nord-Pas-de-Calais puis des Hauts-de-France de mars 2010 (il avait alors 27 ans) à juillet 2020, Gérald Darmanin a retrouvé Xavier Bertrand au conseil régional dont il fut le deuxième vice-président de janvier 2016 à mai 2017. Ces deux collaborations avec Xavier Bertrand (UMP et région) donnent aujourd'hui une tournure particulière sur les relations avec Xavier Bertrand : Gérald Darmanin, considéré comme situé à l'aile très à droite de l'UMP, puis sarkozyste proche de Xavier Bertrand, a succombé au macronisme version 2017 après avoir soutenu François Fillon dans sa lutte fratricide contre Jean-François Copé à la présidence de l'UMP en novembre 2012. Il est donc un liant crucial entre Emmanuel Macron et le parti LR même si Xavier Bertrand est aujourd'hui peu populaire au sein de LR (son échec à la primaire LR de décembre 2021 l'a prouvé).

    Entre-temps, Gérald Darmain est parvenu, en homme pressé, à se poser comme un élu local bien établi : élu député du Nord en juin 2012 (il n'avait que 29 ans), élu dans la dixième circonscription, l'ancienne de Christian Vanneste mais aussi de Maurice Schumann, il a gagné la mairie de Tourcoing en mars 2014 (à 31 ans), devenu un baron local au même titre que son mentor local Xavier Bertrand (Gérald Darmanin fut réélu en mars 2020 mais depuis 2017, il a quitté sa place de maire au profit de sa place au gouvernement). En raison du cumul, il ne s'est pas présenté aux élections législatives de 2017 (il était également le quatrième vice-président de la Métropole européenne de Lille de 2014 à 2018), mais s'est représenté et a été réélu en juin 2022, puis en juillet 2024 (61,4% grâce au front républicain, retrait de la candidate FI, son ancienne rivale du second tour en 2022, pour faire barrage au candidat du RN). Gérald Darmanin a aussi été élu conseiller départemental du Nord de juin 2021 à août 2022.

    Pour résumer donc ses deux premières parties de carrière politique, Gérald Darmanin a donc été d'abord un jeune conquérant de droite plutôt dure qui a su conquérir Tourcoing et sa circonscription à un âge très jeune, puis, avec l'élection d'Emmanuel Macron (son suppléant, qui lui avait succédé à l'Assemblée Nationale dès mars 2016, pour cause de cumul, a été réélu député LR en 2017 contre une candidate LREM), il a accepté, à l'instar d'autres stars de LR (en particulier Édouard Philippe et Bruno Le Maire) de franchir le cap macroniste avec l'onction de Nicolas Sarkozy.

     

     
     


    Dès 2020, Gérald Darmanin, fort de son succès de la réforme de l'impôt sur le revenu, était bien entendu, comme tout ministre ambitieux et pressé, candidat à Matignon. Si en 2022, son nom n'était pas évoqué faute d'être une femme, il revenait très sérieusement en lice en juillet 2023 pour remplacer celle qui allait devenir une très brève rivale au sein du camp macroniste, Élisabeth Borne. Peine perdue, il a aussi raté une nouvelle occasion en janvier 2024 avec la nomination de Gabriel Attal à Matignon. Darmanin-Attal, les journalistes seraient tentés d'en faire des rivaux internes préférés, dans la perspective de l'élection présidentielle de 2027, une rivalité qui a failli être confirmée le 13 juillet 2024 lors de la première réunion du groupe Renaissance (devenu Ensemble pour la République, EPR) à l'Assemblée pour la désignation de son président. Découragé par l'Élysée, Gérald Darmanin a cependant laissé le champ libre à Gabriel Attal pour présider le groupe EPR, deuxième groupe de l'Assemblée. Gabriel Attal serait le représentant de l'aile gauche du macronisme et Gérald Darmanin de l'aile droite.

    À l'issue de ses élections anticipées, Gérald Darmanin jouit d'une position personnelle très forte : il a été réélu et est donc présent à l'Assemblée, là où se passera l'essentiel de la vie politique à venir, au contraire d'Édouard Philippe, Bruno Le Maire et quelques autres personnalités tentées, elles aussi, de capter l'héritage politique d'Emmanuel Macron. En revanche, il doit faire face à l'hostilité d'une partie non négligeable du groupe macroniste en raison de la dissolution du 9 juin 2024, ce qui, à court terme, l'empêche de foncer pour prétendre diriger le parti présidentiel.

    Sa position est aujourd'hui très claire. Il faut auparavant préciser qu'il était l'un des rares, du camp présidentiel, à avoir approuvé voire recommandé la dissolution (ce qui était même très rare). Pour lui, le retour au peuple était une nécessité vitale pour la démocratie, et une juste pratique gaullienne des institutions. Malgré ses ambitions, il n'est pas candidat à Matignon, pour une raison très simple : il a bien compris que, parmi les signaux parfois contradictoires émis par le peuple français les 30 juin et 7 juillet 2024, il y a le désaveu du camp macroniste.

    Pas étonnant alors de considérer que le prochain Premier Ministre ne pourrait pas faire partie du camp présidentiel, à moins de faire fi de la volonté populaire. En revanche, il semble évident que le soutien du camp présidentiel au futur gouvernement est une condition absolument nécessaire à son existence parlementaire dans la configuration actuelle (trois tiers inconciliables à l'origine) en raison de sa position centrale.

     

     
     


    Interrogé dans "Le Figaro" de ce lundi 12 août 2024, après l'euphorie des Jeux olympiques, Gérald Darmanin a usé d'un certain euphémisme pour exprimer cette position sans trahir ses amis : « Il y a (…) un fait : nous n'avons pas gagné ces élections législatives. Il n'est pas anormal que quelqu'un qui n'est pas de notre famille politique dirige le gouvernement. ». Il faut ajouter que la nomination d'un Premier Ministre macroniste, quand bien même il résulterait d'une logique d'arithmétique parlementaire, serait très mal comprise des électeurs qui ont voté au début de l'été.

    Quel Premier Ministre ? Son ancien mentor, pardi ! La réponse dans "Le Figaro" était alors évidente : « J'ai dit que Xavier Bertrand avait de grandes qualités. ». Gérald Darmanin semble même impatient de quitter complètement le gouvernement, maintenant que les JO sont passés : « Il est normal d'installer un nouveau gouvernement après des élections. ». Il avait d'ailleurs retiré sa cravate dès la démission acceptée du gouvernement le 16 juillet 2024 pour bien montrer qu'il retrouvait sa liberté personnelle, tout en restant loyal et fidèle à Emmanuel Macron.

    Gérald Darmanin est, ces jours-ci, le sujet de plusieurs analyses politiques dans la presse, en particulier dans un article de Robin D'Angelo paru dans "Le Monde" le mardi 13 août 2024 qui a résumé l'objectif personnel du futur ancien ministre ainsi : « Capitaliser autant que possible sur l’événement [les JO] pour mieux préparer ses arrières dans un contexte politique hautement instable. ».

    Selon "Le Monde", Gérald Darmanin avait envisagé prendre la présidence du groupe Horizons à l'Assemblée en cas de défaite de son président sortant, Laurent Marcangeli, mais ce dernier a été réélu. En outre, les proches de Gabriel Attal insistent beaucoup : « Gabriel a à cœur que Gérald reste dans la famille, car c'est un atout. ».
     

