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  • Charlotte Lepic a la trentaine

    « Charlotte fait partie de moi. Au début, elle était renfermée, mais avec les années, elle s'épanouit et se montre de plus en plus déterminée. (…) Avec les autres enfants de la série, nous sommes aussi très soudés. Un peu comme une deuxième famille. Depuis huit ans, nous vivons des choses exceptionnelles ensemble. Nous essayons de nous voir régulièrement en dehors des tournages. » (Cannelle Carré-Cassaigne, le 3 février 2016 dans "Paris Match").



     

     
     


    C'est ce vendredi 21 mars 2025 que Charlotte Lepic fête son 30e anniversaire. Oups ! Non, pas Charlotte Lepic, mais l'actrice Cannelle Carré-Cassaigne. C'est l'ennui avec les séries télévisées qui durent longtemps et qui ont du succès : l'acteur se confond avec son personnage. Après, c'est très difficile de s'en défaire, voyez Peter Falk, même si, pour certains comédiens en fin de carrière, c'est une rente confortable (généralement, une série policière, il y en a de nombreuses).

    La série dont il est question, c'est la succulente "Fais pas ci, fais pas ça", sans doute la meilleure série télévisée française contemporaine (je m'avance prudemment en ajoutant "française contemporaine", mais je pourrais presque le supprimer). Chronique sociale sans précédent, cette série qui a été diffusée sur France 2 du 8 septembre 2007 au 19 juin 2017 sur France 2 et avec deux épisodes exceptionnels diffusés le 18 décembre 2020, puis le 18 décembre 2024 sur France 2. Les dernières rediffusions ont eu lieu ces dernières années le vendredi soir sur la chaîne NRJ12 qui vient d'être interrompue le 28 février 2025. À l'occasion de la sortie du dernier épisode, toute la série pouvait être regardée gratuitement sur la plate-forme de France Télévisions du 5 décembre 2024 au 4 janvier 2025. L'épisode de 2018 a été regardé par 6,1 millions de téléspectateurs à sa première diffusion. Des DVD de la série ont été commercialisés.

    Le principe de cette série était à l'origine de faire de la téléréalité, une sorte de reportage documentaire sur deux familles, vivant dans des maisons voisines, avec des méthodes d'éducation diamétralement opposées : l'une, les Lepic, famille nombreuse traditionnelle (quatre enfants, mère femme au foyer, etc.), est dans le mode conservateur, éducation stricte avec des valeurs plutôt de droite ; l'autre, les Bouley, famille recomposée et plus moderne (grande sœur issue d'un autre père que le frère, père homme au foyer, etc.), est au contraire dans le mode permissif voire laxiste avec des valeurs plutôt de gauche, laissant la liberté aux enfants pour qu'ils s'épanouissent et fassent leurs propres expériences. On s'aperçoit assez rapidement qu'il n'y a pas de méthode d'éducation plus efficace que d'autres, et que chaque famille tend vers l'autre mode selon les besoins du moment (le fiston des Bouley militant à droite, devenant macho et cynique, par exemple) et que les deux familles qui ont finalement le même niveau de vie (habitent la même banlieue résidentielle à l'ouest parisien) sont toutes les deux bo-bo, chacune à sa façon.

    L'idée d'origine a aussi rapidement évolué vers une série télévisée classique qui raconte des choses sur le mode fictif (dans les premiers épisodes, les personnages parlent souvent à la caméra comme dans la téléréalité). La série a très bien fonctionné grâce aux idées parfois caricaturales mais toujours très drôles et souvent subtiles des scénaristes (principalement Anne Giafferi, Chloé Marçais, Quoc Dang Tran et Hélène Le Gal). Mais la succès est aussi le résultat de la grand qualité des comédiens qui ont été choisis pour les deux familles et qui se sont particulièrement éclatés, durablement, pendant cette décennie de tournage.

    La famille Lepic : les parents Fabienne (Valérie Bonneton) et Renaud (Guillaume de Tonquédec), et leurs enfants Christophe (Yaniss Lespert), Soline (Thiphaine Haas), Charlotte (Cannelle Carré-Cassaigne), Lucas (Timothée Kempen Hamel) et le petit-fils Kim (Marin et Louis Launay). La famille Bouley : les parents Valérie (Isabelle Gélinas) et Denis (Bruno Salomone), et leurs enfants Thiphaine (Alexandra Gentil), d'un autre père, Eliott (Lilian Dugois) et Salomé (Myrtille Gougat).

    Bien sûr, les acteurs jouant les quatre parents étaient déjà des comédiens confirmés dans d'autres films qui ont beaucoup apporté pour faire fonctionner cette petite "bande", tandis que les enfants étaient pour la plupart dans leur première expérience de fiction.
     

     
     


    J'ai eu une nette préférence, parmi tous ces acteurs, pour Cannelle Carré-Cassaigne et pour Lilian Dugois, probablement parce que les deux ont commencé très jeunes dans la série et qu'on a ainsi pu les voir évoluer, prendre de la maturité et de l'assurance, s'épanouir, car dix ans, c'est beaucoup lorsqu'on a, comme c'était le cas de Cannelle Carré-Cassaigne, 11 ans et qu'on est sixième. Dix ans plus tard, on devient une jeune femme adulte. Et les deux ont été d'excellents interprètes de l'esprit de la série dont le titre est d'ailleurs celui d'une chanson très connue interprétée par Jacques Dutronc (écrite par Jacques Lanzmann et Anne Segalen) avec le même rythme haletant.

    Dans la série, Charlotte Lepic est une petite fille (préadolescente) qui a peu confiance en elle et qui, d'ailleurs, est très pudique au point de refuser de se mettre en maillot de bain devant les autres dans la piscine du jardin (son père se met en maillot de bain féminin en se promenant dans les rues du quartier pour lui montrer qu'il n'y a pas de honte à se montrer ridicule, le problème étant qu'il se fait alors arrêter par la police municipale !). Et au fil des "saisons", on la retrouve un peu plus tard capable paradoxalement de se mettre à poils dans un village de vacances naturistes lors d'un voyage improbable en Guadeloupe gagné par les deux familles (avec inversion des rôles ; la mère de la famille permissive refuse obstinément de se prêter à la nudité tandis que le père de la famille conservatrice, par légitimisme social, se prête gaiement au jeu).


    Entre-temps, on voit Charlotte dépressive à cause d'un chagrin d'amour, et surtout, ce qui a surpris autant l'actrice que son personnage, elle est devenue lesbienne dans la série (sa copine faisant de l'art contemporain, une manière pour les auteurs de beaucoup s'amuser sur cet art contemporain où il y a beaucoup à boire et à manger). Cannelle Carré-Cassaigne l'a expliqué à Joséphine Simon-Michel dans une interview publiée le 3 février 2016 dans "Paris Match" : « Ce fut une grande surprise ! À chaque fois que je reçois un scénario, je m'enferme dans ma chambre, m'allonge sur mon lit et me plonge dans la lecture. En découvrant la préférence sexuelle de Charlotte, j'étais ravie car j'avais enfin autre chose à jouer avec un vrai thème à défendre. ».

    Dans ce scénario, sa mère Fabienne Lepic, devenue adjointe, devait refuser (illégalement) le mariage homosexuel d'habitants qui en font la demande en raison des consignes très strictes du maire qui voudrait se faire réélire quelques mois plus tard par un électorat très conservateur (on était alors en plein débat public sur le mariage pour tous). Mais elle ne savait pas que sa propre fille fait partie des amies des demandeuses. L'homosexualité n'était toutefois qu'une façade narrative pour la comédienne puisqu'elle s'est mariée le 28 juin 2024 à Reims, selon le quotidien "L'Union", à un élégant jeune homme (qui travaille dans le Champagne).

     

     
     


    Quand elle a fait les tests de casting pour cette série, Cannelle Carré-Cassaigne connaissait déjà assez bien l'univers des tournages car son grand frère Théodule avait tourné dans "Les Choristes", le célèbre film de Christophe Barratier (sorti le 17 mars 2004), mais aussi auparavant, dans d'autres films, dès 2000. Dès l'âge de 5 ans, Cannelle a ainsi tourné pour des spots publicitaires (en particulier pour BHV, Petit Gervais et Flanby en 2000, et Kinder surprise en 2003). Elle a aussi joué dans le film "Je déteste les enfants des autres" d'Anne Fassio (sorti le 4 juillet 2007), aux côtés de Valérie Benguigui, Élodie Bouchez, Lionel Abelanski, Axelle Laffont, etc. (qui a repris l'idée de "Fais pas ci, fais pas ça" sur les différentes méthodes éducatives, à moins que la série se soit inspiré de ce film, puisque cela a été réalisé à peu près en même temps).

    Pour les premiers épisodes de "Fais pas ci, fais pas ça", l'actrice, qui était en sixième, a bénéficié de la tolérance de ses enseignants parce qu'elle était une très bonne élève, dans un collège artistique où elle consacrait déjà ses après-midis à jouer du haut-bois. Elle voulait faire médecin ou musicienne, mais a découvert sa vocation de jouer la comédie en tournant dans "Fais pas ci, fais pas ça".

    Hélas, pour le moment, elle n'a pas eu, à ma connaissance, d'autre rôle important que dans cette série qui, évidemment, lui colle encore à la peau puisque sa notoriété lui est venue par cela.





    Cannelle Carré-Cassaigne a visiblement un grand potentiel si on regarde cette petite série qu'elle a tournée pour Internet (vingt-trois épisodes du 11 septembre 2016 au 24 juin 2017) intitulée "Le Département", une série encore plus loufoque que la précédente, où elle n'est plus Charlotte Lepic mais Camille Boulin. Elle est une stagiaire dans un énigmatique Département d'une mystérieuse grande entreprise répondant à des règles sociales bizarres et absurdes comme le montre la vidéo ci-dessus.

     

     
     


    Je lui souhaite de tourner dans quelques beaux films qui fera évoluer sa carrière vers des voies insoupçonnées (comme diététicienne-nutritionniste).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (15 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Fais pas ci, fais pas ça (à visionner sur France.tv).
    Cannelle Carré-Cassaigne.
    Gene Hackman.
    Pierre Dac.
    Jean-Louis Debré.
    Pierre Arditi.
    Pierre Palmade.
    Carla Bruni.
    Valeria Bruni Tedeschi.
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    François Truffaut.
    Roger Hanin.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250321-cannelle-carre-cassaigne.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/charlotte-lepic-a-la-trentaine-259056

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/20/article-sr-20250321-cannelle-carre-cassaigne.html


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  • François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe

    « Nous sommes parvenus à l’heure de vérité, où nous devons dire non seulement ce que nous allons faire, mais aussi ce que nous sommes. J’ai souvent affirmé que la question qui se posait à l’Europe était celle du dramaturge : To be or not to be, être ou ne pas être. » (François Bayrou, le 4 mars 2025 au Sénat).



     


    Le Premier Ministre François Bayrou a fait une déclaration au Sénat le mardi 4 mars 2025 sur la situation en Ukraine et la souveraineté militaire de l'Europe. Il l'a faite dans le cadre très institutionnel de l'article 50-1 de la Constitution à la suite de sa déclaration à l'Assemblée Nationale la veille.

    On aurait pu imaginer, comme pour les déclarations de politique générale, que le chef du gouvernement répétât à peu près son discours de la veille. Mais une différence majeure est survenue entre-temps : Donald Trump a brutalement suspendu l'aide militaire américaine à la résistance de l'Ukraine, si bien que l'Europe commence à comprendre l'importance stratégique et l'urgence de ne plus dépendre des États-Unis pour sa défense : « Cette situation, vous le savez, évolue d’heure en heure et nous place devant des responsabilités et face à des rendez-vous que nous ne pouvons pas éluder. ».

    Sur la forme, François Bayrou était encore plus à l'aise que la veille à l'Assemblée. Il n'a pratiquement pas lu ses notes et a fait sa déclaration directement en regardant les sénateurs dans les yeux. Ce sujet de l'Europe et de sa souveraineté de défense est l'un des points forts des convictions démocrates chrétiennes de François Bayrou. En tant qu'acteur majeur de l'exécutif d'un des plus grands pays européens, il est donc en posture d'influer sur le sens des événements.

    Ses premiers mots étaient pour le peuple ukrainien qui souffre sous les bombes poutiennes : « Cela a été très douloureux et, pour beaucoup de nos concitoyens, voir ainsi abandonnée, y compris dans le langage et le raisonnement, la solidarité avec l’Ukraine, a été une prise de conscience, l’Ukraine qui se bat pour sa survie et pour nos principes de droit. Ces combats, ce sont déjà 100 000 morts, des centaines de milliers de blessés, et, on a peine à l’évoquer dans un discours officiel, 20 000 enfants qui ont été déplacés pour que soit changée, par l’influence, leur identité ukrainienne, pour qu’elle soit abandonnée. Cette déportation est, pour nous, un crime contre l’humanité. Enfin, des centaines de milliers d’Ukrainiens, de femmes et d’hommes, ont été déracinés. Au fond, ils sont le visage de tout un peuple qui souffre. (…) Je l’ai dit devant l’Assemblée Nationale hier, et je veux dire devant le Sénat aujourd’hui à quel point nous avons été admiratifs et nous nous sommes sentis solidaires du Président Zelensky au regard de l’attitude qu’il a eue, refusant de plier devant l’intimidation. À cet instant, il a été le visage de l’Ukraine, le défenseur de l’honneur de la démocratie, et il portait en même temps une partie de notre honneur européen. Le Président Zelensky a honoré la mission qui est la sienne. Nous nous sommes sentis profondément solidaires de son refus de se plier à ces injonctions. ».


     


    Puis, il a développé les errements de la diplomatie de Donald Trump : « Au début, nous avons donc cru que ce n’étaient que des rodomontades. Ensuite, nous nous sommes aperçus qu’il arrive très souvent, avec ce type de responsabilités politiques, avec ce type d’outrances et avec ce type de transgressions, que les rodomontades se transforment en actes. Et nous avons vu, très vite, un changement incroyablement inquiétant et extrêmement profond de la diplomatie américaine, puisque la semaine dernière, aux Nations unies, les États-Unis ont voté avec la Russie et la Corée du Nord pour repousser une résolution dans laquelle était mentionnée la responsabilité de la Fédération de Russie dans la tentative d’annexion de l’Ukraine. Que les États-Unis refusent de nommer l’agression dont l’Ukraine est victime a été, pour beaucoup d’entre nous, une prise de conscience. Il y a eu ensuite l’agression dans le Bureau ovale et les mots que le Président Trump a utilisés. Je vous rappelle la phrase la plus significative : "Trouvez un accord avec Poutine ; autrement, nous vous laisserons tomber". Une nation indépendante, souveraine, soumise à la pire des menaces, une menace sur son existence même, et qui est abandonnée par le pays qui fut le leader de l’alliance des libertés : cela est, pour beaucoup d’entre nous, extrêmement violent. ».


     


    Et de reprendre la belle formule de Gabriel Attal dite la veille à l'Assemblée : « Au fond, la question se résume assez simplement : si la Russie arrête les combats, c’est la guerre qui s’arrête ; si l’Ukraine arrête les combats, c’est l’Ukraine qui disparaît. Cette réalité si lourde et si choquante, il est très important qu’elle soit rappelée aujourd’hui, devant le Sénat de la République. Enfin, cette nuit, a été annoncée une décision que beaucoup redoutaient, mais dont chacun voit les implications : l’annonce selon laquelle les États-Unis stoppaient désormais les livraisons d’aide à l’Ukraine. Car le mot "suspension" ne trompe personne : la suspension, dans la guerre, de l’aide à un pays agressé, cela signifie qu’on abandonne celui-ci et qu’on accepte, ou qu’on souhaite, que son agresseur l’emporte. Pour la France, pour nous tous, pour les Européens et pour tous ceux qui sont attachés aux libertés et aux droits, pour ceux qui sont attachés à la Charte des Nations unies, par exemple, c’est évidemment tout à fait insupportable. ».


     


    La fin de l'ordre international est une catastrophe collective : « Je cite presque exactement la Charte des Nations unies : c’était le refus de la violence pour régler les conflits, c’était le droit du plus juste contre le droit du plus fort. C’est ce monde-là que nous avons abandonné pour entrer dans un autre monde où, au fond, les principes sont abandonnés. Et cet abandon des principes menace l’existence même des relations internationales telles que nous les avons voulues et construites. ».

