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politique - Page 7

  • Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !

    « Ce que je veux vous dire ce soir, c'est qu'on est dans une nouvelle ère de progrès. La France, l'Europe peuvent y être championnes ! » (Emmanuel Macron, le 9 février 2025 sur France 2).




     

     
     


    Quoi ?! Panique dans les salles de rédaction : Emmanuel Macron allait s'exprimer dimanche soir à la télévision, qu'allait-il annoncer ?! Tout de suite, la piste d'un référendum était suivie. Un référendum sur quoi ? L'immigration ? Cela ne signifierait rien, avec quelle question : êtes-vous pour ou contre l'immigration ? C'est comme poser la question : êtes-vous pour la pluie ou pour le soleil ? Alors, les services de l'Élysée ont mis les journalistes sur la voie : le référendum porterait sur l'intelligence artificielle. Silence dans les rangs.

    C'est vrai que le Président de la République semble s'ennuyer. Répondre à un internaute sur le paiement par smartphone dans les péages d'autoroute, évoquer la rénovation du Louvre, insister sur le financement du sport, et ce dimanche 9 février 2025 à 20 heures 30, sur France 2, présenter l'important Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle les 10 et 11 février 2025 au Grand Palais à Paris. Il a pourtant raison de se préoccuper, et avec lui la France, l'Union Européenne et la plupart des pays du monde, des avancées de l'intelligence artificielle et l'importance stratégique d'innover rapidement dans ce domaine. Aux États-Unis, Donald Trump a réuni les grandes entreprises de son pays pour des investissements massifs, de l'ordre de 500 milliards de dollars, c'est dire l'importance !

    C'était donc le thème de l'interview présidentielle diffusée après le journal du dimanche soir. Le Président de la République était interrogé par le journaliste Laurent Delahousse, et aussi par Palki Sharma Upadhyay, journaliste indienne vedette de First Post, qui a une très forte audience en Inde. L'interview de trente-sept minutes s'est déroulée dans le cadre splendide du Grand Palais où se tient le Sommet pour l'intelligence artificielle.

    Ce sommet a été un dada du Président français. En colère que le premier sommet n'ait pas été organisé par la France en 2023 (le Royaume-Uni l'a organisé en 2023 et la Corée du Sud en 2024), Emmanuel Macron voudrait capitaliser sur ce troisième sommet. C'est un moyen également de revenir dans le jeu diplomatique puisque ce sera l'occasion de retrouver ses homologues qui feront le déplacement, en particulier Narendra Modi (Premier Ministre de l'Inde), Olaf Scholz (Chancelier allemand), Justin Trudeau (Premier Ministre canadien), Zhang Guoqing (Vice-Premier Ministre chinois), J. D. Vance (Vice-Président des États-Unis), Ursula von der Leyen (Présidente de la Commission Européenne) et Antonio Guterres (Secrétaire Général de l'ONU).

     

     
     


    Au-delà de l'aspect pédagogique sur les enjeux de l'intelligence artificielle et les atouts de la France (que Sam Altman, le patron d'OpenIA, a reconnus dans une tribune au journal "Le Monde"), Emmanuel Macron voulait annoncer l'information capitale du jour : la France investira dans les années venir 109 milliards d'euros pour des projets d'innovation sur l'intelligence artificielle. Il ne faut pas se méprendre sur l'annonce, il s'agit généralement d'argent extérieur au budget de l'État, soit privé (grandes entreprises) soit de pays étrangers (comme le Qatar) finançant des projets français.

    Pour Emmanuel Macron, cette somme est à la hauteur des enjeux actuels : « Pour nous, la France, on a annonce demain, à ce Sommet, 109 milliards d'euros d'investissement dans l'intelligence artificielle sur les prochaines années. Qu'est-ce que c'est ? C'est exactement l'équivalent, pour la France, de ce que les États-Unis ont annoncé avec Stargate, c'est 500 milliards. C'est le même rapport. 109 milliards ! ». Le rapport par rapport à la population, à la différence près qu'il me semble qu'il y a erreur sur l'unité monétaire (non précisée par le Président), car les investissements américains, ce sont 500 milliards de dollars et pas d'euros.

     

     
     


    Mais revenons au début. Emmanuel Macron a tenu surtout à préciser que la France était capable de relever le défi mondial de l'intelligence artificielle : « D'abord, on doit être dans la course ! (…) Avant de savoir comme on régule, il faut savoir se dire : nous, on veut en être et on veut inventer des solutions, des technologies, sinon, on va dépendre des autres. ».

    C'est sans doute l'un des points les plus importants de chercheurs et des industriels, la régulation tue l'innovation : « Le défi des Européens, c'est quoi ? (…) Si on régule avant d'innover, on n'aura pas d'innovation. Et on dira : on a une super-régulation en Europe, mais on n'a pas un seul acteur. (…) Dans ce cas-là, on se coupera de l'innovation. C'est tout le dilemme qui est le nôtre. (…) Nous, notre première bataille en tant qu'Européen, c'est investir, investir, investir. ». D'où les 109 milliards d'euros.

    La petite blague aux États-Unis, c'est : l'innovation se fait aux États-Unis, les Chinois la copie, et les Européens la régulent (à la grande joie des Américains, bien sûr !).

    C'est vrai que pour toute innovation, il faut réguler car il faut protéger les personnes et les entreprises. Pour l''intelligence artificielle, il y a de nombreuses menaces, bien sûr, mais peut-être que les plus grandes menaces ne sont pas encore totalement connues. Les dangers sur les mensonges, la désinformation, la haine et, accessoirement, les droits d'auteur sont classiques et ne devraient pas différer de sanction avec d'autres supports, la loi reste la loi.

    D'ailleurs, Emmanuel Macron avait publié quelques heures avant la diffusion de son interview une petite vidéo humoristique où il a pris ce que les réseaux sociaux avaient fait de son image, acceptant simplement ce dénigrement gentillet, pour lancer le débat et donner la mesure des possibilités qu'offre l'intelligence artificielle générative et donc également ses risques. Un humour pas du tout du goût de Palki Sharma qui a lâché : « Ce n'est pas drôle, ce n'est pas drôle ! ».





    Le Président de la République a surtout voulu montrer tout l'intérêt de l'intelligence artificielle dans tous les domaines. Son credo, c'est que c'est un outil, et comme tous les outils, c'est la manière de s'en servir qui est importante.

    Il a ainsi désamorcé les mythes en réduisant son importance intrinsèque : « Il faut les penser comme des assistants. Et donc l'intelligence artificielle, ça ne va jamais remplacer l'homme, ce n'est pas vrai, je ne crois pas du tout à cela. (…) Il faut s'y préparer, donc, d'abord, il faut se former (…). En France, aujourd'hui, on forme 40 000 jeunes par an, on va monter à 100 000 jeunes par an. ».

    De même, Emmanuel Macron a affirmé que cela ne créerait pas de chômage, pas plus que toutes les innovations. Il en a même donné la preuve avec une précédente révolution, celle des robots dans l'industrie : « Je ne fais pas du tout partie de ceux qui pense que ça va tout remplacer. Je fais une parenthèse. On a déjà vécu ce débat. Quand les robots sont arrivés, on a eu ce débat dans les années 90 en France. On a dit : les robots vont remplacer les salariés. On a beaucoup plus bloqué les robots dans nos industries qu'ailleurs. Et bien, ce faisant, on a plus désindustrialisé. Là où on a mis le robot, et d'ailleurs, on est en train de corriger cet écart depuis quelques années en France, là où on met le robot, eh bien, nos ouvriers, nos salariés, qui sont formés, ils pilotent le robot, ils ont beaucoup moins de troubles squelettiques, ils ont un temps qui est dégagé, ils regardent la qualité, ils permettent d'avoir dans notre pays beaucoup plus de valeur qui est créée. ».

    Bien sûr, certains métiers vont disparaître, mais d'autres vont apparaître, comme dans toute évolution. Après tout, l'électricité a exclu les allumeurs de réverbères, et bien d'autres innovations, le tracteur, la calculatrice voire le logiciel Excel, etc. Pour autant, il y a toujours des agriculteurs, des comptables, etc.

    Le message du Président, c'était donc de dire qu'une fois le professionnel déchargé de tâches sans intérêt, il pourra se concentrer sur des fondamentaux. Ainsi, l'avocat ne fera plus de recherche de jurisprudence (lourdes et longues) dans une affaire qu'il a à traiter, il pourra se consacrer plus intensément à certains sujets difficiles, prendre plus de temps pour les explications, ou pour comprendre son client. Idem pour tous les professions médicales, le radiologue prendra moins de temps à lire un cliché IRM et il pourra passer plus de temps avec ses patients.

    En résumé, cela va transformer, mais pas supprimer de nombreux emplois : « Ça va transformer nos métiers. (…) Ça va donner plus de temps, aux personnes, pour encadrer le robot, mais pour aussi être plus présent humainement. (…) Ça va redonner de l'espace pour mieux faire. (…) L'intelligence artificielle, elle va permettre de déléguer certains de ces tâches, mais elle permettra de remettre de l'humain. Ce n'est pas un robot ou un assistant d'intelligence artificielle qui aura la bienveillance d'un appel téléphonique, d'un contact physique, du soin qu'on met avec une personne qui est âgée ou qui est en situation de handicap. ».
     

     
     


    Devenu ambassadeur de la technologie française (il a encouragé très vivement à utiliser le chat de Mistral au lieu de ChatGPT), le locataire de l'Élysée a analysé les besoins de la France en matière d'intelligence artifcielle : « Nous, c'est simple, c'est de dire : la France, l'Europe sont crédibles sur l'intelligence artificielle, nous y croyons, on veut aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. On est la cinquième puissance sur l'intelligence artificielle, nous, Français. Donc, on a des atouts formidables. (…) La France a des talents, c'est une très grande chance. Derrière, on est en retard sur les data centers, c'est-à-dire, les capacités de calculs. Pour faire tout ça, il faut des supercalculateurs qui vont prendre plein de données et aller très vite. ».

    Et c'est pour cela qu'il faut investir massivement notamment dans les semi-conducteurs pour qu'ils soient les plus puissants et les plus réduits possible. Il y a deux éléments majeurs pour réussir à se doter de supercalculateurs : augmenter la puissance des composants (mais on arrive bientôt à un seuil), et avoir une alimentation en énergie fiable.

    Ce qui a donné l'occasion à Emmanuel Macron d'insister sur la chance du programme nucléaire français (en se trompant un peu sur les dates, puisque ce n'est pas dans les années 1960 que la France a lancé le programme des centrales nucléaires mais en 1974, à l'époque du Premier Ministre Pierre Messmer) : « Nous, en France, on a une avance extraordinaire, c'est qu'on produit l'électricité parmi les plus décarbonées au monde, les plus pilotables et les plus sûres, on a un réseau le plus sûr et le plus stable, et on est exportateur de cette électricité décarbonée. ». Et de rappeler que la France exporte 90 TWh (térawatt heure, 1 téra = 1 000 milliards).

    D'où un avantage compétitif de la France sur les États-Unis, par exemple : « Il n'y a aucun pays européen qui produit autant d'énergie décarbonée en surplus de sa consommation. Donc, nous, quand on fait des data centers en France. Ce n'est pas pareil aux États-Unis, aujourd'hui, ces data centers tournent beaucoup avec du pétrole et du gaz. Ce n'est pas pareil dans plein de pays d'Europe, qui sont encore au charbon et au gaz (…). Quand vous allez faire des data centers chez nous, eh bien, c'est simple, ce sont des data centers propres, parce que notre électricité, elle est propre. (…) Et on ne va pas le faire aux dépens de nos industriels, de nos ménages, de notre consommation, parce qu'on est exportateur. ».


    Il faut néanmoins mettre un bémol sur cet enthousiasme élyséen lorsque le Président a parlé de « data centers propres ». Je ne crois pas du tout qu'ils soient propres, c'est-à-dire écologiques, même alimentés par de l'électricité d'origine nucléaire. En effet, ces centres de calculs sont également très coûteux en eau de refroidissement et leur consommation d'eau est énorme, pouvant mettre à mal l'organisation de certaines villes. La logique serait d'ailleurs d'installer ces grands centres dans des zones d'Arctique ou d'Antarctique.

    En revanche, Emmanuel Macron avait raison lorsqu'il parlait de consommation d'énergie moindre avec les projets français : « Nous, on croit à l'intelligence artificielle plus frugale. C'est ce que les innovations récentes ont montré. Nos modèles consomment moins de données car ils se sont spécialisés. ».
     

     
     


    Aidé du journaliste de France 2, le Président de la République a quand même abordé en fin d'interview des sujets plus politiques et économiques. Il n'a pas hésité à s'inquiéter de certains débats budgétaires : « J'entends beaucoup de débats en France qui paraissent fous. Quand on dit : il faut taxer les entreprises... ».

    Mais la tirade de Bernard Arnault contre la France l'a visiblement agacé. Emmanuel Macron a voulu donc délivrer un message clair à ces grands patrons français : « Soyez patriotes vous-mêmes ! Menez le débat. Expliquez. Je ne vous ai pas assez entendus ces sept dernières années quand on menait des réformes des retraites. Expliquez plutôt tout ce qu'on a bien fait pendant sept ans. Parce que c'est trop facile d'être planqué dans son bureau et de dire : c'est bien, le travail, mais on ne le dit pas trop fort. (…) Et donc je dis : cela fait sept ans qu'on mène une politique de l'offre. Ça veut dire quoi ? On croit à la relance par l'innovation. On n'a jamais autant réindustrialisé le pays. On n'a jamais autant recréé autant d'emplois. On est le premier pays d'Europe sur les start up, l'innovation. On est le premier pays d'Europe sur l'intelligence artificielle. C'est tout notre boulot ! Ça, on va le mettre au service des services publics, de la redistribution, mais il faut surtout, pas seulement le préserver, l'accélérer. ».

    Si on comprend entre les lignes, Emmanuel Macron en a marre du France bashing et si on expliquait un peu mieux les réussites économiques de la France (comme les étrangers savent faire), on aurait peut-être un peu moins de populismes et d'extrémismes à l'Assemblée et on aurait peut-être moins l'obligation de freiner cette politique économique qui, depuis 2017, a rendu la France très attractive économiquement.

    En tout cas, le sujet de la semaine qui vient est bel et bien l'intelligence artificielle. C'était déjà le sujet des derniers Prix Nobels de Physique, de Chimie et de Médecine en octobre 2024. Autant en profiter, car c'est très rare que les médias français s'intéressent (vraiment) à de la science !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Emmanuel Macron à la télévision le dimanche soir !
    Interview du Président Emmanuel Macron le dimanche 9 février 2025 sur France 2 (vidéo).
    Sam Altman salue la France, centre névralgique de l'intelligence artificielle.
    François Bayrou, le début du commencement.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250209-macron.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/emmanuel-macron-a-la-television-le-259204

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/09/article-sr-20250209-macron.html



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  • Un nouveau bijou pour Nicolas Sarkozy ?

    « Il y a d’abord l’humiliation, dont il faut mesurer la violence et l’ampleur : Nicolas Sarkozy n’ira pas en prison mais il ne sera plus libre de ses mouvements. Sous écrou, c’est-à-dire enfermé chez lui, et contraint de négocier toute sortie avec un juge. » (Patrick Cohen, le 19 décembre 2024 sur France Inter).




     

     
     


    Fallait-il donc que le mot bracelet soit désormais associé à un ancien Président de la République, en l'occurrence Nicolas Sarkozy ? Il se pourrait bien. L'information a été confirmée officiellement par la personne concernée le lendemain : Nicolas Sarkozy porte désormais, depuis le vendredi 7 février 2025, un bracelet électronique à la cheville qui a pour fonction de restreindre ses mouvements.

    Ce n'est pas la première fois qu'une personnalité politique a été mise en prison en France. On peut en citer quelques-unes, sans être exhaustif : Alain Carignon, Bernard Tapie, Jean-Michel Boucheron (ex-député-maire d'Angoulême né en 1946), Patrick Balkany, Claude Guéant, Jean-Christophe Mitterrand, etc.

    Mais c'est la première fois qu'un ancien Président de la République française est écroué. Quelqu'un qui a consacré plus de cinquante ans de sa vie au service des autres (oui, tous les responsables politiques se sont consacrés au service des autres, sinon, ils pourraient lézarder au soleil d'un île paradisiaque... tout le temps). Il ne fait pas de prison ferme, mais la pose d'un bracelet électronique est une humiliation particulière. Il a annoncé, par nécessité, qu'il se retirait de la vie publique. Par nécessité car il ne pourra plus être présent physiquement à d'éventuelles rencontres, réunions publiques, etc., mais aussi moralement car que pourrait-il dire, quels conseils donner lorsque lui-même n'est pas un modèle du genre ?

     

     
     


    Cette mesure correspond à l'application de sa peine de un an de prison ferme, devenue définitive le 18 décembre 2024 après le rejet par la Cour de Cassation de son ultime recours, son pourvoi en cassation. Il a été condamné dans l'affaire dite Bismuth, d'une suspicion de pacte de corruption dont les seules preuves sont des écoutes téléphoniques illégales d'une conversation confidentielle entre une personne mise en examen et son avocat.

