Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 3

  • Anatole France, figure marquante de la Troisième République

    « Son œuvre ne surprit que doucement et agréablement par le contraste rafraîchissant d’une manière si mesurée avec les styles éclatants ou fort complexes qui s’élaboraient de toutes parts. Il sembla que l’aisance, la clarté, la simplicité, revenaient sur la Terre. Ce sont des déesses qui plaisent à la plupart. On aima tout de suite un langage qu’on pouvait goûter sans y trop penser, qui séduisait par une apparence si naturelle, et de qui la limpidité, sans doute, laissait transparaître parfois une arrière-pensée, mais non mystérieuse ; mais au contraire, toujours bien lisible, sinon toujours toute rassurante. Il y avait dans ses livres un art consommé de l’effleurement des idées et des problèmes les plus graves. Rien n’y arrêtait le regard, si ce n’est la merveille même de n’y trouver nulle résistance. Quoi de plus précieux que l’illusion délicieuse de la clarté qui nous donne le sentiment de nous enrichir sans effort, de goûter du plaisir sans peine, de comprendre sans attention, de jouir du spectacle sans payer ? Heureux les écrivains qui nous ôtent le poids de la pensée et qui tissent d’un doigt léger un lumineux déguisement de la complexité des choses ! » (Paul Valéry sur Anatole France, le 23 juin 1927 à l'Académie française).


     

     
     


    Avant-hier, c'était l'attribution du Prix Nobel de Littérature 2024 (à l'écrivaine sud-coréenne Han Kang). Un de ses lointains prédécesseurs, celui de 1921, était Anatole France. Il est mort il y a exactement cent ans, le 12 octobre 1924 à l'âge de 80 ans (il est né le 16 avril 1844 ; les hasards des nombres s'entrechoquent avec l'actualité, car Michel Blanc est né aussi un 16 avril). À l'annonce de sa mort, l'ancien et futur Président du Conseil Paul Painlevé, alors Président de la Chambre des députés, a exprimé ainsi son émotion : « Le niveau de l'intelligence humaine a baissé cette nuit-là. ».

    Pour son 80e anniversaire, le Cartel des gauches, qui venait de gagner les élections, a célébré le 24 mai 1924 le grand écrivain place du Trocadéro à Paris. À la mort, son corps, embaumé, fut exposé au public (reçut la visite du Président du Conseil Édouard Herriot et du Président de la République Gaston Doumergue le 17 octobre 1924) et il bénéficia d'obsèques quasi-nationales à Paris.

    Anatole France, également membre de l'Académie française, a marqué son temps avec ses œuvres littéraires, principalement des romans, mais aussi de la poésie et du théâtre ; il était aussi critique littéraire et journaliste (il a travaillé pour "Temps", "L'Union", "L'Humanité" et "Le Figaro"), et aussi collectionneur d'art. Il faut rappeler que la France est le pays qui compte le plus de Prix Nobel de Littérature (le dernier Français en date est la Française Annie Ernaux).

    Le bien nommé écrivain de langue française Anatole France m'a toujours fasciné, ne serait-ce que parce qu'on avait baptisé de son nom l'avenue la plus large de mon quartier quand j'étais enfant. Je la traversais souvent. Quand vous êtes petit et que vous comprenez peu les choses des grandes personnes, l'univers des noms de rue qui vous entourent est essentiel dans votre éveil intellectuel. Évoluer aux côtés d'Anatole France, Verlaine, Coriolis, Hoche, Gambetta, Charlemagne, Thiers, La Fayette, les Goncourt, etc., ça peut vous donner des envies de vous cultiver, même à 7-8 ans. Il faut dire que la plupart des noms de rues honorent des personnalités de la Troisième République, et Anatole France fut un de ces grands maîtres de la République-là.

    France n'était pas vraiment un patronyme. Son père s'appelait Noël Thibault (1805-1890), analphabète à 20 ans mais ensuite, propriétaire d'une librairie parisienne (appelée France-Thibault puis France) que fréquentaient de nombreux érudits, écrivains, journalistes, etc. notamment les frères Goncourt, parce qu'elle proposait des documents historiques de la période révolutionnaire.

    À l'origine, Anatole France aurait dû reprendre l'affaire paternelle et faire une belle carrière de libraire. Son père ne croyait pas du tout en l'avenir de ses premiers écrits. Ses premiers métiers furent néanmoins libraire et bibliothécaire et il a commencé dans la littérature en rédigeant des poèmes par amour pour une femme inaccessible (une jeune et belle actrice).

    Sa notoriété littéraire a débuté avec son roman "Le Crime de Sylvestre Bonnard" en 1881 (il a eu un prix de l'Académie française pour l'occasion). L'encyclopédie
    Wikipédia explique doctement que cette « œuvre [fut] remarquée pour son style optimiste et parfois féerique, tranchant avec le naturalisme qui [régnait] alors ». Il fut alors un écrivain prolifique (le site de l'Académie française a inventorié plus de 90 livres publiés entre 1859 et 1922 !), riche, très influent car devenu également critique littéraire, aux idées politiques plus ou moins vagues, plus ou moins conservatrices, d'abord opposé au général Boulanger, puis séduit par lui puis enfin déçu par lui.
     

     
     


    Pourrait-on même dire qu'il était l'équivalent de Jean-Paul Sartre ? C'est difficile de faire des comparaisons hors contexte, qui sont toujours foireuses, mais Anatole France n'était pas seulement un grand écrivain, il était un homme engagé, surtout, une conscience républicaine, comme la Troisième République savait en sécréter et savait les aimer et les honorer. Il était certes contemporain de Victor Hugo (inégalable écrivain du XIXe siècle), mais sans lui les quasiment trente dernières années de sa vie (Victor Hugo est mort en 1885). Ainsi, Anatole France a été membre de la Ligue des droits de l'homme, premier président du PEN Club français de 1921 à 1924 (son successeur est un autre écrivain emblématique de la Troisième République, Paul Valéry), une société savante international qui, depuis la fin de la guerre, promeut la liberté d'expression et les intérêts des écrivains, éditeurs, traducteurs, journalistes (élargi à blogueurs de nos jours), etc. (PEN signifie Poètes Essayistes Nouvellistes).

    Il a rejoint Émile Zola durant
    l'Affaire Dreyfus (il a déposé devant le tribunal le 19 février 1898 comme témoin de moralité d'Émile Zola, a rendu sa Légion d'honneur lorsqu'on a retiré à Émile Zola la sienne, etc.), a dénoncé le génocide arménien, et, plus généralement, a soutenu de nombreuses causes politiques au fil de son existence (il s'est rapproché de Jean Jaurès, a promu la laïcité, les droits syndicaux, s'est opposé à la politique coloniale, etc.).

    Comme signalé au début, Anatole France a été élu à l'Académie française le 23 janvier 1896 au fauteuil 38. Il a succédé à Ferdinand de Lesseps qui venait de mourir le 7 décembre 1894, mais aussi à Adolphe Thiers et Henri Martin. Il a été reçu sous la Coupole le 24 décembre 1896 par le pédagogue Octave Gréard, futur vice-recteur de Paris. Son successeur direct fut Paul Valéry, puis Henri Mondor, et l'avant-dernier,
    François Jacob. Il a rendu un hommage remarqué à Émile Zola et à Ernest Renan.

    Longtemps parmi les "candidats" potentiels aux Nobels (cité en 1904, 1909, 1910, 1911, 1912, 1913, 1915 et 1916), Anatole France fut désigné Prix Nobel de Littérature en 1921 « en reconnaissance de ses brillantes œuvres littéraires, caractérisées par une noblesse de style, une profonde sympathie humaine, de la grâce et un véritable tempérament gaulois ».


    Parmi les adjectifs qui peuvent le mieux qualifier Anatole France, il y a bien sûr indépendant, intellectuellement indépendant. Lorsqu'il l'a reçu à l'Académie française le 24 décembre 1896, Octave Gréard lui a déclaré entre autres : « L’œuvre de la raison humaine, quelques fins qu’elle poursuive, est pour vous inviolable. Vous n’y souffrez ni limites ni entraves. Que si certaines philosophies ne peuvent entrer dans l’ordre des faits que sous une forme dangereuse pour la société, il faut les châtier, dès qu’elles se traduisent en actes : la vie doit s’appuyer sur une morale simple et précise. Mais les droits de la pensée n’en demeurent pas moins intangibles. La pensée porte en elle-même sa légitimité. Ne disons jamais qu’elle est immorale. Elle plane au-dessus de toutes les morales. L’homme ne serait pas l’homme, s’il ne pensait librement. Cette indépendance sans réserve que vous revendiquez pour tous, vous la pratiquez pour vous. À vingt ans, vous vous plaigniez naïvement de n’avoir pas trouvé une explication du monde, en une matinée, sous les platanes du Luxembourg. Et la joie vous transporte, quand, quelques années après, à la lumière des idées de Darwin, vous croyez avoir surpris le plan divin. Ce n’était qu’une étape vers la religion d’Épicure, où votre esprit a trouvé l’apaisement, sinon le repos. Le monde n’est qu’un assemblage de phénomènes, la vie un perpétuel écoulement. Mesurée, discrète, sans aucun sacrifice de sincérité, mais toujours élevée dans l’expression, partout où vous la prenez directement à votre compte, l’apologie de la doctrine, lorsque vous la confiez à l’abbé Jérôme Coignard, se donne carrière sans ménagement ni scrupule. ».
     

     
     


    Dans les faits, Anatole France a eu une sorte de consécration inversée : le 31 mai 1922, l'ensemble de son œuvre a été frappée d'une condamnation papale. De même, le mouvement surréaliste a beaucoup critiqué l'œuvre d'Anatole France, en particulier Louis Aragon : « Je tiens tout admirateur d'Anatole France pour un être dégradé. ». Selon l'agrégé de lettres classiques Claude Aziza : « La réputation de France devient ainsi celle d’un écrivain officiel au style classique et superficiel, auteur raisonnable et conciliant, complaisant et satisfait, voire niais, toutes qualités médiocres que semble incarner le personnage de M. Bergeret. Mais nombre de spécialistes de l’œuvre de France considèrent que ces jugements sont excessifs et injustes, ou qu’ils sont même le fruit de l’ignorance, car ils en négligent les éléments magiques, déraisonnables, bouffons, noirs ou païens. Pour eux, l’œuvre de France a souffert et souffre encore d’une image fallacieuse. D'ailleurs M. Bergeret est tout le contraire d'un conformiste. On lui reproche toujours de ne rien faire comme tout le monde, il soumet tout à l'esprit d'examen, s'oppose fermement, malgré sa timidité, aux notables de province au milieu desquels il vit, il est l'un des deux seuls dreyfusistes de sa petite ville… » (Wikipédia). M. Bergeret est le personnage central de "Monsieur Bergeret à Paris" (sorti en 1901).

    Dans son hommage à Anatole France, Paul Valéry a jugé son œuvre littéraire ainsi : « C’est qu’il y avait en lui une souplesse et une diversité essentielles. Il y avait du spirituel et du sensuel, du détachement et du désir, une grande et ardente curiosité traversée de profonds dégoûts, une certaine complaisance dans la paresse ; mais paresse songeuse, paresse aux immenses lectures et qui se distingue mal de l’étude, paresse tout apparente, pareille au repos d’une liqueur trop enrichie de substance et qui, dans ce calme, se fait mère de cristaux aux formes parfaites. Tant de connaissances accumulées, tant d’idées qu’il avait acquises n’étaient pas quelquefois sans lui nuire extérieurement. Il étonnait, il scandalisait sans effort des personnes moins variées. Il concevait une quantité de doctrines qui se réfutaient l’une dans l’autre dans son esprit. Il ne se fixait que dans les choses qu’il trouvait belles ou délicieuses, et il ne retenait en soi que des certitudes d’artiste. Ses habitudes, ses pensées, ses opinions, la politique enfin qu’il a suivie se composaient dans une harmonie assez complexe qui n’a pas laissé d’émerveiller ou d’embarrasser quelques-uns. Mais qu’est-ce qu’un esprit de qui les pensées ne s’opposent aux pensées, et qui ne place son pouvoir de penser au-dessus de toute pensée ? Un esprit qui ne se déjoue, et ne s’évade vivement de ses jugements à peine formés, et ne les déconcerte de ses traits, mérite-t-il le nom d’esprit ? Tout homme qui vaut quelque chose dans l’ordre de la compréhension, ne vaut que par un trésor de sentiments contradictoires, ou que nous croyons contradictoires. Nous exprimons si grossièrement ce qui nous apparaît des autres humains qu’à peine nous semblent-ils plus divers et plus libres que nous-mêmes, aussitôt, nos paroles qui essayent de les décrire, se contrarient et nous attribuons à des êtres vivants, une monstrueuse nature que nos faibles expressions viennent de nous construire. Admirons au contraire cette grande capacité de contrastes. Il faut considérer avec une attention curieuse, cette nature d’oisif, ce liseur infini, produire une œuvre considérable ; ce tempérament assez voluptueux s’astreindre à l’ennui d’une tâche constante ; cet hésitant, qui s’avance comme à tâtons dans la vie, procéder de sa modestie première, s’élever au sommet par des mouvements indécis ; ce balbutiant, en venir à déclarer même violemment les choses les plus hardies ; cet homme d’esprit, et d’un esprit si nuancé, s’accommoder d’être simplifié par la gloire et de revêtir dans l’opinion des couleurs assez crues ; ce modéré et ce tempéré par excellence, prendre parti, avec une si grande et étonnante vigueur dans les dissensions de son temps ; cet amateur si délicat faire figure d’ami du peuple, et davantage, l’être de cœur et tout à fait sincèrement. ».


    Et d'ajouter : « Sceptique et satirique devait être un esprit que distinguait son extrême avidité de tout connaître. Son immense culture lui fournissait abondamment les moyens de désenchanter. Il rendait aisément mythique et barbare toute forme sociale. Nos usages les plus respectables, nos convictions les plus sacrées, nos ornements les plus dignes, tout était invité, par l’esprit érudit et ingénieux, à se placer dans une collection ethnographique, à se ranger avec les taboos, les talismans, les amulettes des tribus ; parmi les oripeaux et les dépouilles des civilisations déjà surmontées et tombées au pouvoir de la curiosité. Ce sont des armes invincibles que l’esprit de satire trouve dans les collections et les vestiges. Il n’est de doctrine, d’institution, de sociétés ni de régimes sur qui ne pèse une somme de gênants souvenirs, de fautes incontestables, d’erreurs, de variations embarrassantes, et parfois des commencements injustes ou des origines peu glorieuses que n’aiment point les grandeurs et les prétentions ultérieures. Les lois, les mœurs, les institutions sont l’ordinaire et délectable proie des critiques du genre humain. Ce n’est qu’un jeu que de tourmenter ces entités considérables et imparfaites que poursuit d’âge en âge la tradition de les harceler. Il est doux, il est facile, périlleux quelquefois, de les obséder d’ironies. Le plaisir de ne rien respecter est le plus enivrant pour certaines âmes. Un écrivain qui le dispense aux amateurs de son esprit les associe et les ravit à sa lucidité impitoyable, et il les rend avec délices semblables à des dieux, méprisant le bien et le mal. ».
     

     
     


    Je propose ici quelques extraits de l'œuvre d'Anatole France.

    Sur la vie humaine : « Plus je songe à la vie humaine, plus je crois qu'il faut lui donner pour témoins et pour juges l'Ironie et la Pitié. L'Ironie et la Pitié sont deux bonnes conseillères; l'une, en souriant, nous rend la vie aimable, l'autre, qui pleure, nous la rend sacrée. L'Ironie que j'invoque n'est point cruelle. Elle ne raille ni l'amour ni la beauté. Elle est douce et bienveillante. Son rire calme la colère, et c'est elle qui nous enseigne à nous moquer des méchants et des sots que nous pourrions, sans elle, avoir la faiblesse de haïr. ».

    Sur la pensée par soi-même : « À mesure qu'on avance dans la vie, on s'aperçoit que le courage le plus rare est celui de penser. ».

    Sur la curiosité : « Pour digérer le savoir, il faut l’avoir avalé avec appétit. ».

    Sur l'enseignement : « Tout l'art d'enseigner se résume à éveiller la curiosité naturelle des jeunes esprits pour la satisfaire ensuite. ».

    Sur l'action politique : « Il est dans la nature humaine de penser sagement et d'agir d'une façon absurde. ».

    Sur la guerre : « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des industriels. ».

    Clivage : « J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence. ».

    Dans "Jocaste et le Chat maigre" (1879) : « Il n'aimait pas ces courses au vent et à la pluie. Pour s'en dispenser, il se faisait admettre par ses grimaces à l'infirmerie, où il se pelotonnait sous ses couvertures comme un boa dans une vitrine de muséum. ».

    Dans "La Rôtisserie de la reine Pétauque" (1892), des prémices véganes : « Un honnête homme ne peut sans dégoût manger la chair des animaux et les peuples ne peuvent se dire polis tant qu'ils auront dans leurs villes des abattoirs et des boucheries. Mais nous saurons un jour nous débarrasser de ces industries barbares. ».

    Dans "Le Jardin d'Épicure" (1894) : « Nous appelons dangereux ceux qui ont l'esprit fait autrement que le nôtre et immoraux ceux qui n'ont point notre morale. Nous appelons sceptiques ceux qui n'ont point nos propres illusions, sans même nous inquiéter s'ils en ont d'autres. ». Et aussi : « L'espèce humaine n'est pas susceptible d'un progrès indéfini. Il a fallu pour qu'elle se développât que la terre fût dans de certaines conditions physiques et chimiques qui ne sont point stables. Il fut un temps où notre planète ne convenait pas à l'homme : elle était trop chaude et trop humide. Il viendra un temps où elle ne lui conviendra plus : elle sera trop froide et trop sèche. Quand le soleil s'éteindra, ce qui ne peut manquer, les hommes auront disparu depuis longtemps. Les derniers seront aussi dénués et stupides qu'étaient les premiers. Ils auront oublié tous les arts et toutes les sciences, ils s'étendront misérablement dans des cavernes, au bord des glaciers qui rouleront alors leurs blocs transparents sur les ruines effacées des villes où maintenant on pense, on aime, on souffre, on espère. ».

    Dans "Crainquebille" (1904), apologie pour le président Bourriche : « Ce dont il faut louer le président Bourriche, lui dit-il, c’est d’avoir su se défendre des vaines curiosités de l’esprit et se garder de cet orgueil intellectuel qui veut tout connaître. En opposant l’une à l’autre les dépositions contradictoires de l’agent Matra et du docteur David Matthieu, le juge serait entré dans une voie où l’on ne rencontre que le doute et l’incertitude. La méthode qui consiste à examiner les faits selon les règles de la critique est inconciliable avec la bonne administration de la justice. Si le magistrat avait l’imprudence de suivre cette méthode, ses jugements dépendraient de sa sagacité personnelle, qui le plus souvent est petite, et de l’infirmité humaine, qui est constante. Quelle en serait l’autorité ? On ne peut nier que la méthode historique est tout à fait impropre à lui procurer les certitudes dont il a besoin. ».

