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justice - Page 5

  • Ahou Daryaei, mon héroïne dénudée !

    « Toute la jeunesse aboutit sur la plage glorieuse, au bord de l'eau, là où les femmes ont l'air d'être libres enfin, où elles sont si belles qu'elles n'ont même plus besoin du mensonge de nos rêves. » (Céline, 1932).




     

     
     


    Ne jamais oublier son nom : Ahou Daryaei. C'est ma nouvelle héroïne. Mon héroïne dénudée. L'adjectif est mal choisi. Je pourrais dire autrement, dévêtue, ou même, peut-être plus exactement, dévoilée, oui, c'est le terme, c'est le bon terme : mon héroïne dévoilée !

    Voici son histoire : elle a 30 ans (je crois) et est étudiante, elle prépare un doctorat en langue et littérature françaises dans la prestigieuse Université Azad de Téhéran, en Iran. Ce samedi 2 novembre 2024, elle a été arrêtée par la police des mœurs à Téhéran parce qu'elle portait mal le voile.

    Alors, elle a fait une chose extraordinaire. Je ne sais pas si c'était réfléchi, si c'était préparé, ou si c'était spontané, mais elle s'est déshabillée en pleine rue, devant le campus, et elle a marché seule courtement vêtue. Difficile de dire qu'elle était nue, elle portait ses sous-vêtements, ce qui est commun en public sur une plage ici, en Europe.

    Mais elle était en Iran, le pays qui déteste les femmes, ou dont les femmes sont tellement sexuellement irrésistibles qu'il faut absolument les cacher de la vue de ces messieurs à barbe incapables de se retenir. Ahou Daryaei a déambulé quelques minutes au milieu de la foule, seule dans la foule, aux côtés de dizaines de femmes voilées de la tête aux pieds d'un noir funèbre.
     

     
     


    Elle était seule dans la rue. On la regardait à peine, on n'osait même pas la regarder, de peur d'être complice. Ce pays est tellement répressif, on pend tellement souvent pour un oui ou pour un non, pour la simple expression d'une opinion, qu'on imagine mal, en France, le pays dont le dénigrement de son gouvernement est un sport national, à quel point cela peut être dangereux.

    Son combat, reprenant celui de l'association Femme, Vie, Liberté, est simple, c'est celui de toutes les femmes iraniennes (et kurdes), celui d'être libres de porter les vêtements qu'elles veulent, comme c'était le cas avant la
    révolution islamique de février 1979 (dans les années 1970, on voyait les jeunes femmes iraniennes porter des jupes courtes à Téhéran et cela ne choquait personne).
     

     
     


    Selon Fadila Tatah : « Ahou Daryaei a été déshabillée par les gardiennes de la moralité car elle avait mal ajusté son hijab. Suite à cela, elle a enlevé son pantalon pour leur signifier qu’ils peuvent tout prendre. Les gardiens ont conservé ses vêtements. Elle a par la suite relevé la tête. (…) Infos supplémentaires : les gardiennes ont interpellé Ahou alors qu’elle sortait de ses cours. Elle a été agressée. ». Selon l'avocat Dehghani-Azar Hirbod qui a critiqué l'information donnée par France Info le 4 novembre 2024 : « Ce matin, je regrette le traitement de l’information concernant Ahou Daryaei. Cette jeune fille s’est faite agresser par les autorités pour des vêtements non conformes et ses vêtements ont été déchirés. C’est dans ce contexte qu’elle s’est dévêtue. Elle a été violemment arrêtée et emprisonnée. Cette femme courageuse qui résiste face l’apartheid sexuelle en Iran mérite plus de considération que le simple fait de préciser qu’elle a été arrêtée car elle était en sous-vêtements. ».
     

     
     


    Répétons et insistons : ce combat est courageux. Depuis la création de cette association, créée à la suite de l'assassinat d'une autre étudiante, Masha Amini, il y a deux ans, le 16 septembre 2022, 551 femmes ont été tuées par les autorités islamistes et des milliers d'autres arrêtées.

    Par cet acte courageux, Ahou Daryaei risque sa propre vie pour ce qui sera immanquablement considérée comme une provocation. Je crains pour son devenir. La police l'a arrêtée, l'aurait frappée, notamment à la tête, elle serait tombée au sol, beaucoup de sang aurait coulé. L'agence iranienne Fars a démentie cette information, sans pour autant donner des nouvelles rassurantes de l'étudiante. La France doit réclamer sa libération immédiate, et qu'elle soit soignée dans les meilleurs délais et dans les meilleures conditions. Qu'il ne lui arrive pas le sort de Masha Amini. Ni le sort d'
    Alexei Navalny. Qu'on arrête une fois pour toutes le massacre des femmes justes !
     

     
     


    Peut-être n'aurons-nous plus jamais aucune nouvelle d'elle, comme cet autre héros, ce simple citoyen de la Place Tiananmen, à Pékin, le 4 juin 1989 qui, portant alors un ou deux sacs de courses, s'est posté devant les chars communistes. L'homme a été exfiltré et j'ai cru comprendre qu'il avait eu la vie sauve (mais je me trompe peut-être).
     

     
     


    Imtiaz Mahmood a précisé le sort d'Ahou le 3 novembre 2024 : « Ahou Daryaei a été emmenée dans un établissement psychiatrique. Les universités iraniennes sont en grève lundi. Le courage est souvent le seul moyen de s'en sortir. Nous devons tous la soutenir. "Selon des sources étudiantes, la protestation de la femme a été déclenchée par le harcèlement de la sécurité de l’université concernant la politique du hijab. Amir Kabir Newsletter, une importante publication étudiante sur Telegram, a rapporté que l’étudiante avait été transférée dans un hôpital psychiatrique sur ordre de l’organisation de renseignement du CGRI. Cela a été confirmé par le journal Farhikhtegan, affilié à l’Université Azad, qui a déclaré qu’elle avait été admise dans un établissement de santé mentale. Le même jour, Amir Mahjoub, le directeur des relations publiques de l’Université islamique Azad, a publié une déclaration affirmant que la femme avait été envoyée dans un poste de police en raison d’une 'grave détresse psychologique', faisant écho aux déclarations des médias proches du CGRI selon lesquelles elle souffrait de problèmes de santé mentale. Les médias affiliés à l’État ont ensuite diffusé une vidéo d’un homme se présentant comme son mari, qui a affirmé qu’elle était mère de deux enfants et qu’elle souffrait de problèmes de santé mentale". Ce que la police des mœurs et le CGRI lui ont fait n’a servi à rien. Peut-être devraient-ils s’occuper eux-mêmes de leurs problèmes de santé mentale. Elle est plus courageuse que tous les m*rdeux de la police de la "moralité" réunis. Les femmes iraniennes ont plus de c*uilles que les hommes russes. Elle a des ovaires d’acier. Elle a peu de chances de ne pas être violée ou torturée. Elle ne sera pas assassinée. Si elle est assassinée, il y aura plus de tollé qu’en 2022. Que peut-il se passer ? Elle sera emprisonnée pendant des années, fouettée ou battue en public, expulsée de l’université, séparée de sa famille, persécutée et au chômage. J’espère que l’ONU interviendra immédiatement pour indiquer que personne ne doit lui faire de mal. Ce n’est pas une police de la moralité, c’est une police de l’immoralité ! Je ne peux pas imaginer l’enfer qu’elle va vivre après, et j’espère qu’un miracle se produira, aussi infime soit-il. C’est probablement la chose la plus courageuse que j’aie jamais vue quelqu’un faire depuis longtemps. Comme le type debout devant un char sur la place Tiananmen. ».
     

     
     


    Sur Twitter, Fadila Tatah a exprimé son émotion le même jour : « Seule son ombre l’a soutenue ! (…) Je l’ai ressentie tellement seule à porter son désespoir. J’ai vu des centaines de personnes passer devant elle alors qu’elle était à moitié nue. Son désespoir était tellement palpable que nul ne pouvait l’ignorer ; tous savaient que cette jeune iranienne allait être battue, sûrement assassinée, d’ailleurs j’ai appris qu’en effet elle a été battue et qu’une blessure à la tête pourrait lui être fatale. Alors pourquoi personne n’est allée la réconforter, voire la mettre à l’abri avant que la police ne vienne l’embarquer ? Sûrement la peur me direz-vous car les Iraniens sont désormais soumis à une violence effroyable que même leur solidarité ne peut malheureusement pas se manifester sans craindre d’être pendus, frappés, emprisonnés, ou violés, ou tout à la fois. J’ai aussi observé le monsieur qui a appelé la police car il venait d’attraper une proie de taille, j’ai vu en lui un monsieur qui se sentait investi d’un pouvoir jouissif où il avait un regard de vie ou de mort sur cette jeune fille. Il savait très bien quel sort lui était réservé, mais malgré cela, il continue à expliquer le crime grave, très grave même, qu’avait commis cette jeune étudiante. C’est bien lui le coupable, celui qui condamne à mort cette petite pour une histoire de bout de tissu. J’espère que ce monsieur qui est filmé ne mettra jamais les pieds en France. Agir de la sorte prouve que ce monsieur n’a pas une once d’humanité en lui. Ces monstres continuent de penser que ce bout de tissu est plus important que ce qui fait de nous des humains, notre compassion, notre empathie. Chère jeune étudiante iranienne, où que tu sois, morte ou vivante, sache que le monde entier se lève pour toi. À tout jamais dans nos cœurs. ».

    Le meilleur moyen de sauver Ahou Daryaei, c'est de faire parler d'elle, que son acte courageux, inouï, un acte qui pourrait être banal mais qui, dans ce pays d'horreurs quotidiennes, est devenu un exploit suicidaire, soit connu du monde entier pour la protéger elle, qu'elle soit un emblème de la résistance des femmes libres.

    On ne redira jamais assez que le féminisme, ce n'est pas avec des gauchistes, écologistes ou wokistes, bien confortables dans leur fauteuil, à hurler à la moindre saucisse cuite au barbecue, mais aussi à défendre le port du voile des femmes musulmanes, qu'il avance. Le féminisme avance avec de vraies résistantes dans un pays comme l'Iran, où des femmes, réellement opprimées par un régime hautement et cruellement machiste, cherchent à reprendre leur liberté, à reprendre le contrôle de leur vie, au péril de leur vie.
     

     
     


    Ce combat pour la liberté n'est pas la revendication d'une nudité, c'est la revendication de pouvoir ne plus être mises dans un sac à patates noir. C'est probablement la raison pour laquelle le dessin de Coco peut paraître très mal inspiré, justement en éliminant liberté au profit de nudité pour un jeu de mot parfois mal apprécié. Sur Twitter, un (ou une) internaute a réagi ainsi : « La question n’est justement pas la nudité, mais la liberté. Vous focaliser sur la nudité fait de la femme un objet sexuel, ce qui est soi-disant ce contre quoi vous vous battez avec vos copines féministes. Mais vous démontrez encore une fois que vous n’avez rien compris. ». Un autre a surenchéri : « Ahou Daryaei n’est pas une gaucho exhibitionniste. Elle n’a pas commis un geste obscène qui justifie une punition. ».
     

     
     


    Quant à Rachel Kahn, elle a dit sur Twitter le 3 novembre 2024 : « Cette femme, dans les rues de l’Iran, n’est pas nue ; elle n’a simplement besoin de rien pour revêtir les habits de la dignité, de la liberté, de la résistance. Elle est là, debout, silencieuse et immense. Elle ne crie pas. Elle incarne le courage et les valeurs dont nous nous sommes confortablement détournés pour éviter d’avoir à nous battre. Son regard, son silence sont des leçons, et nous avons désormais une dette envers elle, car elle connaît le prix de la liberté. Merci, Madame Ahou Daryaei, pour cette force qui éclaire notre lâcheté. ».

    Quelle que soit la manière de l'exprimer, même avec maladresse voire mauvais goût, l'important, c'est de parler d'elle, de soutenir Ahou Daryaei pour qu'elle soit épargnée, sauvée, qu'elle puisse être libérée, retrouver sa liberté, celle d'être une femme et de vivre comme elle l'entend. Pour Masih Alinejad invitée de LCI le 4 novembre 2024 : « Le hidjab, c’est comme le mur de Berlin. Si le hidjab tombe, la République islamique tombera. ». Soutenons toutes celles qui veulent faire tomber le hidjab !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 novembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Ahou Daryaei.
    Ebrahim Raïssi.
    Khosro Besharat.
    Mobilisons-nous pour Toomaj Salehi !
    Fatwa de mort contre Salman Rushdie.
    Alireza Akbari.
    Mehran Karimi Nasseri.
    Claude Malhuret contre la mollarchie.
    Mahsa Amini, les femmes iraniennes, leur liberté et Claude Malhuret.
    Révolution : du rêve républicain à l’enfer théocratique de Bani Sadr.
    L'Iran de Bani Sadr.
    De quoi fouetter un Shah (18 février 2009).
    N’oubliez pas le Guide (20 février 2009).
    Incompréhensions américaines (1) et (2).
    Émission de France 3 "L’Iran et l’Occident" (17-18 février 2009).
    Session de septembre 2006 à l’ONU : Bush, Ahmadinejad, Chirac.
    Dennis Ross et les Iraniens.
    Un émissaire français à Téhéran.
    Gérard Araud.
    Stanislas de Laboulaye.
    Des opposants exécutés par pendaison en Iran.
    Expulsion de Vakili Rad, assassin de Chapour Bakhtiar, dernier Premier Ministre du Shah d'Iran, par Brice Hortefeux à la suite du retour de l'étudiante Clotilde Reiss.
    Mort de l'ancien Premier Ministre iranien Mohammad Reza Mahdavi-Kani à 83 ans le 21 octobre 2014.

     

     

  • Hillary Clinton, une Affaire de femmes ?

    « Quelque chose se passe en Amérique ! Vous pouvez le sentir, quelque chose pour lequel nous avons travaillé et dont nous rêvons depuis longtemps ! » (Hillary Clinton, le 19 août 2024 à Chicago).


     

     
     


    Le vote des femmes sera déterminant. Le thème de l'avortement est très présent dans la campagne électorale. Mais dans quel sens ? Laissons Claude Chabrol aux salles obscures et traversons l'Atlantique... Les élections présidentielles du 5 novembre 2024 aux États-Unis sont particulièrement incertaines. Après un départ en fanfare, la candidature de Kamala Harris s'est essoufflée et son adversaire Donald Trump a repris un léger avantage dans les sondages, malgré son échec au premier et unique débat télévisé entre les deux candidats qui a eu lieu le 10 septembre 2024.

    Je souhaite revenir au début de la Convention nationale des démocrates à Chicago. La première soirée, celle du 19 août 2024, le Président Joe Biden y a fait un grand discours, peut-être même un discours d'adieu, remercié par les nombreux participants démocrates qui l'ont ovationné. Mais une autre personnalité importante du parti démocrate a pris la parole dans la même soirée, l'ancienne candidate Hillary Clinton, celle-là même qui a été battue par Donald Trump en novembre 2016. Après tout, ils sont rares les moments où l'ancienne première dame s'exprime publiquement et ouvertement, et elle l'a fait deux jours avant son mari Bill Clinton.