     
     


    Les perspectives de Gérald Darmanin sont analysées ainsi : les conseillers de Gérald Darmanin affirmeraient qu'il ne serait plus opposé à rester au gouvernement si le Président le lui demandait et si les responsabilités proposées lui permettaient de prendre du recul (on penserait Affaires étrangères ou Défense). D'autres évoquent la grande attente des élus locaux de droite et du centre du département du Nord qui restent orphelins d'un grand leader politique pour les représenter, et qui le verraient bien conquérir la Métropole de Lille en 2026.

    Pour l'heure, Gérald Darmanin a prévu de réunir ses fidèles dans un mois, le dimanche 15 septembre 2024 à Tourcoing, pour discuter du pouvoir d'achat. Il souhaiterait avant tout parler aux classes populaires et est partisan de la revalorisation du SMIC. La première réunion des darmanistes avait eu lieu à la rentrée de 2023 sur fond de rivalité avec Élisabeth Borne, reconduite à Matignon, qui avait fait le déplacement et torpillé la journée. Quant à l'actuel locataire de Matignon, démissionnaire, Gabriel Attal a déjà fait savoir qu'il ne se rendrait pas à Tourcoing le 15 septembre 2024 (il aurait déjà un autre engagement !), tandis que des anciens ministres étiquetés plus à gauche, comme Clément Beaune, auraient reçu un carton d'invitation.

    Ce qui est sûr, c'est que le Président de la République veut ménager Gérald Darmanin qui reste un allié indispensable dans la situation politique inextricable actuelle, tant par sa loyauté que par sa connexion avec ses anciens amis de LR. Xavier Bertrand, quant à lui, compte certainement sur son ancien secrétaire général adjoint de l'UMP pour accéder enfin à la reconnaissance nationale : Matignon, en attendant l'Élysée ! Pas sûr que cela plaise beaucoup à un autre acteur LR revenu dans l'arène, Laurent Wauquiez, président du groupe LR.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Cible des hypocrisies ambiantes.
    Législatives 2024 (36) : Gérald Darmanin plaide pour un Premier Ministre non macroniste !
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    Législatives 2024 (35) : Vers une cohabitation du troisième type ?
    Législatives 2024 (34) : Lucie Castets noyée dans une réalité alternative !
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240812-darmanin.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-36-gerald-256311

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/13/article-sr-20240812-darmanin.html



     

  • François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?

    « En politique, je le sais au fond de moi, il est irrationnel de ne pas tenir compte de l'irrationalité. » (François Hollande, 11 avril 2018).



     

     
     


    Cette petite phrase, elle pourrait s'appliquer à son auteur qui l'a publiée au milieu de ses mémoires d'ancien Président de la République le 11 avril 2018 (aux éd. Stock). Justement, François Hollande est à l'honneur ce lundi 12 août 2024 puisqu'il fête son 70e anniversaire. 70 ans, de nos jours, c'est "rien", mais néanmoins, en politique, c'est déjà un âge canonique, pourrait-on dire par un euphémisme mal compris.

    Concrètement, François Hollande a repris un dosette d'eau de Jouvence en juin dernier. Rappelez-vous ! En décembre 2016, lucide sur sa capacité à mobiliser les foules d'électeurs, le Président de la République en exercice avait renoncé à solliciter un nouveau mandat. Son Premier Ministre Manuel Valls l'avait alors abandonné pour se lancer, avec l'insuccès que l'on sait, dans l'aventure de la primaire socialiste. Finalement, son ancien Ministre de l'Économie Emmanuel Macron a gagné l'élection présidentielle en 2017 et pour l'ancien mentor qui l'avait nommé Secrétaire Général adjoint de l'Élysée en 2012, ce fut la traversée du désert (au lieu de la fierté).


    De sa génération, peu ont raccroché : Ségolène Royal cherche toujours à se faire voir et à croire qu'on viendra la chercher ; François Bayrou est toujours une personnalité influente qui reste opérationnelle (chef de parti et maire d'une grande ville) ; Nicolas Sarkozy peut penser, mais de moins en moins, qu'il pourrait devenir un recours. Il n'y a guère que François Fillon qui a lâché prise pour s'investir dans d'autres affaires que la politique.

    François Hollande, comme Nicolas Sarkozy, a bien sûr une position doublement singulière dans la vie politique : d'une part, il a été le chef d'un grand parti gouvernemental réduit à peau de chagrin ; d'autre part (le plus important), il est un ancien Président de la République, et quand on a moins de 80 ans, on se demande toujours ce qu'on peut faire d'utile pour le pays... ou pour soi. Sous la Cinquième République, De Gaulle, François Mitterrand et Jacques Chirac ont quitté l'Élysée et leur vie politique en même temps, terminant leur destinée par quelques mémoires. Seul, Valéry Giscard d'Estaing, battu en 1981 à l'âge de 54 ans, a refait toute une carrière politique, reprenant le plus bas échelon dès 1982 avec un mandat cantonal, puis parlementaire, régional, municipal, etc.


    En raison de l'échec de Nicolas Sarkozy à la primaire LR de novembre 2016, ce qui l'a conduit à renoncer à toute prétention ultérieure, le seul qui pourrait se faire comparer à VGE serait donc François Hollande : les deux se sont fait réélire député après leur mandat présidentiel. En 1986, parmi certaines hypothèses, certes peu plausibles, Valéry Giscard d'Estaing aurait même pu devenu le Premier Ministre de son meilleur adversaire politique, François Mitterrand, mais Jacques Chirac avait veillé sur sa propre influence.

    Aujourd'hui, François Hollande est plongé dans une grande irrationalité. Il s'est présenté sous l'étiquette de la nouvelle farce populaire (NFP) alors que ce mouvement baroque ne correspondait absolument pas à ses options politiques. Fallait-il sacrifier ses convictions pour un plat de lentilles ? C'est un peu le cas pour ceux qui se croyaient sociaux-démocrates, qui ont blâmé Emmanuel Macron pour le petit écart de déficit en 2023 et qui viennent de signer pour au moins 150 milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires, rien que cela ! J'avais parlé d'irresponsabilité, on peut aussi parler d'irrationalité.
     

     
     


    Tous ceux, de ses camarades socialistes, qui ont saboté son socle politique pendant son quinquennat, ceux qu'on a appelés les frondeurs, sont aujourd'hui à la manœuvre au sein du NFP. Les politologues et les historiens se poseront longtemps la question du pourquoi de la dissolution du 9 juin 2024, mais ils se poseront aussi la question sur la motivation qui a amené François Hollande à reprendre du service (à la fin de son mandat de député de cinq ans, il aurait donc près de 75 ans) sous les couleurs d'une gauche ultradicalisée qui n'est certainement pas la sienne mais celle de ceux qui l'ont toujours détesté et détesté ses options, à commencer par un ancien apparatchik socialiste, Jean-Luc Mélenchon.

    On peut toutefois imaginer les motivations de François Hollande qui a été réélu de manière assez laborieuse, avec seulement 43,1% des voix au second tour dans une triangulaire contre le candidat RN et le député LR sortant, ce qui est son plus mauvais score, même lorsqu'il a été battu en mars 1993, il l'a été avec quand même 46,1%.

