Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

femme - Page 2

  • 7 octobre 2023 : un an qu'Israël se bat pour sa survie

    « Le 7 octobre a été un point de bascule général. C'est non seulement le plus grand massacre de Juifs depuis la Shoah (…), il y a donc le massacre, il y a les otages, 250 otages, il en reste une centaine, on ne sait pas combien sont vivants, mais surtout, ce qu'il y a eu, et ce qui explique le traumatisme à la fois d'Israël et des Juifs du monde entier, c'est la conscience que l'anéantissement redevenait possible. » (Anne Sinclair, le 3 octobre 2024 sur BFMTV).



     

     
     


    Cela fait un an que les terroristes enragés du Hamas ont massacré plus d'un millier de citoyens israéliens et parfois étrangers venus faire la fête, le samedi 7 octobre 2023 en Israël. Comme l'expliquait bien la journaliste Anne Sinclair sur BFMTV le 3 octobre 2024, c'est un point de bascule. L'horreur à son plus haut niveau : « J'entendais l'autre jour une femme qui s'appelle Céline Bardet, qui est une enquêtrice internationale, qui dirige une ONG qui s'appelle Women are not weapons of war, les femmes ne sont pas des armes de guerre, et qui enquête sur les crimes sexuels, qui a été enquêté sur Boko Haram, qui enquête sur l'Ukraine, qui dit que la sauvagerie de ce qui s'est passé le 7 octobre, elle n'avait jamais vu ça, que, sur les corps suppliciés des femmes même tuées, on s'est acharné à les violer, à les démembrer. ».

    Le point de bascule, c'est l'obligation, pour le gouvernement israélien, soutenu par tout le peuple, d'en finir avec les roquettes régulières et fréquentes dans le ciel, qui viennent du Hamas depuis la bande de Gaza et du Hezbollah depuis au sud du Liban, voire avec la menace nucléaire de la république islamique de l'Iran.

    En un an, avec malheureusement beaucoup de trop de morts collatérales d'innocents, le gouvernement israélien a éliminé de nombreux terroristes du Hamas et de nombreux terroristes du Hezbollah, en intervenant sur le terrain à Gaza et au Liban. Le point le plus fort a été sans doute l'élimination le 27 septembre 2024 à Beyrouth de Hassan Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah depuis le 16 février 1992, responsable entre autres de
    l'assassinat des 58 soldats français le 23 octobre 1983, des prises d'otages français à Beyrouth, et des attentats terroristes en France dans les années 1980 et 1990. La perspective de nouveaux 7 octobre venant du sud du Liban a convaincu Benyamin Netanyahou d'intervenir au Liban à partir du 23 septembre 2024.

    Pour autant, les deux mouvements terroristes ne seront jamais complètement détruits et l'Iran a aussi attaqué Israël (180 missiles envoyés en Israël le 1er octobre 2024 après une première attaque le 14 avril 2024). À cause des bombardements du Hezbollah, 80 000 Israéliens ont dû être évacués du nord du pays, ce qui représente l'équivalent d'environ 500 000 Français déplacés en France si on prend en compte la différence de population.


    Revenons au massacre du 7 octobre 2023 qui a été le catalyseur de cet embrasement régional. Il y a eu près de 1 300 personnes massacrées, la plupart de jeunes Israéliens qui se sont rassemblés pour des festivals musicaux, à quelques kilomètres de la frontière avec Gaza (quatre kilomètres). Parmi les personnes rescapées, une jeune femme qui a eu du cran de venir témoigner à la télévision. Elle l'a fait sur BFMTV dans la matinée du vendredi 13 octobre 2023, interrogée par le journaliste Bruce Toussaint. Elle était encore sous le choc, moins d'une semaine après la tragédie.
     

     
     


    Elle s'appelle Laura Blajman-Kadar. Son témoignage était d'autant plus poignant, émouvant, qu'elle s'exprimait bien, très bien, avec une aisance naturelle à l'oral. Ce qui est extraordinaire, c'est qu'elle était à la fois très émue, effondrée, encore sous le choc après quelques jours (elle a perdu beaucoup d'amis sous ses yeux dans des conditions atroces), mais elle avait cependant le cran, le courage, de penser à l'avenir, à plus tard. Elle est Franco-israélienne, venue habiter en Israël à l'âge de 8 ans. Elle avait 35 ans et faisait partie des organisateurs du festival. Plus exactement, elle avait organisé l'Unity Festival la veille, le 6 octobre 2023, et elle est restée sur place le lendemain pour donner un coup de main (et participer) à un autre festival de musique électronique, Tribe of Nova.

    Ses premiers mots exprimaient son état d'esprit : « On ne peut pas se sentir très miraculés quand on est entre des enterrements. Là, dans quelques minutes, je dois partir parce qu'on enterre un de mes meilleurs amis. Hier, on a reçu cinq noms des amis qui ont été retrouvés morts. Je ne sais pas si vous savez, mais ils ont retrouvé des centaines de corps, mais ça prend du temps à identifier les corps car on ne peut seulement le faire qu'avec des tests ADN, parce que les corps sont dans des états terribles. En fait, on reçoit tous les jours des noms des gens qui ont été retrouvés morts. Et on a énormément d'amis absents, on attend d'entendre s'ils sont morts ou s'ils sont pris otages. Donc, ce sont des jours très très durs pour nous. ».


    Son histoire : elle et son mari ont entendu des roquettes, alors ils se sont couchés mais au début, ils n'étaient pas très inquiets car c'est habituel. Ils se sont mis dans la caravane et ils allaient ensuite partir : « On attend que les roquettes se terminent et on rentre à la maison. On a pris notre voiture et notre caravane, on allait partir et puis on a entendu les coups de feu et on a compris qu'ils tiraient sur tout le monde. Il n'y avait aucun endroit pour se cacher (…), pas d'abri. Il y avait des roquettes qui tombaient du ciel, il y avait des terroristes de partout, qui tiraient de partout, et on a couru se cacher dans la caravane. On était restés dans cette caravane sept personnes, pendant six heures, c'est une petite caravane de deux personnes, c'est pas plus que ça, c'était fermé à clef mais c'est une fermeture en plastique, et pendant six heures, on était couchés parterre dans la caravane. Il faisait une chaleur, c'était de 50°C, on était en train de transpirer. On était allongés sept personnes parterre dans le silence et on entend les terroristes dehors crier Allah akbar, et tuer tous nos amis, on les a entendus arriver débarquer, tuer des quantités... on a entendu des gens hurler dehors. ».
     

     
     


    L'hésitation du destin, ce fil si fin qui l'a reliée à la vie : « Et après l'endroit est devenu silencieux, ils sont revenus une deuxième fois, pour achever les gens, pour vérifier que... tirer une deuxième fois sur nos blessés pour être sûrs que tout le monde était mort. Ils ont essayé de nous ouvrir la porte de la caravane. Mon mari et moi, on était encore dans la caravane. C'est le moment qu'on s'est dit au revoir. Parce que, quand tu as un terroriste en train de taper à la porte, vous comprenez que votre dernier moment arrive. Alors, j'ai dit à mon mari que je l'aime. J'ai fermé les yeux. Et j'espérais mourir vite. C'était ça, ma seule prière, de mourir vite. De ne pas être kidnappée parce que... on a des dizaines de filles, de femmes qui sont maintenant kidnappées dans la bande de Gaza. Et je n'ose pas réfléchir, mais qu'est-ce qui est en train de se passer à mes copines qui sont là-bas ? On a des filles de 13 ans et de 15 ans qui sont maintenant, pendant que nous discutons, à Gaza. Donc, oui, moi, j'ai préféré sur le coup, j'espérais, j'ai prié de mourir vite et de ne pas être kidnappée. ».

    L'horreur à l'état pur : « Et donc, cela a pris six très très longues heures que Tsahal a réussi à arriver où on était et à se battre contre eux. Après six heures, quand on nous a dit qu'on pouvait sortir de la caravane, ce que mes yeux ont vu, je ne l'oublierai jamais. Parce que les centaines de cadavres de mes amis qu'ils ont trouvés, on les a vus. On est sortis de la caravane et c'était un massacre total. Il y avait des cadavres partout, des jeunes couples. Surtout, il faut dire, ce festival de musique, c'est des festivals de tous âges. Il y a des familles qui viennent avec leurs enfants, il y avait des poussettes là-bas, il y a des enfants de 20 ans, il y a des gens de mon âge de 35 ans. On a un ami, Ilan, qui est pris en otage, qui a 57 ans. Il y avait des gens de tous âges qui dansaient dans ces festivals, et des heures plus tard, il y avait cadavres de tous les âges, qui étaient là-bas parterre. ».
     

     
     


    Combattre le terrorisme jusqu'au bout : « Pour nous, ce n'est toujours pas terminé, parce que la guerre, que nous, on n'a pas demandée, vient seulement de commencer. Nous, on n'a demandé qu'aller danser quelques heures dans un champ, c'est ce qu'on voulait. On continue à recevoir les noms de nos morts tous les jours, on enterre nos amis tous les jours, et aujourd'hui, on comprend qu'il n'y a plus aucune différence entre le Hamas et Daech. Parce que les choses que j'ai entendues juste à côté de moi, ce n'est pas des hommes qui font ça, ce n'est pas des êtres humains. ».

    Poursuite du témoignage, pendant les combats : « On les a entendus se battre avec Tsahal. Après, les choses sont devenues silencieuses. Ils ont tiré sur la caravane. Mon mari a eu une balle qui est passée juste au-dessus de sa tête. Et la deuxième balle, elle est rentrée dans la clim. Et donc, on a entendu le gaz de la clim rentrer dans la caravane. On a commencé à se sentir mal. J'ai eu très très peur de perdre connaissance. Puis après une heure, c'est devenu silencieux. On a eu beaucoup de chance, on a réussi à discuter avec le producteur du Nova Festival, c'est un ami à nous (…). Il est resté sur le terrain, il a réussi à prendre une arme d'un des terroristes et se battre avec Tsahal. C'est un homme incroyable. Et on a réussi à l'avoir au téléphone, il a dit qu'il nous voyait de loin parce qu'il était aux urgences, il voyait ma caravane de loin, il m'a dit qu'on peut sortir, mais sortez les mains en haut, pour que personne ne se trompe et ne tire dessus. Il y avait encore des terroristes un peu partout. Il nous a dit qu'on peut sortir, on a cassé la porte et on a couru, c'était peut-être deux cents, trois cents mètres, mais... Dans les films, dans les films, on ne voit pas les choses comme ça ! ».
     

     
     


    Le deuil et la désolation : « J'ai couru au-dessus des cadavres des amis à moi. Comme je suis productrice de festival de musique, je connais ces gens, c'est mon monde. Tous les visages qui étaient parterre, c'est des gens que je connais, j'ai dansé avec, j'ai travaillé avec, c'est de copains, c'est des amis, c'est des camarades. On a perdu des centaines de personnes. Vous savez, l'été dernier, on était en festival au Portugal, en Suisse, c'est le même genre de festival. Mais qui peut imaginer une chose pareille ? Quand j'étais au Boum Festival il y a deux ans, j'étais étonnée de rencontrer tellement de Français qui aiment cette musique (…), qui connaissent tous les DJ israéliens, j'ai rencontré plein d'amis français qui ont dansé avec nous là-bas. Alors, vraiment, je demande à mes amis français, qui ont dansé avec nous, qui nous connaissent, des Français que j'ai grandi avec en France, comprenez ce qui nous passe. On a des hommes, des femmes, des enfants, des bébés, des bébés de quelques mois qui sont pris otages à Gaza. Alors, il faut comprendre ce qui nous passe. Il faut comprendre que c'est un massacre qui n'a jamais eu dans le passé pareil, en Israël pour le peuple juif. Pour nous, c'est la Shoah, la deuxième fois, ce qu'on nous a fait. Et il faut aussi comprendre qu'on a le droit maintenant de tout faire pour ramener nos amis à la maison. Parce que mes amis sont à Gaza. J'imagine que vous avez tous vu la vidéo de Noah qui était prise otage en auto. Hier, c'était son anniversaire, c'était son 26e anniversaire. Elle doit revenir à la maison. Ils sont obligés de revenir à la maison. Et c'est notre devoir, comme pays d'Israël, l'âme d'Israël, notre devoir de ramener nos gens à l'abri à la maison. ».
     

     
     


    Son témoignage très émouvant d'une dizaine de minutes s'est déroulé sans quasiment aucune interruption du journaliste, laissant ainsi s'installer des silences remplis de larmes. Et puis, cette dernière remarque, cette anticipation de la guerre difficile qu'allait mener Israël contre les organisations terroristes.

    Aucune haine, et le souci de l'avenir, en paix pour tous : « Je voudrais juste dire une seule chose, si vous permettez, une dernière chose. Il commence maintenant une guerre qu'on n'a pas voulue qui va être horrible. J'ai perdu énormément d'amis, mes deux petits frères là maintenant sont dans l'armée, et je sais que je perdrais encore des amis. Mais quand cette guerre se terminera, le Hamas ne peut plus exister, parce que le Hamas, c'est comme Daech, il ne peut plus exister. Et à la fin de cette guerre, il y aura deux gagnants, ce sera le pays d'Israël et le peuple palestinien. Parce que surtout, il ne faut jamais oublier que le peuple palestinien souffre du Hamas, comme nous. Et espérons que cette guerre se terminera le plus vite possible avec le moins de morts des deux côtés. Parce qu'on veut tous simplement vivre en paix et en silence. ».

