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politique - Page 12

  • Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups

    « On a vu une véritable machine de guerre pour détourner systématiquement le montant des enveloppes (…). Le Parlement Européen était leur vache à lait. » (Louise Neyton, procureure de la République, le 13 novembre 2024).



     

     
     


    Voilà, c'était à prévoir : la surprise vaguement feinte des journalistes et de la classe politique en général après le réquisitoire très sévère du parquet contre Marine Le Pen dans l'affaire des assistants parlementaires du FN/RN. Il faut dire que le procès a commencé le 30 septembre 2024 et que si les journalistes avaient fait correctement leur boulot, il y aurait eu chaque jour, comme dans chaque affaire judiciaire importante, et celle-ci l'est puisqu'elle concerne une personnalité politique de premier plan, des comptes rendus détaillés des audiences, le témoignage des uns, des autres, etc.

    Au lieu de cela, rien ! Le procès va se terminer dans les jours prochains, le 27 novembre 2024 (le verdict sera probablement prononcé en février ou mars 2025) sans aucune couverture médiatique, sinon ces jérémiades de l'extrême droite qui crie au viol de la démocratie ! Et pourtant, cette sévérité ne vient pas par hasard, ne vient pas de nulle part, ne vient pas du ciel, ne vient pas de la politisation des juges supposés de gauche, ne vient pas du gouvernement qui vient à peine de s'installer et qui peine déjà assez pour faire adopter le projet de loi de finances. Non, les faits sont simples très graves. Les réquisitions des procureurs ont duré plus de huit heures, c'est dire qu'il y avait matière à dire !

    Il s'agit selon le parquet d'un détournement de 4,5 millions d'euros de 2004 à 2016 (fin décembre 2016), un système mis en place par Jean-Marie Le Pen et industrialisé, optimisé par Marine Le Pen lorsqu'elle est arrivée à la présidence du FN en 2011. Il s'agissait d'occuper les assistants parlementaires rémunérés par le Parlement Européen à faire de la politique nationale au sein du parti lepéniste, à tel point qu'un certain assistant (actuellement député, ne citons pas son nom) a envoyé un email à la présidente de l'époque pour lui demander de faire le voyage à Bruxelles afin de connaître quand même le député européen supposé l'employer !

    Au contraire de François Bayrou dont la complicité n'a pas été établie et dont l'existence d'un système n'a pas été démontrée, et son affaire portait sur des montants nettement inférieurs, Marine Le Pen aurait, selon la justice, supervisé ce système de détournement d'argent public, car détourner de l'argent du Parlement Européen, c'est se moquer des contribuables français qui participent au budget européen par leur contributions nationales. Pire, ce sont ceux qui sont les plus anti-européens qui ont le mieux profité de la tirelire européenne, c'est fort de café !

    Toutes ces audiences jamais rendues compte quotidiennement par les médias auraient permis de comprendre (si on en avait parlé) que la sévérité de la procureure avait ses raisons qui n'ont rien à voir avec une quelconque politisation. D'autant plus que contrairement à l'affaire Fillon, nous ne sommes pas en campagne présidentielle (l'élection n'aura lieu que dans deux ans et demi, en avril 2027) et donc, il n'existe aucun candidat ni aucun favori car c'est beaucoup trop tôt (rappelons-nous les projections présidentielles de 2017 publiées en novembre 2014 !).


    C'est vrai que la réquisition du parquet ce mercredi 13 novembre 2024 pour Marine Le Pen était sévère, puisque la peine de cinq ans de prison dont deux ans ferme a été requise, avec 300 000 euros d'amendes et cinq ans d'inéligibilité, peine assortie d'un détail : l'inéligibilité ne sera pas suspensive en cas d'appel, il faudra qu'une cour d'appel supprime cette peine d'inéligibilité pour qu'elle ne court plus.

    Précisons les choses, même s'il faut bien rappeler qu'il s'agit d'une réquisition et pas d'un jugement, le tribunal peut donc proposer un verdict moins sévère, voire plus sévère que celui requis par le parquet. L'inéligibilité, dans ce cas, courrait dès le jour du verdict en début 2025 et durerait cinq ans, donc jusqu'en 2030 (c'est-à-dire au-delà de l'élection présidentielle de 2027). Marine Le Pen, dans ce cas, pourrait rester députée (en revanche, si elle était maire, elle devrait démissionner), rester même présidente du groupe RN, mais ne pourrait pas se représenter en cas de dissolution. D'où sa réticence à provoquer une dissolution par le vote d'une motion de censure. Et pourtant, ses amis sont favorables à faire chuter le gouvernement, imaginant alors la démission du Président Emmanuel Macron et une élection présidentielle anticipée avant le prononcé du verdict (et de l'éventuelle inéligibilité). Sauf que c'est un scénario un peu foireux car Emmanuel Macron ne ferait pas le cadeau au RN de sa démission. Au contraire, de nouvelles élections dans un contexte de procès pour détournement de millions d'euros pourraient faire perdre quelques électeurs...

    C'est la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, qui a rendu semi-automatique une peine d'inéligibilité en cas d'infractions financières, notamment dans son article 19 qui précise : « Par dérogation au 1° du présent article, le prononcé de la peine complémentaire d'inéligibilité mentionnée au 2° de l'article 131-26 et à l'article 131-26-1 est obligatoire à l'encontre de toute personne coupable de l'une des infractions définies à la section 3 du présent chapitre. ».


    Cependant, cette peine est semi-automatique et pas automatique, en raison de la non automaticité de principe, on ne juge que des individus spécifiquement : « Toutefois, la juridiction peut, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine, en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur. ».

    Cet élément est essentiel dans la philosophie politique : Marine Le Pen n'a cessé, depuis des dizaines d'années, de réclamer la sévérité des lois, et l'automaticité des peines afin d'obliger les juges à sévir et ne pas leur laisser la liberté d'être laxistes dans leurs décisions. La loi Sapin II a justement introduit une option d'automaticité avec cette peine complémentaire d'inéligibilité, mais avec la possibilité exceptionnelle de ne pas la prononcer si le juge en donne la raison. Autrement dit, comme le formule un rapport parlementaire de février 2019, ce que la loi Sapin II a introduit est essentiel : « Alors que l’inéligibilité d’un responsable politique fautif était auparavant prononcée par le juge s’il l’estimait pertinente, la loi pose désormais cette sanction pour principe et exige du juge une décision spéciale s’il souhaite l’écarter. ». La réquisition du 13 novembre 2024 était donc tout à fait dans l'esprit de la loi Sapin II voulu par les parlementaires.

    Une proposition de loi déposée par la députée socialiste Fanny Dombre Coste examinée lors de la séance publique du 1er février 2017 visait à « instaurer une obligation de casier judiciaire vierge pour les candidats à une élection ». Cette proposition avait reçu un accueil positif de toute la classe politique (mais n'a pas abouti à cause de la fin de la législature).

    À l'instar du gaulliste Pierre Mazeaud qui déclarait en novembre 1971 : « L’incompatibilité devrait être établie entre le mandat et la malhonnêteté de l’homme, et les électeurs devraient pouvoir choisir des hommes de toutes les professions pourvu qu’ils soient honnêtes. », Fanny Dombre Coste a expliqué ce 1er février 2017 : « L’état actuel du droit exige des infirmières, des policiers, des taxis, des journalistes et de près de 400 autres métiers un casier judiciaire vierge. Comment pouvons-nous justifier auprès des Français que ces professionnels soient soumis à cette condition et que nous-mêmes, élus, n’y soyons pas assujettis ? L’opinion publique s’est largement mobilisée sur cette question. Les propositions de loi bénéficient d’un soutien quasi absolu de la part de nos concitoyens, une pétition recueillant près de 150 000 signatures circule en ce moment sur internet. Ces propositions de loi visent donc à instaurer une nouvelle condition d’éligibilité, liée à la présence ou non de la mention de certaines condamnations sur le bulletin n°2 du casier judiciaire. Cette suggestion, j’en ai conscience, bouleverse les habitudes de pensée. En matière de probité, l’inéligibilité est habituellement conçue comme une peine, prononcée par le juge en répression d’un comportement fautif. Elle est donc tournée vers le passé et doit se conformer aux règles constitutionnelles en matière pénale. Nous proposons ici d’inverser cette logique, en prévoyant non pas une peine d’inéligibilité automatique, qui subirait une censure constitutionnelle, mais bien une nouvelle condition d’éligibilité. L’objectif n’est nullement de sanctionner un coupable : il est de garantir l’éthique des candidats aux fonctions publiques. Cet élément est primordial, puisqu’il signifie que le processus n’est pas direct. La condamnation est inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire, et cette mention fait, ensuite, obstacle à l’éligibilité. Cette inscription n’a aucun caractère punitif et ne soulève d’ailleurs, je souhaite le rappeler, aucune difficulté lorsqu’elle induit l’impossibilité d’accéder à un ensemble de professions, au premier rang desquelles la fonction publique, alors même que la liberté d’y entrer se fonde sur l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le même que celui qui garantit l’éligibilité. ».

    À l'époque, Bruno Le Roux, qui avait cosigné cette proposition de loi, était devenu Ministre de l'Intérieur et avait répondu à son ancienne collègue socialiste ainsi : « Les deux propositions de loi prévoient que les personnes dont le bulletin n°2 du casier judiciaire porte la mention d’une condamnation incompatible avec l’exercice d’un mandat électif ne puissent faire acte de candidature à aucun mandat électif. Ces condamnations concernent les crimes, les délits sexuels, les manquements au devoir de probité, la fraude fiscale, ainsi qu’un certain nombre d’infractions électorales définies par le code électoral. La proposition de loi organique organise ce régime pour l’élection des députés et des sénateurs, ainsi que pour les candidats à l’élection présidentielle. La proposition de loi ordinaire, quant à elle, adapte ce dispositif pour les élections locales. Chacun d’entre nous est conscient que la défiance envers les élus mine le principe même de notre démocratie. Elle jette en effert, et injustement, l’opprobre sur des personnes sincèrement dévouées au service de l’intérêt général, et qui, pour la totalité d’entre elles, exercent leurs mandats avec un engagement et une honnêteté irréprochables. Pour renforcer la confiance, nous devons donc nous doter de règles toujours plus rigoureuses. ». Rappelons pour la petite histoire que Bruno Le Roux a dû démissionner de la Place Beauvau le 21 mars 2017 après avoir été accusé des mêmes « turpitudes » que François Fillon, à savoir le recrutement de ses deux filles comme collaboratrices parlementaires, soupçonnées d'emplois fictifs, alors qu'il avait fustigé lui-même François Fillon sur l'emploi de la femme de celui-ci.

    À la même époque, Marine Le Pen voulait être le meilleur lave-linge qui lavait plus blanc que blanc. Ainsi, le 13 avril 2017 sur France 2, elle disait : « Je ferai appliquer la loi, ce qui n'a pas été fait depuis des années, car la justice a reçu des instructions d'un laxisme absolu. ». En novembre 2024, elle devrait donc être satisfaite : la justice va s'appliquer.

     

     
     


    Car il faut être cohérent avec soi-même. Déjà dans l'émission "Mots croisés", le 9 février 2004 sur France 2, Marine Le Pen, devant Jean-François Copé et Malek Boutih, débordait d'indignation à la suite de la condamnation de l'ancien Premier Ministre Alain Juppé le 30 janvier 2004 à dix-huit mois de prison avec sursis, peine assortie d'une peine d'inéligibilité de dix ans. À l'époque, elle défendait les honnêtes gens et fustigeait les délinquants politiques condamnés et autres repris de justice : « Tout le monde a piqué dans la caisse sauf le Front national. Et on trouve ça normal ? (…) Les Français n'en ont pas marre d'entendre parler des affaires. Ils en ont marre qu'il y ait des affaires. Ils en ont marre de voir des élus, je suis navrée de vous le dire, qui détourne de l'argent, c'est scandaleux ! Parce que je vais vous dire, avec tout cet argent, ce qu'on aurait fait, hein ?, en termes de Restos du cœur, en termes d'opérations Pièces jaunes. C'est combien d'opérations Pièces jaunes, tout l'argent qui a été détourné par les élus ? ».

    On a compris que toute la communication de Marine Le Pen depuis plus de vingt ans n'était que du vent, de l'hypocrisie voire du mensonge ! Pourtant, ce n'était pas faute d'avoir tenté de reporter sans cesse le procès. En effet, le RN a fait quarante-cinq recours et l'instruction a duré presque dix années. C'est en 2015 que le Président social-démocrate du Parlement Européen de l'époque, l'Allemand Martin Schulz, avait signalé le détournement. Pour la procureure Louise Neyton, c'est bien un système sans précédent de détournement de fonds qui a été mis en place pour récupérer l'argent du Parlement Européen au profit du FN/RN mais aussi de ses dirigeants. Le maire d'une grande ville du Sud est également dans le box des accusés.

    C'est le propre système de défense de Marine Le Pen qui l'a fait couler : en affirmant à la fois qu'elle n'en savait rien (bien qu'à la fois présidente du FN/RN et députée européenne entre 2011 et 2017) mais aussi qu'il n'y avait rien de mal à ce que les assistants parlementaires aient travaillé pour le parti de leur député européen (alors que le Parlement Européen interdit strictement ce genre de pratique), elle a implicitement justifié ce système et donc avoué qu'elle le connaissait et même l'a initié.


    La réaction de l'extrême droite à ces réquisitions était prévisible : ce serait un déni de démocratie ! Petits extraits. Marine Le Pen : « Le parquet essaie de priver les Français de la capacité de voter pour qui ils souhaitent. ». Jordan Bardella : « Le parquet n'est pas dans la justice : il est dans l'acharnement et la vengeance à l'égard de Marine Le Pen. Ses réquisitions scandaleuses visent à priver des millions de Français de leur vote en 2027. C'est une atteinte à la démocratie. ». Éric Zemmour : « Si Marine Le Pen était déclarée inéligible, on atteindrait alors un niveau sans précédent dans le gouvernement des juges. ». Marion Maréchal : « François Fillon hier, Marine Le Pen aujourd'hui (…), un nouveau déni de démocratie. ».

    Plus curieusement, des personnalités d'autres bords politiques ont émis le même genre de réactions. Ainsi, sur des terres nordistes, on peut comprendre l'arrière-pensée électorale de Gérald Darmanin lorsqu'il a dit : « Il serait profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et, ainsi, ne puisse pas se présenter devant le suffrage des Français. (…) Combattre Madame Le Pen se fait dans les urnes, pas ailleurs. (…) N'ayons pas peur de la démocratie. ». Son mentor Xavier Bertrand a été plus cohérent et mieux inspiré en estimant que la loi s'appliquait à tous et qu'il n'y avait aucune raison de faire des exceptions.

    Mais que penser du député MoDem Richard Ramos ? du député EPR Karl Olive ? Ou encore de l'ancien député LR Julien Aubert : « La question n'est pas de savoir si Marine Le Pen a détourné oui ou non pour un autre usage que celui prévu les postes d'assistants au Parlement Européen. La vraie question est : est-ce que c'est suffisamment grave pour priver des millions de gens de leur porte-parole ? ». Jean-Luc Mélenchon aussi est venu à la rescousse : « Une peine d'inéligibilité ne doit pas être appliquée avant expiration de tous les recours prévus par la loi. ».

    À tous ceux-là, la procureure Louise Neyton avait répondu par avance : « Oui, la décision judiciaire est légitime à produire ses effets sur la vie démocratique, légitime, car ce rôle lui a été imposé par le législateur. ». C'était en effet de la volonté du législateur que les délinquants politiques soient sévèrement sanctionnés, pour redonner un peu de crédit à une classe politique complètement discréditée par les affaires et l'impuissance (après le scandale de Jérôme Cahuzac).

    Personnellement, je répondrais plus fortement sur le déni de démocratie : la démocratie, c'est d'abord de respecter la loi, de respecter les Français, ceux qui contribuent à l'effort financier de l'Union Européenne, de ne pas profiter de l'argent facile en dehors du cadre de la loi. On ne peut pas prétendre dicter la loi (en tant que parlementaire) et refuser de l'appliquer. De plus, il n'y a aucun risque démocratique de voir l'élection présidentielle sans un représentant du RN, qui est un parti important (le plus important de l'Assemblée) et qui mérite effectivement d'avoir un candidat. Car le RN a déjà un autre candidat tout désigné pour remplacer Marine Le Pen, en la personne de Jordan Bardella qui, à sa façon, sourit de la situation actuelle.


    Même le Premier Ministre hongrois Viktor Orban est venu au secours de Marine Le Pen : « Marine, n'oubliez pas que nous sommes avec vous dans cette bataille ! Être harcelé par la justice a été une étape cruciale de la victoire du Président [Trump]. ». Eh oui, Donald Trump a été condamné et cela ne l'a pas empêché d'être élu, et même largement élu. Parler de trumpisation à la française pour Marine Le Pen serait lui faire trop d'honneur. La réalité, c'est que le favori de l'élection de 2017, François Fillon, a été balayé par son affaire qui représentait un détournement bien plus faible d'argent public (seulement 700 000 euros à comparer à 4,5 millions d'euros), et cela bien avant sa condamnation (définitivement le 24 avril 2024). Les électeurs français seraient-ils peut-être plus exigeants que les électeurs américains ? (question très audacieuse à laquelle je ne répondrai pas, bien sûr !).

    En tout cas, les militants RN convaincus ne changeront pas d'opinion avec une condamnation de leur leader : au contraire, ils seront renforcés dans leur choix de candidate que la justice, le système, prétendument harcèle. Et puis, profiter de l'argent européen quand on est anti-européen, c'est la revanche des frexiters. Sauf que Marine Le Pen souhaitait la normalisation de son parti, sa banalisation pour faire preuve de respectabilité auprès des personnes qui comptent en France et à l'étranger. Ce très long procès (presque deux mois) remet en cause toute cette stratégie amorcée en 2011 : si le tribunal suit les procureurs, les gens pourront se dire que décidément, le RN/FN n'est qu'une association de malfaiteurs. Pour le Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, la situation est critique : lui veut l'application la plus sévère de la loi. Chiche !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (13 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
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    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
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    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241113-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/proces-de-marine-le-pen-surprise-257664

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/14/article-sr-20241113-marine-le-pen.html


     

  • PLF 2025 : la majorité de rejet !