    La première motivation, très "désintéressée", c'est de tempérer les folles ardeurs dépensières du NFP afin de maintenir la France dans une ligne budgétaire qui reste compatible à son appartenance à l'Europe et à la zone euro. Boulot d'Hercule, pour certains ; mission impossible pour tous les autres. En tout cas, ce n'est pas avec Lucie Castets, déjà à l'œuvre à la ville de Paris, qu'on peut se rassurer.

    La seconde motivation, c'est de reprendre de l'activité politique et on imagine sans mal que la fonction de simple député ne lui suffira pas. Le perchoir aurait pu être un beau lot de consolation et les rumeurs parlaient de lui parmi de nombreux autres candidats potentiels, mais il s'est bien gardé de tenter sa chance dans une élection qui a finalement montré que le NFP n'avait pas la majorité, même relative.

    Mais d'autres hypothèses peuvent se présenter à lui, en particulier dans la recherche d'un Premier Ministre introuvable. Cheval de Troie au NFP, il reprendrait alors le dessus sur les dirigeants du NFP inféodés au mélenchonisme : car la seule majorité possible est une majorité qui irait des socialistes aux LR et l'idée d'un chef du gouvernement macroniste est peu crédible pour rassembler d'autres composantes de cette majorité impossible, et des LR et des socialistes, les socialistes sont les plus nombreux. La logique voudrait donc que Matignon revienne plus à un socialiste de type social-démocrate qu'à une personnalité d'origine LR comme Xavier Bertrand, même si la désignation de ce dernier semble une option sérieusement étudiée à l'Élysée.

    De plus, François Hollande a une seule spécialité pour laquelle il est reconnu, c'est la capacité à faire des synthèses. Il l'a pratiquée en tant que premier secrétaire du PS de 1997 à 2008, notamment lors du référendum sur le TCE en 2005 où il a réussi le tour de force de garder uni un PS archi-divisé entre les pro-TCE et les anti-TCE. Le Premier Ministre de l'été 2024 devra à l'évidence être capable de construire des compromis sur des bases à l'origine très divergentes.
     

     
     


    Dans son bouquin déjà cité, François Hollande se reconnaît un défaut ou une qualité, selon la perspective que l'on donne à ce trait de caractère marquant : « Au prétexte que j'avais longtemps comme dirigeant politique cherché la synthèse pour rassembler, on m'imputa l'habitude de préférer l'équilibre à l'audace, le dialogue à l'autorité, la prudence à la surprise ; alors que l'air du temps, nous disait-on, exigeait intrépidité, rapidité et fermeté. ».

    Il expliquait également la raison pour laquelle il n'avait pas réformé le mode de scrutin pour les élections législatives : « La stabilité que nous confèrent nos institutions tient au fait majoritaire. Le scrutin proportionnel, en éclatant la représentation, priverait le chef de l'État d'un appui solide pour mener ses réformes. Il élargirait la place réservée aux extrêmes et donc obligerait à une coalition des partis de gouvernement comme on le voit en Allemagne, ce qui engendrerait à mes yeux confusion partisane et radicalisation politique. ».

    Cette analyse est pertinente et reste pertinente malgré la situation issue des élections anticipées du 30 juin et 7 juillet 2024. En effet, le scrutin proportionnel ferait de la situation actuelle la seule représentation possible, et on voit bien à quel point la classe politique est incapable, aujourd'hui, de l'assumer. En d'autres termes, le scrutin majoritaire à deux tours ne donne pas obligatoirement une majorité absolue (exemples de 1958, 1988, 2022 et 2024), alors que le scrutin proportionnel donnerait obligatoirement une situation chaotique.

    Premier Ministre "normal" ? Premier Ministre d'Emmanuel Macron ? Après tout, c'est lui qui l'avait promu à l'Élysée puis à Bercy. Il racontait sa relation avec Emmanuel Macron ainsi : « Je pressens chez lui un talent rare pour réunir des gens de sensibilités différentes. (…) Emmanuel Macron se révèle un conseiller hyperactif, dormant peu et recevant beaucoup, s'intéressant à tout, sans œillères, formulant des vues originales, détonnant par sa liberté d'esprit au sein de l'administration. (…) Il croit volontiers (…) que tout risque de conflit peut être surmonté par un dialogue direct entre personnes de bonne foi, que toute difficulté peut être dépassée par une forme d'impétuosité. Il est sûr que le réel se pliera de bonne grâce à sa volonté dès lors qu'elle s'exprime. ».

    Le réel se pliera-t-il à la volonté du peuple du 7 juillet 2024 ? Le chantre de la synthèse et le dieu du en-même-temps auront au moins un langage commun. Reste pour eux à convaincre leurs troupes que gouverner dès maintenant, sans attendre 2027, est un impératif de responsabilité ...et de raison !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (10 août 2024)
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    Pour aller plus loin :
    François Hollande sera-t-il le Premier Ministre de son ancien Ministre de l'Économie ?
    François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    François Hollande : si j’étais Président…
    Julie Gayet.
    Ségolène Royal.
    Élysée 2022 : François Hollande candidat ?
    François Hollande veut américaniser les institutions françaises.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240812-hollande.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-hollande-sera-t-il-le-256016

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/11/article-sr-20240812-hollande.html



     

  • Pierre Waldeck-Rousseau, à la tête d'un impossible gouvernement de Défense républicaine

    « C'est un coup de théâtre. En vérité, c'est un étrange assemblage ; rien n'était plus inattendu que la rencontre de ces trois hommes dans une même action politique. Waldeck-Rousseau, l'ami, l'élève favori de Gambetta, l'un des représentants les plus autorisés de la politique dite opportuniste. Galliffet, qui fut aussi de l'intimité de Gambetta, un soldat, de l'école des sabreurs à panache, qui a malheureusement laissé dans nos guerres civiles une trace d'implacabilité légendaire. Millerand, enfin, un socialiste révolutionnaire qui revendique hautement les droits de la démocratie laborieuse, en vue de l'organisation de [sic] justice sociale si lente à venir. » (Clemenceau, cité par Michel Winock, 2007).



     

     
     


    Il y a cent vingt ans, le 10 août 1904, est morte une personnalité politique importante de notre République, Pierre Waldeck-Rousseau. Il a succombé des suites d'un cancer du pancréas à l'âge de 57 ans, chez lui, à Corbeil-Essonnes (il est né le 2 décembre 1846 à Nantes). Il n'a pas eu la postérité d'un Clemenceau ni même d'un Raymond Poincaré, mais il a fait partie des hussards de la Troisième République qui ont fondé ce qu'on appelle aujourd'hui les valeurs républicaines, ce creuset républicain qui réunit les Français autour de valeurs communes et universelles. À son actif, s'il fallait ne résumer son parcours politique que d'un acte, il est l'auteur de la fameuse loi sur la liberté d'association du 1er juillet 1901.

    Né d'un père député à la Constituante de 1848 et maire de Nantes en 1870, Pierre Waldeck-Rousseau a fait des études de droit à Poitiers puis Paris pour devenir avocat à Saint-Nazaire, près de Nantes, avocat comme son père. Il était, politiquement, parmi ceux qu'on a appelés les "opportunistes", c'est-à-dire un républicain modéré qui souhaitait à la fois l'ordre et la République, à l'instar de Léon Gambetta dont il fut ministre. Également rédacteur d'articles politiques, il s'est installé à Rennes où il a été élu député pour la première fois à l'âge de 32 ans, en 1879 et réélu deux fois jusqu'en 1899, siégeant au groupe de l'Union républicaine.