    Dans "L'Île des pingouins" (1908) : « Sans doute les raisons scientifiques de préférer un témoignage à un autre sont parfois très fortes. Elles ne le sont jamais assez pour l'emporter sur nos passions, nos préjugés, nos intérêts, ni pour vaincre cette légèreté d'esprit commune à tous les hommes graves. En sorte que nous présentons constamment les faits d'une manière intéressée ou frivole. ». Compétence politique : « Il a déjà trahi son parti pour un plat de riz. C’est l’homme qu’il nous faut ! » (On dirait de nos jours "pour un plat de lentilles", cf
    Olivier Faure vendu à Jean-Luc Mélenchon).

    Dans "Les Dieux ont soif" (1912), sur le vivre ensemble : « La nature nous enseigne à nous entre-dévorer et elle nous donne l'exemple de tous les crimes et de tous les vices que l'état social corrige ou dissimule. On doit aimer la vertu ; mais il est bon de savoir que c'est un simple expédient imaginé par les hommes pour vivre commodément ensemble. Ce que nous appelons la morale est une entreprise désespérée de nos semblables contre l'ordre universel, qui est la lutte, le carnage et l'aveugle jeu de forces contraires. Elle se détruit elle-même et plus j'y pense, plus je me persuade que l'univers est enragé. ».


    Dans "La Révolte des anges" (1914) : « Il faut aimer qui nous aime. La souffrance nous aime et s'attache à nous. Il faut l'aimer si l'on veut supporter la vie ; et c'est la force et la bonté du christianisme de l'avoir compris... Hélas! je n'ai pas la foi, et c'est ce qui me désespère. ».

    Et je conclus par l'amour de la langue. Dans "Les Matinées de la Villa Saïd" (sorti en 1921 chez Grasset), Anatole France a déclaré son amour au français (un tantinet sexiste !) : « La langue française est une femme. Et cette femme est si belle, si fière, si modeste, si hardie, touchante, voluptueuse, chaste, noble, familière, folle, sage, qu'on l'aime de toute son âme, et qu'on n'est jamais tenté de lui être infidèle. ». Anatole a aussi écrit : « Un dictionnaire, c'est l'univers par ordre alphabétique. ». Qu'il puisse faire des émules, qu'on puisse toujours chérir la langue française et surtout la respecter sans trop l'estropier !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Anatole France.
    Alexandre Dumas fils.
    François Guizot.
    Laura Blajma-kadar.
    Jean-Pierre Elkabbach.
    Jean-Louis Debré.
    Brigitte Bardot.
    Édouard Philippe.
    Edgar Morin.
    Bernard Pivot.
    Yves Duteil.
    Pierre Perret.
    Françoise Hardy.
    Paul Auster.
    Christine Ockrent.
    Dominique Baudis.
    Racine.
    Molière.
    Frédéric Dard.
    Alfred Sauvy.
    George Steiner.
    Françoise Sagan.
    Jean d’Ormesson.
    Les 90 ans de Jean d’O.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241012-anatole-france.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/anatole-france-figure-marquante-de-257035

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/12/article-sr-20241012-anatole-france.html



     

  • Michel Blanc, grosse fatigue sur un malentendu

    « Michel Blanc avait endossé ses premiers rôles mythiques aux côtés de la troupe du Splendid, pour composer ensuite des personnages plus troubles, glaçants ou lâches, vaincus par leurs fragilités. Sa disparition (…) est celle d’un grand acteur du cinéma populaire qui osait prêter son talent à l’exploration, lumineuse ou sombre, comique ou tragique, de nos vagues à l’âme. (…) Michel Blanc inventa (…) un personnage de séducteur sans succès (…), un "Bronzé" à la silhouette étriquée, hypocondriaque et désarmant, irrésistible dans sa gaucherie et touchant dans ses illusions brisées. (…) S’il joua toute sa vie des hommes qui ne s’aimaient pas, Michel Blanc pouvait compter depuis cinquante ans sur l’amour du public. » (Communiqué de l'Élysée, le 4 octobre 2024).


     

     
     


    En présence de Brigitte Macron, de Rachida Dati et de très nombreuses personnalités du monde de la culture, les obsèques de l'acteur et réalisateur Michel Blanc ont été célébrées ce jeudi 10 octobre 2024 à l'église Saint-Eustache de Paris, en plein centre de Paris, sa paroisse, celle des artistes et celle aussi de la soupe populaire. 700 places étaient réservées dans l'église et malgré la pluie, des centaines de personnes étaient venues pour lui rendre hommage, des hommes du peuple, à l'extérieur.

    La mort brutale de Michel Blanc le 3 octobre 2024 à l'âge de 72 ans a profondément ému le pays. Il n'était pas une star, ou plutôt, il ne jouait pas à la star, il était resté simple, mais il faisait partie de la vie de ces Français qui ont grandi et vieilli avec lui, depuis les années 1970. Un anti-héros, quelqu'un qui n'avait jamais d'autorité, pas de chance, angoissé... ces personnages peu valorisants, Michel Blanc les regrettait et les appréciait, cela lui a fait sa notoriété, mais il voulait aussi s'en dégager pour vivre des rôles plus différents, plus diversifiés, comme dans "Monsieur Hire" ou encore "L'Exercice de l'État".

    C'est presque un comble. Michel Blanc n'était pas in articulo mortis, il était en forme. Hypocondriaque (dans la vraie vie), il craignait de tomber malade. Il est mort brutalement, d'un effet pas de chance de sa santé. Précisons que la manière de mourir fait partie de la vie privée et même du secret médical. Néanmoins, il faut préciser que pendant un jour, certains médias ont répété, parfois par l'affirmative, que Michel Blanc serait mort d'un choc anaphylactique dû à une allergie après l'injection d'un produit de contraste pour faire un scanner ou une IRM. C'était faux et cela a rendu très difficile la relation des radiologues avec leurs patients ce jour-là (vendredi dernier), en faisant naître la peur d'avoir une telle allergie (ultra-rare). Cette allergie seraient plutôt consécutive à la prise d'un antibiotique dans la matinée. Le choc anaphylactique aurait pris la forme d'un œdème de Quincke qui aurait provoqué un malaise cardiaque.
     

     
     


    La disparition montre à quel point il pouvait être familier. Peut-être que le meilleur rapport implicite, c'était de l'avoir toujours considéré comme un copain, un peu collant, un peu énervant, mais indispensable, attachant, comme dans "Viens chez moi, j'habite chez une copine" (avec le regretté Bernard Giraudeau et l'éblouissante Thérèse Liotard). L'émotion, c'est aussi parce Michel Blanc a eu l'audace d'être le premier de la bande du Splendid à sortir, à partir, sans crier gare. On est loin de la réaction à la disparition d'Alain Delon, pourtant véritable monstre du cinéma. Emmanuel Macron a parlé de Michel Blanc comme d'un « monument du cinéma français », je préciserai : un monument populaire car aimé de tous.
     

     
     


    Cet humour du Splendid au cinéma, nouveau à l'époque et toujours aussi vivant, qui n'a pas pris une seule ride malgré plus de quarante-cinq ans d'âge, basé sur des chroniques sociales, des enjeux de société (vacances, amour, logement, chômage, petits boulots, etc.), après les grands comiques qui étaient partis depuis longtemps (Fernandel, Bourvil, Louis de Funès, Coluche, etc., sauf Michel Serrault). De plus, c'est rare, au cinéma, le fait d'avoir eu une troupe aussi nombreuse et aussi soudée, aussi longtemps, sans empêcher que chacun puisse avoir sa propre carrière solo en même temps.

    Partenaire dans un film, Lio, qui fut la compagne de Michel Blanc au début des années 1990, a témoigné le 4 octobre 2024 sur RTL : « Michel a fait partie d’une parenthèse enchantée de ma vie. Il est vraiment dans mes meilleurs souvenirs (…). Même si je ne le voyais pas et qu’on se parlait peu, chaque fois qu’on se parlait c’était bien. Chaque fois qu’on se croisait, c’était chouette. Je suis très triste (…). C’était un compagnon attentif, qui aimait faire des surprises. La vie avec lui était surprenante. Je n’ai rencontré que des gens intéressants pendant que j’étais avec lui. Il regardait, il était intéressé, il était passionné par l’Angleterre. Il était so British ! C’était un type bien, quoi... ».


    Pourtant, pas d'enfant pour Michel Blanc ; il ne se voyait pas père, il le disait : « Je ne suis pas fait pour être père. Je suis trop gosse moi-même. On ne fait pas élever un enfant par un autre enfant. ».
     

     
     


    Parmi les nombreuses réactions dans les réseaux sociaux et dans les médias, je retiendrai deux extraits de l'interview intéressante de l'émission "Le Divan" diffusée sur FR3 le 11 juin 1988.

    Interrogé par Henry Chapier, Michel Blanc s'est exprimé sans retenue sur la notoriété, la sienne, et celle des autres : « [Ma notoriété ?] Ça change des choses dans la vie, si ! J'espère que ça ne change pas la bête, mais ça change des choses. Parce que je peux vous dire que quand les gens vous reconnaissent dans la rue, quand les gens vous disent "J'aime beaucoup ce que tu fais, ce que vous faites", quand ils vous demandent des autographes, quand ils font tout pour vous faire plaisir quand vous entrez... C'est très injuste ! C'est très injuste ! Vous entrez dans un restaurant, il n'y a pas de place, on vous en trouve une. C'est extraordinaire ! Mais c'est vrai, c'est épouvantable ! Mais bon, moi, j'en suis ravi parce que c'est extrêmement gentil, et puis parce que ça me facilite la vie d'une manière extraordinaire. Mais il y a des moments où je suis gêné parce qu'il y a des endroits où on se dit "non, quand même pas là". Il m'est arrivé d'accompagner une amie aux urgences, dans un service hospitalier, pour un truc qui n'était pas dramatique, et d'un seul coup, de me dire "non, quand même pas là...", il ne faut pas que là, il y ait un passe-droit... Il y a peut-être un type en train de mourir sur un brancard. On ne va pas me dire "je vous en prie, j'aime bien ce que vous faites, vous voulez signer un truc pour mon fils ?". Bon, mais enfin, c'est quand même plutôt agréable en général. Donc, ça change beaucoup de choses ! Finalement, ça révèle, voilà. Ça révèle. C'est-à-dire que les gens qui sont profondément des salopards ou des cons, à partir du moment où on leur donne la possibilité d'épanouir ça, ils n'hésitent pas. Alors, j'espère ne pas tomber là-dedans. ».

    Et il y a parlé aussi de son obsession de la mort : « Oui, c'est cela... La dégénérescence du corps, la maladie, tout ça, oui oui, et la mort au bout... Bien sûr, ce n'est pas une phobie, c'est une obsession. Enfin, chez tout le monde, chez tout le monde. (…) Je suis un surdoué pour ça. Mais c'est vrai que j'y pense tous les jours, un peu. Tous les jours, un peu, oui oui. Par exemple, quand je dis que je sens le besoin de travailler de plus en plus, c'est une forme d'angoisse de l'échéance. C'est qu'on va ramasser les copies, un moment... ». Vox populi, vox dei : apparemment, la copie aura une bonne note !
     

     
     


    Un hommage sera rendu à Michel Blanc lors du Festival Film Courts de Dinan du 20 au 24 novembre 2024, par la projection de l'excellent film "Monsieur Hire" dont le réalisateur Patrice Leconte est également le président de ce festival.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (10 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Authentique névrosé ?
    Marche à l'ombre.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241010-michel-blanc.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/michel-blanc-grosse-fatigue-sur-un-257158

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/10/article-sr-20241010-michel-blanc.html


     

  • L'intelligence artificielle récompensée par les Nobel 2024 de Physique et de Chimie

    « Philosophiquement, intellectuellement, à tout point de vue, la société humaine n'est pas préparée à l'essor de l'intelligence artificielle. (…) Sommes-nous en train de basculer dans une nouvelle phase de l'histoire humaine ? » (Henry Kissinger, en juin 2018).



     

     
     


    Je sais que les sciences, c'est-à-dire, les sciences dures n'ont pas beaucoup de couverture médiatique en France, d'autant plus qu'on vit des moments très troublés d'ordre politique et international. Néanmoins, l'actualité scientifique est un élément important qui préfigure, voire configure notre avenir. Cette semaine est la semaine des attributions des Prix Nobel de 2024. Plutôt que d'insister sur les noms des lauréats, insistons sur les découvertes récompensées.

    Lundi 7 octobre 2024 ont été récompensés du Prix Nobel de Médecine les généticiens américains Victor Ambros et Gary Ruvkun pour leurs travaux sur les micro-ARN et leur rôle dans la régulation génétique. Mercredi 9 octobre 2024 ont été récompensés du Prix Nobel de Chimie les biochimistes américains David Baker, Demis Hassabis et John M. Jumper (anglo-américain) pour leurs travaux sur les protéines, le premier (la moitié du Prix) pour leur conception numérique et les deux autres (chacun un quart du Prix) pour les prédictions de leur structure qui font appel à l'intelligence artificielle.

    J'ai gardé pour la fin le Prix Nobel de Physique attribué le mardi 8 octobre 2024 au physicien américain John Hopfield et au chercheur anglo-canadien Geoffrey Hinton, spécialiste de l'intelligence artificielle, pour leurs travaux sur l'apprentissage automatique à l'aide de réseaux de neurones artificiels. Autant dire que la principale lauréate des Nobel en 2024, du reste non seulement de Physique mais aussi de Chimie, c'est
    l'intelligence artificielle.

    Il faut déjà s'entendre sur les termes. L'expression intelligence artificielle est une pâle traduction de son équivalent anglais, pris dans le sens aussi d'intelligence économique. En fait d'intelligence, la traduction française plus précise serait plutôt veille, on parle de veille économique. C'est sûr que dire veille artificielle serait mal traduire, mais il y a de cela. Je trouve que le mot intelligence de cette expression est pourtant mal défini et induit en erreur. Intellego en latin signifie je comprends.


    En français, la définition de l'intelligence, donnée par Le Robert, est : « faculté de connaître, de comprendre ; qualité de l'esprit qui comprend et s'adapte facilement ». Il y a une autre définition, dans le même sens : « l'ensemble des fonctions mentales ayant pour objet la connaissance rationnelle (opposé à sensation et intuition) ». On y trouve aussi la définition de l'intelligence artificielle : « ensemble des théories et des techniques développant des programmes informatiques complexes capables de simuler certains traits de l'intelligence humaine (raisonnement, apprentissage…) ». Il y a aussi un autre sens, qui n'est pas ici pertinent : « d'intelligence : de connivence, par complicité » (par exemple : intelligence avec l'ennemi).

    Pour reprendre la définition, il faut plus prendre le verbe connaître que le verbe comprendre pour parler d'intelligence artificielle (ce qui ne reprend pas l'étymologie latine du verbe comprendre). L'intelligence artificielle ne comprend rien, elle ne fait qu'accumuler, stocker, structurer et ressortir des connaissances d'un volume et d'une vitesse incomparables avec ce dont est capable l'être humain. En revanche, ce dernier comprend.
     

     
     


    Les travaux sur les réseaux de neurones artificiels, qui viennent d'être récompensés, sont fondamentaux, comme l'a expliqué, le 8 octobre 2024 à Stockholm, la professeure Ellen Moons, présidente du Comité Nobel de Physique : « L'apprentissage est une capacité fascinante du cerveau humain. Nous pouvons reconnaître des images et des paroles et les associer à des souvenirs et à des expériences du passé. Des milliards de neurones nous confèrent des capacités cognitives uniques. Les réseaux de neurones artificiels sont inspirés par ce réseau de neurones dans notre cerveau. Les lauréats du Prix Nobel de Physique de cette année, John Hopfield et Geoffrey Hinton, ont utilisé les concepts des principes fondamentaux de la physique statistique pour concevoir des réseaux de neurones artificiels qui fonctionnent comme des mémoires associatives et trouvent des modèles dans de grands ensemble de données. Ces réseaux de neurones artificiels ont été utilisés pour faire progresser la recherche sur des sujets de physique aussi divers que la physique des particules, les sciences des matériaux et l'astrophysique. Ils sont également devenus une partie de notre vie quotidienne, par exemple, dans la reconnaissance faciale et la traduction linguistique. Les découvertes et inventions des lauréats constituent des éléments constitutifs de l'apprentissage automatique qui peuvent aider les humains à prendre des décisions plus rapides et plus fiables, par exemple lors du diagnostic de problèmes médicaux. Cependant, même si l'apprentissage automatique présente d'immenses avantages, son développement rapide a aussi soulevé des inquiétudes sur notre avenir. Les humains portent collectivement la responsabilité d'utiliser cette nouvelle technologie d'une manière sûre et éthique pour le plus grand bénéfice de l'humanité. ».





    L'intelligence artificielle n'est pas nouvelle, et existe depuis les années 1950, et son principe est d'imiter le cerveau humain par un système de connexions de neurones. Ce qui est nouveau depuis une dizaine voire une vingtaine d'années, c'est qu'on est capable d'avoir un volume des mémoires et une vitesse, une puissance de calcul des microprocesseurs, extraordinaires, ce qui permet aux systèmes de neurones une évolution très rapide.

    Son principe est l'auto-apprentissage, et je me souviens que dans les années 1980, on parlait de système expert pour cela dans les processus de recherche d'erreurs et de solutions. La machine progresse au fur et à mesure de son évolution, de ses erreurs, de ses interactions. C'est cet aspect qui peut faire peur, qui doit faire peur, car cet apprentissage est hors contrôle d'une conscience humaine.
     

     
     


    Comme pour toute innovation scientifique, la question philosophique du bien, du mal, faut-il développer, freiner, n'a pas beaucoup de sens. Qu'on le veuille ou pas, l'intelligence artificielle existe depuis longtemps et surtout, est utilisée depuis longtemps et on ne reviendra pas en arrière. Il faut faire avec. Avec enthousiasme ou avec angoisse (ou plus probablement avec les deux).

    On pourra toujours imaginer une solution politique ou institutionnelle, comme pour l'énergie nucléaire. Certes, l'énergie nucléaire nous chauffe, nous apporte toute sorte d'énergie, mais en même temps, elle permet la bombe nucléaire. Il y a des traités internationaux qui réduisent les risques politiques, en limitant la prolifération de l'arme nucléaire, mais rien n'empêche des États de refuser de s'y soumettre.

    Pour l'intelligence artificielle, la situation est différente car si, pour maîtriser le nucléaire, la puissance d'un État est nécessaire, le développement de l'intelligence artificielle est accessible aux entreprises, notamment les plus grandes d'entre elles, les GAFAM dont la puissance financière permet d'investir massivement dans l'intelligence artificielle. Il faudrait donc imaginer une sorte d'accord international qui contraindrait tant les États que les entreprises à... à je ne sais pas quoi car comment limiter les risques d'abus de l'intelligence artificielle ? Sur quels paramètres jouer ?