    Je ne reviendrai pas sur le fond de l'affaire, n'étant ni juge ni juge de juge, même si je n'en pense pas moins, parce que la justice est la justice et si on ne la respecte pas, on ne respectera alors plus les institutions.

     

     
     


    Avant l'application de sa peine, Nicolas Sarkozy, accompagné de sa femme et de sa fille, est allé passer quelques jours de vacances aux Seychelles, un déplacement de loisirs qu'il n'aura sans doute plus l'occasion, ou plutôt, le droit de faire avant une année au moins. Enfin, sauf autorisation du juge d'application des peines.

    Du reste, il était de nouveau à la barre dans le très long procès du possible financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007 qui a commencé le 6 janvier 2025 et qui devrait s'achever le 10 avril 2025 au tribunal de Paris.


    C'est le 28 janvier 2025, c'est-à-dire à son 70e anniversaire, que l'ancien Président a été convoqué par le juge d'application des peines pour préciser les modalités de sa peine : pose du bracelet électronique le 7 février 2025 en début d'après-midi, autorisation de sortie du domicile entre 8 heures et 20 heures, étendue jusqu'à 21 heures 30 les lundis, mercredis et jeudis pour lui permettre d'assister à son procès sur les soupçons de financement libyen (trois après-midis par semaine). Finies les sorties du week-end ou les soirées au restaurant.

     

     
     


    Ce qui est notable, c'est qu'au cours de cet entretien, Nicolas Sarkozy n'aurait pas demandé au juge de bénéficier immédiatement d'une libération conditionnelle. Pourtant, la loi permet aux personnes condamnées de plus de 70 ans de pouvoir sans délai bénéficier d'une libération conditionnelle sous certains conditions. Ses avocats comptent en faire la demande, mais pas immédiatement. Pour quelle raison ? Montrer qu'il respecte la justice de notre pays ? Ou alors provoquer un sentiment de compassion voire de pitié ?

    Il est vrai que ces temps trumpiens donnent son lot d'informations exceptionnelles chaque jour... mais la mise sous écrou d'un ancien Président de la République est quand même une information exceptionnelle, sans précédent dans l'histoire de la France, d'autant plus que Nicolas Sarkozy, s'il accepte la chose jugée définitivement, « continue à contester le bien-fondé de la condamnation », selon les déclarations de son avocate, Jacqueline Laffont le 7 février 2025 à l'AFP. Ce qui explique qu'il saisira « avant à la fin du mois » la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

    Dans sa chronique du 19 décembre 2024 sur France Inter, l'éditorialiste Patrick Cohen a bien analysé la gravité de l'événement : « En citoyen déchu : lui qui a voué sa vie à la politique ne peut plus se présenter à une élection, privé trois ans de droits civiques. Et il ne pourra même pas voter à la prochaine présidentielle. Il va perdre sa Grand-Croix de la Légion d’honneur, c’est la règle, ce qui n’est arrivé à aucun autre de son rang depuis Philippe Pétain. Il sera enfin le premier ex-Président à porter plainte contre la France, en demandant à la Cour européenne des droits de l’homme de la condamner pour ce procès selon lui, inéquitable. ».


     

     
     


    Ce dernier a rappelé opportunément ce qui était en jeu : « Il y a dans ce dossier un point sensible, qui touche aux libertés, pas seulement celles de Sarkozy, les nôtres, à propos du secret des conversations entre l’avocat et son client. ».

    Et la condamnation définitive pour corruption pourrait étonner : « Rien n’a marché : personne n’est intervenu, aucun service n’a été rendu, ni poste, ni argent, ni agenda. Mais en matière de corruption, l’intention suffit, c’est la loi. Or, ces intentions n’existent que dans les échanges privés entre Nicolas Sarkozy et son avocat et ami Thierry Herzog. Ce sont les seuls éléments à charge. Et le secret professionnel est un principe fondateur du métier d’avocat, et de l’organisation de la justice dans une société démocratique. (…) Il y a depuis le début de cette affaire un trouble que la Cour de Cassation n’a pas complètement dissipé (…). À noter, que dans notre code de procédure pénale, c’est le même article qui protège le secret des correspondances de l’avocat et le secret des sources du journaliste. ».

    C'est pourquoi la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, qui sera probablement annoncée bien après la fin de la peine de Nicolas Sarkozy, sera importante, tant pour l'honneur de Nicolas Sarkozy (mais qui s'en préoccupe politiquement aujourd'hui ?) que pour la garantie des justiciables que nous sommes tous susceptibles d'être un jour, à avoir une défense équitable.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Un nouveau bijou pour Nicolas Sarkozy ?
    Le doyen Nicolas Sarkozy.
    L'honneur perdu de Nicolas Sarkozy.
    Nicolas Sarkozy réagit à la dissolution dans le JDD (15 juin 2024).
    Il y a 15 ans : Nicolas Sarkozy, l'Europe et les crises (déjà).
    Discours du Président Nicolas Sarkozy le 16 décembre 2008 au Parlement Européen de Strasbourg (texte intégral).
    Discours du Président Nicolas Sarkozy le 10 juillet 2008 au Parlement Européen de Strasbourg (texte intégral).

    Sale temps pour Nicolas Sarkozy !
    La justice harcèle-t-elle la classe politique ?
    Carla Bruni.
    La sagesse de Nicolas Sarkozy.
    Pour qui votera Nicolas Sarkozy au premier tour ?
    Bygmalion : Éric Zemmour soutient Nicolas Sarkozy.
    Injustice pour Nicolas Sarkozy ?
    Sarko et ses frères...
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250207-sarkozy.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/un-nouveau-bijou-pour-nicolas-259202

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/10/article-sr-20250207-sarkozy.html




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  • Malheur aux Barbus !

    « En France, il y avait deux personnages célèbres, le Maréchal Pétain et moi. La Nation ayant choisi le premier, je n’ai plus rien à faire ici. » (novembre 1941).




     

     
     


    Celui qui a prononcé ces mots est un authentique résistant pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais ce n'est pas De Gaulle. Il était près de trois ans plus jeune. Il s'agit de Pierre Dac, déjà célèbre humoriste, qui, ayant écouté l'appel du 18 juin 1940, a mis trois ans pour rejoindre le cœur de la Résistance à Londres, parce qu'il a été arrêté et incarcéré plusieurs fois dans son trajet.

    Pierre Dac était d'une génération sacrifiée : né le 15 août 1893 (à Châlons-sur-Marne parce que ses parents avaient fui l'Alsace en 1871, la ville est devenue "Chalom-sur Marne" !), il avait 21 ans au début de la Première Guerre mondiale où il a vaillamment combattu (il a même perdu son grand frère Marcel). En juin 1940, il avait déjà 46 ans, mais cela n'a pas gêné pour repartir au combat dans la Résistance. Un combat comique sur les ondes.

    Pierre Dac est mort il y a cinquante ans, le 9 février 1975, d'un cancer du poumon (il était un gros fumeur). La Poste a profité de l'occasion pour célébrer le personnage en éditant un timbre qui lui est consacré (voir plus loin). Le Musée d'art et d'histoire du Judaïsme (MAHJ) lui avait également consacré une exposition il y a deux ans, du 20 avril au 27 août 2023 (71 rue du Temple à Paris), en proposant 250 documents d'archives rassemblés par Anne-Hélène Hoog et Jacques Pessis (son légataire universel) pour comprendre la vie et l'œuvre de Pierre Dac.

    Pierre Dac (c'était un pseudonyme voulant dire chansonnier d'actualités ; il est né André Isaac) est devenu humoriste à la fin des années 1920 et début des années 1930, dans des cabarets puis dans des théâtres. À partir de 1935, il faisait déjà des étincelles à la radio avec une forte audience. Et le 13 mai 1938, il a fondé son célèbre journal, "L'Os à Moelle, organe officiel des loufoques" très réputé pour ses petites annonces loufoques (rédigées généralement par son compère Francis Blanche), journal où sévissaient notamment les dessinateurs de presse Jean Effel et Moisan, puis, en 1965, des petits génies de l'humour comme Jean Yanne et René Goscinny. Dans ses années fastes, le périodique tirait jusqu'à 400 000 exemplaires !

    Ce n'était donc pas une surprise qu'une fois arrivé (enfin) à Londres, le 12 octobre 1943, Pierre Dac ait été affecté à Radio Londres pour la célèbre émission de la BBC "Les Français parlent aux Français" (à laquelle participaient aussi Pierre Lazareff, Maurice Schumann et De Gaulle). En fait, un ami l'avait encouragé dès décembre 1940 à proposer ses services à l'émission, et l'humoriste n'a pas attendu la réponse de la BBC pour s'y rendre.


     

     
     


    Sa première émission a été diffusée en direct le 30 octobre 1943. Il a tenu quatre-vingts émissions jusqu'au 14 août 1944. Entre-temps, il a rencontré pour la première fois De Gaulle venu faire un discours à la BBC le 6 juin 1944, jour du Débarquement de Normandie, et De Gaulle l'a chaleureusement remercié par écrit un peu plus tard, le 1er septembre 1944, pour son action de soutien à la Résistance.

    Parmi ses émissions, l'une a été rendue célèbre parce qu'elle répondait à une émission du sous-ministre de Vichy Philippe Henriot le 10 mai 1944 à Radio Paris, qui s'en était pris au "Juif" Pierre Dac, qui avait fui la France sans se soucier du sort des Français selon lui. Le 11 mai 1944, la réponse de Pierre Dac, sous le titre de "Bagatelle un tombeau" (reprenant le titre bien connu d'un pamphlet de Céline), a été cinglante : « Nous savons que vous êtes surchargé de travail et que vous ne pouvez pas vous occuper de tout. Mais, tout de même, je suis persuadé que les Français seraient intéressés au plus haut point, si, à vos moments perdus, vous preniez la peine de traiter les problèmes suivants dont nous vous donnons la nomenclature, histoire de faciliter votre tâche et de vous rafraîchir la mémoire : le problème de la déportation ; le problème des prisonniers ; le traitement des prisonniers et des déportés ; le statut actuel de l’Alsace-Lorraine et l’incorporation des Alsaciens-Lorrains dans l’armée allemande ; les réquisitions allemandes et la participation des autorités d’occupation dans l’organisation du marché noir ; le fonctionnement de la Gestapo en territoire français et en particulier les méthodes d’interrogatoire ; les déclarations du Führer dans "Mein Kampf" concernant l’anéantissement de la France. ».

    Le patriotisme, c'est une histoire de tripes : « Eh bien ! Monsieur Henriot, sans vouloir engager de vaine polémique, je vais vous le dire ce que cela signifie, pour moi, la France. Laissez-moi vous rappeler, en passant, que mes parents, mes grands-parents, mes arrière-grands-parents et d’autres avant eux sont originaires du pays d’Alsace, dont vous avez peut-être, par hasard, entendu parler ; et en particulier de la charmante petite ville de Niederbronn, près de Saverne, dans le Bas-Rhin. C’est un beau pays, l’Alsace, monsieur Henriot, où depuis toujours on sait ce que cela signifie, la France, et aussi ce que cela signifie, l’Allemagne. Des campagnes napoléoniennes en passant par celles de Crimée, d’Algérie, de 1870-1871, de 14-18 jusqu’à ce jour, on a dans ma famille, Monsieur Henriot, lourdement payé l’impôt de la souffrance, des larmes et du sang. Voilà, monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. Alors, vous, pourquoi ne pas nous dire ce que cela signifie, pour vous, l’Allemagne ? ». Pierre Dac avait ainsi répondu par avance à la question qu'a posée François Bayrou le 7 février 2025 sur RMC : que veut dire être Français ?

    Le saltimbanque radiophonique n'a pas omis de parler de son frère : « Un dernier détail : puisque vous avez si complaisamment cité les prénoms de mon père et de ma mère, laissez-moi vous signaler que vous en avez oublié un celui de mon frère. Je vais vous dire où vous pourrez le trouver ; si, d’aventure, vos pas vous conduisent du côté du cimetière Montparnasse, entrez par la porte de la rue Froidevaux ; tournez à gauche dans l’allée et, à la 6e rangée, arrêtez-vous devant la 8e ou la 10e tombe. C’est là que reposent les restes de ce qui fut un beau, brave et joyeux garçon, fauché par les obus allemands, le 8 octobre 1915, aux attaques de Champagne. C’était mon frère. Sur la simple pierre, sous ses nom, prénoms et le numéro de son régiment, on lit cette simple inscription : "Mort pour la France, à l’âge de 28 ans". Voilà, monsieur Henriot, ce que cela signifie pour moi, la France. Sur votre tombe, si toutefois vous en avez une, il y aura aussi une inscription: elle sera ainsi libellée : Philippe Henriot. Mort pour Hitler. Fusillé par les Français… ». Paroles prémonitoires puisque Philippe Henriot, criminel et collaborateur, a été exécuté (fusillé) par la Résistance quelques semaines plus tard, le 28 juin 1944.






    Avec son faux air de Hitchcock voire de Picasso, Pierre Dac était un joueur avec les mots et les idées, avec les concepts et les paradigmes. Il avait l'esprit d'escalier et la parole loufoque. Et en plus, il a montré le chemin aux humoristes d'aujourd'hui, les vrais peu nombreux car la plupart d'aujourd'hui sont des ricaneurs. Au-delà de ses drôleries, il exprimait une véritable pensée, une éthique personnelle et philosophique réelle, qui l'avait amené à fustiger les Accords de Munich et à s'opposer dès 1933 à Hitler et à son funeste dessein.

     

     
     


    Inventeur du schmilblick (« qui ne sert absolument à rien et peu donc servir à tout »), repris avec succès par Coluche, Pierre Dac a laissé à la postérité de nombreuses phrases et expressions comiques, et sa définition du sionisme, en ces temps très troublés, était intéressante : « Peuple échangerait beaucoup d'histoire contre un peu de géographie. ». Peut-être pourrait-on interchanger avec les habitants de Gaza ? Et sa version protestante : « Quand le Calvin est tiré, il faut le croire. ». Il a fait les premiers sketchs à la radio et surtout à la télévision (après la guerre) et expliquait sa recette : « Ma forme d’humour est de faire de la démonstration par l’absurde. Faire les choses graves, très sérieusement, sans pour autant se prendre au sérieux. ».

    Son sketch du Sâr Ranbindranath Duval, qu'il a joué à partir de janvier 1957 avec son ami Francis Blanche, est encore connu près de soixante-dix années plus tard, tellement il était hilarant avec ses jeux de mots et ses quiproquos. La version filmée (première vidéo) provient d'un enregistrement de 1960 à Lyon après un repas bien arrosé qui a obligé les deux humoristes à improviser faute d'avoir mémorisé le texte d'origine. L'autre version (seconde vidéo) est un enregistrement seulement sonore mais plus complet.









    Pierre Dac a été aussi le premier humoriste à vouloir être candidat à l'élection présidentielle, le 11 février 1965 (il s'est présenté sous l'étiquette du grand MOU, mouvement ondulatoire unifié). Une fois élu, il comptait nommer Jacques Martin Premier Ministre, et ses amis Jean Yanne et René Goscinny au gouvernement. Après d'amicales pressions gaullistes en septembre 1965, il a rapidement quitté le champ du politique malgré sa popularité croissante pour ne pas faire d'ombre au Général, avec un prétexte bidon : « Je viens de constater que Jean-Louis Tixier-Vignancour briguait lui aussi, mais au nom de l'extrême droite, la magistrature suprême. Il y a donc désormais, dans cette bataille, plus loufoque que moi. Je n'ai aucune chance et je préfère renoncer. ».

     

     
     


    Au fait, pourquoi le titre ? Il ne s'agit pas de faire la chasse aux islamistes ! "Malheur aux barbus" est le nom d'une série radiophonique de deux cent treize épisodes diffusés chaque jour du 15 octobre 1951 au 19 juin 1952 (l'histoire : les barbus de la Terre sont tous mystérieusement enlevés par un psychopathe). Pendant un quart de siècle, Pierre Dac a produit de très nombreux épisodes de feuilletons radiophoniques dont la série la plus connue est "Signé Furax".

    Voici pour terminer quelques échantillons de ses pensées et aphorismes...

    1. Humour hors de prix : « Quand on dit d’un artiste comique de grand talent qu’il n’a pas de prix, ce n’est pas une raison pour ne pas le payer sous le fallacieux prétexte qu’il est impayable. ».

    2. Humour noir : « L’âme des Justes qui ont péri dans les fours crématoires est immortelle. La preuve, dans le ciel, j’ai vu briller des étoiles jaunes. ».

    3. Optimisme : « Si la matière grise était plus rose, le monde aurait moins les idées noires. ».

    4. Creux : « La télévision est faite pour ceux qui, n'ayant rien à dire, tiennent absolument à le faire savoir. ».

    5. Amour exigeant : « Ce n'est pas parce que l'homme a soif d'amour qu'il doit se jeter sur la première gourde venue. ».

    6. Courtoise séparation : « Vends papier glacé pour lettres de rupture. ».

    7. Trumpisme québécois : « Échangerais tente canadienne bon état contre oncle d'Amérique, même usagé. ».

    8. Lexicographie : « Maison de correction recherche fautes d'orthographe. ».
    9. Face à l'Himalaya : « Qu'importe le flocon pourvu qu'on ait l'Everest ! ».
     