    Laura Blajman-Kadar a eu besoin de raconter ce qu'elle a vécu, surtout en mémoire de ses amis tués ou enlevés. Elle a fini son livre en Inde. Il est sorti le 21 mars 2024 aux éditions Robert Laffont (avec la collaboration de Dominique Rouch) sous le titre "Croire en la vie". L'occasion pour elle de retourner devant les micros pour parler de cette horreur indicible (en fin d'article, cinq exemples en vidéos). Un besoin de parler, de ne pas se taire, de garder la mémoire, pour les générations futures, et aussi, cette interrogation qu'ont eu la plupart des rescapés des
    camps d'extermination : pourquoi moi ? pourquoi ai-je réchappé au massacre ? pourquoi suis-je encore vivant ? Et cette terrible évidence : le hasard.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (05 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    7 octobre 2023 : un an qu'Israël se bat pour sa survie.
    Laura Blajman-Kadar.
    7 octobre 2023 : l'hommage aux victimes françaises.
    Discours du Président Emmanuel Macron en hommage aux victimes du 7 octobre 2023 aux Invalides le 7 février 2024 (texte intégral et vidéo).
    L'avenir de la France se joue aussi à Gaza !
    La naissance de l’État d’Israël.
    David Ben Gourion.
    Eden Golan.
    Walid Daqqa.
    Gaza : quel est l'accord entre Israël et le Hamas ?
    Le rappel très ferme d'Emmanuel Macron contre l'antisémitisme.
    Conflit israélo-palestinien : la France est-elle concernée ?
    Dominique de Villepin toujours pro-palestinien ?
    Emmanuel Macron participera-t-il à la grande marche contre l'antisémitisme du 12 novembre 2023 ?
    Gaza, victime avant tout du Hamas ?
    Quel est le bilan de la visite d'Emmanuel Macron au Proche-Orient ?
    Proche-Orient : l'analyse crue de Jean-Louis Bourlanges.
    Pourquoi Emmanuel Macron se rend-il en Israël ce mardi 24 octobre 2023 ?
    Hôpital à Gaza : la vérité aveuglée par la colère ?
    Hamas : tirs groupés contre les insoumis.
    Horreur en Israël : les points sur les i de Gérard Larcher et Emmanuel Macron.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 12 octobre 2023 (vidéo et texte intégral).
    Allocution du Président du Sénat Gérard Larcher le 11 octobre 2023 (texte intégral).
    Horreur totale en Israël ; émotion et clarification politique en France.
    Israël en guerre contre son agresseur terroriste, le Hamas.
    Les Accords d'Oslo.


















    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241006-massacre-israel.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/7-octobre-2023-un-an-qu-israel-se-250951

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/05/article-sr-20241006-massacre-israel.html







     

  • Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?

    « Soyez donc les bienvenus vous tous, chrétiens ou non, habitués ou moins habitués des églises, qui venez entourer la famille de Philippine, manifester votre amitié et prier pour elle. Vous pressentez que c’est important d’être là, tels que vous êtes. Merci d’être venus, parfois de loin. » (Père Pierre-Hervé Grosjean, le 27 septembre 2024 à Versailles).



     

     
     


    À la découverte à la fois du corps inerte de Philippine Le Noir de Carlan et du profil de son meurtrier présumé deux jours plus tard, l'extrême droite a profité de l'occasion pour faire de la récupération politique. Oui, c'est sans doute vrai, mais l'émotion ne signifie pas toujours la récupération et c'était une grande émotion nationale qu'ont ressenti ce vendredi 27 septembre 2024 les près de 3 000 participants aux obsèques de Philippine à la cathédrale Saint-Louis de Versailles, dont 1 000 restés dehors, sur le parvis, faute de place, sous une pluie battante.

    Rappelons d'abord les faits : Philippine Le Noir de Carlan, jeune étudiante de l'Université Paris-Dauphine qui allait fêter son 20e anniversaire le 10 octobre prochain, a été déclarée disparue le vendredi 20 septembre 2024 dans la soirée. Sa dernière apparition remontait à 14 heures le même jour, à l'issue de son déjeuner. Elle devait retrouver ses parents dans les Yvelines pour le week-end. Hélas, très rapidement, on en est venu à chercher du côté du bois de Boulogne (proche de la Porte Dauphine), et le soir du samedi 21 septembre 2024, on a retrouvé son corps, enseveli sauf un bras. Une vague d'émotion a alors envahi le pays. Pourquoi ? Parce que, comme toujours avec ce genre de tragédie, on peut s'identifier à la victime. Une jeune étudiante, symbole de toutes les étudiantes, mais aussi les parents de jeunes filles peuvent s'identifier aussi (même la dernière fille du nouveau garde des sceaux a l'âge de Philippine).

    De nombreux étudiants, même ceux qui ne connaissaient pas Philippine, sont venus se recueillir le lundi 23 septembre 2024 dans le hall de l'Université Paris-Dauphine pour lui rendre hommage et honorer sa mémoire. Ce qui est arrivé à Philippine aurait pu arriver à n'importe quelle étudiante de cette université et sans doute n'a-t-elle a eu de chance d'avoir croisé son meurtrier.
     

     
     


    Beaucoup de détails peuvent contribuer à s'identifier à la victime. Ainsi, les lieux. Il y a une vingtaine d'années, je me rendais de temps en temps à cette université Paris-Dauphine parce que j'avais un groupe de travail avec des étudiants de cette université. Parfois, les réunions pouvaient finir tardivement dans la soirée ou en hiver, vers les 19-20 heures, il faisait nuit, et je me faisais la réflexion, lorsque je revenais seul reprendre mon véhicule stationné dans le bois de Boulogne, peu éclairé, que ce serait peut-être dangereux si j'avais été une jeune fille (j'avoue que je n'ai jamais eu peur personnellement d'être agressé, mais à tort, surtout par imprudence car nul n'est épargné ; la témérité était ma seule réponse à une impuissante fatalité). Je connais aussi bien Versailles, et Montigny-le-Bretonneux où Philippine vient d'être inhumée, ce qui renforce l'identification. J'imagine parfaitement son milieu.

    L'émotion suscitée par ce drame infini s'est renforcée par la colère. En effet, l'auteur présumé du meurtre a été arrêté à Genève le mardi 24 septembre 2024 (bravo la police !). Il s'agirait d'un Marocain de 22 ans venu illégalement en France en 2019, qui aurait commis un viol alors qu'il n'était pas encore majeur, aurait été condamné à sept ans de prison mais libéré au bout de cinq ans, en juin 2024. Il était condamné aussi à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) d'une durée de dix ans. Il a été placé dans un centre de rétention administrative pendant un peu plus deux mois mais relâché quinze jours avant la tragédie.

    On le comprend, le sujet est ultrasensible : meurtre d'une jeune fille, fille croyante et pratiquante, immigration illégale, OQTF non exécutée, récidive. Chaque terme susciterait en lui-même des montagnes de récupérations politiques de l'extrême droite. Insistons sur le fait que si le RN avait été au pouvoir (il n'en était pas très loin au début de l'été), le meurtre aurait hélas été sans doute aussi commis.

    Restons encore brièvement dans la récupération politique... mais de l'extrême gauche, pas plus décente à cet égard pour la mémoire de Philippine, et même, pire. Ainsi, on peut lire dans les réseaux sociaux des messages franchement dégueulasses de personnes qui refusent la compassion pour Philippine sous prétexte qu'elle serait catholique pratiquante et que l'extrême droite aurait récupéré son assassinat. Du reste, des militantes d'extrême gauche ont arraché à Science Po les affiches rendant hommage à Philippine. On ne sait plus très bien si les plus dégénérés sont les meurtriers du type de celui de Philippine ou tous ces tordus qui ne voient plus l'humain au travers de leur prisme idéologique et de leurs puanteurs militantes.
     

     
     


    Le grand nombre de participants à l'enterrement à Versailles montre qu'on n'était pas obligé de connaître Philippine pour être touché dans ses tripes par son meurtre. Des gens qui ne se connaissaient se sont d'ailleurs serrés dans les bras pour exprimer cette émotion et se consoler. Elle ne vient pas de nulle part, elle rassure même, car tout drame mérite respect, émotion et réflexion. Cela s'est passé aussi pour d'autres drames, précédemment, trop nombreux hélas pour les énumérer simplement ici.

    Pour autant, la réflexion doit s'amorcer avec cette idée : le meurtre de Philippine pouvait-il être évité ? Et aussi : comment l'éviter dans l'avenir ? Car la première réflexion, logique, c'est de se dire : jamais Philippine n'aurait dû croiser sur son chemin ce jeune criminel marocain qui aurait dû être expulsé depuis plusieurs semaines. Et vient donc la question en d'autres termes : y a-t-il eu des dysfonctionnements dans l'État, c'est-à-dire, des décisions humaines qui, mal inspirées, ont engendré un tel crime ?
     

     
     


    Pour ma part, sans ôter la moindre responsabilité au moindre responsable, l'entière responsabilité du meurtre provient du meurtrier et de lui seul. Personne ne l'a forcé à tuer Philippine. Il est 100% responsable de son acte odieux.

    Il y a d'abord des amalgames à éviter, et à éviter des deux extrêmes. Extrême droite : les immigrés clandestins ne sont pas tous des tueurs. Heureusement. Réduire le meurtre de Philippine à des OQTF mal exécutées est, à mon sens, une erreur de raisonnement. Extrême gauche (chez certains écologistes) : on réfute l'idée que le tueur soit immigré pour qu'il tue, en disant qu'il a tué parce qu'il était un homme ! Là aussi, c'est tout aussi stupide intellectuellement. Dieu merci, les hommes ne sont pas tous des tueurs de jeunes filles (sinon, j'en viendrais à être honteux d'être ce que je suis, un homme).

    Premiers éléments de réflexion pour répondre à la question principale (le meurtre aurait-il pu être évité ?). D'après les informations dont je dispose, et donc, sous réserve qu'elles soient exactes et confirmées, j'ai compris que la remise de peine de deux ans est plutôt sévère pour une peine de sept ans. Rappelons aussi que le juge évite le plus possible la prison en temps long en raison des places qui manquent. Donc, le jeune Marocain est relâché et immédiatement placé en centre de rétention administrative pour rendre exécutable son OQTF.

    Qu'est-ce qu'on attendait ? Comme le futur expulsé n'a pas de passeport, il lui faut un sauf-conduit (je n'ai pas le terme exact) consulaire délivré par le pays qui l'accueille, à savoir ici le Maroc. Le problème, c'est que les pays de retour sont peu enthousiastes pour délivrer ce genre de papiers officiels. Il y aura bien un rapport de force diplomatique à mener entre les deux pays, mais c'est du long terme et très aléatoire, car concrètement, si le pays de retour ne fait rien, la France est bien ennuyée. Le pire, c'était que des candidats à l'expulsion pouvaient rester des mois voire des années dans des centres de rétention, qui n'est pas autre chose qu'une prison alors qu'on n'est pas condamné (je rappelle : les expulsés n'ont commis que la faute d'être entrés en France illégalement, mais n'ont pas forcément commis des crimes ou autres délits). Une loi a donc établi une durée maximale durant laquelle on pouvait être retenu dans un centre de rétention : 90 jours. Avec une décision de maintien du juge tous les quinze jours. Sur quoi se base le juge ? Sur la probabilité que le pays de retour délivre les documents consulaires avant les 90 jours de durée maximale.

    Pour le cas du meurtrier présumé de Philippine, la justice française avait abandonné tout espoir raisonnable que le Maroc fournisse ce document dans les temps, si bien qu'elle a considéré que le retenir plus longtemps n'avait aucune sorte d'utilité (au bout de 90 jours, il serait de toute façon relâché). Donc, à mon sens, blâmer le juge qui a signé sa sortie du centre de rétention est stupide car il n'a fait que son travail selon les critères que la loi lui a imposés. En revanche, l'auteur présumé aurait dû signaler régulièrement sa présence, ce qu'il n'a pas fait. Pourquoi n'a-t-on pas réagi ? (Là encore, regardons l'unité de temps : quinze jours, semble-t-il, entre sa sortie du centre de rétention et le meurtre ; la police n'allait pas réagir plus vite de toute façon).
     

     
     


    Pour autant, peut-on considérer que c'est satisfaisant ? Certainement pas. Absolument pas. Des vies humaines ont été perdues à cause d'un manque de réflexion. Il ne faut pas idéologiser l'immigration, mais réfléchir de manière pragmatique sur les raisons de non exécution des OQTF. La principale, c'est la mauvaise volonté des pays du retour. Quand la justice française connaît le pays du retour, car ce n'est pas toujours le cas.

    Je n'ai pas "la" solution, sinon, elle aurait déjà été trouvée et appliquée depuis longtemps, mais des pistes sur ce cas précis. Deux modestes pistes.

    La première est que la condamnation du jeune violeur était de la détention assortie d'une OQTF. On aurait donc pu rechercher les documents consulaires avant sa libération de prison, en vue de son expulsion immédiate dès sa sortie de prison. Après tout, condamné à sept ans de prison, cela laissait deux ans à l'administration française pour obtenir le papier consulaire auprès des autorités marocaines. Mieux que 90 jours. L'obtention de ce papier consulaire devrait même être une condition nécessaire à toute libération anticipée d'un condamné faisant l'objet d'une procédure d'expulsion.

    La seconde piste, c'est de différencier les candidats à l'expulsion, car il y en a de deux sortes : il y a la grande majorité d'étrangers clandestins qui doivent retourner chez eux et qui n'ont rien fait d'illégal autre que cette entrée du territoire français ; et puis il y a des gens comme ce violeur condamné qui est un criminel (rappelons que le viol est un crime) et on doit focaliser la surveillance des autorités françaises sur ces personnes sous OQTF tant qu'elles ne sont pas effectivement expulsées car elles sont susceptibles d'être (encore) des dangers pour la société (même si on ne peut pas préjugé d'un crime ou délit futur, "Minority report" n'est qu'une fiction, heureusement). Ou même permettre exceptionnellement le placement en centre de rétention le temps de pouvoir les expulser selon les règles.

    Invité de la matinale de France Inter ce vendredi 27 novembre 2024, le nouveau Ministre de la Justice Didier Migaud a manqué manifestement de dose de persuasion pour exprimer pourtant une évidence : « des situations tout à fait objectives, comme sur l'exécution des peines, qui a beaucoup progressé, comme le nombre de personnes qui aujourd'hui sont détenues en prison. Mais je sais que c'est inentendable pour le citoyen ! (…) Je souhaite convaincre les citoyens qu'il faut faire confiance à la justice. Et comme garde des sceaux, ce sera à moi de veiller à ce que la justice puisse avoir les moyens de fonctionner. Je serai toujours le défenseur de l'État de droit, toujours le défenseur de la justice, toujours le défenseur des magistrats, sans être complaisant vis-à-vis de manquements qui peuvent effectivement intervenir. ».
     