    Mais revenons au sujet de fond. On ne connaît pas le fonctionnement exact du cerveau humain, et on ne connaîtra pas plus le fonctionnement réel de l'intelligence artificielle. C'est cela qui peut inquiéter à juste titre.
    Henry Kissinger (autre Prix Nobel, mais de la Paix), qui est mort centenaire l'an dernier, a réfléchi jusqu'au bout de sa vie aux grands enjeux du monde, et a beaucoup étudié l'intelligence artificielle dont il voyait l'essor comme aussi crucial que l'invention de l'imprimerie. En juin 2018, il se posait effectivement quelques questions : « La Toile nous a habitués à extraire et à manipuler des stocks d’informations non contextualisées, en fonction de nos besoins immédiats et pratiques. En outre, les algorithmes personnalisent les réponses en fonction de ce qu’ils savent de nous du fait de nos recherches précédentes. Du coup, la vérité est devenue relative. (…) Le monde digital valorise la vitesse au détriment de la réflexion, les positions radicales plutôt que la réflexion. L’information y supplante la sagesse. ».

    Il pose ainsi un véritable problème, celui des sources : le nombre devient alors un critère de vérité (au contraire de tout ce que j'ai appris dans ma culture classique), justement parce que c'est l'information qui l'emporte sur la compréhension. C'est la dure réalité de l'influence des fake news (fausses informations) qui peut avoir des conséquences électorales graves dans les pays démocratiques (pour lesquels les élections sont à l'origine de toute légitimité de pouvoir). De même que le problème des sources, celui d'une unique source : la pluralité des intelligences artificielles est indispensable pour éviter tout risque de big-brothérisation, si je puis m'exprimer ainsi !

     

     
     


    Sans doute l'ouverture de l'utilisation de l'intelligence artificielle au grand public est une nouvelle étape. Un peu dans le même genre d'importance que si l'on autorisait à chaque particulier de faire sa propre petite centrale nucléaire. Tout le monde pourra faire sa petite expérimentation. Plus ou moins réussie.

    Il faut reconnaître que c'est bluffant. Bien sûr, la traduction est l'une des applications fréquentes, et elle est de plus en plus fine et sophistiquée (même si elle n'est pas encore parfaite). Le dialogue humain/machine est donc renouvelé par une sorte de forme humaine à l'expression qui est assez intrigante. L'intelligence artificielle risque donc d'engendrer de la paresse intellectuelle dans les exposés, les résumés, les comptes rendus sur des connaissances déjà acquises (certainement pas sur des connaissances à construire). Faut-il s'en inquiéter ? À la fois oui et non.

    Oui, parce qu'il a été prouvé que lorsqu'on sait que la mémoire réside à l'extérieur du cerveau (dans un ordinateur, par exemple), alors, elle s'échappe du cerveau, elle ne reste plus mentalement parce qu'elle n'y est plus obligée. Bref, le cerveau ne va pas forcément évoluer en bien si on se fait de plus en plus assister par un ordinateur. La meilleure preuve est la course d'orientation, Qui, parmi les jeunes, sait même se servir d'une boussole ? Pourtant, savoir lire une carte IGN est indispensable au développement intellectuel, même si, aujourd'hui, il existe les GPS. D'une part, les GPS ne sont pas immortels (c'est un système de satellites qui ont chacun une durée de vie) ; d'autre part, cela nécessite de se reposer totalement sur la machine sans plan B. En plein désert, ou en pleine jungle, avec la batterie déchargée, que vaut un smartphone ?! C'est aussi le problème de la numérisation, des sauvegardes dans les clouds et de l'absence d'archives papiers.

    Se reposer totalement sur la machine risque de faire perdre des milliards de compétences humaines au fil des générations. Rien que la calculatrice est un instrument intéressant et utile car elle permet de calculer rapidement, mais encore faut-il que son utilisateur sache calculer lui-même pour qu'il comprenne bien la nature du résultat qu'une calculatrice lui fournit. On pourrait le dire de toute assistance par ordinateur. Si on n'apprend plus à calculer, on sera contraint de n'utiliser que les machines.


    Non, ce n'est pas inquiétant, parce qu'avec ce que la machine peut faire et épargner à l'humain, l'humain peut se concentrer sur d'autres tâches. Toutes les machines qui ont remplacé la force mécanique de l'homme lui ont permis de mieux penser, mieux conceptualiser. Que faire si la machine pense et conceptualise à la place ? C'est l'enjeu des prochaines décennies.

    Autre source d'inquiétude, je l'ai évoqué pour les fake news, c'est la capacité, avec l'intelligence artificielle, de créer des fake news bien plus redoutables qu'auparavant. Il est possible de prendre l'image d'un homme public et de le faire parler, avec le mouvement des lèvres adapté, et lui faire dire n'importe quoi dans n'importe quelle langue. La réalité devient sujette à falsification. Ce n'est plus la photo qui est truquée, mais le film.

    Le problème de la machine, c'est peut-être qu'elle ne prend pas en compte les imperfections du système, les bugs, les erreurs qui peuvent avoir des répercussions très graves. Un exemple intéressant d'intelligence artificielle, pas tout à fait encore au point et qui m'inquiéterait, c'est la conduire d'automobile par la machine. On imagine surtout le cas limite d'un risque d'accident, où l'on doit choisir entre continuer tout droit et s'écraser contre un autre véhicule ou dévier et écraser un piéton. Kissinger ne s'en moquait pas : « Dans l’avenir, nous serons de plus en plus souvent dépendants d’arbitrages opérés par des machines. L’action humaine est inspirée par des valeurs. Tel n’est pas le cas de ces machines intelligentes. Ne risque-t-on pas se laisser contaminer par leur vision instrumentale et amorale du monde ? ».

    C'est là le gros problème de l'intelligence artificielle : elle n'a pas de valeur, pas de morale. On pourrait toujours imaginer les robots selon Azimov, avec leurs règles dont celle de ne pas tuer d'humain, mais aujourd'hui les drones utilisent déjà l'intelligence artificielle pour définir leur cible et tirer. C'est déjà trop tard.

    Le 7 octobre 2021, le diplomate français Gérard Araud, très médiatisé ces dernières années, a écrit sur Kissinger et sur sa réflexion sur l'intelligence artificielle : « Trop d'information tue l'information mais en appelle encore toujours plus. Jamais on n'en a su autant ; jamais on n'en a compris si peu. Dans ce contexte, l'émotion et le consensus tiennent lieu d'une réflexion dont nul n'a plus le temps. Le risque est alors grand que, face à cet océan de faits, ne s'impose progressivement la tyrannie des algorithmes pour les traiter et l'expulsion progressive et volontaire de l'homme de la définition de son propre destin. Revenant à l'humanisme qui a fondé la culture de sa génération, Kissinger en appelle à des dirigeants qui, s'appuyant sur les faits, puissent les intégrer dans une vision historique et philosophique. Il n'est pas besoin de tout savoir pour tout comprendre. (…) Il ne s'agit pas des inquiétudes d'un vieil homme qui ne comprendrait plus son temps. J'ai moi-même été surpris des connaissances qu'il avait accumulées sur le sujet. C'est tout au contraire la réaction de quelqu'un qui a été confronté à la nécessité de prendre des décisions dans l'urgence et qui craint que la solution de facilité ne soit de s'en remettre à un algorithme. ».
     

     
     


    Le nouveau Prix Nobel de Physique John Hopfield est lui-même très conscient des risques de l'intelligence artificielle : « En tant que physicien, je suis très troublé par quelque chose qui n'est pas contrôlé. (…) Quelque chose que je ne comprends pas assez bien pour savoir quelle sont les limites que l'on peut imposer à cette technologie. ».

    Toutefois, les applications de l'intelligence artificielle sont nombreuses et opérationnelles et sauvent même des vies. Le professeur Anders Irbäck, membre du Comité Nobel de Physique, a cité deux domaines d'application importants, la modélisation dans les sciences des matériaux, et surtout la santé, l'analyse des images médicales, l'intelligence artificielle, bien plus que le médecin, est capable de déceler le début d'une tumeur cancéreuse à partir d'un cliché radiologique (IRM ou scanner), et j'ajouterai la régularité du rythme cardiaque, etc.


    Ce qui est sûr et fabuleux, c'est que l'homme est en train de faire imiter par la machine son propre fonctionnement cérébral, sans forcément bien le comprendre, mais avec des avantages énormes... et sans doute des menaces qui sont aujourd'hui encore difficilement définissables. J'aurai l'occasion de continuer à évoquer ce sujet très important dans un article ultérieur.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'intelligence artificielle récompensée par les Nobel 2024 de Physique et de Chimie.
    Didier Raoult interdit d'exercer !
    2e rentrée scolaire contre les papillomavirus humains.
    Variole du singe (mpox) : "ils" nous refont le coup ?
    Covid : attention au flirt !
    Papillomavirus humains, cancers et prévention.
    Publications sur le papillomavirus, le cancer du col de l'utérus et l'effet de la vaccination anti-HPV (à télécharger).
    Émission "Le Téléphone Sonne" sur la vaccination contre les papillomavirus, sur France Inter le 3 mars 2023 (à télécharger).
    Le cancer sans tabou.
    Qu'est-ce qu'un AVC ?
    Lulu la Pilule.
    La victoire des impressionnistes.
    Science et beauté : des aurores boréales en France !
    Le Tunnel sous la Manche.
    Peter Higgs.
    Georges Charpak.
    Gustave Eiffel.
    Prix Nobel de Chimie 2023 : la boîte quantique ...et encore la France !
    Katalin Kariko et Drew Weissman Prix Nobel de Médecine 2023 : le vaccin à ARN messager récompensé !
    Covid : la contre-offensive du variant Eris.
    Hubert Reeves.
    Prix Nobel de Physique 2023 : les lasers ultrarapides, la physique attoseconde... et la France récompensée !
    John Wheeler.
    La Science, la Recherche et le Doute.
    L'espoir nouveau de guérir du sida...
    Louis Pasteur.
    Howard Carter.
    Alain Aspect.
    Svante Pääbo.
    Frank Drake.
    Roland Omnès.
    Marie Curie.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241008-intelligence-artificielle.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/technologies/article/l-intelligence-artificielle-257129

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/09/article-sr-20241008-intelligence-artificielle.html




     

  • Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure

    « Je me sens bien parmi vous. Vous ne m’en voudrez pas de dire quelques mots au député Olivier Faure, que j’ai écouté avec attention, même si ce n’était pas facile jusqu’au bout ! » (Michel Barnier, le 8 octobre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    La journée du mardi 8 octobre 2024 a été pour le gouvernement de Michel Barnier l'épreuve du feu, la double épreuve du feu, et il ne s'en est pas mal tiré. L'épreuve du feu, c'est d'abord l'examen de la première motion de censure de la législature, déposée par les 192 députés de la nouvelle farce populaire (NFP) le 4 octobre 2024. En difficulté avec ses camarades socialistes qui réclament avec bruit et fracas un nouveau congrès du PS pour se désolidariser de Jean-Luc Mélenchon, le premier secrétaire du PS Olivier Faure a obtenu de ses donneurs d'ordre insoumis son quart d'heure de gloire : c'était à lui de défendre cette première motion de censure.

    Malheureusement pour lui, ce quart d'heure, qui, en fait, n'était que de treize minutes, n'aurait dû durer que dix minutes, mais dans son "envolée lyrique", le "leader" socialiste, qui s'était présenté il y a quelques jours comme un social-démocrate mélenchonien pour faire taire toutes les velléités de congrès de ses camarades du PS, n'a pas su terminer en beauté ses tirades, la conclusion flanchant dans la coupure de micro (au grand dam des députés du NFP) parce qu'il était trop long, d'où cette sortie spontanée de la présidente de séance,
    Yaël Braun-Pivet un peu désolée de sa tolérance et de son laxisme, avec un joli tutoiement : « Vous n'avez plus le micro, vous n'avez plus la parole ! Monsieur le député, je vous demande de quitter la tribune, s'il vous plaît... Non, mais tu as débordé de plus de deux minutes, ça va ! ».

    Tutoiement qui n'a pas été retranscrit dans le compte rendu intégral du Journal officiel. Cette coupure de micro lui a valu la petite vacherie du début de la réponse de Michel Barnier qui, décidément, a adopté un style très caustique et britannique : du fiel balancé comme de l'huile bouillante mais avec courtoisie et éducation, ce qui change un peu des insultes et des débordements habituels des députés du NFP/Nupes depuis 2022.


    Il faut dire que l'hémicycle était assez clairsemé. Certes, à gauche, quasiment tous les bancs était occupés, mais à part les orateurs des autres groupes, c'était quasiment vide. Normal pour une motion de censure : soit on la vote, soit on ne vote pas, et dans ce cas-là, pas la peine d'être présent.

    Reconnaissons que le discours d'Olivier Faure était bien tourné sur la forme. Bien sûr, il pêchait sur le fond du péché originel de cette législature en faisant croire que le NFP avait gagné les élections : « Jamais, monsieur le Premier Ministre, vous n’auriez dû vous tenir devant moi et siéger sur ces bancs avec un gouvernement qui, lui non plus, n’aurait jamais dû être nommé. (…) Je vous le demande sans détour, monsieur le Premier Ministre : si nous ne parlions pas de vous et si nous étions dans un autre pays que la France, comment qualifieriez-vous votre propre nomination ? Vous seriez le premier à dénoncer un hold-up électoral et sans doute à décrire un régime illibéral. (…) Vous avez appelé au compromis. Alors chiche ! Vous avez contracté une dette démocratique en acceptant la fonction de Premier Ministre alors que votre parti était arrivé en cinquième position aux législatives. Vous avez un moyen de l’honorer en acceptant d’avancer sur la base de nos amendements. Nous jugerons alors si vous êtes sincère ou si, derrière vos professions de foi, vous entendez vous limiter à tout votre programme, rien que votre programme. ».
     

     
     


    La réponse du Premier Ministre était, une fois pour toutes, la démonstration que non, ce n'était pas parce que Jean-Luc Mélenchon le proclamait que c'était vrai, le NFP n'a pas gagné les élections : « Par cette motion de censure, c’est son premier motif, vous intentez à nouveau une sorte de procès en illégitimité au gouvernement. Vous avez de la suite dans les idées ! Je n’ai pas besoin que l’on rappelle au gouvernement, à présent au travail, qu’il est minoritaire dans cette enceinte. Je le sais. Dans cet hémicycle, il n’existe d’ailleurs de majorité absolue pour personne ! Il se trouve ici 577 députés qui sont tous et chacun élus de la République et méritent à ce titre qu’on les respecte de la même manière. C’est mon cas. Il n’y a de majorité absolue pour personne ; il y a simplement des majorités relatives. C’est le choix du peuple français. Parmi ces majorités, la moins relative est celle qui accompagne le gouvernement. La participation au gouvernement de femmes et d’hommes issus des différents groupes composant cette majorité permet d’en faire le constat. Je ne veux pas perdre de temps dans des polémiques. Vous pouvez dire ce que vous voulez : c’est la réalité ! La majorité relative qui soutient le gouvernement fait preuve à son égard de vigilance. Je sais qu’elle est relative et qu’elle ne se montre pas toujours complaisante ; je ne le lui demande d’ailleurs pas. Elle est en tout état de cause composée de plusieurs groupes et elle est la moins relative, quoi que vous racontiez, monsieur Faure ! C’est la vérité ! ».

    Au-delà de sa motion de censure préventive (elle a été annoncée avant même la nomination de Michel Barnier à Matignon, c'est dire qu'elle était réfléchie !), Olivier Faure a également évoqué d'autres sujets de contrariété, notamment, bien entendu, le projet de loi de finances même si celui-ci n'a pas encore été déposé, donc, là aussi, par procès d'intention : « Au sein de votre attelage baroque, dois-je encore mentionner le musée des horreurs proposé par votre propre parti, qui suggère de faire 50 milliards d’économies directement tirées du vestiaire de l’extrême droite ? Ce serait la fin de l’aide médicale de l’État et des coupes claires dans l’hébergement d’urgence et dans l’aide publique au développement ? Monsieur le Premier Ministre, vous nous avez dit vouloir "faire beaucoup avec peu, en partant de presque rien". Dans les faits, vous voulez faire beaucoup avec les gens de peu et presque rien avec ceux qui ont tout. ». Dans l'assistance, le député LR Pierre Cordier a lancé cette pique vacharde : « Il a passé tout le week-end sur cette [dernière] phrase ! ». Insignifiante car excessive.

    La réponse de Michel Barnier : « La réalité, que nous devons dire aux Français dans toutes les circonscriptions, est que nous dépensons trop, que nous dépensons de l’argent que nous n’avons pas et que nous empruntons à des taux qui s’éloignent désormais de ceux qui s’appliquent à nos voisins européens. De ce fait, les intérêts de la dette s’élèvent chaque année à 55 milliards d’euros, soit 800 euros par Français, qu’il s’agisse d’un bébé d’un mois ou d’une personne âgée de 80 ans. Cela ne peut pas continuer ! Sauf à susciter, tout autour de nous comme sur notre territoire, de la défiance s’agissant de notre capacité à gérer les finances publiques dans le souci des générations futures, au détriment desquelles je crois que nous n’avons pas le droit de signer des chèques en blanc ou en bois. Si cette défiance s’installait, elle nous exposerait tous très gravement, à commencer par les Français les plus modestes et les plus faibles. Pour l’éviter, nous devons redresser nos comptes, réduire les dépenses publiques, dépenser moins et mieux, de manière plus efficace. Nous demanderons, au titre de ce que j’ai appelé la justice fiscale, une contribution exceptionnelle à un nombre limité de grandes entreprises et aux Français les plus fortunés, après avoir consacré l’essentiel de notre effort à la réduction et à la maîtrise de la dépense publique. Dans la discussion qui va s’ouvrir, je compte sur les propositions constructives des uns et des autres afin que, dans le cadre qui nous contraint, nous coconstruisions le budget. Chacun prendra ses responsabilités. Je prendrai les miennes avec la conviction qu’il vaut toujours mieux essayer d’être responsable que de chercher à être populaire. Cette logique de responsabilité vaut également sur la question des retraites, que vous avez mentionnée. Notre système de retraite par répartition est un atout. Nous voulons en préserver dans la durée l’équilibre financier issu de la réforme. Si les partenaires sociaux le souhaitent, nous pouvons toutefois corriger, améliorer la loi du 14 avril 2023, qui présente certaines limites. Je pense aux retraites progressives, à l’usure professionnelle, à l’égalité entre les hommes et les femmes face à la retraite. D’autres champs sont et seront ouverts au dialogue social. Je suis depuis longtemps convaincu que la cohésion sociale au sein des entreprises, quelle que soit leur taille, et dans la société constitue un facteur de compétitivité pour notre pays. (…) Qu’il s’agisse de ces importantes questions environnementales ou de toutes les autres, l’attractivité de la France, le combat pour l’emploi, qui se poursuivra pour continuer de réduire le chômage, dont vous n’avez pratiquement pas parlé, les finances publiques, la sécurité ou l’immigration, je vous demande simplement de juger le gouvernement sur ses actes. ».