    « Loin du compromis, c’est à une guerre de positions que nous avons assisté. L’examen dans notre assemblée a conduit à une forme de concours des outrances entre les deux extrémités de l’hémicycle, qui se soutiennent et se renforcent. L’une a fait adopter un Frexit de fait, l’autre près de 40 milliards de hausses d’impôts. » (Jean-Paul Mattei, député MoDem, le 12 novembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Fronts renversés dans l'hémicycle du Palais-Bourbon ce mardi 12 novembre 2024 après-midi. Après trois semaines d'intenses débats pour l'examen du projet de loi de finances pour 2025 (PLF 2025), les députés devaient se prononcer en vote solennel sur la première partie du texte, le volet des recettes (fiscalité, taxation, etc.) avant de se prononcer sur le second volet, le volet dépenses.

    Et ce vote solennel a été à fronts renversés : les députés du socle gouvernemental ont voté contre l'adoption de ce projet qui a été profondément remanié par rapport à la version gouvernementale. Le député Jean-Paul Mattei (MoDem) a évoqué un « concours des outrances » et c'était bien cela, c'était la foire à la saucisse, la fête au slip, à celui qui proposait la meilleure taxe ! En tout, 65 milliards d'euros supplémentaires seraient prélevés des portefeuilles des Français si ce projet de loi avait été adopté en l'état. Le Ministre du Budget et des Comptes publics Laurent Saint-Martin l'a dit calmement : « La copie présentée par le NFP avec la complicité du Rassemblement national nous paraît inacceptable. ». Et il l'a expliqué simplement : « Plus de 35 milliards d’impôts supplémentaires ont été votés. Inutile de croire qu’ils concerneront uniquement quelques millionnaires ou quelques grandes entreprises : ils pèseront sur l’ensemble du pays. ».


    Paradoxalement, l'ultragauche est pour ce budget, et la majorité gouvernementale est contre ce budget. Pourquoi ? Parce qu'il a été tellement modifié par les extrêmes que ce texte est devenu complètement loufoque, anticonstitutionnel voire irréalisable techniquement.

    Prenant sa casquette d'orateur du groupe LIOT, le rapporteur général du budget
    Charles de Courson, dont on ne peut soupçonner de s'accommoder de combines politiciennes diverses et variées, qui est dans l'opposition et qui est sans doute un bon étalon de l'orthodoxie budgétaire, à savoir bien gérer les comptes de l'État, a expliqué pourquoi ce texte amendé est complètement fou et qu'il doit être rejeté pour trois raisons : « La première est la suppression du prélèvement au profit de l’Union Européenne. L’article 40 du projet de loi de finances pour 2025 prévoyait un prélèvement sur recettes à destination de l’Union Européenne à hauteur de 23,3 milliards. Il a été supprimé en séance. Voulez-vous le Frexit, mes chers collègues ? N’oublions pas que l’Europe a permis d’assurer depuis soixante-quinze ans la paix et la prospérité entre les États membres. L’environnement géopolitique actuel nécessite plus d’Europe, afin de protéger nos concitoyens, notre économie et notre modèle culturel. Notre groupe croit pour sa part profondément au projet européen. Rejeter la contribution à l’Europe serait un trompe-l’œil ; cela ne nous exonérerait pas d’assurer à l’Europe un budget en équilibre. Adopter la partie recettes du budget sans prélèvement européen enverrait un signal très négatif à nos partenaires européens. Ce n’est pas acceptable. Deuxième raison : les amendements à la première partie adoptés en séance accentuent gravement la dérive des comptes publics. Ils entraîneraient, apparemment, une hausse nette d’impôts de près de 64,8 milliards. Néanmoins, nombre d’entre eux, à hauteur de 50 milliards, ne respectent pas le droit constitutionnel ou le droit européen, voire sont inapplicables ; et si l’on tient compte de la suppression du prélèvement sur recettes au profit de l’Union Européenne (PSR-UE), qui correspond à 23,3 milliards, ce que l’on enregistre, ce ne sont pas 65 milliards de recettes en plus, mais une perte sèche de plus de 6 milliards d’euros. S’y ajoute le coût des amendements adoptés en commission des finances sur la partie dépenses et dont le montant représente environ 57 milliards. En l’état, notre discussion conduirait donc à dégrader les comptes publics de 63 milliards et nous éloignerait de plus en plus du respect de nos engagements budgétaires. Dans ces conditions, je ne peux me résoudre, en tant que rapporteur général, à voter pour la partie recettes du budget. Je crains que ce chaos n’entraîne tout simplement le rejet par nos concitoyens de notre système parlementaire. La troisième raison de notre opposition à ce texte est que nous avons rejeté l’article d’équilibre dans la nuit de vendredi à samedi : il serait incohérent d’adopter la partie recettes après avoir voté contre en commission puis contre l’article d’équilibre en séance, d’autant plus que cela entraînerait un risque d’inconstitutionnalité : l’adoption de l’article d’équilibre est en effet un prérequis pour examiner la partie dépenses sous peine d’une censure par le Conseil Constitutionnel. Dès lors, nous devons rejeter l’ensemble de la première partie. ».

    Écoutons aussi la plupart des autres explications de vote des différents groupes.

    L'orateur insoumis Aurélien Le Coq ne s'est pas embarrassé de considérations d'intérêt général. Il a tout de suite plongé dans le cloaque politicien. Il est revenu sur la fausse affirmation que la
    nouvelle farce populaire (NFP) serait majoritaire à l'Assemblée, ce que le rejet de la motion de censure le 8 octobre 2024 a démenti complètement et factuellement : « Jamais, monsieur le ministre, vous n’auriez dû être assis aujourd’hui au banc, face à moi. Vous avez volé les élections. Pourquoi ? Par soif du pouvoir ? Par mégalomanie présidentielle ? Non ! Pour empêcher le Nouveau Front populaire, arrivé en tête des élections, de rétablir dans ce pays la justice sociale et fiscale et pour protéger une petite poignée d’ultrariches. Après les avoir gavés sept années durant, vous voulez leur permettre de continuer à exploiter la grande masse des Français qui continuent à se battre pour leur survie dans la pauvreté. Vous aviez si bien commencé, en vidant les caisses de l’État par dizaines de milliards au profit des ultrariches et des multinationales ! Tant et si bien que le patrimoine de 500 familles a doublé, pour atteindre 1 228 milliards. Et vous vous apprêtiez, par ce budget, à saigner les classes populaires, dans ce qui pourrait être la plus grande boucherie sociale de notre siècle. Alors qu’aux prémices de l’hiver 2024, les Français ont froid et faim, vous vouliez une fois de plus leur faire cracher du sang ! Pour compenser les cadeaux aux plus riches, vous souhaitiez 60 milliards d’effort budgétaire. (…) L’examen de ce budget a permis le retour fracassant de la vérité : la Macronie est morte ! Vous avez perdu, et ce ne sont pas les travées vides de vos groupes parlementaires, abandonnant leur ministre illégitime au milieu de la bataille, qui auraient pu la faire revivre. (…) L’Assemblée Nationale a voté (…), amendement après amendement, 75 milliards de recettes nouvelles proposées par le nouveau front populaire et La France insoumise, pour un excédent de 58 milliards. ». L'orateur insoumis a ainsi reconnu qu'il avait participé à ce matraquage fiscal de 75 milliards d'euros de nouveaux impôts, et il en était fier ! Les Français apprécieront.

    Par ailleurs, Aurélien Le Coq a reproché au RN de ne pas voter avec la gauche populiste alors que celle-ci a fait front républicain aux élections contre le RN : « Une fois de plus, le Rassemblement national s’apprête à accomplir ce qu’il sait faire de mieux : sauver Emmanuel Macron et les plus riches ! C’est ce qu’il a déjà fait en refusant de voter la censure et en s’opposant à la destitution. Assumez ce que vous êtes : les larbins de la Macronie et des ultrariches. Honte à vous ! ». Honte plutôt aux insoumis de continuer à répandre cette fable du « vol démocratique en bande organisée », fable qui contribue une fois encore au discrédit de tout le Parlement lui-même par ses excès de langage.

     

     
     


    Au contraire, l'oratrice du groupe LR, Véronique Louwagie, a voulu rappeler l'esprit de responsabilité du gouvernement : « Le gouvernement de Michel Barnier s’emploie désormais à restaurer le crédit de la France s’agissant de sa capacité à soutenir durablement sa dette, ainsi que la confiance de nos partenaires européens : nous le soutenons et l’accompagnerons dans cette direction. Je nous mets tout de même en garde contre la facilité qui consisterait à préférer systématiquement l’augmentation des impôts à la diminution de la dépense publique. Plus que jamais, l’État doit donner l’exemple : nous l’invitons à prendre rapidement des mesures en vue de rationaliser son fonctionnement, ce à quoi nous resterons attentifs. Certes, le caractère inédit du déficit abyssal de 2024 peut faire admettre la nécessité, dans l’urgence, de nouvelles recettes ; il s’agit néanmoins d’y recourir de manière extrêmement précautionneuse et à titre temporaire, sous peine d’affecter l’activité économique. C’est la raison pour laquelle nous dénonçons avec la plus grande vigueur l’irresponsabilité budgétaire et le matraquage fiscal auxquels se sont adonnés, main dans la main, Rassemblement national et nouveau front populaire. Nous avons assisté à un déluge de taxes, vu s’élever des montagnes de nouvelles dépenses. À l’issue de neuf jours d’examen, l’addition est pour le moins salée : plus de 35 milliards d’impôts supplémentaires selon les estimations du gouvernement, près de 60 milliards d’après les calculs du président de la commission des finances. Comme si la pression fiscale n’était pas assez forte dans notre pays, qui détient le record mondial des prélèvements obligatoires, le NFP et le RN sont parvenus à un alourdissement sans précédent de la fiscalité des ménages comme de celle des entreprises : pérennisation de la contribution différentielle sur les hauts revenus, remise en cause du pacte Dutreil pour les entreprises familiales, taxation des dividendes, principe d’un impôt universel. Lorsque le courage politique leur faisait défaut, c’est l’abstention de l’un des camps qui permettait à l’autre de faire adopter une taxe sur les prétendus superprofits ou l’augmentation de 10 points du taux d’imposition minimal des multinationales ! Je retiendrai deux choses : d’une part, l’irresponsabilité du nouveau front populaire, qui, en même temps que de nouveaux impôts en séance publique, votait en commission quasiment 60 milliards de nouvelles dépenses parfois démesurées au regard des enjeux ; d’autre part, les incohérences du Rassemblement national, qui dépose des amendements visant à réduire les crédits des opérateurs et vote contre les amendements gouvernementaux allant dans le même sens. Chers collègues, c’est notre souveraineté que votre inconséquence met en péril. À l’heure où nous parlons, nous n’avons même plus de contribution au budget de l’Union Européenne : comment prétendre œuvrer au redressement de la France, à sa compétitivité, avec une telle offre politique ? Ce n’est pas en se repliant sur elle-même que la France renouera avec la prospérité ; l’actualité outre-Atlantique nous invite au contraire à davantage de discernement. La version du texte issue de nos débats, totalement dénaturée, ne correspond en rien à la proposition initiale souhaitée par Michel Barnier. ».

    Pour le groupe MoDem, Jean-Paul Mattei a redit son opposition au texte : « Je voudrais d’ailleurs souligner que la réduction du déficit à 2,9% du PIB, dont certains ici se gargarisent, n’est que faciale : près de la moitié de cette diminution est en effet imputable au rejet du prélèvement sur recettes au profit de l’Union Européenne, prélèvement déjà fortement écorné par l’adoption d’un amendement du Rassemblement national. Nous, députés du groupe Les Démocrates, qui avons depuis le départ placé la construction européenne au cœur de notre engagement politique, ne pouvons accepter ce Frexit de fait. Plus de la moitié de la baisse restante est soit euro-incompatible, soit anticonstitutionnelle, soit inopérante du fait des rédactions adoptées, comme l’institution de l’impôt Zucman. D’ailleurs, chers collègues du NFP, si vous aviez remporté les élections, auriez-vous déposé et adopté de tels amendements ? C’est peu probable. Nous voterons donc contre cette première partie. ». L'impôt Zucman est ce dispositif proposé par l'économiste Gabriel Zucman, par ailleurs militant insoumis et ancien thésard de Thomas Piketty, qui vise à créer une taxation des multinationales basée sur leur chiffre d'affaires.

    La députée Félicie Gérard, pour son groupe Horizons, a regretté, elle aussi, ce texte dénaturé : « Sans surprise, comme lors de l’examen en commission, le texte initial et équilibré du gouvernement a été fortement dénaturé. Plus de 35 milliards d’euros de taxes et impôts supplémentaires ont été adoptés. Ce budget est devenu irréaliste et irresponsable. Le projet de loi de finances, tel qu’amendé en séance publique, s’éloigne dangereusement des principes de responsabilité et de cohérence budgétaires (…). En voulez-vous une preuve ? Allez sur les réseaux sociaux et observez l’expression de la joie des députés de la France insoumise. Rien ne fait plus plaisir à un député LFI que d’augmenter de 35 milliards d’euros les impôts des Français ! Taxation des multinationales, des grandes entreprises, des entreprises pétrolières et gazières, des concessionnaires autoroutiers, des sociétés du transport maritime, des dividendes, du numérique… C’est à se demander quel secteur d’activité échappe à cet enfer fiscal ! Et quels effets dévastateurs cela aurait sur notre économie ! Les grandes entreprises fuiraient, car elles le peuvent ; ces mesures toucheraient les salariés et les petits épargnants, qui, eux, ne peuvent pas fuir. Voilà la politique de la France insoumise ! Quant à vous, collègues du Rassemblement national, vous avez retrouvé vos vieilles positions politiques, celles que vous prétendiez avoir abandonnées. En supprimant l’article 40, vous organisez purement et simplement le Frexit ! Certes, l’Europe est imparfaite, elle semble parfois trop éloignée, trop technique, mais allez dire à nos agriculteurs que vous voulez leur enlever les 9 milliards d’euros de la politique agricole commune (PAC), dont ils bénéficient ! Allez dire à nos PME, à nos ETI, à nos grandes entreprises qu’elles ne pourront plus accéder aux marchés européens aussi facilement, alors que notre pays exporte ! Allez dire aux salariés qu’ils perdront leur emploi, car ils subiront directement la compétition avec la Chine et les États-Unis ! Qui peut encore croire qu’en restant entre nous, sans l’Europe, nous pouvons rivaliser dans la compétition économique mondiale ? Toutes ces mesures déraisonnables composent le projet de loi de finances tel qu’il est soumis à notre vote : des hausses massives d’impôts et la sortie de la France de l’Union Européenne. Voici la triste image que renvoie notre assemblée au terme de ce débat : celle de l’irresponsabilité ! ».

     

     
     


    Le député David Amiel (EPR) a constaté : « Quelque 80% des hausses d’impôts qui ont été votées dans cet hémicycle nécessiteraient de sortir de l’Union Européenne, de violer des traités internationaux ou de mettre à bas notre ordre constitutionnel et juridique. Ces chiffres ont été établis par le rapporteur général du budget, qui ne fait pas partie de notre majorité. Si la première partie du budget était adoptée en l’état, la France n’appartiendrait plus à l’Europe, elle ne disposerait plus de moyens pour éviter des coupures de courant électrique après 2026, c’est vous dire le degré que nous avons atteint dans l’absurde !, et elle ne réglementerait plus les prix de l’électricité, exposant les Français à la spéculation des marchés. Il faut se rendre compte de ce que cela signifie que de produire un tel texte à l’Assemblée Nationale. Certains me répondent que ce budget n’est pas fait pour s’appliquer, qu’il s’agit d’envoyer des "signaux politiques", le terme est revenu souvent dans la discussion. Mais c’est encore plus grave : cela veut dire que l’on se moque des conséquences de ce que l’on vote dans cet hémicycle. Ceux qui disent vouloir envoyer des signaux admettent qu’ils votent un budget pour rire, sans se soucier des conséquences pour les Français. Quand on se comporte ainsi, le seul signal politique que l’on envoie, c’est celui du cynisme et de l’irresponsabilité. Le résultat, ce n’est pas un projet économique alternatif ! C’est un barbouillis budgétaire sans queue ni tête, qui n’a aucune cohérence interne, est à 80% inapplicable et est donc indigne du respect que l’on doit aux Français et à l’Assemblée. Nous en sommes arrivés là parce qu’à plusieurs reprises, l’extrême droite et l’extrême gauche se sont donné la main pour voter une véritable explosion fiscale, acceptant de mettre à terre notre économie, le pouvoir d’achat des Français et des travailleurs ainsi que la compétitivité de nos industries. Une fois dans l’hémicycle, ceux qui, sur les plateaux de télévision, se réclament de la souveraineté, conspirent avec La France insoumise pour mettre à bas notre souveraineté économique : quelle ironie ! Nous en sommes arrivés là, ensuite, parce que l’extrême droite et l’extrême gauche se sont donné la main pour s’opposer à l’Europe. (…) Ce gâchis parlementaire affaiblit notre pays à l’heure de la bataille économique mondiale. La Chine s’apprête à déverser ses surcapacités industrielles sur notre continent. Aux États-Unis, Donald Trump prépare une nouvelle guerre commerciale. Partout en Europe, nos voisins se préparent ; au Royaume-Uni, les travaillistes viennent d’ailleurs de lancer un plan d’investissement massif pour soutenir l’économie. La France, elle, après des années de redressement de sa compétitivité, court le risque d’un désarmement industriel unilatéral. (…) Vous connaissez notre opposition aux hausses de charges, alors que la baisse du coût du travail faisait l’objet, depuis des années, d’un consensus transpartisan, approuvée aussi bien par la gauche, je vois le Président François Hollande parmi nous, que par la droite et le centre ! Cette politique donnait des résultats. ».

    Quant au RN, Mattias Renault a confirmé son opposition au texte soumis au vote : « La copie initiale du gouvernement était déjà lourde en impôts, mais vous avez chargé la barque jusqu’à l’absurde ; le groupe RN ne peut pas voter en faveur d’une partie recettes qui mènerait notre pays au chaos. Nous avons certes obtenu quelques victoires symboliques, comme la suppression de l’augmentation de la taxe sur l’électricité ou la réduction de la contribution de la France à l’Union Européenne. Le fait est d’ailleurs nouveau : par notre présence massive et constante dans l’hémicycle, nous arrivons à y remporter des victoires politiques, en faveur de nos propositions. Cela étant, le groupe Rassemblement national ne peut cautionner ni le budget initial du gouvernement ni le budget absurde du NFP. ».

    Au final, à ce vote solennel (scrutin n°438), tous les députés LR, MoDem, Horizons, RN ont voté contre, la très grande majorité des députés EPR également (87 sur 94 ; une seule députée EPR a voté pour), tandis que tout le NFP a voté pour (PS, FI, PCF, EELV), il ne manquait à l'appel que l'ex-ministre PS devenue EELV
    Delphine Batho (qui s'est abstenue). Au total : sur 573 votants, 192 députés ont voté pour, 362 ont voté contre et 19 se sont abstenus. Les socialistes se sont totalement discrédités en votant pour un budget qui a refusé la contribution financière à l'Union Européenne. Ils remettent en cause leur ADN propre. Ce vote a montré une nouvelle fois, de façon éloquente, que le NFP ne détient aucune majorité, même relative.

