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  • Émeutes en Nouvelle-Calédonie : l'enjeu, c'est la démocratie !

    « Des personnes qui sont nées en Nouvelle-Calédonie ou qui y résident depuis de nombreuses années, qui y ont leur vie personnelle et leurs activités professionnelles, qui y payent des impôts sont privées du droit de vote aux élections provinciales, c’est-à-dire à un scrutin local. Le dégel du corps électoral est donc un enjeu démocratique incontournable et demandé par le Conseil d’État. Il s’agit de permettre la tenue des prochaines élections provinciales et d’assurer la représentativité des élus, sans remettre en cause les équilibres fondamentaux de l’accord de Nouméa. » (Gabriel Attal, le 14 mai 2024 dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale).



     

     
     


    Depuis lundi 13 mai 2024, la Nouvelle-Calédonie est en proie, à nouveau, hélas, à la violence quasi-insurrectionnelle. Le bilan en deux jours est très lourd puisqu'il y a eu quatre morts, dont un gendarme de 22 ans, Nicolas Molinari, affecté à Melun, et plus d'une cinquantaine de blessés parmi les forces de l'ordre qui ont réagi avec rigueur sans mettre en danger la vie d'un manifestant.

    On se posera la question sérieuse de l'origine de ces émeutes, en particulier à Nouméa, qui ressemblent plus à du vandalisme de banlieue, comme en automne 2005 ou en été 2023, qu'à un acte de "résistance" politique des indépendantistes. S'en prendre aux personnes et aux biens, mettre le feu aux maisons, piller les commerces donne rarement un message politique mais indique surtout une colère floue et une volonté de détruire, de saccager.

    Le déclenchement de ces émeute serait l'examen à l'Assemblée Nationale du projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie. J'évoquerai ce texte ci-après, et disons clairement que le texte a été déposé dès janvier 2024, et voté par le Sénat en avril, pourquoi donc ce regain de violence soudain ?


    Il y a bien sûr des hypothèses, mais ce ne sont que des suppositions. Ce qui est sûr, c'est que la gauche, toute la gauche : socialistes, insoumis et communistes, sont vent debout contre cette réforme constitutionnelle ; ils ne croient plus en l'universalité du suffrage, c'est grave. D'autant plus qu'on prêterait aux insoumis d'être les porte-parole de puissances étrangères (Russie et Chine) qui seraient bien intéressées par la déstabilisation de la France en Nouvelle-Calédonie, en particulier, l'influence de la Chine dans le Pacifique est de plus en plus prégnante.

    Dans la nuit du 14 au 15 mai 2024, Gérald Darmanin a regretté dans l'hémicycle le manque de soutien aux forces de l'ordre de la part de la gauche : « Nous regrettons que l’Assemblée Nationale n’ait pas unanimement condamné les actions conduites contre les policiers et gendarmes. On aurait pu croire que les pillages, les incendies, les menaces de mort, visaient à exercer une pression politique sur les représentants du peuple. ».

    Le gouvernement a manifestement été surpris par cette forte flambée de violence alors que le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer s'est beaucoup investi pour trouver un accord tripartite (État, loyalistes, indépendantistes) pour l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Par exemple, il s'est rendu en Nouvelle-Calédonie cinq à sept fois en 2023. La réponse immédiate a été de réagir promptement : le Président Emmanuel Macron a convoqué un conseil de défense le mercredi 15 mai 2024 matin, repoussant le conseil des ministres dans l'après-midi. La principale décision a été de proclamer l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie à partir du 16 mai 2024 à 5 heures (heure locale), ainsi qu'un couvre-feu de 18 heures à 6 heures du matin, l'interdiction de rassemblement à Nouméa, et l'interdiction du transport et du port d'armes et d'alcool sur tout le territoire de Nouvelle-Calédonie.

    Pourtant, on ne peut pas dire qu'Emmanuel Macron n'avait pas joué le jeu rigoureux des Accords de Matignon de 1988 puis de Nouméa de 1998. Il était question d'organiser jusqu'à trois référendums sur l'indépendance, qui ont eu lieu le 4 novembre 2018, le 4 octobre 2020 et le 12 décembre 2021. Emmanuel Macron est resté très étrangement neutre, refusant d'influencer les électeurs alors qu'il aurait été normal (cela lui a été reproché) que le gouvernement français fît campagne pour le maintien dans la République française, ce qui a finalement été le cas, mais au troisième référendum, les indépendantistes, se sentant minoritaires, ont refusé de participer au scrutin, faisant chuter la participation alors qu'elle était très élevée aux deux premiers. Néanmoins, tout le monde pouvait faire son choix, librement consenti, dans la sincérité et le secret des règles d'une démocratie mature.

    C'est pour cela que depuis le début de l'année 2022, le gouvernement français est en négociation avec toutes les parties en Nouvelle-Calédonie pour construire les structures néo-calédoniennes définitives. Pour Emmanuel Macron, la question de l'indépendance a été définitivement tranchée le 12 décembre 2021 : « Les Calédoniennes et les Calédoniens ont choisi de rester Français. Ils l’ont décidé librement. Pour la Nation entière, ce choix est une fierté et une reconnaissance. Ce soir, la France est plus belle car la Nouvelle-Calédonie a décidé d’y rester. ». Encore faut-il se mettre d'accord pour cet avenir commun.


    Parallèlement, il y avait une réforme à faire qui ne pouvait pas être négociable au nom des valeurs de la démocratie : la composition du corps électoral qui est gelée depuis trente ans ! Cela signifie qu'un habitant français né en Nouvelle-Calédonie et vivant en Nouvelle-Calédonie depuis vingt-cinq ans ne peut pas, actuellement, voter aux élections néo-calédoniennes. C'est l'objet de ce projet de loi constitutionnelle d'en finir avec cette exception antidémocratique néo-calédonienne.
     

     
     


    Rappelons plus précisément le contenu de la loi constitutionnelle n°98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie qui crée un nouveau titre de la Constitution sur les dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie. En particulier, le dernier alinéa de l'article 77 de la Constitution dit (rajouté en 2007) : « Pour la définition du corps électoral appelé à élire les membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, le tableau auquel se réfèrent l'accord mentionné à l'article 76 et les articles 188 et 189 de la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est le tableau dressé à l'occasion du scrutin prévu audit article 76 et comprenant les personnes non admises à y participer. ». Cela signifie le gel pur et simple du corps électoral depuis vingt-cinq ans ! (Je précise bien que cet alinéa n'avait pas été inscrit en 1998 mais en 2007 : auparavant, le corps électoral était régi uniquement par la seule loi organique de 1999).

    Que dit (entre autres) la loi organique n°99-209 du 19 mars 1999 ? Son article 6 : « Il est institué une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie dont bénéficient les personnes de nationalité française qui remplissent les conditions fixées à l'article 188. ». Et son article 188 : « I. - Le congrès et les assemblées de province sont élus par un corps électoral composé des électeurs satisfaisant à l'une des conditions suivantes : a) Remplir les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998 ; b) Être inscrits sur le tableau annexe et domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection au congrès et aux assemblées de province ; c) Avoir atteint l'âge de la majorité après le 31 octobre 1998 et soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998, soit avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998, soit avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection. II. - Les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales ne sont pas, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, interruptives du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile. ». Cette règle avait été d'ailleurs blâmée par le Conseil Constitutionnel le 15 mars 1999, si bien que le Président Jacques Chirac l'avait finalement inscrite directement dans la Constitution par la loi constitutionnelle n°2007-237 du 23 février 2007.

    Concrètement, cela signifie qu'en 2023, 42 000 électeurs étaient exclus du corps électoral sur les 220 000, soit près de 20%, un électeur sur cinq interdit de vote ! Cette spécificité antidémocratique, cette exemption démocratique ne pouvait être tolérée par les "organes de contrôle" tels que le Conseil d'État et le Constitutionnel en France, mais aussi la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) que sous réserve que ce fût transitoire. Or, ici, le transitoire dure depuis plus de vingt-cinq ans.


    Dans le rapport du député Nicolas Metzdorf (le rapporteur du projet de loi constitutionnelle) déposé le 7 mai 2024, il est dit : « Le constituant doit tenir compte du droit international et européen : la supériorité de la Constitution dans l’ordre juridique interne n’épuise pas pour autant le débat juridique sur les dérogations aux principes d’universalité et d’égalité du suffrage. ». Autrement dit, aujourd'hui, la CEDH nous observe sur la nécessaire évolution de la définition du corps électoral.

    Il est quand même choquant que ceux qui, je pense particulièrement aux insoumis, militent depuis longtemps pour le droit de vote aux étrangers dans toute la France (ce qui serait une hérésie démocratique également), notamment pour les élections locales, refusent que des citoyens qui sont nés en Nouvelle-Calédonie et qui paient leurs impôts, Français, ne puissent pas voter chez eux à cause de ce gel des listes électorales. C'est même un scandale qui n'auraient jamais dû endosser les gouvernements de Michel Rocard et de Lionel Jospin. Une telle exception démocratique ne peut être maintenue aussi longtemps dans le temps : ce sont des générations de citoyens, ce qui y naissent et ceux qui s'y installent, qui sont privés scandaleusement de leur droit de vote ! C'est contraire à tous nos principes, toutes nos valeurs, tous nos standards !

    C'est du reste incroyable que certains associent démocratie et colonisation, comme si la décolonisation ne pouvait aboutir qu'à une non-démocratie. Les Néo-calédoniens ont parlé en 2021 et le maintien dans la République est un choix démocratique, il faut le respecter et rétablir un corps électoral compatible avec une démocratie adulte. D'ailleurs, selon des études, il semblerait que le rétablissement du corps électoral ne profitera à aucun des deux camps, loyaliste et indépendantiste, ce qui n'en ferait donc pas un élément crucial de l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.


    La règle de l'État de droit est l'égalité de tous les citoyens devant les urnes. Ce projet de loi constitutionnelle a été déposé au Sénat par le gouvernement de Gabriel Attal le 29 janvier 2024. Après examen en commission puis en séances publiques, le texte a été adopté le 2 avril 2024 par 233 voix pour, 99 voix contre sur 339 votants et 332 exprimés (scrutin n°168). À son tour, les députés de l'Assemblée Nationale l'ont examiné en commission puis en séance publique et l'ont adopté dans les mêmes termes le soir du mardi 14 mai 2024, peu après minuit, par 351 voix pour, 153 voix contre sur 507 votants et 504 exprimés. Pour être définitif en tant que révision de la Constitution, ce texte doit passer un troisième scrutin (selon l'article 89 de la Constitution), soit un référendum national, soit l'adoption par le Congrès (à Versailles, réunion des députés et des sénateurs) avec la majorité des trois cinquièmes, ce qui est largement possible étant donné les scrutins de chaque assemblée (cette majorité serait à environ 70% ; les trois cinquièmes, c'est 60%).

    Que contient cette réforme constitutionnelle ? Il y a deux articles. Le premier article supprime le dernier alinéa de l'article 77 (cité plus haut) et le remplace par un article 77-1 ainsi rédigé : « Dans les conditions définies par une loi organique prise après avis du congrès de la Nouvelle Calédonie, le corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province est restreint aux électeurs qui, inscrits sur la liste électorale générale de Nouvelle Calédonie, y sont nés ou y sont domiciliés depuis au moins dix années. ».


    Il précise également : « En cas d’accord portant sur l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle Calédonie en vue d’assurer à tous les citoyens de Nouvelle Calédonie un destin commun, négocié dans le cadre des discussions prévues par l’accord signé à Nouméa le 5 mai 1998, les critères d’admission au corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle Calédonie mentionnés à l’article 77 1 de la Constitution peuvent être modifiés par une loi organique. ». Ce point permet à cette réforme constitutionnelle de ne pas être un point final aux discussions mais au contraire d'en être un complément constitutionnel.

    Le second article indique que l'article premier entre en vigueur le 1er juillet 2024... sauf « si les Présidents des deux assemblées du Parlement saisis à cette fin par le Premier Ministre constatent qu’un accord portant sur l’évolution politique et institutionnelle de la Nouvelle Calédonie en vue d’assurer à tous les citoyens de Nouvelle Calédonie un destin commun, négocié dans le cadre des discussions prévues par l’accord signé à Nouméa le 5 mai 1998, a été conclu au plus tard dix jours avant la date des élections pour le premier renouvellement général du congrès et des assemblées de province postérieur à la publication de la présente loi constitutionnelle entre les partenaires de cet accord. Ils se prononcent dans un délai de huit jours à compter de leur saisine. Le gouvernement présente en conseil des ministres un projet de loi organique visant à reporter le premier renouvellement général du congrès et des assemblées de province postérieur à la publication de la présente loi constitutionnelle, afin de permettre l’adoption des mesures constitutionnelles, organiques et législatives nécessaires à la mise en œuvre dudit accord. L’adoption en conseil des ministres de ce projet de loi organique emporte, le cas échéant, report du décret de convocation des électeurs pour ledit scrutin. ».

    L'impact de cette réforme constitutionnelle est de réintégrer dans le corps électoral 25 000 électeurs des 42 000 exclus (car il faut encore résider pendant au moins dix ans en Nouvelle-Calédonie). C'est mieux mais encore très insuffisant pour les standards de la démocratie.

     

     
     


    Avant le vote, lors de la séance au gouvernement du 14 mai 2024, le Premier Ministre Gabriel Attal a montré un signe d'apaisement en ne convoquant pas immédiatement le Congrès à Versailles comme il en aurait la possibilité, afin de se donner du temps pour un accord global : « Au-delà, notre unique volonté est de trouver, avec les indépendantistes et avec les non-indépendantistes, un accord politique global et le plus large possible qui permette d’aller de l’avant et d’écrire le futur de la Nouvelle-Calédonie. J’y insiste : cet accord passera par le dialogue avec toutes les parties prenantes. C’est pourquoi notre main est toujours tendue. C’est pourquoi le Président de la République, vous l’avez rappelé, a proposé d’ouvrir de nouvelles discussions entre les responsables politiques calédoniens et le gouvernement. C’est pourquoi le Congrès ne sera pas convoqué immédiatement à l’issue des débats à l’Assemblée Nationale. Dans l’intervalle, j’invite les responsables politiques calédoniens à saisir cette main tendue et à venir discuter à Paris dans les prochaines semaines. L’important, c’est l’apaisement. L’important, c’est le dialogue. L’important, c’est la construction d’une solution politique commune et globale. L’important, c’est de trouver les moyens de faire respecter le choix souverain de la Nouvelle-Calédonie de rester dans la République et de définir le bon équilibre pour l’avenir du Caillou et de la jeunesse calédonienne, tout en respectant le droit à l’autodétermination. ».