    Très vite, Pierre Waldeck-Rousseau fut appelé à des responsabilités ministérielles alors qu'il était jeune trentenaire : Ministre de l'Intérieur du gouvernement de Léon Gambetta du 14 novembre 1881 au 30 janvier 1882, puis du gouvernement de Jules Ferry du 21 février 1883 au 6 avril 1885 (en cumulant Intérieur et Cultes dont l'attribution était généralement associée, et elle le reste encore aujourd'hui). Dès 1882, il proposa un projet de loi sur la liberté d'association, qui était son dada en politique. Ce projet n'allait aboutir qu'une dizaine d'années plus tard.

    À l'Intérieur, Pierre Waldeck-Rousseau a déjà fait adopter la loi relative à la création des syndicats professionnels qui a abrogé la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 qui interdisait tout groupement professionnel. Au contraire, avec cette nouvelle loi, il a inauguré la liberté syndicale qui fait encore aujourd'hui partie du "package" des valeurs républicaines et qui a été intégrée dans le code du travail. La loi Émile Ollivier du 25 mai 1864 avait déjà supprimé le délit de coalition (mais pas le délit d'entrave à la liberté du travail) sous le Second Empire. Il a été aussi à l'origine de la loi très contestable instaurant la relégation des récidivistes, votée le 27 mai 1885, qui a envoyé à perpétuité au bagne de Cayenne, en Guyane, les condamnés récidivistes des colonies (cette loi pour s'attaquer à la récidive fut dès le début fortement critiquée, notamment par Clemenceau, et peu appliquée par les juges en raison de sa sévérité).


    L'opposition de Clemenceau à la politique coloniale de Jules Ferry a d'ailleurs fait chuter le gouvernement le 30 mars 1885, ce qui a rendu sa liberté à Pierre Waldeck-Rousseau qui en profita pour se marier (avec une veuve belle-sœur de l'explorateur Jean-Baptiste Charcot), exercer sa profession d'avocat (au barreau de Paris, son cabinet spécialisé dans les affaires financières était devenu l'un des plus réputés) et occuper le reste de son temps à peindre des aquarelles (il était un artiste très fécond).

    Profitant d'une élection partielle, Pierre Waldeck-Rousseau s'est fait élire sénateur de la Loire en 1894 et, réélu en 1897, le resta jusqu'à sa mort en 1904. Quelques mois après cette élection au Sénat, Jean Casimir-Perier donna sa démission de Président de la République (comprenant qu'il n'avait aucun pouvoir à l'Élysée). Les parlementaires furent donc convoqués pour une nouvelle élection présidentielle le 17 janvier 1895. Pierre Waldeck-Rousseau fut alors candidat pour les républicains progressistes (centre droit, ex-"opportunistes"), opposé à Henri Brisson, le candidat des radicaux (gauche), ancien et futur Président du Conseil et Président de la Chambre en exercice. Au premier tour, Henri Brisson s'est retrouvé en première place avec 338 voix sur 793 et Pierre Waldeck-Rousseau relégué à la troisième place avec 184 voix. En deuxième place, le Ministre de la Marine Félix Faure, également républicain progressiste, avec 244 voix. Pour le second tour, Pierre Waldeck-Rousseau s'est désisté en faveur de Félix Faure qui a été élu avec 430 voix sur 801 contre Henri Brisson 361 voix.

    Les élections législatives des 8 et 22 mai 1898 ont apporté une Chambre assez difficile pour trouver une majorité stable. Le Président du Conseil d'alors, Jules Méline, a perdu le soutien des socialistes et des radicaux en raison de son conservatisme social et gagné celui des "ralliés" (anciens monarchistes catholiques ralliés à la République selon l'autorisation de Léon XIII) et de la droite en général à cause du climat d'insécurité des attentats anarchistes. L'Affaire Dreyfus n'a pas eu beaucoup d'influence sur ces élections malgré le manifeste d'Émile Zola et Clemenceau du 13 janvier 1898 parce que c'était encore trop tôt (à l'époque, il n'y avait pas de chaîne de télévision d'information continue ni des réseaux sociaux qui faisaient surréagir dans l'heure), mais l'affaire allait enflammer la classe politique l'année suivante.

    Les résultats de mai 1898 marquèrent une montée de l'extrême gauche (radicaux dans le Sud-Ouest et aussi les socialistes, à l'exception de Jean Jaurès et Jules Guesde battus), et les républicains progressistes (les modérés) ont reculé mais restaient encore le groupe le plus important. Quant aux monarchistes, ils ont légèrement progressé. Cela a donné une configuration un peu bizarre : 237 sièges (sur 581) pour les progressistes, 182 pour les radicaux, 50 pour les socialistes, 92 pour les monarchistes (menés par le légitimiste Albert de Mun, promoteur du catholicisme social), dont 39 "ralliés" à la République, et 20 pour les nationalistes. Les progressistes, qui avaient une majorité absolue, l'ont perdu (237 au lieu de 291), l'extrême gauche n'avait pas non plus la majorité (232), ni la droite (112). Il fallait donc des compromis. Cette situation parlementaire n'est pas sans faire penser à celle de juillet 2024 !

    Résultat : après trois gouvernements dirigés successivement par le radical Henri Brisson puis le progressiste Charles Dupuy, la crise politique était là, en raison du contexte explosif de la situation nationale. En effet, l'Affaire Dreyfus éclatait réellement. Henri Brisson demanda la révision du procès de décembre 1894. Le Président de la République Félix Faure, favorable aux antidreyfusards, est mort subitement le 16 février 1899 (après avoir perdu sa connaissance). L'élection présidentielle du 18 février 1899 a fait gagner Émile Loubet, républicain modéré soutenu par les radicaux (dont Clemenceau) face à Jules Méline qui n'a pas pu convaincre les républicains dreyfusards hostiles à sa politique trop favorable aux antidreyfusards. Bien que s'étant désisté, Jules Méline a reçu 279 voix (sur 824) de la part de la droite antidreyfusarde tandis qu'Émile Loubet a fait le plein à gauche et chez les républicains, élu dès le premier tour avec 483 voix.

    La polarisation politique était très forte, entre les socialistes et radicaux très dreyfusards et les nationalistes et monarchistes très antidreyfusards et les violences verbales à la Chambre n'avaient rien à envier à celles de 2022-2024. Le 3 juin 1899, la Cour de Cassation a cassé le verdict du conseil de guerre condamnant le capitaine Dreyfus et ordonna la révision du procès. Quatre jours auparavant, le 31 mai 1899, le nationaliste Paul Déroulède, jugé pour tentative de putsch pendant les funérailles de Félix Faure, a été acquitté. Avec tous ces événements assez contradictoires, Charles Dupuy donna sa démission le 12 juin 1899. Anatole France a décrit en 1904 ce ministère : « Il n’y a pas de mots pour peindre le ministère Dupuy qui lui succéda. Ce fut le chaos, l’écroulement et l’abîme. La République allait où l’emportait l’Affaire, que soulevaient en hurlant les nationalistes, entraînés par les bandes romaines. Alors régnèrent dans les villes les matraques et les bayados, et une canne aristocratique défonça le chapeau du Président Loubet. ». Il fallait donc un gouvernement d'unité nationale pour tenter de réunir les bonnes volontés de la Chambre.