     


    Selon François Bayrou, c'est à l'Europe de reprendre le flambeau du droit international et des valeurs : « Devant cette incroyable agression, cet abandon des principes et ce changement de l’ordre du monde, beaucoup d’entre nous, beaucoup de nos concitoyens, se trouvent désespérés. Mais le message et la vision du gouvernement, c’est que nous ne pouvons pas désespérer ! D’abord parce que nous sommes la France et que nous sommes l’Europe. Nous sommes l’Europe : cela signifie que, contrairement à ce que nous croyons ou à ce que nous laissons croire, nous sommes non pas faibles, mais forts, si nous comparons les capacités de l’Union Européenne et les capacités de la Russie, et même des États-Unis. L’Union Européenne compte 450 millions d’habitants, et même 520 millions en ajoutant la population du Royaume-Uni. La population russe, c’est 145 millions d’habitants. Comparons les PIB des deux ensembles : l’Union Européenne, c’est 17 000 milliards d’euros, contre quelque 2 000 milliards d’euros pour la Russie. Comparons les arsenaux : on découvrira alors que les armées européennes, c’est 2,6 millions de soldats, plus du double de ce que peut aligner la Fédération de Russie ; que nous disposons de 15 000 aéronefs, je parle sous le regard du ministre des armées, qui peut confirmer ces chiffres, contre 5 000 pour la Russie, et de 15 000 pièces d’artillerie, contre moins de 10 000 pour la Russie. Il n’y a donc pas de déséquilibre ! Simplement, cette force-là, nous ne la mobilisons pas, et nous ne savons pas qu’elle existe. Nos concitoyens pensent que nous sommes désarmés, mais je crois le contraire. ».

     


    Et le démocrate chrétien a cité De Gaulle : « J’ai en mémoire un événement de cet ordre qui exprime à peu près la même chose. Lorsqu’on avait proposé au Général De Gaulle, nouvellement élu Président de la République, de signer le Traité de Rome, une partie des siens qui ne voyaient pas d’un bon œil ce traité lui avait demandé d’y renoncer. Néanmoins, le Général De Gaulle a pris son stylo pour le signer et, en marge de cette proposition de renonciation au traité, a écrit de sa main : "Non. Les Français sont forts, mais ils ne le savent pas". Ce que le Général De Gaulle avait comme vision pour son peuple, ce peuple dont il avait la charge, nous devons l’avoir aussi pour l’Union Européenne. Nous avons une force que nous ignorons et c’est à l’influence de cette force que nous renonçons. Nous devons entreprendre un travail considérable afin que l’Union Européenne fasse sentir ce qu’elle est et fasse entendre ce que sont sa volonté et ses principes. ».

    D'abord, l'urgence : « L’arrêt des livraisons américaines a plusieurs conséquences (…) sur les forces armées ukrainiennes. (…) La responsabilité de l’Union Européenne et des pays amis de l’Ukraine, c’est d’être capables de se substituer le plus rapidement et le plus efficacement possible aux livraisons américaines, de manière que l’Ukraine ne soit pas contrainte de craquer. C’est un devoir de civilisation que nous avons à remplir. Cela implique de mobiliser nos moyens et nos stocks, nous devons donc trouver de l’argent, mais aussi tous ceux qui peuvent apporter leur aide à un pays qui se trouve devant une si grave menace militaire. ».


    Ensuite, la souveraineté européenne : « Nous sommes appelés à faire un choix fondamental à moyen terme : les Européens sont-ils prêts à assurer eux-mêmes la sécurité et la défense de l’Europe ? Je le disais, cette question pose celle de notre existence, purement et simplement. Même si cela peut sembler paradoxal, c’est le sujet sur lequel je suis tout à fait prêt à accepter que la vision du Président américain soit respectée. Aussi, nous devons nous préparer à cette éventualité. Je pense qu’une union aussi riche et capable en armement que la nôtre a le devoir d’assurer elle-même sa sécurité ; elle n’a pas à s’en remettre perpétuellement à d’autres. Les propos que je formule ici ne sont pas différents du message que la France a envoyé au fil des générations. Depuis le Général De Gaulle, et notamment depuis le début du mandat de l’actuel Président de la République, notre message a toujours été le même : l’avenir de la défense européenne, c’est en Europe qu’il se joue. Il nous appartient de dire et de savoir si nous voulons être fidèles à cette tradition française. ». En ce sens, François Bayrou a raison. Il y a une réelle convergence de vue entre Emmanuel Macron et Donald Trump : désengagement européen des États-Unis, réengagement des pays européens pour leur propre défense.


     


    Vouloir mettre en pratique la tradition française de l'indépendance militaire, c'est anticiper certaines conséquences : « La première d’entre elles est industrielle et technologique. Nous avons à construire la base industrielle et technologique de défenses (BITD) qui permettra d’équiper les forces de défense des pays de l’Union Européenne. Il ne s’agit pas de construire une armée européenne ; on sait que cette idée, qui a été à l’ordre du jour autrefois, est abandonnée depuis longtemps. Ce qu’il faut, c’est organiser, coordonner et rapprocher les armées européennes. Toutefois, la vérité oblige à dire que, aujourd’hui, les deux tiers des équipements des armées des pays de l’Union Européenne sont acquis auprès des États-Unis. Cela signifie, je le dis à voix basse, que ces équipements sont soumis, d’une manière technologiquement certaine, à l’approbation des États-Unis avant qu’ils ne soient utilisés. C’est aussi vrai pour les pays alliés en matière d’arme nucléaire et de vecteurs nucléaires. Le paysage ainsi dépeint ne peut que nous inviter à faire preuve de détermination. Au bout de ce chemin, si notre volonté s’affirme, nous serons en mesure de mutualiser nos armements, de renforcer l’interopérabilité et d’assurer nos stocks, sans lesquels il n’est pas possible de conduire une politique sérieuse de défense. Nous pourrons également profiter d’entraînements communs. Cette coalition des armées européennes, notamment grâce au partage de leurs avancées, constitue la clef de l’avenir. En ce qui concerne les avions, les blindés, les drones, les capacités de transport, la projection dans l’espace et le renseignement, nous sommes devant des responsabilités qui, de toute évidence, vont transformer notre manière d’être. C’est aussi vrai pour ce qui touche à l’espace : le système Galileo et le programme IRIS2 sont des éléments essentiels de notre indépendance. Cette transformation suppose de très grands investissements. Hier, la Présidente de la Commission Européenne, madame von der Leyen, a annoncé qu’elle envisageait d’autoriser les États s’engageant à investir dans l’équipement des armées à dépasser la limite de leur endettement public, soit 3% de leur PIB aux termes du pacte de stabilité et de croissance. Des instruments de prêts sont préparés et un appel à l’épargne a été lancé, notamment en direction de la Banque européenne d’investissement (BEI). ».

    Construire l'Europe selon la vision française : « Le rendez-vous que l’Europe a avec elle-même, au regard de l’idée qu’elle se fait de son avenir, est aussi le rendez-vous de la France avec elle-même. Cela fait plusieurs décennies que notre pays défend une certaine idée de l’Europe : une Europe libre, solidaire, indépendante. La France a sans cesse déployé le drapeau de cet idéal dans les rangs de l’Union Européenne. L’expression de cet idéal et de cette volonté politique est étroitement liée à la santé et au rayonnement de notre pays. Les questions qui se posent à nous, rétablir l’équilibre de nos finances, dégager de nouveaux moyens, définir des stratégies de développement sur le long terme en matière agricole, industrielle et intellectuelle, retrouver la capacité créatrice de notre pays et la confiance que nous devons avoir en nous-mêmes, sont directement liées à la capacité d’influence que la France peut avoir sur l’Europe en portant un projet à la fois national et européen. ».


    Au-delà de cet horizon européen à construire, François Bayrou compte aussi sur l'unité des Français autour de leur modèle social : « La France n’est pas qu’un projet économique, c’est aussi un pacte social. Tout cela pose la question fondamentale, principielle, de l’unité du pays. Si nous sommes unis, rien ne nous résistera, mais si nous continuons à cultiver les divisions auxquelles nous sommes tellement attachés, les obstacles qui se dressent devant nous finiront par se révéler insurmontables. (…) L’idée que nous nous faisons de la liberté, du droit et d’un monde équilibré, [repose] en partie sur la capacité de la France à se ressaisir elle-même de son destin. ».

     


    À la fin du débat au Sénat, le Premier Ministre a repris brièvement la parole, notamment pour donner un satisfecit aux sénateurs plus assidus que les députés : « J’observe d’ailleurs que nombre d’entre vous sont restés jusqu’au terme du débat pour participer à la réflexion. Ce n’est pas le cas dans toutes les assemblées… Je suis frappé de l’intérêt que vous avez accordé à cette déclaration du gouvernement et je mesure l’investissement de tous les groupes politiques, quels qu’ils soient. ».

    Et d'ajouter, très conscient de la responsabilité historique de tous les parlementaires d'aujourd'hui : « Chacun voit bien que nous vivons un moment historique. Pas un seul des orateurs qui se sont succédé n’a nié le fait que nous sommes en train de changer d’ère. Voilà quatre-vingts ans que nous vivions sur la base d’un certain nombre de principes, dans un cadre de réflexion aujourd’hui profondément dégradé. Nous tous, en tant que responsables politiques, avons pour mission de préparer l’avenir. Nous allons devoir remettre en cause notre manière de voir les choses et notre hiérarchie des priorités, tout simplement pour agir. Nos concitoyens, que vous représentez vous aussi, sont personnellement concernés par ce qui est en train de se passer. Nous ne pourrons, en aucun cas, nous dérober à cette réflexion et aux remises en cause qu’elle implique. Et, comme toujours, c’est devant l’opinion publique, dans la conscience des citoyens, que tout va se jouer. ».

    Parmi les sénateurs qui ont participé au débat (« qui se sont succédé »), le docteur Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants, République et Territoires, membre de Horizons, dont l'intervention a été transmise en vidéo dans les réseaux sociaux américains et est en train d'être vues par des millions voire des dizaines de millions d'Américains, surpris par le ton très piquant (« empereur incendiaire », « bouffon sous kétamine ») pour décrire la nouvelle administration Trump qui jouit actuellement d'une absence totale d'opposition politique (ah, au fait, voici la définition sur Wikipédia : « La kétamine est un psychotrope utilisé comme anesthésique injectable. Elle est aussi employée comme analgésique, sédatif, et en médecine vétérinaire. » ; Claude Malhuret reste avant tout un médecin).


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    François Bayrou et l'heure de vérité de l'Europe.
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 mars 2025 (texte intégral et vidéo).
    François Bayrou : la France avait raison !
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    3 ans de guerre en Ukraine.
    Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !
    L'aide de la France à l'Ukraine le 6 juin 2024.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
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    Ukraine : Sophia Aram traite à la sulfateuse les néopacifistes à la notoriété déclinante !
    L'Europe face à Poutine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    Jean-Pierre Chevènement et ses relations avec la Russie.
    François Fillon et ses relations avec la Russie.
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
    2 ans de guerre en Ukraine : Poutine zéro en histoire !
    Amitié franco-ukrainienne : fake news et accord de coopération.
    Lee Marvin, les Douze Salopards et la Russie.
    La France Unie soutient l'Ukraine !
    Condoléances cyniques.
    Mort d'Evgueni Prigojine.

    Sergueï Kirienko.
    Victoria Amelina.

    L'effondrement du pouvoir de Poutine.
    Putsch en Russie : faut-il sauver le soldat Poutine ?
    Poutine en état d'arrestation !
    Ukraine, un an après : "Chaque jour de guerre est le choix de Poutine".
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    Kherson libéré, mais menace nucléaire ?

    Volodymyr Zelensky demande l'adhésion accélérée de l'Ukraine à l'OTAN.
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Les massacres de Boutcha.
    Le naufrage du croiseur russe Moskva.
    L’assassinat de Daria Douguina.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    L'avis de François Hollande.
    Les valeurs valent mieux que les bénéfices !
    Poutine paiera pour les morts et la destruction de l’Ukraine.
    Ukraine en guerre : coming out de la Grande Russie.
    Robert Ménard, l’immigration et l’émotion humanitaire.
    Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !




     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250304-bayrou.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/francois-bayrou-et-l-heure-de-259680

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/04/article-sr-20250304-bayrou.html


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  • Le candidat par intention Xavier Bertrand

    « Oui, j'en ai bien l'intention. Je n'ai pas changé d'ambition. » (3 février 2024 dans "Ouest-France").


     

     
     


    Remarquez, on pourrait intervertir les mots : "Oui, j'en ai bien l'ambition. Je n'ai pas changé d'intention". Son ambition est-elle intentionnelle ? Toujours est-il qu'il y a déjà beaucoup d'eau qui a coulé sous les ponts depuis cette interview de Xavier Bertrand, précisément un an et un mois et demi, des élections européennes, une dissolution, des élections législatives et pas moins de trois gouvernements, dont un censuré ! Xavier Bertrand fête son 60e anniversaire ce vendredi 21 mars 2025.

    C'est trop jeune pour la retraite, mais c'est déjà un âge canonique : il aura 62 ans en 2027, soit l'âge de Jacques Chirac à sa première élection à la Présidence de la République. Avec une petite différence : en 1995, Jacques Chirac avait déjà dans ses bagages deux candidatures à l'élection présidentielle, plus de quatre ans à Matignon, plus de vingt ans de chef d'un grand parti de gouvernement, sans compter dix-huit ans de maire de Paris, l'ENA, etc.

    Xavier Bertrand est sans doute moins "capé" : assureur picard, il a été élu conseiller général de l'Aisne de 1998 à 2002, député de l'Aisne de 2002 à 2016, maire de Saint-Quentin de 2010 à 2016, secrétaire général de l'UMP de janvier 2009 à novembre 2010, membre de cinq gouvernements sous Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy : Secrétaire d'État chargé de l'Assurance maladie du 31 mars 2004 au 31 mai 2005, Ministre de la Santé et des Solidarités du 2 juin 2005 au 26 mars 2007, Ministre du Travail, des Relations sociales et de la Solidarité du 18 mai 2007 au 15 janvier 2009 (avec la Famille à partir du 18 mars 2008), enfin, Ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé du 14 novembre 2010 au 10 mai 2012.
     

     
     


    Mais, ce qui le rend le plus fier, c'est d'avoir été élu en décembre 2015 et réélu en juin 2021 président du conseil régional des Hauts-de-France, réunion des régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, et à ce titre, adversaire direct de Marine Le Pen en 2015 sur le terrain régional autant que national.

    Celui qui s'amusait à faire à ses collègues des blagues de potaches à l'Assemblée est devenu un personnage grave du paysage politique français. Avec lui, tout est grave. Il se croit Président de la République mais il ne l'est pas. Il le voudrait bien mais s'en donne-t-il les moyens.
     

     
     


    En tout cas, il a raté de nombreux trains. Déjà pour être chef de l'UMP : en novembre 2012, la bataille a fait rage entre François Fillon et Jean-François Copé, et lui a préféré rester confortablement en arrière, pour compter les points. Il aurait pourtant pu être le troisième homme qui aurait surpris son monde. La présidence de l'UMP puis de LR a toujours été négligée, alors que contrôler un grand parti de gouvernement apporterait un avantage majeur dans une campagne présidentielle, son financement, ses réseaux, ses soutiens. Ainsi, il n'a pas voulu affronter Laurent Wauquiez en décembre 2017, il a même démissionné de LR, il n'a pas cherché à reprendre ce parti après sa déconfiture de 2019, ni en décembre 2022, et pas plus en mai 2025 ; il ne s'est pas présenté à la présidence de LR face à Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau (le congrès aura lieu les 17 et 18 mai 2025).

     

     
     


    Pourtant, ce n'est pas les envies qui lui ont manqué. Tiens, Matignon, c'est un peu l'Arlésienne de Xavier Bertrand. Dès 2010, il était le premier-ministrable privilégié des post-gaullistes. En novembre 2010, François Fillon s'est accroché à Matignon, si bien que la place n'était pas libre. Après la victoire du Président Emmanuel Macron en mai 2017, ce dernier lui aurait proposé Matignon avant de le proposer à Édouard Philippe. L'opposition de Xavier Bertrand à Emmanuel Macron est une sorte de jeu de rôle peu convaincant. Il se dit de droite, mais la droite sociale, du gaullisme social. Cela ne veut pas dire grand-chose, mais ces mots sont attendus.

     

     
     


    Régulièrement, il était attendu chez les macronistes. Son poulain avait franchi le Rubicon dès 2017, Gérald Darmanin, devenu pour l'occasion un sérieux rival dont l'ambition est plus qu'une intention. En été 2024, l'absence totale de majorité a placé Xavier Bertrand parmi les favoris pour Matignon, à égalité avec Bernard Cazeneuve, avec un avantage, il ne remettrait pas en cause la réforme des retraites. Soutenu par Gérald Darmanin, Xavier Bertrand a même commencé à imaginer l'ossature de son futur gouvernement. Mais en vain.
     

     
     


    Alors, pourquoi n'a-t-il pas été nommé ? À cause d'un veto. Parce que la durée de vie de son gouvernement n'aurait pas dépassé quelques semaines. Le RN était prêt à voter la censure dès sa nomination en raison du contentieux personnel qui l'oppose à sa présidente. Michel Barnier a été nommé avec un préjugé moins négatif, mais il n'a finalement duré que trois mois. S'est alors reposée la question du Premier Ministre. François Bayrou voulait nommer Xavier Bertrand à la Justice, mais, là encore, le RN a annoncé que dans une telle configuration, il tirerait à vue avec une censure préventive. Finalement, c'est Gérald Darmanin qui est revenu aux affaires pour la Justice.