    C'est peut-être le député LR Philippe Gosselin qui a expliqué le mieux la méthode de l'État dans ces négociations. Il l'a expliquée le 7 mai 2024 lors de l'examen en commission : « Certains collègues semblent s’étonner qu’un accord entre les parties puisse mettre un terme à la révision de la Constitution dont nous discutons. Or le processus est totalement dérogatoire au droit commun, depuis le début. C’est particulièrement le cas depuis la révision du titre XIII de la Constitution, mais cela l’était déjà avec les accords de Matignon et de Nouméa : au fond, le Parlement joue le rôle de greffier des accords locaux. Ce n’est pas un problème, et c’est même important, dans la mesure où les partis calédoniens sont directement concernés. ».

    Par ailleurs, le gouvernement a reporté au 15 décembre 2024 la date des prochaines élections provinciales afin d'obtenir un accord global avant cette date. Mais le FLNKS a quitté la table des négociations le 28 février 2024. Sa responsabilité est très grande sur les événements actuels très graves à Nouméa. Il faut négocier, mais sans transiger sur les principes qui fondent notre démocratie, et en particulier les principes d'égalité et d'universalité du suffrage. La politique demande toujours du courage pour tracer une route claire.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Émeutes en Nouvelle-Calédonie : l'enjeu, c'est la démocratie !
    La messe est dite : la Nouvelle-Calédonie dit non à l’indépendance.
    Nouvelle-Calédonie : jamais deux sans trois !
    Bernard Pons.
    Nouvelle-Calédonie : le vent du boulet ?
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 4 octobre 2020 sur la Nouvelle-Calédonie.
    Résultats du référendum du 4 octobre 2020 en Nouvelle-Calédonie.
    Nouvelle-Calédonie : bis repetita ?
    Jean-Marie Tjibaou fut-il un martyr de la cause kanake ?
    Nouvelle-Calédonie : un timide oui pour la France.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 4 novembre 2018 sur la Nouvelle-Calédonie.
    Résultats du référendum du 4 novembre 2018 en Nouvelle-Calédonie.
    Paris à l’écoute de la Nouvelle-Calédonie.
    Discours du Président Emmanuel Macron le 5 mai 2018 à Nouméa.
    Discours du Premier Ministre Édouard Philippe le 5 décembre 2017 à Nouméa.
    L’assaut de la grotte d’Ouvéa selon Michel Rocard.
    Jacques Lafleur.
    Dick Ukeiwé.
    Edgard Pisani.
     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240515-nouvelle-caledonie.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/emeutes-en-nouvelle-caledonie-l-254694

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/15/article-sr-20240515-nouvelle-caledonie.html





     

  • Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme

    « Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe, aujourd'hui, est mortelle. Elle peut mourir. Elle peut mourir, et cela dépend uniquement de nos choix. Mais ces choix sont à faire maintenant. » (Emmanuel Macron, le 25 avril 2024 à la Sorbonne).




     

     
     


    Le jeudi 25 avril 2024 en fin de matinée dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne, au cœur intellectuel de Paris, le Président de la République Emmanuel Macron a prononcé un discours important sur la construction européenne (qu'on peut lire intégralement ici). Le choix de la date et du lieu n'était pas anodin : à un mois et demi des élections européennes, le chef de l'État voulait faire le point sur la situation de l'Europe six ans et demi après son premier discours de la Sorbonne le 26 septembre 2017. Entre-temps, il y a eu bien des événements, en particulier le Brexit, la pandémie de covid-19, la crise de l'énergie et la guerre poutinienne en Ukraine.

    Profitant de cet appel des médias de la parole présidentielle, la tête de la liste RN Jordan Bardella en a profité pour tenir une conférence de presse dans l'après-midi du 25 avril 2024 afin de présenter le programme européen du RN. L'idée était de se présenter comme le contradicteur numéro un du pouvoir en place. Le problème, c'est que parfois, vouloir être trop habile est stupide. Les écologistes, plus lucides sur les règles imparables de la communication politique, eux, avaient préféré différer justement de quelques jours la présentation de leur programme européen prévue initialement le même jour, se disant que ce second discours de la Sorbonne allait désintégrer tous les autres échos politiques.

    C'est ce qui s'est passé avec le RN avec une comparaison qui n'était vraiment pas flatteuse : d'un côté, le Président de la République qui, avec près de deux heures d'un discours très dense, très précis, très technique, très intelligent et même érudit, a voulu montrer le chemin qu'il entend que l'Europe prenne ; de l'autre côté, un jeune homme un peu endimanché incapable de lire correctement, pendant une vingtaine de minutes, un texte supposé être le programme européen de sa propre liste qu'il semblait découvrir à la lecture laborieuse et refusant prudemment toute question de la part des journalistes. On n'en a pas parlé, de ce programme creux du RN, mais finalement, ça tombait bien, il n'y avait rien à en dire. Bref, d'un côté, le plein et la compétence, le travail et le courage ; de l'autre, le vide et l'ignorance, la paresse et la lâcheté.

    Pour autant, ce second discours de la Sorbonne d'Emmanuel Macron est loin d'avoir été une réussite médiatique et politique pour la liste de la majorité qui a toujours du mal à décoller (euphémisme !). Je ne veux pas prendre mes compatriotes pour des personnes qui ont besoin de leur simplifier les choses, mais il faut admettre qu'une personne normalement constituée, plongée dans la vie active, entre les embouteillages, les préoccupations professionnelles et éventuellement l'éducation des enfants, elle n'a peut-être le temps matériel pour réfléchir sur un discours d'un heure cinquante qui jongle avec les concepts, les mots un peu compliqués et les connaissances historiques. Pas d'inflexion donc de la courbe des sondages, le vide l'emporte encore sur le plein, mais la volonté toujours très ferme de marquer l'histoire, de prendre date face aux défis du siècle, et la construction européenne en est un majeur pour la France.

    Ce second discours de la Sorbonne s'adresse d'abord aux partenaires de l'Union Européenne, parce qu'il faut bien reconnaître qu'à part Emmanuel Macron, il n'y a aucun autre chef d'État ou de gouvernement prêt à prendre leadership d'une construction européenne dont la nécessité se fait autant sentir ces dernières années. Il suffit de regarder les deux autres grandes nations fondatrices de l'Europe : en Allemagne en perte de vitesse industrielle à cause de mauvais choix sur l'énergie, où Olaf Scholz peine à maintenir la cohésion de sa coalition, et en Italie où la Première Ministre est un peu la Marine Le Pen de l'Italie, c'est-à-dire contre l'Europe mais elle s'est écrasée contre le mur des réalités. Seule la France est capable aujourd'hui de donner une impulsion nouvelle à l'Europe.

     

     
     


    Je propose de faire ici un petit résumé du très long discours du 25 avril 2024, sans prendre tous les éléments en considération sous peine d'être illisible.

    Emmanuel Macron a d'abord fait un bilan des sept ans depuis qu'il est à la tête de la France, un retour sur son premier discours de la Sorbonne où il avait évoqué pour la première fois le concept de souveraineté européenne qui est devenu maintenant comme une évidence : « Dans un contexte qui a toujours été, durant ces dernières années, d'accélération des transitions environnementales et technologiques qui rebattent en profondeur les cartes de notre manière de vivre et de produire, notre Europe a décidé et elle a avancé. Et ce concept, qui pouvait sembler il y a sept ans, très français, de souveraineté, s'est progressivement imposé en européen. Et malgré cette conjonction inédite de crises, rarement l'Europe n'aura autant avancé, ce qui est le fruit de notre travail collectif. ».

    Le Président de la République a énuméré six transformations majeures de l'Europe : l'unité financière avec le premier emprunt européen commun (c'est une étape historique) et le plan de relance de 800 milliards d'euros ; l'unité stratégique sur de nombreux domaines pour protéger les citoyens (production de vaccins, achats communs de l'énergie, réforme du marché de l'électricité, défense) ; la souveraineté technologique et industrielle ; la planification de la transition écologique et numérique (le Green Deal : « Pardon de cet anglicisme dans ce lieu. Mais l'Europe est le seul espace politique au monde qui a planifié ses transitions. Et en prenant des directives sur le numérique, qui permettent de réguler à la fois le contenu et le marché, et en prenant un texte qui permet de poser les jalons de notre transition énergétique. ») ; la maîtrise des frontières européennes avec le Pacte asile et migrations ; la coopération avec les proches de l'Union Européenne, en particulier dans le cadre de la Communauté politique européenne (une création d'Emmanuel Macron en 2022).

    Probablement que la partie la plus importante du discours était à ce moment-là pour dire : l'Europe est mortelle ! Voici précisément les propos présidentiels : « Oui, nous avons ces dernières années beaucoup fait. Alors, sans cette action, sans ces progrès de la souveraineté et de l'unité européennes, sans doute aurions-nous été dépassés par l'Histoire. Et d'ailleurs, si nous avions réagi comme nous l'avions fait au moment de la crise financière, la situation serait dramatique. La crise financière, nous l'avions abordée divisés et en étant peu souverains. C'est pour ça que nous avons mis, oserais-je dire, quatre à cinq ans, à la régler quand elle l'a été en moins d'un an aux États-Unis d'Amérique, d'où elle venait. Les crises que nous avons vécues, nous y avons réagi vite, de manière unie, ce qui nous permet aujourd'hui de nous tenir ensemble et d'être là. Pour autant, est-ce suffisant ? Est-ce que je peux me présenter devant vous avec un discours de satisfecit en disant : "Voilà, nous avons tout bien fait, formidable, l'Europe est forte. Allons-y, on continue". La lucidité et l'honnêteté commandent de reconnaître que la bataille n'est pas encore gagnée, loin de là, et qu'à l'horizon de la prochaine décennie, parce que c'est cet horizon-là qu'il nous faut saisir, le risque est immense d'être fragilisés, voire relégués. Parce que nous sommes dans un moment inédit de bouleversement du monde, d'accélération de grandes transformations. Mon message d'aujourd'hui est simple. Paul Valéry disait, au sortir de la Première Guerre mondiale, que nous savions désormais que nos civilisations étaient mortelles. Nous devons être lucides sur le fait que notre Europe, aujourd'hui, est mortelle. Elle peut mourir. Elle peut mourir, et cela dépend uniquement de nos choix. Mais ces choix sont à faire maintenant. Parce que c'est aujourd'hui que se joue la question de la paix et de la guerre sur notre continent et de notre capacité à assurer notre sécurité ou pas. Parce que les grandes transformations, celles de la transition digitale, celles de l'intelligence artificielle comme celles de l'environnement et de la décarbonation, se jouent maintenant, et la réallocation des facteurs de production se joue maintenant. Et la question de savoir si l'Europe sera une puissance d'innovation, de recherche et de production se joue maintenant ou pas. Parce que l'attaque contre les démocraties libérales, contre nos valeurs, contre - je le dis dans ce lieu de savoir – ce qui est le substrat même de la civilisation européenne, une certaine relation avec la liberté, la justice, le savoir, se joue maintenant ou pas. Oui, nous sommes au moment de bascule, et notre Europe est mortelle. Simplement, cela dépend de nous. ».

    Malgré l'effort accompli, il reste encore beaucoup de transformations pour faire de l'Europe une institution protectrice. Emmanuel Macron a fait en effet trois constats. Le premier sur le plan géopolitique : l'Europe doit elle aussi se réarmer face au réarmement généralisé du monde. Le deuxième constat sur le plan économique : le modèle économique et social de l'Europe risque le décrochage face à la compétition mondiale. Enfin, le troisième constat, peut-être le plus grave, sur le plan culturel et intellectuel : notre modèle démocratique, humaniste, laïque et libéral est remis en cause partout, y compris en son sein, par les mouvements populistes. Pour répondre à ces trois enjeux, Emmanuel Macron veut construire une Europe-puissance, une Europe de la prospérité et une Europe humaniste.



    1. Une Europe puissance

    Jusqu'à maintenant, et depuis 1945, à part le France (et le Royaume-Uni), l'Europe a toujours délégué sa défense aux États-Unis. On voit bien qu'aujourd'hui, ce modèle ne tient plus : les États-Unis cherchent à se désengager de l'Europe (la guerre en Ukraine a retardé le mouvement), et le risque d'un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche montre à l'évidence que l'Europe a besoin d'une défense indépendante des États-Unis. Les pro-Européens veulent une défense européenne et ils sont taxés par les populistes de pro-Américains alors que ce sont ces populistes qui, en empêchant l'Europe de la défense, obligent les Européens à déléguer leur souveraineté aux États-Unis (cherchez l'erreur !).

    Pour Emmanuel Macron, il y a d'abord une urgence : « La condition sine qua non de notre sécurité, c'est que la Russie ne gagne pas la guerre d'agression qu'elle mène contre l'Ukraine. C'est indispensable. C'est pourquoi nous avons eu raison, dès le début, de sanctionner la Russie, d'aider les Ukrainiens et de continuer à le faire, d'avoir la chance d'avoir les Américains à nos côtés pour cela, et sans cesse de relever notre aide et d'accompagner. ». Si la Russie gagnait en Ukraine, cela voudrait dire que la force l'emporterait sur le droit international, la barbarie sur la liberté des peuples.


    Et le chef de l'État d'ajouter : « Simplement, j'assume totalement le choix en la matière, le 26 février dernier à Paris, d'avoir réintroduit une ambiguïté stratégique. Pourquoi ? Nous sommes face à une puissance qui est désinhibée, qui a attaqué un pays d'Europe, mais qui n'est plus dans une opération spéciale et qui ne veut plus nous dire quelle est sa limite. Pourquoi chaque matin devrions-nous dire, nous, quelles sont toutes nos limites stratégiquement ? Si nous disons que l'Ukraine est la condition de notre sécurité, que se joue en Ukraine, davantage que la souveraineté et l'intégrité territoriale de ce pays déjà clef, mais la sécurité des Européens. Avons-nous des limites ? Non. Et donc, nous devons être crédibles, dissuader, être présents et continuer l'effort. Mais cette guerre, engageant une puissance dotée de l'arme nucléaire et qui utilise celle-ci dans sa rhétorique, n'est sans doute que le premier visage des tensions géopolitiques avec lesquelles l'Europe doit apprendre à vivre. C'est pourquoi nous sommes en train de vivre un changement très profond en termes de sécurité. Les événements les plus récents ont démontré l'importance des défenses anti-missiles, des capacités de frappe dans la profondeur, qui sont indispensables au signalement stratégique et à la gestion de l'escalade face à des adversaires désinhibés. ».