    Ce samedi 26 octobre 2024, Hillary Clinton fête son "seulement" 77e anniversaire (elle est née à Chicago). Un an et demi de moins que Donald Trump ou Bill Clinton. Elle a été la première dame des États-Unis du 20 janvier 1993 au 20 janvier 2001, puis sénatrice élue en 2000 puis en 2006, et après son échec aux primaires démocrates de 2008, elle a été nommée Secrétaire d'État (équivalent de Ministre des Affaires étrangères et premier des ministres) par Barack Obama du 21 janvier 2009 au 1er février 2013 (précédant un autre candidat battu des présidentielles, John Kerry).

    Non seulement Hillary Clinton compte dans la vie politique américaine, mais elle a sans doute l'impression que la bataille de Kamala Harris est une sorte de revanche sur 2016, tandis que le combat de Donald Trump se veut être une revanche sur 2020. Il y a eu un goût d'inachevé dans la candidature d'Hillary Clinton dont la trajectoire présidentielle a été très laborieuse malgré l'étiquette de favorite collée à la peau pendant longtemps : elle a échoué lamentablement aux primaires contre Barack Obama puis à l'élection contre Donald Trump. A-t-elle un conseil à donner à Kamala Harris ? Sans doute d'être combative et d'être aussi péremptoire que son rival. Dans un combat de boxe, il faut savoir encaisser des coups, mais il faut aussi en donner. Kamala Harris a en 2024 environ dix ans de moins qu'Hillary Clinton en 2016 : ça compte, à ce stade. L'âge devient un argument de vente important, d'autant plus qu'ont été observées quelques "absences" du candidat républicain.

     

     
     


    L'ancienne Secrétaire d'État est arrivée à la tribune de la Convention démocrate avec des tonnerres d'applaudissements, à tel point qu'elle ne pouvait pas commencer à parler ! L'occasion, pour elle, de faire un bain de jouvence. Elle a réussi à obtenir le silence après un : « Wow ! Il y a beaucoup d'énergie dans cette salle, tout comme il y en a à travers le pays ! » (c'était pareil à la Convention républicaine, il y a toujours beaucoup de participation et d'enthousiasme, dans les conventions d'investiture). Ces ovations étaient pour elle surtout un hommage d'avoir ouvert la voie à une candidature féminine de première importance.

    Dans un premier temps, exercice obligé de tous les orateurs de cette convention, Hillary Clinton a rendu hommage à Joe Biden, mais très mollement : « Il a été le champion de la démocratie au pays et à l'étranger. Il a ramené la dignité, la décence et la confiance à la Maison-Blanche. Il a montré ce que voulait dire être un vrai patriote. Merci Joe Biden pour votre service et votre leadership ! ».

    Ensuite, elle est passée sur le mode féministe en rappelant sa mère Dorothy : « Dorothy est née ici même à Chicago, avant que les femmes n'aient le droit de vote (…) il y a 104 ans hier. (…) Le Tennessee est devenu le dernier État à ratifier le dix-neuvième amendement de la Constitution. La législature de l'État était dans l'impasse jusqu'à ce que la mère d'un législateur, une veuve qui lisait trois journaux par an, envoie une lettre à son fils : "Ne tarde plus, nous écrit-elle, donne-nous le droit de vote", et depuis ce jour, chaque génération a porté le flambeau. ». Effectivement, Dorothy Emma Rodham est née le 4 juin 1919 et le dix-neuvième amendement généralisant le droit de vote des femmes à l'ensemble des États-Unis a été intégré dans la Constitution américaine le 18 août 1920 (en France, il a fallu
    attendre le 21 avril 1944 !).

    Et d'évoquer les premières femmes candidates à la Présidence des États-Unis : « En 1972, une Noire intrépide, Shirley Chisholm, membre du Congrès, elle s'est présentée à la Présidence, et sa détermination m'a permis, ainsi qu'à des millions de femmes, de rêver en plus grand, non seulement à cause de ce qu'elle était, mais pour qui elle s'est battue : pour les parents qui travaillaient, pour les enfants pauvres (…). En 1984, j'ai amené ma fille voir Geraldine Ferraro, la première femme nommée candidate à la Vice-Présidence. ».
    Geraldine Ferraro a été la première femme candidate à la Vice-Présidence en binôme avec Walter Mondale, face au Président sortant Ronald Reagan.

    Hillary Clinton a poursuivi : « Si nous avons pu le faire [être candidate à la Vice-Présidence], John Kerry a dit alors que nous pouvions tout faire. Et puis, il y a eu 2016 où ce fut l'honneur de ma vie d'avoir accepté la nomination de notre parti comme candidate à la Présidence. Et près de 66 millions d'Américains ont voté pour un avenir où il n'y a pas de limite à nos rêves ! Et après, nous avons refusé d'abandonner l'Amérique. Des millions ont défilé, beaucoup se sont présentées aux élections, nous avons gardé les yeux rivés sur l'avenir. Eh bien, mes amis, l'avenir est ici ! J'aimerais que ma mère et la mère de Kamala puissent nous voir. Elles nous diraient : "Continuez !". Shirley et Jerry nous diraient : "Continuez, les femmes !". » (la mère d'Hillary est morte le 1er novembre 2011 et celle de Kamala Harris, la cancérologue Shyamala Gopalan, est morte le 11 février 2009 ; Shirley Chisholm est morte le 1er janvier 2005 et Geraldine Ferraro le 26 mars 2011).


    Le discours d'Hillary Clinton était donc résolument féministe et son "nous" se rapportait souvent aux femmes : « Les femmes qui se sont battues pour les soins de la santé reproductive disent : "Continuez !". Les familles qui cherchent à construir une vie meilleure, les parents qui s'efforcent d'avoir une garde d'enfants, les jeunes qui ont du mal à payer leur loyer, ils nous demandent tous de continuer ! La foi des uns dans les autres, la joie dans nos cœurs, envoyons Kamala Harris et Tim Walz à la Maison-Blanche ! ».
     

     
     


    Est venue la raison du vote pour Kamala Harris : « Vous connaissez l'histoire de ma vie et l'histoire de notre pays, c'est que le progrès est possible mais n'est pas garanti. Nous devons nous battre pour cela, et ne jamais abandonner. Il y a toujours le choix : avancer ou reculer. Nous rassembler en tant que peuple ou nous diviser. (…) C'est le choix auquel nous sommes confrontés dans cette élection. Kamala a le caractère, l'expérience et la vision pour nous faire avancer. Je connais son cœur et son intégrité. Nous avons toutes les deux fait nos débuts comme de jeunes avocates qui ont aidé des enfants maltraités et négligés. Ce genre de travail change une personne (…). Kamala porte avec elle les espoirs de chaque enfant qu'elle a protégé, de chaque famille qu'elle a aidée, de chaque communauté qu'elle a servie. Ainsi, Présidente, elle nous soutiendra toujours et elle sera une combattante pour nous, elle se battra pour que les employeurs ouvrent grandes les portes à des emplois bien rémunérés aux familles qui travaillent dur et, oui, elle rétablira le droit à l'avortement dans tout le pays. En tant que procureure, Kamala a enfermé des meurtriers et des trafiquants de drogue. Elle ne sera jamais au repos pour défendre notre liberté et notre sécurité. (…) Je peux vous dire qu'en tant que commandante en chef, Kamala ne manquera pas de respect à nos militaires et à nos anciens combattants. Elle vénère nos récipiendaires de la Médaille d'honneur. Elle n'enverra pas de lettres d'amour aux dictateurs. Elle défendra la démocratie et notre Constitution et protégera l'Amérique des ennemis étrangers et intérieurs. ».

    Une allusion au rival Trump qui en a pris pour son grade : « Donald Trump s'est endormi lors de son propre procès et quand il s'est réveillé, il a inscrit son propre cas dans l'histoire, le premier à se présenter à la Présidence avec trente-quatre condamnations pour crimes ! (…) Pensez-y, la Constitution dit que le devoir du Président est de veiller à ce que les lois soient fidèlement appliquées, ce sont les paroles de nos fondateurs. Faites attention, regardez simplement les candidats. Qui se soucie des enfants et des familles ? Qui se soucie de l'Amérique ? Donald ne se soucie que de lui-même ! Lors de son premier jour dans un tribunal, Kamala a dit cinq mots qui ont toujours guidé sa vie : Kamala Harris pour les gens ! C'est quelque chose que Donald Trump ne comprendra jamais. (…) Nous devons travailler plus dur que jamais. Nous devons repousser les dangers que Trump et ses alliés représentent pour l'État de droit et notre mode de vie. Ne vous laissez pas distraire ou n'en parlez pas avec complaisance à vos amis et voisins. (…) Soyez fiers de défendre la vérité et le pays que nous aimons tous ! ».

    Ce fameux plafond de verre d'une femme à la Maison-Blanche obsède tant l'ancienne candidate démocrate : « Peu importe ce que disent les sondages. Nous ne pouvons pas abandonner. Nous ne pouvons pas nous laisser entraîner sur le terrains des conspirateurs délirants. Nous devons nous battre pour la vérité. Nous devons nous battre pour Kamala car elle se battra pour nous ! Parce que vous savez ce qu'il faut encore au village pour élever une famille, guérir un pays et gagner une campagne ! (…) Nous ne nous contentons pas d'élire un Président, nous élevons notre nation, nous ouvrons l'espoir de l'Amérique assez largement pour que tout le monde soit ensemble, nous avons fait beaucoup de fissures dans le plafond de verre le plus dur. Et ce soir, si près de le percer, une fois pour toutes, je veux vous dire ce que je vois à travers toutes ces fissures et pourquoi c'est important pour chacun d'entre nous. Que vois-je ? Je vois la liberté, je vois la liberté de prendre nos propres décisions concernant notre santé, nos vies, nos amours, nos familles, la liberté de travailler dans la dignité et de prospérer, de pratiquer notre religion comme nous choisissons ou pas d'exprimer librement et honnêtement nos pensées. Je vois l'absence de peur, d'intimidation, de violence, d'injustice, de chaos et de corruption. Je vois la liberté de regarder nos enfants dans les yeux et de leur dire : vous pouvez aller aussi loin que votre travail acharné et votre talent vous mèneront. ».
     

     
     


    Elle a terminé en bouquet final : « Vous savez ce qu'il y a de l'autre côté du plafond de verre ? Il y a Kamala Harris qui lève sa main et prête serment en tant que 47e Présidente des États-Unis. Parce que, mes amis, quand une barrière tombe pour l'une d'entre nous, elle tombe, elle tombe et ouvre la voie pour nous toutes ! (…) Je veux que mes petits-enfants et leurs petits-enfants sachent que j'étais ici, à ce moment, que nous étions ici et que nous étions avec Kamala Harris à chaque étape de ce processus. Notre époque, l'Amérique, c'est le moment où nous nous levons, c'est le moment où nous percevons le futur ! ».

    Ce qu'on peut dire, c'est que, malgré l'âge, Hillary Clinton a encore du dynamisme à revendre et qu'elle est une oratrice exceptionnelle. Mais ce qu'on peut aussi regretter, c'est le cas pour tous les leaders politiques et c'est très étrange pour un observateur français, c'est la vacuité absolue des discours politiques aux États-Unis ! Il n'y a que des idées très générales, très vagues, qui peuvent se dire en tout temps, et il n'y a jamais rien de concret, rien dans la réalité d'un programme politique, rien dans la vision de la politique économique ou de la politique étrangère. Seulement de la gueule. Et je le dis bien sûr pour tous les leaders, et un discours de Donald Trump serait encore pire dans la vacuité et le niveau intellectuel qui pourrait se comparer à celui d'une classe d'école primaire.

    Quand on prend un discours de campagne en France, quel que soit le parti du candidat, l'auditeur en a pour son argent, il aura par la suite mille sujets de conversation, d'énervement, d'accords et de désaccords, mais pas ce vide dans les campagnes américaines qui se résume finalement à la seule question électoralement utile : qui a la plus grosse ? (...gueule, bien sûr !). Très étrange pays que sont les États-Unis !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Hillary Clinton.
    Liz Cheney.
    Où en est la campagne présidentielle de Kamala Harris ?
    Jimmy Carter.
    Lauren Bacall.
    Maurice Jarre.
    Bill Clinton.
    Vera Miles.
    Les Yes-She-Can de Barack Obama !
    Kamala Harris sera-t-elle la première femme Présidente des États-Unis ?
    USA 2024 : Joe Biden se retire et soutient Kamala Harris !
    Donald Trump victime d'une tentative d'assassinat.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Ronald Reagan.
    Triste Trump (hic) !
    Paul Auster.
    Standard & Poor's.
    Moody's et Fitch.
    Les 75 ans de l'OTAN.
    Lee Marvin.
    Les 20 ans de Facebook.
    Bernard Madoff.
    La crise financière mondiale de 2008.

    La boîte quantique.
    Maria Callas.
    Henry Kissinger.
    Alexander Haig.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240819-hillary-clinton.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/hillary-clinton-une-affaire-de-256417

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/26/article-sr-20240819-hillary-clinton.html


     

  • 40 ans de confusions dans l'Affaire Grégory

    « On a beaucoup parlé du juge Lambert. Ce n'est pas le fiasco d'un seul homme, hein, c'est le fiasco de tout le monde, cette histoire-là, y compris des journalistes, d'ailleurs. (…) C'est aussi pour ça qu'on en parle autant d'années après. Parce que cette affaire, au-delà de tous les ingrédients qu'elle regroupe, d'un petit enfant qui disparaît, d'une histoire familiale hors normes, d'un lieu hors normes, et d'un raté global de tout le monde, c'est pour ça qu'elle continue aujourd'hui à passionner aussi. » (Damien Delseny, rédacteur en chef adjoint du "Parisien", le 20 avril 2024 sur France 5).



     

     
     


    Sinistre anniversaire. Il faut l'imaginer aujourd'hui. Il aurait pu être un homme déjà bien accompli, quadragénaire à la quarantaine déjà bien entamée, un contre-maître comme son père, ou un avocat pour défendre les causes perdues, un juge pour bien faire la justice, ou encore un journaliste, mais avec une vraie déontologie, ou encore un romancier, celui de polars qui se lisent avec passion, fascination, interrogation... Hélas, il n'est pas tout cela.

    Au lieu de quoi, ce triste mardi 16 octobre 1984, dans la soirée, on a retrouvé le corps du petit
    Grégory, 4 ans (né le 24 août 1980 à Saint-Dié), dans son anorak, ligoté des poignets et des chevilles, le visage caché par son bonnet, sorti de l'eau de la Vologne, une rivière vosgienne, dont les journalistes charognards se sont emparé tout de suite de la photographie en toute indécence. Entre sa disparition (entre 17h05 et 17h30) et son assassinat (17h50), il n'y a eu que l'instant d'une haine, d'une horreur, d'une jalousie savamment entretenue par des secrets familiaux et la réussite sociale de ses parents.

    Est-ce la médiatisation, dès les premières heures, de ce drame sans nom, l'assassinat d'un gosse de 4 ans, plein de vie, plein de sourire, plein de soleil, qui n'a jamais rien fait de mal à personne, sinon jouer quelques minutes dans le jardin pendant que sa mère faisait du repassage en écoutant les
    Grosses Têtes à la radio, qui m'a embarqué, comme tant d'autres, dans cette folie de l'émotion ? Ou peut-être ma proximité géographique ? À l'époque, j'étais lorrain, et quand j'entendais certains protagonistes vosgiens, je croyais entendre certains membres de ma famille. Je me sentais concerné, je crois même que j'avais dû me baigner dans la Vologne quand j'étais petit (ou peut-être pas, c'était peut-être la rivière voisine ?).
     