     

     
     


    Quant à Xavier Bertrand, son honneur en a pris un coup et malgré d'autres propositions de ministère de la part de François Bayrou, ce serait sans lui. Sur Twitter le 23 décembre 2024, il a lâché son amertume : « Le Premier Ministre m'a informé ce matin, contrairement à ce qu'il m'avait proposé hier, qu'il n'était plus en mesure de me confier la responsabilité du ministère de la justice en raison de l'opposition du Rassemblement national. (…) En dépit de ses nouvelles propositions, je refuse de participer à un gouvernement de la France formé avec l'aval de Marine Le Pen. ».

    Alors, en attendant de revenir aux affaires, Xavier Bertrand attend. Il ne sait qu'attendre. Déjà, il avait laissé sa chance passer en 2017, il n'a pas tenté de concurrencer les trois grands (Nicolas Sarkozy, Alain Juppé et François Fillon) à la primaire LR de novembre 2016. Et sa détermination à se présenter à l'élection présidentielle de 2022 quoi qu'il en coûtât était extrêmement forte. Après avoir refusé dans un premier temps, il a toutefois accepté d'affronter ses collègues de LR dans une primaire fermée en décembre 2021. Résultat, alors qu'il était le favori des sondages, il s'est fait surpasser par ses trois principaux concurrents, Michel Barnier, Éric Ciotti et Valérie Pécresse.

    Alors, on imagine aisément qu'on ne lui reprendra plus de participer à une primaire. Mais son train est parti depuis longtemps. À LR, le combat est désormais entre Bruno Retailleau et Laurent Wauquiez. Xavier Bertrand croit à ses chances pour 2027 parce qu'il se considère comme le meilleur rempart contre le RN et contre Marine Le Pen. Il peut au moins le dire par expérience, il a déjà battu concrètement Marine Le Pen, ce qui peu de ses rivaux peuvent dire.

     

     
     


    Dans l'interview publiée le 3 février 2024 dans "Ouest-France", Xavier Bertrand insistait : « Beaucoup aujourd'hui pensent déjà que 2027 sera le tour de Marine Le Pen. Pas moi ! Je suis convaincu qu'il n'y a pas une majorité de fachos dans notre pays, mais il y a une majorité de Français en colère. J'entends y répondre le moment venu. Donc non, en 2027, ça ne sera pas le tour de l'extrême droite. ». Il n'a pas osé poursuivre : en 2027, ce serait son tour. Le croit-il vraiment ?

    Pour ce faire, le 1er octobre 2022 à Saint-Quentin, il a lancé son propre parti politique, "Nous France" (je me demande vraiment ce qu'il y a dans la tête des communicants pour pondre de telles inepties comme noms de parti). À ma connaissance, il n'a pas refait de nouvelle réunion depuis deux ans et demi. C'est toute la différence avec Horizons, qui est un véritable parti, avec beaucoup d'élus, des maires, des parlementaires, et même deux groupes parlementaires, au Sénat et à l'Assemblée, le parti de l'ancien Premier Ministre Édouard Philippe qui s'est encore réuni en congrès le 16 mars 2025 à Lille.

     

     
     


    Car la question se pose encore cette fois-ci. Depuis quinze ans, Xavier Bertrand clame après chaque élection présidentielle qu'il sera candidat à l'élection présidentielle suivante, mais dans la réalité, il n'a encore jamais été candidat ! Or, comme il le dit, 2027 sera une élection où le candidat ou la candidate du RN serait en mesure de gagner. Pour éviter un second tour opposant Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, il serait de nature salutaire qu'un seul candidat du socle commun puisse affronter ces deux redoutables candidats populistes. Pas sûr que le ton obséquieux, la mollesse des convictions qui en ferait un François Hollande de droite, soient ce qu'il y a de mieux dans le magasin du socle commun.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Qui croit encore en son avenir présidentiel ?
    Candidat à rien.
    Élections régionales de décembre 2015.
    Élections régionales de juin 2021.
    Xavier Bertrand.
    Bruno Retailleau.
    Nicolas Sarkozy.
    Jean-Louis Debré.
    Claude Malhuret.
    Philippe De Gaulle.
    François-Xavier Ortoli.
    Alain Juppé.

    Jean Tiberi.
    Édouard Philippe.
    Laurent Wauquiez.
    Aurore Bergé.
    Alain Peyrefitte.
    La sagesse inattendue de Jean-François Copé.
    Yvon Bourges.
    Christian Poncelet.
    René Capitant.
    Patrick Devedjian.

     


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250321-xavier-bertrand.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-candidat-par-intention-xavier-259397

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/19/article-sr-20250321-xavier-bertrand.html


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  • Allemagne 2025 : Feu vert pour la grande coalition CDU-SPD

    « La protection de notre liberté et de la paix ne tolère aucun retard. » (Pré-accord entre la CDU et le SPD du 8 mars 2025).






     

     
     


    Même pas deux semaines, c'est probablement un record de négociation quand il n'y a pas de majorité absolue au Bundestag, ce qui est le cas souvent et en particulier pour l'Assemblée sortie des urnes du dimanche 23 février 2025 en Allemagne. En effet, un pré-accord, c'est-à-dire, un accord de principe a été conclu le samedi 8 mars 2025 entre les deux principaux partis de gouvernement, la CDU (qui a gagné les élections avec son associée bavaroise, la CSU que je ne citerai pas par la suite) et le SPD, le parti du Chancelier sortant Olaf Scholz.

    Revenons très rapidement en arrière. Les électeurs allemands ont voté le 23 février 2025 pour élire leurs nouveaux députés qui vont siéger au Bundestag. Ces élections fédérales ont été anticipées par le Chancelier social-démocrate Olaf Scholz après l'éclatement de la coalition du feu tricolore (vert écologiste, jaune libéral démocrate, rouge social-démocrate) après une divergence de vue entre Olaf Scholz et son ministre des finances par ailleurs président du parti libéral démocrate (FDP).

    Le résultat des courses après une campagne très difficile, sur fond d'attentats et d'ingérences américaines (Elon Musk soutenant activement le parti d'extrême droite AfD), ce fut, d'une part, une forte participation par rapport aux élections précédentes (82,5% des inscrits, soit un bond de plus de 6 points par rapport aux élections fédérales du 26 septembre 2021, avec une participation de 76,4%) ; d'autre part, l'effondrement du parti au pouvoir, le SPD (social-démocrate) qui a été relégué seulement en troisième position avec 16,4% des voix et 120 sièges sur 630.


     

     
     


    Devant lui, deux grands gagnants : politiquement, l'AfD n'est pas parvenue au pouvoir mais s'est installée en confortable numéro deux du paysage politique allemand avec 20,8% des voix (il a doublé son score) et 152 sièges, devenant le premier parti d'opposition, arrivant en tête dans toutes les régions de l'ancienne Allemagne de l'Est ; institutionnellement, la CDU a gagné aussi puisqu'elle est arrivée en tête avec 28,5% des voix et 208 sièges. Les électeurs allemands ont vu en Friedrich Merz le dirigeant politique de l'Allemagne qui leur manquait depuis le retrait de la démocrate chrétienne Angela Merkel. Les Verts se sont également effondrés à 11,6% des voix et 85 sièges.

     

     
     


    Le cinquième et dernier parti représenté au Bundestag (pour être représenté, il faut au moins atteindre 5% des voix), l'autre parti populiste d'Allemagne de l'Est, Die Linke (un équivalent des insoumis) qui a amélioré son score à 8,8% des voix (soit un gain de 4 points) et 64 sièges. L'autre parti frère de la gauche populiste, la nouvelle BSW, créée le 8 janvier 2024 par d'anciens dirigeants de Die Linke, a raté de peu la marche des 5% avec 4,97% des voix, ce qui ne lui a donné aucun siège. Quant au parti libéral démocrate (FDP), finalement le fauteur de l'éclatement de la coalition de centre gauche et de ces élections anticipées, il a été lourdement et sévèrement sanctionné par ses électeurs en ne recueillant que 4,3% des voix, soit 7,1 points de moins qu'en 2021 (et la perte de ses 92 sièges !), un désastre qui le fait disparaître du Bundestag pour cette nouvelle législature.

    La CDU a donc gagné les élections du 23 février 2025, mais ne dispose d'aucun allié, généralement le FDP, pour atteindre la majorité absolue au Bundestag. Avec 208 sièges, il lui manque en effet 108 sièges pour rassembler 316 députés (sur 630). Deux solutions s'offraient à Friedrich Merz dont le leadership n'a jamais été contesté et qui a pris une certaine revanche historique dans l'après-Helmut Kohl (à partir de 2000). La CDU aurait pu faire alliance avec l'AfD pour un gouvernement axé très à droite, dont le thème de la lutte contre l'immigration serait l'un des objectifs communs. L'AfD était partante mais les dirigeants de la CDU ont toujours refusé toute alliance contre-nature avec l'AfD dans un pays qui a vécu le nazisme, la période la plus effroyable.

     

     
     


    Il n'y avait donc pas d'autres possibilités : la CDU et le SPD se sont mis d'accord pour gouverner ensemble, malgré leurs nombreuses divergences. C'est l'objet des négociations actuelles qui ne font que débuter. En effet, le 8 mars 2025 a eu lieu un pré-accord, mais il reste encore à définir précisément un programme de gouvernement ainsi que la composition du gouvernement (pour la coalition sortante, l'accord de gouvernement de 2021 comptait 177 pages !). C'est ce qu'on a appelé historiquement la "grande coalition" (la « GroKo »), qui n'est pas nouvelle puisque Angela Merkel a gouverné trois mandats sur quatre ainsi. La CDU et le SPD, à eux deux, représentent 328 sièges sur 630, donc une majorité absolue.

    Dans ce texte du pré-accord, intitulé "Sondierungspapier" [document exploratoire], beaucoup d'éléments ont été exprimés, présentés lors d'une conférence de presse commune de Friedrich Merz (président de la CDU), Markus Soder (président de la CSU et ministre-président de Bavière), Lars Klingbeil et Saskia Esken (les deux coprésidents du SPD), tenue au Bundestag. Ce pré-accord préconise des contrôles renforcés aux frontières contre l'immigration illégale (« en accord avec les partenaires européens ») et l'expulsion des étrangers en situation irrégulière. En contre-partie, le SPD a fait prévaloir sa mesure d'augmentation du salaire minimum à 15,00 euros par heure d'ici à 2026 
    (actuellement, c'est 12,82 euros par heure) et la prolongation de deux ans de l'encadrement des loyers.

    À cette conférence de presse, Friedrich Merz a notamment déclaré : « Nous avons rédigé un document commun et nous sommes parvenus à un accord sur toute une série de questions. (…) Nous sommes tous convaincus que nous avons une grande tâche à accomplir face aux défis auxquels l'Europe entière est confrontée. (…) Le monde n'attend pas ! ».
     

     
     


    Après deux ans de récession, des difficultés économiques et énergétiques, l'Allemagne avait besoin d'une relance massive, ce qui sera le cas avec le plan d'investissement de 500 milliards d'euros. Le document commence ainsi, réaffirmant d'ailleurs très fermement le soutien à l'Ukraine : « L’Allemagne fait face à des défis historiques. La situation économique est tendue, les développements politiques mondiaux nous mettent au défi, des investissements massifs sont nécessaires pour améliorer le quotidien des habitants de ce pays. Notre exigence est claire : l’Allemagne a besoin de stabilité et de renouveau, pour un avenir sûr, pour la force économique et pour la cohésion sociale. Dans une période d’incertitude croissante en Europe et dans le monde, nous prenons nos responsabilités. La protection de la liberté et de la paix, le maintien de notre prospérité et la modernisation de notre pays ne tolèrent aucun retard. Notre but est de renforcer la capacité de défense intérieure et extérieure de l’Allemagne, d’investir massivement dans notre infrastructure et de poser les bases d’une croissance durable et soutenue. Nous voulons prendre nos responsabilités en Europe, et renforcer ensemble avec nos partenaires la capacité de défense et la compétitivité de l’Europe. Une chose est claire : L’Allemagne reste aux côtés de l’Ukraine. La fondation d’un gouvernement stable est un financement solide. C’est pourquoi nous nous sommes mis d’accord pour donner la priorité aux questions centrales d’investissement et de financement. Avec un fonds spécial de 500 milliards d’euros, nous remettons notre pays en forme et investissons dans les routes, les rails, l’éducation, la numérisation, l’énergie et la santé. En même temps, nous garantissons la capacité de défense de l’Allemagne et de l’Europe avec des moyens supplémentaires, car la protection de notre liberté est indispensable. Une chose est claire : nous voulons continuer à soutenir l’Ukraine. Nous sommes unis par la volonté de recréer de la confiance. Nous voulons consolider la cohésion sociale, en soulageant les familles, en renforçant la sécurité sociale et en reconnaissant les efforts de la classe moyenne qui travaille dur. Nous améliorer et simplifier la vie des habitants de ce pays. ».

     

     
     


    Huit points sont énumérés qui précisent surtout les conditions financières du plan d'investissement de 500 milliards d'euros et la prise en compte du frein à la dette. En effet, le problème en Allemagne est que la loi fondamentale (la Constitution) oblige un équilibre budgétaire, et pour la réviser, il faut une majorité des deux tiers. Mais les écologistes ont accepté de s'accorder sur ce sujet, dès lors que l'emprunt spécial ne finance pas une baisse des impôts mais bien une augmentation de la dépense publique. Il faut dire que les équipements publics et les infrastructures en Allemagne sont en très mauvais état et ont besoin de ce réinvestissement massif, parallèlement à l'effort de défense.

    En outre, seulement le premier % de PIB du budget de la défense sera comptabilité dans le frein à l'endettement, pas les autres % des dépenses de défense, conformément à la nouvelle règle de la Commission Européenne.

    La conséquence immédiate de cet accord, c'est que le Bundestag a voté ce mardi 18 mars 2025 en session extraordinaire le principe de ce fonds d'investissement massif de 500 milliards d'euros (dont 100 milliards seront alloués aux communes) : « Ce fonds spécial doit servir à des investissements dans les infrastructures. Cela comprend la protection civile et de la population, l’infrastructure de transport, les investissements dans les hôpitaux, l’infrastructure énergétique, dans l’infrastructure d’éducation, de soins, et les installations scientifiques, dans la recherche et développement et dans la numérisation. ».
     

     
     


    L'objectif était que cette réforme, qui nécessitait les deux tiers des voix, fût votée avant l'installation du nouveau Bundestag le 25 mars 2025, car la CDU, le SPD et les Verts n'y représenteront que 413 sièges, moins que les 420 nécessaires (majorité des deux tiers), alors qu'actuellement, dans la configuration de 2021, les trois partis représentent 521 sièges (voire 613 avec le FDP) sur 736 au total (les deux tiers imposent au moins 491 voix).

    On le voit bien, l'arrivée de Friedrich Merz à la tête du gouvernement allemand va être le point de départ d'une nouvelle période pour l'Allemagne qui va être plus dépensière, plus endettée, afin d'assurer des services publics qui sont actuellement dans une situation pire qu'en France. Le Président français Emmanuel Macron, qui avait déjà reçu à l'Élysée Friedrich Merz le 26 février 2025, juste après les élections, l'a rencontré à nouveau ce mardi 18 mars 2025 à Berlin. Le couple franco-allemand semble redevenir une nouvelle force de l'Europe, avec deux poids lourds politiques sur la scène internationale, Friedrich Merz et, bien sûr, Emmanuel Macron. Il faut bien cela pour faire face à la collusion Donald Trump et Vladimir Poutine.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Allemagne 2025 : Feu vert pour la grande coalition CDU-SPD.
    Allemagne 2025 : victoire de Friedrich Merz (CDU).
    Marché de Noël de Magdebourg : le retour du risque terroriste.
    L'éclatement de la coalition Rouge Jaune Vert en Allemagne.
    Friedrich Merz.
    Olaf Scholz.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Élections européennes 2024 (7) : Ursula von der Leyen et ses trois priorités, la défense, le logement et la compétitivité.
    Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen.
    Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".
    Konrad Adenauer.
    Daniel Cohn-Bendit.
    Volkswagen.
    Hans Modrow.
    Dmitri Vrubel.

    Le mur de Berlin.
    La chute du mur de Berlin.
    La Réunification allemande.
    Berlin 1989 : le 9/11 avant le 11/9.
    Maus.
    Le massacre d'Oradour-sur-Glane.
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    Le testament de Benoît XVI.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !
    Couvrez ces seins que je ne saurais voir !
    Olaf Scholz, l’étincelle du feu tricolore.
    Législatives allemandes 2021 (2) : Olaf Scholz bientôt Chancelier.
    Bonne retraite, Frau Merkel !
    Législatives allemandes 2021 (1) : INCERTITUDE !
    L’Allemagne en pleine fièvre extrémiste ?
     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250308-allemagne.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/allemagne-2025-feu-vert-pour-la-259784

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/11/article-sr-20250308-allemagne.html


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  • Syrie : peut-on encore massacrer en paix ?