    Émile Loubet a d'abord demandé à Raymond Poincaré de former le nouveau gouvernement (cela aurait été son premier gouvernement), mais il n'a pas obtenu le soutien d'une majorité. Il a conseillé au Président de la République de charger Pierre Waldeck-Rousseau, républicain austère, raisonnable, respecté et peu passionné, de réunir une large majorité. Nommé le 22 juin 1899, Pierre Waldeck-Rousseau a formé un "gouvernement de Défense républicaine" (considéré par les nationalistes comme un gouvernement Dreyfus) regroupant des radicaux, des progressistes, des personnalités de droite comme le général Galliffet, considéré comme le boucher de la Commune par l'extrême gauche, mais aussi un socialiste, le premier de l'histoire républicaine, Alexandre Millerand, chargé du Commerce, de l'Industrie, des Postes et Télégraphes. Parmi les autres ministres importants : le radical Théordre Delcassé, reconduit aux Affaires étrangères, le radical Ernest Monis à la Justice, Gaston de Galliffet à la Défense (remplacé le 29 mai 1900), le radical Joseph Caillaux aux Finances et le modéré Georges Leygues à l'Instruction publique et aux Beaux-Arts.

     

     
     


    Ce gouvernement, soutenu à la fois par Clemenceau et Jaurès, a été finalement investi le 26 juin 1899 d'une courte majorité après des discussions passionnées par la présence, parmi les ministres, de Galliffet et de Millerand, et malgré cette majorité introuvable, il fut le gouvernement le plus long de toute la Troisième République, pendant près de trois ans, jusqu'à sa démission le 3 juin 1902 avec l'installation d'une nouvelle Chambre (élue les 27 avril et 11 mai 1902). Comme l'a expliqué Clemenceau (cité par Michel Winock dans sa biographie et mis en tête d'article), le gouvernement n'était pas homogène et était à la fois de droite, du centre et de gauche (Emmanuel Macron hantait déjà la classe politique !).

    Et cet attelage a tenu grâce à la perspicacité de Pierre Waldeck-Rousseau qui était un conservateur progressiste, dans le sens propre de ces deux termes, au-delà des étiquettes de l'époque. Républicain, ainsi se définissait-il, et il a été à bonne école, celle de Gambetta et Jules Ferry, et c'est sans doute la raison pour laquelle la période 1899-1902 fut aussi fondatrice que les années 1880 (liberté d'expression, école libre et gratuite, etc.) pour la République française (avant aussi la loi du 9 décembre 1905 de la séparation des Églises et de l'État).

    Ce gouvernement a fait en effet adopter des lois qui font encore aujourd'hui partie de notre socle républicain et la première d'entre elle, première en importance mais presque dernière en ordre chronologie, c'était bien sûr la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association qui définissait une association sans but lucratif (au contraire d'une entreprise commerciale). Cette loi est importante puisque plus de cent vingt ans plus tard, il y a environ 1,5 million d'associations loi 1901 en France (dont un quart d'associations sportives), faisant travailler environ 2 millions de salariés (soit un salarié du privé sur dix) et correspondant à environ 21 millions d'adhérents pour un budget d'environ 110 milliards d'euros (dont 40 milliards d'euros de masse salariale). La Chambre a cependant rendu contraignant la création d'une association en la soumettant à une décision préfectorale, et les congrégations religieuses devaient se transformer en associations (le successeur de Pierre Waldeck-Rousseau, Émile Combes, fut intraitable dans son anticléricalisme alors que ce n'était pas l'esprit de la loi de 1901).

    L'un des premiers actes politique du gouvernement Waldeck-Rousseau a été de réviser le procès Dreyfus qui s'est rouvert le 7 août 1899 à Rennes et de profondément remplacer préfets, juges et officiers (en limogeant les antidreyfusards). Le gouvernement a réprimé aussi les agitateurs nationalistes (Pierre Waldeck-Rousseau était également Ministre de l'Intérieur et des Cultes et voulait montrer la fermeté de la défense républicaine). La cour de Rennes a cependant condamné à nouveau Dreyfus le 9 septembre 1899 pour trahison mais (le "en même temps") avec circonstances atténuantes (!) à dix ans de prison et à la dégradation. La cour voulait ménager la chèvre nationaliste et le chou dreyfusard puisque les circonstances atténuantes laissaient entrevoir l'innocence de Dreyfus sans pour autant la reconnaître.

     

     
     


    Pierre Waldeck-Rousseau proposa alors la grâce présidentielle même si les dreyfusards revendiquaient la reconnaissance de l'innocence par la justice et la réhabilitation de Dreyfus. Émile Loubet a signé le décret de grâce le 19 septembre 1899, ce qui a libéré Dreyfus deux jours plus tard. Il fut complété par une loi d'amnistie promulguée le 14 décembre 1900 (mais amnistiant non seulement Dreyfus mais aussi Émile Zola, le colonel Picquart, et aussi les complotistes, au grand dam des dreyfusards). Dans les faits, à partir de 1900, les agitations nationalistes se sont arrêtées grâce à la politique du gouvernement.

    Parmi les autres mesures importantes de ce gouvernement, Alexandre Millerand a fait adopter la loi du 30 mars 1900 sur le travail des femmes et des enfants (le réglementant), et la loi du 30 septembre 1900 sur la durée du travail journalier baissée à 11 heures et hebdomadaire à 60 heures (pour les hommes). Joseph Caillaux, quant à lui, a présenté un budget excédentaire, refondant des taxes et impôts (notamment sur les successions) mais renonçant à créer l'impôt progressif sur le revenu pour lequel il militaire, considérant qu'il n'y avait pas encore de majorité pour cela (ce n'était que partie remise !). À l'Agriculture, le ministre Jean Dupuy a développé l'implantation locale du Crédit Agricole. À la Justice, Ernest Monis a autorisé par la loi du 1er décembre 1900 l'accès des femmes à la profession d'avocat.

    Pierre Waldeck-Rousseau a dirigé la campagne électorale du bloc des gauches, correspondant à son gouvernement (républicains modérés à socialistes) et a gagné les élections législatives des 27 avril et 11 mai 1902. Toutefois, il n'a pas voulu continuer à rester au gouvernement et a proposé le radical Émile Combes pour lui succéder. Le retrait de Waldeck-Rousseau, explicable par sa maladie, pourrait aussi être motivée par d'autres raisons comme la peur d'être désavoué par la nouvelle Chambre. Redevenu sénateur, il regretta d'avoir proposé Émile Combes pour sa succession et s'opposa à sa politique fortement anticléricale en dénaturant, par son application sévère, sa loi de 1901 en principe basée sur la tolérance et la liberté.

    Après sa mort, plusieurs lieux ou équipements ont été baptisés de son nom mais peut-être que le plus bel hommage est venu du père du futur secrétaire général du PCF (entre Maurice Thorez et Georges Marchais) qui l'a appelé Waldeck Rochet par passion pour la République et admiration pour Jaurès. Le père de Pierre Waldeck-Rousseau s'appelait en fait René-Valdec Rousseau et avait fait modifier son patronyme pour se distinguer des Rousseau très nombreux en France.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Pierre Waldeck-Rousseau.
    Alexandre Millerand.
    La victoire des impressionnistes.
    Les 120 ans de l'Entente cordiale.
    Mélinée et Missak Manouchian.
    Le Débarquement en Normandie.
    La crise du 6 février 1934.
    Gustave Eiffel.