    Autre argument fort (et particulièrement stupide), le RN serait l'allié du gouvernement : « En l’absence de vrais compromis avec la gauche, vous ne demeurerez à Matignon que par le consentement de l’extrême droite à laquelle vous devrez donner des gages. Votre ministre de l’intérieur, qui a déjà fait ce choix, multiplie les déclarations pour complaire au RN, passant du front républicain à l’affront républicain. ». Dans l'assistance, le député LR Philippe Gosselin a balancé : « Ce n'est qu'un florilège de formules ! ».

    Et l'orateur socialiste mélenchonisé de poursuivre : « En légitimant chaque jour l’extrême droite, votre gouvernement finira par n’être qu’un simple ascenseur pour l’échafaud. Le front républicain n’est certes pas un programme commun mais il crée, au minimum, pour ceux qui ont la République en héritage, une obligation commune : celle de répondre à ces millions de femmes et d’hommes qui n’ont que leur travail pour vivre et qui en vivent si mal. (…) Ce n’est pas la France qu’il faut rendre aux Français, ils ne l’ont jamais perdue. C’est un avenir qu’il faut leur rendre. (…) Votre gouvernement porte en lui les germes d’une contre-révolution conservatrice. ».

    Il a été ensuite sèchement coupé par la Présidente de l'Assemblée Nationale parce qu'il ne respectait pas la règle du temps de parole. Ce qui fait que son discours aux formules savamment recherchées a fait un peu l'impression d'un bide par manque de conclusion, il ne suffit pas de pondre quelques belles formules, il faut pouvoir les dire dans le temps donné.


    Le Premier Ministre Michel Barnier a esquissé un petit sourire de jubilation lorsqu'il a pris la parole pour répondre à Olivier Faure : « Monsieur Faure, je vous ai écouté présenter cette motion de censure, qui, très franchement, ne constitue pas une surprise. En effet, lors des conversations que nous avons eues au lendemain de ma nomination et qui ne sont pas secrètes, vous m’indiquiez, avant même que j’ouvre la bouche, que je constitue le gouvernement, que je fasse ma déclaration de politique générale, que vous alliez me censurer. C’est en quelque sorte une motion de censure a priori. ».


    Au-delà des réponses du Michel Barnier, cette journée du 8 octobre 2024 était bel et bien une troisième étape pour le Premier Ministre, après la (délicate) désignation du gouvernement et la déclaration de politique générale.

    Le résultat du vote sur la motion de censure a été annoncé par Yaël Braun-Pivet à 19 heures 40 : « Voici le résultat du scrutin. Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée : 289. Pour l’adoption : 197. La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée. ».

    La motion de censure n'a pas été adoptée : pour le coup, cela doit clore définitivement le débat sur
    Lucie Castets à Matignon. Le NFP a été incapable de démontrer qu'il avait gagné dans l'hémicycle puisqu'il n'est même pas capable de renverser un gouvernement. Et il faut aussi en finir sur la supposée alliance avec le RN : Olivier Faure a fait dans sa présentation une faute de logique grave ! En effet, il a renversé la charge de la preuve : ce n'est pas au gouvernement de démontrer qu'il a une majorité, ce qu'il n'a pas et Michel Barnier l'a bien rappelé, d'où l'absence d'un vote de confiance le 1er octobre 2024, qui aurait été probablement négatif, mais c'est au NFP de démontrer que leurs arguments étaient majoritaires. Or, ce mardi soir, clairement, ce n'était pas le cas. Pendant trois mois, la gauche ultradicalisée a pollué le débat politique sur cette réalité alternative d'avoir gagné les élections. Ce soir, cette réalité alternative s'est définitivement heurtée contre le mur de la réalité des chiffres : seulement 197 députés sur 289 ont voté pour cette (première) motion de censure.

    Parmi les 197 députés, il faut compter 4 députés LIOT (dont Olivier Serva) et 1 député non-inscrit. En revanche, parmi les groupes du NFP, il a manqué à l'appel la voix du député communiste Emmanuel Tjibaou (fils de
    Jean-Marie Tjibaou), absent et probablement retenu dans sa circonscription en Nouvelle-Calédonie. Contrairement à ce que certains commentateurs supputaient, aucun député du socle gouvernemental (comme on l'appelle maintenant, à savoir LR, EPR, Horizons et MoDem) n'a voté pour la motion de censure. Ce qui était cohérent.

    Donc, on peut dire que si l'échec de cette motion de censure était prévisible puisque le RN avait déjà annoncé qu'il ne la voterait pas (et pour cause : le RN refusait d'approuver la double idée que le NFP était vainqueur des élections et que le RN était allié au gouvernement !), c'était néanmoins un échec encore plus important que prévu. Car il faut comparer ce score, 197 députés, avec le score du candidat au perchoir André Chassaigne le 18 juillet 2024, qui avait réussi à recueillir 206 voix et pas seulement 197. C'est donc pour la gauche mélenchoniste un désaveu plus important que prévu de la part de l'Assemblée Nationale.

    Ce mardi 8 octobre 2024 fut une journée doublement noire pour le NFP, comme j'ai évoqué au début la double épreuve du gouvernement de cette journée, même si cela ne concerne pas directement le Premier Ministre mais le Président de la République. Tenue dans la matinée à l'Hôtel de Lassay, la conférence des présidents qui rassemble l'ensemble des leaders qui comptent dans l'Assemblée (vice-présidents, présidents de groupe et présidents de commissions permanentes), ayant pour but de fixer les ordres du jour avec la participation du gouvernement, a rejeté l'examen de la stupide
    motion de destitution déposée contre Emmanuel Macron par Mathilde Panot.

    Le compte rendu affirme : « Proposition de résolution visant à réunir le Parlement en Haute Cour : la conférence des présidents a refusé l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution de Mme Mathilde Panot et plusieurs de ses collègues visant à réunir le Parlement en Haute Cour, en vue d’engager la procédure de destitution à l’encontre du Président de la République, prévue à l’article 68 de la Constitution et à la loi organique n° 2014-1392 du 24 novembre 2014 portant application de l’article 68 de la Constitution. ».

    Les socialistes avaient accepté de laisser passer cette motion lors de la réunion du
    bureau de l'Assemblée le 17 septembre 2024, mais elle a été rejetée très largement lors de la réunion de la commission des lois le 2 octobre 2024 dans la matinée par 54 voix contre, 15 voix pour sur 69 présents.

    Il est bon de rappeler les arguments. Lors de cette réunion de la commission présidée par Florent Boudié (EPR), le rapporteur de la motion de destitution Jérémie Iordanoff (EELV) a expliqué : « Que l’on s’attache à la lettre de la Constitution ou à la pratique, au regard des prérogatives du Président de la République, sa fonction doit être protégée, "y compris contre son titulaire", comme l’indiquait la commission Avril. C’est tout le sens de la procédure prévue à l’article 68 de la Constitution. En effet, la protection du Président de la République a des contreparties logiques, notamment la nécessité pour le Président de la République de respecter ses devoirs constitutionnels, ainsi que le vote des électeurs lorsqu’il s’exprime. Le non-respect de ces devoirs doit d’une manière ou d’une autre être sanctionné. (…) Aux termes de la présente proposition de résolution, le manquement de l’actuel Président de la République résulterait de "l’absence de nomination d’un Premier Ministre issu de la force politique arrivé en tête aux élections législatives du 30 juin au 7 juillet 2024, et ce alors que la démission officielle du gouvernement date du 16 juillet 2024". (…) Il est certain que le respect du résultat des élections législatives est un devoir du Président de la République. Pour autant, force est de constater qu’en l’absence de majorité absolue et faute d’avoir pu négocier une coalition plus large atteignant le nombre de 289 députés, aucune force politique n’a remporté les élections. Arriver en tête est une chose, gagner en est une autre. Nous pouvons bien entendu regretter que le chef de l’État n’ait pas choisi de donner sa chance à un membre de la coalition arrivée en tête au second tour des élections législatives. Cependant l’article 8 de la Constitution ne lui imposait pas de nommer une personne issue de cette force politique. Cela ne peut donc raisonnablement être qualifié de manquement. (…) Il importe de rechercher plus généralement si, dans la situation politique et institutionnelle inédite de notre pays, le chef de l’État a manqué à ses devoirs. La dissolution elle-même était incompréhensible et, en réalité, absurde. Alors qu’une dissolution sert normalement à régler des crises, celle-ci en a provoqué une ; c’est une première. Est-ce un manquement ? À tout le moins, c’est une faute politique. Quant au délai de nomination du Premier Ministre, le problème n’est pas en soi qu’il ait été trop long, mais qu’il ait été injustifié. Deux mois ont été perdus. C’est autant de temps en moins pour rechercher une coalition ou diriger l’État. Chacun voit aujourd’hui, avec les retards accumulés dans la préparation du budget, comme ce délai fut inconséquent. Le Premier Ministre a été nommé en contradiction flagrante avec le barrage républicain qui fut pourtant l’événement politique majeur du second tour. Est-ce un manquement ? À tout le moins, c’est une faute politique. (…) À titre personnel, je considère que le doute est permis, que ces fautes politiques, compte tenu de leur accumulation et de leurs répercussions, peuvent constituer un manquement. Mais s’ils en constituent bien un, encore faudrait-il qu’il soit manifeste, c’est-à-dire, comme l’indique le rapport Avril et comme les auditions l’ont confirmé, que sa reconnaissance "transcende les clivages partisans". Or cette condition ne semble pas satisfaite. Un autre mécanisme existe pour placer l’exécutif au sens large devant ses responsabilités : la motion de censure. ».


    Ce double échec parlementaire du NFP a donc été très instructif sur la prétendue "victoire" électorale du NFP : échec dans la procédure stupide de destitution du Président de la République, et échec dans la motion de censure dont le dépôt, en revanche, avait toute sa légitimité institutionnelle puisqu'elle concourt à la responsabilité politique du gouvernement devant le Parlement.


    Heureusement pour les enragés insoumis, ils auront le droit de redéposer une nouvelle motion de censure et une nouvelle motion de destitution. Reste à savoir quelle en sera la fréquence, car les parlementaires ont d'autres choses à faire que s'occuper de ces enfantillages politiciens, par exemple, construire le budget de l'année prochaine et s'occuper des Français.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     

     

  • Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier

    « La véritable épée de Damoclès, c’est notre dette financière colossale : 3 228 milliards d’euros. Si l’on n’y prend garde, elle placera notre pays au bord du précipice. Cette année, notre déficit public, celui de toutes les collectivités publiques, devrait dépasser 6% de notre richesse nationale. En 2025, si rien n’est fait, il sera plus élevé encore. Pourquoi est-ce grave ? Pas seulement (…) parce que cette situation nous affaiblit autour de nous en Europe. Mais d’abord parce que la charge de cette dette, 51 milliards d’euros, est aujourd’hui le deuxième poste de dépenses de l’État, derrière l’école. Est-il acceptable que nous dépensions plus pour payer des intérêts à d’autres, que pour notre défense et notre recherche ? Ma réponse (…) est non. Face à nos défis qui sont immenses, nous n’avons pas le choix. Notre responsabilité, c’est d’alléger le fardeau et de retrouver des marges de manœuvre budgétaires. Aussi notre volonté est de ramener le déficit de notre pays à 5% en 2025. Notre objectif est de remettre notre pays sur la bonne trajectoire pour revenir sous le plafond de 3% en 2029, dans le respect de nos engagements européens. Comment faire ? Ne nous racontons pas d’histoires, je ne raconterai pas d’histoires. (…) Le premier remède contre la dette, c’est la réduction des dépenses. En 2025, les deux tiers de l’effort de redressement viendront donc de la réduction des dépenses. Réduire les dépenses, c’est renoncer à l’argent magique, à l’illusion du tout gratuit, à la tentation de tout subventionner. » (Michel Barnier, le 1er octobre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Cette semaine, le Premier Ministre Michel Barnier présentera au conseil des ministres le projet de loi de finances (PLF) pour l'année 2025. Tant qu'il n'est pas officiellement présenté, tout reste possible, ce qui explique les postures médiatiques des uns et des autres avant cette rapide échéance.

    Les grandes orientations de la politique budgétaire ont toutefois été déjà adressées le 2 octobre 2024 au Haut Conseil des finances publiques. Selon les prévisions du futur projet de loi de finances qui sera présenté le 10 octobre 2024, les dépenses prévues en 2025 seront de 1 700 milliards d'euros, soit 56,3% du PIB (contre 56,8% en 2024), et les recettes attendues en 2025 seront de 1 560 milliards d'euros.


    Qu'on le veuille ou pas, l'État dépense plus qu'il ne gagne depuis une cinquantaine d'années. Le problème, c'est que les déficits s'accumulent et chaque année, la dette s'accroît. Elle représente plus que la production de richesse du pays pendant une année. Autant dire que si l'État était monsieur Toutlemonde, il serait déjà interdit bancaire, interdit de gérer, interdit de quoi que ce soit.

    Il y a plusieurs causes à faire un déficit sur une année. Il y a d'abord les crises, et cela a commencé avec le premier et surtout le second chocs pétroliers dans les années 1970. Mais les crises (
    Emmanuel Macron en a eu beaucoup depuis 2017, et Nicolas Sarkozy en a eu deux), c'est a priori temporaire. Des dépenses exceptionnelles en cas de crise (toute collectivité qui gère bien prévoit un poste imprévus dans son budget, mais l'État est déjà tellement déficitaire que rajouter un poste Imprévus serait faire de la dette supplémentaire inutilement).

    Il y a aussi les investissements d'avenir, des investissements massifs de production, d'innovation pour faire l'industrie de demain, l'économie du futur. Là encore, il n'y a pas de honte à s'endetter pour l'avenir : c'est le principe, chez monsieur et madame Toutlemonde, du prêt immobilier. À la fin, on a un actif et plus aucune dette (qu'on rembourse). Attention toutefois au type d'emprunt, car pour l'État, c'est l'équivalent du prix relais : on ne paie jamais la dette mais les intérêts de la dette (qui commencent à devenir monstrueux), et si on rembourse la dette, c'est parce qu'on la rachète sur le marché international avec un taux réactualisé.

    Mais les déficits depuis 1981 ne sont pas pour des investissements et rarement à cause de crises ponctuelles, mais pour financer du fonctionnement de l'année en cours. En 2024, on doit encore rembourser le train de vie de l'État de 1981 ! Car c'est bien à partir de l'élection de
    François Mitterrand que le déficit budgétaire a été institutionnalisé, arbitrairement limité "moralement" à 3% du PIB. C'était l'époque où l'âge légal de départ à la retraite est passé de 65 ans à 60 ans. C'est particulièrement cette mesure, plus que la cinquième semaine de congés payés, qui a plombé pour un demi-siècle au moins les finances publiques.

    Dès la campagne présidentielle de 2002,
    François Bayrou a pointé du doigt l'extrême danger d'un endettement excessif, et à l'époque, c'était beaucoup moins qu'aujourd'hui. Les deux partis gouvernementaux hégémoniques, le PS et l'UMP (devenue LR), s'en moquaient puisque, pour faire élire leurs candidats, il leur fallait promettre, acheter certains électeurs : on appelle cela l'électoralisme ou le clientélisme, le contraire d'un discours pour l'intérêt national.
     

     
     


    L'objectif de ne pas dépasser un déficit de 3% du PIB est inscrit dans les tables du Traité de Maastricht, mais cet objectif de vertu doit être d'abord vu comme d'un intérêt national : on ne peut pas dépenser plus qu'on ne gagne ! Et si on n'impose pas 0% et qu'on se permet une latitude de 3%, c'est parce qu'on considère qu'avec une croissance de 3%, ce déficit est vite compensé (la réalité, c'est que la croissance n'est jamais à 3% et c'est d'ailleurs un peu plus compliqué que cela !).

    Dans tous les cas, en 2024, le déficit devrait atteindre 6,1% du PIB, soit plus du double, et Michel Barnier a déjà fixé l'objectif de réduire le déficit de 60 milliards d'euros. Car si on ne prend pas en % mais en valeur absolue, sonnante et trébuchante, ces 60 milliards d'euros, c'est énorme ! Pour le gouvernement, ce sera 1/3 augmentation de la fiscalité 2/3 réduction des dépenses publiques.

    Pour le coup, aucun parti ne semble vraiment s'opposer à cet objectif de redresser les finances publiques, mais personne n'est vraiment cohérent : tous ceux qui ont rejeté la
    réforme des retraites, tous ceux qui veulent augmenter telle prestation, tel nombre de fonctionnaires, etc. se montrent particulièrement incohérents. Les mêmes, qui aujourd'hui fustigent les précédents gouvernements pour l'endettement excessif, les fustigeaient à l'époque parce qu'ils ne dépensaient pas assez lors des crises : gilets jaunes, crise sanitaire, guerre en Ukraine, inflation et crise de l'énergie... La démagogie et la facilité n'ont jamais fait dans la cohérence ni dans la responsabilité.

    Paradoxalement, je n'ai pas entendu beaucoup de contestation sur cette réduction de 60 milliards d'euros de déficit. Tant mieux. Alors, où les prendre ?



    Dans les recettes de l'État : 20 milliards d'euros de plus d'impôts

    Toute la politique budgétaire sera basée sur des injonctions paradoxales. Ce qu'a réussi parfaitement Emmanuel Macron, c'est d'avoir stabilisé la France fiscalement et de devenir le premier pays européen le plus attractif pour les investisseurs étrangers. Cela a eu pour conséquence une baisse continue du chômage (autour de 7%) et un fait notable, unique depuis 1981 : on ne parle plus du problème du chômage mais de celui du pouvoir d'achat.

    Revenir à la politique facile d'augmentation des impôts, alors que la pression fiscale est déjà monstrueuse, c'est risquer de perdre cette indispensable attractivité de la France. Il faut donc le faire d'une main tremblante car il faut savoir quelle fiscalité réduirait l'attractivité de la France ? Celle des plus riches (capables d'investir) et celle des entreprises.
     

     
     


    Qu'en est-il de la justice fiscale ? Il y a dans cette expression une certaine moralité qui n'a rien à faire avec l'efficacité d'un État. On ne fait pas payer des impôts pour réduire les inégalités, voire égaliser tout le monde : on fait payer des impôts pour financer les dépenses de l'État. Si l'État ne dépensait rien, il n'y aurait pas besoin d'impôts. Très globalement, on dit à juste titre que l'impôt est redistributif : ceux des riches qui paient des impôts pourraient se payer les mêmes services s'ils étaient privatisés, ce qui n'est pas le cas des plus pauvres. Là encore, contrairement au sentiment habituellement entendu, la France est l'un des pays voire le pays le plus redistributif au monde ! C'est ce modèle social (que tout le monde veut garder) qui coûte cher et d'autant plus cher que la natalité baisse.