     
     


    10. Levers tôt : « Si la fortune vient en dormant, rien ne prouve que les emmerdements ne viennent pas au réveil. ».

    11. De toute fraîcheur : « Le plat du jour, c'est bien, à condition de savoir à quel jour remonte sa préparation. ».

    12. Musicologie à Matignon : « Professeur bègue donne répétitions. ».

    13. Indiscrétions : « Si les points de suspension pouvaient parler, ils pourraient en dire des choses et des choses ! ».

    Et je termine avec cet appel désespéré datant de 1939 :

    « Recherchons mort ou vif,
    Le dénommé Adolf,
    Taille 1,47 m,
    Cheveux bruns avec mèche sur le font.
    Signe particulier :
    Tend toujours la main comme pour voir s'il pleut.
    Signe spécial, le seul le rapprochant d'un être humain :
    Moustache à la Charlot.
    Énorme récompense. ».

    Rideau !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 février 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Les temps sont durs, votez mous !
    Pierre Dac.
    Philippe Val.
    Pierre Arditi.
    Pierre Palmade.
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    L'humour olympique français !
    Pierre Perret.
    Sophia Aram et Gaza.
    Sophia Aram et l'Ukraine.
    Soirée spéciale Pierre Desproges sur France Inter le 18 avril 2018.
    Claude Villers.
    Fernand Raynaud.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250209-pierre-dac.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/malheur-aux-barbus-259167

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/07/article-sr-20250209-pierre-dac.html



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  • Richard Ferrand bientôt proposé rue de Montpensier ?

    « Le Président est nommé par le Président de la République. Il a voix prépondérante en cas de partage (article 56). (…) Le Conseil Constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République (article 58). (…) Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles (article 62). » (Extraits du Titre VII de la Constitution de la Cinquième République sur le Conseil Constitutionnel).



     

     
     


    Depuis le début de ce mois de février 2025, les parlementaires parlent beaucoup, entre eux, d'un sujet institutionnel : qui sera proposé Président du Conseil Constitutionnel le 10 février 2025 ? C'est en effet à cette date que les candidats aux trois postes qui vont être vacants en mars 2025 seront connus.

    Le Conseil Constitutionnel, basé au Palais-Royal, au 2 rue de Montpensier dans le premier arrondissement de Paris, est la première instance juridique en France. De Gaulle lui-même était très réticent et ne souhaitait pas une Cour Suprême comme aux États-Unis, en raison de sa fascination pour la légitimité populaire. Néanmoins, Michel Debré a obtenu la création de cette instance afin de faire un contre-pouvoir démocratique à des assemblées ou des gouvernements qui bousculeraient trop brusquement les droits fondamentaux ou la Constitution. C'est, en quelque sorte, le gardien du temple constitutionnel.

    Ce n'est qu'à partir du début des années 1970 que le Conseil Constitutionnel a pris lui-même du pouvoir en élargissant le bloc de constitutionnalité non seulement à tous les textes constitutionnels mais aussi à des chartes et autres textes proclamant des droits fondamentaux, y compris la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État.

    Si lui-même ne peut toujours pas s'auto-saisir, il a acquis deux pouvoirs importants par la suite grâce à des révisions constitutionnelles initiées d'une part par Valéry Giscard d'Estaing le 29 octobre 1974 (droit de saisine par au moins 60 députés ou 60 sénateurs, ce qui permet désormais à l'opposition de saisir le Conseil Constitutionnel), et d'autre part par Nicolas Sarkozy le 23 juillet 2008 (question prioritaire de constitutionnalité, saisine par un justiciable pouvant remettre en cause la validité d'une loi déjà promulguée qui ne serait pas conforme à la Constitution !).

    Le Conseil Constitutionnel a donc trois activités : il veille à la constitutionnalité des projets et propositions de loi définitivement adoptés avant leur promulgation, seulement s'il est saisi et seulement sur les sujets de la saisine ; il veille à la régularité de l'élection du Président de la République et des parlementaires nationaux ; enfin, il statue sur les QPC (questions prioritaires de constitutionnalité), cette dernière activité devenant l'activité principale (depuis 2010, le Conseil a traité plus de 1 100 QPC).

    Le Conseil est composé de neuf membres nommés pour neuf ans et non renouvelables (sauf sous certaines conditions). Le Président de la République, le Président de l'Assemblée Nationale et le Président du Sénat nomment chacun un membre tous les trois ans. Le Président de la République nomme par ailleurs le Président du Conseil Constitutionnel. Depuis 2008, les membres pressentis ne sont que proposés car il faut aussi qu'ils soient auditionnés par les commissions des lois des deux assemblées, et leur candidature peut être rejetée si une majorité des trois cinquièmes le décide. Les anciens Présidents de la République sont membres de droit du Conseil, mais ne siègent pas ni n'ont de rémunération lorsqu'ils sont restés dans la vie politique active ou qu'ils décident de ne pas siéger pour diverses raisons.

    Le mandat de l'actuel Président du Conseil Constitutionnel, l'ancien Premier Ministre Laurent Fabius, se termine dans quelques jours. Nommé par François Hollande en février 2016, il laisse une place cruciale vacante. C'est à Emmanuel Macron de désigner son successeur, ou du moins, de le proposer.

    Or, depuis la fin du mois de décembre 2024, Emmanuel Macron a choisi le successeur. Ce n'est pas encore officiel, mais il s'agirait de Richard Ferrand (62 ans). Cet ancien député socialiste a été le premier député à avoir rejoint Emmanuel Macron en 2015 et il fait partie des fidèles parmi les fidèles. Chef du parti macroniste, brièvement ministre, il a été élu Président de l'Assemblée Nationale du 12 septembre 2018 au 21 juin 2022. Il n'a pas été réélu dans sa circonscription du Finistère en juin 2022, si bien qu'il a été mis de côté des organes de la République depuis deux ans et demi.

    Au-delà de son hyperfidélité au Président de la République, Richard Ferrand peut avoir deux handicaps dans cette nomination : d'une part, il a eu une casserole politico-financière, mais la justice l'a totalement blanchi ; d'autre part, son échec électoral ne le place pas en position naturelle pour un poste d'une si grande responsabilité. Les plus perspicaces rappelleront que Richard Ferrand, alors au perchoir, avait désigné Véronique Malbec, ancienne procureure générale de Rennes, au Conseil Constitutionnel où elle siège encore (jusqu'en mars 2031), alors que celle-ci avait été la responsable hiérarchique du procureur qui a classé sans suite l'affaire des Mutuelles de Bretagne.

    Depuis quelques semaines, des députés EPR ont fait des sondes auprès de leurs collègues des autres groupes pour voir leurs réactions. Il semblerait que les députés Horizons et surtout du MoDem ne seraient pas défavorables à cette candidature. En revanche, les insoumis ne le rateraient pas, pas sur le plan judiciaire (la justice a tranché), mais sur le plan politique et institutionnel.

    Ainsi, le chef des insoumis Manuel Bompard aurait déjà réagi le 2 février 2025 ainsi : « Le Conseil Constitutionnel ne peut pas être l'endroit où on recase ses amis. ». Les insoumis n'hésiteraient pas à dénoncer une manœuvre de l'Élysée pour permettre une troisième mandat à Emmanuel Macron dans le cas où ce dernier démissionnerait et se représenterait immédiatement. Trente-cinq jours s'écouleraient entre la démission et le premier tour de l'élection présidentielle, ce qui serait très court pour la recherche des 500 parrainages, l'organisation de la campagne, la location des salles, la production du matériel de campagne, etc. Le Président démissionnaire aurait alors un avantage sur ses concurrents.

    Rapportés par le "Journal du dimanche" du 2 février 2025, les propos d'un responsable insoumis : « Le Président est d’ailleurs déjà reparti en campagne. Sa visite dans un bureau de tabac, son échange avec un influenceur sur une affaire de verbalisation abusive à un péage abondamment relayé sur les réseaux sociaux, le bain de foule à Colmar... ».

    Pour le constitutionnaliste Benjamin Morel, interrogé le 2 février 2025 dans "La Tribune Dimanche", nommer Richard Ferrand serait également une erreur : « Un Conseil Constitutionnel présidé par un sherpa du chef de l'État, qui regrettait encore il y a un an que la Constitution empêche ce dernier de se représenter et ajoutait "changeons tout cela", pourrait-il être perçu par les citoyens comme un organe jugeant en droit, au-dessus des partis ? Peut-être le ferait-il. Mais cela ne serait pas reçu comme tel par l'opinion. ».
     

     
     


    Emmanuel Macron a cependant de solides arguments à faire valoir pour promouvoir Richard Ferrand à la Présidence du Conseil Constitutionnel. Le premier, c'est qu'il vaudrait installer la tradition (« l'usage ») que le Président du Conseil Constitutionnel soit un ancien Président de l'Assemblée Nationale, ce qui conforterait le rôle de contrôle de la loi après l'avoir construite. Mais cet argument ne tient pas vraiment l'analyse historique : seuls, les deux derniers Présidents du Conseil Constitutionnel ont officié au perchoir, Jean-Louis Debré et Laurent Fabius. Le deuxième argument, c'est que ce n'est pas nouveau que le Président du Conseil Constitutionnel soit politisé, c'est-à-dire qu'il ait eu une action politique et militante dans sa carrière. C'était même le cas de tous les Présidents du Conseil Constitutionnel dont certains étaient des chefs de parti. Enfin, troisième argument, ce n'était pas rare non plus qu'il fût un ami personnel du Président de la République : Laurent Fabius pour François Hollande ; Jean-Louis Debré, Pierre Mazeaud et Yves Guéna pour Jacques Chirac ; Roland Dumas, Robert Badinter et Daniel Mayer pour François Mitterrand.

    Et il y a un quatrième argument moins avouable. En cas d'élection de Marine Le Pen en 2027, le Conseil Constitutionnel deviendrait la base de résistance pour l'empêcher de violer l'État de droit. Y mettre à sa tête un homme habile et expérimenté qui connaît bien la vie politique deviendrait alors une assurance-vie de la République.

    Quant aux deux autres membres à nommer, la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet a déjà fait savoir qu'elle comptait proposer l'ancienne juge d'instruction Laurence Vichnievsky, ancienne députée MoDem de 2017 à 2024 dans l'ancienne circonscription de Valéry Giscard d'Estaing et battue en 2024 par un candidat écologiste (elle vient d'avoir 70 ans ce mercredi 5 février 2025), tandis que, selon "Le Monde", le Président du Sénat Gérard Larcher hésiterait encore entre deux sénateurs et anciens présidents de la commission des lois, Philippe Bas (ancien ministre, connu pour avoir défié le Président de la République en présidant la commission d'enquête sur l'affaire Benalla) et François-Noël Buffet (actuel ministre depuis 2024).

    La publication du nom des trois candidats devrait intervenir le 10 février 2025 et les auditions se dérouleront le 19 février 2025. Le mandat de ces trois membres ira de mars 2025 à mars 2034. On doit s'attendre à ce que cette instance suprême soit plus politisée car parmi les trois sortants, deux n'étaient pas des politiques mais des juristes. Les trois proposés semblent faire partis tous les trois de la classe politique. Une odeur d'ancien monde.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Richard Ferrand bientôt proposé rue de Montpensier ?
    Grandeur et décadence.
    L'adjudant-chef promu maréchal.
    L'homme et son affaire.
    Yaël Braun-Pivet.
    Il faut une femme au perchoir !
    François de Rugy.
    Claude Bartolone.
    Patrick Ollier.
    Jean-Louis Debré.
    Raymond Forni.
    Laurent Fabius.
    Philippe Séguin.
    Henri Emmanuelli.
    Louis Mermaz.
    Jacques Chaban-Delmas.
    Edgar Faure.
    Édouard Herriot.
    Vincent Auriol.
    Paul Painlevé.
    Léon Gambetta.


     

     
     







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    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/06/article-sr-20250205-richard-ferrand.html








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  • François Bayrou, le début du commencement

    « Le budget que nous allons adopter aujourd'hui, je le crois, est une étape, c'est même le début du début du commencement du travail que nous allons faire. (…) Le gouvernement n'a qu'une ligne, restaurer une puissance publique digne de ce nom au service d'une nation qui doit retrouver sa solidité, sa solidarité et sa fierté. » (François Bayrou, le 5 février 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Les deux motions de censure déposées par le groupe insoumis le 3 février 2025 ont été examinées ce mercredi 5 février 2025 après-midi au cours de deux débats indépendants. Elles étaient la réaction au double engagement de responsabilité du gouvernement de François Bayrou pour l'adoption du projet de loi de finances pour 2025 (PLF) et pour la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS), autrement dit, à l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

    Au moment du débat parlementaire, il n'y avait plus de suspense. Dès le lundi 3 février 2025, le parti socialiste a fait savoir qu'il ne voterait pas la censure en raison de son esprit de responsabilité et de stabilité : la France a besoin d'un budget pour 2025 et ne peut pas se permettre une seconde censure sur le budget. Quant au groupe RN, après l'avoir implicitement annoncé le 4 février 2025, c'est quelques heures avant le vote qu'il a formellement confirmé qu'il ne voterait pas non plus la censure.


    C'est donc un succès pour François Bayrou mais il a voulu avoir le triomphe très modeste. Il n'était pas question de fanfaronner ni de parader avec sa non-censure. Certes, il a réussi la première mission de son gouvernement, à savoir doter le pays d'un budget pour cette année en cours, et le plus tôt possible, ce qui, entre autres, permettra aux collectivités locales (communes, départements, régions) de construire leur propre budget.

    En effet, comme le signalent la plupart des éditorialistes, cette non-censure est un sursis, un répit, pour le gouvernement Bayrou. Rien ne l'empêchera de tomber sur un autre sujet, par exemple, celui des retraites (Boris Vallaud a prévenu que les socialistes voteraient la censure si le retour à l'âge légal de 62 ans n'était pas proposé à l'issue de la grande conférence sociale).

     

     
     


    Avant le vote de la motion de censure contre le PLF, François Bayrou a pris la parole : « Nous avons un budget imparfait. Et je voudrais dire à ceux qui l'ont remarqué que notre but, notre intention, est que ce budget, l'année prochaine, si nous arrivons à remplir les objectifs que nous nous sommes fixés, ce budget ne soit pas le même. Et donc, ce budget est une étape d'urgence. Et pourquoi est-il une étape d'urgence ? Parce que notre pays ne peut pas vivre sans budget. (…) Nous ne pouvions pas, en aucune manière, faire autrement. C'est pourquoi nous avons fait un choix. Nous avons fait un choix d'agenda en choisissant de repartir du texte qui avait été présenté par le gouvernement de Michel Barnier et examiné par le Sénat. C'était plus difficile, naturellement, mais ça répondait à une exigence, c'est que nous ayons un budget au début du mois de février, alors qu'autrement, il aurait fallu attendre avril. Et qui peut soutenir l'idée que les investisseurs qui ont besoin de lisibilité, que les entreprises qui ont besoin de stabilité, et que les foyers qui ont besoin de retrouver un minimum de cohérence dans l'action publique, qui peut soutenir l'idée que ça aurait été mieux d'attendre quatre mois pour avoir à peu près les mêmes discussions, à peu près les mêmes condamnations, à peu près les mêmes invectives. ».

     

     
     


    Et le chef du gouvernement a terminé son intervention en prenant de la hauteur internationale : « Mais je voudrais dire un dernier mot. À l'heure même où nous avons ce débat, un peu, par moments, surréaliste, parfois décalé, l'Ukraine, avec plus de 100 000 morts, s'arc-boute sous les coups de l'armée russe sous les ordres de Poutine, qui, elle, a eu 200 000 morts. Le quarante-septième Président des États-Unis annonce qu'il va annexer le canal de Panama, l'immense Groenland, je rappelle que le Danemark est un État de l'Union Européenne et que la question, si cette menace se réalisait, se poserait à tous les États de l'Union Européenne la question de la réaction qui pourrait être la leur face à cette tentative de prise de contrôle. La Chine a passé le cap des 1 000 milliards d'excédent commercial. Et tout cela, ce sont des tsunamis qui s'avancent, irrésistibles, en tout cas, en face desquels nous demeurons paralysés. Et nous nous évertuons, nous nous ingénions, nous nous obsédons à rester, à nous enfoncer et à aggraver nos faiblesses et nos divisions. Le gouvernement n'a qu'une ligne, restaurer une puissance publique digne de ce nom au service d'une nation qui doit retrouver sa solidité, sa solidarité et sa fierté. ».

     

     
     


    Ce qui est notable, c'est qu'il y a eu moins de députés qui ont voté pour ces deux motions de censure que pour la première motion de censure du 16 janvier 2025. L'hémicycle était d'ailleurs clairsemé, ce qui était normal puisque seuls sont comptés les votes des députés voulant la censure. Les autres pouvaient vaquer à d'autres occupations.