     
     


    Et de répondre aux critiques parce qu'il n'avait pas réagi au meurtre de Philippine : « Vous savez que le garde des sceaux ne peut pas intervenir dans le cadre d'une procédure individuelle. Ça ne m'empêche pas de ressentir aussi fortement que les citoyens l'émotion devant une telle situation. C'est une tragédie. Ma dernière fille, elle a l'âge de la victime ! Donc vous vous rendez compte que je peux imaginer le drame que ça peut représenter pour la famille, et je lui exprime bien évidemment toute ma sympathie. ». Sa mission : « Essayer de travailler pour voir si la réglementation, si la législation est adaptée en toutes circonstances, pour faire en sorte d'éviter ce type de situation et ce type de drame. Et là, je dois travailler avec le Ministre de l'Intérieur : c'est ce que nous efforçons de faire, d'ailleurs, depuis quelques jours pour faire face à cette situation. Mais je comprends que l'émotion est telle qu'elle submerge tous les discours objectifs. ».

    La cérémonie religieuse a eu lieu à la cathédrale Saint-Louis de Versailles (où Philippine a fait sa confirmation) parce que l'église de sa paroisse, à Montigny, n'aurait pas été assez grande pour accueillir ces milliers de personnes venues communier à la mémoire de Philippine. La présidente du conseil régional d'Île-de-France Valérie Pécresse était présente, le président de l'Université Paris-Dauphine également. Beaucoup d'élus étaient présents. Une cagnotte mise en ligne pour soutenir financièrement la famille a déjà recueilli les dons de 3 500 généreuses personnes.

    Dans son homélie, le curé de la paroisse de Montigny-Voisins-le-Bretonneux, le Père Pierre-Hervé Grosjean, a évoqué trois temps : celui de la tristesse, celui de l'espérance, et celui de l'action.

    L'émotion : « Devant le mystère du mal, devant l’injustice insupportable et la violence qui s’est déchaînée, nous sommes sidérés, comme écrasés. Bien sûr, la justice des hommes sera nécessaire. Son temps viendra. Mais aujourd’hui, nous avons besoin de pleurer, de partager et de déposer ensemble notre douleur, notre colère, notre incompréhension. ».
     

     
     


    L'espérance : « Nous voulons nous accrocher à cette espérance que nous donne Jésus, comme on s’accroche à une ancre pour ne pas couler ou dériver. Oui, en priant pour toi, en te portant devant Dieu, Philippine, nous espérons et nous croyons que le Seigneur t’accueille dans sa paix, dans la joie du Ciel, qu’auprès de Lui tu ne souffres plus, et que tu connais ce bonheur parfait pour lequel nous avons été créés, ce bonheur qu’aucun mal ne pourra plus désormais atteindre ou abîmer, cette joie éternelle dont nous avons tous soif, dont tu avais soif et que les joies de ta vie annonçaient. Nous sommes là, nous accrochant à cette espérance qui nous promet aussi qu’il y aura un jour des retrouvailles. Nous te reverrons Philippine. Cette espérance n’empêche pas nos larmes, mais elle les éclaire. ».

    L'action : « Nous avons nous aussi en effet chacun une mission. Nous ne voulons pas que le mal ait le dernier mot. Nous voulons croire que Jésus a vaincu la mort, pour que ceux qui accueillent cet Amour victorieux puissent recevoir la vie éternelle. Mais dès maintenant, nous pouvons répondre à ce mal en le retournant contre lui-même. Comment ? En faisant de ce drame, de cette épreuve terrible, l’occasion d’un sursaut, l’occasion de grandir résolument, généreusement et courageusement dans notre vie, dans la façon de la vivre pleinement, de la donner, dans notre désir de servir et d’aimer. Nous voulons opposer au Mal, à sa violence et à sa laideur, la force de notre amour, de notre espérance, de notre foi, et la beauté de notre unité. Nous voulons répondre à l’horreur du mal par la force plus grande encore du bien, le bien que nous pouvons faire en nous engageant, chacun à notre façon, chacun selon notre vocation, pour servir. ».

    Et il a terminé en s'adressant directement à Philippine à propos de sa famille et de ses amis : « Tu es désormais leur grande sœur du Ciel. Encourage-les dans leurs joies, leurs peines et leurs combats. Donne à chacun de pouvoir servir, croire et aimer à son tour avec toute la générosité dont il ou elle est capable. Aide tous ces jeunes à découvrir combien ils sont aimés de Dieu, de façon inconditionnelle, quelle que soit leur histoire ou leurs fragilités. Parce que c’est quand on se sait aimé qu’on devient capable du meilleur ! ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240927-philippine.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/philippine-emotion-nationale-256968

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/27/article-sr-20240927-philippine.html



     

  • Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...

    « Depuis que je suis arrivée dans cette salle d'audience, je me sens humiliée. On me traite d'alcoolique. Je serais la complice de M. Pélicot. Il faut avoir un degré de patience pour supporter ce que j'ai pu entendre ! » (Gisèle Pélicot, le 17 septembre 2024 à Avignon).



     

     
     


    Ce qu'on appelle parfois l'affaire Pélicot mais que je préfère appeler l'affaire des viols de Mazan (car Pélicot est soit une victime soit un criminel, selon le prénom utilisé), est passée au-delà du simple fait-divers, c'est désormais un fait de société, tellement il peut donner un exemple éloquent et glauque de l'existence sociale et de l'organisation systémique de la violence conjugale. Depuis le 2 septembre 2024 devant la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon, se déroute un long procès qui devrait s'achever le 20 décembre 2024.

    Je rappelle rapidement l'objet du procès : Dominique Pélicot, un homme de 71 ans, a non seulement violé sa femme Gisèle mais l'a fait violer par des dizaines voire des centaines d'hommes. 92 faits de viol ont été répertoriés par la justice, qui ont été commis entre le 23 juillet 2011 et le 23 octobre 2020, principalement à Mazan, dans le Vaucluse, au domicile du couple, dans la chambre conjugale. 83 violeurs potentiels ont été comptés, dont seulement 54 hommes identifiés, 51 (dont le mari) sont jugés au cours de ce procès, un est décédé et deux autres ont été relaxés faute de preuve.

    Jusqu'à cette affaire judiciaire, Gisèle trouvait son mari formidable, « bienveillant et attentionné », « un super mec ». Elle a dit à l'audience : « J'aurais mis mes deux mains à couper que je vivais avec un homme extraordinaire. La première trompée dans ce dossier, c'est moi et mes enfants. ».

    Le procédé était particulièrement odieux : le mari recrutait les violeurs sur un site Internet de rencontres à l'occasion d'échanges dans un forum privé (le forum s'intitulait "À son insu" laissant peu de doute sur la réalité des viols) avec un protocole bien précis et rigoureux (éviter d'être parfumé, rester silencieux, etc. pour ne pas réveiller l'épouse ni éveiller ses soupçons) car les viols étaient commis sans le consentement mais aussi sans la conscience de la victime qui était droguée préalablement au Temesta (un anxiolytique). Pendant tous ces viols, Gisèle Pélicot ne savait pas qu'elle était violée, mais elle souffrait de douleurs génitales, de pertes de mémoire pendant la journée, de grosse fatigue, etc. dont elle ne connaissait pas la cause (et elle a même chopé le papillomavirus ; heureusement, pas le sida alors qu'un des violeurs récidiviste était séropositif).

    Tout dans cette affaire est instructif, autant instructif que glauque, mais aussi tout ce qu'il y a autour. Avant tout, je souhaite saluer le courage, car c'est bien du courage, de la victime Gisèle Pélicot. Courage pour avoir enduré ce qu'elle a subi, mais aussi courage pour l'extérioriser, courage de s'afficher publiquement, sans anonymat, pour faire éclater la vérité (avec l'accord de sa fille Caroline) et aussi pour faire en sorte que cela ne puisse plus se reproduire. Créer un choc social, un avant et un après ce procès. Chaque fois qu'elle rentre au palais de justice, Gisèle est entourée d'une haie d'honneur qui l'encourage. Des manifestations ont eu lieu pour la soutenir, notamment le samedi 14 novembre 2024, pour soutenir aussi toutes les victimes de viol. Aux milliers de manifestants, Gisèle Pélicot a affirmé : « Grâce à vous, j'ai la force de poursuivre le combat jusqu’au bout. ». Le mérite de la victime, ce n'est pas d'avoir été une victime, d'avoir subi, mais d'avoir voulu médiatiser tout le système dont elle était la victime ignorante pour un combat plus général contre le viol et contre les violeurs.


    L'avocat général avait proposé un procès à huis-clos mais la victime a refusé et voulu faire de la publicité à cette affaire judiciaire : « Je n'ai pas à avoir honte ! ». La diffusion d'images pornographiques (scènes de viol, etc.) a cependant été faite dans le cadre d'un huis-clos partiel, le président de la cour ayant faire évacuer la salle de son public (y compris la presse). En raison de la publicité sur les coaccusés, certaines de leurs familles ont été menacées et ont déposé elles-mêmes plainte pour menaces.
     

     
     


    Il est difficile de savoir exactement quel est le sujet, si c'est le viol collectif, le viol sous soumission chimique, le viol conjugal (le mari peut être considéré comme avoir violé sa femme si les rapports ont lieu sans consentement), le recrutement des violeurs sur Internet, le principe même du procès, son déroulement qui peut aussi provoquer la douleur, la réalité des prédateurs sexuels qui sont souvent très subtils et manipulateurs (loin des dragueurs lourdingues qu'on voit venir à des kilomètres à la ronde), capables de se faire passer pour victimes au lieu de bourreaux, etc. Sans doute tous ces sujets à la fois.

    L'origine de l'affaire est aussi assez troublante car c'est par hasard qu'on a découvert ce système dégueulasse. Le mari a été pris le 12 septembre 2020 par un agent de sécurité d'un supermarché de Carpetras en train de filmer sous la jupe de plusieurs clientes du magasin. L'analyse de son ordinateur a montré des dizaines de vidéos et photos de viols de sa femme, ce qui a permis de remonter les dates et les violeurs. Du reste, Dominique Pélicot a avoué le 2 novembre 2020, laissant croire qu'il regrettait les faits. Son épouse a appris l'existence de ces viols le même jour, ce qui a dû provoquer en elle un choc psychologique monstrueux (comment n'ai-je pas pu ressentir de telles atteintes à mon corps pendant si longtemps ?). Elle a immédiatement demandé le divorce et l'a obtenu heureusement avant le début du procès, le 22 août 2024. Les 51 prévenus sont donc jugés pour viols avec circonstances aggravantes.

    La lecture des profils de ces 50 coaccusés auteurs de viols avec la complicité du mari semble montrer qu'ils seraient des hommes ordinaires de 26 à 73 ans, de grande diversité de profession, âge, etc. Mais étaient-ce des messieurs toutlemonde ? Pas forcément car certains avaient été déjà condamnés pour viols ou violence conjugale. Les féministes qui voudraient faire l'amalgame entre ces coaccusés et les hommes en général ne vont certainement pas faire avancer efficacement la cause de femmes : non ! tous les hommes ne sont pas comme ça, tous ne sont pas forcément des prédateurs sexuels, tous n'ont pas besoin de contraindre pour aimer, et même, ce qu'il y a de plus beau dans l'amour, c'est justement le consentement libre et réciproque, le sentiment d'être sur la même longueur d'onde.

    Après des reports d'audience en raison de l'état de santé du principal prévenu, Dominique Pélicot, hospitalisé pour une infection rénale, ce dernier a pris la parole au procès pour la première fois le 17 septembre 2024 pour reconnaître les faits mais aussi accuser ses complices : « Aujourd'hui, je maintiens : je suis un violeur comme tous ceux qui sont concernés dans cette salle. Ils savaient tous, ils ne peuvent pas dire le contraire. Elle ne méritait pas ça, je le reconnais. (…) Je regrette ce que j'ai fait, je demande pardon même si ce n'est pas pardonnable. ».

    Lui-même aurait été une victime de viols pendant son enfance, mais les analyses ADN ont révélé qu'il pourrait être coupable du meurtre ou du viol de Sophie Narme, une jeune fille de 23 ans en stage dans une agence immobilière, tuée en décembre 1991 à Paris. Il a été mis en examen le 14 octobre 2022 pour cette affaire parce que le schéma d'agression serait le même qu'une autre agression sexuelle sur une jeune agente immobilière de 19 ans le 11 mai 1999 à Villeparisis pour laquelle il a avoué après avoir nié (en raison de l'ADN retrouvée).

    Dominique Pélicot a été confronté le 18 septembre 2024 à des images de sa fille nue endormie, mais il a nié avoir violé sa fille et même avoir pris ces clichés. Certains des coaccusés ont rejeté la réalité du viol dont ils sont accusés, si bien que le tribunal a fait diffuser dans une salle sans public et avec l'accord de la victime, la vidéo qui les incriminent le cas échéant dans toute leur crudité. Pour sa part, Gisèle Pélicot est pour l'étalement médiatique le plus large, selon son avocat : « Il faut qu’on ait le courage de se confronter à ce qu’est véritablement le viol, dans un dossier, justement, où il est exceptionnel d’avoir la représentation précise et réelle de ce qu’est un viol, et pas simplement une description sur un procès-verbal. ».

    On voit bien que cette affaire est très compliquée car il faut pouvoir décortiquer la responsabilité des uns et des autres et tous n'ont pas le même intérêt. Ainsi, en faisant embarquer tous les coaccusés dans une responsabilité collective, Dominique Pélicot est autant un accusé qu'un accusateur.

    Mais la stratégie de défense de certains des coaccusés est plutôt révoltante. Ainsi, ont été diffusées des images de Gisèle Pélicot dénudée avant ces viols (et même d'autres personnes qui n'ont rien à voir) en renversant le procès comme si c'était le procès de la victime ! Comme si le fait de faire du naturisme ou d'être plus ou moins audacieuse sur le plan moral justifierait le fait d'être violée ! Ce type de dénigrement de la victime est absolument abject et dans tous les cas, un viol reste un viol, quelle que soit la victime, quels que fussent ses faits et gestes avant, pendant, après le viol.

    De quoi mettre en colère la victime qui a protesté : « Les 50 [accusés] derrière ne se sont pas posés la question [du consentement]. C'est quoi, ces hommes, c'est des dégénérés ou quoi ? Pas à un moment ils se sont posé la question ! ». Le pire, c'est que la version de certains coaccusés ne serait peut-être pas incompatible avec la vérité, ce sera aux jurés d'en déterminer les exactes limites. En effet, certains coaccusés ont prétendu ne pas savoir qu'il n'y avait pas consentement de la part de Gisèle. Le mari leur aurait fourni le scénario précis de ces "jeux sexuels" et ils devaient trouver Gisèle endormie, comme si elle simulait un endormissement. Toutefois, comme ils ne se connaissaient pas, c'est difficile d'admettre que ces "libertins" n'ont pas cherché à savoir si madame Pélicot était réellement consentante, quels que soient les manipulations ou mensonges de son mari.