    Donc, la justice fiscale, à laquelle je suis évidemment favorable, ce n'est pas de dire : les riches doivent payer ! C'est de se dire : combien faut-il pour équilibrer les dépenses, et que chaque contribuable puisse avoir sa juste contribution en fonction de ses moyens.


    Michel Barnier a insisté pour parler des contribuables les plus fortunés et pas des contribuables les plus riches, car tout est relatif et pour François Hollande, un ménage était riche à partir de 4 000 euros par mois. Pour Michel Barnier, être fortuné signifie gagner 500 000 euros par an (40 000 euros par mois), ce qui correspond à 0,3% des ménages (voir plus loin).

    Le problème de ne cibler que les contribuables fortunés, c'est que ça rapporte peu car ils ne sont pas nombreux, ce n'est pas efficace. C'est juste, mais pas efficace. Pour être efficace, il faudrait descendre le seuil de fortune afin de multiplier les contributions, ce qui fait que les classes moyennes ont toujours été les vaches à lait de l'État providence (en particulier les classes moyennes supérieures).

    Donc, lever un impôt supplémentaire pour les plus riches serait plutôt une mesure politique et pas financière, celle de dire que les plus riches doivent participer aussi, à leur niveau, à l'effort national. Pour faire passer les autres pilules. Mais on sait déjà que cela ne rapportera pas grand-chose.

    Quant à lever un nouvel impôt pour les très grandes entreprises, tout le monde est d'accord, même certaines de ces entreprises qui ont fait beaucoup de profit parfois sans mérite (comme les entreprises du secteur énergétique qui ont bénéficié de l'augmentation du prix du kWh sans rapport avec leurs frais de production). Encore faut-il s'assurer que ces grandes entreprises ne comptent pas quitter la France pour des pays plus cléments fiscalement (à cet égard, il faudra surveiller l'évolution de Lactalis, par exemple).

    Si on prend l'effet levier du nombre (si ça impacte des millions de contribuables ou de consommateurs, c'est efficace et l'effort est réparti sur le nombre), la tentation est grande de proposer d'augmenter quelques taxes à la consommation (sur l'énergie, par exemple, ou plus simplement la TVA comme l'avait fait Nicolas Sarkozy à la fin de son quinquennat, une mesure quasi-suicidaire !).

    Enfin, la tarte à la crème, bien sûr, c'est la lutte contre la fraude fiscale et sociale. L'État a toujours lutté contre la fraude des resquilleurs et sa lutte est de plus en plus efficace, et le déficit prend déjà en compte cette lutte. De plus, il y a une différence entre fraude et optimisation fiscale, d'une part, aux pouvoirs publics peut-être de limiter les possibilité de cette optimisation fiscale, et une différence entre fraude et évasion fiscale, d'autre part, même si je préfère l'expression fuite fiscale à évasion fiscale, qui est, elle, légale et est en rapport avec l'attractivité du pays.

    Ce qui est connu, c'est que trop d'impôt tue l'impôt, c'est l'illustration du dernier choc fiscal de 40 milliards d'euros, sous
    François Hollande. Les recettes fiscales étaient rentrées moins bien que prévu car la consommation n'avait pas progressé.


    Dans les dépenses de l'État : 40 milliards d'euros de moins de fonctionnement

    Là aussi, c'était une autre tarte à la crème, mise en évidence pendant la campagne présidentielle de 2017 durant laquelle
    François Fillon a proposé la suppression de 500 000 postes de la fonction publique, tandis qu'Emmanuel Macron 100 000. La réalité, c'est qu'il y a eu une progression des effectifs de la fonction publique depuis 2017.
     

     
     


    La proposition de supprimer des fonctionnaires ne risque pas d'être très efficace en matière de déficit. En effet, s'il s'agit de ne pas remplacer certains postes de fonctionnaires partant à la retraite, au mieux, on supprimerait 30 000 postes par an, ce qui ne fait même pas 2 milliards d'euros d'économie alors qu'on parle de 40 milliards. On est loin du compte. Et le problème, c'est quels postes puisqu'on parle déjà d'un manque d'effectifs parmi les enseignants, les soignants, les forces de l'ordre, les professionnels de la justice... Faut-il rappeler aussi qu'on ne peut pas se passer des travailleurs des voiries, des espaces verts, etc. dans les collectivités locales qui ont d'ailleurs beaucoup de postes vacants par manque d'attrait des postes ? Michel Barnier, qui connaît très bien le point de vue des collectivités locales (il a longtemps présidé le conseil général de Savoie), sait qu'il est aussi très difficile de faire des économies sur le nombre de postes dans la fonction publique territoriale, et dans tous les cas, ce type de réponse est très long pour en voir l'effet sur le déficit.

    Ce qu'on peut en revanche, imaginer, c'est une augmentation de la productivité, qui peut passer par une réduction de l'absentéisme, par exemple (j'ai vu certaines collectivités qui se sont donné les moyens de réduire ce taux parfois important par des moyens assez simples qui consistent, par exemple, à revoir les conditions d'attribution de certaines primes).

    Des solutions de vente par tranche du patrimoine public ne sont pas non plus très efficaces car ce sont des pistolets à un coup. C'est le cas du patrimoine foncier qui mérite, c'est vrai, une meilleure gestion (on parle de créer une régie foncière de l'État et que tous les ministères deviendraient locataires de celle-ci, avec des professionnels du secteur, ce qui éviterait la vente aux enchères de mobiliers très chers à des prix défiant toute concurrence par manque de connaissance de la valeur des meubles, etc.).

    Une autre tarte à la crème consiste à couper dans les (nombreuses) niches fiscales, mais là encore, c'est une hérésie, à moins de faire des frappes chirurgicales. Je m'explique : chaque niche fiscale a un intérêt, ou, du moins, a eu un intérêt, comme l'exonération obtenue pour un don à une œuvre de charité etc. Cela fait partie de la politique de l'État d'encourager, d'aider certains secteurs. Certes, le problème a été qu'on n'a fait que des strates et des strates sans remettre en cause les anciennes. Il serait donc intéressant d'évaluer chaque niche fiscale (vaste tâche), connaître leur objectifs et évaluer s'ils ont été atteints ou pas. S'ils ont été atteints, il faut la garder ; si la niche fiscale n'était pas efficace, il faut la supprimer. Mais dans tous les cas, chaque suppression de niche fiscale aurait une incidence sur un secteur économique donné, et on imagine bien les protestations catégorielles qui en découleraient et que le gouvernement devrait assumer.

    Bref, comme dirait La Palisse, rien n'est simple. C'est pour cela qu'aucun gouvernement ne s'est réellement attaqué à la réforme de l'État pour réduire structurellement le déficit. C'est le principe de l'acquis social : aucun acquis ne serait négociable, dans l'esprit des Français. Si, parfois, des déficits ont pu être réduits, les gouvernements concernés l'ont dû à la chance d'une conjoncture extérieure favorable créatrice de croissance, plus en tout cas qu'à leur propre politique économique.


    Ce que va proposer le gouvernement

    Selon le document reçu par le Haut Conseil des finances publiques, le gouvernement propose plusieurs choses. Pour la réduction de 40 milliards d'euros des dépenses publiques, 15 milliards d'euros ont déjà été obtenus dans les lettres de cadrage au mois d'août (qui consistent surtout à ne pas suivre l'inflation à budget constant), 5 milliards d'euros d'économies supplémentaires n'ont pas encore été proposés (par manque de temps, ce sera fait par amendements ultérieurs), 13 milliards d'euros de réduction des dépenses sociales (dont 4 milliards d'euros pour le retard de la revalorisation d'environ 1,8% des pensions de retraite de janvier à juillet 2025), le reste en réduction des dépenses d'assurance maladie et en limitation des dépenses des collectivités locales.

    La principale mesure indiquée en réduction des dépenses est donc le retard de six mois de la revalorisation des pensions de retraite, qui touche tout le monde, mais proportionnellement plus les moins aisés. Même si l'effort reste relativement faible : pour une pension de 1 500 euros par mois, cela devrait correspondre à un manque à gagner d'environ 15 euros par mois pendant six mois.
     

     
     


    Quant aux augmentations d'impôts, le Ministre du Budget Laurent Saint-Martin, qui est directement rattaché à Matignon et pas à Bercy (ce qui est rare et montre que le pouvoir se trouve effectivement à Matignon), a affirmé le 2 octobre 2024 que l'effort sur les ménages portera uniquement sur 0,3% des ménages, ce qui signifiera par exemple pour un couple sans enfants avec « des revenus d'à peu près 500 000 euros par an ». Et pour les entreprises, la contribution sera « exceptionnelle » et seulement pour les entreprises qui réalisent plus d'un milliard d'euros de bénéfice : « Il faut que toutes les grandes entreprises, chacune comme elles le peuvent, et par rapport à leur secteur d’activité, contribuent. ». Comme cela touche peu de ménages et peu d'entreprises, ces mesures seront certainement approuvées largement (les députés qui s'y opposeraient le justifieraient par le manque d'audace).

    Au-delà de ces mesures, il y aura aussi des mesures de réduction de dépenses publiques de l'ordre de 1,5 milliard d'euros pour compenser des mesures fiscales en faveur de la transition écologique, qui seront également proposées par voie d'amendements.

    Ensuite, il restera à Michel Barnier de faire adopter ces lois de finances (il y en a deux, projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale), soit par un vote solennel (mais je doute qu'une majorité soit obtenue, car l'acte politique par excellence de l'appartenance à l'opposition, c'est de voter contre le budget) soit par
    l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, auquel cas une motion de censure, voire plusieurs pourront être déposées. Mais je doute que la gauche NFP et le RN puissent voter un même texte ensemble sur les finances publiques. C'est la seule chance de Michel Barnier (avec la popularité le cas échéant) pour durer.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241006-budget-2025.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/budget-2025-l-impossible-mission-257113

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/07/article-sr-20241006-budget-2025-html.html




     

  • Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...

    « Les Français sont fatigués de la révolution permanente ; ils sont fatigués de la ZAD qui s’est reconstituée hier à l’Assemblée dès l’ouverture de la session ; ils sont fatigués des démagogues qui promettent la lune et sèment la ruine partout où ils sont au pouvoir. Votre programme, avec humilité et responsabilité, en est l’exact contraire. C’est une raison supplémentaire pour que nous le soutenions. » (Claude Malhuret, le 2 octobre 2024 au Sénat).



     

     
     


    ZAD, comprendre zone à délirer ! Voici une petite démonstration de près de dix minutes sur le mythe des élections volées. Comme depuis quelques années c'est la tradition, chaque intervention en séance publique du sénateur Claude Malhuret est un condensé d'humour et de lucidité sur la vie politique. À un moment pressenti par le nouveau Premier Ministre pour faire partie de son gouvernement (il était déjà membre du gouvernement entre 1986 et 1988), le président du groupe Les Indépendants, République et Territoires au Sénat (regroupant les sénateurs Horizons) n'a pas déçu ses collègues lorsqu'il a fallu participer au débat qui a suivi la déclaration de politique générale de Michel Barnier au Sénat le mercredi 2 octobre 2024. Il réagissait surtout aux propos tenus quelques minutes auparavant par son collègue Patrice Kanner, président du groupe socialiste, qui s'enferrait dans la légende urbaine d'une victoire de la nouvelle farce populaire (NFP) aux dernières élections législatives.

    Alors, le sénateur a commencé comme
    Martin Luther King (mais en négatif : ce n'est pas un rêve qu'il a fait) : « Mes chers collègues, en écoutant il y a quelques instants l’analyse de la situation politique par le président du groupe socialiste, j’ai brusquement fait une sorte de cauchemar éveillé. ». Et il a découvert un nouveau gouvernement : « Je me tenais ici, à cette tribune, et en face de moi, à la place où vous vous trouvez, monsieur le Premier Ministre, ce n’était pas vous : c’était Lucie Castets. À ses côtés se tenaient Sandrine Rousseau, ministre des finances et de la décroissance ; Sophia Chikirou, garde des sceaux ; Aymeric Caron, ministre de l’écologie et des insectes ; Sébastien Delogu, ministre de la mémoire et des anciens combattants ; Louis Boyard, ministre du développement durable du cannabis et Jean-Luc Mélenchon, ministre des affaires étrangères et de l’amitié avec la Russie, le Hezbollah et l’Alliance bolivarienne ! ».

    Retour à la réalité et à l'imposture du NFP : « Lorsque j’ai rouvert les yeux, je me suis aperçu que j’étais en train de tomber de mon siège. Les propos du président du groupe socialiste montrent que l’on ne peut aborder ce débat sans faire d’abord table rase de l’invraisemblable campagne qui est menée depuis des semaines par le nouveau front populaire pour convaincre les Français que l’élection leur a été volée, que votre gouvernement est illégitime et que vous êtes l’otage du Rassemblement national. Cette campagne va se poursuivre, plus virulente que jamais, comme le prouve le discours de fureur et de haine que
    Mme Panot a prononcé hier à l’Assemblée Nationale. Le soir des élections, le 7 juillet dernier, à vingt heures zéro une, à la télévision, tous les chefs de partis ont été priés de passer leur tour pour permettre à celui de LFI de prononcer cette phrase : "Nous sommes arrivés les premiers, nous devons former le gouvernement". L’échec huit jours plus tard du candidat du NFP à l’élection pour la Présidence de l’Assemblée Nationale a démontré de manière évidente que cette intox constitutionnelle était une imposture. Mais la vague médiatique et les ragots sociaux se sont transformés en tsunami et le mensonge s’est changé en vérité. Il faut donc le répéter : l’élection n’a été volée à personne ! Et si elle a été volée, c’est aux électeurs de gauche par les dirigeants de l’extrême gauche, qui ont joué une invraisemblable partie de poker menteur avec leurs partenaires. ».
     

     
     


    D'où la recherche laborieuse d'un Premier Ministre qui oscillait entre le vaudeville et la tragédie (je ne sais pas trop s'il a été le plus féroce contre Lucie Castets ou contre Ségolène Royal !) : « Pendant les quinze jours qui ont suivi le 7 juillet, le mot d’ordre fut : "Macron doit nommer immédiatement un Premier Ministre du NFP". Question des journalistes : "Qui est votre candidat ?". Réponse : "On ne sait pas, on n’arrive pas à se mettre d’accord". Après deux semaines de bras de fer et de crises de nerfs, une inconnue tombe enfin du ciel : pendant vingt-quatre heures, Huguette Bello devient le nouveau dalaï-lama, jusqu’à ce qu’on découvre qu’elle n’est pas woke, mais alors pas woke du tout : elle est anti-mariage pour tous et tout le tralala. Panique au NFP ; exit Huguette ! Quelqu’un propose alors Laurence Tubiana, organisatrice de la COP21. Horreur, on s’aperçoit que Macron l’a nommée à l’UNESCO. Une macroniste Première Ministre du NFP ? La "fisha" absolue… Exit Laurence ! Au bord du gouffre, alors qu’il n’allait plus rester que Ségolène Royal, on finit par débusquer dans les combles de la mairie de Paris une sémillante fonctionnaire jamais élue nulle part et coanimatrice de l’incroyable dette de 10 milliards d’euros de la capitale. Par miracle, cet Annapurna de la pensée politique, auprès de qui les Bertrand, Cazeneuve ou Barnier ne sont que des billes, accepte de faire bénéficier les Français de son inexpérience. Le NFP tient sa Première Ministre. Du moins, c’est ce que croient les socialistes, les écolos et les communistes. Ce qu’ils n’ont pas compris, et l’on s’étonne d’une telle naïveté, c’est que jamais Mélenchon n’a envisagé un Premier Ministre de gauche. Jamais ! Au moment même où le nom de Lucie Castets est prononcé, une fatwa vient la faucher en quelques mots : "Le programme, rien que le programme, mais tout le programme !". En bon français, cela veut dire que Mme Castets disposerait de 193 voix à l’Assemblée, et pas une de plus ! Exit donc Lucie… En un mot, si vous avez compris le NFP, c’est qu’on vous a mal expliqué ! ». Cette dernière phrase restera sans doute "culte" ! On est en plein dans un film comique avec le regretté Michel Blanc.

    Claude Malhuret a ainsi expliqué l'échec de
    Bernard Cazeneuve : « La gauche responsable, celle qui est largement représentée dans cet hémicycle, du moins c’est ce que je pensais jusqu’à il y a quelques minutes, fait une tentative désespérée en proposant le nom de Bernard Cazeneuve. Cette fois, Mélenchon n’a même pas besoin de lever le petit doigt, Faure le socialiste se charge lui-même du sale boulot en déclarant que nommer un Premier Ministre socialiste serait une "anomalie". Cazeneuve est des nôtres, il sera censuré comme les autres ! Exit Bernard ! Un jour, dans les manuels de sciences politiques, on expliquera dans un long chapitre comment, en 2024, la gauche s’est vendue pour un plat de lentilles à une secte gauchiste en pleine dérive islamiste et antisémite, dirigée par un ancien du lambertisme, que les communistes eux-mêmes qualifiaient il y a quelques années encore d’hitléro-trotskisme ! ».

    Il n'y a pas eu que la gauche islamo-gauchiste à avoir crié au vol des élections,
    l'extrême droite a hurlé pareil : « Quant à l’extrême droite, qui prétend elle aussi qu’on a volé l’élection à ses 11 millions d’électeurs, elle oublie de dire que 20 millions d’autres ont décidé d’associer leurs voix au second tour pour lui faire barrage devant la radicalité de ses positions, un programme économique qui nous mènerait droit vers l’abîme et une flopée de candidats imprésentables, entre les casquettes nazies et les propos antisémites sur les réseaux asociaux. Elle n’est pas plus légitime à gouverner et elle le sait très bien. Elle attend son heure, et si cette heure vient un jour, elle aura été soigneusement préparée par la folie de l’extrême gauche et la capitulation du premier secrétaire du parti socialiste, l’homme-caoutchouc. ».

    Quant à la
    motion de censure, voici pourquoi ses chances de succès sont faibles : « Vient enfin le dernier mensonge, monsieur le Premier Ministre : vous seriez l’otage du Rassemblement national. L’extrême droite compte 142 députés. Ils ne peuvent faire tomber votre gouvernement qu’en bande organisée avec le NFP. J’attends avec impatience qu’ils expliquent cela à leurs électeurs, et surtout qu’ils expliquent comment ils comptent composer, pour vous succéder, un gouvernement lepéno-mélenchoniste. Mélenchon ne veut pas de Premier Ministre de gauche et Le Pen sait que son parti est incapable pour l’heure de gouverner. Ce n’est pas une assurance-vie, mais votre gouvernement est loin d’être condamné d’avance. ».