    Pour qu'une motion de censure soit adoptée, il faut une majorité d'au moins 289 députés (sur le 576 actuellement en exercice, il manque le député de Boulogne-Billancourt qui est en train d'être élu les 2 et 9 février 2025).


    Les résultats de la première motion de censure (celle contre le PLF2025) ont été annoncés par la Présidente de l'Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet à 18 heures 09 : seulement 128 députés ont voté pour cette motion de censure, elle a donc été rejetée et le projet de loi de finances pour 2025 est donc réputé comme définitivement adopté.

     

     
     


    L'analyse de ce scrutin (n°693) a montré que les 128 censeurs étaient composés de 70 députés FI (sur 71), 37 députés EELV (sur 38), 15 députés PCF (sur 17)... et 6 députés socialistes (sur 66). Cela signifie que 10% des députés socialistes ont refusé de suivre la consigne de ne pas voter la censure, c'est moins que le 16 janvier 2025 (ils étaient 8 au scrutin n°526), mais parmi ces 6, 2 n'avaient pas voté la censure le 16 janvier 2025, cela veut dire qu'au moins 10 députés socialistes sont susceptibles de voter la censure malgré une consigne de non-censure.

    À cette annonce, si son voisin, le Ministre chargé des Relations avec le Parlement Patrick Mignola esquissait un franc sourire, François Bayrou lui-même restait impassible. Pas question d'être arrogant. Il a surtout encaissé cette nouvelle avec un peu d'émotion, comme le résultat de ses deux mois d'efforts et de concertations pour permettre l'adoption d'un budget (qui n'est parfait pour aucun groupe de l'Assemblée en raison des concessions). Il s'est juste dit qu'il avait trouvé un chemin.

    L'exercice s'est poursuivi avec un nouveau débat pour la motion de censure contre le PLFSS2025. C'était l'occasion pour François Bayrou, en concluant ce débat, de rappeler une nécessité : « Tout le monde voit bien, a souligné, à plusieurs reprises, majorité comme opposition, la certitude que nous ne pouvons plus nous contenter d'un examen annuel de notre budget [de la sécurité sociale] et qu'une pluriannualité, avec des orientations et avec des tendances dégagées qui seront autant d'engagements, que cette méthode pluriannuelle sera plus riche que la méthode habituelle dans laquelle nous sommes, d'une certaine manière, quelque peu enfermés. (…) C'est aussi un travail de refondation qui est nécessaire devant le projet de loi de financement de la sécurité sociale. ».
     

     
     


    Et de remercier les députés pour le travail accompli pour ce PLFSS : « Le choix de responsabilité est aussi un choix de solidarité à l'égard des plus fragiles de nos concitoyens car c'est eux qui auraient été évidemment victimes si nous n'avions pas eu d'adoption de ce budget. C'est pour le gouvernement une manière de remercier l'Assemblée Nationale de son engagement et de son travail. ».

    Là encore, les résultats, annoncés ce mercredi 5 février 2025 à 20 heures 16, ont abouti au rejet de cette motion de censure, car seulement 122 députés l'ont votée, soit encore moins que la censure contre le PLF2025.
     

     
     


    L'analyse du scrutin (n°694) a fait état du détail de ces 122 votes : 71 députés FI (sur 71), 36 députés EELV (sur 38) et 15 députes PCF (sur 17). Cette fois-ci, aucun député socialiste n'a voté la censure, la consigne du bureau national du PS a donc été respectée à 100% !

    Pour François Bayrou, c'est bien sûr un double succès (le PLFSS n'est pas encore terminé et il y aura encore des motions de censure dans les jours prochains), car sa méthode a fonctionné, celle de tenter un pont entre le gouvernement et le PS. Le plus gros succès politique, c'est d'avoir réussi à détacher le PS de la tyrannie parlementaire de Jean-Luc Mélenchon, gourou du chaos.

    Pour le parti socialiste aussi, c'est un succès. En effet, la décision douloureuse de ne pas censurer le gouvernement, pour être utile et efficace, devait être respectée par chaque député individuellement (je rappelle que le mandat d'un député n'est heureusement pas impératif, c'est la base même de la démocratie française, et donc, qu'il vote toujours en son âme et conscience quelles que soient les consignes éventuelles de son parti). À 10% près, la consigne a été respectée.

     

     
     


    François Bayrou paraissait assez sûr de lui sur cette non-censure, en ce sens que la démarche initiée dès décembre par le PS, c'est-à-dire de devenir responsable et de chercher à obtenir quelques avancées (selon le PS) tout en restant dans l'opposition, s'apparente à faire du saut en parachute (cette analogie vient de la journaliste Sylvie Pierre-Brossolette le 3 février 2025 sur LCI) : une fois qu'on a sauté, on ne peut plus revenir en arrière dans l'avion ! Le PS non plus ne peut revenir en arrière pour se remettre dans la nasse des insoumis car il perdrait tout : il est déjà qualifié de traître par les insoumis (mais c'est ordinaire, depuis plus d'un siècle, qu'un socialiste se fasse traiter de traître par un gauchiste) et s'il retournait en arrière, il serait critiqué par ses électeurs qui demandent un minimum d'esprit de responsabilité.

    Quant au RN, c'est aussi un semi-succès car sa consigne de non-censure a été suivie à 100%. Certes, le RN n'est plus au centre des enjeux dès lors que le PS l'a remplacé, mais en ne votant pas la censure, il s'est distingué des insoumis, d'autant plus qu'il ne pouvait pas reprocher à François Bayrou d'avoir franchi une ligne rouge budgétaire, et cela lui a permis de ne pas montrer l'inefficacité de son vote de censure. Il réserve cet acte grave à un autre moment dont il sera maître.

    Le Premier Ministre a pris la parole à l'issue de ce second vote pour engager la responsabilité du gouvernement, sur le fondement de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, sur la deuxième partie du PLFSS, la partie des recettes. Une motion de censure sera certainement déposée par les insoumis pour un examen à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine, sauf s'il commence à se lasser de déposer des motions de censures (le groupe insoumis en a déposé déjà cinq depuis les dernières élections !).
     

     
     


    La suite, c'est donc le véritable début du travail gouvernemental. En gros, François Bayrou est arrivé en deux mois à atteindre là où s'était arrêté le gouvernement Barnier en trois mois (ce qui est logique puisqu'il a repris ses travaux budgétaires). Il aura donc réussi à rattraper le retard budgétaire en seulement deux mois, ce qui est remarquable.

    Déjà la veille, 4 février 2025, François Bayrou avait répondu à l'ancien ministre Paul Christophe, président du groupe Horizons à l'Assemblée, à la séance des questions au gouvernement, en affirmant bien fort que l'achèvement des adoptions budgétaires ne constituait pas une fin mais un début ! Ainsi, il avait déclaré : « Vous avez raison de signaler que cette étape initiale qui s’achèvera, je l’espère, avec l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale, au terme d’une succession de motions de censure dont vous connaissez tous la mécanique, ne constitue que le début du travail que nous avons à accomplir. J’ai utilisé l’image peut-être exagérée de l’Himalaya, chaîne de montagnes de 2 000 kilomètres qui compte dix sommets de plus de 8 000 mètres. ».


    Et d'indiquer son action des prochaines semaines, en clair, préparer dès maintenant le budget 2026 : « Nous devons proposer une stratégie pour les très grands sujets qui vont de l’éducation nationale à la santé, je n’en dresserai pas la liste exhaustive, en passant par la réforme de l’État, par laquelle je commencerai. Dès le lendemain de l’adoption du budget, je demanderai à chacun des ministres et des départements ministériels de lancer l’analyse en profondeur qui partira non pas des moyens, comme on le fait habituellement, mais des missions de l’État. Ces missions sont-elles accomplies, bien accomplies ? La répartition des missions avec les collectivités locales est-elle bonne ? L’allocation des moyens est-elle juste et pertinente ? Ce travail en profondeur sur l’action de l’État est l’un des premiers que nous avons à conduire. Je vous rassure, ce ne sera pas le seul : tous les domaines que nous avons identifiés comme étant en difficulté dans notre pays seront examinés un par un dès le lendemain de l’adoption du budget. ».
     

     
     


    Lorsqu'il a pris la parole sur la motion de censure contre le PLF ce mercredi, François Bayrou a donné les mêmes indications : « Nous avons à reconstruire la conception même de notre action publique et de l'allocation des moyens qui sont dévolus à cette action publique. Mission par mission. (…) Si ce budget est adopté, alors nous allons, dès la semaine prochaine, repartir de chacun des départements ministériels, en analysant pour chacun d'entre eux si les missions qu'il doit conduire sont bien réalisés et si l'argent public qui leur est apporté est bien placé. C'est cela, l'action que nous allons entreprendre. C'est nécessaire, difficile, mais il n'y a pas de possibilité de continuer comme nous le faisons depuis des décennies avec une méthode extrêmement simple, comment faisons-nous le budget ? Nous prenons le budget de l'année précédente, nous y affectons plus ou moins un coefficient d'inflation... Tous ceux qui viennent à cette tribune disent : il faut baisser la dépense publique. Tous ceux qui viennent à cette tribune disent : vous mettez trop d'impôts, les foyers sont frappés, les entreprises sont frappées. Et en même temps, chacun exige qu'on dépense plus pour la préférence dans l'action qui est la sienne. Chacun se plaint de ce que l'augmentation du budget auquel il a été attaché est trop faible, et dans le même temps, qu'on n'ait pas fait le rééquilibrage que l'on attendait. L'un est contradictoire avec l'autre. (…) On ne peut pas reprendre la méthode éternelle qui consiste à repartir du budget précédent pour bâtir le budget suivant avec un coefficient d'augmentation des dépenses des impôts et des taxes. L'immense travail que nous avons à faire est un travail de reconstruction. (…) J'ai confiance que tout le monde peut participer à cet effort de reconstruction. (…) Le budget que nous allons adopter aujourd'hui, je le crois, est une étape, c'est même le début du début du commencement du travail que nous allons faire. Le gouvernement, naturellement, y participera. ».

    C'est clair que l'alpinisme du Pyrénéen n'est pas terminé : il y a d'autres sommets dans l'Himalaya, après les premiers pics budgétaires ! Et François Bayrou jouit de plus d'une quarantaine d'années d'entraînement. Le voici en pleine épreuve.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Bayrou, le début du commencement.
    La semaine de vérité et de responsabilité.
    Lionel Jospin appelle le PS à ne pas censurer le gouvernement Bayrou.
    François Bayrou et le sentiment de submersion.
    François Bayrou, la cohérence du pacificateur.
    Ce Bayrou, c'qu'il est Faure !
    François Bayrou sera-t-il censuré ?
    Les conclaves du cardinal Bayrou.
    Déclaration de politique générale du Premier Ministre François Bayrou le 14 janvier 2025 au Palais-Bourbon (vidéo et texte intégral).
    François Bayrou au jour J.
    Édouard Philippe et sa partition particulière contre l'indolence.
    François Bayrou et le Chemin.
    Vœux 2025 d'Emmanuel Macron : aux Français de trancher ?
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 décembre 2024 à Paris (texte intégral et vidéo).
    François Bayrou au travail !
    Gouvernement Bayrou : un choc d'autorité ?
    Composition du Gouvernement François Bayrou I nommé le 23 décembre 2024.
    Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou.
    La méthode Bayrou réussira-t-elle ?
    Terre de désolation.
    La folle histoire de la nomination de François Bayrou.
    François Bayrou, le papa Macron !
    Le tour de François Bayrou !
    La polémique entre Maurice Druon et François Bayrou en juillet 2004.
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250205-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/francois-bayrou-le-debut-du-259120

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/05/article-sr-20250205-bayrou.html


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  • La croisade nauséabonde de Paul Vannier

    « Mes premières pensées vont aux garçons qui ont été en souffrance dans ce type d’affaires, et à eux, j’adresse ma sympathie, mais pas à ceux qui exploitent leur souffrance. » (François Bayrou, le 11 février 2025 dans l'hémicycle).



     

     
     

    Il y a des personnes mal intentionnées (c'est un euphémisme !), pour des motivations diverses (l'une par messianisme anti-système, l'autre par stratégie de chaos), qui profitent de la détresse de victimes d'un véritable scandale pour faire de la polémique à trois balles. La cible, c'est le Premier Ministre François Bayrou et c'est assez stupide d'obliger le chef du gouvernement de se défendre alors que ce seraient les victimes à défendre et protéger.

    J'ai tout de suite compris le niveau de puanteur quand j'ai lu le (premier ?) tweet de Paul Vannier le 5 février 2025. Qui est Paul Vannier ? Non, c'est n'est pas le sculpteur d'une statue à Paris, mais simplement un député insoumis élu du Val-d'Oise depuis 2022 avec son cortège de détritus.

    Il faut regarder la date de ce tweet, le 5 février 2025, c'est-à-dire quand les insoumis étaient certains que les socialistes ne voteraient pas leur motion de censure examinée le jour même contre le gouvernement Bayrou. Alors, après les échecs répétés de leurs motions de censure, l'échec de leur tentative de destitution du Président de la République, les insoumis cherchent d'autres moyens : salir de manière odieuse et indigne le Premier Ministre. En faisant quoi ? En laissant dire qu'il serait mouillé dans une affaire de pédocriminalité. C'est dégueulasse !

    Du reste, pourquoi cette "affaire" sortirait-elle seulement en février 2025 alors qu'elle était déjà connue à cause des plaintes de mars 2024, et même en 1998, pour les premières plaintes. Les députés insoumis et les journalistes guidés par je ne sais quel messianisme se sont réveillés juste la veille d'une des motions de censure des insoumis que ceux-ci savaient perdues d'avance. Comme c'est étrange.


    Ce procédé odieux n'est pas nouveau, car le maire de Toulouse Dominique Baudis avait lui-même été accusé à tort dans une sordide affaire de viol et prostitution, à l'époque avec un écho retentissant dans le journal local, "La Dépêche du midi", dont le propriétaire est la famille Baylet connue pour être les rivaux politiques de Dominique Baudis en Haute-Garonne.

    Que dit le tweet de Paul Vannier ? C'est une vidéo en fait, et le député, à grands moulinets, a dit notamment ceci : « C'est probablement la plus grave affaire de pédophilie que notre pays ait connue et tout indique que le Premier Ministre François Bayrou savait et a couvert. ». Que reproche-t-on à François Bayrou ? D'avoir été complice des pédocriminels d'un établissement scolaire catholique, rien que cela ! Avec des mots comme "probablement" et "tout indique" qui montrent le sérieux et la rigueur des accusations.

     
     


    D'ailleurs, beaucoup d'internautes n'étaient pas dupes si l'on en croit les réponses à ce tweet. L'un : « Les hyènes ont trouvé un os à ronger ! ». Un autre : « Et pendant tout ce temps, vous n'avez rien dit ? ». Un troisième : « C'est qui, Paul Vannier ? Il sert à quoi, ce type qui ne cherche que la polémique ? À dégager dès que possible ! ». Un quatrième : « Quand on a rien à béqueter, on fait les poubelles. ». Un cinquième : « Les faits remontent à 1970, Paul Vannier, et ont été dénoncés depuis longtemps ! Qu'est-ce qui vous prend aujourd'hui ? Vous avez l'indignation vachement tardive ! Hier, c'était pas grave ? Vous êtes décidément à vomir ! ». Un autre : « Qu'as-tu dit sur le procès de la pédocriminalité à Angers de 1999 à 2002 ? Pourtant, en 2003, tu étais encore honnête, juste avant ta conversion à la secte d'extrême gauche de Raëlenchon. 62 personnes condamnées pour abus sexuels sur 45 enfants de 6 mois à 12 ans. Ça t'a choqué ? ». Un septième, perspicace, qui a bien compris : « Faire le buzz sans preuves, pour affaiblir un gouvernement le jour d'une motion de censure ; et le faire au nom d'un parti comprenant parmi ses députés plusieurs mis en examen pour des faits réels et non fantasmés ; vous touchez vraiment le fond. ».

    Comme celui-ci : « À quoi fait référence le député Vannier de LFI ? Réponse : à une affaire relayée notamment par BFM RMC en date du 23 avril 2024 (ça ne vient pas de sortir). (…) Pourquoi presque un an plus tard se saisit-il de ce dossier ? Réponse : Ils ont perdu la législative de l'Isère, ils n'ont pas eu la mairie de Villeneuve-Saint-Georges, ils savent que la motion de censure ne va pas passer, ils commencent à voir que la Palestine va devenir un non-sujet depuis l'élection de Trump, donc, il leur faut impérativement trouver de nouvelles cartouches. (…) Peu leur importe les violences qui ont pu exister et les potentielles victimes, peu leur importe d'intervenir dans une affaire en cours d'instruction. ». Encore un autre : « T'as que ça pour taper sur E. Macron et l'école privé ? T'es tombé bien bas. Et comme par hasard, mais vraiment par hasard, le jour d'une motion de censure... Prends-nous pour des lapins de six semaines. ».