     
     


    Conséquence : le volet recettes n'ayant pas été adopté, le volet dépenses ne peut être mis aux voix dans la mesure où les parlementaires n'ont constitutionnellement pas le droit de proposer des dépenses sans les financer par des recettes équivalentes. N'ayant plus de recettes, l'État ne peut plus faire de dépenses. C'est donc tout le projet de loi de finances (très modifié) qui a donc été rejeté par l'Assemblée Nationale ce 12 novembre 2024, mais la procédure législative n'est pas terminée pour autant : le texte originel, reproposé par le gouvernement avec éventuellement les amendements qu'il aurait gardé, va être en discussion au Sénat avant de revenir en seconde lecture à l'Assemblée Nationale.

    Est-ce à dire que ces trois semaines de discussion n'ont servi à rien ? Oui et non. Certes, cela donne une image déplorable du Parlement. Certes, les députés du socle commun (qui participent au gouvernement) n'ont pas été présents de manière aussi assidue que nécessaire, et ont laissé le NFP et le RN adopter, de manière complice, des amendements qui ont dénaturé complètement non seulement le texte du gouvernement mais aussi l'idée qu'on peut se faire de la France (par exemple, en refusant d'accepter de contribuer financièrement à l'Union Européenne, ce qui est, il me semble, je peux me tromper, sans précédent dans l'histoire parlementaire française depuis le
    Traité de Rome).
     

     
     


    Le Premier Ministre Michel Barnier a en revanche réussi ce que sa prédécesseure Élisabeth Borne n'avait pas réussi pour les lois de finances pour 2023 et 2024 : il n'a pas utilisé l'article 49 alinéa 3 de la Constitution qui aurait mis fin à la discussion. Du moins, il ne l'a pas encore utilisé (il ne l'a pas utilisé pour la première lecture). Cela reste conforme à ce qu'il avait annoncé, à savoir qu'il écouterait tous les députés, les respecterait.

    On peut évidemment comprendre que le texte qui sortira du Sénat sera plus conforme aux idées du gouvernement qui, du reste, n'avait pas finalisé son budget en raison de la rapidité à le préparer (quinze jours). En revanche, pour qu'il soit adopté en seconde lecture, je ne vois pas comment il n'utiliserait pas l'article 49 alinéa 3 dans la mesure où il n'existe aucune majorité de construction (le rejet est plus facilement majoritaire que l'adoption).

    En annonçant la marche en arrière du gouvernement sur la revalorisation des retraites (finalement au 1er janvier 2025 au lieu du 1er juillet 2025, avec une petite astuce pour économiser un peu), Michel Barnier a ôté un argument du RN pour voter une motion de censure. Car faire adopter la loi de finances par un article 49 aliéna 3, c'est prendre
    le risque d'une motion de censure adoptée et d'un renversement de gouvernement.

    On pourra par ailleurs aussi disserter sur la manière d'annoncer ce recul sur la revalorisation des retraites : c'est
    Laurent Wauquiez, chef de groupe mais pas ministre, qui l'a annoncé dans un journal de 20 heures le 10 novembre 2024 alors que cela aurait dû être un membre du gouvernement. Cette annonce a d'autant plus agacé les autres groupes du socle commun qu'ils n'étaient pas averti de ces tractations. Car pour certains de ces députés, le report de la revalorisation des retraites (qu'on ne pourrait appliquer qu'à partir d'un certain seuil de rémunération), si elle affaiblit le pouvoir d'achat, n'affaiblit pas globalement l'économie française au contraire de mesures fiscales tant sur les ménages que sur les entreprises qui pourraient freiner la compétitivité et surtout l'attractivité de notre économie, principale réussite du Président Emmanuel Macron depuis 2017. Le taux de chômage remonte légèrement (à 7,4%), il ne faudrait pas donner le signal qu'il n'est plus bon d'investir en France.

    Dans leur grande sagesse, les sénateurs vont revoir la copie du gouvernement (composé de beaucoup de sénateurs ou d'anciens sénateurs, comme l'a été Michel Barnier lui-même), et proposé aux députés un texte plus cohérent qui ne pourrait alors pas échappé à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241112-budget-2025.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/plf-2025-la-majorite-de-rejet-257638

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/12/article-sr-20241112-budget-2025.html






     

  • L'éclatement de la coalition Rouge Jaune Vert en Allemagne

    « Trahir, qu'on dit, c'est vite dit. Faut encore saisir l'occasion. C'est comme d'ouvrir une fenêtre dans une prison, trahir. Tout le monde en a envie, mais c'est rare qu'on puisse. » (Céline, 1932).



     

     
     


    Ce mercredi 6 novembre 2024, alors que l'actualité était monopolisée par la seconde élection de Donald Trump, un événement à mon avis aussi important dans ses conséquences pour l'Europe a eu lieu à Berlin : la coalition au pouvoir en Allemagne a éclaté. Et cela trois jours avant le trente-cinquième anniversaire de la chute du mur de Berlin !

    Les élections fédérales du 26 septembre 2021, c'est-à-dire les élections législatives, le renouvellement du Bundestag, la Chambre basse de la République fédérale d'Allemagne, ont donné des résultats mitigés à cause du scrutin proportionnel. Premières élections en l'absence de la Chancelière sortante Angela Merkel, la CDU (parti chrétien démocrate) a perdu son pari de se maintenir au pouvoir. Mais pour autant, le SPD (parti social-démocrate) n'a pas obtenu une majorité franche et massive.

    La CDU/CSU (quand j'évoque la CDU, c'est toujours en incluant l'allié bavarois CSU) a perdu 49 sièges avec 197 sièges sur 736 sièges au total (avec 24,1% des voix), tandis que son adversaire, le SPD, a à peine gagné plus de voix que la CDU, avec 25,7% des voix, lui permettant d'avoir 206 sièges au Bundestag (soit 53 de plus), loin d'obtenir une majorité absolue (il faut pour cela 369 sièges).


    Dans ces élections, les Verts ont fait un bond en doublant leur représentation avec 118 sièges (51 en plus) avec 14,8% des voix. Les libéraux démocrates (FDP), anciens alliés traditionnels de la CDU, ont eu un gain de 12 sièges avec 92 sièges (11,5% des voix), alors que les extrêmes ont régressé : l'extrême droite AfD a perdu 11 sièges avec 83 sièges (10,3% des voix) et Die Linke (l'extrême gauche de type mélenchoniste) a perdu la moitié de sa représentation avec 39 sièges (30 de moins) pour 4,9% des voix.
     

     
     


    Après plus de deux mois d'hésitations, d'incertitudes et de négociations (ce qui est plus longtemps qu'en France cet été 2024), le 7 décembre 2021, un accord de gouvernement a été conclu entre trois partis : les sociaux-démocrates, les libéraux démocrates et les écologistes, apportant dans le panier de la mariée 416 sièges sur 736, ce qui a donné une coalition dite feu tricolore, par ses couleurs : rouge (SPD), jaune (FDP) et vert (Die Grünen), après un premier accord préliminaire annoncé le 15 octobre 2021. Olaf Scholz, Vice-Chancelier sortant et Ministre des Finances sortant d'Angela Merkel, est devenu, le 8 décembre 2021, à 63 ans, le neuvième Chancelier de l'Allemagne fédérale.

    Malgré sa bouille souriante, Olaf Scholz s'est montré le chef de gouvernement le plus inconsistant de l'histoire récente de l'Allemagne. Il faut dire que le principe de cette coalition était de conception peu stable puisque d'un côté, le SPD et les Verts voulaient miser sur une hausse du salaire minimum à 12 euros brut par heure, un rétablissement de l'impôt sur la fortune, un assouplissement des lois Hartz (votées entre 2003 et 2005, sous gouvernement SPD pourtant, qui ont permis la compétitivité de l'économie allemande en Europe), tandis que le FDP souhaitait la poursuite de l'orthodoxie budgétaire.


    Les divergences ne pouvaient apparaître qu'une saison à l'autre, et l'impopularité du gouvernement aidant, ce fut moins facile de préserver l'unité. En effet, les élections de 2024 furent catastrophiques pour le Chancelier allemand. Revoyons le film des derniers mois.

    Le 9 juin 2024, c'étaient les
    élections européennes. Ce fut un coup de semonce sévère contre le SPD. En effet, non seulement le premier rival, la CDU, a gagné haut la main la première place, avec 30,0% des voix, mais le SPD s'est fait doubler de près de deux points par l'extrême droite. En effet, l'AfD a recueilli 15,9% des voix tandis que le SPD seulement 13,9% (en 2019, le SPD, qui avait déjà dévissé aux européennes, n'avait que 15,8% des voix, à l'époque doublé par les Verts à 20,5% !). Ensuite, les Verts à 11,9%, l'extrême gauche (BSW, populistes de gauche, parti fondé le 8 janvier 2024 à partir d'une scission de Die Linke) à 6,2% et le FDP à 5,2%. La coalition du feu tricolore ne représentait donc, en juin dernier, que 31,0% de l'électorat allemand.

    Mais plus encore, les élections régionales du 1er septembre 2024 dans deux régions de l'ancienne Allemagne de l'Est ont été encore plus catastrophiques pour les sociaux-démocrates.


    En Saxe (capitale : Dresde), le SPD a été en voie de disparition confirmée avec seulement 7,3% des voix (comme aux précédentes élections), derrière le CDU (qui dirigeait la région), à 31,9% des voix, l'AfD qui a failli dépasser la CDU avec 30,6% des voix et l'extrême gauche (BSW) avec 11,8% des voix. Seuls, les Verts à 5,1% et Die Linke (extrême gauche) à 4,5% ont fait pire que le SPD. La coalition sortante (CDU, SPD, Verts) a perdu la majorité absolue (seulement 58 sièges sur 120) et va avoir du mal à se frayer un passage entre une forte extrême droite (40 sièges) et une forte extrême gauche (21 sièges).

    Configuration électorale presque équivalente en Thuringe (capitale : Erfurt) où l'AfD a même conquis la première place avec 32,8% des voix (première victoire d'un parti d'extrême droite à une élection allemande depuis la fin de la guerre), loin devant la CDU à 23,6%. La gauche a été liquéfiée : 15,8% pour l'extrême gauche BSW, 13,1% pour Die Linke et seulement 6,1% pour le SPD (en perte encore de 2 points).

    Dans ces deux régions, le président fédéral de la CDU Friedrich Merz a soutenu la poursuite du refus absolu d'alliance avec l'AfD, et a prôné une coalition avec l'extrême gauche qui s'avère très difficile. Une coalition CDU-SPD avec la BSW était en cours d'évaluation, mais la BSW est sortie définitivement des négociations le 5 novembre 2024 en raison de positions irréconciliables (notamment sur l'immigration et l'aide à l'Ukraine), ce qui devrait provoquer le 1er février 2025 probablement une dissolution du Landtag (conseil régional) et de nouvelles élections régionales.

    En revanche, les élections régionales du 22 septembre 2024 en Brandebourg (capitale : Potsdam, où vivait Olaf Scholz) sont restées favorables au SPD avec 30,9% des voix, mais de justesse devant l'AfD à 29,2% des voix, l'extrême gauche (BSW) à 13,5% des voix et a CDU à 12,1% des voix.

    Ces situations électorales, régionales (à l'Allemagne de l'Est) et fédérales (aux européennes), montrent que la classe politique allemande (comme c'est le cas en France et dans de nombreux autres pays européens) est tiraillée par des populismes d'extrême droite et parfois d'extrême gauche désormais assez fortement ancrés dans l'électorat.

     

     
     


    Parmi les désaccords internes à la coalition Rouge Jaune Vert, la politique économique, notamment dans le secteur automobile. Le FDP préconisait de réduire les dépenses publiques et les impôts sur les entreprises et la classe moyenne supérieure. Au contraire, le SPD et les Verts voulaient stimuler l'industrie en augmentant les investissements, notamment dans l'automobile (Volkswagen est en pleine crise). Mais le FDP a fait une offensive en proposant son programme et en insistant pour ne pas dépasser le déficit à 3,5% du PIB (la gauche voudrait atteindre 5%).

    Olaf Scholz a tranché (pour une fois) en limogeant le 6 novembre 2024 son Ministre des Finances Christian Lindner, également président du FDP depuis le 7 décembre 2013. Cette éviction a provoqué dès le lendemain, 7 novembre 2024, le départ des autres ministres FDP du gouvernement : le Ministre de la Justice Marco Buschmann et la Ministre de l'Éducation et de la Recherche Bettina Stark-Watzinger. Seul Volker Wissing, Ministre FDP des Transports et du Numérique, a quitté le FDP pour rester au gouvernement avec ses prérogatives sortantes et en cumulant avec la Justice en tant que politiquement indépendant. Christian Lindner a été acclamé par son groupe après son départ du gouvernement.

    En se retirant de la coalition, le FDP la rend minoritaire puisqu'elle ne peut plus compter sur ses 92 sièges, d'où seulement 324 sièges sur 736. Olaf Scholz a cependant choisi de continuer à gouverner jusqu'à un vote de confiance qu'il a planifié le 15 janvier 2025, date à laquelle son gouvernement sera probablement renversé et le Bundestag dissous. Qu'importe, Olaf Scholz a déjà annoncé qu'il serait candidat à sa reconduction.


    En quelque sorte, Olaf Scholz a fait le 6 novembre 2024 ce que le Président français Emmanuel Macron a fait le 9 juin 2024, c'est-à-dire prononcer la dissolution de l'Assemblée, ou plutôt, prononcer son auto-dissolution. Bref, appuyer sur le bouton rouge et faire tout exploser.

    De nouvelles élections fédérales allemandes sont donc à prévoir à brève échéance (en principe, elles auraient dû avoir lieu le 28 septembre 2025), plutôt en février ou mars 2025. Et Olaf Scholz, probablement, disparaîtra de la vie politique allemande aussi discrètement qu'il est apparu. Rien n'est vraiment prévisible avec de forts mouvements populistes (comme en France), mais la situation à concevoir la plus probable est le retour au pouvoir de la CDU, mais par l'aile dure, forte.
     

     
     


    En effet, Friedrich Merz (69 ans) attend depuis une vingtaine d'années sa consécration et il pense bien l'obtenir dans quelques mois. Il est un peu le Bruno Retailleau allemand. Avocat d'affaires, avec une ascendance maternelle française, il a été élu député européen CDU de 1989 à 1994 puis député fédéral de 1994 à 2009. Entre le 29 février 2000 et le 24 septembre 2002, il a présidé le groupe CDU au Bundestag et prévoyait de devenir l'héritier du Chancelier Helmut Kohl (en l'honneur de qui un lieu de Berlin, une avenue ou une place, sera bientôt baptisé), mais sa rivale directe Angela Merkel lui a pris la présidence du groupe en 2002 après avoir conquis la présidence fédérale de la CDU en 2000. Après l'élection d'Angela Merkel à la tête du gouvernement en 2005, Friedrich Merz s'est éloigné de la vie politique et l'a complètement quittée en 2009 pour diriger des entreprises et des fonds d'investissement. Mais après l'annonce du retrait d'Angela Merkel le 29 octobre 2018, notamment de quitter la présidence de la CDU, il est revenu immédiatement dans la bataille interne pour se présenter comme candidat à la Chancellerie en 2021.

    Battu pour la présidence de la CDU par
    Annegret Kramp-Karrenbauer le 7 décembre 2018 (au 31e congrès de la CDU) avec 48,2%, puis par Armin Laschet le 16 janvier 2021 (au 33e congrès de la CDU) avec un score aussi serré, Friedrich Merz a été finalement élu président de la CDU le 16 décembre 2021 (au 34e congrès de la CDU, après la défaite électorale de la CDU en septembre 2024) avec 62,1%. Il a pris ses fonctions de président de la CDU le 31 janvier 2022 et a pris aussi la présidence du groupe CDU au Bundestag le 15 février 2022 (il a été réélu député en septembre 2021), cumulant ainsi les pouvoirs au sein de la CDU en vue des élections fédérales de 2025.

    C'est pour cela que Friedrich Merz sera le probable prochain Chancelier allemand, dans un retour politique aussi improbable que celui de Donald Trump ou de
    Michel Barnier, avec la ferme volonté de changer la politique allemande, tant celle de la coalition du feu tricolore (la feue coalition tricolore) que celles dirigées par Angela Merkel (qui n'a dirigé seulement avec la CDU que pendant un mandat sur ses quatre mandats). En particulier, il devrait prendre des mesures très fortes contre l'immigration mais aussi pour renouer avec l'énergie nucléaire dont il était un ferme partisan (pour lui, la décision allemande de sortir du nucléaire a été une faute historique majeure). En revanche, avec le départ de Joe Biden en janvier 2025, il n'aura plus d'allié à la Maison-Blanche pour une ligne d'aide massive à l'Ukraine comme il le souhaiterait.

    Rien n'est encore écrit, mais la chute du gouvernement Scholz est une question de semaines, et sa défaite devant les électeurs une quasi-certitude. En revanche, le prochain vainqueur est moins sûr avec la forte audience électorale de l'AfD et, dans une moindre mesure, de celle de la BSW (qui prend surtout sur l'électorat du SPD, des Verts et de Die Linke). Une coalition dirigée par la CDU, avec Friedrich Merz comme chef du gouvernement, reste néanmoins la favorite.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'éclatement de la coalition Rouge Jaune Vert en Allemagne.
    Friedrich Merz.
    Olaf Scholz.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Élections européennes 2024 (7) : Ursula von der Leyen et ses trois priorités, la défense, le logement et la compétitivité.
    Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen.
    Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".
    Konrad Adenauer.
    Daniel Cohn-Bendit.
    Volkswagen.
    Hans Modrow.
    Dmitri Vrubel.

    Le mur de Berlin.
    La chute du mur de Berlin.
    La Réunification allemande.
    Berlin 1989 : le 9/11 avant le 11/9.
    Maus.
    Le massacre d'Oradour-sur-Glane.
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    Le testament de Benoît XVI.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !
    Couvrez ces seins que je ne saurais voir !
    Olaf Scholz, l’étincelle du feu tricolore.
    Législatives allemandes 2021 (2) : Olaf Scholz bientôt Chancelier.
    Bonne retraite, Frau Merkel !
    Législatives allemandes 2021 (1) : INCERTITUDE !
    L’Allemagne en pleine fièvre extrémiste ?
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241106-coalition-allemagne.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/l-eclatement-de-la-coalition-rouge-257560

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/07/article-sr-20241106-coalition-allemagne.html




     

  • Olaf Scholz a appuyé sur le bouton rouge !