    « Le pouvoir syrien a du mal à contrôler ses propres troupes et sa population. (…) Il y a des unités avec des combattants étrangers, comme des Ouzbeks, mais aussi des civils, qui se vengent d’événements qui ont pu se produire il y a dix ou quinze ans. (…) La majorité de la population dans les régions alaouites ne voulait pas repartir dans un cycle de guerre et de représailles. Si elle est confrontée à des actions de grande ampleur et des massacres, cela pourrait fournir aux insurgés le soutien populaire dont ils manquaient jusqu’à présent. » (Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie au CNRS, le 8 mars 2025 sur RFI).




     

     
     


    Il est aujourd'hui des questions stupides qu'on se pose en écoutant l'actualité. Comme : peut-on encore massacrer en paix ? Le mot "paix" est à prendre dans ses deux sens. Le sens propre, à savoir la paix, contraire de la guerre où l'on massacre allègrement (c'est même la définition de la guerre, si possible des combattants et pas des civils), et puis le sens figuré, peut-on massacrer tranquillement ? Sans médias, sans manifestations, discrètement, dans l'entre-soi secret, sans conséquences diplomatiques, bref, en toute impunité ?

    Il faut dire que Donald Trump vient de retirer son pays de la commission d'enquête visant à faire toute la lumière sur les massacres de Boutcha et d'autres lieux d'Ukraine par les forces poutiennes.

    On peut aussi se poser d'autres questions stupides comme celle-ci aussi : le port de la cravate rend-il plus civilisé ? Non, je ne parle pas des députés RN (encore que), mais du nouveau Président de la République arabe syrienne de transition, proclamé le 29 janvier 2025 mais en exercice réellement depuis le 8 décembre 2024. Je ne sais même pas comment l'appeler : son nom de cravaté, Ahmed Al-Charaa ? Ou son nom de chef de guerre, de chef terroriste, chef de clan, chef d'Al Qaida
    , chef de Daech, fondateur du Front Al-Nosra, à savoir Abou Mohammed Al-Jalouni ?

    On le savait pourtant bien que les "islamistes modérés" n'existaient pas, pas plus que des "talibans modérés" en Afghanistan. La chute de Bachar El-Assad et sa fuite de Damas, le 8 décembre 2024, étaient attendues depuis cinquante-trois ans et la fin de la dictature de la dynastie des Assad a été un grand soulagement pour les Syriens. Mais on savait que ce soulagement serait de courte durée et que si on guérit d'une grave maladie, il ne faut pas non plus choper une autre grave maladie.


     

     
     


    La raison de cette petite réflexion ? Le massacre des innocents, du 6 au 10 mars 2025 dans l'ancien bastion de la famille Assad. Au moins 1 383 civils, principalement des alaouites, ont été massacrés dans une cinquantaine de massacres selon un communiqué publié le 12 mars 2025 par l'Observateur syrien des droits de l'homme (OSDH, une ONG syrienne créée en 2006). L'OSDH a expliqué que c'étaient des « exécutions sur des bases confessionnelles » par les forces de sécurité syriennes et des groupes alliés.

    En gros, dans quatre régions (gouvernorats), à Lattaquié, Tartous, Hama et Homs, les forces alaouites de l'ancien dictateur Bachar El-Assad se sont insurgés le 6 mars 2025 contre les forces dites gouvernementales. Cette rébellion a été étouffée le 10 mars 2025 par les forces gouvernementales après des combats sanglants. Plusieurs centaines de morts sont à déplorer des deux côtés.


    Le journaliste Pierre Haski a pu résumer les événements le 10 mars 2025 sur France Inter ainsi : « Tout dans cette tragédie était prévisible : des soldats de l’ancien régime ayant refusé de se rendre se sont livrés depuis jeudi soir à des opérations de guérilla coordonnées dans le pays Alaouite, la minorité dont était issu le clan Assad. En représailles, une vague de violence aveugle a visé aussi bien les partisans armés d’Assad, que les civils alaouites victimes de vengeances de masse pour les morts des derniers jours, mais aussi pour les décennies de dictature. Tout le monde redoutait ce scénario depuis trois mois. ».

    Ce qui est scandaleux, c'est qu'en plus de ces morts par combat, les forces gouvernementales, sunnites, ont massacré par la même occasion de nombreux civils parmi la population civile alaouite (chiite).

    Le chef de la Syrie actuelle, en plein transition, Ahmed Al-Charaa, dans son beau costume de ville, s'est déclaré lui aussi scandalisé, considérant qu'il était responsable également de la sécurité de la population alaouite (« Il est de notre devoir de les protéger et de les sauver du joug des gangs du régime déchu. »), appelant ses troupes le 7 mars 2025 à « éviter toute exaction ou débordement » (c'est raté).

    Le 9 mars 2025, Ahmed Al-Charaa a annoncé qu'il allait désigner une « commission indépendante » pour enquêter sur ces massacres : « Nous demanderons des comptes fermement et sans indulgence, à quiconque a été impliqué dans l’effusion de sang de civils ou la violence contre notre peuple qui outrepasse l’autorité de l’État. ». Il a déclaré également : « Ces défis étaient prévisibles. (…) Nous devons préserver l'unité nationale, la paix civile autant que possible, et, si Dieu le veut, nous serons capables de vivre ensemble dans ce pays autant que possible. ».
     

     
     


    L'insurrection des factions pro-Assad a été condamnée par la Turquie, l'Arabie Saoudite et la Jordanie sans pour autant condamner les massacres des alaouites qui ont eu lieu en réaction. Seul l'Iran semble assez sincère dans sa condamnation des massacres (ce qui est logique) et les Force démocratiques syriennes qui contrôlent le Nord et l'Est de la Syrie (kurdes) ont appelé au calme pour « s'engager dans un dialogue national » et construire « une solution politique globale ».

    Les pays européens ont aussi appelé au calme et ont condamné fermement ces massacres des innocents, en particulier la France qui a « condamné dans les termes les plus forts les atrocités commises contre des civils sur la base de motifs religieux et contre des prisonniers ». Stefan Schneck, l'envoyé spécial de l'Allemagne en Syrie, a déclaré sur Twitter : « Je suis profondément choqué par les nombreuses victimes dans l’ouest de la Syrie et j’appelle tout le monde à rechercher des solutions pacifiques, l’unité nationale, un dialogue politique inclusif et une justice transitionnelle. Nous devons sortir du cycle de la violence et de la haine. L’Allemagne est prête à aider partout où elle le peut. ».

    Mais l'indignation internationale a semblé toutefois assez molle. Pourquoi ? Sans doute pour deux raisons. La première, ce que les populations victimes de ces massacres (principalement alaouites) étaient, bien que civiles, les représentants des bourreaux d'hier et la rancœur contre les exactions d'hier a certainement aidé à réagir très mollement. En outre, les massacres entre sunnites et chiites sont très fréquents depuis des dizaines d'années et pourraient résumer presque à eux seuls l'histoire du Proche- et Moyen-Orient actuel.
     

     
     


    La deuxième raison est plus politique. Il ne faut pas décourager les "islamistes modérés" d'être "modérés". En fermant légèrement les yeux devant ces massacres scandaleux mais considérés alors comme de simples "bavures" des forces gouvernementales, on ne réduirait pas à néant toutes les tentatives du pouvoir en place, et en particulier d'Ahmed Al-Charaa, de gagner en respectabilité et crédit international pour normaliser la Syrie.

    C'est de plus une véritable première épreuve politique pour Ahmed Al-Charaa : dans les faits (pas dans les intentions et encore moins dans les déclarations, mais dans les faits), Ahmed Al-Charaa donnera-t-il raison à ses partisans un peu trop "emportés" contre les alaouites ou les condamnera-t-il (vraiment) avec une justice sévère afin de réprimer toute envie ultérieure de commettre ce genre de massacres ?

    Pour l'heure, les supputations politiques n'ont pas lieu d'être. C'est l'émotion qui devrait dominer les esprits avec plus d'un millier de personnes innocentes qui ont été massacrées. Je pense à elles car à travers elle, c'est toute l'humanité qui est atteinte, comme dans chaque massacre, quel qu'il soit. La nature revient souvent très rapidement au galop. Mais comment changer sa nature ? C'est tout l'art difficile de la civilisation.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (17 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Syrie : peut-on encore massacrer en paix ?
    Syrie : la chute historique de Bachar El-Assad.
    Fadwa Suleiman.
    Daech : toujours la guerre.
    Le massacre d’Alep.
    Daech en Syrie : guerre et peine.
    Flou blues.
    BHL et la Syrie.
    Vade-mecum des révolutions arabes.



     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250317-massacre-syrie.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/syrie-peut-on-encore-massacrer-en-259974

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/17/article-sr-20250317-massacre-syrie.html


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  • Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine

    « Ne cessons jamais de rappeler une chose simple : si la Russie arrête de se battre, il n’y a plus de guerre ; si l’Ukraine arrête de se battre, il n’y a plus d’Ukraine. » (Gabriel Attal, le 3 mars 2025 dans l'hémicycle).



     

     
     


    À l'occasion du débat parlementaire initié par le gouvernement sur la situation en Ukraine et la défense en Europe qui s'est tenu le lundi 3 mars 2025 dans l'hémicycle de l'Assemblée Nationale, un ancien Premier Ministre a répondu à la déclaration du Premier Ministre François Bayrou. En effet, l'actuel secrétaire général de Renaissance, Gabriel Attal, également président du groupe Renaissance (EPR) à l'Assemblée, le plus grand groupe du socle commun gouvernemental, a pris la parole au nom de son groupe pour participer au débat public sur l'Ukraine.

    Le sort de l'Ukraine est une préoccupation récurrente du jeune ancien Premier Ministre. Il s'y est rendu à l'occasion du troisième anniversaire de la guerre d'agression menée par Vladimir Poutine. Il a visité notamment à Zaporijjia, ville martyre, une école souterraine qui venait de s'ouvrir pour permettre aux enfants d'étudier en sécurité : « Rarement je n’ai ressenti autant d’espoir qu’en observant le sourire de ces jeunes, heureux de retrouver l’école pour la première fois depuis trois ans. J’ai vu l’espoir de cette jeunesse ukrainienne qui refuse de céder face à la fureur des bombes et continue à aller à l’école, à étudier, à vivre ; l’espoir d’une nation tout entière, qui vit comme un acte de résistance le fait de former de nouvelles générations de citoyens et de leur transmettre l’esprit critique qui est au fondement de nos démocraties. ».

    Rejetant la méthode brutale de Donald Trump et J. D. Vance, Gabriel Attal a soutenu très vivement le Président ukrainien Volodymyr Zelensky : « L’Ukraine n’a d’excuses à présenter à personne. Le peuple ukrainien ne mérite qu’une chose : le respect. Je tiens à rendre hommage avec vous à ces femmes et ces hommes qui refusent la fatalité, la défaite, qui refusent tout simplement de disparaître. Plus encore en revenant d’Ukraine, plus encore après les événements de ces derniers jours, je crois qu’il n’y a pas de question plus forte, plus existentielle, plus révélatrice aussi, que la position de chacun de nous sur le conflit en Ukraine. Plus forte, parce qu’il est clair que nous sommes à un point de bascule. Ce qui se joue en Ukraine, ce n’est pas seulement l’avenir d’un pays souverain : ce sont aussi les intérêts de la France et des Français qui sont en danger. ».


     

     
     


    Reprenant l'idée que l'Ukraine n'est pas le seul objectif de Vladimir Poutine, il a considéré que l'Europe était donc menacée : « Qu’on le veuille ou non, cette guerre nous concerne aussi, et de son issue dépendra une part de notre avenir. Si, pour certains, le simple fait de défendre une démocratie agressée ne suffit pas à vaincre les réticences, alors qu’ils pensent aux conséquences matérielles et sociales pour la France et les Français. Car oui, une victoire de la Russie aurait des conséquences dévastatrices, y compris pour nous. Je pense à notre approvisionnement en énergie, à notre accès aux céréales, au pouvoir d’achat des Français, qui seraient confrontés à une inflation puissance 10 ; je pense à des mouvements de populations sans précédent, ainsi qu’à la sécurité de l’Europe. Le coût d’une victoire de la Russie serait donc infiniment plus fort que ne l’est celui d’un soutien à l’Ukraine. Ce n’est pas une guerre lointaine qui se joue, c’est la vie quotidienne des Français qui est en première ligne. Je crois, ensuite, qu’il n’y a pas de question plus existentielle que l’avenir de ce conflit. La diplomatie est en danger de mort et elle pourrait être supplantée par un ordre mondial brutal, fondé sur la loi du plus fort et les instincts de prédation ; un ordre mondial vidé de son sens et de ses valeurs, où les démocraties libérales seraient incapables de se défendre ; un ordre mondial où les intérêts purement transactionnels auraient remplacé une communauté de valeurs et de destin. Car derrière l’Ukraine, c’est l’Europe qui est en danger. Que personne ne soit dupe : Vladimir Poutine ne cherche qu’à gagner du temps pour reprendre son souffle, face à une résistance ukrainienne qu’il ne parvient pas à étouffer. Mais l’appétit du Kremlin est insatiable, et personne ne doit douter que derrière l’Ukraine, il y a la Moldavie, la Roumanie, les États baltes, la Pologne, la Finlande, l’Union Européenne et l’OTAN. Le régime russe ne tient désormais que par et pour la guerre. ».

    Et de craindre l'effet domino : « Ce n’est pas seulement une affaire européenne : le monde entier regarde l’Ukraine. Si la loi du plus fort et la brutalité l’emportent impunément, qui sait quelles conséquences d’autres puissances pourraient en tirer ? Avec les brutes et les prédateurs, la faiblesse n’a jamais eu d’autre effet que de leur désigner leur prochaine victime. ».

    Le rôle de la France est alors essentiel : « La France, qui connaît trop bien le prix de la lâcheté et des paix de dupes, a une responsabilité. Je suis fier, monsieur le Premier Ministre, que votre gouvernement, après les précédents, fasse bloc autour de l’Ukraine. Je suis fier d’avoir défendu et fait adopter à cette tribune, il y a quelques mois, à la place qui est aujourd’hui la vôtre, un accord de sécurité historique entre la France et l’Ukraine. (…) Car ce conflit est aussi un grand révélateur. Ces dernières années, la France n’a jamais failli dans son soutien à l’Ukraine. (…) Nous n’avons jamais hésité une seconde, jamais flanché face à la tentation de la reddition et d’une paix bâclée, dont les Français seraient aussi victimes. Nous n’avons jamais failli, et nous étions bien seuls. Bien seuls quand d’autres refusaient de voter le soutien à l’Ukraine, ici comme au Parlement Européen. Bien seuls quand d’autres revendiquaient leur loyauté envers la Russie ou relativisaient la portée du conflit. Bien seuls face à la légèreté de ceux qui se moquent du destin de la France et de l’Europe, n’ont pas de problème à voir un leader démocratiquement élu insulté en direct et ne s’opposent pas à une victoire russe qui barrerait lourdement la route à l’avenir des Français. ».

     
     


    Le cœur de l'intervention de Gabriel Attal s'est alors porté sur la condamnation des extrémismes en France qui ont refusé, par leurs votes, de soutenir l'effort de résistance de l'Ukraine. Ce sujet a aussi un rôle de révélation des liens de certains Français avec des puissances étrangères : « Nous sommes dans un moment où le voile se déchire, où l’on s’aperçoit que l’instinct capitulard est en fait bien souvent un esprit de complicité. Nous avons déjà vécu tout cela. ».

    Et de s'en prendre clairement à Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon : « Madame Le Pen nous donne des conseils de géostratégie, alors même qu’elle proposait, pendant la campagne présidentielle de 2022, une alliance en matière de défense avec la Russie ; alors même qu’elle disait encore, quelques jours avant l’invasion russe, que ce pays n’envahirait jamais l’Ukraine ; alors même qu’elle estimait, comme Jean-Luc Mélenchon, que les Ukrainiens ne tiendraient ni trois jours ni trois semaines, et voilà trois ans qu’ils résistent héroïquement ! Tout à l’heure, madame Le Pen, quand l’ensemble de l’hémicycle s’est levé pour applaudir et saluer le courage du peuple ukrainien, le seul groupe qui est resté assis et n’a pas applaudi, c’est le vôtre. Votre intervention l’a confirmé : l’Ukraine brûle et vous regardez ailleurs, encore une fois. ». Cette dernière formule, parodiant celle de Jacques Chirac sur l'écologie, a ciblé juste.

    D'où la nécessité de l'unité des Français dans ces moments troubles : « Je reste convaincu que, face à la puissance des enjeux, l’esprit de responsabilité peut l’emporter. Le moment appelle l’unité ; il n’est pas trop tard pour se rallier à la seule ligne juste, celle qui assure la protection de la France et la sécurité des Français. (…) Nous vivons une période d’accélération extraordinaire, où les vérités et les certitudes de la veille ne sont pas celles du lendemain, où le Président des États-Unis peut être prêt à signer un traité avec l’Ukraine le matin et à malmener le Président ukrainien l’après-midi, où le Vice-Président d’un pays allié peut venir insulter les Européens sur leur propre sol, et où chaque jour apporte son lot d’incertitudes et de contradictions. ».