    Il y a quand même, parmi les réponses, aussi quelques tweets de soutien, dont un n'hésitait pas à démolir le Premier Ministre ainsi : « L'Affaire pédocriminelle de l'école catholique Bétharram illustre la cruauté de Bayrou. Une carrière bâtie sur la banalisation de la violence des enfants. ». La "cruauté de Bayrou", rien que cela. J'ai été rassuré en regardant d'où ça venait : « Co-animateur insoumis » ! Je comprends mieux : il y a des personnes qui sont payées à mettre ce genre de tweet matin midi et soir. Les réponses précédentes, en revanche, je doute qu'elles aient été monnayées. Même si certaines ont rappelé un titre du journal "Le Figaro" du 2 octobre 2024, qui n'a pas l'air d'émouvoir le député FI : « Viols avec torture d'une fillette handicapée à Nantes : le suspect est un ancien candidat LFI » (une enfant de 4 ans).


    Mais revenons au fond. Il y a effectivement un véritable scandale dans l'institution Notre-Dame de Bétharram, un collège et lycée qui fait aussi pensionnat et qui a accueilli jusqu'à 600 enfants par an. Plus d'une centaine de plaintes ont été déposées en 2024 pour des faits remontant de 1957 à 2010, les victimes ont été des enfants âgés de 8 à 13 ans, victimes de 26 adultes, enseignants, prêtres ou surveillants, de violences sexuelles voire et de viols. Ce scandale est grave, mais faut-il y mettre un superlatif ? Toujours est-il que pour l'instant, la justice a été saisie et que l'instruction suit son cours, et c'est très bien. Mais de quoi est donc accusé François Bayrou ?

    Alors, reprenons le fil. On accuse François Bayrou simplement d'être né dans la commune voisine de celle où se trouve l'établissement scolaire en question. Bordières est, en effet, tout à côté de Lestelle-Bétharram. Alors, François Bayrou aurait dû savoir ce qui s'est passé dans cet établissement parce qu'il a été un élu du coin, aussi un parent d'élève de cet établissement, puisqu'au moins un de ses enfants, peut-être plus, ont été scolarisés dans ce collège. De plus, c'est un établissement privé, catholique, sous contrat (ce qui signifie qu'il respecte scrupuleusement les programmes de l'Éducation nationale).


    On dit ainsi parfois n'importe quoi, en mélangeant tout. Je vais donc reprendre les mandats de François Bayrou, pour que ce soit clair : il a été élu conseiller général des Pyrénées-Atlantiques, sur le canton de Pau-Sud (qui n'inclut pas Lestelle-Bétharram), de mars 1982 à mars 2008, et président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques de mars 1992 à mars 2001. Il a été élu député des Pyrénées-Atlantiques de mars 1986 à juin 2012 (où il a été battu), sauf lorsqu'il a été ministre (1993 à 1997) et député européen (1999 à 2002). Entre 1986 et 1988, il n'avait pas de circonscription puisqu'il a été élu à la proportionnelle départementale, mais ensuite, sa circonscription est la deuxième du département et inclut à la fois son canton de Pau-Sud et Lestelle-Bétharram. Il a été élu maire de Pau, mais seulement depuis mars 2014 (c'est très loin des années 1990). Enfin, il a été Ministre de l'Éducation nationale de mars 1993 à juin 1997, puis un mois Ministre de la Justice de mai à juin 2017, et enfin Premier Ministre depuis décembre 2024.

    Les peu-glorieux qui attaquent François Bayrou sur ce scandale multiplient les amalgames et les confusions entre les dates et les faits. Car leur but, c'est de mettre en faute le Premier Ministre, et le premier moyen, c'est de le faire mentir.

    Mais arrêtons-nous sur une série de tweets bien vus du dessinateur Xavier Gorce qui sait aussi bien écrire que dessiner. Il a donné le mode d'emploi de Mediapart : « L'affaire Bayrou ressemble point pour point aux affaires précédentes, orchestrées exactement selon la même stratégie : Mediapart révèle partiellement, le mis en cause réfute en mentant en partie, par légèreté ou surplomb. Et là, le piège se referme, exploité politiquement. ».

    Il a précisé le comment : « Mediapart cible ses attaques sur un maillon faible de l'État : ils ont des dossiers (minces) sur chaque acteur politique et attendent qu'il "monte" à un poste stratégique de pouvoir. Alors, ils sortent les éléments pour ferrer le poisson en flagrant délit de mensonge. ». Le pourquoi : « Le poisson, ils s'en foutent (Edwy s'en fout). La cible, c'est le "système". Voilà ce qu'est l'éthique et la conception du journalisme de Mediapart : un job d'officine idéologique et politique d'agit' prop. ».

     
     


    L'offensive réelle, après un bas-bruit d'une semaine, c'était la séance des questions au gouvernement du mardi 11 février 2025 à l'Assemblée. Le même Paul Vannier était tout fier de poser sa question vache (il l'a retransmise sur Twitter) : « Père d’élèves scolarisés dans l’établissement, époux d’une professeure de Bétharram, président du conseil départemental, vingt ans député de la circonscription, ancien ministre de l’éducation nationale, saisi à de multiples reprises de ces violences, vous avez toujours affirmé n’avoir rien su, rien vu, rien entendu. (…) Et alors que vos fonctions successives vous permettaient de protéger ces enfants, vous avez choisi l’omerta pendant trente ans ! (…) Voulez-vous l’impunité de cet établissement financé sur fonds publics s? Les anciens élèves de Notre-Dame de Bétharram, que vous avez jusqu’ici choisi d’ignorer, les millions de victimes d’abus sexuels et tous les parents d’élèves de France attendent votre réponse. ».

    En clair, Super-Bayrou aurait dû venir en aide aux millions de victimes de Notre-Dame de Bétharram. Elles sont plutôt au nombre d'un peu plus d'une centaine, et c'est déjà beaucoup trop. Il y a plein d'allusions. Par exemple, "financé sur fonds publics" est vrai et faux : les enseignants sont payés par l'État parce qu'ils enseignent selon la volonté de l'État, mais les bâtiments sont sur fonds privés. De plus, les scandales de pédocriminalité, s'ils ont touché beaucoup d'établissements scolaires catholiques (c'est l'Église elle-même qui a fait l'état des lieux récemment), ils ont aussi touché des établissements scolaires publics et aussi des établissements sportifs, en fait, hélas, tout endroit où des adultes s'occupent d'enfants. Il y a aussi une critique en évoquant l'épouse de François Bayrou, Élisabeth qui a fait du catéchisme dans cet établissement, le plus près de leur résidence principale.

    On a reproché aussi à son épouse d'avoir assisté à l'enterrement d'un prêtre qui s'est avéré être un prédateur sexuel sur les élèves. Comment pouvait-elle savoir ce qu'il se passait s'il y avait le silence sur ces faits ? À ce compte-là, il faudrait aussi traiter maintenant comme de dangereux criminels tous ceux qui ont assisté aux obsèques de l'abbé Pierre.

    Chacun a le droit de présenter les faits tant qu'il ne tort pas la vérité. Or, ici, il l'a tordue parce qu'il ne comptait que sur la confusion. François Bayrou a répondu simplement et fermement : « J’affirme que je n’ai évidemment jamais, au grand jamais, été informé de quoi que ce soit en matière de violences, a fortiori de violences sexuelles, et j’ai deux preuves à l’appui de mon affirmation. La première, c’est que j’avais déjà quitté le Ministère de l’Éducation nationale depuis des mois, c’est-à-dire en mai 1997, quand les premières plaintes ont été déposées en décembre 1997, puis en 1998. L’autre preuve devrait faire consensus : croyez-vous que nous aurions scolarisé nos enfants dans un établissement dont il aurait été dit qu’il s’y passe des choses de cet ordre ? Je peux vous assurer que tout est faux. Une plainte en diffamation sera évidemment déposée. ».


    Le procureur Mediapart, qui est comme un chien qui ne lâche plus sa proie, a fait un titre particulièrement scandaleux : « De nouvelles archives de l'affaire en 1996 prouvent l'implication de François Bayrou » ! Rien que ça, "l'implication" de François Bayrou ! Parlons-en de 1996. Il y a eu une affaire une plainte en avril 1996 sur un enfant qui a reçu une gifle assez forte (tympan brisé) qui a dû se produire l'année précédente. François Bayrou était Ministre de l'Éducation nationale et comme il est le chef de cette administration, il a demandé à ce qu'il y ait une enquête de l'inspection.
     

     
     


    Invité de "Questions politiques" le dimanche 16 février 2025 sur France Inter, le Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot, par ailleurs vice-président du MoDem, a expliqué : « Lorsque François Bayrou était Ministre de l'Éducation nationale, il y a effectivement eu une gifle qui a été signalée en 1996. Ce qui a conduit à ce qu'un rapport de l'inspection soit rédigé qui dit très clairement, je l'ai lu, qui dit très clairement : "Notre-Dame de Bétharram n'est pas un établissement dans lequel les élèves sont brutalisés". ». C'était probablement un tort, mais c'est le rapport d'inspection qui a conclu cela, pas François Bayrou qui, au contraire, a voulu mettre toute la lumière sur ce signalement.

    Quant aux sévices sexuels et viols, les premiers signalements n'ont été faits qu'à la fin de l'année 1997 et 1998. François Bayrou n'était plus ministre. C'était Claude Allègre qui était aux commandes dans le gouvernement de Lionel Jospin et ce qui a été fait ou pas fait ne peut donc pas être reproché à l'actuel Premier Ministre. C'est ce que dit maintenant l'avocat de la première victime de viol qui a déposé plainte en 1998 : « S'il s'agit de dire qu'il avait connaissance du dossier judiciaire, je comprends qu'il n'en connaissait rien puisqu'il n'avait rien à en connaître. Sinon, on aurait évidemment dénoncé une pression du politique sur le judiciaire. En 1998, François Bayrou n'est plus Ministre de l'Éducation nationale, c'est Claude Allègre, c'est un socialiste. Alors, entendre aujourd'hui la gauche vitupérer sur le silence ou l'inaction du Ministère de l'Éducation nationale, c'est franchement hypocrite. ».

    Mediapart a reproduit une lettre recommandée avec accusé réception signé de François Bayrou pour indiquer qu'il savait ! Mais ce courrier date d'avril 2024, d'il n'y a meme pas un an ! Quand François Bayrou dit qu'il ne savait pas, c'était à l'époque, dans les années 1990. Et d'ailleurs, qu'aurait-il fait s'il avait su ? D'abord, retirer son ou ses enfants de cet établissement. Cela aurait été la première chose à faire. Il ne l'a pas fait.


    Ce n'est pas parce que Mediapart a publié des photos du jeune député Bayrou accompagnant Michèle Alliot-Marie, autre élue du coin, en visite dans cet établissement, que ce serait choquant. Les élus visitent généralement beaucoup d'établissements scolaires au cours de leur mandat, et sont même parfois membres du conseil d'administration de l'établissement. C'est donc toujours facile de prendre un établissement où il y a eu ce genre d'affaire et de retrouver des photos d'élus le visitant auparavant. Sans rien connaître du scandale.

    Le député Paul Vannier a persévéré puisque le lendemain, le mercredi 12 février 2025, avant l'examen de la motion de censure de son clan politique, en opération commandée, il a récidivé avec une nouvelle question au gouvernement sur le même sujet, insultant François Bayrou d'être un menteur : « Monsieur le Premier Ministre, vous avez menti aux députés pour dissimuler que vous aviez connaissance de violences sur enfants, violences que vos responsabilités passées vous imposaient de dénoncer. Le mensonge d’un ministre devant la représentation nationale, a fortiori du premier d’entre eux, est d’une immense gravité. Que votre mensonge porte sur une affaire pédocriminelle ajoute à l’inacceptable. Allez-vous en assumer toutes les conséquences et présenter votre démission ? ».

    François Bayrou a laissé son Ministre de la Justice, Gérald Darmanin, répondre à sa place et il l'a fait avec précision en rappelant l'essentiel : « Je veux d’abord, en mon nom et au nom du gouvernement, avoir une pensée pour tous ces enfants, quel que soit leur âge, qui, en tant que victimes, méritent mieux que des jeux politiciens. Si nous nous rejoignons tous dans la lutte contre la pédophilie et les violences insupportables faites à nos enfants, je regrette que certains utilisent honteusement ces faits pour régler des comptes politiques. (…) Je rappellerai simplement pour ma part que la lutte contre les violences faites aux enfants est, ainsi que je l’ai moi-même souligné dans la circulaire de politique pénale que j’ai adressée au procureur de la République, une priorité de ce gouvernement, sous l’autorité de M. le Premier Ministre, qui définit la politique pénale. Quant à vous, je vous encourage à rester digne devant la détresse et la violence des cas que vous évoquez. ».

    Paul Vannier s'est permis de rétorquer, puisqu'il avait encore quelques secondes de temps de parole (cela fera des vidéos sur son compte Twitter dont il est si fier), et, non content de réclamer la démission de François Bayrou, il a aussi réclamé la démission du Président Emmanuel Macron : « Monsieur le Premier Ministre, votre silence indique que l’omerta règne au sommet de l’État ! Il engage directement le Président de la République, seul responsable de votre maintien à Matignon. Il donne aux députés une immense responsabilité au moment de voter ou de ne pas voter la censure de votre gouvernement. ». L'excessif est insignifiant... surtout quand ce n'est pas fin et qu'on le voit venir de très loin avec ses gros sabots !

    Opération concertée par les censeurs de l'après-midi, car à la même séance du 12 février 2025, le député écologiste Arnaud Bonnet s'y est mis aussi, en mélangeant tout, comme ceci : « Vous avez été Ministre de l’Éducation nationale, président du conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques, et maire de Pau ; vous disposiez de tous les leviers pour protéger ces enfants et vous auriez choisi de ne pas le faire. ». Le seul levier, on vient de le voir, c'était le ministère, et il n'était plus ministre quand les premières plaintes pour viols et agressions sexuelles ont été déposées. De plus, il n'était pas maire de Pau en même temps que Ministre de l'Éducation nationale ou que président du conseil général. Tout cela est un foutoir de confusion servant simplement à salir à tort une personnalité. Et de poser sa question : « Monsieur le Premier Ministre, vous nous devez des réponses claires. Si vous avez volontairement gardé le silence sur ces agissements, alors vous devrez démissionner. ». Ces gauchistes voudraient une commission d'enquête sur ce que savait ou pas François Bayrou. En revanche, ils se moquent de savoir combien il y a de victimes, combien d'adultes sont-ils (réellement) impliqués, pendant quelle période. S'il y avait une commission d'enquête parlementaire à former, ce serait évidemment sur le scandale de Notre-Dame de Bétharram, où subsistent encore des zones d'ombre. Mais il y a déjà une instruction judiciaire en cours.


    La réponse de François Bayrou est restée factuelle : « Dès lors que ce serait au service de la polémique, on serait autorisé à tout dire et à défendre n’importe quel argument. Je l’ai dit hier, mais à l’époque des faits, je n’ai jamais été averti des agissements qui ont donné lieu aux signalements et aux plaintes. La lettre à laquelle vous faites allusion date d’avril 2024, alors que les faits en question remontent aux années 1990. J’affirme que je n’ai pas eu la moindre information, sinon, comme je l’ai déjà dit, croyez-vous vraiment que nous aurions scolarisé nos enfants dans un établissement sur lequel pesaient de tels soupçons ? Je récuse les polémiques artificielles sur ce sujet. ».

     

     
     


    François Bayrou a finalement réagi de la meilleure manière. Répondre et répondre serait inutile, un peu comme les polémiques dans les réseaux sociaux avec des trolls. Les uns ont tout leur temps pour faire cela, puisqu'ils se moquent de l'intérêt des Français et en particulier des victimes bien réelles de Notre-Dame de Bétharram, et le Premier Ministre, en revanche, ne peut pas passer son temps à polémiquer sur les réseaux sociaux ou dans les chaînes d'information continue parce qu'il a un État à gérer et à réformer.

    Il a donc fait la seule chose qu'il fallait faire et il l'a fait ce samedi 15 février 2025 à la mairie de Pau. Il a fait venir les victimes pour les écouter pendant trois heures. On peut lui reprocher d'avoir attendu quelques jours, mais ceux qui le lui reprochent lui ont aussi collé cinq motions de censure en deux semaines et auraient été les premiers mécontents si le Premier Ministre s'était absenté pour aller à Pau. Il a attendu donc le week-end pour aller à la rencontre des victimes de Notre-Dame de Bétharram, leur apporter tout son soutien et leur assurer que le gouvernement ferait tout ce qu'il a en son pouvoir pour les défendre (par exemple, renforcer le parquet de Pau pour instruire rapidement les 112 dépôts de plaintes).