    « Trahir, qu'on dit, c'est vite dit. Faut encore saisir l'occasion. C'est comme d'ouvrir une fenêtre dans une prison, trahir. Tout le monde en a envie, mais c'est rare qu'on puisse. » (Céline, 1932).



     

     
     


    Ce mercredi 6 novembre 2024, alors que l'actualité était monopolisée par la seconde élection de Donald Trump, un événement à mon avis aussi important dans ses conséquences pour l'Europe a eu lieu à Berlin : la coalition au pouvoir en Allemagne a éclaté. Et cela trois jours avant le trente-cinquième anniversaire de la chute du mur de Berlin !

    Les élections fédérales du 26 septembre 2021, c'est-à-dire les élections législatives, le renouvellement du Bundestag, la Chambre basse de la République fédérale d'Allemagne, ont donné des résultats mitigés à cause du scrutin proportionnel. Premières élections en l'absence de la Chancelière sortante Angela Merkel, la CDU (parti chrétien démocrate) a perdu son pari de se maintenir au pouvoir. Mais pour autant, le SPD (parti social-démocrate) n'a pas obtenu une majorité franche et massive.

    La CDU/CSU (quand j'évoque la CDU, c'est toujours en incluant l'allié bavarois CSU) a perdu 49 sièges avec 197 sièges sur 736 sièges au total (avec 24,1% des voix), tandis que son adversaire, le SPD, a à peine gagné plus de voix que la CDU, avec 25,7% des voix, lui permettant d'avoir 206 sièges au Bundestag (soit 53 de plus), loin d'obtenir une majorité absolue (il faut pour cela 369 sièges).


    Dans ces élections, les Verts ont fait un bond en doublant leur représentation avec 118 sièges (51 en plus) avec 14,8% des voix. Les libéraux démocrates (FDP), anciens alliés traditionnels de la CDU, ont eu un gain de 12 sièges avec 92 sièges (11,5% des voix), alors que les extrêmes ont régressé : l'extrême droite AfD a perdu 11 sièges avec 83 sièges (10,3% des voix) et Die Linke (l'extrême gauche de type mélenchoniste) a perdu la moitié de sa représentation avec 39 sièges (30 de moins) pour 4,9% des voix.

     
     


    Après plus de deux mois d'hésitations, d'incertitudes et de négociations (ce qui est plus longtemps qu'en France cet été 2024), le 7 décembre 2021, un accord de gouvernement a été conclu entre trois partis : les sociaux-démocrates, les libéraux démocrates et les écologistes, apportant dans le panier de la mariée 416 sièges sur 736, ce qui a donné une coalition dite feu tricolore, par ses couleurs : rouge (SPD), jaune (FDP) et vert (Die Grünen), après un premier accord préliminaire annoncé le 15 octobre 2021. Olaf Scholz, Vice-Chancelier sortant et Ministre des Finances sortant d'Angela Merkel, est devenu, le 8 décembre 2021, à 63 ans, le neuvième Chancelier de l'Allemagne fédérale.

    Malgré sa bouille souriante, Olaf Scholz s'est montré le chef de gouvernement le plus inconsistant de l'histoire récente de l'Allemagne. Il faut dire que le principe de cette coalition était de conception peu stable puisque d'un côté, le SPD et les Verts voulaient miser sur une hausse du salaire minimum à 12 euros brut par heure, un rétablissement de l'impôt sur la fortune, un assouplissement des lois Hartz (votées entre 2003 et 2005, sous gouvernement SPD pourtant, qui ont permis la compétitivité de l'économie allemande en Europe), tandis que le FDP souhaitait la poursuite de l'orthodoxie budgétaire.


    Les divergences ne pouvaient apparaître qu'une saison à l'autre, et l'impopularité du gouvernement aidant, ce fut moins facile de préserver l'unité. En effet, les élections de 2024 furent catastrophiques pour le Chancelier allemand. Revoyons le film des derniers mois.

    Le 9 juin 2024, c'étaient les
    élections européennes. Ce fut un coup de semonce sévère contre le SPD. En effet, non seulement le premier rival, la CDU, a gagné haut la main la première place, avec 30,0% des voix, mais le SPD s'est fait doubler de près de deux points par l'extrême droite. En effet, l'AfD a recueilli 15,9% des voix tandis que le SPD seulement 13,9% (en 2019, le SPD, qui avait déjà dévissé aux européennes, n'avait que 15,8% des voix, à l'époque doublé par les Verts à 20,5% !). Ensuite, les Verts à 11,9%, l'extrême gauche (BSW, populistes de gauche, parti fondé le 8 janvier 2024 à partir d'une scission de Die Linke) à 6,2% et le FDP à 5,2%. La coalition du feu tricolore ne représentait donc, en juin dernier, que 31,0% de l'électorat allemand.

    Mais plus encore, les élections régionales du 1er septembre 2024 dans deux régions de l'ancienne Allemagne de l'Est ont été encore plus catastrophiques pour les sociaux-démocrates.


    En Saxe (capitale : Dresde), le SPD a été en voie de disparition confirmée avec seulement 7,3% des voix (comme aux précédentes élections), derrière le CDU (qui dirigeait la région), à 31,9% des voix, l'AfD qui a failli dépasser la CDU avec 30,6% des voix et l'extrême gauche (BSW) avec 11,8% des voix. Seuls, les Verts à 5,1% et Die Linke (extrême gauche) à 4,5% ont fait pire que le SPD. La coalition sortante (CDU, SPD, Verts) a perdu la majorité absolue (seulement 58 sièges sur 120) et va avoir du mal à se frayer un passage entre une forte extrême droite (40 sièges) et une forte extrême gauche (21 sièges).

    Configuration électorale presque équivalente en Thuringe (capitale : Erfurt) où l'AfD a même conquis la première place avec 32,8% des voix (première victoire d'un parti d'extrême droite à une élection allemande depuis la fin de la guerre), loin devant la CDU à 23,6%. La gauche a été liquéfiée : 15,8% pour l'extrême gauche BSW, 13,1% pour Die Linke et seulement 6,1% pour le SPD (en perte encore de 2 points).

    Dans ces deux régions, le président fédéral de la CDU Friedrich Merz a soutenu la poursuite du refus absolu d'alliance avec l'AfD, et a prôné une coalition avec l'extrême gauche qui s'avère très difficile. Une coalition CDU-SPD avec la BSW était en cours d'évaluation, mais la BSW est sortie définitivement des négociations le 5 novembre 2024 en raison de positions irréconciliables (notamment sur l'immigration et l'aide à l'Ukraine), ce qui devrait provoquer le 1er février 2025 probablement une dissolution du Landtag (conseil régional) et de nouvelles élections régionales.

    En revanche, les élections régionales du 22 septembre 2024 en Brandebourg (capitale : Potsdam, où vivait Olaf Scholz) sont restées favorables au SPD avec 30,9% des voix, mais de justesse devant l'AfD à 29,2% des voix, l'extrême gauche (BSW) à 13,5% des voix et a CDU à 12,1% des voix.

    Ces situations électorales, régionales (à l'Allemagne de l'Est) et fédérales (aux européennes), montrent que la classe politique allemande (comme c'est le cas en France et dans de nombreux autres pays européens) est tiraillée par des populismes d'extrême droite et parfois d'extrême gauche désormais assez fortement ancrés dans l'électorat.

     

     
     


    Parmi les désaccords internes à la coalition Rouge Jaune Vert, la politique économique, notamment dans le secteur automobile. Le FDP préconisait de réduire les dépenses publiques et les impôts sur les entreprises et la classe moyenne supérieure. Au contraire, le SPD et les Verts voulaient stimuler l'industrie en augmentant les investissements, notamment dans l'automobile (Volkswagen est en pleine crise). Mais le FDP a fait une offensive en proposant son programme et en insistant pour ne pas dépasser le déficit à 3,5% du PIB (la gauche voudrait atteindre 5%).

    Olaf Scholz a tranché (pour une fois) en limogeant le 6 novembre 2024 son Ministre des Finances Christian Lindner, également président du FDP depuis le 7 décembre 2013. Cette éviction a provoqué dès le lendemain, 7 novembre 2024, le départ des autres ministres FDP du gouvernement : le Ministre de la Justice Marco Buschmann et la Ministre de l'Éducation et de la Recherche Bettina Stark-Watzinger. Seul Volker Wissing, Ministre FDP des Transports et du Numérique, a quitté le FDP pour rester au gouvernement avec ses prérogatives sortantes et en cumulant avec la Justice en tant que politiquement indépendant. Christian Lindner a été acclamé par son groupe après son départ du gouvernement.

    En se retirant de la coalition, le FDP la rend minoritaire puisqu'elle ne peut plus compter sur ses 92 sièges, d'où seulement 324 sièges sur 736. Olaf Scholz a cependant choisi de continuer à gouverner jusqu'à un vote de confiance qu'il a planifié le 15 janvier 2025, date à laquelle son gouvernement sera probablement renversé et le Bundestag dissous. Qu'importe, Olaf Scholz a déjà annoncé qu'il serait candidat à sa reconduction.


    En quelque sorte, Olaf Scholz a fait le 6 novembre 2024 ce que le Président français Emmanuel Macron a fait le 9 juin 2024, c'est-à-dire prononcer la dissolution de l'Assemblée, ou plutôt, prononcer son auto-dissolution. Bref, appuyer sur le bouton rouge et faire tout exploser.

    De nouvelles élections fédérales allemandes sont donc à prévoir à brève échéance (en principe, elles auraient dû avoir lieu le 28 septembre 2025), plutôt en février ou mars 2025. Et Olaf Scholz, probablement, disparaîtra de la vie politique allemande aussi discrètement qu'il est apparu. Rien n'est vraiment prévisible avec de forts mouvements populistes (comme en France), mais la situation à concevoir la plus probable est le retour au pouvoir de la CDU, mais par l'aile dure, forte.

     
     


    En effet, Friedrich Merz (69 ans) attend depuis une vingtaine d'années sa consécration et il pense bien l'obtenir dans quelques mois. Il est un peu le Bruno Retailleau allemand. Avocat d'affaires, avec une ascendance maternelle française, il a été élu député européen CDU de 1989 à 1994 puis député fédéral de 1994 à 2009. Entre le 29 février 2000 et le 24 septembre 2002, il a présidé le groupe CDU au Bundestag et prévoyait de devenir l'héritier du Chancelier Helmut Kohl (en l'honneur de qui un lieu de Berlin, une avenue ou une place, sera bientôt baptisé), mais sa rivale directe Angela Merkel lui a pris la présidence du groupe en 2002 après avoir conquis la présidence fédérale de la CDU en 2000. Après l'élection d'Angela Merkel à la tête du gouvernement en 2005, Friedrich Merz s'est éloigné de la vie politique et l'a complètement quittée en 2009 pour diriger des entreprises et des fonds d'investissement. Mais après l'annonce du retrait d'Angela Merkel le 29 octobre 2018, notamment de quitter la présidence de la CDU, il est revenu immédiatement dans la bataille interne pour se présenter comme candidat à la Chancellerie en 2021.

    Battu pour la présidence de la CDU par
    Annegret Kramp-Karrenbauer le 7 décembre 2018 (au 31e congrès de la CDU) avec 48,2%, puis par Armin Laschet le 16 janvier 2021 (au 33e congrès de la CDU) avec un score aussi serré, Friedrich Merz a été finalement élu président de la CDU le 16 décembre 2021 (au 34e congrès de la CDU, après la défaite électorale de la CDU en septembre 2024) avec 62,1%. Il a pris ses fonctions de président de la CDU le 31 janvier 2022 et a pris aussi la présidence du groupe CDU au Bundestag le 15 février 2022 (il a été réélu député en septembre 2021), cumulant ainsi les pouvoirs au sein de la CDU en vue des élections fédérales de 2025.

    C'est pour cela que Friedrich Merz sera le probable prochain Chancelier allemand, dans un retour politique aussi improbable que celui de Donald Trump ou de
    Michel Barnier, avec la ferme volonté de changer la politique allemande, tant celle de la coalition du feu tricolore (la feue coalition tricolore) que celles dirigées par Angela Merkel (qui n'a dirigé seulement avec la CDU que pendant un mandat sur ses quatre mandats). En particulier, il devrait prendre des mesures très fortes contre l'immigration mais aussi pour renouer avec l'énergie nucléaire dont il était un ferme partisan (pour lui, la décision allemande de sortir du nucléaire a été une faute historique majeure). En revanche, avec le départ de Joe Biden en janvier 2025, il n'aura plus d'allié à la Maison-Blanche pour une ligne d'aide massive à l'Ukraine comme il le souhaiterait.

    Rien n'est encore écrit, mais la chute du gouvernement Scholz est une question de semaines, et sa défaite devant les électeurs une quasi-certitude. En revanche, le prochain vainqueur est moins sûr avec la forte audience électorale de l'AfD et, dans une moindre mesure, de celle de la BSW (qui prend surtout sur l'électorat du SPD, des Verts et de Die Linke). Une coalition dirigée par la CDU, avec Friedrich Merz comme chef du gouvernement, reste néanmoins la favorite.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'éclatement de la coalition Rouge Jaune Vert en Allemagne.
    Friedrich Merz.
    Olaf Scholz.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Élections européennes 2024 (7) : Ursula von der Leyen et ses trois priorités, la défense, le logement et la compétitivité.
    Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen.
    Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".
    Konrad Adenauer.
    Daniel Cohn-Bendit.
    Volkswagen.
    Hans Modrow.
    Dmitri Vrubel.

    Le mur de Berlin.
    La chute du mur de Berlin.
    La Réunification allemande.
    Berlin 1989 : le 9/11 avant le 11/9.
    Maus.
    Le massacre d'Oradour-sur-Glane.
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    Le testament de Benoît XVI.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !
    Couvrez ces seins que je ne saurais voir !
    Olaf Scholz, l’étincelle du feu tricolore.
    Législatives allemandes 2021 (2) : Olaf Scholz bientôt Chancelier.
    Bonne retraite, Frau Merkel !
    Législatives allemandes 2021 (1) : INCERTITUDE !
    L’Allemagne en pleine fièvre extrémiste ?

     
     



     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241106-scholz.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/11/article-sr-20241106-scholz.html


     


     

  • Friedrich Merz, futur Chancelier allemand en 2025 ?

    « Trahir, qu'on dit, c'est vite dit. Faut encore saisir l'occasion. C'est comme d'ouvrir une fenêtre dans une prison, trahir. Tout le monde en a envie, mais c'est rare qu'on puisse. » (Céline, 1932).

     

     
     


    Ce mercredi 6 novembre 2024, alors que l'actualité était monopolisée par la seconde élection de Donald Trump, un événement à mon avis aussi important dans ses conséquences pour l'Europe a eu lieu à Berlin : la coalition au pouvoir en Allemagne a éclaté. Et cela trois jours avant le trente-cinquième anniversaire de la chute du mur de Berlin !

    Les élections fédérales du 26 septembre 2021, c'est-à-dire les élections législatives, le renouvellement du Bundestag, la Chambre basse de la République fédérale d'Allemagne, ont donné des résultats mitigés à cause du scrutin proportionnel. Premières élections en l'absence de la Chancelière sortante Angela Merkel, la CDU (parti chrétien démocrate) a perdu son pari de se maintenir au pouvoir. Mais pour autant, le SPD (parti social-démocrate) n'a pas obtenu une majorité franche et massive.

    La CDU/CSU (quand j'évoque la CDU, c'est toujours en incluant l'allié bavarois CSU) a perdu 49 sièges avec 197 sièges sur 736 sièges au total (avec 24,1% des voix), tandis que son adversaire, le SPD, a à peine gagné plus de voix que la CDU, avec 25,7% des voix, lui permettant d'avoir 206 sièges au Bundestag (soit 53 de plus), loin d'obtenir une majorité absolue (il faut pour cela 369 sièges).


    Dans ces élections, les Verts ont fait un bond en doublant leur représentation avec 118 sièges (51 en plus) avec 14,8% des voix. Les libéraux démocrates (FDP), anciens alliés traditionnels de la CDU, ont eu un gain de 12 sièges avec 92 sièges (11,5% des voix), alors que les extrêmes ont régressé : l'extrême droite AfD a perdu 11 sièges avec 83 sièges (10,3% des voix) et Die Linke (l'extrême gauche de type mélenchoniste) a perdu la moitié de sa représentation avec 39 sièges (30 de moins) pour 4,9% des voix.

     
     


    Après plus de deux mois d'hésitations, d'incertitudes et de négociations (ce qui est plus longtemps qu'en France cet été 2024), le 7 décembre 2021, un accord de gouvernement a été conclu entre trois partis : les sociaux-démocrates, les libéraux démocrates et les écologistes, apportant dans le panier de la mariée 416 sièges sur 736, ce qui a donné une coalition dite feu tricolore, par ses couleurs : rouge (SPD), jaune (FDP) et vert (Die Grünen), après un premier accord préliminaire annoncé le 15 octobre 2021. Olaf Scholz, Vice-Chancelier sortant et Ministre des Finances sortant d'Angela Merkel, est devenu, le 8 décembre 2021, à 63 ans, le neuvième Chancelier de l'Allemagne fédérale.

    Malgré sa bouille souriante, Olaf Scholz s'est montré le chef de gouvernement le plus inconsistant de l'histoire récente de l'Allemagne. Il faut dire que le principe de cette coalition était de conception peu stable puisque d'un côté, le SPD et les Verts voulaient miser sur une hausse du salaire minimum à 12 euros brut par heure, un rétablissement de l'impôt sur la fortune, un assouplissement des lois Hartz (votées entre 2003 et 2005, sous gouvernement SPD pourtant, qui ont permis la compétitivité de l'économie allemande en Europe), tandis que le FDP souhaitait la poursuite de l'orthodoxie budgétaire.


    Les divergences ne pouvaient apparaître qu'une saison à l'autre, et l'impopularité du gouvernement aidant, ce fut moins facile de préserver l'unité. En effet, les élections de 2024 furent catastrophiques pour le Chancelier allemand. Revoyons le film des derniers mois.

    Le 9 juin 2024, c'étaient les
    élections européennes. Ce fut un coup de semonce sévère contre le SPD. En effet, non seulement le premier rival, la CDU, a gagné haut la main la première place, avec 30,0% des voix, mais le SPD s'est fait doubler de près de deux points par l'extrême droite. En effet, l'AfD a recueilli 15,9% des voix tandis que le SPD seulement 13,9% (en 2019, le SPD, qui avait déjà dévissé aux européennes, n'avait que 15,8% des voix, à l'époque doublé par les Verts à 20,5% !). Ensuite, les Verts à 11,9%, l'extrême gauche (BSW, populistes de gauche, parti fondé le 8 janvier 2024 à partir d'une scission de Die Linke) à 6,2% et le FDP à 5,2%. La coalition du feu tricolore ne représentait donc, en juin dernier, que 31,0% de l'électorat allemand.