    Emmanuel Macron veut ainsi construire un véritable pilier européen de l'OTAN, qui serait aussi un pôle de sécurité de la Communauté politique européenne. Il veut aussi poursuivre la construction d'une force d'intervention européenne (force de réaction rapide de 5 000 soldats) et créer une académie militaire européenne. Également bâtir une capacité européenne de cybersécurité et de cyberdéfense. Et consolider l'industrie de défense européenne (acquisition d'équipements et production) avec un emprunt commun (proposé par la Première Ministre d'Estonie Kaja Kallas). Partager les informations pour lutter contre le terrorisme et les trafics de drogue.

     
     


    Autre proposition : poursuivre les échanges sur la capacité de dissuasion car elle est par essence un élément incontournable de la défense européenne. Cette proposition est peut-être la seule qu'a retenue la presse de ce long discours, et avec raison puisqu'elle est très importante. Contrairement à ce que semblent laisser croire les populistes, il ne s'est jamais agi de partager la dissuasion nucléaire française à un niveau européen (à Vingt-sept), ce qui serait ingérable (et plus du tout dissuasif), mais d'étendre les considérations de l'intégrité territoriale nationale à l'ensemble du territoire européen. En d'autres termes, et avec l'accord des pays concernés bien sûr, il s'agirait au contraire d'un accroissement de la souveraineté nationale de la France qui serait toujours le seul pays à prendre l'ultime décision, le cas échéant.

    Voici les propos présidentiels sur la dissuasion nucléaire : « La dissuasion nucléaire est en effet au cœur de la stratégie de défense française. Elle est donc par essence un élément incontournable de la défense du continent européen. C'est grâce à cette défense crédible que nous pourrons bâtir les garanties de sécurité qu'attendent tous nos partenaires, partout en Europe, et qui aura vocation aussi à construire le cadre de sécurité commun, garantie de sécurité pour chacun. Et c'est ce cadre de sécurité qui nous permettra, le jour d'après aussi, de construire les relations de voisinage avec la Russie. ».


    2. Une Europe de prospérité

    Les objectifs affichés : « On a des objectifs clairs : on veut produire plus de richesses pour améliorer notre niveau de vie et créer des emplois pour tous ; on veut garantir le pouvoir d'achat des Européens (…) ; c'est très concret ; c'est l'objectif de notre politique européenne, on veut décarboner nos économies et répondre aux défis de la biodiversité et du climat ; on veut assurer notre souveraineté et donc maîtriser nos chaînes de production stratégiques ; et on veut conserver une économie ouverte pour rester une grande puissance commerciale que nous sommes. ». L'idée est en effet de conserver une économie ouverte sur le monde tout en défendant nos propres intérêts.

    Cela signifie notamment produire plus et plus vert (produire des batteries 100% européennes, devenir le premier continent zéro pollution plastique, etc.) ; simplifier (allègement de la réglementation pour les TPE/PME, principe de subsidiarité qui respecte les compétences des États membres) ; promouvoir le Made in Europe et devenir leader mondial en 2030 dans cinq secteurs stratégiques : intelligence artificielle, informatique quantique, espace, biotechnologies et nouvelles énergies (hydrogène, petits réacteurs modulaires, fusion nucléaire) ; soutenir la souveraineté agricole et alimentaire y compris pour la pêche (et soutenir la PAC qui profite beaucoup à nos agriculteurs) ; refonder notre politique commerciale européenne sur la base de la réciprocité (avec des accords de commerce respectant nos standards) ; consacrer 3% de notre PIB à la recherche et l'innovation (notamment l'innovation de rupture), en particulier investir dans le remplacement des produits phytosanitaires, dans les traitements contre les cancers et les maladies neurodégénératives ; développer de nouvelles ressources propres de l'Union Européenne sans alourdir la charge d'imposition des citoyens européens (taxe carbone aux frontières, taxe sur les transactions financières, etc.) ; créer un plan d'épargne européen ; réviser l'application des normes prudentielles pour ne pas sur-réguler par rapport au reste du monde.


    3. Une Europe humaniste


    La teneur générale du discours d'Emmanuel Macron à ce sujet est la suivante : « Défendre cet humanisme européen, c'est considérer qu'au-delà de nos institutions, de cette démocratie libérale à laquelle nous tenons, que nous devons défendre et renforcer, c'est la forge des citoyens par le savoir, la culture, la science qui se joue dans notre Europe. Être Européen, c'est penser qu'il n'y a rien de plus important, en effet, qu'être un individu libre, doté de raison et qui connaît. Et au moment où on voit réapparaître le scepticisme, le complotisme, les doutes sur la science et l'autorité de la parole scientifique, nous avons une responsabilité en Européens pour la défendre, l'enseigner, défendre aussi une science libre et ouverte, partager. Ce combat, nous le mènerons à l'international, mais nous devons aussi en renforcer les instruments. ».

    Là encore, dans ce domaine, Emmanuel Macron a évoqué de nombreuses propositions à prendre pour renforcer notre modèle de valeurs, c'est-à-dire, en quelque sorte, notre civilisation européenne : renforcer la condition budgétaire liée l'État de droit (pas de subvention européenne sans respect des valeurs fondamentales) ; lutter contre la désinformation et la déstabilisation venues de l'extérieur ; permettre des listes transnationales aux élections européennes (cela a l'air d'être une petite mesure mais si elle était adoptée, elle serait une grande révolution institutionnelle, j'y reviendrai à l'occasion) ; étendre la majorité qualifiée pour les décisions fiscales et diplomatiques (là aussi, grande révolution institutionnelle potentielle) ; créer des diplômes européens conjoints ; renforcer l'Erasmus de l'apprentissage et de la formation professionnelle (15% en mobilité) ; connecter les villes européennes par le chemin de fer (en s'appuyant sur le succès du Pass Interrail) ; européaniser le Pass culture, protéger nos enfants sur Internet ; inscrire l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne (ce que propose la liste Hayer) ; créer un programme européen des solidarités pour aides les États membres à garantir à leur peuple l'alimentation, la santé et le logement.

     

     
     


    À la fin de son discours, Emmanuel Macron est revenu sur le point majeur de son message : « L'Europe est une conversation qui ne se termine pas. Et c'est un projet, d’ailleurs, qui n'a pas de borne. D'un point de vue philosophique, civilisationnel, c'est vrai. (…) Ici même, à la Sorbonne, Ernest Renan se demandait ce qu’était une nation. Et l'heure est venue pour l'Europe de se demander ce qu'elle compte devenir. À mes yeux, parler de l'Europe est toujours parler de la France. Mais vous l'avez compris, nous vivons un moment décisif. Notre Europe peut mourir, je vous le disais, et elle peut mourir par une forme de ruse de l'histoire. C'est qu'elle a fait énormément de choses ces dernières décennies ; c'est, qu'en quelque sorte, les idées européennes ont gagné le combat gramscien ; c'est que tous les nationalismes à travers l'Europe n'osent plus dire qu'ils vont sortir de l'Euro et de l'Europe. Mais ils nous ont tous habitués à un discours qui est le "oui-mais", qui est de dire : "j'empoche tout ce que l'Europe a fait, mais je le ferai plus simple, mais je le ferai en ne respectant pas les règles, mais je le ferai au fond en bafouant ses fondements". Au fond, ils ne proposent plus de sortir de l'immeuble ou de l'abattre ; ils proposent juste de ne plus avoir de règles de copropriété, de ne plus investir, de ne plus payer le loyer. Et ils disent : ça va marcher. ».

    En face de la résignation des nationalistes, il faut l'optimisme : « La réponse n'est pas dans la timidité, elle est dans l'audace. La réponse n'est pas dans le constat de dire : "ils sont en train de monter partout" et de se dire : "on a le choix". Cette année, les Britanniques vont choisir leur avenir, les Américains vont choisir leur avenir ; le 9 juin, les Européens aussi. Mais le choix, ce n'est pas de faire comme on a toujours fait, ce n'est pas juste d'ajuster. C'est d'assumer de porter des paradigmes nouveaux. Alors, je sais bien, après Voltaire, c'est difficile d'être optimiste, c'est peut-être même pour certains une question de crédibilité, je le sais. Mais c'est une forme d'optimisme, de la volonté. Oui, je crois que nous pouvons reprendre le contrôle de nos vies, de notre destin, par la puissance, la prospérité et l'humanisme de notre Europe. Et au fond, au moment où les temps sont incertains, pour reprendre, sans bien la citer, ce qu’Hannah Arendt disait dans "La Condition de l'homme moderne" : la meilleure manière de connaître l'avenir quand les événements reviennent, quand l'imprévu est là, la meilleure manière de connaître l'avenir, c'est de faire des promesses que l'on tient. ».

    On verra en 2030 où en sera l'Europe d'Emmanuel Macron. En tout cas, pragmatique, elle se construit sur des bases solides... et intellectuelles. Fierté d'être Français. Densité et audace. Qui propose mieux aujourd'hui comme projet national ?



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 avril 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le souverainisme européen selon Emmanuel Macron : puissance, prospérité et humanisme.
    Discours du Président Emmanuel Macron sur l'Europe le 25 avril 2024 à la Sorbonne à Paris (texte intégral et vidéo).
    Emmanuel Macron et son plan de relance de l’Europe (le26 septembre 2017 à la Sorbonne).
    Texte intégral du discours d’Emmanuel Macron le 26 septembre 2017 à la Sorbonne.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Pour que la France reste la France !
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron le 16 janvier 2024 à 20 heures 15 à l'Élysée (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Macron.
    Tribune du Président Emmanuel Macron dans "Le Monde" du 29 décembre 2023.

    Le gouvernement de Gabriel Attal sarkozysé.
    Liste complète des membres du premier gouvernement de Gabriel Attal.
    Cérémonie de passation des pouvoirs à Matignon le 9 janvier 2024 (texte intégral et vidéo).
    Gabriel Attal plongé dans l'enfer de Matignon.
    Élisabeth Borne remerciée !
    Macron 2024 : bientôt le grand remplacement ...à Matignon ?
    Vœux 2024 d'Emmanuel Macron : mes chers compatriotes, l’action n’est pas une option !

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240425-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/le-souverainisme-europeen-selon-254347

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/25/article-sr-20240425-macron.html






     

  • Patrick Bruel, on s'était dit rendez-vous dans quarante ans...

    « Qu'est-ce que j'ai fais de ces années ?
    J'ai pas flotté tranquille sur l'eau,
    Je n'ai pas nagé le vent dans le dos.
    Dernière ligne droite, la rue Soufflot »



     

     
     


    Le chanteur Patrick Bruel fête ses 65 ans ce mardi 14 mai 2024. J'écris chanteur pour préciser auteur compositeur interprète, car c'est son activité principale, mais il est aussi acteur, comme souvent dans le métier, et ses deux carrières se sont développées à peu près en même temps, parallèlement, avec plus ou moins de succès. Bruel est son nom de scène, car dans le civil, il était Maurice Benguigui à sa naissance, ce qui n'avait pas échappé à Jean-Marie Le Pen qui en parlait à propos de la "prochaine fournée". Bruel, il a trouvé ce nom parce qu'il adorait Jacques Brel. Depuis 1982, le chanteur a sorti vingt-cinq albums et trente singles.

    Bruel, c'est le mec sympa. Enfin, je ne le connais pas, mais il apparaît comme un mec sympa, toujours le cœur sur la main, et même dans les films, il est souvent le genre d'homme qui prend tout pour lui, qui contrôle la situation, qui veut le bien de l'autre, qui gagne aussi bien sa vie... Figure d'autorité très lisse et sympa. Ça peut être trompeur dans ses rôles. Ah c'est sûr, je préfère nettement le Patrick Bruel acteur au Patrick Bruel chanteur, même si je ne doute pas un instant qu'il est d'abord chanteur (au point d'avoir engendré une véritable bruelmania dans les années 1990, heureusement, qui semble s'être étiolée de nos jours). Il m'excusera (de ce qui va suivre) mais sa chanson "Casser la voix" est absolument infernale. Elle casse aussi les oreilles pour ne pas dire autre chose (sinon, j'aime bien les autres).


    C'est en 1978 que Patrick Bruel a commencé sa carrière cinématographique avec Alexandre Arcady. Cinéma et théâtre avant la scène et le studio d'enregistrement pour chanter. Et puis en 1984, il y a quarante ans, il a crevé l'écran... enfin, non, les hauts-parleurs avec sa chanson "Marre de cette nana-là". Sa carrière de star était ainsi lancée. Ah mais si, l'écran aussi. La même année, c'était aussi sa participation dans le film "P.R.O.F.S." de Patrick Schulmann (sorti le 18 septembre 1985) : Patrick Bruel est le prof de français, Fabrice Luchini le prof d'arts plastiques, Laurent Gamelon le prof de gym, Christophe Bourseiller le documentaliste, Guy Montagné le prof de maths, Isabelle Mergault la prof de sci-nat, etc. 1989, nouvelle étape chansons et cinéma. Chansons : de nouveaux tubes ("Alors regarde", "Place des grands hommes", etc.), et au cinéma, des films marquants (ou remarqués au moins) : "L'Union sacrée" d'Alexandre Arcady (sorti le 15 mars 1989) avec Richard Berry, Bruno Cremer, Marthe Villalonga et Claude Brasseur, et "Force majeure" de Pierre Jolivet (sorti le 5 avril 1989) avec François Cluzet et Kristin Scott Thomas.
     

     
     


    Et la star a pu s'éclater dans ses deux passions, au point d'avoir une Victoire de la musique 1992 (et douze autres nominations) ainsi qu'une nomination au César du meilleur acteur pour "Le Prénom", un excellent film d'Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte (sorti le 25 avril 2012), adaptation d'une pièce de théâtre, avec Charles Berling, Guillaume de Tonquédec, Valérie Benguigui, Françoise Fabian et Judith El Zein.

    Oui, je le préfère en acteur parce qu'il assure toujours avec ses rôles. Il a une présence incontestable, il a ce qu'on appelle du charisme. Il est avocat, médecin réputé, cadre supérieur (« qui tente de manipuler tout le monde avec l’espièglerie et l’arrogance de celui à qui rien ne résiste, en apparence… » selon le compte-rendu bien léché d'une médiathèque, celle de Montceau-les-Mines), joueur de poker endetté...