    Ces témoignages ont manifestement secoué le Premier Ministre : « C'était bouleversant, purement et simplement l'expression de la vérité de vie, dont toutes ont été atteintes, dont certaines sans doute ont été brisées par des actes de violences intolérables, et hélas d'agressions sexuelles abominables. c'est une expérience à laquelle je veux apporter mon soutien, et prendre des décisions qui vont dans ce sens. ». Et toujours devant les victimes : « Est-ce qu'on aurait dû s'en apercevoir à l'époque ? À coup sûr. J'ai dit que je ne savais pas. Je savais pour cette plainte qui avait été posée pour une claque. J'ai demandé une inspection, et je ne savais pas ce qu'il s'était passé. ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (16 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Paul Vannier.
    Bétharram : François Bayrou coupable... de quoi, au fait ?
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    La vérité nous rendra libres.
    Abus sexuels : l’Église reconnaît sa responsabilité institutionnelle.
    Legs et indécence.
    Secret de la confession et lois de la République.
    Abus sexuels dans l’Église : honte, effroi et pardon !
    Rapport de Jean-Marc Sauvé remis le 5 octobre 2021 sur la pédocriminalité dans l’Église (à télécharger).
    Présentation du rapport Sauvé le 5 octobre 2021 (vidéo).
    Discours du pape François le 24 février 2019 au Vatican (texte intégral).
    La protection des mineurs dans l’Église.
    Protection des mineurs (2) : pas d’imprescriptibilité pour la pédocriminalité.
    Protection des mineurs (1) : 15 ans, âge minimal du consentement sexuel ?
    La faute de Mgr Jacques Gaillot.
    Ni claque ni fessée aux enfants, ni violences conjugales !
    Mgr Barbarin : le vent du boulet.
    Pédophilie dans l’Église catholique : la décision lourde de Lourdes.
    Mgr Barbarin : une condamnation qui remet les pendules à l’heure.
    Pédophilie dans l’Église : le pape François pour la tolérance zéro.
    Le pape François demande pardon pour les abus sexuels dans l’Église.
    Le pape François en lutte contre la culture de l’étiquette et de la médisance.

     



     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250205-paul-vannier.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/17/article-sr-20250205-paul-vannier.html


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  • La semaine de vérité et de responsabilité

    « Nous voici à l’heure de vérité. Nous voici même à la semaine de vérité et de responsabilité. Aucun pays ne peut vivre sans budget. La France le peut moins que tout autre. Pour la première fois depuis la fondation de la Ve République, depuis presque soixante-dix ans, notre pays est toujours sans budget au début du mois de février. L’image de la France, grande démocratie, pilier de l’Union Européenne, en est affectée, mais elle n’est pas la seule victime : l’action publique en pâtit également, puisqu’elle est incapable de faire face à ses obligations. » (François Bayrou, le 3 février 2025 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Enfin les députés deviennent responsables et raisonnables ! Le Premier Ministre François Bayrou a utilisé ce lundi 3 février 2025 deux fois l'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour faire adopter le projet de loi de finances pour 2025 et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.

    Bien que cavalière, cette double utilisation était nécessaire dans la mesure où aucune majorité absolue n'existe à l'Assemblée Nationale. Ne pas utiliser ces outils constitutionnels auraient entraîné soit un nouveau rejet du budget par les députés, soit l'obligation, pour certains députés de l'opposition, de voter pour le budget ce qui, pour eux, aurait été difficile à justifier politiquement. L'idée de permettre une adoption sans vote sauf vote d'une motion de censure permet aux députés de l'opposition responsables de ne pas voter le budget tout en permettant à la France d'avoir un budget (et un gouvernement par la même occasion).

    Les mêmes causes font-elles les mêmes effets ? Le gouvernement de Michel Barnier avait chuté par l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, grâce à une collusion entre les députés de la nouvelle farce populaire (NFP) et du RN, une collusion RNFP !


     

     
     


    François Bayrou a expliqué pourquoi il fallait un budget : « La production est paralysée dans de nombreux domaines. Songez aux agriculteurs, au BTP, bâtiment et travaux publics, à l’investissement ! Songez aux presque 500 000 foyers auxquels des taux de fiscalité vont s’appliquer alors qu’ils étaient exonérés jusqu’à présent, et aux 18 millions de foyers fiscaux qui verront leur impôt augmenter ! Songez à tous ceux qui doivent construire ou acheter leur logement, qui verront les taux d’emprunt augmenter du fait de l’incertitude, sans même parler, nous y viendrons ensuite, du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Telle est la situation depuis la censure du gouvernement de Michel Barnier. C’est la réalité. ».

    Pourquoi François Bayrou a-t-il peu de chance de voir son gouvernement renversé à l'issue du débat des deux motions de censure déposées ce lundi 3 et discutées ce mercredi 5 février 2025 par Mathilde Panot, la présidente du groupe insoumis à l'Assemblée ? Les historiens se pencheront sur cet aspect de cet épisode politique et historique que nous vivons. Est-ce parce que certains députés de l'opposition ont enfin compris qu'une censure du gouvernement coûterait très cher à la France (celle du gouvernement Barnier au moins autour de 15 milliards d'euros) ? Est-ce que la méthode Bayrou est très différente de celle de Michel Barnier ? Un peu des deux.

    Malgré des débuts à Matignon un peu maladroits, François Bayrou a tout de suite su aller à l'essentiel : il n'y aurait pas de stabilité si les députés socialistes restaient arrimés au navire amiral mélenchoniste. Pour cela, il avait besoin d'une pièce maîtresse dont il s'est doté dès la formation de son gouvernement : Éric Lombard, le nouveau Ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Éric Lombard, haut fonctionnaire réputé de gauche (il a été dans plusieurs cabinets ministériels à l'époque de la gauche au pouvoir) est un ami du premier secrétaire du PS Olivier Faure, cela aide un peu pour négocier le budget. On imagine ce qu'il en aurait été si Laurent Wauquiez avait eu sa place !


    La première grande différence avec Michel Barnier, c'était donc de chercher une non-censure plus du côté du PS que du RN. La seconde grande différence, c'était aussi d'avoir nommé des ministres qui sont des poids lourds politiques, et même si certains n'étaient pas connus (comme Éric Lombard), ils le sont devenus. En d'autres termes, le Premier Ministre laissent faire ses ministres dans tous les domaines, ce qui lui permet de se focaliser sur les points critiques.
     

     
     


    La méthode Bayrou, c'était de faire participer tous les groupes politiques à la discussion budgétaire, puis de trancher. Nous sommes à ce moment de décision : « Depuis l’entrée en fonction de ce gouvernement, le 23 décembre, nous n’avons pas ménagé nos efforts pour sortir de cette impasse. Nous avons travaillé avec les ministres, que je remercie : Éric Lombard, Amélie de Montchalin et Catherine Vautrin, qui s’exprimera tout à l’heure. Nous avons travaillé avec toutes les forces politiques, toutes ont été invitées à Matignon et celles qui ont été reçues ont été entendues, avec tous ceux qui participent au gouvernement et le soutiennent, avec tous ceux qui ont accepté, bien que n’appartenant pas à la majorité, de s’inscrire dans le dialogue, c’est-à-dire dans une perspective positive, et qui ont pu proposer des améliorations. La bonne foi et la bonne volonté ont été au rendez-vous. Le texte qui vient de vous être présenté a trois auteurs, j’allais dire trois géniteurs : d’abord, le gouvernement de Michel Barnier, avant la censure du 4 décembre ; ensuite, le gouvernement que nous avons constitué depuis le 23 décembre ; enfin, les deux chambres du Parlement, lors de toutes les séances qui s’y sont tenues, en particulier celles de la commission mixte paritaire. Ce budget va libérer l’action de l’État et de ses opérateurs, jusqu’au montant de 662 milliards d’euros. Il va libérer l’action des collectivités locales jusqu’à 342 milliards. Quant au PLFSS que nous examinerons tout à l’heure, il prévoit un budget pouvant aller jusqu’à 800 milliards d’euros. Conformément aux orientations fixées par le gouvernement, le déficit a été limité à 5,4% du produit intérieur brut, en dépit de la correction apportée, transparence et loyauté obligent, au taux de croissance : l’hypothèse retenue pour cette dernière est de 0,9%, celle retenue pour le taux d’inflation de 1,4%. L’augmentation de la dépense publique a été contenue à 1,2%, soit un taux inférieur à l’inflation. Ce budget est-il parfait ? Non. Aucun d’entre nous ne le trouve parfait (…). J’ajouterai néanmoins, fort de mon antériorité, que je n’ai jamais connu de discussion budgétaire accouchant d’un budget reconnu comme parfait. Il s’agit de trouver un équilibre. Nous sommes désormais, tous ensemble, devant notre devoir. Si vous en décidez ainsi, puisque la décision est entre vos mains, à force de bonne volonté, de pas des uns vers les autres, d’efforts et de compréhension, la France disposera dans les dix jours d’un budget, de ses budgets, ce qui enverra un signal de responsabilité et de stabilité aux premiers concernés, à ceux qui s’inquiètent à juste titre, à nos concitoyens. C’est de cela que vous aurez à décider. C’est pourquoi, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’ai l’honneur d’engager la responsabilité du gouvernement sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2025, dans sa version résultant des travaux de la commission mixte paritaire, modifiée par des amendements techniques et de coordination. ».
     

     
     


    Le débat budgétaire a donc été interrompu par l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Est donc venu à l'ordre du jour le débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 (PLFSS) qui avait fait chuter Michel Barnier en décembre. La Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles Catherine Vautrin (à la tête d'un immense ministère) a pris la parole pour rappeler les priorités du gouvernement en matière de santé.

    Les voici : « Première priorité : l'hôpital. L'objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) connaîtra en 2025 une hausse de 3,4%, soit 9 milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2024. (…) Deuxième priorité : développer les soins palliatifs. Lorsque j’avais défendu devant l’Assemblée Nationale, au premier semestre 2024, la stratégie nationale des soins palliatifs, j’avais pris l’engagement que leur budget soit abondé de 100 millions d’euros supplémentaires chaque année durant dix ans. Cet engagement sera tenu dès l’exercice 2025 et l’augmentation budgétaire correspondante servira au déploiement de la stratégie décennale des soins d’accompagnement. Il s’agit de renforcer l’offre de soins palliatifs dans chaque territoire, au sein des établissements de santé et médico-sociaux comme à domicile, ainsi que de développer une filière de formation universitaire en soins palliatifs. Troisième priorité : repenser le système de santé depuis les territoires. C’est à l’échelle de leur bassin de vie que nos concitoyens attendent des réponses concrètes. Nous poursuivrons la stratégie consistant à aller vers les populations, en ciblant principalement les territoires ruraux à faible densité médicale, ou qui connaissent une forte proportion de patients touchés par une affection de longue durée (ALD) ou dépourvus de médecin traitant. Nous continuerons à lutter contre les déserts médicaux et à améliorer les soins non programmés, en consacrant davantage de moyens aux services d’accès aux soins. (…) Quatrième priorité : renforcer l’attractivité des métiers de la santé et améliorer les conditions de travail des professions médicales. Il s’agit notamment de financer la convention médicale qui a relevé, dès décembre 2024, le tarif de la consultation chez le médecin traitant à 30 euros. Certaines spécialités bénéficient également d’une revalorisation des consultations, comme la gynécologie. Nous devons investir davantage dans la prévention. Nous améliorerons le suivi médical de l’enfant grâce à l’évolution du calendrier des examens obligatoires et à la refonte du carnet de santé. (…) Le nouveau carnet de santé accordera une place centrale à la prévention. En outre, les examens bucco-dentaires seront désormais annuels entre 3 et 24 ans, dans le cadre de la politique "génération sans carie". Enfin, la santé mentale est érigée en grande cause nationale de l’année 2025 et près de 100 millions d’euros seront ainsi mobilisés cette année. (…) Le dispositif de prévention du suicide VigilanS sera étendu aux mineurs. (…) Les financements de la branche autonomie atteindront 43 milliards d’euros et permettront d’accélérer le déploiement des 50 000 nouvelles solutions d’accompagnement pour les personnes en perte d’autonomie, tout en renforçant le soutien aux proches aidants et aux établissements médico-sociaux. Le soutien aux personnes en situation de handicap connaîtra en 2025, alors que nous célébrerons les vingt ans de la loi du 11 février 2005, des avancées concrètes, je pense en particulier à la prise en charge intégrale des fauteuils roulants.Les EHPAD bénéficieront d’un effort budgétaire significatif, incluant des investissements immobiliers supplémentaires pour moderniser les structures et améliorer les conditions d’accueil des résidents. Par ailleurs, 6 500 professionnels seront recrutés dès 2025 afin d’atteindre plus rapidement l’objectif de 50 000 postes supplémentaires d’ici à 2030. Il s’agit de garantir ainsi une meilleure prise en charge et un accompagnement renforcé. Le financement des EHPAD sera simplifié et sécurisé grâce à la fusion des sections "soins" et "dépendance", souvent réclamée sans jamais être réalisée. Le Sénat avait voté la création d’un fonds d’urgence doté de 100 millions d’euros. Face à la situation difficile des EHPAD, que le gouvernement et de nombreux députés reconnaissent, nous prévoyons de tripler la dotation de ce fonds, pour la porter à 300 millions d’euros. ».


    Un peu plus tard, François Bayrou a rappelé le caractère exceptionnel de notre modèle social : « Depuis la seconde Guerre mondiale et le Conseil national de la Résistance, il est fondé sur un pacte social unique au monde. Aucun pays n’a assuré les individus autant que le nôtre, depuis l’éducation des jeunes enfants jusqu’à la présence dans les dernières années de la vie, en passant par la santé, l’assurance contre le chômage, la retraite ou d’autres formes de solidarité. Aucun autre pays n’a choisi, comme le nôtre, le principe "Un pour tous, tous pour un". Tous ont fondé en grande partie ou en totalité leur pacte social sur la logique du "Chacun pour soi", que ce soit pour lui-même, pour sa famille, pour les siens : chacun assure l’éducation de ses enfants, son assurance sociale, sa retraite. La volonté de faire qu’aucun d’entre nous ne soit abandonné à un moment de sa vie se manifeste dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. ».

     

     
     


    Parmi les améliorations du PLFSS, François Bayrou en a énuméré quelques-unes : « Je ne retiendrai que deux ou trois d’entre elles. Premièrement, les budgets des hôpitaux ont bénéficié d’une augmentation de 3,8%, soit 4 milliards d’euros supplémentaires. Cela leur permettra, je l’espère, de retrouver un meilleur équilibre, d’engager des personnels, de mieux rémunérer les soignants et d’améliorer l’accueil aux urgences. Sur l’autonomie et la dépendance, nous prévoyons 6 500 personnels soignants en plus dans les EHPAD et 300 millions supplémentaires pour qu’ils puissent faire face à des difficultés financières parfois immenses. Avec l’ensemble du gouvernement, je reprends l’engagement de Michel Barnier de faire de la santé mentale la grande cause nationale pour l’année 2025. L’amélioration des retraites agricoles, attendue depuis si longtemps, mérite d’être mentionnée à cette tribune. Enfin, nous ouvrons une réflexion sur la nécessité de ne plus aborder des problèmes aussi lourds et aussi graves seulement de façon annuelle, lors de l’examen des textes budgétaires, mais aussi dans un cadre pluriannuel pour le faire de manière sérieuse et utile. ».

    Enfin, comme pour le PLF : « C’est pourquoi, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’engage la responsabilité du gouvernement sur l’article liminaire et la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 dans leur version adoptée par le Sénat et modifiée par les amendements déposés par le gouvernement et figurant en annexe du courrier que j’ai adressé à la Présidente de l’Assemblée Nationale. ».

    On sait bien qu'en politique, tout est posture, mais justement, pour un parti de gouvernement, la posture de responsabilité et de raison devrait l'emporter sur la posture du mauvais joueur. Les cérémonies des vœux sont passées aussi par là, où tous les députés ont entendu les doléances des citoyens qui en ont ras-le-bol que les responsables politiques prennent en otage le pays !
     

     
     


    Cela a été annoncé le lundi 3 février 2025, dans l'après-midi, après une réunion du bureau national du PS : les députés PS ne voteront pas la censure pour les deux textes budgétaires. Cette annonce a été confirmée et précisée à la suite d'une réunion du groupe socialiste à l'Assemblée : aucun député ne votera de censure. Cette précision était importante car la discipline des députés PS était assez laxiste : lors de la motion de censure du 16 janvier 2025, 8 députés PS sur les 66 du groupe avaient quand même voté la censure. Il suffirait de 21 députés socialistes pour renverser le gouvernement si le groupe RN la votait aussi.

    Pour permettre aux socialistes de garder la face, ils déposeront plus tard, après les débats budgétaires, une motion de censure pour s'indigner contre le mot "submersion", afin de râler comme il se doit (et de s'opposer). Rien n'empêcherait toutefois les députés RN de la voter, même si c'est pour des valeurs qu'ils rejetteraient.


     

     
     


    Mais parlons justement des députés RN : ils ont été incapables de se mettre d'accord ce lundi 3 février 2025, un déjeuner a même été organisé entre Marine Le Pen et Jordan Bardella. La décision a été reportée à la réunion du groupe RN mercredi 5 février 2025 à 15 heures, soit juste avant l'examen des deux motions de censure. Toutefois, Jordan Bardella a déclaré ce mardi 4 février 2025 dans la matinée que le RN souhaitait rester dans l'opposition mais qu'il fallait aussi de la stabilité et donc, a priori, le RN s'acheminerait lui aussi vers une non-censure.