    Maurice Barrès.
    Joseph Paul-Boncour.
    G. Bruno et son Tour de France par Deux Enfants.
    Pierre Mendès France.
    Léon Blum.
    Jean Jaurès.
    Jean Zay.
    Le général Georges Boulanger.
    Georges Clemenceau.
    Paul Déroulède.
    Seconde Guerre mondiale.
    Première Guerre mondiale.
    Le Pacte Briand-Kellogg.
    Le Traité de Versailles.
    Charles Maurras.
    L’école publique gratuite de Jules Ferry.
    La loi du 9 décembre 1905.
    Émile Combes.
    Henri Queuille.
    Rosa Luxemburg.
    La Commune de Paris.
    Le Front populaire.
    Le congrès de Tours.
    Georges Mandel.
    Les Accords de Munich.
    Édouard Daladier.
    Clemenceau a perdu.
    Au Panthéon de la République, Emmanuel Macron défend le droit au blasphème.
    150 ans de traditions républicaines françaises.


     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240810-waldeck-rousseau.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/pierre-waldeck-rousseau-a-la-tete-256194

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  • Mick Jagger jaloux d'Alain Delon ?

    « When you're Mick Jagger, but the other one is Alain Delon ! »


     

     
     


    À l'annonce de la mort du grand acteur français et international Alain Delon (ce dimanche 18 août 2024), les réseaux sociaux ont rejoint les médias en général pour des hommages de toute sorte. Mais aussi pour un peu d'humour. Parmi les témoignages parfois insignifiants revient un élément majeur d'Alain Delon : certes, le jeune homme était beau, quoique, de la beauté masculine, je n'ai pas grand-chose à dire, mais sa beauté n'était pas tout. Après tout, il n'était pas le seul jeune homme beau de tout le village, et pourtant, il n'y a pas eu beaucoup d'Alain Delon en fin de compte. Cet élément reconnu par tous, qui a fait la différence, c'était le charisme. Le charisme d'Alain Delon !

    Le charisme, c'est que qui permet à des responsables politiques pourtant, pour certains, peu recommandables d'être réélus ou d'être encore appréciés malgré, parfois, quelques casseroles. Par exemple, Alain Carignon, qu'il faut avoir approcher pour bien comprendre l'homme. Lorsqu'il était maire, il était du genre à traverser assez rapidement le très large boulevard Jean-Pain, celui devant la mairie, qui s'engage directement vers l'autoroute Grenoble-Chambéry très passant, le regard bloqué sur le Grenoblois qu'il allait croiser, et à le saluer en lui demandant des nouvelles du petit dernier. Bernard Tapie, Jacques Chirac, Jean-Marie Le Pen, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, etc. (j'en oublie plein), quoi qu'on en pense, sont ou ont été des personnalités charismatiques qui leur ont permis de convaincre parce qu'elles fascinaient. Le charisme. Mélange de présence et de magnétisme. De sincérité plus ou moins feinte et d'authenticité plus ou moins réelle.

    Évidemment, un bon acteur ne peut être que charismatique et on peut en citer beaucoup, Yves Montand, Jean Gabin, Lino Ventura, Fabrice Luchini, Gérard Depardieu, etc. (pareil, j'en oublie de nombreux). Alain Delon était sans doute l'un des plus charismatiques et c'est cela qui l'a distingué des autres, plus que sa dite beauté dont je ne connais pas la définition.

     
     

    Les réseaux sociaux ont alors rappelé une photographie célèbre (plusieurs en fait) et un trait d'humour déjà ancien : "Quand tu es déjà une star et que tu sors avec ta (très belle) copine, méfie-toi d'Alain Delon !". C'est un peu cela l'idée.

    Sur Wikipédia, Mick Jagger (81 ans), le célèbre chanteur des Rollings Stones, est considéré très charismatique : « Véritable star depuis le milieu des années 1960, il est, par son jeu de scène démonstratif, son attitude et son charisme, considéré comme l'archétype du chanteur de rock, souvent cité comme référence par de nombreux artistes. ». Entre 1966 et 1970, selon des potins très médiatisés, il vivait avec la très belle chanteuse (et actrice) britannique Marianne Faithfull (77 ans). Il l'a même aidée à démarrer sa carrière de chanteuse, a composé quelques-unes de ses chansons, etc.

     
     


    La photographie en question daterait du 15 novembre 1967 (je peux me tromper). Mick Jagger n'avait que 24 ans (et déjà très connu), Marianne Faithfull pas encore 21 ans (et un petit peu connue). L'actrice a rencontré Alain Delon par l'entremise du réalisateur britannique Jack Cardiff (alors 53 ans) pour un projet de film franco-britannique. Elle fut tout de suite attirée par le charisme d'Alain Delon (qui venait d'atteindre ses 32 ans). À cet instant magique, il n'y avait pas photo... ah si, il y avait photos, justement !
     

     
     


    Marianne Faithfull a raconté plus tard que cette rencontre a rendu très jaloux Mick Jagger alors que ce n'était pas son tempérament d'être jaloux. L'histoire retient toutefois que la chanteuse n'a pas vraiment accroché avec Alain Delon : il était fascinant, mais pas forcément de quoi en être amoureuse.

    Cela ne l'a pas empêchée de l'embrasser. Pour des raisons strictement professionnelles bien sûr. Le projet du film de Jack Cardiff a abouti à "The Girl on the Motorcycle", en français, plus pudiquement, "La Motocyclette". Le résumé de Wikipédia explique doctement : « Rebecca s’ennuie auprès de Raymond, l’homme qu’elle vient tout juste d’épouser. Une nuit, elle s’échappe du lit conjugal et part, nue sous une combinaison de cuir, sur sa Harley-Davidson FL, pour rejoindre son amant en Allemagne. ». Le personnage de Rebecca était interprété bien sûr par Marianne Faithfull, celui de l'amant Daniel par Alain Delon. Non, Mick Jagger ne jouait pas le mari trompé (l'acteur était Roger Mutton). Avec la participation de Jacques Marin.

     

     
     


    Ce film est un film érotique (aux États-Unis, le titre est plus explicite : "Naked Under Leather", nue sous le cuir !), et a été tourné en Alsace, à Heidelberg et à Genève. Il a fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes de mai 1968 mais n'a reçu aucune récompense car le festival a été interrompu par la révolte étudiante. Le film est sorti le 23 juin 1968 en France et le 20 octobre 1968 au Royaume-Uni. (Ce qui est amusant avec une encyclopédie comme Wikipédia, c'est qu'il y a des trucs intéressants et des trucs surréalistes, comme le fait qu'un homme né en décembre 1968 puisse avoir été l'assistant réalisateur d'un film sorti en juin 1968 !).

    Pour changer un peu des hommages habituels à Alain Delon, je propose d'écouter une très belle chanson de ...sa partenaire de cinéma Marianne Faithfull, qui a repris l'interprétation de "The Ballad of Lucy Jordan" (Lucie Castets ou Jordan Bardella ? humour de chaussettes dépareillées...) utilisée également au cinéma, notamment dans l'excellent film "Cours privé" de Pierre Granier-Deferre (sorti le 12 novembre 1986), avec Élizabeth Bourgine, Michel Aumont et Xavier Deluc.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le charisme d'Alain Delon : The Girl on a Motorcycle.
    Le grand Alain Delon
    Affaire Alain Delon : ce que cela nous dit de la fin de vie.
    Comment va Alain Delon ?