    Le chef des députés macronistes a ensuite énuméré ses trois convictions sur ce sujet brûlant.

    Sa première conviction, c'est le besoin d'un nouveau leader pour le "monde libre", c'est-à-dire qui ne soit plus les États-Unis qui font désormais faux bond : « Les déclarations du Président Trump sont claires : plutôt que les valeurs de démocratie et de liberté, seuls compteront désormais les intérêts économiques américains, et tous ceux qui tenteront d’émettre des réserves seront marginalisés. Il revient donc à la France, aux nations européennes, de prendre enfin la relève, de montrer au monde que tout n’est pas permis, que tout ne se vaut pas, que tout n’est pas deals et transactions. On ne monnaye pas la défense de la liberté, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. On ne monnaye pas le soutien à la démocratie. L’Europe doit devenir la nouvelle place forte de la liberté et de la démocratie. Cela ne signifie pas tourner le dos aux États-Unis (…), mais prendre notre avenir en main, ne plus avoir peur de notre propre puissance, penser, peser, exister par nous-mêmes. Au-delà d’un nouveau leader, le monde libre a besoin d’une nouvelle grammaire, d’une nouvelle manière de fonctionner, d’une nouvelle organisation. Ces dernières décennies ont été marquées par la lente agonie de certaines de nos organisations multilatérales. Former une communauté nécessite de partager des principes, des lois et des valeurs : le concept de communauté internationale n’existe plus. Nous devons en prendre acte et bâtir une alliance qui ne se borne pas aux frontières de l’Europe, mais rallie tous ceux qui refusent l’avènement de la loi du plus fort, l’effacement de nos valeurs. ».

    Sa deuxième conviction, c'est la nécessité de la souveraineté militaire de l'Europe : « Puisque certaines grandes puissances ne comprennent plus que le rapport de force, assumons-le ! (…) Une place à la table des négociations ne se quémande pas, elle s’impose. Il y a urgence à ce que l’Europe accroisse son soutien militaire à l’Ukraine : c’est ainsi que nous pourrons pallier un éventuel désengagement américain, que l’Ukraine, si l’on veut lui imposer une paix factice, pourra continuer de résister. Afin de financer ce soutien supplémentaire, la France doit reconsidérer sa position concernant les avoirs russes gelés. Je comprends les préventions de certains à ce propos : je les ai partagées. Seulement, la situation a changé. La menace a franchi un nouveau palier. Avant d’envisager de faire payer les Français, les Européens, consacrons à l’Ukraine les près de 300 milliards d’euros que représentent ces avoirs ! ».

    Il en a profité pour rappeler son soutien à l'adhésion de l'Ukraine à l'Union Européenne, et a même souhaité « accélérer le processus d'adhésion » : « Cette adhésion rapide constituerait un moyen de faire front lors des échanges à venir, ainsi que d’offrir à l’Ukraine, par la suite, des garanties de sécurité. Cela peut se faire de manière adaptée, avec des clauses de sauvegarde pour notre agriculture, par exemple. ».
     

     
     


    Enfin, la troisième conviction de Gabriel Attal, c'est que l'Europe n'est pas faible : « La période actuelle ne doit pas susciter la tétanie, mais le sursaut. Dans leur aveuglement, les nouveaux empires qui nous mettent au défi ont commis une erreur d’appréciation : ils croient notre vieux continent fatigué de sa propre histoire et n’y voient pas couver une toute jeune communauté, si jeune que, dans sa naïveté, elle a longtemps pris pour argent comptant les discours sur sa faiblesse prodigués à dessein, mais qui vient peut-être de s’éveiller à elle-même, de prendre conscience de sa force, d’assumer son aspiration à l’indépendance, à la souveraineté. Ces dernières semaines, le temps des illusions a enfin cessé. (…) Je veux croire que les nations européennes ont ouvert les yeux. L’Europe n’étant la vassale de personne, notre objectif doit tenir en deux mots : zéro dépendance. Les résultats des récentes élections en Allemagne nous fournissent une occasion historique de progrès en ce sens. Accélérons ce qui a été entamé depuis 2017, notamment à l’initiative de la France, atteignons l’autonomie stratégique ! Instaurons pour l’Union une garantie de sécurité collective qui ne doive rien à qui que ce soit. Accroissons nos dépenses militaires, notre pays le fait depuis huit ans, et excluons-les du calcul des 3% de déficit : c’est la condition d’un réarmement européen. Créons une base d’industrie et de défense européenne bien plus ambitieuse, en travaillant à des programmes industriels communs et en imposant la préférence européenne. N’ayons pas peur, en vue de financer nos programmes de défense, d’émettre de la dette en commun. Face au covid-19, nous avons su le faire ; faisons de même pour préparer l’avenir. (…) Cessons de craindre l’indépendance, construisons-la (…). N’ayons pas peur : l’Europe doit cesser de s’excuser d’exister. Pour réussir, pour s’imposer, elle a toutes les cartes en main. L’Europe a d’abord été une culture, puis une raison ; elle doit devenir une force, une force de paix, de prospérité, une force tranquille. ».

     

     
     


    En conclusion de son intervention au débat, Gabriel Attal a rappelé le grand courage du peuple ukrainien : « L’heure d’une grande accélération a sonné. Rien n’est écrit : il y a trois ans, beaucoup ne donnaient pas deux semaines à l’Ukraine avant qu’elle ne s’effondre ; elle est toujours debout. Depuis trois ans, malgré la souffrance du deuil, le drame de la destruction et la brutalité de l’invasion, malgré les horreurs des bombardements, l’utilisation du viol comme arme de guerre, les déportations d’enfants vers la Russie, les Ukrainiens résistent héroïquement, nous montrant l’exemple d’un peuple qui se bat pour son pays, bien sûr, mais aussi pour la démocratie, pour la liberté, pour l’Europe. Puissions-nous, nous autres Européens, puiser dans son impressionnant courage la force de réagir, de nous affirmer, ne plus fuir le rapport de force, assumer enfin notre puissance ! L’histoire jugera durement ceux qui ont tourné le dos à l’Ukraine ; elle sera intraitable à l’égard de ceux qui ont cru pouvoir pactiser avec la Russie ; mais être du bon côté de l’histoire ne suffit pas, encore faut-il l’écrire. Nos valeurs ne sont rien si nous ne nous tenons pas prêts à les défendre. Nous ferons bloc : l’avenir de la France, l’avenir de l’Europe en dépend. L’Ukraine vaincra. L’Europe sera. ».

    Le lendemain, dans la séance des questions au gouvernement du mardi 4 mars 2025, Gabriel Attal a reparlé de l'Ukraine. La petite différence avec le lundi, c'est que Donald Trump a décidé, entre-temps, d'arrêter brutalement et immédiatement l'aide militaire américaine à l'Ukraine, malgré la promesse des États-Unis et les budgets votés en 2024 au Congrès. Cet événement est peut-être encore plus important que cette discussion médiatisée dans le bureau ovale de la Maison-Blanche le 28 février 2025, car la Russie en a profité pour bombarder les villes ukrainiennes et Donald Trump est pour le coup responsable personnellement de la morts des civils pilonnés.
     

     
     


    En introduction à sa question, le président du groupe EPR (Ensemble pour la République) à l'Assemblée a évoqué sa récente visite en Ukraine : « Il y a une semaine, à Zaporijjia, un soldat ukrainien me confiait : quand nous sommes au front, nous pensons à notre famille et à la famille européenne. Telle est la réalité de cette guerre : des Ukrainiens qui donnent leurs vies pour défendre leur pays, mais aussi la sécurité d’une Union dont ils ne sont pourtant pas membres ; des Ukrainiens qui remercient la France et le Président de la République pour le soutien constant apporté depuis trois ans, ce qui est un motif de fierté ; mais des Ukrainiens qui redoutent l’avenir, au moment de la suspension de l’aide américaine. ».

    Une double question de Gabriel Attal sur les conséquences à court terme du désengagement américain immédiat : « Quels besoins concrets de l’armée ukrainienne identifions-nous ? Quels équipements supplémentaires la France est-elle en mesure de mobiliser immédiatement pour répondre à ces besoins ? ».

    Et avant d'attendre la réponse, il a voulu rétablir des affirmations faussées par une inversion complètement scandaleuse : « Je veux revenir sur la complète inversion des valeurs à laquelle nous assistons : du Kremlin au bureau ovale, en passant par madame Le Pen, on cherche à présenter les Ukrainiens comme des va-t-en-guerre. Je veux leur rappeler des choses simples : l’Ukraine veut la paix, la Russie veut l’Ukraine ; l’Ukraine veut la liberté, la Russie veut un empire ; l’Ukraine veut l’Europe, la Russie veut la disloquer. Tourner le dos à l’Ukraine reviendrait à tourner le dos à notre passé comme à notre avenir. Ne nous contentons pas d’être du bon côté de l’histoire, écrivons-la jusqu’au bout ! ». Cette dernière phrase, Gabriel Attal l'avait déjà dite dans son discours du 3 mars 2025 (voir plus haut).
     

     
     


    Gabriel Attal a aussi affiché un réel désaccord avec le gouvernement mais aussi avec le Président de la République Emmanuel Macron, qui ne veulent pas confisquer les avoirs russes en Europe (on parle de 300 milliards d'euros). Pour l'instant, ces avoirs sont gelés et leurs intérêts sont versés à l'Ukraine. L'ancien jeune Premier Ministre préférerait utiliser ces avoirs à faire payer une aide militaire supplémentaire par les Français. L'exécutif, lui, serait réticent car cela reviendrait à remettre en cause la parole de la France lorsqu'on lui prête de l'argent, ce qui réduirait sa fiabilité et la confiance économique du pays, tout en violant le droit international (toutefois déjà largement violé par Vladimir Poutine en agressant et massacrant le peuple ukrainien).

    Dans sa réponse, François Bayrou a approuvé le constat du changement de situation entre le débat de la veille et cette question du jour : « Comme vous l’avez justement indiqué, hier est déjà dépassé : hier nous en étions restés à la manière brutale dont avait été traité Volodymyr Zelensky, Président de l’Ukraine ; nous y avions vu un renversement qui faisait passer notre univers, singulièrement en Europe, d’un monde régi par la loi du plus juste au monde brutal de la loi du plus fort. Vous avez, à juste titre, ajouté que ce qui rend plus insupportable encore la situation, c’est l’inversion de valeurs, au terme de laquelle les États-Unis, qui ont défendu la liberté et les principes démocratiques à nos côtés, en viennent à reprendre les arguments, les mots, les raisonnements de l’envahisseur, de celui qui veut détruire. ».


    François Bayrou a aussi applaudi la formule choc de son prédécesseur : « Vous avez eu une formule, que j’ai trouvée excellente : si la Russie arrête de combattre, la guerre est finie ; si l’Ukraine arrête de se battre, l’Ukraine est finie. Cette éloquente mise en perspective résume la situation devant laquelle nous sommes. ».
     

     
     


    La réponse du gouvernement français à la question des besoins ukrainiens, c'est que l'Europe puisse remplacer les États-Unis dans leur aide militaire : « Vous me demandez ce qui manquera aux forces armées ukrainiennes, si les livraisons d’aide américaines cessent brutalement, elles sont en train de cesser : des trains entiers, chargés de matériels pour l’Ukraine sont arrêtés et interdits de se rendre à destination. Ce qui peut manquer, ce sont les munitions, certains systèmes de renseignement, l’accès à des réseaux et la connectivité, divers soutiens logistiques et de formation. J’ajoute le soutien diplomatique et, peut-être plus important encore, le soutien de peuple à peuple : les Ukrainiens se sentent abandonnés et terriblement seuls. Vous en avez fait l’expérience quand vous vous êtes rendu en Ukraine ces derniers jours. Quel est l’enjeu pour la France ? Il s’agit de réunir tous les moyens possibles pour nous substituer, autant que faire se peut, à une aide internationale venant à s’arrêter. C’est un effort considérable que les Européens, du moins ceux qui sont décidés à aider l’Ukraine, doivent fournir. ».

    Et le Premier Ministre de réaffirmer la nécessité d'une véritable défense européennes, indépendante et souveraine : « Au-delà, et tout en souhaitant que notre soutien permette à l’Ukraine de résister, il nous faut bâtir une défense européenne. Nous devons le faire avec nos moyens, dont je me suis efforcé de montrer, hier, qu’ils ne sont pas négligeables, ils sont même, si on les additionne, nettement supérieurs aux capacités russes. La France demande depuis des années, huit années sous la Présidence d’Emmanuel Macron, et même depuis des décennies, si l’on remonte à la Présidence du Général De Gaulle, la création d’une capacité de sécurité et de défense indépendante, qui ne soit pas soumise aux décisions de ses alliés, notamment pour ce qui est des livraisons d’armements et de systèmes de sécurité. C’est donc un immense effort que nous devons fournir. Si je puis vous dire ce que je pense vraiment, cela va nous obliger à réfléchir à notre modèle, à nos priorités, et à voir différemment le monde que nous pensions connaître et dont nous avons découvert, par l’action de ceux que nous croyions être nos alliés, qu’il était plus dangereux que nous ne l’imaginions. ».

    Ces jours-là, en tout cas, Gabriel Attal a pu se poser comme celui qui, à l'Assemblée, soutient le plus fermement les forces de résistance ukrainiennes contre l'envahisseur poutinien. Cet affirmation géopolitique aura sans doute des répercussions dans le débat politique intérieure dans les prochaines années. Cela contribuera certainement à raconter une histoire cohérente dans l'objectif ultérieur d'une grande ambition personnelle, voire d'un destin national.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Gabriel Attal attaque Marine Le Pen sur l'Ukraine.
    Manuel Valls pour la paix, mais pas au prix de la fin de l'Ukraine !
    Claude Malhuret s'en prend à Néron et à son bouffon !
    Emmanuel Macron : la patrie a besoin de vous !
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 mars 2025 (texte intégral et vidéo).
    François Bayrou : la France avait raison !
    Ukraine : Trump, porte-parole de Poutine !
    3 ans de guerre en Ukraine.
    Zelensky : Poutine, c'est l'anti-Europe !
    L'aide de la France à l'Ukraine le 6 juin 2024.
    Emmanuel Macron très gaullien à la télévision pour expliquer la gravité de la situation en Ukraine.
    Débat parlementaire sur l'Ukraine : les masques tombent en France !
    Ukraine : Sophia Aram traite à la sulfateuse les néopacifistes à la notoriété déclinante !
    L'Europe face à Poutine.
    Ukraine : Emmanuel Macron est-il un va-t-en-guerre ?
    Rapport de la commission d'enquête n°1311 de l'Assemblée Nationale relative aux ingérences politiques, économiques et financières de puissances étrangères (enregistré le 1er juin 2023).
    Jean-Pierre Chevènement et ses relations avec la Russie.
    François Fillon et ses relations avec la Russie.
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Soutien à l'Ukraine : la conférence de l'Élysée pour une défense européenne.
    Conférence de presse du Président Emmanuel Macron lors de la Conférence de soutien à l'Ukraine le 26 février 2024 à l'Élysée (vidéos).
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    Ukraine en guerre : Emmanuel Macron sur tous les fronts.
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !



     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250303-gabriel-attal.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/gabriel-attal-attaque-marine-le-259656

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/04/article-sr-20250303-gabriel-attal.html


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  • Congrès du PS à Rennes : l'explosion de la Mitterrandie

    « Des querelles de personnes, depuis vingt, j'en ai connu. Mais ce que m'ont appris les dernières semaines, c'est qu'aujourd'hui, au PS, on est au-delà de l'irrationnel. Peu importent les rabibochages : entre Fabius et Jospin, il s'agit d'une lutte à mort. » (Julien Dray, le 16 mars 1990 dans "L'Express").



     

     
     


    Le témoignage en live du "jeune" député de l'Essonne Julien Dray, et pourtant très expérimenté militant propagandiste trotskiste, a montré son étonnement mais aussi son noviciat dans la cuisine interne au parti socialiste. Il y a trente-cinq ans a eu lieu le fameux congrès de Rennes, le 67e congrès du PS qui s'est tenu du 15 au 18 mars 1990 à Rennes, ville dont le maire a été, entre 1977 et 2008, l'ancien ministre socialiste Edmond Hervé.

    Pour beaucoup d'observateurs politiques, le congrès de Rennes a été le pire congrès de toute l'histoire des socialistes, le pire pour les socialistes, peut-être pas pour leurs adversaires, celui de la division, celui des magouilles, de la désinformation, de l'intimidation, de la manipulation, des coups tordus, etc. Julien Dray, qui était pourtant un agitateur politique aguerri dans les luttes d'appareil, au sein de l'UNEF puis de SOS Racisme(« Le PS, c'est bien pire que l'UNEF ! »), était forcément un nain face aux éléphants ambitieux et encombrants du parti socialiste, dont les ambitions personnelles l'emportaient bien largement sur des considérations plus collectives : « On est des jeunes. On a beaucoup appris. Ce congrès aura été une école de formation. Nous sommes vaccinés ! », a-t-il commenté à chaud auprès de Dominique de Montvalon et Bernard Mazières pour leur article d'ambiance publié le 16 mars 1990 dans "L'Express".