     

     
     


    Ce serait alors assez cocasse que pour les textes budgétaires, seuls les insoumis, les communistes et les écologistes votent la censure. En refusant de négocier avec le RN pour privilégier le PS, François Bayrou obtiendrait mieux que Michel Barnier qui négociait pourtant avec le RN ! Je laisse au conditionnel car rien n'a été encore officiellement annoncé.

    Ce qui paraît probable, c'est que François Bayrou aura réussi sa première mission, doter la France d'un budget. Et c'est tout ce qu'on lui a demandé prioritairement. Emmanuel Macron lui en saura gré. Si, ensuite, François Bayrou pouvait commencer quelques grandes réformes de l'État, afin de réduire drastiquement les dépenses de l'État, alors, ce serait Byzance ! Mais nous n'y sommes pas encore.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La semaine de vérité et de responsabilité.
    Lionel Jospin appelle le PS à ne pas censurer le gouvernement Bayrou.
    François Bayrou et le sentiment de submersion.
    François Bayrou, la cohérence du pacificateur.
    Ce Bayrou, c'qu'il est Faure !
    François Bayrou sera-t-il censuré ?
    Les conclaves du cardinal Bayrou.
    Déclaration de politique générale du Premier Ministre François Bayrou le 14 janvier 2025 au Palais-Bourbon (vidéo et texte intégral).
    François Bayrou au jour J.
    Édouard Philippe et sa partition particulière contre l'indolence.
    François Bayrou et le Chemin.
    Vœux 2025 d'Emmanuel Macron : aux Français de trancher ?
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron, le 31 décembre 2024 à Paris (texte intégral et vidéo).
    François Bayrou au travail !
    Gouvernement Bayrou : un choc d'autorité ?
    Composition du Gouvernement François Bayrou I nommé le 23 décembre 2024.
    Le difficile accouchement du gouvernement Bayrou.
    La méthode Bayrou réussira-t-elle ?
    Terre de désolation.
    La folle histoire de la nomination de François Bayrou.
    François Bayrou, le papa Macron !
    Le tour de François Bayrou !
    La polémique entre Maurice Druon et François Bayrou en juillet 2004.
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250203-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-semaine-de-verite-et-de-259097

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/03/article-sr-20250203-bayrou.html




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  • Villeneuve-St-Georges : l'échec du mélenchonisme municipal

    « Le glissement vers l’acceptation de la grande coalition reproduit la stratégie de front républicain contre l’extrême droite, en reportant la méthode du front républicain d’hier au service d’un front réactionnaire front républicain. Une seule consigne : tout sauf LFI. La déclinaison locale : "plutôt n’importe qui que Louis Boyard". La plus zélée dans cette posture est bien sûr la "goche" qui mendie sa respectabilité aux cercles dirigeants avec lesquels elle rêve d’une "grande coalition". » (Jean-Luc Mélenchon, le 2 février 2025 sur son blog).


     

     
     


    Sueurs froides au premier tour et soulagement au second tour. On peut comprendre "l'aigreur qui passe à l'esprit" de Jean-Luc Mélenchon qui a raté son pari de conquérir la mairie de Villeneuve-Saint-Georges. En effet, ces deux derniers dimanches, le 26 janvier 2025 et le 2 février 2025, ont eu lieu des élections municipales partielles à Villeneuve-Saint-Georges. L'enjeu était limité puisque le mandat de la nouvelle équipe ne durera qu'un an ; les élections municipales générales auront lieu en mars 2026. L'enjeu n'était donc pas local mais national sur la capacité des insoumis à gagner des mairies.

    Plus généralement, si les insoumis ont eu de forts scores aux dernières élections législatives et présidentielle depuis le printemps 2022, aucun d'entre eux n'a encore eu la possibilité électorale de devenir chef d'un exécutif local, ni président d'un conseil départemental ou régional ni maire d'une grande ville, tandis que le PS dirige actuellement un tiers des villes de plus de 10 000 habitants et la moitié des villes de plus de 30 000 habitants.


    Avec la candidature de l'insoumis Louis Boyard, tête de liste à Villeneuve-Saint-Georges, Jean-Luc Mélenchon voulait en faire l'amorce de grandes conquêtes pour les municipales de mars 2026. Selon Patrick Cohen dans sa chronique du 3 février 2025 sur France Inter : « Les insoumis nourrissent de grandes ambitions à Lille, Montpellier, Marseille, Toulouse, où Jean-Luc Mélenchon a tenu meeting ce week-end. ».

    ouis Boyard (24 ans) avait pourtant un boulevard devant lui. Élu député du Val-de-Marne en juin 2022 face à l'actuel ministre Laurent Saint-Martin dans l'ancienne circonscription du radical de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg, et réélu en juillet 2024, il avait obtenu 61,2% au second tour (3 900 voix) dans la commune de Villeneuve-Saint-Georges. Compagnon d'une insoumise élue aussi députée en 2024, cet ancien militant lycéen a surtout brillé par ses déclarations d'une tonalité très intellectuelle (joke). Il faut dire que lui-même a confessé auprès de Cyril Hanouna le 1er septembre 2021 sur C8 qu'il avait revendu de la drogue : « J’vais pas t’mentir, j’ai dealé, j’vous jure. (…) Moi, un moment, j’étais en galère, on m’a proposé le bail, j’ai fait. », et qu'il était un élève assez nul : « Je suis nul, vraiment nul, tu ne peux pas me mettre dans une salle de classe. ».

    Benjamin Sire, dans "Franc Tireur" le 5 avril 2023, l'a appelé "Gilet jeune" : « De tous ceux qui humilient l’Assemblée en feignant, par leurs mauvaises manières, d’y faire entrer le "pays réel ", c’est lui qui remporte la palme. Militant insoumis devenu député par hasard, l’élu abîme la fonction qu’il croit réhabiliter. (…) Narcissique, irresponsable, fier d’une inculture qu’il arbore comme un diplôme. Influenceur 2.0, la politique est pour lui le moyen de convertir ses mots, ceux du chaos, en followers. Il eût été savoureux de le voir côtoyer Guy Debord. Peut-être le situationniste aurait-il décelé dans l’assurance de ce kamikaze de 22 ans, devenu député sur du vent, la marque définitive de sa prescience. ».


    Le terrain électoral était aussi très prometteur. Avec ses 36 000 habitants, Villeneuve-Saint-Georges, ancienne ville de cheminots, est connue comme la ville la plus pauvre du Val-de-Marne avec 34% de taux de pauvreté. Pour "Le Monde", cette ville « représentait un terreau fertile pour les ambitions municipales d’un mouvement qui concentre sa stratégie électorale sur la jeunesse et les quartiers populaires ». Pendant longtemps, la ville a été administrée par des communistes, en alternance parfois avec des centristes.

    En mars 2014, maire communiste sortante, Sylvie Altman, tête de liste de la gauche, a été réélue de justesse avec 30 voix d'avance (sur 13 198 inscrits avec 59,9% de participation) face à Philippe Gaudin, tête d'une liste UMP-UDI.
     

     
     


    En mars 2020, Philippe Gaudin, à la tête d'une liste divers droite, a conquis la mairie en battant la maire communiste sortante Sylvie Altman avec 61,7% des voix contre 27,6%, sans oublier 10,7% pour une liste centriste menée par Éric Colson.
     

     
     


    La nouvelle majorité municipale a été particulièrement divisée, quasiment incapable de voter un budget à temps pour l'année 2024 (cela ressemble à autre chose), et lors de la séance du conseil municipal du 20 avril 2024, Philippe Gaudin, par exaspération, a fait deux fois le salut nazi, qu'il a regretté plus tard. Une partie des conseillers de la majorité municipale a démissionné, entraînant des élections partielles. Profitant de l'occasion pour faire de cette ville un laboratoire des insoumis, Jean-Luc Mélenchon a mis la main à la pâte en faisant un grand meeting électoral le 23 janvier 2025 à Villeneuve-Saint-Georges.
     

     
     


    Au premier tour, à la surprise générale, la liste insoumise de Louis Boyard a atteint le premier rang (c'était bien la première fois pour ce cancre !) avec 24,9% des voix, dépassant les cinq autres listes concurrentes, en particulier celle de l'ancienne première adjointe sortante Kristell Niasme (LR) 22,7%, Daniel Henry (PCF soutenu par le reste de la gauche, PS-EELV-PRG et même Génération écologie) 20,7%, la liste du maire sortant Philippe Gaudin (divers droite) 15,5%, et la liste d'Éric Colson (UDI-Renaissance), déjà candidat en 2020, 13,6%. Entre les deux tours, la liste de Daniel Henry s'est retirée sans fusionner pour soutenir Louis Boyard. En raison des risques d'élection de ce dernier, la liste centriste s'est également retirée, laissant la liste FI et la liste LR s'affronter sous le regard d'un troisième protagoniste, la liste du maire sortant.

    Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot et Clémence Guetté sont venus apporter leur aide à Louis Boyard pour faire campagne. Cela n'a pas suffi ! Si Laurent Wauquiez, qui faisait un meeting à Maisons-Alfort, n'a pas participé à la campagne de la candidate de LR, des ténors avaient fait savoir leur choix. Ainsi, dès les résultats du premier tour connus, le Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a tweeté : « Aucune commune de France ne mérite d’avoir à sa tête un maire de la France insoumise ! ». Et Vincent Jeanbrun, ancien maire LR de L'Haÿ-les-Roses conquis sur le PS en mars 2014, et élu député LR en battant Rachel Keke (FI) en juillet 2024, n'a pas mâché ses mots : « Ce qui se joue à Villeneuve, ce n’est pas la droite contre la gauche, mais le camp républicain face à ceux qui incarnent le chaos chez les "insoumis", par leur volonté d’être en permanence dans la conflictualité. Et Louis Boyard en est l’exemple type. » ("Le Monde" du 2 février 2025).

    Finalement, au second tour, Louis Boyard a perdu très largement avec seulement 38,8% des voix contre 49,0% pour Kristell Niasme, élue, et 12,3% pour Philippe Gaudin. Avec pourtant une augmentation de 789 votants par rapport au premier tour (participation passant de 33,5% à 39,7%), Louis Boyard n'a même pas récupéré les 870 électeurs de la liste communiste (il n'a eu que 851 voix supplémentaires), alors que la candidate LR a gagné 1 445 voix, soit plus que le total de la liste centriste du premier tour, 572 voix et la différence de voix de la liste de Philippe Gaudin entre les deux tours (perte de 53 voix). Le nombre de bulletins blancs et nuls a plus que doublé, passant de 88 à 184, laissant entendre qu'une partie des électeurs de gauche ne souhaitait pas élire Louis Boyard à la mairie de leur ville.

     

     
     


    Valérie Pécresse, la présidente LR du conseil régional d'Île-de-France, qui est venue deux fois faire campagne pour Kristell Niasme, s'est réjouie sur Twitter : « Les Villeneuvois ont envoyé un signal fort, ils ne veulent ni du chaos, ni de la faillite que représente LFI, mais une maire courageuse et compétente. ». Quant à Bruno Retailleau (LR), il s'est également félicité sur Twitter : « La défaite sévère qu’a subie Louis Boyard est une bonne nouvelle pour les habitants, mais aussi pour tous les Français attachés à la République et à une certaine idée de la politique. (…) Ce soir, la droite est vraiment de retour. ».

    En clair, dans ces élections partielles où la participation était faible, certes, mais un peu moins faible qu'en 2020, le candidat insoumis n'est pas parvenu à rassembler toutes les voix de gauche, mais en plus, il a pâti d'une surmobilisation pour faire barrage à son éventuelle élection, ce qui est très rassurant pour l'avenir. Ce qui est en revanche risible, c'est que Louis Boyard et Manuel Bompard ont accusé les communistes, les socialistes et les écologistes d'avoir fait le jeu de la candidate de droite. Les dirigeants insoumis sont de mauvais perdants, car au contraire, leurs partenaires de la nouvelle farce populaire (NFP) avaient appelé justement à faire barrage à la droite !


     

     
     


    C'est probablement Raquel Garrido, ancienne députée insoumise, interrogée par Laurent Telo pour "Le Monde" du 3 février 2025, qui a été la plus sévère dans l'analyse : « C’était une élection imperdable. Dans cette ville, Jean-Luc Mélenchon avait rassemblé 46% des voix lors de la présidentielle de 2022 et le NFP, lors des dernières législatives en juillet, avait réalisé 61% avec le même candidat qui était candidat unique… Au-delà de la déception de voir la droite gagner à cause d’une envie permanente de LFI d’en découdre avec le reste de la gauche, il y a un désamour des électeurs vis-à-vis de cette nouvelle France insoumise. (…) Jean-Luc Mélenchon pense qu’il y a une osmose entre les quartiers populaires et LFI. Ce narratif est relayé par l’extrême droite qui pense la même chose. En gros, que les habitants de banlieues votent en fonction d’un rapport affectif avec Jean-Luc Mélenchon. Il est inexact de dire qu’il existe un vote automatique pour LFI en banlieue ou dans les grandes villes. ».

    Villeneuve-Saint-Georges après la partielle de l'Isère, les insoumis subissent échecs sur échecs. À quelques jours d'une nouvelle motion de censure (examinée ce mercredi 5 février 2025), les résultats de ces élections partielles vont être étudiés très précisément : les grands maires socialistes, ceux des grandes villes, qui craignent que la concurrence avec une liste insoumise les fasse perdre en mars 2026, devraient comprendre qu'ils n'ont aucun intérêt à faire des listes communes avec les insoumis car une telle alliance aurait plus un effet répulsif que rassembleur.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'échec du mélenchonisme municipal.
    Louis Boyard.
    L'échec des insoumis à Grenoble.
    Lucie Castets.
    La stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Huguette Bello.
    Nouvelle farce populaire.
    Mathilde Panot.
    Sondage secret : le tour de chauffe de François Ruffin !
    Adrien Quatennens, le meilleur allié du Président Macron ?
    Et si le peuple révoquait Adrien Quatennens ?
    La justice harcèle-t-elle la classe politique ?
    Le député Adrien Quatennens doit-il démissionner de l'Assemblée Nationale ?
    Mais où est donc passé Adrien Quatennens ?
    Thomas Portes.
    Carlos Martens Bilongo.
    Clémentine Autain.
    Éric Coquerel.
    Jean-Luc Mélenchon, champion du monde de mauvaise foi.
    Danièle Obono.
    François Ruffin.
    Sandrine Rousseau.
    Pour ou contre M… ?
    Sous la NUPES de Mélenchon.
    La consécration du mélenchonisme électoral

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250202-villeneuve-saint-georges.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/villeneuve-st-georges-l-echec-du-259077

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/26/article-sr-20250202-villeneuve-saint-georges.html



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  • Louis Boyard rejeté par l'électorat de Villeneuve-St-Georges

    « Le glissement vers l’acceptation de la grande coalition reproduit la stratégie de front républicain contre l’extrême droite, en reportant la méthode du front républicain d’hier au service d’un front réactionnaire front républicain. Une seule consigne : tout sauf LFI. La déclinaison locale : "plutôt n’importe qui que Louis Boyard". La plus zélée dans cette posture est bien sûr la "goche" qui mendie sa respectabilité aux cercles dirigeants avec lesquels elle rêve d’une "grande coalition". » (Jean-Luc Mélenchon, le 2 février 2025 sur son blog).


     

     
     


    Sueurs froides au premier tour et soulagement au second tour. On peut comprendre "l'aigreur qui passe à l'esprit" de Jean-Luc Mélenchon qui a raté son pari de conquérir la mairie de Villeneuve-Saint-Georges. En effet, ces deux derniers dimanches, le 26 janvier 2025 et le 2 février 2025, ont eu lieu des élections municipales partielles à Villeneuve-Saint-Georges. L'enjeu était limité puisque le mandat de la nouvelle équipe ne durera qu'un an ; les élections municipales générales auront lieu en mars 2026. L'enjeu n'était donc pas local mais national sur la capacité des insoumis à gagner des mairies.

    Plus généralement, si les insoumis ont eu de forts scores aux dernières élections législatives et présidentielle depuis le printemps 2022, aucun d'entre eux n'a encore eu la possibilité électorale de devenir chef d'un exécutif local, ni président d'un conseil départemental ou régional ni maire d'une grande ville, tandis que le PS dirige actuellement un tiers des villes de plus de 10 000 habitants et la moitié des villes de plus de 30 000 habitants.


    Avec la candidature de l'insoumis Louis Boyard, tête de liste à Villeneuve-Saint-Georges, Jean-Luc Mélenchon voulait en faire l'amorce de grandes conquêtes pour les municipales de mars 2026. Selon Patrick Cohen dans sa chronique du 3 février 2025 sur France Inter : « Les insoumis nourrissent de grandes ambitions à Lille, Montpellier, Marseille, Toulouse, où Jean-Luc Mélenchon a tenu meeting ce week-end. ».

    ouis Boyard (24 ans) avait pourtant un boulevard devant lui. Élu député du Val-de-Marne en juin 2022 face à l'actuel ministre Laurent Saint-Martin dans l'ancienne circonscription du radical de gauche Roger-Gérard Schwartzenberg, et réélu en juillet 2024, il avait obtenu 61,2% au second tour (3 900 voix) dans la commune de Villeneuve-Saint-Georges. Compagnon d'une insoumise élue aussi députée en 2024, cet ancien militant lycéen a surtout brillé par ses déclarations d'une tonalité très intellectuelle (joke). Il faut dire que lui-même a confessé auprès de Cyril Hanouna le 1er septembre 2021 sur C8 qu'il avait revendu de la drogue : « J’vais pas t’mentir, j’ai dealé, j’vous jure. (…) Moi, un moment, j’étais en galère, on m’a proposé le bail, j’ai fait. », et qu'il était un élève assez nul : « Je suis nul, vraiment nul, tu ne peux pas me mettre dans une salle de classe. ».