    Citons notamment les films suivants : "Le Jaguar" de Francis Veber (sorti le 9 octobre 1996) avec Jean Reno, Roland Blanche, François Perrot, Edgar Givry, etc., "L'ivresse du pouvoir" de Claude Chabrol (sorti le 22 février 2006) avec Isabelle Huppert, François Berléand, Marilyne Canto, Jean-François Balmer, Robin Renucci, Pierre Vernier, Roger Dumas, etc., "Le code à changé" de Danièle Thompson (sorti le 18 février 2009) avec Karin Viard, Marina Foïs, Dany Boon, Emmanuelle Seigner, Patrick Chesnais, Pierre Arditi, Laurent Stocker, etc., et "Les yeux jaunes des crocodiles" de Cécile Telerman (sorti le 9 avril 2014), adapté d'un roman de Katherine Pancol, avec Emmanuelle Béart, Julie Depardieu, Alice Isaaz, Édith Scob et Jacques Weber.

    Je retiendrai en option deux films qui ont été récemment rediffusés par la télévision TNT et qui sortent un peu de l'ordinaire bruélien. "Le Secret" de Claude Miller (sorti le 3 octobre 2007) avec Cécile de France, Ludivine Sagnier, Julie Depardieu et Mathieu Amalric : Patrick Bruel est un lutteur juif sous l'Occupation nazie et sa femme s'est laissé arrêter (et déporter et assassiner) avec son fils par les nazis par désespoir amoureux (son mari Bruel en aime une autre). "Villa Caprice" de Bernard Stora (sorti le 2 juin 2021) avec Niels Arestrup, Irène Jacob, Laurent Stocker et Eva Darlan : Patrick Bruel est un grand patron du CAC40 bien puant qui a été incarcéré par un juge zélé et son avocat (Niels Arestup), très célèbre, réussit à l'en sortir (l'un des derniers rôles du succulent Michel Bouquet, celui du père agonisant de l'avocat, il avait 93 ans au tournage).

    J'ajoute aussi la participation de Patrick Bruel à l'excellente série télévisée "Fais pas ci, fais pas ça" (dans deux épisodes) où il joue non pas son propre rôle mais le rôle de son propre sosie... qui joue au poker. Un rôle qui montre un évident sens de l'autodérision. Et effectivement, dans la vie réelle, Patrick Bruel est un grand joueur de poker, qui a gagné plus d'un million et demi d'euros de gains cumulés lors de tournois, bien classé dans les championnats internationaux depuis 1998. Il est même un des quatre associés du site Winamax. On ne s'étonne donc pas qu'il soit un joueur de poker dans "Le Jaguar".


    Pour l'anecdote, énonçons enfin qu'Élie Semoun est son cousin au second degré (arrière-grands-parents communs). Mais revenons quand même à son cœur de métier, la chanson, dont voici les principaux "tubes" qui l'ont fait connaître et qui en ont fait une véritable "star" !...


    1. "Marre de cette nana-là" (1984)






    2. "Comment ça va pour vous ?" (1985)






    3. "Casser la voix" (1989)






    4. "J'te l'dis quand même" (1989)






    5. "Alors regarde" (1989)






    6. "Place des grands hommes" (1989)






    7. "Combien de murs..." (1994)





    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (12 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Patrick Bruel.
    Eden Golan.
    ABBA.
    Toomaj Salehi.
    Sophia Aram.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Micheline Presle.
    Plastic Bertrand.
    Jacques Dutronc.

    Françoise Hardy.
    Guy Marchand.
    Maria Callas.
    Catherine Deneuve.
    Gérard Depardieu.
    Stéphanie de Monaco.
    Jane Birkin.
    Fernand Raynaud.
    Marcel Zanini.
    Patricia Kaas.
    Kim Wilde.

     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240514-patrick-bruel.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/patrick-bruel-on-s-etait-dit-254350

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/13/article-sr-20240514-patrick-bruel.html



     

  • Eurovision 2024 : la chanteuse israélienne Eden Golan dans le top 5 grâce au vote du public !

    « L’Eurovision s’affirme comme la plus ancienne manifestation d’unité culturelle européenne (…). Loin de n’être qu’un spectacle kitsch, le concours européen de la chanson pose un certain nombre de problématiques sur les frontières culturelles de l’Europe. » (Fabien Venon, le 23 janvier 2007 dans "European Journal of Geography").



     

     
     


    Soyons clairs : les manifestations culturelles comme le concours de chansons Eurovision (créé en 1956) et les manifestations sportives comme les Jeux Olympiques et Paralympiques devraient se dévêtir de toute considération politique, mais elles sont en elles-mêmes des manifestations politiques.

    En fait, toute compétition mettant en jeu les nations introduit sa dose de politique, puisque les ressortissants de chacun des pays participants auront un point de vue plus nationaliste que culturel ou sportif, en ce sens que leur soutien se portera plus aisément à leur pays qu'à l'équipe qui, selon eux, aura été la meilleure du point de vue de la compétition. C'était même le cas avec les "Jeux sans frontières" ou "Intervilles" à la télévision (quand j'étais petit), qui ne valaient pas mieux que les stupidités télévisuelles d'aujourd'hui.

    Il n'est donc pas étonnant d'observer une politisation de ces manifestations culturelles ou artistiques avec des arrière-pensées qui, parfois, ne sentent pas vraiment bon. C'était le cas avec ce 68e concours d'Eurovision dont la finale s'est tenue ce samedi 11 mai 2024 à Malmö, en Suède. Pendant toute la semaine, la chanteuse Eden Golan, qui représentait son pays, Israël, a été l'objet de réactions manifestement discourtoises voire agressives de la part de militants pro-palestiniens pour qui tout devrait être politisé.

    À 20 ans, Eden Golan participait à Eurovison 2024 avec la chanson "Hurricane". En 2015 déjà (elle avait 11 ans !), elle avait participé au concours Eurovision des juniors où elle était classée cinquième en finale. Précisons qu'à l'époque, elle faisait partie de la sélection russe. En 2016, elle a chantée en Crimée, alors sous occupation russe, ce qui a fait que beaucoup d'Ukrainiens la considèrent comme une ennemie de l'Ukraine. Elle-même a une mère d'origine ukrainienne et un père d'origine lettone, et a vécu à Moscou de 2009 à 2022, Russie qu'elle a quittée avec soulagement en raison de la manifestation d'un antisémitisme récurrent. Pour certains journalistes israéliens, la chanson "Hurricane" (chantée en anglais et en hébreu) fait clairement référence aux massacres du 7 octobre 2023.


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  • Renaud Van Ruymbeke et la fin de l'impunité du monde politique

    « La France perd un grand magistrat et la Justice un immense serviteur. » (Éric Dupond-Moretti, le 10 mai 2024 sur Twitter).



     

     
     


    Le Ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a annoncé ce vendredi 10 mai 2024 la mort du juge Renaud Van Ruymbeke à l'âge de 71 ans des suites d'une sale maladie. Il devait participer à un colloque le 28 mai 2024 à Tréguier (en Bretagne) pour une table ronde le matin sur les nouvelles pratiques de la justice pénale. Né d'une famille d'énarques le 19 août 1952 à Neuilly-sur-Seine, Renaud Van Ruymbeke a été l'un des premiers juges emblématiques de la lutte contre la corruption dans le monde politique.

    Il a commencé sa carrière comme juge d'instruction à Caen en 1977, puis il fut substitut au procureur de la République de Caen en 1983 (à la section financière) et retrouva ses fonctions de juge d'instruction en 1985. Nommé à la cour d'appel de Rennes en décembre 1988, il a rejoint le pôle financier du tribunal de grande instance de Paris en avril 2000.

     

     
     


    Paradoxalement, ce furent ceux qui voulaient l'éloigner de sa fonction de juge d'instruction qui l'ont maintenu dans cette fonction plus longtemps que prévu. En effet, en 2004-2005, il avait prévu de rejoindre la coup d'appel de Paris en 2006, un poste se libérant. Mais dans la très troublante affaire Clearstream, dans une affaire dans l'affaire, en raison d'un comportement imprudent (il s'est fait instrumentaliser et a entendu un témoin en dehors des procédures), il a été lui-même mis en cause le 12 mai 2006 par le Ministre de la Justice Pascal Clément et est passé devant le conseil de discipline du Conseil Supérieur de la Magistrature. Pendant ce temps, il est resté dans ses fonctions et s'est occupé d'autres affaires politico-financières. Blanchi le 3 octobre 2012 par la Ministre de la Justice Christiane Taubira qui a demandé de renoncer à toute fonction (on lui a reproché un manque de rigueur, de prudence, de loyauté et de discrétion), il a été nommé premier vice-président chargé de l'instruction du tribunal de grande instance de Paris en 2013, poursuivant ainsi quelques affaires politiques. Il a pris sa retraite en 2019.

    Renaud Van Ruymbeke a démarré sa carrière avec l'affaire Robert Boulin (la manière de l'avoir menée lui a été reprochée puisqu'elle finit par le supposé suicide de Robert Boulin). Mais il s'est fait vraiment connaître avec les socialistes au pouvoir. Malgré sa sensibilité de gauche, Renaud Van Ruymbeke a en effet mis à jour l'affaire Urba qui a impliqué des responsables du PS à une époque où aucune loi n'existait sur le financement de la vie politique. Tout un système de financement illégal de la vie politique a été démantelé, ce qui a abouti à la condamnation du trésorier du PS de l'époque, Henri Emmanuelli.

    Sa détermination et surtout sa conscience professionnelle ont été les deux éléments majeurs qui ont permis de mener à bien l'instruction de nombreuses affaires financières impliquant des responsables politiques (de tout bord). Son indépendance et son incorruptibilité ont été très largement confirmées tout au long de sa carrière.

     

     
     


    Ainsi, Renaud Van Ruymbeke a eu l'occasion d'instruire de nombreuses affaires très médiatisées dans les années 1990, 2000, 2010, en particulier : l'affaire Urba en 1992 après le juge Thierry Jean-Pierre (il a procédé à une perquisition au siège de PS, une première pour un parti politique, d'autant plus qu'il était au pouvoir), le financement du Parti républicain en 1994 (qui a provoqué la démission du ministre Gérard Longuet), le meurtre de Caroline Dickinson en 1997, l'affaire Elf en 2001 (avec Eva Joly, future candidate écologiste, et Laurence Vichnievsky, cette dernière devenue députée MoDem), l'affaire Jérôme Kerviel en 2008, l'affaire Karachi en 2010, l'affaire Bernard Madoff en 2009, l'affaire Cahuzac en 2013, l'affaire Balkany, l'affaire Richard Ferrand en 2017, etc.

    Avec lui, le monde politique pouvait trembler car l'État de droit prévalait sur le cynisme politique. Par son action et son modèle, il a permis un véritable assainissement de la vie politique où les responsables politiques sont devenus des justiciables comme les autres (au point que deux anciens Présidents de la République allaient être condamnés pour des affaires politico-financières).

     

     
     


    Avec sa retraite, Renaud Van Ruymbeke a gagné sa liberté de parler et il a sorti deux livres, ses mémoires de juge d'instruction, puis un livre de lutte contre la corruption en réclamant la fin des paradis fiscaux, des comptes offshore etc.

    Au-delà de son activité éditoriale, l'ancien juge a participé à de nombreuses conférences pour expliquer les enjeux de la lutte contre la corruption, et il estimait qu'au-delà des procédures et du droit, il regardait aussi l'aspect moral qui se réduit à : y a-t-il eu enrichissement personnel des personnes impliquées ? Car il faisait la différence entre un élu corrompu qui s'est enrichi en gagnant des commissions sur des marché public attribué à des amis (dans tous les cas, il considérait qu'il fallait qu'il soit jugé publiquement et refusait le principe des transactions permises aux États-Unis) et un élu qui a fait du favoritisme pour favoriser les entreprises locales sur des grands groupes nationaux ou internationaux, sans enrichissement personnel. Les condamnations de personnes morales (entreprises) à des amendes très élevées pouvaient aussi sanctionner les salariés qui n'étaient pourtant pas les responsables d'une éventuelle malversation.

    Renaud Van Ruymbeke avait d'autant plus de mérite de faire correctement son métier que, malgré sa notoriété, il a toujours refusé de s'engager politiquement, ce qu'ont pourtant fait de nombreux juges (en particulier Thierry Jean-Pierre, Eva Joly, Laurence Vichnievsky, Éric Halphen, Georges Fenech, Jean-Paul Garraud, Didier Motchane, Pierre Arpaillange, Adeline Hazan, Jean Tiberi, etc. ...et bien sûr Rachida Dati, Simone Veil et Jean-Louis Debré).

    Dans ses mémoires, il définissait son métier ainsi : « Instruire, c’est d’abord écouter et dialoguer ; ce n’est pas juger, mais chercher, formuler des hypothèses tout en se méfiant de ses intuitions, remettre en question, comprendre et, enfin, démontrer et expliquer. Le dialogue est essentiel. ». C'est pour cela qu'il était très remonté contre Nicolas Sarkozy qui voulait supprimer les juges d'instruction en 2008 pour établir un système à l'anglo-saxonne : « Éliminer le juge d'instruction sans accorder l'indépendance au parquet permet au pouvoir de reprendre la main sur les enquêtes sensibles. C'est une régression de l'indépendance de la justice et des libertés. ».



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (10 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Renaud Van Ruymbeke.
    Affaire François Fillon.
    Affaire Mathilde Panot.
    Affaire Simone Weber.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Jean-Michel Lambert.
    Nordahl Lelandais, sa paternité et l'hybristophilie.
    L’autojustification de la nouvelle prison de Nancy.
    Émotion nationale pour Alexandra Sonac et sa fille Camille.
    Violences urbaines : à quoi s'attendre pour la fête nationale ?
    Soutien total à Vincent Jeanbrun, maire de L'Haÿ-les-Roses.
    Nahel n'était pas un ange : et alors ?
    La société de vigilance et le faux Xavier Dupont de Ligonnès.
    Agression à Bordeaux : attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Violence contre une prof et vidéo dans les réseaux sociaux.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Émotion, compassion et soutien aux victimes du criminel d'Annecy.
    La sécurité des personnes face aux dangers.
    Meurtre de Lola.
    7 pistes de réflexion sur la peine de mort.
    Alexandra Richard, coupable ou victime ?
    Jacqueline Sauvage.
    Éric de Montgolfier.