    Cette réécriture de l'histoire, ce relativisme d'oser dire qu'il y avait « viol et viol », sous prétexte que le violeur n'aurait pas eu conscience de violer, a profondément heurté Gisèle Pélicot : « Quand on voit une femme endormie sur leur lit, il n'y a pas un moment où on s'interroge ? Il n'y a pas quelque chose qui cloche ? (…) Un viol est un viol. Que ça soit trois minutes ou une heure. C'est absolument abject ! ».

    Un des coaccusés n'aurait pas violé Gisèle mais aurait obtenu de son mari le médicament incriminé pour endormir sa propre femme et la violer plusieurs fois. Son avocat a déclaré : « Mon client est le produit de la perversion de Pélicot. Je suis intimement persuadé que si X ne rencontre pas Pélicot, il ne se passe rien. ». On voit le niveau de glauque et de dégueulasserie qui va faire surface, avec plusieurs victimes qui ne se savaient pas victimes.

    Jouer au faux candide d'un côté, attaquer la victime de l'autre. Ce genre de défense risque fortement d'agacer les jurés qui devront pourtant tenter la neutralité, évacuer toute pression médiatique ou populaire, pour juger en leur âme et conscience sur les faits établis, les seuls faits établis. Mais sans préjuger du niveau de culpabilité, du niveau d'ignorance ou de connaissance, de complicité avec le mari, on peut quand même dire que tous ces coaccusés étaient avant tout de gros dégueulasses. Cela n'en fait pas une raison seule de les condamner, mais le contexte donne une tournure particulièrement grave de leurs dégueulasseries.

    Ce procès ne doit donc pas éveiller le combat des féministes contre les méchants hommes. Il est avant tout le combat de toute l'humanité contre les violences faites aux femmes, parmi lesquelles la manipulation et le mensonge sont des moteurs particulièrement efficaces.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240921-pelicot.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/viols-de-mazan-quelques-reflexions-256863

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/22/article-sr-20240921-pelicot.html




     

  • Lauren Bacall, la femme fatale

    ​x« Pour moi, une légende c'est quelque chose qui n'est pas sur cette Terre, qui est mort. »


     

     
     


    Une légende, donc. Et aussi un sacré regard, Le Regard ("The Look"), celui du visage baissé d'une timide qui vous regarde vers le haut, et puis une voix reconnaissable... et toujours une légende. Mais elle rejetait le terme : « S'il y a une chose que je n'ai jamais été, c'est mystérieuse, et s'il y a une chose que je n'ai jamais faite, c'est me taire ! ». L'actrice américaine Lauren Bacall est née il y a 100 ans, le 16 septembre 1924, à New York (dans le Bronx). Elle est morte peu avant ses 90 ans, il y a un peu plus de dix ans, le 12 août 2014, toujours à New York (à Manhattan, près de Central Park), des suites d'un AVC. Pour l'ensemble de sa carrière, Lauren Bacall a reçu un César d'honneur en 1996 et un Oscar d'honneur en 2009 (les Français auraient-ils été plus vite reconnaissants que les Américains ?).

    La "petite fille du Bronx" s'appelait en fait Betty Joan Perske, fille d'origine roumaine par sa mère (dont le nom de jeune fille était Weinstein-Bacal) et d'origine polonaise par son père, cousine de l'ancien Président de l'État d'Israël (et Prix Nobel de la Paix) Shimon Peres (Szymon Perski), qu'elle n'a rencontré pour la première fois que dans les années 1950. C'est Howard Hawks qui lui a fait changer de nom mais elle n'aimait pas Lauren et ses amies l'ont toujours appelée Betty.

    Ancienne mannequin, remarquée à l'âge de 19 ans à la une d'un magazine par Nancy Hawks, la femme du réalisateur, elle a crevé le grand écran et fait partie des stars de l'âge d'or de Hollywood. Ses partenaires au cinéma étaient autant des légendes qu'elle : Humphrey Bogart (qui fut son premier mari, ou elle sa dernière épouse, tremblante à son seul regard ; couple modèle à Hollywood avec deux enfants), Gary Cooper, Gregory Peck, Kirk Douglas, Henry Fonda, Paul Newman, John Wayne, Jack Nicholson, etc.

     

     
     


    Dès l'âge de 17 ans, elle a aussi joué dans des pièces de théâtre et des comédies musicales à Broadway. Elle a quitté la Californie pour New York après la mort de son mari Humphrey Bogart et de sa courte idylle avec Frank Sinatra (elle allait devenir la reine de Broadway pour sa seconde carrière). Elle a effectivement failli se marier avec Frank Sinatra qui l'a abandonnée après lui avoir proposé le mariage (la rupture s'est faite au téléphone !). À New York, elle s'est remariée avec un autre acteur qu'elle a quitté ensuite après quelques années à cause de son alcoolisme. Elle est l'auteure de deux autobiographies qui ont marqué, publiées en 1979 puis 1994. Elle y a raconté notamment : « À 32 ans [à la mort de Bogart], j'ai eu le sentiment affreux que ma vie était terminée. Jusqu'alors, j'avais toujours pu compter sur la présence de ma mère ou de Bogie. À présent, j'étais seule. ».

    Une carrière passant de Broadway à Hollywood et réciproquement. Les réalisateurs qui ont eu la chance de pouvoir bénéficier de son talent d'actrice étaient également de "grands" réalisateurs, à commencer par Howard Hawks, mais aussi John Huston, Michael Curtiz, Vincente Minnelli, Douglas Sirk, Lars Von Trier, etc.


    Ce qui était fascinant, c'est que même très âgée, Lauren Bacall avait encore cette grâce et ce charme, cette beauté, que les rides peut-être même accentuaient : « Je pense que l'ensemble de votre vie se voit sur votre visage et vous devriez en être fier. ». D'ailleurs, si elle a tourné une cinquantaine de films, la moitié l'a été après ses 60 ans, montrant qu'elle n'était pas simplement une jeune et belle femme, mais aussi une femme plus mûre, plus mature, et toujours aussi souriante. Elle a tourné jusqu'en 2011, elle avait 86 ans !
     

     
     


    Son style était, selon l'expression de Norbert Creutz dans "Le Temps", « celui de la blonde intelligente à qui on ne la fait pas », ajoutant qu'elle « impose une assurance amusée de vamp (on se souvient de son fameux "Si vous avez besoin de moi, vous n'avez qu'à siffler") ». Ce même journaliste osa écrire : « Même une fois sa beauté envolée, elle garda une classe extraordinaire. ».

    En 1996-1997, Lauren Bacall (mais qu'allait-elle faire dans cette galère ?) a joué dans le très mauvais et très prétentieux film de Bernard-Henri Lévy aux côtés d'Alain Delon et Arielle Dombasle ("Le Jour et la Nuit", sorti le 12 février 1997). Alain Delon avait été très ému de côtoyer Lauren Becall, tant elle lui inspirait du respect. Les deux acteurs se sont tout de suite apprivoisés, selon les termes du supposé réalisateur et supposé philosophe.

    Heureusement, ce n'était pas sur ce super-navet que Lauren Bacall a bâti sa notoriété. Celle-ci, elle le craignait, a commencé parce qu'elle était l'épouse de son mari, Humphrey Bogart, et elle craignait de n'être que "la femme de". La mort brutale et rapide de Bogart a changé la tournure de sa carrière, préférant Broadway à Hollywood. Femme libre et indépendante, et néanmoins sensuelle et presque cliché.


    Ses grands films n'ont finalement pas été si nombreux que cela. Je n'oserai pas chercher l'exhaustivité, mais on peut citer : "Le Port de l'Angoisse" de Howard Hawks (sorti le 20 janvier 1945), avec des relations tellement fluides entre elle et Bogart, couple au cinéma et à la ville (entre 1945 et 1957), d'après un roman d'Ernest Hemingway ; "Le grand sommeil" de Howard Hawks (sorti le 31 août 1946), avec Bogart  ; "Key Largo" de John Huston (sorti le 31 juillet 1948), toujours avec Bogart, aussi avec Claire Trevor ; "La Femme aux chimères" de Michael Curtiz (sorti le 9 février 1950), avec Kirk Douglas et Doris Day ; "Écrit sur du vent" de Douglas Sirk (sorti le 6 octobre 1956), avec Rock Hudson, Robert Stack et Dorothy Malone ; "La Femme modèle" de Vincente Minnelli (sorti le 16 mai 1957), avec Gregory Peck et Dolores Gray ; "Le crime de l'Orient-Express" de Sidney Lumet (sorti le 22 novembre 1974), avec Albert Finney, Ingrid Bergman, Jacqueline Bisset, Sean Connery, Jean-Pierre Cassel, Martin Balsam, Anthony Perkins, etc. ; "Prêt à porter" de Robert Altman (sorti le 23 décembre 1994), avec Marcello Mastroianni (dont c'est bientôt le centenaire également), Sophia Loren, Kim Basinger, Anouk Aimée, Jean-Pierre Cassel, Julia Roberts, etc., où elle campe une ancienne directrice de magazine de mode ; "Leçons de séduction" de Barbra Streisand (sorti le 15 novembre 1996) qui lui valut une nomination aux Oscars et le Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle.
     

     
     


    J'ai gardé pour la fin celui qui m'a paru peut-être le meilleur, d'un humour un peu cynique, avec "Comment épouser un millionnaire ?" de Jean Negulesco (sorti le 4 novembre 1953), où une "bande" de trois femmes amies (Lauren Bacall, Marilyn Monroe et Betty Grable) échafaude des stratagèmes pour trouver un futur mari très riche (mais où richesse et amour ne sont pas au rendez-vous en même temps). Lauren Bacall joue la femme plutôt sérieuse et rationnelle, c'est-à-dire calculatrice (mais elle tombe amoureuse d'un supposé pompiste, ce qui n'entre pas dans ses objectifs initiaux !), tandis que les deux autres sont plutôt fleurs bleues.

    La chaîne franco-allemande Arte propose la diffusion d'un documentaire sur Lauren Bacall ce lundi 16 septembre 2024 à partir de 22 heures 50, "Lauren Bacall, ombre et lumière" par Pierre-Henry Salfati (2017), qu'on peut aussi voir en fin d'article.



    Aussi sur le blog.


    Sylvain Rakotoarison (14 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Lauren Bacall.
    Maurice Jarre.
    Vera Miles.
    Alain Delon.
    Pierre Richard.
    Marianne Faithfull.
    Pierre Perret.
    Anouk Aimée.
    Marceline Loridan-Ivens.
    Édouard Baer.
    Françoise Hardy.
    Charles Aznavour.
    Alain Souchon.
    Patrick Bruel.
    Frédéric Mitterrand.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Sophia Aram.
    Plastic Bertrand.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Brigitte Bardot.
    Charlie Chaplin.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240916-lauren-bacall.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/lauren-bacall-la-femme-fatale-256644

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/15/article-sr-20240916-lauren-bacall.html



     

  • La foi de Sœur Marguerite, qui déplace des montagnes contre l'exclusion scolaire

    « Elle a le visage d'un ange prêté pour trop peu de temps à la Terre. » (Jacques Séguéla, 2006).


     

     
     


    Ce dimanche 8 septembre 2024, je voudrais rendre hommage à une femme superbe, Sœur Marguerite, qui fête son 98e anniversaire. Tant d'années et autant de foi dans la vie, dans l'espérance d'un avenir meilleur, cela réconforte quand on lit tellement de mauvaises nouvelles, tellement de déclinisme, de pessimisme. Et puis, il est quand même quelques personnes charitables qui se sont engagées auprès de Dieu qui ne devraient pas décevoir, même après leur mort.

    Dans le petit monde des religieuses, il y a beaucoup de sœurs Marguerite. La Sœur Marguerite que je veux honorer ici s'appelle pour l'état-civil Marguerite Tiberghien, née le 8 septembre 1926 à Roubaix, dans le Nord. Elle s'est engagée en 1948 dans les ordres chez les Filles de la charité de saint Vincent de Paul. Après avoir enseigné dans l'agglomération de Lille, Sœur Marguerite est partie en 1972 au Congo-Brazzaville pour enseigner également (le régime de ce pays africain était communiste de 1969 à 1992). Elle avait alors 46 ans.

    Sa grande réalisation, ce fut d'avoir fondé l'École spéciale de Brazzaville en octobre 1975 qui permet de scolariser gratuitement les exclus, des enfants très pauvres ou en situation de handicap, des enfants déscolarisés, des adultes illettrés, etc. sur le programme de l'enseignement primaire en langue française. Elle y a enseigné la lecture et l'écriture pendant près de trente années, jusqu'en septembre 2004 où elle a pris sa retraite et est retournée vivre à Paris comme l'y conviait sa congrégation (elle avait 78 ans !). Cette école a essaimé et a fait des petites. En tout, 30 000 Congolais ont bénéficié de cette école très singulière et ont échappé à l'illettrisme. Sœur Marguerite a su trouver des financements tout au long de ces années, soit des pouvoirs publics (notamment congolais et français) soit d'origine privée (donateurs, etc.).

    Au-delà de l'enseignement primaire, cette école assure aussi une formation professionnelle (menuiserie, jardinage, couture) et des activités d'éveil pour les élèves (enfants et adultes) atteints d'un handicap mental. Ces derniers restent à la charge de leur famille mais avec cette formation, ils ont progressé dans leur ouverture au monde, ce qui a renforcé leur intégration sociale. Les effectifs de l'école sont passés de 80 en 1975 à 2 500 en 2011. À partir du début des années 2000, en effet, c'est tout un réseau d'écoles qui a été mis en place pour instruire les exclus.

    Toutes ces structures se basent sur les quatre principes suivants : accueil des exclus de l'école primaire, coexistence des trois sections pédagogiques (A : adultes de plus de 20 ans pour alphabétisation et préparation au CEP ; J pour enfants de moins de 14 ans pour atteindre le niveau CM2 ; T pour enfants de plus de 14 ans pour alphabétisation et préparation au CEP) et des ateliers professionnels ; gratuité avec participation financière libre des familles ; gestion d'un comité d'entraide.