    Benjamin Sire, dans "Franc Tireur" le 5 avril 2023, l'a appelé "Gilet jeune" : « De tous ceux qui humilient l’Assemblée en feignant, par leurs mauvaises manières, d’y faire entrer le "pays réel ", c’est lui qui remporte la palme. Militant insoumis devenu député par hasard, l’élu abîme la fonction qu’il croit réhabiliter. (…) Narcissique, irresponsable, fier d’une inculture qu’il arbore comme un diplôme. Influenceur 2.0, la politique est pour lui le moyen de convertir ses mots, ceux du chaos, en followers. Il eût été savoureux de le voir côtoyer Guy Debord. Peut-être le situationniste aurait-il décelé dans l’assurance de ce kamikaze de 22 ans, devenu député sur du vent, la marque définitive de sa prescience. ».


    Le terrain électoral était aussi très prometteur. Avec ses 36 000 habitants, Villeneuve-Saint-Georges, ancienne ville de cheminots, est connue comme la ville la plus pauvre du Val-de-Marne avec 34% de taux de pauvreté. Pour "Le Monde", cette ville « représentait un terreau fertile pour les ambitions municipales d’un mouvement qui concentre sa stratégie électorale sur la jeunesse et les quartiers populaires ». Pendant longtemps, la ville a été administrée par des communistes, en alternance parfois avec des centristes.

    En mars 2014, maire communiste sortante, Sylvie Altman, tête de liste de la gauche, a été réélue de justesse avec 30 voix d'avance (sur 13 198 inscrits avec 59,9% de participation) face à Philippe Gaudin, tête d'une liste UMP-UDI.

     
     


    En mars 2020, Philippe Gaudin, à la tête d'une liste divers droite, a conquis la mairie en battant la maire communiste sortante Sylvie Altman avec 61,7% des voix contre 27,6%, sans oublier 10,7% pour une liste centriste menée par Éric Colson.
     

     
     

    La nouvelle majorité municipale a été particulièrement divisée, quasiment incapable de voter un budget à temps pour l'année 2024 (cela ressemble à autre chose), et lors de la séance du conseil municipal du 20 avril 2024, Philippe Gaudin, par exaspération, a fait deux fois le salut nazi, qu'il a regretté plus tard. Une partie des conseillers de la majorité municipale a démissionné, entraînant des élections partielles. Profitant de l'occasion pour faire de cette ville un laboratoire des insoumis, Jean-Luc Mélenchon a mis la main à la pâte en faisant un grand meeting électoral le 23 janvier 2025 à Villeneuve-Saint-Georges.

     
     


    Au premier tour, à la surprise générale, la liste insoumise de Louis Boyard a atteint le premier rang (c'était bien la première fois pour ce cancre !) avec 24,9% des voix, dépassant les cinq autres listes concurrentes, en particulier celle de l'ancienne première adjointe sortante Kristell Niasme (LR) 22,7%, Daniel Henry (PCF soutenu par le reste de la gauche, PS-EELV-PRG et même Génération écologie) 20,7%, la liste du maire sortant Philippe Gaudin (divers droite) 15,5%, et la liste d'Éric Colson (UDI-Renaissance), déjà candidat en 2020, 13,6%. Entre les deux tours, la liste de Daniel Henry s'est retirée sans fusionner pour soutenir Louis Boyard. En raison des risques d'élection de ce dernier, la liste centriste s'est également retirée, laissant la liste FI et la liste LR s'affronter sous le regard d'un troisième protagoniste, la liste du maire sortant.

    Jean-Luc Mélenchon, Mathilde Panot et Clémence Guetté sont venus apporter leur aide à Louis Boyard pour faire campagne. Cela n'a pas suffi ! Si Laurent Wauquiez, qui faisait un meeting à Maisons-Alfort, n'a pas participé à la campagne de la candidate de LR, des ténors avaient fait savoir leur choix. Ainsi, dès les résultats du premier tour connus, le Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau a tweeté : « Aucune commune de France ne mérite d’avoir à sa tête un maire de la France insoumise ! ». Et Vincent Jeanbrun, ancien maire LR de L'Haÿ-les-Roses conquis sur le PS en mars 2014, et élu député LR en battant Rachel Keke (FI) en juillet 2024, n'a pas mâché ses mots : « Ce qui se joue à Villeneuve, ce n’est pas la droite contre la gauche, mais le camp républicain face à ceux qui incarnent le chaos chez les "insoumis", par leur volonté d’être en permanence dans la conflictualité. Et Louis Boyard en est l’exemple type. » ("Le Monde" du 2 février 2025).

    Finalement, au second tour, Louis Boyard a perdu très largement avec seulement 38,8% des voix contre 49,0% pour Kristell Niasme, élue, et 12,3% pour Philippe Gaudin. Avec pourtant une augmentation de 789 votants par rapport au premier tour (participation passant de 33,5% à 39,7%), Louis Boyard n'a même pas récupéré les 870 électeurs de la liste communiste (il n'a eu que 851 voix supplémentaires), alors que la candidate LR a gagné 1 445 voix, soit plus que le total de la liste centriste du premier tour, 572 voix et la différence de voix de la liste de Philippe Gaudin entre les deux tours (perte de 53 voix). Le nombre de bulletins blancs et nuls a plus que doublé, passant de 88 à 184, laissant entendre qu'une partie des électeurs de gauche ne souhaitait pas élire Louis Boyard à la mairie de leur ville.

     

     
     


    Valérie Pécresse, la présidente LR du conseil régional d'Île-de-France, qui est venue deux fois faire campagne pour Kristell Niasme, s'est réjouie sur Twitter : « Les Villeneuvois ont envoyé un signal fort, ils ne veulent ni du chaos, ni de la faillite que représente LFI, mais une maire courageuse et compétente. ». Quant à Bruno Retailleau (LR), il s'est également félicité sur Twitter : « La défaite sévère qu’a subie Louis Boyard est une bonne nouvelle pour les habitants, mais aussi pour tous les Français attachés à la République et à une certaine idée de la politique. (…) Ce soir, la droite est vraiment de retour. ».

    En clair, dans ces élections partielles où la participation était faible, certes, mais un peu moins faible qu'en 2020, le candidat insoumis n'est pas parvenu à rassembler toutes les voix de gauche, mais en plus, il a pâti d'une surmobilisation pour faire barrage à son éventuelle élection, ce qui est très rassurant pour l'avenir. Ce qui est en revanche risible, c'est que Louis Boyard et Manuel Bompard ont accusé les communistes, les socialistes et les écologistes d'avoir fait le jeu de la candidate de droite. Les dirigeants insoumis sont de mauvais perdants, car au contraire, leurs partenaires de la nouvelle farce populaire (NFP) avaient appelé justement à faire barrage à la droite !


     

     
     


    C'est probablement Raquel Garrido, ancienne députée insoumise, interrogée par Laurent Telo pour "Le Monde" du 3 février 2025, qui a été la plus sévère dans l'analyse : « C’était une élection imperdable. Dans cette ville, Jean-Luc Mélenchon avait rassemblé 46% des voix lors de la présidentielle de 2022 et le NFP, lors des dernières législatives en juillet, avait réalisé 61% avec le même candidat qui était candidat unique… Au-delà de la déception de voir la droite gagner à cause d’une envie permanente de LFI d’en découdre avec le reste de la gauche, il y a un désamour des électeurs vis-à-vis de cette nouvelle France insoumise. (…) Jean-Luc Mélenchon pense qu’il y a une osmose entre les quartiers populaires et LFI. Ce narratif est relayé par l’extrême droite qui pense la même chose. En gros, que les habitants de banlieues votent en fonction d’un rapport affectif avec Jean-Luc Mélenchon. Il est inexact de dire qu’il existe un vote automatique pour LFI en banlieue ou dans les grandes villes. ».

    Villeneuve-Saint-Georges après la partielle de l'Isère, les insoumis subissent échecs sur échecs. À quelques jours d'une nouvelle motion de censure (examinée ce mercredi 5 février 2025), les résultats de ces élections partielles vont être étudiés très précisément : les grands maires socialistes, ceux des grandes villes, qui craignent que la concurrence avec une liste insoumise les fasse perdre en mars 2026, devraient comprendre qu'ils n'ont aucun intérêt à faire des listes communes avec les insoumis car une telle alliance aurait plus un effet répulsif que rassembleur.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'échec du mélenchonisme municipal.
    Louis Boyard.
    L'échec des insoumis à Grenoble.
    Lucie Castets.
    La stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Huguette Bello.
    Nouvelle farce populaire.
    Mathilde Panot.
    Sondage secret : le tour de chauffe de François Ruffin !
    Adrien Quatennens, le meilleur allié du Président Macron ?
    Et si le peuple révoquait Adrien Quatennens ?
    La justice harcèle-t-elle la classe politique ?
    Le député Adrien Quatennens doit-il démissionner de l'Assemblée Nationale ?
    Mais où est donc passé Adrien Quatennens ?
    Thomas Portes.
    Carlos Martens Bilongo.
    Clémentine Autain.
    Éric Coquerel.
    Jean-Luc Mélenchon, champion du monde de mauvaise foi.
    Danièle Obono.
    François Ruffin.
    Sandrine Rousseau.
    Pour ou contre M… ?
    Sous la NUPES de Mélenchon.
    La consécration du mélenchonisme électoral

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250202-louis-boyard.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/02/article-sr-20250202-louis-boyard.html


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  • Lionel Jospin appelle le PS à ne pas censurer le gouvernement Bayrou

    « J'appelle, pour ce qui me concerne, les socialistes et même l'ensemble des forces de gauche, à ne pas voter la censure. » (Lionel Jospin, le 1er février 2025 sur France 5).




     

     
     


    La première semaine de février 2025 va être cruciale tant pour le gouvernement de François Bayrou que pour la France, sa crédibilité internationale, sa solidité économique. La commission mixte paritaire des 30 et 31 janvier 2025 a abouti à un projet de loi de finances pour 2025 enfin finalisé, et la question reste son adoption par l'Assemblée Nationale.

    Depuis que le RN a perdu son influence en ayant provoqué le renversement du gouvernement Barnier, tous les projecteurs sont braqués sur les députés socialistes et leur position revêt une importance stratégique, tant pour la France que pour eux-mêmes. À cela s'est agrégé un caillou dans les rouages puisque le PS s'est faussement indigné, à l'instar d'une vierge effarouchée, de l'utilisation du mot "submersion" par le François Bayrou.

    Pourtant, ce qu'a dit le Premier Ministre n'était pas qu'il croyait à une submersion, mais que certains Français, de plus en plus nombreux, avaient le "sentiment d'une submersion", ce qui est très différent, et ce constat est factuel.

     

     
     


    Même Patrick Cohen l'a remarqué dans sa chronique politique du 29 janvier 2025 sur France Inter : « Bayrou refuse la loi immigration que lui réclame son ministre Retailleau. Il ferme à la porte à un référendum sur le sujet. Dit non à la remise en cause du droit du sol, sauf à Mayotte. Défend l’immigration de travail. Ne veut pas tailler dans l’Aide médicale d'État… C’est le paradoxe de la séquence : sur le fond, François Bayrou ne cède rien. Mais sur la forme, pour un mot, il reçoit les bravos des députés RN. Mais alors, pourquoi avoir évoqué ce "sentiment" ? Parce que c’est celui de nombreux Français. Et que Bayrou voulait montrer, maladroitement, qu’il les comprend, qu’il n’est pas déconnecté. ».

    La réaction surjouée des socialistes sur le mot "submersion" ne plaide pas leur faveur, d'autant plus qu'ils ont quand même continué à négocier avec le gouvernement sur le budget. Il faudrait que parmi eux, un homme d'État se lève et leur fasse une petite leçon de responsabilité et d'intérêt général.


    C'était le cas justement du peut-être dernier homme d'État de gauche, à savoir Lionel Jospin, ancien Premier Ministre de 1997 à 2002. Ce dernier était l'invité de l'émission "C l'hebdo" ce samedi 1er février 2025 sur France 5. C'était lui-même qui a pris l'initiative d'intervenir alors qu'il intervient généralement très rarement dans le débat politique.

     

     
     


    À 87 ans et demi, l'ancien double candidat à l'élection présidentielle a plaidé pour laisser vivre le gouvernement Bayrou, et même plus, il a considéré que le vote de la censure serait la preuve d'une grande irresponsabilité car la France a besoin de gouvernement et la censure ne se comprend que dans le cas où un autre gouvernement est possible, ce qui n'est pas le cas actuel puisqu'il n'est pas question d'un gouvernement RN-NFP.

    L'ancien Premier Ministre n'a d'ailleurs pas manqué de cynisme en expliquant qu'il fallait laisser réparer ceux qui avaient laissé filer le déficit : « La position la plus sage, au fond, c'est de laisser ce gouvernement, qui dispose d'une majorité étroite, issue du macronisme et qu'ont rejoint de nouveaux alliés du macronisme, si vous voulez, pour gouverner, y compris (…) pour faire face à la situation qu'ils ont créée. (…) Et je ne vois pas pourquoi la gauche se précipiterait pour faire face à une situation aussi difficile. ».


    Et Lionel Jospin a blâmé Boris Vallaud et ses amis choqués par la "submersion" de ne pas être vraiment responsables : « Je vais vous dire une chose, au-delà de toutes les arrière-pensées. On ne censure pas un gouvernement (…) pour un mot. ».
     

     
     


    Il a même rappelé la position anti-RN de François Bayrou : « Je n'y vois pas une main tendue au Rassemblement national parce que ce serait contradictoire avec la façon dont il a lui-même engagé son gouvernement, si vous voulez, de façon différente de celle de monsieur Barnier, qui a été lui aussi censuré. Le terme de sentiment de submersion est une façon pour lui de ne pas totalement le prendre à son compte, de considérer que ce sentiment existe dans le pays. Et donc, je dis qu'en tout état de cause, censurer, ne plus avoir de gouvernement demain, après la chute du gouvernement Barnier, engager la chute du gouvernement Bayrou, c'est courir le risque du désordre en France. C'est impossible d'avoir une France, en Europe, aujourd'hui, face au défi de Donald Trump, si vous voulez, qui n'a pas un gouvernement. Nous serions déconsidérés. ».

    On peut d'ailleurs rappeler que Lionel Jospin avait probalement échoué à l'élection présidentielle de 2002 en ne parlant que du « sentiment d'insécurité » sans croire un instant que l'insécurité était un problème pour les Français. Parler du sentiment de submersion est donc au contraire une manière de laisser croire qu'il n'y a pas submersion. Tout le contraire de l'interprétation des députés socialistes faussement indignés !


     

     
     


    Afin d'être entendu par ses anciens amis socialistes, Lionel Jospin a concédé que sur le fond, il était bien d'accord avec eux, mais qu'il fallait aussi prendre le principe de réalité. S'indigner pour s'indigner n'a aucun sens : « Je comprends la colère, je comprends l'indignation, et je partage le jugement porté sur l'utilisation de ce mot. Je dis simplement qu'on ne va pas corriger ça en n'ayant aucun gouvernement en France, dans les mois, voire dans les deux années qui viennent. ».

    Bref, il a conclu ce que tous les socialistes, du moins leurs électeurs potentiels, devraient conclure. À savoir, il faut qu'ils arrêtent ces enfantillages et qu'ils bossent enfin : « Que la gauche et les écologistes préparent l'alternance, qu'ils travaillent sur le fond, et on verra ensuite si les Français leur font confiance. ».

    Dans un sondage récent, 30% des sondés voudraient la censure du gouvernement actuel... alors que 44% seraient contre cette même censure (les autres sans opinion). Ce qui veut dire que les Français sont inquiets qu'il n'y ait plus de gouvernement ou pas de budget pour leur pays. Il y a un retournement de tendance ; la colère laisse place à l'inquiétude. Au cours des nombreuses cérémonies des vœux, les députés de toutes obédiences ont été pressés par les Français de ne plus censurer le gouvernement. Lionel Jospin fait ainsi partie de ces Français-là. Et parallèlement, peut-être en raison de cette polémique sur la "submersion", le Premier Ministre François Bayrou voit sa cote de popularité commencer à monter. Le vent tourne...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (01er février 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Lionel Jospin appelle le PS à ne pas censurer le gouvernement Bayrou.
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    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250201-jospin.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/lionel-jospin-appelle-le-ps-a-ne-259054

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/02/01/article-sr-20250201-jospin.html





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