    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240510-renaud-van-ruymbeke.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/renaud-van-ruymbeke-et-la-fin-de-l-254606

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/10/article-sr-20240510-renaud-van-ruymbeke.html



     

  • Fête de l'Europe et fiertés françaises

    « Quand on est citoyen européen, je pense qu'il y a quelque chose de très important, c'est de se demander ce que l'Europe peut faire pour nous. Mais il faut toujours se poser la question de ce qu'on peut faire pour l'Europe aussi. » (Emmanuel Macron, le 9 mai 2024).



     

     
     


    Cette année 2024, la Fête de l'Europe est un jour férié ! J'ai un peu la flemme de vérifier mais il me semble bien que c'est la première fois que cela arrive (non, en fait, c'est la quatrième fois, voir plus loin). Il n'y a pas de miracle et cette fête n'est en général pas un jour férié (ce qui est regrettable), mais cette année, par les coïncidences du calendrier, le 9 mai (qui est donc la fête de l'Europe) correspondant aussi au Jeudi de l'Ascension, fête religieuse que même les athées les plus irréductibles se satisfont de "célébrer" parce qu'il est un jour férié. Et la date correspond également au 150e anniversaire de la naissance du célèbre égyptologue Howard Carter.

    Avec la fête de l'Armistice le 8 mai, cela nous donne, nous les Français, un week-end (8-9 mai) en plein milieu d'une semaine. Certains veulent la semaine à quatre jours, les hasards du calendrier proposent ainsi la semaine à trois jours, ou plutôt, la semaine aux trois week-ends ! Notons au passage que le 9 mai est chômé également en Russie dont c'est la principale fête nationale dans l'année, parce qu'il célèbre l'Armistice de 1945 (le décalage avec le 8 mai, c'est que la signature a eu lieu la nuit, et c'était déjà le 9 mai 1945 à l'heure de Moscou).

    Le Jeudi de l'Ascension est une fête chrétienne importante puisqu'il célèbre l'élévation au Ciel de Jésus-Christ, qui était ressuscité. Cet événement a lieu quarante jours après Pâques (le jour de sa résurrection), cette année le 31 mars. Il ne s'agit pas du ciel au sens cosmique du terme, mais du Royaume de Dieu, invisible et présent. Dans les Actes des Apôtres, il est dit qu'au cours d'un repas, le Christ ressuscité annonce aux apôtres qu'ils vont recevoir une force nouvelle, « celle du Saint-Esprit » : « Alors, vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la Terre. ».


    Et le texte continue ainsi : « Après ces paroles, ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se tenaient devant eux et disaient : "Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel". ». Et saint Luc ajoute que les apôtres « retournèrent à Jérusalem, remplis de joie ». L'esprit Saint-Esprit "arrive" sur les apôtres le jour de la Pentecôte, dix jours plus tard, donc un dimanche.

    J'ai finalement vérifié (j'ai des scrupules à ne pas être rigoureux) et l'Ascension le 9 mai a été finalement assez fréquente ces dernières décennies puisque cela a été le cas en 1991, en 2002 et en 2013. Au XXe siècle, il y a eu encore en 1907, en 1918 en en 1929, et il n'y en aura plus d'autre cas jusqu'en 2050 au moins. Mais ce qui compte, c'est à partir du 1985 puisque c'est seulement le 9 mai 1985 qu'on a fêté pour la première fois l'Europe.

    Pourquoi cette date ? Parce qu'elle commémore le grand discours de Robert Schuman qui a jeté les bases, le 9 mai 1950, de l'Europe actuelle, un discours qui allait construire l'Europe du charbon et de l'acier et qui avait pour objectif : dès lors que l'Allemagne et la France produisaient en commun le charbon et l'acier, il serait impossible matériellement de se faire la guerre. Par la suite, on a très vite proposé la Communauté Européenne de Défense (CED), bien avant le Traité de Rome et la Communauté Économique Européenne, mais elle ne s'est pas concrétisée à cause des députés français, si bien qu'aujourd'hui encore, on manque de cette fameuse Europe de la Défense qui commence à se faire, les pays européens prenant conscience de son importance stratégique avec la guerre qu'a déclarée la Russie à l'Ukraine et le probable désengagement militaire américain de l'Europe.

    Plutôt que de parler de Fête de l'Europe (qui, par ailleurs, se trouve à un mois des élections européennes du 9 juin 2024), il vaut mieux parler de Semaine de l'Europe et de la France. En effet, avec l'Europe, la veille, on fêtait bien sûr le 79e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Plus personne n'a parlé de la der des der en 1945, et pour cause. Et la situation actuelle n'est pas particulièrement ouverte à l'optimisme (mais soyons optimiste quand même !).

     

     
     


    Le 7 mai 2024, les amateurs de musique et de l'Europe ont célébré à Vienne le 200e anniversaire de la création de la Neuvième Symphonie de Beethoven dont l'Union Européen a repris l'Hymne à la joie pour en faire un très émouvant hymne européen, tout à fait dans l'esprit du célèbre compositeur. Le texte de cette symphonie provient du poète allemand Schiller et est joyeux : « Joyeux, comme ses soleils volant à travers le somptueux dessein du ciel, hâtez-vous, frères, sur votre route, joyeux comme un héros vers la victoire ! ». Un hymne toujours vibrant et émouvant.

    L'Europe est présente aussi dans les fiertés françaises de cette semaine. La première fierté est dans la réception du Président chinois Xi Jinping par la France et son Président Emmanuel Macron qui a, une fois encore, bien assuré pour les intérêts français et européens. Une importante visite d'État de deux jours, les 6 et 7 mai 2024, avec une visite aux Invalides le lundi, et dans les Pyrénées le mardi (il neigeait !). Au-delà du dialogue franco-chinois, il y a aussi le dialogue euro-chinois. Ce n'est pas un hasard si le Président chinois a choisi la France pour rencontrer aussi l'Europe, en ce sens que la Président de la Commission Européenne Ursula von der Leyen s'est rendue à Paris le lundi matin pour une réunion de travail à trois, Chine, France et Union Européenne. Il y a de quoi être fier d'être Français, car Emmanuel Macron est devenu l'interlocuteur incontournable du monde moderne, le leader incontesté de l'Europe.

     

     
     


    Certes, au-delà des sourires diplomatiques, la réalité politique et économique est certainement moins rose et Xi Jinping s'est rendu ensuite en Hongrie, afin aussi de diviser l'Europe, et de faire un clin d'œil à Vladimir Poutine qui, lui, le 7 mai 2024, était investi pour un cinquième mandat de Président de la Fédération de Russie pourtant limité à deux dans la Constitution de la Fédération de Russie. Néanmoins, la Chine est dans une géopolitique de plus grands ensembles et souhaite avant tout détourner l'Europe des États-Unis. À ce propos, lors de la visite du numéro un chinois à Paris, où étaient donc les manifestants pour protester contre la répression des Ouïghours, ceux-là même si prompts à s'indigner, parfois violemment, pour les Palestiniens parfois au prix de la perception d'un soutien implicite aux terroristes du Hamas ?
     

     
     


    Je garde pour la fin la matière à d'autres fiertés françaises jusqu'à la fin de l'été : les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) qui se tiendront à Paris cet été. La première étape des festivités a eu lieu ce mercredi 8 mai 2024 dans le port de Marseille : le Belem a accosté avec la flamme olympique ! On pourra dire ce qu'on veut, dénigrer les JOP parce qu'on est râleur professionnel (jamais content) ou parce qu'on déteste Emmanuel Macron (je doute que les sportifs français qui vont participer aux JOP aient tous voté pour Emmanuel Macron !), la fête de mercredi fut une très belle fête.

    Au-delà de la France, il y a Marseille et on sait l'attention soutenue que porte le Président de République à la deuxième ville de France. Ce n'est pas Marseille mais les Marseillais qui sont en fête, et qui apportent le sourire à tout ce qu'ils touchent. Ce n'est pas nouveau et les Marseillais sont joyeux de voir que leur ville est enfin citée dans les actualités autrement que pour un règlement de compte entre deux bandes rivales. Cette bonne humeur devrait être le standard de la France de l'été 2024, la joie devrait l'emporter sur la politique politicienne parce que fêter le sport n'est pas si fréquent. Certes, il y a eu quelques aventures footballistiques au plus haut niveau, qui ont incarné la communion nationale, mais ces moments de liesse restent très rares. Les Marseillais, dans les rues, partout, dans les stations de métro, etc., avaient déjà montré leur bonne humeur lors de la visite du pape François le 23 septembre 2023, parce que Marseille est prise en considération comme une métropole elle aussi incontournable dans le monde moderne.
     

     
     


    La fête du Belem, c'était donc la fête du sport, la fête des Jeux Olympiques et Paralympiques, la fête de la France bien sûr, mais aussi la fête de la beauté. On croirait presque à un tableau de Turner, en voyant le Belem arriver avec ses parures tricolores. Le journaliste Renaud Pila ne cachait pas son enthousiasme, partagé par de nombreux autres de ses confrères : « Quelle idée magnifique de faire arriver la flamme sur le Belem, à Marseille. Les images de la journée vont être dingues. Ça ne vous met pas de bonne humeur ? » (Twitter).

    Notons d'ailleurs que c'est bien le drapeau tricolore qui a accompagné la flamme olympique sans y voir de couleur de l'Europe. Jamais l'Europe n'a eu l'intention de diluer la nation française.
     

     
     


    C'est le sens du message d'Emmanuel Macron, présent à Marseille ce 8 mai 2024 : « Je veux que nos compatriotes se représentent que c'est un moment d'unité et qu'on en est capables, et qu'on peut en être fiers. Et se représenter à nous-mêmes, nous représenter à nous-mêmes, que nous savons organiser cela, que quand on se met tous ensemble autour de la table, qu'on mêle nos énergies, le sport, la culture, les plus grands artistes, les plus grands sportifs, la sécurité, la gastronomie, l'art, nos paysages, nos élus, on fait ce qu'il y a de plus beau au monde. Et ça, on doit être fiers. Vous savez, j'ai cette petite pièce dans les mains, je voulais vous la montrer aujourd'hui à Marseille. C'est une pièce qu'on a fait avec la Monnaie de Paris, spécialement. Il y a 24 millions de ces pièces qui ont été battues, et elle a été offerte à nos enfants. (…) Il y a 4 millions d'enfants à l'école primaire qui l'ont eue avec un petit kit qu'on a fait sur les Jeux Olympiques et Paralympiques. Et vous avez représenté la Tour Eiffel qui court, Notre-Dame qui est là, représentant Marseille, la fleur de Tahiti. C'est ça, la France, qui unit sa première, sa deuxième ville, même si parfois elles sont en compétition ou divisées, sur un terrain de foot ou ailleurs, la France métropolitaine et ultramarine, derrière ces Jeux et les soixante-treize villes qui vont accueillir des épreuves et des athlètes. C'est notre force, cette unité, c'est l'esprit des Jeux. Et c'est aussi pour ça qu'on a voulu cette trêve olympique autour des Jeux Olympiques et Paralympiques. Et ce sera l'initiative diplomatique qu'on va déployer : des Jeux pour la paix. ».

    Jamais la France n'a été aussi divisée qu'aujourd'hui, il y a la France des rigolus et la France des tristus. Il y a une façon de s'unir. Soyons des rigolus ! Soyons fiers de notre Nation, de notre pays !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'hymne à l'Europe.
    Le Jeudi de l'Ascension.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240509-fete-de-l-europe.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/fete-de-l-europe-joies-et-fiertes-254605

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/10/article-sr-20240509-fete-de-l-europe.html

     

  • L'Ascension de la France et de l'Europe

    « Quand on est citoyen européen, je pense qu'il y a quelque chose de très important, c'est de se demander ce que l'Europe peut faire pour nous. Mais il faut toujours se poser la question de ce qu'on peut faire pour l'Europe aussi. » (Emmanuel Macron, le 9 mai 2024).


     

     
     


    Cette année 2024, la Fête de l'Europe est un jour férié ! J'ai un peu la flemme de vérifier mais il me semble bien que c'est la première fois que cela arrive (non, en fait, c'est la quatrième fois, voir plus loin). Il n'y a pas de miracle et cette fête n'est en général pas un jour férié (ce qui est regrettable), mais cette année, par les coïncidences du calendrier, le 9 mai (qui est donc la fête de l'Europe) correspondant aussi au Jeudi de l'Ascension, fête religieuse que même les athées les plus irréductibles se satisfont de "célébrer" parce qu'il est un jour férié. Et la date correspond également au 150e anniversaire de la naissance du célèbre égyptologue Howard Carter.

    Avec la fête de l'Armistice le 8 mai, cela nous donne, nous les Français, un week-end (8-9 mai) en plein milieu d'une semaine. Certains veulent la semaine à quatre jours, les hasards du calendrier proposent ainsi la semaine à trois jours, ou plutôt, la semaine aux trois week-ends ! Notons au passage que le 9 mai est chômé également en Russie dont c'est la principale fête nationale dans l'année, parce qu'il célèbre l'Armistice de 1945 (le décalage avec le 8 mai, c'est que la signature a eu lieu la nuit, et c'était déjà le 9 mai 1945 à l'heure de Moscou).

    Le Jeudi de l'Ascension est une fête chrétienne importante puisqu'il célèbre l'élévation au Ciel de Jésus-Christ, qui était ressuscité. Cet événement a lieu quarante jours après Pâques (le jour de sa résurrection), cette année le 31 mars. Il ne s'agit pas du ciel au sens cosmique du terme, mais du Royaume de Dieu, invisible et présent. Dans les Actes des Apôtres, il est dit qu'au cours d'un repas, le Christ ressuscité annonce aux apôtres qu'ils vont recevoir une force nouvelle, « celle du Saint-Esprit » : « Alors, vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la Terre. ».


    Et le texte continue ainsi : « Après ces paroles, ils le virent s’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée. Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se tenaient devant eux et disaient : "Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Jésus, qui a été enlevé du milieu de vous, reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel". ». Et saint Luc ajoute que les apôtres « retournèrent à Jérusalem, remplis de joie ». L'esprit Saint-Esprit "arrive" sur les apôtres le jour de la Pentecôte, dix jours plus tard, donc un dimanche.

    J'ai finalement vérifié (j'ai des scrupules à ne pas être rigoureux) et l'Ascension le 9 mai a été finalement assez fréquente ces dernières décennies puisque cela a été le cas en 1991, en 2002 et en 2013. Au XXe siècle, il y a eu encore en 1907, en 1918 en en 1929, et il n'y en aura plus d'autre cas jusqu'en 2050 au moins. Mais ce qui compte, c'est à partir du 1985 puisque c'est seulement le 9 mai 1985 qu'on a fêté pour la première fois l'Europe.