    Le 6 octobre 2021 (dans un entretien accordé à Marie Alfred Ngoma pour l'Agence d'information d'Afrique centrale), Sœur Marguerite a raconté ses débuts : « Nous avons commencé dans une salle qui n’était pas une classe. (…) Notre travail était d’assurer l’apprentissage de la lecture par la méthode syllabique mimée avec des gestes. Nous avions, pour chaque lettre de l’alphabet, une histoire accolée. Par exemple, celle de la lettre A, c’est l’histoire d’une jeune fille qui s’appelle Anne qui s’émerveille et exprime sa joie avec un énorme sourire devant la robe achetée par sa mère. La classe s’interroge : pourquoi Anne est contente ? Elle est contente parce que sa mère lui a acheté une belle robe. S’en suit l’exclamation Ah ! ».

    Et de résumer l'essentiel pour les enfants congolais : « Tout comme les cinq doigts de la main : en premier, disposer d’un bon professeur ; ensuite, avoir le courage de travailler ; entretenir l’amitié dans la classe, éviter les moqueries ; veiller à la propreté dans l’école et enfin, lutter pour la vérité, admettre ses faiblesses au lieu de les cacher, pas d’évolution si on ne sait pas lire. (…) Plus, il y aura de femmes et d’hommes conscients de la richesse de la lecture, mieux ça ira ! C’est par l’apprentissage de la lecture pour tous que le Congo rendra la fierté aux populations, ôtant, au passage, le mépris de l’autre. ».

    Malgré la guerre civile qui a sévi au Congo-Brazzaville entre le 10 mai et le 25 octobre 1997 et qui a fini par le retour au pouvoir de l'ancien autocrate communiste Dens Sassou-Nguesso (toujours au pouvoir aujourd'hui), la religieuse a préféré restait courageusement sur place, malgré les dangers, pour continuer à mener sa lutte contre l'illettrisme, car ses élèves avaient besoin d'elle.

    En avril 2006, Sœur Marguerite a fait la connaissance du publicitaire Jacques Séguéla et ce fut le coup de foudre pour l'homme de communication qui l'a appelée Sœur Courage. Ce dernier lui a consacré un livre-interview où elle a nappé sa vie auprès des exclus. Un livre, publié en octobre 2006, dont les droits d'auteur ont été versés à l'Association des amis de l'École spéciale de Brazzaville.
     

     
     


    La notoriété de l'ancien conseiller en communication politique de François Mitterrand lui a permis également de créer, avec l'aide notamment du père Alain de La Morandais (qui avait fait connaître Sœur Marguerite à Jacques Séguéla), le Fonds de dotation Sœur Marguerite le 20 août 2010 pour financer toutes les initiatives locales visant à concrétiser la gratuité et l'universalité de l'enseignement primaire en langue française (apprendre à lire, écrire et compter). Ce fonds a été reconnu à l'UNESCO au cours d'une journée sous le haut patronage de Carla Bruni, épouse du Président de la République, le 12 avril 2011.

    Pierre Chausse, président de ce fonds, a expliqué : « [Ce fonds] a pour objet de pérenniser et de développer le modèle des Écoles Spéciales (qui combine enseignement primaire francophone pour tous et formations professionnelles) ainsi que de développer un réseau d’écoles dans le monde entier. En une décennie, l’action de soutien du Fonds de dotation en faveur de projets éducatifs s’est étendue auprès de nombreuses communautés francophones, qu’elles soient congolaises, indiennes ou libanaises. Aujourd’hui via ses partenariats avec d’autres ONG, les équipes enseignantes sur place et des acteurs locaux partageant ces mêmes valeurs d’universalité de l’éducation. Le Fonds de dotation réfléchit à différents projets d’infrastructures, notamment en faveur des personnes handicapées. ».


    Quant à la religieuse, voici ce qu'elle disait, le 13 février 2011 sur RFI, à la journaliste Geneviève Delrue (vice-présidente de l'Association des journalistes d'information religieuse) : « Cela me donne un grand bonheur, parce que je suis de plus en plus persuadée que les questions de sous-développement de pays en retard, c'est avant tout une question d'instruction. Alors, maintenant, il y a l'École spéciale à soutenir, mais il y aurait aussi l'ensemble des jeunes mal instruits ou pas scolarisés du tout. Mon idée-là, toujours dans la tête : pas savoir lire à 80 ans, ce n'est pas grave, parce qu'on a encore toute l'oralité avec les contes, les proverbes, enfin, toute la belle poésie de cette oralité. Pas savoir lire à 50 ans, ce n'est pas grave, il y a des écoles qui sont prévues pour ça. Mais pas savoir lire à 15 ans, c'est inacceptable ! Surtout à notre époque. Parce que les analphabètes qui n'ont que la force de leurs bras, et qui, ayant grandi dans des villes immenses, n'ont pas bénéficié de la culture orale de leurs ancêtres, on est devant un orphelinat mental. (…) Maintenant, avec les avancées techniques et les robots, les analphabètes qui n'ont que la force de leurs mains, petit à petit, on n'en a pas besoin, c'est grave ! Voyez les chantiers de construction, et j'ai vu de grandes grues, des grosses pelleteuses, mais il y a deux trois ouvriers, pas plus, ce n'est pas la peine, la machine est là. C'est vrai, il faut savoir la diriger la machine, donc, il faut avoir fait des études ».

    Effectivement, Sœur Marguerite a souvent parlé du « miracle de l'amitié » qui a sorti tant de ses élèves, enfants congolais, de « l'orphelinat mental ». Elle leur a souhaité joyeux Noël 2021 avec ces mots : « Qu’ils soient dans la posture où, avec peu, se multiplient les bonheurs à partager (…). [Je leur souhaite] d’avoir souvent l’occasion de dire, d’entendre : c’est bien, c’est bon, c’est beau ! ».
     

     
     


    Elle a décrit la honte de l'exclusion scolaire : « Le premier point commun, c'est une espèce de honte. L'analphabète de 15 ans a honte de ne pas savoir lire. Et l'écriture pour lui, c'est des dessins. (…) Ils savent qu'ils n'ont pas d'avenir. Alors, vous les retrouvez où ? Vous les retrouvez dans les bandes armées, soit simplement des bandits, soit des bandes armées des milices dont s'entoure chaque personnage important. ».

    Jusqu'au bout, jusqu'à son dernier souffle, Sœur Marguerite se consacrera donc à l'éducation, après avoir vu les massacres de la guerre civile en 1997 : « Au moins l'éducation primaire. D'abord, c'est marqué dans la Déclaration des droits de l'homme, article 26 : l'homme a droit à l'éducation gratuite, au moins la primaire. On ne peut pas se contenter de nourrir. On ne peut pas se contenter de vacciner. Ça va vite, un vaccin ; une minute, l'enfant est vacciné. Mais après ? Moi, je disais à un papa qui est tout fier d'aller annoncer à la mairie que sa femme lui a fait cadeau du plus beau bébé du monde, est-ce qu'il a pensé qu'il en avait jusqu'en 2030 à suivre la scolarité de son fils ? Maintenant, il faut compter vingt ans. Et là-bas, on trouve normal de les laisser comme ça parce que, c'est vrai, il y a un effort à faire. Quand je vois les belles écoles en France, et qu'on n'est pas contents, on a encore trop d'enfants qui arrivent en Sixième en ânonnant la lecture, bon, mais là-bas, chaque fois, je suis triste, je suis contente parce qu'on reçoit de bonnes aides des écoles françaises, ces jeunes sont généreux, les professeurs aussi, les directeurs sont très accueillants, mais chaque fois, quand je vois la différence avec les écoles du Congo que je connais (…), je dis : non, ça ne va pas, ils ne vont pas se rattraper. Et je supplie de tout mon cœur les chefs d'État de prendre ça en main. » (13 février 2011).

    Le 28 mars 2013, Sœur Marguerite a suggéré pour l'hebdomadaire chrétien "La Vie" que Dieu avait laissé quatre graines dans le cœur des humains, et des seuls humains, la bonté qu'il faut cultiver, la science et l'intelligence, la beauté, et ce grand appel de l'infini : « Qu'est-ce qu'il y aura après la mort ? L'éternité qui nous attend, c'est la grande question qui se pose. ». Et de conclure : « Dieu, on l'a vu. C'était un homme ! ». Très bon anniversaire, ma sœur !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jacques Séguéla.
    Les 98 ans de Sœur Marguerite.
    Le scandale bouleversant de l'abbé Pierre.
    Assomption : pourquoi le 15 août est-il férié ?
    Le pape François à Marseille (1) : ne pas légiférer sur l'euthanasie.
    Le voyage du pape François à Marseille (22 et 23 septembre 2023).
    Mgr Jacques Gaillot.
    Mgr Albert Decourtray.

    Maurice Bellet.
    Lucile Randon (Sœur André).
    François : les 10 ans de pontificat du pape du bout du monde.
    Santé et Amour.
    Le testament de Benoît XVI.
    Célébration des obsèques du pape émérite Benoît XVI le 5 janvier 2023 (vidéo).

    L’encyclique "Caritas in veritate" du 29 juin 2009.
    Sainte Jeanne d'Arc.
    Sainte Thérèse de Lisieux.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    Saint François de Sales.
    Le pape François et les étiquettes.
    Saint  Jean-Paul II.
    Pierre Teilhard de Chardin.
    La vérité nous rendra libres.
    Il est venu parmi les siens...
    Pourquoi m’as-tu abandonné ?
    Dis seulement une parole et je serai guéri.
    Le ralliement des catholiques français à la République.
    L’abbé Bernard Remy.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240908-soeur-marguerite.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/la-foi-de-soeur-marguerite-qui-256608

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/08/article-sr-20240908-soeur-marguerite.html




     

  • Plein d'étoiles pour Vera Miles

    « Tu aurais dû écrire que tu m’aimais. Tu pouvais au moins me dire de t’attendre, je trouve que c’était la moindre des choses. (…) J’ai passé deux années interminables dans cet endroit perdu à attendre que monsieur daigne revenir. Crois-tu que je veuille rester vieille fille ? » (Vera Miles, "La Prisonnière du désert", 1956).


     

     
     


    L'actrice américaine Vera Miles fête ses 95 ans ce vendredi 23 août 2024. Cela fait près d'une trentaine d'années (1995) qu'elle s'est retirée de toute activité cinématographique pour prendre sa retraite à Palm Desert, en Californie. Elle est née Vera June Ralston mais lorsqu'elle est arrivée à Hollywood, au début des années 1950, il existait déjà une (autre) Vera Ralston, si bien qu'elle a gardé son nom de jeune femme mariée (son premier mari, entre 1948 et 1954, s'appelait Bob Miles avec qui elle a eu deux enfants).

    Élue Miss Kansas à 19 ans, Vera Miles s'est installée à Los Angeles pour commencer une carrière d'actrice. Elle a d'abord eu des petits rôles à la télévision qui lui ont fait connaître l'actrice Janet Leigh. Elle tournait alors aussi pour de la publicité. Sous contrat avec Warner Bros, elle a joué notamment une "faiblement amoureuse" de Tarzan dans "Tarzan's Hidden Jungle" de Harold D. Schuster (sorti le 16 février 1955), épousant quand même (dans la vie réelle) le Tarzan en question, l'acteur Gordon Scott, en deuxièmes noces (entre 1954 et 1959).

    Le réalisateur John Ford a lancé véritablement la carrière de star de Vera Miles en lui proposant un second rôle dans le western "La Prisonnière du désert" (sorti le 13 ars 1956) où elle a pu jouer avec John Wayne, Natalie Wood et Jeffrey Hunter, grâce au succès du film considéré comme un chef-d'œuvre (désigné "le plus grand western de tous les temps" par l'American Film Institute). Dans ce film (que je résume très mal !), Vera Miles aime Jeffrey Hunter mais lui et John Wayne ne sont jamais là car ils doivent aller sauver Natalie Wood prise en otage par les Indiens, finalement, elle va se marier avec un autre homme mais son bien-aimé arrive juste avant en s'en prenant au futur marié (on comprendra que les histoires d'amour ici comptent moins que d'autres valeurs).





    Vera Miles a tourné ensuite beaucoup d'autres films, sous la direction des plus grands, comme Robert Aldrich, mais ce qui a été important dans sa carrière, c'était sa rencontre avec Alfred Hitchcock complètement séduit par elle et qui lui a fait signer un contrat de cinq ans avec elle (il voulait en faire une nouvelle Grace Kelly). Elle est ainsi devenue Rose, l'épouse de Henry Fonda dans le film "Le Faux Coupable" (sorti le 26 janvier 1957)... et surtout, Hitchcock la voulait pour son futur chef-d'œuvre, "Sueurs froides" ["Vertigo"] (sorti le 9 mai 1958) pour le rôle principal aux côtés de James Stewart, mais Vera Miles, enceinte, y renonça, ce qui a obligé Hitchcock à la remplacer par Kim Novak.

    Toutefois, Vera Miles est retournée dans un film d'Hitchcock probablement pour le meilleur rôle de sa carrière (elle l'a contesté !), Lila Crane, la sœur de Janet Leight (Marion Crane) qu'elle tente de retrouver après sa disparition étrange dans le grand film "Psychose" (sorti le 16 juin 1960) aux côtés d'Anthony Perkins (Norman Bates), John Gavin (l'amant de Marion) et Martin Balsam (le détective).





    L'actrice a retrouvé John Wayne et James Stewart dans un autre grand film de John Ford, "L'Homme qui tua Liberty Valance" (sorti le 22 avril 1962), dans lequel a également joué Lee Marvin dans le rôle de Liberty Valance. Vera Miles est alors la future femme du futur sénateur James Stewart, mais secrètement aimée par John Wayne, dans une histoire qui est le clivage entre l'État de droit (la justice représentée par James Stewart) et la loi du plus fort (celle du revolver représentée par John Wayne). Là encore, l'histoire se résume surtout aux relations entre les trois hommes (John Wayne, James Stewart et Lee Marvin) mais Vera Miles, première rôle féminin, permet de faire le liant social.





    Pendant deux décennies encore (années 1960 et 1970), Vera Miles a continué sa carrière au cinéma. Elle a tourné son dernier film en 1995, après l'opus numéro 2 de Psychose, "Psychose II" de Richard Franklin (sorti le 3 juin 1983) avec toujours Anthony Perkins (vingt-deux ans plus tard, Norman Bates sort de l'asile psychiatrique contre l'avis de Lila et retombe dans ses vieilles torpeurs).