    Le reportage de "L'Express" décrit le champ de bataille : « La brutalité des méthodes. Sur le terrain, le clientélisme, désormais, triomphe. Chacun a "ses" hommes, et il ferait beau voir qu'un intrus se pointe ! (…) On s'y bagarre sec, tous les coups (ou presque), sont permis et l'idéologie a bon dos. (…) L'essentiel se passait chaque fois avant et après, par téléphone : quand le patron local "déconseillait" aux siens de se rendre à une réunion tenue pour "inopportune" ou leur rappelait, si nécessaire, qu'ils étaient... ses obligés. (…) Palmarès, selon Juju [Julien Dray], des sections les plus "bétonnées" : les gros bastions fabiusiens et, notamment dans certains arrondissements parisiens, les places fortes chevènementistes. "Jospinistes et mauroyistes n'ont rien à apprendre, mais eux savent y mettre les formes. Ce qui n'a pas empêché le maire de Massy de virer du jour au lendemain deux de ses directeurs pour la simple raison qu'ils avaient choisi notre motion !" (…) Oui, constate, fataliste et un peu amer, Julien Dray, "l'après-Mitterrand a commencé". Rude choc pour ceux qui constatent l'état de la "vieille maison" et se veulent pourtant, plus que jamais, les neveux de "Tonton". ».

    Factuellement, il n'est plus certain que ce congrès fût le pire, car il y en a eu d'autres, plus tard, qui étaient aussi pas mal en pleines divisions, comme celui de Reims en novembre 2008 et le dernier, celui de Marseille en janvier 2023. Le prochain s'avère aussi "passionnant" (mot pris au second degré, je précise), en juin 2025, avec une lutte déjà actée entre Olivier Faure et Boris Vallaud, et sans doute d'autres éléphanteaux. Les congrès du PS, et avant, de la SFIO, n'ont jamais été qu'une longue succession de chocs d'ambitieux et de chefs de meute.

    À Rennes, Julien Dray, à 35 ans, venait de découvrir ce Far West impitoyable. Avec son "ami" de l'époque, parlementaire de l'Essonne comme lui, un certain Jean-Luc Mélenchon, et Isabelle Thomas, l'ancienne égérie des lycéens en colère contre le projet Devaquet de 1986, ils avaient dû déposer leur propre motion au congrès (une motion, c'est l'acte politique qui vise à exister politiquement au sein du PS dans l'un de ses mille et un courants), car personne ne voulait d'eux, de ces p'tits jeunes gauchistes un peu dérangeants (et à l'époque, qui avaient des convictions), alors qu'ils auraient préféré faire une motion commune, pour rassembler l'aile gauche avec Jean-Pierre Chevènement, Jean Poperen, etc.


     

     
     


    Mais reprenons un peu le contexte historique. En mai 1988, François Mitterrand, le leader historique du PS moderne (premier secrétaire de 1971 à 1981), a été réélu Président de la République pour un second mandat de sept ans. Malade et âgé, il était certain que ce mandat serait le dernier. De quoi soulever l'appétit de potentiels héritiers. Mais dès 1988, François Mitterrand a perdu la main sur "son" PS : son successeur à la tête du PS, de 1981 à 1988, Lionel Jospin, son loyal et fidèle lieutenant lors de son premier septennat, a été nommé Ministre de l'Éducation nationale dans le gouvernement de Michel Rocard. Il fallait donc qu'il partît de la direction du PS.

    Son successeur était tout trouvé pour François Mitterrand, il avait décidé d'y placer son jeune dauphin, "le plus jeune Premier Ministre qu'il a donné à la France" (maintenant, c'est Gabriel Attal), à savoir Laurent Fabius, qui, par chance (!), était justement disponible. Le comité directeur du 14 mai 1988 s'est toutefois très mal déroulé : dans une conjuration de Michel Rocard (Premier Ministre) et Lionel Jospin (premier secrétaire sortant), Pierre Mauroy a été choisi au détriment de Laurent Fabius. La conclusion a été que Laurent Fabius a eu le perchoir comme lot de consolation. Il y a des lots de consolation moins prestigieux.


    La rivalité entre Lionel Jospin et Laurent Fabius était donc officialisée en 1988. Elle n'était pas nouvelle, car ils s'étaient déjà chamaillé en 1986 pour savoir qui conduirait la campagne législative des socialistes (leur chef d'appareil ou le chef du gouvernement socialiste ?). Ce genre de rivalité politique se retrouve aussi à droite, notamment dans la composante gaulliste, RPR puis UMP et maintenant LR (à droite, on appelle cela "guerre des chefs" et pas "congrès du parti socialiste"). Le congrès de Rennes, comme s'en est aperçu Julien Dray (voir en début d'article), était d'abord l'éclatement public du courant mitterrandiste en deux factions, les jospinistes et les fabiusiens. Y voir des différences idéologiques ou politiques serait un exploit. Juste un vaste champ des ambitions déçues. Ou pas.

    Le congrès du PS qui suivait cette désignation infamante pour le Président de la République en exercice était donc celui de Rennes en mars 1990. Michel Rocard était toujours à Matignon, Lionel Jospin à l'Éducation nationale, et Pierre Mauroy, en bon militant socialiste, qui avait cru être le dauphin de Guy Mollet en 1969, s'est épanoui dans cette fonction de chef du parti, un poste qui comptait beaucoup pour lui, qui l'honorait beaucoup, au regard de l'histoire. Ce congrès était évidemment l'occasion de remettre les choses à plat, et François Mitterrand n'hésitait pas à donner sa préférence pour la désignation de Laurent Fabius à la tête du parti, pour réparer l'affront de 1988.

    Il faut aussi expliquer le mode de fonctionnement d'un congrès socialiste. Il faut dire que c'est très compliqué, ce qui nécessite beaucoup de socialistologues patentés.

    Petite diversion par ce petit témoignage amusant de la journaliste politique Valérie Trierweiler, qui fut par la suite la compagne de François Hollande. Elle a débuté pendant cette période. Son employeur "Paris Match" l'a affectée au congrès de Rennes, c'était son premier reportage politique. Au micro de Guy Birenbaum, le 9 août 2017 sur France Info, Valérie Trierweiler a raconté "son" congrès de Rennes : « C’est à la fois un souvenir très marquant et en même temps je pataugeais totalement. J’étais toute jeune journaliste, c’était mon premier papier pour "Match" et je ne comprenais rien à ce qu’il se passait. (…) Ça a été une guerre fratricide entre les enfants de Mitterrand. C’était très compliqué, il y avait six ou sept motions différentes. Pour comprendre ce qu’il se passait, j’allais dans ma voiture de location et j’écoutais France Info. ». Elle est retournée à Paris dans la voiture de Bernard Roman, à l'époque le dauphin de Pierre Mauroy à la mairie de Lille : « Tout le monde pleurait ! ». Et d'ajouter : « Peut-être que, finalement, ce qu’il se passe aujourd’hui, l’origine est là. On a déjà des déchirures, non pas au sein du parti socialiste mais au sein de la même famille du PS, entre les enfants chéris de Mitterrand. Ça n’a fait que se déchirer par la suite. ».

    Le fonctionnement d'un congrès, c'est d'abord de déposer des contributions, qui n'impactent pas la vie interne du parti, c'est du contenu politique, programmatique, et un moyen de se montrer entre "camarades" du même courant. Puis, il y a le dépôt des "motions", qui sont ultrapolitiques, après d'éventuelles "synthèses" de contributions. Des rapports de force internes au sein du PS dépend la répartition des postes au sein de la direction du PS. Tous les courants ont donc intérêt à déposer leur propre motion pour peser au sein de l'appareil (et pour se compter auprès des militants). Et la phase finale, celle pour laquelle François Hollande était le maître par la suite, la synthèse : les motions tentent de trouver un accord entre elles pour se réunir derrière le dirigeant désigné selon les rapports de force (vote des fédérations, j'y reviendrai plus loin) et une direction diversifiée (ceux qui ne souhaitent pas s'intégrer dans la synthèse sont alors dans l'opposition interne). Exceptionnellement, aucune synthèse n'a été trouvée ni voulue à Rennes en 1990.

     

     
     


    Pour son émission "La fabrique de l'histoire" diffusée le 6 novembre 2008 sur France Culture, le journaliste Emmanuel Laurantin a expliqué : « L'affrontement entre Lionel Jospin et Laurent Fabius n'a rien d'idéologique. Le duel par seconds couteaux interposés gagne également les fédérations à l'intérieur desquelles des scissions s'opèrent. (…) [François Mitterrand] entame alors son second et dernier mandat. La question de sa succession devient donc d'actualité. Lionel Jospin est ouvertement entré en conflit avec Laurent Fabius en 1985. Lors du comité directeur de juillet 1989, le combat des deux héritiers est lancé par listes de soutien interposées et comptage des voix sur lesquelles l'un ou l'autre peut s'appuyer. L'enterrement du courant mitterrandiste bat son plein. Le débat idéologique reste au second plan et le restera tout au long du congrès (…). Sept textes sont soumis à la discussion et au vote des militants mais personne n'écoute les discours. Ni Fabius, ni Jospin ne veulent de synthèse. On négocie en coulisse et on échange des propos aigre-doux avec ses adversaires de courants. Des émissaires sont chargés de calmer le jeu. En vain, ce congrès du PS se termine sans que les courants ne se soient mis d'accord sur la composition de la direction et sur un texte commun d'orientation. Le rôle de François Mitterrand est ambigu. Son dauphin est Laurent Fabius mais il ne le soutient pas ouvertement. Il lui a d'ailleurs sans doute suggéré d'abandonner la partie pour laisser finalement la direction du parti à son ancien Premier Ministre, Pierre Mauroy, qui aura vainement tenté d'apaiser cette lutte de succession. ».

    Concrètement, neuf contributions générales ont été déposées pour le congrès de Rennes, et ensuite, sept motions soumises au vote des militants, supposées provenir d'une synthèse (ici impossible) des contributions.

    L'intérêt de présenter les contributions n'a rien de programmatique, mais est de savoir qui était avec qui. Je n'indiquerai donc pas le nom de chacune des contributions (sans intérêt car générique) mais seulement de leurs principaux signataires.

    Contribution 1 (chevènementistes) : Jean-Pierre Chevènement, Edwige Avice, Jean-Marie Bockel, Nicole Bricq, Pierre Carassus, Marie-Arlette Carlotti, Michel Charzat, Didier Motchane et Georges Sarre.

    Contribution 2 (mitterrandistes "directs") : Louis Mermaz, Pierre Joxe, Jacques Delors, Véronique Neiertz, Claude Estier, Louis Mexandeau, André Delehedde, Claude Fuzier, Charles Hernu, Frédéric Jalton, Didier Migaud, Ségolène Royal et André Vallini.

    Contribution 3 (fabiusiens) : Laurent Fabius, Jean Auroux, Claude Bartolone, Pierre Bérégovoy, Michel Charasse, Roger Hanin, Jack Lang, Daniel Percheron, Paul Quilès, François Rebsamen, Yvette Roudy et Henri Weber.

    Contribution 4 (stirnistes) : Olivier Stirn et Bernard Bioulac.

    Contribution 5 (jospinistes) : Lionel Jospin, Claude Allègre, Christian Bataille, Jean-Christophe Cambadélis, Gérard Collomb, Bertrand Delanoë, Michel Delebarre, Henri Emmanuelli, François Hollande, Jean-Yves Le Drian, Jean Le Garrec, Dominique Strauss-Khan et Daniel Vaillant.

    Contribution 6 (mélenchonistes) : Jean-Luc Mélenchon et Julien Dray.


    Contribution 7 (rocardiens) : Catherine Trautman, Alain Bergounioux, Robert Chapuis, Michel Destot, Claude Évin, Olivier Faure, Gérard Fuchs, Louis Le Pensec, François Patriat, Alain Richard, Michel Sapin, Jean-Pierre Sueur et Manuel Valls.

    Contribution 8 (lienemannistes) : Marie-Noëlle Lienemann et Patrice Finel.

    Contribution 9 (poperénistes) : Jean Poperen, Colette Audry, Jean-Marc Ayrault, Philippe Bassinet, Michel Bérégovoy, Gérard Caudron, Didier Chouat, Jean-Louis Cottigny, Michel Debout, Christiane Mora, Marie-Thérèse Mutin et Alain Vidalies.

    Petits commentaires personnels. On remarque l'absence, parmi les signataires, de Martine Aubry (fille de Jacques Delors et future jospiniste) car elle n'était pas encore une femme politique. François Hollande (qui était à l'époque "transcourant" tout en étant proche de Jacques Delors) a signé avec Lionel Jospin comme Dominique Strauss-Kahn pourtant plutôt rocardien. Au-delà des deux contributions "gauchistes" (Mélenchon et Lienemann), celles de Jean-Pierre Chevènement et de Jean Poperen étaient les plus à gauche (avec une tradition historique), et c'est intéressant d'y lire les noms de Jean-Marc Ayrault, Jean-Marie Bockel et Nicole Bricq. Parmi les rocardiens, il y avait bien sûr Manuel Valls, mais aussi Olivier Faure (et Benoît Hamon allait les rejoindre). Si Michel Rocard n'était pas un signataire (parce qu'il était le Premier Ministre), il y avait une contribution estampillée rocardienne très clairement. Quant à Pierre Mauroy (premier secrétaire sortant), lui non plus n'a pas déposé spécifiquement de contribution (afin de rester dans la capacité de rassembler et faire la synthèse), et ses partisans se sont répartis parmi les jospinistes (par exemple Michel Delebarre) et les mitterrandistes que j'appellerais "directs", c'est-à-dire fidèle à François Mitterrand sans choisir parmi ses héritiers (parmi lesquels s'est comptée Ségolène Royal).


     

     
     


    De ces neuf contributions n'est sortie aucune synthèse majoritaire, et donc, sept motions se sont disputé le vote des militants, ou, plus exactement, le vote des mandats (c'est une nuance importante, voir plus loin). Voici donc les résultats de ce congrès, sans qu'aucune motion puisse être majoritaire (dans l'ordre décroissant des votes).

    1. Motion 1 (Pierre Mauroy, soutenue par Lionel Jospin et Louis Mermaz) : 2 082 mandats (28,9%).
    2. Motion 5 (Laurent Fabius, soutenue par Olivier Stirn) : 2 075 mandats (28,8%).
    3. Motion 3 (Michel Rocard) : 1 745 mandats (24,3%).
    4. Motion 7 (Jean-Pierre Chevènement) : 613 mandats (8,5%).
    5. Motion 2 (Jean Poperen) : 518 mandats (7,2%).
    6. Motion 4 (Jean-Luc Mélenchon) : 97 mandats (1,4%).
    7. Motion 6 (Marie-Noëlle Linemann) : 47 mandats (0,7%).

    On constate que les jospinistes (avec les mauroyistes) et les fabiusiens étaient presque à égalité et que les rocardiens sont arrivés en troisième position. Les quatre autres motions étaient positionnées sur l'aile gauche et n'ont recueilli que peu de votes, moins de 20%, et de manière très dispersée (Jean-Luc Mélenchon, Julien Dray et Marie-Noëlle Lienemann ont fait cause commune dans les congrès suivants, à partir de celui de La Défense en décembre 1991).

    Malgré cette grande disparité, les jospinistes et les rocardiens avaient la majorité et se répartissaient ainsi les rôles : à Pierre Mauroy le parti, à Michel Rocard la candidature à l'élection présidentielle de 1995. Un accord implicite qui n'était pas forcément très franc (Lionel Jospin couvant déjà une ambition présidentielle) mais qui permettait de faire un barrage anti-Fabius.

    Lors du comité directeur du 21 mars 1990, une synthèse générale a été finalement adoptée, de manière très hypocrite, Pierre Mauroy a été reconduit comme premier secrétaire du PS et la direction du PS (comité directeur, bureau exécutif et secrétariat national) a été désignée proportionnellement aux votes du congrès.

    Le nouveau bureau exécutif était ainsi composé de 8 jospino-mauroyistes (Pierre Mauroy, Claude Allègre, Claire Dufour, Henri Emmanuelli, Louis Mermaz, Bernard Roman, Gisèle Stievenard et Daniel Vaillant.), 8 fabiusiens (Laurent Fabius, Claude Bartolone, André Billardon, Marcel Debarge, Daniel Percheron, Christian Pierret, Yvette Roudy et Françoise Seligmann), 7 rocardiens (Jean-Claude Boulard, Pierre Brana, Michel Deforeit, Daniel Frachon, Gérard Fuchs, Daniel Lindeperg et Alain Richard), 2 chevènementistes (Michel Charzat et Pierre Guidoni) et 2 poperénistes (Jean-Marc Ayrault et Michel Debout).
     