     
     


    Quand je lisais le déroulé de "l'affaire" dans Wikipédia, il y a une petite rubrique chiffrée également présente dans les sujets guerriers ou les attentats : "Nombre de victimes". Et c'est indiqué : 1. Quelle erreur ! C'est la limite de la rédaction par des encyclopédistes citoyens. Moi, hélas, j'en ai déjà compté trois, voire quatre victimes.
     

     
     


    Il y a l'enfant, oui, bien sûr, mais aussi le cousin de son père, Bernard Laroche, accusé, inculpé, écroué le 5 novembre 1984, puis relâché le 4 février 1985, et finalement tué le 29 mars 1985 par le père de Grégory, Jean-Marie Villemin, d'un coup de fusil, croyant faire justice lui-même alors qu'en fait, par cet acte irréversible, il a empêché toute enquête possible sur ce potentiel suspect. Bernard Laroche, coupable ou pas, complice (auteur de l'enlèvement) ou pas, on ne le saura certainement jamais. Jean-Marie Villemin, qui a été condamné le 16 décembre 1993 à cinq ans de prison dont un avec sursis par la cour d'assises de la Côte-d'Or, a beaucoup regretté son geste, comme il l'a affirmé plus tard, le 3 octobre 2024, dans la préface d'une bande dessinée sur l'affaire : « J'ai craqué. J'ai pris la vie de mon cousin. Je resterai à jamais un assassin. Je le regrette tant. La vengeance n'est pas une solution. » ("Gregory" par Pat Perna et Christophe Gaultier, éd. Les Arènes).
     

     
     


    La troisième victime, c'est ce petit juge d'instruction Jean-Michel Lambert, trop jeune, trop immature, trop occupé (il n'avait pas qu'une seule affaire), trop inconscient de la gravité des choses, avec des décisions très déconcertantes, et son lynchage médiatique continu, plus, la goutte d'eau, la publication d'extraits des carnets de son successeur, le juge Maurice Simon, ancien résistant et président de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Dijon, qui l'aurait probablement conduit à se suicider le 11 juillet 2017, quelques heures après leur diffusion par BFMTV. C'était l'humiliation de trop, comme l'a affirmé plus tard sa veuve : « Les médias l'ont quelque part poussé au suicide, notamment un, qui a divulgué un extrait des carnets intimes du juge Simon [où mon époux est durement critiqué]. La presse, c'est une chose. Mais qu'un magistrat, un collègue l'attaque ainsi, c'était pour lui inconcevable. Quand vous voyez ça tourner en boucle toute la journée… S'il avait su, comme on l'a vu par la suite, que ce magistrat critiquait en réalité un peu tout le monde, ça lui aurait sans doute sauvé la vie. ».
     

     
     


    Dans ses carnets (dont il ne prévoyait certainement pas la publication et remis par son fils à la justice le 28 janvier 2016), Maurice Simon (qui est mort le 23 mai 1994), a décrit son prédécesseur ainsi : « On reste confondu devant les carences, les irrégularités, les fautes (…) ou le désordre intellectuel du juge Lambert. Je suis en présence de l'erreur judiciaire dans toute son horreur. » (14 septembre 1988). Dans une lettre juste avant son suicide, le juge Lambert a écrit : « Si j'ai parfois failli, j'ai cependant la conscience parfaitement tranquille quant aux décisions que j'ai ét amené à prendre. ». Dans cette lettre, également : « J’ai décidé de me donner la mort car je sais que je n’aurai plus la force désormais de me battre dans la dernière épreuve qui m’attendrait. ». Et d'insister : « Je proclame une dernière fois que Bernard Laroche est innocent. ».

    L'enquête s'était orientée vers la mère de l'enfant, Christine Villemin, qui a vécu une tragédie supplémentaire jusqu'à son non-lieu le 3 février 1993, rendu par la cour d'appel de Dijon, plus de sept années plus tard, écrouée pendant onze jours, perdant l'un des jumeaux qu'elle attendait parce qu'elle était enceinte à cette époque. Pour ajouter à la confusion, l'écrivaine Marguerite Duras a publié un article jugé délirant le 17 juillet 1985 dans "Libération" qui chargeait Christine Villemin et la justifiait d'être une mère infanticide ("Sublime, forcément sublime Christine V."). La veuve du juge, Nicole Lambert, a voulu préciser dans "Le Parisien" du 22 octobre 2019, que ce n'était pas son mari mais la cour d'appel de Dijon qui a pris la décision incompréhensible du renvoi de Christine Villemin devant la cour d'assises.(Le juge Lambert a pourtant effectivement demandé le renvoi de Christine Villemin devant la cour d'assises des Vosges, ce qui a eu lieu le 9 décembre 1986 par un arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Nancy qui a été cassé le 17 mars 1987).

    La quatrième victime, cela pourrait donc être l'enfant à naître, parmi les deux jumeaux, que Christine Villemin attendait en 1985 et qu'elle a perdu après avoir été mise en prison. On pourrait même parler d'une cinquième victime, puisque le juge Maurice Simon, qui avait retardé son départ à la retraite pour s'occuper de cette "affaire" (il avait une très bonne réputation de compétence et on lui avait demandé de reprendre l'enquête après sa délocalisation à Dijon par la Cour de Cassation le 17 mars 1987), n'a pas vraiment survécu à son enquête.

     

     
     


    Menacé de mort pendant son instruction, Maurice Simon a comparu en janvier 1990 devant la cour d'appel de Dijon (accusé par des protagonistes de l'affaire). Sa réaction le 25 janvier 1990 : « Toujours aucun signe de vie du premier président ni du procureur général. Cela s’appelle le soutien de la hiérarchie. ». Il a en effet été très affecté par cette comparution alors qu'il se disait près du but, ce qui a précipité une crise cardiaque le 28 janvier 1990 entraînant un coma de trois jours et une amnésie totale sur son enquête. Le 30 octobre 1987, il avait écrit : « Je pense aussi que je laisserai ma vie dans cette affaire. Peut-être que oui, peut-être que non ! En tout cas je porte Grégory dans mon cœur et dans mon âme. ». Le 5 septembre 1988 : « Je sens en effet que, contre toute apparence, les jours me sont comptés car les troubles se multiplient alors je réfléchis, je pense et je me prépare. J’ai d’ailleurs le sentiment que, d’une manière ou d’une autre, je ne verrai pas la fin de l’affaire de l’assassinat du petit Grégory Villemin. ». En son hommage, les époux villemin ont donné à leur quatrième enfant le prénom Simon (né en 1998).

    Du reste, Maurice Simon allait très loin dans ses réflexions puisqu'en juillet 1988, il a indiqué ses soupçons de manière très claire : « Il paraît certain que Bernard Laroche a bien enlevé le petit Grégory Villemin. Il me reste à trouver (…) qui a tué ce superbe enfant. (…) C'est clair, il ne faut pas découvrir le ou les vrais coupables parce que ce sont Laroche et consorts et qu'il y a derrière eux le parti communiste et des élus socialistes. Je m'explique mieux, dès lors, le culot des Bolle qui se croient tout permis. (…) Il existe une volonté absolue de ce côté-là de faire de l'obstruction. (…) Il est clair que c'est la panique et que l'on veut à tout prix m'empêcher d'entendre Murielle Bolle parce qu'on a peur qu'elle craque. ». Il faut rappeler que Bernard Laroche, lui aussi contre-maître (ce qui supprimerait la motivation de la jalousie du statut social), était délégué syndical CGT tandis que son cousin avait refusé, dans son entreprise, se syndiquer à la CGT. Une partie de la famille aurait été syndiquée à la CGT.

    Tout depuis le début, dans cette affaire, a été mauvais : les investigateurs de la gendarmerie, la justice incohérente, et surtout, les journalistes qui ont été abominables dans leur surenchère pour faire de l'audience. De très nombreuses erreurs ont eu lieu dès le début de l'enquête, par la perte de nombreuses indices etc. à tel point que la procédure judiciaire a été améliorée après les leçons de cette affaire. À cela, il faut aussi ajouter l'idéologie, car il y a eu un avocat ou des journalistes qui militaient pour le rétablissement de la
    peine de mort (abolie quelques années auparavant).
     

     
     


    La connaissance de la famille, plongée dans la jalousie, l'envie, des secrets qui remontent parfois à trois générations (un inceste qui a donné naissance à un enfant, et aussi un enfant de 4 ans tué par la violence de ses parents et le suicide du père dix ans plus tard par l'abandon de sa femme, la mort de Bernard Laroche à sa naissance et sa proximité comme frère de lait d'un frère de Jean-Marie Villemin, etc.). Dès 1981, la famille Villemin a été victime de nombreuses lettres anonymes et d'appels téléphoniques anonymes (de ceux qu'on a appelés les corbeaux, qui étaient plusieurs), parce que Jean-Marie Villemin a bien réussi dans sa vie professionnelle (il a rapidement été nommé contre-maître) et que le couple a pu s'acheter un pavillon avec jardin, etc. dans une campagne vosgienne à l'esprit rural encore très marqué.

    L'hypothèse de complicités, de plusieurs coupables, un qui aurait enlevé, un autre qui aurait tué, était envisageable. Le colonel Étienne Sesmat, le gendarme en charge de l'enquête au début (capitaine, il commandait la compagnie de gendarmerie d'Épinal), est toutefois convaincu du contraire, que l'auteur de l'enlèvement et de l'assassinat est le même, parce que cela s'est déroulé de manière très rapide, entre 17h05 et 17h45, que c'était imprévu (l'occasion de pouvoir enlever l'enfant dans le jardin chez lui), et qu'il n'y avait pas de téléphone mobile. Le courrier annonçant la mort de l'enfant par vengeance a été posté vers 17h50 au bureau de poste (arrivée le lendemain chez les Villemin). Le gendarme croit encore en 2024 en la culpabilité de Bernard Laroche, alors que sa veuve Marie-Ange Larouche, qui a maintenant un petit-fils de 14 ans, crie toujours à l'innocence de son mari mais n'espère plus de nouveaux rebondissements de "l'affaire".

     

     
     


    Le dernier rebondissement est récent puisqu'il a eu lieu le 20 mars 2024 quand la chambre d'instruction de la cour d'appel de Dijon a ordonné de nouvelles comparaisons d'ADN et d'autres expertises vocales sur les enregistrements des corbeaux (on peut maintenant déterminer scientifiquement l'identité vocale de chacun), selon les demandes des époux Villemin. Les preuves matérielles sont les cordelettes qui ont servi à attacher le malheureux enfant, l'écriture des courriers anonymes et la voix des appels anonymes, en sachant qu'il y a eu plusieurs corbeaux et qu'ils ne sont pas nécessairement les auteurs de l'assassinat.

    La seule chose positive dans cette affaire judiciaire, au contraire de celle liée au supposé suicide (et probable assassinat) du ministre
    Robert Boulin, c'est qu'elle n'est pas classée car il y a encore des investigations et des actes judiciaires, ce qui laisse encore l'espoir qu'on puisse connaître un jour la vérité. Repose bien aux cieux, petit Grégory !


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (12 octobre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le juge Jean-Michel Lambert.
    La relance judiciaire de l’affaire Grégory.
    Histoire encore à suivre.
    Documents sur l’affaire Grégory.
    40 ans de confusions dans l'Affaire Grégory.
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.






















    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241016-affaire-gregory.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/40-ans-de-confusions-dans-l-256282

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/10/15/article-sr-20241016-affaire-gregory.html



     

  • Jimmy Carter, le centenaire militant

    « J’essaie juste de tenir pour pouvoir voter pour Kamala Harris ! » (Jimmy Carter le 3 août 2024).


     

     
     


    Tient-il obstinément parce qu'il veut voter absolument pour Kamala Harris dans quelques semaines (le 5 novembre 2024) ? Ne faut-il pas craindre un détachement complet après les élections américaines ? En attendant, l'ancien Président des États-Unis et Prix Nobel de la Paix Jimmy Carter fête son 100e anniversaire ce mardi 1er octobre 2024. Son premier centenaire !

    Inutile de préciser qu'il bat tous les records de longévité, nombre d'années après avoir quitté la Maison-Blanche et âge d'un ancien Président des États-Unis. Il y a de plus en plus de centenaires, ce n'est donc pas étonnant. On se demandera toujours : mais comment atteint-on 100 ans ? Pas quelle est la méthode, mais dans quel état est-on à 100 ans ?

    Pour être franc, l'état de santé de Jimmy Carter serait plutôt mauvais. C'est son petit-fils Jason Carter qui l'aurait rapporté au journal géorgien (Jimmy Carter est originaire de Géorgie et y séjourne) "Atlanta Journal Constitution" le 3 août 2024. Le grand-père répondait à une question de son fils Chip Carter qui lui demandait s'il fêterait son 100e anniversaire. Jimmy a résolument dit oui. Détermination à ne pas faire manquer une seule voix à la future Présidente démocrate des États-Unis !
     

     
     


    C'est la première fois que Jimmy Carter fête son anniversaire seul, seul dans le sens où son épouse, pendant soixante-dix-sept ans, Rosalynn est morte 19 novembre 2023 à l'âge de 96 ans. Pour l'ancien Président américain, l'enterrement de son épouse, le 29 novembre 2023 à l'église baptiste Maranatha de Plains (ville natale des deux époux, en Géorgie), fut sa dernière apparition publique (en présence de Joe Biden), et il ne compte plus en faire d'autre.





    Jimmy Carter est très malade, il a été placé en soins palliatifs chez lui le 18 février 2023. Beaucoup craignaient que ce ne fût qu'une questions de jours ou de semaines, et cela fait plus d'un an et demi qu'il y est. En communiquant ainsi, il souhaitait promouvoir les soins palliatifs à domicile, et dédramatiser, dire que ce n'était pas forcément le seuil de la mort, que c'était une manière de poursuivre sa vie, de terminer sa vie de manière plus confortable, moins douloureuse, entouré des siens. Cela a fait couler beaucoup d'encre et provoquer de nombreux débats publics mais aussi privés, dans l'intimité des familles américaines.
     

     
     


    Il a quand même la baraka, car le 12 août 2015, il avait annoncé qu'il avait un cancer du cerveau. Huit jours plus tard, qu'il se faisait traiter par radiothérapie. Et comme par miracle, le 6 décembre 2015, qu'il était guéri. Il a eu plus de chance que John MacCain.

    Sa volonté de voter absolument pour ces élections de 2024 n'est pas sans une grande motivation : la Géorgie fait partie des États incertains qui départageront Donald Trump et Kamala Harris. La candidate démocrate porte aujourd'hui l'héritage de Jimmy Carter plus que tout autre candidat démocrate : « Elle sait ce qui est juste et elle se bat pour cela. » a insisté Jason Carter. À Chicago, lors de la Convention nationale démocrate le mois dernier, Jason Carter avait en effet indiqué : « Kamala Harris porte l'héritage de mon grand-père. (…) Elle comprend que le leadership est une question de service et non d’égoïsme. Elle sait aussi que l’on peut faire preuve de force et de décence. Et que l'on peut faire beaucoup plus de choses avec le sourire qu'avec un air renfrogné ! ».