     

     
     


    Si Vera Miles n'a jamais quitté la télévision (séries télévisées et téléfilms) pendant sa période cinématographique, elle s'y est consacrée exclusivement à partir du milieu des années 1970 (en prenant de l'âge), intervenant dans des séries comme "Magnum", "La Petite Maison dans la prairie", "L'île fantastique", "Buck Rogers", 'La croisière s'amuse", "Hôtel", "Arabesque", etc.

    Depuis 1995, Vera Miles a quitté les rangs de la célébrité pour prendre une retraite discrète et tranquille en Californie, toute éblouie de souvenirs et d'histoires devenues elles-mêmes célèbres. Elle a déjà son étoile dans le grand Hollywood Walk of Fame à Los Angeles, témoignant de sa contribution au cinéma américain voire mondial.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Vera Miles.
    Alain Delon.
    Pierre Richard.
    Marianne Faithfull.
    Pierre Perret.
    Anouk Aimée.
    Marceline Loridan-Ivens.
    Édouard Baer.
    Françoise Hardy.
    Charles Aznavour.
    Alain Souchon.
    Patrick Bruel.
    Frédéric Mitterrand.
    Fanny Ardant.
    Alain Bashung.
    Alain Chamfort.
    Sophia Aram.
    Plastic Bertrand.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Brigitte Bardot.
    Charlie Chaplin.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240823-vera-miles.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/plein-d-etoiles-pour-vera-miles-256388

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/23/article-sr-20240823-vera-miles.html



     

  • La nuit bleue de Lina

    « Ça donne un peu d’espoir pour retrouver une trace. Est-ce qu’elle est vivante ? On l’espère tous... » (un habitant de Plaine, le 27 juillet 2024 sur France Info).


     

     
     


    Lina Delsarte a été, avec Émile Soleil, l'une de des enfants disparus de l'année 2023, en période estivale (ou quasi-estivale). Les deux disparitions étaient très différentes, l'une concernant un petit bout de chou de 2 ans, disparu le 8 juillet 2023, l'autre une adolescente déjà grande de 15 ans, disparue le 23 septembre 2023. Mais elles avaient un point commun.

    Les deux enquêtes étaient telles, dans leur incapacité à privilégier une piste ou l'autre, avec même parfois des fausses pistes, qu'à la fin de l'année 2023, il y avait une quasi-certitude que la disparition de ces deux enfants resterait un mystère complet. Pendant longtemps, les enquêtes ont pédalé dans la semoule, les recherches pourtant très élaborées n'ont abouti à rien, aucun indice, aucune piste sérieuse.

    Lina a disparu sur le chemin entre chez elle et la gare pour prendre le train pour Strasbourg et rejoindre son petit ami de 19 ans, le samedi 23 septembre 2023 en fin de matinée. La dernière géolocalisation de son smartphone a été enregistrée à 11 heures 22, ce qui correspond aussi à l'heure où des témoins l'ont aperçue. C'est le petit ami qui l'attendait à la gare de Strasbourg qui a alerté la mère de Lina de son absence, et les caméras de surveillance n'ont pas vu Lina embarquer dans le train prévu. La gendarmerie a publié un avis de disparition inquiétante dès l'après-midi du samedi. Plusieurs opérations de ratissage ont eu lieu les jours qui ont suivi, sans résultat. Le petit ami a été menacé plusieurs fois par des accusateurs qui le considéraient comme responsable de la disparition.

    Grâce à l'ADN, les enquêtes ont cependant pu avancer d'un bond. Hélas, pas pour de bonnes nouvelles. Le corps d'Émile a été retrouvé dans une forêt, ses ossements, identifiés par une analyse génétique, ont été retrouvés par une randonneuse et, si on ne sait pas ce qui est réellement arrivé au malheureux Émile, on sait, trois fois hélas, qu'il n'est plus de ce monde depuis longtemps.
     

     
     


    Pour Lina, qui a disparu à Plaine, dans le Bas-Rhin, la situation reste encore très mystérieuse même si l'enquête a beaucoup avancé grâce à son ADN, le premier indice de cette enquête, qu'on a retrouvé dans une voiture volée qui se trouvait pas loin de lieu de disparition de l'adolescente le jour de sa disparition et qui a été retrouvée dans le Languedoc-Roussillon fin mai et début juin 2024 (cette information a été communiquée par la justice le 26 juillet 2024). La procureure de Strasbourg a annoncé le 30 juillet 2024 que le véhicule volé incriminé a été saisi et son propriétaire, après avoir été entendu par la police pour le vol de son véhicule, s'est suicidé peu de temps après, le 10 juillet 2024 à Besançon, en laissant une lettre à ses deux enfants disant ses regrets et sa honte, sans évoquer Lina.

    De nouvelles fouilles ont été effectuées du 30 juillet au 2 août 2024, en Alsace et dans les Vosges, sans résultat non plus, malgré la géolocalisation de la voiture dans cette zone au moment de la disparition de Lina (le conducteur y aurait fait un arrêt d'une heure trente).

    Le principal suspect, le propriétaire de la voiture qui aurait transporté Lina le jour de sa disparition, est mort sans avoir indiqué s'il était le responsable de la disparition voire de la mort de Lina et sans avoir indiqué le cas échéant où elle se trouvait, elle ou son corps.

    La presse a évoqué largement le profil chaotique de ce suspect, un quadragénaire qui a eu de lourds antécédents de drogue, de bipolarité, de problèmes psychiques, et aussi de vols, d'enlèvements de jeunes filles, etc. Il était très dépressif et connu de la justice. Ce qui est notable également, c'est que, contrairement à un assassin d'enfants comme Michel Fourniret, dont le visage et la silhouette laissent deviner une personne inquiétante, le suspect n'effrayait pas physiquement, semblait tout à fait normal, sans allure inquiétante, avec du reste un nom et une apparence bien français (je le précise car il est souvent de bon ton de répéter, à tort, que les auteurs de meurtres seraient souvent issus de l'immigration, pour rester soft).

    La justice a communiqué avec parcimonie et retard ces nouveaux éléments de l'enquête, probablement avec un objectif précis. Peut-être envisage-t-elle une autre personne impliquée ? Les chances de revoir Lina sourire à nouveau, bien vivante, se réduisent malheureusement depuis ces nouveaux faits.

    Ce qui est troublant aussi, c'est que deux autres affaires, qui n'ont en principe rien à voir avec sa disparition, ont eu lieu : la mort de son premier petit ami (à 22 ans) le 1er octobre 2023 d'un accident de voiture (il roulait trop vite et a été flashé à 185 kilomètres par heure ; l'enquête a conclu qu'il ne s'agissait pas d'un suicide). En outre, Lina avait déposé plainte en juin 2022 car victime d'un viol en réunion (elle avait 13 ans), plainte initialement classée sans suite mais reprise par l'ouverture d'une information judiciaire en février 2024, là aussi sans rapport avec sa disparition.

    Lina avait obtenu le brevet des collèges en juin 2023 et préparait un CAP Aide à la personne. Elle aurait dû fêter son 16e anniversaire ce samedi 10 août 2024. Un anniversaire de larmes.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240730-lina.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/la-nuit-bleue-de-lina-256111

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/30/article-sr-20240730-lina.html




     

  • Il y a 70 ans, la mort de Colette

    « Sentons jusqu'au fond de nous-mêmes notre jeunesse encore neuve... Peut-être que la mort ne viendra jamais ?... » (1905).




    _yartiColette01

    La romancière française Colette (Sidonie-Gabrielle Colette de son vrai nom ; son père était le capitaine Jules-Joseph Colette, cela ne s'invente pas) est née à Saint-Sauveur-en-Puisaye (dans l'Yonne) il y a 150 ans, le 28 janvier 1873. Pendant des décennies, elle a dominé la vie culturelle française (et belge), en particulier à la Belle Époque, rapidement devenue mondialement célèbre pour sa littérature mais aussi sa vie de femme moderne. Un caractère, et une personnalité hors du commun.

    Dans une notice bibliographique de son éditeur, on y lit : « Le seul nom de Colette évoque un chatoiement d'images qui illustrent une façon de vivre, heureuse, innocente et sans conformisme. Son œuvre épanouie entre les deux guerres reflète un monde clos et préservé que n'atteint pas l'inquiétude de ces temps troublés. ».

    Malgré cet anticonformisme, elle a été intégrée dans l'un des saints des saints de la littérature française comme membre de l'Académie Goncourt en 1944 (elle était déjà membre de l'Académie royale de Belgique dès 1936) et même, en présidant cette Académie Goncourt de 1949 à sa mort, le 3 août 1954 (à l'âge de 81 ans). Des funérailles nationales furent votées, ce qui était une première pour une femme. Je m'étonne qu'on n'ait pas encore pensé à transférer ses cendres au Panthéon, auprès de femmes comme Germaine Tillion et de Joséphine Baker.

    Personnage très riche de la littérature française, Colette était avant tout une femme moderne. Pas une féministe, au contraire de sa mère, Colette ne soutenait pas les suffragettes et si elle considérait que les femmes pouvaient autant réfléchir que les hommes sur les affaires de l'État et sur les affaires du monde, elle voyait toutefois un inconvénient à leur confier des responsabilités étant donné les quelques jours par mois ; elle estimait en 1927 que leurs ragnagnas les empêcheraient de prendre les bonnes décisions à ces moments précis de leur existence de femmes (car elles seraient « irritables, incontrôlées, imprévisibles »). Pas d'idéologie mais du pragmatisme.

    _yartiColette02

    Si le personnage a brillé aussi par son côté sulfureux, c'est parce qu'elle affichait sa bisexualité ; non seulement elle a été l'épouse de trois maris successifs (dont Henry de Jouvenel de 1912 à 1923), mère également (d'une fille), mais aussi l'amante de femmes, un coming out qui était très nouveau et qui (bien évidemment) scandalisait les bonnes âmes. Son premier mari Willy (Henry Gauthier-Villars, de treize ans son aîné) lui imposait une fidélité pour ses relations avec les hommes, mais acceptait des "moments d'égarement" avec les femmes.

    Grande lectrice durant son enfance et son adolescence, et aussi grande observatrice, Colette a laissé à la littérature française de nombreux ouvrages, des romans, des poèmes, des pièces de théâtre, aussi une épaisse correspondance. Sa série de romans "Claudine" vaguement autobiographique (parue à partir de 1900) fait intervenir des femmes bisexuelles. Elle a aussi écrit quelques essais comme "Le Pur et l'Impur" (écrit en 1931), des récits et réflexions sur les "plaisirs physiques".

    On peut aussi citer "L'Ingénue libertine" (l'histoire de la jeune et jolie Parisienne Minne) en 1909, "Le Blé en herbe" (l'initiation sentimentale et sexuelle de deux adolescentes) en 1923, "La Chatte" (une femme jalouse car son mari lui préfère sa chatte) en 1933 et aussi "Gigi", une nouvelle publiée en 1944 qui raconte l'histoire d'une Parisienne adolescente à la Belle Époque (Gilberte), ouvrage qui a eu de nombreuses adaptations artistiques, notamment au cinéma et aussi au théâtre (dans sa première version, en anglais, à Broadway, en 1951, Colette a choisi Audrey Hepburn pour y tenir le rôle principal).

    Mais je veux m'attarder surtout sur un de ses premiers ouvrages qui a aussi fait la réputation de Colette, son amour des chats, et plus généralement des animaux domestiques (aussi des chiens). Ce n'est pas exceptionnel qu'un écrivain travaille avec des chats (c'est même très courant), mais Colette a eu le don de les rendre tellement vivants que le lecteur s'invite dans l'intimité domestique de ces affections félines et canines.

    Ainsi, parmi les pépites de Colette, cette grosse pépite que je n'ai pas encore citée, "Dialogues de bêtes", publié initialement avec quatre dialogues en 1904, puis sept en 1905 et enfin douze dialogues dans sa version définitive en 1930. Il s'agit de dialogues avec quatre personnages : le chat Kiki-la-Doucette (« chat des Chartreux »), le chien Toby-Chien (« bull bringé »), et ses deux maîtres, "Lui" et "Elle" (des « Deux-Pattes », « seigneurs de moindre importance »). L'impersonnalisation des humains permet bien sûr de mieux s'attacher au chat et au chien. Le ton est résolument direct, et ressemble à une bande dessinée (1905, c'était avant les bandes dessinées qui utilisaient régulièrement des animaux, comme Walt Disney etc.).

    _yartiColette03

    Je ne résiste pas à proposer quelques extraits issus de ce merveilleux petit fascicule. Des dialogues qui sont d'une étonnante modernité et du résultat précieux d'une observation détaillée de la vie animale.

    Dans la préface signée de l'écrivain Francis Jammes (1868-1938), une lettre propose cette introduction des personnages : « Il semble parfais que l'on naisse. On regarde. On distingue alors une chose dont le dessous des pieds a l'air d'un as de pique. La chose dit : oua-oua. Et c'est un chien. On regarde à nouveau. L'as de pique devient un as de trèfle. La chose dit : pffffff. Et c'est un chat. ». Mais ce n'est pas de Colette, contrairement à ce qui va suivre.

    Le prétendu égoïsme des chats : « Ils baptisent ainsi, pêle-mêle, l'instinct de préservation, la pudique réserve, la dignité, le renoncement fatigué qui nous vient de l'impossibilité d'être compris par eux ». En d'autres termes : « Le Chat est un hôte et non un jouet. ».

    Dérangements gastriques. Toby : « Tu m'as vu, après, me traîner mélancolique, la tête basse, écoutant dans mon estomac le glouglou malsain de l'huile et cacher dans le jardin ma honte... ». Kiki : « Tu la caches si mal ! ». Toby : « C'est que je n'en ai pas toujours le temps. ».

    Purger un chat à l'huile de ricin ? Lui donner le bain ? Kiki sait réagir avec efficacité : « Je l'ai si bien griffée et mordue qu'Elle n'a pas recommencé. Elle a cru, une minute, tenir le démon sur ses genoux. Je me suis roulé en spirale, j'ai soufflé du feu, j'ai multiplié mes vingt griffes par cent, mes dents par mille, et j'ai fui, comme par magie. ».