    Pourquoi cette date ? Parce qu'elle commémore le grand discours de Robert Schuman qui a jeté les bases, le 9 mai 1950, de l'Europe actuelle, un discours qui allait construire l'Europe du charbon et de l'acier et qui avait pour objectif : dès lors que l'Allemagne et la France produisaient en commun le charbon et l'acier, il serait impossible matériellement de se faire la guerre. Par la suite, on a très vite proposé la Communauté Européenne de Défense (CED), bien avant le Traité de Rome et la Communauté Économique Européenne, mais elle ne s'est pas concrétisée à cause des députés français, si bien qu'aujourd'hui encore, on manque de cette fameuse Europe de la Défense qui commence à se faire, les pays européens prenant conscience de son importance stratégique avec la guerre qu'a déclarée la Russie à l'Ukraine et le probable désengagement militaire américain de l'Europe.

    Plutôt que de parler de Fête de l'Europe (qui, par ailleurs, se trouve à un mois des élections européennes du 9 juin 2024), il vaut mieux parler de Semaine de l'Europe et de la France. En effet, avec l'Europe, la veille, on fêtait bien sûr le 79e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Plus personne n'a parlé de la der des der en 1945, et pour cause. Et la situation actuelle n'est pas particulièrement ouverte à l'optimisme (mais soyons optimiste quand même !).

     
     


    Le 7 mai 2024, les amateurs de musique et de l'Europe ont célébré à Vienne le 200e anniversaire de la création de la Neuvième Symphonie de Beethoven dont l'Union Européen a repris l'Hymne à la joie pour en faire un très émouvant hymne européen, tout à fait dans l'esprit du célèbre compositeur. Le texte de cette symphonie provient du poète allemand Schiller et est joyeux : « Joyeux, comme ses soleils volant à travers le somptueux dessein du ciel, hâtez-vous, frères, sur votre route, joyeux comme un héros vers la victoire ! ». Un hymne toujours vibrant et émouvant.

    L'Europe est présente aussi dans les fiertés françaises de cette semaine. La première fierté est dans la réception du Président chinois Xi Jinping par la France et son Président Emmanuel Macron qui a, une fois encore, bien assuré pour les intérêts français et européens. Une importante visite d'État de deux jours, les 6 et 7 mai 2024, avec une visite aux Invalides le lundi, et dans les Pyrénées le mardi (il neigeait !). Au-delà du dialogue franco-chinois, il y a aussi le dialogue euro-chinois. Ce n'est pas un hasard si le Président chinois a choisi la France pour rencontrer aussi l'Europe, en ce sens que la Président de la Commission Européenne Ursula von der Leyen s'est rendue à Paris le lundi matin pour une réunion de travail à trois, Chine, France et Union Européenne. Il y a de quoi être fier d'être Français, car Emmanuel Macron est devenu l'interlocuteur incontournable du monde moderne, le leader incontesté de l'Europe.

     

     
     


    Certes, au-delà des sourires diplomatiques, la réalité politique et économique est certainement moins rose et Xi Jinping s'est rendu ensuite en Hongrie, afin aussi de diviser l'Europe, et de faire un clin d'œil à Vladimir Poutine qui, lui, le 7 mai 2024, était investi pour un cinquième mandat de Président de la Fédération de Russie pourtant limité à deux dans la Constitution de la Fédération de Russie. Néanmoins, la Chine est dans une géopolitique de plus grands ensembles et souhaite avant tout détourner l'Europe des États-Unis. À ce propos, lors de la visite du numéro un chinois à Paris, où étaient donc les manifestants pour protester contre la répression des Ouïghours, ceux-là même si prompts à s'indigner, parfois violemment, pour les Palestiniens parfois au prix de la perception d'un soutien implicite aux terroristes du Hamas ?
     

     
     


    Je garde pour la fin la matière à d'autres fiertés françaises jusqu'à la fin de l'été : les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) qui se tiendront à Paris cet été. La première étape des festivités a eu lieu ce mercredi 8 mai 2024 dans le port de Marseille : le Belem a accosté avec la flamme olympique ! On pourra dire ce qu'on veut, dénigrer les JOP parce qu'on est râleur professionnel (jamais content) ou parce qu'on déteste Emmanuel Macron (je doute que les sportifs français qui vont participer aux JOP aient tous voté pour Emmanuel Macron !), la fête de mercredi fut une très belle fête.

    Au-delà de la France, il y a Marseille et on sait l'attention soutenue que porte le Président de République à la deuxième ville de France. Ce n'est pas Marseille mais les Marseillais qui sont en fête, et qui apportent le sourire à tout ce qu'ils touchent. Ce n'est pas nouveau et les Marseillais sont joyeux de voir que leur ville est enfin citée dans les actualités autrement que pour un règlement de compte entre deux bandes rivales. Cette bonne humeur devrait être le standard de la France de l'été 2024, la joie devrait l'emporter sur la politique politicienne parce que fêter le sport n'est pas si fréquent. Certes, il y a eu quelques aventures footballistiques au plus haut niveau, qui ont incarné la communion nationale, mais ces moments de liesse restent très rares. Les Marseillais, dans les rues, partout, dans les stations de métro, etc., avaient déjà montré leur bonne humeur lors de la visite du pape François le 23 septembre 2023, parce que Marseille est prise en considération comme une métropole elle aussi incontournable dans le monde moderne.
     

     
     


    La fête du Belem, c'était donc la fête du sport, la fête des Jeux Olympiques et Paralympiques, la fête de la France bien sûr, mais aussi la fête de la beauté. On croirait presque à un tableau de Turner, en voyant le Belem arriver avec ses parures tricolores. Le journaliste Renaud Pila ne cachait pas son enthousiasme, partagé par de nombreux autres de ses confrères : « Quelle idée magnifique de faire arriver la flamme sur le Belem, à Marseille. Les images de la journée vont être dingues. Ça ne vous met pas de bonne humeur ? » (Twitter).

    Notons d'ailleurs que c'est bien le drapeau tricolore qui a accompagné la flamme olympique sans y voir de couleur de l'Europe. Jamais l'Europe n'a eu l'intention de diluer la nation française.
     

     
     


    C'est le sens du message d'Emmanuel Macron, présent à Marseille ce 8 mai 2024 : « Je veux que nos compatriotes se représentent que c'est un moment d'unité et qu'on en est capables, et qu'on peut en être fiers. Et se représenter à nous-mêmes, nous représenter à nous-mêmes, que nous savons organiser cela, que quand on se met tous ensemble autour de la table, qu'on mêle nos énergies, le sport, la culture, les plus grands artistes, les plus grands sportifs, la sécurité, la gastronomie, l'art, nos paysages, nos élus, on fait ce qu'il y a de plus beau au monde. Et ça, on doit être fiers. Vous savez, j'ai cette petite pièce dans les mains, je voulais vous la montrer aujourd'hui à Marseille. C'est une pièce qu'on a fait avec la Monnaie de Paris, spécialement. Il y a 24 millions de ces pièces qui ont été battues, et elle a été offerte à nos enfants. (…) Il y a 4 millions d'enfants à l'école primaire qui l'ont eue avec un petit kit qu'on a fait sur les Jeux Olympiques et Paralympiques. Et vous avez représenté la Tour Eiffel qui court, Notre-Dame qui est là, représentant Marseille, la fleur de Tahiti. C'est ça, la France, qui unit sa première, sa deuxième ville, même si parfois elles sont en compétition ou divisées, sur un terrain de foot ou ailleurs, la France métropolitaine et ultramarine, derrière ces Jeux et les soixante-treize villes qui vont accueillir des épreuves et des athlètes. C'est notre force, cette unité, c'est l'esprit des Jeux. Et c'est aussi pour ça qu'on a voulu cette trêve olympique autour des Jeux Olympiques et Paralympiques. Et ce sera l'initiative diplomatique qu'on va déployer : des Jeux pour la paix. ».

    Jamais la France n'a été aussi divisée qu'aujourd'hui, il y a la France des rigolus et la France des tristus. Il y a une façon de s'unir. Soyons des rigolus ! Soyons fiers de notre Nation, de notre pays !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'hymne à l'Europe.
    Le Jeudi de l'Ascension.
    Fête de l'Europe, joies et fiertés françaises.
    Le Tunnel sous la Manche.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
    La convergence des centres ?
    Élections européennes 2024 (1) : cote d'alerte pour Renaissance.
    Valérie Hayer, tête de la liste Renaissance.
    Charles Michel et Viktor Orban : l'Europe victime d'une histoire belge !
    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    La Méditerranée, mère de désolation et cimetière de nos valeurs ?
    Le 8 mai, l'émotion et la politique.
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    L’inlassable pèlerin européen Emmanuel Macron.
    Valéry Giscard d’Estaing, le rêveur d’Europe.
    Enfin, une vision européenne !
    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !

     

     
     





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  • François Fillon définitivement condamné

    « (…) Par ces motifs (…), la Cour, sur le pourvoi formé par M. I, le rejette ; sur les pourvois formés par M. et Mme N, casse et annule l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 9 mai 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées (…). » (Arrêt de la Cour de Cassation du 24 avril 2024).



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    C'est toujours étrange de s'apercevoir que la conclusion d'une affaire politico-judiciaire qui a hanté toute la campagne présidentielle de 2017, matin midi et soir, est si peu médiatisée sept ans plus tard, quand plus aucun enjeu électoral n'est en cours. Par son arrêt n°22-83.466 FS-B N°00382 MAS2, la Cour de Cassation a en effet confirmé le mercredi 24 avril 2024 la décision de la cour d'appel de Paris du 9 mai 2022 sur la culpabilité de François Fillon, de son épouse et de son suppléant, dans son affaire mettant en cause l'emploi de collaboratrice parlementaire de son épouse, en particulier sa condamnation pour détournement de fonds publics et complicité. Par conséquent, la condamnation de François Fillon est définitive.

    Rappelons que la chambre 2-12 de la cour d'appel de Paris a condamné le 9 mai 2022 : François Fillon « pour détournement de fonds publics et complicité, complicité d’abus de biens sociaux, recels, à quatre ans d’emprisonnement dont trois ans avec sursis, 375 000 euros d’amende et dix ans d’inéligibilité » ; son suppléant « pour détournement de fonds publics à trois ans d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’inéligibilité » ; et son épouse « pour complicité de détournements de fonds publics, complicité d’abus de biens sociaux, recels, à deux ans d’emprisonnement avec sursis, 375 000 euros d’amende et deux ans d’inéligibilité ».

    Avant de poursuivre sur le plan juridique (et judiciaire), je me permets un petit commentaire politique. En tant qu'électeur de François Fillon au premier tour de l'élection présidentielle de 2017, j'ai trouvé assez peu sain dans une démocratie que la justice soit allée aussi rapidement dans la mise en examen d'un grand candidat à l'élection présidentielle (initialement le favori, même), après seulement quelques scoops dans la presse à sensation. On pourra me répondre aujourd'hui que la justice avait raison puisque la condamnation est désormais définitive.


    Je respecte bien entendu la justice de mon pays, mais je reste toujours dubitatif sur une possible politisation de la justice (dont je n'accuse absolument pas le principal bénéficiaire, à savoir Emmanuel Macron qui a profité surtout d'un contexte très favorable à plusieurs titres). Au cours de mon engagement politique qui remonte à il y a plus de trente ans, j'ai eu l'occasion de voir des "pratiques", aujourd'hui révolues, qui étaient bien plus scandaleuses que ce qui a condamné François Fillon. L'un des défauts structurels pendant longtemps a été que le parlementaire était le propre employeur de ses collaborateurs. En d'autres termes, le parlementaire recevait l'argent d'une enveloppe globale concernant le salaire de ses collaborateurs... et il en faisait ce qu'il voulait. Heureusement, cela a évolué et cela passe maintenant par une structure tiers, son assemblée d'origine. Le parlementaire doit agir dans la plus grande liberté et sans pression, mais cela n'empêche pas qu'il doit rester honnête (c'est d'ailleurs le minimum qu'on peut demander à celui qui fait la loi, celui de l'appliquer).

    La justice n'a pas condamné François Fillon d'avoir recruté son épouse comme collaboratrice parlementaire car ce n'était pas interdit à l'époque (maintenant, si), mais parce que ladite collaboratrice n'aurait rien fait malgré sa rémunération. Comme elle a travaillé jusqu'en 2013, il est toujours difficile de montrer qu'elle a travaillé ou même qu'elle n'a pas travaillé. Beaucoup de documents peuvent avoir été jetés,. perdus, détruits. Et les oublis arriver.


    L'autre côté malsain, c'est la volonté de la justice de vouloir savoir et même juger de la manière de travailler des parlementaires. Or, la démocratie impose la séparation des pouvoirs et les parlementaires, dont la légitimité (au contraire des juges) est absolue puisqu'elle vient du peuple, n'a ni leçon à prendre ni compte à rendre à la justice sur sa manière de travailler qui doit d'ailleurs rester parfois confidentielle. Il en est de même pour des ministres sur la gestion de la crise du covid-19 : la justice n'a pas à se substituer au peuple ou aux parlementaires dans l'appréciation de la politique menée par un gouvernement.

    Ces considérations politiques étant écrites, j'en reviens aux considérations juridiques, car un arrêt de la Cour de Cassation, c'est d'abord la procédure et pas le fond (même si cela peut l'être parfois). Car dans son malheur, François Fillon peut quand même avoir une petite satisfaction.


    En effet, si la décision de la cour d'appel sur la culpabilité de François Fillon, de son épouse et de son suppléant (qui, lorsque François Fillon était ministre ou Premier Ministre, avait continué à rémunérer Pénélope Fillon comme collaboratrice parlementaire) a été validée, ce qui rend cette reconnaissance de culpabilité définitive (on va dire quasiment définitive, car il y a encore un recours auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui serait étonnant car certains élus du même parti voulaient que la France se désengage de la CEDH), la Cour de Cassation a néanmoins cassé la décision de la cour d'appel concernant les peines prononcées à l'égard de François Fillon et les dommages et intérêts à verser. En revanche, les peines prononcées à l'égard de l'épouse et du suppléant ont été validées et sont donc définitives (car aucun des deux n'a été condamné à une peine de prison ferme).