     
     


    Quant au secrétariat national, composé de 13 secrétaires nationaux et 13 secrétaires nationaux adjoints, on peut citer le numéro deux Marcel Debarge chargé de la coordination, Gérard Collomb (adjoint) chargé des organismes associés, Henri Emmanuelli trésorier, Gérard Lindeperg chargé de la formation, Thierry Mandon (adjoint) également chargé de la formation, Daniel Vaillant chargé des fédérations, Claude Bartolone chargé des relations extérieures, Jean-Claude Petitdemange chargé des élections, Gérard Le Gall (adjoint) chargé des sondages, Yvette Roudy chargée des droits de la femme, Bernard Roman chargé de l'information et communication, Frédérique Bredin (adjointe) chargée de l'audiovisuel, Christian Pierret chargé de l'urbanisme, écologie et collectivités territoriales, et enfin, Pierre Moscovici chargé des études et programme, qui faisait partie des fabiusiens et pas des jospinistes.

    Du 13 au 15 décembre 1991, le congrès suivant du PS s'est tenu à La Défense, sans changement des instances dirigeantes et sans motions, pour le vote d'une nouvelle "déclaration de principes" du PS. Quelques jours plus tard, le 9 janvier 1992, Pierre Mauroy a quitté la direction du PS et a proposé Laurent Fabius pour successeur, désignation adoptée par le comité directeur et qui allait être avalisée par le congrès suivant réuni du 10 au 12 juillet 1992 à Bordeaux (avec un nouveau secrétariat national le 15 juillet 1992 incluant, en numéro trois, Pierre Moscovici trésorier, et Alain Richard aux élections). Quand Laurent Fabius a pris ses fonctions, Michel Rocard n'était déjà plus Premier Ministre mais était devenu le candidat naturel des socialistes pour l'élection présidentielle de 1995.

     

     
     


    Paradoxalement, malgré les divisions, le congrès de Rennes a profondément modifié la règle du jeu et a permis d'accroître le caractère démocratique de son fonctionnement interne.

    En effet, j'ai évoqué le vote des militants, mais il s'agissait en fait de vote par mandats : chaque fédération avait un certain nombre de mandats pour le congrès proportionnellement à son nombre d'adhérents. L'insincérité du vote, c'est que celui qui dirigeait la fédération pouvait orienter le vote de tous les mandats de sa fédération (il suffisait de donner les mandats à des "camarades sûrs" de la fédération), un peu comme les élections américaines où les grands électeurs, dans la plupart des États, sont élus, tous ou aucun. Le changement, entre autres demandé par Julien Dray, c'était que c'étaient les militants eux-mêmes qui puissent voter, sans passer par des mandats, et pas les responsables de fédération, sans pouvoir de délégation, c'est-à-dire selon le principe un présent, une voix.

    De plus, il a été adopté le principe du vote secret dans les fédérations et aux congrès. Le vote à main levée permettait aux petits potentats d'appareil de faire de l'intimidation, du chantage ou du clientélisme auprès de ses adhérents, ce qui ne peut plus se faire avec le vote secret, seul vote démocratique possible car sincère.

    L'histoire du vote secret et du vote par mandats de fédération n'est pas spécifique au fonctionnement du parti socialiste et tous les partis nationaux ont, petit à petit, évolué d'un fonctionnement qui s'apparentait plus à de la cooptation par magouille qu'à un véritable vote démocratique, vers un fonctionnement plus référendaire, surtout avec l'apparition des nouvelles technologies (vote sur Internet, etc.). À ma connaissance, c'est le RPR qui a adopté le premier le principe d'un vote de son président par l'ensemble des militants (à l'instar d'une élection présidentielle), décidé par Philippe Séguin réélu ainsi président du RPR le 13 décembre 1998 (avec un score de république bananière, 95,1% des militants, en raison de l'absence d'adversaire), alors qu'avant, c'est un vote deux ou trois fois indirect.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Congrès du PS à Rennes : l'explosion de la Mitterrandie.
    La préparation du congrès de Rennes (27 janvier 1990).
    Histoire du PS.
    Manuel Valls.
    Martine Aubry.
    Hubert Védrine.
    Julien Dray.
    Comment peut-on encore être socialiste au XXIsiècle ?
    François Bayrou et la motion de censure de congrès du PS.
    Lionel Jospin.
    Claude Allègre.
    François Mitterrand.
    Jacques Delors.
    Mazarine Pingeot.
    Richard Ferrand.
    Didier Guillaume.

    Pierre Joxe.
    André Chandernagor.
    Didier Migaud.
    Pierre Moscovici.

    La bataille de l'école libre en 1984.
    Bernard Kouchner.
    Hubert Curien.
    Alain Bombard.
    Danielle Mitterrand.
    Olivier Faure.
    Lucie Castets.

    Bernard Cazeneuve
    Gabriel Attal.
    Élisabeth Borne.
    Agnès Pannier-Runacher.
    Sacha Houlié.
    Louis Mermaz.
    L'élection du croque-mort.
    La mort du parti socialiste ?
    Le fiasco de la candidate socialiste.
    Le socialisme à Dunkerque.
    Le PS à la Cour des Comptes.

     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250315-congres-ps-rennes.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/congres-du-ps-a-rennes-l-explosion-259371

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/13/article-sr-20250315-congres-ps-rennes.html


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  • Covid-19 : il y a 5 ans, "Nous sommes en guerre" !

    « Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire, certes : nous ne luttons ni contre une armée, ni contre une autre Nation. Mais l'ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale. Nous sommes en guerre. Toute l'action du gouvernement et du Parlement doit être désormais tournée vers le combat contre l'épidémie. De jour comme de nuit, rien ne doit nous en divertir. (…) Nous sommes en guerre. J’appelle tous les acteurs politiques, économiques, sociaux, associatifs, tous les Français à s’inscrire dans cette union nationale qui a permis à notre pays de surmonter tant de crises par le passé. Nous sommes en guerre. La Nation soutiendra ses enfants qui, personnels soignants en ville, à l’hôpital, se trouvent en première ligne dans un combat qui va leur demander énergie, détermination, solidarité. Ils ont des droits sur nous. Nous leur devons évidemment les moyens, la protection. Nous serons là. » (Emmanuel Macron, allocution télévisée du 16 mars 2020).


     

     
     


    C'était il y a cinq ans, le lundi 16 mars 2020. J'allais écrire "déjà", mais à l'époque, c'était long, très long. L'amorce de la pandémie de covid-19, un événement mondial, renforcé avec la multiplication des échanges internationaux (personnes et marchandises) depuis une cinquantaine d'années, qui a d'abord été un immense drame humain, des centaines de milliers et des millions de personnes sont mortes de cette nouvelle maladie, hélas, certaines que je connaissais très bien. J'allais écrire "seulement" également, car finalement, nous sommes maintenant à des années, des siècles de cette pandémie. Les "gens" ont tourné la page, tout le monde a tourné la page, et souhaite même oublier. Ne plus penser à cette période terrible, comme si chacun vivait dans un film catastrophe.

    Moi, je n'ai pas oublié le drame humain. Je n'ai pas oublié tous les désinformateurs professionnels qu'on retrouve, les mêmes !, aux mêmes places dans la désinformation sur l'Ukraine, sur la défense européenne, sur la grandeur de la France (car il faut être un piètre patriote pour penser que la France n'est pas une grande nation et ne compte pas). Je n'ai pas non plus oublié le constat que de vrais scientifiques étaient capables de dire n'importe quoi à la télévision, au risque de mettre des vies en danger, pour d'obscures raisons personnelles, d'ego rancunier.

     

     
     


    Mais je n'ai pas oublié non plus des aspects très positifs (dans le malheur absolu), la résilience des peuples, la sagesse en tout cas du peuple français à sortir au plus vite de cette pandémie par la seule voie possible, par la grande porte, celle de la vaccination massive. Je n'ai pas oublié non plus la rapidité justement dans le développement d'un tel vaccin, et ses prometteuses perspectives sur les cancers et le sida. Je n'ai toutefois pas oublié non plus l'absence de la recherche française dans la conception du vaccin contre le covid-19, et sa nécessaire remise en perspective pour l'efficacité de ses pourtant nombreux et talentueux chercheurs.

     

     
     


    Le drame humain à l'échelle mondiale se mesure hélas par le nombre de décès provoqués par la maladie. Au 13 mars 2025, le décompte est terrible : officiellement, il y a eu près de 7,1 millions de décès enregistrés, mais beaucoup de décès n'ont pas été comptabilisés, et certains évaluent à plusieurs dizaines de millions de décès le bilan global de la pandémie.
     

     
     


    Cela fait de toute façon un choc terrible dans les pyramides des âges et les statistiques selon les différents pays sont difficilement comparables. Ainsi, en France, on a comptabilisé 168 153 décès dus au covid-19, un peu moins que l'Allemagne, et beaucoup moins que les États-Unis qui ont dépassé le million de décès (1,2 million). La mortalité en France (comprendre le taux de décès dus au covid-19 sur l'ensemble de la population) est de 0,26% (2,6 pour 1 000), ce qui est plutôt le niveau moyen-bas pour des pays industrialisés comparables (les États-Unis, ce taux est de 0,36%, au Royaume-Uni 0,34%, en Italie 0,33% et en Allemagne 0,21% ; l'ensemble de l'Union Européenne 0,28%).
     

     
     


    C'est en écoutant le Président Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée du lundi 16 mars 2020 à 20 heures, après un jour et demi de rumeurs folles (blocage des villes par l'armée, par exemple) que le peuple français a compris l'extrême gravité de la pandémie et le début du premier confinement, le plus strict, qui a commencé le mardi 17 mars 2020 à midi pour une période indéterminée, suscitant de manière collatérale énormément de dépressions nerveuses, de séparations affectives, d'angoisse en général, etc. Depuis plusieurs jours, les commerces et les écoles avaient été fermés, mais le blocage complet de toute l'économie française n'a été mis en œuvre qu'à partir du 17 mars 2020. Le silence dans les rues urbaines désertes, la pureté du ciel bleu sans traces d'aéronef, ont donné au temps un étrange goût de fantastique, comme lors d'une éclipse totale du soleil.

     

     
     


    Les médias ont beaucoup regretté qu'Emmanuel Macron ait utilisé cette formule, « Nous sommes en guerre. », et cela quatre fois en quelques phrases. À l'époque, beaucoup avait pris conscience de la gravité avec cette métaphore guerrière. On dit maintenant cela rétrospectivement, en évoquant la guerre en Ukraine et en estimant qu'aujourd'hui, le Président de la République ne pourrait plus le redire. Sauf qu'aujourd'hui, nous ne sommes pas non plus (encore) en guerre qu'il y a cinq ans. Nous sommes sous des menaces, ce qui est très différent. Pour éviter la guerre, il faut surtout définir les menace et prendre les moyens pour dissuader l'éventuel belligérant de nous attaquer.
     

     
     


    Au contraire, je pense que c'était très pertinent de dramatiser déjà en 2020. Cela signifiait qu'il y avait des crises qui nécessitaient d'agir selon l'intérêt national bien au-delà des intérêts partisans, alors que la démocratie française se meurt dans des cuisines politiciennes. Les crises majeures permettent de faire avancer un pays, parfois radicalement et sans doute involontairement. Cela dépend de la capacité à anticiper les enjeux futurs.

    Sans anticiper la guerre en Ukraine qui a surpris quasiment tout le monde, Emmanuel Macron a mis dès 2020 à l'ordre du jour l'importance de la France d'être souveraine sur le plan industriel, sur le plan pharmaceutique, sur le plan alimentaire. Cette souveraineté doit s'exercer à l'échelle européenne, et cette souveraineté européenne était déjà l'obsession de la politique d'Emmanuel Macron depuis son premier discours de la Sorbonne le 26 septembre 2017.

    Depuis l'agression de l'armée de Vladimir Poutine contre l'Ukraine le 24 février 2022, Emmanuel Macron n'a cessé de décliner cette souveraineté européenne sur le plan militaire, en réclamant une véritable Europe de la défense (ce que les parlementaires français avaient refusé il y a soixante-dix ans). En mars 2024, beaucoup ne prenaient pas encore au sérieux ce projet de défense européenne d'Emmanuel Macron.

    Mais en mars 2025, la prise de conscience est totale en Europe. Il n'y a guère que parmi les partis populistes en France qu'on reste aveugle face à la menace non seulement de la Russie de Vladimir Poutine mais aussi de la fin de la fiabilité de la solidarité de sécurité des États-Unis de Donald Trump. Paradoxalement, ce sont les pays européens les plus résolument atlantistes qui maintenant rejoignent le projet de la France qui a toujours été le même depuis De Gaulle, celui de l'indépendance militaire par rapport aux États-Unis, en particulier l'Allemagne et la Pologne.


     

     
     


    C'était le sens du discours du Président Emmanuel Macron le 11 mars 2025 à Saint-Ouen, pour la pose de la première pierre du nouveau siège de la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure), en taclant les responsables extrémistes français : « La sécurité des Français est la priorité absolue du gouvernement, elle est la mienne, avec la conscience de son urgence qui a guidé notre action depuis 2017. (…) Alors, je veux vous le dire, madame la directrice générale, à vous, à vos agents, sous l'autorité du Ministre de l'Intérieur, vous avez la confiance de la Nation, et ma confiance. La France investit massivement pour vous, pour vous mettre dans la meilleure des situations, pour nous protéger, parce que nous savons qu'avec vous, nous avons les meilleurs professionnels, les plus engagés (…). Alors soyez fiers de ce que vous faites. Une Nation choisit toujours ses priorités, et la sécurité et la défense en sont qui s'imposent aujourd'hui à l'évidence. J'entendais dans les débats ces derniers jours des gens qui, en quelque sorte, remettaient en cause la menace géopolitique. Le Président de la République inventerait la menace russe. La vraie menace, c'est le terrorisme. Parfois, ils ont d'autres obsessions même. Mais on n'a pas attendu de lutter contre la menace terroriste. Vous en êtes l'incarnation et les chiffres que je viens de rappeler en sont la preuve. Ces gens-là n'ont pas suivi l'actualité manifestement. Une grande nation, elle n'a pas à choisir, elle a à répondre. Et elle n'a pas décider de lutter contre les menaces géopolitiques qui s'imposent à elle ou contre les menaces sur son sol projetées par les terroristes. Elle a à faire les deux en même temps. C'est ce que nous faisons. (…) Alors, à l'heure où l'équilibre du monde se reconfigure, où ceux qu'on croyait acquis s'éloignent et où ceux qui paraissaient exclus se rapprochent, il nous faut, en effet, défendre ces valeurs indéfectibles de notre République parce que nous n'avons aucunement envie de subir. Nous voulons choisir le destin qui est le nôtre. Et pour cela, pour que la France ait pleinement sa place, il faut ce droit en quelque sorte à la vie tranquille, ce qui fait l'engagement de l'ensemble de nos forces de sécurité intérieure, de nos forces armées, de nos magistrats et de l'ensemble de nos services de renseignement. ».
     

     
     


    La souveraineté et l'indépendance, la France s'en en donné les moyens depuis 2017 avec ses deux lois de programmation militaire. Le budget des armées aura doublé d'ici à 2030. Le général Nicolas Richoux, docteur en histoire et ancien commandant de la 7e brigade blindée, l'a confirmé le 7 mars 2025 sur Twitter : « En 2017, le budget de la défense était de 32,7 milliards d'euros. Il est désormais à 50,5 milliards d'euros. Soit une augmentation de 54%. Première loi de programmation militaire tenue de toute ma carrière. Du jamais vu. Bravo Emmanuel Macron ! ».

    La crise du covid-19 a permis d'être en capacité de dégager des investissements massifs lorsque c'était nécessaire, et cela au niveau européen. C'est le sens de l'annonce des 800 milliards d'euros, lors du Conseil Européen extraordinaire du 6 mars 2025 à Bruxelles, pour investir massivement dans les armées des États membres de l'Union Européenne afin de remplacer la protection américaine de plus en plus incertaine.

    Quand Emmanuel Macron s'était représenté devant les électeurs en 2022 pour leur solliciter un second mandat, il avait avancé qu'il était d'abord un Président de crise et qu'il savait réagir au mieux des intérêts nationaux. Cela se confirme en 2025. Et cela quoi qu'on en pense de la personne du Président de la République. Il fait le job, et si on ne le remercie pas aujourd'hui, on le remerciera demain, comme c'était le cas de De Gaulle. On tremble à imaginer à sa place, aujourd'hui, des personnalités comme Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon. Et quelques autres...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 mars 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Covid-19 : il y a 5 ans, "Nous sommes en guerre" !
    Covid : attention au flirt !
    Katalin Kariko et Drew Weissman Prix Nobel de Médecine 2023 : le vaccin à ARN messager récompensé !
    Covid : la contre-offensive du variant Eris.
    Zéro covid ?
    Covid-19 : Didier Raoult et des essais cliniques sauvages ?
    La Science, la Recherche et le Doute.
    Les confinis de Pierre Perret.
    Covid-19 : il y a trois ans, le choc, la sidération et la désolation...
    Covid-19 : de bonnes nouvelles de Chine (et de moins bonnes nouvelles).
    Covid-19 : où en est l'épidémie en France au 12 janvier 2023 ?
    Réintégration du personnel soignant non-vacciné.
    Vaccination contre le covid-19 : l'égarement du gouvernement.
    Covid-19 : le Père Noël va-t-il devoir surfer sur la 9e vague ?
    Contagion.
    La sécurité des personnes face aux dangers : meurtres, route, covid-19, environnement, climat...
    Covid-19 : alerte au sous-variant BQ1.1 !
    Covid-19 : faut-il s'inquiéter de la vague de la rentrée 2022 ?
    Le covid-19 a-t-il disparu ?
    Covid-19 : une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle.
    Covid-19 : 150 000 décès en France et l’omicron BA.5 en pleine hausse.
    Attention, le covid-19 est de retour !
    Gestion de la crise du covid : la France au tableau d’honneur !
    Covid : fin des restrictions sanitaires et extrême vigilance.
    Inquiétudes covidiennes : la pandémie est-elle vraiment terminée ?
     