    D'où le soutien fort du groupe présidé par Claude Malhuret au gouvernement de Michel Barnier : « Vous êtes légitime. Vous n’avez pas de majorité absolue, mais vous rassemblez tous ceux, de la droite républicaine au centre et à la gauche modérée, qui ont fait le choix de la responsabilité. Ils sont le camp de la raison que notre groupe Les Indépendants appelle de ses vœux depuis des mois. Et vous êtes, après deux ans d’Assemblée Nationale transformée en zone à délirer, le Premier Ministre de l’apaisement. Quelles sont les priorités ? Mais il n’y a que des priorités : le budget, le déficit, la dette, la
    Nouvelle-Calédonie, le logement, l’agriculture, l’immigration, la transition écologique, sans oublier l’Ukraine, le Moyen-Orient et toutes les crises dans le monde que la France ne peut ignorer. Ces priorités étaient au cœur de votre discours et de ceux de tous mes collègues ; je n’y reviendrai pas à mon tour. Qu’il me soit seulement permis de dire que nous soutenons votre engagement dans cette démarche difficile et courageuse. Vous disposerez d’une large majorité au Sénat, qui tentera de compenser l’absence de majorité absolue à l’Assemblée Nationale et de combattre les tentatives des populistes pour saper notre démocratie. ».
     

     
     


    Les savoureuses envolées lyriques du sénateur Malhuret apportent toujours un peu de fraîcheur, de légèreté, mais aussi de lucidité à une classe politique tendue et rageuse. Il a le mérite de faire mal car il cible juste. Depuis 2022, il s'inquiète régulièrement de la perspective de l'élection présidentielle de 2027 et de la nécessité de rassembler toutes les forces non-populistes, ce qu'il a appelé ce 2 octobre 2024 les forces raisonnables, le "camp de la raison", du centre droit au centre gauche, "qui ont fait le choix de la responsabilité". Les deux anciens grands partis gouvernementaux, LR et le PS, n'ont pas voulu jouer le jeu en 2022, chacun pris par une surenchère populiste. LR s'est finalement résolu à faire le choix de la raison et de la responsabilité, au contraire du PS qui s'enferme toujours dans un mélencho-islamisme qui l'asphyxiera à court terme. Surtout, Claude Malhuret, continuez à nous délecter ainsi !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Claude Malhuret sur l'inscription de l'IVG dans la Constitution le 4 mars 2024 à Versailles.
    Claude Malhuret s'en prend à "la pression permanente et déprimante des extrêmes" !
    Claude Malhuret dénonce la "mauvaise république" du guide suprême !
    L'Iran et les femmes : Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Passe vaccinal : Claude Malhuret charge lourdement les antivax.
    Covid-19 : les trois inepties du docteur Claude Malhuret.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241002-malhuret.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/claude-malhuret-du-vol-des-257033

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/02/article-sr-20241002-malhuret.html



     

  • Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier

    « Par patriotisme, par égard pour nos compatriotes qui souffrent, par respect envers nos institutions, et compte tenu de la tâche ingrate qui vous incombe en ces circonstances, ramasser l’action publique que certains ont laissé choir, je vous le dis, monsieur le Premier Ministre : le mouvement national n’entend pas entraîner le pays vers le chaos, vers cette politique du pire qui est la pire des politiques. Voilà pourquoi le Rassemblement national a fait un choix responsable : refuser de censurer a priori votre gouvernement pour lui donner une chance, si infime soit-elle, d’engager enfin les mesures de redressement nécessaires. » (Marine Le Pen, le 1er octobre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Contrairement à la rumeur publique, Michel Barnier et ses ministres ne sont pas les otages de Marine Le Pen et de son groupe RN à l'Assemblée Nationale. Le groupe RN et ses alliés ne comptent que 142 députés sur 577 et pour faire adopter une motion de censure, il en faut au moins le double, 289. Illustration par l'absurde : les premiers à tirer, c'est la gauche.

    En effet, les 192 membres des partis de la
    nouvelle farce populaire (NFP) ont déposé ce vendredi 4 octobre 2024 une motion de censure contre le gouvernement. Sa rédaction semble quasiment sortie d'une école primaire, sur le fond et même sur la forme, puisqu'on y relève quelques fautes d'orthographe (c'est vrai que, dans une sorte de comble de l'idéologie gauchiste, certains de ces députés considèrent que la connaissance de la langue française dépendrait du niveau de son compte en banque ; cela pourrait bien s'appliquer au gourou Jean-Luc Mélenchon).

    Les motivations de cette motion de censure reprennent la fable urbaine selon laquelle le NFP aurait gagné les élections : eh bien, non, 192 députés ne constituent pas une majorité, pas même relative. Si cela avait été le cas, le candidat du NFP André Chassaigne aurait été élu au perchoir puisqu'il suffisait, au troisième tour, de n'avoir qu'une majorité relative. Si
    Yaël Braun-Pivet a été brillamment réélue, c'est parce qu'une autre coalition, plus importante que le NFP, soutient aujourd'hui le gouvernement, avec une majorité relative très faible, certes, de 213 députés, mais supérieure aux troupes du NFP.

    On n'insistera pas sur les nombreux exemples de mauvaise foi politicienne dont est truffé le texte de cette motion de censure, comme le fait que le Président de la République
    Emmanuel Macron n'a pas voulu nommer l'inconnue de la dette abyssale de la ville de Paris Lucie Castets à Matignon : « Le Président de la République aurait dû nommer à Matignon la personnalité proposée par le nouveau front populaire. ». Truffé aussi de procès d'intention comme celui-ci : « Michel Barnier semble se contenter de vaines paroles sur la défense de l’environnement et du climat. Ainsi, le ministère de la Transition écologique a par exemple hérité d’un périmètre d’action fortement rogné. ». Ce qui est très maigre pour donner une raison de tuer le gouvernement.

    Sur le sujet environnemental, Michel Barnier a déjà répondu à Cyrielle Chatalain, la présidente du groupe écologiste à l'Assemblée : « Madame la présidente Chatelain, vous avez parlé d’effets de manche mais je ne vois pas où vous en avez trouvé dans mon discours. Je n’en ai pas fait et je n’en ferai pas, on dit d’ailleurs souvent de moi, je le sais bien, que je suis trop sérieux et pas marrant. Je me suis exprimé sincèrement et sobrement et je continuerai ainsi. Je suis attentif, vous le savez, à la transition écologique. J’étais même engagé avant vous sur ces questions. (…) Je rappellerai ici que j’ai la fierté d’avoir créé, il y a trente ans, le fonds Barnier, dont il est beaucoup question. Je continue à suivre son développement et je vais avec la ministre compétente augmenter les moyens dont il est doté. J’estime en effet que la prévention coûte toujours moins cher que la réparation et qu’une réparation anticipée et organisée est plus efficace et moins coûteuse qu’une réparation improvisée. ».

    Ce qui est désolant avec cette motion de censure, c'est que ceux des députés socialistes supposés s'être opposés à la mainmise des insoumis sur la gauche ont finalement tous signé ce texte de censure, en particulier Jérôme Guedj, Aurélien Rousseau, ancien ministre d'
    Élisabeth Borne, et même François Hollande, ancien Président de la République, qui n'a vraiment pas peur de l'humiliation publique. Tous ceux-là viennent de montrer, en s'associant aux délires mélenchonesques, qu'ils ne souhaitent plus gouverner la France, ils ne souhaitent plus être responsables ni crédibles.

    Incontestablement, ceux qui risquent de faire sauter le gouvernement Barnier ne sont pas d'extrême droite mais de la gauche ultradicalisée. Si cette gauche ne voulait pas censurer le gouvernement, le RN n'aurait aucun poids politique, ne pourrait rien exiger, puisqu'il serait dans l'incapacité de réunir 289 voix pour faire adopter une motion de censure.


    D'ailleurs, il était très instructif (et risible) de voir Manuel Bompard, le représentant des insoumis, sur France 2 le soir du 3 octobre 2024, faire la danse du ventre devant la représentante du RN, la suppliant de voter pour sa motion de censure, alors qu'il se prétend la locomotive du combat contre le RN (sauf quand il a besoin de lui). La réponse a été très claire. Laure Lavalette, députée RN, a rejeté les appels du pied des insoumis : « Je pense que la situation est suffisamment grave pour ne pas censurer en amont déjà ce gouvernement. On va, j'allais dire, donner la chance au produit (…). On ne peut pas ajouter du chaos comme vous le faites. ». Le RN en situation d'être responsable alors que François Hollande joue au pyromane de la République : postures improbables.

    Cette motion de censure sera examinée en séance publique l'après-midi du mardi 8 octobre 2024, après l'hommage solennel à
    Louis Mermaz, ancien Président de l'Assemblée Nationale, et les questions au gouvernement. Son issue prévisible est le rejet, faute d'avoir convaincu les députés RN de se joindre à la gauche (pour une collusion des non, mais certainement pas pour un gouvernement commun).
     

     
     


    Mais revenons sur la position du RN qui peut étonner. Marine Le Pen, dans un discours très grandiloquent, écrit avant d'avoir écouté la déclaration de politique générale de Michel Barnier, en a donné quelques éléments de compréhension le 1er octobre 2024.

    La chose principale, qui ne coûte pas un rond, c'est d'avoir de la considération : représentante de millions d'électeurs, Marine Le Pen veut que les 142 députés RN et alliés soient reconnus comme tels, comme des élus de la République et soient ainsi respectés comme tels, puissent participer aux concertation, puissent aussi participer à la gestion de l'Assemblée (le 19 juillet 2024, ils ont été exclu du
    bureau de l'Assemblée au contraire de la législature précédente qui comptait deux vice-présidents RN de l'Assemblée). Sa revendication a été ainsi formulée : « Je le dis ici de manière solennelle, à l’intention de chacun des ministres, de tout détenteur de l’autorité publique issue de ce gouvernement : nous entendons que les 11 millions de patriotes qui ont voté pour notre coalition d’union nationale soient respectés, que cessent ces attaques inutiles et injustes qui procèdent tant du mépris de classe que de l’intolérance caractéristique des totalitarismes. Ces attitudes n’honorent ni surtout ne servent le pays, son unité, son modèle démocratique. ». Devant les députés, Michel Barnier n'a pas arrêté d'annoncer qu'il écouterait tous les groupes, qu'il n'exclurait aucun groupe politique. Il a donc tout bon !

    Sans s'empêcher de fustiger le Président de la République à de nombreuses reprises, Marine Le Pen a voulu se montrer responsable et annoncé qu'elle ne s'opposerait pas pour s'opposer. C'est vrai qu'en procès depuis le 30 septembre 2024, avec vingt-six autres dirigeants du RN, sur une suspicion de fraude de 7 millions d'euros, pour une durée très longue de deux mois, la potentielle candidate du RN préférerait attendre que cette affaire soit oubliée avant un prochain scrutin.

    Elle a ainsi interpellé Michel Barnier : « Ma première demande, monsieur le Premier Ministre, est simple : faites preuve de volontarisme dans tous les domaines, et pas seulement dans celui des finances. Il ne s’agit pas de vous concilier votre "aile gauche", votre "aile droite" ou vos "partenaires exigeants", bref, toutes ces périphrases qui vous permettraient de justifier votre inaction par le respect de médiocres équilibres partisans : il s’agit de produire un impact rapidement perceptible par tous les Français. Or, en vous écoutant, j’entends des constats, mais tout de même bien peu de solutions. ».

    Voulant montrer sa bonne volonté, Marine Le Pen a encouragé le gouvernement à faire preuve de courage : « Vous avez sur ce point, monsieur le Premier Ministre, une possibilité considérable : sans mandat électif à défendre aujourd’hui ou demain, vous pouvez faire preuve de courage en réalisant les économies dont le gisement a été identifié depuis des années, dans les observations de la Cour des Comptes comme dans d’autres rapports publics portant sur le sujet. Une étude américaine publiée fin 2023 évalue à quatre points de PIB les pertes causées en France par la suradministration. ». Il faudra donc rappeler à ses éventuels électeurs venant de la gauche que le RN est pour restreindre l'intervention de l'État, comme le souhaite également son allié ultralibéral
    Éric Ciotti. Ce qui est tout à fait dans la tradition du FN dont le fondateur, son père Jean-Marie Le Pen, voulait supprimer l'impôt sur le revenu.

    Elle a même proposé à Michel Barnier les clefs de sa popularité : « Vous le savez, nous avons trois priorités, au sujet desquelles notre vigilance s’exercera de manière accrue : le pouvoir d’achat, l’immigration et la sécurité. Ce faisant, nous vous rendrons service, puisqu’elles correspondent aux exigences des Français et que vos mesures en la matière, peut-être, vous rendront populaire ; la France aussi y trouvera son intérêt, puisque ces urgences, trop longtemps négligées, ne peuvent plus l’être davantage. ».

    La dirigeante du RN a donc donné sa règle du jeu très clairement, les trois « lignes rouges sur lesquelles notre groupe pourrait, demain, fonder un vote de censure ». C'est habile : elle n'a réduit sa "surveillance" que sur trois sujets et pas plus, parce qu'elle veut obtenir des avancées concrètes sur les mesures que proposera le gouvernement. En cela, elle joue le jeu de l'écoute et de la coconstruction de la loi quand la gauche joue l'opposition systématique et l'obstruction (jusqu'à vouloir
    destituer le Président de la République pour des raisons de cour de récréation).


    La première ligne rouge : baisser la pression fiscale


    Le choix des priorités du RN est intéressant : « La première d’entre elles réside dans l’évolution de la pression fiscale, déjà insupportable, qui s’exerce sur les Français, en particulier sur les classes populaires et moyennes. Toute hausse d’impôt touchant les plus fortunés, entreprises ou ménages, devra être compensée par du pouvoir d’achat rendu à nos concitoyens modestes, qui travaillent et ont vu leur reste à vivre fondre depuis trois ans. ».

    Le meilleur moyen de réduire le déficit, pour le RN, est donc de s'attaquer aux dépenses publiques, ce qui, pour de nombreux membre de la majorité, est du bon sens (mais n'est pas facile à pratiquer). Elle a même apporté son soutien à venir pour toutes les décisions courageuses de réduction des dépenses : « Soyez-en sûr : dans cette mission, nos députés ne vous seront pas des obstacles, mais des soutiens, si vous savez faire preuve de courage. ». Le gouvernement n'en demandait pas tant !


    La deuxième ligne rouge : baisser la pression migratoire

    Sans surprise, après le pouvoir d'achat, l'immigration est le thème par excellence du RN pour racoler des électeurs (et il y parvient !) : « Notre deuxième ligne rouge serait l’absence du sursaut migratoire, sécuritaire et pénal qu’attendent des millions de Français. Nous vous demandons, à vous qui teniez il y a quelques années un discours si ferme à ce sujet, de remettre à votre agenda, dès le premier trimestre de 2025, un projet de loi "immigration" restrictif, reprenant au minimum les
    dispositions censurées en janvier par le Conseil Constitutionnel. De plus, puisqu’une tragique actualité a encore une fois mis en lumière la question des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et des laisser-passer consulaires, je vous suggère une règle simple : en l’absence de laissez-passer, zéro visa. ».
     

     
     


    Notons quand même que cette dernière règle n'aura aucune efficacité, et l'ancien Ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est bien placé pour le savoir car il avait essayé et il se trouve que les ressortissants des pays en question, faute de visa français, demandent un visa espagnol et avec Schengen, peuvent arriver en France en toute légalité. En clair, ces pays se moquent bien d'une politique de zéro visa. Il faut trouver autre chose pour être efficace.

    Comme on le dit généralement, les solutions les plus simplistes sont les moins efficaces (sinon, on les aurait mises à l'œuvre depuis longtemps). Les responsables politiques ont toujours cette tentation prétentieux qu'avant eux, la lumière était éteinte et qu'avec eux, tout va réussir, alors que, ici, les idées du RN ne sont pas vraiment innovantes, c'est le moins qu'on puisse dire.


    Marine Le Pen a réclamé d'autres mesures sur le plan sécuritaire et pénal, qui semblent recevoir un écho favorable pour la majorité des députés (et ne devraient donc pas être la cause d'un renversement possible du gouvernement).


    La troisième ligne rouge : le scrutin proportionnel

    Je cite cette troisième et dernière condition pour ne pas censurer le gouvernement Barnier, qui est le
    mode de scrutin. J'y reviendrai très prochainement plus en détails.

    Quand on analyse les deux premières conditions, elles ne sont pas insurmontables. En quelque sorte, Marine Le Pen a choisi d'emballer convenablement son choix de ne pas censurer le gouvernement et de tenter d'y donner son influence. Tout ce tralala pour garder la face. C'est sans doute une stratégie payante à moyen terme, sauf si le gouvernement réussit trop bien.


    Ainsi, Marine Le Pen s'est positionnée totalement à l'opposé de l'affrontement permanent voulu par la gauche : « Si je prends l’engagement aujourd’hui de ne jamais céder, un seul instant, aux médiocres sirènes de la comédie des menaces de censure qui seraient fondées sur autre chose que l’observation impartiale de vos actes, c’est parce que c’est à vous, et à vous seul, qu’il appartient, par la juste prise en considération des mesures que je viens d’évoquer, de faire de cette période, autant que possible, un temps de construction et de service de l’intérêt général. Cet esprit d’ouverture ne doit pas être interprété comme un blanc-seing, pas plus que notre esprit républicain ne doit être assimilé à de la faiblesse, de l’irrésolution, voire une forme d’allégeance à un gouvernement que nous considérons davantage de circonstances que de convenance. ».

    Elle a même donné un argument patriotique à sa non-censure : « L’absence de direction gouvernementale signifierait mécaniquement, pour notre pays et pour les Français, une double servitude technocratique, française et surtout bruxelloise. Or le pays a besoin de décisions politiques, parfois fortes et exigeantes, qui ne peuvent émaner que de politiques et non d’administratifs, aussi dévoués soient-ils, ni, encore moins, d’instances supranationales, acquises à d’autres intérêts. ».

    À la fin de son discours, Marine Le Pen a été ovationnée, tous les membres de son groupe et de celui d'Éric Ciotti se sont levés, montrant aussi une manifestation de force dans l'hémicycle face à un Premier Ministre qui, à la fin de sa déclaration de politique générale, n'a eu que les membres du groupe LR (Droite républicaine) pour se lever et le saluer, les membres de l'ancienne majorité macroniste étant restés ostensiblement assis (ce qui, à mon sens, n'est politiquement pas très malin).

    Comme celui qui tombait du haut d'un immeuble, dans le film "La Haine" (de Mathieu Kassovitz, sorti le 31 mai 1995), Michel Barnier peut se dire à la veille du délicat débat budgétaire : "Jusqu'ici, tout va bien !". Mais, ne soyons pas trop rapide, regardons d'abord précisément qui votera (ou ne votera) pas la motion de censure ce mardi 8 octobre 2024. La première motion de censure, évidemment, car la gauche n'hésitera pas à en déposer régulièrement.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241001-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/les-3-lignes-rouges-de-marine-le-257018

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/02/article-sr-20241001-marine-le-pen.html



     

  • 7 octobre 2023 : un an qu'Israël se bat pour sa survie

    « Le 7 octobre a été un point de bascule général. C'est non seulement le plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah (…), il y a donc le massacre, il y a les otages, 250 otages, il en reste une centaine, on ne sait pas combien sont vivants, mais surtout, ce qu'il y a eu, et ce qui explique le traumatisme à la fois d'Israël et des Juifs du monde entier, c'est la conscience que l'anéantissement redevenait possible. » (Anne Sinclair, le 3 octobre 2024 sur BFMTV).