    Maître Éric Landot, avocat brillant qui tient de manière très assidue un blog très instructif, a ainsi fait une petite note de synthèse au lendemain de la décision de la Cour de Cassation. On y apprend ainsi quelques éléments intéressants du droit et de la politique.

    Par exemple, les élus n'ont pas le droit, depuis longtemps, de recruter un membre de leur famille au titre d'un emploi public : c'est « une prise illégale d'intérêts au pénal et une illégalité en droit administratif ». C'est l'article 432-12 du code pénal qui régit cette infraction. Même un lien d'amitié établi suffit à constituer la prise illégale d'intérêts. Le blog propose plusieurs affaires dont le cas d'un élu qui a recruté sa sœur comme directrice générale des services (DGS), numéro une de l'administration de la collectivité locale en question (arrêt du 4 mars 2020).

    En revanche, les parlementaires, avec leurs collaborateurs parlementaires, ne sont pas dans la même situation que les élus d'une collectivité avec leur administration. C'est pour cela que les poursuites n'ont pas été fondées sur la prise illégale d'intérêts mais sur le détournement de fonds publics, l'abus de biens sociaux et leurs recels. Comme je l'ai écrit plus haut, on n'a donc pas reproché Pénélope Fillon d'être l'épouse du député qui l'a recrutée mais de n'avoir rien fait en tant que collaboratrice parlementaire.

    Maître Éric Landot insiste sur la validation de la cour d'appel par la Cour de Cassation : « Elle juge notamment que le principe de séparation des pouvoirs n’interdit pas au juge judiciaire de vérifier qu’un contrat de travail conclu entre un parlementaire et un de ses collaborateurs a réellement été exécuté, dès lors qu’il s’agit d’un contrat de droit privé. Le député, son épouse et le suppléant sont donc définitivement déclarés coupables, notamment de "détournements de fonds publics par personne chargée de mission de service public" et complicité de cette infraction. ».

    En revanche, François Fillon repassera devant un tribunal (sa condamnation sera rejugée par la cour d'appel), non pas pour être jugé sur sa culpabilité (elle est définitivement établie) mais pour redéfinir sa peine. En effet, il a été condamné le 9 mai 2022 à quatre d'emprisonnement dont trois avec sursis, donc à un an de prison ferme.

    Le blog du juriste explique simplement la raison de cette invalidation partielle : « Cette cour n’avait pas pris soin de justifier des raisons pour lesquelles elle avait prononcé une peine partiellement ferme (même si une peine d’un an ne conduit en pratique qu’au bracelet électronique), alors que c’est obligatoire de le faire (en se fondant sur la gravité de l’infraction, la personnalité de son auteur et l’existence ou non de sanction alternative adéquate). Or, en condamnant le député, le juge d’appel n’a pas expliqué en quoi une autre sanction que la peine d’emprisonnement sans sursis aurait été manifestement inadéquate. D’où une censure de la Cour de Cassation. ».

    Le montant des dommages et intérêts que François Fillon et son épouse devront verser à l'Assemblée Nationale sera également rejugé par la cour d'appel. L'explication d'Éric Landot : « La Cour de Cassation casse la décision de la cour d’appel en ce qu’elle condamne le député et son épouse à rembourser à l’Assemblée Nationale l’intégralité des salaires versés. En effet, les juges ont constaté que si les rémunérations versées étaient manifestement disproportionnées au regard du travail fourni, elles n’étaient pas dénuées de toute contrepartie. ».

    Concrètement, une peine de prison ferme ne se justifie pas pour François Fillon. Ce nouveau procès un peu particulier pourra-t-il redorer son honneur ? Certainement pas, car la reconnaissance de sa culpabilité est définitive. Il a été piégé par une trop grande confiance en lui. Et surtout une arrogance politique pour écraser ses deux adversaires de son parti, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Des trois, c'est celui qui a le mieux réussi à tourner la page de la vie politique pour aller quérir d'autres fortunes dans d'autres contrées. C'est peut-être cela le plus tragique pour lui : que sa condamnation définitive n'a même pas fait les grands titres des journaux. Lui qui était promis à devenir Président de la République.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 avril 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Fillon définitivement condamné.
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    François Fillon, vendeur de rillettes sur la place Rouge !
    Et voici que François Fillon revient...
    A-t-on volé l’élection de François Fillon ?
    François Fillon, victime de la morale ?
    Une affaire Fillon avant l’heure.
    François Fillon, artisan de la victoire du Président Macron.
    Matignon en mai et juin 2017.
    François Fillon et son courage.
    Premier tour de l'élection présidentielle du 23 avril 2017.
    Macron ou Fillon pour redresser la France ?
    François Fillon, le seul candidat de l’alternance et du redressement.
    Programme 2017 de François Fillon (à télécharger).
    L’autorité et la liberté.
    Un Président exemplaire, c’est…
    Interview de François Fillon dans le journal "Le Figaro" le 20 avril 2017 (texte intégral).
    Interview de François Fillon dans le journal "Le Parisien" le 19 avril 2017 (texte intégral).
    Discours de François Fillon le 15 avril 2017 au Puy-en-Velay (texte intégral).
    Discours de François Fillon le 14 avril 2017 à Montpellier (texte intégral).
    Discours de François Fillon le 13 avril 2017 à Toulouse (texte intégral).
    Tribune de François Fillon le 13 avril 2017 dans "Les Échos" (texte intégral).
    Discours de François Fillon le 12 avril 2017 à Lyon (texte intégral).


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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240424-fillon.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-fillon-definitivement-254349

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/04/27/article-sr-20240424-fillon.html




  • Bernard Pivot, l'incarnation de la culture populaire

    « Si vous saviez le bonheur que j'ai eu pendant des années et des années (…) à lire des livres, à parler avec les auteurs. Donc, la plus élémentaire gratitude, c'est de transmettre ce plaisir. » (Bernard Pivot).

     

     
     


    C'est un véritable tsunami de réactions d'émotion qui a accompagné la triste annonce de la mort du journaliste Bernard Pivot ce lundi 6 mai 2024 à l'âge de 89 ans (qu'il venait de fêter la veille) après une saleté de maladie. Animateur vedette de la deuxième chaîne de télévision, il avait animé deux émissions littéraires très courues le vendredi soir à 21 heures 40, "Apostrophes" du 10 janvier 1975 au 22 juin 1990, puis "Bouillon de culture" du 12 janvier 1991 au 29 juin 2001. "Apostrophes" : « Eh bien, c'est un échange d'idées parfois vif ! » (23 février 1975).

    Avec Bernard Pivot, on célèbre aussi soi-même, sa jeunesse, son adolescence, sa vie dans les années 1970-1980-1990. Bref, son miroir. Au lendemain de l'annonce de la suppression définitive du célèbre jeu télévisé "Des chiffres et des lettre" commencé le 19 septembre 1965 (et maintenu sous perfusion le week-end depuis un an et demi), la disparition d'un véritable monument de la littérature pour Français (et pas seulement littérature française) est un choc humain mais aussi un choc de nostalgie. Beaucoup attendaient cette émission "Apostrophes" qui était une véritable prescriptrice des libraires et des éditeurs. Sa musique de générique était devenue très connue, le concerto pour piano en fa dièse mineur, op. 1, de Rachmaninov, interprétée (avis aux russophiles) par le pianiste Byron Janis enregistré en juin 1962 à Moscou accompagné de l'Orchestre philharmonique de Moscou sous la direction de Kirill Kondrachine.

    Incontestablement, Bernard Pivot avait un pouvoir fou sur les auteurs et les éditeurs, mais il n'en abusait pas pour faire fortune alors que sa notoriété lui aurait ouvert de nombreux boulevards (pour garder son indépendance intellectuelle, il a même refusé à plusieurs reprises des décorations comme la Légion d'honneur et les Arts et les Lettres ; en revanche, il a accepté le Mérite agricole). Il n'abusait pas de sa position privilégiée. Au contraire, il était un lecteur et un présentateur incorruptible, ne choisissant ses invités que par ses envies, ses découvertes, son intérêt. Il ne voulait pas briller en public, mais au contraire, il s'effaçait et faisait briller ses invités.

    Ainsi, de nombreux auteurs inconnus se sont fait connaître avec cette émission, qui valait bien un prix littéraire dans les ventes en librairie. On pouvait apprécier à la fois sa spontanéité, son ton direct, et même certaines surprises sur le plateau, car les émissions étaient diffusées en direct. Sa convivialité et son côté jovial (bon vivant, adorateur de bons vins et de football) rendaient la littérature attrayante. Loin des cours naphtaline d'un enseignement suranné.

    Cette télévision authentique est si loin de toutes ces émissions aseptisées d'aujourd'hui. À l'époque, l'animateur était un passeur de livres et pas une vedette, il invitait des inconnus pour les aider au lieu d'inviter des auteurs célèbres pour faire de l'audience (voir témoignage plus loin). Ses découvertes étaient diversifiées, pluralistes, très éclectiques... et très érudites aussi. On pouvait suivre le 28 mai 1982 un combat de "coqs" entre Jean d'Ormesson et Roger Peyrefitte (encore que...), ou assister le 27 mai 1977 à la naissance des "nouveaux philosophes" en direct sur le plateau en présence de Maurice Clavel, Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann (le père de Raphaël), ou encore le 22 septembre 1978 à l'évacuation en "douceur" de Charles Bukowski quasiment ivre mort.

    D'ailleurs, loin d'être consensuel parmi l'élite culturelle et intellectuelle, il était au contraire ouvertement critiqué pour être justement cet homme si puissant qui influençait tant les envies littéraires du pays par « l'arbitraire d'un seul homme » selon Régis Debray. J'imagine en revanche que du côté du peuple, peu le fustigeait et beaucoup de gens le remerciaient de leur avoir fait découvrir tel auteur ou tel livre. Plus ennuyeux et plus récemment, on a aussi critiqué à juste titre Bernard Pivot d'avoir invité un peu légèrement Gabriel Matzneff faire l'éloge de ses tendances aujourd'hui dénoncées, en particulier dans l'émission du 2 mars 1990 sur son livre "Mes amours décomposés" (pour lequel, seule des invités sur le plateau, Denise Bombardier s'était indignée dans le désert).

    Chacun peut avoir quelques souvenirs épiques de ces émissions. Je me souviens en particulier des émissions spéciales, tournées en extérieur, hors plateau, avec un seul invité, prestigieux en général, comme Alexandre Soljenitsyne, Umberto Eco, Marguerite Duras, Julien Green, Vladimir Nabokov, John Le Carré, Milan Kundera, Françoise Dolto, Marguerite Yourcenar, Georges Simenon, ou encore Lech Walesa, etc. mais si je devais retenir une émission, ce serait l'émission spéciale avec Georges Dumézil, peu porté à la promotion publicitaire de ses travaux de recherche, qui m'a fait découvrir des pans entiers de la culture mondiale ; l'émission était diffusée le 18 juillet 1986, quelques mois avant la disparition de ce très grand chercheur en linguistique.

    L'homme de télévision pouvait aussi se réjouir de la reconnaissance de la profession avec au compteur sept Sept d'or, en particulier du meilleur animateur de télévision, du meilleur producteur de télévision, du meilleur animateur de débats, avec des émissions reconnues comme les meilleurs magazines culturels ou artistiques. En outre, Bernard Pivot a animé de nombreuses émissions pour sa fameuse dictée très suivie par les téléspectateurs ("Les Dicos d'or" de 1985 à 2005).


    Membre du jury du Prix Interallié en 2002, élu le 5 octobre 2004 membre de l'Académie Goncourt (qu'il a présidée de janvier 2014 à décembre 2019), il était par ailleurs rédacteur en chef du magazine Lire, et l'auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont un, en 2013, où, malgré son âge et son expérience d'un ancien temps, il faisait l'éloge de Twitter et de ce mode d'expression qui nécessite une excellent esprit de concision, le sens de la répartie et faisait marcher les neurones, ce qui est très bon avec le grand âge. En 2018, je l'ai vu aux côtés de sa fille Cécile pour un livre commun de témoignage sur leur expérience respective de la lecture.
     

     
     


    Le grand âge, Bernard Pivot y avait beaucoup réfléchi. Le 17 janvier 2021, il confiait ainsi sur Arte (alors que la pandémie de covid-19 faisait encore rage) : « La lutte contre la mort, mais surtout la lutte contre la maladie qui entraînera la mort est un réflexe naturel chez l'Homme. Il y a des gens qui, au bout d'un moment, à force de lutter contre le mal, contre la maladie, contre la douleur, renoncent. On peut les comprendre. Mais je pense que l'honneur de l'Homme, c'est de lutter le plus possible pour garder un corps sain, un esprit sain pour surmonter la maladie. Mon anxiété est plus grande, non pas quand je pense à la mort, mais quand je pense à la débâcle finale du corps et de l'esprit. Ce qui me fait peur à la fin, c'est cette débâcle, c'est-à-dire cette mort avant la mort. Lire est toujours un moyen de s'évader. Donc s'évader des chagrins du moment, s'évader des peurs du moment. La lecture d'écrivains amusants comme Molière, comme Jules Renard, comme Proust aussi... Si vous avez une bibliothèque, prenez des livres un peu drôles. Il n'y a pas de chagrin, il n'y a pas de peur qu'une scène de Molière n'interrompe. ».