     

     
     





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  • L'amiral Philippe De Gaulle célébré par Emmanuel Macron

    « Vous nous avez rappelé, Amiral, qu'il est des chênes que rien n’abat, ni le fer, ni le feu, ni l'hiver, ni l'usure. Ces chênes qui passent de la vie à l'éternité. Leur feuillage ombragent les armes de la République. Et quand autour de nous, les abatteurs menacent, nous savons qu'ils ne peuvent rien contre ces chênes-là et que par eux, par l'idéal qu'ils nous transmettent et que nous reprenons, la France tiendra. Et face aux cognées de la haine, de l'esprit de défaite ou des consciences qui parfois vacillent, s'il ne reste qu’un pays, que la France soit celui-là, debout. » (Emmanuel Macron, le 20 mars 2024 aux Invalides).




     

     
     


    Il y a un an, le mercredi 13 mars 2024, l'amiral Philippe De Gaulle s'est éteint à Paris, à l'âge de 102 ans. Fils de son père, il a été un personnage historique de l'épopée gaullienne, son témoin direct, l'observateur des années De Gaulle, celles de la Résistance comme celles du début de la Cinquième République. Militaire de carrière, résistant de la première heure, mais jamais intégré dans l'ordre des Compagnons de la Libération car son père voulait éviter toute complaisance de népotisme, Philippe De Gaulle, paradoxalement, est devenu sénateur de Paris pendant dix-huit ans, de 1986 à 2004 alors que son père voulait supprimer le Sénat en 1969.

    À la fois grand militaire de la marine et témoin de la vie politique, et à ce titre, auteur de quelques ouvrages de référence pour mieux comprendre la vie et l'œuvre du Général De Gaulle, l'amiral Philippe De Gaulle a reçu un hommage national une semaine après sa disparition, le 20 mars 2024, dans la cour d'honneur des Invalides.

    Cette cérémonie était présidée par le Président de la République Emmanuel Macron en présence du gouvernement, dont le Premier Ministre en exercice Gabriel Attal, et de nombreuses personnalités politiques et militaires. Pas étonnant que ce fût aux Invalides puisqu'il séjournait pour ses vieux jours : « Le marin, le résistant, l'élu de la République avait retrouvé, ici, cette cohorte de blessés et de héros. La chaîne des temps. Il était là, debout, parmi eux. (…) Connaître toutes les mers du monde, mais choisir la Seine pour dernier rivage. Partir en homme de devoir, risquer sa vie sur quatre continents et aller reposer à Colombey. ».


     

     
     


    Emmanuel Macron est un passeur d'histoire et est fasciné par les vétérans de l'histoire récente : « Devoir à l'endroit de nos anciens, car chacun de nous est dépositaire et gardien de leur legs de courage, d'abnégation, d'héroïsme. ». Le Président de la République entretenait aussi de bonnes relations avec d'autres résistants comme Daniel Cordier, Hubert Germain, ou d'autres vieillards de la République, ce que j'appelle des vieillards de la République en ce sens que ce sont des dinosaures dans leur domaine et que la République leur est reconnaissante de leur existence, de leurs talents, de la richesse qu'ils ont apportée à la France et parfois au monde, comme le peintre Pierre Soulages, le chanteur Charles Aznavour, le comédien Michel Bouquet ou l'écrivain Jean d'Ormesson. Quant aux politiques, les hommages aux Invalides ont été également nombreux, de Jacques Chirac à Jacques Delors, en passant par Robert Badinter.

    À 18 ans, Philippe De Gaulle s'est engagé dans la Résistance dès le premier jour, répondant plus au devoir qu'il se faisait de la France qu'à son père. En août 1944, il participa à la Libération de Paris, et la famille fut rassemblée : « Le cœur symbolique de la République est délivré. Paris est libérée. La France est relevée. Philippe De Gaulle peut alors rejoindre les siens. Et il y eut chez les De Gaulle cette scène de retrouvailles si singulière, autour d'un repas de famille où l'on discutait comme si l'on s'était quitté le matin même, parlant de tout et de rien, des uns et des autres, des projets, de tout sauf de la guerre et des hauts faits. ».

    Après la guerre, le futur amiral a poursuivi une brillante carrière de pilote de l'aéronavale qui l'amena aux plus grandes responsabilités militaires : « Honneur, patrie, valeur, discipline. Ces quatre piliers de la Marine, gravés sur chacun de ses bâtiments, étaient les tables de sa loi. ».

     

     
     


    À sa retraite, à l'âge de 64 ans, sur demande de Jacques Chirac, Philippe De Gaulle fut élu sénateur : « apportant sa voix à la commission des Affaires étrangères et de la Défense. Comme il est dur, pourtant, d'être De Gaulle après De Gaulle, d'en avoir l'allure, la voix, les gestes et de ne pas être lui. L'Amiral répondait aux murmures par la rigueur de sa conscience, son indifférence à la mondanité, déclinant toute présidence parlementaire ou honorifique, quelle qu'elle fût. ».

    Philippe De Gaulle cultivait une grande humilité et s'effaçait derrière plus grand que lui. Son credo : « Il faut agir au-delà de soi et travailler pour plus grand que soi. ». Homme de devoirs, il en était un très important pour lui : « Devoir d'espérance. "La France en a vu d'autres, la France s'en sortira, tu verras", tels étaient ses mots répétés, toujours à travers les meurtrissures de l'histoire. C'était sa certitude, partagée avec tous ses compagnons d'armes, tous ses compagnons dont il eut la place s'il n'eut pas le titre, grandeur d'un sacrifice consenti en silence dépassant l'injustice ressentie. ». Pour son père, il était le premier compagnon de la Libération. Pour l'histoire, il fut le dernier aussi, le dernier survivant, après Hubert Germain (le dernier officiellement).
     

     
     


    Le Président Emmanuel Macron a raconté la disparition de celui qui ressemblait tant à l'homme du 18 juin : « Il a attendu d'avoir tout écrit, tout transmis, mis un point final à ses derniers souvenirs, rédigé ses dernières volontés avec une rigueur d'ordre d'opération, demandé les derniers sacrements, et puis, il a fermé les yeux dans la nuit qui ne connaît pas l'Histoire. Une mort à sa mesure. Une mort de paladin, de chevalier, remettant ses pensées à la France, son âme à son Seigneur et son cœur à sa dame. Car le dernier nom qu'il murmura fut celui d'Henriette, en chevalier, membre de cette confrérie de l'idéal, ceux qui ne vivent que debout, ceux qui ont redressé leur patrie à la face du monde. ».

    Cet hommage était le minimum que pouvait faire la République pour ce serviteur si singulier. Avec lui, c'est un peu rendre un hommage national au Général De Gaulle qui n'avait encore jamais eu lieu, en raison des dernières volontés de ce dernier. L'association Emmanuel Macron et De Gaulle n'est pas vaine : depuis 2017, le Président de la République revendique, à l'instar de son illustre et historique prédécesseur, la souveraineté européenne de défense, pour que la sécurité de la France et de l'Europe ne dépende pas du bon vouloir des États-Unis.

    On peut avoir raison trop tôt, mais aussi être entendu à temps. Car il n'est jamais trop tard pour la construire, cette défense souveraine qui doit répondre à la double menace de l'impérialisme russe et du terrorisme islamique. Emmanuel Macron l'a encore redit ce mardi 11 mars 2025 : « Une grande nation, elle n'a pas à choisir. Elle a à répondre. Et elle n'a pas à décider de lutter contre les menaces géopolitiques qui s'imposent à elle ou contre des menaces sur son sol projetées par les terroristes. Elle a à faire les deux en même temps. C'est ce que nous faisons. ». Un véritable homme d'État.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (11 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Philippe De Gaulle.
    Hommage du Président Emmanuel Macron à Philippe De Gaulle le 20 mars 2024 aux Invalides (texte intégral et vidéo).
    De Gaulle à l'ombre du Généra.
    L'impossible Compagnon de la Libération.
    Entre père et mer.
    L'autre De Gaulle.
    La mort du père.
    Le théorème de la locomotive.
    De Gaulle, l’Europe et le volapük intégré.
    18 juin 1940 : De Gaulle et l’esprit de Résistance.
    Daniel Cordier.
    Le songe de l’histoire.
    Vive la Cinquième République !
    De Gaulle et son discours de Bayeux.
    Napoléon, De Gaulle et Macron.
    Pourquoi De Gaulle a-t-il ménagé François Mitterrand ?
    Deux ou trois choses encore sur De Gaulle.
    La France, 50 ans après De Gaulle : 5 idées fausses.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250313-philippe-de-gaulle.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-amiral-philippe-de-gaulle-259366

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/12/article-sr-20250313-philippe-de-gaulle.html



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  • Les mystérieuses morts de Gene Hackman et Betsy Arakawa

    « Il n'y a pas de meilleur acteur que Gene. Intense et instinctif. Jamais une fausse note. C'est aussi un cher ami qui me manquera beaucoup. » (Clint Eastwood, le 27 février 2025).



     

     
     


    Les deux acteurs était de la même génération, mais l'un avait dirigé l'autre dans plusieurs films. La découverte du corps sans vie du grand acteur américain Gene Hackman et de son épouse Betsy Arakawa a choqué et a intrigué. Choqué pour la double disparition, et intrigué pour les circonstances qui semblaient redonner vie Gene Hackman dans un thriller (de mauvais scénario, il faut dire).

    Gene Hackman a tourné plus d'une centaine de films, surtout pour le cinéma et pour un quart pour la télévision. Il a reçu de nombreuses récompenses, en particulier deux Oscars (meilleur acteur en 1972 pour "French Connection" de William Friedkin, et meilleur second rôle masculin en 1993 pour "Impitoyable" de Clint Eastwood), quatre Golden Globes, le prix du meilleur acteur à la Berlinale de 1989 (pour "Mississippi Burning" d'Alan Parker), etc. (et trois autres nominations pour les Oscars, en particulier pour "Bonnie et Clyde" d'Arthur Penn, quatre autres pour les Golden Globes, etc.).

    Il était aussi l'acteur principal de "L'Épouvantail" de Jerry Schatzberg, et de "Conversation secrète" de Francis Ford Coppola, deux films qui ont obtenu la Palme d'Or au Festival de Cannes, respectivement en 1973 et 1974. Il a aussi joué dans "La Firme" (1993) de Sydney Pollack, "Les Pleins Pouvoirs" (1997) de Clint Eastwood, "Ennemi d'État" (1998) de Tony Scott, ainsi que le rôle de Lex Lutor dans "Superman" (1978) de Richard Donner et "Superman 2" (1980) de Richard Lester.


    Ils s'étaient marié le 1er décembre 1991, en secondes noces pour Gene Hackman qui venait de fêter son 95e anniversaire le 30 janvier dernier. Son épouse était Betsy Arakawa, citoyenne américaine d'origine japonaise, une pianiste de musique classique (elle a été récompensée pour un morceau de Haydn à Honolulu) et venait d'avoir 65 ans (le 15 décembre dernier).

    Le 26 février 2025, ils ont été retrouvés sans vie chez eux, dans leur résidence de Santa Fe, la capitale du Nouveau-Mexique, qui compte un peu moins de 90 000 habitants. Les deux étaient dans un état de décomposition qui laissait comprendre qu'ils étaient morts depuis plusieurs jours. Betsy était dans la salle de bains avec des pilules éparpillées autour d'elle, Gene était dans l'entrée de la maison. De plus, un de leurs trois chiens a aussi été retrouvé mort couché dans une caisse, près de Betsy. Aucune trace d'effraction n'a été décelée (la porte d'entrée était restée ouverte) ni aucune blessure ou traumatisme sur les corps. Aucun vol n'a semblé avoir été commis. Une rapide analyse a rapidement écarté l'intoxication, volontaire ou involontaire, au monoxyde de carbone, et donc, l'hypothèse d'un double suicide.

    Ce mystère de cette double, voire triple mort a entraîné l'ouverture d'une enquête de police pour établir la cause des décès. Le lieutenant Columbo n'a pas pu être missionné pour cette enquête car lui-même était parti depuis longtemps (il y a plus de treize ans) et de toute façon, il n'aurait pas pu mener l'enquête car il était touché de la même maladie que son collègue Gene Hackman.

     

     
     


    C'est le vendredi 7 mars 2025 que les conclusions de l'enquête ont été publiées, ce qui est assez rapide. La conclusion, c'est que les deux conjoints sont morts chacun d'une mort naturelle. Ce qui pourrait paraître très étrange, car c'était comme la succession de plusieurs événements peu probables simultanément, un peu comme dans l'histoire de la chauve-souris racontée par Jean-Marie Bigard.

    Betsy Arakawa est morte d'une infection respiratoire dont la cause est la contamination d'un orthohantavirus, transmis par un rongeur (souris, etc.), virus qui circule actuellement dans cette partie des États-Unis. La maladie ne se transmet pas d'homme à homme. Les pilules qui était dispersées autour d'elle étaient un médicament pour la thyroïde qui était sans lien avec sa mort. La dernière fois qu'elle a été vue par des caméras de vidéoprotection était le 11 février 2025, date probable de son décès (au-delà de laquelle elle n'a plus répondu à ses emails). « L’hantavirus se présente comme une maladie pseudo-grippale, avec des symptômes tels que fièvre, douleurs musculaires, toux, parfois vomissements et diarrhée, qui peuvent évoluer vers l’essoufflement et l’insuffisance cardiaque ou pulmonaire. La maladie se produit après une exposition d’une à huit semaines aux excréments d’une espèce particulière de souris porteuse de l’hantavirus ». La maladie serait mortelle dans 50% des cas.

    Quant à Gene Hackman, on a pu déterminer la date probable de son décès au 18 février 2025, par l'arrêt tracé de son pacemaker. Il est mort d'une « maladie cardiovasculaire hypertensive et athérosclérotique ». Par ailleurs, il présentait « une forme avancée de la maladie d'Alzheimer », ce qui a été « un facteur contributif significatif » à sa mort, selon Heather Jarrell, la médecin légiste en chef du Nouveau-Mexique. L'acteur n'a probablement pas eu conscience de la mort de son épouse.

    Il n'y a donc plus de mystère, même si on peut se demander comment un couple a pu rester sans vie aussi longtemps. C'est finalement un problème récurrent pour le très grand âge. Les enfants doivent veiller à la fois à laisser vivre en toute autonomie leurs parents quand c'est possible, mais aussi à vérifier qu'il n'y a pas eu de pépin qui les mettrait en danger (une mauvaise chute, etc.). Or, à deux, c'est en principe plus facile d'éviter ce problème puisque les deux ont peu de chances d'avoir en même temps des pépins et donc l'un pourrait prévenir les secours pour l'autre. C'est pourtant ce qui s'est passé pour Gene et Betsy, en sachant que l'un avait la maladie d'Alzheimer, c'est comme s'il n'existait plus pour faire l'alerte le cas échéant.

    Cela signifie aussi que pendant quinze jours, le couple n'a reçu aucune visite ni de la famille ou amis, ni d'un personnel de service (livreur, soignant, aide ménagère, etc.), ni aucun coup de fil. Mais cela n'aurait probablement rien changé si on les avait découverts plus tôt. On ne bouleverse pas toujours les destins, même avec un "Retour sur le futur".


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu

    Pour aller plus loin :
    Gene Hackman.
    Pierre Dac.
    Pierre Arditi.
    Pierre Palmade.
    Carla Bruni.
    Valeria Bruni Tedeschi.
    Teddy Vrignault.
    Pierre Richard.
    François Truffaut.
    Roger Hanin.
    Daniel Prévost.
    Michel Blanc.
    Brigitte Bardot.
    Marcello Mastroianni.
    Jean Piat.
    Sophia Loren.
    Lauren Bacall.
    Micheline Presle.
    Sarah Bernhardt.
    Jacques Tati.
    Sandrine Bonnaire.
    Shailene Woodley.
    Gérard Jugnot.
    Marlène Jobert.
    Alfred Hitchcock.
    Les jeunes stars ont-elles le droit de vieillir ?
    Charlie Chaplin.
     

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250307-gene-hackman.html

    https://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/les-mysterieuses-morts-de-gene-259781

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/08/article-sr-20250307-gene-hackman.html


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