     

     
     


    L'ancien Président devrait pouvoir voter par correspondance. Son bulletin de vote devrait arriver en principe un mois avant le scrutin, soit le 5 octobre 2024. En fait, le bureau de vote du comté de Sumter, en Géorgie, dont dépend Jimmy Carter, a déjà annoncé que les bulletins de vote seraient envoyés à partir du 7 octobre 2024 et que la date limite pour s'inscrire au vote par correspondance en Géorgie était le 25 octobre 2024. Pour pouvoir voter par correspondance, il faut remplir certaines conditions bien répertoriées, comme être étudiant, ou personne âgée, ou personne à situation de handicap, etc.

    Lorsqu'un bulletin de vote par correspondance arrive au bureau de vote, il est immédiatement "verrouillé" par les assesseurs. Le porte-parole du bureau du secrétaire d'État de Géorgie Robert Sinners a expliqué le 24 septembre 2024 : « Une fois que le bulletin est retiré de l'enveloppe, il n'y a aucun moyen de remonter jusqu'à l'électeur qui l'a mis. ».

    Alors que ce sera certainement la dernière élection où Jimmy Carter pourra voter, son arrière-petit-fils (fils de Jason) Henry Carter, qui vient d'avoir 18 ans, a déclaré le 17 septembre 2024 que, pour lui, ce serait au contraire la première fois qu'il pourrait voter. L'alpha et l'oméga ! Une grande émotion.
     

     
     


    Le Carter Center a organisé le 17 septembre 2024 à 19 heures 30 au Fox Theatre d'Atlanta un grand concert pour le centenaire de Jimmy Carter, un événement musical avec des vedettes de renommée mondiale de la pop, du rock, du jazz, du hip-hop, du gospel, de la country, de la musique classique, etc., pour rendre hommage à l'ancien Président, pour célébrer son action au service de l'humanité.
     

     
     


    Les billets étaient vendus 100 dollars l'unité, en signe de clin d'œil pour les 100 ans du Prix Nobel. Les recettes de ce concert ont été versées au Carter Center, la fondation créée en 1982 par Jimmy et Rosalynn Carter pour promouvoir la paix et la santé dans le monde et qui lui a valu le Prix Nobel de la Paix en 2002.
     

     
     


    Ce concert était sans doute la meilleure forme d'hommage que pouvait recevoir Jimmy Carter. Chuck Leavell, qui a participé à cet événement, ancien claviériste des Allman Brothers et des Rolling Stones, a rappelé la campagne présidentielle de 1976 : « À l’époque où Jimmy Carter se présentait à la Présidence, les Allman Brothers ont donné des concerts pour sa campagne parce que nous croyions en sa vision d’espoir et de changement pour l’Amérique. Nous n’aurions jamais pu imaginer l’impact positif qu’il aurait sur le monde entier. (…) C’est un honneur de jouer à son centième anniversaire et de célébrer un homme dont l’héritage continuera sûrement d’inspirer les générations futures. ».
     

     
     


    Une immense mosaïque est en train de se constituer avec toutes les photos et films envoyés par les citoyens, américains ou étrangers, pour être offerte le jour de son anniversaire le 1er octobre 2024. On peut la voir sur cette vidéo.





    2024 restera une année cruciale pour les États-Unis. Le peuple américain, profondément divisé, choisira entre l'espoir et l'outrance, entre les démocrates et les trumpistes. La figure tutélaire de Jimmy Carter, aimé de toute l'Amérique, mais aussi du monde entier, les nombreux messages de sympathie qu'il reçoit à chaque anniversaire le prouvent, et plus encore pour son centenaire, donne une autre image des États-Unis que la grossièreté, le mépris, le machisme. Une image d'espoir, de paix et surtout, d'apaisement du débat politique. C'est tout le défi qu'aura à relever Kamala Harris, qu'elle soit élue... ou pas.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Une mosaïque pour Jimmy !
    Jimmy Carter a 100 ans.
    Jimmy Carter a 90 ans.
    Le dernier sage ?
    L'Amérique de la Paix.
    Jimmy Carter et le temps des cacahuètes.
    Lauren Bacall.
    Maurice Jarre.
    Bill Clinton.
    Vera Miles.
    Les Yes-She-Can de Barack Obama !
    Kamala Harris sera-t-elle la première femme Présidente des États-Unis ?
    USA 2024 : Joe Biden se retire et soutient Kamala Harris !
    Donald Trump victime d'une tentative d'assassinat.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Ronald Reagan.
    Triste Trump (hic) !
    Paul Auster.
    Standard & Poor's.
    Moody's et Fitch.
    Les 75 ans de l'OTAN.
    Lee Marvin.
    Les 20 ans de Facebook.
    Bernard Madoff.
    La crise financière mondiale de 2008.

    La boîte quantique.
    Maria Callas.
    Henry Kissinger.
    Alexander Haig.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.

     

     
     






    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241001-jimmy-carter.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/jimmy-carter-le-centenaire-256725

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/28/article-sr-20241001-jimmy-carter.html



     

  • Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?

    « Soyez donc les bienvenus vous tous, chrétiens ou non, habitués ou moins habitués des églises, qui venez entourer la famille de Philippine, manifester votre amitié et prier pour elle. Vous pressentez que c’est important d’être là, tels que vous êtes. Merci d’être venus, parfois de loin. » (Père Pierre-Hervé Grosjean, le 27 septembre 2024 à Versailles).



     

     
     


    À la découverte à la fois du corps inerte de Philippine Le Noir de Carlan et du profil de son meurtrier présumé deux jours plus tard, l'extrême droite a profité de l'occasion pour faire de la récupération politique. Oui, c'est sans doute vrai, mais l'émotion ne signifie pas toujours la récupération et c'était une grande émotion nationale qu'ont ressenti ce vendredi 27 septembre 2024 les près de 3 000 participants aux obsèques de Philippine à la cathédrale Saint-Louis de Versailles, dont 1 000 restés dehors, sur le parvis, faute de place, sous une pluie battante.

    Rappelons d'abord les faits : Philippine Le Noir de Carlan, jeune étudiante de l'Université Paris-Dauphine qui allait fêter son 20e anniversaire le 10 octobre prochain, a été déclarée disparue le vendredi 20 septembre 2024 dans la soirée. Sa dernière apparition remontait à 14 heures le même jour, à l'issue de son déjeuner. Elle devait retrouver ses parents dans les Yvelines pour le week-end. Hélas, très rapidement, on en est venu à chercher du côté du bois de Boulogne (proche de la Porte Dauphine), et le soir du samedi 21 septembre 2024, on a retrouvé son corps, enseveli sauf un bras. Une vague d'émotion a alors envahi le pays. Pourquoi ? Parce que, comme toujours avec ce genre de tragédie, on peut s'identifier à la victime. Une jeune étudiante, symbole de toutes les étudiantes, mais aussi les parents de jeunes filles peuvent s'identifier aussi (même la dernière fille du nouveau garde des sceaux a l'âge de Philippine).

    De nombreux étudiants, même ceux qui ne connaissaient pas Philippine, sont venus se recueillir le lundi 23 septembre 2024 dans le hall de l'Université Paris-Dauphine pour lui rendre hommage et honorer sa mémoire. Ce qui est arrivé à Philippine aurait pu arriver à n'importe quelle étudiante de cette université et sans doute n'a-t-elle a eu de chance d'avoir croisé son meurtrier.
     

     
     


    Beaucoup de détails peuvent contribuer à s'identifier à la victime. Ainsi, les lieux. Il y a une vingtaine d'années, je me rendais de temps en temps à cette université Paris-Dauphine parce que j'avais un groupe de travail avec des étudiants de cette université. Parfois, les réunions pouvaient finir tardivement dans la soirée ou en hiver, vers les 19-20 heures, il faisait nuit, et je me faisais la réflexion, lorsque je revenais seul reprendre mon véhicule stationné dans le bois de Boulogne, peu éclairé, que ce serait peut-être dangereux si j'avais été une jeune fille (j'avoue que je n'ai jamais eu peur personnellement d'être agressé, mais à tort, surtout par imprudence car nul n'est épargné ; la témérité était ma seule réponse à une impuissante fatalité). Je connais aussi bien Versailles, et Montigny-le-Bretonneux où Philippine vient d'être inhumée, ce qui renforce l'identification. J'imagine parfaitement son milieu.

    L'émotion suscitée par ce drame infini s'est renforcée par la colère. En effet, l'auteur présumé du meurtre a été arrêté à Genève le mardi 24 septembre 2024 (bravo la police !). Il s'agirait d'un Marocain de 22 ans venu illégalement en France en 2019, qui aurait commis un viol alors qu'il n'était pas encore majeur, aurait été condamné à sept ans de prison mais libéré au bout de cinq ans, en juin 2024. Il était condamné aussi à une obligation de quitter le territoire français (OQTF) d'une durée de dix ans. Il a été placé dans un centre de rétention administrative pendant un peu plus deux mois mais relâché quinze jours avant la tragédie.

    On le comprend, le sujet est ultrasensible : meurtre d'une jeune fille, fille croyante et pratiquante, immigration illégale, OQTF non exécutée, récidive. Chaque terme susciterait en lui-même des montagnes de récupérations politiques de l'extrême droite. Insistons sur le fait que si le RN avait été au pouvoir (il n'en était pas très loin au début de l'été), le meurtre aurait hélas été sans doute aussi commis.

    Restons encore brièvement dans la récupération politique... mais de l'extrême gauche, pas plus décente à cet égard pour la mémoire de Philippine, et même, pire. Ainsi, on peut lire dans les réseaux sociaux des messages franchement dégueulasses de personnes qui refusent la compassion pour Philippine sous prétexte qu'elle serait catholique pratiquante et que l'extrême droite aurait récupéré son assassinat. Du reste, des militantes d'extrême gauche ont arraché à Science Po les affiches rendant hommage à Philippine. On ne sait plus très bien si les plus dégénérés sont les meurtriers du type de celui de Philippine ou tous ces tordus qui ne voient plus l'humain au travers de leur prisme idéologique et de leurs puanteurs militantes.
     

     
     


    Le grand nombre de participants à l'enterrement à Versailles montre qu'on n'était pas obligé de connaître Philippine pour être touché dans ses tripes par son meurtre. Des gens qui ne se connaissaient se sont d'ailleurs serrés dans les bras pour exprimer cette émotion et se consoler. Elle ne vient pas de nulle part, elle rassure même, car tout drame mérite respect, émotion et réflexion. Cela s'est passé aussi pour d'autres drames, précédemment, trop nombreux hélas pour les énumérer simplement ici.

    Pour autant, la réflexion doit s'amorcer avec cette idée : le meurtre de Philippine pouvait-il être évité ? Et aussi : comment l'éviter dans l'avenir ? Car la première réflexion, logique, c'est de se dire : jamais Philippine n'aurait dû croiser sur son chemin ce jeune criminel marocain qui aurait dû être expulsé depuis plusieurs semaines. Et vient donc la question en d'autres termes : y a-t-il eu des dysfonctionnements dans l'État, c'est-à-dire, des décisions humaines qui, mal inspirées, ont engendré un tel crime ?
     

     
     


    Pour ma part, sans ôter la moindre responsabilité au moindre responsable, l'entière responsabilité du meurtre provient du meurtrier et de lui seul. Personne ne l'a forcé à tuer Philippine. Il est 100% responsable de son acte odieux.

    Il y a d'abord des amalgames à éviter, et à éviter des deux extrêmes. Extrême droite : les immigrés clandestins ne sont pas tous des tueurs. Heureusement. Réduire le meurtre de Philippine à des OQTF mal exécutées est, à mon sens, une erreur de raisonnement. Extrême gauche (chez certains écologistes) : on réfute l'idée que le tueur soit immigré pour qu'il tue, en disant qu'il a tué parce qu'il était un homme ! Là aussi, c'est tout aussi stupide intellectuellement. Dieu merci, les hommes ne sont pas tous des tueurs de jeunes filles (sinon, j'en viendrais à être honteux d'être ce que je suis, un homme).

    Premiers éléments de réflexion pour répondre à la question principale (le meurtre aurait-il pu être évité ?). D'après les informations dont je dispose, et donc, sous réserve qu'elles soient exactes et confirmées, j'ai compris que la remise de peine de deux ans est plutôt sévère pour une peine de sept ans. Rappelons aussi que le juge évite le plus possible la prison en temps long en raison des places qui manquent. Donc, le jeune Marocain est relâché et immédiatement placé en centre de rétention administrative pour rendre exécutable son OQTF.

    Qu'est-ce qu'on attendait ? Comme le futur expulsé n'a pas de passeport, il lui faut un sauf-conduit (je n'ai pas le terme exact) consulaire délivré par le pays qui l'accueille, à savoir ici le Maroc. Le problème, c'est que les pays de retour sont peu enthousiastes pour délivrer ce genre de papiers officiels. Il y aura bien un rapport de force diplomatique à mener entre les deux pays, mais c'est du long terme et très aléatoire, car concrètement, si le pays de retour ne fait rien, la France est bien ennuyée. Le pire, c'était que des candidats à l'expulsion pouvaient rester des mois voire des années dans des centres de rétention, qui n'est pas autre chose qu'une prison alors qu'on n'est pas condamné (je rappelle : les expulsés n'ont commis que la faute d'être entrés en France illégalement, mais n'ont pas forcément commis des crimes ou autres délits). Une loi a donc établi une durée maximale durant laquelle on pouvait être retenu dans un centre de rétention : 90 jours. Avec une décision de maintien du juge tous les quinze jours. Sur quoi se base le juge ? Sur la probabilité que le pays de retour délivre les documents consulaires avant les 90 jours de durée maximale.

    Pour le cas du meurtrier présumé de Philippine, la justice française avait abandonné tout espoir raisonnable que le Maroc fournisse ce document dans les temps, si bien qu'elle a considéré que le retenir plus longtemps n'avait aucune sorte d'utilité (au bout de 90 jours, il serait de toute façon relâché). Donc, à mon sens, blâmer le juge qui a signé sa sortie du centre de rétention est stupide car il n'a fait que son travail selon les critères que la loi lui a imposés. En revanche, l'auteur présumé aurait dû signaler régulièrement sa présence, ce qu'il n'a pas fait. Pourquoi n'a-t-on pas réagi ? (Là encore, regardons l'unité de temps : quinze jours, semble-t-il, entre sa sortie du centre de rétention et le meurtre ; la police n'allait pas réagir plus vite de toute façon).
     

     
     


    Pour autant, peut-on considérer que c'est satisfaisant ? Certainement pas. Absolument pas. Des vies humaines ont été perdues à cause d'un manque de réflexion. Il ne faut pas idéologiser l'immigration, mais réfléchir de manière pragmatique sur les raisons de non exécution des OQTF. La principale, c'est la mauvaise volonté des pays du retour. Quand la justice française connaît le pays du retour, car ce n'est pas toujours le cas.

    Je n'ai pas "la" solution, sinon, elle aurait déjà été trouvée et appliquée depuis longtemps, mais des pistes sur ce cas précis. Deux modestes pistes.

    La première est que la condamnation du jeune violeur était de la détention assortie d'une OQTF. On aurait donc pu rechercher les documents consulaires avant sa libération de prison, en vue de son expulsion immédiate dès sa sortie de prison. Après tout, condamné à sept ans de prison, cela laissait deux ans à l'administration française pour obtenir le papier consulaire auprès des autorités marocaines. Mieux que 90 jours. L'obtention de ce papier consulaire devrait même être une condition nécessaire à toute libération anticipée d'un condamné faisant l'objet d'une procédure d'expulsion.