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240820-mick-jagger.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/20/article-sr-20240820-mick-jagger.html




     

  • Marianne Faithfull fascinée par Alain Delon en 1967

    « When you're Mick Jagger, but the other one is Alain Delon ! »


     

     
     


    À l'annonce de la mort du grand acteur français et international Alain Delon (ce dimanche 18 août 2024), les réseaux sociaux ont rejoint les médias en général pour des hommages de toute sorte. Mais aussi pour un peu d'humour. Parmi les témoignages parfois insignifiants revient un élément majeur d'Alain Delon : certes, le jeune homme était beau, quoique, de la beauté masculine, je n'ai pas grand-chose à dire, mais sa beauté n'était pas tout. Après tout, il n'était pas le seul jeune homme beau de tout le village, et pourtant, il n'y a pas eu beaucoup d'Alain Delon en fin de compte. Cet élément reconnu par tous, qui a fait la différence, c'était le charisme. Le charisme d'Alain Delon !

    Le charisme, c'est que qui permet à des responsables politiques pourtant, pour certains, peu recommandables d'être réélus ou d'être encore appréciés malgré, parfois, quelques casseroles. Par exemple, Alain Carignon, qu'il faut avoir approcher pour bien comprendre l'homme. Lorsqu'il était maire, il était du genre à traverser assez rapidement le très large boulevard Jean-Pain, celui devant la mairie, qui s'engage directement vers l'autoroute Grenoble-Chambéry très passant, le regard bloqué sur le Grenoblois qu'il allait croiser, et à le saluer en lui demandant des nouvelles du petit dernier. Bernard Tapie, Jacques Chirac, Jean-Marie Le Pen, Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron, etc. (j'en oublie plein), quoi qu'on en pense, sont ou ont été des personnalités charismatiques qui leur ont permis de convaincre parce qu'elles fascinaient. Le charisme. Mélange de présence et de magnétisme. De sincérité plus ou moins feinte et d'authenticité plus ou moins réelle.

    Évidemment, un bon acteur ne peut être que charismatique et on peut en citer beaucoup, Yves Montand, Jean Gabin, Lino Ventura, Fabrice Luchini, Gérard Depardieu, etc. (pareil, j'en oublie de nombreux). Alain Delon était sans doute l'un des plus charismatiques et c'est cela qui l'a distingué des autres, plus que sa dite beauté dont je ne connais pas la définition.

     
     


    Les réseaux sociaux ont alors rappelé une photographie célèbre (plusieurs en fait) et un trait d'humour déjà ancien : "Quand tu es déjà une star et que tu sors avec ta (très belle) copine, méfie-toi d'Alain Delon !". C'est un peu cela l'idée.

    Sur Wikipédia, Mick Jagger (81 ans), le célèbre chanteur des Rollings Stones, est considéré très charismatique : « Véritable star depuis le milieu des années 1960, il est, par son jeu de scène démonstratif, son attitude et son charisme, considéré comme l'archétype du chanteur de rock, souvent cité comme référence par de nombreux artistes. ». Entre 1966 et 1970, selon des potins très médiatisés, il vivait avec la très belle chanteuse (et actrice) britannique Marianne Faithfull (77 ans). Il l'a même aidée à démarrer sa carrière de chanteuse, a composé quelques-unes de ses chansons, etc.
     

     
     

    La photographie en question daterait du 15 novembre 1967 (je peux me tromper). Mick Jagger n'avait que 24 ans (et déjà très connu), Marianne Faithfull pas encore 21 ans (et un petit peu connue). L'actrice a rencontré Alain Delon par l'entremise du réalisateur britannique Jack Cardiff (alors 53 ans) pour un projet de film franco-britannique. Elle fut tout de suite attirée par le charisme d'Alain Delon (qui venait d'atteindre ses 32 ans). À cet instant magique, il n'y avait pas photo... ah si, il y avait photos, justement !

     
     


    Marianne Faithfull a raconté plus tard que cette rencontre a rendu très jaloux Mick Jagger alors que ce n'était pas son tempérament d'être jaloux. L'histoire retient toutefois que la chanteuse n'a pas vraiment accroché avec Alain Delon : il était fascinant, mais pas forcément de quoi en être amoureuse.

    Cela ne l'a pas empêchée de l'embrasser. Pour des raisons strictement professionnelles bien sûr. Le projet du film de Jack Cardiff a abouti à "The Girl on the Motorcycle", en français, plus pudiquement, "La Motocyclette". Le résumé de Wikipédia explique doctement : « Rebecca s’ennuie auprès de Raymond, l’homme qu’elle vient tout juste d’épouser. Une nuit, elle s’échappe du lit conjugal et part, nue sous une combinaison de cuir, sur sa Harley-Davidson FL, pour rejoindre son amant en Allemagne. ». Le personnage de Rebecca était interprété bien sûr par Marianne Faithfull, celui de l'amant Daniel par Alain Delon. Non, Mick Jagger ne jouait pas le mari trompé (l'acteur était Roger Mutton). Avec la participation de Jacques Marin.

     

     
     


    Ce film est un film érotique (aux États-Unis, le titre est plus explicite : "Naked Under Leather", nue sous le cuir !), et a été tourné en Alsace, à Heidelberg et à Genève. Il a fait partie de la sélection officielle du Festival de Cannes de mai 1968 mais n'a reçu aucune récompense car le festival a été interrompu par la révolte étudiante. Le film est sorti le 23 juin 1968 en France et le 20 octobre 1968 au Royaume-Uni. (Ce qui est amusant avec une encyclopédie comme Wikipédia, c'est qu'il y a des trucs intéressants et des trucs surréalistes, comme le fait qu'un homme né en décembre 1968 puisse avoir été l'assistant réalisateur d'un film sorti en juin 1968 !).

    Pour changer un peu des hommages habituels à Alain Delon, je propose d'écouter une très belle chanson de ...sa partenaire de cinéma Marianne Faithfull, qui a repris l'interprétation de "The Ballad of Lucy Jordan" (Lucie Castets ou Jordan Bardella ? humour de chaussettes dépareillées...) utilisée également au cinéma, notamment dans l'excellent film "Cours privé" de Pierre Granier-Deferre (sorti le 12 novembre 1986), avec Élizabeth Bourgine, Michel Aumont et Xavier Deluc.



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    Sylvain Rakotoarison (18 août 2024)
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    Pour aller plus loin :
    Le charisme d'Alain Delon : The Girl on a Motorcycle.
    Le grand Alain Delon
    Affaire Alain Delon : ce que cela nous dit de la fin de vie.
    Comment va Alain Delon ?






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240820-marianne-faithfull.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/20/article-sr-20240820-marianne-faithfull.html







     

  • Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !

    « Qui aurait pu imaginer une campagne électorale aussi rocambolesque ? Une majorité présidentielle suppliant le Président de se tenir à l’écart, un Nouveau front populaire terrifié à chaque prise de parole de son dirigeant le plus médiatique, des Républicains en guerre contre leur chef barricadé dans ses locaux après les avoir enfermés dehors… Le spectacle continue. » (Claude Malhuret, le 18 juillet 2024 au Sénat).