    Kiki parlant d'une chatonne : « De quel cœur elle me fuit, confondant sa pudeur avec l'effroi ! ».

    Toby parlant d'amour de chat : « Ne détourne pas la tête ! Ta pudeur singulière s'emploie à cacher ce que tu nommes faiblesse, ce que je nomme amour. ».

    Le cri monstrueux du chat avant de vomir : « Les yeux dilatés, j'avale précipitamment une salive abondante et salée, tandis que m'échappent d'involontaires cris de ventriloque... Et puis voici que mes flancs houlent, autant et mieux que ceux de la chatte en gésine, et puis... ».

    Dialogue barbare au menu. Toby : « Ah ?... Dis-moi, les oiseaux, est-ce que ça a le goût du poulet ? ». Kiki (dont les yeux brillent bleu soudain) : « Non... C'est mieux... c'est vivant. On sent tout craquer sous les dents, et l'oiseau qui tressaille, et la plume chaude, et la petite cervelle exquise... ».

    User et abuser de l'amour des humains, une signature de chat : « Si je voulais, Chien, troubler le silence de cette chambre, je saurais habilement choisir, pour m'y laver, une chaise mal calée, dont les pieds martèleraient régulièrement : "Tic-toc, tic-toc, tic-toc" au rythme de ma langue. C'est un moyen que j'ai inventé pour me faire donner la liberté. "Tic-toc, tic-toc" dit la chaise. Elle, qui lit ou écrit, s'agace vite et crie : "Tais-toi, Kiki". Fort de mon bon droit, je me lave innocemment. "Tic-toc, tic-toc". Elle bondit affolée et m'ouvre grande la porte, que je tarde à franchir, d'un pas d'exilé... Dehors, je ris de me sentir supérieur à tous. ».

    Philosophie hautement féline : « Mon Dieu, on peut aimer les gens et soigner son estomac. ».

    Philosophie médicale : « La fièvre, c'est le commencement de ce qu'on ne nomme pas. ».

    Nourriture sauvage : « Je ne puis manger que des oiseaux vivants, ou des souris très petites dont j'avale le cri... ».

    Dialogue cano-félin. Toby : « Pourquoi t'amuses-tu à me faire peur ? Je n'ai jamais bien compris chez toi cette vanité qui consiste à exagérer une cruauté très réelle... Tu me nommes le dernier des romantiques, ne serais-tu pas le premier des sadiques ? ». Kiki : « (…) À mon tour, laisse-moi te dire : "Je suis un Chat". Ce nom seul me dispense... Une haine est en moi contre la souffrance, la laideur, une détestation impérieuse de ce qui choque à ma vue ou simplement mon bon sens. ».

    Explication psychanalytique de la cruauté du chat : « Si le récit affaibli de ce que j'ai fait te bouleverse, comprends donc que j'ai voulu supprimer du monde, anéantir, en cette bête ensanglantée, l'image même, l'image menaçante de mon inévitable mort... ».

    Rideau !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 janvier 2023)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Colette.
    Benoît XVI.
    André Breton.
    Louis Aragon.
    Annie Ernaux.
    Svetlana Aleksievitch.
    Mylène Demongeot.
    Jean Teulé.
    José Saramago.
    Annick de Souzenelle.
    Philippe Alexandre.
    Yves Coppens.
    Charlotte Valandrey.
    Sempé.
    Fred Vargas.
    Jacques Prévert.
    Ivan Levaï.
    Jacqueline Baudrier.
    Philippe Alexandre.
    René de Obaldia.
    Michel Houellebecq.
    Richard Bohringer.
    Paul Valéry.
    Georges Dumézil.
    Paul Déroulède.
    Pierre Mazeaud.
    Philippe Labro.
    Pierre Vidal-Naquet.
    Amélie Nothomb.
    Jean de La Fontaine.
    Edgar Morin.
    Frédéric Dard.
    Alfred Sauvy.
    George Steiner.
    Françoise Sagan.
    Jean d’Ormesson.
    Les 90 ans de Jean d’O.

    _yartiColette04



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240803-colette.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/03/article-sr-20240803-colette.html






  • Gilberte Beaux, une grande dame qui sort des schémas classiques

    « Il faut aimer la vie. J'aime la vie (…). Quand on aime (…), on arrive toujours à faire des choses merveilleuses. La vie est fantastique ! » (Gilberte Beaux, le 26 juillet 2017).



     

     
     


    Gilberte Beaux fête son 95e anniversaire ce vendredi 12 juillet 2024. Il est très difficile de définir en deux mots qui est Gilberte Beaux. En ce qui me concerne, je la connaissais car elle était la "trésorière" de Raymond Barre, je ne sais pas trop sa fonction, peut-être conseillère économique aussi (les deux probablement) pendant sa campagne présidentielle de 1988.

    Si Gilberte Beaux n'est pas très connue du grand public, c'est parce qu'elle a tout fait pour être discrète, éloignée des médias. Son monde, ce n'était pas celui de la politique où, au contraire, il faut se faire connaître, il faut se promouvoir, il faut faire parler de soi, parfois lourdement, la notoriété étant un élément important dans une victoire électorale (c'est le chat qui se mord la queue : on est connu aussi parce qu'on est élu). Son monde, c'est celui de l'économie, celui de la gestion d'entreprises,celui des discussions feutrées, des négociations secrètes.

    Alors, on pourrait qualifier Gilberte Beaux de femme d'affaires, mais cela risque de faire oxymore, une femme peut être une bonne affaire, mais fait-elle de bonnes affaires ? Arg ! Stop ! J'arrête mon sexisme et si je suis un peu provocateur par le plaisir du jeu, c'est parce que Gilberte Beaux se sent (encore aujourd'hui) une femme libre, mais une femme libre parce qu'une femme forte, et à ce titre, elle s'inscrit dans la tradition des femmes fortes de sa génération, en particulier Simone Veil, mais aussi Marie-France Garaud (grande amie de Simone Veil).

    Encore un petit détour avec Marie-France Garaud (qui est morte récemment). Gilberte Beaux a eu, donc, sa période barriste, en gros toute la décennie des années 1980. Dès 1981, Raymond Barre a vu sa cote de popularité grimper en flèche au fur et à mesure que le gouvernement socialo-communiste vidait toutes les caisses de l'État. Les Français aiment bien les hommes d'État (et femmes d'État) mais seulement lorsqu'ils ne sont plus au pouvoir.

     

     
     


    L'un des préceptes du barrisme institutionnel, c'était sa conception très gaullienne de la Constitution, et à ce titre, Raymond Barre avait repris le flambeau de De Gaulle délaissé par Jacques Chirac prêt à foncer à Matignon (à l'époque, on faisait moins de chichi !) pour faire la première cohabitation. Raymond Barre, fidèle au dogme de la légitimité populaire sacrée par l'onction des urnes, considérait que le Président de la République devait démissionner s'il avait perdu les élections législatives. Au contraire, le président du RPR et futur candidat à l'élection présidentielle refusait d'exclure de gouverner et refusait d'engager un bras de fer avec François Mitterrand visant à le faire démissionner. À l'époque, j'étais à fond dans cette interprétation barriste, mais c'est l'interprétation pragmatique qui a finalement gagné (trois fois) en faisant même de la cohabitation un régime plutôt apprécié des Français car rétablissant une certain équilibre des institutions au sein de l'exécutif.

    Les gardiens du dogme gaullien étaient rares dans la classe politique, notamment parmi les gaullistes, mais on pouvait compter sur Michel Debré (le père de la Constitution, évidemment) et aussi sur Marie-France Garaud, conseillère spéciale de Georges Pompidou à l'Élysée et conservatrice réactionnaire, en quelque sorte (avant-c'était-mieux). Les deux avaient eu le courage de se présenter à l'élection présidentielle de 1981, probablement aidés dans leurs parrainages par les giscardiens pour disperser l'électorat de Jacques Chirac (à charge de revanche, ce dernier, lui, a encouragé ses militants à voter contre VGE au second tour !).

    Malgré son envie de discrétion, Gilberte Beaux s'est quand même engagée dans la bataille électorale... aux côtés de Marie-France Garaud puisqu'elles ont constitué une liste (Marie-France Garaud tête de liste) à Paris aux élections législatives du 16 mars 1986 qui étaient au scrutin proportionnel à l'échelle départementale. Sans investiture de grands partis politiques, cette liste était discrètement soutenue par... Raymond Barre qui cherchait à multiplier les députés purement barristes dans l'Assemblée de 1986 pour empêcher la cohabitation (la majorité très serrée a fait que les députés barristes, y compris le député de Lyon Raymond Barre, se sont finalement ralliés au gouvernement de Jacques Chirac pour ne pas être accusés d'être des diviseurs).

    En 1986, leur liste n'a pas obtenu de siège, mais elle a fait mieux que les écologistes, Lutte ouvrière, le MPPT, ou encore qu'une liste menée par Albert Jacquard. Bref, avec 23 701 voix, soit 2,6% des suffrages exprimés, la liste Garaud-Beaux s'est classée en sixième place sur seize listes, juste après les listes des partis bien établis : la liste RPR menée par Jacques Toubon, la liste PS menée par Lionel Jospin, la liste UDF menée par Jacques Dominati, la liste Rassemblement national (oui oui, pas FN mais RN = FN + CNI) menée par Jean-Marie Le Pen (et le député des concierges Édouard Frédéric-Dupont) et la liste PCF menée par Gisèle Moreau (qui n'a pas obtenu non plus de siège, au contraire des quatre premières). Malgré son concurrent Jacques Dominati, la liste Garaud bénéficiait du soutien des Corses de Paris, car Gilberte Beaux est d'origine corse (son nom de jeune fille est Gilberte Lovisi).
     

     
     


    Mais je m'égare dans cette voie politique qui n'était pas la sienne et sans doute cette candidature en 1986 a été téléguidée par Raymond Barre et elle ne pouvait pas la lui refuser. Revenons surtout à son parcours professionnel qui est loin d'être ordinaire. S'il fallait le résumer avec des noms, on pourrait le résumer étrangement avec deux noms : Jimmy Goldsmith et Bernard Tapie !

    L'encyclopédie en ligne Wikipédia la considère comme « une personnalité du monde des affaires en France, des années 1960 aux années 1990, et une dirigeante d'entreprise » et ajoute : « Elle a été l'associée discrète de deux personnalités flamboyantes du milieu financier et entrepreneurial de ces décennies, Jimmy Goldsmith puis Bernard Tapie, chargée par eux de la bonne gestion des sociétés dont ils s'emparaient. Elle incarne aussi une époque de l'histoire du capitalisme, et du management en entreprise, où il était encore possible à une personne entrant comme dactylo de gravir tous les échelons et de devenir le dirigeant d’un groupe international. ».

    Quand on regarde son origine familiale, un père qui a eu une faillite, on peut y voir un point commun avec Raymond Barre dont le père aussi a été socialement humilié par la faillite de son entreprise. Juste après la guerre qu'elle a passée adolescente avec sa famille à Marseille, la future Gilberte Beaux (elle s'est mariée en 1951 avec Édouard Beaux et est devenue veuve en 1995) a appris la sténodactylographie et a commencé à travailler très jeune dans une banque au plus bas des échelons afin de payer les études de son frère. Au bout de dix ans, par une volonté de fer (et un management particulièrement à l'écoute), elle a grimpé tous les échelons de la banque jusqu'à en devenir une fondée de pouvoir ! Une évolution aujourd'hui quasiment impossible à imaginer où les diplômes et recommandations sont bien plus nécessaires qu'à la sortie de la guerre où beaucoup d'emplois manquaient de titulaires.

    Fort de cette expérience déjà exceptionnelle au milieu des années 1950, Gilberte Beaux a poursuivi dans d'autres entreprises, le groupe automobile Simca, dont elle a géré la trésorerie par l'intermédiaire d'une autre entreprise, la Compagnie financière de Paris. Elle gérait des grands comptes, des investissements, des crédits, etc., réputée au point d'être nommée à la tête de l'Union financière de Paris et de la Société de gestion industrielle et financière.

    Et puis, ce furent ses rencontres dans la vie des affaires qui ont consolidé sa carrière financière. La première fut avec Jimmy Goldsmith dont elle est devenue le bras droit pendant une vingtaine d'années, entre 1967 et 1987. Elle a pris la tête de la Générale Occidentale, société holding du magma de la finance, qui a investi dans le secteur agro-alimentaire, en particulier en rachetant la Générale Alimentaire (marques Amora, Poulain, Maille, etc.). C'est elle qui négociait les prises de participation, les achats, les reventes et surtout la diversification économique du groupe.

    Fine négociatrice, elle a revendu tous les activités du secteur alimentaire au groupe BSN afin d'investir dans les médias et l'audiovisuel au milieu des années 1970 et début des années 1980 : si les tentatives de rachat dans la télévision se sont avérées décevantes (et ratées), la Générale Occidentale a réussi à racheter l'hebdomadaire "L'Express" en 1977 à son fondateur JJSS (qui avait besoin d'argent pour investir dans ses campagnes électorales très coûteuses et assez vaines), ainsi que les Presses de la Cité. Jean-François Revel a été alors nommé directeur de "L'Express" avec, pour rédacteur en chef, Olivier Todd (qui lui aussi vient d'avoir 95 ans, le 19 juin dernier), proche du PSU, et accueillant les réflexions écrites de Raymond Aron. Après le renvoi d'Olivier Todd et la démission, par solidarité, de Jean-François Revel en 1981, l'hebdomadaire a évolué vers la droite (historiquement, il était de centre gauche et mendésiste) pour combattre le gouvernement socialo-communiste après l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand.


    En 1987, ce fut la fin de l'idylle entre Jimmy Goldsmith et Gilberte Beaux, non qu'il y ait eu une mésentente professionnelle, mais parce que Jimmy Goldsmith a voulu vivre et se recentrer aux États-Unis et revendre toutes ses entreprises d'Europe. Gilberte Beaux a négocié alors le rachat de la Générale Occidentale par la CGE (Compagnie générale d'électricité), devenue ainsi propriétaire de "L'Express" (voir la première vidéo ci-dessous).