    La seconde piste, c'est de différencier les candidats à l'expulsion, car il y en a de deux sortes : il y a la grande majorité d'étrangers clandestins qui doivent retourner chez eux et qui n'ont rien fait d'illégal autre que cette entrée du territoire français ; et puis il y a des gens comme ce violeur condamné qui est un criminel (rappelons que le viol est un crime) et on doit focaliser la surveillance des autorités françaises sur ces personnes sous OQTF tant qu'elles ne sont pas effectivement expulsées car elles sont susceptibles d'être (encore) des dangers pour la société (même si on ne peut pas préjugé d'un crime ou délit futur, "Minority report" n'est qu'une fiction, heureusement). Ou même permettre exceptionnellement le placement en centre de rétention le temps de pouvoir les expulser selon les règles.

    Invité de la matinale de France Inter ce vendredi 27 novembre 2024, le nouveau Ministre de la Justice Didier Migaud a manqué manifestement de dose de persuasion pour exprimer pourtant une évidence : « des situations tout à fait objectives, comme sur l'exécution des peines, qui a beaucoup progressé, comme le nombre de personnes qui aujourd'hui sont détenues en prison. Mais je sais que c'est inentendable pour le citoyen ! (…) Je souhaite convaincre les citoyens qu'il faut faire confiance à la justice. Et comme garde des sceaux, ce sera à moi de veiller à ce que la justice puisse avoir les moyens de fonctionner. Je serai toujours le défenseur de l'État de droit, toujours le défenseur de la justice, toujours le défenseur des magistrats, sans être complaisant vis-à-vis de manquements qui peuvent effectivement intervenir. ».
     

     
     


    Et de répondre aux critiques parce qu'il n'avait pas réagi au meurtre de Philippine : « Vous savez que le garde des sceaux ne peut pas intervenir dans le cadre d'une procédure individuelle. Ça ne m'empêche pas de ressentir aussi fortement que les citoyens l'émotion devant une telle situation. C'est une tragédie. Ma dernière fille, elle a l'âge de la victime ! Donc vous vous rendez compte que je peux imaginer le drame que ça peut représenter pour la famille, et je lui exprime bien évidemment toute ma sympathie. ». Sa mission : « Essayer de travailler pour voir si la réglementation, si la législation est adaptée en toutes circonstances, pour faire en sorte d'éviter ce type de situation et ce type de drame. Et là, je dois travailler avec le Ministre de l'Intérieur : c'est ce que nous efforçons de faire, d'ailleurs, depuis quelques jours pour faire face à cette situation. Mais je comprends que l'émotion est telle qu'elle submerge tous les discours objectifs. ».

    La cérémonie religieuse a eu lieu à la cathédrale Saint-Louis de Versailles (où Philippine a fait sa confirmation) parce que l'église de sa paroisse, à Montigny, n'aurait pas été assez grande pour accueillir ces milliers de personnes venues communier à la mémoire de Philippine. La présidente du conseil régional d'Île-de-France Valérie Pécresse était présente, le président de l'Université Paris-Dauphine également. Beaucoup d'élus étaient présents. Une cagnotte mise en ligne pour soutenir financièrement la famille a déjà recueilli les dons de 3 500 généreuses personnes.

    Dans son homélie, le curé de la paroisse de Montigny-Voisins-le-Bretonneux, le Père Pierre-Hervé Grosjean, a évoqué trois temps : celui de la tristesse, celui de l'espérance, et celui de l'action.

    L'émotion : « Devant le mystère du mal, devant l’injustice insupportable et la violence qui s’est déchaînée, nous sommes sidérés, comme écrasés. Bien sûr, la justice des hommes sera nécessaire. Son temps viendra. Mais aujourd’hui, nous avons besoin de pleurer, de partager et de déposer ensemble notre douleur, notre colère, notre incompréhension. ».
     

     
     


    L'espérance : « Nous voulons nous accrocher à cette espérance que nous donne Jésus, comme on s’accroche à une ancre pour ne pas couler ou dériver. Oui, en priant pour toi, en te portant devant Dieu, Philippine, nous espérons et nous croyons que le Seigneur t’accueille dans sa paix, dans la joie du Ciel, qu’auprès de Lui tu ne souffres plus, et que tu connais ce bonheur parfait pour lequel nous avons été créés, ce bonheur qu’aucun mal ne pourra plus désormais atteindre ou abîmer, cette joie éternelle dont nous avons tous soif, dont tu avais soif et que les joies de ta vie annonçaient. Nous sommes là, nous accrochant à cette espérance qui nous promet aussi qu’il y aura un jour des retrouvailles. Nous te reverrons Philippine. Cette espérance n’empêche pas nos larmes, mais elle les éclaire. ».

    L'action : « Nous avons nous aussi en effet chacun une mission. Nous ne voulons pas que le mal ait le dernier mot. Nous voulons croire que Jésus a vaincu la mort, pour que ceux qui accueillent cet Amour victorieux puissent recevoir la vie éternelle. Mais dès maintenant, nous pouvons répondre à ce mal en le retournant contre lui-même. Comment ? En faisant de ce drame, de cette épreuve terrible, l’occasion d’un sursaut, l’occasion de grandir résolument, généreusement et courageusement dans notre vie, dans la façon de la vivre pleinement, de la donner, dans notre désir de servir et d’aimer. Nous voulons opposer au Mal, à sa violence et à sa laideur, la force de notre amour, de notre espérance, de notre foi, et la beauté de notre unité. Nous voulons répondre à l’horreur du mal par la force plus grande encore du bien, le bien que nous pouvons faire en nous engageant, chacun à notre façon, chacun selon notre vocation, pour servir. ».

    Et il a terminé en s'adressant directement à Philippine à propos de sa famille et de ses amis : « Tu es désormais leur grande sœur du Ciel. Encourage-les dans leurs joies, leurs peines et leurs combats. Donne à chacun de pouvoir servir, croire et aimer à son tour avec toute la générosité dont il ou elle est capable. Aide tous ces jeunes à découvrir combien ils sont aimés de Dieu, de façon inconditionnelle, quelle que soit leur histoire ou leurs fragilités. Parce que c’est quand on se sait aimé qu’on devient capable du meilleur ! ».


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (27 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Philippine : émotion nationale, récupérations politiques, dysfonctionnements de l'État ?
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240927-philippine.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/philippine-emotion-nationale-256968

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/27/article-sr-20240927-philippine.html



     

  • Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...

    « Depuis que je suis arrivée dans cette salle d'audience, je me sens humiliée. On me traite d'alcoolique. Je serais la complice de M. Pélicot. Il faut avoir un degré de patience pour supporter ce que j'ai pu entendre ! » (Gisèle Pélicot, le 17 septembre 2024 à Avignon).



     

     
     


    Ce qu'on appelle parfois l'affaire Pélicot mais que je préfère appeler l'affaire des viols de Mazan (car Pélicot est soit une victime soit un criminel, selon le prénom utilisé), est passée au-delà du simple fait-divers, c'est désormais un fait de société, tellement il peut donner un exemple éloquent et glauque de l'existence sociale et de l'organisation systémique de la violence conjugale. Depuis le 2 septembre 2024 devant la cour criminelle du Vaucluse, à Avignon, se déroute un long procès qui devrait s'achever le 20 décembre 2024.

    Je rappelle rapidement l'objet du procès : Dominique Pélicot, un homme de 71 ans, a non seulement violé sa femme Gisèle mais l'a fait violer par des dizaines voire des centaines d'hommes. 92 faits de viol ont été répertoriés par la justice, qui ont été commis entre le 23 juillet 2011 et le 23 octobre 2020, principalement à Mazan, dans le Vaucluse, au domicile du couple, dans la chambre conjugale. 83 violeurs potentiels ont été comptés, dont seulement 54 hommes identifiés, 51 (dont le mari) sont jugés au cours de ce procès, un est décédé et deux autres ont été relaxés faute de preuve.

    Jusqu'à cette affaire judiciaire, Gisèle trouvait son mari formidable, « bienveillant et attentionné », « un super mec ». Elle a dit à l'audience : « J'aurais mis mes deux mains à couper que je vivais avec un homme extraordinaire. La première trompée dans ce dossier, c'est moi et mes enfants. ».

    Le procédé était particulièrement odieux : le mari recrutait les violeurs sur un site Internet de rencontres à l'occasion d'échanges dans un forum privé (le forum s'intitulait "À son insu" laissant peu de doute sur la réalité des viols) avec un protocole bien précis et rigoureux (éviter d'être parfumé, rester silencieux, etc. pour ne pas réveiller l'épouse ni éveiller ses soupçons) car les viols étaient commis sans le consentement mais aussi sans la conscience de la victime qui était droguée préalablement au Temesta (un anxiolytique). Pendant tous ces viols, Gisèle Pélicot ne savait pas qu'elle était violée, mais elle souffrait de douleurs génitales, de pertes de mémoire pendant la journée, de grosse fatigue, etc. dont elle ne connaissait pas la cause (et elle a même chopé le papillomavirus ; heureusement, pas le sida alors qu'un des violeurs récidiviste était séropositif).

    Tout dans cette affaire est instructif, autant instructif que glauque, mais aussi tout ce qu'il y a autour. Avant tout, je souhaite saluer le courage, car c'est bien du courage, de la victime Gisèle Pélicot. Courage pour avoir enduré ce qu'elle a subi, mais aussi courage pour l'extérioriser, courage de s'afficher publiquement, sans anonymat, pour faire éclater la vérité (avec l'accord de sa fille Caroline) et aussi pour faire en sorte que cela ne puisse plus se reproduire. Créer un choc social, un avant et un après ce procès. Chaque fois qu'elle rentre au palais de justice, Gisèle est entourée d'une haie d'honneur qui l'encourage. Des manifestations ont eu lieu pour la soutenir, notamment le samedi 14 novembre 2024, pour soutenir aussi toutes les victimes de viol. Aux milliers de manifestants, Gisèle Pélicot a affirmé : « Grâce à vous, j'ai la force de poursuivre le combat jusqu’au bout. ». Le mérite de la victime, ce n'est pas d'avoir été une victime, d'avoir subi, mais d'avoir voulu médiatiser tout le système dont elle était la victime ignorante pour un combat plus général contre le viol et contre les violeurs.


    L'avocat général avait proposé un procès à huis-clos mais la victime a refusé et voulu faire de la publicité à cette affaire judiciaire : « Je n'ai pas à avoir honte ! ». La diffusion d'images pornographiques (scènes de viol, etc.) a cependant été faite dans le cadre d'un huis-clos partiel, le président de la cour ayant faire évacuer la salle de son public (y compris la presse). En raison de la publicité sur les coaccusés, certaines de leurs familles ont été menacées et ont déposé elles-mêmes plainte pour menaces.
     

     
     


    Il est difficile de savoir exactement quel est le sujet, si c'est le viol collectif, le viol sous soumission chimique, le viol conjugal (le mari peut être considéré comme avoir violé sa femme si les rapports ont lieu sans consentement), le recrutement des violeurs sur Internet, le principe même du procès, son déroulement qui peut aussi provoquer la douleur, la réalité des prédateurs sexuels qui sont souvent très subtils et manipulateurs (loin des dragueurs lourdingues qu'on voit venir à des kilomètres à la ronde), capables de se faire passer pour victimes au lieu de bourreaux, etc. Sans doute tous ces sujets à la fois.

    L'origine de l'affaire est aussi assez troublante car c'est par hasard qu'on a découvert ce système dégueulasse. Le mari a été pris le 12 septembre 2020 par un agent de sécurité d'un supermarché de Carpetras en train de filmer sous la jupe de plusieurs clientes du magasin. L'analyse de son ordinateur a montré des dizaines de vidéos et photos de viols de sa femme, ce qui a permis de remonter les dates et les violeurs. Du reste, Dominique Pélicot a avoué le 2 novembre 2020, laissant croire qu'il regrettait les faits. Son épouse a appris l'existence de ces viols le même jour, ce qui a dû provoquer en elle un choc psychologique monstrueux (comment n'ai-je pas pu ressentir de telles atteintes à mon corps pendant si longtemps ?). Elle a immédiatement demandé le divorce et l'a obtenu heureusement avant le début du procès, le 22 août 2024. Les 51 prévenus sont donc jugés pour viols avec circonstances aggravantes.

    La lecture des profils de ces 50 coaccusés auteurs de viols avec la complicité du mari semble montrer qu'ils seraient des hommes ordinaires de 26 à 73 ans, de grande diversité de profession, âge, etc. Mais étaient-ce des messieurs toutlemonde ? Pas forcément car certains avaient été déjà condamnés pour viols ou violence conjugale. Les féministes qui voudraient faire l'amalgame entre ces coaccusés et les hommes en général ne vont certainement pas faire avancer efficacement la cause de femmes : non ! tous les hommes ne sont pas comme ça, tous ne sont pas forcément des prédateurs sexuels, tous n'ont pas besoin de contraindre pour aimer, et même, ce qu'il y a de plus beau dans l'amour, c'est justement le consentement libre et réciproque, le sentiment d'être sur la même longueur d'onde.

    Après des reports d'audience en raison de l'état de santé du principal prévenu, Dominique Pélicot, hospitalisé pour une infection rénale, ce dernier a pris la parole au procès pour la première fois le 17 septembre 2024 pour reconnaître les faits mais aussi accuser ses complices : « Aujourd'hui, je maintiens : je suis un violeur comme tous ceux qui sont concernés dans cette salle. Ils savaient tous, ils ne peuvent pas dire le contraire. Elle ne méritait pas ça, je le reconnais. (…) Je regrette ce que j'ai fait, je demande pardon même si ce n'est pas pardonnable. ».

    Lui-même aurait été une victime de viols pendant son enfance, mais les analyses ADN ont révélé qu'il pourrait être coupable du meurtre ou du viol de Sophie Narme, une jeune fille de 23 ans en stage dans une agence immobilière, tuée en décembre 1991 à Paris. Il a été mis en examen le 14 octobre 2022 pour cette affaire parce que le schéma d'agression serait le même qu'une autre agression sexuelle sur une jeune agente immobilière de 19 ans le 11 mai 1999 à Villeparisis pour laquelle il a avoué après avoir nié (en raison de l'ADN retrouvée).

    Dominique Pélicot a été confronté le 18 septembre 2024 à des images de sa fille nue endormie, mais il a nié avoir violé sa fille et même avoir pris ces clichés. Certains des coaccusés ont rejeté la réalité du viol dont ils sont accusés, si bien que le tribunal a fait diffuser dans une salle sans public et avec l'accord de la victime, la vidéo qui les incriminent le cas échéant dans toute leur crudité. Pour sa part, Gisèle Pélicot est pour l'étalement médiatique le plus large, selon son avocat : « Il faut qu’on ait le courage de se confronter à ce qu’est véritablement le viol, dans un dossier, justement, où il est exceptionnel d’avoir la représentation précise et réelle de ce qu’est un viol, et pas simplement une description sur un procès-verbal. ».

    On voit bien que cette affaire est très compliquée car il faut pouvoir décortiquer la responsabilité des uns et des autres et tous n'ont pas le même intérêt. Ainsi, en faisant embarquer tous les coaccusés dans une responsabilité collective, Dominique Pélicot est autant un accusé qu'un accusateur.