     

     
     


    Avec les élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024, une session parlementaire extraordinaire devait se tenir du 18 juillet 2024 au 1er août 2024 pour l'installation des députés, l'élection de leurs responsables internes, etc. Petite incongruité : pour cette raison, le Sénat aussi est en session, mais comme l'ordre du jour était vide, notamment en raison de l'absence du gouvernement, qui est démissionnaire et sans nouveau gouvernement, le Président du Sénat Gérard Larcher a décidé de ne pas tenir d'autre séance publique avant la fin de l'été que celle de ce jeudi 18 juillet 2024 sauf en cas de nécessité.

    Pour ne pas réunir les sénateurs pour rien, la conférence des présidents a décidé de tenir un débat contradictoire sur la situation politique du moment, c'est-à-dire, sur l'après-législatives et le vide politique et gouvernemental qui en résulte. Parmi les orateurs, il y en a un dont ont attend toujours avec impatience les formules chocs, toujours croustillantes, sur la vie nationale. Il s'agit de Claude Malhuret qui, bien évidemment, n'a pas hésité à balancer clairement les choses.

    Le bon docteur Malhuret a brossé une situation politique qui est complètement surréaliste à bien des égards. La gauche irresponsable : « Depuis dix jours, la gauche en principe unie somme le Président de la République de lui livrer séance tenante les clefs de Matignon, sans parvenir à s’accorder pour lui proposer un seul nom. ».

    Et la position de la CGT et de FI, qui fait penser à des épisodes très sombres de notre histoire : « Tout aussi ahurissants, mais plus inquiétants (…), sont les appels de l’extrême gauche à marcher sur Matignon et ceux d’une CGT "LFIsée" à se rassembler devant l’Assemblée Nationale pour "la mettre sous surveillance". Je pose la question avec gravité : que signifie dans une démocratie la mise sous surveillance de l’Assemblée Nationale par une foule attroupée devant ses murs ? La dernière fois que c’est arrivé, en France, c’était le 6 février 1934, et aux États-Unis, le 6 janvier 2021. On connaît le résultat. ».

    La situation institutionnelle n'a cependant pas de quoi rassurer Claude Malhuret qui a décrit une situation inédite sous la Cinquième République : « La Ve République nous a habitués à nommer ses gouvernements en un instant, si bien qu’une situation banale chez nos voisins apparaît chez nous comme angoissante. Ensuite (…), comme ailleurs, cette situation peut durer. Il faut du temps pour se parler et faire des compromis. ». L'angoisse du gouvernement fantôme, ou zombie. Retour à une vieille république.

    Et le président du groupe indépendants au Sénat a mis l'accent sur la difficulté politique des compromis à négocier : « Ces derniers seront qualifiés de compromissions par tous les extrémistes et autres virtuoses des réseaux antisociaux, qui ne manqueront pas de confirmer leur rôle de plaie démocratique auprès d’une population qu’ils ont déjà largement contribué à rendre antiparlementaire et défiante. ».

    Enfin, troisième difficulté : « La perspective de l’élection présidentielle n’incite personne, une fois n’est pas coutume, à rejoindre un gouvernement qui sera fragile à l’Assemblée Nationale et impopulaire du fait des contraintes de la dette et des décisions difficiles que celle-ci impose. ».


    L'état des lieux des forces politiques n'est pas plus réjouissant. À l'extrême droite : « Le Rassemblement national, en forte progression, ne peut gouverner faute d’alliés. De toute façon, il ne le souhaite pas : il attend son heure. ». À gauche : « La gauche est piégée par le Nouveau front populaire, qui lui a permis de sauver ses sièges, mais qui l’a livrée à sa frange la plus radicale, dont le but est non pas de gouverner, mais de rendre le pays ingouvernable. La stratégie du chaos à l’Assemblée Nationale comme dans la rue se poursuivra, pour permettre au sous-commandant Marcos de la Canebière, de plus en plus suffisant, mais de moins en moins nécessaire, de figurer au second tour de l’élection présidentielle de 2027. Son objectif immédiat est d’étouffer dans l’œuf toute hypothèse d’un Premier Ministre issu des rangs de ses alliés. Si je puis me permettre un conseil à ces derniers : dans l’intérêt de la France comme dans le vôtre, chers collègues, échappez-vous du syndrome de Stockholm qu’est devenu le NFP ! Vous méritez mieux que d’être traités de "punaises de lit" ! ».
     

     
     


    Pour Claude Malhuret, la seule réponse aux électeurs à l'issue de ces élections législatives, c'est le front républicain : « Pas de front national, pas de front populaire : la seule hypothèse possible est celle du front républicain. Elle suppose, comme chez nos voisins, mais à rebours des traditions françaises, l’alliance de tous les démocrates, depuis la droite républicaine jusqu’à la gauche de gouvernement. ».

    Une telle configuration, qui demanderait de mettre d'accord socialistes, macronistes et républicains, serait difficile à mettre en place, et pourtant, d'un point de vue arithmétique, c'est la seule viable pour l'année sans dissolution qui vient : « Elle sera difficile, lente, incertaine et provisoire. Elle suppose que des gens qui ont l’habitude de se combattre apprennent à se parler, qu’ils résistent dans chaque camp aux extrêmes quand ces derniers crieront à la trahison et qu’ils aient le courage de s’en séparer. Elle suppose, enfin, qu’ils acceptent la tâche ingrate de se contenter de stabiliser un pays pour l’heure sans boussole, autour de mesures qui peuvent rassembler. Contrairement à ce que nous pouvions redouter, l’annonce d’un pacte d’action législative (…) montre que le pire n’est jamais certain et que la sagesse a quelques chances de l’emporter. Cette perspective n’est pour le moment qu’un espoir ténu, une éventualité qui peut s’effondrer à la moindre bourrasque politique. Cependant, c’est la seule qui ait aujourd’hui une chance de se réaliser. Je ne doute pas qu’une majorité de notre assemblée défende le choix de la sagesse dans ce moment difficile. Notre groupe ne ménagera pas ses efforts pour y parvenir. ».

    Pour une fois, Claude Malhuret ne s'est pas contenté que de beaux mots et de tirer comme dans un chamboule-tout, mais aussi d'un espoir, celui de trouver cette majorité impossible, introuvable dans l'état actuel des forces politiques. Cela nécessiterait donc l'éclatement assumé de cette nouvelle farce populaire (NFP) et la reprise de liberté des socialistes actuellement vassalisés par leur seigneur insoumis. Pas sûr que le PS ait ce courage politique et possible qu'ils préfèrent se morfondre à la remarque de groupes plus radicalisés qu'eux. Avant leur patriotisme de gauche qui, dans ces conditions, les mènerait tout droit vers l'inexistence politique à l'élection présidentielle, ils devraient prendre en compte l'intérêt national, c'est le seul qui vaille.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Claude Malhuret sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution le 4 mars 2024 à Versailles.
    Claude Malhuret s'en prend à "la pression permanente et déprimante des extrêmes" !
    Claude Malhuret dénonce la "mauvaise république" du guide suprême !
    L'Iran et les femmes : Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Passe vaccinal : Claude Malhuret charge lourdement les antivax.
    Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240718-malhuret.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/claude-malhuret-au-senat-le-255916

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240718-malhuret.html