    À cette époque (lire plus haut), Gilberte Beaux était surtout occupée par son engagement politique derrière Raymond Barre, tout en présidant Basic, une société pétrolière au Guatemala, résidu de ses investissements antérieurs. Elle aurait pu dire qu'elle attendait ainsi une retraite déjà bien méritée, mais atteignant ses 60 ans, elle a relevé un nouveau challenge : Bernard Tapie est venu lui demander en 1990 de prendre la direction du groupe Adidas qu'il venait d'acquérir. Elle connaissait depuis une dizaine d'années Bernard Tapie pour avoir tenté de faire des affaires avec lui, mais sans résultat concret (Bernard Tapie était spécialiste des reprises d'entreprise en liquidation et de la valorisation et revente de leur actif).
     

     
     


    Pour Adidas, dont elle a présidé le directoire puis le conseil de surveillance jusqu'à sa revente (qu'elle a négociée) en 1994 au milliardaire Roger Louis-Dreyfus. Pour redresser financièrement Adidas (au bord de la faillite), Gilberte Beaux a revendu d'autres entreprises du groupe Tapie comme La Vie claire avec de fortes plus-values, puis a accompagné la revente d'Adidas, remis à flots en deux ans (revendu parce que son propriétaire a été nommé ministre) dont fut chargé le Crédit lyonnais (ce qui allait aboutir à une très longue affaire financière et judiciaire car le Crédit lyonnais a fait de très substantiels gains en cachant la valeur réelle d'Adidas).

    Cette revente a coïncidé à peu près avec la mort de son mari en 1995. Édouard Beaux avait acheté un ranch en Argentine et s'y était installé. Veuve, elle a découvert que la vie là-bas y était agréable et s'y est définitivement installée, commençant à près de 70 ans une nouvelle vie de paysanne argentine, du reste très appréciée localement pour avoir soutenu des opérations d'archéologie dans le coin. Ce qui est amusant, c'est que Marie-France Garaud et son collègue politique Pierre Juillet étaient eux aussi, à leurs heures perdues, des éleveurs de moutons dans la campagne profonde !

    Elle qui a passé une trentaine d'années à voyager dans le monde pour les affaires, se rendant sur tous les continents, Europe, Amérique, Asie, reconnaît cependant un trou dans sa raquette, elle ne connaît pas l'Australie ! Elle a été aussi nommée membre du Conseil Économie et Social (devenu CESE, avec Environnemental), pour lequel elle est partie au Japon pour une mission d'étude, qui a abouti à un rapport publié au Journal officiel : "Pour une politique européenne et française face au Japon" (popularisée par un ouvrage grand public : "La Leçon japonaise", ed. Plon). Elle a aussi publié son autobiographie "Une Femme libre" en 2006 (éd. Fayard).
     

     
     


    Gilberte Beaux est une personne qui est bien placée pour dire qu'elle s'est faite toute seule. Elle proclame à qui veut l'entendre que la personnalité et le caractère sont bien plus importants que l'intelligence pour réussir, en particulier, il faut prendre des décisions rapidement, quitte à prendre de mauvaises décisions, mais c'est toujours moins pire que ne pas décider du tout.

    Femme ayant particulièrement réussi sa vie professionnelle, Gilberte Beaux est sans doute une meilleure féministe au sens de la promotion sociale des femmes que bien des militantes féministes stériles qui pinaillent sur des aspects dérisoires de la vie sociale ou prêtes à s'enflammer pour l'écriture inclusive. Elle a donné trois conseils aux femmes qui souhaitent réussir : la liberté, la flexibilité et la confiance en soi. Et pour elle, c'est essentiel : si vous ne vous sentez pas à l'aise dans vos fonctions, dans votre milieu professionnel, n'hésitez pas à en changer et à vivre autre chose. Sinon, votre créativité et votre vitalité risquent de se nécroser.

    Et Gilberte Beaux est bien placée pour le dire parce qu'elle a eu plusieurs vies économiques, passant allègrement d'un secteur à l'autre pour diversifier ses expériences personelles : secteur de la banque, secteur de l'automobile, secteur de l'agro-alimentaire, secteur des médias et de la presse, secteur du pétrole, secteur du sport. Sans compter son incursion politique. Et désormais, secteur agricole avec son exploitation en Argentine. Elle a toujours été discrète et s'est peu souvent exposée auprès du grand public (selon ses activités économiques), mais elle mériterait d'être plus connue, car elle peut être un bon modèle de femmes cultivée et cultivatrice ! Bon anniversaire !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bernard Tapie.
    Marie-France Garaud.
    Raymond Barre.
    Gilberte Beaux.
    Carlos Tavares.
    Carlos Ghosn.
    Bernard Madoff.
    Jacques Séguéla.
    Gustave Eiffel.
    Francis Mer.
     

     

     







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240712-gilberte-beaux.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/gilberte-beaux-une-grande-dame-qui-255755

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/12/article-sr-20240712-gilberte-beaux.html

     

     

     

     

  • Amélie Oudéa-Castéra se baigne dans la Seine : Paris tenu !

    « Fabuleux, quel bonheur ! C'est juste génial, génial ! Bonheur total, promesse tenue ! Engagement tenu, pari tenu ! (…) C'était un pari, on s'était dit : si je deviens porte-drapeau, on nage dans la Seine ensemble. Ça y est : on l'a fait ce matin ! C'est extraordinaire. C'est vraiment hyper-émouvant ! » (Amélie Oudéa-Castéra, le 13 juillet 2024 à Paris).


     

     
     


    C'est fait ! La Ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra et l'un des porte-drapeau français pour les Jeux paralympiques d'été de 2024 à Paris, Alexis Hanquinquant, champion du monde de paratriathlon et médaille d'or aux Jeux paralympiques de 2021 à Tokyo, se sont baignés dans les eaux pas très transparentes (!) de la Seine à Paris, près du pont des Invalides, pas loin de l'Assemblée Nationale et avec la Tour Eiffel à l'horizon.

    Le bain a eu lieu peu après 7 heures 30 du matin le samedi 13 juillet 2024, histoire de rester discrets et de ne pas en faire non plus une montagne. Apparemment, seules les caméras de BFMTV étaient présentes pour marquer les mémoires. C'est Amélie Oudéa-Castéra, portant une combinaison de plongeur, qui est entrée la première dans l'eau, glissant sur la rive en raison probablement du sol couvert d'algues.
     

     
     


    La ministre, comme dans son habitude, était très spontanée et la petite fille sportive a refait surface au-delà de la gestionnaire rigoureuse des Jeux olympiques et paralympiques de Paris qui commencent treize jours plus tard, le 26 juillet 2024. Des cris de gamine, de joie sur l'eau, des mots banals, l'eau est douce, et cette énorme émotion d'être entrée dans les livres d'histoire de la ville de Paris avec l'eau du bain.
     

     
     


    En effet, la Seine était très polluée déjà en amont et se baigner à Paris était un véritable challenge, une sorte d'Arlésienne qui revenait sans arrêt dans la vie municipale, un pari souvent lancé mais jamais tenu. On se souvient que le maire de Paris, "le" maire historique de Paris, Jacques Chirac, avait lancé un tel pari en 1990 : il s'était engagé à se baigner dans l'eau de la Seine à Paris dans les trois ans. Pari non tenu par le futur Président de la République, et c'était heureux car ce qu'on risque, en plus de maladie de peau, c'est d'être infecté par diverses bactéries qui peuvent mener à la mort. On ne rigole pas avec les eaux polluées. Les sportifs olympiques sont d'ailleurs encouragés à se faire vacciner de diverses maladies (typhoïde, hépatite, etc.).
     

     
     


    Dans les relevés du vendredi 12 juillet 2024, l'eau était "baignable" en termes de pollution. En revanche, samedi matin, le débit du fleuve était encore très élevé, plus de 500 mètres cubes par seconde, ce qui est trop fort pour la cérémonie d'ouverture et pour les épreuves de natation libre et de triathlon prévues dans la Seine (la ministre a même été un peu emportée par le courant). On n'a plus qu'à espérer qu'il ne pleuve pas dans la seconde quinzaine de juillet.

    Le mois dernier, la Seine n'était pas encore "baignable" en raison de la météorologie indélicate avec les nombreuses pluies qui ont entraîné des rejets pollués dans le fleuve. Des épreuves de natation devraient se faire dans ces eaux lors des Jeux olympiques et paralympiques. Un pari donc fou quand on voit d'où l'on part et il a bien fallu une ministre pour convaincre les sportifs olympiques que l'eau serait utilisable.
     

     
     


    Pour le coup, Amélie Oudéa-Castéra a grillé la politesse à deux autres personnalités qui avaient annoncé qu'elles feraient trempette dans l'eau de la Seine : le Président de la République Emmanuel Macron et la maire de Paris Anne Hidalgo. Cette dernière avait reporté plusieurs fois la date de sa baignade, maintenant prévue le 17 juillet 2024. Ce ne sera donc plus un exploit ni un événement mondial pour madame 1% à l'élection présidentielle de 2022. En raison de la dissolution et du futur changement de gouvernement, Amélie Oudéa-Castéra devait se dépêcher d'aller au bain si elle voulait encore le faire ès qualités, puisque dans quelques jours, elle ne sera plus ministre (elle l'est depuis le 20 mai 2022, avec également un passage éclair de moins d'un mois au Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse en janvier 2024).

    Je ne sais pas si l'engagement de la maire de Paris de permettre aux Parisiens (et aux autres !), tous, pas seulement quelques sportifs, de se baigner dans la Seine à Paris pour l'année 2025 sera tenu car il est fort probable que la pollution, surveillée au jour le jour avec des seuils bien déterminés, ne donne pas forcément entière satisfaction : en effet, dépendre des conditions météorologiques pour assurer la sécurité d'une baignade serait particulièrement difficile à gérer si c'était accessible au grand public.


    Bien entendu, dans les réseaux sociaux, cet exploit a été diversement commenté : admiration pour le courage de la ministre, et, comme souvent avec des oisifs qui passent leur temps sur Internet, aigreurs et dénigrements. Cependant, il y a eu deux autres types de commentaires qui reviennent souvent et qui sont intéressants.
     

     
     


    Les premiers sont portés à se faire les vertueux du budget de l'État, et ils ont raison avec plus de 3 000 milliards d'euros de dette publique (aujourd'hui, le risque politique que la dette s'aggrave est très élevé), en rappelant que le projet pour dépolluer les eaux de la Seine coûte en argent public autour de 1,4 milliard d'euros (je n'ai pas vérifié mais cela me paraît un ordre de grandeur cohérent). Évidemment, le débat est : qu'aurait-on pu faire avec cet argent pour les hôpitaux, pour les écoles, pour la justice, pour le logement, etc. ?

    D'un point de vue théorique, ceux qui s'interrogent ont raison, et l'engagement politique, justement, à mon sens, se résume à faire des priorités budgétaires, des choix de financer tels projets plutôt que tels autres. Mais avec ce raisonnement, on ne ferait plus rien tant que demeureraient la misère humaine, la pauvreté, etc. Or, on sait bien aussi que des projets fous, qu'on penserait même issus de caprices de dirigeants, ont fait beaucoup pour l'humanité, pour les nouvelles technologies, etc. L'exemple le plus démonstratif est sans doute l'homme qui a marché sur la Lune, totalement inutile d'un point de vue scientifique pour l'objectif, mais tellement utile pour la méthode et les moyens avec de nombreuses retombées technologiques (sur l'isolation thermique par exemple). Et puis, il y a aussi un facteur difficilement quantifiable, le facteur d'émotion ou de psychologie : probablement que la victoire lunaire des Américains a contribué, ce n'est pas la seule cause bien sûr, à l'échec définitif du communisme et de l'Union Soviétique.

    Alors, faire de ces Jeux olympiques et paralympiques la devanture d'une France qui gagne, qui trouve des solutions technologiques à des problèmes qui n'ont jamais été résolus depuis des dizaines d'années, rendre la France et les Français fiers de leur pays, leur redonner confiance (malgré la pagaille parlementaire ou justement à cause de la pagaille parlementaire), une France qui donne de l'émotion, ce ne sera jamais inutile et cela peut aussi engager les investisseurs, aujourd'hui dans l'expectative depuis la dissolution et les élections législatives, à continuer à faire confiance à la France, à s'y installer et à y créer encore plus d'emplois (pour le bien des Français, et de leurs budgets publics).

     

     
     


    Les seconds types de commentaires sur lesquels je veux aussi m'arrêter, c'est évidemment l'humour. Et les réseaux sociaux sont très généreux avec l'humour. Beaucoup d'internautes proposent ainsi des photographies de la ministre avant et après son bain, bien sûr, le "après" montre une sorte de monstre avec plein de bouton, c'est selon les trouvailles des uns et des autres. Il y a aussi des jeux de mots sympathiques, comme celui-ci : « Elle est ressortie avec tellement de bactéries que Macron l'a nommée Ministre des Spores. ».
     

     
     


    Ou quelques moqueries sur la ministre elle-même (si elles sont bon enfant, pourquoi pas ?) : « On annonce son passage à Rouen, en direction du Havre... ».
     

     
     


    Et la palme, à mon avis, pour cette mise en situation, revient au conseil de cabinet à Matignon, avec Gabriel Attal qui dit : « Je vous propose de reprendre cette réunion un peu plus tard, le temps de trouver d'où vient cette odeur de vase et de rat crevé. » !
     

     
     



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (14 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Pas d'Éducation nationale pour AOC.
    Amélie Oudéa-Castéra se baigne dans la Seine : Paris tenu !
    Adèle Milloz.
    Éric Tabarly.

    Coupe de France de football 2023 : victoire de Toulouse ...et d'Emmanuel Macron !
    France-Argentine : l'important, c'est de participer !
    France-Maroc : mince, on a gagné !?
    Qatar 2022 : vive la France, vive le football (et le reste, tant pis) !
    Après la COP27, la coupe au Qatar : le double scandale...
    Vincent Lindon contre la coupe au Qatar.
    Neil Armstrong.
    John Glenn.
    Michael Collins.
    Thomas Pesquet.
    Youri Gagarine.
    Le burkini dans les piscines.
    Les seins nus dans les piscines.
    Roland Garros.
    Novak Djokovic.
    Novax Djocovid.
    Jean-Pierre Adams.
    Bernard Tapie.
    Kylian Mbappé.
    Pierre Mazeaud.
    Usain Bolt.












    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240713-oudea-castera.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/sports/article/amelie-oudea-castera-se-baigne-255831

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/13/article-sr-20240713-oudea-castera.html