     

     
     


    Cela fait un an que les terroristes enragés du Hamas ont massacré plus d'un millier de citoyens israéliens et parfois étrangers venus faire la fête, le samedi 7 octobre 2023 en Israël. Comme l'expliquait bien la journaliste Anne Sinclair sur BFMTV le 3 octobre 2024, c'est un point de bascule. L'horreur à son plus haut niveau : « J'entendais l'autre jour une femme qui s'appelle Céline Bardet, qui est une enquêtrice internationale, qui dirige une ONG qui s'appelle Women are not weapons of war, les femmes ne sont pas des armes de guerre, et qui enquête sur les crimes sexuels, qui a été enquêté sur Boko Haram, qui enquête sur l'Ukraine, qui dit que la sauvagerie de ce qui s'est passé le 7 octobre, elle n'avait jamais vu ça, que, sur les corps suppliciés des femmes même tuées, on s'est acharné à les violer, à les démembrer. ».

    Le point de bascule, c'est l'obligation, pour le gouvernement israélien, soutenu par tout le peuple, d'en finir avec les roquettes régulières et fréquentes dans le ciel, qui viennent du Hamas depuis la bande de Gaza et du Hezbollah depuis au sud du Liban, voire avec la menace nucléaire de la république islamique de l'Iran.

    En un an, avec malheureusement beaucoup de trop de morts collatérales d'innocents, le gouvernement israélien a éliminé de nombreux terroristes du Hamas et de nombreux terroristes du Hezbollah, en intervenant sur le terrain à Gaza et au Liban. Le point le plus fort a été sans doute l'élimination le 27 septembre 2024 à Beyrouth de Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah depuis le 16 février 1992, responsable entre autres de
    l'assassinat des 58 soldats français le 23 octobre 1983, des prises d'otages français à Beyrouth, et des attentats terroristes en France dans les années 1980 et 1990. La perspective de nouveaux 7 octobre venant du sud du Liban a convaincu Benyamin Netanyahou d'intervenir au Liban à partir du 23 septembre 2024.

    Pour autant, les deux mouvements terroristes ne seront jamais complètement détruits et l'Iran a aussi attaqué Israël (180 missiles envoyés en Israël le 1er octobre 2024 après une première attaque le 14 avril 2024). À cause des bombardements du Hezbollah, 80 000 Israéliens ont dû être évacués du nord du pays, ce qui représente l'équivalent d'environ 500 000 Français déplacés en France si on prend en compte la différence de population.


    Revenons au massacre du 7 octobre 2023 qui a été le catalyseur de cet embrasement régional. Il y a eu près de 1 300 personnes massacrées, la plupart de jeunes Israéliens qui se sont rassemblés pour des festivals musicaux, à quelques kilomètres de la frontière avec Gaza (quatre kilomètres). Parmi les personnes rescapées, une jeune femme qui a eu du cran de venir témoigner à la télévision. Elle l'a fait sur BFMTV dans la matinée du vendredi 13 octobre 2023, interrogée par le journaliste Bruce Toussaint. Elle était encore sous le choc, moins d'une semaine après la tragédie.
     

     
     


    Elle s'appelle Laura Blajman-Kadar. Son témoignage était d'autant plus poignant, émouvant, qu'elle s'exprimait bien, très bien, avec une aisance naturelle à l'oral. Ce qui est extraordinaire, c'est qu'elle était à la fois très émue, effondrée, encore sous le choc après quelques jours (elle a perdu beaucoup d'amis sous ses yeux dans des conditions atroces), mais elle avait cependant le cran, le courage, de penser à l'avenir, à plus tard. Elle est Franco-israélienne, venue habiter en Israël à l'âge de 8 ans. Elle avait 35 ans et faisait partie des organisateurs du festival. Plus exactement, elle avait organisé l'Unity Festival la veille, le 6 octobre 2023, et elle est restée sur place le lendemain pour donner un coup de main (et participer) à un autre festival de musique électronique, Tribe of Nova.

    Ses premiers mots exprimaient son état d'esprit : « On ne peut pas se sentir très miraculés quand on est entre des enterrements. Là, dans quelques minutes, je dois partir parce qu'on enterre un de mes meilleurs amis. Hier, on a reçu cinq noms des amis qui ont été retrouvés morts. Je ne sais pas si vous savez, mais ils ont retrouvé des centaines de corps, mais ça prend du temps à identifier les corps car on ne peut seulement le faire qu'avec des tests ADN, parce que les corps sont dans des états terribles. En fait, on reçoit tous les jours des noms des gens qui ont été retrouvés morts. Et on a énormément d'amis absents, on attend d'entendre s'ils sont morts ou s'ils sont pris otages. Donc, ce sont des jours très très durs pour nous. ».


    Son histoire : elle et son mari ont entendu des roquettes, alors ils se sont couchés mais au début, ils n'étaient pas très inquiets car c'est habituel. Ils se sont mis dans la caravane et ils allaient ensuite partir : « On attend que les roquettes se terminent et on rentre à la maison. On a pris notre voiture et notre caravane, on allait partir et puis on a entendu les coups de feu et on a compris qu'ils tiraient sur tout le monde. Il n'y avait aucun endroit pour se cacher (…), pas d'abri. Il y avait des roquettes qui tombaient du ciel, il y avait des terroristes de partout, qui tiraient de partout, et on a couru se cacher dans la caravane. On était restés dans cette caravane sept personnes, pendant six heures, c'est une petite caravane de deux personnes, c'est pas plus que ça, c'était fermé à clef mais c'est une fermeture en plastique, et pendant six heures, on était couchés parterre dans la caravane. Il faisait une chaleur, c'était de 50°C, on était en train de transpirer. On était allongés sept personnes parterre dans le silence et on entend les terroristes dehors crier Allah akbar, et tuer tous nos amis, on les a entendus arriver débarquer, tuer des quantités... on a entendu des gens hurler dehors. ».
     

     
     


    L'hésitation du destin, ce fil si fin qui l'a reliée à la vie : « Et après l'endroit est devenu silencieux, ils sont revenus une deuxième fois, pour achever les gens, pour vérifier que... tirer une deuxième fois sur nos blessés pour être sûrs que tout le monde était mort. Ils ont essayé de nous ouvrir la porte de la caravane. Mon mari et moi, on était encore dans la caravane. C'est le moment qu'on s'est dit au revoir. Parce que, quand tu as un terroriste en train de taper à la porte, vous comprenez que votre dernier moment arrive. Alors, j'ai dit à mon mari que je l'aime. J'ai fermé les yeux. Et j'espérais mourir vite. C'était ça, ma seule prière, de mourir vite. De ne pas être kidnappée parce que... on a des dizaines de filles, de femmes qui sont maintenant kidnappées dans la bande de Gaza. Et je n'ose pas réfléchir, mais qu'est-ce qui est en train de se passer à mes copines qui sont là-bas ? On a des filles de 13 ans et de 15 ans qui sont maintenant, pendant que nous discutons, à Gaza. Donc, oui, moi, j'ai préféré sur le coup, j'espérais, j'ai prié de mourir vite et de ne pas être kidnappée. ».

    L'horreur à l'état pur : « Et donc, cela a pris six très très longues heures que Tsahal a réussi à arriver où on était et à se battre contre eux. Après six heures, quand on nous a dit qu'on pouvait sortir de la caravane, ce que mes yeux ont vu, je ne l'oublierai jamais. Parce que les centaines de cadavres de mes amis qu'ils ont trouvés, on les a vus. On est sortis de la caravane et c'était un massacre total. Il y avait des cadavres partout, des jeunes couples. Surtout, il faut dire, ce festival de musique, c'est des festivals de tous âges. Il y a des familles qui viennent avec leurs enfants, il y avait des poussettes là-bas, il y a des enfants de 20 ans, il y a des gens de mon âge de 35 ans. On a un ami, Ilan, qui est pris en otage, qui a 57 ans. Il y avait des gens de tous âges qui dansaient dans ces festivals, et des heures plus tard, il y avait cadavres de tous les âges, qui étaient là-bas parterre. ».
     

     
     


    Combattre le terrorisme jusqu'au bout : « Pour nous, ce n'est toujours pas terminé, parce que la guerre, que nous, on n'a pas demandée, vient seulement de commencer. Nous, on n'a demandé qu'aller danser quelques heures dans un champ, c'est ce qu'on voulait. On continue à recevoir les noms de nos morts tous les jours, on enterre nos amis tous les jours, et aujourd'hui, on comprend qu'il n'y a plus aucune différence entre le Hamas et Daech. Parce que les choses que j'ai entendues juste à côté de moi, ce n'est pas des hommes qui font ça, ce n'est pas des êtres humains. ».

    Poursuite du témoignage, pendant les combats : « On les a entendus se battre avec Tsahal. Après, les choses sont devenues silencieuses. Ils ont tiré sur la caravane. Mon mari a eu une balle qui est passée juste au-dessus de sa tête. Et la deuxième balle, elle est rentrée dans la clim. Et donc, on a entendu le gaz de la clim rentrer dans la caravane. On a commencé à se sentir mal. J'ai eu très très peur de perdre connaissance. Puis après une heure, c'est devenu silencieux. On a eu beaucoup de chance, on a réussi à discuter avec le producteur du Nova Festival, c'est un ami à nous (…). Il est resté sur le terrain, il a réussi à prendre une arme d'un des terroristes et se battre avec Tsahal. C'est un homme incroyable. Et on a réussi à l'avoir au téléphone, il a dit qu'il nous voyait de loin parce qu'il était aux urgences, il voyait ma caravane de loin, il m'a dit qu'on peut sortir, mais sortez les mains en haut, pour que personne ne se trompe et ne tire dessus. Il y avait encore des terroristes un peu partout. Il nous a dit qu'on peut sortir, on a cassé la porte et on a couru, c'était peut-être deux cents, trois cents mètres, mais... Dans les films, dans les films, on ne voit pas les choses comme ça ! ».
     

     
     


    Le deuil et la désolation : « J'ai couru au-dessus des cadavres des amis à moi. Comme je suis productrice de festival de musique, je connais ces gens, c'est mon monde. Tous les visages qui étaient parterre, c'est des gens que je connais, j'ai dansé avec, j'ai travaillé avec, c'est de copains, c'est des amis, c'est des camarades. On a perdu des centaines de personnes. Vous savez, l'été dernier, on était en festival au Portugal, en Suisse, c'est le même genre de festival. Mais qui peut imaginer une chose pareille ? Quand j'étais au Boum Festival il y a deux ans, j'étais étonnée de rencontrer tellement de Français qui aiment cette musique (…), qui connaissent tous les DJ israéliens, j'ai rencontré plein d'amis français qui ont dansé avec nous là-bas. Alors, vraiment, je demande à mes amis français, qui ont dansé avec nous, qui nous connaissent, des Français que j'ai grandi avec en France, comprenez ce qui nous passe. On a des hommes, des femmes, des enfants, des bébés, des bébés de quelques mois qui sont pris otages à Gaza. Alors, il faut comprendre ce qui nous passe. Il faut comprendre que c'est un massacre qui n'a jamais eu dans le passé pareil, en Israël pour le peuple juif. Pour nous, c'est la Shoah, la deuxième fois, ce qu'on nous a fait. Et il faut aussi comprendre qu'on a le droit maintenant de tout faire pour ramener nos amis à la maison. Parce que mes amis sont à Gaza. J'imagine que vous avez tous vu la vidéo de Noah qui était prise otage en auto. Hier, c'était son anniversaire, c'était son 26e anniversaire. Elle doit revenir à la maison. Ils sont obligés de revenir à la maison. Et c'est notre devoir, comme pays d'Israël, l'âme d'Israël, notre devoir de ramener nos gens à l'abri à la maison. ».
     

     
     


    Son témoignage très émouvant d'une dizaine de minutes s'est déroulé sans quasiment aucune interruption du journaliste, laissant ainsi s'installer des silences remplis de larmes. Et puis, cette dernière remarque, cette anticipation de la guerre difficile qu'allait mener Israël contre les organisations terroristes.

    Aucune haine, et le souci de l'avenir, en paix pour tous : « Je voudrais juste dire une seule chose, si vous permettez, une dernière chose. Il commence maintenant une guerre qu'on n'a pas voulue qui va être horrible. J'ai perdu énormément d'amis, mes deux petits frères là maintenant sont dans l'armée, et je sais que je perdrais encore des amis. Mais quand cette guerre se terminera, le Hamas ne peut plus exister, parce que le Hamas, c'est comme Daech, il ne peut plus exister. Et à la fin de cette guerre, il y aura deux gagnants, ce sera le pays d'Israël et le peuple palestinien. Parce que surtout, il ne faut jamais oublier que le peuple palestinien souffre du Hamas, comme nous. Et espérons que cette guerre se terminera le plus vite possible avec le moins de morts des deux côtés. Parce qu'on veut tous simplement vivre en paix et en silence. ».

    Laura Blajman-Kadar a eu besoin de raconter ce qu'elle a vécu, surtout en mémoire de ses amis tués ou enlevés. Elle a fini son livre en Inde. Il est sorti le 21 mars 2024 aux éditions Robert Laffont (avec la collaboration de Dominique Rouch) sous le titre "Croire en la vie". L'occasion pour elle de retourner devant les micros pour parler de cette horreur indicible (en fin d'article, cinq exemples en vidéos). Un besoin de parler, de ne pas se taire, de garder la mémoire, pour les générations futures, et aussi, cette interrogation qu'ont eu la plupart des rescapés des
    camps d'extermination : pourquoi moi ? pourquoi ai-je réchappé au massacre ? pourquoi suis-je encore vivant ? Et cette terrible évidence : le hasard.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    7 octobre 2023 : un an qu'Israël se bat pour sa survie.
    Laura Blajman-Kadar.
    7 octobre 2023 : l'hommage aux victimes françaises.
    Discours du Président Emmanuel Macron en hommage aux victimes du 7 octobre 2023 aux Invalides le 7 février 2024 (texte intégral et vidéo).
    L'avenir de la France se joue aussi à Gaza !
    La naissance de l’État d’Israël.
    David Ben Gourion.
    Eden Golan.
    Walid Daqqa.
    Gaza : quel est l'accord entre Israël et le Hamas ?
    Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
    Conflit israélo-palestinien : la France est-elle concernée ?
    Dominique de Villepin toujours pro-palestinien ?
    Emmanuel Macron participera-t-il à la grande marche contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023 ?
    Gaza, victime avant tout du Hamas ?
    Quel est le bilan de la visite d'Emmanuel Macron au Proche-Orient ?
    Proche-Orient : l'analyse crue de Jean-Louis Bourlanges.
    Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il en Israël ce mardi 24 octobre 2023 ?
    Hôpital à Gaza : la vérité aveuglée par la colère ?
    Hamas : tirs groupés contre les insoumis.
    Horreur en Israël : les points sur les i de Gérard Larcher et Emmanuel Macron.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 12 octobre 2023 (vidéo et texte intégral).
    Allocution du Président du Sénat Gérard Larcher le 11 octobre 2023 (texte intégral).
    Horreur totale en Israël ; émotion et clarification politique en France.
    Israël en guerre contre son agresseur terroriste, le Hamas.
    Les Accords d'Oslo.


















    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241006-massacre-israel.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/7-octobre-2023-un-an-qu-israel-se-250951

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/05/article-sr-20241006-massacre-israel.html







     

  • Michel Blanc marche à l'ombre

    « Putain Michel… Qu’est-ce que tu nous as fait !… » (Gérard Jugnot, le 4 octobre 2024 sur Instagram).




    _yartiBlancMichel03

    Le comédien Michel Blanc est mort à l'âge de 72 ans dans la nuit du 3 au 4 octobre 2024, à l'hôpital des suites d'un malaise cardiaque à son domicile. Une nouvelle qui a de quoi émouvoir de nombreuses personnes tant l'acteur était populaire.

    Michel Blanc avait deux caractéristiques : il était un excellent acteur tant dans les comédies que dans les drames (ce qu'on a pu entrevoir aussi avec Coluche, avec "Tchao Pantin"), mais aussi, il fait partie des rares acteurs (il y en a quelques-uns) qui ont pu se faire une réputation également dans la réalisation de films. Il était aussi comédien au théâtre, là où il a débuté (avec la troupe du Splendid) et en même temps metteur en scène.

    Le monde du théâtre et le monde du cinéma l'avaient d'ailleurs récompensé plusieurs fois : prix du scénario au Festival de Cannes en 1994, prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes en 1996, deux Césars (un du meilleur acteur dans un second rôle et 2012, un d'anniversaire avec la troupe du Splendid) et sept autres nominations aux Césars, un Molière de l'adaptateur en 2004 (et cinq autres nominations aux Molières).

    À l'origine du Splendid, une bande de copains au lycée Pasteur, à Neuilly-sur-Seine.
    Gérard Jugnot était à côté de Michel Blanc en classe de terminale et leur bureau était collé à celui du prof, ce qui leur permettait de chahuter sans trop se faire voir... jusqu'au jour où ils ont été pincés : « Blanc et Jugnot, plus jamais ensemble ! ». Gérard Jugnot était aussi copain avec Thierry Lhermitte lui-même copain avec Christian Clavier. Le Splendid s'est constitué rue du Faubourg Saint-Martin, à Paris, avec aussi Josiane Balasko, Marie-Anne Chazel et Bruno Moynot. Du rire, des pièces de théâtre, et puis plusieurs films qui ont fait leur succès, la série des Bronzés de Patrice Leconte et "Le Père Noël est une ordure" de Jean-Marie Poiré (sorti le 25 août 1982). Ensuite, chacun est allé de son côté au cinéma et au théâtre.

    Le jeu de Michel Blanc parlait à beaucoup de Français parce qu'il était avant tout un anti-héros, ou, au mieux, un individu ordinaire, monsieur tout-le-monde. Bien entendu, parce que cela lui est resté collé à la peau comme pour les autres acteurs de la série, Michel Blanc est mémorable dans "Les Bronzés" (sorti le 22 novembre 1978) et surtout, "Les Bronzés font du ski" (sorti le 21 novembre 1979) dans sa recherche pitoyable, désespérée et lourdement obsédante (presque
    houellebecquienne !) de vouloir absolument "conclure" (profitant de circonstances néfastes).