    Mais la stratégie de défense de certains des coaccusés est plutôt révoltante. Ainsi, ont été diffusées des images de Gisèle Pélicot dénudée avant ces viols (et même d'autres personnes qui n'ont rien à voir) en renversant le procès comme si c'était le procès de la victime ! Comme si le fait de faire du naturisme ou d'être plus ou moins audacieuse sur le plan moral justifierait le fait d'être violée ! Ce type de dénigrement de la victime est absolument abject et dans tous les cas, un viol reste un viol, quelle que soit la victime, quels que fussent ses faits et gestes avant, pendant, après le viol.

    De quoi mettre en colère la victime qui a protesté : « Les 50 [accusés] derrière ne se sont pas posés la question [du consentement]. C'est quoi, ces hommes, c'est des dégénérés ou quoi ? Pas à un moment ils se sont posé la question ! ». Le pire, c'est que la version de certains coaccusés ne serait peut-être pas incompatible avec la vérité, ce sera aux jurés d'en déterminer les exactes limites. En effet, certains coaccusés ont prétendu ne pas savoir qu'il n'y avait pas consentement de la part de Gisèle. Le mari leur aurait fourni le scénario précis de ces "jeux sexuels" et ils devaient trouver Gisèle endormie, comme si elle simulait un endormissement. Toutefois, comme ils ne se connaissaient pas, c'est difficile d'admettre que ces "libertins" n'ont pas cherché à savoir si madame Pélicot était réellement consentante, quels que soient les manipulations ou mensonges de son mari.

    Cette réécriture de l'histoire, ce relativisme d'oser dire qu'il y avait « viol et viol », sous prétexte que le violeur n'aurait pas eu conscience de violer, a profondément heurté Gisèle Pélicot : « Quand on voit une femme endormie sur leur lit, il n'y a pas un moment où on s'interroge ? Il n'y a pas quelque chose qui cloche ? (…) Un viol est un viol. Que ça soit trois minutes ou une heure. C'est absolument abject ! ».

    Un des coaccusés n'aurait pas violé Gisèle mais aurait obtenu de son mari le médicament incriminé pour endormir sa propre femme et la violer plusieurs fois. Son avocat a déclaré : « Mon client est le produit de la perversion de Pélicot. Je suis intimement persuadé que si X ne rencontre pas Pélicot, il ne se passe rien. ». On voit le niveau de glauque et de dégueulasserie qui va faire surface, avec plusieurs victimes qui ne se savaient pas victimes.

    Jouer au faux candide d'un côté, attaquer la victime de l'autre. Ce genre de défense risque fortement d'agacer les jurés qui devront pourtant tenter la neutralité, évacuer toute pression médiatique ou populaire, pour juger en leur âme et conscience sur les faits établis, les seuls faits établis. Mais sans préjuger du niveau de culpabilité, du niveau d'ignorance ou de connaissance, de complicité avec le mari, on peut quand même dire que tous ces coaccusés étaient avant tout de gros dégueulasses. Cela n'en fait pas une raison seule de les condamner, mais le contexte donne une tournure particulièrement grave de leurs dégueulasseries.

    Ce procès ne doit donc pas éveiller le combat des féministes contre les méchants hommes. Il est avant tout le combat de toute l'humanité contre les violences faites aux femmes, parmi lesquelles la manipulation et le mensonge sont des moteurs particulièrement efficaces.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 septembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Viols de Mazan : quelques réflexions sur Pélicot et compagnie...
    Violence scolaire : quand une enseignante s'y met...
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
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    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
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    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240921-pelicot.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/viols-de-mazan-quelques-reflexions-256863

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/09/22/article-sr-20240921-pelicot.html




     

  • La France criminelle ?

    « La France a tué mon mari ! » (la veuve du gendarme Éric Comyn tué par un chauffard multirécidiviste, le 28 août 2024 à Mandelieu).



     

     
     


    Le lundi 26 août 2024 vers 20 heures 30, l'adjudant Éric Comyn a été mortellement blessé par un chauffard au cours d'un contrôle routier à Mougins, dans les Alpes-Maritimes, sur une bretelle de sortie de l'autoroute A8.

    Tristesse. C'est d'abord un immense drame humain. Le gendarme avait 54 ans, allait prendre sa retraite l'année prochaine, et laisse sur le carreau une famille effondrée, sa femme Harmonie et ses deux enfants, 17 ans et 12 ans. Colère. C'est ensuite une interrogation très lourde : l'auteur de l'homicide (du meurtre) était un chauffard multirécidiviste bien connu des services de la police. La justice avait fait son travail, le chauffard avait été condamné et avait fait ses peines.

    Malheureusement, ce genre de drame n'est pas le premier et on craint qu'il ne soit pas le dernier. Les refus d'obtempérer sont nombreux sur les routes de France (plusieurs dizaines de milliers par an) et l'issue reste souvent soit l'impunité, soit la victoire de la loi, mais parfois, il y a des drames, soit un membre des forces de l'ordre qui tire sur le fugitif, soit, au contraire, le délinquant qui fonce sur le membre des forces de l'ordre. L'un pouvant provoquer l'autre, d'ailleurs.

     

     
     


    Comme souvent, certains mouvements politiques tentent d'exploiter ce genre de drame humain et le font plus ou moins subtilement. En revanche, ce qui s'est passé deux jours plus tard, le mercredi 28 août 2024, à l'occasion d'un hommage rendu à Éric Comyn à Mandelieu, était assez exceptionnel. En effet, la veuve du gendarme, Harmonie Comyn a pris la parole en public, au cours ce cette cérémonie, et a chargé lourdement la France, la politique française depuis plus d'une quarantaine d'années, en fustigeant le laxisme des lois et des juges.

    Ses mots étaient très durs. Elle a répété cinq fois : « La France a tué mon mari ! », pour, chaque fois, évoquer une raison de son affirmation. Par exemple : « La France a tué mon mari par son insuffisance, son laxisme et son excès de tolérance. ». Les mots durs étaient très politiques mais apparemment pas téléphonés, pas manipulés, pas soufflés par des politiques. Elle a remis en cause la politique des socialistes des années 1980 : « 1981 n'aurait jamais dû exister. » a-t-il proclamé en pensant à l'abolition de la peine de mort. Dans la même journée, le maire de Cannes David Lisnard, potentiel candidat LR à Matignon, a également prononcé un discours assez dur et sécuritaire lors d'un autre hommage au gendarme devant la mairie de Cannes. Un hommage national lui sera aussi rendu lundi 2 septembre 2024 à Nice présidé par le Ministre de l'Intérieur et des Outre-mer démissionnaire Gérald Darmanin.

    Comment réagir face à un tel discours de la veuve d'une victime terrible du refus d'obtempérer ? Les partis d'extrême droite et de droite dure n'ont pas hésité : ils se sont engouffrés dans la brèche ouverte par cette femme en y allant avec leur populisme sécuritaire habituel dont c'est le fonds de commerce habituel. C'était prévisible et ils n'avaient du reste pas besoin de ce discours pour instrumentaliser cette tragédie comme tant d'autres (et c'est aussi l'effet de cumul qui donne aussi à penser qu'ils auraient raison alors que rien n'est simple).


    À gauche, ce n'est guère mieux, et j'aurais envie de penser que c'est même pire. Dans les réseaux sociaux, Harmonie a été insultée par de nombreux internautes de gauche ultra qui n'ont aucun respect pour la peine infinie qu'on lui a déjà infligée par ce deuil. On ménage les personnes endeuillées, en général. La palme du plus odieux doit sans doute être attribuée au journal communiste "L'Humanité" qui a eu l'horreur de titrer : « 203e morts au travail en France depuis le 1er janvier ». Quel cynisme de la rédaction communiste ! Il ne s'agit pas d'un accident du travail, il s'agit d'un crime commis en toute conscience par un chauffard de 39 ans condamné déjà dix fois !

     
     


    Ce dernier a été arrêté le soir même devant le commissariat de Cannes, testé positif pour son alcoolémie, et a prétendu qu'il avait fui par panique, qu'il n'avait pas vu le gendarme quand il l'a renversé, mais des vidéos montreraient le contraire. La justice devra dire si cet homicide a été commis délibérément, auquel cas il s'agit d'un véritable meurtre, ou si, effectivement, il n'avait pas aperçu le gendarme et qu'il l'a malheureusement heurté. Dans tous les cas, ce n'est pas un accident du travail, dû à pas d'chance ou à de mauvaises protections, mais bien d'un meurtre plus ou moins conscient par son auteur présumé.

    Le journaliste Patrick Cohen, dans sa chronique politique du 29 août 2024, s'est posé la question que je me suis aussi posée en écoutant le discours véhément d'Harmonie Comyn : que peut-on faire d'un tel discours ? Moi, j'aurais modestement tendance à dire : pas l'opposer à des arguments, mais prendre en compte sa a rage, comprendre sa rage. Ce discours ne doit pas être blâmé. Parce qu'il a été prononcé par une femme qui a perdu à la fois son compagnon et le père de ses enfants. On doit la respecter. Elle a exprimé sa colère en même temps que sa tristesse. Elle reste dans l'émotionnel et ils sont rares, les proches des victimes, capables de s'exprimer publiquement. Je le dis suffisamment à l'aise que moi-même qui voulais prononcer quelques mots à l'enterrement de mon père, j'en ai été incapable sur le moment, la voix m'avait manqué. Il faut du courage et de la force pour prononcer un discours lorsqu'on est si endeuillé.

    Ce qu'a convenu en tout cas l'éditorialiste de France Inter, c'est que toute réponse rationnelle est inutile. Inutile pour la personne qui a prononcé ces mots à la fois durs et injustes. Inutile car aucune réponse n'est audible quand on est dans un tel chagrin, meurtri par l'effondrement d'une vie commune qui a duré une trentaine d'années.


    Harmonie Comyn a formulé deux demandes au cours de son discours : que les médias ne se méprennent pas de ce qu'elle a déclaré, par exemple, elle a fustigé les récidivistes, pas les étrangers. La seconde demande, c'est qu'elle ne soit pas récupérée par les politiques (mais là, c'était déjà trop tard, l'extrême droite et les médias qui l'entourent n'ont pas hésité une seconde pour matraquer, c'était de toute façon couru d'avance).

    Patrick Cohen le dit clairement : « En pleurant son mari mort par la France, par la faute selon elle d’une société pas assez répressive, Harmonie Comyn nous interpelle, décideurs et citoyens, et nous force à réfléchir. Il ne faut ni silence, ni démagogie. ». Il croit alors utile de répondre par un discours rationnel, qui ne sera pas audible par la famille, mais par ceux qui ont entendu le discours injuste et excessif de cette veuve et mère de famille désespérée.
     

     
     


    Ainsi, le rétablissement de la peine de mort n'aurait pas empêché concrètement la mort du gendarme, car le chauffard, aussi délinquant fût-il, n'avait pas de quoi être condamné à mort même dans une société ultrapunitive, ultrarépressive. De plus, la peine de mort n'a jamais empêché les crimes d'être commis car les criminels sont dans un état second (une courte folie ?) qui les inhibe complètement de ces préventions sociales.

    La vengeance et la peine de mort n'ont jamais eu de valeur dissuasive. Patrick Cohen s'est souvenu d'une lecture qui l'avait marqué : « Arthur Koestler racontait comment, dans l’Angleterre du XVIIIe siècle qui condamnait à mort les voleurs de biens de plus de 40 shillings, les badauds qui assistaient aux pendaisons de pickpockets, se faisaient détrousser. Par d’autres pickpockets. ». C'est la même histoire cyclique que le bourreau qui se fait exécuter (selon Franquin).

    La meilleure réponse à apporter est peut-être celle d'une victime d'un délit routier qui est membre de l'association Victimes Solidaires et qui veut sensibiliser les gens sur les risques qu'ils encourent à conduire n'importe comment (par exemple, en téléphonant, en étant imbibé d'alcool ou d'autres substances, etc.). Il réclame le droit d'assister voire de proposer des exposés aux stagiaires de la formation pour la récupération de points du permis de conduire. Ce qu'il constate, c'est que souvent, les présumés chauffards ne savaient pas qu'ils se mettaient autant en danger et qu'ils mettaient les autres usagers de la route autant en danger.


    Ce militant associatif parlait sur LCI du scandale des accidents de la route qui tuent encore environ 10 personnes par jour en France. Éric Comyn, gendarme, ne faisait que vouloir faire appliquer le code de la route. Il en est mort par un fou furieux de chauffard. J'espère que les juges seront sévères avec celui-ci, mais dans le cadre de nos lois et notre État de droit (le chauffard a le droit à une défense). Pas dans le cadre d'une justice expéditive proposée par feu Alain Delon.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (31 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Création du délit d'homicide routier : seulement cosmétique ?
    La France criminelle ?
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240828-comyn.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/la-france-criminelle-256542

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/30/article-sr-20240828-comyn.html


     

  • Bill Clinton le vieillard pas encore tout à fait vieux

    « Kamala Harris est la seule candidate à cette course qui a la vision, l'expérience, le tempérament, la volonté et, oui, la joie pure pour faire quelque chose. (…) Lorsque Kamala Harris sera Présidente, chaque jour commencera par vous, vous, vous, vous ! » (Bill Clinton, le 21 août 2024 à Chicago).



     

     
     


    La Convention nationale démocrate de Chicago s'est terminée en apothéose le 22 août 2024 avec le discours de la candidate et Vice-Présidente Kamala Harris qui a présenté son programme présidentiel. Elle a mangé son pain blanc dans cette campagne qui a démarré très fort et qui est très courte, mais il lui faudra tenir encore trois mois face aux républicains et aux partisans de Donald Trump un peu troublés dans leurs arguments de campagne.

    Dans les États clefs, les sondages restent incertains, les scores très serrés, et le ralliement de Robert J. Kennedy au trumpisme fera probablement peu évoluer les sondages. Kamala Harris devra se montrer combative face à Donald Trump dans le premier débat télévisé prévu le 10 septembre 2024, et surtout, elle devra être performante dans les interviews des grandes émissions politiques à la télévision, passages toujours éprouvants car les journalistes américains n'ont rien à voir avec les journalistes français souvent allégeants et ignorants qui ne font pas leur travail.

    La Convention démocrate a été surtout l'occasion d'unifier les démocrates autour d'un projet commun, défendre les classes moyennes, et ainsi, quitter la trop grande tendance du parti démocrate depuis une décennie de n'être qu'un syndicat des nombreuses minorités dont les intérêts ne représentent pas forcément l'intérêt général. En particulier, deux anciens Présidents des États-Unis ont mouillé la chemise pour soutenir Kamala Harris. Après celui de Barack Obama, je propose ici de revenir sur le grand discours de Bill Clinton prononcé le 21 août 2024 à l'United Center de Chicago. Sa femme Hillary Clinton avait déjà prononcé le sien le 19 août 2024, en ouverture de la Convention.
     