    Mais plus encore, les élections régionales du 1er septembre 2024 dans deux régions de l'ancienne Allemagne de l'Est ont été encore plus catastrophiques pour les sociaux-démocrates.


    En Saxe (capitale : Dresde), le SPD a été en voie de disparition confirmée avec seulement 7,3% des voix (comme aux précédentes élections), derrière le CDU (qui dirigeait la région), à 31,9% des voix, l'AfD qui a failli dépasser la CDU avec 30,6% des voix et l'extrême gauche (BSW) avec 11,8% des voix. Seuls, les Verts à 5,1% et Die Linke (extrême gauche) à 4,5% ont fait pire que le SPD. La coalition sortante (CDU, SPD, Verts) a perdu la majorité absolue (seulement 58 sièges sur 120) et va avoir du mal à se frayer un passage entre une forte extrême droite (40 sièges) et une forte extrême gauche (21 sièges).

    Configuration électorale presque équivalente en Thuringe (capitale : Erfurt) où l'AfD a même conquis la première place avec 32,8% des voix (première victoire d'un parti d'extrême droite à une élection allemande depuis la fin de la guerre), loin devant la CDU à 23,6%. La gauche a été liquéfiée : 15,8% pour l'extrême gauche BSW, 13,1% pour Die Linke et seulement 6,1% pour le SPD (en perte encore de 2 points).

    Dans ces deux régions, le président fédéral de la CDU Friedrich Merz a soutenu la poursuite du refus absolu d'alliance avec l'AfD, et a prôné une coalition avec l'extrême gauche qui s'avère très difficile. Une coalition CDU-SPD avec la BSW était en cours d'évaluation, mais la BSW est sortie définitivement des négociations le 5 novembre 2024 en raison de positions irréconciliables (notamment sur l'immigration et l'aide à l'Ukraine), ce qui devrait provoquer le 1er février 2025 probablement une dissolution du Landtag (conseil régional) et de nouvelles élections régionales.

    En revanche, les élections régionales du 22 septembre 2024 en Brandebourg (capitale : Potsdam, où vivait Olaf Scholz) sont restées favorables au SPD avec 30,9% des voix, mais de justesse devant l'AfD à 29,2% des voix, l'extrême gauche (BSW) à 13,5% des voix et a CDU à 12,1% des voix.

    Ces situations électorales, régionales (à l'Allemagne de l'Est) et fédérales (aux européennes), montrent que la classe politique allemande (comme c'est le cas en France et dans de nombreux autres pays européens) est tiraillée par des populismes d'extrême droite et parfois d'extrême gauche désormais assez fortement ancrés dans l'électorat.

     

     
     


    Parmi les désaccords internes à la coalition Rouge Jaune Vert, la politique économique, notamment dans le secteur automobile. Le FDP préconisait de réduire les dépenses publiques et les impôts sur les entreprises et la classe moyenne supérieure. Au contraire, le SPD et les Verts voulaient stimuler l'industrie en augmentant les investissements, notamment dans l'automobile (Volkswagen est en pleine crise). Mais le FDP a fait une offensive en proposant son programme et en insistant pour ne pas dépasser le déficit à 3,5% du PIB (la gauche voudrait atteindre 5%).

    Olaf Scholz a tranché (pour une fois) en limogeant le 6 novembre 2024 son Ministre des Finances Christian Lindner, également président du FDP depuis le 7 décembre 2013. Cette éviction a provoqué dès le lendemain, 7 novembre 2024, le départ des autres ministres FDP du gouvernement : le Ministre de la Justice Marco Buschmann et la Ministre de l'Éducation et de la Recherche Bettina Stark-Watzinger. Seul Volker Wissing, Ministre FDP des Transports et du Numérique, a quitté le FDP pour rester au gouvernement avec ses prérogatives sortantes et en cumulant avec la Justice en tant que politiquement indépendant. Christian Lindner a été acclamé par son groupe après son départ du gouvernement.

    En se retirant de la coalition, le FDP la rend minoritaire puisqu'elle ne peut plus compter sur ses 92 sièges, d'où seulement 324 sièges sur 736. Olaf Scholz a cependant choisi de continuer à gouverner jusqu'à un vote de confiance qu'il a planifié le 15 janvier 2025, date à laquelle son gouvernement sera probablement renversé et le Bundestag dissous. Qu'importe, Olaf Scholz a déjà annoncé qu'il serait candidat à sa reconduction.


    En quelque sorte, Olaf Scholz a fait le 6 novembre 2024 ce que le Président français Emmanuel Macron a fait le 9 juin 2024, c'est-à-dire prononcer la dissolution de l'Assemblée, ou plutôt, prononcer son auto-dissolution. Bref, appuyer sur le bouton rouge et faire tout exploser.

    De nouvelles élections fédérales allemandes sont donc à prévoir à brève échéance (en principe, elles auraient dû avoir lieu le 28 septembre 2025), plutôt en février ou mars 2025. Et Olaf Scholz, probablement, disparaîtra de la vie politique allemande aussi discrètement qu'il est apparu. Rien n'est vraiment prévisible avec de forts mouvements populistes (comme en France), mais la situation à concevoir la plus probable est le retour au pouvoir de la CDU, mais par l'aile dure, forte.
     

     
     


    En effet, Friedrich Merz (69 ans) attend depuis une vingtaine d'années sa consécration et il pense bien l'obtenir dans quelques mois. Il est un peu le Bruno Retailleau allemand. Avocat d'affaires, avec une ascendance maternelle française, il a été élu député européen CDU de 1989 à 1994 puis député fédéral de 1994 à 2009. Entre le 29 février 2000 et le 24 septembre 2002, il a présidé le groupe CDU au Bundestag et prévoyait de devenir l'héritier du Chancelier Helmut Kohl (en l'honneur de qui un lieu de Berlin, une avenue ou une place, sera bientôt baptisé), mais sa rivale directe Angela Merkel lui a pris la présidence du groupe en 2002 après avoir conquis la présidence fédérale de la CDU en 2000. Après l'élection d'Angela Merkel à la tête du gouvernement en 2005, Friedrich Merz s'est éloigné de la vie politique et l'a complètement quittée en 2009 pour diriger des entreprises et des fonds d'investissement. Mais après l'annonce du retrait d'Angela Merkel le 29 octobre 2018, notamment de quitter la présidence de la CDU, il est revenu immédiatement dans la bataille interne pour se présenter comme candidat à la Chancellerie en 2021.

    Battu pour la présidence de la CDU par
    Annegret Kramp-Karrenbauer le 7 décembre 2018 (au 31e congrès de la CDU) avec 48,2%, puis par Armin Laschet le 16 janvier 2021 (au 33e congrès de la CDU) avec un score aussi serré, Friedrich Merz a été finalement élu président de la CDU le 16 décembre 2021 (au 34e congrès de la CDU, après la défaite électorale de la CDU en septembre 2024) avec 62,1%. Il a pris ses fonctions de président de la CDU le 31 janvier 2022 et a pris aussi la présidence du groupe CDU au Bundestag le 15 février 2022 (il a été réélu député en septembre 2021), cumulant ainsi les pouvoirs au sein de la CDU en vue des élections fédérales de 2025.

    C'est pour cela que Friedrich Merz sera le probable prochain Chancelier allemand, dans un retour politique aussi improbable que celui de Donald Trump ou de
    Michel Barnier, avec la ferme volonté de changer la politique allemande, tant celle de la coalition du feu tricolore (la feue coalition tricolore) que celles dirigées par Angela Merkel (qui n'a dirigé seulement avec la CDU que pendant un mandat sur ses quatre mandats). En particulier, il devrait prendre des mesures très fortes contre l'immigration mais aussi pour renouer avec l'énergie nucléaire dont il était un ferme partisan (pour lui, la décision allemande de sortir du nucléaire a été une faute historique majeure). En revanche, avec le départ de Joe Biden en janvier 2025, il n'aura plus d'allié à la Maison-Blanche pour une ligne d'aide massive à l'Ukraine comme il le souhaiterait.

    Rien n'est encore écrit, mais la chute du gouvernement Scholz est une question de semaines, et sa défaite devant les électeurs une quasi-certitude. En revanche, le prochain vainqueur est moins sûr avec la forte audience électorale de l'AfD et, dans une moindre mesure, de celle de la BSW (qui prend surtout sur l'électorat du SPD, des Verts et de Die Linke). Une coalition dirigée par la CDU, avec Friedrich Merz comme chef du gouvernement, reste néanmoins la favorite.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (09 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'éclatement de la coalition Rouge Jaune Vert en Allemagne.
    Friedrich Merz.
    Olaf Scholz.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Élections européennes 2024 (7) : Ursula von der Leyen et ses trois priorités, la défense, le logement et la compétitivité.
    Élections européennes 2024 (6) : le casting pour la dixième législature du Parlement Européen.
    Élections européennes 2024 (5) : la victoire de... Ursula von der Leyen !
    Der Spiegel : "La France, c'est l'Allemagne en mieux".
    Konrad Adenauer.
    Daniel Cohn-Bendit.
    Volkswagen.
    Hans Modrow.
    Dmitri Vrubel.

    Le mur de Berlin.
    La chute du mur de Berlin.
    La Réunification allemande.
    Berlin 1989 : le 9/11 avant le 11/9.
    Maus.
    Le massacre d'Oradour-sur-Glane.
    Le 60e anniversaire du Traité de l'Élysée le 22 janvier 2023.
    Le testament de Benoît XVI.
    Hommage au pape émérite Benoît XVI (1927-2022).
    Les 95 ans du pape émérite Benoît XVI.
    L’Église de Benoît XVI.
    L'Ukraine à l'Europe : donnez-nous des ailes !
    6 mois de guerre en Ukraine en 7 dates.
    Kiev le 16 juin 2022 : une journée d’unité européenne historique !
    Nous Européens, nous sommes tous des Ukrainiens !
    Couvrez ces seins que je ne saurais voir !
    Olaf Scholz, l’étincelle du feu tricolore.
    Législatives allemandes 2021 (2) : Olaf Scholz bientôt Chancelier.
    Bonne retraite, Frau Merkel !
    Législatives allemandes 2021 (1) : INCERTITUDE !
    L’Allemagne en pleine fièvre extrémiste ?

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241106-merz.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/11/article-sr-20241106-merz.html



     

  • Les victoires européennes de la Moldavie

    « Aujourd'hui, chers Moldaves, vous avez donné une leçon de démocratie digne de figurer dans les livres d'histoire ! » (Maia Sandu, le 3 novembre 2024 à Chisinau).




     

     
     


    On ne peut pas perdre à tous les coups ! La réélection de Donald Trump n'est pas une bonne nouvelle pour la sécurité de l'Europe. Mais le vieux continent européen avait enregistré deux jours auparavant une belle victoire électorale avec la réélection de Maia Sandu (52 ans) à la Présidence de la République de Moldavie. Maia Sandu a en effet obtenu 42,5% des voix au premier tour du 20 octobre 2024 et 55,4% des voix au second tour du 3 novembre 2024. C'était même une double victoire européenne.

    La Moldavie est un petit pays agricole de 2,7 millions d'habitants situé à l'est de l'Europe, coincée entre la Roumanie et l'Ukraine. La population est principalement roumaine (à très forte majorité, 82,1%) mais il y a aussi de fortes minorités ukrainienne (6,6%) et russe (4,1%), et également gagaouze, c'est-à-dire turque orthodoxe, (4,6%) et bulgare (1,9%).

    La Moldavie a acquis son indépendance le 27 août 1991. Comme l'Ukraine, la Moldavie a fait partie de
    l'URSS et à ce titre, la Russie a un œil vigilant voire influent sur son évolution politique, d'autant plus qu'une région pro-russe a fait sécession. Cette région séparatiste s'appelle la Transnistrie, au-delà du fleuve Dniestr, qui a proclamé son indépendance unilatéralement le 2 septembre 1990 (avant l'indépendance de la Moldavie). Ce petit bout de terre, coincé entre la Moldavie et l'Ukraine, représente 4 000 kilomètres carrés et environ 500 000 habitants. La Transnistrie n'est reconnue que par d'autres États sécessionnistes, l'Abkhasie et l'Ossétie du Sud (régions pro-russes de Géorgie). Jusqu'au 22 février 2023, elle n'était même pas reconnue par la Russie, mais depuis lors, Vladimir Poutine a reconnu à la fois la Transnistrie et les deux États géorgiens cités.

    La Moldavie vit donc avec des élans paradoxaux, certains voudraient l'unification avec la Roumanie, d'autres avec l'Ukraine, d'autres encore avec la Russie, mais pas plus que la Wallonie voudrait le rattachement à la France. Depuis plus de trente ans, comme les autres pays d'Europe centrale et orientale sous le joug soviétique, elle aspire à se moderniser en paix et en indépendance, à prospérer, à bénéficier des apports de l'Europe en général. La question de l'adhésion de la Moldavie à l'Union Européenne n'est pas nouvelle mais souvent remise à plus tard. Elle a obtenu le statut d'association avec l'Union Européen le 1er juillet 2016.

    La déclaration de guerre de Vladimir Poutine à l'Ukraine le 24 février 2022 a remis en cause l'ordre européen, car en cas de réussite de la tentative d'invasion de l'Ukraine (les régions séparatistes pro-russes du Donbass ont été unilatéralement annexées par la Russie comme la Crimée en mars 2014), les prochaines étapes nationales de Vladimir Poutine seront à l'évidence la Moldavie, la Géorgie et les Pays baltes. L'Estonie, la Lettonie et la Lituanie faisant partie de l'Union Européenne et de
    l'OTAN craignent par conséquent moins pour leur intégrité territoriale que la Moldavie et la Géorgie qui, désormais, cherchent à adhérer le plus rapidement possible à l'Union Européenne et surtout à l'OTAN afin de bénéficier de la garantie de défense réciproque (le fameux article 5 du Traité atlantique nord).

    La présence russe en Moldavie est cruciale pour la Russie puisqu'elle permet de prendre en tenaille l'Ukraine par son flanc ouest, notamment du côté d'Odessa. C'est pour cela que l'élection présidentielle moldave dont le premier tour a eu lieu le 20 octobre 2024 et le second tour le 3 novembre 2024 a subi des influences très fortes de la Russie.


    La Présidente de la République sortante était Maia Sandu, économiste et ancienne haut fonctionnaire, qui a été Ministre de l'Éducation du 24 juillet 2012 au 30 juillet 2015 (elle a réduit de 50% la corruption pour acheter des diplômes en mettant des caméras dans les salles d'examen) et Première Ministre du 8 juin 2019 au 14 novembre 2019. Elle s'est présentée à l'élection présidentielle une première fois il y a huit ans après avoir fondé et présidé le Parti action et solidarité (PAS) le 15 mai 2016, un parti de centre droit, pro-européen, indépendantiste (c'est-à-dire contre l'union avec la Roumanie et pour sortir de la tutelle de la Russie).
     

     
     


    Arrivée à la deuxième place au premier tour du 30 octobre 2016 avec 38,7% des voix, elle a été battue avec 47,9% par le candidat socialiste pro-russe Igor Dodon au second tour le 13 novembre 2016. Maia Sandu a fait néanmoins alliance avec les socialistes contre les démocrates au sein d'un Parlement ingouvernable depuis les élections législatives du 24 février 2019 qui avait abouti à une assemblée tripartite : 35 sièges sur 101 au total pour les socialistes (31,2% des voix), 30 sièges pour les démocrates (23,6% des voix) et 26 sièges pour le Bloc électoral ACUM pro-européen et anti-oligarchie (dont faisait partie le PAS) mené par Maia Sandu (26,8% des voix). À ceux-ci s'ajoutaient 7 députés issus du parti conservateur pro-russe Égalité d'Ilan Sor, oligarque israélo-moldave, maire d'Orhei (une ville moldave de 21 000 habitants) entre 2015 et 2019, qui avait obtenu 8,3% des voix. Maia Sandu a été désignée Première Ministre avec l'appui des députés socialistes et des députés ACUM qui se sont accordé le 8 juin 2019, mais son gouvernement a été renversé le 12 novembre 2019 par le vote d'une motion de censure en raison d'un désaccord sur le mode de scrutin des prochaines élections législatives.

    La formation du gouvernement de Maia Sandu a été l'occasion d'une crise constitutionnelle provoquée par la Cour constitutionnelle (qui a même retiré provisoirement les pouvoirs du Président de la République) qui a finalement reculé et est revenue en arrière, justifiant sa position par de fortes pressions (le dénouement de la crise s'est soldée par la fuite à l'étranger de Vladimir Plahotniuc, le leader du parti démocrate, et du milliardaire Ilan Sor dont les biens personnels ont été saisis en raison de fraude d'un montant de 1 milliard de dollars).

    La situation politique s'est clarifiée démocratiquement un an et demi plus tard. Au premier tour de l'élection présidentielle du 1er novembre 2020, Maia Sandu, de nouveau candidate, a surpris les observateurs en obtenant la première place avec 36,2% des voix, devançant le Président sortant Igor Dodon qui sollicitait un second mandat (32,6%). Au second tour du 15 novembre 2020, Maia Sandu l'a emporté très largement avec 57,7% des voix contre Igor Dodon, en confortant nettement la participation électorale de 45,7% des inscrits au premier tour à 55,8% au second tour. Maia Sandu a commencé son premier mandat présidentiel le 24 décembre 2020. Son élection, basée sur sa réputation d'incorruptible, a marqué historiquement la perte d'influence de la Russie en Moldavie.

    Pour éviter la poursuite d'un Parlement ingouvernable, elle a nommé une ancienne collaboratrice Natalia Gavrilita le 27 janvier 2021 à la tête du gouvernement en demandant aux députés de sa coalition de ne pas voter pour elle afin de pouvoir dissoudre le Parlement (il faut un constat d'impossibilité de gouverner), tandis que les socialistes et les députés du parti Sor, qui ne souhaitaient pas d'élections anticipées, étaient prêts à soutenir ce gouvernement. La nomination de Natalia Gavrilita a été invalidée le 23 février 2021 par la Cour constitutionnelle, et après quelques autres péripéties politiciennes, Maia Sandu a prononcé la dissolution du Parlement le 28 avril 2021, en organisant de nouvelles élections législatives le 11 juillet 2021 qui lui ont apporté une large majorité absolue : son parti PAS a obtenu en effet 63 sièges sur 101 avec 52,8% des voix, ce qui lui a permis de ne plus avoir besoin de nouer de coalition pour gouverner pendant quatre ans. Les démocrates ont été laminés (aucun siège), et les socialistes et communistes ont obtenu 32 sièges. Natalia Gavrilita a alors été nommée officiellement Première Ministre le 6 août 2021 (jusqu'au 16 février 2023).