    _yartiBlancMichel01

    Lors de retrouvailles de la bande du Splendid le 13 avril 2024, Michel Blanc expliquait à "Paris Match" : « C’est un peu tout le problème. À l’époque, on a écrit des personnages qui étaient assez proches de nous. Jean-Claude Dusse, c’était clairement pour moi, pas pour Thierry Lhermitte. J’ai très vite eu peur qu’on m’y associe toute ma vie. ». Avec ses compères, il avait une grande envie de recommencer l'aventure commune, mais absolument pas dans le cadre des Bronzés.

    Heureusement, le rôle de Jean-Claude Dusse n'a pas tant que ça collé à la peau de Michel Blanc car il s'est beaucoup renouvelé. Étrangement, son seul véritable César, il l'a dû pour "L'Exercice de l'État" de Pierre Schoeller (sorti le 26 octobre 2011) dont je n'ai pas du tout apprécié la non-histoire. Certes, il faisait excellemment le directeur de cabinet du ministre, mais il a été peu servi par le scénario qui voulait en mettre plein les yeux du pouvoir sans pour autant en montrer le fond (les choses concrètes, les décisions, les difficultés de prendre des décisions, les enjeux politiques, économiques, sociaux). Je n'ai jamais compris pourquoi ce film a eu tant de bonnes critiques alors que pour mieux comprendre le mécanisme du pouvoir, "
    Quai d'Orsay" de Bertrand Tavernier (sorti le 6 novembre 2013) vaut mille fois mieux (avec un autre membre du Splendid, Thierry Lhermitte). Le monde du cinéma paraît très hermétique à celui du pouvoir politique, et pour que ce soit un vrai succès, il faut que parmi les scénaristes, il y ait au moins une personne de ce monde politique, pour avoir la connaissance de l'intérieur (comme ce fut le cas pour "Quai d'Orsay" avec Antonin Baudry alias Abel Lanzac).

    L'intérêt de "L'Exercice de l'État", c'est qu'on peut dire que Michel Blanc était un véritable acteur, c'est-à-dire que la personnalité se collait, s'adaptait au personnage et pas l'inverse. Il se moquait de lui-même en affirmant qu'il aimait le rôle de névrosé, comme il le reconnaissait le 12 janvier 2010 pour la sortie de "Une petite zone de turbulences" d'Alfred Lot : « Je n’aime pas les habitudes, les charentaises dans lesquelles on pantoufle, mais comment résister aux névroses, si jouissives à interpréter ? C’est comme un exorcisme. Et puis, je n’ai pas besoin de me documenter ! ».

    J'écrivais
    il y a deux ans : « Il y aurait en effet deux Michel Blanc… Le jeune chauve et moustachu, qui est un chauve triste, solitaire, à la limite de la dépression, en tout cas, désespéré, en opposition avec un autre chauve du Splendid, le sympa, le jovial, le collectif, le bon compagnon, qu’est Gérard Jugnot… enfin, je suis dans la caricature et je parle évidemment des rôles de Michel Blanc et pas de sa propre personnalité, c’est parfois difficile de faire la différence tant des réalisateurs utilisent justement la personnalité de leurs principaux acteurs pour raffermir les personnages de leurs fictions. Mais ce n’est pas toujours le cas, qui de l’acteur ou de son personnage l’emporte sur l’image publique ? En tout cas, il est dans la vraie vie l’hypocondriaque et l’angoissé de nombreux de ses personnages, ce qui le rend bien sûr authentique, authentiquement névrosé ! ».

    Et un peu plus loin : « En tout cas, il y avait manifestement, et depuis longtemps, un second Michel Blanc qui mijotait, effectivement plus dramatique que comique, avec des personnages de plus de maturation, et le jeu de plus de maturité, presque le physique a changé, pas forcément l’âge qui enlève le lissage de la jeunesse, mais peut-être la moustache en moins et les lunettes en plus. ».

    Il y a eu bien sûr de grands succès pour l'acteur et même le réalisateur, qui prenait l'audace d'évoquer la situation des SDF, l'homosexualité, les agressions sexuelles, ou d'autres sujets sociétaux rarement évoqués à l'époque au cinéma, comme notamment dans "Viens chez moi, j'habite chez une copine" de Patrice Leconte (sorti le 28 janvier 1981), "Marche à l'ombre" de lui-même (sorti le 17 octobre 1984), "Tenue de soirée" de Bertrand Blier (sorti le 23 avril 1986), "Grosse Fatigue" de lui-même (sorti le 18 mai 1994), etc. Il y a eu également d'autres succès avec "Papy fait de la Résistance" de Jean-Marie Poiré (sorti le 26 octobre 1983), pour un petit rôle, et "Uranus" de Claude Berri (sorti le 12 décembre 1990).

    On peut aussi apprécier des rôles plus improbables de Michel Blanc, comme dans "Je vous trouve très beau" d’Isabelle Mergault (sorti le 11 janvier 2006), où il semble jouer un remake du "Bonheur est dans le pré", agriculteur en recherche de compagne après la mort de sa femme, ou dans "Les Souvenirs" de Jean-Paul Rouve (sorti le 14 janvier 2015), une adaptation très réussie de l'excellent roman de
    David Foekinos, avec Annie Cordy, Mathieu Spinosi et Chantal Lauby.

    De tous ses rôles, je choisirais, s'il ne fallait en choisir qu'un seul, celui de "Monsieur Hire", un film de (encore) Patrice Leconte (sorti le 24 mai 1989) : il y est un commerçant peu aimé de son quartier, solitaire, misanthrope et taciturne, tombé amoureux de sa (jeune) voisine (jouée par la succulente
    Sandrine Bonnaire) qu'il espionne. Il se trouve alors entraîné dans une mécanique infernale due à son obsession. Cette adaptation de George Simenon (mort peu après la sortie du film) est particulièrement réussie, avec un flou voulu sur l'unité de temps et l'unité de lieu. Patrice Leconte avait d'ailleurs souhaité confier ce rôle à Coluche avant qu'il ne mourût. Le choix de Michel Blanc proposé par le réalisateur était donc un pari sur l'acteur. Réussi.

    Ses trois derniers films sont sortis l'année dernière : "Les Cadors" de Julien Guetta (sorti le 11 janvier 2023), avec Jean-Paul Rouve, Grégoire Ludig et Marie Gillain ; "Les Petites Victoires" de Mélanie Auffret (sorti le 1er mars 2023), avec Julia Piaton, où il est un illettré qui veut retourner à l'école, et "Marie-Line et son juge" de Jean-Pierre Améris (sorti le 11 octobre 2023), avec Louane Emera et Victor Belmondo, où il est le juge.


    Quitter ainsi une bande de copains. En solitaire. Michel Blanc manquera beaucoup aux cinéphiles parce qu'il était toujours à la recherche d'une permanent renouvellement. Mais son dernier rôle n'est pas terrible du tout... RIP.


    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (04 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Authentique névrosé ?
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.

     

     
     







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241004-michel-blanc.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/michel-blanc-marche-a-l-ombre-257065

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/04/article-sr-20241004-michel-blanc.html

     

  • Didier Raoult interdit d'exercer !

    « Clap de fin pour Didier Raoult ou sanction purement symbolique qui ne changera rien ? La communauté médicale et scientifique est soulagée mais aussi partagée après les deux années d’interdiction d’exercice de la médecine infligées au chantre de l’hydroxychloroquine. » (article de Nicolas Berrod, le 3 octobre 2024 dans "Le Parisien").



    _yartiRaoultDidierB03

    À la retraite depuis quelque temps (il a 72 ans, a dû quitter la direction de l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection le 1er septembre 2022 qu'il dirigeait depuis sa fondation le 30 novembre 2011 et a pris sa retraite de professeur des universités et praticien hospitalier le 1er septembre 2021), le professeur Didier Raoult, célèbre microbiologiste très médiatique, s'est vu condamner à une peine de deux ans d'interdiction d'exercer la médecine à partir du 1er février 2025 par la chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins. C'est du moins ce qu'a indiqué le journal "Le Parisien" le jeudi 3 octobre 2024.

    De quoi s'agit-il ? Entre autres reproches faits à Didier Raoult, le fait de promouvoir l'hydroxychloroquine comme traitement contre le covid-19. Dès février 2020, Didier Raoult a semé le doute et la confusion avec ses déclarations intempestives : « C’est efficace sur les coronavirus avec 500 milligrammes de chloroquine par jour, pendant 10 jours. C'est probablement l'infection respiratoire la plus facile à traiter. (…) Donc ce n’est pas la peine de s’exciter pour mettre les vaccins dans dix ans. Il faut travailler, voir les molécules potentiellement actives et qui sont immédiatement disponibles sur le marché. La seule chose que je vous dis : faites attention, il n’y aura bientôt plus de chloroquine dans les pharmacies. ». La plus facile à traiter ? Un peu léger, le professeur. Rappelons que plus de 15 millions de personnes sont mortes dans le monde de cette pandémie.

    L'hydroxychloroquine n'a jamais été efficace contre le covid-19, et les
    vaccins n'ont pas mis dix ans mais moins d'un an pour arriver sur le marché. Didier Raoult a joui de nombreux soutiens, d'abord des gens du Sud face aux gens de Paris, dans une sorte de démagogie anti-etablishment à laquelle se sont prêtaient des personnalités comme Christian Estrosi, Renaud Muselier, etc. Mais les réticences contre la vaccination l'ont mis dans le camp des antivax (qu'il n'est pas), très apprécié par tous les complotistes de tout poils, ce qui lui assurait aussi de fortes audiences dans ses vidéos publiées personnellement, en profitant de l'occasion pour remettre en cause la réalité du réchauffement climatique, et donc de son origine anthropique.

    _yartiRaoultDidierE02
    Didier Raoult a été logiquement défendu par tous les extrémismes de la classe politique pour la même raison, par Jean-Luc Mélenchon le 27 mars 2020, et par Jordan Bardella, alors seulement vice-président du RN, qui disait le 28 mai 2024 sur France Inter : « Didier Raoult est à la médecine ce que nous sommes à la politique. ». C'est-à-dire des repris de justice ?

    Si Didier Raoult est incontestablement un grand scientifique, il est
    fortement contesté pour ses méthodes de management de la recherche, son intégrité (il a été interdit de publier temporairement dans certaines grandes revues scientifiques), sa forte médiatisation alors qu'un médecin doit d'abord soigner, etc.

    Lorsqu'il a été condamné à un simple blâme le 3 décembre 2021 en première instance par la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins de Nouvelle-Aquitaine pour avoir enfreint plusieurs articles du code de déontologie de la profession, le encore directeur de l'IHU a fanfaronné en disant : « C'est une décision qui ménage l'honneur de tous. Je peux continuer à faire mon métier et le Conseil de l'Ordre de se désavoue pas. ». L'Ordre des médecins a alors fait appel, parce qu'il considérait la sanction beaucoup trop légère. Un nouveau procès a eu lieu en juin 2024.


    La chambre disciplinaire nationale de l'Ordre des médecins a donc été beaucoup plus sévère en appel que le jugement en première instance. Concrètement, cela ne changera plus grand-chose car l'infectiologue était déjà à la retraite, mais cela lui a apporté un grand désaveu scientifique à la face de tous, de manière très symbolique.

    Cette chambre lui a reproché de nombreuses méconnaissances du code de santé publique.

    Première faute : « Depuis la fin du mois de mai 2020, il existe un consensus parmi les autorités scientifiques et réglementaires pour estimer que l'on ne peut retenir un bilan bénéfice/risque favorable à l'hydroxychloroquine dans son utilisation contre le covid-19. Par la suite, en persistant à prescrire cette spécialité malgré les avis répétés et concordants des autorités sanitaires, le Pr Raoult n'a pas établi ses prescriptions selon les données acquises de la science et a méconnu les dispositions de l'article R.4127-8 du code de la santé publique. Il n'a, par voie de conséquence, pas délivré des soins consciencieux, en méconnaissance de l'article R.4127-31 du même code, et a proposé aux patients comme salutaire un médicament insuffisamment éprouvé, en méconnaissance de l'article R.41 27-39 du même code. ».

    Deuxième faute : « En persistant à défendre publiquement la prescription d'hydroxychloroquine contre le covid-19 pendant la période de l'épidémie et après la fin de celle-ci, alors que, d'une part, l'absence de bilan bénéfice/risque favorable faisait consensus au niveau national et international et que, d'autre part, l'étude menée à l'IHU de Marseille sur près de 30 000 patients hors de tout protocole randomisé agréé par un comité de protection des personnes (CPP) et autorisé ne permettait pas de tirer des conclusions valides au plan scientifique, le Pr Raoult ne s'est pas fondé, dans ses prises de position publiques, sur des données confirmées, n’a pas fait preuve de prudence et a promu un traitement insuffisamment éprouvé, méconnaissant ainsi les dispositions des articles R.4127-13 et R.4127-14 du code de la santé publique. ».

    La chambre a reconnu néanmoins qu'il n'a pas fait « courir de risque injustifié » à ses patients à qui il a prescrit de l'hydroxychloroquine car il « a sciemment écarté du traitement ceux qui présentaient les facteurs de risque les plus élevés » et la posologie « respectait les seuils » ANSM du 30 mars 2020, selon le président de la chambre disciplinaire nationale.

    Troisième faute : Il n'a pas demandé aux autorités l'autorisation de mener une étude clinique sur 30 000 patients, un médecin « ne peut participer à des recherches biomédicales sur les personnes que dans les conditions prévues par la loi ».

    Quatrième faute : « Il résulte de l'instruction que le Pr Raoult a tenu publiquement à l'égard d'autres établissements ou confrères des propos dépassant le cadre de la liberté d'expression et empreints d'absence de confraternité. Des propos tels que ceux où le Pr Raoult mettait en avant les bons résultats de l'IHU, en les opposant à ceux des hôpitaux parisiens où "ils comptaient les morts" (interview du 7 novembre 2020), ou encore ceux dans lesquels il désignait nommément un confrère médecin en indiquant que celui-ci "a fait des essais dans lesquels des enfants sont morts. Ça ne m'est jamais arrivé" (interview du 30 mai 2023), doivent être regardé comme méconnaissant les dispositions de l'article R.4127-56 du code de la santé publique. ».

    Cinquième faute : Par ses remises en cause de la vaccination généralisée et des confinements, le chercheur a « nui par des propos dénués de pondération aux mesures prises par les autorités sanitaires aux fins de protection de la santé publique ».

    On a bien vu, pendant la crise sanitaire, que la parole publique d'un scientifique en pleine pandémie avait des répercussions sociales très fortes, notamment dans le degré d'acceptation des contraintes liées à l'épidémie.

    Cette sanction d'interdiction d'exercer la médecine « sera notifiée au Pr Didier Raoult, au Conseil national de l'Ordre des médecins, au conseil départemental des Bouches-du-Rhône de l'ordre des médecins, à la chambre disciplinaire de première instance de Nouvelle-Aquitaine de l'ordre des médecins, au directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur, au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille, au ministre chargé de la santé et à tous les conseils départementaux de l'ordre des médecins ».

    Didier Raoult est par ailleurs encore sur le grill d'une enquête judiciaire au sujet de
    soupçons d'essais cliniques sauvages, c'est-à-dire sans autorisation.

    Il est heureux que la justice soit rendue pour toutes les infractions commises par le professeur Didier Raoult pendant la crise sanitaire. C'est aussi cela l'État de droit, des procédures qui sont longues à mener parce que le justiciable a le droit à une défense respectée. L'État de droit protège tous, tant le justiciable que les patients malmenés par un médecin en proie à un messianisme narcissique.

    L'argument principal des défenseurs de Didier Raoult, souvent peu connaisseurs de la médecine, c'est la liberté : Didier Raoul aurait dû avoir la liberté de prescrire de l'hydroxychloroquine. C'est stupide, la liberté est un mot complètement galvaudé, invoqué à tort et à travers et le jugement de l'Ordre des médecins le démontre bien. Car à parler sans arrêt de liberté, on en viendrait aussi à la liberté de violer
    Philippine et de la tuer, si on va jusqu'au bout du raisonnement où seule la liberté tiendrait face aux autres valeurs.

    La liberté, liberté de prescrire, liberté de parler, liberté de dire n'importe quoi, c'est d'ailleurs l'argument populiste par excellence des complotistes de tout poils. À défaut de nouveau traitement efficace contre le covid-19, le professeur Didier Raoult aura au moins inventé un opni (objet pensant non identifié) original : la microbiologie populiste ! Qui l'eut cru ?



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Covid-19 : Didier Raoult et des essais cliniques sauvages ?
    Publi en preprint (à télécharger) : "Early Treatment with Hydroxychloroquine and Azithromycin: A ‘Real-Life’ Monocentric Retrospective Cohort Study of 30,423 COVID-19 Patients" (4 avril 2023).
    Veut-on vraiment virer le professeur Didier Raoult de la direction de l’IHU Méditerranée Infection ?
    Covid-19 : la France plus vaccinée qu’Israël.
    Les supposés "bons" résultats de l’IHU Méditerranée du professeur Didier Raoult…
    Didier Raoult, candidat des populistes à l’élection présidentielle de 2022 ?
    Hydroxychloroquine : l’affaire est entendue…
    Didier Raoult, médecin ou gourou ?
    Hydroxychloroquine : attention au populisme scientifique !
    Polémique avec le professeur Didier Raoult : gardons notre sang-froid !
    Hydroxychloroquine vs covid-19 : Didier Raoult est-il un nouveau Pasteur ?
    Didier Raoult interdit d'exercer !
    2e rentrée scolaire contre les papillomavirus humains.
    Variole du singe (mpox) : "ils" nous refont le coup ?
    Covid : attention au flirt !
    Papillomavirus humains, cancers et prévention.
    Publications sur le papillomavirus, le cancer du col de l'utérus et l'effet de la vaccination anti-HPV (à télécharger).
    Émission "Le Téléphone Sonne" sur la vaccination contre les papillomavirus, sur France Inter le 3 mars 2023 (à télécharger).
    Le cancer sans tabou.
    Qu'est-ce qu'un AVC ?
    Lulu la Pilule.
    La victoire des impressionnistes.
    Science et beauté : des aurores boréales en France !
    Le Tunnel sous la Manche.
    Peter Higgs.
    Georges Charpak.
    Gustave Eiffel.
    Prix Nobel de Chimie 2023 : la boîte quantique ...et encore la France !
    Katalin Kariko et Drew Weissman Prix Nobel de Médecine 2023 : le vaccin à ARN messager récompensé !
    Covid : la contre-offensive du variant Eris.
    Hubert Reeves.
    Prix Nobel de Physique 2023 : les lasers ultrarapides, la physique attoseconde... et la France récompensée !
    John Wheeler.
    La Science, la Recherche et le Doute.
    L'espoir nouveau de guérir du sida...
    Louis Pasteur.
    Howard Carter.
    Alain Aspect.
    Svante Pääbo.
    Frank Drake.
    Roland Omnès.
    Marie Curie.

    _yartiRaoultDidierE01




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241003-didier-raoult.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/didier-raoult-interdit-d-exercer-257056

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/03/article-sr-20241003-didier-raoult.html