     
     


    Bill Clinton a trois caractéristiques personnelles intéressantes dans cette campagne. Le premier point est que son épouse Hillary Clinton a tenté de conquérir en 2016 la Maison-Blanche et elle était même la favorite face à Donald Trump, et en ce sens, elle a été la première femme à s'approcher de très près de la Présidence. Elle n'y est pas arrivée, bien qu'elle ait rassemblé plus de voix que Donald Trump (c'est le système fédéral américain qui veut cela et personne ne l'a remis en cause), mais l'idée qu'une femme puisse occuper la Maison-Blanche est désormais banale et ne constitue aujourd'hui ni un atout ni un handicap. De même, la couleur de la peau, caractéristique bien dérisoire quand on postule à une fonction aussi puissante que Président des États-Unis, n'est plus un facteur essentiel. Kamala Harris est d'ailleurs peu représentative de la population afro-américaine car elle est un savant mélange d'ethnies (encore plus que Barack Obama) puisqu'elle est originaire à la fois d'Inde, de Jamaïque et est avant tout américaine. Peut-être un candidat d'origine hispanique serait plus original dans ce genre de course électorale.

    Le deuxième point est qu'en tant qu'ancien Président démocrate, Bill Clinton a bien sûr son importance pour faire converger toutes les forces de ce parti derrière sa candidate. Quand on regarde en arrière, il ne reste plus beaucoup d'anciens Présidents des États-Unis encore en vie. Trois démocrates : Jimmy Carter (bientôt centenaire, dans un mois !), Bill Clinton et Barack Obama ; deux républicains : George W. Bush (fils) et Donald Trump (qui sollicite un nouveau mandat) ; reste aussi Joe Biden, démocrate, qui, dans tous les cas, finit son mandat le 20 janvier 2025.

    Enfin, Bill Clinton a un point commun avec son redoutable adversaire (Donald Trump) : ils ont le même âge. En effet, Bill Clinton venait d'avoir (l'avant-veille) 78 ans quand il a pris la parole à Chicago. Ses rides, sa allure un peu fatiguée alors qu'il était il y a trente ans le jeune Président aux allures de John Kennedy, sont patentes, même si de loin, on devine encore une silhouette de jeune homme ! Et non sans humour, il a déclaré : « Passons maintenant à l'essentiel. Je suis trop vieux pour "dorer le lys" [pour dorer la pilule, pour enjoliver]. Il y a deux jours, j'ai eu 78 ans. L'homme le plus âgé de ma famille depuis quatre générations. Et la seule vanité personnelle que je peux affirmer est que je suis encore plus jeune que Donald Trump ! (…) Nous avons une élection à gagner et rappelez-vous que nous avons un gars qui est plutôt doué. Ce qu'il fait, Donald Trump, est un modèle de cohérence. Il divise toujours. Il continue de râler. Il continue de rabaisser les autres. Il crée le chaos et ensuite, il l'organise comme s'il s'agissait d'un art précieux. Laissez-moi vous dire qu'il ne se passe pas un jour, même si je ne suis plus à la Maison-Blanche depuis plus de vingt-trois ans, il ne se passe pas un jour sans que je ne remercie le Seigneur pour la chance que j'ai eu de servir et pour ce que cela signifiait. Et une des raisons pour lesquelles j'aime tant ce travail, est que, dans les moments les plus difficiles, même dans les jours les plus sombres, si vous faites suffisamment d'efforts, vous pouvez toujours faire quelque chose de bien pour quelqu'un d'autre. Certains jours, ce n'est pas facile à faire. ».

     

     
     


    Mais ce petit témoignage personnel avait une finalité, pointer du doigt Donald Trump : « Lui, surtout, parle de lui-même. Alors, la prochaine que vous l'entendez, ne comptez pas les mensonges, comptez le nombre d'yeux ! En bonne santé, hein ? Ses vengeances, ses plaintes, ses complots. Il est comme un de ces ténors. Ouverture. Avant qu'il ne monte sur scène comme je l'ai fait (…), ses poumons s'ouvrent en chantant moi, moi, moi, moi, moi ! ». D'où le « vous vous vous vous » de sa concurrente démocrate !

    Passage obligé, l'hommage à Joe Biden : « Je veux dire un mot sur le Président Biden. Rappelez-vous qu'il y a eu une situation improbable qui l'a fait Président. Et nous étions au milieu d'une pandémie et d'un krach économique. Il a guéri nos malades et nous a remis au travail. Il a renforcé nos alliances. Avec l'Ukraine, il a défendu la paix et la sécurité. Il tente désespérément d'obtenir un cessez-le-feu au Moyen-Orient. ».
     

     
     


    Et de souligner un véritable courage personnel : « Et puis, il a fait quelque qui est vraiment difficile à faire pour un responsable politique. Il a volontairement renoncé au pouvoir politique. Et George Washington le savait, et il l'a fait. Et il a établi la norme de deux mandats avant que cela ne devienne obligatoire. Cela a aidé sa postérité. Et cela renforcera la postérité de Joe Biden. Et c'est un contraste saisissant à ce qui se passe dans l'autre parti. Je tiens donc à le remercier. Pour son courage, sa compassion. C'est la classe, son service, son sacrifice. Il a gardé la foi et il a contaminé beaucoup d'entre nous. ».

    Bien sûr, l'heure était au soutien du ticket Harris-Walz : « Hier soir, dans ce que je pense être une série d'épisodes très émouvants, nous avons nommé [candidats] Kamala Harris et Tim Walz. Et pensez-y. Deux leaders aux vies toutes américaines mais quand même improbables. Cela ne peut arriver qu'ici. Après tout, leur carrière a commencé dans les salles d'audiences et les salles de classe communautaires. Deux dirigeants qui ont passé leur vie à faire du bon travail. Alors, c'est une des choses que j'ai remarquées au cours de ma vie de plus en plus longue, c'est une élection qui est unique pour plusieurs raisons. Tout d'abord, c'est le meilleur entretien d'embauche pour le plus beau poste du monde. Deuxièmement, la Constitution dit que nous, le peuple, faisons le recrutement. Et la troisième chose est que tous les quatre ans, nous pouvons modifier les exigences du poste. Voici donc ce que je pense parce que j'essaie d'appliquer cela à chaque élection. Ce Président va-t-il nous faire reculer ou avancer ? Ce Président donnera-t-il à nos enfants un avenir meilleur ? Cela dépend. Ce Président va-t-il nous rassembler ou nous déchirer ? Ce Président augmentera-t-il la paix, la sécurité et la stabilité ? Et la liberté, dont nous profitons et l'étendons aux autres autant que nous le pouvons ? Nous, le peuple, devons prendre une décision à propos de ce genre de question. Et tous les quatre ans, c'est un peu différent parce que ce sont les gens qui présentent les candidats. Et vont voir les candidats et ils disent, comme ils le disent maintenant. Voici nos problèmes, résolvez-les ! Voici nos chances, saisissez-les ! Voici nos craintes, réduisez-les ! Voici nos rêves, aidez-nous à les réaliser ! Un Président peut répondre à cet appel en disant. Je ferai ma part, mais tu dois m'aider. Nous devons travailler ensemble. Ou vous pouvez éviter ce qui doit être fait en nous divisant, en nous distrayant et en nous dispersant. Donc, en 2024, nous avons un choix assez clair, il me semble. Kamala Harris pour le peuple et l'autre gars qui a prouvé, encore plus que la première fois, qui parle de moi, de moi-même et de moi-même ! Je sais lequel je préfère pour notre pays. Kamala Harris travaillera à résoudre nos problèmes, saisir nos chances, apaiser nos peurs, et assurer que chaque Américain, quelle que soit la manière dont il vote, ait une chance de poursuivre ses rêves. Vous savez, quand elle était jeune, elle travaillait chez MacDonald, et elle a salué chaque personne avec ce sourire mille fois radieux : comment puis-je vous aider ? Maintenant, elle est au sommet du pouvoir et elle demande toujours : comment puis-je vous aider ? Je serai si heureux quand elle entrera effectivement à la Maison-Blanche en tant que Présidente. Parce qu'elle battra mon record de Président ayant passé le plus de temps chez MacDonald ! ».
     

     
     


    Bill Clinton a rappelé aussi que la politique économique des démocrates a toujours été un succès depuis une trentaine d'années : « Depuis la fin de la guerre froide en 1989, l'Amérique a créé environ 51 millions de nouveaux emplois. Je vous jure que j'ai vérifié ça trois fois ; même moi, je n'arrivais pas à y croire ! Quel est le score ? Les démocrate en ont gagné cinquante contre un les républicains. ». Longs applaudissements. Il est loin le temps où les républicains, du temps de Ronald Reagan, écrasaient idéologiquement les démocrates.

    Les grands-messes que sont les conventions électorales aux États-Unis sont souvent l'occasion de revoir des anciens dirigeants sortis de leur retraite pour soutenir activement leur nouveau champion. Cette année, ce sera une championne, et elle tend à devenir la favorite. Kamala Harris est la nouvelle mode du pays, il ne dépend que d'elle qu'elle soit la nouvelle Présidente.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (24 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Bill Clinton.
    Vera Miles.
    Les Yes-She-Can de Barack Obama !
    Kamala Harris sera-t-elle la première femme Présidente des États-Unis ?
    USA 2024 : Joe Biden se retire et soutient Kamala Harris !
    Donald Trump victime d'une tentative d'assassinat.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Ronald Reagan.
    Triste Trump (hic) !
    Paul Auster.
    Standard & Poor's.
    Moody's et Fitch.
    Les 75 ans de l'OTAN.
    Lee Marvin.
    Les 20 ans de Facebook.
    Bernard Madoff.
    La crise financière mondiale de 2008.

    La boîte quantique.
    Maria Callas.
    Henry Kissinger.
    Alexander Haig.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240821-bill-clinton.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/bill-clinton-le-vieillard-pas-256443

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/22/article-sr-20240821-bill-clinton.html



     

  • Les Yes-She-Can de Barack Obama !

    « Nous avons la chance d'élire quelqu'un qui a passé sa vie à essayer de donner aux gens les mêmes chances que l'Amérique lui a données, quelqu'un qui vous voit et qui vous entend, et qui se lèvera et se battra chaque jour pour vous, la prochaine Présidente des États-Unis, Kamala Harris ! » (Barack Obama, le 20 août 2024 à Chicago).



     

     
     


    Depuis un mois, depuis le 21 juillet 2024, il existe aux États-Unis une véritable kamalamania. Depuis l'abandon de la candidature du Président Joe Biden (81 ans), la campagne présidentielle aux États-Unis (les élections auront lieu le 5 novembre 2024) a pris un véritable nouveau cours. Jusque-là, Donald Trump (78 ans) était en tête des sondages d'intentions de vote parce qu'il bénéficiait de l'âge et des gaffes de son adversaire déclaré, Joe Biden. L'attentat du 13 juillet 2024 qui a manqué de très peu de l'atteindre a renforcé son avance dans les sondages, quoi que, finalement, il n'y a pas eu vraiment de variation dans l'opinion publique américaine, seulement des arguments de campagne en plus pour les trumpistes : difficile de menacer la démocratie quand on est soi-même victime d'un attentat.

    Et puis est arrivée Kamala Harris (59 ans), ancienne procureure générale de Californie (2011-2017) puis sénatrice (2017-2021), et surtout, actuelle Vice-Présidente des États-Unis depuis le 20 janvier 2021, et en particulier, la première femme à ce poste très important. Dans l'ombre de Joe Biden, elle n'avait pas vraiment ébloui le peuple américain et le dossier chaud que le Président lui a sournoisement confié, l'immigration, n'a pas été vraiment traité de manière convaincante (c'est le moins qu'on puisse dire), mais sa candidature, évidente, après le désistement de Joe Biden, a fait monter une sauce médiatique qui a fait jusqu'à oublier l'attentat contre Donald Trump : la vague qui porte aujourd'hui Kamala Harris est très forte même si elle reste fragile.

    Dès le 23 juillet 2024, Kamala Harris a annoncé avoir le soutien de la majorité des délégués du parti démocrate, officiellement confirmé par le parti démocrate lui-même le 2 août 2024. Donc, aucun suspense dans cette course interne. Quelques jours plus tard, le 6 août 2024 à Philadelphie, Kamala Harris a annoncé qu'elle a choisi pour colistier (candidat à la Vice-Présidence) son contraire, Tim Walz (60 ans), gouverneur du Minnesota depuis 2019, ancien député (membre de la Chambre des représentants) de 2007 à 2019, ancien professeur de géographie et membre de la Garde nationale.


    La grande fête d'investiture a lieu en ce moment, au cours de la Convention nationale démocrate de Chicago qui se déroule du 19 au 22 août 2024 à l'United Center, dans la banlieue ouest de Chicago. Comme prévu, cet événement est l'occasion de parfaire les thèmes de campagne et d'avoir des soutiens essentiels. Le premier soir, le 19 août 2024 a eu lieu le discours du Président Joe Biden, qui a été particulièrement ovationné par les participants, comme si c'était son discours d'adieu. Il faut remarquer que c'est la première fois qu'un candidat à un mois de la Convention renonce à sa candidature et il lui a fallu beaucoup de courage pour déclarer forfait.

    Mais grâce à lui, les choses vont différemment : le vieux candidat, ce n'est plus le candidat démocrate mais le candidat républicain. Il ne s'agit plus de se défendre des bourdes et autres maladresses que l'âge ou simplement la distraction ont provoquées chez Joe Biden, mais d'avoir une campagne offensive pour remobiliser tous les laissés pour compte du parti démocrate.
     

     
     


    La journée du mardi 20 août 2024 était la journée Obama : deux grands discours, d'abord Michelle Obama (60 ans), l'ancienne première dame des États-Unis, puis Barack Obama (63 ans), l'ancien Président des États-Unis (2009-2017).

    Deux discours qui ont été très applaudis par la salle. Michelle Obama a sans doute eu le plus d'ovations, elle semble être très appréciée des militants démocrates, et elle vend même plus de bouquins que son mari. Sa grande popularité, elle la doit aussi parce qu'elle a été très claire : elle n'a aucune intention de faire de la politique (au contraire de l'ancienne première dame Hillary Clinton) et se sent donc complètement libre.

    Quand elle a donné la parole à son époux, Barack Obama a reconnu que ce n'était pas facile de lui succéder à la tribune. Très étrange Barack Obama qui semblait un peu à bout de souffle, fatigué, vieilli, comme si l'exercice du pouvoir l'avait épuisé. Il a pourtant à peu près le même âge que les candidats d'aujourd'hui, et s'il a apporté un soutien fort et total à Kamala Harris, c'était aussi pour se faire pardonner de ses réticences du mois dernier, il voulait une vraie compétition pour la candidature démocrate et ne lui avait pas apporté tout de suite son soutien.

     

     
     


    De son âge, d'ailleurs, il en a plaisanté : « Cela fait seize ans que j'ai eu l'honneur d'accepter la nomination de ce parti à la Présidence, et je sais que c'est difficile à croire parce que je n'ai pas vieilli du tout, mais c'est vrai ! Et avec le recul, je peux vous dire sans aucun doute que ma première grande décision en tant que candidat s'est avérée être l'une de mes meilleures, et c'était de demander à Joe Biden de servir à mes côtés en tant que Vice-Président. ».

    Dans la première partie de son discours, Barack Obama a ainsi rendu hommage à Joe Biden avec qui il a travaillé huit ans à la Maison-Blanche : « Ce que j'en suis venu à admirer le plus chez Joe, ce n'était pas juste son intelligence, son expérience, c'était son empathie, sa décence et sa résilience durement gagnée, sa conviction inébranlable que tout le monde dans ce pays mérite une chance équitable. ».