     

     
     


    Deux axes pour la politique de Maia Sandu, au-delà de la crise du covid-19 : la lutte anti-corruption et le rapprochement avec l'Union Européenne, renforcée par la tentative d'invasion de l'Ukraine par les troupes russes. La Moldavie a subi une crise énergétique majeure en raison de la baisse de 30% de la fourniture de Gazprom. Parmi ses premiers déplacements, a eu lieu la visite le 12 janvier 2021 à Kiev pour rencontrer son homologue Volodymyr Zelensky (alors encore en costume cravate très chic).

    Après le début de la guerre en Ukraine, Maia Sandu a annoncé ouvrir les frontières de la Moldavie pour permettre aux réfugiés ukrainiens de passer vers l'Ouest, et le 3 mars 2022, elle a signé officiellement la demande d'adhésion de son pays à l'Union Européenne. Le Conseil Européen du 23 juin 2022 a entériné le statut de candidate de la Moldavie à l'unanimité des Vingt-sept chefs d'État et de gouvernement. Les négociations d'adhésion ont été amorcées le 25 juin 2024 à Bruxelles.

    La consécration internationale de Maia Sandu et de la Moldavie a eu lieu le 1er juin 2023 où Chisinau a accueilli le 2e Sommet de la Communauté politique européenne réunissant 47 chefs d'État et de gouvernement européens (la Communauté politique européenne a été lancée le 6 octobre 2022 à Prague à l'initiative du Président français
    Emmanuel Macron ; son 5e Sommet a eu lieu ce jeudi 7 novembre 2024 à Budapest).
     

     
     


    Maia Sandu était la favorite de l'élection présidentielle de 2024 dans les sondages. Elle a gagné encore largement (55,4% des voix avec 54,3% de participation) face au candidat socialiste pro-russe Alexandr Stoianoglo (25,9% au premier tour et 44,6% au second tour), ancien procureur général de Moldavie démis de ses fonctions en septembre 2023 à cause des accusations de corruption portées contre lui.

    Cette belle réélection de Maia Sandu est le symbole de l'ancrage européen de la Moldavie, ratifié doublement par le peuple moldave, et cela malgré les nombreuses pressions, « tentatives de déstabilisation », propagandes et fraudes opérées par le camp pro-russe, notamment par Ilan Sor qui aurait acheté de nombreuses voix en faveur du candidat pro-russe (environ 150 000 voix auraient ainsi été achetées au profit du candidat pro-russe, qui a obtenu en tout 401 215 voix au premier tour et 750 370 voix au second tour).

    J'ai indiqué dès le début de l'article qu'il s'agissait d'une double victoire car Maia Sandu a réussi à mettre à l'ordre du jour des électeurs, en même temps que le premier tour de l'élection présidentielle, le 20 octobre 2024, un référendum inscrivant dans la Constitution moldave l'objectif de l'adhésion de la Moldavie à l'Union Européenne. Cette inscription a été acceptée par 50,4% des voix pour une participation de 50,7%. La victoire est donc très serrée, avec seulement près de 10 600 voix d'avance du oui sur le non, dans le même contexte de propagande et d'achats de voix (Ilan Sor, réfugié à Moscou, était un ferme partisan du non, mais le Kremlin a démenti toute tentative d'ingérence de la Russie). Alors qu'en raison du scrutin serré, les pro-russes ont parlé d'un échec, la Cour constitutionnelle a au contraire validé l'approbation populaire de la réforme le 31 octobre 2024 (dans un référendum où la réponse est oui ou non, même à une voix près, la victoire est à ceux qui ont eu le plus de voix).

     

     
     


    Pour "Courrier international", le 21 octobre 2024 : « Concrètement, les Moldaves devaient décider s'ils souhaitaient ou non inscrire l'objectif européen dans la Constitution du pays, protégeant ainsi le processus d'adhésion, entamé en 2022, des aléas du pouvoir politique. ». Objectif donc atteint !
     

     
     


    La réélection de Maia Sandu a été accueillie avec satisfaction et joie par les pays de l'Union Européenne. Emmanuel Macron a salué la « démocratie [qui a] triomphé de toutes les interférences et de toutes les manœuvres » tandis que la Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen s'est réjouie de pouvoir « continuer à travailler » avec la Présidente moldave pour un « avenir européen ».

    Le politologue moldave Andrei Curararu, cofondateur du think tank WatchDog basé en Moldavie, a déclaré pour TV5 Monde : « Malgré tout, la Moldavie a démontré à deux reprises que sa volonté d'intégrer l'Union Européenne était plus forte que la pression de Moscou. ». Il n'en demeure pas moins que le pays reste très divisé entre les tenants de l'ouverture à l'Ouest et la proximité du grand frère de l'Est, notamment en Transnistrie dont Maia Sandu voudrait régler le problème avec Moscou. Le prochain rendez-vous électoral sera également crucial puisqu'il s'agira des élections législatives qui auront lieu au plus tard en juillet 2025.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Maia Sandu.
    Les victoires européennes de la Moldavie.
    Ukraine.
    Russie.
    Roumanie.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241103-moldavie.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/les-victoires-europeennes-de-la-257510

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/04/article-sr-20241103-moldavie.html



     

  • Pleins pouvoirs à Donald Trump

    « Son extravagance à lui ne ressemble à aucune de celles qui sont inoffensives et courantes... Elle appartient m'a-t-il semblé, à l'une des rares formes redoutables de l'originalité, une de ces lubies aisément contagieuses : sociales et triomphantes pour tout dire !... Ce n'est peut-être point tout à fait encore de la folie dont il s'agit dans le cas de votre ami... Non ! Ce n'est peut-être que de la conviction exagérée... Mais je m'y connais en fait de démences contagieuses... Rien n'est plus grave que la conviction exagérée !... » (Céline, 1932).




     

     
     


    Autant le dire tout de suite, je ne suis pas un citoyen américain et je respecte le choix des électeurs américains, mais je suis quand même très déçu par les résultats des élections américaines qui se sont déroulées ce mardi 5 novembre 2024. J'espérais la victoire de Kamala Harris qui a toutes les qualités pour présider ce qui est encore la première puissance mondiale, mais on pourra certainement dire qu'une élection se mérite et ce n'est pas avec une campagne de trois mois qu'on peut convaincre des centaines de millions d'électeurs quand son adversaire, malgré son grand âge, a tenu près d'un milliers de meetings dans tout le pays. Donc, c'est presque officiel mais il n'y a pas d'incertitude, Donald Trump a gagné les élections de ce 5 novembre 2024, et même, a largement gagné.

    Il y avait deux incertitudes dans ces élections : l'identité du vainqueur, et si les résultats du dépouillement allaient être eux-mêmes incertains, flous, mettre des jours voire des semaines à accoucher, comme en 2000 ou en 2020. L'incertitude n'a pas eu lieu, les résultats ont été clairs dès le milieu de cette nuit électorale, dès la victoire des républicains en Pennsylvanie, au point que le Président français Emmanuel Macron n'a même pas attendu l'atteinte des 270 grands électeurs pour féliciter Donald Trump. Non seulement les résultats sont clairs, mais la participation électorale a été très forte. La conclusion incontestable.

    Quant à l'incertitude sur le nom du vainqueur, y avait-il
    un réel suspense ? Pas sûr. Des sites d'information comme RealClearPolitics semblaient considérer les élections pliées depuis plusieurs semaines. En France, il y a eu bien entendu un fort courant en faveur de Kamala Harris (j'en étais), comme c'est traditionnel (à part l'extrême droite et la droite dure, les Français sont traditionnellement démocrates au sens politiquement américain du terme), mais de là à prendre ses désirs pour des réalités, c'est sans doute les biais de nombreux journalistes et commentateurs français.

    En revanche, on savait une chose ; c'était que dans tous les cas, cette élection était historique. Cela l'aurait été si Kamala Harris avait été élue, ne serait-ce que parce que cela aurait été la première femme élue Présidente des États-Unis. J'espère à l'avenir qu'elle retentera le coup, car elle n'a pas démérité dans cette campagne courte et difficile et il y aura besoin de beaucoup d'énergie pour 2028, d'autant plus la voie du nouveau Vice-Président J.D. Vance semble désormais toute tracée dans le sillage du parti républicain.

    Elle est historique aussi avec la réélection de Donald Trump qui s'est autoproclamé 47e Président des États-Unis au milieu de la nuit, au cours d'un meeting de joie à West Palm Beach, en Floride. L'historique, c'est qu'il est l'un des rares Présidents des États-Unis à avoir été battu à l'issue de son premier mandat et à se faire réélire à l'issue du suivant. En effet, il faut remonter au Président démocrate Grover Cleveland (1837-1909) pour retrouver un tel come-back (retour) politique et électoral, qui, à l'époque, était sans précédent.

    Grover Celveland a été élu le 4 novembre 1884 avec un peu moins de 60 000 voix d'avance (sur 10,1 millions de voix au total) et 37 grands électeurs d'avance (sur 401 grands électeurs) face au candidat républicain James Blaine (ancien et futur Secrétaire d'État), mais a été battu le 6 novembre 1888 par le candidat républicain Benjamin Harrison malgré ses plus de 90 000 voix d'avance (sur 11,4 millions de voix au total) en raison de son retard de 65 grands électeurs (sur 401). Mais il ne s'est pas avoué définitivement vaincu et il a pris sa revanche, finalement réélu à l'issue du mandat de son adversaire, en le battant très nettement le 8 novembre 1892, avec plus de 360 000 voix d'avance (sur 12,1 millions de voix au total) et 132 grands électeurs (sur 444). Ancien maire de Buffalo et ancien gouverneur de l'État de New York, Grover Cleveland a été le premier Président démocrate depuis la fin de la guerre de Sécession. Son second mandat a été ponctué par la défaite du candidat démocrate et la victoire du républicain William MacKinley le 3 novembre 1896.

    On disait qu'aux États-Unis, les candidats perdants ne s'accrochaient pas aux élections, au contraire des nôtres, en France, où
    François Mitterrand, Jacques Chirac, François Bayrou, Jean-Marie Le Pen, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, etc., n'ont cessé de se présenter à des élections présidentielles malgré leurs échecs successifs (ce qui a tout de même bien fini pour deux d'entre eux). Après un premier échec (pas aux primaires où certains ont beaucoup persévéré, mais aux élections nationales), ils jetaient l'éponge et faisaient autre chose. Aux États-Unis, depuis un siècle, il n'y a eu véritablement qu'un seul candidat tenace, le républicain Richard Nixon qui, Vice-Président sortant, a été battu en 1960 par John Kennedy mais élu en 1968 (et même réélu en 1972). Donald Trump est le second exemple de candidat tenace.
     

     
     


    Deux autres raisons de dire que ces élections du 5 novembre 2024 sont historiques. Donald Trump devient, à 78 ans, le Président des États-Unis le plus vieux de l'histoire du pays, dépassant de cinq mois Joe Biden en 2020, et il faut bien reconnaître qu'il a l'air plus en forme physiquement que son successeur/prédécesseur.

    Le plus important, c'est aussi que la victoire de Donald Trump n'est pas seulement sur le nombre de grands électeurs, comme en 2016, mais aussi sur le vote populaire, ce qui fait que c'est la première fois depuis vingt ans qu'un républicain a obtenu une majorité du vote populaire en 2004 avec la réélection de
    George W. Bush.

    D'ailleurs, on pourrait aussi faire une analogie entre les élections de 2004 et celles de 2024 puisqu'elles tendent à confirmer (ou infirmer) très nettement le résultat très serré de la précédente : en 2004, George W. Bush a confirmé son élection très litigieuse et serrée de 2000 (à cause d'un décompte d'un comté de la Floride), et en 2024, Donald Trump regagne après avoir contesté son échec électoral de 2020 au point d'
    en appeler à l'insurrection.

    Non seulement le vote populaire, qui lui a fait défaut en 2016 (et en 2020), est désormais majoritaire en sa faveur, mais en plus, Donald Trump va bénéficier d'un alignement des planètes très rare dans la vie politique américaine : il bénéficiera au cours de son mandat (du moins pour les deux premières années de son second mandat) à la fois d'une Chambre des représentants républicaine, d'un Sénat républicain (qui vient de basculer ce mardi) et également d'une Cour Suprême majoritairement et durablement républicaine (six juges sur neuf, nommés tous à vie). Donald Trump n'aura donc aucun mal à nommer qui il veut dans l'administration fédérale, même à des petits postes puisqu'il veut faire valser la plupart des hauts fonctionnaires pour combattre "l'État profond" à la notion plus fantasque que réelle.


    Cette triple grande victoire a donc encore plus de quoi m'inquiéter tant sur l'avenir des États-Unis, que celui de l'Europe voire du monde en général, des relations internationales en général. Pourquoi ?

    Sur le plan international, c'est évidemment le
    devenir de l'Ukraine qui vient de se jouer dans les urnes américaines. Si Donald Trump coupe l'aide américaine, l'Ukraine n'aura plus de moyens réels de résister à l'envahisseur qu'est Vladimir Poutine qui doit, en ce moment, se frotter les mains. Aux Européens de prendre la mesure de ce changement de paradigme fondamental.

    Sur le plan intérieur, la victoire de Donald Trump s'est faite sur le dos du droit et de la justice. Non seulement Donald Trump a été condamné des dizaines de fois pour des délits voire des crimes (agressions sexuelles, etc.) mais il a annoncé pendant la campagne qu'il pourchasserait, une fois élu, tous ceux qui l'avaient mis en accusation. C'est une position qui n'est pas de nature à pacifier les relations dans un pays très divisé et à rendre la justice sereine. Cette victoire est la victoire du repris de justice sur la procureure.

     

     
     


    L'élection de Donald Trump, c'est bien la victoire morale (provisoire) de la violence individuelle, des rapports de force, de la brutalité, de la loi du plus fort, sur l'État de droit, sur le droit des minorités, sur les droits humains, sur le droits des plus faibles. C'est un vrai arrêt civilisationnel, que j'espère de courte durée, mais c'est malheureusement un mouvement de fond qui n'est pas uniquement américain et qu'on connaît aussi dans les vieilles démocraties européennes, avec la forte audience de partis populistes, parfois même au pouvoir ou en passe en de le conquérir à courte échéance.

    Cet arrêt civilisationnel est réel : depuis des siècles, peut-être un millénaire, sur la base des valeurs chrétiennes (les Dix Commandements qui ont été finalement repris dans le code civil et le code pénal), on a réussi à réduire la violence individuelle et à la déléguer à la puissance de l'État pour qu'un tiers, lui, règle les problèmes entre les individus (justice, police, etc.), une force publique organisée mais aussi contrôlée par le peuple, par un pouvoir politique démocratiquement légitime. Cela a été un bond de civilisation et de culture majeur.

    Mais depuis quelque temps, quelques décennies, l'emprise de l'État, partout dans les pays démocratiques (et encore plus dans les autres), est devenue étouffante, asphyxiante. Les hyper-réglementations ont assommé les citoyens et leurs propres libertés, ce qui conduisent parfois les peuples à ne plus entendre d'autres considérations et à élire des Donald Trump (entre autres).

    Une personne qui m'est chère avec qui j'ai échangé ce matin à la suite de la réélection de Donald Trump, a exprimé excellemment la pensée que j'avais également eue à l'annonce de cette forte victoire (en l'occurrence à mes yeux, de cette forte défaite), je la cite donc : « Il faut aussi réfléchir sur les ressorts du vivre ensemble qui se sont cassés. Peut-être que le champ des libertés individuelles s'est exagérément restreint sous la triple pression d'une réglementation boursouflée et autoreproductrice, d'un wokisme rampant qui transforme les mentalités au prix de dommages collatéraux terrifiants et de la nécessité d'agir face à la transformation climatique. Peut-être qu'il faut réinventer des contre-pouvoirs aux réseaux sociaux qui ont changé la place de l'homme, sa façon d'analyser les faits, sa perception de la vérité. J'ai peur, en vérité, que notre civilisation, celle qui s'est développée en Europe depuis la Renaissance soit en train de mourir et que ce dépérissement soit douloureux et violent. ».

    Les élections sont toujours des vagues de haute mer, ça va et ça revient, les succès se succèdent aux échecs. Il ne faut pas renoncer à abandonner ce qui a fait le ciment de la démocratie et de nos sociétés. Les États-Unis ont plus d'un atout pour ne pas tout perdre, mais il va falloir, nous, démocraties européennes, nous y faire à ne plus rien attendre des États-Unis, et en tout cas, à nous défendre militairement nous-mêmes. Cette élection est un appel impérieux à la défense européenne. Ceux qui vous disent le contraire ne veulent pas protéger ni la France ni l'Europe, ce sont de
    faux patriotes vendus à la Russie ou à d'autres puissances étrangères.

    Pour l'heure, dans son premier discours, Donald Trump a semblé plus modéré qu'en campagne et souhaiterait rassembler le pays. Il faut voir, car l'histoire jugera sur pièces. Pour reprendre le mot d'ordre des contestataires : ne lâchons rien !!



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (06 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Pleins pouvoirs à Donald Trump.
    Sprint final aux USA : ordures en tout genre.
    Hillary Clinton.
    Liz Cheney.
    Où en est la campagne présidentielle de Kamala Harris ?
    Jimmy Carter.
    Lauren Bacall.
    Maurice Jarre.
    Bill Clinton.
    Vera Miles.
    Les Yes-She-Can de Barack Obama !
    Kamala Harris sera-t-elle la première femme Présidente des États-Unis ?
    USA 2024 : Joe Biden se retire et soutient Kamala Harris !
    Donald Trump victime d'une tentative d'assassinat.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Ronald Reagan.
    Triste Trump (hic) !
    Paul Auster.
    Standard & Poor's.
    Moody's et Fitch.
    Les 75 ans de l'OTAN.
    Lee Marvin.
    Les 20 ans de Facebook.
    Bernard Madoff.
    La crise financière mondiale de 2008.

    La boîte quantique.
    Maria Callas.
    Henry Kissinger.
    Alexander Haig.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241105-trump.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/pleins-pouvoirs-a-donald-trump-257525

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/05/article-sr-20241105-trump.html




     

  • Maia Sandu réélue Présidente de la République de Moldavie avec 55,4% des voix

    « Aujourd'hui, chers Moldaves, vous avez donné une leçon de démocratie digne de figurer dans les livres d'histoire ! » (Maia Sandu, le 3 novembre 2024 à Chisinau).