    Parmi tous les témoignages actuels ou anciens sur le personnage qui vient de disparaître, sans doute celui du journaliste et écrivain Éric Neuhoff, le 13 juin 2023, me paraît le plus pertinent, invité pour la première fois à "Apostrophes" à l'âge de 25 ans (le 28 mai 1982) : « L'émission était tellement importante à l'époque que quand j'ai dit à mes amis que j'allais publier un livre, ils ne m'ont pas du tout demandé de quoi ça parlait, mais ils m'ont dit : alors, tu vas passer chez Pivot ? Et je ne me rendais pas compte de l'importance que ça avait. (…) Bernard Pivot qui était là en maître d'œuvre, qui était très impressionnant parce que c'était en direct. On ne le voyait pas avant l'émission, et je me souviens que sur le plateau, il était comme ça avec ses fiches, la tête baissée, il y avait la publicité, puis à la fin, le petit jingle d'Antenne 2 à l'époque, il relevait la tête, et c'était parti, et là, il y en avait pour une heure et demie. Ce qui était frappant, c'est qu'il savait très bien doser les interventions, faire taire ceux qui étaient trop bavards, donner la parole à ceux qui étaient timides. À l'époque, ce qui était bien aussi, c'est que ce n'était pas, comme souvent aujourd'hui : "Quelle chance vous avez de me rencontrer". L'animateur passait les plats, et était modeste. Et c'est lui qui était content de voir ces gens qui avaient écrit des livres. (…) Les éditeurs ne savaient pas quoi faire pour qu'un de leurs auteurs soit pris. C'était quelqu'un qui lisait tous les livres, qui restait chez lui toute la semaine allongé sur son canapé à lire les bouquins, qui n'en a pas profité pour signer des contrats mirobolants avec tous les éditeurs qui lui auraient déroulé un tapis rouge, qui n'était pas producteur de l'émission... Et c'est surtout sa curiosité, sa modestie, parce qu'on sentait qu'il était heureux de pouvoir parler d'un livre qu'il avait aimé avec son auteur. Et cette joie était transmissible. (…) Ce n'était pas une vedette du tout, et c'est ça, sans doute, qui plaisait au public, qui s'identifiait à lui. Et c'est sans doute pour ça qu'il a lancé un tas d'écrivains. C'était quelqu'un qui invitait des inconnus et qui en faisait des gens un petit peu célèbres à cause de leurs livres. Maintenant, aujourd'hui, on fait venir les best-sellers pour que l'émission soit regardée. C'est le contraire qui se passe. (…) Maintenant, ce n'est pas sorcier d'inviter Amélie Nothomb ou Marc Levy pour que les gens regardent l'émission. » ("Le Figaro").


    Lors de la dernière émission "Apostrophes" le 22 juin 1990, Jean Dutourd disait à l'animateur avec son humour habituel : « Je crois qu'il n'y a qu'un seul mot, le plus beau mot de la langue française pour un écrivain français, du moins depuis quinze ans, c'est le mot Pivot ! …Écoutez, je ne peux vraiment pas être accusé de vous lécher les pieds puisque vous vous en allez. Je peux au contraire le dire maintenant ! ». Aujourd'hui, Bernard Pivot vient rejoindre cet académicien, et aussi Jean d'Ormesson qui était un bon client de l'émission.

    Et depuis une vingtaine d'années, beaucoup ont tenté de nouvelles émissions littéraires mais personne n'a su égaler l'inimitable Bernard Pivot, de l'érudition, de la découvertes, de l'authenticité, mais aussi des débats vifs et ...même des événements. Pensée à sa famille et merci à lui de tous ces moments de grande curiosité intellectuelle.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Les mots en ont toujours un pour rire.
    Bernard Pivot.
    Christine Ockrent.
    Vive la crise !
    Yves Montand.
    Jean Lacouture.
    Marc Ferro.
    Dominique Baudis.
    Frédéric Mitterrand.
    Jean-Jacques Servan-Schreiber.
    Christine Angot.
    Jean-François Revel.
    Philippe Alexandre.
    Alain Duhamel.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240506-bernard-pivot.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/bernard-pivot-l-incarnation-de-la-254539

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/06/article-sr-20240506-bernard-pivot.html



     

  • Il y a 30 ans, le Tunnel sous la Manche

    Prouesse technique mais aussi politique, l'ouvrage relie la Grande-Bretagne à l'Europe plus solidement que les liens juridiques qui pouvaient les unir au sein de l'Union Européenne entre 1973 et 2020. La liaison Paris-Londres ne dure plus que 2 heures 15, le temps mis parfois pour traverser la seule capitale française aujourd'hui.

     

     
     


    Serpent de mer depuis plus de deux siècles, le Tunnel sous la Manche a été inauguré en grandes pompes à Calais il y a trente ans, le 6 mai 1994. François Mitterrand, Président de la République française, et la reine du Royaume-Uni Élisabeth II étaient au rendez-vous de cette célébration d'un ouvrage exceptionnel qui unit non seulement la Grande-Bretagne et la France, malgré les vicissitudes historiques, mais aussi la Grande-Bretagne et tout le continent européen (ou le continent britannique et toute l'île européenne). Il est ouvert au service commercial depuis le 1er juin 1994 avec l'exploitation de la ligne TGV Eurostar (LeShuttle).

    Le Chunnel (Channel Tunnel) s'étend d'une longueur de 50,5 kilomètres (31,4 miles), dont 37,9 sous la mer (23,5 miles), ce qui en fait le plus long tunnel sous-marin du monde (mais pas le plus long tunnel du monde : le Tunnel du Seikan entre Honshu et Hokkaido fait 53,9 kilomètres de long). Il est composé de trois tubes, deux tubes ferroviaires de diamètre 7,6 mètres et un tube de service de diamètre 4,8 mètres, reliés régulièrement. Chaque tube contient une voie ferrée (un dans chaque sens). Si les extrémités du tunnel correspondent à des autoroutes (l'A16 à Coquelles en France, qui va vers Amiens, et la M20 à Folkestone en Angleterre, qui va vers Londres), il n'est pas possible de rouler soi-même dans le tunnel qui reste un transport exclusivement ferroviaire, desservi, pour les automobilistes, par le service navette d'Eurotunnel (la traversée dure environ 35 minutes).

    Le génial Georges Méliès a réalisé un court-métrage, "Le Tunnel sous la Manche ou le Cauchemar franco-anglais" (sorti le 30 juin 1907), où le roi Édouard VII et le Président français Armand Fallières rêvaient d'un tunnel mais le rêve est devenu cauchemar avec la collisions de deux trains et la destruction du tunnel... mais ce n'était qu'un film fantastique ! L'ouvrage réel n'a pas connu cet angoissant cauchemar et est à la fois un exploit technologique et un exploit politique.

    L'exploit politique n'est pas mince. Les Anglais n'étaient pas mécontents d'avoir la Manche comme rempart face aux éventuelles invasions continentales. Les guerres napoléoniennes n'ont pas contribué à vouloir unifier ces deux parties d'Europe. Le premier accord politique a eu lieu autour d'un projet technique commun approuvé par la reine Victoria et l'empereur Napoléon III en 1867, mais la guerre et la chute de l'empire français n'ont pas permis d'y donner suite. C'est dans l'impulsion du Traite de Rome, que l'idée politique a fait son cheminement.

    Un groupe d'études a même été lancé le 26 juillet 1957 et les deux gouvernements britanniques et français ont lancé un appel d'offres dix ans plus tard. Peu avant, on retrouvait dans la célèbre bande dessinée Astérix ("Astérix chez les Bretons", histoire publiée dans "Pilote" du 9 septembre 1965 au 17 mars 1966) un allusion d'Obélix à ce tunnel, et le héros grand-breton Jolitorax se contentant de dire : « On en parle chez nous, de ce tunnel; on a même commencé à le creuser mais ça risque d'être assez long. Plutôt. ». Un maître d'œuvre a été désigné le 22 mars 1971, et un traité a même été prévu entre les deux pays (le Traité de Chequers signé le 17 novembre 1973 par Michel Jobert et Alec Douglas Home) pour assurer l'aspect juridique des travaux, mais le gouvernement britannique (travailliste) a dû abandonner l'idée le 20 janvier 1975 (alors que le Royaume-Uni venait d'adhérer à la Communauté Économique Européenne) en raison de la grave crise économique qui a secoué la Grande-Bretagne.

     

     
     


    C'est l'arrivée de François Mitterrand à l'Élysée qui a relancé la machine (le nouveau Président ne se préoccupant pas nécessairement de la bonne gestion des finances publiques !). C'est surtout son Ministre d'État, Ministre des Transports, le communiste Charles Fiterman qui lui a soufflé l'idée de relancer le projet pour consolider l'amitié franco-britannique à la veille du premier sommet franco-britannique du septennat les 10 et 11 septembre 1981. Pour François Mitterrand, c'était aussi l'occasion de réaffirmer sa foi en l'Europe, avec une construction concrète. Le choix d'un tunnel uniquement ferroviaire a été fait. Margaret Thatcher, qui se méfiait des syndicalistes de la British Rail, aurait toutefois préféré un tunnel autoroutier.

    Quatre projets techniques ont été proposés dont certains qui étaient un "assortiment" de pont et de tunnel, et le choix d'Eurotunnel a été fait le 20 janvier 1986 (par François Mitterrand et Margaret Thatcher), reprenant le projet initial des années 1960-1970 à base de deux tubes plus un, pour un coût estimé (!) de 30 milliards de francs, soit 4,3 milliards d'euros (c'était aussi le moins cher à l'origine). Le Traité de Canterbury, signé le 12 février 1986, finalisait l'ensemble du projet et de la coopération franco-britannique (en définissant en particulier la frontière entre les deux pays), puis l'Accord de concession du Tunnel sous la Manche signé le 14 mars 1986 à Paris, pour une durée initiale de cinquante-cinq ans, prolongée de dix ans le 5 février 1994, puis de trente-cinq ans le 12 juillet 1999, soit une durée totale de quatre-vingt-dix-neuf ans.


    Au-delà des choix techniques, il y a eu beaucoup de différends stratégiques à régler entre les deux pays avant d'aboutir à un accord. En particulier, Margaret Thatcher refusait toute intervention pécuniaire des États dans l'affaire et en particulier, refusait de donner une garantie financière des deux États au consortium chargé de réaliser le tunnel (Eurotunnel).

    L'exploit technologique de relier sous la mer les deux rives est évident. L'idée d'origine viendrait du géographe Nicolas Desmarest en 1750, puis plusieurs autres projets ont vu le jour, surtout intellectuellement. Celui d'Eurotunnel visait à creuser trois tubes, deux tubes d'exploitation, un pour chaque sens, un voie ferrée dans chaque tube, et un tube de service pour la sécurité et la maintenance.

    Les travaux ont duré six ans, entre le 15 décembre 1987 et le 10 décembre 1993. Il y a eu beaucoup de problèmes techniques à résoudre au cours de l'évolution du chantier (étanchéité d'eau, de pression, alimentation en air, en énergie, nature des couches géologiques, sécurité incendie, etc.). Il a fallu creuser jusqu'à 75 mètres sous le niveau de la mer, dans une couche de craie formée il y a 100 millions d'années.
     

     
     


    Onze tunneliers, chacun de plus d'un millier de tonnes en moyenne (à eux onze, ils pesaient plus que la Tour Eiffel), ont été mobilisés pour creuser au rythme de 76 mètres par jour (ce genre de machines est utilisé en ce moment dans les travaux du Grand Paris, en particulier pour la ligne 18 qui reliera Orly à Saclay en 2026, puis Versailles en 2030). 30 000 personnes, des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers, ont participé à la construction de l'ouvrage. Margaret Thatcher a encouragé la reconversion des mineurs dans ce projet pharaonique après la fermeture des mines de charbon. Pour l'anecdote, Eurotunnel a vendu l'un de ses tunneliers (de 580 tonnes) en avril 2004 à la société eBay pour la modique somme de 40 000 livres sterling.

    La première jonction franco-britannique dans le tunnel de service (chacun creusant depuis son pays) a eu lieu le 1er décembre 1990 à 12 heures 12 par le Français Philippe Cozette et l'Anglais Graham Fagg ; les deux ouvriers du chantier se sont serré la main pour symboliser le lien nouveau qui unit désormais les deux pays. La jonction des deux tunnels d'exploitation a eu lieu en mai et en juin 1991.


    Plusieurs types de lignes sont exploitées dans le tunnel : des TGV uniquement de voyageurs, d'autres pour des automobilistes et leur véhicule, d'autres pour acheminer les camions ou les marchandises plus généralement. La vitesse maximale autorisée dans le tunnel est de 160 kilomètres par heure, ce qui fait une durée moyenne de 35 minutes. Plus de 300 trains empruntent le tunnel chaque jour, soit un train toutes les trois minutes. 21 millions de personnes traversent le tunnel chaque année.

    Le 27 juin 2006, Eurotunnel a célébré la traversée du 100 millionième voyageur. En juillet 2010, c'était celle du 250 millionième voyageur. En 2013, le tunnel a fait traverser 2,5 millions de véhicules de tourisme et 1,4 million de camions. 325 millions de voyageurs ont utilisé le tunnel dans les vingt premières années d'exploitation (soit près de cinq fois la population française). Pas seulement les humains : le 18 mai 2017, LeShuttle (le train d'Eurostar) a transporté son deux millionième animal de compagnie depuis que c'est possible en 2000 avec le Pet Travel Scheme.

    L'aspect financier a souvent été pointé du doigt car le Tunnel sous la Manche a été un gouffre financier, et si le choix de faire un tunnel exclusivement ferroviaire était une préférence française, celui de renoncer à toute subvention publique était une préférence britannique. Ce qui fait que les contribuables n'ont (finalement) pas été lésés ; en revanche, les actionnaires, si.

    En tout, la construction du tunnel a coûté 12,5 milliards d'euros (au lieu des 4 prévus, soit trois fois plus cher). En novembre 1987, l'action d'Eurotunnel était proposée au prix de 35 francs (5,34 euros). La rentabilité a été beaucoup plus longue que prévue car en 1995, le trafic était prévu à 30 millions de passagers chaque année et il n'était en fait que de 7 millions. Le prix de l'action a donc sans cesse chuté, aussi en raison des surcoûts des travaux, si bien qu'il était à moins de 1 euro en 1996. De nombreux "petits" actionnaires ont perdu leur investissement, parfois toutes leurs économies. Mais les patients ont quand même gagné, puisque Eurotunnel a réalisé son premier bénéfice en 2008 avec 40 millions d'euros de résultat net, ce qui a permis le versement aux actionnaires, pour la première fois, d'un dividende de 0,40 euro par action. Eurotunnel a franchi le milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2013 avec un bénéfice de 101 millions d'euros.

    Le Tunnel sous la Manche a complètement changé les habitudes des Européens, et surtout des Britanniques (très majoritairement les usagers), en rapprochant le continent de l'île. Et paradoxalement, son exploitation n'a pas réduit les activités maritimes dans la Manche. C'est un exemple du triomphe de l'humain sur la Nature... mais aussi de l'humain sur lui-même, car il a fallu d'abord se faire confiance mutuellement et considérer que jamais plus il n'y aura de guerre entre la France et la Grande-Bretagne.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 mai 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le Tunnel sous la Manche.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Il y a 20 ans, l'élargissement de l'Union Européenne.
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    Jacques Delors : il nous a juste passé le relais !
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
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    Relance européenne : le 21 juillet 2020, une étape historique !


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240506-tunnel-sous-la-manche.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/il-y-a-30-ans-le-tunnel-sous-la-254305

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/05/05/article-sr-20240506-tunnel-sous-la-manche.html