    Il a poursuivi ainsi : « À une époque où l'autre parti [républicain] était devenu un culte de la personnalité, nous avions besoin d'un leader stable, qui rassemble les gens et qui soit suffisamment altruiste pour faire la chose la plus rare en politique, mettant son ambition de côté pour le bien du pays. L'histoire se souviendra de Joe Biden comme d'un Président exceptionnel qui a défendu la démocratie à un moment de grand danger, et je suis fier de l'appeler mon Président mais je suis encore plus fier de l'appeler mon ami ! ».

    Barack Obama a mis en garde sur le fait que l'élection serait très serrée et que les démocrates devraient mettre toute leur énergie dans cette bataille, car le pays est très divisé, « un pays où trop d'Américains sont encore en difficulté, où beaucoup d'Américains ne croient pas que le gouvernement puisse les aider ». Ajoutant : « Les gens qui décideront de cette élection posent une question très simple : qui se battra pour moi ? qui pensera à mon avenir, à l'avenir de mes enfants, à notre avenir tout ensemble ? ».

    Et d'embrayer contre Donald Trump : « Une chose est sûre, c'est que Donald Trump ne perd pas le sommeil à cause de cette question. Voici un milliardaire de 78 ans qui n'a pas arrêté de se plaindre de ses problèmes depuis qu'il est descendu de son grand escalator il y a neuf ans [Donald Trump a annoncé sa candidature le 16 juin 2015 en descendant de l'escalator d'honneur de la Trump Tower]. Il y a eu un flux constant de plaintes et de griefs qui ont en fait empiré maintenant qu'il a peur de perdre contre Kam. Il y a les surnoms enfantins, les théories du complot folles, cette obsession étrange avec la taille de la foule (assistant à ses meetings) ! » en mimant avec ses mains la taille petite implicitement du sexe de son adversaire. Les discours électoraux aux États-Unis, même prononcés par des intellos, sont toujours du registre de la cour de récréation... Du moins, les plus efficaces.
     

     
     


    Il a continué : « La vérité est que Donald Trump ne voit le pouvoir que comme un moyen d'atteindre ses objectifs. Il veut que la classe moyenne paie le prix d'une nouvelle énorme réduction d'impôts qui l'aiderait principalement lui, et ses riches amis. Il a tué un accord bipartisan sur l'immigration rédigé en partie par les républicains les plus conservateurs du Congrès qui aurait contribué à sécuriser notre Mur du Sud, parce qu'il pensait qu'essayer de résoudre réellement le problème nuirait à sa campagne. (…) Et surtout, Donald Trump veut nous faire croire que ce pays est désespérément divisé entre "nous" et "eux", entre les vrais Américains, ceux qui le soutiennent bien sûr, et les étrangers qui ne le soutiennent pas. Et il veut que vous pensiez que vous serez plus riche et plus en sécurité si vous lui donnez simplement le pouvoir de remettre ces autres personnes à leur place. C'est l'un des plus vieux trucs en politique (…). Nous n'avons pas besoin de quatre années supplémentaires de fanfaronnades, de maladresses et de chaos. Nous avons déjà vu ce film et nous savons tous que la suite est généralement pire. ».

    Est arrivée enfin la partie sur Kamala Harris : « L'Amérique est prête pour un nouveau chapitre. L'Amérique est prête pour une meilleure histoire. Nous sommes prêts pour la Présidente Kamala Harris, et Kamala Harris est prête pour le job ! (…) Kamala n'est pas née dans un privilège, elle a dû travailler pour ce qu'elle est et elle se soucie vraiment de ce que les autres vivent. (…) Kamala Harris ne se concentrera pas sur ses problèmes, elle se concentrera sur les vôtres. ».

    Il a balayé beaucoup de sujets de préoccupation comme le logement : « Nous devons tracer une nouvelle voie pour relever les défis d'aujourd'hui, et Kamala comprend cela, elle sait par exemple que si nous voulons rendre les choses plus faciles pour que plus de jeunes puissent acheter une maison, nous devons construire plus d'unités et éliminer certaines des lois et réglementations obsolètes qui rendent plus difficile la construction de logements pour les travailleurs dans ce pays. Ceci est une priorité et elle a présenté un nouveau plan audacieux. ». Il a aussi affirmé que les travailleurs des emplois ingrats devraient négocier avec Kamala Harris des salaires plus décents, les aide-soignantes, les balayeurs de rues, etc.
     

     
     


    « Yes, she can ! » [Oui, elle peut le faire !]. Reprenant son ancien slogan très porteur (Yes We Can), Barack Obama a placé la candidature de Kamala Harris dans la continuité de la sienne en 2008. « Kamala et Tim [Walz] comprennent que lorsque tout le monde a une chance équitable, nous sommes tous mieux lotis. Ils comprennent que lorsque chaque enfant reçoit une bonne éducation, l'économie entière devient plus forte. Lorsque les femmes sont payées le même salaire que les hommes pour faire le même travail, toutes les familles en bénéficient. Ils comprennent que nous pouvons sécuriser nos frontières sans arracher les enfants à leurs parents, tout comme nous pouvons assurer la sécurité dans nos rues tout en renforçant la confiance entre les forces de l'ordre et les communautés qu'elles servent et tout en éliminant les préjugés, ce qui améliorera la situation pour tout le monde. (…) L'Amérique à laquelle croient Kamala Harris et Tim Walz, est une Amérique où nous, le peuple, incluons tout le monde, parce que c'est la seule voie pour cette expérience américaine. ».

    Barack Obama a donc beaucoup parlé de classes populaires et de classes moyennes, celles qui avait été convaincues par Donald Trump en novembre 2016. Car pour lui, il ne faut pas que la kamalamania soit juste le phénomène d'une élite boboïsante, mais bien celui de tout un peuple. Il faut donc s'adresser aux "petites gens" que représente bien Tim Walz simple prof de géo, dont les vêtements, selon Barack Obama, ne sont pas le résultat de conseillers en communication mais viennent simplement de son placard !

    Barack Obama a aussi opposé la liberté des gros industriels à polluer l'air et à infester les rivières à la liberté des gens à respirer de l'air pur et à boire de l'eau propre, qu'il a considérée comme une liberté encore plus importante. En somme, la liberté des gros face à la liberté des petits.

    Et l'ancien Président a beaucoup insisté pour faire une démocratie très vivante, faite d'égalité et de liberté : « La démocratie n'est pas seulement un tas de principes abstraits et de lois poussiéreuses dans un livre quelque part, ce sont les valeurs avec lesquelles nous vivons, la façon dont nous nous traitons les uns les autres, y compris ceux qui ne nous ressemblent pas, ne prient pas comme nous, et ne voient pas le monde comme nous. Ce sentiment de respect mutuel doit faire partie de notre message. Nos politiques sont devenues tellement polarisées ces jours-ci que nous tous, quel que soit le spectre politique, semblons si rapides à supposer le pire chez les autres, à moins qu'ils ne soient d'accord avec nous sur chaque question, nous commençons à penser que la seule façon de gagner est de blâmer, de faire honte et de crier de l'autre côté, et après un certain temps, les gens ordinaires se déconnectent ou ne se soucient plus de voter. ».

    En écoutant ce discours, où l'intelligence et le charisme étaient au rendez-vous, on se surprend à penser que les États-Unis, ce ne sont pas seulement des cow-boys qui réagissent un peu simplement au quart de tour en tirant dans le tas, il y a aussi des gens sophistiqués, qui ont une pensée cohérente (j'allais écrire complexe) et aboutie et surtout, qui développent beaucoup d'empathie.

    Proche de l'aile centriste du parti démocrate, ce qui pourrait séduire les électeurs républicains hésitants pour Donald Trump, Kamala Harris, dont le parcours professionnel et personnel californien est le résultat flamboyant du rêve américain, ce qu'on appellerait en France du mérite républicain, pourrait tomber dans le piège de ne s'adresser qu'aux élites hollywoodiennes et washingtoniennes. Barack Obama lui a rappelé qu'il faut s'adresser avant tout à ceux qui n'ont rien et qui feront la différence le soir du vote, soit par leur participation soit par leur adhésion au camp démocrate. Fort de ce constat d'un pays profondément divisé, l'ancien Président des États-Unis a donné un mode d'emploi pour le vivre ensemble, après le risque Trump.

    Le lendemain, c'était au tour de l'ancien Bill Clinton d'apporter son onction à Kamala Harris.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (21 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :

    Kamala Harris sera-t-elle la première femme Présidente des États-Unis ?
    USA 2024 : Joe Biden se retire et soutient Kamala Harris !
    Donald Trump victime d'une tentative d'assassinat.
    Les 80 ans du Débarquement en Normandie.
    Ronald Reagan.
    Triste Trump (hic) !
    Paul Auster.
    Standard & Poor's.
    Moody's et Fitch.
    Les 75 ans de l'OTAN.
    Lee Marvin.
    Les 20 ans de Facebook.
    Bernard Madoff.
    La crise financière mondiale de 2008.

    La boîte quantique.
    Maria Callas.
    Henry Kissinger.
    Alexander Haig.
    Katalin Kariko et Drew Weissman.
    Rosalynn Carter.
    Walter Mondale.
    Marathonman.
    Bob Kennedy.










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240820-obama.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/les-yes-she-can-de-barack-obama-256431

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/08/21/article-sr-20240820-obama.html




     

  • La nuit bleue de Lina

    « Ça donne un peu d’espoir pour retrouver une trace. Est-ce qu’elle est vivante ? On l’espère tous... » (un habitant de Plaine, le 27 juillet 2024 sur France Info).


     

     
     


    Lina Delsarte a été, avec Émile Soleil, l'une de des enfants disparus de l'année 2023, en période estivale (ou quasi-estivale). Les deux disparitions étaient très différentes, l'une concernant un petit bout de chou de 2 ans, disparu le 8 juillet 2023, l'autre une adolescente déjà grande de 15 ans, disparue le 23 septembre 2023. Mais elles avaient un point commun.

    Les deux enquêtes étaient telles, dans leur incapacité à privilégier une piste ou l'autre, avec même parfois des fausses pistes, qu'à la fin de l'année 2023, il y avait une quasi-certitude que la disparition de ces deux enfants resterait un mystère complet. Pendant longtemps, les enquêtes ont pédalé dans la semoule, les recherches pourtant très élaborées n'ont abouti à rien, aucun indice, aucune piste sérieuse.

    Lina a disparu sur le chemin entre chez elle et la gare pour prendre le train pour Strasbourg et rejoindre son petit ami de 19 ans, le samedi 23 septembre 2023 en fin de matinée. La dernière géolocalisation de son smartphone a été enregistrée à 11 heures 22, ce qui correspond aussi à l'heure où des témoins l'ont aperçue. C'est le petit ami qui l'attendait à la gare de Strasbourg qui a alerté la mère de Lina de son absence, et les caméras de surveillance n'ont pas vu Lina embarquer dans le train prévu. La gendarmerie a publié un avis de disparition inquiétante dès l'après-midi du samedi. Plusieurs opérations de ratissage ont eu lieu les jours qui ont suivi, sans résultat. Le petit ami a été menacé plusieurs fois par des accusateurs qui le considéraient comme responsable de la disparition.

    Grâce à l'ADN, les enquêtes ont cependant pu avancer d'un bond. Hélas, pas pour de bonnes nouvelles. Le corps d'Émile a été retrouvé dans une forêt, ses ossements, identifiés par une analyse génétique, ont été retrouvés par une randonneuse et, si on ne sait pas ce qui est réellement arrivé au malheureux Émile, on sait, trois fois hélas, qu'il n'est plus de ce monde depuis longtemps.
     

     
     


    Pour Lina, qui a disparu à Plaine, dans le Bas-Rhin, la situation reste encore très mystérieuse même si l'enquête a beaucoup avancé grâce à son ADN, le premier indice de cette enquête, qu'on a retrouvé dans une voiture volée qui se trouvait pas loin de lieu de disparition de l'adolescente le jour de sa disparition et qui a été retrouvée dans le Languedoc-Roussillon fin mai et début juin 2024 (cette information a été communiquée par la justice le 26 juillet 2024). La procureure de Strasbourg a annoncé le 30 juillet 2024 que le véhicule volé incriminé a été saisi et son propriétaire, après avoir été entendu par la police pour le vol de son véhicule, s'est suicidé peu de temps après, le 10 juillet 2024 à Besançon, en laissant une lettre à ses deux enfants disant ses regrets et sa honte, sans évoquer Lina.

    De nouvelles fouilles ont été effectuées du 30 juillet au 2 août 2024, en Alsace et dans les Vosges, sans résultat non plus, malgré la géolocalisation de la voiture dans cette zone au moment de la disparition de Lina (le conducteur y aurait fait un arrêt d'une heure trente).

    Le principal suspect, le propriétaire de la voiture qui aurait transporté Lina le jour de sa disparition, est mort sans avoir indiqué s'il était le responsable de la disparition voire de la mort de Lina et sans avoir indiqué le cas échéant où elle se trouvait, elle ou son corps.

    La presse a évoqué largement le profil chaotique de ce suspect, un quadragénaire qui a eu de lourds antécédents de drogue, de bipolarité, de problèmes psychiques, et aussi de vols, d'enlèvements de jeunes filles, etc. Il était très dépressif et connu de la justice. Ce qui est notable également, c'est que, contrairement à un assassin d'enfants comme Michel Fourniret, dont le visage et la silhouette laissent deviner une personne inquiétante, le suspect n'effrayait pas physiquement, semblait tout à fait normal, sans allure inquiétante, avec du reste un nom et une apparence bien français (je le précise car il est souvent de bon ton de répéter, à tort, que les auteurs de meurtres seraient souvent issus de l'immigration, pour rester soft).

    La justice a communiqué avec parcimonie et retard ces nouveaux éléments de l'enquête, probablement avec un objectif précis. Peut-être envisage-t-elle une autre personne impliquée ? Les chances de revoir Lina sourire à nouveau, bien vivante, se réduisent malheureusement depuis ces nouveaux faits.

    Ce qui est troublant aussi, c'est que deux autres affaires, qui n'ont en principe rien à voir avec sa disparition, ont eu lieu : la mort de son premier petit ami (à 22 ans) le 1er octobre 2023 d'un accident de voiture (il roulait trop vite et a été flashé à 185 kilomètres par heure ; l'enquête a conclu qu'il ne s'agissait pas d'un suicide). En outre, Lina avait déposé plainte en juin 2022 car victime d'un viol en réunion (elle avait 13 ans), plainte initialement classée sans suite mais reprise par l'ouverture d'une information judiciaire en février 2024, là aussi sans rapport avec sa disparition.

    Lina avait obtenu le brevet des collèges en juin 2023 et préparait un CAP Aide à la personne. Elle aurait dû fêter son 16e anniversaire ce samedi 10 août 2024. Un anniversaire de larmes.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 août 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La nuit bleue de Lina.
    La nuit de Célya.
    La nuit d'Émile Soleil.
    Affaire Grégory : la vérité sans la boue ?
    Alexandra Sonac et sa fille adolescente.
    Harcèlement scolaire et refus d'obtempérer.
    Alisha, victime d’un engrenage infernal.
    À propos de la tragique disparition de Karine Esquivillon...
    Meurtre de Lola.
    Nos enseignants sont des héros.
    La sécurité des personnes face aux dangers.


     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240730-lina.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/la-nuit-bleue-de-lina-256111

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/30/article-sr-20240730-lina.html