     

     
     


    On ne peut pas perdre à tous les coups ! La réélection de Donald Trump n'est pas une bonne nouvelle pour la sécurité de l'Europe. Mais le vieux continent européen avait enregistré deux jours auparavant une belle victoire électorale avec la réélection de Maia Sandu (52 ans) à la Présidence de la République de Moldavie. Maia Sandu a en effet obtenu 42,5% des voix au premier tour du 20 octobre 2024 et 55,4% des voix au second tour du 3 novembre 2024. C'était même une double victoire européenne.

    La Moldavie est un petit pays agricole de 2,7 millions d'habitants situé à l'est de l'Europe, coincée entre la Roumanie et l'Ukraine. La population est principalement roumaine (à très forte majorité, 82,1%) mais il y a aussi de fortes minorités ukrainienne (6,6%) et russe (4,1%), et également gagaouze, c'est-à-dire turque orthodoxe, (4,6%) et bulgare (1,9%).

    La Moldavie a acquis son indépendance le 27 août 1991. Comme l'Ukraine, la Moldavie a fait partie de
    l'URSS et à ce titre, la Russie a un œil vigilant voire influent sur son évolution politique, d'autant plus qu'une région pro-russe a fait sécession. Cette région séparatiste s'appelle la Transnistrie, au-delà du fleuve Dniestr, qui a proclamé son indépendance unilatéralement le 2 septembre 1990 (avant l'indépendance de la Moldavie). Ce petit bout de terre, coincé entre la Moldavie et l'Ukraine, représente 4 000 kilomètres carrés et environ 500 000 habitants. La Transnistrie n'est reconnue que par d'autres États sécessionnistes, l'Abkhasie et l'Ossétie du Sud (régions pro-russes de Géorgie). Jusqu'au 22 février 2023, elle n'était même pas reconnue par la Russie, mais depuis lors, Vladimir Poutine a reconnu à la fois la Transnistrie et les deux États géorgiens cités.

    La Moldavie vit donc avec des élans paradoxaux, certains voudraient l'unification avec la Roumanie, d'autres avec l'Ukraine, d'autres encore avec la Russie, mais pas plus que la Wallonie voudrait le rattachement à la France. Depuis plus de trente ans, comme les autres pays d'Europe centrale et orientale sous le joug soviétique, elle aspire à se moderniser en paix et en indépendance, à prospérer, à bénéficier des apports de l'Europe en général. La question de l'adhésion de la Moldavie à l'Union Européenne n'est pas nouvelle mais souvent remise à plus tard. Elle a obtenu le statut d'association avec l'Union Européen le 1er juillet 2016.

    La déclaration de guerre de Vladimir Poutine à l'Ukraine le 24 février 2022 a remis en cause l'ordre européen, car en cas de réussite de la tentative d'invasion de l'Ukraine (les régions séparatistes pro-russes du Donbass ont été unilatéralement annexées par la Russie comme la Crimée en mars 2014), les prochaines étapes nationales de Vladimir Poutine seront à l'évidence la Moldavie, la Géorgie et les Pays baltes. L'Estonie, la Lettonie et la Lituanie faisant partie de l'Union Européenne et de
    l'OTAN craignent par conséquent moins pour leur intégrité territoriale que la Moldavie et la Géorgie qui, désormais, cherchent à adhérer le plus rapidement possible à l'Union Européenne et surtout à l'OTAN afin de bénéficier de la garantie de défense réciproque (le fameux article 5 du Traité atlantique nord).

    La présence russe en Moldavie est cruciale pour la Russie puisqu'elle permet de prendre en tenaille l'Ukraine par son flanc ouest, notamment du côté d'Odessa. C'est pour cela que l'élection présidentielle moldave dont le premier tour a eu lieu le 20 octobre 2024 et le second tour le 3 novembre 2024 a subi des influences très fortes de la Russie.


    La Présidente de la République sortante était Maia Sandu, économiste et ancienne haut fonctionnaire, qui a été Ministre de l'Éducation du 24 juillet 2012 au 30 juillet 2015 (elle a réduit de 50% la corruption pour acheter des diplômes en mettant des caméras dans les salles d'examen) et Première Ministre du 8 juin 2019 au 14 novembre 2019. Elle s'est présentée à l'élection présidentielle une première fois il y a huit ans après avoir fondé et présidé le Parti action et solidarité (PAS) le 15 mai 2016, un parti de centre droit, pro-européen, indépendantiste (c'est-à-dire contre l'union avec la Roumanie et pour sortir de la tutelle de la Russie).

     
     


    Arrivée à la deuxième place au premier tour du 30 octobre 2016 avec 38,7% des voix, elle a été battue avec 47,9% par le candidat socialiste pro-russe Igor Dodon au second tour le 13 novembre 2016. Maia Sandu a fait néanmoins alliance avec les socialistes contre les démocrates au sein d'un Parlement ingouvernable depuis les élections législatives du 24 février 2019 qui avait abouti à une assemblée tripartite : 35 sièges sur 101 au total pour les socialistes (31,2% des voix), 30 sièges pour les démocrates (23,6% des voix) et 26 sièges pour le Bloc électoral ACUM pro-européen et anti-oligarchie (dont faisait partie le PAS) mené par Maia Sandu (26,8% des voix). À ceux-ci s'ajoutaient 7 députés issus du parti conservateur pro-russe Égalité d'Ilan Sor, oligarque israélo-moldave, maire d'Orhei (une ville moldave de 21 000 habitants) entre 2015 et 2019, qui avait obtenu 8,3% des voix. Maia Sandu a été désignée Première Ministre avec l'appui des députés socialistes et des députés ACUM qui se sont accordé le 8 juin 2019, mais son gouvernement a été renversé le 12 novembre 2019 par le vote d'une motion de censure en raison d'un désaccord sur le mode de scrutin des prochaines élections législatives.

    La formation du gouvernement de Maia Sandu a été l'occasion d'une crise constitutionnelle provoquée par la Cour constitutionnelle (qui a même retiré provisoirement les pouvoirs du Président de la République) qui a finalement reculé et est revenue en arrière, justifiant sa position par de fortes pressions (le dénouement de la crise s'est soldée par la fuite à l'étranger de Vladimir Plahotniuc, le leader du parti démocrate, et du milliardaire Ilan Sor dont les biens personnels ont été saisis en raison de fraude d'un montant de 1 milliard de dollars).

    La situation politique s'est clarifiée démocratiquement un an et demi plus tard. Au premier tour de l'élection présidentielle du 1er novembre 2020, Maia Sandu, de nouveau candidate, a surpris les observateurs en obtenant la première place avec 36,2% des voix, devançant le Président sortant Igor Dodon qui sollicitait un second mandat (32,6%). Au second tour du 15 novembre 2020, Maia Sandu l'a emporté très largement avec 57,7% des voix contre Igor Dodon, en confortant nettement la participation électorale de 45,7% des inscrits au premier tour à 55,8% au second tour. Maia Sandu a commencé son premier mandat présidentiel le 24 décembre 2020. Son élection, basée sur sa réputation d'incorruptible, a marqué historiquement la perte d'influence de la Russie en Moldavie.

    Pour éviter la poursuite d'un Parlement ingouvernable, elle a nommé une ancienne collaboratrice Natalia Gavrilita le 27 janvier 2021 à la tête du gouvernement en demandant aux députés de sa coalition de ne pas voter pour elle afin de pouvoir dissoudre le Parlement (il faut un constat d'impossibilité de gouverner), tandis que les socialistes et les députés du parti Sor, qui ne souhaitaient pas d'élections anticipées, étaient prêts à soutenir ce gouvernement. La nomination de Natalia Gavrilita a été invalidée le 23 février 2021 par la Cour constitutionnelle, et après quelques autres péripéties politiciennes, Maia Sandu a prononcé la dissolution du Parlement le 28 avril 2021, en organisant de nouvelles élections législatives le 11 juillet 2021 qui lui ont apporté une large majorité absolue : son parti PAS a obtenu en effet 63 sièges sur 101 avec 52,8% des voix, ce qui lui a permis de ne plus avoir besoin de nouer de coalition pour gouverner pendant quatre ans. Les démocrates ont été laminés (aucun siège), et les socialistes et communistes ont obtenu 32 sièges. Natalia Gavrilita a alors été nommée officiellement Première Ministre le 6 août 2021 (jusqu'au 16 février 2023).

     
     


    Deux axes pour la politique de Maia Sandu, au-delà de la crise du covid-19 : la lutte anti-corruption et le rapprochement avec l'Union Européenne, renforcée par la tentative d'invasion de l'Ukraine par les troupes russes. La Moldavie a subi une crise énergétique majeure en raison de la baisse de 30% de la fourniture de Gazprom. Parmi ses premiers déplacements, a eu lieu la visite le 12 janvier 2021 à Kiev pour rencontrer son homologue Volodymyr Zelensky (alors encore en costume cravate très chic).

    Après le début de la guerre en Ukraine, Maia Sandu a annoncé ouvrir les frontières de la Moldavie pour permettre aux réfugiés ukrainiens de passer vers l'Ouest, et le 3 mars 2022, elle a signé officiellement la demande d'adhésion de son pays à l'Union Européenne. Le Conseil Européen du 23 juin 2022 a entériné le statut de candidate de la Moldavie à l'unanimité des Vingt-sept chefs d'État et de gouvernement. Les négociations d'adhésion ont été amorcées le 25 juin 2024 à Bruxelles.

    La consécration internationale de Maia Sandu et de la Moldavie a eu lieu le 1er juin 2023 où Chisinau a accueilli le 2e Sommet de la Communauté politique européenne réunissant 47 chefs d'État et de gouvernement européens (la Communauté politique européenne a été lancée le 6 octobre 2022 à Prague à l'initiative du Président français
    Emmanuel Macron ; son 5e Sommet a eu lieu ce jeudi 7 novembre 2024 à Budapest).
     

     
     


    Maia Sandu était la favorite de l'élection présidentielle de 2024 dans les sondages. Elle a gagné encore largement (55,4% des voix avec 54,3% de participation) face au candidat socialiste pro-russe Alexandr Stoianoglo (25,9% au premier tour et 44,6% au second tour), ancien procureur général de Moldavie démis de ses fonctions en septembre 2023 à cause des accusations de corruption portées contre lui.

    Cette belle réélection de Maia Sandu est le symbole de l'ancrage européen de la Moldavie, ratifié doublement par le peuple moldave, et cela malgré les nombreuses pressions, « tentatives de déstabilisation », propagandes et fraudes opérées par le camp pro-russe, notamment par Ilan Sor qui aurait acheté de nombreuses voix en faveur du candidat pro-russe (environ 150 000 voix auraient ainsi été achetées au profit du candidat pro-russe, qui a obtenu en tout 401 215 voix au premier tour et 750 370 voix au second tour).

    J'ai indiqué dès le début de l'article qu'il s'agissait d'une double victoire car Maia Sandu a réussi à mettre à l'ordre du jour des électeurs, en même temps que le premier tour de l'élection présidentielle, le 20 octobre 2024, un référendum inscrivant dans la Constitution moldave l'objectif de l'adhésion de la Moldavie à l'Union Européenne. Cette inscription a été acceptée par 50,4% des voix pour une participation de 50,7%. La victoire est donc très serrée, avec seulement près de 10 600 voix d'avance du oui sur le non, dans le même contexte de propagande et d'achats de voix (Ilan Sor, réfugié à Moscou, était un ferme partisan du non, mais le Kremlin a démenti toute tentative d'ingérence de la Russie). Alors qu'en raison du scrutin serré, les pro-russes ont parlé d'un échec, la Cour constitutionnelle a au contraire validé l'approbation populaire de la réforme le 31 octobre 2024 (dans un référendum où la réponse est oui ou non, même à une voix près, la victoire est à ceux qui ont eu le plus de voix).

     

     
     


    Pour "Courrier international", le 21 octobre 2024 : « Concrètement, les Moldaves devaient décider s'ils souhaitaient ou non inscrire l'objectif européen dans la Constitution du pays, protégeant ainsi le processus d'adhésion, entamé en 2022, des aléas du pouvoir politique. ». Objectif donc atteint !
     

     
     


    La réélection de Maia Sandu a été accueillie avec satisfaction et joie par les pays de l'Union Européenne. Emmanuel Macron a salué la « démocratie [qui a] triomphé de toutes les interférences et de toutes les manœuvres » tandis que la Présidente de la Commission Européenne Ursula von der Leyen s'est réjouie de pouvoir « continuer à travailler » avec la Présidente moldave pour un « avenir européen ».

    Le politologue moldave Andrei Curararu, cofondateur du think tank WatchDog basé en Moldavie, a déclaré pour TV5 Monde : « Malgré tout, la Moldavie a démontré à deux reprises que sa volonté d'intégrer l'Union Européenne était plus forte que la pression de Moscou. ». Il n'en demeure pas moins que le pays reste très divisé entre les tenants de l'ouverture à l'Ouest et la proximité du grand frère de l'Est, notamment en Transnistrie dont Maia Sandu voudrait régler le problème avec Moscou. Le prochain rendez-vous électoral sera également crucial puisqu'il s'agira des élections législatives qui auront lieu au plus tard en juillet 2025.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (07 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Maia Sandu.
    Les victoires européennes de la Moldavie.
    Ukraine.
    Russie.
    Roumanie.

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241103-maia-sandu.html

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/08/article-sr-20241103-maia-sandu.html





     

  • Michel Barnier : déjà deux mois !

    « Depuis que j’ai accepté la proposition du Président de la République d’être le Premier Ministre de notre pays, j’ai gardé en mémoire mes propres lignes rouges, qui sont celles de tout le gouvernement. Il n’y aura aucune tolérance à l’égard du racisme et de l’antisémitisme. Il n’y aura aucune tolérance à l’égard des violences faites aux femmes. Il n’y aura aucune tolérance à l’égard du communautarisme. Il n’y aura aucun accommodement en ce qui concerne la défense de la laïcité, aucun. Nous n’accepterons aucune discrimination. Nous n’accepterons aucune remise en cause des libertés conquises au fil des ans. » (Michel Barnier, le 1er octobre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Le Premier Ministre Michel Barnier a été nommé maintenant il y a deux mois. Le second tour des élections législatives anticipées a donné son verdict le 7 juillet 2024, ont suivi deux mois d'incertitudes et d'hésitations, et Michel Barnier a été nommé le 5 septembre 2024.

    Durer déjà deux mois ne semble pas vraiment un exploit (il n'a pas dépassé en longévité
    Bernard Cazeneuve, le recordman de brièveté sous la Cinquième République avec un peu plus que cinq mois ; il le dépasserait éventuellement le 10 février 2025), mais il faut insister sur le fait qu'il n'a pas de majorité absolue et que l'addition de deux farouches oppositions forme une majorité absolue de déconstruction. Avec une telle Assemblée, il faut plutôt faire les comparaisons de longévité avec la Quatrième République et dans cette perspective, Michel Barnier aura déjà duré plus longtemps que des gouvernements dirigés par les six Présidents du Conseil suivants : Léon Blum (en 1946), André Marie (en 1948), Robert Schuman (en 1948), Henri Queuille (en 1950), Edgar Faure (en 1952) et Pierre Pflimlin (1958). Quatre d'entre eux ont toutefois eu l'occasion de diriger d'autres gouvernements plus stables.

    Ou même avec des gouvernements de la
    Troisième République : ceux de Gaëtan de Rochebouët (en 1877), Armand Fallières (en 1883), Alexandre Ribot (en 1914), Paul Painlevé (en 1917), Frédéric François-Marsal (en 1924), Édouard Herriot (en 1926), Camille Chautemps (en 1930 et en 1933), Théodore Steeg (en 1930), Joseph Paul-Boncour (en 1932), Albert Sarraut (en 1933), Édouard Daladier (en 1934), Fernand Bouisson (en 1935) et Léon Blum (en 1938), ont duré moins longtemps que celui de Michel Barnier (sept sur les treize ont aussi dirigé d'autres gouvernements plus stables et je n'ai pas inclus Philippe Pétain, Président du Conseil pendant moins d'un mois mais chef de l'État aux pleins pouvoirs pendant plus de quatre ans). Et le 17 novembre 2024, Michel Barnier aura aussi duré plus longtemps qu'une figure majeure de la République, Léon Gambetta. C'est donc pour dire que ces deux mois ont déjà leur poids historique dans l'exercice du pouvoir.

    Le gouvernement Barnier a bénéficié du rejet réciproque de ses deux farouches adversaires, le RN et la
    nouvelle farce populaire (NFP). La première motion de censure n'a pas eu beaucoup de succès parce qu'elle pêchait par son esprit partisan et surtout, systématique. Il en viendra certainement d'autres et la question est toute simple : le NFP votera-t-il une motion de censure déposée par le RN ? Et le RN votera-t-il une motion de censure déposée par le NFP ? L'une ou l'autre de ces hypothèses montreraient une collusion indiscutable entre le NFP et le RN alors que chacun voudrait montrer du doigt une collusion majorité/RN pour les uns et majorité/NFP pour les autres.
     

     
     


    Pour montrer à quel point les oppositions aujourd'hui s'autodétruisent, il suffit de regarder avec attention deux scrutins publics très importants concernant l'abrogation de la réforme des retraites de 2023 : un amendement déposé par Boris Vallaud, président du groupe PS, et une proposition de loi déposée par Thomas Ménagé, député RN.
     

     
     


    L'amendement (n°146) de Boris Vallaud au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 visait à rétablir l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans, sous réserve d'augmenter (fortement) les cotisations sociales sur les salaires supérieur à deux fois le plafond de la sécurité sociale, a été rejeté le 29 octobre 2024 lors du scrutin n°182 : sur 416 votants, 182 ont voté pour, 232 contre et 2 abstentions. Parmi les 182 votes pour : 63 FI, 61 PS, 36 EELV, 6 LIOT et 16 PCF. Parmi les 232 votes contre : 91 RN, 60 EPR, 27 LR, 24 MoDem, 20 HOR, 3 LIOT, 5 ciottistes.
     

     
     


    La proposition de loi (n°284) de Thomas Ménagé déposée le 18 septembre 2024 visant à annuler les dernières réformes des retraites (âge de la retraite et nombre d'annuités) a été rejetée, quant à elle, le 31 octobre 2024 lors du scrutin n°217 : sur 334 votants, 119 ont voté pour, 197 contre et 18 abstentions. Parmi les 119 votes pour : 118 RN. Parmi les 197 votes contre : 58 EPR, 51 PS, 13 LR, 26 EELV, 17 MoDem, 19 HOR, 2 LIOT, 9 PCF. Le député socialiste Aurélien Rousseau a été comptabilisé comme votant pour mais il a indiqué qu'il voulait voter contre.

    Comme on le voit, les votes sont diamétralement opposés. Les ciottistes se sont majoritairement abstenus lors du texte du RN car ils étaient favorables à la réforme des retraites de 2023. Il faut dire aussi que l'amendement de Boris Vallaud aurait plombé la compétitivité des entreprises puisque cela revenait à financer le retour à 62 ans en taxant encore plus le travail, des dizaines de milliards d'euros supplémentaires, ce que ne voulaient pas le RN ni le bloc central. Tandis que le NFP ne souhaite pas voter pour une proposition du RN et lui donner l'occasion d'une victoire parlementaire.

    Dans cette chronologie délicate du gouvernement Barnier, il y a donc bien sûr
    sa nomination (pas sans mal) le 21 septembre 2024, la déclaration de politique générale du Premier Ministre devant l'Assemblée Nationale le 1er octobre 2024, l'examen de cette première motion de censure le 8 octobre 2024 qui a démontré que le NFP n'avait jamais eu de majorité relative contrairement à ce qu'il soutenait ad nauseam, et le 21 octobre 2024, le début du douloureux et laborieux examen du projet de loi de finances pour 2025 (puis le 28 octobre 2024 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025).
     

     
     


    Le style un peu pince-sans-rire de Michel Barnier est nouveau, original et déconcertant, capable de faire taire Mathilde Panot (ce qui est un vrai exploit !). Sans doute Michel Barnier, qui se croyait injustement sous-employé par cette République malgré sa très longue expérience locale, nationale et internationale, arrive presque par irruption au sommet du pouvoir, à Matignon sous une proto-coalitation avec un Président très affaibli. Il fallait ce bâton de maréchal pour conclure une si brillante carrière. Michel Barnier est en outre le premier LR à revenir au pouvoir après Nicolas Sarkozy et François Fillon. Son message pas très avenant en raison de sa lucidité budgétaire (il faut réduire la voilure de l'État de 60 milliards d'euros par an) s'apparente à la campagne également peu emballante de François Fillon avant son "affaire" en 2016-2017.
     

     
     


    Cette courte période montre que Michel Barnier peut raisonnablement durer dans cette situation politique très instable. Pour tout dire, tout le monde est content que Michel Barnier s'y soit collé. Car comment imaginer le Premier Ministre de l'après-dissolution vouloir prétendre se présenter à l'élection présidentielle prochaine ? Au-delà même de l'affaire ardue de diriger un gouvernement minoritaire, Michel Barnier pâtit aussi de son âge (il aura 76 ans en 2027, soit 81 ans à la fin du prochain quinquennat en 2032). C'est vrai que la mode américaine arrive toujours en France avec un peu de retard, mais passer du trentenaire à l'octogénaire semblerait peu probable dans l'envie de vote des Français, même si Michel Barnier réussissait sa politique.

    En fait, Michel Barnier devrait plus se méfier de ses supposés soutiens que de ses francs opposants. Ce qu'il appelle le socle de la majorité, à savoir LR et l'ancienne majorité (EPR, MoDem et HOR), paraît particulièrement dissipé et peu discipliné, pour des raisons purement électoralistes. Soit par négligence (et absence physique au moment du scrutin), soit par volonté de montrer son autonomie au prix de certains sacrifices (tant dans le choix des personnes que dans les mesures des textes adoptés), ce socle paraît bien instable et l'autorité de Michel Barnier ne suffit pas à compenser la perte d'influence du Président
    Emmanuel Macron sur ses troupes.

    L'un des exemples les plus flagrants est la désignation d'un nouveau vice-président de l'Assemblée Nationale pour remplacer la députée LR Annie Genevard, nommée Ministère de l'Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt. La désignation a eu lieu au cours de la première séance du 22 octobre 2024. Cinq candidats se partageaient les suffrages : Christophe Blanchet, député MoDem, Virginie Duby-Muller, députée LR, Yoann Gillet, député RN, Jérémie Iordanoff, député EELV, et Olivier Serva, député LIOT. En principe, le socle majoritaire devait pouvoir obtenir le siège
    comme il avait obtenu le perchoir, à la majorité relative au troisième tour. Mais cela ne s'est pas passé comme cela, à cause de la mauvaise humeur des macronistes et des bayrouïstes qui ont refusé d'apporter leur soutien total à la députée LR.

    Au premier tour, sur 510 votants, Blanchet a obtenu 69 voix, Duby-Muller 127 voix, Gillet 127 voix, Iordanoff 156 voix et Serva 29 voix. Au deuxième tour, tous les candidats se sont maintenus, et sur 473 votants, Blanchet a obtenu 46 voix, Duby-Muller 125 voix (moins qu'au premier tour !), Gillet 124 voix, Iordanoff 149 voix et Serva 28 voix. Le candidat du MoDem s'est désisté pour le troisième tour au cours duquel, sur 495 votants, Duby-Muller a obtenu 161 voix, Gillet 125 voix, Iordanoff 175 voix et Serva 25 voix. Ainsi, le candidat écologiste de l'Isère Jérémie Iordanoff a été élu vice-président au détriment de Virginie Duby-Muller uniquement en raison d'une déperdition des voix du socle majoritaire qui pouvait pourtant compter sur environ 210-220 députés. C'est d'autant plus une réussite du NFP qu'il était déjà majoritaire au
    bureau de l'Assemblée et donc, qu'il renforce cette majorité.

    Les nombreuses déclarations de députés EPR, notamment celles de
    Gérald Darmanin et de Gabriel Attal, sur fond d'élection du nouveau secrétaire général du parti Renaissance prévue le 7 décembre 2024 et de prochaine élection présidentielle, souvent intempestives et désordonnées, n'aident certainement pas le gouvernement à garder une ligne claire et audible. Mais Michel Barnier sait qu'il dépend plus des macronistes que de ses amis de LR pour durer. On est en pleine Quatrième République, dans ce qu'il y a de pire, le régime des partis minoritaires mais indispensables. Avis à ceux, inconséquents, qui veulent instaurer le scrutin proportionnel qui imposerait définitivement ce régime après chaque élections législatives.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241102-barnier.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/michel-barnier-deja-deux-mois-257489

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/11/03/article-sr-20241102-barnier.html




     

  • Sprint final aux USA : ordures en tout genre

    « Je serai peut-être la première à ce poste, mais pas la dernière. J'espère que chaque petite fille qui regarde ce soir voit que c'est un pays de tous les possibles. Et aux enfants de notre pays, quel que soit votre sexe, notre pays vous a envoyé un message clair : rêvez avec ambition, dirigez avec conviction. » (Kamala Harris).


     

     
     


    Mardi 5 novembre 2024 aura lieu sans doute l'une des élections présidentielles américaines les plus cruciales de l'après-guerre. En lice, Donald Trump, ancien Président de 2017 à 2021 et Kamala Harris, Vice-Présidente sortante de 2021 à 2025. Jamais le peuple américain n'a été aussi divisé que maintenant.

    Deux Amérique s'affrontent, en quelque sorte. Celle de l'etablishment derrière Kamala Harris et celle des laissés-pour-compte derrière Donald Trump. Cette réduction simpliste ne se satisfait pas d'une réalité bien plus complexe que cela. Le patron de presse Bruno Bertez avait ainsi osé dire le 14 février 2017 : « Le trumpisme est une réaction, un mouvement de contestation de l’ordre du monde qui a été mis en place il y a soixante-dix ans. Ou plus exactement, c’est l’expression, mise en forme populaire et exprimée de façon populiste, des limites de l’ordre du monde qui a été décidé ou imposé il y a soixante-dix ans. ».

    Kamala Harris, la candidate du parti démocrate, représente l'aile centriste, conservato-compatible. Mais en même temps, elle peut aussi représenter toutes les minorités, c'est d'ailleurs sur ce registre qu'elle a du mal à convaincre. Sa clef, c'est de mobiliser tous ceux qui n'ont jamais cru pouvoir se faire entendre.
    Barack Obama avait réussi à le faire avec son slogan très bien vu : Yes We Can ! Mais il a beaucoup déçu : grand potentiel, petites réalisations. Il n'en reste pas moins que Kamala Harris a été la première femme Vice-Présidente des États-Unis, et en cela, elle bénéficie d'une aura plus grande que la précédente femme candidate démocrate, à savoir Hillary Clinton qui considère l'élection de Kamala Harris comme la suite de sa propre candidature. Avec Kamala : Yes We Kam !
     

     
     


    L'actuelle Vice-Présidente a suscité un engouement réel auprès des militants démocrates particulièrement soulagés de ne plus devoir soutenir un Président sortant âgé de presque 82 ans, Joe Biden, au bilan pourtant très honorable.

    L'âge est sans doute le premier handicap de Donald Trump sur qui, curieusement, tout glisse : les condamnations pénales, les insultes, les brutalités, les grossièreté, les accusations de fuite de renseignements à l'étranger, sa responsabilité personnelle dans
    l'invasion du Capitole qui a particulièrement choqué les Américains, etc. Il est actuellement le candidat le plus âgé de l'après-guerre (à plus de 78 ans) et en cas de nouvelle élection, il serait le Président le plus âgé à démarrer un nouveau mandat présidentiel.

    À ce titre, il y a des arguments des démocrates qui ne peuvent pas être crédibles, même si, dans le fond, ils ont raison : l'idée que l'élection de Donald Trump en 2024 serait une catastrophe pour les États-Unis et pour le monde. Pour le monde, il faudrait préciser lequel, et l'Europe assurément.

    Le problème, pour les démocrates, c'est qu'il a déjà été Président des États-Unis. Son mandat n'a pas d'une grande lumière, mais il n'a pas été non plus une grande catastrophe pour les Américains. C'est moins le cas pour les relations internationales où Donald Trump a remis en vogue ce que les populistes de tout poil, des démocraties, des régimes autocratiques voire des dictatures, promettent déjà : la loi du plus fort. Dehors l'État de droit et vivent les rapports de forces.

     

     
     


    Ce retour à l'instinct grégaire, ce qui est en fait dans la nature des relations entre les êtres vivants, l'être humain avait cru s'y soustraire momentanément pour permettre la croissance de la culture, de la civilisation en mettant des règles communes, du droit international, des protections individuelles. En rompant l'accord des États-Unis lors de la COP21, en rompant l'accord avec l'Iran sur le nucléaire, en faisant fi de tout ce qui était la base de la dissuasion nucléaire en Europe, à savoir la garantie d'une intervention américaine en cas d'attaque d'un des pays (européen) de l'OTAN, Donald Trump a remis en cause l'ordre international multilatéral au profit d'un désordre narcissique entre potentats nationaux. La plus grande illustration a été la rencontre avec le dictateur communiste nord-coréen Kim Jong-Un qui n'a abouti qu'à une simple photographie. Les relations troubles avec Vladimir Poutine, les fake news trumpiennes, la propagande poutinienne, etc. devraient avoir de quoi inquiéter les citoyens américains sur le patriotisme de Donald Trump.

    Car la seule patrie de Donald Trump, c'est l'argent. Le seul dieu de Donald Trump, c'est le dollar. Et sur ce registre, les Américains peuvent s'y retrouver collectivement, tant les riches qui ont montré qu'ils chérissaient l'argent que les pauvres qui souhaiteraient pouvoir relever le défi de l'argent, de gagner beaucoup d'argent partis de rien. De plus, le parti-pris isolationniste de Donald Trump est une tradition séculaire aux États-Unis, elle n'est pas étonnante qu'elle reste très vivante. Un isolationniste qu'on verrait surtout comme un égoïsme : débrouillez-vous vous autres qui êtes dans la difficulté, on a mieux à faire...

     

     
     


    Du côté de Kamala Harris, son programme diplomatique reste encore assez vague, serait plutôt dans la continuation du gouvernement Biden avec l'aide américaine en Ukraine, mais sur le Proche-Orient, elle peine à définir un projet audible car le sujet est impossible (et très sensible dans l'électorat démocrate). Ce qui est troublant, c'est que l'aile gauche du parti démocrate reproche à Kamala Harris de ne pas avoir assez défendu les Palestiniens de Gaza alors que Donald Trump est celui qui a le plus soutenu Benyamin Netanyahou, en particulier en déplaçant l'ambassade des États-Unis en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem, ce qui ne manquait pas de mettre de l'huile sur le feu.

    Mais les élections américaines ne se font jamais sur la politique extérieure, sinon
    George H. W. Bush (le père) aurait été réélu en 1992. Sur le plan intérieur, Donald Trump a été incapable de gérer la crise du covid-19, mais là encore, tout le monde voudrait tourner la page de cette triste période sans en tirer les enseignements politiques. Sur le plan économique, Joe Biden a un bon bilan mais sans doute que le ressenti est autre chose, un peu comme en France. Les gens craignent le déclassement, l'insécurité, la non reconnaissance, la non prise en compte de leurs difficultés. On ne peut pas leur dire non, c'est du domaine du ressenti et ce ressenti est factuel.
     

     
     


    Par sa démagogie, Donald Trump se montre paradoxalement, du haut de sa grande tour et de ses dollars, plus proche du peuple car il tente d'adopter ses propres raisonnements parfois irréfléchis. Plus inquiétant pour les démocrates, surtout quand la candidate démocrate est une ancienne élus de Californie, les patrons des entreprises d'innovation ne soutiennent plus en masse les démocrates. Au-delà du soutien inconditionnel d'Elon Musk, patron de Tesla (et de SpaceX), pour Donald Trump, il y a aussi la grande prudence d'un concurrent spatial comme Jeff Bezos qui préfère la neutralité bienveillante du "Washington Post" à une sorte de militantisme très courant en France en faveur de la candidate démocrate.

    Certains leaders démocrates, et en particulier Joe Biden lui-même, ont pu tomber dans le piège de la bassesse et de l'invective. Il faut dire que Donald Trump a largement commencé dans ce registre de classe d'école primaire, mais il a réussi à y entraîner toute la classe politique américaine. C'est le premier principe de thermodynamique : l'énergie va toujours à son niveau minimal. Pour s'élever, il faut toujours rajouter de l'énergie et ce n'est pas facile. La facilité, c'est de s'abaisser.


    Ainsi, quand un supposé humoriste a tenu des propos franchement racistes au grand meeting de Donald Trump à New York (au Madison Square Garden) le 27 octobre 2024, propos qui ont particulièrement irrité les Portoricains (« Il y a littéralement une île d'ordures flottante au milieu de l'océan. »), le Président des États-Unis en exercice aurait mieux fait de s'abstenir plutôt que de décliner cette insulte, les ordures, en les reciblant sur les partisans de Donald Trump.

    En effet, dans la nuit du 29 au 30 octobre 2024, il a déclaré dans une vidéo aux citoyens latino-américains : « Les seules ordures que je vois flotter autour d'ici sont celles de ses partisans. » [the only garbage I see floating around is his supporter's]. Selon la Maison-Blanche, il s'agit des ordures de "son" partisan et pas de "ses" partisans (his supporter's garbage) afin de prouver que le Président ne considérait pas les partisans de Donald Trump comme des ordures mais que son partisan (de dimanche) avait sorti une ordure qui, ici, qualifiait une "rhétorique haineuse".
     

     
     


    Mais les rejustifications n'apportent jamais le calme et au contraire, remuent le couteau dans la plaie qui, ici, est que Joe Biden est tombé dans le vulgaire, suivant ainsi son rival de 2020. Une simple boulette, mais qui peut faire du mal à sa Vice-Présidente. La candidate démocrate Kamala Harris a donc dû s'éloigner de son Président en clarifiant sa position : « Je suis en désaccord profond avec toute critique contre des gens fondée sur la personne pour laquelle ils votent. ». C'est au moins clair, mais les dommages sont faits.
     

     
     


    En effet, dommage que la polémique ait moussé autant sur les ordures, car quelques heures auparavant, le mardi 29 octobre 2024, dans un meeting à Washington, Kamala Harris a fait un réquisitoire (de procureure qu'elle a été) contre la volonté de pouvoir sans limites de Donald Trump. Elle a opposé « un pouvoir sans limites » de son adversaire et « un avenir plein de promesses » qu'elle propose aux citoyens américains.
     

     
     


    Elle a prononcé cet important discours au Parc de l'Ellipse, sur fond de colonnes de la Maison-Blanche, là où Donald Trump, le 6 janvier 2021, avait excité ses partisans à marcher sur le Capitole et à l'envahir : « On sait qui est Donald Trump. C'est la personne qui s'est tenue ici, il y a presque quatre ans, et a envoyé une meute armée au Capitole pour renverser la voix du peuple dans une élection libre et juste. ». Ce discours était important pour la candidate démocrate qui a considéré que Donald Trump était « instable, obsédé par la vengeance, rongé par le ressentiment et en quête d'un pouvoir sans limites » et qu'il voulait « utiliser l'armée contre des citoyens américains simplement car ils ne sont pas d'accord avec lui, des gens qu'il appelle “l'ennemi de l'intérieur” ».

    Kamala Harris a montré sa liste des choses à faire lorsqu'elle sera Présidente alors que Donald Trump a sa liste des personnes qu'il déteste et dont il entend bien pourrir la vie de retour devant le bureau ovale. Les sondages dans les sept États pivots mettent les deux candidats au coude-à-coude. Bien malin celui qui saura prédire le nom du gagnant et ce sera heureux de le connaître dès la fermeture des bureaux de vote. Le décompte des bulletins sera ardu. Et la nuit du 5 au 6 novembre 2024 sera longue, de New York à Los Angeles. Très longue. Avec risque de gueule de bois.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Sprint final aux USA : ordures en tout genre.
    Hillary Clinton.
    Liz Cheney.
    Où en est la campagne présidentielle de Kamala Harris ?
    Jimmy Carter.
    Lauren Bacall.
    Maurice Jarre.
    Bill Clinton.
    Vera Miles.
    Les Yes-She-Can de Barack Obama !
    Kamala Harris sera-t-elle la première femme Présidente des États-Unis ?
    USA 2024 : Joe Biden se retire et soutient Kamala Harris !
    Donald Trump victime d'une tentative d'assassinat.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Ronald Reagan.
    Triste Trump (hic) !
    Paul Auster.
    Standard & Poor's.
    Moody's et Fitch.
    Les 75 ans de l'OTAN.
    Lee Marvin.
    Les 20 ans de Facebook.
    Bernard Madoff.
    La crise financière mondiale de 2008.

    La boîte quantique.
    Maria Callas.
    Henry Kissinger.
    Alexander Haig.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.
     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241102-elections-usa.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/sprint-final-aux-usa-ordures-en-257449

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/31/article-sr-20241102-elections-usa.html